tag:theconversation.com,2011:/us/topics/monnaie-21214/articlesmonnaie – The Conversation2024-03-21T15:41:07Ztag:theconversation.com,2011:article/2227882024-03-21T15:41:07Z2024-03-21T15:41:07ZEn 25 ans d’existence, l’euro a balayé les critiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/573436/original/file-20240205-21-uziwr8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La population européenne se déclare aujourd'hui à 80% favorable à la monnaie unique.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.publicdomainpictures.net/fr/view-image.php?image=150636">Publicdomainpictures.net</a></span></figcaption></figure><p>25 ans après son lancement officiel en 1999, l’euro est un adulte en pleine forme et le nombre de pays de la zone euro n’a cessé de croître depuis sa création, passant de 11 en 1999 à 20 avec l’entrée de la Croatie le 1<sup>er</sup> janvier 2023. Selon les termes mêmes du traité de Maastricht, la zone euro doit d’ailleurs poursuivre son élargissement à moyen terme à tous les pays de l’Union européenne (UE) qui n’ont pas souscrit explicitement une clause d’« opt out » (désengagement) comme le Danemark.</p>
<p>Au-delà du cercle officiel de ses quelque 330 millions d’usagers équivalent à la population des États-Unis (340 millions) et incluant 4 micro-États officiellement autorisés à l’utiliser (Andorre, Monaco, Saint-Marin et Le Vatican), l’euro étend son influence à des pays ou régions qui en ont fait unilatéralement leur monnaie, <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/leuro-au-centre-des-reglements-de-comptes-entre-le-kosovo-et-la-serbie-2072577">comme le Monténégro ou le Kosovo</a>, ou qui indexent volontairement leur devise sur la monnaie commune.</p>
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<p>Succès planétaire, il est accepté comme moyen de paiement dans de nombreux territoires et même… par les <a href="https://www.geneva-airport-taxi.com/fr/prix-du-taxi-geneve-ce-que-vous-devez-savoir-avant-de-reserver-votre-course/">taxis de Genève</a>.</p>
<h2>Prophéties erronées</h2>
<p>Au sein même de la zone euro, les virulentes critiques des partis eurosceptiques qui estimaient que la monnaie était une forme d’abdication de la souveraineté nationale se sont progressivement estompées. La hausse régulière du taux d’adhésion de la population, qui se situe à <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/la-cote-de-popularite-de-leuro-continue-daugmenter-2030912">près de 80 % aujourd’hui</a>, les ont en effet progressivement contraints à abandonner une posture radicale car <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/01/01/pourquoi-la-sortie-de-l-euro-n-est-plus-un-slogan-politique_6107844_3234.html">trop coûteuse électoralement</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1727563747680551167"}"></div></p>
<p>Pour mesurer le succès de l’euro, il faut également se souvenir des pronostics apocalyptiques de nombre d’économistes monétaires anglo-saxons qui affirmaient que le projet ne verrait jamais le jour et que, dans l’hypothèse peu probable de son lancement, la monnaie exploserait à la première grande crise.</p>
<p>Au premier rang des sceptiques, <a href="https://www.project-syndicate.org/commentary/the-euro--monetary-unity-to-political-disunity">l’économiste américain Milton Friedman</a> expliquait en 1997, soit deux ans avant sa naissance, que, contrairement aux États-Unis, les fragmentations du droit du travail et des protections sociales nationales très disparates brideraient la libre circulation des hommes et des capitaux <a href="https://www.melchior.fr/notion/zone-monetaire-optimale">nécessaires au mécanisme d’ajustement d’une zone monétaire optimale</a>.</p>
<p>Sur un territoire connaissant de fortes divergences de cycles économiques, par exemple entre pays industriels et touristiques, la politique monétaire de la future banque centrale s’apparenterait donc, comme l’expliquait alors Rudiger Dornbusch, professeur au MIT, à <a href="https://econpapers.repec.org/paper/cprceprdp/1804.htm">« tirer sur une cible mouvante dans le brouillard »</a>.</p>
<p>Dernier argument de taille des eurosceptiques : en cas de crise grave localisée dans un seul pays, le carcan de la monnaie unique interdirait toute dévaluation de la monnaie, se traduisant nécessairement par un violent ajustement interne sous forme d’une chute brutale des revenus et du pouvoir d’achat insupportables pour la population.</p>
<h2>La Grèce toujours dans le club</h2>
<p>C’est exactement ce qui s’est produit en Grèce au cours de la longue crise financière de 2008-2015. Le pays a effectivement frôlé la sortie de l’euro lors du référendum national du 5 juillet 2015 par lequel les citoyens grecs ont refusé à une large majorité (60 %) les conditions du plan de sauvegarde imposé par la Banque centrale européenne (BCE), la Commission européenne et le Fonds monétaire international (FMI).</p>
<p>Découvrant dès le lendemain l’impossibilité de retirer des billets aux distributeurs, les députés grecs ont finalement approuvé en catastrophe, le 13 juillet 2015, un plan de rigueur encore plus douloureux pour rester dans l’euro.</p>
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<p>Depuis 2019 les drames de l’hyperinflation dans deux pays proches, au Liban qui a fait basculer <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/08/02/le-liban-trahi-par-ses-responsables_6184233_3232.html">80 % du pays dans la grande pauvreté</a> et <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-turquie-finit-l-annee-avec-quasiment-65-d-inflation-sur-un-an-en-decembre-un-record-987002.html">dans une moindre mesure en Turquie</a>, ont achevé de convaincre les Européens de la protection d’une monnaie forte.</p>
<p>Si les habitants de la zone euro ont très vite pris conscience des <a href="https://european-union.europa.eu/institutions-law-budget/euro/benefits_fr">avantages pratiques</a> de la monnaie unique avec la disparition des frais de transaction et du risque de change d’Helsinki à Lisbonne, les entreprises ont pu de leur côté comparer les prix et mettre en place rapidement des plans stratégiques servant un vaste marché unique. Quant aux marchés financiers, ils ont gagné en stabilité et en profondeur au fil de leur intégration, symbolisée par l’émergence de la <a href="https://www.abcbourse.com/apprendre/1_euronext.html">bourse paneuropéenne Euronext en 2000</a>.</p>
<h2>Le rôle clé de la BCE</h2>
<p>Si l’euro est une indéniable réussite, le mérite en revient d’abord à la Banque centrale européenne (BCE) qui a su gérer deux crises économiques d’une ampleur jamais vue depuis 1929. Face aux deux cataclysmes économiques de 2008 et 2020, elle a dû, comme les autres grandes banques centrales, réviser de fond en comble une doctrine multiséculaire depuis la création de la banque d’Angleterre en 1694 en appliquant pour la première fois de son histoire, une politique monétaire dite non conventionnelle.</p>
<p>Mêlant taux d’intérêt nuls, <a href="https://www.ecb.europa.eu/ecb/educational/explainers/tell-me-more/html/why-negative-interest-rate.fr.html">voire négatifs</a>, et émission massive de monnaie qui a <a href="https://www.economist.com/special-report/2022/04/20/the-perils-of-expanded-balance-sheets">multiplié la taille de son bilan</a>, cette politique audacieuse a permis d’éviter deux dépressions économiques durables.</p>
<p>Tout au plus peut-on reprocher à l’actuelle présidente de la BCE, Christine Lagarde, et ses collègues de Francfort d’avoir tardé, <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">contrairement à la Réserve fédérale américaine</a> (Fed), beaucoup plus réactive, à remonter les taux quand l’inflation a resurgi brutalement en 2021. La BCE, alors soucieuse d’éviter une rechute de l’économie, avait sous-estimé la composante monétaire de l’inflation pour l’attribuer essentiellement aux chocs externes et aux goulets d’étranglement logistiques liés au Covid-19 et à la guerre en Ukraine.</p>
<p>Loin de l’affaiblir, les crises de sa jeunesse ont donc renforcé le pouvoir de la BCE, car après la crise des subprimes de 2008, il est apparu clairement que la stabilité financière impliquait une meilleure supervision des mastodontes de la finance qu’étaient devenues les grandes banques. Les États membres de l’Union européenne ont ainsi confié en 2014 à la BCE la supervision des 130 plus grandes banques européennes dites systémiques (qui risquaient d’ébranler la stabilité financière de la zone) maintenant le reste des <a href="https://www.vie-publique.fr/parole-dexpert/271077-la-banque-centrale-europeenne-une-institution-aux-pouvoirs-renforces">quelque 8 300 banques de la zone euro</a> sous le contrôle du superviseur national (l’ Autorité de contrôle prudentiel et de résolution en France).</p>
<h2>Construction inachevée</h2>
<p>Si l’Europe a évité les conséquences des faillites de la Silicon Valley Bank aux États-Unis et du Credit Suisse en 2023, il reste encore à parfaire l’union bancaire par un véritable système européen d’assurance des dépôts, aujourd’hui bloqué par l’Allemagne qui <a href="https://fr.euronews.com/business/2023/03/27/pourquoi-lunion-bancaire-de-lue-nest-pas-encore-achevee">refuse toujours une solidarité financière</a> avec les pays du Sud du continent.</p>
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<p>Mais le point noir de la zone euro reste incontestablement le renforcement du pilier budgétaire de l’union monétaire. Pour faire partie du club de l’euro, chaque pays devait satisfaire à 5 critères de convergence : un déficit public inférieur à 3 % du PIB, une dette publique inférieure à 60 % du PIB, une inflation faible, des taux d’intérêt à long terme modérés et une stabilité de son taux de change par rapport aux autres devises européennes.</p>
<p>Une fois dans le club, le Pacte de stabilité et de croissance mis en place en 1997 était <a href="https://www.vie-publique.fr/fiches/21801-quest-ce-que-le-pacte-de-stabilite-et-de-croissance-psc">censé discipliner les États membres</a> en assurant un minimum de discipline budgétaire pour éviter qu’un pays trop dépensier n’emprunte excessivement, entraînant une hausse des taux d’intérêt à long terme préjudiciable aux autres pays membres ou générant une méfiance vis-à-vis de la monnaie.</p>
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<p>Or, les grandes crises de 2008 et de 2020 ont nécessité des politiques de soutien à l’activité via une hausse spectaculaire des déficits et de la dette. Ces politiques contra-cycliques ont conduit à une divergence entre les pays dits « frugaux » du Nord et les cigales – parmi lesquelles on peut classer la France. Cette divergence s’est en effet accentuée à partir de mars 2020 quand la Commission européenne a invoqué les circonstances exceptionnelles prévues par le traité pour suspendre les effets du Pacte jusqu’à la fin 2023.</p>
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<p>Néanmoins, l’euro dispose aujourd’hui d’une assise suffisante pour envisager ses futures évolutions comme la mise en place d’un <a href="https://www.ecb.europa.eu/paym/digital_euro/faqs/html/ecb.faq_digital_euro.fr.html">e-euro ou euro numérique</a>. Ce nouveau moyen de paiement, instantané et gratuit pour les particuliers et les entreprises, rapide et sécurisé, serait directement émis par le Système européen de banques centrales de la zone euro, mais géré par des fournisseurs de services de paiement rémunérés par les commerçants via des commissions très faibles. Il devrait voir le jour à l’horizon 2026-2027.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570572/original/file-20240122-23-pnbclg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Cette contribution est publiée en partenariat avec le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/">Printemps de l’Économie</a>, cycle de conférences-débats qui se tiendront du mardi 2 au vendredi 5 avril au Conseil économique, social et environnemental (Cese) à Paris. Retrouvez ici le <a href="https://www.printempsdeleco.fr/12e-edition-2024">programme complet</a> de l’édition 2024, intitulée « Quelle Europe dans un monde fragmenté ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222788/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Éric Pichet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les partis eurosceptiques ont notamment abandonné leur rhétorique, devenue trop coûteuse électoralement, contre la monnaie unique.Éric Pichet, Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2220762024-01-29T15:46:30Z2024-01-29T15:46:30Z« Pas de paiement en liquide » : quid des millions d’Américains qui n’ont pas de compte bancaire ?<p>Combien de personnes n’ont pas de <a href="https://theconversation.com/topics/banque-22013">compte bancaire</a> ? Et à quel point est-il devenu difficile de vivre sans compte bancaire ? Ces questions deviennent de plus en plus importantes à mesure que de <a href="https://www.chicagotribune.com/business/ct-biz-cashless-backlash-20180710-story.html">plus en plus d’entreprises</a> <a href="https://www.wmtw.com/article/cashless-businesses-south-portland-come-under-fire/40450267">refusent d’accepter l’argent liquide</a> dans les villes américaines.</p>
<p>Il se trouve que beaucoup de gens sont encore « non bancarisés » : environ <a href="https://www.fdic.gov/analysis/household-survey/2021report.pdf#page=7">6 millions de ménages</a> aux <a href="https://theconversation.com/topics/etats-unis-20443">États-Unis</a>, selon les dernières données, soit à peu près la population du Wisconsin. Dans le monde, plus d’un milliard de personnes n’ont pas de compte bancaire.</p>
<p>Je suis professeur dans une école de commerce et mes <a href="https://blogs.bu.edu/zagorsky/">recherches</a> portent sur la transition de la société de l’argent liquide vers les paiements électroniques. J’ai récemment visité Seattle et j’ai été surpris par les <a href="https://www.govtech.com/workforce/data-seattle-area-becoming-increasingly-cashless">signaux contradictoires</a> que j’ai vus dans de nombreuses vitrines. Dans de nombreux magasins, un panneau proclamait fièrement à quel point ils étaient accueillants et inclusifs – à côté d’un autre panneau indiquant « La maison n’accepte pas les espèces ». Autrement dit, les personnes qui n’ont pas de compte en banque n’y sont pas les bienvenues.</p>
<h2>Refuser les banques, un choix parfois contraint</h2>
<p>Pourquoi quelqu’un voudrait-il éviter d’utiliser les banques ? Tous les deux ans, la <a href="https://www.fdic.gov/analysis/household-survey/2021execsum.pdf">Federal Deposit Insurance Corporation</a> interroge les ménages américains sur leurs liens avec le système bancaire et demande aux personnes qui n’ont pas de compte en banque pourquoi elles n’en ont pas. Les personnes peuvent donner plusieurs réponses. En 2021, la raison principale, choisie par plus de 40 % des personnes interrogées, était qu’elles n’avaient pas assez d’argent pour atteindre le solde minimum.</p>
<p>Cela explique en partie pourquoi les ménages les plus pauvres sont moins susceptibles d’avoir un compte bancaire. Selon la FDIC, environ un quart des personnes gagnant moins de 15 000 dollars par an ne sont pas bancarisées. Parmi les personnes gagnant plus de 75 000 dollars par an, presque toutes les personnes interrogées possèdent un compte bancaire.</p>
<p><iframe id="kLdcA" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/kLdcA/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les deuxième et troisième réponses les plus fréquentes montrent que certaines personnes sont sceptiques à l’égard des banques. Environ un tiers des personnes interrogées ont répondu qu’« éviter une banque permet de mieux protéger sa vie privée », tandis qu’un autre tiers a déclaré qu’il ne faisait tout simplement « pas confiance aux banques ».</p>
<p>Les coûts liés aux relations avec les banques viennent compléter les cinq premières raisons. Plus d’un quart des personnes interrogées estiment que les frais de compte bancaire sont trop élevés, et à peu près la même proportion les estime trop imprévisibles.</p>
<p>Bien que de nombreuses personnes de la classe moyenne ou aisée ne paient pas directement pour leur compte bancaire, les frais peuvent être coûteux pour celles qui ne peuvent pas maintenir un solde minimum. Une récente <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/checking-account-survey/">enquête</a> de Bankrate montre que les frais de service mensuels de base se situent entre 5 et 15 dollars. En plus de ces frais réguliers, les banques gagnent <a href="https://www.fdic.gov/resources/consumers/consumer-news/2021-12.html">4 à 5 dollars</a> chaque fois que les clients retirent de l’argent à un guichet automatique ou ont besoin de services tels que l’obtention de <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/what-is-a-cashiers-check/#fees-for-a-cashier-s-check">chèques</a> de banque. Les factures imprévues peuvent entraîner des frais de découvert d’environ <a href="https://www.bankrate.com/banking/checking/checking-account-survey/#overdraft-fees">25 dollars</a>.</p>
<h2>Être non bancarisé aux États-Unis</h2>
<p>La FDIC appelle les personnes qui n’ont pas de compte bancaire les « non-bancarisés ». Les personnes disposant d’un compte bancaire mais qui ont recours à des services alternatifs, tels que les points d’encaissement de chèques, sont appelées les « sous-bancarisés ».</p>
<p>Les dernières données de la FDIC font état de près de 6 millions de ménages américains non bancarisés et de 19 millions de ménages américains sous-bancarisés. Sachant qu’un ménage moyen compte <a href="https://www.census.gov/content/dam/Census/library/visualizations/time-series/demo/families-and-households/hh-6.pdf">2,5 personnes</a>, cela signifie qu’il y a plus de 15 millions de personnes qui vivent dans un foyer sans lien avec les banques, et 48 millions d’autres dans des foyers qui n’ont qu’un lien ténu avec elles.</p>
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<p>Si l’on combine ces deux chiffres, cela signifie qu’environ une personne sur cinq aux États-Unis n’a que peu ou pas de liens avec les banques ou d’autres institutions financières. Cette situation peut les exclure des magasins, des restaurants, des transports et des services médicaux qui n’acceptent pas l’argent liquide.</p>
<p>Le nombre réel de personnes non bancarisées est probablement plus élevé que les estimations de la FDIC. Les questions sur le fait d’être bancarisé ou non sont des questions supplémentaires ajoutées à une enquête menée auprès des personnes <a href="https://www.census.gov/programs-surveys/cps/about.html">à leur domicile</a>. Cela signifie que l’enquête ne tient pas compte des sans-abri, des personnes de passage sans adresse permanente et des <a href="https://www.dhs.gov/immigration-statistics/population-estimates/unauthorized-resident">immigrés sans papiers</a>.</p>
<p>Ces personnes ne sont probablement pas bancarisées parce qu’il faut une adresse vérifiée et un numéro d’identification fiscale délivré par le gouvernement pour ouvrir un compte bancaire. Étant donné qu’environ <a href="https://www.npr.org/2023/12/22/1221006083/immigration-border-election-presidential">2,5 millions de migrants</a> ont franchi la frontière entre les États-Unis et le Mexique au cours de la seule année 2023, il y a probablement des millions de personnes de plus dans l’économie de l’argent liquide que ce qu’estime la FDIC.</p>
<h2>Et ailleurs dans le monde ?</h2>
<p>Si les États-Unis affichent un taux relativement élevé de personnes disposant d’un compte bancaire, la situation est différente dans d’autres parties du monde. La Banque mondiale a créé une <a href="https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex/Data">base de données</a> qui indique le pourcentage de la population de chaque pays qui a accès aux services financiers. La définition de la Banque mondiale est plus large que celle de la FDIC, puisqu’elle inclut toute personne utilisant un téléphone portable pour envoyer et recevoir de l’argent comme ayant un compte bancaire.</p>
<p><iframe id="1SJDj" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1SJDj/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Globalement, la Banque mondiale estime qu’environ un quart des adultes dans le monde n’ont pas accès à un compte bancaire ou à un compte de téléphonie mobile. Mais cette proportion varie considérablement d’une région à l’autre. Dans les pays qui utilisent l’euro, presque tout le monde a un compte bancaire, alors qu’au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, seule la moitié de la population en a un.</p>
<p>Nous sommes nombreux à glisser notre carte de crédit ou à pianoter sur notre téléphone pour payer sans réfléchir. Pourtant, au moins 6 millions de personnes aux États-Unis et près de 1,5 milliard dans le monde ne sont pas bancarisées.</p>
<p>Lorsque les commerces n’acceptent plus d’argent liquide, les personnes non bancarisées sont contraintes d’utiliser des méthodes de paiement telles que les cartes de débit prépayées, qui sont coûteuses. Par exemple, Walmart, l’un des plus grands détaillants américains, propose une <a href="https://www.walmartmoneycard.com/">carte de débit de base rechargeable</a>. Cette carte coûte 1 dollar à l’achat et 6 dollars par mois de frais, auxquels s’ajoutent 3 dollars chaque fois qu’une personne veut charger la carte avec de l’argent liquide aux caisses de Walmart. Payer un minimum de 10 dollars juste pour mettre en place une carte de débit pour quelques achats est un prix élevé.</p>
<p>La prochaine fois que vous verrez dans la vitrine d’un magasin ou d’un restaurant un panneau indiquant « pas de paiement en liquide », pensez que l’entreprise exclut ainsi de nombreuses personnes non bancarisées ou sous-bancarisées. Insister pour que tous les commerces acceptent les espèces est un moyen simple de s’assurer que tout le monde est financièrement inclus dans l’économie moderne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222076/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jay L. Zagorsky ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Près de 6 millions de ménages américains, souvent par contrainte de coût, n’ont pas de comptes bancaires. Pourtant, de plus en plus de commerces refusent les paiements en liquide.Jay L. Zagorsky, Clinical Associate Professor of Markets, Public Policy and Law, Boston UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209732024-01-18T17:22:06Z2024-01-18T17:22:06ZUne faute de grammaire sur de gros billets pendant plus de 130 ans, vraiment ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568880/original/file-20240111-27-hksxre.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C32%2C1367%2C771&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pensez-vous repérer deux fautes de grammaire en zoomant sur cette image d’un billet de 1&nbsp;000 francs de 1829&nbsp;?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://archives-historiques.banque-france.fr/chronologie/les-billets-de-la-banque-de-france-10">Banque de France</a></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/monnaie-21214">billets</a> émis par la <a href="https://theconversation.com/topics/banque-de-france-66374">Banque de France</a> plus de deux siècles durant ont toujours fait l’objet d’un <a href="https://www.pressesdesciencespo.fr/fr/book/?GCOI=27246100914230">soin attentif</a>. Et pourtant, voici ce qu’on lisait de 1829 à 1962 sur les billets de 500 et 1000 francs :</p>
<blockquote>
<p>« L’article 139 du code pénal punit de mort ceux qui auront contrefait ou falsifié les Billets de Banques autorisées par la loi, et ceux qui auront fait usage de ces Billets contrefaits ou falsifiés. »</p>
</blockquote>
<p>« Banques » au pluriel, « autorisées » au féminin pluriel, il s’agirait d’un cas spectaculaire de ratage grammatical si l’on en croit ce qui circule actuellement sur le Web, et notamment sur l’encyclopédie en ligne <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Billet_de_1_000_francs_1817,">Wikipedia</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Toujours dessiné et gravé par les mêmes créateurs, le 1 000 francs créé le 26 novembre 1829 et émis le 26 mars 1830 introduit le filigrane blanc, la date d’émission imprimée (et non plus manuscrite) et trois cartouches dont deux contenant le même extrait de l’Article 139 (ndlr : du code pénal) (au lieu du timbre humide) avec une technique d’impression noir au blanc particulièrement difficile à reproduire. Ce texte comporte deux fautes d’accord grammatical (le mot <em>banques</em> est au pluriel, le mot <em>autorisées</em> est au féminin pluriel), erreurs qui ne seront pas corrigées avant l’émission du billet de 50 francs Racine… en 1962 ! Il reste à supposer que ces « coquilles » ont été laissées en guise de subterfuge, certains faussaires étant des typographes particulièrement perfectionnistes : ces deux fautes seraient donc des points secrets, mais rien n’est sûr. »</p>
</blockquote>
<h2>Des millions de personnes qui ne les auraient pas vues ?</h2>
<p>Une faute d’orthographe, vraiment ? Un moyen de démasquer de faux monnayeurs ? Plus curieux encore que ce que l’on trouve sur Wikipedia, les Archives historiques de la Banque de France proposent en ligne une <a href="https://archives-historiques.banque-france.fr/chronologie/les-billets-de-la-banque-de-france-10">frise chronologique</a> de tous les billets émis par la Banque, fort bien faite et aux reproductions de grande qualité. La présentation du billet de 500 francs de 1829 écrit :</p>
<blockquote>
<p>« Ce billet de 500 francs comprend pour la première fois deux cartouches circulaires dans lesquels sont rapportés, à l’identique sur fond noir ou blanc, à la fois l’article 139 du code pénal punissant de mort “ceux qui auront contrefait ou falsifié les billets de Banques autorisées par la loi” et l’article 36 de la loi du 24 germinal an XI qui assimile ces faussaires aux faux-monnayeurs. La faute grammaticale d’accord de genre sur “autorisées” perdurera jusqu’en 1962. »</p>
</blockquote>
<p>Cela signifierait donc que les 16 membres du Conseil général de la Banque de France qui, le <a href="https://archives-historiques.banque-france.fr/ark:/56433/vta61eafb309daa5570/dao/0">jeudi 14 mai 1829</a>, étaient présents pour examiner en détail les caractéristiques du nouveau modèle de billet de 1 000 et de 500 francs ont été incapables de remarquer cette faute. Pas plus que les artistes et ouvriers imprimeurs associés à sa création. Et pas davantage les centaines de personnes qui, à chaque réédition de ce cartouche, ont lu, relu et corrigé les nouvelles versions des billets. Et encore moins les dizaines de millions d’usagers de ces billets, lesquels ont circulé plus de 150 ans avec ce cartouche fautif !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568884/original/file-20240111-15-w4k7ml.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Zoom sur les deux médaillons imprimés sur les billets.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Banque de France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il semble donc y avoir là tous les éléments d’une légende urbaine contemporaine, combinant la capacité de diffusion par le Web et le sentiment grisant d’être plus malin que ces millions de personnes qui n’ont pas vu leur nez au milieu de la figure. D’autant que la séance du 14 mai 1829 faisait suite à plusieurs débats tenus depuis 1828 et qu’en aucun cas la précipitation – même s’il y a bien une forme d’urgence – ne peut être retenue comme un motif d’erreur. « Banques » au pluriel, « autorisées » au féminin pluriel : comment l’expliquer ? Tout simplement par le droit.</p>
<h2>Une précision juridique avant tout</h2>
<p>Le langage juridique a ceci de déroutant pour le profane qu’il est exact, au sens où chaque lettre, chaque signe de ponctuation, est non seulement susceptible d’avoir un sens rigoureux, mais qu’en outre le but de cette rigueur est d’éviter l’ambiguïté et donc le risque d’une interprétation fautive du texte.</p>
<p>Pour comprendre le choix grammatical, il faut se reporter à la loi qui fixe, en France, les principes généraux de l’émission fiduciaire, soit la <a href="https://francearchives.gouv.fr/pages_histoire/38864">loi du 24 germinal an XI</a> (14 avril 1803). Celle-ci est surtout connue pour établir par privilège le monopole de la Banque de France sur l’émission des billets à Paris.</p>
<p>Cependant, le texte fixe aussi, en ses articles 31 et 32, les conditions d’émission « dans les départements », c’est-à-dire en dehors de la Seine :</p>
<blockquote>
<p>« Aucune banque ne pourra se former dans les départements que sous l’autorisation du Gouvernement, qui pourra leur en accorder le privilège ; et les émissions de ses billets ne pourront excéder la somme qu’il aura déterminée. »</p>
</blockquote>
<p>C’est bien évidemment le terme « autorisation » qui importe ici : seules les banques <em>autorisées</em> ont le droit, et donc le privilège, d’émettre des billets de banque.</p>
<p>La notion de billet de banque n’est d’ailleurs <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5853891t.texteImage">pas définie par cette loi</a>, comme le rappelle alors le juriste commercialiste Émile Vincens, lequel attribue toutefois cette définition aux Statuts fondamentaux du 16 janvier 1808 alors qu’elle figure en réalité dans les Statuts primitifs de la Banque de France du 24 pluviôse an VIII.</p>
<p>On comprend mieux alors la formulation des cartouches : « les billets de banques autorisées par la loi ». La notion de billet de banque (d’ailleurs souvent écrite « billet de Banque ») n’existe pas en droit dans la première moitié du XIX<sup>e</sup> siècle. La loi emploie plutôt l’expression « billets au porteur et à vue ».</p>
<p>Il n’y a donc pas erreur à écrire « banques » au pluriel, puisqu’il n’est pas question de l’expression « billet de banque » mais des billets émis par des banques, billets dont les caractéristiques sont fixées par ailleurs.</p>
<p>Puisqu’il n’est pas question de « billet de banque », le terme de « banques » peut être précisé, puisque ce terme n’est en aucun cas une qualité associée au billet. En fait, ces « banques » sont le véritable mot clé de la phrase : c’est par elles que les billets sont émis. Mais pour que cette émission puisse avoir lieu, encore faut-il que la loi les y autorise : seules les « banques autorisées par la loi » disposent de ce privilège.</p>
<p>Il n’y a donc, on le voit, aucune erreur de formulation non plus que de grammaire dans les cartouches reproduits de 1829 à 1962 sur les billets émis par la Banque de France. Ces supposées erreurs d’accord ne proviennent que de l’oubli progressif du contexte de rédaction de ces cartouches, du fait de l’élargissement du monopole de la Banque de France à l’ensemble du territoire métropolitain (Corse comprise), et de l’adoption de l’expression « billet de banque », tandis que toutes les autres formes de billets disparaissaient peu à peu de nos pratiques et de nos portefeuilles, en lieu et place de « billet au porteur et à vue ».</p>
<blockquote>
<p>« Dans chacun des angles supérieurs du billet de mille et de cinq cents francs, on imprimera un médaillon d’un pouce de diamètre portant en petits caractères bas de casse <a href="https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A5N0294">nonpareille</a> ce texte : “L’article 139 du code pénal punit de mort ceux qui auront contrefait ou falsifié les billets des Banques autorisées par la loi, et ceux qui auront fait usage de ces billets contrefaits ou falsifiés. L’article 36 de la loi du 14 germinal an XI assimile ces faussaires aux faux monnayeurs. Ils seront poursuivis, jugés et condamnés comme tels.” Sur l’un de ces médaillons ce texte se détachera en blanc sur un fond noir ; sur l’autre médaillon, il sera imprimé en noir sur le fond blanc du papier. Ces médaillons seront placés en regard l’un de l’autre. »</p>
</blockquote>
<p>Lorsque le Conseil de Régence adopta ce texte, le 14 mai 1829, ne commettait-il d’autres fautes que celle d’une formulation obscure au lecteur du XXI<sup>e</sup> siècle ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220973/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrice Baubeau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est souvent affirmé sur le web, y compris sur le site de la Banque de France, que les billets de 1 000 francs présentaient deux fautes de grammaire. Et si ces fautes n’en étaient en réalité pas ?Patrice Baubeau, Maître de conférence HDR, Histoire, histoire économique, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208602024-01-10T19:09:42Z2024-01-10T19:09:42ZTransformer la monnaie pour transformer la société<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568576/original/file-20240110-27-akl0t9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C11%2C1836%2C1264&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au cours de l’Histoire, la monnaie n’a cessé de muter.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/art-chance-sculpture-argent-15954089/">Pexels/Thomas K</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>La bifurcation sociale-écologique exige de gigantesques investissements pour les États, les entreprises et les particuliers. Comment les financer ? Pour répondre à ce défi, Jézabel Couppey-Soubeyran, Pierre Delandre, Augustin Sersiron proposent dans</em> <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_pouvoir_de_la_monnaie-9791020924261-1-1-0-1.html">Le Pouvoir de la monnaie</a> <em>(Éd. Les Liens qui libèrent, janvier 2024), dont The Conversation France publie certains extraits, qu’un Institut d’émission adossé à la Banque centrale européenne (BCE) reçoive l’autorisation d’émettre de la monnaie légale sur base volontaire, désencastrée du marché de la dette, en complément de la monnaie bancaire, afin d’accorder les subventions nécessaires au financement des investissements socialement ou écologiquement indispensables mais non rentables.</em></p>
<p><em>Les auteurs soulignent notamment qu’il ne s’agirait pas de la première transformation monétaire de grande ampleur de l’Histoire : à chaque type de société a correspondu un type de monnaie, les bifurcations monétaires contribuant toujours aux bifurcations sociétales menant de l’un à l’autre, tant l’institution monétaire est porteuse d’une formidable force de structuration des rapports sociaux. La bifurcation écologique et sociale, qui constitue aujourd’hui le projet travaillant le corps social, appelle sa propre bifurcation monétaire.</em></p>
<hr>
<h2>La monnaie, un outil puissant pour transformer la société</h2>
<p>Un défi majeur de notre temps nous semble être d’inventer une façon de créer et de mettre en circulation la monnaie qui n’encourage pas la marchandisation du monde, c’est-à-dire l’expansion sans limite du domaine de la marchandise. Permettre la monétisation sans marchandisation requiert de repenser en profondeur la forme institutionnelle de la monnaie. C’est l’une des clés de la constitution d’un monde plus juste et plus durable.</p>
<p>La bifurcation écologique et sociale à laquelle tant d’entre nous aspirent ne se fera pas sans bifurcation monétaire. On ne change pas la société simplement en changeant la monnaie, mais on ne la change pas non plus sans changer la monnaie – c’est ce qu’enseigne l’histoire monétaire […]. Or la monnaie qui est aujourd’hui la nôtre est une monnaie dont les modalités d’émission sont intrinsèquement capitalistes, la tournant non plus d’abord vers l’échange marchand, mais vers l’accumulation capitaliste. […]</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">Politique monétaire « verte » : un grand pas pour la BCE, un petit pas pour le climat</a>
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</p>
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<p>L’autorité monétaire doit ménager en son sein l’espace de délibération collective qui permettra de réajuster en permanence ses objectifs en fonction des besoins profonds exprimés par la société, plutôt que de les fixer dans le marbre.</p>
<p>La rapide succession de crises que nous avons traversées révèle la variété des enjeux qui peuvent être jugés prioritaires par le corps social, dont elles mettent en évidence les carences les unes après les autres ; or aucune règle intangible ne permettrait de faire l’économie d’une délibération sur la nécessité d’allouer les nouvelles encaisses créées au verdissement de nos modes de vie et de production, ou à la reconstruction de l’hôpital public, ou à celle de nos infrastructures énergétiques, ou de nos systèmes de transport urbain dégradés, ou de notre appareil industriel, etc. Tous ces choix de société doivent être débattus, en permanence, pour permettre l’usage le plus efficace et le plus légitime possible de la formidable puissance collective que détient l’autorité monétaire. […]</p>
<h2>Monnaies d’hier</h2>
<p>Si la monnaie est aujourd’hui une monnaie bancaire, c’est-à-dire créée par les banques, généralement en contrepartie d’une dette et rapportant ainsi des profits à son émetteur, il n’en a pas toujours été ainsi historiquement, loin de là. Sur le temps long, la monnaie s’avère extraordinairement multiforme, ne cessant de muter d’une époque à une autre, de connaître de véritables bifurcations. […]</p>
<p>[La monnaie marchande apparaît dans les sociétés palatiales de la Haute Antiquité (Mésopotamie, Égypte), qui sont] entièrement polarisées par les « grands organismes » (temples ou palais), sortes de personnes morales qui possèdent d’immenses domaines d’agropastoralisme avec champs irrigués et pâturages, mais aussi de véritables complexes manufacturiers dotés de divers ateliers mobilisant tous les savoir-faire artisanaux. […] Toutes les activités économiques nouvelles qui se développent […] sont d’abord cultuelles, subordonnées au service des dieux, car la production est avant tout destinée à satisfaire leurs besoins.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>[Dès lors], pour estimer la valeur des stocks de ressources, les rations dues aux ouvriers, les entrées et sorties de denrées, les fermages, les redevances, les prêts, etc., les « fonctionnaires » des temples commencèrent à rapporter tous les types de biens, dont ils géraient les flux, à un seul bien, érigé en étalon. […] C’est ainsi que fut mise en place une unité de compte rendant des objets hétérogènes commensurables du point de vue de leur valeur, c’est-à-dire du désir qu’ils inspirent, exprimé dans un langage numérique institué : c’est l’avènement du langage de la valeur, qui permet d’établir des relations d’équivalence socialement objectivées entre des quantités de biens divers.</p>
<p>[2500 ans plus tard, dans l’antiquité classique (perse et gréco-romaine) se joue un] tournant anthropologique [qui] nous semble reposer notamment sur trois inventions techniques et culturelles majeures : les premières pièces de monnaie frappées, qui permettent l’essor des échanges décentralisés ; l’alphabet, qui permet la diffusion massive de l’écriture ; la cavalerie montée, qui permet l’avènement de vastes empires dont le pouvoir politique s’éloigne des populations qu’il régit. Là encore, la forme de la monnaie évolue en cohérence avec l’ensemble des rapports sociaux, qui se restructurent en profondeur. […]</p>
<p>[Après l’effondrement médiéval (recul des villes, de l’écrit et des échanges, rareté monétaire) et le renouveau des sociétés coloniales (découverte des mines d’argent des Amériques, imprimerie, essor marchand tiré par le commerce triangulaire), le projet de société capitaliste de la révolution industrielle s’appuie sur la monnaie bancaire, créée par la dette, donc tournée non plus vers l’accumulation de richesse passée (or ou argent) mais vers la production de richesse future (industrielle puis financière), tout comme le pouvoir politique issu des urnes se fonde sur un projet pour l’avenir (le programme électoral) et non sur la légitimité traditionnelle du passé (le sang royal).]</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568567/original/file-20240110-23-z0nqqq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1139&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le pouvoir de la monnaie : transformons la monnaie pour transformer la société.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_pouvoir_de_la_monnaie-9791020924261-1-1-0-1.html">Éditions Les liens qui Libèrent</a></span>
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<h2>La transformation monétaire a déjà commencé</h2>
<p>Verse-t-on dans les <em>coquecigrues</em> et autres <em>calembredaines</em> en imaginant que l’on puisse transformer le mode d’émission de la monnaie ? En réalité, une transformation monétaire est déjà en cours, la création monétaire a déjà commencé à s’affranchir d’une contrepartie dette. Nous l’avons vu au niveau des banques commerciales qui, avec la monnaie acquisitive, créent de la monnaie en achetant des titres. Les banques centrales ont largement amplifié ce mouvement avec les mesures d’exception qu’elles ont dû prendre pour gérer les crises, financière puis sanitaire.</p>
<p>Elles ont ainsi déjà créé d’énormes quantités de monnaie centrale selon le mode acquisitif, par achat de titres plutôt que par prêt, et elles ont même déjà donné de la monnaie centrale (aux banques, en petite quantité). C’est donc que la bifurcation monétaire a déjà commencé ! À ceci près que les banques centrales qui en ont eu l’initiative l’ont entreprise non pas dans l’optique de dépasser le capitalisme financier ni de le transformer, mais bien plutôt de le sauver coûte que coûte. […]</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-sauvetage-des-banques-une-entorse-au-resserrement-monetaire-des-banques-centrales-204397">Le sauvetage des banques, une entorse au resserrement monétaire des banques centrales</a>
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<p>Le mode volontaire d’émission monétaire est un processus par lequel un organe de décision (un Institut européen d’émission monétaire, à créer) aurait le pouvoir d’émettre, dans le cadre d’une gouvernance ouverte sur la société civile, les quantités nécessaires de monnaie centrale (des euros fongibles avec ceux de la BCE et du circuit bancaire classique) pour remplir des missions d’intérêt général fixées démocratiquement. La décision d’émission consisterait à émettre de la monnaie que la banque centrale mettrait à disposition de la Caisse du développement durable, organe d’exécution, pour la réalisation des missions qui lui sont assignées sans la moindre obligation de remboursement ni charge d’intérêt.</p>
<p>Cette émission monétaire serait la traduction pure et simple de l’expression d’une volonté politique démocratique (d’où l’expression « mode volontaire de création monétaire »). Elle serait ainsi directement affectée aux objectifs d’intérêt général, aux biens communs et aux biens publics, sans contrepartie comptable exigible, ni remboursement, ni intérêt. Ce mécanisme échappe totalement aux mécanismes bancaires classiques (émission par le crédit ou par acquisition de titres), puisqu’il s’agit en réalité d’une subvention. […] Mise en circulation par des subventions, la monnaie volontaire serait donc entièrement désencastrée de la dette et des mécanismes classiques du marché bancaire, pour être affectée à des objectifs de bien commun. […]</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-la-bce-peut-enfin-verdir-sa-politique-monetaire-152117">Comment la BCE peut (enfin) verdir sa politique monétaire</a>
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<hr>
<p>L’institution monétaire, démocratisée, pourrait équilibrer les objectifs sociétaux, permettant la réalisation d’objectifs privés, sous le signe de la rentabilité financière, financés par les modes bancaires de création monétaire, d’une part, et la réalisation d’objectifs collectifs, par le mode volontaire de création monétaire, sous les signes du non-marchand, du social et de l’écologie, d’autre part. On atteindrait de la sorte une configuration monétaire mettant en valeur la complémentarité des objectifs marchands et non marchands pour réaliser une forme d’équilibre entre les intérêts individuels et collectifs, entre les intérêts à court terme et à long terme, les intérêts de l’économie et ceux du lien social et de la nature.</p>
<p>Il nous semble que l’instauration d’un mécanisme de monnaie volontaire tracerait le chemin du développement durable en allégeant l’endettement et en se libérant des injonctions de rentabilité financière, de croissance ou de concurrence. C’est un projet de société porté par un projet de monnaie, une monnaie à mission, avec laquelle il deviendrait possible de prendre soin de la planète et de la société, pour un avenir enfin authentiquement social et écologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen. Elle a reçu des financements de l'Institut Veblen et de la Chaire énergie et prospérité. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Augustin Sersiron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le livre « Le Pouvoir de la monnaie », trois économistes proposent un nouveau mode de création monétaire pour répondre aux défis de la bifurcation sociale-écologique. Extraits.Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneAugustin Sersiron, Économiste et philosophe, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2183672023-11-28T17:11:35Z2023-11-28T17:11:35ZLes pays de l’Est européen enregistrent de fortes pertes de compétitivité<p>Pour les multinationales, les pays d’Europe de l’Est deviennent de moins en moins attractifs. En effet, on observe une forte perte de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/competitivite-21451">compétitivité</a> coût dans la plupart de ces pays depuis 2015 par rapport à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/zone-euro-54680">zone euro</a>. Cette tendance s’observe à la fois dans les pays membres de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> (UE) qui ont adopté la monnaie commune et dans ceux qui ont conservé leur monnaie nationale.</p>
<p>Parmi les pays entrés dans l’euro, à part le cas de la <a href="https://theconversation.com/la-croatie-dans-la-zone-euro-laboutissement-de-30-ans-de-redressement-economique-202764">Croatie</a> qui n’a adopté que récemment la devise européenne, la croissance du coût salarial unitaire a été très supérieure à celle observée dans l’ensemble de la zone euro. L’augmentation du coût salarial par unité produite, du 1<sup>er</sup> trimestre 2015 au 2<sup>e</sup> trimestre 2023, a en effet été de 73 % en Lituanie, 59 % en Lettonie, 55 % en Estonie, 38 % en Slovaquie et 34 % en Slovénie.</p>
<p><iframe id="YPqL6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/YPqL6/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Mais si les règles de fonctionnement de la monnaie unique, qui prive notamment les États de la possibilité de dévaluer leur monnaie pour regagner en compétitivité, ont empêché les pays de l’Est de la zone euro de compenser la hausse des salaires induite par une forte inflation, ceux qui ont gardé une monnaie nationale sont quand même confrontés aussi à une augmentation incontrôlée du coût du travail en euros.</p>
<h2>L’impact du taux de change</h2>
<p>En effet, le coût salarial par unité produite dans les pays hors zone monétaire, converti en euros, a augmenté de 67 % en Bulgarie, de 62 % en République tchèque, de 46 % en Roumanie, de 25 % en Pologne et de 19 % en Hongrie entre le 1<sup>er</sup> trimestre 2015 et le 2<sup>e</sup> trimestre 2023.</p>
<p><iframe id="eAko4" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/eAko4/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur cette période, la couronne tchèque s’est appréciée de presque 14 % contre l’euro. Le forint hongrois s’est déprécié de 19,7 %. Le zloty polonais s’est déprécié de 7 %. Le leu de la Roumanie s’est déprécié de 9 %. Quant à la Bulgarie, elle pratique un régime de <em>currency board</em>, ou directoire monétaire, avec un taux de change fixe contre l’euro. Le pays a gardé ce régime même après avoir rejoint le mécanisme européen de taux de change, qui aurait permis une certaine volatilité.</p>
<p>Certes, le taux de change par rapport à l’euro a pu aggraver ou réduire les différences de hausse des coûts salariaux en monnaie nationale, une fois convertis en euros. Toutefois, au bilan, on observe bien une perte de compétitivité de ces économies quand bien même leurs États disposaient du levier de la dévaluation.</p>
<h2>Une menace pour l’industrie allemande</h2>
<p>Comme les coûts salariaux unitaires de la plupart des pays de l’Est de l’UE ont augmenté avec une intensité supérieure à ceux de la zone euro, leur attractivité relative s’est quelque peu réduite pour les investissements étrangers. Aussi, les prix de vente en euros des biens et services produits par ces pays sont amenés à être moins inférieurs qu’avant aux prix de vente de ce qui est produit par la zone euro. Comme cette perte de compétitivité est susceptible de déprimer les exportations et de doper les importations des pays concernés, la balance commerciale de ces pays pourrait se dégrader.</p>
<p>Jusqu’à présent, c’est essentiellement en Roumanie que la balance commerciale des biens (hors énergie) s’est continument détériorée depuis 2015, avec une aggravation du déficit. Mais la situation pourrait vite concerner d’autres pays de la région.</p>
<p>Cette situation pose également problème aux partenaires commerciaux européens de cas pays, et surtout à l’Allemagne. En effet, l’industrie allemande a longtemps sous-traité massivement dans les pays de l’Est de l’UE, à bas salaires, ce qui lui permettait de réduire ses coûts. L’augmentation des coûts salariaux réduit cette aubaine dont l’Allemagne a beaucoup profité. Après la perte de l’approvisionnement en gaz russe à bas prix, une autre menace apparaît pour les fondements de la compétitivité de l’industrie de l’Allemagne. Bien sûr, les salaires des pays de l’Est de l’Union européenne sont encore inférieurs à ceux de l’Ouest, mais ils sont à corriger de la productivité, et les écarts se réduisent.</p>
<p><iframe id="6mE9N" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6mE9N/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218367/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis 2015, les coûts salariaux ont augmenté plus rapidement que dans l’ensemble de la zone euro – que les États aient adopté la monnaie unique ou pas.Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2134102023-09-28T19:14:31Z2023-09-28T19:14:31ZGestion de la dette publique : que retenir des expériences de John Law au XVIIIᵉ siècle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/547787/original/file-20230912-26-b1v6iw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=589%2C388%2C1419%2C959&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Portait de John Law par Alexis Simon Belle
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Law_de_Lauriston#/media/Fichier:John_Law_by_Alexis_Simon_Belle.jpg">Londres, National Portrait Gallery / Wikimedia Commons</a></span></figcaption></figure><p>Une <a href="https://theconversation.com/topics/dette-20647">dette publique</a> proche de 120 points de PIB ? La France s’en est approchée à la sortie des confinements, jusque 117,8 points au premier trimestre 2021, une valeur redescendue à <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/7638614">112,5 au premier trimestre 2023</a>.</p>
<p>Par le passé, elle avait déjà atteint de tels sommets, notamment au début du XVIII<sup>e</sup> siècle. En 1715, à sa mort, Louis XIV laissait la France au bord de la faillite en raison, notamment, des guerres incessantes lancées par le Roi Soleil et de l’organisation fiscale du pays.</p>
<p>Nos <a href="https://hal.science/hal-04010978/">travaux</a> portent sur cette époque qui permet de nourrir une réflexion sur les enjeux d’aujourd’hui. Aux commandes du pays en attendant que grandisse le jeune Louis XV, le Régent, Philippe d’Orléans, fit appel à John Law (nom que ses contemporains français prononçaient « Lass ») et à ses idées audacieuses pour redresser les finances de la France. Né en 1671 à Édimbourg, il s’était intégré dans les milieux financiers londoniens avant de parcourir l’Europe et de s’établir à Paris.</p>
<h2>Un partenariat public/privé</h2>
<p>Le but du système de Law était, à la fois, d’assainir les <a href="https://theconversation.com/topics/finances-publiques-24847">finances publiques</a> et d’augmenter la <a href="https://theconversation.com/topics/monnaie-21214">masse monétaire</a> en circulation afin de permettre le financement de l’économie. À cette fin, le Régent a tout d’abord autorisé son futur Contrôleur général des Finances à fonder une banque privée garantie par l’État, le 10 mai 1716. Avec cette création, Law poursuivait deux objectifs. Le premier était de faire évoluer le financement de l’économie en augmentant la part des billets dans la masse monétaire globale. Le second était de gérer la dette publique. En 1718, cette banque privée est devenue la Banque Royale. Dans une lettre adressée au Régent en 1715, John Law écrit ; </p>
<blockquote>
<p>« La banque n’est pas la seule, ni la plus grande de mes idées ; je produirai un travail qui surprendra l’Europe par les changements qu’il portera en faveur de la France, des changements plus forts que ceux qui ont été produits par la découverte des Indes ou par l’introduction du crédit. »</p>
</blockquote>
<p>La seconde pièce du système portait sur la création d’une compagnie commerciale. Au gré d’acquisitions et de fusions d’entreprises exerçant un monopole sur une aire géographique, John Law donne vie à un ensemble puissant qui reprend le nom de la « Compagnie des Indes » (appelée parfois aussi « Compagnie du Mississippi »). Elle avait pour mission première non le négoce mais la gestion des dettes d’État, selon les modalités suivantes : la Compagnie procédait à des augmentations de capital successives pouvant être payées au moyen de titres de dettes d’État. </p>
<p>De ce fait, elle avait vocation à centraliser progressivement l’endettement public pour octroyer ensuite à l’État des prêts à des taux d’intérêt très inférieurs à ceux pratiqués avant l’opération. Les finances publiques étaient ainsi assainies au moyen d’un lien entre le secteur public et le secteur privé.</p>
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<p>La Compagnie n’avait cependant pas les fonds pour payer les titulaires des titres. Elle devait donc lever des capitaux à hauteur des demandes potentielles de remboursement. Elle le fit d’une part au moyen d’augmentations de capital incessantes. Cela fut d’abord un succès, le cours de l’action de la Compagnie n’arrêtait pas de grimper. D’autre part, elle avait recours à des prêts octroyés par la Banque Royale. Ceux-ci étaient gagés sur les titres de ladite Compagnie dont la valeur était volatile et soutenue par les crédits octroyés.</p>
<p>C’est ce lien entre création monétaire et cours de l’action qui allait faire courir le mécanisme à sa perte. L’ensemble était totalement artificiel.</p>
<h2>Une tentative de régulation du système</h2>
<p>Law, qui voyait bien la faiblesse potentielle de son système, tenta de l’enrayer en faisant baisser le poids de la monnaie métallique en circulation au profit de la monnaie fiduciaire sous format papier, qui devait ainsi permettre à cette dernière d’en sortir consolidée. Il élabora ainsi une réglementation restrictive (interdiction par exemple de posséder plus d’un certain montant de métaux et incitation aux dénonciations) et fixa le cours légal des billets sur tout le territoire, en janvier 1720. En imposant la monnaie fiduciaire, le but de Law était, à terme, de stabiliser le cours de l’action de la Compagnie des Indes et d’en faire également une monnaie. Il voulait donc créer une monnaie-action.</p>
<p>Law a ainsi réussi en trois ans à créer une Banque Royale permettant une création monétaire nécessaire à l’économie, une compagnie commerciale restructurant la dette d’État afin d’assainir les finances royales et à imposer la monnaie fiduciaire, qui était alors impopulaire (la masse monétaire fait <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/john-law-l-aventure-des-finances-1051333">plus que doubler</a> au deuxième semestre 1719).</p>
<p>Pourtant, ce système va basculer très rapidement au cours du premier semestre 1720. À la fin de la même année, après des scènes d’émeutes et des morts rue Quincampoix à Paris où était installée la Banque Royale, John Law est contraint de s’enfuir du pays.</p>
<h2>Contradictions et délits d’initiés</h2>
<p>Comment expliquer cette issue ? On peut, d’une part, repérer des facteurs économiques. La spéculation exacerbée était un facteur de risque – on parlait alors d’agiotage –, alimentant le circuit financier sans profiter à l’économie réelle. Les deux sphères étaient totalement déconnectées. On est au cœur des contradictions du système : une volonté de stabiliser le cours de l’action de la Compagnie des Indes pour en faire une monnaie contrebalancée par une spéculation effrénée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=446&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547786/original/file-20230912-17-limj5h.JPEG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Rue Quinquempoix en l année 1720, gravure d’Antoine Humblot.</span>
<span class="attribution"><span class="source">gallica.bnf.fr/Bibliothèque nationale de France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>On peut, d’autre part, repérer des facteurs sociologiques. Plus le système montait en puissance, plus la haute société a reçu des informations et des subventions pour spéculer sans risque. En revanche, quand le système fut menacé par l’excès de la spéculation, l’entourage de Law, dès l’été 1719, a vendu massivement des titres de la Compagnie des Indes, fragilisant encore davantage le système. On qualifierait ces opérations, en droit contemporain, de délits d’initiés.</p>
<p>Le renversement de cette folie spéculative eut lieu fin mai 1720. Cet épisode financier a marqué les esprits, a miné la confiance dans le système et freinera l’innovation dans ce domaine, pendant de longues décennies.</p>
<h2>Précurseur de la banque centrale</h2>
<p>En réalité, le système de Law a-t-il été si négatif ? Deux éléments permettent d’en douter.</p>
<p>D’une part, la Banque Royale est la première ébauche d’une banque centrale que Law voulait créer sur le modèle de la Banque d’Angleterre. Ce système était nouveau en France. Il avait non seulement pour finalité de créer de la monnaie permettant le soutien de l’économie mais également un rôle de régulateur financier. Law a ainsi établi un lien entre la <a href="https://theconversation.com/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire</a> et la politique économique. Son système a échoué non pas parce que la création d’une telle banque n’était pas une bonne idée mais du fait des excès de création monétaire. Celle-ci alimentait alors davantage la spéculation sur les actions de la Compagnie des Indes qu’il ne permettait à l’économie réelle de se développer. Par conséquent, l’excès de monnaie, permettant à une bulle spéculative d’exister, a entraîné la chute du système.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1640465175592464385"}"></div></p>
<p>Si nous transposons à l’époque contemporaine, les banques centrales sont solidement implantées mais depuis l’abandon du système de Bretton Woods, au début des années 1970, et à la suite des chocs pétroliers, nous avons connu une période d’inflation puis une déconnexion entre la création de liquidités et l’évolution de l’économie réelle d’une part et la constitution de bulles spéculatives, d’autre part.</p>
<p>Plus récemment, après la crise financière de 2008, les banques centrales, devenues libres de créer de la monnaie, ont mis en place des politiques de <a href="https://theconversation.com/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« quantitative easing »</a> consistant en des achats massifs de titres de dette publique. Cela a pour effet d’augmenter la masse monétaire en circulation, d’abaisser les taux d’intérêt et d’augmenter le volume du crédit afin de relancer l’économie mais avec un risque de reprise de l’inflation. Or, les crises financières arrivent toujours avec l’éclatement de bulles spéculatives.</p>
<p>L’ébauche d’un système de banque centrale mis en place par Law était ainsi une idée fondatrice mais l’excès de création monétaire devait ruiner son entreprise. Ne vivons-nous pas également une période comparable marquée par une masse monétaire en circulation trop importante ? Law ne serait-il pas d’actualité ?</p>
<h2>Des idées et des erreurs qui font référence</h2>
<p>Schumpeter, dans son <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Histoire-de-l-analyse-economique"><em>Histoire de l’analyse économique</em></a>, considère par ailleurs John Law au premier rang des théoriciens de la monnaie de tous les temps. Ses idées et ses erreurs restent aujourd’hui présentes dans les discours qui analysent le <a href="https://www.banque-france.fr/la-banque-de-france/histoire/seminaire-de-la-mission-historique/la-credibilite-des-monnaies-de-john-law-au-bitcoin">développement des cryptomonnaies</a> par exemple.</p>
<p>L’Écossais voulait moderniser le système monétaire français par la création de la monnaie-papier et la Banque Royale devait permettre d’y parvenir. Il avait aussi une idée plus originale de faire des actions de la Compagnie des Indes, une nouvelle forme de monnaie.</p>
<p>La valeur fluctuante des actions n’a pas permis à cette idée de devenir réalité. Law pensait que la monnaie-action permettrait de supprimer la monnaie métallique. En revanche, il n’a sûrement pas assez pensé à un fondement suffisamment solide de la monnaie afin d’établir un lien entre celle-ci et l’économie réelle.</p>
<p>Par conséquent, même si le bilan est mitigé du fait de l’explosion du système et de ses conséquences, des mécanismes nouveaux ont été mis en place à cette époque et ont permis de renouveler, avec audace, les débats sur les problèmes monétaires et leurs structures qui sont toujours d’actualité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213410/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annick Bienvenu-Perrot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le système mis en place par l’économiste écossais en France à partir de 1716 a échoué. Il portait néanmoins en germes des idées qui restent éclairantes pour la gestion actuelle des comptes publics.Annick Bienvenu-Perrot, Docteur en droit - HDR - Enseignant-chercheur en droit privé - Co-directrice du master Juriste Financier - Université Paris Dauphine-PSL, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2109982023-08-10T21:17:03Z2023-08-10T21:17:03ZÉduquer à la finance avec des réservoirs, des canaux et des pompes à eau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/541034/original/file-20230803-17-98xegj.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1000%2C694&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">2300 heures de travail ont été consacrées à la réalisation d'une carte métaphore du système monétaire et financier.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au cours de la dernière décennie, les super-riches et les grandes entreprises ont pu emprunter à des <a href="https://www.banque-france.fr/intervention/les-taux-bas-quelles-causes-et-quels-effets-pour-la-france">taux d’intérêt historiquement bas</a>. Cet afflux d’argent à bas coût a dopé les marchés du crédit permis des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/les-dividendes-verses-dans-le-monde-battent-encore-un-record-au-1er-trimestre_AD-202305240054.html">versements records de dividendes</a> et stimulé <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/24/rachats-d-actions-quand-le-capitalisme-tourne-en-rond_6107235_3232.html">rachats d’actions</a> et <a href="https://www.morganstanley.com/ideas/mergers-and-acquisitions-outlook-2022-continued-strength-after-record">opérations de fusion-acquisition</a>.</p>
<p>En revanche, ceux qui, dans le même temps, n’étaient pas jugés « solvables » se retrouvaient exclus du crédit, témoins impuissants notamment de la hausse constante des loyers. À maintes reprises, le secteur financier a inondé certaines parties de l’économie tandis que d’autres restaient à sec. Pourquoi donc semble-t-il si difficile de faire que le <a href="https://theconversation.com/topics/monnaie-21214">système monétaire</a> soit bien réglé ?</p>
<p>Le manque de <a href="https://theconversation.com/topics/finance-20382">culture financière</a> de la plupart des citoyens est au moins l’une des causes de cette situation, même s’il n’y a pas de consensus sur comment définir ce qu’est la culture financière. Le 7 juin, la Commission européenne a <a href="https://finance.ec.europa.eu/system/files/2023-06/european-financial-stability-and-integration-review-2023_en_0.pdf#page=46">déploré</a> « des niveaux de culture financière trop faibles dans l’Union », ce qui impacte « le bien-être personnel et financier, les ménages et la société en général ».</p>
<p>L’institution adopte néanmoins une vision plutôt étroite de l’éducation financière, limitée aux finances personnelles, c’est-à-dire apprendre aux gens à gérer leur budget, à atteindre leurs objectifs d’épargne et à comprendre les différents produits financiers. Au début du mois de mars, Sigrid Kaag, ministre néerlandaise des Finances, s’est fait l’écho d’une <a href="https://twitter.com/Minister_FIN/status/1640309155650060288">vision tout aussi minimaliste de l’éducation financière</a> :</p>
<blockquote>
<p>« En s’exerçant à épargner, à planifier et à faire des choix dès leur plus jeune âge, les enfants apprennent à prendre des décisions financières judicieuses ».</p>
</blockquote>
<p>Nous envisageons pour notre part une approche qui implique une compréhension beaucoup plus ambitieuse du système monétaire. Nous l’appelons « la culture financière systémique » et nous avons imaginé la faire <a href="https://theconversation.com/topics/education-20601">comprendre au plus grand nombre</a> à l’aide d’une métaphore et d’une visualisation.</p>
<h2>Contourner le jargon économique avec une carte</h2>
<blockquote>
<p>« À l’heure des CDS et des CDO, la plupart d’entre nous restent des analphabètes financiers »</p>
</blockquote>
<p>Voici ce qu’écrivait dans un <a href="https://www.rollingstone.com/politics/politics-news/how-wall-street-is-using-the-bailout-to-stage-a-revolution-177251/">article</a> du magazine <em>Rolling Stone</em> le journaliste financier américain Matt Taibbi en 2009, en référence aux produits financiers complexes qui ont déclenché la grande récession. Quatorze ans plus tard, la plupart d’entre nous ne connaissent toujours pas le jargon des économistes, des banquiers et des fiscalistes. Comme en 2009, les démocraties d’aujourd’hui continuent d’être divisées au sein de ce que Taibbi décrivait comme un « État à deux niveaux, avec des bureaucrates financiers branchés en haut et des clients désemparés en bas ».</p>
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<p>Nous pensons ainsi que tout projet visant à renforcer la culture financière doit nous informer non seulement sur le rôle d’une banque centrale, mais aussi sur l’infrastructure de paiement, le régime fiscal et l’investissement de notre épargne retraite (ndlr : le système de retraites aux Pays-Bas où exercent les auteurs repose pour partie sur un mécanisme de capitalisation). Qu’entendons-nous par « services publics » ? Quels sont les services financiers qu’il vaut mieux confier à des entreprises privées ? Qui a le pouvoir de créer et d’allouer de l’argent frais – et à quelles fins ? Pour répondre à ces grandes interrogations, il faut non seulement une meilleure compréhension des structures financières, mais aussi un engagement politique continu.</p>
<p>Avec le cartographe Carlijn Kingma et le journaliste financier d’investigation Thomas Bollen, nous avons donc cherché à créer un projet qui pousserait à se poser pareilles questions et démystifierait le monde de la finance. Pendant deux ans et demi, nous avons mis au point une visualisation architecturale de notre système monétaire qui contourne le jargon économique. Nous l’avons baptisé « aqueduc de l’argent » (« waterworks of money »).</p>
<h2>La finance comme système d’irrigation</h2>
<p>Carlijn Kingma a passé 2 300 heures à dessiner cette carte à la main, sur la base de recherches approfondies et d’entretiens avec plus de 100 experts : gouverneurs de banques centrales, membres de conseils d’administration de fonds de pension et de banques, politiciens ou encore activistes monétaires. La métaphore de l’eau, que nous reprenons dans une vidéo d’animation, a joué un rôle essentiel dans la conception de notre carte. Le secteur financier est en effet à l’économie ce que le système d’irrigation est aux terres agricoles. Tout comme l’irrigation aide les cultures à pousser, l’argent permet à l’économie de prospérer.</p>
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<p>L’architecture de notre système d’irrigation financière et la manière dont les écluses et les vannes sont actionnées ont un impact sur nous tous.</p>
<blockquote>
<p>« Qu’arrosons-nous et que laissons-nous à sec ? »</p>
</blockquote>
<p>Telle était la question posée par Sigrid Kaag à des économistes, des banquiers et des journalistes en juin 2022 avant de poursuivre :</p>
<blockquote>
<p>« Les choix faits par le secteur financier déterminent ce qui pousse et ce qui meurt. C’est là que les banques, les fonds de pension, les gestionnaires d’actifs et les compagnies d’assurance peuvent faire la différence. »</p>
</blockquote>
<h2>Le ruissellement n’est pas naturel</h2>
<p>Dans notre carte, le processus long et complexe d’irrigation financière commence au sommet de ce que l’on appelle la tour de la société, où les grandes fortunes conservent leurs réservoirs. C’est là que sont logées les plus grandes entreprises du monde, y compris les grandes sociétés pétrolières, pharmaceutiques et de distribution. Si l’on ouvre les vannes, l’argent s’écoule en aval et met en branle les rouages de l’industrie. Les salaires se frayent un chemin à travers le réseau de distribution d’eau et tombent dans les tirelires des employés. En retour, tout le monde travaille.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C59%2C7988%2C5556&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C59%2C7988%2C5556&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/540809/original/file-20230802-28303-k4xo5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=531&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« l’aqueduc de l’argent », une carte architecturale de notre système financier par Carlijn Kingma.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’argent finit par s’infiltrer dans les rangs les plus bas de la société, là où un tapis roulant est toujours en marche pour assembler les produits et les matières premières extraites. Les gens dépensent ensuite les salaires qu’ils ont gagnés. Le produit des ventes est pompé vers le réservoir situé au sommet, et le cycle recommence.</p>
<p>C’est du moins l’idée car cette économie de ruissellement popularisée dans les années 1980 par le président américain Ronald Reagan et la Première ministre britannique Margaret Thatcher n’existe pas vraiment. Dans la réalité, l’argent circule principalement entre le sommet de la tour et le secteur financier. En outre, l’énorme croissance du secteur financier au cours des dernières décennies a creusé le fossé entre les plus fortunés et les plus démunis. La quantité croissante d’argent fait grimper le cours des actions, le prix des logements et les frais de gestion, mais la majeure partie de l’argent n’atteint pas l’économie quotidienne de la tour de la société – où il peut être utilisé pour des investissements productifs, générer des revenus et ajouter de la valeur sociale.</p>
<p>La structure de notre système monétaire n’est pas un phénomène naturel. La manière dont le réseau d’adduction d’eau a été mis en place est un choix politique. Dans les démocraties, des niveaux plus élevés d’éducation financière systémique sont une condition préalable pour changer cette architecture et faire en sorte que le secteur financier serve mieux la société.</p>
<hr>
<p><em>Thomas Bollen, journaliste financier d’investigation, et Carlijn Kingma, cartographe, ont participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de recherche a reçu des financements de Follow the Money, The Hague University of Applied Sciences, Stimuleringsfonds Creatieve Industrie, Brave New Works, Rabobank, Kunstmuseum Den Haag et Rijksmuseum Twenthe</span></em></p>Pour une meilleure « alphabétisation financière », des chercheurs néerlandais ont travaillé à représenter la finance sous la forme d’un réseau d’irrigation.Martijn Jeroen van der Linden, Professor of Practice in New Finance, Hague University of Applied SciencesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874082023-05-30T16:10:01Z2023-05-30T16:10:01ZBiomimétisme : retour sur Amelios, un dispositif économique inspiré de la pollinisation des abeilles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522773/original/file-20230425-1294-tbi6n3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C38%2C5106%2C3290&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Afin de limiter au minimum ses dépenses, l’abeille séléctionne les espèces qu’elle butine, en se concentrant par exemple sur une certaine couleur, une certaine odeur et une certaine forme de fleurs, dont elle assurera la fécondation.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/f0OL01IHbCM"> Jenna Lee sur Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Approche innovante, pluridisciplinaire et inspirée du vivant pour concevoir des produits, des services et des procédés, le biomimétisme consiste à s’appuyer sur les mécanismes existants dans la nature afin de développer des procédés respectueux de l’environnement.</p>
<p>Parmi les innovations technologiques les plus célèbres en matière de biomimétisme, on peut citer le <a href="https://cultea.fr/le-velcro-quand-la-curiosite-a-permis-la-creation-dun-produit-revolutionnaire.html">Velcro</a> (ou scratch), issu de la technique de dissémination de la bardane, dont les fruits s’accrochent au pelage des mammifères. Ou bien le <a href="https://www.futura-sciences.com/planete/photos/nature-biomimetisme-nature-inspire-innovations-2134/oiseaux-shinkansen-train-bec-oiseau-15866/">Shinkasen</a>, train japonais dont les nuisances sonores étaient devenues invivables lorsqu’il pénétrait dans un tunnel : les ingénieurs se sont appuyés sur la forme du bec des martins-pêcheurs, qui fendent en toute discrétion, sans aucune éclaboussure, la surface de l’eau pour plonger pêcher.</p>
<p>Mais le biomimétisme ne se réduit pas à des technologies en tant que telles : s’il ne s’accompagne pas d’une remise en question de nos modes de production, son impact sera limité. Si son utilisation en revanche s’inscrit dans des systèmes eux-mêmes bioinspirés, il peut se révéler plus pertinent. Dans ce contexte, l’Agence de la transition écologique (Ademe) expérimente dans le cadre du projet BLOOM, en Hauts-de-France, la notion de territoire bioinspiré.</p>
<p>C’est par exemple l’ambition d’Amelios, un dispositif fondé sur les quatre principes du biomimétisme – la parcimonie, la coopération, l’optimisation et la responsabilité. Il est notamment tiré d’un modèle imaginé par l’économiste Yann Moulier-Boutang dans son livre <a href="https://www.decitre.fr/livres/l-abeille-et-l-economiste-9782355360305.html"><em>L’abeille et l’économiste</em></a>, publié en 2010 après la crise des « subprimes », qui promeut les économies d’énergie en imitant la formidable capacité des abeilles mellifères à optimiser leur dépense.</p>
<h2>Comprendre l’énergie des abeilles</h2>
<p>L’abeille butineuse qui sort de sa ruche va collecter d’une part le nectar de la fleur pour fabriquer du miel, et d’autre part du pollen afin de nourrir les larves de la colonie.</p>
<p>Il lui est par conséquent indispensable d’optimiser <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Wx9qg-OU0YE">sa dépense énergétique</a>, en fonction non seulement de la distance qu’elle parcourt mais aussi de la quantité de pollen qu’elle transporte. Elle utilise pour voler le nectar stocké dans son jabot, qui joue le rôle d’apport énergétique en sucre – pour 3 à 5km, elle devra butiner entre 1 000 et 1 500 fleurs ! Afin de limiter au minimum ses dépenses, l’abeille sélectionne les espèces qu’elle butine, en se concentrant par exemple sur une certaine couleur, odeur et forme de fleurs, dont elle assurera la fécondation.</p>
<p>Par la pollinisation, elle travaille ainsi non seulement à l’avenir de sa colonie mais aussi au bon développement des organismes environnants, produisant des externalités positives pour la planète et pour l’humain « en diffusant gratuitement la vie ».</p>
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<figcaption><span class="caption">L’énergie des abeilles (Nature = Futur !, MNHN, 14 octobre 2019)).</span></figcaption>
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<h2>Une théorie née après la crise des subprimes</h2>
<p>C’est de ce modèle ingénieux de diffusion et de coopération chez les abeilles que s’est inspiré <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2010/05/31/l-abeille-et-l-economiste-de-yann-moulier-boutang_1365300_3234.html">Yann Moulier-Boutang</a> pour imaginer sa théorie. L’idée est de permettre à chaque individu de constituer un stock d’énergie à partir d’un bilan énergétique et de le faire fructifier comme le font les abeilles en pollinisant les arbres fruitiers. Avec l’objectif de concilier la baisse rapide des émissions et préservation de la biodiversité sur un territoire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="couverture de livre" src="https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=781&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522777/original/file-20230425-22-jitz3c.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=981&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’abeille et l’économiste, Yann Moulier-Boutang.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>À chaque changement d’usage ou de comportement, changement de fenêtre, isolation d’un toit, choix d’un autre mode de déplacement moins énergivore, l’individu épargne de l’énergie et constitue ainsi un capital qui est déposé dans une banque de l’énergie. Des actions fondées sur la bienveillance et la coopération peuvent également être prises en compte.</p>
<p>Ce capital peut grossir à mesure que les sociétaires – particuliers ou entreprises – multiplient leurs externalités positives en faveur de la société : faire du covoiturage ou être bénévole dans une association, par exemple.</p>
<h2>Amelios, le dispositif testé à Senlis</h2>
<p>C’est Philippe Botte, ancien de Veolia et désormais bénévole retraité, qui a souhaité mettre en pratique la théorie de Yann Moulier-Boutang pour en faire un vrai dispositif économique à l’échelle de Senlis, dans l’Oise – où est implanté le <a href="https://ceebios.com/">Ceebios, centre européen d’excellence sur le biomimétisme</a>, avec lequel l’Agence de la transition écologique (Ademe) a signé une convention afin de mener des actions d’acculturation et d’accompagnement des acteurs économiques, de la recherche et des territoires sur le biomimétisme. L’idée étant de valoriser à l’échelle d’un territoire les économies d’énergie et la réduction des émissions de GES, en une monnaie permettant de financer des actions pour la biodiversité.</p>
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<p>Pour cela, Philippe Botte a d’abord créé un site de démonstration, un bâtiment en matériaux renouvelables construit à Senlis sur une parcelle pour laquelle il a contracté des obligations réelles environnementales, un dispositif juridique né en 2016 qui offre à un propriétaire immobilier de sanctuariser la biodiversité sur sa parcelle en s’engageant par un contrat signé à y préserver le vivant dans des conditions qu’il fixe lui-même. C’est ce qu’a fait Philippe Botte avec le Centre permanent d’initiatives pour l’environnement de l’Oise.</p>
<p>Il a en parallèle créé une société civile de patrimoine, Pole-N, qui permet de gérer des actifs immatériels non codifiables comme la bienveillance, et dont les bénéfices – tirés des économies d’énergie – sont reversés à une association naturaliste.</p>
<h2>Une monnaie indexée sur l’état de la nature</h2>
<p>Les économies d’énergie sont converties en « CoO » (pour coopération), une monnaie fluctuant en fonction des impacts sur l’environnement et la biodiversité. Plus les impacts sur l’environnement sont mauvais plus la valeur du CoO sera élevée – mais cette valeur demeure toujours supérieure à celle de l’euro. Plus les dégâts sur l’environnement et la biodiversité sont faibles plus la valeur des CoO sera basse.</p>
<p>C’est donc une monnaie qui n’a de la valeur que si on coopère et que l’on enrichit le vivant. Contrairement à l’euro et au dollar, elle est « informationnelle », c’est-à-dire que son cours est directement dépendant de l’état de la nature et de la consommation d’énergie sur le territoire (évalués à partir des actions menées par les sociétaires). A l’image de l’abeille, qui en rentrant à la ruche, informe par une danse ses congénères de la présence proche d’un cerisier en fleurs.</p>
<p>De là, Philippe Botte a commencé à créer un réseau de sociétaires à l’échelle de la ville, encore embryonnaire à ce stade, qui peuvent transformer leurs certificats d’économie d’énergie et leurs actions en faveur de la société, en un capital stocké sur la banque de l’énergie, Amelios. Ce capital donne la possibilité à chaque sociétaire de frapper monnaie lui-même (en imprimant des billets de CoO).</p>
<p>Ses détenteurs obtiennent en la présentant des remises auprès des commerçants membres du réseau – par exemple le coiffeur ou le maraîcher, qui lui reçoit davantage, le CoO ayant une valeur supérieure à l’euro.</p>
<p>À terme, l’objectif est que le modèle se disperse horizontalement, à l’image de la pollinisation : que partout en France, des territoires le copient à leur échelle et en fonction de leurs problématiques environnementales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187408/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Iman Bahmani-Piaseczny ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Testé à Senlis, ce système tend à valoriser, à l’échelle d’un territoire, les actions de coopération et d’épargne d’énergie menées par ses membres, avec une monnaie indexée sur l’état de la nature.Iman Bahmani-Piaseczny, Coordinatrice du pôle transversal recherche-innovation-investissement d’avenir, Ademe (Agence de la transition écologique)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2001272023-03-01T19:55:54Z2023-03-01T19:55:54ZComment expliquer que l’on paie toujours en espèces ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510623/original/file-20230216-16-6ysgoz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1109&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Malgré le développement des paiements sans contact et des applications téléphoniques, l'argent liquide reste fréquemment utilisé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Moerschy / Pixabay</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lydia, PayPal, Pumpkin, cartes bancaires sur téléphones… Ces dernières années ont vu l’avènement de moyens de paiement toujours plus sûrs et toujours plus rapides. Et pourtant, si l’on en croit la Banque centrale européenne, la demande d’espèces tend à <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/ecb.spacereport202012%7Ebb2038bbb6.en.pdf">persister</a>. En France, pour les particuliers, près de <a href="https://www.banque-france.fr/billets/analyser-et-anticiper/lutilisation-des-especes-en-france-et-dans-la-zone-euro#:%7E:text=Selon%20SPACE%2C%20les%20esp%C3%A8ces%20restent,24%20%25%20en%20zone%20euro">60 % des paiements</a> en volume et 25 % en valeur se faisaient encore par ce biais en 2019.</p>
<p>Le cash remplit théoriquement un certain nombre de <a href="https://elibrary.duncker-humblot.com/article/8087/pros-and-cons-of-cash-the-state-of-the-debate">fonctions</a>. Il permet d’effectuer des transactions, il est une réserve de valeur, notamment pour un motif de précaution (on parle bien des « billets gardés sous le matelas »), et reste mobilisable à tout moment. Il présente aussi l’atout de permettre l’acquittement immédiat d’une dette et de préserver l’anonymat. Sur tous ces services, néanmoins pièces et billets s’avèrent concurrencés par d’autres instruments.</p>
<p>Comprendre ce qui motive la demande d’espèces et ce qui l’influence permet d’éclairer cette compétition entre moyens de paiements. En prenant de la hauteur et en se projetant au niveau européen, il apparaît que les motifs d’utilisation et de détention des espèces sont loin des reproches que l’on peut leur attribuer. Nos <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10645-021-09384-3">travaux</a> mettent ainsi en évidence des différences au sein de l’Union européenne entre pays de l’Est et de l’Ouest.</p>
<h2>Quelques similarités</h2>
<p>Malgré les avancements technologiques et une <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pubbydate/2019/html/ecb.cardpaymentsineu_currentlandscapeandfutureprospects201904%7E30d4de2fc4.en.html">volonté d’harmoniser la législation</a> appliquée aux moyens de paiements électroniques à l’échelle de l’Europe, des <a href="https://www.ijcb.org/journal/ijcb16q4a1.pdf">disparités d’usage</a> du paiement en espèce persistent parmi les pays européens. Le phénomène a pu être documenté tant grâce à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0264999317301670">enquêtes auprès des consommateurs</a>, qu’à partir d’un <a href="https://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1803g.htm">cadre macroéconomique</a>. La Banque centrale européenne avait, elle, mené une vaste étude sur le sujet dans la zone euro en 2019.</p>
<p><iframe id="JR2zB" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/JR2zB/5/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Nous avons, pour notre part, étudié l’usage du cash au sein d’un échantillon de pays de l’Union européenne sur une période allant de 2003 à 2016.</p>
<p>Il n’est pas toujours évident de disposer d’informations sur ce type de paiements puisque la plupart des transactions ne sont pas enregistrées. Nous avons alors eu recours à une approche combinant à la fois les retraits au guichet et au distributeur et une méthode de <em>clustering</em> permettant de déduire les données manquantes. L’idée était ensuite d’identifier des déterminants macroéconomiques (socio-économiques, technologiques et institutionnels) qui permettent d’expliquer différentes demandes d’espèces entre les pays.</p>
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<p>Sur quelques points, on observe des comportements identiques. Partout l’usage des espèces varie avec le nombre de distributeurs disponibles et selon la possibilité pour les consommateurs de payer par carte. Partout également, le niveau d’éducation s’avère un déterminant significatif : en moyenne, les populations plus instruites vont davantage privilégier les moyens de paiement électroniques.</p>
<p>Au-delà, cependant, nous avons mis en évidence comment les comportements dans les anciens blocs de l’Ouest et de l’Est se distinguent avec des facteurs spécifiques.</p>
<h2>Des disparités s’affirment entre l’Est et l’Ouest</h2>
<p>Nos résultats montrent que la demande d’espèces s’avère positivement corrélée avec la croissance du PIB dans les pays d’Europe centrale et de l’Est. Cela s’explique principalement par un effet richesse : plus de revenus, c’est plus de transactions que l’on peut effectuer et donc une demande supplémentaire de pièces et billets. Elle augmente de 2,2 % quand le PIB augmente de 1 %.</p>
<p>En Europe de l’Ouest, un effet de substitution des espèces par les moyens de paiement alternatifs l’emporte cependant sur cet effet richesse : 1 % de PIB en plus y est associé en moyenne à 2,3 % de pièces et billets en moins. Dans ce dernier cas, l’usage des moyens modernes reste toutefois assez marqué par les inégalités de revenus : là où elles sont les plus prononcées, les espèces sont moins demandées. Cela s’explique par une demande de transaction moindre des plus pauvres et, potentiellement, par le fait que les <a href="https://www.voced.edu.au/content/ngv:80681">innovations technologiques</a> sont plutôt accessibles et adoptées par des personnes instruites.</p>
<p><iframe id="9csoz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/9csoz/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Par ailleurs, l’Europe centrale et de l’Est fait montre d’une demande de cash négativement corrélée avec le niveau de confiance des consommateurs. Lorsque la <a href="https://econpapers.repec.org/paper/zbwiccp17/162911.htm">confiance</a> dans les banques s’effondre, on préférera faire usage de pièces et de billets plutôt que de sa carte de crédit. Cela a été particulièrement visible en <a href="https://www.ijcb.org/journal/ijcb20q2a7.htm">2008</a> et pendant la crise des dettes souveraines. L’effet de la confiance des consommateurs est en revanche bien moins significatif chez leurs partenaires de l’Ouest, même si l’incertitude issue de la crise financière de 2008 semble aussi avoir favorisé la demande d’espèces.</p>
<p>Dans les pays du centre et de l’Est, on observe enfin que ce sont les tranches d’âge extrêmes (les plus jeunes et les plus âgés) qui privilégient l’usage des espèces. Ce peut être par <a href="https://www.mnb.hu/letoltes/cash-or-card.pdf">dépendance financière</a> ou par <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2756996">habitude</a>.</p>
<h2>Un nouveau paradigme qui fait place aux espèces</h2>
<p>En Europe de l’Ouest, une relation singulière, et sans doute contre-intuitive, relie positivement couverture Internet et demande d’espèces : plus les réseaux sont développés et plus pièces et billets sont utilisés. Cela peut néanmoins être lié à une méfiance provisoire pour la nouveauté au cours de la période sur laquelle porte notre étude. Il faut aussi prendre en compte que le cash reste privilégié par les utilisateurs des nouvelles plates-formes d’échange comme leboncoin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1594027969231691779"}"></div></p>
<p>La période analysée dans cette étude précède la pandémie liée au coronavirus et les <a href="https://www.bis.org/publ/bisbull03.htm">changements de comportements</a> qu’elle a engendrés. Reste que ces éléments permettent de nourrir le débat sur l’avenir des espèces en Europe et leur fin sans cesse annoncée.</p>
<p>La Suède avait mis en place des <a href="https://www.econstor.eu/bitstream/10419/232596/1/no393.pdf">mesures</a> visant à décourager l’utilisation d’argent liquide, avant de voter finalement une <a href="https://www.letemps.ch/societe/suede-revient-largent-liquide">loi</a> qui oblige les établissements bancaires à assurer un accès aux pièces et billets à tous les habitants. Des <a href="https://www.thersa.org/globalassets/pdfs/reports/rsa-cashing-out.pdf">études récentes</a> montrent ainsi que, malgré une substitution progressive des espèces par les paiements électroniques, le paradigme évolue pour envisager, non plus une société sans cash, mais une société avec moins de cash. Il s’agit de trouver un équilibre qui tienne compte des coûts des moyens de paiement mais aussi d’un <a href="https://www.thersa.org/globalassets/pdfs/reports/rsa-cashing-out.pdf">risque social</a>. Si les banques centrales tarissaient leur offre de cash, sans doute les agents chercheraient-ils des alternatives échappant aux autorités telles que les cryptomonnaies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/200127/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon les pays européens, les raisons diffèrent : à l’Est, l’accroissement des richesses et un manque de confiance dans les banques y participent ; à l’Ouest, Internet semble jouer un rôle paradoxal.Yulia Titova, Professeur Assistant, IÉSEG School of ManagementDelia Cornea, Assistant Professor of Finance, EBS Paris Sébastien Lemeunier, Professeur associé en finance, EBS Paris Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1972982023-02-20T17:17:48Z2023-02-20T17:17:48ZDans l’Antiquité, comment la monnaie est-elle apparue ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510367/original/file-20230215-20-zdm9nw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tétradrachme athénien représentant Athéna, Ve siècle av. J.-C.</span> </figcaption></figure><p>Si aujourd’hui il nous semble parfaitement naturel de vivre dans un monde où tout est monétisé et de manipuler chaque jour pièces et billets, il n’en était pas de même dans la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ach%C3%A9m%C3%A9nides">Perse achéménide</a>, la Phénicie ou l’Égypte des pharaons. L’argent métal y était pourtant omniprésent, mais ne s’échangeait qu’au poids, il n’était pas transformé en pièces de monnaie.</p>
<p>Pourquoi est-on passé du métal à la monnaie d’argent ? Pourquoi l’argent, plutôt que l’or ou l’électrum, a-t-il acquis un rôle central dans les transactions ?</p>
<p>Et enfin, comment l’argent circulait-il dans l’Antiquité, à quoi était-il employé ?</p>
<h2>Le trésor du royaume achéménide</h2>
<p>Si l’argent métal était présent autour de la Méditerranée depuis l’Âge du Bronze (3000-1200 av. J.-C.) comme acteur majeur du commerce, cet argent monnaie si familier n’apparut qu’à partir du 6<sup>e</sup> et V<sup>e</sup> siècles av. J.-C, avec le besoin de fluidifier le paiement des immenses armées de mercenaires grecs dont la technologie militaire allait faire et défaire les empires.</p>
<p>Quand, après avoir défait Darius III, Roi des Rois, en 331 av. J.-C. à Gaugamèles, Alexandre le Grand et ses phalanges macédoniennes entrent à Suse, Persépolis et Ecbatane, ils trouvent dans les palais les plus grands trésors d’argent et d’or <a href="https://www.persee.fr/doc/rea_0035-2004_1989_num_91_1_4385">jamais accumulés dans l’Antiquité</a>. Pour donner une idée de la masse de métaux précieux qui y étaient entreposés, il faut imaginer que son transport aurait nécessité un cortège de 150 poids lourds de 35 tonnes, ou, dans le contexte de l’époque, 60 000 mules.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511124/original/file-20230220-22-peuo4k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=761&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Drachme à l’effigie d’Alexandre. Date ?</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le royaume achéménide n’utilisait que très peu l’argent dans sa forme monnayée, et ses émissions monétaires servaient essentiellement à payer les mercenaires. L’essentiel du métal était stocké dans le trésor royal sous forme de lingots, d’argenterie ou de statues que les conquérants macédoniens s’empressèrent de frapper sous forme de monnaies au standard de poids grec, la drachme et ses multiples. Ces frappes massives permirent à Alexandre et à ses successeurs – les Séleucides de Mésopotamie, les Ptolémées d’Égypte, et les Antigonides de Macédoine jusqu’à la mort de Cléopâtre en 31 av. J.-C. – de payer leurs troupes engagées dans des combats incessants.</p>
<h2>L’argent de la mer Égée</h2>
<p>Au-delà de ces chiffres vertigineux, une surprise de taille vint de la provenance de l’argent qu’une étude <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12520-022-01537-y">basée sur les isotopes du plomb</a> place sur le pourtour de la Mer Égée, essentiellement dans les fabuleuses mines du Laurion à l’est d’Athènes, en Macédoine et en Thrace, mines que nous pouvons encore aujourd’hui visiter et qui étaient les sources principales du métal précieux de cette époque.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511125/original/file-20230220-24-3vmk6m.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=582&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Mineurs grecs. Reproduction d’une plaquette en terre cuite de Corinthe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mines_du_Laurion#/media/Fichier:Mineurs_grecs_2.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’historien grec Hérodote (525–484 av. J.-C.) raconte de façon assez précise la remise des tributs payés par les différentes satrapies – nous dirions aujourd’hui les préfectures – au roi des Perses : la Macédoine, les Grecs de la façade est de la mer Égée (Ionie), l’Asie Mineure, l’Assyrie, la Babylonie, le Levant et l’Égypte étaient tenus de verser chaque année l’équivalent de plusieurs tonnes d’argent métal au trésor perse. Cet argent était pesé, fondu, puis soigneusement stocké dans des jarres dans les trésoreries des palais royaux.</p>
<p>Ce qui est remarquable, c’est que ce tribut en argent, qu’il ait été payé par les Grecs, les Phéniciens ou les Égyptiens, provient presque toujours du pourtour de la mer Égée. Cette observation requiert que les Égyptiens ou les Babyloniens, qui ne possédaient eux-mêmes aucune mine d’argent, devaient se procurer le précieux métal du tribut et démontre la vigueur du commerce à l’échelle de la Méditerranée orientale et du Moyen-Orient.</p>
<p>En fait, cette vigueur n’est pas un phénomène nouveau. Elle est particulièrement mise évidence lors de l’invasion des coalitions de tribus proto-grecques de la fin de l’Âge du Bronze (vers 1200 av. J.-C.) qui causent la chute des civilisations mycéniennes et hittites, mettent la Phénicie et le Levant à feu et à sang, et ne sont arrêtées que par le pharaon Ramsès III. Il est bien établi que dans toute période de troubles, les populations cherchent à <a href="http://www.jstor.org/stable/26637388">dissimuler leur économies en argent</a>s ous les pavements ou dans les murs.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=486&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511135/original/file-20230220-28-dmqm1t.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=611&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bracelet « papillons » de la reine Hétéphérès – argent, turquoise, lapis-lazuli cornaline – IVᵉ dynastie – règne de Snéfrou, découvert par Georges Reisner, en 1925, dans sa tombe G 7000x à Guizeh Originaux « complets » exposés au Musée Égyptien du Caire (JE 53266 et JE 52281).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Musée égyptien du Caire</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les trésors enfouis ainsi trouvés dans les ruines du Levant du début de l’Âge du Fer sont largement dominés par l’argent de la mer Égée. Plus loin encore dans le temps, l’argent du bracelet de la reine Hétep-Hérès 1re (vers 2600 av. J.-C.), mère de Khéops, le constructeur de la pyramide qui porte son nom, provient des îles Cyclades au sud d’Athènes.</p>
<h2>L’argent, le métal de la monnaie</h2>
<p>L’argent est un métal rare, sans l’être trop, et sa méthode d’extraction est connue depuis l’âge du Bronze. Il est peu sensible à l’oxydation et, à la différence du blé, les souris ne le dévorent pas. Personne ne songe à payer son pain avec une pièce d’or, mais l’argent reste moins abondant que le cuivre ou le zinc. Il n’entre en compétition avec aucun autre métal pour la confection d’outils ou d’armes et n’est utilisé que pour la fabrication d’objets de décoration ou de culte. Si l’on s’en tient aux biens mobiliers, on n’est pas riche de céréales ni de poteries, mais de l’argent que l’on possède. </p>
<p>Quand les proto-Grecs envahissent le pourtour de la Méditerranée orientale à la fin de l’âge du Bronze, ils découvrent des paysages aux sols ravagés par l’agriculture. Les fermiers anatoliens, tels que ceux qui ont fondé la civilisation minoenne, ont <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.0611508104">domestiqué les animaux et introduit le labourage</a>. Ces techniques sont efficaces à court terme mais épuisent les nutriments, notamment le phosphore, et accélèrent fortement l’érosion des sols.</p>
<p>Dans <em>Critias</em>, Platon écrit au sujet de l’Attique : </p>
<blockquote>
<p>« La qualité du sol y était sans égale et pouvait nourrir une nombreuse armée. Depuis lors, les inondations ont dénudé le pays. Il était, en ce temps-là, couvert d’une terre grasse et fertile ; les montagnes étaient revêtues de forêts, et le sol gardait les pluies, qui alimentaient des sources et des rivières. »</p>
</blockquote>
<p>Seules les plaines du Nil, du Tigre et de l’Euphrate, où le limon des inondations renouvelle sans cesse les nutriments des sols, résistent aux envahisseurs. Ceux-ci ne se retrouvent maîtres que de contrées arides incapables d’assurer la subsistance de la population. C’est le cas de l’Asie Mineure, du Levant, mais aussi de la Grèce et de la Libye.</p>
<p>Dans ces conditions, le miracle qui permit aux colons grecs de subsister fut leur génie guerrier : à partir du VII<sup>e</sup> siècle av. J.-C., le citoyen grec sans terre <a href="https://www.musee-armee.fr/fileadmin/user_upload/Documents/Support-Visite-Fiches-Presentation/Hoplite-antiquite.pdf">se transforme en un hoplite</a> armé d’un casque, d’une lance, d’une épée et d’un bouclier rond. La formation hoplite, la phalange, s’avance comme un énorme hérisson dans laquelle le bouclier de chaque guerrier protège son voisin et les longues lances des rangs arrière abritent les premiers rangs les plus exposés. La recette fait miracle et les tyrans et aspirants-rois s’arrachent les mercenaires hoplites par dizaines de milliers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Jona Lendering/Wikipedia" src="https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/511132/original/file-20230220-28-xbtrhw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Représentation d’un hoplite, Vᵉ siècle av. J.-C.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’avènement du salariat</h2>
<p>Comment ceux-ci sont-ils payés ? Au temps d’Homère, au VIII<sup>e</sup> siècle av. J.-C., le guerrier grec rentrait à la maison poussant devant lui bœufs et esclaves et les bras chargés de broches en fer et de lingots de bronze. Rapidement, le paiement se fit en argent et en or, plus durable, ce qui marqua de fait l’avènement du salariat. Les métaux précieux servirent aux mercenaires à acquérir des parcelles de champ, chez eux ou dans de nouvelles colonies en Sicile ou dans le Sud de l’Italie.</p>
<p>Mais payer la solde de dizaines de milliers de mercenaires est un vrai défi logistique car il faut garantir à chacun le poids et la finesse de l’argent versé. Les premières tentatives monétaires du roi de Lydie Crésus et de son père au VII<sup>e</sup> siècle sont infructueuses car l’or est simplement trop rare pour financer les nombreuses armées dont ils ont besoin face au Roi des Rois. Les premières émissions de masse de monnaies d’argent apparaissent vers 520 av. J.-C. à Athènes et sur les îles d’Égine et de Thasos dans la mer Égée.</p>
<p>Les vertus de l’argent monnayé sont multiples. Tout d’abord, l’autorité émettrice garantit le poids et la pureté de la pièce d’argent. Mais surtout, la monétisation rend l’argent bien plus fluide et le métal précieux s’écoule très rapidement de la bourse des mercenaires vers les circuits commerciaux autour de la Méditerranée orientale.</p>
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<p>Au retour des mercenaires au service des Perses après 480, on retrouve ainsi très vite quantité de monnaies grecques en Égypte, ce qui atteste de l’achat par les Grecs d’excédents agricoles produits dans le delta du Nil. Le nombre d’épaves gisant par le fond de la Méditerranée augmente brutalement à partir du VI<sup>e</sup> siècle démontrant une nouvelle vigueur des échanges commerciaux contemporaine de la monétisation de l’argent.</p>
<p>Ce développement fait lui-même apparaître les premiers grands emprunts et les premiers banquiers qui œuvrent au développement du commerce maritime. Par ailleurs, la force de la monnaie d’argent crée une classe moyenne puissante qui hausse la voix dans les affaires de la cité et s’oppose aux oligarchies en place.</p>
<p>L’irruption de l’argent des mercenaires coïncide avec l’apparition de la démocratie dans une cinquantaine de cités grecques, dont le modèle le plus sophistiqué fut défini à Athènes. Ailleurs, en Perse, à Sparte, Carthage et Rome, la résistance des oligarchies est plus forte. Quatre à six siècles seront nécessaires pour asseoir autour de la Méditerranée le concept d’argent monnaie qui, 2000 ans plus tard, règne encore, quoique sous d’autres formes, sur toutes nos sociétés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Francis Albarede a reçu des financements de l'ERC pour son programme de recherche « Silver ».</span></em></p>Quatre à six siècles ont été nécessaires pour asseoir autour de la Méditerranée la monnaie d’argent.Francis Albarede, Géochimiste, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1854762023-01-12T14:45:33Z2023-01-12T14:45:33ZLes cryptomonnaies sont en crise, mais elles n'ont pas dit leur dernier mot<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/478142/original/file-20220808-16-un4tsx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C6183%2C4147&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un travailleur de Hope House, une organisation qui parraine l'utilisation des cryptomonnaies sur la plage d'El Zonte, fait un achat dans un petit magasin qui accepte les bitcoins, à Tamanique, au El Salvador, le 9 juin 2021.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Salvador Melendez)</span></span></figcaption></figure><p>Les cryptomonnaies connaissent une crise sans précédent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cryptomonnaie">depuis l'arrivée des premiers actifs cryptés et monnaies virtuelles</a>, dans les années 90, et leur démocratisation dans les années 2010. </p>
<p>Le Bitcoin a connu une dégringolade sans précédent à la fin de l’année 2020, et ne s'en est pas encore remis. En plus de cette baisse marquée, on discute abondamment de l’effondrement inquiétant de certaines cryptomonnaies dites stables <a href="https://www.investopedia.com/terms/s/stablecoin.asp">(« stablecoins »)</a>, censées être moins volatiles. </p>
<p>À cela s'ajoute la chute de géants du milieu des cryptoactifs, notamment en raison <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1945861/fondateur-cryptomonnaie-ftx-bankman-fraude">d'allégations de fraude, comme pour le scandale de FTX</a>. À l'apogée de son activité, cette plate-forme d'échange comptait un million d'utilisateurs et occupait la troisième place d'échanges de cryptomonnaie en termes de volume.</p>
<p>Des experts s'entendent pour dire que les contrecoups de son effondrement ont affecté durement les investisseurs, ralentissant au passage le rythme d'adoption des cryptoactifs <a href="https://www.cnbc.com/2022/12/19/three-ways-the-ftx-disaster-will-reshape-crypto.html">pour les prochaines années</a>. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/investir-dans-les-cryptoactifs-voici-comment-limiter-le-risque-detre-expose-a-une-fraude-182835">Investir dans les cryptoactifs : voici comment limiter le risque d’être exposé à une fraude</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En tant qu’experte dans le domaine des cryptomonnaies, je tenterai de fournir des pistes de réponses à la question suivante : les cryptomonnaies sont-elles vraiment là pour rester ou ne s’agit-il que d’un effet de mode ?</p>
<h2>Spéculation et volatilité extrême</h2>
<p>Les cryptoactifs sont notamment des jetons qui peuvent servir à des fins de monnaie numérique (soit des cryptomonnaies, telles que le Bitcoin et l’Ethereum). Ils sont également utilisés à des fins d’investissement dans une entité (<a href="https://www.bitpanda.com/academy/fr/lecons/quelle-est-la-difference-entre-les-utility-tokens-et-les-security-tokens/">« security token »</a>, un jeton donnant droit à la propriété d’une portion d’une entité), ou à des produits ou services (<a href="https://www.bitpanda.com/academy/fr/lecons/quelle-est-la-difference-entre-les-utility-tokens-et-les-security-tokens/">« utility token »</a>, soit un jeton donnant droit à l’obtention d’un produit une fois sa production terminée, par exemple).</p>
<p>Les <a href="https://www.coinbase.com/fr/learn/crypto-basics/what-is-a-stablecoin">jetons stables</a>, qui sont censés être associés à une moindre volatilité, ont ceci de particulier qu’ils sont adossés à une devise (comme le dollar US), un produit de base (« commodity », par exemple l’or) ou encore un instrument financier (par exemple une action ou une obligation). Cela a pour objectif de conserver la stabilité de la valeur de la monnaie numérique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme montre l’écran de son téléphone sur lequel on peut voir son solde de cryptomonnaies" src="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478155/original/file-20220808-7938-ivi7mn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Erich García, un programmeur et YouTuber de 33 ans, pose avec son portefeuille de bitcoins, dans sa maison de La Havane, à Cuba, en mars 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ramon Espinosa)</span></span>
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<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1890611/bitcoin-bas-marche-cryptos">manchettes font état</a> presque quotidiennement de la dégringolade du Bitcoin. Bien que cette chute ne soit pas la première, elle marque particulièrement les esprits, car il s’agit d’une baisse de valeur sans précédent <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/marches/2022-05-13/cryptomonnaies/pourquoi-un-krach.php">depuis la fin de 2020</a>. Cet effondrement s’explique en partie par la hausse des taux d’intérêt et la fuite des investisseurs de ces investissements risqués. Bien qu’il ait repris de la valeur depuis, le Bitcoin reste néanmoins loin des sommets déjà atteints.</p>
<p>Cette couverture médiatique soulève beaucoup de questionnements sur la pérennité de ces cryptoactifs. En effet, ces derniers sont marqués par une volatilité extrême associée à sa <a href="https://theconversation.com/interet-croissant-pour-les-cryptomonnaies-le-debut-dune-plus-grande-cohesion-internationale-179155">non-réglementation sur les marchés</a>, en plus d’être associés à la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-speculation-sur-le-bitcoin-s-apparente-a-la-tulipomanie-selon-la-banque-de-france-906709.html">spéculation par plusieurs intervenants dans le monde de la finance</a>.</p>
<p>D’ailleurs, la BBC rapportait récemment que le blanchiment de cryptomonnaies avait <a href="https://www.bbc.com/news/technology-60072195">augmenté de 30 % en 2021</a>. La <a href="https://www.ftc.gov">Federal Trade Commission</a>, qui a pour objectif de protéger les consommateurs américains, a pour sa part rapporté que des schémas de fraude ont coûté <a href="https://www.ftc.gov/business-guidance/blog/2022/06/reported-crypto-scam-losses-2021-top-1-billion-says-ftc-data-spotlight">plus d’un milliard de dollars en cryptomonnaies en 2021 à des investisseurs</a>. Inutile de dire que bien peu d’investisseurs floués ont revu la couleur de leur argent.</p>
<h2>Un milliard d’utilisateurs d’ici 2022</h2>
<p>Or, nous voyons une augmentation lente, mais certaine, de l’adoption des cryptomonnaies par des entreprises. Dans le cadre d’une étude en cours portant sur l’impact de l’adoption des cryptomonnaies par des sociétés publiques sur leur responsabilité sociale, j’ai noté que nombre d’entre elles, telles que Starbucks et McDonald’s, ont commencé à accepter le Bitcoin comme forme de paiement. Cela est notamment le cas dans leurs succursales du Salvador, dans la foulée de l’adoption par ce pays du <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1822158/salvador-premier-pays-adopter-bitcoin-monnaie-officielle-cryptomonnaie">Bitcoin comme monnaie officielle</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1487634924865740804"}"></div></p>
<p>D’autres, comme le géant japonais du commerce en ligne <a href="https://www.rakuten.ca/">Rakuten</a>, ont plutôt choisi d’accepter les cryptomonnaies sans que l’adoption du Bitcoin par un pays, notamment, ne les y pousse. Elles disent être portées par le désir d’offrir davantage d’options de paiement à leurs clients.</p>
<p>La base des utilisateurs des cryptomonnaies grandit d’année et année. Ainsi, Crypto.com, une plate-forme d’échange, a estimé qu’environ 295 millions de personnes étaient entrées sur le marché des cryptomonnaies en <a href="https://assets.ctfassets.net/hfgyig42jimx/5i8TeN1QYJDjn82pSuZB5S/85c7c9393f3ee67e456ec780f9bf11e3/Cryptodotcom_Crypto_Market_Sizing_Jan2022.pdf">date de décembre 2021</a>. Cette plate-forme prévoit même un nombre d’utilisateurs franchissant la barre des 1 milliard d’ici décembre 2022.</p>
<p>Les cryptomonnaies permettent aussi à des populations, dont les systèmes bancaires sont peu fiables ou peu sécurisés, d’avoir accès à une forme de système bancaire parallèle, indépendante du système bancaire traditionnel. L’opportunité d’avoir accès à une forme différente de système bancaire, pour une partie moins nantie de la population, est d’ailleurs l’une des raisons avancées par le président du Salvador pour <a href="https://www.nytimes.com/2022/07/05/world/americas/el-salvador-bitcoin-national-currency.html">justifier l’accession du Bitcoin au titre de monnaies légales du pays</a>.</p>
<h2>Une fluctuation salutaire</h2>
<p>L’intérêt croissant envers la <a href="https://www.cnbc.com/2021/06/18/whats-defi-crypto-based-decentralized-finance-explained.html">finance décentralisée (DeFi)</a>, de même que le développement du métavers, sont aussi des facteurs qui influencent la pérennité des cryptomonnaies. La finance décentralisée a souvent recours à des jetons stables (« stablecoins ») aux fins de son fonctionnement. Le métavers, un <a href="https://theconversation.com/le-metavers-une-contree-numerique-aux-mille-facettes-172267">univers constitué de mondes virtuels en 3D</a>, permet lui aussi l’utilisation de cryptomonnaies pour l’acquisition de biens ou de services, créant ainsi un univers immersif.</p>
<p>Des spécialistes dans le secteur estiment que, malgré la débâcle que le marché des cryptoactifs a connu récemment, la finance décentralisée, notamment via des produits adossés à des cryptoactifs, <a href="https://fr.cointelegraph.com/news/players-are-disappearing-in-this-bear-market-but-its-for-the-sake-of-adoption">est là pour rester</a>. Cela s’explique par la présence d’un marché et d’acteurs prêts à y participer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personne tient une pièce de monnaie Bitcoin devant un écran" src="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/478162/original/file-20220808-7938-udt4nr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les cryptomonnaies peuvent être utilisées à des fins transactionnelles dans le métavers.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>D’ailleurs, ils avancent que cette baisse marquée des marchés liés aux cryptomonnaies, bien qu’elle fasse disparaître certains acteurs, est la bienvenue. De <a href="https://fr.cointelegraph.com/news/players-are-disappearing-in-this-bear-market-but-its-for-the-sake-of-adoption">l'aveu même de Raoul Ullens</a>, cofondateur de la <a href="https://blockchainweek.be/">Brussels blockchain Week</a> (une conférence annuelle qui s’articule autour de la chaîne de blocs et des cryptomonnaies) :</p>
<blockquote>
<p>il est sain, pour l’adoption, la maturation de ces technologies du Web3, d’écrémer, de rééquilibrer le secteur. […] Un écosystème malsain n’attirera pas les masses.</p>
</blockquote>
<p>Selon ces acteurs, une telle baisse des marchés des cryptoactifs est non seulement nécessaire, mais également salutaire, notamment pour rééquilibrer la valorisation.</p>
<h2>Les cryptomonnaies sont là pour rester</h2>
<p>Le lancement de cryptomonnaies par des banques centrales, via les monnaies digitales de banque centrales (MDBC) (ou « central bank digital currency » (CBDC) en anglais), donne aussi du poids à la permanence des cryptoactifs. En effet, la Banque du Canada travaille actuellement à la <a href="https://www.bankofcanada.ca/research/digital-currencies-and-fintech/projects/central-bank-digital-currency/">création d’une MDBC</a>. Selon l'institution, une MDBC émise par cette autorité serait une <a href="https://www.banqueducanada.ca/recherches/monnaies-numeriques-et-technologies-financieres/projets/monnaie-numerique-de-banque-centrale/?_gl=1*66um6m*_ga*ODkyMTkwNTM2LjE2NTc1NDY2Njg.*_ga_D0WRRH3RZH*MTY1NzU0NjY2Ny4xLjAuMTY1NzU0NjY2OS4w&_ga=2.176461989.1290726791.1657546668-892190536.1657546668">« monnaie numérique officielle qui conserverait sa valeur nominale en dollars canadiens, tout comme les billets, car elle serait émise par la Banque du Canada »</a>.</p>
<p>D’autres nations dans le monde ont pour leur part déjà émis une telle monnaie, dont les <a href="https://www.ndtv.com/business/here-are-the-timelines-and-status-of-central-bank-digital-currencies-in-some-countries-2820164">Bahamas (Sand Dollar) et le Nigéria (eNaira)</a>. Les MDBC sont différentes des monnaies numériques issues du privé (comme le Bitcoin ou l’Ethereum), notamment parce que leur utilisation prévue est seulement à des fins de transaction, et non d’investissement ou spéculation. Elles offrent les mêmes possibilités d’utilisation que l’argent comptant. </p>
<p>Les MDBC visent également à promouvoir l’inclusion financière d’une partie de la population n’ayant que peu ou pas d’accès au système bancaire traditionnel et simplifier la mise en œuvre de la politique monétaire et budgétaire des pays émetteurs.</p>
<p>Les développements dans le monde des monnaies numériques, que ce soit dans le métavers ou encore la venue de MDBC, et l’engouement qu’elles ne cessent de susciter, font de ce type d’actifs des devises qui sont là pour rester.</p>
<p>Cette pérennité prendra une forme qui continuera à évoluer et se transformer au fil de l’avancée des technologies les supportant (notamment, les chaînes de blocs) et de la variation dans la demande provenant des utilisateurs et/ou investisseurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185476/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Annie Lecompte a reçu des financements de la Fondation des CPA du Québec.</span></em></p>Les cryptomonnaies sont-elles vraiment là pour rester ou est-ce qu’il ne s’agit que d’un effet de mode ?Annie Lecompte, Assistant prof - Audit, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1966772023-01-03T20:09:00Z2023-01-03T20:09:00ZLa numérisation des moyens de paiement dégrade le caractère public de la monnaie<p>En tant que citoyen ou citoyenne de la zone euro, chacun de nous réalise en moyenne <a href="https://www.ecb.europa.eu/stats/ecb_surveys/space/html/index.en.html">13 paiements par semaine</a> (tous types confondus) : c’est autant d’occasions de faire circuler des unités de notre monnaie commune. S’il s’agit dans tous les cas d’euros, ceux-ci circulent néanmoins via divers canaux et grâce à différents supports.</p>
<p>Ceux-ci n’ont cessé d’évoluer et ils l’ont fait d’autant plus rapidement à l’occasion de la crise du Covid-19. Nos moyens de paiement ont en effet été grandement numérisés : si une majorité de nos paiements en magasin est encore réalisée en espèces, leur nombre ne cesse de diminuer et la part des espèces dans la valeur totale des échanges est déjà minoritaire. Pour certains, nous serions donc à l’orée de la « cashless society », une société où les espèces auront été supprimées et qui serait <a href="https://press.princeton.edu/books/hardcover/9780691172132/the-curse-of-cash">promesse</a> d’efficacité économique et de progrès social.</p>
<p>Individuellement, la plupart d’entre nous peut trouver des avantages à la numérisation croissante de nos moyens de paiement. Même si un peu d’adaptation peut être nécessaire, les paiements numériques apparaissent souvent plus pratiques, plus rapides, plus sécurisés, etc. En zone euro, la moitié des personnes interrogées dit maintenant préférer les paiements numériques plutôt que les espèces. Mais on voit aussi que ce qui peut être perçu comme plutôt positif pour soi, en tant qu’individu, ne se traduit pas forcément dans une vision d’un futur souhaitable pour la société dans son ensemble.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-supprimer-le-cash-176175">« Le pour et le contre » : Faut-il supprimer le cash ?</a>
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<p>Parmi les répondants européens, une plus grande part (55 %) déclare qu’il est pour eux important ou très important de pouvoir continuer à payer en espèces à l’avenir. En France, où les espèces sont comme ailleurs de moins en moins utilisées pour les paiements, <a href="https://www.ifop.com/publication/plus-de-huit-francais-sur-dix-sont-attaches-aux-especes/">83 % des personnes interrogées se disent inquiètes de voir disparaître les espèces</a>. Pourquoi de tels écarts entre les pratiques et les perceptions ?</p>
<h2>Exclusion monétaire</h2>
<p>Peut-être qu’une partie des personnes pense à celles et ceux qui ont plus de difficultés à s’adapter à la numérisation de nos moyens de paiement. Même si ce processus peut être vu comme positif « en moyenne », il est loin d’être favorable à toutes et tous, et ses impacts négatifs touchent principalement les personnes qui sont déjà les plus vulnérables.</p>
<p>En zone euro, parmi les 40 % de la population les plus pauvres, on peut estimer qu’<a href="https://www.worldbank.org/en/publication/globalfindex">environ 20 % des personnes sont exclues des paiements numériques</a> du fait qu’elles n’utilisent aucune carte de paiement : cela concernerait alors plus de 23 millions de personnes. Pour elles, la numérisation croissante des moyens de paiement se traduit par diverses complications de leur quotidien, des difficultés d’accès aux biens et services, des coûts supplémentaires, une perte d’autonomie, un sentiment de relégation.</p>
<p>La numérisation fait augmenter le nombre de personnes en situation d’exclusion monétaire qui, bien qu’elles puissent avoir de l’argent, n’en disposent pas sous la bonne forme. Certains types de moyens de paiement apparaissent aujourd’hui indispensables pour pouvoir pleinement participer à l’activité socioéconomique, alors qu’ils ne sont pas forcément utilisables par toutes et tous.</p>
<p>De manière plus générale, chacun de nous ne sent-il pas aussi qu’avec l’évolution de nos formes monétaires quelque chose de plus profond se joue, quelque chose qui ne se résumerait pas à de simples considérations de praticité ? Après tout, la monnaie n’est pas qu’un simple outil technique fluidifiant nos transactions économiques. C’est en fait <a href="https://www.puf.com/content/Th%C3%A9ories_fran%C3%A7aises_de_la_monnaie">surtout une institution sociale</a> : notre usage collectif de la monnaie participe au faire société.</p>
<p>De ce point de vue, la dématérialisation de la monnaie s’accompagne aussi d’une perte de sens : celui notamment véhiculé par les dimensions symboliques de nos pièces et de nos billets. Il a par exemple été montré qu’à la suite de l’introduction de l’euro en 2002, les personnes <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1465116520970286">s’identifient davantage comme citoyens européens</a>. Il n’est pas certain qu’il en aurait été autant dans une société « cashless ».</p>
<p>Dans le contexte actuel, alors que les espèces sont censées avoir cours légal, c’est-à-dire qu’elles doivent en théorie être <a href="https://www.banque-france.fr/billets/reconnaitre-et-utiliser-les-billets-et-les-pieces-en-euros/ou-quelles-conditions-et-jusqua-quel-montant-peut-payer-en-especes">obligatoirement acceptées</a> comme moyen de paiement, un nombre croissant de commerces sont, eux, déjà passés au « cashless » (notamment dans les centres urbains). Dans plusieurs pays européens, l’utilisabilité des espèces devient de plus en plus incertaine, pendant que l’accès à celles-ci devient de plus en plus difficile à mesure que les <a href="https://theconversation.com/fermetures-des-agences-bancaires-une-tendance-amorcee-bien-avant-la-crise-sanitaire-154084">distributeurs automatiques et les agences bancaires disparaissent</a>. C’est aussi cette double contrainte pesant sur les utilisateurs qui explique l’évolution des pratiques de paiement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-crise-na-pas-leve-toutes-les-reticences-sur-les-paiements-mobiles-sans-contact-178445">La crise n’a pas levé toutes les réticences sur les paiements mobiles sans contact</a>
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<p>Ce qui n’apparaît pas non plus forcément aux yeux des utilisateurs des différents types de moyens de paiement, c’est que ceux-ci sont de moins en moins les biens publics qu’ils devraient être. En effet, du fait du rôle central que jouent les services de paiement au sein de nos sociétés, ceux-ci devraient être universellement accessibles et principalement gratuits pour leurs utilisateurs. Or, ces services font de plus en plus l’objet d’une gestion principalement marchande, guidée par des principes de rentabilité qui en limitent l’accessibilité. Cela n’est pas sans risque pour la légitimité de nos institutions publiques – auxquelles la monnaie est toujours fondamentalement reliée, ainsi que pour la confiance que nous conférons à celles-ci.</p>
<p>Avec la numérisation de nos moyens de paiement, les signes souverains qui représentent nos institutions sont en effet effacés et remplacés par des marques commerciales : celles des réseaux internationaux de cartes de paiement (Visa et Mastercard, notamment), ou celles des nouveaux services de paiement proposés par les Gafam (ApplePay par exemple) et d’autres entreprises de la Tech. Il s’agit alors de voir le processus de numérisation de la monnaie pour ce qu’il est vraiment : non pas principalement la dématérialisation de nos moyens de paiement, mais bien leur privatisation croissante.</p>
<p>Le cash n’y échappe pas non plus puisque nos pièces et billets sont en grande partie frappées et imprimés par des entreprises privées et tous sont acheminés puis fournis au public par d’autres entreprises privées. Si le cash disparait aujourd’hui, c’est d’abord parce qu’il est vu comme une source de coûts par ceux à qui on en a confié la gestion.</p>
<p>La numérisation des moyens de paiement n’est donc pas qu’une évolution technique. Comme elle se traduit dans une plus grande marchandisation de cet élément fondamental qu’est la monnaie, elle est aussi une question politique et sociale. Dans un contexte où toute personne doit pouvoir utiliser des moyens de paiement numériques de manière satisfaisante pour pleinement participer à la société, c’est la question du partage des tâches entre le public et le privé qui doit être reposée.</p>
<p>L’<a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/opinion/leuro-numerique-concerne-la-societe-et-pas-seulement-la-finance/">euro numérique</a> sur lequel travaille actuellement la Banque centrale européenne pourrait être l’occasion de réaffirmer le caractère public de la monnaie et de (re)développer un véritable service public des services de compte et de paiement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/308798/original/file-20200107-123373-wmivra.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour accélérer et partager les connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Fonds Axa pour la Recherche a soutenu près de 700 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs originaires de 38 pays. Pour en savoir plus, consultez le site Axa Research Fund ou suivez-nous sur Twitter @AXAResearchFund.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196677/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Dissaux est post-doctoral fellow de la Fondation Axa pour la recherche.</span></em></p>La disparition progressive du cash conduit à une exclusion de l’activité socioéconomique des plus vulnérables et une privatisation qui détériore les dimensions symboliques de l’argent.Tristan Dissaux, Chercheur en socioéconiomie (CERMi, ULB), Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1948592022-11-24T22:30:43Z2022-11-24T22:30:43ZInflation ou hausse des taux ? Le dilemme des banques centrales n’a rien d’inéluctable…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/496128/original/file-20221118-12-m38xdy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=93%2C17%2C1090%2C779&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les banques centrales comme la BCE (photo) ne contrôlent aujourd'hui qu'indirectement le volume de monnaie en circulation qui entraîne la hausse des prix.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Europäische_Zentralbank_-_European_Central_Bank_%2819190136328%29.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La hausse du niveau général des prix atteint actuellement, dans de nombreux pays, des niveaux inédits depuis les années 1980. Ce phénomène inflationniste s’explique généralement par une <a href="https://publications.banque-france.fr/laugmentation-de-la-masse-monetaire-pendant-la-crise-Covid-analyse-et-implications">croissance excessive de la masse monétaire</a> ; et même si d’autres causes y contribuent, l’inflation peut toujours être évitée ou corrigée par un ajustement de la quantité de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/monnaie-21214">monnaie</a> en circulation. C’est pourquoi les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-45337">banques centrales</a>, qui ont pour mandat de stabiliser le pouvoir d’achat de la monnaie, entreprennent aujourd’hui de relever leurs taux pour combattre l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">inflation</a>.</p>
<p>Dans nos systèmes monétaires actuels, cependant, les banques centrales ne contrôlent qu’indirectement, et très imparfaitement, le volume de monnaie en circulation. La monnaie de banque centrale, qu’elles émettent directement, ne représente en effet qu’une fraction du total des moyens de paiement, essentiellement limitée aux pièces et aux billets. La <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6bDQG9LWwk4">masse monétaire</a> se compose surtout, aujourd’hui, de monnaie bancaire scripturale (les soldes de nos comptes courants transférables par carte bancaire ou virement), qui est <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/leco-en-bref/qui-cree-la-monnaie">créée par les banques commerciales</a> lorsque celles-ci financent des prêts ou des investissements.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">Fed et BCE : deux rythmes mais une même stratégie contre l’inflation</a>
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<p>L’un des défauts de cette monnaie bancaire est qu’elle confère au moyen d’échange un comportement procyclique : le volume de monnaie augmente (ou se contracte) à mesure que les emprunteurs accroissent (ou réduisent) leur endettement auprès des banques, ce qui amplifie les bulles spéculatives là où les banques prêtent le plus – sur le <a href="https://theconversation.com/marche-immobilier-krach-ou-simple-correction-194093">marché de l’immobilier</a> notamment.</p>
<h2>Entre Charybde et Scylla</h2>
<p>Cette dépendance de la création monétaire envers les prêts bancaires explique aussi que les banques centrales, dans le système existant, soient conduites à manipuler le prix du marché des prêts (les taux d’intérêt) pour stabiliser le niveau des prix. En usant notamment du pilotage des <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/les-taux-directeurs">taux d’intérêt directeurs</a>, auxquels elles prêtent aux banques, ou d’opérations d’achat ou vente d’actifs à destination de ces dernières, elles vont impacter les taux d’intérêt que les banques, en retour, appliqueront à leurs clients. Les banques centrales, de cette manière très indirecte, peuvent ainsi encourager ou décourager la création de monnaie bancaire, de sorte à stabiliser le pouvoir d’achat de la monnaie.</p>
<p>En période d’inflation, <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">comme actuellement</a>, cela se traduit par des hausses de taux qui, au-delà de leurs effets monétaires, sont tout sauf indolores : en renchérissant le coût de l’endettement, elles pénalisent l’investissement. C’est pourquoi les banquiers centraux naviguent maintenant entre Charybde et Scylla : si une hausse des taux insuffisamment forte laissait filer l’inflation, une hausse trop forte pourrait précipiter une récession.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">Laisser filer l’inflation ou freiner la reprise, le dilemme des banquiers centraux</a>
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<p>Un tel <a href="https://theconversation.com/laisser-filer-linflation-ou-freiner-la-reprise-le-dilemme-des-banquiers-centraux-164813">dilemme</a>, cependant, est-il vraiment inévitable ? Loin s’en faut. Il n’y a rien d’inéluctable, en effet, à ce que la création monétaire dépende si largement des prêts bancaires. Comme l’expliquait déjà l’économiste anglais David Ricardo il y a deux siècles, <a href="https://archive.org/details/planfortheestablishmentofanationalbank/page/n9/mode/2up">il n’y a « aucun lien nécessaire »</a> entre l’émission de monnaie d’un côté, et l’avance de monnaie par voie de prêt de l’autre. Ces deux fonctions, affirmait-il, pourraient très bien être séparées « sans la moindre perte d’avantage, que ce soit pour le pays, ou pour les marchands qui bénéficient de ces prêts ». L’émission de billets, depuis lors, est d’ailleurs devenue un monopole des banques centrales dans la plupart des pays.</p>
<h2>La piste du « 100 % monnaie »</h2>
<p>Dans la même optique, plusieurs économistes ont réclamé que l’émission de monnaie scripturale, transférable par chèque ou virement, soit dissociée des prêts bancaires. Telle était l’essence de la proposition <a href="https://doi.org/10.3917/redp.325.0835">« 100 % monnaie »</a> formulée aux États-Unis, durant la Grande Dépression des années 1930, par plusieurs économistes dont l’Américain <a href="https://mises.org/library/100-money">Irving Fisher</a>. Selon ce plan de réforme, qui a fait l’objet de nos <a href="https://sites.google.com/view/samueldemeulemeester/research">travaux de recherche</a> récents, les dépôts de transaction seraient couverts par 100 % de réserves en monnaie d’État, de sorte à ce que l’autorité monétaire soit seule habilitée à créer ou détruire des moyens de paiement.</p>
<p>Un certain nombre d’économistes, parmi lesquels les prix Nobel Maurice Allais, Milton Friedman et James Buchanan, ont continué à soutenir différentes versions de cette idée de réforme. Cette dernière a cependant souvent été rejetée au motif qu’elle mettrait fin, soi-disant, <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01830363">à l’intermédiation bancaire</a> – ce qui n’est pourtant vrai que pour les versions les plus radicales, qui imposeraient 100 % de réserves sur l’ensemble des dépôts bancaires sans distinction.</p>
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<p>La version basique de ce plan de réforme ne concernerait, quant à elle, que les seuls dépôts de transaction, à finalité de paiement, laissant les banques libres d’utiliser des comptes d’épargne, à finalité d’investissement (et dont les soldes seraient convertibles à vue ou à terme mais non transférables en eux-mêmes), pour financer des prêts. L’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=8I4sdXbgk4g">intermédiation bancaire</a> serait ainsi maintenue, mais le volume de moyens de paiement n’en serait plus affecté.</p>
<h2>Le système actuel accroît les inégalités</h2>
<p>À la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008, divers auteurs ont soutenu une version moderne de cette idée avec la proposition de <a href="https://positivemoney.org/our-proposals/sovereign-money-introduction/">« monnaie souveraine »</a>, selon laquelle la monnaie de banque centrale serait directement utilisée, sous forme scripturale ou numérique, par l’ensemble de la communauté de paiement en remplacement de la monnaie bancaire.</p>
<p>Dans un tel système, la création monétaire cesserait de dépendre des prêts bancaires pour devenir un monopole de l’autorité monétaire. Celle-ci injecterait de la nouvelle monnaie dans la circulation soit par le canal de l’<em>open market</em> (le marché secondaire des titres sur lequel la banque centrale intervient), soit, en coopération avec le Trésor, par le canal fiscal, c’est-à-dire par une augmentation des dépenses publiques, une réduction des impôts (à niveau de dépenses égal), voire des transferts monétaires directs aux contribuables ou aux citoyens (selon le principe de la <a href="https://theconversation.com/faut-il-sinquieter-des-pertes-des-banques-centrales-193876">« monnaie hélicoptère »</a>).</p>
<p>Le volume de moyens de paiement cesserait ainsi de varier de manière cyclique au gré des décisions d’emprunt et d’investissement. L’autorité monétaire serait en position de parfaitement contrôler l’émission de monnaie et de stabiliser, à travers celle-ci, la valeur de l’unité de compte, sans avoir pour cela à interférer avec le marché des prêts.</p>
<p>Dans les années qui ont suivi la crise de 2008, un système « 100 % monnaie », ou de « monnaie souveraine », aurait représenté un atout évident lorsque, dans un contexte de surendettement généralisé, le secteur privé était réticent à s’endetter davantage (même à des taux très bas) et les banques peu enclines à prêter ou investir. Les banques centrales ont ainsi dû procéder à des achats massifs d’actifs bancaires, via leurs programmes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« assouplissement quantitatif »</a> (QE), pour éviter que la réduction des bilans bancaires ne se traduise en contraction monétaire. Si ces opérations ont permis d’éviter une déflation, elles ont en revanche maintenu les taux d’intérêt à un niveau artificiellement bas et gonflé les prix d’actifs, <a href="https://doi.org/10.3917/ecofi.128.0165">accroissant au passage les inégalités</a>.</p>
<h2>Éviter les distorsions monétaires</h2>
<p>Dans le contexte actuel, un système « 100 % monnaie » permettrait, symétriquement, de contrôler l’inflation beaucoup plus facilement : face à une hausse rapide du niveau des prix, l’autorité d’émission pourrait directement réduire le rythme de la création monétaire, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/opinion-pour-une-revision-monetaire-radicale-1193673">sans avoir à manipuler les taux d’intérêt</a> de quelque manière que ce soit.</p>
<p>Cet argument fut <a href="https://mises.org/library/100-money">avancé dès 1935</a> par Irving Fisher :</p>
<blockquote>
<p>« Même lorsque le niveau des prix est, pour un temps, stabilisé avec succès, sous le système en [vigueur], l’effort même de parvenir à cette fin par une manipulation des taux d’intérêt […] implique nécessairement une certaine distorsion du taux d’intérêt par rapport à la normale, c’est-à-dire par rapport au taux que la seule offre et demande de prêts aurait établi. C’est parce que, lorsque la [banque centrale] relève ou baisse le taux d’intérêt en vue d’empêcher l’inflation ou la déflation, une telle hausse ou baisse interfère nécessairement quelque peu avec le marché monétaire naturel ».</p>
</blockquote>
<p>Sous un système « 100 % monnaie », poursuivait-il, « les taux d’intérêt s’équilibreraient d’une manière naturelle selon l’offre et la demande de prêts, et les taux réels ne seraient pas pervertis par des écarts de conduite monétaires ». Ce n’est qu’en dissociant l’émission de monnaie des prêts de monnaie, comme le propose une telle réforme, que le niveau des prix et le taux d’intérêt pourraient chacun atteindre, séparément et simultanément, leur niveau optimal.</p>
<p>Jusqu’à ce qu’un tel système soit mis en place, les autorités monétaires resteront occasionnellement confrontées au type de dilemme qu’elles subissent actuellement. L’introduction d’une <a href="https://abc-economie.banque-france.fr/monnaie-digitale-de-banque-centrale">monnaie numérique de banque centrale</a> (MNBC), dont le projet est à l’étude dans de nombreux pays, pourrait en faciliter l’adoption.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194859/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Demeulemeester ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis les années 1930, de nombreux économistes appellent à ne plus conditionner l’émission de monnaie à la demande de prêts des banques commerciales pour renforcer le pouvoir de l’autorité monétaire.Samuel Demeulemeester, Doctor in Economics, ENS de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938762022-11-08T19:02:07Z2022-11-08T19:02:07ZFaut-il s’inquiéter des pertes des banques centrales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493241/original/file-20221103-26-erx0q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C18%2C1005%2C669&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Bank of England (BoE) pourrait être renflouée par le Trésor britannique à hauteur de 11&nbsp;milliards de livres sterling.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bank_of_England_looking_up_(22573356606).jpg">Images George Rex/Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>L’une des conséquences de la politique monétaire de remontée des taux pour <a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">lutter contre l’inflation</a> est la baisse des prix des actifs financiers. Pour les banques centrales, cela se traduit par une dévalorisation de leurs titres en portefeuille, ceux qu’elles ont achetés dans le cadre des programmes d’assouplissement quantitatif (« quantitative easing », ou QE) – mis en place depuis 2015 en zone euro – et ceux qu’elles détiennent pour compte propre. Aux Pays-Bas ou en Belgique, les banques centrales ont annoncé qu’elles devraient enregistrer de lourdes pertes à cause de ces moins-values.</em></p>
<p><em>Ces moins-values sont soit latentes, lorsque les titres sont conservés, soit réalisées, lorsque les titres sont arrivés à échéance ou qu’ils sont revendus. Dans les deux cas, la moins-value est actée au plus tôt. Dans le cadre du programme d’achat de titres publics (PSPP, Public sector purchase program) de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-europeenne-bce-24704">Banque centrale européenne (BCE)</a>, le montant nominal des titres arrivés à échéance est intégralement réutilisé pour racheter de la dette publique. Ce qu’on appelle le « quantitative tigthening » (resserrement quantitatif) n’a donc pas encore commencé en zone euro.</em></p>
<p><em>Au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Royaume-Uni</a>, la Banque centrale d’Angleterre (BoE) a en revanche débuté ses reventes et le parlement britannique devrait se prononcer le 16 novembre sur un éventuel versement du Trésor d’un montant de <a href="https://www.irishexaminer.com/business/economy/arid-40987445.html">11 milliards de livres sterling</a> pour compenser ses pertes ! La situation est-elle réellement si critique ? Quelles peuvent être les conséquences de ces pertes au sommet du système monétaire sur le reste de l’économie ? Décryptage avec Jézabel Couppey-Soubeyran, conseillère scientifique à l’Institut Veblen et maîtresse de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.</em></p>
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<p><strong>The Conversation France : Faut-il s’inquiéter de la situation des banques centrales après des années de rachat massif d’actifs ? En quoi les pertes peuvent-elles être problématiques ?</strong></p>
<p>Ce serait problématique pour une entreprise normale ou une banque commerciale. Or, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-centrale-45337">banque centrale</a> n’en ni l’une, ni l’autre ! Une perte n’est pas grave en soi pour une banque centrale. La Banque des règlements internationaux (BRI), la « banque centrale des banques centrales », l’explique clairement dans son <a href="https://www.bis.org/publ/bppdf/bispap71_fr.pdf">ouvrage sur les finances des banques centrales</a>. Ce sont les seules institutions à pouvoir aujourd’hui supporter une perte lourde. C’est ce que nous avons voulu rappeler avec mon co-auteur Pierre Delandre dans une <a href="https://www.lesoir.be/474699/article/2022-11-02/une-banque-centrale-nest-ni-une-entreprise-ni-une-banque-commerciale">tribune récente</a>.</p>
<p>En effet, en dépit des apparences juridiques et actionnariales, la banque centrale n’est ni une entreprise ni une banque commerciale. Elle est l’institution au sommet du système monétaire. Elle a pour missions d’assurer la stabilité des prix et de contribuer à la stabilité du système financier. Bénéfices ou pertes peuvent découler de l’exercice de ses missions mais ne sont pas des critères pertinents pour évaluer son action.</p>
<p>Elle a le pouvoir de créer la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/monnaie-21214">monnaie</a> que les banques utilisent entre elles. Quand la banque centrale prête de la monnaie centrale aux banques ou achète des titres sur les marchés financiers, elle crée de la monnaie centrale en l’inscrivant à son passif sur le compte des banques bénéficiaires. Figure ainsi au passif de la banque centrale ce qu’elle doit. Mais ce qu’elle doit est précisément la monnaie qu’elle crée elle-même. Ainsi, une perte, aussi grande soit-elle, ne réduit pas la capacité d’une banque centrale à honorer ses engagements dès lors que ceux-ci sont en monnaie centrale. Comme le souligne la BRI, une banque centrale peut donc fonctionner avec des fonds propres négatifs.</p>
<p><strong>TCF : Comment comprendre, dès lors, les signaux d’inquiétude tels que le débat sur un éventuel renflouement de la BoE par le Trésor britannique ? N’y a-t-il pas un risque de miner la confiance dans la monnaie ?</strong></p>
<p>Le pouvoir de création monétaire de la banque centrale peut être mal compris sinon même ignoré. Auquel cas, une situation de fonds propres négatifs sera elle-même mal comprise et perçue comme grave. Et le simple fait de percevoir cela comme étant grave peut miner la confiance dans la monnaie et se révéler déstabilisant.</p>
<p>Cependant, l’acte de renflouement pourrait lui-même affecter la crédibilité de la banque centrale d’Angleterre, en même temps qu’il va détériorer les finances publiques britanniques. En filigrane, cet acte souligne surtout qu’en dernière instance, c’est toujours la puissance publique qui garantit la confiance dans la monnaie.</p>
<p>La solution réside dès lors dans la pédagogie, dans l’explication du fait que la banque centrale peut fonctionner avec des pertes et que c’est même la seule institution qui le peut. L’important réside dans la légitimité de la perte. Est-ce une perte « utile » pour la collectivité permettant à la banque centrale de contribuer aux objectifs publics ou pas ?</p>
<p><strong>TCF : En l’occurrence, pour la BoE, la perte vient de la revente des titres qu’elle a achetés dans le cadre du QE. En quoi cette revente et la perte qui l’accompagne sont-elles utiles et légitimes ? Et qu’en est-il de la BCE ?</strong></p>
<p>Comme les autres grandes banques centrales, la BoE a géré la crise financière puis la crise sanitaire en recourant massivement aux achats d’actifs. Elle a ainsi accumulé beaucoup de titres à son bilan. Elle n’est pas la seule. À l’actif du bilan consolidé de l’eurosystème, il y a près de 5 000 milliards d’euros de titres, soit plus de la moitié du total de son bilan. Ces titres sont en train de perdre de la valeur car ils ont été émis à des taux d’intérêt inférieurs à ceux d’aujourd’hui et ont été achetés au-dessus de leur valeur nominale par les banques centrales. Ainsi, nécessairement, que les banques centrales les revendent, qu’elles les conservent ou qu’ils arrivent à échéance, ces titres ont moins de valeur et se traduisent par des pertes.</p>
<p>À ce stade, la BCE n’a pas décidé, comme la BoE, de revendre des titres pour resserrer davantage sa politique monétaire, le but étant de retirer de la liquidité du marché et faire monter les taux. Pour l’instant, la BCE et les banques centrales nationales entendent « <a href="https://www.ecb.europa.eu/press/pr/date/2022/html/ecb.mp221027%7Edf1d778b84.fr.html">poursuivre les réinvestissements</a>, en totalité, des remboursements au titre du principal des titres arrivant à échéance acquis dans le cadre du programme d’achats d’actifs ».</p>
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<p>Si tel devait être le cas, alors elle devrait affirmer que ces reventes sont indispensables dans le cadre de sa politique monétaire et elle devra faire comprendre à la fois l’utilité et la légitimité de la perte financière en résultant (en indiquant accessoirement à qui elle profite), tout en soulignant le fait que cela ne l’empêche pas de fonctionner correctement. Peut-être ferait-elle mieux de conserver les titres qu’elle a achetés, ce qui toutefois ne lui évitera pas d’acter les moins-values sur portefeuille et sur titres arrivés à échéance.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, dans le cas présent, il y a plus à douter de l’utilité de ces reventes à perte par la BoE que de la perte en elle-même. Ces reventes risquent en effet d’accélérer la hausse des taux sur les marchés obligataires où ces titres sont revendus et d’élever le risque de krach obligataire. C’est bien plus préoccupant que la perte que ces ventes occasionneront pour la banque centrale.</p>
<p>Le plus grave à mon avis est que la posture consistant à se représenter la banque centrale comme une entreprise et à pointer la dangerosité de ses pertes aboutit à nous priver de son pouvoir monétaire et nous empêche de le mettre au service du bien commun.</p>
<p><strong>TCF : Quelles sont les marges de manœuvre monétaire dont les banques centrales se sont privées en raison de cette posture ?</strong></p>
<p>C’est précisément cette posture qui a empêché de considérer l’utilité d’une opération d’<a href="https://theconversation.com/que-se-passerait-il-si-la-bce-annulait-la-dette-publique-quelle-detient-conversation-avec-jezabel-couppey-soubeyran-152031">annulation conditionnelle</a> des créances accumulées par les banques centrales sur les États.</p>
<p>En février 2021, près de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/02/05/la-bce-peut-offrir-aux-etats-europeens-les-moyens-de-leur-reconstruction-ecologique-sociale-economique-et-culturelle_6068861_3232.html">150 économistes</a> de toute l’Europe, avaient recommandé que les banques centrales de l’eurosystème, qui regroupe la BCE et les banques centrales nationales des États membres de la zone euro, abandonnent les créances qu’elles avaient accumulées sur les États, en conditionnant l’opération au réinvestissement des sommes annulées là où on jugeait les besoins prioritaires ; dans le développement des énergies renouvelables, de grands programmes de rénovations thermiques, de construction d’infrastructure permettant de développer le fret ferroviaire et des mobilités moins énergivores, dans la restauration des services publics, dans l’accompagnement social et sectoriel à la transition écologique, etc.</p>
<p>Ce sont toujours les mêmes besoins prioritaires aujourd’hui qui nécessitent des investissements immenses. Quand les taux étaient au plus bas et très proches d’un pays à l’autre de la zone euro, si la partie de la dette des États détenue par leur banque centrale avait été annulée, ces derniers auraient pu ré-emprunter aisément ces sommes en allongeant le plus possible la maturité de leurs emprunts et tous auraient ainsi été engagés pour longtemps dans un programme d’investissement. Cela aurait donné un sérieux coup d’accélérateur à l’indispensable <a href="https://www.lespetitsmatins.fr/collections/essais/293-2030-c-est-demain-.html">transformation sociale-écologique</a>.</p>
<p>La proposition avait fait polémique et avait été jugée <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/02/07/christine-lagarde-juge-inenvisageable-l-annulation-de-la-dette-Covid_6069055_3234.html">inenvisageable</a> par Christine Lagarde, présidente de la BCE, qui avait aussi pointé la perte comptable que cela occasionnerait pour l’eurosystème. Pourtant, on serait bien content aujourd’hui que ces investissements verts aient été engagés en temps utiles.</p>
<p><strong>Le 4 juillet dernier, le Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne (BCE) avait cependant annoncé qu’elle allait « <a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">tenir compte du changement climatique</a> dans ses achats d’obligations d’entreprises, son dispositif de garanties, ses exigences de déclaration et sa gestion des risques, conformément à son programme d’action pour le climat ». N’est-ce pas un indice d’une réorientation de la politique monétaire dans ce sens ?</strong></p>
<p>Même si les dispositions annoncées en juillet dernier vont dans le bon sens, puisqu’elles signifient que la politique monétaire est en train de verdir, elles n’ont rien d’équivalent à plusieurs milliers de milliards d’euros d’investissements publics dans la transition écologique comme l’aurait permis l’opération d’annulation conditionnelle.</p>
<p>On pourra toujours voir le verre à moitié plein mais force est de constater que l’effort reste limité : la sélection que la BCE s’apprête notamment à effectuer dans ses achats de titres ne porte que sur ses « avoirs en obligations d’entreprises », qui ne représentent qu’une petite fraction de son portefeuille et qui surtout vont cesser avec l’arrêt des programmes d’achats d’actifs. Concernant le verdissement des garanties apportées par les banques, on n’est pas à l’abri d’effets d’aubaine.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/politique-monetaire-verte-un-grand-pas-pour-la-bce-un-petit-pas-pour-le-climat-186686">Politique monétaire « verte » : un grand pas pour la BCE, un petit pas pour le climat</a>
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<p>L’option la plus intéressante à mandat constant, c’est-à-dire réalisable sans rien changer au mandat de la BCE, a pour le moment été écartée. C’est celle des TLTRO verts, largement soutenue depuis plusieurs années par des ONG et des think tanks comme <a href="https://www.positivemoney.eu/2020/09/green-tltros/">Positive Money</a> et <a href="https://www.veblen-institute.org/La-BCE-a-l-heure-des-decisions-951.html">l’Institut Veblen</a>. Cela consisterait à moduler le taux de refinancement des banques en fonction de l’accroissement des crédits « verts » à leur actif. Cette solution pourrait favoriser une allocation « durable ou habilitante » du crédit bancaire et permettrait de traiter équitablement chaque établissement de crédit, quelle que soit son empreinte carbone initiale. C’est l’effort de décarbonation qui serait récompensé et ce serait aussi une bonne façon de rendre la remontée des taux plus graduelle puisqu’ils augmenteraient moins pour les banques contribuant à la transition.</p>
<p><strong>TCF : Est-ce la même logique qui conduit à écarter la <a href="https://theconversation.com/la-monnaie-et-les-economistes-je-taime-moi-non-plus-137610">monnaie hélicoptère</a> ? Une telle innovation monétaire pourrait-elle être utile dans le contexte <a href="https://theconversation.com/inflation-croissance-nulle-et-plein-emploi-bienvenue-dans-la-stagflation-2-0-182780">stagflationniste</a> actuel ?</strong></p>
<p>Effectivement, comme l’abandon des créances au profit des autorités publiques, la monnaie hélicoptère occasionnerait une perte au bilan de la banque centrale. Mais, cette fois, au profit des ménages et des entreprises concernées, puisque cela consisterait à donner de la monnaie gratuitement et sans remboursement aux ménages et à certaines entreprises. Dans les deux situations, la monnaie créée par la banque centrale acquerrait un caractère permanent – dans le cas de l’annulation de dettes, la monnaie créée initialement par la banque centrale pour acheter les titres ne serait pas détruite puisque les dettes ne seraient pas remboursées, et dans le cas de la monnaie hélicoptère, la banque centrale créerait de la monnaie sans contrepartie financière, c’est-à-dire sans inscrire à son bilan d’actif exigible en contrepartie.</p>
<p>Les banques centrales se refusent pour le moment à voir dans la monnaie hélicoptère un nouvel instrument possible alors que ce pourrait être un <a href="https://www.veblen-institute.org/Note-Veblen-Un-drone-monetaire-pour-remettre-la-politique-monetaire-au-service.html">outil puissant de soutien de la dépense</a> en situation de déflation ou de stagflation.</p>
<p>Cela s’envisage en effet plutôt dans un contexte de déflation, car en situation d’inflation, le fait d’augmenter la capacité de dépense peut faire craindre d’alimenter davantage l’inflation. Cependant, quand l’inflation ne vient pas d’un excès de monnaie à la disposition des ménages – comme aujourd’hui où nous faisons face à une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/10/28/l-inflation-actuelle-puise-ses-racines-dans-des-facteurs-lies-a-l-absence-de-transition-energetique_6147739_3232.html">inflation beaucoup plus structurelle que conjoncturelle</a> – et qu’elle coexiste avec une stagnation voire une récession, alors cela pourrait être très utile pour les banques centrales de disposer d’un outil supplémentaire les rendant capables de soutenir la dépense sans délai et sans problème de transmission.</p>
<p>La <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/opinion/leuro-numerique-concerne-la-societe-et-pas-seulement-la-finance/">monnaie numérique de banque centrale</a>, qui est en préparation à la BCE notamment, pourrait lever les obstacles techniques de la monnaie hélicoptère. Le jour où tout le monde disposera d’un compte en monnaie centrale numérique, un transfert de monnaie centrale sur ces comptes deviendra aussitôt techniquement possible. L’euro numérique pourrait même être “programmable”, c’est-à-dire pré-programmé pour flécher la dépense vers des achats nécessaires à la transition écologique ou qui ne vont pas à son encontre.</p>
<p><strong>TCF : Plus largement, comment l’usage volontaire de la monnaie peut-il contribuer à surmonter les crises et à relever les défis du développement économique ? Que nous dit l’histoire monétaire à ce propos ?</strong></p>
<p>Plus largement, le <a href="https://www.veblen-institute.org/La-transition-monetaire-Pour-une-monnaie-au-service-du-bien-commun.html">pouvoir monétaire de la banque centrale serait mis au service du bien commun</a> si l’on convenait démocratiquement de lui faire prendre en charge des dépenses reconnues comme étant indispensables collectivement et trop massives pour être financées par l’impôt ou par l’accroissement de la dette obligataire des États. C’est typiquement le cas d’une grande part des dépenses nécessaires à la transition écologique ou aux investissements dans les infrastructures publiques et non marchandes.</p>
<p>Dépenses indispensables mais non rentables et qui, de ce fait, n’ont pas lieu. Que l’on pense à l’adaptation des infrastructures routières et ferroviaires pour transformer nos mobilités, à la dépollution, à la protection de la biodiversité (en laissant reposer des sols, en les désartificialisant, en replantant des arbres, etc.), à la formation, aux mesures de compensation et d’accompagnement pour une « transition juste », aux hôpitaux publics, aux écoles, universités, maisons de retraite, crèches, etc.</p>
<p>Pour tous ces projets indispensables, on manque de financement parce que <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/14/jezabel-couppey-soubeyran-ne-demandons-pas-a-la-transition-ecologique-d-etre-toujours-rentable_6126051_3232.html">ce n’est pas rentable</a>. Il faut pour cela un financement alternatif innovant, il faut que les banques centrales inaugurent un nouvel arsenal d’armes monétaires. Ce pourrait être des prêts à taux zéro dont la durée serait adaptée à la nature des investissements et même des prêts perpétuels ou des dons lorsqu’il s’agit de restaurer l’environnement et la biodiversité. Après tout, les abeilles, les oiseaux, les arbres n’ont pas la capacité de rembourser et pourtant ils nous rendent tellement de services gratuitement.</p>
<p>Le problème est que l’indispensable financement du secteur public et du bien commun est interdit aux banques centrales. En effet, depuis maintenant plusieurs décennies, les États n’ont plus la possibilité de se financer directement auprès de leur banque centrale. En Europe, l’article 123 du <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:12012E/TXT:fr:PDF">Traité sur le fonctionnement de l’Europe</a> (TFUE) interdit aux banques centrales du SEBC d’apporter une assistance financière directe aux États membres.</p>
<p>Plus précisément, le traité interdit aux banques centrales « d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit » aux autorités publiques, ce qui littéralement ne leur interdit pas de « donner de la monnaie » aux États. Il fait peu de doute cependant que les juristes de la BCE jugeraient le don de monnaie centrale aux autorités publiques autant contraire à l’esprit du traité, sinon plus, qu’un crédit ou un découvert. Il en va différemment en ce qui concerne un don de monnaie centrale aux ménages et aux entreprises (monnaie hélicoptère), nulle part interdit dans le traité, car nulle part envisagé sous quelque forme que ce soit.</p>
<p>Cet interdit d’assistance financière directe aux États n’est en tout cas pas spécifique à l’Europe et concerne pratiquement toutes les banques centrales. Or, sans ce type de transformations monétaires, les dépenses indispensables à la transformation écologique et sociale de nos sociétés n’auront pas lieu. Bien sûr, il ne s’agit absolument pas que toute la monnaie créée par la banque centrale le soit dans ce nouvel arsenal, il s’agit d’utiliser le pouvoir monétaire pour répondre exclusivement aux besoins de transformation de la société.</p>
<p>L’urgence écologique doit faire loi. Ignorer ou feindre d’ignorer le pouvoir monétaire de la banque centrale, c’est empêcher la société tout entière de mettre ce pouvoir au service du bien commun et de l’indispensable transition écologique. L’histoire monétaire nous a pourtant appris que l’usage volontaire de la monnaie a toujours contribué à surmonter les crises, les guerres et les défis du développement économique. Or il n’y a pas plus grand et plus urgent défi aujourd’hui que la lutte contre le dérèglement climatique, la restauration de la biodiversité, la restauration de la capacité énergétique et la consolidation des infrastructures publiques.</p>
<p><strong>TCF : Quels seraient les aménagements nécessaires pour accueillir ces innovations monétaires tout en maintenant la confiance dans la monnaie ?</strong></p>
<p>La bonne façon d’accueillir ces innovations monétaires serait d’abord de tenir compte de l’incompréhension qui entoure le pouvoir monétaire de la banque centrale et de faire un effort de pédagogie. Ensuite, afin de conserver la confiance en l’institution et en la monnaie, il faudrait accorder un statut définitif à ce qu’on appelait, jusqu’à récemment, « les opérations non conventionnelles » d’achats de titres qui sont précisément à la source des « pertes » actuelles.</p>
<p>À l’issue de sa dernière <a href="https://www.ecb.europa.eu/home/search/review/html/ecb.strategyreview_monpol_strategy_statement.fr.html">revue stratégique</a>, la BCE a bien entamé cette intégration en disant que dorénavant ce type d’opérations ferait partie intégrante de sa boîte à outils, mais elle n’a pas encore intégré totalement toutes les conséquences de ces choix, ce qui explique qu’elle parle de « pertes » plutôt que de parler de « contributions définitives aux objectifs publics ».</p>
<p>Enfin, avec les nouveaux outils de financement alternatif proposés ici, la banque centrale redeviendrait, en partie, l’outil de financement du bien commun et du bien public. Naturellement, ces propositions amèneront à s’interroger sur la gouvernance des banques centrales. Le principe d’indépendance de la banque centrale doit-il être conservé ? Faut-il mettre en place une structure d’accompagnement de ces nouvelles missions ? On notera d’ailleurs que dans les pays anglo-saxons, seul le comité de politique monétaire est indépendant. La banque centrale, en tant que telle, ne l’est pas.</p>
<p>En termes techniques, ces opérations menées au profit de la communauté seraient alors enregistrées dans un nouveau poste comptable d’actif au bilan, qui permettrait de les rendre visibles sous la forme d’un actif non exigible « <a href="https://laviedesidees.fr/La-monnaie-volontaire.html">Contributions définitives de la banque centrale aux objectifs publics</a> ».</p>
<p>Ainsi, non seulement il n’y aurait pas de perte à acter, mais il y aurait en plus une mémoire des opérations d’intérêt public, d’intérêt national, qui permettrait de réguler le stock de monnaie permanente en résultant (permanente puisque pas adossée sur un crédit à rembourser ou sur un titre acquis et pouvant être revendu). Assurément si la volonté politique était là pour conduire ces innovations monétaires, le cadre comptable suivrait sans aucune difficulté et favoriserait la transparence de ces opérations.</p>
<p><strong>TCF : Qu’est-ce qui pourrait faire changer le fonctionnement des banques centrales ? D’où pourrait venir l’impulsion politique ?</strong></p>
<p>Depuis leur origine, qui remonte au XVII<sup>e</sup> siècle avec la création de la Banque de Suède en 1668 et celle de la Banque d’Angleterre en 1694 (la Banque de France date de 1800), les banques centrales ont grandement évolué. C’est généralement sous la pression externe que cette évolution a eu lieu, comme celle des crises économiques et financières, des guerres. Actuellement, la polycrise écologique, épidémique, économique, énergétique et la guerre en Ukraine exercent cette pression.</p>
<p>L’impulsion pour ce changement ne peut toutefois venir que du corps électoral, des citoyens et citoyennes que nous sommes ainsi que des parlementaires qui nous représentent ! L’initiative ne peut pas venir des banques centrales elles-mêmes car elles agissent dans le cadre d’un mandat où l’on inscrit démocratiquement les objectifs qu’on leur confie, mandat qui, rappelons-le, s’impose à elles et dont elles ne décident pas.</p>
<p>N’oublions pas que les banques centrales nous appartiennent et qu’il nous revient d’ajuster leurs missions quand les circonstances nous l’imposent. Ce ne sont ni des entreprises ni des institutions figées. À nous de les faire évoluer !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jézabel Couppey-Soubeyran est membre de l'Institut Veblen et de la chaire énergie et prospérité. Elle a reçu des financements de ces organisations. </span></em></p>Pour une banque commerciale ou une entreprise, les pertes sont problématiques. Pas pour une banque centrale car ça ne l’empêche pas de fonctionner, même si cette situation pose question.Jézabel Couppey-Soubeyran, Maîtresse de conférences en économie, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1925412022-11-06T16:26:34Z2022-11-06T16:26:34Z« L’envers des mots » : Stagflation<p><em>À mesure que des questions de société émergent et que de nouveaux défis s’imposent aux sciences et technologies, notre vocabulaire s’étoffe, s’adapte. Des termes qu’on croyait déjà bien connaître s’enrichissent de significations inédites, des mots récemment créés entrent dans le dictionnaire. D’où viennent-ils ? En quoi nous permettent-ils de bien saisir les nuances d’un monde qui se transforme ? De « validisme » à « silencier », de « bifurquer » à « dégenrer », les chercheurs de The Conversation s’arrêtent deux fois par mois sur l’un de ces néologismes pour nous aider à mieux les comprendre, et donc mieux participer au débat public.</em></p>
<hr>
<p>En ces temps d’incertitudes économiques, le terme « stagflation » revient avec insistance dans l’actualité. Revient, car ce mot, contraction de stagnation et d’inflation, ne date pas d’hier. Attribué au politicien <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Iain_Macleod">Iain N. Macleod</a> pour décrire la situation économique de la Grande-Bretagne au milieu des années 1960, il a été repris par les économistes pour dépeindre celle de nombre de pays développés suite au <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/chocs-petroliers">choc pétrolier de 1973</a>.</p>
<p>À l’époque, la hausse du prix du baril (de 4$ à 16$) avait plongé l’ensemble des marchés dans une longue période de stagnation – voire de récession – du PIB, de forte inflation (soit l’augmentation de l’indice général des prix), et de hausse du chômage. Pour la France, voilà qui mit un point final aux <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/trente-glorieuses">Trente Glorieuses</a>, période marquée par un grand dynamisme industriel et une forte augmentation du niveau de vie.</p>
<p>D’abord, les travaux économiques se sont évertués à mettre en évidence les deux principales causes de l’apparition d’une stagflation. D’une part, l’augmentation du coût de l’énergie et/ou des intrants (les matières premières ou la force de travail, par exemple) induit une forte hausse des coûts de production qui concourt à la hausse des prix, au ralentissement de la consommation, et à celle de la production, du fait de perspectives de rentabilité dégradées. D’autre part, les situations prolongées de <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1958_num_9_6_407335">surliquidité</a> (soit la masse monétaire en circulation en excédent) finissent par dégrader la valeur de la monnaie.</p>
<p>Confrontés à l’inflation et l’érosion de leur pouvoir d’achat, les employés sont alors fondés à réclamer des hausses de salaire… qui finissent par soutenir la hausse de prix sous l’augmentation conjointe des coûts de production et de la demande. Une telle <a href="https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1984_num_35_2_408779">boucle prix/salaire</a> s’avère donc néfaste à l’industrie dont les capacités de production et de création d’emplois sont durablement altérées.</p>
<p>Les deux effets conjugués conduisent à la hausse des prix, au ralentissement économique et à une augmentation du chômage, c’est-à-dire, précisément une stagflation :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=214&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491685/original/file-20221025-16-lgheiz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Stagflation.</span>
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<p>Dans les années 1970, la stagflation avait mis un coup d’arrêt aux politiques keynésiennes alors largement poursuivies dans les pays développés. Celles-ci reposaient sur la croyance erronée en une relation inverse entre le chômage et l’inflation (la fameuse <a href="https://www.pourleco.com/le-dico-de-l-eco/courbe-de-phillips">« courbe de Phillips »</a>) et un important <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/john-maynard-keynes">interventionnisme de l’État</a>. Les gouvernements menaient alors des politiques budgétaires et monétaires dites expansionnistes, via les dépenses publiques et la baisse des taux d’intérêt directeurs, pour soutenir l’économie.</p>
<p>Le caractère inopérant de ces politiques en situation de stagflation a ouvert la voie aux thèses monétaristes (portées notamment par <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/milton-friedman">Milton Friedman</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-d-economie-politique-2007-3-page-311.htm">Edmund Phelps</a>) selon lesquelles les agents économiques, anticipant une inflation future, négocient des hausses de salaire. Nous retrouvons alors la fameuse boucle prix/salaire, fruit d’anticipations qui valident une sorte de prophétie autoréalisatrice. Dès lors, en situation de stagflation, il convient de substituer aux politiques de soutien à la demande des politiques orientées vers l’offre (pour lutter contre le chômage), et d’adopter des politiques de rigueur (de façon à réduire l’inflation).</p>
<p>La stagflation nous menace-t-elle à nouveau comme le suggérait récemment la <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/la-banque-mondiale-redoute-une-stagflation-generalisee-qui-reveillerait-de-bien-mauvais-souvenirs-932848.html">Banque Mondiale</a> ? Il est vrai que certaines similitudes sont troublantes, comme la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/6524161">hausse du prix de l’énergie</a> ou les <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/05/20/a-cause-des-difficultes-d-approvisionnement-les-entreprises-allemandes-ont-rallonge-leur-delai-de-livraison-a-un-niveau-inedit_6126939_3234.html">difficultés d’approvisionnement</a>. De leur côté, les banques centrales <a href="https://france-inflation.com/taux-directeurs-bce-fed.php">relèvent certes progressivement leurs taux directeurs</a>, mais les taux réels restent pour l’heure trop bas pour corriger l’inflation.</p>
<p>Pour autant, s’il semble acquis que l’économie mondiale va connaître une période de récession, et que l’inflation pourrait s’installer durablement, le retour de la stagflation reste peu probable pour l’heure. Les tensions sur le marché du travail ne devraient pas alimenter de boucle prix/salaire, tandis que les investissements dans une industrie plus souveraine et la transition écologique offrent une perspective de soutien à l’économie. Reste que le retour de ce mot résonne comme la réminiscence d’un trauma collectif que les économies développées entendent bien ne pas revivre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192541/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contraction de stagnation et d’inflation, le terme de stagflation revient avec force dans l’actualité. Quelques explications.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1926912022-10-20T15:11:06Z2022-10-20T15:11:06ZBonnes feuilles : « Déclin et chute du néolibéralisme »<p><em>Depuis la crise de 2008, l’idée selon laquelle les banques centrales peuvent se limiter à des interventions monétaires dépolitisées a complètement été remise en cause. Les politiques de taux zéro adoptées dans les pays développés à la suite de la crise financière de 2008, mais surtout les pratiques non conventionnelles dites de « quantitative easing » (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/assouplissement-quantitatif-84573">« assouplissement quantitatif »</a>) ont permis aux banquiers centraux d’intervenir directement au sein des marchés financiers et les ont transformés en véritables acteurs politiques.</em></p>
<p><em>Dans ce texte, extrait de</em> <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807338616-declin-et-chute-du-neoliberalisme">Déclin et chute du néolibéralisme</a> <em>(De Boeck Supérieur, 2022), l’économiste David Cayla étudie le renouveau des théories monétaires dans le monde académique. Il s’interroge sur l’affaiblissement de la pensée monétariste développée dans les années 1960 par Milton Friedman et Anna Schwartz et sur les difficultés des approches hétérodoxes à s’imposer. Selon lui, le problème réside dans la difficulté qu’elles rencontrent à concevoir un cadre économique plus général sur lequel s’appuyer.</em></p>
<hr>
<p>Depuis quelques années, les questions monétaires ont été remises sur le devant de la scène par de <a href="https://www.veblen-institute.org/La-monnaie-helicoptere-contre-la-depression-dans-le-sillage-de-la-crise.html">nombreux chercheurs</a>. C’est une conséquence de la crise financière. Avec la faillite de Lehman Brothers, en septembre 2008, les économistes se sont trouvés confrontés à un évènement de « crise systémique », une situation théorique qui ne s’était encore jamais produite à une telle échelle.</p>
<p>L’apparition des cryptomonnaies ou le développement des monnaies complémentaires locales ont montré que la nature de la monnaie pouvait être questionnée et que d’autres mécanismes de paiement ou d’épargne pouvaient apparaitre et concurrencer les systèmes bancaires traditionnels. Plus largement, le monde académique prit conscience, dans les années 2010, que les systèmes monétaires soulevaient de nombreuses questions qui avaient été négligées par la pensée monétariste.</p>
<p>Au sein des économistes hétérodoxes, ce regain d’intérêt intellectuel pour les questions monétaires prit la forme d’une nouvelle approche, la « théorie monétaire moderne » soit, en version originale, la « modern monetary theory » (MMT).</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=891&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490160/original/file-20221017-8454-sx0w56.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1119&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<p>Telle qu’elle est formulée par l’économiste américaine Stephanie Kelton dans <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-Le_mythe_du_d%C3%A9ficit-9791020909732-1-1-0-1.html">Le Mythe du déficit</a>, paru en 2021, la MMT relève davantage d’une nouvelle façon de présenter la relation entre État et monnaie que d’une <a href="https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/170321/propos-de-l-ouvrage-de-stephanie-kelton-le-mythe-du-deficit">théorie originale</a>. Pour la présenter brièvement, cette approche repose sur deux grands principes. Le premier est que la monnaie contemporaine n’étant plus indexée sur un actif réel tel que l’or, il n’y a plus de limite au pouvoir de création monétaire. Le second principe est que l’émetteur exclusif de cette monnaie est la banque centrale, c’est-à-dire l’État. Il résulte de ces deux principes qu’un État ne peut faire faillite et qu’il n’a pas besoin de trouver des recettes pour couvrir ses dépenses puisqu’il peut se financer lui-même via sa propre banque centrale.</p>
<p>Dès le début de son ouvrage, Kelton précise toutefois que sa théorie n’est valable que pour les États monétairement souverains, c’est-à-dire qui sont essentiellement financés par de l’épargne domestique, ce qui exclut les pays en voie de développement dont les systèmes financiers sont dépendants de l’extérieur et les pays de la zone euro. Elle précise également qu’affirmer que l’État peut se financer lui-même sans limite ne signifie pas qu’il n’y aurait aucune contrainte à la dépense publique. Seulement, cette limite n’est pas financière mais réelle. En effet, si un État dépense trop, il détourne des emplois et des ressources de la sphère privée vers la sphère publique, ce qui peut avoir pour effet de diminuer la disponibilité de l’offre marchande et des biens de consommation.</p>
<h2>Réhabiliter la dépense publique</h2>
<p>Lorsqu’on va au bout de la logique de la MMT, on comprend que la dette et les déficits publics n’ont pas l’importance qu’on leur accorde dans le débat public. La dette publique, explique Kelton, n’est pas d’une nature profondément différente de la monnaie publique. C’est seulement une forme de monnaie qui rapporte des intérêts à son détenteur.</p>
<p>La MMT renverse la logique et les raisonnements monétaristes. Elle affirme que ce n’est pas la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/politique-monetaire-39994">politique monétaire </a>qui est à l’origine de l’inflation mais la politique budgétaire ; que le problème n’est pas tant l’accroissement de la masse monétaire que la raréfaction de l’offre de marchandises. De même, l’effet d’éviction entre les secteurs public et privé ne relèverait pas d’un problème financier, mais de l’économie réelle. En effet, du point de vue de la MMT, tant qu’il y a des chômeurs à employer, la dépense publique ne risque pas de se faire au détriment du secteur privé puisque l’existence du chômage démontre que des ressources productives disponibles n’ont pas été utilisées par le secteur marchand.</p>
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<p>Finalement, ce que permet la MMT c’est surtout de réhabiliter la politique budgétaire et de montrer l’importance des interventions discrétionnaires publiques dans l’économie. Ainsi, à l’opposé des principes monétaristes, Kelton défend l’utilité de l’interventionnisme et affirme la nécessité de piloter politiquement l’économie.</p>
<h2>Une approche théorique incomplète</h2>
<p>Si les propositions de la MMT sont intellectuellement stimulantes dans leur manière de renverser la logique monétariste, elles ne font <a href="https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/170321/propos-de-l-ouvrage-de-stephanie-kelton-le-mythe-du-deficit">pas l’unanimité</a>, y compris parmi ceux qui sont opposés aux monétaristes. Ainsi, l’économiste keynésien Henri Sterdyniak, membre du collectif des Économistes atterrés, en fait une <a href="https://blogs.mediapart.fr/henri-sterdyniak/blog/170321/propos-de-l-ouvrage-de-stephanie-kelton-le-mythe-du-deficit">analyse critique</a> intéressante sur son blog. Selon lui, Stephanie Kelton omet de préciser que sa théorie n’est valable qu’en période de sous-emploi.</p>
<p>De plus, il apparait très compliqué d’utiliser l’emploi public comme un mécanisme de stabilisation du chômage. Cela supposerait qu’on recrute en période de sous-emploi, mais qu’en période de plein-emploi et de tension inflationniste, l’État devrait se séparer d’une partie des personnes embauchées précédemment afin de permettre au secteur privé de les recruter.</p>
<p>Plus fondamentalement, Sterdyniak note que la vision proposée par Kelton est incomplète. En premier lieu, en se focalisant sur le rôle de la banque centrale en tant qu’institution émettrice de monnaie, elle oublie le rôle pourtant central des banques et du crédit bancaire dans le processus de création monétaire. De même, le rôle des marchés financiers et les contraintes liées à la mondialisation sont sous-estimés.</p>
<p>Enfin, la dernière limite de la MMT concerne le souverainisme monétaire. Kelton le pose comme principe de sa théorie, mais elle n’en explique pas toutes les conditions. La tâche fondamentale incombant à la MMT ne devrait pas être de résoudre des problèmes de financement public dont elle affirme qu’ils n’existent pas. Elle devrait être d’expliquer comment créer les conditions d’une véritable souveraineté monétaire dans tout pays dont la monnaie n’est pas le dollar américain. Cette tâche est théoriquement simple, mais pratiquement très délicate. Il faudrait limiter le taux d’ouverture des économies, c’est-à-dire instaurer des politiques protectionnistes pour diminuer les échanges commerciaux avec l’étranger et produire davantage localement.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490159/original/file-20221017-6604-nghkc3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Il faudrait aussi instaurer un contrôle des changes pour éviter toute fuite des capitaux et orienter prioritairement l’épargne nationale vers des investissements intérieurs. Il faudrait, en somme, démondialiser, isoler en partie les économies des circuits commerciaux et financiers internationaux. Sans un relatif isolement économique, il est difficile de faire de la MMT une solution praticable pour la plupart des pays.</p>
<p>Ce qu’il faut retenir de ce qui précède n’est pas que la MMT serait sans intérêt pratique ou théorique, mais plutôt qu’elle ne constitue pas une réponse magique qui permettrait de résoudre par miracle toutes les difficultés économiques d’un pays. Elle n’est, en vérité, qu’une réponse partielle qui suppose des conditions tout à fait particulières pour être mise en œuvre. C’est d’ailleurs le cas de toutes les politiques alternatives au monétarisme. Aucune n’est entièrement satisfaisante. Toutes manquent, pour être vraiment opérationnelles et crédibles, d’un élément dont seul le monétarisme dispose : une relation symbiotique avec le mode de fonctionnement général de la société.</p>
<h2>Le poids des institutions</h2>
<p>Une politique n’est réellement praticable que si elle est menée dans un cadre institutionnel adapté, c’est-à-dire si elle est cohérente avec l’ensemble des règles formelles et informelles qui participent à l’organisation des comportements sociaux.</p>
<p>Le rôle des institutions est d’organiser la coordination des comportements dans la durée. Les institutions sont premières. Elles définissent les limites et les conditions de tous les comportements possibles. Les individus choisissent par la suite leurs comportements dans le cadre et les limites ainsi posées.</p>
<p>La pensée néolibérale est non seulement inscrite dans les institutions formelles, c’est-à-dire dans les textes de loi, dans les constitutions et le fonctionnement de certaines administrations, mais elle est encore plus fortement incrustée dans les habitudes, les représentations et les idéologies.</p>
<p>Le problème avec les politiques alternatives qui entendent rompre avec le monétarisme, c’est que ceux qui les ont conçues n’ont pas de théorie globale leur permettant de comprendre le fonctionnement des institutions. De ce fait, ils ne parviennent ni à articuler leurs propositions dans le cadre actuel ni à proposer un discours clair sur la manière de transformer ce cadre pour rendre leurs politiques possibles.<a href="https://theconversation.com/fr/topics/monnaie-21214">link text</a> </p>
<h2>Le monétarisme : un élément du système néolibéral</h2>
<p>La grande force idéologique des néolibéraux vient du fait <em>qu’ils ont pensé les institutions</em>, et que leur pensée inclut non seulement des réflexions sur le cadre légal et formel au sein duquel les marchés doivent fonctionner, mais qu’ils sont également parvenus à changer en profondeur les manières de voir, les idéologies et les modes de pensée.</p>
<p>Dans le mode de pensée néolibéral, le monétarisme tient une place essentielle. Mais il ne représente, en fin de compte, que l’un des éléments d’une pensée plus globale. Le monétarisme est un rouage – mais il n’est qu’un rouage – d’une machinerie bien plus vaste. De ce fait, si l’on suit les recommandations des économistes hostiles au monétarisme et que l’on retire ce rouage sans remplacer l’engrenage dans son ensemble, on casse la machine sans être capable d’y substituer une machine alternative.</p>
<p>Le monétarisme est, en fin de compte, une doctrine qui vise à faire de l’État l’arbitre neutre de la politique monétaire. Le problème est que sortir du monétarisme sans penser plus largement le rôle de l’État et sans réfléchir aux manières alternatives d’organiser l’économie n’est pas possible. À partir du moment où l’on admet que l’État ne doit pas simplement être un superviseur neutre de la monnaie, mais que le pouvoir politique peut utiliser l’outil monétaire pour agir de manière discrétionnaire sur l’économie, il faut admettre que l’État pourrait avoir le droit d’agir de la même façon sur bien d’autres marchés. Pourquoi les taux d’intérêt devraient-ils être décidés de manière politique mais pas les autres prix ? Et si l’on admet que le rôle de l’État peut être d’établir des prix à la place des marchés, jusqu’où va-t-on dans cette logique ?</p>
<p>Cette question est d’autant plus importante que nos institutions et la manière de penser des experts et des économistes ont intégré le principe qu’une économie de marché n’est pas un simple espace où l’on échange librement, mais que c’est surtout un système au sein duquel les prix sont déterminés par des marchés en concurrence. Cela n’a pourtant pas toujours été le cas. En fait, on pourrait même affirmer qu’avant les années 1970, ce n’était pas du tout le cas. Beaucoup de prix étaient alors largement administrés par les autorités politiques et cela ne posait aucun problème à personne. Ce n’est qu’à partir des années 1970, et plus encore dans les années 1980 et 1990, que la logique s’est inversée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192691/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David Cayla est économiste à l'Université d'Angers et chercheur au Granem. Il est membre du CA du collectif des économistes atterrés.</span></em></p>Monnaie « hélicoptère », annulation des dettes publiques… Pourquoi les approches monétaires hétérodoxes ne parviennent-elles pas à remplacer la doxa monétariste ?David Cayla, Enseignant-chercheur en économie, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1916212022-10-04T17:56:00Z2022-10-04T17:56:00ZLe Brexit, premier déclencheur de l’agonie économique britannique<p>Au Royaume-Uni, la polémique sur le projet de paquet de mesures pour relancer l’économie britannique, qui frôle la récession et enregistre près de 10 % d’inflation en rythme annuel, n’en finit pas. Lundi 3 octobre, le chancelier de l’Échiquier (l’équivalent du ministre des Finances), Kwasi Kwarteng, a annoncé que le gouvernement retirait finalement la disposition la plus controversée de son <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/grande-bretagne-liz-truss-annule-la-baisse-prevue-des-impots-pour-les-plus-riches-20221003_VWTQ4QODGZGLJIGOE7YWCAS2TA/">« évènement fiscal »</a> : la suppression du taux d’imposition à 45 % pour les ménages les plus aisés.</p>
<p>L’exécutif opère ainsi un revirement par rapport à son programme de mini-choc fiscal, présenté le 23 septembre dernier et fortement dénoncé depuis par l’opposition. Le dévoilement de ce plan avait notamment conduit à une chute historique de la livre sterling sur les marchés trois jours plus tard, les investisseurs redoutant une explosion de la dette britannique. Le dimanche 2 octobre, la première ministre Liz Truss, en poste depuis un mois mais déjà a des <a href="https://www.letelegramme.fr/monde/a-peine-arrivee-liz-truss-bat-des-records-d-impopularite-04-10-2022-13192388.php">niveaux records d’impopularité</a>, avait <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/02/au-royaume-uni-liz-truss-admet-des-erreurs-de-communication-sur-ses-annonces-budgetaires_6144067_3210.html">reconnu des « erreurs » de communication</a> mais maintenait que la politique de baisse des impôts était une « bonne décision ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1576820620293468160"}"></div></p>
<p>Pourtant, contrairement au scénario initial souhaité par Liz Truss et Kwasi Kwarteng, il n’existe <a href="https://eprints.lse.ac.uk/107919/1/Hope_economic_consequences_of_major_tax_cuts_published.pdf">pas d’évidence empirique</a> qu’une baisse des taxes pour les plus riches soit bénéfique pour l’activité économique.</p>
<h2>Un policy-mix qui manque de cohérence</h2>
<p>Surtout, la combinaison des politiques monétaires et budgétaires du Royaume-Uni, ce qu’on appelle le policy-mix, ne semble pas cohérente. En effet, comme la plupart des banques centrales, la Banque d’Angleterre (BoE) se situe actuellement dans un cycle de hausse de ses taux directeurs pour essayer de lutter contre l’inflation et de la faire revenir à la cible de 2 %. Le 21 septembre dernier, deux jours avant l’annonce des mesures fiscales, le comité de politique monétaire de la (BoE) avait notamment décidé de monter son taux directeur (<em>Bank Rate</em>) de <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/nouveau-tour-de-vis-pour-la-banque-dangleterre-1820784">0,5 point de pourcentage à 2,25 %</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-mener-une-politique-de-ruissellement-des-richesses-174710">« Le pour et le contre » : Faut-il mener une politique de « ruissellement » des richesses ?</a>
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<p>D’autre part, la banque centrale avait simultanément décidé de réduire progressivement au cours des douze prochains mois le stock d’obligations d’État qu’elle avait acheté, ce qui contribue également au durcissement des conditions financières. Or, la <a href="https://www.newyorkfed.org/medialibrary/media/research/staff_reports/sr794.pdf">littérature académique récente</a> converge sur les conséquences macroéconomiques négatives d’un tel resserrement qui accroît fortement le risque de basculer dans une récession économique.</p>
<p>Au bilan : </p>
<ul>
<li><p><a href="https://theconversation.com/fr/topics/inflation-28219">l’inflation</a> que cherche à combattre la Banque d’Angleterre va être alimentée par une baisse des taxes décidée par le gouvernement ;</p></li>
<li><p>l’objectif d’une hausse de la croissance économique ambitionné par le gouvernement va être contrecarré par le durcissement des conditions financières déclenché par la banque centrale. </p></li>
</ul>
<p>De plus, ce plan de relance n’est pas autofinancé, mais sera alimenté par de l’endettement public. Cela peut poser question dans un contexte de dette publique déjà considérée comme élevée (<a href="https://www.ons.gov.uk/economy/governmentpublicsectorandtaxes/publicspending/bulletins/ukgovernmentdebtanddeficitforeurostatmaast/march2022">99,6 % du PIB au premier trimestre 2022</a>), conséquence de plusieurs années de chocs économiques négatifs.</p>
<p>Le risque est également grand de voir une partie de cette relance budgétaire fuiter par les importations, ce qui accroîtrait d’autant le déficit commercial britannique, évalué à environ <a href="https://researchbriefings.files.parliament.uk/documents/SN02815/SN02815.pdf">30 milliards de livres au deuxième trimestre 2022</a> (total des biens et services). De plus, les premières évaluations menées au Royaume-Uni ont souligné que ce programme fiscal va clairement <a href="https://theconversation.com/mini-budget-2022-experts-react-to-the-new-uk-governments-spending-and-tax-cut-plans-191274">bénéficier aux ménages les plus riches</a>.</p>
<p>Le Royaume-Uni semble donc dans une impasse face à la crise, d’autant plus que le pays reste plombé par les conséquences du Brexit.</p>
<h2>Un investissement en baisse depuis 2016</h2>
<p>En quelques années, l’économie britannique a connu une suite de quatre chocs négatifs : la crise financière globale et la récession qui a suivi en 2008-09, la sortie de l’Union européenne (<a href="https://theconversation.com/fr/topics/brexit-24703">Brexit</a>) votée par référendum en juin 2016, la pandémie de Covid-19 en 2020-21 et enfin la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine à la suite de l’invasion russe du 24 février 2022.</p>
<p>Si trois de ces chocs ont été subis et sont liés à des événements extérieurs, le Brexit reste une crise que les Britanniques se sont auto-infligés en votant en faveur de la sortie de l’Union européenne. Ce choc est peut-être celui qui a fait le plus de dégâts en termes économiques, notamment en entamant la confiance des agents économiques, domestiques et étrangers.</p>
<p>En effet, l’incertitude de politique économique est montée rapidement à un plus haut historique suite au choc du Brexit, puis est ensuite restée à des niveaux élevés lors de l’arrivée de la pandémie de Covid-19 (voir Graphique 1).</p>
<p><iframe id="38IXK" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/38IXK/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Cette incertitude élevée de politique économique, sur une période relativement longue, s’est traduite par une faiblesse persistante de l’investissement des entreprises. En effet, dans la <a href="https://ideas.repec.org/a/bfr/rueban/201744.html">littérature économique</a>, l’incertitude est considérée comme un des facteurs déterminants des décisions d’investissement, avec la demande anticipée et les coûts de financement.</p>
<p>Si on compare le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/royaume-uni-22589">Royaume-Uni</a> avec un pays partenaire, relativement similaire mais n’ayant pas été directement affecté par le Brexit, par exemple la France, on observe clairement un écart croissant dans les niveaux d’investissement des entreprises.</p>
<p>Au deuxième trimestre 2022, l’investissement des entreprises au Royaume-Uni est 7 % en dessous de son niveau de mi-2016 (au lendemain du référendum), alors qu’il est 17 % au-dessus en France (voir Graphique 2).</p>
<p><iframe id="1Bl0s" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1Bl0s/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur la période récente, le PIB britannique n’a dépassé son niveau d’avant-Covid qu’au premier trimestre 2022. Les premiers résultats pour le deuxième trimestre 2022 indiquent toutefois une <a href="https://www.ons.gov.uk/economy/grossdomesticproductgdp/bulletins/gdpfirstquarterlyestimateuk/latest">baisse du PIB de -0,1 % par rapport au trimestre précédent</a>.</p>
<p>Dans ce contexte macroéconomique fragile, la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine est venue accentuer les pressions inflationnistes déjà visibles dans la reprise post-Covid. La croissance annuelle de l’indice des prix à la consommation se situe à <a href="https://www.bfmtv.com/economie/international/royaume-uni-l-inflation-ralentit-a-9-9-en-ao%C3%BBt-mais-reste-au-plus-haut-depuis-40-ans_AD-202209140181.html">9,9 % en rythme annuel au mois d’août</a>. Même si une grande partie de cette hausse est liée au choc énergétique, l’inflation sous-jacente (hors énergie, alimentation, alcool et tabac) se situe à 6,3 %, suggérant des effets de second tour non négligeables.</p>
<p>En particulier, le prix des biens s’est accru de 12,9 % sur an, notamment sous l’effet de contraintes sur l’offre. Cette hausse de l’inflation est diffusée à l’ensemble de l’économie : 80 % des biens et services contenus dans le panier de consommation ont connu une inflation supérieure à 4 %, <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/view/?ref=1156_1156954-u68er93i01">contre 60 % en zone euro</a>.</p>
<h2>La sanction des marchés</h2>
<p>Actuellement, l’absence de cohérence du policy-mix et le manque de crédibilité du plan de relance sont pointés par les marchés financiers. Le taux d’intérêt des obligations d’état britanniques est monté à 4,5 % le mardi 27 septembre, un plus haut historique depuis le milieu d’année 2008 (voir Graphique 3). Cette hausse des taux longs n’est pas un signal positif émis par les marchés. Certes la composante « anticipation » des taux longs s’est accrue sous l’effet de la hausse des anticipations de taux courts, mais les primes de risque, réelles et nominales, ont été très certainement réévaluées.</p>
<p><iframe id="639Yf" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/639Yf/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur le marché des changes, la livre s’est dépréciée d’environ 20 % depuis un an face au dollar américain atteignant la valeur de 1,07 au 27 septembre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1574455466360541198"}"></div></p>
<p>Certes, il existe un effet dollar dans cette évolution, au sens où la monnaie américaine s’est appréciée contre un grand nombre de devises, comme cela est systématiquement le cas lors de périodes de crise globale. Mais la livre s’est aussi dépréciée s’agissant du taux de change effectif nominal, c’est-à-dire contre un panier de 27 devises, <a href="https://www.bis.org/statistics/eer.htm">d’environ 7 % depuis le début de l’année</a>.</p>
<p>Quel est l’effet d’une telle dépréciation sur l’inflation ? La <a href="https://www.bankofengland.co.uk/-/media/boe/files/speech/2015/much-ado-about-something-important-how-do-exchange-rate-movements-affect-inflation.pdf">Banque d’Angleterre (BoE) possède une règle empirique</a> pour évaluer cela. La transmission d’une dépréciation de la livre à l’inflation se fait en deux temps de la manière suivante : d’abord l’effet se produit sur les prix à l’import (entre 60 % et 90 %), puis l’effet <em>in fine</em> sur les prix à la consommation, en supposant constant le comportement de marge des entreprises, dépend de l’intensité en importations de la consommation, estimée à environ 30 % au Royaume-Uni. Finalement, le coefficient de transmission se situe entre 20 % et 30 % selon la BoE.</p>
<p>Par conséquent une dépréciation en termes effectifs de 7 % se traduirait par une hausse du niveau des prix entre 1,5 % et 2 % depuis le début de l’année. Cela n’est pas négligeable et souligne l’effet boomerang du décryptage du policy-mix par les marchés financiers sur l’activité économique.</p>
<p>En fin de compte, ces évolutions de marché à la suite de l’annonce du plan de relance ont contribué de manière additionnelle au durcissement des conditions financières, ce qui renforce la probabilité d’une récession dans les mois à venir. La plupart des perspectives de croissance pour 2023 restent pessimistes : selon les <a href="https://www.oecd.org/economic-outlook/september-2022/">prévisions intermédiaires de l’OCDE</a> publiées le 26 septembre, le PIB britannique devrait stagner en 2023 par rapport à 2022, ce qui laisse envisager quelques trimestres de croissance négative.</p>
<p>Par ailleurs, la <a href="https://www.bankofengland.co.uk/news/2022/september/key-elements-of-the-2022-stress-test">Banque d’Angleterre a publié le 26 septembre les hypothèses de son scénario de stress-test</a> pour le système bancaire britannique : l’hypothèse d’une profonde récession au Royaume-Uni et simultanément pour l’économie mondiale sera envisagée lors de cet exercice.</p>
<p>À la vue des conséquences sur les marchés financiers des différentes annonces de politique économique, la BoE a infléchi sa position en annonçant le 28 septembre qu’elle <a href="https://www.bankofengland.co.uk/news/2022/september/bank-of-england-announces-gilt-market-operation">reprenait immédiatement ses achats de titres souverains britanniques</a>, du moins de manière temporaire jusqu’au 14 octobre.</p>
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<p>L’argument mis en avant est le risque de stabilité financière pour le système britannique, dont elle a également la charge. Ce revirement de position rapidement après l’annonce initiale du plan de relance par le gouvernement est un bel exemple de <em>dominance fiscale</em>, principe selon lequel la politique monétaire dépendant de la politique budgétaire. Ce changement d’orientation monétaire s’est traduit par une volatilité accrue sur les marchés financiers.</p>
<p>Pour réduire cela, le dilemme entre la politique budgétaire et la politique monétaire devra se résoudre rapidement, soit par l’affirmation de la banque centrale de sa détermination à combattre l’inflation, soit par la clarification par le gouvernement de sa stratégie de financement de son plan d’action.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Ferrara est membre du comité directeur de l'AFSE.</span></em></p>La sortie de l’Union européenne aura fragilisé l’économie britannique face aux crises suivantes liées à la pandémie de Covid et la flambée des coûts de l’énergie.Laurent Ferrara, Professeur d’Economie Internationale, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1918722022-10-04T17:55:55Z2022-10-04T17:55:55ZLe revirement du gouvernement britannique face aux marchés : une perspective historique<p>Fin septembre, la livre sterling a récemment connu une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/09/27/la-livre-sterling-tombe-a-un-plus-bas-historique_6143342_3234.html">chute spectaculaire</a>. Le gouvernement fraîchement élu de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/chute-de-la-livre-sterling-les-ultra-conservateurs-rejettent-la-responsabilite-sur-les-marches-financiers-1852736">Liz Truss voulait faire un cadeau fiscal</a> aux plus riches britanniques. Le mini budget présenté avec chancelier de l’Échiquier, Kwasi Kwarteng, le 23 septembre dernier, visait à réduire le taux d’imposition pour les revenus supérieurs à 150 000 livres sterling. Mais le gouvernement est revenu sur sa décision le lundi 3 octobre. Cela s’est produit après une révolte croissante des députés conservateurs, mais aussi un effondrement massif de la livre sterling.</p>
<p>Le 26 septembre, la devise anglaise a ainsi atteint son point le plus bas par rapport au dollar américain depuis 1792, c’est-à-dire depuis que le dollar est une monnaie (voir le graphique ci-dessous). La livre a progressivement perdu du terrain par rapport au dollar depuis l’entre-deux-guerres. Le passage d’un large empire à un pays plus modeste explique en partie cette baisse constante. Le <a href="https://theconversation.com/brexit-shock-has-caused-a-sterling-crash-of-historic-proportions-heres-just-how-bad-it-is-for-the-pound-62191">Brexit</a> a également entamé davantage la crédibilité de la livre sterling. Au bilan, une partie de la baisse de la livre sterling est due aux fondamentaux de l’économie britannique en perte de vitesse, et plus récemment à cette annonce du mini-budget.</p>
<p><iframe id="y30gw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/y30gw/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un regard sur l’histoire nous donne des leçons utiles. Le marché des changes n’a jamais aimé les changements de politique budgétaire au Royaume-Uni. Historiquement, cependant, les marchés ont surtout réagi de manière négative aux élections de nouveaux gouvernements travaillistes (ou Labour).</p>
<h2>Une crise des changes d’origine gouvernementale</h2>
<p><a href="https://www.gov.uk/government/history/past-prime-ministers/harold-wilson">Harold Wilson</a>, premier ministre britannique de 1964 à 1970, l’a appris à ses dépens. À peine élu en 1964, les marchés des changes pensaient qu’il allait dévaluer la livre et s’engager dans une politique budgétaire plus expansive. Et il a dû passer la majeure partie des premières années de son mandat à convaincre les marchés des changes qu’il ne dévaluerait pas, au lieu de mettre en œuvre son propre programme politique. Il s’en est plaint dans son autobiographie :</p>
<blockquote>
<p>« Ce livre est le bilan d’un gouvernement dont la vie, à l’exception d’une année, a été dominée par un problème de balance des paiements dont nous avons hérité et qui était proche de la crise au moment où nous sommes entrés en fonction ; nous avons vécu et gouverné pendant une période où ce problème rendait facile et profitable une attaque spéculative frénétique contre la Grande-Bretagne. »</p>
</blockquote>
<p>C’est ainsi que les marchés ont généralement considéré les dépenses excessives du Labour. Les gouvernements conservateurs n’ont généralement pas déclenché de crises, en tout cas jusqu’à aujourd’hui. Aujourd’hui, c’est un gouvernement conservateur qui a conduit à un effondrement de la livre et c’est une nouveauté.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le premier ministre britannique Harold Wilson (à gauche) en discussion avec le président américain Lyndon B. Johnson à la Maison-Blanche, en 1966" src="https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488016/original/file-20221004-22-ypjuzl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le premier ministre britannique Harold Wilson (à gauche) en discussion avec le président américain Lyndon B. Johnson à la Maison-Blanche, en 1966.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Harold_Wilson#/media/File:Lyndon_B._Johnson_meets_with_Prime_Minister_Harold_Wilson_C2537-5_(cropped).jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>L’autre fait marquant de la crise actuelle est son origine. La crise des changes a été entièrement générée par le gouvernement. Le mini-budget avec ses cadeaux fiscaux s’est opposé à plus d’austérité fiscale attendue par les marchés, et c’est pourquoi la livre s’est effondrée. Mais ce n’est pas la première crise des changes générée par le gouvernement, comme le montre <a href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">mon livre récent sur l’histoire de la livre sterling</a> sorti cette semaine.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>En 1976 déjà, il y a eu une crise des changes provoquée par le gouvernement. À l’époque, le gouvernement pensait que la livre était surévaluée et voulait prendre des mesures. Il a discrètement demandé à la Banque d’Angleterre d’intervenir sur le marché des changes pour dévaluer légèrement la livre. Peu après les interventions de la Banque, le gouvernement a baissé les taux d’intérêt. Tout ceci a déclenché une panique sur les marchés et à un effondrement de la livre.</p>
<h2>Une rare intervention du FMI</h2>
<p>Le graphique ci-dessous montre la chute continue des réserves de la Banque d’Angleterre après l’action du gouvernement. En 1976, il était impossible de revenir en arrière, la crise était irrécupérable. Aujourd’hui, le retour en arrière du gouvernement a permis à la livre de se redresser. « Nous avons compris, et nous avons entendu » a dit Kwasi Kwarteng dans une <a href="https://www.eurotopics.net/fr/289372/baisses-d-impt-downing-street-fait-machine-arrire">interview</a>, le dimanche 2 octobre, et la livre a repris de la valeur.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488018/original/file-20221004-24-bn0u57.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=537&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">En 1976, l’intervention du FMI avait permis de redresser rapidement le cours de la livre sterling.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">Bank of England archive</a></span>
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<p>Ce qui a choqué dans le contexte de cette crise est l’<a href="https://www.liberation.fr/international/europe/le-royaume-uni-sisole-sur-la-scene-internationale-et-senfonce-dans-la-crise-20220928_COZG47K2R5FZRCJVJXRUIDHJKU/">intervention du Fonds monétaire international</a> (FMI). Et ceci est un autre parallèle avec la crise de 1976. Le FMI a également joué un rôle et demandé plus d’orthodoxie budgétaire au Royaume-Uni. Le Fonds avait alors accepté de prêter à Londres à condition que le gouvernement adopte une politique budgétaire plus restrictive. C’est ainsi que le FMI a commencé à imposer officiellement des <a href="https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/02/21/28/IMF-Conditionality">conditionnalités</a> à ses prêts. Si aujourd’hui le Fonds n’a pas eu à prêter au Royaume-Uni, il a tout de même pris position contre le mini-budget. Un événement pour le FMI qui commente rarement les politiques des économies avancées.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=880&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/488021/original/file-20221004-18-qitqoq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1106&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"><em>An Exchange Rate History of the United Kingdom</em>, Alain Naef.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">(Cambridge University Press, 2022, non-traduit)</a></span>
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<p>Même si les taux de change ne sont plus au centre de la politique britannique, les marchés des devises ont toujours leur mot à dire. Ce n’est pas la faiblesse de la livre qui a directement fait échouer les projets du gouvernement. C’est l’instabilité qu’elle a générée et la perception qu’elle a créée. L’instabilité a entraîné des problèmes sur les marchés obligataires qui se sont aussi effondrés. Et la perception était celle d’un gouvernement qui n’avait pas de compétences économiques. Ce manque de compétences a longtemps été attribué au parti du Labour.</p>
<p>Les travaillistes ont passé la majeure partie de leur temps au pouvoir dans la seconde moitié du XX<sup>e</sup> siècle à <a href="https://www.cambridge.org/core/books/an-exchange-rate-history-of-the-united-kingdom/68B7E57D9884394B815C76D48ACD3FB6">rassurer les marchés monétaires plutôt qu’à mettre en œuvre leurs politiques</a>. Mais aujourd’hui, ce qui est devenu clair, c’est que le marché est politiquement neutre. Il n’aime pas l’expansion fiscale, qu’il s’agisse des réductions d’impôts des conservateurs ou des plans de dépenses des travaillistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191872/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Naef ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La récente chute de la livre sterling a conduit le gouvernement de Liz Truss à revoir son programme de mesures fiscales qui vise à éviter une récession britannique. Ce n’est pas une première.Alain Naef, Lecturer, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1869532022-07-14T21:06:27Z2022-07-14T21:06:27ZLa dépréciation de l’euro face au dollar ajoute de l’inflation à l’inflation<p>Ces derniers mois, l’euro s’est progressivement déprécié jusqu’à atteindre la parité avec le dollar, le 12 juillet. La devise européenne a ainsi décroché de 19 % depuis son haut récent du 6 janvier 2021, et de 37 % depuis son record absolu du 22 avril 2008, lors de la crise financière.</p>
<p>Cette dépréciation reflète en partie la forte appréciation du dollar, car l’euro se maintient mieux en termes de la plupart des autres devises. Ainsi, au cours des mêmes périodes, la dépréciation du taux de change effectif de l’euro s’est limitée à 8 % depuis le 6 janvier 2021, et 17,5 % depuis le 22 avril 2008 à l’époque de la crise financière. Cette tendance résulte d’une combinaison de plusieurs causes.</p>
<p><iframe id="FZZkS" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/FZZkS/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’abord, le décalage de politique monétaire est très grand, avec un différentiel de taux d’intérêt très en faveur du dollar. La Réserve fédérale (Fed) avait déjà moins baissé les taux que la Banque centrale européenne (BCE), et a évité jusqu’alors les taux négatifs. Mais ensuite, la Fed a commencé à resserrer la politique monétaire bien avant la BCE, qui ne va qu’initier la hausse de ses taux directeurs le 21 juillet. La Fed a déjà augmenté ses taux directeurs de 0,25 point le 17 mars, de 0,5 le 5 mai puis de 0,75 le 16 juin, soit une intensité supérieure à ce que la BCE suggère jusqu’à présent (une première hausse de 0,25 point puis une deuxième, de 0,25 ou 0,5 point, en septembre).</p>
<h2>Dissensions à la BCE</h2>
<p>Ensuite, il y a des dissensions connues entre les membres du conseil des gouverneurs à propos de l’ampleur et du <a href="https://theconversation.com/etats-unis-lhistoire-montre-que-la-hausse-des-taux-de-la-fed-ne-suffira-pas-a-eviter-une-recession-182537">rythme du resserrement monétaire</a>, entre ceux qui veulent être très prudents et ceux qui veulent une réponse très forte pour juguler l’inflation. En raison de ces dissensions, les perspectives de taux d’intérêt restent assez incertaines en zone euro, alors que la Fed affiche une détermination très claire pour augmenter ses taux directeurs aussi forts que nécessaire. Encore une fois, cette divergence entre la BCE et la Fed plaide en faveur du dollar.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fed-et-bce-deux-rythmes-mais-une-meme-strategie-contre-linflation-185059">Fed et BCE : deux rythmes mais une même stratégie contre l’inflation</a>
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<p>Les dissensions entre les membres du conseil des gouverneurs de la BCE portent aussi sur la nécessité d’instaurer un nouvel instrument contre la fragmentation de la zone euro, donc un programme d’achats sélectifs d’obligations publiques des pays très endettés pour comprimer les écarts entre les taux de financement des différents États membres de la zone euro, les « spreads ». Le <a href="https://www.agefi.fr/financements-marches/actualites/quotidien/20220704/bundesbank-s-oppose-a-l-outil-anti-fragmentation-346741">gouverneur de la Bundesbank a montré clairement son opposition</a> à ce qu’un tel programme soit de grande ampleur et de longue durée.</p>
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<p>Il a indiqué que la BCE devait se concentrer sur la lutte contre l’inflation, et que les pays surendettés devaient mener la politique d’austérité budgétaire nécessaire pour limiter leurs déficits et dettes et comprimer ainsi les spreads. Pour les marchés, les possibilités pour la BCE de contrôler les spreads, et ainsi maintenir l’intégrité de l’union monétaire, restent donc incertaines. Une nouvelle crise des dettes souveraines de la zone euro reste possible. Cela entretient une défiance des marchés envers l’euro.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-hausse-des-taux-dinteret-va-t-elle-deboucher-sur-une-nouvelle-crise-de-la-zone-euro-185872">La hausse des taux d’intérêt va-t-elle déboucher sur une nouvelle crise de la zone euro ?</a>
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<p>Enfin, une autre source de défiance envers l’euro vient des risques de récession et surtout des problèmes de l’Allemagne. L’Allemagne reste le moteur de la zone euro mais est menacée de graves problèmes. Son secteur industriel est très affecté par les pénuries de composantes importées à cause des confinements en Asie et maintenant avec les problèmes d’approvisionnement en gaz et pétrole russes. Les exportations vers l’Asie décélèrent également. Dans le même temps, la valeur des importations d’énergie par l’Allemagne augmente énormément.</p>
<h2>L’Europe menacée de récession…</h2>
<p>En conséquence, le surplus commercial en valeur de l’Allemagne <a href="https://atlantico.fr/article/decryptage/effondrement-des-excedents-commerciaux-outre-rhin-petit-derapage-de-l-economie-allemande-ou-crash-en-vue-berlin-olaf-scholz-commerce-eric-dor-philippe-waechter">s’est effondré</a>. Le poids de l’Allemagne est tel que c’est toute la zone euro qui est menacée de récession. De toute manière, l’extrême dépendance de la zone euro aux importations d’énergie issue de Russie rend ses perspectives très incertaines, comparées à celles des États-Unis bien davantage autosuffisants. Cela conduit les marchés à préférer le dollar à l’euro.</p>
<p>Il y a une <a href="https://theconversation.com/etats-unis-lhistoire-montre-que-la-hausse-des-taux-de-la-fed-ne-suffira-pas-a-eviter-une-recession-182537">forte probabilité de récession aux États-Unis</a> comme en zone euro. Mais la récession outre-Atlantique est susceptible d’être moins forte et moins longue. Les causes de la dépréciation de <a href="https://theconversation.com/au/topics/euro-25332">l’euro</a> contre le dollar ont donc une forte probabilité de persister. À moins qu’un choc asymétrique affecte par surprise les États-Unis, les fondamentaux vont rester assez longtemps en faveur du dollar et en défaveur de l’euro.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laffaiblissement-de-leuro-face-au-dollar-une-tendance-qui-sannonce-durable-173293">L’affaiblissement de l’euro face au dollar, une tendance qui s’annonce durable</a>
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<p>Globalement, la dépréciation de l’euro contre le dollar implique une détérioration des termes de l’échange pour les pays de l’union monétaire. En effet, pour obtenir les dollars nécessaires à l’achat d’une même quantité de biens et services produit par la zone dollar, la quantité de biens et services à produire et vendre par la zone euro augmente. Autrement dit, une même quantité de biens et services de la zone euro s’échange contre de moins en moins de biens et services de la zone dollar. Du point de vue inverse, une même quantité de biens et services de la zone dollar s’échange contre une quantité croissante de biens et services de la zone euro.</p>
<h2>… mais plus attractive</h2>
<p>Pour de mêmes prix de vente en euros, il y a une baisse des prix de vente en dollars des biens et services produits par les pays de la zone euro. Pour des acheteurs de la zone dollar, il y a donc une hausse de l’attractivité des biens et services de la zone euro et donc sur sa compétitivité. Cela peut donc stimuler les exportations des pays de la zone euro vers la zone dollar. En ce qui concerne les services, il y a par exemple le tourisme. Pour de mêmes prix en euros, les pays de l’union monétaire sont moins chers en dollars pour des touristes américains, par exemple.</p>
<p>Il convient évidemment de relativiser cet avantage car il concerne uniquement les exportations vers la zone dollar. Or la plupart des pays de la zone euro exportent beaucoup vers d’autres pays de la zone euro. Néanmoins, la dépréciation de l’euro contre le dollar peut fort favoriser les exportations de biens de l’Allemagne (qui exporte 37,61 % de ses biens et 33,56 % de ses services vers la zone euro), mais moins celles du Portugal (65,77 % et 51,93 %).</p>
<p><iframe id="Sdshz" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/Sdshz/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il n’en reste pas moins qu’au bilan, la dépréciation de la monnaie européenne face à la devise américaine ajoute de l’inflation à l’inflation. En effet, la zone euro subit déjà fortement l’augmentation des prix en dollars du pétrole et des matières premières alimentaires, métalliques et autres.</p>
<p>Les prix en dollars de toute une série de composantes industrielles en pénurie, ainsi que du fret maritime, augmentent aussi déjà fortement depuis l’année passée. Lorsque ces prix en dollars sont convertis en euro, la hausse est encore supérieure à cause de la dépréciation de la monnaie unique. Les coûts en euros des entreprises européennes augmentent donc très fortement, et elles doivent le répercuter sur leurs prix de vente aux consommateurs.</p>
<p>Les consommateurs subissent une forte augmentation des prix en euros des biens et services de consommation importés directement de la zone dollar. Mais les prix des biens et services de consommation produits dans l’union monétaire augmentent aussi très fortement à cause de la hausse des coûts en euros des matières premières et composantes importées qui sont transformées.</p>
<h2>Une politique monétaire plus resserrée ?</h2>
<p>Normalement, la dépréciation de l’euro contre le dollar, parce qu’elle est inflationniste, doit impliquer le renforcement du resserrement de politique monétaire. Comme cette dépréciation augmente encore les perspectives d’inflation de la zone euro, la BCE devrait donc resserrer fortement la politique monétaire. Les hausses successives des taux directeurs qui sont planifiées à partir de ce mois pourraient finalement être d’une ampleur supérieure à ce qui a été initialement considéré.</p>
<p>Pour éviter que des hausses exagérées des « spreads » empêchent la BCE de procéder à des augmentations des taux directeurs assez fortes, il reste néanmoins essentiel qu’un instrument contre la fragmentation, sous forme d’achats sélectifs d’obligations publiques des pays très endettés moyennant une conditionnalité légère, soit instauré.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186953/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Dor ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La zone euro se retrouve avec une devise affaiblie pour régler, en dollars, ses achats d’énergie et de matières premières dont les prix flambent.Eric Dor, Director of Economic Studies, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1843312022-06-21T19:21:37Z2022-06-21T19:21:37ZLe paradoxal passage à l’économie de la blockchain en Centrafrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/469342/original/file-20220616-24-pz2bbs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C5946%2C3952&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La République centrafricaine va devenir le deuxième pays du monde après le Salvador à adopter le bitcoin comme monnaie officielle.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au soir du 22 avril 2022, les médias furent unanimement interloqués par le virage que prenait la politique monétaire de la République centrafricaine : l’<a href="https://www.france24.com/fr/info-en-continu/20220427-la-centrafrique-adopte-le-bitcoin-comme-monnaie-l%C3%A9gale">adoption du bitcoin comme monnaie officielle</a> au côté du franc CFA et la légalisation de l’usage des cryptomonnaies.</p>
<p>La présidence de la RCA affirme que « cette démarche place la République centrafricaine sur la carte des plus courageux et visionnaires pays au monde », étant donné qu’elle serait le deuxième État du monde à l’entreprendre, après le <a href="https://theconversation.com/salvador-le-pari-a-haut-risque-du-president-sur-le-bitcoin-164728">Salvador</a>, et le tout premier du continent africain.</p>
<p>Un optimisme pour les nouvelles économies de la blockchain que ne partagent pas nombre d’observateurs, à l’instar de Bill Gates, qui estime que les <a href="https://www.bfmtv.com/crypto/bitcoin/pour-bill-gates-les-cryptomonnaies-n-apportent-rien-a-la-societe_AV-202205240547.html">cryptomonnaies n’apportent rien à la société</a>. Cette position est également reprise par la directrice de la Banque centrale européenne Christine Lagarde, pour qui ces actifs digitaux <a href="https://www.journaldugeek.com/2022/05/24/pourquoi-la-banque-centrale-europeenne-pense-que-les-cryptomonnaies-ne-valent-rien/">ne valent rien</a>.</p>
<h2>La cryptomonnaie en RCA, un Far-West qui incite la méfiance</h2>
<p>Deux raisons semblent justifier les inquiétudes suscitées par la décision de Bangui.</p>
<p>La première est tout simplement le fait que la cryptomonnaie est animée par une prétention de « self-made » qui échappe aux traditions et au classicisme des économies et systèmes d’échange, dont les lois sont valables et identifiables à toutes les époques. Un véritable trou noir pour les adeptes du contrat social, qui estiment que les modes d’organisation qui ne sont pas soumis à l’autorité sont des Far-West sans foi ni loi.</p>
<p>La seconde raison est le gabarit économique de la République centrafricaine, qui est <a href="https://www.gfmag.com/global-data/economic-data/the-poorest-countries-in-the-world?page=12">l’un des pays les plus pauvres de la planète</a>. Regardons cela de plus près.</p>
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<figcaption><span class="caption">Centrafrique : le bitcoin devient la devise officielle (France 24, 28 avril 2022).</span></figcaption>
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<p>Le procès fait aux cryptoactifs n’est pas dénué de raison. Adopter la cryptomonnaie comme monnaie légale, c’est s’engager dans une géopolitique de l’inconnu, de l’incertitude et de la surprise – l’incertitude étant source d’insécurité, ne serait-ce que parce qu’elle facilite le développement d’intentions inconnues et le déploiement d’actions non maîtrisées. Déplacer les activités dépendantes du régalien vers une dépendance aux lois du marché ou des zones d’ultralibéralisme, créées justement pour échapper à la souveraineté des États et autres contraintes politiques, n’est pas sans risque. Dans cette course, les États faibles comme la République centrafricaine ne semblent a priori pas disposer des meilleurs atouts.</p>
<p>Et que dire de la volatilité, caractéristique intrinsèque de la cryptomonnaie qui <a href="https://theconversation.com/le-cours-du-bitcoin-condamne-a-toujours-plus-de-volatilite-163997">condamne le cours du bitcoin à une précarité perpétuelle</a> ? En 2021, les cours du bitcoin avaient flambé de plus de 150 %, atteignant un taux historique de 68 991 dollars, avant de s’effondrer. Même si le marché́ s’est assagi en 2022, les variations restent très fortes : -17 % en février, +8 % en mars et +10 % en avril. Le bitcoin s’échangeait le 27 avril 2022 à plus de 39 000 dollars ; sa valeur au 26 mai était de 29 494,60 USD ; au 21 juin, elle était de 20 033,31 USD.</p>
<p>L’expérience du Salvador, où 92 % des plus de 1 600 personnes interrogées dans un sondage ont manifesté leur <a href="https://coinacademy.fr/bitcoin/bitcoin-au-salvador-airdrop-massif-au-peuple-et-membre-du-congres-recalcitrant/">désamour du bitcoin</a> et 93,5 % leur réticence à être payées en bitcoins, est de nature à conforter cette méfiance.</p>
<p>Le bitcoin est régulièrement perçu comme une bulle spéculative à cause de l’alternance imprévisible entre les envolées de ses cours et <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/bitcoin-la-valeur-degringole-de-50-en-six-mois-et-passe-sous-la-barre-des-32-000-dollars-39941769.htm">leurs chutes vertigineuses</a>. Pour bon nombre de spécialistes, la généralisation de son utilisation ne peut que susciter des pertes financières catastrophiques.</p>
<p>Les banques centrales lui reprochent de favoriser les déséquilibres financiers, le blanchiment d’argent et la fraude fiscale. Le Fonds monétaire international a <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/le-fmi-demande-au-salvador-de-renoncer-au-bitcoin-comme-monnaie-officielle-1382095">qualifié</a> la décision du Salvador de danger pour « la stabilité financière, l’intégrité financière et la protection des consommateurs ». Concernant la Centrafrique, Abebe Aemro Selassie, directeur Afrique du FMI, prévient qu’il ne faut pas considérer les cryptomonnaies <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/04/29/le-bitcoin-adopte-comme-monnaie-officielle-en-centrafrique-n-est-pas-une-panacee-avertit-le-fmi_6124157_3212.html">« comme une panacée contre les défis économiques »</a>.</p>
<p>Le bitcoin est également suspecté de faciliter les escroqueries, le financement du terrorisme et les trafics en tout genre à cause de son système de paiement anonyme crypté. Les transactions illicites permises par le bitcoin sont <a href="https://academic.oup.com/rfs/article-abstract/32/5/1798/5427781?login=false">estimées à 76 milliards de dollars par an</a>, soit 46 % des transactions en bitcoins.</p>
<p>En tout état de cause, pour se prêter institutionnellement à la mouvance des cryptoactifs et tirer son épingle du jeu, la RCA devrait disposer des infrastructures et de la complexité économique nécessaires pour absorber leurs évolutions. Or la sécurité économique et technologique du pays soulève bien des inquiétudes.</p>
<h2>L’insécurité économique de la RCA</h2>
<p>Selon la dernière évaluation risque-pays de la <a href="https://www.coface.com/fr/Etudes-economiques-et-risque-pays/Republique-centrafricaine">Compagnie française d’assurance spécialisée dans l’assurance-crédit à l’exportation</a> (COFACE), les conditions sécuritaires et politiques en RCA sont source de fragilité et d’instabilité, ce à quoi s’ajoute l’extrême pauvreté de la population.</p>
<p>L’économie accuse une forte dépendance à l’égard des exportations de matières premières – une dépendance d’autant plus problématique que l’exportation d’or et de diamants, qui se déroule souvent dans l’illégalité, n’alimente que très peu les recettes publiques. Avec une inflation moyenne de 2,7 % sur les quatre dernières années, les prévisions de taux de croissance de 3,4 % pour 2022 ne doivent pas laisser oublier qu’il a été de -0,6 % en 2021. Autres indices défaitistes, le solde courant par rapport au PIB (-6,1 % en 2022) et le solde public par rapport au PIB (-1,2 % en 2022) sont tous négatifs depuis les trois dernières années.</p>
<p>Selon la Banque mondiale, depuis l’indépendance obtenue en 1960, la <a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/centralafricanrepublic/publication/the-central-african-republic-economic-update-explained-in-5-charts">richesse par habitant a été réduite de moitié</a> en RCA. Une reprise économique durable, possible seulement si l’insécurité baisse nettement, est indispensable pour réduire la pauvreté (<a href="https://www.banquemondiale.org/fr/country/centralafricanrepublic/overview">70 % de la population vivrait sous le seuil de pauvreté en 2020</a>. Cette pauvreté explique la forte mortalité infantile, estimée à 882 pour 100 000 naissances vivantes, mais aussi le classement du pays à l’indice de développement humain de l’ONU, au 188<sup>e</sup> rang sur 189 pays en 2020.</p>
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<figcaption><span class="caption">La décision de la Centrafrique d’adopter le Bitcoin comme monnaie légale fait polémique (Jeune Afrique, 5 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>La Banque africaine de développement fait un constat du même ordre en soulignant que le risque de surendettement de la RCA <a href="https://www.afdb.org/fr/countries/central-africa/central-african-republic/central-african-republic-economic-outlook">reste élevé en raison de sa grande vulnérabilité aux chocs extérieurs</a> et du risque de change lié au niveau élevé de sa dette extérieure. Ce gabarit économique montre combien les défis de développement y demeurent prioritaires et profonds.</p>
<h2>Décalage infrastructurel et faiblesse de l’éducation numérique</h2>
<p>L’opérationnalisation d’un projet d’économie durable de la blockchain à l’échelle nationale, au regard de sa globalité et des effets d’enchaînement escomptés, devrait reposer a minima sur une base infrastructurelle soutenable et une éducation numérique viable.</p>
<p>Or les capacités infrastructurelles de la RCA sont très limitées. Sur le plan énergétique, le <a href="https://www.donneesmondiales.com/afrique/republique-centrafricaine/bilan-energetique.php">ratio énergétique entre la production</a> (171 millions kWh) et la consommation électrique (159,40 millions de kWh) en RCA est excédentaire de 108 % des besoins réels actuels. Mais le 22 mars dernier, après sollicitation de la RCA pour le financement du développement de son réseau et de sa capacité électrique, la Banque mondiale a laissé entendre que la RCA reste le pays au monde où le taux d’accès à l’électricité est le plus faible. Avant d’ajouter que la <a href="https://lanoca.over-blog.com/2022/03/centrafrique-la-banque-mondiale-s-engage-a-augmenter-l-acces-a-l-electricite-d-ici-2030.html">mise en œuvre d’un tel projet y serait très difficile</a>.</p>
<p>Avec un taux d’électrification de 3 %, et alors que <a href="https://www.scidev.net/afrique-sub-saharienne/data-visualisation/faits-et-chiffres-la-couverture-lectrique-en-afrique/">4 de ses 5 millions d’habitants vivaient sans électricité en 2012</a>, faute d’investissement, une <a href="https://info.undp.org/docs/pdc/Documents/CAF/Rapport%20de%20diagnostic%20du%20secteur%20%C3%A9nergie%20RCA%20VF.pdf">étude du PNUD</a> montre en 2017 que le potentiel hydroélectrique du pays reste sous exploité. La bioénergie représente encore 98 % de la production nationale. C’est la prééminence de cette catégorie d’énergie dans la production nationale qui semble justifier la rareté d’infrastructures technologiques de consommation électrique. En outre, <a href="http://le-tambourin.over-blog.com/2019/09/rca-plus-que-12-mois-pour-avoir-de-l-electricite-24h-sur-24-et-voir-la-fin-des-delestages-a-bangui.html">plusieurs projets d’envergure</a> sont perturbés par des cycles d’instabilité sécuritaire et politique. En 2022, le gouvernement tente toujours de rassurer la population qui attend des réalisations concrètes.</p>
<p>Sur le plan technologique, lors de l’approbation de la composante RCA de la <a href="https://projectsportal.afdb.org/dataportal/VProject/show/P-CG-GB0-002?lang=fr">Dorsale à fibre optique d’Afrique centrale</a> en 2018, la <a href="https://www.afdb.org/fr/documents/document/central-african-republic-central-africa-fibre-optic-backbone-project-cab-car-component-approved-99666">Banque africaine de développement dressait le constat</a> que « la RCA demeure le dernier pays enclavé du continent à ne pas disposer de liaisons terrestres à fibre optique avec ses voisins immédiats. De plus, à la faiblesse notoire du taux de pénétration d’Internet et de la téléphonie mobile vient s’ajouter la quasi-inexistence d’infrastructures haut débit filaires ».</p>
<p>Quatre ans plus tard, bien que Huawei et Orange interviennent comme partenaires technologiques majeurs, les avancées demeurent médiocres. Si les Datacenter sont implémentés pour des structures spécifiques comme le <a href="http://centrafrique-sur-7.over-blog.com/2021/04/centrafrique/datacenter-la-digitalisation-des-finances-publiques-en-marche.html">ministère des Finances et du Budget</a> ou celui qui accompagne la <a href="https://www.afdb.org/fr/documents/aoi-centrafrique-fourniture-formation-installation-dequipements-informatiques-reseaux-etc-et-construction-et-operationnalisation-dun-datacenter-principal-et-de-secours">composante RCA de la dorsale à fibre optique d’Afrique centrale</a>, ces installations critiques <a href="https://www.digitalbusiness.africa/rca-le-data-center-dorange-centrafrique-ses-installations-radio-et-son-coeur-de-reseau-ravages-par-les-flammes/">restent sous la menace constante posée par l’insécurité qui règne dans le pays</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1535156580311785473"}"></div></p>
<p>« Là où Internet propose de créer des ponts, l’illectronisme risque toujours de lui faire barrage », <a href="https://afrique.latribune.fr/think-tank/tribunes/2020-11-20/lutter-contre-l-illectronisme-en-afrique-862662.html">soulignait</a> en novembre 2020 Philippe Wang, alors vice-président exécutif de Huawei Northern Africa. Le paysage numérique centrafricain illustre la justesse de cette affirmation. Ainsi, la difficulté qu’éprouvent les individus à maîtriser les outils numériques en RCA constitue l’une des limites majeures à la numérisation et à l’éducation des populations aux outils digitaux.</p>
<p>Selon le <a href="https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/23414RAPPORT_VOLONTAIRE_DE_SUIVI_ODD_RCA_FINAL_SIGNATURE_MINISTRE_003.pdf">rapport national volontaire de suivi de mise en œuvre des objectifs du développement durable en 2019</a>, alors que le taux d’alphabétisation des adultes est de 58,9 %, la part des établissements scolaires ayant accès à l’électricité est de 3 % et aucun n’a accès à Internet. Au total, on décompte 650 000 utilisateurs d’Internet en RCA pour environ 5 millions d’habitants, avec un taux général de pénétration de 14 % en janvier 2020. La RCA se retrouve en bas des <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/jendoubi_reseaux_sociaux_rca_2021.pdf">classements mondiaux des principaux réseaux sociaux</a> avec 2,5 % de taux de pénétration.</p>
<h2>Une réforme qui ne profitera qu’à une minorité</h2>
<p>Dans ce contexte, l’adoption du bitcoin comme monnaie officielle laissera transparaître la fracture digitale du pays. L’économie de la blockchain peut être salutaire, mais elle exige un investissement humain, matériel et financier conséquent. Dans le cas contraire, elle deviendra un modèle élitaire dont l’impact sera limité aux urbains fortunés et instruits au numérique.</p>
<p>Finalement, il est en même temps trop tôt pour <a href="https://theconversation.com/bitcoin-lintenable-promesse-dune-monnaie-pour-tous-158475">confirmer les promesses faites au lancement du bitcoin</a>, mais aussi, trop tôt pour le condamner définitivement après l’annonce du nouveau <a href="https://cryptoast.fr/projet-sango-republique-centrafricaine-place-mondiale-bitcoin/">projet Sango</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184331/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Idriss Miskine Buitchoho ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’un des États les plus pauvres du monde vient d’annoncer que ses citoyens pourront désormais régler leurs achats en bitcoin. Une décision pour le moins discutable…Idriss Miskine Buitchoho, Chercheur au Centre Maurice Hauriou de recherche en droit public et science politique, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1850492022-06-15T18:25:45Z2022-06-15T18:25:45ZMalgré les sanctions, la monnaie russe est aujourd’hui plus forte qu’avant la guerre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468950/original/file-20220615-23-ov5til.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=367%2C434%2C955%2C717&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelques semaines après le début d'invasion de l'Ukraine, la monnaie russe affichait son meilleur taux de change face au dollar depuis environ quatre ans.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/827332">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Juste après que la Russie a envahi l’Ukraine et a été frappée par les sanctions occidentales, le cours du rouble s’est effondré. Depuis, la quantité nécessaire pour acquérir un dollar américain est rapidement passé d’environ 78 à 138.</p>
<p>Depuis, les sanctions se sont renforcées et la guerre semble désormais loin de son dénouement. Pourtant, la devise russe a connu une évolution inattendue. Alors que de nombreux spécialistes pensaient que le rouble s’affaiblirait encore, il est aujourd’hui plus fort qu’au début de la guerre. Le dollar américain vaut en effet environ 57 roubles, soit un taux de change jamais vu depuis environ quatre ans.</p>
<h2>Cours du dollar américain par rapport au rouble</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique indiquant le nombre de roubles pour 1 dollar américain" src="https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=321&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468436/original/file-20220613-39156-brpra8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=403&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tradingview.com">Trading View</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quelle est la raison de cette évolution et que peut-on en déduire pour l’avenir ?</p>
<h2>Le rouble avant la guerre</h2>
<p>Pour le comprendre, il faut d’abord revenir sur le contexte. Le taux de change de la monnaie d’un pays est déterminé par les flux des capitaux et les échanges commerciaux : en d’autres termes, les sommes d’argent qui entrent et sortent du pays, ainsi que la différence de valeur entre les exportations et les importations. Pour le rouble, les échanges commerciaux sont souvent plus importants parce que la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/energie/que-pesent-le-petrole-et-le-gaz-dans-l-economie-russe_AV-202205060451.html">Russie est un grand exportateur de pétrole</a>.</p>
<p>Le prix du pétrole, comme le montre le graphique ci-dessous, est lié au rouble : lorsque le prix du pétrole augmente, la devise russe se renforce. Le prix du pétrole reste globalement en hausse depuis le premier semestre 2020, ce qui a profité au rouble à l’approche de la guerre. Cependant, le cours de la devise russe n’a pas augmenté autant que d’habitude lorsque le pétrole est fort – c’est pourquoi les deux lignes du graphique ci-dessous sont moins synchronisées depuis.</p>
<h2>Cours du rouble et du pétrole</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique comparant le prix du pétrole au rouble" src="https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=319&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468442/original/file-20220613-20-xm1mnx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=401&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Cours du baril de Brent brut = bleu ; valeur du rouble par rapport au dollar américain = turquoise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tradingview.com">Trading View</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela est sans doute dû à l’évolution des entrées de capitaux, en particulier concernant la dette publique russe. En mars 2020, la part des investisseurs étrangers (non-résidents) détenant des obligations d’État russes avait atteint un <a href="https://www.cbr.ru/vfs/statistics/credit_statistics/debt/table_ofz.xlsx">record historique</a> de 35 %. Depuis, cette proportion était retombée à 18 % en deux ans en raison de la modification des règles fiscales.</p>
<p>En effet, les intérêts sur les obligations d’État russes étaient exemptés d’impôts pour les investisseurs étrangers jusqu’à ce que la loi du 31 mars 2020 les contraignent à payer 30 % à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2021. Après cette annonce, les investisseurs étrangers ont en conséquence commencé à vendre leurs obligations et le rouble a commencé à chuter.</p>
<p>Cela explique pourquoi le rouble est resté globalement stable entre mars 2020 et l’invasion, les ventes d’obligations d’État ayant plus que compensé l’effet du prix élevé du pétrole (voir la courbe bleue des obligations dans le graphique ci-dessous). Pour résumer, cette vente des obligations a été un boulet pour le rouble, entraîné plus bas qu’il ne l’aurait été en temps normal. Aujourd’hui, cet effet semble s’être atténué, engageant le rouble dans une dynamique haussière, comme le prix du pétrole reste élevé.</p>
<h2>Cours du rouble, du pétrole, et des obligations d’État russes</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique comparant le prix du pétrole, du rouble et des obligations d’État russes" src="https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=331&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468437/original/file-20220613-43722-5toua0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=416&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Prix du brent (en dollars américains) = orange ; valeur du rouble par rapport au dollar américain = turquoise ; RGBI (indice des obligations d’État russes) = bleu.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Trading View</span></span>
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<h2>Le rouble après l’invasion</h2>
<p>Lorsque le rouble est tombé à 138 pour un dollar américain dans les jours qui ont suivi l’invasion du 21 février, il s’agissait de son plus bas niveau historique. Le 24 février, la Banque centrale de Russie a annoncé plusieurs mesures pour soutenir la monnaie. Elle a par exemple interdit les opérations sur marge, c’est-à-dire les opérations de placements réalisés avec de l’argent emprunté plutôt qu’avec des fonds disponibles.</p>
<p>La banque centrale a également utilisé ses réserves de change pour acheter des roubles sur les marchés des devises et soutenir ainsi sa valeur. Malgré tout, le rouble a continué de chuter, ce qui laisse penser que ces mesures n’étaient pas suffisantes.</p>
<p>Cette chute s’explique notamment par une série de <a href="https://theconversation.com/sanctions-commerciales-contre-la-russie-ou-en-est-lue-apres-100-jours-de-guerre-184477">sanctions occidentales</a> – incluant le gel, le 27 février, de <a href="https://www.lafinancepourtous.com/2022/03/02/quelles-sont-les-sanctions-economiques-prises-contre-la-russie/">60 % des 643 milliards de dollars</a> des réserves internationales de la Russie. Ces mesures étaient à la fois inattendues et apparaissent à ce jour comme sans doute les plus sévères de l’histoire. Les sanctions ont en effet fortement entravé la banque centrale russe dans l’accès à ses actifs à l’étranger et dans sa capacité à soutenir le rouble.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sanctions-commerciales-contre-la-russie-ou-en-est-lue-apres-100-jours-de-guerre-184477">Sanctions commerciales contre la Russie : où en est l’UE après 100 jours de guerre ?</a>
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<p>La banque centrale a réagi le 28 février en prenant une nouvelle série de mesures, parmi lesquelles une forte augmentation du taux d’intérêt global russe, de 9,5 % à 20 %, ou encore des limitations à 10 000 dollars (9 571 euros) par mois pour les transferts effectués par les résidents vers des comptes bancaires à l’étranger et pour les retraits en devises étrangères.</p>
<p>Un mois plus tard, le président russe Vladimir Poutine a également signé un décret spécial exigeant que les « pays inamicaux » <a href="https://www.boursorama.com/bourse/actualites/paiement-du-gaz-russe-en-roubles-quelles-consequences-pour-la-russie-pour-l-occident-9554a6f582168d04926a9cc2d3513050">paient le gaz russe en roubles</a>.</p>
<h2>L’explication de la hausse du rouble</h2>
<p>L’une des raisons pour lesquelles le rouble s’est renforcé réside justement dans ces restrictions imposées aux opérations sur marge et aux investisseurs étrangers, ce qui a <a href="https://bcs-express.ru/novosti-i-analitika/chto-proiskhodit-s-oborotami-na-moskovskoi-birzhi-v-2022">réduit fortement les volumes d’échanges</a> que d’habitude.</p>
<p>Toutefois, d’autres facteurs indépendants de la banque centrale russe ont également joué un rôle. Le prix du pétrole est resté élevé. Après avoir plongé de 130 dollars américains par baril de Brent à la mi-mars à environ 100 dollars américains quelques semaines plus tard, le cours est depuis remonté à environ 120 dollars américains.</p>
<p>Les importations de la Russie ont également été freinées par l’exode des entreprises étrangères et les sanctions occidentales. Cela a fait grimper l’excédent de la balance courante (la différence entre flux monétaires entrants et sortants) à un <a href="https://tradingeconomics.com/russia/current-account">maximum historique</a>, ce qui renforce la monnaie.</p>
<p>Ce déséquilibre commercial va probablement se poursuivre pendant un certain temps, ce qui peut constituer l’une des raisons pour lesquelles la Russie a assoupli certaines des restrictions faites en février-mars. Le taux d’intérêt global est maintenant <a href="http://french.china.org.cn/foreign/txt/2022-06/11/content_78264726.htm">redescendu à 9,5 %</a>, le même niveau qu’au début de l’invasion. Les opérations sur marge sont à nouveau autorisées, les résidents peuvent désormais transférer jusqu’à 50 000 dollars par mois sur des comptes bancaires étrangers.</p>
<p>En d’autres termes, les sanctions occidentales ont permis à la Russie de retrouver une situation financière plus normale. Si cela vous paraît être douloureusement ironique, rassurez-vous : les sanctions compliquent fortement la dépense de ces roubles relativement forts par les Russes, que ce soit pour des importations ou à l’étranger en raison des restrictions de voyage.</p>
<p>Ainsi, bien que la monnaie ait conservé sa valeur, son utilité s’est fortement affaiblie. Par conséquent, on peut affirmer que les sanctions occidentales remplissent effectivement leur rôle punitif à l’encontre de la Russie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185049/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kirill Shakhnov ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le maintien à des niveaux élevés du prix du pétrole ainsi que les réactions de Moscou aux mesures occidentales soutiennent le cours du rouble. Décryptage.Kirill Shakhnov, Lecturer in Economics, University of SurreyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1761752022-02-10T16:06:17Z2022-02-10T16:06:17Z« Le pour et le contre » : Faut-il supprimer le cash ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/443729/original/file-20220201-22-1pwlamf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C14%2C1182%2C765&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les pièces d’un centime, pas toujours très pratiques…
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/30478819@N08/49567332906">Flickr / Marco Verch</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><iframe src="https://embed.acast.com/601af61a46afa254edd2b909/61fa462f6297740012bc1863" frameborder="0" width="100%" height="190px"></iframe>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><em>Dans « Le pour et le contre », Julien Pillot (Inseec) dresse l’inventaire, non exhaustif, des arguments favorables et défavorables que donne la recherche académique sur une question de notre temps. Une boîte à outils qui vous aidera à vous positionner face aux grands sujets de société, à quelques semaines de l’élection présidentielle.</em></p>
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<p>Le cash constitue un moyen de paiement qui apparaît de plus en plus désuet à l’heure où le paiement électronique se fait sans contact, même avec son téléphone ou sa montre connectée. Coûteux, peu pratique, susceptible de favoriser l’économie souterraine… l’argent liquide semble souffrir de tous les maux. Alors, osons la question : est-il temps de supprimer le cash ?</p>
<p>Dans ce sixième épisode de notre série <em>Le pour et le contre</em>, Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie à l’Inseec Grande École (groupe OMNES Education), détaille ce que dit la recherche de cette question. À vous de vous faire votre opinion.</p>
<p><strong>À écouter aussi</strong><br>
<a href="https://theconversation.com/qatar-2022-jo-2024-faut-il-continuer-a-organiser-des-mega-evenements-sportifs-174346">Episode #1 – Faut-il continuer à organiser des méga-événements sportifs ?</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-mener-une-politique-de-ruissellement-des-richesses-174710">Episode #2 – Faut-il mener une politique de « ruissellement » des richesses ?</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-augmenter-les-droits-dinscription-a-luniversite-175106">Episode #3 – Faut-il augmenter les droits d’inscription à l’université ?</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-interdire-les-vehicules-thermiques-175572">Episode #4 – Faut-il interdire les véhicules thermiques ?</a> <br>
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-sinspirer-du-systeme-de-credit-social-chinois-176171">Episode #5 – Faut-il s’inspirer du système de crédit social chinois ?</a></p>
<h2>Références citées dans le podcast (liste non exhaustive)</h2>
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<li><p><a href="https://www.taylorfrancis.com/chapters/edit/10.1201/b19415-9/financial-flow-organized-crime-tax-fraud-developed-countries-empirical-investigation-friedrich-schneider">« Financial Flow of Organized Crime and Tax Fraud in Developed Countries : An Empirical Investigation »</a>, Friedrich Schneider (2015).</p></li>
<li><p><a href="http://larrysummers.com/wp-content/uploads/2014/06/NABE-speech-Lawrence-H.-Summers1.pdf">« U.S. Economic Prospects : Secular Stagnation, Hysteresis, and the Zero Lower Bound »</a>, Larry Summers(2014).</p></li>
<li><p><a href="https://www.suerf.org/docx/SUERF_Conference_Proceedings_2016_1.pdf">« Informal payments, crime control and fragile communities »</a>, Nikos Passas (2015).</p></li>
<li><p><a href="http://ceur-ws.org/Vol-3035/paper15.pdf">« Cybersecurity Measures of the Digital Payment Ecosystem »</a>, Alexander Olifirov, Krystina A. Makoveichuk et Sergei Petrenko (2021).</p></li>
</ul>
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<p><em>Crédits, conception, Julien Pillot et Thibault Lieurade. Réalisation, Romain Pollet. Chargé de production, Rayane Meguenni, Archives, France 24, LCI, Europe 1</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176175/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les paiements dématérialisés peuvent techniquement et socialement devenir la norme, mais la fin de l’argent liquide présente également certaines limites.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie (Inseec) / Pr. associé (U. Paris Saclay) / Chercheur associé (CNRS), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1737802021-12-20T18:55:33Z2021-12-20T18:55:33ZLe menaçant retour des déficits jumeaux américains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/437585/original/file-20211214-25-1w27c88.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C35%2C1120%2C804&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2021, le déficit budgétaire fédéral devrait s’établir à 12,5&nbsp;% du PIB et le déficit courant à 4&nbsp;%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/59937401@N07/5857169353">Images Money / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Face à la pandémie de coronavirus, Washington a adopté une série de <a href="https://www.tresor.economie.gouv.fr/Pays/US/situation-de-l-economie-americaine-et-perspectives-a-moyen-terme">plans massifs de soutien</a> à l’économie américaine qui ont creusé les déficits publics. Après avoir atteint le niveau record de 3 132 milliards de dollars en 2020, soit près de 15 % du PIB, le déficit budgétaire fédéral devrait s’établir à 2 770 milliards de dollars en 2021, soit 12,5 % du PIB.</p>
<p>Dans le même temps, le déficit courant, qui correspond approximativement au solde négatif entre la valeur des exportations de biens et services et la valeur des importations de biens et services, s’est creusé pour atteindre près de 3 % du PIB en 2020. Selon les prévisions du Fonds monétaire international et de l’Organisation de coopération et de développement économiques, la dégradation des comptes extérieurs américains devrait en outre se poursuivre en 2021 et 2022 (le déficit courant pourrait atteindre 4 % du PIB en 2022).</p>
<p>L’expression de déficits jumeaux (<a href="https://www.everycrsreport.com/reports/RS21409.html">« Twin Deficits »</a>), qui désigne la hausse simultanée du déficit budgétaire et du déficit courant, semble donc s’appliquer au contexte actuel. Dans un <a href="https://doi.org/10.3917/ecofi.137.0339">article publié</a> en 2020, nous avions d’ailleurs montré qu’il existait une relation positive de long terme entre ces déficits : une augmentation d’un dollar du déficit budgétaire américain s’accompagne d’une augmentation de 0,40 dollar du déficit courant américain.</p>
<p>Mais le creusement actuel est-il transitoire, comme il a pu l’être ces dernières décennies (voir graphique ci-dessous) ? Ou marque-t-il le début d’une nouvelle phase de dégradation qui pourrait constituer un danger pour les États-Unis, en raison cette fois-ci d’une moindre capacité à mobiliser l’épargne étrangère ?</p>
<h2>Le statut du dollar</h2>
<p>Au cours de la première moitié des années 1980, la réduction des impôts résultant pour l’essentiel de l’application de <a href="https://www.history.com/this-day-in-history/reagan-signs-economic-recovery-tax-act-erta">l’Economic Recovery Act</a> (août 1981), combinée à la hausse de dépenses publiques, avait conduit à une forte augmentation du déficit budgétaire fédéral américain, qui est passé de 2,6 % du PIB en 1980 à 5 % en 1985. Sur la même période, au cours de laquelle est apparu le terme de « déficits jumeaux », le déficit extérieur s’est fortement creusé pour atteindre 3,2 % du PIB en 1985.</p>
<p>Par la suite, les États-Unis ont connu deux autres épisodes similaires. Le premier s’est déroulé au début des années 2000. À l’époque, à côté de déficits courants élevés et persistants, les comptes publics ont connu une dégradation sous l’effet conjugué de la guerre en Irak et de nombreuses réductions fiscales accordées par l’administration de George W. Bush afin de relancer l’activité économique mise à mal par l’éclatement de la bulle Internet.</p>
<p>Le second épisode a débuté en 2017. Alors que l’économie américaine était proche du plein emploi, le président Donald Trump a adopté une politique budgétaire expansionniste, en réduisant les impôts (application de la grande réforme fiscale « Tax cuts and Jobs Act » adoptée en décembre 2017) et en augmentant les dépenses publiques. Cette politique budgétaire procyclique a alors provoqué un creusement du déficit budgétaire et du déficit courant (les deux déficits ont atteint respectivement 4,6 % et 2,2 % du PIB en 2019).</p>
<p><iframe id="M6WA6" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/M6WA6/3/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Jusqu’à présent, les États-Unis ont bénéficié d’un « financement sans pleurs et sans heurts » de leurs déficits jumeaux. Compte tenu du statut de <a href="http://www.cepii.fr/CEPII/fr/publications/em/abstract.asp?NoDoc=12731">monnaie internationale du dollar</a>, les investisseurs internationaux, privés et officiels, ont en effet accepté d’ajouter à leurs portefeuilles des titres du Trésor émis par les États-Unis pour financer leur double déficit.</p>
<p>La hausse des entrées nettes de capitaux aux États-Unis durant les épisodes de déficits jumeaux a ainsi provoqué, du moins au début, une appréciation du dollar qui a entraîné à son tour une dégradation de la balance courante américaine. Les graphiques suivants montrent la corrélation positive entre les déficits jumeaux et le cours du dollar (entre 1980 et 1985, puis entre 2000 et 2002 et enfin entre 2018 et 2020).</p>
<p><iframe id="aQVzu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/aQVzu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p><iframe id="qMG2l" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/qMG2l/9/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le système monétaire international dit de <a href="https://www.research.natixis.com/Site/fr/publication/O6-4CMuqzwBK5Q76CJSmZg%3D%3D">« Bretton-Woods 2 »</a>, en vigueur entre la fin des années 1990 et le début des années 2010, a notamment permis le financement des déficits jumeaux américains par la Chine, et dans une moindre mesure, par les autres pays émergents d’Asie.</p>
<p>De son côté, pour éviter que sa monnaie s’apprécie sous l’effet d’excédents commerciaux colossaux, la Chine a accumulé d’importantes réserves de change en dollars (jusqu’à 4000 milliards de dollars), qui ont été investies majoritairement en actifs en dollars, en particulier en titres du Trésor. Pendant des années, l’empire du Milieu a ainsi constitué le plus gros détenteur de bons du Trésor américains (fin 2013, il en détenait pour 1 312 milliards de dollars, soit 23 % du total détenu hors des États-Unis). La Chine a ainsi contribué de façon significative au financement des déficits courant et budgétaire américains.</p>
<h2>Moins d’investisseurs étrangers</h2>
<p>Depuis le début de la crise sanitaire, la baisse de la part des bons du Trésor détenus par les non-résidents (moins 6 points entre mars 2019 et septembre 2021) était compensée par la hausse de celle détenue par la Réserve fédérale (Fed). Cependant, le processus de réduction progressive des achats d’actifs par la Fed ( <a href="https://www.brookings.edu/blog/up-front/2021/07/15/what-does-the-federal-reserve-mean-when-it-talks-about-tapering/">« tapering »</a>), qui a débuté en novembre dernier, va obliger le Trésor américain à emprunter davantage auprès de ses autres créanciers domestiques et étrangers.</p>
<p>Depuis la fin des années 1980, la tendance est d’ailleurs à la réduction de la part des bons du Trésor détenus par les non-résidents. Après avoir atteint un point haut de 58 % en 2008, cette part a diminué progressivement pour tomber à 33 % en septembre 2021.</p>
<p>Or, l’augmentation de l’émission de bons du Trésor américains sur les marchés, alors que la demande reste inchangée, pourrait provoquer une baisse du cours des obligations, et donc une hausse des taux d’intérêt à long terme. Au cours des prochaines années, le budget fédéral américain devra alors être prioritairement axé sur la réduction du besoin de financement du Trésor.</p>
<p>Des déficits jumeaux demeurant trop élevés et/ou devant persister sur une trop longue période pourraient ainsi, à terme, entamer la confiance des investisseurs internationaux dans les titres libellés en dollars.</p>
<p>Il y a aujourd’hui de bonnes raisons de considérer que, compte tenu de l’importance des déficits jumeaux américains, les variables de taux d’épargne et de solde courant des États-Unis puissent exercer encore pendant un certain temps une influence significative sur les taux longs américains et les taux de change. Selon certains prévisionnistes, ces variables pourraient même à l’avenir peser davantage que les <a href="https://www.groupama-am.com/fr/article/la-thematique-des-deficits-jumeaux-aux-etats-unis-constitue-un-risque-a-la-baisse-sur-le-dollar-et-a-la-hausse-sur-leuro/">mesures de politique monétaire</a>, telle que la fin des politiques accommodantes d’assouplissement quantitatif aux États-Unis et dans la zone euro.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Dupuy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aux États-Unis, la double dégradation actuelle des déficits publics et de la balance courante pourrait mettre fin à une période historique de financement aisé auprès des investisseurs étrangers.Michel Dupuy, Professeur d'économie internationale, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1732932021-12-07T21:24:57Z2021-12-07T21:24:57ZL’affaiblissement de l’euro face au dollar, une tendance qui s’annonce durable<p>Depuis le début de l’année 2021, l’euro s’est affaibli par rapport au dollar américain, passant d’environ 1,23 dollar à son taux de change actuel de 1,13 dollar. Cela représente une baisse d’environ 9 %, ce qui reste significatif, d’autant plus qu’il s’agit des deux principales devises du monde.</p>
<p>La chute s’est également intensifiée en novembre, avec une baisse de 3 % environ. Ce recul a été enregistré dans un contexte marqué par des violences dans les capitales européennes en raison des restrictions sanitaires liées au Covid-19, par des problèmes de migrants à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne et par l’amassement de troupes russes à la frontière de l’Ukraine.</p>
<p>Cette baisse doit toutefois être considérée dans un contexte plus large. L’euro reste encore plus fort qu’il y a deux ans, lorsqu’il valait environ 1,10 dollar. Il a également connu une forte volatilité hebdomadaire entre février et avril 2020, au début de la pandémie de Covid-19, oscillant entre 1,07 et 1,13 dollar à ce jour (au 6 décembre), à une époque où de nombreux investisseurs se réfugiaient dans la devise américaine et où l’incertitude régnait quant aux conséquences des confinements.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/435875/original/file-20211206-17-kvpm9l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=422&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution de l’euro face au dollar depuis début 2021.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.tradingview.com/chart/?symbol=FX%3AEURUSD">Trading view</a></span>
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<p>Il est bien connu qu’il est extrêmement difficile d’expliquer les mouvements des devises sur une base hebdomadaire ou même mensuelle, surtout lorsqu’il s’agit d’économies majeures comme les États-Unis et les pays de la zone euro. Mais il est certain que nous devons examiner ce qui se passe dans les deux régions, et pas seulement dans l’une ou l’autre. En utilisant cette idée simple, il existe plusieurs explications à la récente dépréciation de l’euro.</p>
<h2>Différences d’inflation</h2>
<p>La première explication est liée au fait que la Réserve fédérale américaine (Fed) et la Banque centrale européenne (BCE) stimulent leurs économies en recourant à l’assouplissement quantitatif (<em>quantitative easing</em>, ou QE), qui consiste essentiellement à injecter des liquidités en rachetant des actifs financiers comme des obligations d’État auprès des banques et d’autres grands investisseurs. Depuis le début de la pandémie, les deux banques centrales ont accéléré cette opération de manière intensive.</p>
<p>Toutefois, l’inflation annuelle aux États-Unis atteignant désormais un <a href="https://news.sky.com/story/us-inflation-hits-highest-level-since-1990-at-6-2-as-food-and-fuel-prices-surge-12465340">niveau de 6,2 %</a>, contre <a href="https://www.reuters.com/world/europe/euro-zone-oct-inflation-confirmed-41-yy-energy-spike-2021-11-17/">4,1 % dans la zone euro</a>, la Fed pourrait <a href="https://www.reuters.com/business/cop/dollar-hovers-near-peaks-fed-heads-taper-2021-11-03/">mettre fin plus tôt que prévu à ses achats d’actifs</a> pour limiter l’envolée des prix. En effet, l’augmentation de la masse monétaire reste susceptible d’alimenter l’inflation.</p>
<p>D’ailleurs, la Fed a déjà commencé récemment à ralentir le rythme de l’assouplissement quantitatif (<em>tapering</em>) en vue de l’arrêter au second semestre 2022. D’autre part, la BCE <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-10-06/ecb-said-to-study-new-bond-buying-plan-for-when-crisis-tool-ends">réfléchit à un nouveau programme de QE</a> lorsque l’actuel, d’un montant global de 2 200 milliards de dollars, prendra fin en mars 2022.</p>
<p>Dans ce contexte, on s’attend de plus en plus à ce que les États-Unis commencent à <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-11-18/jpmorgan-economists-now-predict-fed-to-raise-rates-in-september">relever leurs taux d’intérêt à partir de la mi-2022</a> pour juguler l’inflation. De son côté, la présidente de la BCE, Christine Lagarde, vient d’indiquer clairement que le relèvement de ses taux ne devrait pas avoir lieu <a href="https://www.cnbc.com/2021/11/19/ecbs-lagarde-says-a-rate-hike-unlikely-for-2022.html">avant au moins 2023</a>.</p>
<p>Ces différences émergentes dans les positions de politique monétaire des États-Unis et de la zone euro ont jusqu’alors clairement favorisé un renforcement du dollar, puisque l’assouplissement quantitatif et des taux d’intérêt bas ont tendance à faire déprécier une monnaie.</p>
<h2>Covid et politique</h2>
<p>Un deuxième facteur déterminant a été la force relative récente de l’économie américaine, par rapport à la zone euro, dans son redressement après la pandémie. Pour 2021, le Fonds monétaire international prévoit une <a href="https://www.imf.org/en/Publications/WEO/Issues/2021/10/12/world-economic-outlook-october-2021">croissance de 6 % pour les États-Unis</a>, contre 5 % pour la zone euro, tandis qu’en 2022, les prévisions sont respectivement de 5,2 % et 4,3 %. Là encore, cela laisse présager la force du dollar.</p>
<p>Il semble peu probable que le Covid-19 fasse l’objet d’autres mesures de verrouillage aux États-Unis (même si le <a href="https://www.nytimes.com/2021/11/22/us/us-covid-cases-rising-thanksgiving.html?mc_cid=6d76cfd520&mc_eid=c825ac9090">nombre de cas augmente à nouveau</a>), mais pas dans la zone euro, où le taux d’infection a fortement augmenté ces dernières semaines dans des pays comme l’Allemagne, la France, les Pays-Bas, l’Autriche et la Belgique. <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-59369488">L’Autriche</a> est à nouveau en quarantaine, et <a href="https://news.sky.com/story/covid-19-germany-may-follow-austria-into-full-lockdown-as-coronavirus-cases-hit-new-high-12472233">d’autres pays de la zone euro pourraient suivre</a>.</p>
<p>Une plus grande stabilité politique constitue enfin un dernier moteur de la récente force du dollar. L’administration Biden dispose encore de trois ans de mandat et a récemment réussi à faire adopter son plan de relance <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2021/nov/19/house-democrats-pass-biden-expansive-build-back-better-policy-plan"><em>Build Back Better</em></a> de 1 700 milliards de dollars américains.</p>
<p>En revanche, les pays de la zone euro sont actuellement confrontés à une période de plus grande instabilité politique. L’Allemagne voit les 16 années de stabilité relative sous Angela Merkel toucher à leur fin. En France, l’éventuelle victoire d’un candidat populiste aux prochaines élections présidentielles <a href="https://www.thetimes.co.uk/article/french-election-2022-macron-is-sitting-pretty-but-sitting-presidents-often-tumble-fqfb6t5g0">inquiète également les investisseurs</a>, tout comme les frictions commerciales persistantes post-Brexit entre l’Union européenne et le Royaume-Uni.</p>
<p>Tout cela se produit à un moment où le <a href="https://www.businessinsider.com/russian-invasion-of-ukraine-a-real-possibility-russia-watchers-warn-2021-11?r=US&IR=T">renforcement des forces de la Russie à proximité de l’Ukraine</a> soulève la perspective d’un conflit militaire à la lisière de l’Europe – sans compter que la Russie a déjà <a href="https://www.reuters.com/markets/europe/living-hand-mouth-europes-gas-crunch-shows-little-sign-easing-2021-11-22/">limité l’approvisionnement en gaz</a> de la région et que l’un de ses principaux pipelines traverse l’Ukraine. En outre, d’importantes <a href="https://www.buzzfeednews.com/article/skbaer/antivax-europe-covid-mandates">manifestations anti-vaccins</a> ont eu lieu aux Pays-Bas, en Allemagne, en France ou encore en Italie, et les gouvernements européens sont désormais soumis à de <a href="https://thehill.com/opinion/finance/580976-is-europe-headed-toward-another-debt-crisis">plus en plus de pression</a> pour maîtriser leurs dépenses.</p>
<p>Ainsi, bien que les mouvements monétaires à court terme soient très difficiles à prévoir, il y a de nombreuses raisons de croire que la récente période de faiblesse de l’euro va se poursuivre. Cela rend les importations dans la zone euro plus chères, notamment l’énergie. En outre, si cela présente certains avantages pour un grand exportateur comme l’Allemagne, l’affaiblissement de la devise européenne sape également la crédibilité de la zone euro en tant que force économique mondiale.</p>
<p>Ce qui pourrait changer la donne, c’est que la BCE reconnaisse l’existence d’un problème d’inflation auquel il faut s’attaquer, en mettant fin à son expérience d’assouplissement quantitatif et en entamant le processus de relèvement des taux d’intérêt. Mais cela ne semble pas à l’ordre du jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173293/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Keith Pilbeam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les différents rythmes d’inflation des deux côtés de l’Atlantique et les réponses monétaires envisagées face à la hausse des prix devraient entretenir la dépréciation de la devise européenne.Keith Pilbeam, Professor of Economics, City, University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1714412021-11-12T08:17:56Z2021-11-12T08:17:56ZLes monnaies numériques des banques centrales risquent-elles de déclencher des paniques bancaires ?<p>Dans le débat en cours sur la conception de la monnaie numérique de banque centrale (MNBC), qui remplacerait par des formes dématérialisées la monnaie fiduciaire (billets et pièces), plusieurs auteurs ont exprimé d’importantes préoccupations quant au risque pour la stabilité financière. Étant donné que la MNBC permettrait aux déposants d’avoir un compte à la banque centrale, elle pourrait déclencher une ruée sur le système bancaire. En cas d’incertitude systémique concernant les banques, la détention de MNBC sans risque pourrait en effet devenir plus attrayante que les dépôts bancaires.</p>
<p>Ces préoccupations ont inspiré des <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpwps/ecb.wp2351%7Ec8c18bbd60.en.pdf">propositions</a> pour une conception spéciale de la MNBC et sont <a href="https://www.bis.org/publ/othp33.pdf">prises en compte</a> dans les rapports officiels des banques centrales, comme <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/other/Report_on_a_digital_euro%7E4d7268b458.en.pdf">celui de la banque centrale européenne</a> (BCE) sur l’avenir de la monnaie dans un contexte de montée en puissance des cryptomonnaies comme le bitcoin qui ne sont pas émises par un tiers de confiance et se caractérisent par une <a href="https://theconversation.com/le-cours-du-bitcoin-condamne-a-toujours-plus-de-volatilite-163997">forte volatilité</a> des cours.</p>
<p>Néanmoins, aucune preuve empirique n’existe à ce jour pour étayer une telle affirmation.</p>
<h2>Fuite vers la sécurité</h2>
<p>Nos <a href="https://repec.cepr.org/repec/cpr/ceprdp/DP16054.pdf">recherches</a> récentes portent sur la Grande Dépression française de 1930-1931, lorsque les épargnants disposaient d’une alternative sûre aux banques sous la forme de livrets d’épargne jouissant d’une garantie implicite de l’État. Nous montrons que l’existence de dépôts sûrs hors du système bancaire peut jouer un rôle substantiel dans le déclenchement de ruées bancaires, si ces comptes de dépôts ne sont pas correctement conçus.</p>
<p>Nous fournissons également des indications sur deux éléments de la discussion actuelle : les plafonds des dépôts sûrs et les taux d’intérêt.</p>
<p>La crise financière des années 1930 en France a été caractérisée par un phénomène de fuite vers la sécurité (Graphique 1). À partir de novembre 1930, les déposants français – ménages et entreprises – ont <a href="https://publications.banque-france.fr/fuite-vers-la-securite-et-effondrement-du-credit-une-nouvelle-histoire-de-la-crise-bancaire-en">soudainement retiré leurs fonds des banques commerciales</a> dans tout le pays.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430787/original/file-20211108-25-xtumxx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 1 : Total de dépôts dans les banques et dans les Caisses d’épargne, 1920-1936.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://publications.banque-france.fr/fuite-vers-la-securite-et-effondrement-du-credit-une-nouvelle-histoire-de-la-crise-bancaire-en">Baubeau, Monnet, Riva et Ungaro (2021)</a></span>
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<p>À cette époque, les banques françaises n’étaient pas encore réglementées (les premières lois bancaires ont été adoptées en 1941). Les déposants ont transféré les fonds retirés des banques aux Caisses d’épargne ordinaires (CEO).</p>
<p>Contrairement aux banques, les CEO étaient réglementées et bénéficiaient de la garantie de l’État, mais elles n’étaient pas autorisées à prêter ni à fournir des services de paiement : elles ne pouvaient détenir que des titres d’État. Les caisses d’épargne n’offraient donc pas d’alternative au crédit bancaire au niveau local.</p>
<p>Le panneau de droite du Graphique 2 montre la corrélation entre la densité des caisses d’épargne ordinaires avant la crise, mesurée par le nombre de livrets par habitant en 1924, et le taux de croissance de l’activité bancaire entre 1929 et 1932. L’activité bancaire est mesurée par le nombre d’agences bancaires (les seules statistiques sur les banques disponibles au niveau départemental sur cette période).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430789/original/file-20211108-21-56bk5m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 2 : La fuite vers la sécurité à niveau local. Note : Nombre de livrets CEO par habitant avant la crise (1924) et taux de croissance des guichets bancaires, à niveau départemental. À gauche, avant la crise (1925-1928). À droite, pendant la crise (1929-1932).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://acpr.banque-france.fr/les-effets-reels-des-ruees-bancaires-lexemple-de-la-grande-depression-en-france-1930-1931">Monnet, Riva et Ungaro (2021)</a></span>
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<p>La forte relation négative signifie que les départements à forte densité de CEO sont ceux qui ont connu un déclin plus marqué de l’activité bancaire. Les départements comptant moins de livrets de CEO par habitant ont connu une baisse plus faible, voire une augmentation, du nombre de succursales bancaires.</p>
<p>Cette dynamique n’était pas le prolongement d’une tendance antérieure. Le panneau de gauche du Graphique 2 ne montre aucune corrélation entre la densité de CEO avant la crise (en 1924) et le taux de croissance des succursales bancaires avant la crise, entre 1925 et 1928. Les CEO et les banques n’étaient pas des substituts mais des compléments avant la crise. Cependant, lors du déclenchement de la panique, les retraits bancaires se sont répandus dans tout le pays, et les dépôts dans les CEO et les banques sont devenus négativement corrélés. En conséquence, les banques ont réduit leurs crédits à l’économie, et le <a href="https://acpr.banque-france.fr/les-effets-reels-des-ruees-bancaires-lexemple-de-la-grande-depression-en-france-1930-1931">PIB local a connu une chute drastique</a> en termes réels.</p>
<h2>Leçons de l’Histoire</h2>
<p>Cet exemple historique permet de comprendre ce qui se passerait aujourd’hui si les agents économiques transféraient soudainement leurs fonds du système bancaire parallèle – peu sûr – vers des institutions financières sûres, comme des banques hautement réglementées ou même des banques centrales. Le risque d’une ruée causée par la possibilité pour les agents économiques de déposer leur argent à la banque centrale n’est pas seulement une curiosité théorique, et pourrait avoir des conséquences sérieuses sur le financement de l’économie.</p>
<p>Cela n’implique pas que le coût potentiel de la MNBC dépasserait son bénéfice potentiel. De la même manière que les caisses d’épargne françaises ont amélioré l’accès aux services d’épargne et aux services financiers au XIX<sup>e</sup> siècle, la MNBC peut <a href="https://research.stlouisfed.org/wp/more/2018-026">accroître l’inclusion financière</a> et même les prêts bancaires. Ce qui importe vraiment pour le bien-être global, c’est une conception de comptes de dépôts sûrs qui prenne en compte sérieusement les risques potentiels.</p>
<p>À ce sujet, l’exemple de la Grande Dépression française fournit deux idées concrètes pour la conception de la MNBC. D’une part, les plafonds appliqués aux comptes de dépôts ont eu une grande importance en période de crise.</p>
<p>En mars 1931 – en pleine panique – le parlement français a relevé le montant maximum que les épargnants pouvaient déposer sur leurs comptes CEO de 12 000 à 20 000 francs pour les particuliers et de 50 000 à 100 000 pour les entreprises. Cette décision a été motivée par des pressions politiques arguant que les dépôts auprès des CEO étaient le moyen le plus sûr de protéger les déposants pendant la crise. Selon plusieurs observateurs contemporains, l’augmentation du plafond des dépôts auprès des CEO a été un coup fatal qui a augmenté la gravité de la deuxième vague de panique bancaire à la fin de 1931.</p>
<p>D’autre part, le différentiel de taux d’intérêt entre les institutions sûres et les banques n’avait pas d’importance dans la période précédant la crise, mais a certainement contribué à exacerber la fuite vers la sécurité lorsque les paniques bancaires ont commencé.</p>
<p>Le Graphique 3 montre que, de 1927 à 1932, les taux d’intérêt payés sur les dépôts des CEO, réglementés par le gouvernement, étaient régulièrement plus élevés que les taux d’intérêt payés par les banques commerciales à leurs déposants. Les déposants acceptaient un taux d’intérêt plus faible sur leurs dépôts bancaires en temps normal parce que les banques fournissaient des services supplémentaires (relation de crédit, moyens de paiement, conseils en matière d’investissement et gestion de portefeuilles de titres, souvent gratuitement), mais les dépôts des CEO étaient également liquides. Ils ne se sont rués sur les comptes des Caisses d’épargne que pendant la crise.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=437&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/430792/original/file-20211108-17-1vy2frx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=549&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphique 3 : Taux d’intérêt sur les dépôts des CEO et taux d’intérêt moyen payé par les banques commerciales sur les dépôts.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://acpr.banque-france.fr/les-effets-reels-des-ruees-bancaires-lexemple-de-la-grande-depression-en-france-1930-1931">Monnet, Riva et Ungaro (2021)</a></span>
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<p>En d’autres termes, l’écart entre les taux d’intérêt a des conséquences comportementales très différentes pendant une crise systémique, car le risque est perçu différemment. Cet épisode historique suggère donc qu’il serait possible pour la MNBC de payer des taux d’intérêt plus élevés sur les dépôts en temps normal, tant qu’il existe un mécanisme de limite (par prix ou par quantité) qui empêche les ruées en période d’incertitude.</p>
<p>Le meilleur design de ce mécanisme – un <a href="https://www.ecb.europa.eu/pub/pdf/scpwps/ecb.wp2351%7Ec8c18bbd60.en.pdf">système à deux échelons de taux d’intérêt</a>, plutôt que la <a href="https://www.suerf.org/docx/f_504c296f8eb5fd521e744da4e8371f28_3251_suerf.pdf">mise en place d’un plafond</a> comportant le transfert automatique de l’excédent vers un compte détenu auprès d’une banque – dépendra donc de l’utilisation qui sera faite des fonds détenus auprès de la banque centrale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171441/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angelo Riva a reçu des financements de Agence Nationale de la Recherche (ANR-15-CE26-0008)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Eric Monnet a reçu des financements de Agence Nationale de la Recherche (ANR-15-CE26-0008).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Stefano Ungaro a reçu des financements de Agence Nationale de la Recherche (ANR-15-CE26-0008).</span></em></p>Une recherche portant sur la Grande Dépression française des années 1930 fournit des éléments clés pour préserver la stabilité financière.Angelo Riva, Economiste, Professeur de finance à l'European business school, EBS Paris Eric Monnet, Economiste, professeur affilié, Paris School of Economics – École d'économie de ParisStefano Ungaro, Chercheur Postdoctoral, Paris School of Economics – École d'économie de ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.