tag:theconversation.com,2011:/us/topics/moscou-44639/articlesMoscou – The Conversation2024-03-25T16:42:08Ztag:theconversation.com,2011:article/2265382024-03-25T16:42:08Z2024-03-25T16:42:08ZDans le viseur de l’État islamique au Khorassan : la Russie, mais aussi l’Asie centrale et l’Europe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/584036/original/file-20240324-24-g8ybij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C90%2C1270%2C868&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des sauveteurs dans les ruines du Crocus City Hall, Krasnogorsk, le 24&nbsp;mars 2024.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/c/c6/Crocus_City_Hall_amphitheater_after_terrorist_attack_%282024%29.jpg">Ministère des Situations d’Urgence de la Fédération de Russie</a></span></figcaption></figure><p><em>Le 22 mars 2024, la Russie a subi la <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/attaque-a-moscou-deuil-national-en-russie-apres-le-massacre-du-crocus-city-hall-20240324_2SVPFHCSXFBAFFFG2YKVMSOJZ4/">pire attaque terroriste sur son sol depuis une génération</a>. Au moins 137 personnes ont été tuées par des terroristes lors d’un concert en banlieue de Moscou. L’attentat a été <a href="https://www.letemps.ch/monde/asie-oceanie/l-ei-k-branche-la-plus-meurtriere-de-l-etat-islamique-le-visage-du-terrorisme-venu-d-asie-centrale">revendiqué par le groupe État islamique au Khorassan</a> (EIK). Et bien que les autorités russes aient <a href="https://www.lefigaro.fr/international/frappes-par-une-attaque-terroriste-a-moscou-les-russes-vivent-leur-bataclan-20240323">exprimé des doutes</a> sur la réalité de cette revendication, de façon à imputer l’attaque à l’Ukraine, des responsables américains ont <a href="https://apnews.com/article/russia-moscow-concert-hall-attack-islamic-state-753291d25dad26a840459ee8f448d59e">déclaré à l’Associated Press</a> qu’ils pensaient que l’EIK, que l’on peut qualifier de section locale de Daech en Asie du Sud et en Asie centrale, était effectivement à l’origine de l’assaut.</em></p>
<p><em>Les chercheuses <a href="https://www.clemson.edu/cbshs/about/profiles/index.html?userid=ajadoon">Amira Jadoon, de l’Université de Clemson</a>, et <a href="https://www.american.edu/profiles/students/sh5958a.cfm">Sara Harmouch, de l’American University</a>, deux spécialistes qui suivent de près les activités de l’EIK – expliquent à The Conversation ce que l’attentat de Moscou nous apprend sur les forces et le programme de l’organisation.</em></p>
<h2>Qu’est-ce que l’EIK ?</h2>
<p>L’EIK <a href="https://ctc.westpoint.edu/the-islamic-state-threat-in-taliban-afghanistan-tracing-the-resurgence-of-islamic-state-khorasan/">opère principalement dans la zone Afghanistan-Pakistan</a>, mais est présent dans tout le « Khorassan » historique – une région qui s’étend sur des parties de l’Afghanistan et du Pakistan mais aussi de l’Iran et d’autres pays d’Asie centrale.</p>
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<p>Créé en 2015, <a href="https://theconversation.com/what-is-isis-k-two-terrorism-experts-on-the-group-behind-the-deadly-kabul-airport-attack-and-its-rivalry-with-the-taliban-166873">l’EIK vise à établir</a> un « califat » – un système de gouvernance soumis à la plus stricte application de la charia et placé sous l’autorité de responsables religieux – dans cette région à cheval sur l’Asie du Sud et l’Asie centrale.</p>
<p>L’EIK partage l’idéologie de son organisation mère, le groupe État islamique, qui promeut une interprétation extrême de l’islam et considère les gouvernements laïques, ainsi que les populations civiles non musulmanes mais aussi les groupes et individus musulmans ne partageant pas sa vision de l’islam comme des cibles légitimes.</p>
<p>Le groupe est connu pour son extrême brutalité et pour avoir fréquemment pris pour cible des institutions gouvernementales et des civils, y compris des mosquées, des établissements d’enseignement et des espaces publics.</p>
<p>Après le retrait des États-Unis d’Afghanistan en 2021, les <a href="https://www.wilsoncenter.org/article/isis-k-resurgence">principaux objectifs de l’EIK</a> ont été de <a href="https://warontherocks.com/2021/10/the-taliban-cant-take-on-the-islamic-state-alone/">remettre en cause la légitimité des talibans actuellement au pouvoir</a> dans ce pays ravagé par la guerre, de s’affirmer comme le leader légitime de la communauté musulmane dans sa zone et d’apparaître comme le principal adversaire régional des régimes existants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1771526331588555205"}"></div></p>
<p>En outre, la transition des talibans d’un groupe insurrectionnel à une entité gouvernementale a laissé de nombreuses factions militantes afghanes sans force unificatrice – une lacune que l’EIK s’est efforcé de combler.</p>
<h2>Pourquoi la Russie a-t-elle été prise pour cible par l’EIK ?</h2>
<p>L’EIK <a href="https://jamestown.org/program/the-islamic-states-anti-russia-propaganda-campaign-and-criticism-of-taliban-russian-relations/">présente depuis longtemps la Russie comme l’un de ses principaux adversaires</a>. Il utilise largement un discours anti-russe dans sa propagande et s’en est déjà pris aux intérêts russes en Afghanistan, commettant notamment en 2022 un <a href="https://www.voanews.com/a/blast-in-kabul-kills-2-russian-embassy-staff-/6731342.html">attentat-suicide</a> contre l’ambassade de Russie à Kaboul qui a fait deux morts parmi le personnel de l’ambassade russe et de quatre passants afghans.</p>
<p>L’État islamique au sens large s’en prend aussi à la Russie, et cela pour plusieurs raisons. Il s’agit notamment de <a href="https://ctc.westpoint.edu/the-enduring-duel-islamic-state-khorasans-survival-under-afghanistans-new-rulers/">griefs de longue date</a> liés aux violentes interventions passées de Moscou dans des régions à majorité musulmane comme l’Afghanistan et la Tchétchénie. De plus, les alliances de Moscou avec des régimes opposés au groupe État islamique, notamment la Syrie et l’Iran, ont <a href="https://doi.org//10.1080/09546553.2019.1657097?journalCode=ftpv20">fait de la Russie un adversaire majeur</a> aux yeux de l’organisation terroriste et de ses affiliés. En particulier, la Russie est un <a href="https://www.aljazeera.com/features/2020/10/1/what-has-russia-gained-from-five-years-of-fighting-in-syria">allié clé du président syrien Bachar Al-Assad</a> depuis le début de la guerre civile en Syrie en 2011, et lui fournit un soutien militaire pour lui permettre de combattre divers groupes qui cherchent à le renverser, y compris l’État islamique. Cette opposition directe au groupe terroriste et à ses ambitions de califat a fait de la Russie une cible privilégiée aux yeux de l’EI en général et de l’EIK en particulier.</p>
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<p><a href="https://carnegieendowment.org/politika/90584">La coopération de la Russie</a> avec les talibans – le principal ennemi de l’EIK en Afghanistan – ajoute une couche d’animosité supplémentaire. Le groupe État islamique considère les pays et les groupes qui s’opposent à son idéologie ou à ses objectifs militaires, y compris les acteurs qui cherchent à établir des relations avec les talibans, <a href="https://extremism.gwu.edu/sites/g/files/zaxdzs5746/files/Criezis_CreateConnectDeceive_09222022_0.pdf">comme des ennemis de l’islam</a>.</p>
<p>En frappant des cibles russes, l’EIK cherche en partie à dissuader la Russie de s’impliquer davantage au Moyen-Orient. Mais ces attentats font également une grande publicité à sa cause et visent à inspirer ses partisans dans le monde entier. Ainsi, pour la « marque » État islamique, l’attentat de Moscou représente à la fois une vengeance à l’encontre de la Russie et une opération de communication d’ampleur mondiale. Cette approche peut s’avérer très payante, en particulier pour sa filiale d’Asie du Sud et d’Asie centrale, dans la mesure où elle peut lui apporter de nouvelles recrues, de nouveaux financements et une hausse de son influence dans la nébuleuse djihadiste.</p>
<h2>Que nous apprend cette attaque sur les capacités et la stratégie de l’EIK ?</h2>
<p>Le simple fait que l’EIK soit associé au carnage de Moscou – que son implication y ait été directe ou indirecte – renforce la réputation du groupe. Cet épisode témoigne de son influence croissante et de sa détermination à faire sentir sa présence sur la scène mondiale.</p>
<p>En effet, commettre un attentat très médiatisé dans une grande ville située à des milliers de kilomètres de sa base afghane montre que l’EIK est en capacité d’étendre sa portée opérationnelle – soit directement, soit par le biais d’une collaboration avec des factions terroristes partageant les mêmes idées.</p>
<p>L’ampleur et la sophistication de l’attaque témoignent d’une planification, d’une coordination et de capacités d’exécution avancées, et réaffirment sans équivoque la volonté de l’EIK de se montrer toujours plus actif au niveau international.</p>
<p>À l’instar de l’attentat <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20240104-journ%C3%A9e-de-deuil-en-iran-apr%C3%A8s-un-double-attentat-meurtrier">perpétré par l’EIK en Iran en janvier 2024</a>, qui a fait plus de 100 morts, le dernier massacre en date souligne la place de l’EIK au sein du programme djihadiste mondial promu par le groupe État islamique, et contribue à élargir l’attrait de son idéologie et de sa campagne de recrutement grâce à l’attention accrue que lui portent les médias internationaux. Cela lui permet de rester un acteur politique de premier plan aux yeux de ses sympathisants en Asie du Sud et en Asie centrale, et aussi au-delà. Mais cela permet aussi de détourner l’attention de ses revers locaux. Comme son organisation mère, le groupe État islamique, l’EIK a subi, ces dernières années, des défaites militaires, des <a href="https://www.courrierinternational.com/article/afghanistan-le-chef-de-Daech-responsable-de-l-attentat-de-l-aeroport-de-kaboul-tue-par-les-talibans">pertes de territoires et de dirigeants</a> et une diminution de ses ressources.</p>
<p>Dès lors, le rôle supposément joué par l’EIK dans l’attentat de Moscou rappelle aux observateurs la persistance de la menace que représente l’organisation.</p>
<p>En ciblant une grande puissance comme la Russie, l’EIK vise à envoyer un message d’intimidation à tous les États participant aux opérations de lutte contre le groupe État islamique et à ébranler le sentiment de sécurité de leurs citoyens. Au-delà, sa stratégie s’inscrit dans un processus d’« internationalisation » qu’il poursuit avec une vigueur renouvelée depuis 2021 en ciblant les pays présents en Afghanistan, notamment le Pakistan, l’Inde, l’Ouzbékistan, le Tadjikistan, la Chine et la Russie, ce qui marque une expansion délibérée de son objectif opérationnel au-delà des frontières locales.</p>
<p>L’attaque de Moscou, qui fait suite à celle de janvier en Iran, suggère que l’EIK intensifie ses efforts pour exporter son combat idéologique directement sur les territoires de nations souveraines. Il s’agit d’une stratégie soigneusement calculée et susceptible de semer l’effroi dans de nombreuses capitales, comme le montrent déjà les <a href="https://www.lopinion.fr/politique/le-niveau-dalerte-passe-en-urgence-attentat-en-france-apres-lattaque-terroriste-a-moscou">premières réactions internationales au carnage du Crocus City Hall</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’État islamique au Khorassan (EIK), qui vient de frapper la Russie, cherche à s’imposer comme une organisation terroriste mondiale.Sara Harmouch, PhD Candidate, School of Public Affairs, American UniversityAmira Jadoon, Assistant Professor of Political Science, Clemson UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2265552024-03-25T16:07:25Z2024-03-25T16:07:25ZL’implication de Tadjiks dans le massacre de Moscou trouve ses racines dans le passé trouble et le présent désespéré de l’ex-république soviétique<p>Les quatre hommes armés accusés des meurtres d'au moins 139 spectateurs
au théâtre Crocus City Hall de Moscou, le 22 mars 2024, étaient tous citoyens du <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/russie/attaque-terroriste-pres-de-moscou/attentat-a-moscou-ce-que-l-on-sait-des-quatre-suspects_6445891.html">Tadjikistan</a>, petit pays d'Asie centrale.</p>
<p>Leur nationalité a-t-elle quelque chose à voir avec leur présumé acte de terrorisme ? De nombreux Russes affirmeraient que c’est le cas.</p>
<p>Le Tadjikistan, un pays enclavé de dix millions d’habitants, pris en sandwich entre l’Ouzbékistan, l’Afghanistan et la Chine, est la <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse/2702">plus pauvre</a> des anciennes républiques soviétiques. Connu pour sa corruption et sa répression politique, il subit depuis 1994 la poigne de fer du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Emomali_Rahmon">président Emomali Rahmon</a>. On estime que plus de <a href="https://asiaplustj.info/en/news/tajikistan/society/20220214/more-than-3-million-tajik-citizens-reportedly-officially-registered-in-russia-last-year">trois millions de Tadjiks</a> vivent en Russie, soit environ un tiers de la population totale. </p>
<p>Spécialiste de l’histoire de l’Asie centrale, je parle le tadjiki et j’ai séjourné à de nombreuses reprises dans la région, ainsi qu’en Russie, depuis 1990. J’ai personnellement été témoin des conditions de vie des Tadjiks en Russie, et dans leur pays d’origine, que j’ai décrites dans mon récent ouvrage, <a href="https://www.pulaval.com/livres/les-tadjiks-persanophones-d-afghanistan-d-ouzbekistan-et-du-tadjikistan"><em>Les Tadjiks : persanophones d’Afghanistan, d’Ouzbékistan et du Tadjikistan</em></a>.</p>
<h2>Une population discriminée</h2>
<p>La plupart des Tadjiks vivant en Russie occupent le statut précaire de « travailleurs invités », occupant des emplois mal rémunérés dans les secteurs de la construction, des marchés ou le nettoyage des toilettes publiques. Le <a href="https://www.contrepoints.org/2024/01/25/452518-demographie-de-la-russie-une-jeunesse-decimee-ou-en-fuite#:%7E:text=Le%20d%C3%A9clin%20d%C3%A9mographique%20russe%20ne%20date%20pas%20d%E2%80%99hier&text=Le%20pic%20est%20atteint%20en,%2C4%20millions%20en%202020">déclin démographique de la population russe</a> a conduit à une dépendance croissante envers les travailleurs étrangers, afin de répondre aux besoins de main-d’œuvre. L’attitude des Russes envers les autochtones d’Asie centrale et du Caucase est généralement négative, semblable au stéréotype américain sur les Mexicains, exprimé tristement par Donald Trump en 2015 : <a href="https://www.lapresse.ca/international/etats-unis/201506/28/01-4881520-don">« Ils apportent de la drogue. Ils apportent le crime. Ce sont des violeurs »</a>. </p>
<p>Ainsi, les non-Slaves sont systématiquement discriminés en Russie et, depuis 2022, ils ont été enrôlés de manière disproportionnée et <a href="https://www.la-croix.com/Russie-migrants-Asie-centrale-racontent-pressions-envoyer-Ukraine-2023-11-15-1301291005">envoyés en Ukraine</a> pour servir de chair à canon au front.</p>
<h2>Une civilisation prestigieuse</h2>
<p>Peu de peuples dans l’histoire ont vu leur statut s’effondrer de manière aussi spectaculaire que les Tadjiks au cours des cent dernières années. </p>
<p>Pendant plus d’un millénaire, les Tadjiks, descendants persanophones des anciens Sogdiens qui dominaient la Route de la Soie, ont constitué l’élite culturelle de l’Asie centrale. À partir de la « Nouvelle Renaissance persane » du X<sup>e</sup> siècle, lorsque leur capitale, Boukhara, en est est venue à rivaliser avec Bagdad en tant que centre d’enseignement et de haute culture islamiques, les Tadjiks ont été les principaux érudits et bureaucrates des grandes villes d’Asie centrale, et ce, jusqu’à la révolution russe. Le célèbre mathématicien médiéval <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Avicenne">Avicenne</a> était d’origine tadjike, tout comme le collectionneur de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouhammad_al-Boukh%C3%A2r%C3%AE">hadiths Bukhari</a>, le poète <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Djal%C3%A2l_ad-D%C3%AEn_R%C3%BBm%C3%AE">soufi Rumi</a> et bien d’autres.</p>
<p>En tant que principaux pourvoyeurs de la civilisation islamique d’Asie centrale, les Tadjiks étaient considérés par les bolcheviks comme représentant un héritage obsolète que le socialisme souhaitait anéantir. Les Tadjiks ont été pratiquement exclus de la restructuration sociale et politique massive imposée à l’Asie centrale au cours des premières années de l’Union soviétique. </p>
<p>La majeure partie de leur territoire historique, y compris les villes légendaires de Samarkand et de Boukhara, a été attribuée aux Ouzbeks turcophones, qui étaient considérés comme plus malléables. Ce n’est qu’en 1929 que les Tadjiks se sont dotés de leur propre république, composée principalement de territoires marginaux et montagneux, et dépourvus de tout centre urbain majeur.</p>
<h2>Répression, désespoir et islam radical</h2>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, la République socialiste soviétique tadjike a été la région la plus pauvre et sous-développée de l’ex-URSS. Elle a conservé ce triste statut depuis son indépendance en 1991. De 1992 à 1997, le pays a été plongé dans une guerre civile dévastatrice qui a détruit presque toutes les infrastructures. </p>
<p>Depuis lors, le président Rahmon a utilisé la menace d’une reprise du conflit civil pour justifier son pouvoir absolu. Le spectre d’un <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20191108-tadjikistan-attaque-groupe-etat-islamique">islam radical</a> émanant de <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre2-2016-3-page-150.htm">l’Afghanistan voisin</a> — où la population tadjike dépasse largement celle du Tadjikistan — a fourni une justification supplémentaire à la politique répressive de Rahmon.</p>
<p>Dans le Tadjikistan d’aujourd’hui, même ceux qui ont fait des études universitaires sont quasi <a href="https://novastan.org/fr/tadjikistan/les-7-problemes-principaux-des-villages-au-tadjikistan/">dans l’impossibilité de gagner un salaire</a> décent. Impuissants et humiliés par le système, ils sont des proies faciles pour les prédicateurs islamiques radicaux qui leur donnent un sentiment de valeur et un but réel à achever. </p>
<p>Le désespoir financier en toile de fond crée un cocktail explosif : l’un des suspects des récents attentats de Moscou <a href="https://www.aljazeera.com/news/2024/3/25/four-men-showing-signs-of-severe-beating-charged-over-moscow-concert-attack">a déclaré à ses interrogateurs</a> russes qu’il avait été recruté par un « imam » via la plate-forme Telegram. Il a expliqué qu’on lui avait promis une récompense en espèces d’un demi-million de roubles russes (environ 7 300 $ CDN) pour commettre ses atrocités.</p>
<h2>Un avenir peu radieux</h2>
<p>Partout dans le monde, les êtres humains normaux et sensés sont horrifiés par les actes terroristes, quelle que soit la manière dont ils sont justifiés par leurs auteurs. Le peuple du Tadjikistan, qui souffre depuis longtemps, ne fait pas exception. </p>
<p>L’option du terrorisme demeurera attrayante pour un petit nombre d’extrémistes, qui peuvent percevoir le meurtre psychopathique de civils innocents contre de l’argent, ou pour une idéologie, comme valable. La tentative ridicule de la Russie de lier, d’une manière ou d’une autre, les attaques de Moscou à l’Ukraine est une diversion maladroite des conséquences de ses relations avec l’Asie centrale.</p>
<p>Un grand nombre de Tadjiks vivent en Russie et il est probable que de telles attaques se multiplieront à l’avenir. Déjà, les ressortissants du Tadjikistan signalent sur les réseaux sociaux des incidents discriminatoires et des préjugés accrus. Les chauffeurs de taxi tadjiks, par exemple, témoignent que des passagers leur demandent s’ils sont Tadjiks, et refusent ensuite de voyager avec eux. </p>
<p>Avec ses ressources immobilisées en Ukraine dans un avenir proche, il semble peu probable que Moscou ait la capacité de se venger des islamistes au Tadjikistan, ou ailleurs en Asie centrale. Ils opèrent en dehors du contrôle du président Rahmon, dont le régime demeure un fidèle allié de la Russie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/226555/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Richard Foltz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les auteurs de l’attentat de Moscou seraient originaires du Tadjikistan. Le pays, le plus pauvre de l’ex-URSS, connaît un régime répressif et corrompu, où l’islamisme radical fait son nid.Richard Foltz, Professor of Religions and Cultures, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2241372024-02-23T15:52:33Z2024-02-23T15:52:33ZHéritage d’Alexeï Navalny : ce sont aux Russes de poursuivre son combat, loin des «idéaux» occidentaux<p>La <a href="https://www.ledevoir.com/monde/europe/807355/alexei-navalny-principal-opposant-poutine-est-mort-prison">mort récente d’Alexeï Navalny</a> a suscité des condamnations immédiates de la part des dirigeants du monde entier, le <a href="https://www.forbes.fr/societe/joe-biden-poutine-est-responsable-de-la-mort-dalexei-navalny/">président américain pointant aussitôt Vladimir Poutine du doigt</a>.</p>
<p>On ne peut <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-68318742">affirmer avec certitude</a> que le président russe a fait assassiner Navalny. Mais la mort du dissident <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russias-putin-run-again-president-2024-2023-12-08/">avant les élections présidentielles russes</a> de mars a des airs de déjà-vu. Dans le passé, de nombreux détracteurs de Vladimir Poutine sont décédés <a href="https://www.lessentiel.lu/fr/story/plusieurs-deces-suspects-dans-l-entourage-de-poutine-405586624221">dans des circonstances suspectes</a>.</p>
<p>Cependant, des déclarations comme celle de Joe Biden, qui a accusé Vladimir Poutine <a href="https://www.leparisien.fr/international/direct-mort-de-navalny-ses-avocats-en-route-vers-la-prison-poutine-informe-de-son-deces-16-02-2024-MQBOAQRMVVCUXMBVO4KDCFOIRA.php">d’être personnellement responsable</a> de la mort d’Alexeï Navalny, alimentent la propagande du Kremlin.</p>
<h2>« Agent de l’Occident »</h2>
<p>Le président Poutine est parvenu à diviser ceux qui soutiennent Navalny en conjuguant complaisance à leur égard et condamnation du dissident en tant <a href="https://www.reuters.com/world/europe/obituary-alexei-navalny-russian-opposition-politician-putin-nemesis-reported-2024-02-16/">qu’agent de l’Occident</a>.</p>
<p>La passion et l’ampleur de l’indignation occidentale apportent de l’eau à son moulin. La possibilité que <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wx3vHdFRvMo">Yulia Navalnaya</a>, veuve du dissident et d’autres réformateurs puissent provoquer des changements en Russie pourrait être compromise si leur cause est associée à l’Occident.</p>
<p>La popularité de Navalny en Russie va au-delà des positions démocratiques et <a href="https://acf.international/ru">anticorruption</a> qui lui ont valu d’êtr e <a href="https://www.nytimes.com/2022/04/24/movies/navalny-review.html">admiré en Occident</a>. Pour les Russes, il était avant tout un <a href="https://news.yahoo.com/alexei-navalny-russian-opposition-leader-122409296.html">nationaliste</a>.</p>
<p>Il représentait une menace pour Poutine parce qu’il <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/1060586X.2013.872453">inspirait les nationalistes</a>, un mouvement politique russe qui a déjà été critique à l’égard du président.</p>
<p>Vladimir Poutine est assurément un dirigeant autoritaire qui dispose de <a href="https://www.pbs.org/wgbh/frontline/article/russia-putin-press-freedom-independent-news/">pouvoirs extrajudiciaires</a> considérables. Mais il a toujours eu besoin du soutien des citoyens russes. Depuis plus d’une décennie les <a href="https://imrussia.org/en/analysis/3265-putin%E2%80%99s-dangerous-flirting-with-nationalism">nationalistes russes</a> lui permettent un règne d’une durée exceptionnelle.</p>
<p>Les troubles politiques des années 1990 et du début des années 2000 ont conduit de nombreux Russes à s’interroger sur leur place dans le monde. La Russie est passée d’une des superpuissances mondiales à une position que certains Russes percevaient comme leur valant d’être <a href="https://foreignpolicy.com/2022/03/03/putin-ukraine-russia-nato-kosovo/">ignorés ou dénigrés</a> pas les États-Unis.</p>
<h2>Successeur de Boris Eltsine</h2>
<p>En tant que successeur du premier président de la Russie, Boris Eltsine, Poutine a <a href="https://www.irishtimes.com/news/yeltsin-immunity-suggests-a-deal-done-with-putin-1.230365">hérité d’une position politique</a> quelque part entre les communistes, qui prônaient un retour à une nation du même type que l’Union soviétique, et les nationalistes, qui cherchaient à redonner à la Russie son statut de grande puissance.</p>
<p>Cet exercice d’équilibrisme a été évident dès le début du premier mandat de Poutine. Les nationalistes russes ont crié au scandale parce que les puissances occidentales ont mené des guerres pour préserver les droits de la personne dans divers pays, alors que les Russes des États postsoviétiques ont été négligés.</p>
<p>Vladimir Poutine, qui ne devait rien aux nationalistes à ce stade, a même <a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-jour-ou-poutine-voulait-integrer-l-otan-24-11-2021-2453563_24.php#11">envisagé d’adhérer à l’OTAN</a>, bastion de l’Occident.</p>
<p>Les États-Unis <a href="https://www.pbs.org/newshour/politics/stone-interviews-putin-says-asked-russia-joining-nato">n’ont pas considéré sérieusement</a> la suggestion de Poutine. Par conséquent, et comme <a href="https://www.dw.com/en/russia-us-clash-over-russian-election-protests/a-15589210">ce dernier avait l’impression</a> que les Américains soutenaient ses adversaires politiques, il a cherché à cultiver une autre source de stabilité en se tournant vers les nationalistes russes.</p>
<p>Le <a href="https://carnegieendowment.org/politika/88451">sentiment anti-occidental</a> est une composante essentielle de l’idéologie de certains nationalistes russes. Aujourd’hui, Poutine adhère pleinement à cette vision. Sa crainte de voir les nationalistes remettre en cause sa position intérieure a d’ailleurs <a href="https://doi.org/10.5612/slavicreview.75.3.0702">alimenté ses manœuvres</a> en Ukraine au cours de la dernière décennie.</p>
<p>Vladimir Poutine ne pouvait se désengager de la région ukrainienne du Donbas — à majorité russophone — sans risquer de perdre le soutien des nationalistes russes. C’est un des facteurs qui l’a poussé à <a href="https://www.cnn.com/2022/09/13/europe/ukraine-advance-russia-war-analysis-intl-hnk-ml/index.html">envahir l’Ukraine</a> en février 2022.</p>
<h2>L’attrait de Navalny</h2>
<p>D’abord <a href="https://www.newyorker.com/news/our-columnists/the-evolution-of-alexey-navalnys-nationalism">très à droite</a> sur l’échiquier politique, <a href="https://www.aljazeera.com/news/2024/2/16/obit-navalny-putins-archenemy-and-anti-corruption-champion">Navalny est devenu plus modéré</a> au fil du temps. Néanmoins, sa vision de la Russie ne correspondait pas toujours aux idéaux occidentaux.</p>
<p>Ainsi, Navalny considérait que la Crimée <a href="https://www.themoscowtimes.com/2014/10/16/navalny-wouldnt-return-crimea-considers-immigration-bigger-issue-than-ukraine-a40477">ne devait pas être automatiquement restituée</a> à l’Ukraine après son annexion à la Russie en 2014. Cette position est cohérente avec les arguments nationalistes selon lesquels la <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2014/03/18/crimea-ukraine-putin-russia/6564263/">Crimée fait partie de la Russie</a>. En outre, si les opinions de Navalny sur l’immigration ont évolué, elles sont restées <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/2/25/navalny-has-the-kremlin-foe-moved-on-from-his-nationalist-past">teintées de populisme</a>.</p>
<p>Navalny était tout à fait conscient qu’il pouvait séduire le peuple russe et représenter un danger pour Vladimir Poutine. En 2020, il a été transporté à Berlin pour y recevoir un traitement médical après avoir été empoisonné au <a href="https://www.themoscowtimes.com/2020/10/06/watchdog-says-novichok-type-nerve-agent-found-in-navalny-samples-a71674">Novitchok</a>. Il convient de noter que cet agent neurotoxique a été <a href="https://www.forbes.fr/politique/l-empoisonnement-la-strategie-russe-pour-faire-taire-les-opposants-de-vladimir-poutine/">fréquemment utilisé contre des dissidents russes</a>.</p>
<p>Avant de retourner en Russie pour continuer à défier Vladimir Poutine, Navalny a publié une vidéo au cas où il mourrait en détention.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1758477103962468366"}"></div></p>
<p>Voici ce qu’il y disait au peuple russe :</p>
<blockquote>
<p>S’ils décident de me tuer, cela signifie que nous sommes extrêmement puissants. Nous devons faire usage de ce pouvoir et nous souvenir que nous sommes une immense force qui est oppressée par de mauvaises personnes. Nous n’avons pas conscience de la force que nous possédons. </p>
</blockquote>
<h2>Nuire à l’héritage d’Alexeï Navalny</h2>
<p>En défendant Navalny, l’Occident risque d’amoindrir son héritage en tant que héros du peuple russe en raison du <a href="https://www.globalpolicyjournal.com/blog/22/09/2022/russian-anti-western-intellectualism">sentiment anti-occidental qui prévaut en Russie</a>.</p>
<p>Pendant des années, Vladimir Poutine a <a href="https://www.cnn.com/2024/02/17/europe/putin-navalny-existential-threat-analysis-intl/index.html">refusé de prononcer</a> le nom de Navalny. Ses partisans et son gouvernement n’ont toutefois pas été aussi circonspects. Le Kremlin est même allé jusqu’à accuser celui-ci d’être un <a href="https://www.reuters.com/article/idUSKBN26M4JA/">agent de la CIA</a>.</p>
<p>Les leaders mondiaux qui ont exprimé le plus d’indignation après le décès de Navalny sont occidentaux. Parmi eux figurent Joe Biden, le <a href="https://www.leparisien.fr/international/mort-de-navalny-macron-accuse-la-russie-de-condamner-a-mort-les-esprits-libres-16-02-2024-TGGHVJHPYFHS3OQXHBYUKFJTDQ.php">président français Emmanuel Macron</a> et le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/mort-de-navalny-loccident-accuse-poutine-2077009">premier ministre britannique Rishi Sunak</a>.</p>
<p>Le contraste entre leurs déclarations et celles du président brésilien <a href="https://www.msn.com/en-us/news/world/brazil-s-lula-says-navalny-s-death-should-be-probed-before-accusations/ar-BB1isWRR">Luiz Inácio Lula da Silva</a> et des <a href="https://www.msn.com/en-us/news/world/china-s-state-media-repeat-russian-talking-points-after-navalny-s-death/ar-BB1iwbko">médias d’État chinois</a> est saisissant. Ni l’un ni les autres n’ont condamné Poutine pour la mort de Navalny.</p>
<p>Que leur non-positionnement soit bien fondé ou non, ces dirigeants ont aidé le Kremlin à associer davantage <a href="https://www.tasnimnews.com/en/news/2024/02/19/3041870/kremlin-calls-western-politicians-statements-on-navalny-s-death-boorish">Navalny à l’Occident</a>.</p>
<p>Alexeï Navalny a fait preuve d’un grand courage dans ses convictions en revenant en Russie, tout en sachant qu’il allait très certainement être victime de <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2024-02-18/mort-d-alexei-navalny/pourquoi-est-il-revenu.php">répression et d’emprisonnement</a>.</p>
<p>Ce sont des personnes comme son épouse, Yulia Navalnaya, et non les dirigeants occidentaux, qui sont les mieux placées pour poursuivre le combat pour l’avenir de la Russie. Mais pour que cela soit possible, il faut que la cause de Navalny ne soit pas perçue par les nationalistes russes comme étant ancrée dans les idéaux occidentaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224137/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les successeurs de Navalny sont les mieux placés pour poursuivre le combat pour la Russie. Mais ils ne réussiront que si la cause de Navalny n’est pas perçue comme ancrée dans les idéaux occidentaux.James Horncastle, Assistant Professor and Edward and Emily McWhinney Professor in International Relations, Simon Fraser UniversityJack Adam MacLennan, Associate Professor of International Relations and National Security Studies and Graduate Program Director for National Security Studies, Park UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984652023-01-27T15:21:41Z2023-01-27T15:21:41ZVoici pourquoi près d’un an plus tard, le conflit en Ukraine change de nature<p>L’ <a href="https://blogs.mediapart.fr/touriste/blog/270222/document-discours-integral-de-poutine-le-24-fevrier">« opération militaire spéciale »</a> de Vladimir Poutine en Ukraine approche de son premier anniversaire. Mais la nature même du conflit a changé depuis l’invasion.</p>
<p>En février 2022, l’attaque russe sur Kyïv — <a href="https://jmss.org/article/view/76586/56341">prétendument pour provoquer un changement de régime en Ukraine</a> — a vite échoué. Le régime ukrainien actuel, au lieu de s’effondrer comme un château de cartes, est sorti renforcé.</p>
<p>Pourtant, les forces séparatistes et russes combattant dans la région du Donbass depuis 2014 avaient pu constater <a href="https://www.businessinsider.com/ukraine-modernizing-military-to-make-war-more-costly-for-moscow-2021-6">l’amélioration des capacités militaires ukrainiennes</a> — malgré ce que croyait ou pensait le président russe. Néanmoins, les forces russes <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-60506682">se sont emparées d’un territoire important</a> dans l’est de l’Ukraine au début du conflit.</p>
<p>Cette guerre de mouvement initiée par la Russie s’est rapidement enlisée. À leur tour, les forces ukrainiennes ont également reconquis des territoires relativement rapidement à l’automne 2022, <a href="https://www.7sur7.be/monde/les-combats-entre-l-ukraine-et-la-russie-dans-l-impasse-nous-ne-pouvons-pas-battre-les-russes-mais-eux-non-plus%7Ea976361d/?referrer=https%3A%2F%2Fwww.google.com%2F">mais cette phase de mouvement s’est également interrompue</a>.</p>
<p>Aucun des deux camps n’a su gagner un avantage décisif sur le champ de bataille. <a href="https://thehill.com/opinion/national-security/3727910-the-russian-armys-trouble-runs-deep/">Malgré les prédictions de nombreux observateurs occidentaux</a>, les forces russes en Ukraine ne sont pas effondrées — et n’en montrent aucun signe. Voici pourquoi.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-vladimir-poutine-reagira-t-il-aux-recentes-victoires-ukrainiennes-190709">Comment Vladimir Poutine réagira-t-il aux récentes victoires ukrainiennes ?</a>
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<h2>Redéploiement russe</h2>
<p>La Russie a envahi l’Ukraine avec une <a href="https://jmss.org/article/view/76588/56337">force trop petite pour y mener une guerre d’envergure</a>.</p>
<p>La débâcle de l’attaque russe au nord de Kyïv a entraîné un redéploiement vers l’est. Ce mouvement a permis de simplifier considérablement les lignes d’approvisionnement russes et de concentrer les troupes à l’Est. Plus au sud, la retraite russe du territoire de Kherson a produit le même effet.</p>
<p>Même si Vladimir a longtemps refusé de reconnaître que sa prétendue « opération militaire spéciale » était en réalité une guerre ouverte, <a href="https://www.themoscowtimes.com/2022/12/23/lawmaker-attacks-putin-for-ukraine-war-reference-a79790">il l’a maintenant fait en paroles et en actes</a>.</p>
<p>Ce changement de cap s’est accompagné d’un renforcement important de l’armée russe en Ukraine. <a href="https://www.csis.org/analysis/what-does-russias-partial-mobilization-mean">La mobilisation partielle des réservistes</a> a considérablement accru ses ressources humaines par rapport à ce dont elle disposait au départ.</p>
<p>Les réservistes russes sont concentrés dans l’est de l’Ukraine en <a href="https://www.rferl.org/a/ukraine-odesa-mykolayiv-strikes-russia-invasion-svitlodarsk/31961614.html">position défensive sur presque tout le front</a>. Cette stratégie signifie moins de pertes et des ressources plus concentrées qu’un an auparavant quand l’armée russe menait l’offensive sur un très large front.</p>
<p>Les Russes ont axé leurs opérations <a href="https://article19.ma/accueil/archives/163407">offensives sur la sécurisation du territoire restant de Donetsk et de Louhansk</a> — ce qui était la <a href="https://www.cnbc.com/2022/04/19/why-does-russia-want-the-donbas-region-so-much.html">justification initiale de l’invasion</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme chauve serre la main d’un soldat en tenue de combat" src="https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505865/original/file-20230123-18-yykqto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le président Vladimir Poutine visite un centre d’entraînement pour réservistes dans le district militaire occidental près de Riazan, en Russie, en octobre 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Mikhail Klimentyev, Sputnik, via AP)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une avancée fulgurante</h2>
<p>Les opérations actuelles de la Russie dans la région de Bakhmout, dans le Donbass, n’ont rien de fulgurant, mais à bien des égards, cette stratégie de <a href="https://www.rferl.org/a/ukraine-bakhmut-russia-assault-invasion-analysis/32174980.html">rouleau compresseur</a> convient mieux à l’armée russe.</p>
<p>Ces opérations de portée limitée corrigent aussi les <a href="https://www.janes.com/defence-news/news-detail/ukraine-conflict-russian-military-adapts-command-and-control-for-ukraine-operations">lacunes de la structure de commandement et de contrôle du début du conflit</a>. Cette approche limitée et méthodique convient également mieux à des réservistes généralement moins formés et peu expérimentés.</p>
<p>Les forces russes ont également une longue expérience des combats d’artillerie à forte intensité qui caractérise le conflit actuellement.</p>
<p>Fin 1994, les forces russes ont tenté de prendre d’assaut la capitale tchétchène de Grozny, d’une manière assez semblable à l’attaque de Kyïv en 2022. À la lumière de cet échec, elles ont adopté le type d’approche centrée sur l’artillerie, qu’ils avaient perfectionnée pendant la Seconde Guerre mondiale pour réduire la ville avant de la capturer. Cette approche <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/04/21/ukraine-russia-mariupol-fall-maps/">a été appliquée à Marioupol</a> avec succès.</p>
<p>En tant qu’historien de l’armée russe et soviétique, j’ai été en mesure de constater une tendance « culturelle » où les opérations offensives téméraires initiales sont suivies d’une approche plus méthodique et mesurée. Outre le cas de la prise de Grozny, la <a href="https://www.cambridge.org/core/books/red-army-and-the-second-world-war/2E01D8047C13AE63A3A92D6DEE2CD71F">Grande Guerre patriotique soviétique de 1941 à 1945 est jonchée d’exemples similaires</a>.</p>
<p>Cela s’est souvent accompagné d’un engagement plus profond dans la tâche à accomplir afin d’y mettre les bouchées doubles. De nombreux signes indiquent que telle est la situation de l’armée russe depuis l’automne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme âgée s’accroche à un arbre en regardant les décombres qui l’entourent" src="https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505944/original/file-20230123-7682-m0vi4q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des Tchétchènes pendant une accalmie durant les combats à Grozny en janvier 1995.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Mindaugas Kulbis)</span></span>
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</figure>
<h2>Méfiance envers l’Occident et l’OTAN</h2>
<p>Malgré les pertes et les revers subis, les <a href="https://www.levada.ru/en/2022/12/12/conflict-with-ukraine-november-2022/">sondages d’opinion indiquent que la population russe soutient toujours l’effort</a> de guerre en Ukraine. Ce soutien est crucial.</p>
<p>Bien des Russes considèrent la Crimée <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2022/10/11/guerre-en-ukraine-la-crimee-l-annexion-russe-qui-embarrasse-les-occidentaux_6145335_3210.html">comme une partie intégrante de la Russie</a>, et le soutien occidental aux tentatives de l’Ukraine de la reconquérir est un affront particulier.</p>
<p>L’appui à tout crin des Occidentaux aux Ukrainiens dans leur effort de reconquête des territoires perdus depuis 2014 favorise justement l’acceptation de la propagande russe. Devant « l’évidence » que l’Occident <a href="https://jmss.org/article/view/76584/56335">s’acharne sur la Russie</a> et que l’expansion de l’OTAN jusqu’aux frontières de la Russie fait partie d’un processus, la Russie ne peut que fixer une limite.</p>
<p>À mesure que le conflit s’éternisera, les deux parties souffriront de pénuries d’effectifs et de matériel. La Russie dispose <a href="https://news.err.ee/1608815692/edf-intelligence-chief-russia-still-has-long-term-offensive-capabilities">d’importantes réserves</a> et de quelques alliés déclarés comme l’Iran et la Corée du Nord. L’Ukraine, elle, est soutenue par le poids de l’OTAN.</p>
<h2>Une longue guerre est probable</h2>
<p>Dans un avenir prévisible, les deux parties conservent leur capacité de se battre. Davantage d’équipements, <a href="https://www.gov.uk/government/news/pm-accelerates-ukraine-support-ahead-of-anniversary-of-putins-war">y compris les chars dernier cri et autres véhicules blindés occidentaux</a>, renforceront l’armée ukrainienne à court terme. Mais cet avantage se verra réduit si la trop grande variété de véhicules complique la formation, l’entretien et l’approvisionnement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un grand char militaire sur un terrain plein d’ornières" src="https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505948/original/file-20230123-10641-ygqbvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le char Léopard 2 lors d’une démonstration. L’Allemagne vient de décider d’envoyer les premiers chars à l’Ukraine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Michael Sohn)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1950734/chars-assaut-blindes-combat-berlin-kiev-invasion-russe">L’envoi de chars allemands en Ukraine</a> renforcera de manière considérable la propagande de Vladimir Poutine. Les médias russes <a href="https://ria.ru/20230121/zapad-1846366533.html">tracent déjà le parallèle</a> entre l’invasion allemande de juin 1941 et la présence de chars allemands sur les champs de bataille ukrainiens aujourd’hui.</p>
<p>Si la guerre suit sa trajectoire actuelle, la victoire demeurera élusive. L’un ou l’autre camp pourra tirer un gain dans un scénario d’escalade et de contre-escalade, mais sans doute jamais de manière durable.</p>
<p>Mais jusqu’à ce que les deux parties acceptent d’amorcer de véritables pourparlers et de jouer à donnant-donnant, le bain de sang se poursuivra.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198465/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Hill ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’armée russe en Ukraine mène une guerre beaucoup plus intense en artillerie et plus méthodique qu’il y a un an. C’est devenu une guerre totale.Alexander Hill, Professor of Military History, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1919022022-10-05T14:32:06Z2022-10-05T14:32:06ZSerait-ce le début de la fin pour Vladimir Poutine ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/488311/original/file-20221005-14-zvm931.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C0%2C4071%2C2741&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président russe Vladimir Poutine lors d'une rencontre avec la ministre russe de la Culture à Moscou, le 3 octobre 2022. Son emprise sur la Russie s'effrite à mesure que la guerre qu'il a lancée en Ukraine s'enlise.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Gavriil Grigorov, Sputnik, Kremlin/Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Les <a href="https://information.tv5monde.com/info/direct-ukraine-annexion-par-la-russie-de-quatre-regions-ukrainiennes-un-discours-de-vladimir">étranges cérémonies</a> de Vladimir Poutine officialisant l’annexion 15 % du territoire ukrainien révèlent encore une fois le gouffre béant entre le triomphalisme du Kremlin et la réalité.</p>
<p>Peu importe que les forces russes <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-63072113">n’aient jamais entièrement contrôlé</a> les territoires maintenant sous le drapeau russe. Peu importe que les « référendums » organisés par la Russie n’aient été qu’un simulacre éhonté où les électeurs votaient <a href="https://www.tf1info.fr/international/guerre-ukraine-russie-referendums-d-annexion-en-ukraine-porte-a-porte-soldats-armes-et-vote-oral-la-tres-polemique-organisation-des-votes-2233575.html">sous la menace</a>. Peu importe que davantage de Russes <a href="https://www.ouest-france.fr/monde/guerre-en-ukraine/ces-trois-graphiques-montrent-comment-les-russes-fuient-pour-echapper-a-la-mobilisation-en-ukraine-b66e665c-3d73-11ed-8fdd-0c50a46087ee">aient fui le pays</a> que la nouvelle cible de mobilisation, 300 000 hommes, pour soutenir un effort de guerre de plus en plus chancelant. Et peu importe que les forces russes battent en retraite dans les territoires annexés — les Ukrainiens ont libéré la ville stratégique de <a href="https://thepressfree.com/humiliation-pour-vladimir-poutine-alors-que-les-ukrainiens-liberent-la-ville-cle-de-lyman-ukraine/">Lyman</a> moins de 24 heures après l’annonce de son annexion.</p>
<p>Les élucubrations vitrioliques de Vladimir Poutine devant un auditoire fort peu enthousiaste étaient une accumulation de petites phrases d’un goût douteux. Il a qualifié l’<a href="https://nouvelles-dujour.com/poutine-declare-la-guerre-sainte-au-satanisme-occidental/">Occident</a> de satanistes aux « genres divers », appelant à la guerre sainte contre les épouvantails transsexuels occidentaux. Il a qualifié les Américains de <a href="http://kremlin.ru/events/president/news/69465">néo-colonialistes</a>, alors qu’il annonçait lui-même la recréation d’un empire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1575967494657179648"}"></div></p>
<p>Il a évoqué Catherine la Grande, affirmé que le sud de l’Ukraine a toujours été russe et invoqué plusieurs fois le vieux terme impérial « Novorossiya ». Dans ce tsunami de fiel xénophobe, Vladimir Poutine a à peine mentionné l’expansion de l’OTAN — laquelle était censée avoir provoqué l’invasion russe en plaçant celle-ci devant un danger existentiel.</p>
<p>Mais si le président russe fait tout ce cinéma, c’est parce qu’il a certainement parié sa survie politique sur une « victoire ». Or, les signes se multiplient que son emprise commence à s’effriter, même si sa disparition n’est pas pour demain.</p>
<h2>Les crises existentielles engendrent des crises internes</h2>
<p>Les dictateurs finissent souvent mal pour avoir visé trop haut. De même, la nouvelle fragilité de Poutine découle de ses propres choix. Par son obsession à redonner à la Russie ses frontières prétendument historiques et par ses accusations contre la décrépitude morale du monde occidental, Poutine a créé sa propre menace existentielle.</p>
<p>Ses forces conventionnelles se sont révélées être une <a href="https://www.24heures.ca/2022/06/01/la-guerre-en-ukraine-un-desastre-tactique-pour-larmee-russe">illusion d’optique</a> : mal entraînées, mal dirigées, désespérément corrompues et souvent mal équipées. Sa désastreuse campagne ukrainienne est en passe de devenir une menace interne que son message intérieur a du mal à expliquer.</p>
<p>Les « glorieuses victoires russes », après s’être enlisées, se transforment en déroute et les <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220913-cachez-cette-contre-offensive-ukrainienne-que-les-m%C3%A9dias-russes-ne-sauraient-voir">propagandistes du Kremlin</a> se savent plus où donner de la tête pour éteindre les feux. Faire passer les défaites pour des revers temporaires ne peut faire qu’un temps. Et il y a des limites à inventer des boucs émissaires en prétendant que les forces de l’OTAN combattant aux côtés des Ukrainiens ou que ceux qui commandent les forces russes manquent de patriotisme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1569438668275974146"}"></div></p>
<p>Tôt ou tard, il deviendra évident que le principal responsable de ce gâchis est le seul homme que personne n’a le droit de critiquer : Vladimir Poutine.</p>
<p>Il y a quelques jours, <a href="https://twitter.com/M_Simonyan/status/1576522714093096960?s=20&t=y3sAnH1HFcxcbkbJVx7thw">Margarita Simonyan</a>, rédactrice en chef des publications en langue anglaise du réseau d’actualités RT (ex-Russia Today) et de l’agence gouvernementale d’informations Rossia Segodnia, s’est soudainement dissociée de la politique, affirmant qu’elle n’a aucune autorité politique.</p>
<p>Un dictateur devrait s’inquiéter lorsque ses loyaux porte-parole commencent à prétendre à l’impartialité.</p>
<h2>Poutine abandonne le centre</h2>
<p>Le poutinisme demeure une énigme. Même si personne depuis Staline n’a régné aussi longtemps au Kremlin, Vladimir Poutine n’a jamais formulé une vision directrice pour la Russie. Il ne s’est jamais identifié à une position idéologique particulière. En fait, il n’est même pas membre de Russie unie, le parti qui représente ses intérêts au parlement russe.</p>
<p>Vladimir Poutine a présidé un gouvernement autoritaire centralisé, montant les différentes cliques du Kremlin les <a href="https://www.journalofdemocracy.org/articles/how-the-putin-regime-really-works/">une contre les autres</a>, tout en promouvant ses amis, avec une <a href="https://www.lalibre.be/international/europe/2022/03/22/au-pays-de-poutine-la-purge-suit-la-guerre-ERODZ7HZZZHY7PEJNRCUH2WFFI/">petite purge occasionnelle</a> pour faire bonne mesure.</p>
<p>Le gouvernement russe pratique normalement un système de <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/2336825X211061488">négociations bureaucratiques</a> entre les ministères régaliens et certaines personnalités d’envergure assez similaire aux méthodes de gouvernance occidentale. Mais dans la Russie actuelle, l’autorité de Vladimir Poutine est telle que les débats sur les orientations politiques sont court-circuités. Tout passe par la volonté d’un seul individu.</p>
<p>Cela a plutôt servi le président jusqu’ici en le faisant passer pour « centriste » entre les extrêmes ultranationalistes et communistes, tout en le tenant à l’écart de la politique partisane.</p>
<p>Mais les échecs militaires l’obligent désormais à <a href="https://theconversation.com/vladimir-poutine-deborde-par-lextreme-droite-russe-191137">composer avec l’extrême droite</a>. Celle-ci n’a jamais complètement soutenu Poutine, même si elle lui reste redevable de son influence politique. Mais ce camp jouit d’une faible faveur populaire et ses dirigeants se font fréquemment ridiculiser.</p>
<p>Vladimir Poutine mise plutôt sur le sentiment populaire envers lui. Dans cette démocratie bidon, il a peu de chance d’être destitué par scrutin et la population est peu portée aux manifestations publiques.</p>
<p>Il est à craindre qu’il prenne des mesures encore plus impopulaires que le fiasco de sa <a href="https://www.tf1info.fr/international/guerre-ukraine-russie-poutine-demande-de-corriger-les-erreurs-dans-la-mobilisation-2233892.html">mobilisation partielle</a> bâclée.</p>
<p>Ses détracteurs, comme le dirigeant tchétchène <a href="https://www.tf1info.fr/international/guerre-ukraine-russie-le-president-tchetchene-kadyrov-appelle-a-utiliser-des-armes-nucleaires-de-faible-puissance-2234055.html">Ramzan Kadyrov</a>, l’appellent à déclarer la loi martiale dans les régions frontalières et à utiliser des armes nucléaires tactiques contre l’Ukraine. De telles mesures accéléreraient non seulement la défaite militaire, mais elle affaiblirait encore davantage Vladimir Poutine sur le plan intérieur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1574308164664791041"}"></div></p>
<h2>Des boucs émissaires pour un échec collectif</h2>
<p>Par le passé, Poutine a pu procéder à des purges en toute impunité. Les militaires, les services de sécurité, les oligarques ont tous eu à subir ses foudres.</p>
<p>Mais les échecs russes en Ukraine ne se réduisent plus à quelques mauvais généraux ou à du mauvais renseignement. Leur caractère systématique révèle des failles dans la stratégie, la planification militaire, la gestion économique, l’analyse du renseignement et la direction politique.</p>
<p>Plus les échecs s’accumulent, moins la désignation de boucs émissaires par Poutine est tenable. <a href="https://foreignpolicy.com/2022/07/20/why-russia-keeps-losing-generals-ukraine/">Les chefs militaires ont été remplacés</a> et le président donnerait désormais des ordres directement aux commandants sur le terrain, refusant notamment de leur permettre de se replier et de se regrouper.</p>
<p>Les évaluations des services de renseignement, selon lesquelles les Ukrainiens allaient accueillir les envahisseurs russes, avaient pour prémisse un <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/putins-new-ukraine-essay-reflects-imperial-ambitions/">essai</a> de 2021 signé Vladimir Poutine qui dépeignait les Ukrainiens comme de vulgaires rebelles russes. La confiance excessive de Moscou dans son <a href="https://www.forbes.com/sites/johnhyatt/2022/03/08/sanctions-on-russian-fund-show-dashed-hope-of-moscows-cooperation-with-democracies/?sh=1066c529a431">fonds souverain</a> n’a pas suffi à protéger des pans vitaux de son économie contre les sanctions occidentales.</p>
<p>Et l’Occident est ressorti plus résolu que jamais devant sa tentative <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220928-fuite-des-gazoducs-nord-stream-les-th%C3%A9ories-derri%C3%A8re-le-sabotage">d’instrumentaliser l’énergie russe</a> à des fins militaires.</p>
<p>Bien sûr, rien de tout cela ne signifie que Poutine sera renversé demain. Il conserve un solide contrôle sur la population russe et sur ceux qui le servent parmi les élites. Mais ses démonstrations de force, si intenses soient-elles, trahissent sa vulnérabilité croissante. Sa décision de mobiliser a rompu son contrat avec le peuple. Et en rejetant la responsabilité de l’échec sur ses subordonnés, il incite, pour la première fois, les élites à s’unir contre lui.</p>
<p>Pour avoir une idée précise de l’évolution de la situation politique, il suffit de constater la confiance renouvelée du président ukrainien Volodymyr Zelensky. Celui qui avait survécu de justesse à une tentative de décapitation russe en février appelle désormais ouvertement à un <a href="https://www.nouvelobs.com/guerre-en-ukraine/20220930.OBS63911/l-ukraine-va-demander-formellement-son-adhesion-acceleree-a-l-otan.html">changement de régime</a> en Russie. Il refuse toute négociation tant que son adversaire sera président de la Fédération de Russie. « Nous négocierons avec le nouveau président », a-t-il dit.</p>
<p>La fin de Vladimir Poutine pourrait arriver plus tôt que vous ne le pensez.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191902/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthew Sussex a reçu des fonds du Conseil australien de la recherche, de la Commission Fulbright, de la Fondation Carnegie et de diverses agences gouvernementales australiennes.
</span></em></p>Les signes se multiplient que l’emprise de Vladimir Poutine sur la Russie commence à s’effriter, même si sa disparition n’est pas pour demain.Matthew Sussex, Fellow, Strategic and Defence Studies Centre, Australian National UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1811132022-04-12T14:19:47Z2022-04-12T14:19:47ZSur les réseaux sociaux, dans la rue à coup d’affiches et de graffitis, les féministes russes protestent contre la guerre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/457531/original/file-20220411-26-sfmkcy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C9%2C1262%2C841&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Anastasia Parshkova tenant une affiche qui dit « Tu ne tueras point », devant la cathédrale du Christ-Sauveur, à Moscou, le 15 mars 2022, peu avant son arrestation.</span> <span class="attribution"><span class="source"> (Résistance féministe antiguerre)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Dès l’invasion de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1864508/poutine-annonce-operation-militaire-ukraine">l’Ukraine le 24 février 2022</a>, le président russe Vladimir Poutine a <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2022/02/28/russie-forte-hausse-de-la-censure-liee-la-guerre">décrété des lois draconiennes</a> de propagande. Ceux qui dénoncent la guerre et les <a href="https://theconversation.com/what-are-war-crimes-3-essential-reads-on-atrocities-in-ukraine-and-the-likelihood-of-prosecuting-putin-180639">crimes de la Russie</a> s’exposent <a href="https://www.ledevoir.com/culture/medias/681789/moscou-resserre-son-emprise-sur-l-information-en-russie">à 15 ans d’emprisonnement</a>.</p>
<p>Ce faisant, il a anéanti un paysage médiatique riche et varié.</p>
<p>Avec mes collaboratrices en histoire de l’art <a href="https://www.utsc.utoronto.ca/acm/yi-gu">Yi Gu</a> et <a href="https://arts.uottawa.ca/visualarts/people/alvarez-hernandez-analays">Analays Alvarez</a>, je m’intéresse depuis 2020 à la scène artistique indépendante et alternative en Russie, à Cuba et en Chine. Mais ce travail sur <a href="https://www.academia.edu/14534402/Russias_Soviet_Shadow">l’art soviétique et la scène artistique russe contemporaine</a>, qui met l’accent sur l’activisme, a pris une importance vitale avec la guerre. Un certain nombre d’artistes se sont tournés vers la scène artistique clandestine, notamment le mouvement <a href="http://eng.partizaning.org/?page_id=22">« Partizaning »</a> (du russe Partizan, guérillero), dont les adeptes mènent une guérilla artistique d’infiltration pour protester contre l’invasion russe en Ukraine.</p>
<p>La censure officielle et la surveillance policière ont rendu quasi impossibles les moyens « classique » d’agitation et d’action médiatiques, comme les foules éclairs. En réaction, un grand nombre de femmes et de personnes de genre non conforme cherchent à interpeller <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/russie-le-declin-demographique-clef-de-voute-des-ambitions-de-poutine_2166260.html">leurs 144 millions de concitoyens</a> à travers un vaste réseau décentralisé qui coordonne des actions directes spontanées, telles que des manifestations dans des quartiers résidentiels et des sabotages.</p>
<p>Le mouvement <a href="https://t.me/femagainstwar">Résistance féministe antiguerre</a> est une communauté russophone décentralisée. <a href="https://jacobinmag.com/2022/02/russian-feminist-antiwar-resistance-ukraine-putin">Auto-organisé pour gérer des actions de résistance antiguerre</a>, il communique avec ses membres et sympathisants à travers la plate-forme de messagerie instantanée <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/high-tech/telegram-la-messagerie-chiffree-controversee_1816669.html">Telegram</a>.</p>
<p>Ce média social sécurisé réunit par ailleurs d’autres groupes de militants aux vues semblables et qui cherchent à exprimer leur opposition à la guerre en Ukraine de manière plus ou moins coordonnée.</p>
<h2>Militantisme féminin, queer, trans</h2>
<p>Au cours des dernières semaines, j’ai interviewé des artistes et des militants en Russie qui, à ma grande surprise, sont très majoritairement des femmes, des homosexuels et des transsexuels — alors que ceux-ci ont habituellement le militantisme discret en raison des <a href="https://www.hrw.org/report/2018/12/12/no-support/russias-gay-propaganda-law-imperils-lgbt-youth">lois homophobes russes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un drapeau ukrainien rayé de bleu et de jaune est vu suspendu à la fenêtre d’un appartement" src="https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455041/original/file-20220329-13-s4ub90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un militant anonyme déploie le drapeau ukrainien à la fenêtre d’un immeuble résidentiel de Moscou, début mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Résistance féministe antiguerre/Maria Silina)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès les premiers jours de la guerre, les protestations collectives ou individuelles se sont orientées vers les <a href="https://www.instagram.com/p/CbBP-G-MIk2/">médias sociaux</a> afin de mobiliser le plus grand nombre de citoyens.</p>
<p>Ils ont manifesté à travers des slogans et des affiches qui exploitent le pouvoir du langage. Ils ont dévoilé la force brutale de la police en filmant les arrestations violentes après qu’un manifestant eut défié plusieurs hommes lourdement armés. Ils ont inventé une manière ludique de transgresser la communication officielle par les symboles et les affiches pour remettre en question publiquement les actions gouvernementales et la guerre instiguées par le président Poutine.</p>
<p>Cette approche d’intervention appelée <a href="https://fr-academic.com/dic.nsf/frwiki/506980">« détournement »</a>, qui remonte aux années 1950, consiste à imiter la propagande pour la ridiculiser. Elle a été fréquemment reprise dans les récents mouvements de résistance, comme en <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1470357218779118">Turquie en 2013</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un stand de panneaux d’affichage communautaire en verre est vu à l’extérieur avec un soupir en papier sur lequel est collée une écriture russe" src="https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454812/original/file-20220328-13-1iz3tr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une affiche antiguerre qui donne des informations sur les soldats et les civils russes et ukrainiens tués. Partagé sur Telegram le 7 mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Résistance féministe antiguerre/Maria Silina)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Manifestations sur la place publique</h2>
<p>À la mi-mars, par exemple, devant la cathédrale du Christ-Sauveur à Moscou, Anastasia Parshkova a brandi une affiche citant <a href="https://ledroitcriminel.fr/la_science_criminelle/philosophes/theologie_morale/decalogue.htm">l’un des dix commandements</a> : « Tu ne tueras point ».</p>
<p><a href="https://www.dailymail.co.uk/news/article-10615393/Russian-presenter-quits-pro-Kremlin-TV-channel-goes-hiding-posting-No-war-message.html">L’artiste a été arrêtée</a>, mais l’image a été largement partagée sur les réseaux sociaux parce qu’elle jouait habilement avec le conformisme religieux et l’idéologie militaire. Un simple slogan du genre « Non à la guerre » n’aurait pas suscité autant d’attention médiatique, même si la manifestante avait été arrêtée de toute façon.</p>
<p>Durant les six premières semaines de guerre, les autorités ont <a href="https://ovd.news/news/2022/03/13/spiski-zaderzhannyh-v-svyazi-s-akciyami-protiv-voyny-s-ukrainoy-13-marta-2022-goda">arrêté, mis à l’amende ou détenu</a> quelque <a href="https://www.economist.com/graphic-detail/2022/03/22/more-than-15000-russians-have-been-arrested-in-anti-war-protests">15 400 personnes</a> ayant participé à des manifestations.</p>
<h2>La résistance au quotidien</h2>
<p>Bas de vignette : Une affiche « Non à la guerre » d’un auteur anonyme. (Résistance féministe antiguerre, gracieuseté de l’autrice.)</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Un crâne traversé par un boulon est apposé sur une surface grise sous un panneau triangulaire de sécurité publique" src="https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455030/original/file-20220329-25-9ivk8p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une affiche « Non à la guerre » d’un auteur anonyme basé à Moscou en mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Résistance féministe antiguerre/Maria Silina)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Contrairement aux manifestations publiques, les actes de résistance quotidiens ne sont pas destinés à attirer l’attention des médias. Au contraire, ces actions répétitives et publiques, menées principalement par des femmes, des personnes de genre non conforme ou des étudiant.es, sont conçues pour interpeller les citoyens ordinaires dans leur quotidien.</p>
<p>Une militante, travailleuse culturelle de la communauté LGBTQ+ moscovite, a partagé son histoire lors d’un entretien avec moi (elle a demandé l’anonymat).</p>
<p>Pendant les premiers jours de la guerre, elle cherchait à former un groupe pour distribuer des autocollants contre la guerre dans son quartier, et c’est ainsi qu’elle s’est intégrée au mouvement Résistance féministe antiguerre.</p>
<p>L’initiative est coordonnée par des <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/russie-qui-sont-ces-militantes-qui-disent-non-la-guerre-en-ukraine-450811">militantes</a>. Certaines sont des personnalités publiques, comme la <a href="https://www.themoscowtimes.com/2022/03/29/the-feminist-face-of-russian-protests-a77106">poétesse Daria Serenko</a>. D’autres ne vivent plus en Russie ou l’ont récemment fui, selon les informations reçues de l’une des coordinatrices, qui s’est installée ailleurs en Europe. Le groupe compte désormais plus de 26 000 utilisateurs.</p>
<h2>Pastiches, infiltrations et performances</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Un tract antiguerre ressemblant à un formulaire de disparition" src="https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=853&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=853&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=853&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1072&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1072&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454815/original/file-20220328-17748-7owv0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1072&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Modèle d’affiche reproductible créé par des militants anonymes de Résistance féministe antiguerre, partagé sur Telegram, le 18 mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Résistance féministe antiguerre/Maria Silina)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Unis par cette action collective, des citoyens et des citoyennes ordinaires de partout au pays s’impliquent et proposent leur aide pour concevoir, imprimer et distribuer des informations antiguerre.</p>
<p>Les autocollants à slogan, tel que « Non à la guerre », sont populaires, mais d’autres préfèrent des tactiques d’infiltration artistique, notamment par des contrefaçons d’affiches officielles.</p>
<p>Par exemple, certaines affiches ressemblent à celles pour des personnes portées disparues, sauf qu’elles informent plutôt le public sur les soldats russes tués ou disparus, et invitent le public à manifester contre la guerre.</p>
<p>Les militants écrivent également des messages antiguerre sur les billets de banque et les pièces de monnaie. Ils estiment que cette approche peut court-circuiter la propagande officielle, notamment chez les personnes âgées, grandes utilisatrices d’argent liquide.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Rangées de billets de banque russes disposés sur une table, montrant des messages écrits à la main" src="https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=539&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=539&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=539&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454814/original/file-20220328-17770-5colot.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Slogans antiguerre sur des billets de banque, partagés par un utilisateur anonyme de Résistance féministe antiguerre, le 17 mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Résistance féministe antiguerre/Maria Silina)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Selon les personnes que j’ai interrogées, l’expression publique de sa peine et de son chagrin est encore une autre manière de protester dans une société où la répression du discours politique direct produit un effet paralysant. Ainsi, pleurer dans les transports publics permet aux passagers d’être témoins d’émotions qui sont largement réprimées et censurées par une propagande ouvertement militariste.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Trois femmes vêtues de noir et portant des roses blanches sont vues ensemble, les visages étant floutés pour des raisons de confidentialité" src="https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=798&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454816/original/file-20220328-15-1r2unkj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Initiative des « femmes » en noir telle qu’affichée en ligne le 23 mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Résistance féministe antiguerre/Marina Silina)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.thenation.com/article/world/russian-resistance-ukraine-putin/">La performance est encore une autre forme de protestation</a>, comme ces <a href="https://www.britannica.com/topic/Women-in-Black">« femmes en noir »</a>, qui apparaissent en public <a href="https://t.me/femagainstwar/768">habillées en veuves</a>. Selon des militants anonymes, certaines auraient été arrêtées.</p>
<p>La surveillance policière omniprésente pousse la société à inventer de nouveaux modes d’action politique directe. Même si certaines personnalités publiques, journalistes et universitaires utilisent les <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/mar/27/our-voices-are-louder-if-we-stay-russian-anti-war-activists-refuse-to-flee">médias traditionnels</a> pour protester contre la guerre, il demeure possible d’opérer une résistance à grande échelle indépendamment des médias.</p>
<p>Les réseaux sociaux sont désormais utilisés par des femmes et des individus de genre non conforme pour coordonner anonymement une résistance à la fois obstinée et capable de toucher la population russe dans son quotidien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181113/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Maria Silina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Affiches et graffitis sont quelques-unes des façons dont les membres de la Résistance féministe antiguerre en Russie s’expriment contre la propagande.Maria Silina, Adjunct professor, Department of History of Art, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1803882022-03-31T15:30:52Z2022-03-31T15:30:52ZGuerre en Ukraine : Vladimir Poutine veut sauver la face. Voici comment il pourrait y arriver<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455579/original/file-20220331-24-83ukm8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C4880%2C3407&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une femme passe devant une affiche où il est écrit « Pas de guerre » collé sur un portrait du président russe Vladimir Poutine à Saint-Pétersbourg, en Russie, le 29 mars. </span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span></figcaption></figure><p>Peu après l’invasion de l’Ukraine par la Russie, j’ai expliqué que les Ukrainiens et l’OTAN <a href="https://theconversation.com/why-ukraine-and-nato-shouldnt-rush-to-dismiss-vladimir-putins-latest-peace-terms-178723">ne devaient pas rejeter précipitamment les conditions de paix proposées par Vladimir Poutine</a> afin de mettre un terme à la guerre.</p>
<p>Poutine a suggéré que pour mettre fin aux combats, la Russie aurait besoin non seulement d’un engagement ukrainien <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20220308-in-nod-to-russia-ukraine-says-no-longer-insisting-on-nato-membership">à ne pas rejoindre l’OTAN</a> à l’avenir, mais aussi de reconnaître la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Annexion_de_la_Crim%C3%A9e_par_la_Russie_en_2014">souveraineté russe sur la Crimée</a> et l’« indépendance » des <a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/02/21/ukraine--donetsk-et-lougansk-republiques-separatistes-prorusses">régions séparatistes de Donetsk et Luhansk</a>. Ces objectifs semblent toujours être les principaux exprimés par la Russie.</p>
<p>Depuis le début du mois de mars, les forces russes se sont <a href="https://graphics.reuters.com/UKRAINE-CRISIS/zdpxokdxzvx/">enlisées dans les combats</a> à la périphérie des grandes villes ukrainiennes, telles que la capitale, Kyiv, et la deuxième plus grande ville du pays, Kharkiv. La <a href="https://www.rferl.org/a/mariupol-fighting-chemical-warnings/31764493.html">ville de Marioupol, dans le sud, a été le théâtre de combats particulièrement intenses</a> et de destructions, les forces russes ayant adopté une stratégie basée sur l’artillerie.</p>
<p>Récemment, les forces ukrainiennes ont repris du terrain lors de <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/28/world/europe/irpin-donbas-poison.html">contre-attaques localisées près de Kyiv</a> et il semble également <a href="https://atlantico.fr/article/pepite/la-russie-a-annonce-reduire-ses-activites-militaires-autour-de-kiev-et-selon-des-militaires-americains-certaines-troupes-russes-se-retirent-des-environs-de-la-capitale">que les troupes russes se retirent de leur propre gré</a> dans la même région, <a href="https://www.nouvelobs.com/guerre-en-ukraine/20220331.OBS56440/kiev-envoie-45-bus-pour-evacuer-des-civils-a-marioupol-ou-moscou-a-annonce-une-treve.html">bien que les États-Unis soient dubitatifs</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme portant un pantalon rouge et une veste bleue marche avec son chien devant un immeuble d’habitation détruit" src="https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=49%2C0%2C5472%2C3637&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455102/original/file-20220329-15-16he0vt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un homme marche avec son chien près d’un immeuble d’habitation endommagé par les bombardements à la périphérie de Marioupol, en Ukraine, le 29 mars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Alexei Alexandrov)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La Russie n’a pas encore perdu la guerre</h2>
<p>Il serait facile de suggérer que la Russie perd la guerre, mais ce serait simpliste.</p>
<p>La guerre ne se déroule certainement pas aussi bien que Poutine l’avait initialement espéré. Néanmoins, les forces russes ont progressé lentement mais sûrement dans les régions de Donetsk et de Luhansk.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un homme en uniforme militaire portant des lunettes parle dans un microphone" src="https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455103/original/file-20220329-15-tj1pwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le porte-parole du ministère russe de la Défense, le général de division Igor Konashenkov, s’adresse aux médias à Moscou, dans cette photo datant de 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Ivan Sekretarev)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://www.ctvnews.ca/world/how-ukraine-and-russia-use-the-information-space-to-shape-public-opinion-1.5833234">Les briefings du général de division Igor Konashenkov</a>, du ministère russe de la Défense, ont eu tendance à se concentrer sur les progrès constants réalisés dans ces régions séparatistes, et non sur les combats qui se déroulent ailleurs.</p>
<p>Le gouvernement russe a maintenant réaffirmé que ses <a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-60872358">intérêts clés se situent dans l’est de l’Ukraine</a> et affirmé que la <a href="https://www.cbc.ca/news/world/ukraine-russia-war-1.6400809">poussée militaire vers Kiyv depuis le nord-est essentiellement terminée</a>.</p>
<p>L’<a href="https://www.bbc.com/news/world-europe-60825226">intensité des combats autour de Marioupol</a> indique que la Russie cherche à obtenir — et à conserver — un corridor terrestre entre la Crimée et le territoire russe à l’est.</p>
<p>Il ne serait pas très logique que les forces russes se battent aussi durement qu’elles l’ont fait pour Marioupol pour ensuite abandonner ce corridor. Néanmoins, il pourrait faire l’objet de négociations si les troupes russes l’occupent.</p>
<h2>OTAN et garanties de territoire</h2>
<p>Si Poutine ne veut pas être perçu comme celui qui a perdu la guerre, il doit pouvoir revendiquer un succès — non seulement en obtenant l’engagement de l’Ukraine à ne pas rejoindre l’OTAN, mais aussi en termes de territoire.</p>
<p>Quelle est donc la probabilité que Poutine obtienne ce qu’il veut et ce dont il a besoin politiquement pour mettre fin à la guerre ?</p>
<p>À court terme, peu de chances, même si les <a href="https://foreignpolicy.com/2022/03/08/ukraine-russia-deal/">négociations semblent maintenant</a> porter sur la question épineuse du territoire.</p>
<p>Mais il y a peu de signes de pression américaine et britannique pour une intensification des négociations, loin de là. Je partage l’avis de certains commentateurs occidentaux, comme l’historien Niall Ferguson, selon lequel il est tout à fait possible que les <a href="https://www.bloomberg.com/opinion/articles/2022-03-22/niall-ferguson-putin-and-biden-misunderstand-history-in-ukraine-war">États-Unis n’aient pas ou peu d’intérêt à ce que la guerre se termine bientôt</a>, à moins d’une défaite très évidente de Poutine.</p>
<p>Pour les États-Unis, une guerre prolongée permettrait non seulement d’accroître la pression sur le régime de Poutine, mais aussi de donner un élan à <a href="https://apnews.com/article/russia-ukraine-vladimir-putin-west-eu-nato-f810a6d94524b804730a9704ad4f0a87">l’unité de l’Occident et de l’OTAN</a> et aux promesses d’augmentation des dépenses de défense au sein de l’alliance.</p>
<p>Le gouvernement canadien vient d’ailleurs d’annoncer <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1872259/f35-avions-jets-armee-canada-remplacement-contrat">qu’il poursuivra l’achat d’avions F-35 aux États-Unis</a>. C’est le genre d’annonce, provoquée par la guerre actuelle et les craintes d’une agression russe, qui sera accueilli positivement à Washington.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un avion de chasse se trouve sur le tarmac d’un aéroport par une journée ensoleillée" src="https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455104/original/file-20220329-25-2xppcv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un chasseur F-35 sur le tarmac d’un aéroport, dans le Vermont, en 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Wilson Ring)</span></span>
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</figure>
<h2>Sanctions et armes</h2>
<p>Les États-Unis souhaitent <a href="https://www.vox.com/22968949/russia-sanctions-swift-economy-mcdonalds">accroître les sanctions économiques</a> contre la Russie et combattre les forces russes avec des <a href="https://www.nytimes.com/2022/03/06/us/politics/us-ukraine-weapons.html">armes occidentales</a> fournies aux Ukrainiens.</p>
<p>La récente déclaration du président Joe Biden, lors d’un discours à Varsovie, selon laquelle <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-03-28/cet-homme-ne-peut-pas-rester-au-pouvoir/joe-biden-ne-retire-pas-ses-propos-controverses-sur-vladimir-poutine.php">« Poutine ne peut rester au pouvoir »</a> révèle sans doute quelque chose sur les espoirs de son administration quant au sort du dirigeant russe.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1508609914771496962"}"></div></p>
<p>Pour compliquer encore les choses, les suggestions selon lesquelles la guerre se déroule en faveur de l’Ukraine renforcent la pression politique sur <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/03/28/russia-ukraine-war-news-putin-live-updates/">Volodomyr Zelensky pour qu’il ne cède pas de terrain</a> – au sens propre comme au sens figuré — dans les négociations.</p>
<p>À court terme, l’espoir d’un règlement négocié durable semble donc bien mince. Poutine et Zelensky ont tous deux trop investi pour reculer sur les questions clés de territoire à ce stade. Toutefois, à mesure que la guerre s’éternise, les choses pourraient changer.</p>
<h2>Plus de guerre et d’effusion de sang en perspective</h2>
<p>Les chances que <a href="https://theconversation.com/could-vladimir-putin-be-ousted-over-his-ukraine-invasion-179182">Poutine puisse être destitué</a> en Russie restent très faibles.</p>
<p>Les sanctions occidentales et l’isolement de la Russie par rapport à l’Occident peuvent en fait, à court terme, <a href="https://activehistory.ca/2022/03/will-sanctions-against-russia-work/?msclkid=6bb434faaf7f11ecbeaccccc89db551c">accroître le soutien des Russes à Poutine et à sa guerre</a>. Ce <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/not-just-putin-most-russians-support-the-war-in-ukraine/">soutien en Russie</a> dépassait largement les 50 % dans un <a href="https://www.newyorker.com/news/news-desk/why-do-so-many-russians-say-they-support-the-war-in-ukraine">certain nombre de sondages</a> au début du mois de mars.</p>
<p>Ce qui reste, selon toute vraisemblance, ce sont de nouvelles semaines de carnage et de dévastation dans l’est de l’Ukraine. Si Zelensky et les dirigeants occidentaux veulent que la guerre prenne fin, ils vont devoir commencer à parler sérieusement de territoire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un grand bâtiment à plusieurs étages avec un grand trou en son milieu" src="https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455105/original/file-20220329-27-19i7qrl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le siège du gouvernement régional de Mykolaiv, en Ukraine, après une attaque russe le 29 mars.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Petros Giannakouris)</span></span>
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</figure>
<p>À long terme, l’abandon de territoires à l’est fera probablement de l’Ukraine un État beaucoup plus viable et lui permettra de renforcer et d’accélérer ses liens avec l’Occident.</p>
<p>S’ils ne sont pas résolus, les <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/E-8-2018-001063_EN.html">différends territoriaux en cours</a> avec la Russie constitueront une pierre d’achoppement majeure pour l’Ukraine dans sa quête d’adhésion à l’Union européenne, en particulier compte tenu de la clause de <a href="https://eur-lex.europa.eu/EN/legal-content/glossary/mutual-defence-clause.html">défense mutuelle</a>. Celle-ci stipule qu’en cas d’attaque contre un membre, les autres doivent « aider et assister » par tous les moyens possibles.</p>
<p>L’idée que l’Ukraine doive céder des territoires à la Russie peut sembler désagréable pour plusieurs. Il s’agit de réalités militaires et politiques brutales, mais somme toute réalistes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180388/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Hill ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce qui permettrait à Vladimir Poutine de sauver la face en Ukraine ? Le pays devra vraisemblablement renoncer à adhérer à l’OTAN et céder des territoires à l’est.Alexander Hill, Professor of Military History, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1792492022-03-16T14:40:38Z2022-03-16T14:40:38ZLes Tchétchènes en Ukraine : l’arme psychologique de Poutine pourrait se retourner contre lui<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/452014/original/file-20220314-28-1mevvah.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=53%2C33%2C4367%2C2909&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des militaires participent à une revue des troupes à Grozny, la capitale de la République tchétchène, le 25 février 2022. Féroces guerriers, leur présence en Ukraine est une arme psychologique, mais elle pourrait se retourner contre Vladimir Poutine si la guerre s'éternise.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Musa Sadulayev)</span></span></figcaption></figure><p>Les Tchétchènes ont acquis une réputation de féroces guerriers, depuis les deux guerres qui les ont opposés à la Russie, la première de 1994 à 1996 et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Seconde_guerre_de_Tch%C3%A9tch%C3%A9nie">seconde de 1999 à 2014</a>.</p>
<p>Il s’agit du conflit le plus violent qu’aient connu l’Europe et l’ex-URSS depuis la Seconde Guerre mondiale.</p>
<p>Ces guerriers sont actuellement présents en Ukraine des deux côtés de la ligne de front. Les Tchétchènes réfugiés en Ukraine depuis les guerres qui ont ravagé leur pays soutiennent les forces armées de ce pays. Leur implication est presque passée inaperçue. En revanche, l’annonce en grande pompe le 25 février 2022 de l’envoi des troupes de Ramzan Kadyrov en Ukraine pour combattre aux côtés de l’armée russe a fait grand bruit dans les <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russias-chechen-leader-says-his-forces-deployed-ukraine-2022-02-26/">médias occidentaux</a>.</p>
<p>Ramzan Kadyrov, président de la République de Tchétchénie depuis 2007, <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/mar/14/ukraine-chechen-leader-ramzan-kadyrov">affirme par ailleurs être lui-même présent en Ukraine</a>. Fidèle parmi les fidèles de Vladimir Poutine, il a ramené la Tchétchénie dans le giron de la Fédération de Russie en utilisant la terreur comme arme de gouvernement. Il est à la tête de plusieurs dizaines de milliers d’hommes, surnommés les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kadyrovtsy">Kadyrovtsy</a>. Aucune autre entité fédérée de la Fédération de Russie n’est dotée d’une telle force armée. Même si les Kadyrovtsy sont membres de la Garde nationale russe, ils restent sous le seul commandement du président et <a href="https://lenta.ru/news/2020/07/23/generalll/">major-général</a> Kadyrov. Comment interpréter leur participation à l’invasion russe en Ukraine ?</p>
<p>Professeure en science politique à l’Université Laval, mes recherches portent sur les guerres civiles, en particulier celles de Tchétchénie, le conflit au Sahel, et les violences politiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des soldats sont assis sur une table, devant des immeubles éventrés" src="https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452015/original/file-20220314-28-o5m4l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les guerres russo-tchétchènes ont été d’une grande férocité. Sur cette photo d’archive prise en février 2000, des soldats russes se reposent sur la place Minutka, à Grozny, la capitale dévastée de la Tchétchénie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dmitry Belyakov, File)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une arme psychologique</h2>
<p>Nombre d’analystes estiment que la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867401/tactiques-militaires-ukraine-russie-vladimir-poutine">stratégie militaire déployée par la Russie n’a pas donné les résultats escomptés</a> dans les deux premières semaines de la guerre. La résistance des Ukrainiens, couplée à des difficultés de ravitaillement, mais également à une mauvaise coordination des différents corps d’armée et à des problèmes de motivation chez les soldats conscrits comme professionnels, a considérablement ralenti l’avancée des troupes russes. Devant ces difficultés militaires et logistiques, la guerre psychologique devient un élément central de la stratégie russe.</p>
<p>L’annonce de l’entrée en guerre des troupes de Kadyrov et la propagande qui l’entoure participent de cet effort de déstabiliser l’ennemi. Ainsi, les Kadyrovtsy sont avant tout des spécialistes du maintien de l’ordre dans les villes conquises. Ils sont connus pour leur cruauté et les exactions dont ils se sont rendus coupables en Tchétchénie même, dans le Donbass en 2014 où ils sont intervenus, et en Syrie où certains des leurs sont toujours déployés. L’invocation du recours aux troupes tchétchènes sert donc à alimenter la peur au sein de la population ukrainienne. De la même façon, la rumeur voulant que les forces spéciales qui les composent aient pour mission de <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/03/02/zelensky-russia-ukraine-assassination-attempt-foiled/">tuer</a> le président ukrainien Volodymyr Zelensky vise à entretenir l’incertitude et à créer un certain effroi.</p>
<p>Leur rôle peut toutefois aller au-delà, puisque Moscou a envoyé un de ces bataillons dans le Donbass en 2014 pour <a href="https://www.rferl.org/a/vostok-battalion-a-powerful-new-player-in-eastern-ukraine/25404785.html">mettre au pas</a> les séparatistes pro-russes et les purger de leurs éléments les plus contestés. La présence des troupes tchétchènes montre donc que Moscou se prépare en Ukraine à une guérilla urbaine dans laquelle l’expérience des troupes de Kadyrov pourrait représenter un atout, non seulement pour venir à bout localement de la résistance ukrainienne, mais également pour discipliner les troupes russes et leurs affidés.</p>
<h2>Un rebelle rentré dans le rang</h2>
<p>D’autres dimensions plus politiques alimentent directement et indirectement la propagande russe et la guerre psychologique qu’elle sert.</p>
<p>Les interventions de Ranzam Kadyrov à la télévision tchétchène et sur les médias sociaux servent à rappeler ad nauseam sa loyauté envers Vladimir Poutine. Si ces gestes frôlent quelquefois la caricature, ils illustrent le soutien d’un sujet fédéré autrefois rebelle et aujourd’hui, rentré dans le rang après deux guerres d’une violence inouïe et l’instauration d’un régime autoritaire à la solde de Moscou.</p>
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<img alt="Ramzan Kadyrov parle, avec des drapeaux en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452016/original/file-20220314-13-v5bipl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le président de la Tchétchénie, Ramzan Kadyrov, s’adresse à des militaires, à Grozny, la capitale de la République, le 25 février 2022. Lui-même présent en Ukraine, il a déclaré que les militaires de sa république sont prêts à exécuter tout ordre de Vladimir Poutine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Musa Sadulayev)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certes, la personnalisation à outrance de la politique et du processus de décision au sein de la Fédération rend de facto toute voix dissonante inaudible, si toutefois il y en a. Le fait que Kadyrov incarne cette image de cohésion relève pourtant du paradoxe, tant la relation entre Moscou et la Tchétchénie reste marquée par une forme d’exceptionnalisme au sein de la Fédération.</p>
<h2>Des fissures qui pourraient s’élargir</h2>
<p>À un autre niveau, le soutien de Kadyrov rappelle que l’engagement des sujets fédérés derrière Vladimir Poutine dépasse les frontières ethniques et religieuses, qui se trouveraient effacées devant l’objectif affiché de s’opposer à un Occident honni, tout en combattant les autorités ukrainiennes qualifiées de « nazies ».</p>
<p>Toutefois, derrière cette façade de circonstances apparaissent déjà des fissures qu’il deviendra plus difficile de dissimuler si la guerre s’éternise. En effet, le Kremlin semble avoir demandé aux dirigeants des sujets fédérés de défendre le discours officiel qui fait de cette guerre une « opération militaire spéciale » ne ciblant que des objectifs militaires. Ce rôle de paravent pourrait devenir complexe à tenir pour la plupart d’entre eux alors que commencent à surgir dans la population des interrogations au sujet des pertes importantes que semble subir l’armée russe.</p>
<p>Or, si l’on fait référence à l’armée russe sans autres précisions, on tend à occulter son caractère multiethnique. <a href="https://jamestown.org/program/potential-wildcard-in-ukrainian-conflict-russian-army-not-ethnically-homogeneous/">Des experts</a> estiment même que les <a href="https://theconversation.com/la-russie-une-nation-en-suspens-174141">Russes non-ethniques</a> (c’est-à-dire citoyens russes, mais d’origines autres que russes) y sont majoritaires. Originaires d’entités fédérées moins bien nanties sur le plan socio-économique, ils pourraient représenter une proportion importante des décès. Un tel scénario ne pourrait pas être contrebalancé par les appels de Kadyrov à l’accélération de l’intervention en Ukraine. Ils deviendraient même contre-productifs pour Vladimir Poutine.</p>
<p>Le rôle des kadyrovtsy dans le conflit en Ukraine est loin d’être unidimensionnel. Au-delà de la terreur qu’ils inspirent, ils incarnent l’image d’un engagement total des sujets fédérés derrière le président de la Fédération, Vladimir Poutine. Ce tableau idyllique pourrait toutefois craqueler sous les effets d’une guerre plus longue et plus dure qu’anticipée. Le recours à ces troupes représente donc un pari risqué. Leur faible intégration dans la chaîne de commandement pourrait amoindrir les bénéfices associés à leur engagement aux côtés des unités régulières de l’armée russe. Ainsi, Kadyrov pourrait devenir au niveau politique un handicap tant son triomphalisme semble en décalage avec la réalité de cette guerre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179249/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélie Campana a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). </span></em></p>Devant les difficultés militaires des Russes en Ukraine, la guerre psychologique devient un élément stratégique. La présence de soldats tchétchènes participe à l’effort de déstabiliser l’ennemi.Aurélie Campana, Professeure titulaire de science politique, spécialiste des violences politiques et de la Russie, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1782352022-03-11T14:15:40Z2022-03-11T14:15:40ZLes sanctions économiques contre la Russie, c’est bien, mais cesser d’acheter son pétrole, ça serait mieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/451448/original/file-20220310-21-1d2hmc5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=67%2C14%2C4880%2C3308&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une femme passe devant une boutique Dior fermée, à l'intérieur du grand magasin GUM, à Moscou, le 9 mars 2022. Les sanctions touchent tous les secteurs de la vie économique.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span></figcaption></figure><p>À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février, les pays occidentaux, <a href="https://www.international.gc.ca/world-monde/international_relations-relations_internationales/sanctions/russia-russie.aspx?lang=fra">dont le Canada</a>, ont mis en place une série de sanctions économiques sans précédent contre la Russie. Gel des avoirs à l’étranger de <a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/03/06/ukraine-les-nouvelles-sanctions-du-g7-doivent-surtout-toucher-les-oligarques-russes">certains oligarques</a> et de banques, y compris la Banque centrale, entraves aux transactions financières, embargos sur certains produits ciblés, le but des sanctions est clair : asphyxier l’économie russe afin de mettre la pression sur Vladimir Poutine et de l’empêcher de financer son effort de guerre.</p>
<p>Un renversement du régime est même vu par certains comme une <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-03-02/guerre-en-ukraine/un-ministre-luxembourgeois-evoque-un-renversement-de-poutine.php">conséquence possible et souhaitable</a> de ces sanctions.</p>
<p>Spécialiste des questions de commerce international à l’ESG-Uqam, je crois que les sanctions actuelles ont des impacts évidents sur l’économie russe. Mais des mesures plus draconiennes concernant les ventes russes d’hydrocarbures sont nécessaires pour espérer porter un coup d’arrêt aux velléités expansionnistes de Vladimir Poutine. Bien que faisable, leur mise en œuvre soulève des difficultés.</p>
<h2>Des mesures qui fonctionnent</h2>
<p><a href="https://voxeu.org/article/do-economic-sanctions-make-sense">Pour que des sanctions économiques fonctionnent</a>, elles doivent être mises en œuvre rapidement et prendre le pays par surprise, afin qu’elles ne puissent pas être contournées trop facilement.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes font la file devant une banque" src="https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451452/original/file-20220310-13-v4ycas.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des personnes font la queue pour retirer de l’argent à un distributeur automatique d’Alfa Bank à Moscou, en Russie, le 27 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Victor Berzkin)</span></span>
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<p>La réponse des pays occidentaux a été, dans ce cas-ci, rapide, coordonnée et massive. Ce n’était pas acquis, en <a href="https://www.telos-eu.com/fr/europe-naissance-dune-puissance.html">raison notamment des divergences d’intérêts économiques entre les pays européens</a>. L’économie russe s’en trouve fortement déstabilisée à travers des effets directs et indirects.</p>
<p>Les sanctions doivent faire peser un coût important sur le pays visé. La Russie fait face à des difficultés importantes d’approvisionnement pour de nombreux produits. En effet, les entraves aux transactions financières affectent le commerce avec la Russie en rendant impossibles le paiement des transactions ainsi que les mécanismes d’assurance souvent utilisés pour les sécuriser (<a href="https://www.bdc.ca/fr/articles-outils/marketing-ventes-exportation/exportation/qu-est-ce-qu-une-lettre-de-credit">lettres de crédit par exemple</a>). Les produits qui ne sont pas directement visés par des restrictions commerciales se retrouvent ainsi également largement affectés, comme le démontre une <a href="https://voxeu.org/article/impact-sanctions-russia-sanctioning-countries-exports">analyse de l’impact des sanctions prises en 2014 lors de la guerre en Crimée</a>.</p>
<p>Le transport de marchandises est également rendu plus compliqué, soit parce qu’il est <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220226-sanctions-de-l-ue-contre-la-russie-un-bateau-de-commerce-russe-intercept%C3%A9-dans-la-manche">assuré par des entreprises appartenant à des oligarques visés par les sanctions</a>, soit <a href="https://www.reuters.com/article/ukraine-crise-europe-ports-idFRKBN2KY5ER">parce que les ports se retrouvent fermés aux navires liés d’une manière ou d’une autre à la Russie</a>, sans parler des biens transportés par voie aérienne. Ces difficultés d’approvisionnement touchent les consommateurs russes, mais aussi les multinationales qui opèrent en Russie.</p>
<p>Pour préserver leur réputation (et en raison de pressions, notamment dans les réseaux sociaux), plusieurs entreprises annoncent des <a href="https://www.lesaffaires.com/monde/europe/russie-ce-qui-pousse-les-multinationales-a-se-desengager/631315">limitations ou un arrêt de leurs activités en Russie</a>, comme les <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2022-03-08/guerre-en-ukraine/coca-cola-mcdonald-s-et-starbucks-se-retirent-de-la-russie.php">géant Starbucks, Coca-Cola ou McDonald’s</a>. L’industrie du luxe <a href="https://www.elle.fr/Mode/Les-news-mode/LVMH-Kering-Chanel-Hermes-le-luxe-ferme-ses-boutiques-en-Russie-4005541">a aussi plié bagage</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="passants devant un mc donald’s" src="https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451449/original/file-20220310-15-nj08so.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des personnes passent devant un restaurant McDonald’s dans la rue principale de Moscou, en Russie, le 9 mars 2022. Le géant du fast-food a annoncé avoir fermé ses restaurants en Russie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span>
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<p>La réduction des échanges économiques avec la Russie et les incertitudes générées par la guerre conduisent de nombreux acteurs à se débarrasser de leurs roubles. La monnaie nationale voit ainsi sa valeur baisser rapidement. Or, le gel des avoirs de la Banque centrale de Russie placés à l’étranger <a href="https://fr.statista.com/infographie/26945/depreciation-du-rouble-russe-face-au-dollar-americain-taux-de-change/">handicape cette dernière pour soutenir le cours de la monnaie nationale</a>. Ceci accentue les risques d’(hyper)inflation en Russie.</p>
<p>Les coûts imposés par ces sanctions s’ajoutent aux considérations politiques et morales pour expliquer la <a href="https://theconversation.com/ukraine-russian-opposition-to-the-invasion-is-giving-putin-cause-for-alarm-178449">multiplication des oppositions internes</a> malgré les risques encourus par les critiques du régime.</p>
<h2>Cibler les hydrocarbures</h2>
<p>Toutefois, en l’absence de mesures fortes contre les exportations russes d’hydrocarbures, Vladimir Poutine continuera de disposer des moyens de conduire sa guerre.</p>
<p>En 2018, les exportations de pétrole et de gaz représentaient 55 % des exportations totales de la Russie, soit près de 15 % de son PIB. La même année, les pays qui imposent actuellement des sanctions à la Russie comptaient pour plus de 70 % de la demande adressée à la Russie (dont 55 % pour les seuls pays de l’Union européenne, contre 2 % pour les États-Unis et 0,1 % pour le Canada), soit plus de 10 % de son PIB. Chaque jour, ce sont <a href="https://www.transportenvironment.org/discover/la-dependance-de-leurope-au-petrole-russe-met-285-millions-de-dollars-dans-les-poches-de-poutine-chaque-jour/">285 millions de dollars US que les importations européennes de pétrole rapportent à la Russie</a>. En continuant d’importer le gaz et le pétrole russes, les pays occidentaux continuent donc d’envoyer des liquidités précieuses pour la Russie.</p>
<p>Le pays dispose, grâce aux revenus tirés des hydrocarbures, de ressources qui lui permettent de continuer de verser ses pensions, de payer ses fonctionnaires et ses militaires, et de financer l’effort de guerre. Par exemple, les <a href="https://fred.stlouisfed.org/series/DDDI13RUA156NWDB">avoirs du fonds qui gère les pensions représentaient un peu plus de 4 % du PIB en 2017</a>, soit moins de la moitié des recettes tirées de l’exportation des hydrocarbures.</p>
<p>Comme les entreprises russes doivent maintenant obligatoirement convertir en roubles 80 % au moins de leurs ressources en devises étrangères, les revenus d’exportations tirés des hydrocarbures remplacent les réserves de la Banque centrale gelées à l’étranger pour soutenir le rouble.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Des femmes regardent un écran affichant le taux de change dans un bureau de change" src="https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451450/original/file-20220310-13-g8aseq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des femmes regardent un écran affichant le taux de change dans un bureau de change à Saint-Pétersbourg, le 1ᵉʳ mars 2022. La monnaie russe a plongé d’environ 30 % par rapport au dollar américain après que les nations occidentales ont annoncé des mesures visant à bloquer certaines banques russes du système de paiement international SWIFT et à restreindre l’utilisation par la Russie de ses énormes réserves de devises étrangères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dmitri Lovetsky)</span></span>
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</figure>
<p>Or, pour certains, <a href="https://voxeu.org/vox-talks/raising-pressure-putin">ce n’est que si l’économie russe est asphyxiée</a> au point de ne plus pouvoir soutenir les dépenses de guerre et assurer certains transferts publics que le conflit pourra s’arrêter, faute de moyens et de soutien de la population.</p>
<h2>Un consensus difficile pour les Occidentaux</h2>
<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867321/guerre-ukraine-petrole-gaz-russie-etats-unis-importations">Les États-Unis et le Royaume-Uni ont annoncé arrêter leurs importations d’hydrocarbures russes</a> dont ils peuvent assez facilement se passer : la Russie représente seulement 2 à 3 % des importations américaines de pétrole (brut et raffiné) et de gaz, et 6 à 7 % pour le Royaume-Uni.</p>
<p>Les pays européens sont plus réticents, car leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie est bien plus forte. En effet, environ 25 % des importations européennes d’hydrocarbures proviennent de Russie, <a href="https://www.ofce.sciences-po.fr/blog/dependance-commerciale-ue-russie-les-liaisons-dangereuses/">avec une forte hétérogénéité au sein de l’UE</a>. Les pays d’Europe de l’Est, l’Allemagne et l’Italie sont particulièrement dépendants de la Russie.</p>
<p>Cela peut-il changer ? Renoncer aux hydrocarbures russes aura toujours un coût, mais son ampleur peut être réduite. Certains économistes estiment <a href="https://www.project-syndicate.org/bigpicture/turning-off-russias-tap">qu’une taxe punitive sur le pétrole russe permettrait de transférer le coût de la mesure sur la Russie</a>. En effet, si le prix de vente aux consommateurs augmentait fortement en raison de la taxe, la demande des pays occidentaux se tournerait vers d’autres fournisseurs dont le pétrole n’est pas soumis à cette taxe punitive. La Russie ne pouvant réduire sa production à court terme, elle serait forcée de baisser le prix auquel elle vend son pétrole pour compenser la taxe. Ses recettes baisseraient, mais l’approvisionnement des pays qui imposent la taxe ne serait pas affecté.</p>
<p>En ce qui concerne le gaz, le gaz liquéfié (GNL), la relance de centrales nucléaires ou au charbon, et l’accélération de la transition vers des énergies propres pourraient être des mesures d’adaptation qui atténuent le coût du renoncement au gaz russe. La transition vers des énergies propres <a href="https://voxeu.org/article/cutting-russia-s-fossil-fuel-exports-short-term-pain-long-term-gain">aurait un bénéfice environnemental</a>.</p>
<p>Ces mesures nécessitent toutefois des investissements qui prennent du temps et qui ont un coût. La réduction des déficits budgétaires fortement creusés par la pandémie de Covid-19 devrait donc être retardée, les règles budgétaires qui prévalent au sein de la zone euro à nouveau adaptées, et le coût global de ces dépenses devrait être mutualisé afin qu’il ne soit pas un frein insurmontable pour les pays les plus dépendants énergétiquement de la Russie. <a href="https://www.bruegel.org/2022/03/the-economic-policy-consequences-of-the-war/">Il faudra donc convaincre</a>. Par ailleurs, un effort des pays producteurs d’hydrocarbures soutenant les sanctions serait nécessaire pour accroître leur production et limiter la hausse des prix.</p>
<h2>La Chine, un recours pour la Russie ?</h2>
<p>Enfin, pour que les sanctions sur les exportations d’hydrocarbures soient efficaces, il faut s’assurer que la Russie ne puisse écouler sa production auprès d’autres pays, dont la Chine. Elle représente pour le moment moins de 20 % des exportations russes d’hydrocarbures. La hausse des achats par la Chine devrait donc être spectaculaire pour compenser les ventes aux pays occidentaux.</p>
<p>Par ailleurs, ce pays est généralement pragmatique sur le plan économique. S’il soutient politiquement la Russie, il serait probablement réticent à heurter les pays occidentaux, qui représentent plus de la moitié de ses exportations. Enfin, la dépendance de la Russie à la Chine deviendrait totale. Cela satisferait Pékin, <a href="https://www.bruegel.org/2022/03/can-china-bail-out-putin/">probablement beaucoup moins Moscou</a>.</p>
<p>Des mesures concernant les exportations russes d’hydrocarbures sont donc nécessaires et envisageables malgré les coûts économiques qui y sont associés. Toutefois, au-delà de ces coûts, les possibles réactions d’un Vladimir Poutine qui agit suivant une rationalité différente de celle des élus occidentaux doivent aussi être évaluées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178235/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florian Mayneris est membre du Center for Economic Policy Research (CEPR, Londres) et du Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO, Montréal). Il a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH, Ottawa). </span></em></p>Les sanctions économiques imposées à la Russie ont des impacts évidents. Mais des mesures plus draconiennes sur les ventes d’hydrocarbures sont nécessaires pour espérer porter un coup fatal au régime.Florian Mayneris, Associate Professor, Urban Economics, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1782752022-03-09T14:15:50Z2022-03-09T14:15:50ZUkraine-Russie : une histoire commune et conflictuelle, des avenirs incertains<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450718/original/file-20220308-21-1inypy2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5964%2C3979&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le monument de Volodymyr le Grand, érigé en 1853, à Kiev. Volodymyr était un chef de guerre qui est devenu le premier souverain russe à se convertir au christianisme à la fin des années 900. Une statue similaire a été érigée à Moscou en 2016 pour contrer celle de l'Ukraine.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Parmi les choses qui rapprochent l’Ukraine de la Russie, il y a une origine commune, celle d’un État appelé <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rus%27_de_Kiev">Rous’</a> et dont le centre névralgique se trouvait à Kyiv (ou Kiev) à partir de la fin du IX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Fort décentralisé, il réunissait des populations slaves, unies par une culture, une langue, malgré des différences régionales, un christianisme grec (orthodoxe) venu de l’Empire byzantin et une dynastie qui se prétendait descendante des Vikings suédois qui ont sillonné ses cours d’eau en route vers Constantinople.</p>
<p>Aujourd’hui, les Russes, Biélorusses et Ukrainiens peuvent y revendiquer leur origine culturelle, mais la revendication de la filiation politique a été, historiquement, une <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/25/20-livres-a-lire-pour-comprendre-la-crise-ukrainienne/">question délicate et ardemment débattue</a>.</p>
<p>Malgré une origine commune, Russie et Ukraine ont connu une histoire conflictuelle qui s’est envenimée depuis 2014. L’invasion russe de 2022 peut, par contre, jouer un rôle tragique de catalyseur de l’identité ukrainienne.</p>
<p>Professeur d’histoire de la Russie et de l’Europe de l’Est à l’Université du Québec à Montréal, mes recherches portent surtout sur la période soviétique et post-soviétique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Bâtiments en feu" src="https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450716/original/file-20220308-23-iiwnvn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des pompiers arrosent un bâtiment en feu après un bombardement à Kiev, en Ukraine, le 3 mars 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Efrem Lukatsky)</span></span>
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</figure>
<h2>Annexions, uniformisations et révoltes</h2>
<p>Aussi brillant puisse-t-il avoir été, l’État de Kyiv n’a pas duré dans sa forme originelle. Le déclin du commerce vers la mer Noire, la pression des peuples de la steppe, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Invasion_mongole_de_l%27Europe">dont les Mongols qui ont déferlé sur la région à partir de 1237</a>, les querelles intestines de succession dynastique et la compétition accrue entre fiefs issus de la Rous’, tout ça a mené à la fragmentation politique en principautés quasi-indépendantes les unes des autres.</p>
<p>Durant la longue occupation mongole de près de 250 ans, les territoires aujourd’hui formant le Belarus et l’Ukraine ont été progressivement absorbés par un autre joueur, le Grand-duché de Lituanie, qui a fusionné avec le royaume de Pologne en 1569. À l’est, Moscou, dont il n’est aucune mention avant 1147, a émergé de la compétition entre principautés du nord-est. Ses princes, devenus par la suite des tsars de Moscovie, ont entrepris le « rassemblement des terres de la Rous’ ». Ceci a précipité des évolutions culturelles, religieuses et linguistiques contrastées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="paysage de plaine jaunâtre, avec des montagnes en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450695/original/file-20220308-27-dzuwan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=483&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les steppes russes, là où se sont forgées l’âme et la culture slaves.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
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<p>La situation s’est compliquée en Pologne. Le sud de l’Ukraine actuelle, peuplé de communautés cosaques, réunies dans la Sich’ ou <a href="https://www.clio.fr/bibliotheque/pdf/pdf_les_cosaques_de_la_societe_de_guerriers_a_la_caste_militaire.pdf">confédération cosaque</a>, s’est soulevé contre les volontés d’uniformisation politique et religieuse de la monarchie polonaise au nom de sa liberté. L’écrivain ukrainien de langue russe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Nicolas_Gogol">Nikolaï Gogol</a>’ en a tiré un grand récit, Taras Boul’ba, aussi lyrique qu’anti-polonais.</p>
<p>La révolte des Cosaques « ukrainiens » (U kraïna signifiant « à la limite de », ou « à l’extrémité de ») a intéressé grandement le voisin, tsar de Moscovie (c’est comme cela comme dénommait en Europe la principauté de Moscou, soc du futur empire russe). Il n’était pas insensible au sort de ses petits frères cosaques et a signé avec eux en 1654 un traité au sens ambigu. Un peu plus tard, en 1686, une paix « perpétuelle » entre la Moscovie et la Pologne, après des décennies de guerres, a fait passer les terres de la rive gauche du Dniepr sous autorité moscovite. C’était la naissance de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ukraine de l’est.</p>
<h2>Russification et répression</h2>
<p>Les Cosaques ont perdu définitivement leur autonomie sous la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catherine_II">Grande Catherine</a>, dont le règne entre 1762 et 1796 est à la fois brillant sur le plan culturel et férocement expansionniste.</p>
<p>L’épanouissement des nationalismes au XIX<sup>e</sup> siècle, surtout de la part des petites nations minoritaires, n’a pas épargné l’Ukraine « russe », tout comme, mais un peu différemment, les autres Ukrainiens, qui sont devenus sujets des empereurs d’Autriche, après les partages de la Pologne entre 1772 et 1795. Le pouvoir russe a réprimé sans broncher tous les signes d’un nationalisme ukrainien émergent et soumis à une russification toujours plus intransigeante ceux qu’elles désignaient avec une certaine condescendance les « Petits-Russiens ».</p>
<p>Alors que l’Empire russe des tsars s’effondre sous la pression de l’effort de guerre et des défaites militaires en 1917, l’Ukraine entre dans une phase de perturbations sans précédent, où s’affrontent Blancs, Rouges et nationalistes ukrainiens.</p>
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<img alt="Le tsar Nicolas II" src="https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=816&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1026&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1026&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450694/original/file-20220308-3336-19vwjmf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1026&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le dernier tsar, Nicolas II, avant la chute de sa dynastie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Or, la fin de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Guerre_civile_russe">Guerre civile russe</a>, en 1921, offre beaucoup de promesses incarnées dans la République d’Ukraine, dotée d’une autonomie culturelle et d’une politique de promotion de la langue ukrainienne, après des siècles de répression tsariste.</p>
<p>Mais la vocation agricole de la république et sa résistance à la collectivisation des terres, ordonnée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Staline">Staline</a>, va lui coûter cher. Au-delà de certains progrès économiques et culturels obtenus dans les années 1920, la famine de 1932-33, appelé le Holodomor, ou « tuer par la faim », dont <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/aujourd-hui-l-histoire/segments/entrevue/390439/famine-staline-ukraine-union-sovietique">l’intentionnalité fait consensus en Ukraine</a>, a servi et continue de servir d’événement traumatique aux Ukrainiens partout dans le monde. Le cycle des tragédies va se poursuivre avec la férocité de l’occupation allemande durant la Deuxième Guerre mondiale et la reprise soviétique qui ont laissé l’Ukraine dans un état de désolation sans précédent.</p>
<h2>De l’espoir avec la fin de l’URSS</h2>
<p>Le rattachement en 1945 de l’Ukraine de l’Ouest à l’URSS par Staline a, ironiquement, complété l’unité territoriale des Ukrainiens, dans une république soviétisée et docile, certes, mais qui obtient tout de même un siège à l’ONU, signe de sa « souveraineté ».</p>
<p>À l’instar de la plupart des républiques de l’Union soviétique, l’Ukraine renoue avec le nationalisme revendicateur permis par la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Glasnost">« glasnost »</a> de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mikha%C3%AFl_Gorbatchev">Mikhaïl Gorbatchev</a>. Elle a signé, conjointement avec les « frères » slaves de Russie et du Belarus, l’acte entérinant la mort politique de l’URSS. Une nouvelle ère peut s’amorcer.</p>
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<img alt="Un manifestant frappe une statue de Lénine à l’aide d’un marteau de forgeron sous les applaudissements des gens qui l’entourent" src="https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450220/original/file-20220306-85648-1ufn92t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo de 2013, un manifestant anti-gouvernemental frappe la statue de Lénine avec une masse, à Kyiv.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Sergei Chuzavkov)</span></span>
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<p>La Russie de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Boris_Eltsine">Boris Eltsine</a> reconnait formellement l’indépendance des républiques issues des décombres de l’URSS, et réussit habilement à régler à l’amiable certaines questions de partages des arsenaux militaires et de la dette soviétique.</p>
<p>Cependant, les relations russo-ukrainiennes connaissent tantôt des rapprochements, tantôt des tensions exacerbées par le chantage gazier et les tentatives d’ingérence. Les gouvernements russes ont tendance à favoriser les gouvernements ukrainiens plus conciliants, souvent élus grâce aux régions russophones, et se montrer plus hostiles face aux pro-Européens. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Euroma%C3%AFdan">L’Euromaïdan</a> (nom donné aux manifestations pro-européennes de 2013-14) a été perçu en Russie comme un coup de force, appuyé par l’Occident, contre un gouvernement élu. Il a mené à la plus grave crise entre les deux pays depuis l’indépendance.</p>
<p>Malgré les divisions historiques, linguistiques et politiques qui ont rendu la gouvernance de l’Ukraine délicate, voire périlleuse, la Russie n’a jamais, avant les événements de 2014 qui se prolongent aujourd’hui de façon tragique, remis en cause la souveraineté de l’Ukraine.</p>
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<img alt="Des flammes sont visibles alors que des manifestants et la police anti-émeute s’affrontent autour d’une statue dont la silhouette apparaît dans la fumée" src="https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=386&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450218/original/file-20220306-85970-3b1v73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=485&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo de février 2014, des monuments aux fondateurs de Kyiv brûlent alors que des manifestants anti-gouvernementaux affrontent la police anti-émeute sur la place de l’Indépendance de la ville.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Efrem Lukatsky, File)</span></span>
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<p>Mais c’est précisément ce qu’a fait le président Poutine dans un <a href="https://france.mid.ru/fr/presse/russes_ukrainiens/">essai historique de son cru</a>, à l’été 2021. Prélude ou programme, le texte du président russe niait la spécificité de la nation ukrainienne et attribuait l’entité administrative et politique qu’on appelle Ukraine à une construction intellectuelle voulue par Lénine et Staline.</p>
<h2>Une identité ukrainienne incertaine</h2>
<p>Les régions ukrainiennes qui ont été sous la gouverne russe depuis trois siècles usent plutôt du russe, alors que les régions de l’Ouest, soviétiques depuis 1945 seulement, sont nettement ukraïnophones. Les langues russes et ukrainiennes ont connu des évolutions divergentes, mais conservent toutefois des similarités apparentes, comme avec leur voisin bélorusse. Cette proximité linguistique et culturelle n’exclut pas, toutefois, des consciences et identités nationales séparées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des gens défilent dans les rues portant une grande bannière avec le visage d’un homme" src="https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450217/original/file-20220306-16533-nf9tqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des militants de divers partis nationalistes ukrainiens portent un portrait de Stepan Bandera lors d’un rassemblement à Kyiv en janvier 2022. Bandera, fondateur d’une armée rebelle qui a combattu le régime soviétique, a été assassiné en Allemagne en 1959.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Efrem Lukatsky)</span></span>
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<p>Les Tchèques et les Slovaques ont conclu pacifiquement leur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Dissolution_de_la_Tch%C3%A9coslovaquie">« divorce de velours »</a> en 1993. À l’opposé, les Croates, Bosniaques et Serbes, qui partagent une même langue, se sont affrontés dans les désastreuses Guerres de succession yougoslaves qui ont fini par mener à l’éclatement complet du pays, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Josip_Broz_Tito">reconstruit par Tito au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale</a>.</p>
<p>On a applaudi la fin pacifique de l’URSS. Mais elle a été parsemée de quelques conflits violents, tel le Haut-Karabagh entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et de conflits larvés comme en Transnistrie et au Donbass, du moins jusqu’à cet hiver.</p>
<p>Même s’il peut sembler présomptueux d’esquisser des scénarios de sortie de guerre, il se peut que l’identité ukrainienne sorte ressoudée par une menace commune, la plus sérieuse depuis son indépendance, ou qu’elle soit charcutée et retourne partiellement dans le giron russe. La fin de l’URSS, « la grande catastrophe géopolitique du XX<sup>e</sup> siècle », dans les mots de Poutine, aura eu sa guerre de succession.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178275/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Lévesque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré une origine commune, Russie et Ukraine ont connu une histoire conflictuelle qui s’est envenimée depuis 2014. L’invasion russe peut jouer un rôle tragique de catalyseur de l’identité ukrainienne.Jean Lévesque, Professeur d'histoire, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1785672022-03-07T16:17:27Z2022-03-07T16:17:27ZInvasion russe en Ukraine : voici pourquoi la Chine pourrait devenir médiatrice<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/450209/original/file-20220306-84100-1ce2cxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C45%2C3823%2C2485&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine posent pour une photo avant leurs entretiens à Pékin, en Chine, le 4 février 2022, durant les Jeux olympiques d'hiver.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Alexei Druzhinin, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>Plusieurs analystes de la géopolitique internationale et experts de la Russie évoquent le spectre d’une <a href="https://www.politico.com/news/magazine/2022/02/28/world-war-iii-already-there-00012340">déflagration nucléaire</a> dans le sillage de la guerre en Ukraine. L’urgence de la situation nécessite que toutes les avenues puissent être poursuivies pour trouver une solution négociée au conflit.</p>
<p>Comme spécialiste des négociations internationales, mon attention se porte naturellement vers les options diplomatiques aux situations de crise. L’une de ces solutions implique un rôle important de médiation de la Chine. Le but de cet article est d’expliquer pourquoi il serait dans son intérêt d’agir comme intermédiaire entre la Russie et les pays occidentaux.</p>
<h2>Un équilibre précaire pour la Chine</h2>
<p>Au sein même de la Chine, des appels fusent pour une prise de position ferme de Pékin et d'une condamnation sans équivoque de l’invasion russe de l’Ukraine. Ces cris du cœur sont illustrés par une lettre ouverte rédigée par cinq historiens chinois de renom, dont les propos ont été résumés dans le quotidien britannique <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/feb/28/they-were-fooled-by-putin-chinese-historians-speak-out-against-russian-invasion"><em>The Guardian</em></a>.</p>
<p>Une telle disposition n’irait pas à l’encontre du principe du respect de l’intégrité territoriale des États, l’un des trois fondements centraux de la politique étrangère de Xi Jinping. L’ambassadeur chinois en Ukraine n’a pas tardé à réaffirmer ce principe en déclarant que Pékin respectait <a href="https://www.caixinglobal.com/2022-02-27/chinese-envoy-reaffirms-respect-for-ukraine-sovereignty-assures-countrymen-of-safe-evacuation-101847728.html">la souveraineté</a> ukrainienne. Cependant, l’application de ce fondement ne peut pousser Pékin jusqu’à une condamnation stricte de son alliée stratégique au sein d’instances internationales telles que le <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/02/1115222">Conseil de sécurité des Nations Unies</a>.</p>
<p>Par ailleurs, une alliance résolue avec les forces occidentales, sous un leadership américain au sein de l’OTAN, irait également à contre-courant d’une deuxième assise de la vision géopolitique de Xi Jinping, consistant en une <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2013-3-page-172.htm">quête de parité géostratégique avec les États-Unis</a>. Une alliance inconditionnelle du président chinois avec les visées de l’OTAN dans ce conflit représenterait une admission que son pays ne traite pas d’égal à égal avec Washington.</p>
<p>Un alignement avec les forces opposées à Moscou renforcerait cependant le troisième pilier de sa stratégie, soit une <a href="https://www.lapresse.ca/international/asie-et-oceanie/2021-11-18/la-chine-a-considerablement-accru-son-influence-dans-les-instances-mondiales.php">participation accrue dans les institutions économiques internationales</a>, afin de soutenir sa croissance interne.</p>
<p>Bref, un tel rapprochement avec les grandes démocraties de la planète, sous la guise d’une réprobation du régime Poutine, mettrait la Chine en porte-à-faux avec deux de ses grands objectifs globaux.</p>
<p>L’autre option, celle de se rallier à la Russie, conduirait la Chine à la réalisation d’un de ses trois objectifs géostratégiques : en minant l’ascendant américain sur l’ordre politique et sécuritaire mondial, cela facilite la réalisation de Xi Jinping d’une parité géostratégique avec les Américains.</p>
<p>Cette confrontation directe avec Washington et ses alliés s’inscrirait cependant en opposition aux deux autres objectifs à long terme de Pékin.</p>
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<img alt="Des femmes et des enfants marchent dans la rue, transportant des sacs" src="https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/450210/original/file-20220306-85901-1eo5oie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des réfugiés, principalement des femmes avec des enfants, arrivent au poste frontière de Medyka, en Pologne, le dimanche 6 mars 2022. Près de 1,5 million d’Ukrainiens ont fui leur pays.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Visar Kryeziu)</span></span>
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<h2>La politique de l’ambiguïté stratégique</h2>
<p>L’invasion de l’Ukraine par son alliée informelle, la Russie, vient ainsi précipiter les choses pour le Parti communiste chinois, qui poursuit méthodiquement une <a href="https://www.newswire.ca/fr/news-releases/cgtn-la-planification-a-long-terme-est-essentielle-a-la-croissance-continue-de-la-chine-805131973.html">planification à long terme</a> de ses objectifs.</p>
<p>Ces actions intempestives de Poutine en Ukraine placent Xi Jinping face à des choix difficiles. D’un côté, un appui ouvert à Moscou placerait les Chinois dans la mire des sanctions occidentales, ce qui minerait l’adhésion internationale à leur ambition de reformuler les termes de l’ordre politique mondial. D’un autre côté, se ranger fermement derrière les nations occidentales signifierait se subjuguer à une réaffirmation du rôle hégémonique des États-Unis comme garant de la stabilité planétaire.</p>
<p>Il ne reste donc qu’une solution mitoyenne pour la Chine, celle de <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20220303-entre-russie-et-occident-la-chine-confront%C3%A9e-au-dilemme-ukrainien">l’ambiguïté stratégique</a>. L’abstention est son instrument politique le plus performant à court terme. Ce n’est évidemment pas une position idéale pour achever son objectif de reformulation des termes de l’ordre économique international, mais cette politique pourrait être rentable à plus long terme. En présentant un visage conciliant et non belliqueux, Pékin préserve son principe de non-ingérence formelle, ainsi que le maintien d’un certain respect des institutions internationales contemporaines.</p>
<p>En ne prenant pas une position ferme dans un sens comme dans l’autre, Pékin pourrait ainsi parvenir à soutenir économiquement la Russie en poursuivant l’achat de ses produits pétroliers et gaziers, et en lui fournissant des biens essentiels non militaires, ce qui constituerait un certain pied de nez à l’Occident, tout en évitant toutefois une confrontation directe.</p>
<h2>Le rôle de médiateur de la Chine</h2>
<p>D’une façon plus conséquente, cette ambiguïté stratégique de la Chine pourrait avoir un effet bénéfique et permettre de dénouer le nœud gordien de la crise.</p>
<p>Malgré les bons offices du président français Emmanuel Macron, <a href="https://www.bfmtv.com/international/guerre-en-ukraine-emmanuel-macron-va-de-nouveau-s-entretenir-avec-vladimir-poutine_AD-202203060099.html">qui multiplie les appels téléphoniques avec Vladimir Poutine</a>, il est clair que ce dernier ne veut rien savoir des doléances de l’Occident. Seule la Chine détient le potentiel de lui faire entendre raison. Si cette dernière décidait de jouer le rôle de médiateur, une solution diplomatique au conflit deviendrait envisageable. Ceci permettrait à la Chine de redorer son blason et contribuer à ses objectifs à long terme.</p>
<p>Cependant, si ce rôle d’intermédiaire entre les Russes, les Ukrainiens et les puissances de l’OTAN sert les objectifs géostratégiques de la Chine, pourquoi n’a-t-elle pas déjà offert ses bons services ? La réponse se trouve éventuellement dans la situation sur le terrain. Il pourrait être dans l’intérêt de la Chine que les troupes de Poutine consolident leur position sur le territoire ukrainien. Le passage éventuel d’une invasion armée à un état de siège qui se prolonge viendrait modifier les rapports de force.</p>
<p>D’un côté, les nations occidentales seraient ainsi confrontées à une situation où les Russes imposent leur volonté sur une grande partie du territoire ukrainien. D’un autre côté, Moscou subirait le coût croissant de son occupation et des sanctions économiques. Le moment pourrait être propice à une intervention salvatrice de Pékin, afin de proposer une solution diplomatique au conflit. La nature de la résolution pacifique est inconnue et varie en fonction de la situation sur le terrain. Il serait donc présomptueux d’en définir les termes au moment présent. Il n’en demeure pas moins qu’une intervention concrète de la Chine, qu’elle soit couronnée de succès ou non, viendrait hausser son prestige sur la scène internationale.</p>
<p>Les États-Unis et leurs alliés pourraient néanmoins s’opposer à la conciliation de la Chine. Ce serait une grave erreur. Devant l’urgence de la situation, aucune option pacifique ne devrait être écartée du revers de la main.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178567/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Érick Duchesne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La politique d’ambiguïté stratégique de la Chine pourrait lui permettre d’agir comme médiateur du conflit à un moment opportun, tout en favorisant ses objectifs géostratégiques à long terme.Érick Duchesne, Professeur, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1783692022-03-03T18:07:15Z2022-03-03T18:07:15ZLe conflit russo-ukrainien, c’est aussi une question de communication<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/449967/original/file-20220304-10768-d98928.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C0%2C2875%2C1910&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Président russe Vladimir Poutine assiste à une cérémonie de dépôt de gerbe sur la tombe du Soldat inconnu, près du mur du Kremlin, lors des célébrations nationales de la "Journée des défenseurs de la patrie" à Moscou, en Russie, le 23 février 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Alexei Nikolsky, Kremlin Pool Photo via AP)</span></span></figcaption></figure><p>La crise ukrainienne serait-elle révélatrice d’une nouvelle forme de communication ou tout simplement le décalquage d’un processus connu et bien rodé de communication politique ? Une communication qui se manifesterait notamment dans la pragmatique discursive, l’approche stratégique, le style, la posture et le leadership politique, qui sont autant des techniques de rédaction du pouvoir.</p>
<p>Nous avons tous suivi avec la même stupeur le conflit russo-ukrainien. Un conflit qui déterre selon le président français Macron les fantômes du passé et nous rappelle que « les temps des guerres » ne sont pas encore du passé et demeurent une période d'épreuves extraordinaires, d'émotions intenses, mais aussi de grands questionnements propices aux débats publics. Des questionnements qui nous ont amenés aujourd’hui à nous intéresser à quelques-uns des points importants de la stratégie de communication de Poutine et de son homologue ukrainien Zelensky.</p>
<h2>Une propagande pro-russe permanente</h2>
<p>Ce n’est pas seulement à un conflit géopolitique auquel nous assistons aujourd’hui, mais c’est aussi à une guerre de la communication qui s’opère à l’aune de cette crise. Un affrontement qui ne se joue pas seulement sur le versant diplomatique, mais également sur le plan médiatico-informationnel. En effet, avant pendant et même après l’incursion, le leader russe a intensifié sa stratégie de communication politique annonçant et justifiant la tenue de cette guerre. Une stratégie de communication qu’on peut qualifier d’ailleurs d’extrêmement bien élaborée. Certes, très hiérarchique, mais bien orchestrée et surtout très contrôlée.</p>
<p>Cette stratégie emprunte plusieurs voies dont la plus connue reste la propagande, utilisée comme un blason d’influence ou plutôt comme une action par influence qui est quelque part une violence, mais une violence symbolique, passant par le pouvoir de la persuasion.</p>
<p>Les informations, parfois partielles et partiales, diffusées par les chaînes de télévision russes, les nouvelles, vraies ou fausses, qui tourent en boucle depuis quelques semaines sur certaines plateformes numériques ainsi que sur les médias sociaux, sont quelques-uns des outils qui permettent à cette propagande de vivre, de s’ériger et de se répandre rapidement. Son objectif ultime est d’imposer à la communauté internationale et nationale une certaine lecture des événements et de créer un « tablier » informationnel derrière lequel le conflit pourrait se justifier.</p>
<h2>Poutine : l’éthos du pouvoir</h2>
<p>Si le leader russe a chronologiquement lancé il y a sept jours son invasion militaire contre l’Ukraine, son narratif justifiant son entrée en guerre a été affilé au fil des dix dernières années. Sa rhétorique médiatique laisse une grande place à une pragmatique du discours qui « magnifie » et consolide un éthos politique cohérent avec ses ambitions géopolitiques.</p>
<p>En effet depuis une décennie, le chef du Kremlin a orienté sa stratégie de communication politique, notamment sur la réaffirmation de sa légitimité en tant que leader national. Une légitimité balisée par une politique très médiatisée, axée sur la mise en scène et la construction d’un éthos de l’homme fort, providentiel, du génie de guerre, du leader gagnant.</p>
<h2>Zelelensky : l’éthos de l’humanité</h2>
<p>Si Poutine a misé sur la médiatisation de sa communication comme moyen de légitimation de son action, il a vraisemblablement mésestimé les compétences de son homologue ukrainien, Volodymir Zelensky. Ce dernier n'a pas hésité à mobiliser plusieurs outils communicationnels pour mener une stratégie offensive en ligne.</p>
<p>En effet et conscient des rumeurs qui circulent à son égard, le leader ukrainien n'a pas hésité à intensifier son usage des réseaux sociaux comme Twitter, Facebook et Instagram pour relayer des images et des vidéos factuelles de lui dans les rues de Kiev aux côtés de ses collaborateurs. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1497148645803655170"}"></div></p>
<p>Un relais qui lui a valu de nombreuses réactions et interactions positives, ainsi que de nombreux partages. Les réseaux sociaux sont d’ailleurs devenus les alliés improvisés des Ukrainiens dans cette crise. Des vidéos de bombardements ou d'exodes massifs vers les pays voisins sont autant d’images qui ont traversé le monde entier et connu une grande viralité dans les médias internationaux.</p>
<p>Par ailleurs, la médiatisation de la visioconférence de Zelensky avec le Parlement européen sollicitant son soutien à la cause ukrainienne a permis d'esquisser un contraste surprenant avec la personnalité et la posture du leader russe, de même qu'avec sa «rhétorique argumentative». Une rhétorique qui rappelons-le est basée sur <a href="https://doi.org/10.2307/j.ctv5j01b9.5">trois éléments fondamentaux</a>: le style (l'éthos), l'émotion affective (le pathos) et le raisonnement (logos).</p>
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<figcaption><span class="caption">Le président Zelinsky devant le parlement européen.</span></figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, pendant cette visioconférence, la communauté internationale a pu déceler la posture empathique de Zelensky. <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1865597/negociations-ukraine-union-europenne-pologne-russie">Son poing levé à la fin de son allocution, la teneur de son discours, le choix et la force des mots utilisés pour s'adresser aux députés</a> ont fait mouche : «Prouvez que vous êtes avec nous», «Nous nous battons pour notre survie», «je vous parle des citoyens ukrainiens qui défendent leur pays en faisant le sacrifice ultime». Autant d'éléments qui cristallisent une émotion forte et un éthos qui invoque des valeurs humanistes qui plaisent aux sociétés démocratiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178369/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Houda Bachisse, PhD. ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le président Vladimir Poutine a préparé de longue date sa propagande pour justifier l'invasion de l'Ukraine. Mais elle n'a pas eu les effets escomptés.Houda Bachisse, PhD., Chercheure, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1779022022-02-25T17:53:04Z2022-02-25T17:53:04ZVoici pourquoi Vladimir Poutine ne reculera pas en Ukraine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/448584/original/file-20220225-25-1woav3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3752%2C2505&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De la fumée et des flammes s’élèvent près d’un bâtiment militaire après une frappe russe, à Kiev, en Ukraine, le 24 février 2022.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Efrem Lukatsky)</span></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.bbc.com/news/live/world-europe-60454795">L’invasion de l’Ukraine</a> par la Russie a choqué le monde entier, mais Vladimir Poutine s’y préparait depuis un certain temps déjà.</p>
<p>Pour Poutine et pour une partie des Russes, les méchants de la crise ne sont pas seulement les <a href="https://www.jacobinmag.com/2022/01/putin-nato-us-war-donbass-minsk-2">nationalistes ukrainiens</a>, mais aussi les gouvernements occidentaux. On considère que l’Occident fonctionne selon certaines normes pour lui-même, et selon d’autres normes pour des pays comme la Russie.</p>
<p>Il est essentiel de saisir cet aspect de la vision du monde de Poutine pour comprendre pourquoi il est si peu disposé à reculer face à ce qu’il perçoit comme l’intransigeance et l’hypocrisie occidentales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="De la fumée d’élève de ruines" src="https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4165%2C2762&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448325/original/file-20220224-46083-1ca5ceq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">De la fumée s’élève d’une base de défense aérienne à la suite d’une frappe russe à Marioupol, en Ukraine, le 24 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Evgeniy Maloletka)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Crise des missiles cubains</h2>
<p>Le concept russe de l’hypocrisie occidentale remonte à l’époque de l’Union soviétique et de la guerre froide. Un événement particulièrement important a été la <a href="https://foreignpolicy.com/2012/10/08/the-myth-that-screwed-up-50-years-of-u-s-foreign-policy/">crise des missiles cubains de 1962</a>. Les États-Unis s’opposaient au fait que l’Union soviétique installe des armes nucléaires à Cuba, alors qu’eux-mêmes positionnaient à la même époque <a href="https://www.history.com/topics/cold-war/cuban-missile-crisis">leurs armes près de l’Union soviétique, en Turquie</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une photo en noir et blanc de soldats cubains" src="https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=483&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448346/original/file-20220224-50602-1uvxwzd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=607&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur cette photo d’avril 1961, des membres de la milice de Fidel Castro se reposent après une opération dans une zone d’invasion à Cuba. En 1961, le débarquement de la baie des Cochons, soutenu par les États-Unis, n’a pas réussi à renverser le dirigeant cubain Fidel Castro, appuyé par les Soviétiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo)</span></span>
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</figure>
<p>À l’époque, les États-Unis invoquent la <a href="https://www.theatlantic.com/magazine/archive/1905/04/the-right-and-wrong-of-the-monroe-doctrine/530856/">doctrine Monroe</a>, énoncée pour la première fois en 1823 et qui proclame la domination américaine dans l’hémisphère occidental. Les politiciens américains affirmaient que cette doctrine leur donnait carte blanche pour stopper toute influence étrangère sur le continent américain.</p>
<p>Bien que le leader cubain Fidel Castro l’ait souhaité, Cuba n’a jamais été autorisé à rejoindre le <a href="https://digitalarchive.wilsoncenter.org/document/123891">Pacte de Varsovie</a> – l’équivalent soviétique de l’OTAN. L’Union soviétique était consciente qu’il aurait été extrêmement provocateur de permettre à Cuba de le faire.</p>
<p>La doctrine Monroe a persisté bien après la crise des missiles cubains et s’est reflétée <a href="https://www.theguardian.com/politics/2013/aug/01/margaret-thatcher-reagan-grenada-invasion-national-archives">dans les invasions américaines de la Grenade</a> <a href="https://stringfixer.com/fr/Invasion_of_Panama">et du Panama</a>, respectivement en 1983 et 1989. Les États-Unis <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/doctrine-de-monroe/2-le-fondement-de-l-imperialisme-des-etats-unis-1895-1970/">n’ont jamais officiellement renoncé à cette doctrine</a>, qui fait toujours partie de leur boîte à outils politique lorsque le besoin s’en fait sentir.</p>
<p>L’Union soviétique a tenté d’introduire quelque chose de similaire avec ce qui est devenu la <a href="https://stringfixer.com/fr/Brezhnev_Doctrine">doctrine Brejnev</a>, du nom de Léonid Brejnev, président qui a longtemps régné sur l’URSS. On y affirmait que l’Union soviétique devait intervenir dans les pays où le régime socialiste était menacé, et ce, même par la force.</p>
<p>En Occident, on considérait que cette doctrine n’avait pas la même légitimité que la doctrine Monroe, <a href="https://crgreview.com/the-cruel-hypocrisy-of-american-imperialism/">car la cause américaine était perçue comme juste et la cause soviétique comme injuste</a>. Poutine est en train de mettre en œuvre sa propre doctrine Monroe – ou Brejnev.</p>
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<img alt="Une foule de protestataires brandissant des pancartes" src="https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448347/original/file-20220224-33175-12fm1vf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des manifestants portent une affiche présentant Poutine sous les traits de Léonid Brejnev lors d’un immense rassemblement de protestation à Saint-Pétersbourg, en Russie, en mai 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Dmitri Lovetsky)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Agression occidentale</h2>
<p>Pour de nombreux habitants de la Russie postsoviétique, l’Occident a, jusqu’à présent, régulièrement bafoué le droit international en envahissant d’autres États – souvent sur un coup de tête. Le meilleur exemple en est <a href="https://www.theguardian.com/world/2004/sep/16/iraq.iraq">l’invasion de l’Irak en 2003</a>. <a href="https://www.nbcnews.com/id/wbna7634313">Les « armes de destruction massive » de Saddam Hussein</a> ne se sont jamais matérialisées et sont communément considérées comme un <a href="https://www.ledevoir.com/monde/etats-unis/173050/irak-bush-et-son-equipe-ont-menti-935-fois">prétexte fabriqué pour justifier l’intervention occidentale</a>.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/kosovo-disputes-continue-20-years-after-nato-bombing-campaign-113669">L’intervention de l’OTAN en Yougoslavie dans les années 1990</a> est un autre exemple favori en Russie pour illustrer la propension de l’Occident à bafouer les frontières internationales lorsque cela s’avère opportun. L’Occident a supervisé le démantèlement de la Yougoslavie, où <a href="https://www.tjsl.edu/slomansonb/2.4_KosSecession.pdf">il a soutenu la séparation du Kosovo de la Serbie</a>, laquelle était appuyée par la Russie.</p>
<p>Pour Poutine, la <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/putin-is-the-only-winner-of-ukraines-language-wars/">protection des russophones en Ukraine</a> est un motif d’intervention aussi justifié que ceux avancés par l’Occident en Irak et en Yougoslavie.</p>
<p>Aux yeux des Russes, l’Occident a été jusqu’à présent l’agresseur, qui a profité de la faiblesse de la Russie depuis l’effondrement de l’Union soviétique pour soutenir des gouvernements nationalistes dans l’ancien espace soviétique. Ces pays comptaient souvent <a href="https://storymaps.arcgis.com/stories/6cb4f0a7dcd64278b52840a7dc364127">d’importantes minorités russes à l’intérieur de leurs frontières</a>.</p>
<p>Du point de vue du gouvernement russe, l’expansion de l’OTAN dans l’ex-Union soviétique a constitué une trahison des engagements occidentaux pris à la fin de la Guerre froide de <a href="https://www.spiegel.de/international/world/nato-s-eastward-expansion-is-vladimir-putin-right-a-bf318d2c-7aeb-4b59-8d5f-1d8c94e1964d">limiter l’expansion de l’OTAN à une Allemagne unie</a>. Elle a également été perçue comme une menace croissante pour la sécurité de la Russie, directement dans son arrière-cour.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="De grandes flammes sont visibles alors qu’une ligne de soldats armés passe" src="https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448350/original/file-20220224-13-gaum9r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur cette photo de 2004, des marines américains brûlent leurs fortifications sur les positions de première ligne à Fallujah, en Irak, alors qu’ils se retirent de la ville.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/John Moore)</span></span>
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<h2>Armer l’Ukraine</h2>
<p><a href="https://www.reuters.com/world/europe/ukraine-gets-weapons-west-says-it-needs-more-2022-01-25/">L’armement de l’Ukraine par l’Occident</a> a assurément été perçu par le gouvernement russe comme une façon de fournir aux Ukrainiens les moyens d’écraser les forces séparatistes prorusses dans l’est sans avoir à leur accorder le type d’autonomie proposée dans les défunts <a href="https://www.reuters.com/world/europe/what-are-minsk-agreements-ukraine-conflict-2021-12-06/">protocoles de Minsk de 2014-15</a>. Ces accords étaient destinés à mettre fin à une guerre sécessionniste menée par des russophones dans l’est de l’Ukraine.</p>
<p>Selon Poutine, la seule solution devant la stagnation dans le cadre des protocoles de Minsk et le manque de volonté de l’Occident de prendre les demandes russes au sérieux a été de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1863757/russie-ukraine-republiques-prorusses-donetsk-louhansk">reconnaître les républiques sécessionnistes</a> et de passer d’une action militaire secrète à une action militaire au grand jour.</p>
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<img alt="Un homme et une femme observent des fragments de débris militaires" src="https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3607%2C2365&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/448342/original/file-20220224-33175-106oq1v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un homme et une femme se trouvent à côté de débris d’équipement militaire après une frappe russe à Kharkiv en Ukraine, le 24 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Andrew Marienko)</span></span>
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<p>L’approche occidentale de la diplomatie avec la Russie et d’autres puissances qui ne sont pas « des nôtres » a contribué à pousser la crise jusqu’à son point actuel et tragique.</p>
<p>Lorsqu’un parent impose une discipline à son enfant, il est généralement plus efficace d’éviter le « fais ce que je dis, pas ce que je fais ». La réaction impétueuse de Vladimir Poutine coûtera sans aucun doute des milliers de vies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177902/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Hill ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’approche occidentale du « faites ce que je dis, pas ce que je fais » a contribué à provoquer l’invasion de l’Ukraine par Vladimir Poutine.Alexander Hill, Professor of Military History, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1776882022-02-23T14:59:08Z2022-02-23T14:59:08ZUkraine : la stratégie de Poutine expliquée par des experts<p>La <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1863908/poutine-ukraine-guerre-analyse-francois-brousseau">reconnaissance par Vladimir Poutine</a> de l’indépendance des deux républiques sécessionnistes de Donetsk et de Louhansk a suivi une <a href="http://kremlin.ru/events/president/news/67825">retransmission en direct</a> surréaliste d’une réunion du conseil de sécurité tenue au Kremlin. Assis face aux 13 membres du conseil, Poutine manipulait et sermonnait ses plus hauts dignitaires — dont Dmitri Medvedev, ancien président et premier ministre, et Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères du pays — qui se succédaient au pupitre pour exposer à leur patron les « raisons » qui justifiaient de reconnaître officiellement les deux républiques de l’est de l’Ukraine en tant qu’États indépendants.</p>
<p>Il a ensuite autorisé les troupes russes à traverser les républiques dans une fonction de <a href="https://www.reuters.com/world/europe/putin-orders-russian-peacekeepers-eastern-ukraines-two-breakaway-regions-2022-02-21/">« maintien de la paix »</a>. Il a également <a href="https://www.reuters.com/world/europe/russia-now-has-right-build-military-bases-eastern-ukraine-agreement-2022-02-21/">été annoncé</a> que les traités de reconnaissance donnent à la Russie le droit d’y établir des camps militaires.</p>
<p>Rejetant l’entière responsabilité de la décision sur l’Ukraine et les gouvernements occidentaux — surtout les États-Unis — qui « contrôlent » l’Ukraine, Poutine a remis en question à plusieurs reprises la légitimité même de l’existence de l’Ukraine en tant qu’État-nation. Il a avancé un argument dont la formulation était très similaire à celle d’un essai qu’il a publié sur le site web du Kremlin en juillet 2021, intitulé <a href="http://en.kremlin.ru/events/president/news/66181">« De l’unité historique des Russes et des Ukrainiens »</a>.</p>
<p>Poutine a présenté la reconnaissance comme une étape décisive de la part d’une véritable « grande puissance » qui affirme ses intérêts et protège les communautés « apparentées » vulnérables. Mais cette manœuvre soulève plus de questions qu’elle n’apporte de réponses. La plus évidente est de savoir s’il s’agit de la fin de la crise actuelle, ou du moins du début de la fin.</p>
<p>Une interprétation optimiste serait que la reconnaissance offre une issue honorable à tout le monde. Poutine sauve la face en humiliant l’Ukraine et l’Occident, mais évite une guerre à grande échelle et les coûts humains et économiques que cela engendrerait pour la Russie.</p>
<p>Si l’on prend cette affirmation pour argent comptant — c.-à-d. que Poutine ne cherche qu’à protéger les droits des deux républiques prorusses —, alors, l’acceptation de la reconnaissance peut épargner à l’Ukraine une confrontation militaire majeure avec la Russie. Cela signifierait également que Kiev éviterait les <a href="https://theconversation.com/ukraine-why-a-negotiated-settlement-on-donbas-will-be-tough-to-achieve-176826">difficultés politiques intérieures et les coûts socio-économiques</a> qu’une mise en œuvre de l’accord de Minsk de 2015, <a href="https://dif.org.ua/en/article/zagroza-novogo-vtorgnennya-gromadska-dumka-pro-konflikt-mozhlivi-kompromisi-ta-protidiyu-rosii">profondément impopulaire</a>, entraînerait pour le président ukrainien Volodymyr Zelenskyi et son gouvernement.</p>
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<img alt="Une carte de l’est de l’Ukraine et de la Crimée" src="https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/447767/original/file-20220222-27-1bhdj5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des plaies ouvertes : les deux républiques sécessionnistes de Donetsk et de Louhansk dans l’est de l’Ukraine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Dmitriy Samorodinov via Shutterstock</span></span>
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<p>Comme en Géorgie après l’invasion de 2008 — et en Crimée après son annexion par la Russie en 2014 —, la reconnaissance pourrait conduire à une stabilisation progressive des régions. Aucune des deux parties n’aurait plus à débattre de la mise en œuvre de <a href="https://www.un.org/press/en/2015/sc11785.doc.htm">l’accord de Minsk</a>. L’impasse dans laquelle ce processus se trouvait ne constituerait plus une source de tensions et de récriminations mutuelles.</p>
<p>Cette hypothèse est toutefois très optimiste. Ce peut être une lecture erronée d’une situation qui est probablement la plus dangereuse pour la sécurité européenne et mondiale depuis la fin de la guerre froide.</p>
<p>On a beau chercher à tout prix une lueur d’espoir dans la situation actuelle, le fait est que la reconnaissance par la Russie des deux républiques sécessionnistes constitue une nouvelle violation flagrante du droit international. Les Occidentaux sont en train de mettre en place des sanctions qui incluraient <a href="https://lactualite.com/actualites/alerte-ottawa-impose-a-son-tour-des-sanctions-economiques-a-la-russie/">d’importantes mesures punitives</a>. Les <a href="https://www.reuters.com/world/europe/us-allies-united-if-russia-invades-odds-over-other-scenarios-2022-02-18/">désaccords antérieurs entre l’UE, les États-Unis et le Royaume-Uni</a> sur l’ampleur des sanctions semblent avoir été surmontés.</p>
<p>Les actions de la Russie ont, au contraire, renforcé la détermination de l’Occident, comme le démontrent les réactions de pays tels que le <a href="https://www.bbc.co.uk/news/uk-politics-60476137">Royaume-Uni</a> et l’<a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-02-22/gazoduc-russo-allemand/face-a-poutine-l-allemagne-se-resigne-a-suspendre-nord-stream-2.php">Allemagne</a>, laquelle a annoncé qu’elle <a href="https://www.nouvelobs.com/russie/20220222.OBS54820/le-gazoduc-nord-stream-2-suspendu-par-l-allemagne-premiere-sanction-contre-la-russie.html">suspendrait la certification</a> du gazoduc russe Nord Stream 2.</p>
<h2>Un dangereux précédent ?</h2>
<p>La crise actuelle ne concerne pas uniquement les statuts de « certaines zones des régions de Donetsk et de Louhansk », comme on nomme ces territoires dans <a href="https://www.un.org/press/en/2015/sc11785.doc.htm">l’accord de Minsk</a>. Elle ne résout pas les tensions plus vastes entre la Russie et l’Occident sur le futur ordre de sécurité européen.</p>
<p>Il est évident que Poutine est désormais convaincu que le maintien du statut de Donetsk et de Louhansk en tant qu’États de facto au sein de l’Ukraine — et donc en tant qu’instrument de pression sur l’Ukraine et, par extension, sur ses partenaires occidentaux — ne sert plus les objectifs de la Russie. Mais son discours télévisé d’une heure a offert peu d’éléments pour nourrir l’optimisme quant au fait que leur reconnaissance mettrait fin à la « crise ukrainienne ».</p>
<p>Le discours de Poutine mettait l’accent sur les problèmes plus vastes des relations russo-ukrainiennes plutôt que sur l’enjeu des deux républiques du Donbas. Le président russe a réaffirmé un ordre du jour beaucoup plus large qui lie clairement la situation en Ukraine à des enjeux globaux d’ordre international. Plusieurs éléments méritent d’être examinés de plus près à cet égard.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/U_JQ0y8Z56Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reportage de la BBC sur la réunion du 21 février du conseil de sécurité nationale de Russie.</span></figcaption>
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<p>Selon Poutine, l’Ukraine est devenue une construction territoriale « artificielle » à la suite du tracé des frontières soviétiques dans les années 1920, 1940 et 1950. Après l’effondrement de l’URSS, elle s’est retrouvée avec des « territoires historiquement russes » habités par des citoyens d’origine russe dont l’Ukraine actuelle viole les droits.</p>
<p>Poutine a également affirmé que ces violations étaient en grande partie dues au fait que l’Ukraine est un État failli dans lequel les décisions sont prises par des autorités corrompues sous le contrôle des « capitales occidentales ». Il a aussi répété, et c’est peut-être le plus important, que l’Ukraine, en se rapprochant de l’OTAN, fait déjà peser des menaces sur la Russie — auxquelles celle-ci se doit de répondre.</p>
<p>Si l’on ajoute à cela la signature et la ratification immédiate <a href="https://tass.com/world/1407971">« de traités d’amitié »</a> entre la Russie et les républiques sécessionnistes désormais reconnues, ainsi que la décision d’envoyer des troupes russes dans ces républiques, le discours de reconnaissance de Poutine et son ton rendent beaucoup plus probable qu’il s’agisse au mieux d’un bref intermède dans une crise qui se poursuivra et se creusera.</p>
<p>De manière plus réaliste, la reconnaissance et les mesures prises immédiatement après celle-ci indiquent une escalade spectaculaire de la part de la Russie. Le <a href="https://www.wilsoncenter.org/blog-post/russian-threat-against-ukraine-long-history-and-uncertain-future">bilan de Poutine</a> depuis 2008 ne permet pas de douter du fait que cette crise est loin d’être terminée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177688/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefan Wolff reçoit un financement de l'Institut de la paix des États-Unis. Il a également bénéficié de subventions de l'Economic and Social Research Council du Royaume-Uni, de la British Academy, du programme Science for Peace de l'OTAN, des programmes-cadres 6 et 7 et d'Horizon 2020 de l'UE, ainsi que du programme Jean Monnet de l'UE. Il est chargé de recherche principal au Foreign Policy Centre de Londres et co-coordinateur du réseau de groupes de réflexion et d'institutions universitaires de l'OSCE.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tatyana Malyarenko reçoit un financement du programme Erasmus+ de l'Union européenne (Projet Jean Monnet 2020-2022 " Vers une Europe numérique plus sûre : Multi-level Governance for Countering Online Disinformation and Hybrid Threats").</span></em></p>Le discours de Poutine va plus loin que la reconnaissance d’indépendance des deux républiques. Il lie la situation en Ukraine à des enjeux globaux d’ordre international.Stefan Wolff, Professor of International Security, University of BirminghamTetyana Malyarenko, Professor of International Relations, National University Odesa Law AcademyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1617252021-05-28T12:44:32Z2021-05-28T12:44:32ZLigue des champions : un titre pour Chelsea, une victoire pour Gazprom<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/403462/original/file-20210530-22-1rd7dth.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C1183%2C799&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le club londonien de Chelsea a battu Manchester City (1-0) pour s'adjuger le trophée de la Ligue des champions 2021, samedi 29 mai à Porto (Portugal).</span> <span class="attribution"><span class="source">David Ramos / AFP</span></span></figcaption></figure><p>En attendant l’Euro, c’était le rendez-vous de l’année, le match le plus important pour les clubs de football. Le club londonien de Chelsea a remporté, le samedi 29 mai à Porto au Portugal, la finale de l’UEFA Champions League qui l'opposait à une autre équipe anglaise, Manchester City (1-0). Au-delà du résultat, l'affiche de cette finale 100% britannique avait la particularité de révéler tous les fondements économiques géopolitiques du football européen actuel. Et quand les coulisses de la Ligue des champions se dévoilent, ses liens avec l’industrie du pétrole et du gaz apparaissent rapidement.</p>
<p>Il y a un mois encore, les deux clubs se sont avérés déterminants autant pour conférer un profil prestigieux au projet avorté de Super League que pour le faire chuter brutalement. En à peine plus de 48 heures, ce projet de nouveau championnat européen, que nombre de <a href="https://www.euronews.com/2021/04/20/football-vs-greed-what-is-behind-the-outrage-over-the-european-super-league">fans, amateurs et politiciens</a> estiment encore être une folie furieuse et une grossière erreur d’appréciation, était retombé comme un soufflé (du moins pour le moment).</p>
<p>Or, il semblerait que le château de cartes ait commencé à s’effondrer dans l’Ouest londonien, au moment où Chelsea a déclaré souhaiter <a href="https://www.espn.co.uk/football/chelsea/story/4365461/chelseas-landmark-super-league-withdrawal-a-victory-that-overshadows-draw-vs-brighton">se retirer de la compétition</a>, <a href="https://www.independent.co.uk/sport/football/man-city-withdraw-european-super-league-b1834691.html">suivi quelques heures plus tard par Manchester City</a>. Selon les informations du journal allemand <a href="https://tribuna.com/en/news/chelsea-2021-04-23-putin-reportedly-behind-chelsea-withdrawal-from-super-league-for-3-key-reasons/"><em>Süddeutsche Zeitung</em></a>, tout serait parti d’un appel téléphonique du président russe Vladimir Poutine, qui aurait appelé son compatriote Roman Abramovitch, propriétaire du club de Chelsea. Selon Russia Today, chaîne de télévision d’information internationale financée par l’État russe, Poutine aurait mis l’accent sur le fait que cette Super League irait <a href="https://www.rt.com/sport/522011-kremlin-abramovich-chelsea-super-league/">« à l’encontre des intérêts de la mère patrie »</a>.</p>
<h2>Gazprom, l’UEFA et la diplomatie</h2>
<p>L'influence de la Russie sur le football européen remonte à bien plus d'un mois. La société russe Gazprom est notamment l’un des sponsors majeurs de la Ligue des champions depuis 2012. Un accord d’envergure <a href="https://www.uefa.com/insideuefa/about-uefa/news/0269-124ffe0cee51-2308c1da4764-1000--gazprom-partners-with-uefa-national-team-football-and-renews-ue/">reconduisant le partenariat</a> a d’ailleurs été annoncé tout récemment. Il s’agit là d’une société dont les origines remontent à l’ancienne Union soviétique, à l’époque fournisseur étatique de gaz.</p>
<p>Bien qu’au début des années 1990, au cours des réformes de la perestroïka, la société fut privatisée, l’État a progressivement <a href="https://www.piie.com/commentary/op-eds/folly-renationalization">repris possession</a> de la majorité des actions au début des années 2000 sous la présidence de Vladimir Poutine. Quelques années après, Gazprom rachetait son rival de l’industrie pétrolière, la société Sibneft, dont le <a href="https://www.theguardian.com/business/2005/sep/29/oilandpetrol.russia">propriétaire de l’époque</a> n’était autre que Roman Abramovitch.</p>
<p>Gazprom est également connu pour être le propriétaire du club de foot du <a href="https://grantland.com/the-triangle/gazprom-zenit-st-petersburg-and-the-intersection-of-global-politics-and-world-football/">Zénith Saint-Pétersbourg</a>, pas vraiment une surprise quand on sait que Vladimir Poutine est originaire de la ville, où se situe en outre le siège social de ce mastodonte du gaz et du pétrole. Alexander Dyukov, anciennement à la tête du Zénith, est désormais <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15377857.2020.1723781?journalCode=wplm20">président de la Fédération russe de football</a>. Le personnage est également président du conseil d’administration de Gazprom et a par ailleurs été élu, au plus fort de la débâcle de la Super League, <a href="https://www.uefa.com/insideuefa/news/0268-12163b1d0543-7ab0ff2e27b1-1000--alexander-dyukov/">membre du comité exécutif de l’UEFA</a>.</p>
<p>Le coup de fil que Poutine aurait passé à Abramovitch ne serait donc qu’un épisode supplémentaire dans la saga de l’engagement russe dans le milieu du football, un énième outil diplomatique et géopolitique pour Moscou.</p>
<p>Longtemps, on a pu <a href="https://www.iris-france.org/154279-gazprom-and-its-sponsorship-of-football-from-sex-without-a-condom-to-major-strategic-threat/">se demander pourquoi</a> un organisme qui vend du gaz aux gouvernements siégeait parmi les sponsors de la Ligue des champions, aux côtés de sociétés comme McDonald’s et Coca-Cola. La réponse à cette question réside dans la manière dont Gazprom permet à la Russie d’assoir un pouvoir discret, et de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15377857.2020.1723781?journalCode=wplm20">se construire une légitimité</a> par association avec le milieu du sport le plus populaire au monde, comme nous l’avions montré dans un travail de recherche publié mi-2020.</p>
<p>Au cours de son mandat, le président des États-Unis Donald Trump a montré une <a href="https://fortune.com/2020/09/08/trump-pipeline-russia-germany-natural-gas-merkel-navalny-poisoned-nord-stream-2/">certaine obstination</a> dans ses déclarations envers les fournisseurs d’énergie russes, son administration imposant même des sanctions à Gazprom. <a href="https://www.reuters.com/article/us-usa-defense-congress-nord-stream-idUSKBN28E31I">Selon ses dires</a>, la dépendance grandissante de l’Europe vis-à-vis des énergies fournies par la Russie, en particulier en Allemagne (où Gazprom sponsorise d’ailleurs le <a href="https://theconversation.com/how-russia-has-devoted-its-energy-to-the-beautiful-game-46174">club Schalke 04</a>), constituait une menace d’ordre stratégique quant à la sécurité du Vieux Continent.</p>
<p>Le gouvernement de Joe Biden trahit des <a href="https://www.politico.com/news/2021/03/05/biden-ted-cruz-russia-pipeline-473910">inquiétudes similaires</a> lors de la finale de la Ligue des champions, qu’est-ce que le public voit défiler sur les panneaux publicitaires des bords de touches ? Le nom de Gazprom. À n’en pas douter, des yeux vont se lever au plafond parmi les membres du Congrès américain…</p>
<h2>Le Golfe s’intéresse aussi au foot</h2>
<p>Comme si sponsoriser le tournoi et avoir des liens forts avec l’UEFA comme avec Chelsea n’était pas suffisant, Gazprom continue en parallèle à renforcer ses relations avec Abu Dhabi.</p>
<p>Les Émirats arabes unis possèdent, eux, 75 % des parts du City Football Group, dont le plus gros club n’est autre que le finaliste, Manchester City. Tout comme la Russie, ce petit État du Golfe possède parmi les plus grosses réserves énergétiques de la planète. L’UEFA va ainsi être le théâtre d’un bras de fer entre le gaz et le pétrole.</p>
<p>Ces dix dernières années, les relations entre Moscou et Abu Dhabi se sont renforcées, donnant naissance à une série d’accords stratégiques, dont le plus emblématique fut <a href="https://gulfnews.com/uae/government/uae-russia-forge-strategic-partnership-1.2230246">signé en 2018</a>. Décrit comme un <a href="https://lobelog.com/understanding-russia-and-the-uaes-special-partnership/">moment décisif</a> dans les relations bilatérales, ce dernier couvre la totalité des dispositions en matière d’investissement, d’échanges, de culture, de conquête de l’espace, de tourisme et de sécurité.</p>
<p>En a résulté le rachat pour 271 millions de dollars, par la société Mubadala Investment Company, société d’État appartenant aux Émirats arabes unis, de 44 % des parts d’une des filiales de Gazprom. Par la suite, en 2019, le fournisseur national de pétrole des Émirats, la Abu Dhabi National Oil Company, signait un <a href="https://www.thenationalnews.com/business/energy/adnoc-signs-strategic-framework-with-russia-s-gazprom-neft-1.924222">accord-cadre stratégique</a> dans la recherche et l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole avec Gazprom.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/403365/original/file-20210528-17-16ffpco.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sur le terrain, les entraîneurs Pep Guardiola (Manchester City, <em>à gauche</em>) et Thomas Tuchel (Chelsea, <em>à droite</em>), organisent la tactique. En coulisse il en est autrement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Anne-Christine Poujoulat Et Glyn Kirk/AFP</span></span>
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<p>C’est ainsi qu’en 2020, annonce est faite <a href="https://ntc.gazprom-neft.com/press-center/news/gazprom-neft-i-mubadala-petroleum-razvivayut-tekhnologicheskoe-sotrudnichestvo/">du rapprochement entre Gazprom et Mubadala</a>, qui s’engagent ensemble dans une coopération technologique en Sibérie, là où, coïncidence, l’empire gazier de Roman Abramovitch, natif de la région, vit le jour.</p>
<p>Pour autant, le jour de la finale, il est fort à parier que, pour la plupart des fans de City et de Chelsea, la provenance des liquidités, qui servent à alimenter leurs clubs et à contribuer à leur succès, aura peu d’importance, tout comme les jeux de géopolitiques qui se cachent derrière le glam et les paillettes d’avoir fait signer des stars comme Kai Havertz et Kevin de Bruyne. À mesure que s’éloigne la perspective d’une Super League, sous les huées des fans de foot, certains voudront également voir dans cette finale la parade victorieuse de la normalité.</p>
<p>Cela reste d’une grande naïveté. Depuis ces trente dernières années, le foot ne s’est pas uniquement commercialisé et industrialisé, il a également été géopolitisé. Ce sport se trouve désormais au centre d’un réseau complexe d’intérêts et d’investissements. Pour ceux qui y ont un intérêt financier, il est tout simplement devenu un moyen pour arriver à leurs fins, la finale de la Ligue des champions cette année, en est la parfaite illustration.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161725/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La victoire du club londonien, propriété du milliardaire russe Roman Abramovitch, illustre la montée en puissance de Moscou dans les coulisses du football européen.Simon Chadwick, Global Professor of Eurasian Sport | Director of Eurasian Sport, EM Lyon Business SchoolPaul Widdop, Senior Lecturer in Sport Business, Leeds Beckett UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1561712021-03-03T17:55:15Z2021-03-03T17:55:15ZDébat : le vent tourne-t-il pour Vladimir Poutine ?<p>Il est parfois soutenu que l’affaire Navalny – son <a href="https://www.bellingcat.com/news/uk-and-europe/2021/01/27/navalny-poison-squad-implicated-in-murders-of-three-russian-activists/">empoisonnement par le FSB</a>, son <a href="https://www.dw.com/en/alexei-navalny-detained-after-landing-in-moscow/a-56252905">arrestation à son retour à Moscou</a>, puis sa <a href="https://www.nbcnews.com/news/world/alexei-navalny-leading-putin-critic-faces-trial-100-supporters-arrested-n1256440">condamnation à plus de deux ans et demi</a> en colonie pénitentiaire – aurait été l’occasion d’une prise de conscience, chez certains dirigeants occidentaux, de la réalité du régime de Vladimir Poutine. Nous pouvons en partie en <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2021/02/07/tribune-leurope-et-les-gouvernements-democratiques-doivent-marquer-un-coup-darret-a-la-repression-du-peuple-russe/">douter</a>.</p>
<p>Cette affaire fut peut-être, plus exactement, la goutte de thé qui a <a href="https://edition.cnn.com/2021/02/01/europe/eu-russia-problem-intl/index.html">fait monter la sonorité de l’indignation verbale</a> après une multitude d’autres actes, avec le risque paradoxal qu’elle devienne l’arbre portant son ombre sur la forêt – celle de la nature criminelle du régime lui-même.</p>
<h2>Pourquoi maintenant ?</h2>
<p>Tout semble se passer <a href="https://www.politico.eu/article/vladimir-putin-war-criminal-inhumanity-syria/">comme s’il n’y avait pas eu la Tchétchénie</a>, vite <a href="https://www.theguardian.com/world/2000/mar/05/russia.chechnya">sortie du terrain de l’indignation</a>. Comme s’il n’y avait pas eu la Géorgie dont <a href="https://www.cnbc.com/2019/01/22/russia-is-still-occupying-20percent-of-our-country-georgias-leader-says.html">20 % du territoire sont toujours occupés <em>de facto</em> par Moscou</a>, et où, comme l’a encore jugé récemment la Cour européenne des droits de l’homme, la Russie aurait commis des <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/jan/21/russia-human-rights-violation-georgia-war-echr-ruling">crimes de guerre</a> pendant le conflit de 2008. </p>
<p>Comme si l’Ukraine n’avait pas été <a href="https://www.theguardian.com/world/2019/aug/18/new-video-evidence-of-russian-tanks-in-ukraine-european-court-human-rights">envahie</a> et une partie de son territoire, la Crimée, <a href="https://www.brookings.edu/blog/order-from-chaos/2020/03/17/crimea-six-years-after-illegal-annexation/">annexée</a>, donnant certes lieu à <a href="https://www.consilium.europa.eu/en/infographics/eu-sanctions-against-russia-over-ukraine/">deux régimes européens de sanctions</a>, mais quand même <a href="https://voxeu.org/article/making-sanctions-bite-eu-russian-sanctions-2014">bien limitées</a>, à l’instar d’ailleurs des <a href="https://warontherocks.com/2020/10/make-russia-sanctions-effective-again/">sanctions américaines</a>. </p>
<p>Comme si Moscou n’avait pas commis des <a href="https://time.com/5725041/uk-russian-assassins-heidi-blake/">tentatives d’assassinat</a>, couronnées de succès ou non, sur le sol européen, ce qui avait d’ailleurs suscité des <a href="https://www.worldpoliticsreview.com/articles/28431/the-costs-of-germany-s-weak-response-to-a-russian-murder-plot-on-its-soil">réponses incroyablement mesurées des pays concernés</a>. Comme si, en Russie même, de nombreux adversaires du régime n’avaient pas été <a href="https://www.leparisien.fr/international/assassines-emprisonnes-exiles-le-triste-sort-des-opposants-dans-la-russie-de-poutine-27-03-2017-6799731.php">expulsés, embastillés, voire éliminés</a>. »</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1296477747196370945"}"></div></p>
<p>Comme si, surtout et finalement d’abord, il n’y avait pas eu la Syrie, le soutien total à un <a href="https://theconversation.com/la-guerre-dextermination-en-syrie-et-la-fin-du-sens-commun-66342">régime coupable de crimes contre l’humanité</a> et de 700 000 morts, et les <a href="https://www.reuters.com/article/uk-syria-security-un-warcrimes/syrian-russian-airstrikes-in-idlib-amount-to-war-crimes-as-do-jihadist-attacks-u-n-idUKKBN2481LK">crimes de guerre en masse commis par les forces russes</a> contre les civils syriens. Le régime de Poutine, ne l’oublions jamais, en <a href="https://forward.com/opinion/440051/russia-is-carrying-out-a-scorched-earth-policy-in-syria-and-theyre-getting/">a assassiné plus que Daech</a>. Or, quel dirigeant occidental aurait osé serrer la main d’Abou Bakr al-Baghdadi ?</p>
<p>Comme si, en somme, on faisait semblant d’ignorer le lien direct entre Poutine et ses services et le crime organisé pur et simple, un lien remarquablement mis en lumière par le <a href="https://www.theguardian.com/books/2020/apr/12/putins-people-by-catherine-belton-review-relentless-and-convincing">livre indispensable de Catherine Belton</a>. Comme si <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/l-illiberalisme-de-poutine-a-des-consequences-strategiques-826044.html">l’illibéralisme de Poutine</a> n’était qu’une idéologie verbale et non l’instrument d’une légitimation de ses crimes.</p>
<p>En somme, déclarer comme Josep Borrell, après le fiasco de sa visite à Moscou, que l’Europe et la Russie <a href="https://www.euronews.com/2021/02/07/russia-does-not-want-constructive-dialogue-with-europe-says-borrell-after-moscow-visit">prennent des chemins divergents</a> et que la dernière ne souhaite pas un dialogue est un constat aussi juste que tardif : cela fait quand même plusieurs années, sinon plus d’une décennie, que telle est la réalité.</p>
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<p>Donc, pourquoi Navalny ? Pas à cause des multiples mensonges, à peine dissimulés, du régime russe : on les a déjà <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/russias-mh17-web-of-lies-continues-to-unravel/">vus à l’œuvre</a> après la destruction en vol <a href="https://www.rferl.org/a/mh17-debunking-russian-disinformation/30468377.html">du MH17</a>, mais aussi à propos de <a href="https://www.theguardian.com/world/2020/feb/07/inquiry-strikes-blow-to-russian-denials-of-syria-chemical-attack">l’usage des gaz chimiques en Syrie</a>, de <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/ukrainealert/all-roads-lead-to-ukraine-in-putins-global-hybrid-war/">l’invasion de l’Ukraine</a> ou de la <a href="https://euvsdisinfo.eu/report/no-evidence-of-russian-role-in-skripal-poisoning/">tentative d’assassinat de Sergeï Skripal</a>. </p>
<p>Pas à cause de la tentative d’assassinat en elle-même : <a href="https://www.rferl.org/a/russia-baburova-killing-five-years/25234950.html">Babourova</a>, <a href="https://www.opendemocracy.net/en/odr/remember-fight-legacy-russian-activist-lawyer-stanislav-markelov/">Markelov</a>, <a href="https://www.theguardian.com/world/2016/oct/05/ten-years-putin-press-kremlin-grip-russia-media-tightens">Politkovskaïa</a>, <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2019/07/15/russie-dix-apres-le-meurtre-de-natalia-estemirova-la-justice-na-toujours-pas-ete">Estemirova</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2019/08/27/la-cedh-condamne-lourdement-la-russie-dans-l-affaire-magnitski_5503328_3210.html">Magnitsky</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/27/des-milliers-de-russes-rendent-hommage-a-l-opposant-boris-nemtsov-assassine-en-2015_6071426_3210.html">Nemtsov</a> n’ont pas eu droit au dixième des réactions suscitées par Navalny. Pas en raison de la parodie de justice, si commune et ancienne pour frapper les dissidents.</p>
<p>Mais parce que Navalny a <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/22/soutiens-a-alexei-navalny-la-russie-se-felicite-d-avoir-obtenu-la-suppression-de-messages-illegaux_6067288_3210.html">su rallier des millions de Russes à son combat contre la corruption</a> et que, s’il est incapable de faire tomber Poutine, il fut capable de le <a href="https://monocle.com/radio/shows/the-foreign-desk/372/">faire chanceler</a> et de le <a href="https://theconversation.com/alexei-navalny-leads-russians-in-a-historic-battle-against-arbitrary-rule-with-words-echoing-catherine-the-great-154717">ridiculiser en public</a>. Peut-être certains dirigeants occidentaux ont-ils enfin pris conscience du fait que Poutine n’incarnait pas la Russie.</p>
<h2>Le changement est-il possible en Russie ?</h2>
<p>D’abord, ne nous faisons pas d’illusions : l’ampleur du système répressif poutinien et son verrouillage total du processus électoral ne laissent guère entrevoir une chute de Poutine sous la pression de la rue <a href="https://www.svoboda.org/a/31122881.html">malgré la baisse de son taux de popularité</a>. Les dernières manifestations ont été <a href="https://www.euronews.com/2021/02/08/russia-protests-moscow-prisons-overcrowded-after-weeks-of-arrests">réprimées avec une intensité sans précédent</a>, à la fois en termes de violence et de condamnations par une justice aux ordres. Poutine dispose des moyens sécuritaires pour continuer sans aucune limite.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1356301289391607819"}"></div></p>
<p>Il en va de même pour <a href="https://ecfr.eu/article/the-russia-strategy-europe-needs/">l’argument de la démographie</a> et de la fuite des cerveaux <a href="https://moderndiplomacy.eu/2021/02/03/moment-of-truth-russia-faces-demography-crisis/">qui font l’objet de scénarios sombres</a>, de l’économie en <a href="https://www.worldbank.org/en/news/press-release/2020/07/06/russian-economy-faces-deep-recession-amid-global-pandemic-and-oil-crisis-says-new-world-bank-report">difficulté</a> et de la catastrophe sociale qu’illustrent notamment la <a href="https://www.themoscowtimes.com/2019/07/30/21m-russians-live-in-poverty-official-data-says-a66618">grande pauvreté croissante en Russie</a> et le <a href="https://www.telegraph.co.uk/global-health/climate-and-people/like-something-horror-movie-russias-healthcare-crisis-accelerates/">délabrement du système de soins</a>. Tout cela n’empêchera pas Poutine de se maintenir au pouvoir, s’il en a les capacités physiques, <a href="https://www.themoscowtimes.com/2020/12/23/russia-moves-to-formally-allow-putin-to-stay-in-power-a72463">jusqu’en 2036</a>.</p>
<p>Enfin, il est extrêmement difficile pour un tel régime d’évoluer vers un système démocratique et transparent. Le nombre de personnes, à tous les niveaux et d’abord au sommet, qui ont un intérêt personnel au maintien du système est trop fort. <a href="https://foreignpolicy.com/2019/09/16/russias-future-is-still-in-the-hands-of-putins-cronies/">Ces mêmes personnes</a> ont tout à perdre à une justice indépendante qui ferait la lumière sur leurs agissements tant en termes de répression que d’enrichissement illicite.</p>
<p>C’est pourtant là, <a href="https://www.foreignaffairs.com/articles/ukraine/2021-01-19/how-contain-putins-russia">au-delà d’un soutien opérationnel à l’Ukraine</a> et au <a href="https://cepa.org/belarus-future-3/">peuple du Bélarus</a>, que se trouve le levier possible de l’Occident s’il entend accompagner un changement de régime. D’abord, sanctionner les proches de Poutine de manière <a href="https://www.eutalk.eu/2021/02/26/slava-rabinovich-sanctionner-10-000-familles-est-la-cle-pour-mettre-fin-au-regime-de-poutine/">beaucoup plus complète</a> qu’<a href="https://www.capital.fr/economie-politique/des-proches-de-vladimir-poutine-sanctionnes-par-lunion-europeenne-1383265">aujourd’hui</a> est leur envoyer un signal : ils pourront l’abandonner d’autant plus aisément que son maintien au pouvoir nuit à leurs intérêts. </p>
<p>Ensuite, il nous faudra accompagner une transition de manière pragmatique, y compris sans doute, moyennant une restitution de biens, en garantissant un effacement partiel des délits passés. Enfin, nous devrons accompagner, de manière <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2002-1-page-144.htm">moins dogmatique que lors des années Eltsine</a>, la transition vers une économie prospère et libre tout en renforçant le filet de protection sociale, plus urgent que jamais pour le peuple russe.</p>
<p>Mais sommes-nous vraiment prêts pour engager cette action pacifique vers l’après ?</p>
<h2>Conscience imparfaite, action incomplète</h2>
<p>Pour autant, devons-nous attendre un changement majeur et décisif de la part des pays occidentaux ? Peut-être faut-il, une seconde, revenir à la Syrie. Que les dirigeants démocratiques n’aient pas saisi, <a href="https://www.huffingtonpost.fr/nicolas-tenzer/vladimir-poutine-guerre-russe-syrie-change-ordre-du-monde-XXI-e-siecle_a_21630935/">au moins en raison de ses actes en Syrie</a>, la nature du régime de Poutine laisse perplexe. L’invasion d’une partie du Donbass ukrainien et l’annexion de la Crimée étaient certes des événements inquiétants. Mais l’intervention des forces russes en Syrie à compter de l’automne 2015 marquait autre chose : l’affirmation qu’une puissance membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies pouvait commettre, de manière massive, des crimes de guerre, susceptibles d’entraîner la poursuite de leurs responsables devant la Cour pénale internationale, sans ni désignation, ni condamnation directe par les démocraties.</p>
<p>De même, <a href="https://sn4hr.org/blog/2020/07/17/55263/">par ses 16 vetos</a>, le plus souvent avec le soutien de la Chine, la Russie a à la fois empêché l’acheminement d’une aide humanitaire indépendante aux réfugiés et la condamnation des crimes contre l’humanité du régime Assad. Elle a, par là, <a href="https://theconversation.com/syrie-penser-apres-homs-alep-idlib-la-ghouta-93995">érodé la notion même de ces crimes dans l’esprit des dirigeants et des opinions de l’Ouest</a> alors qu’ils sont le fondement de notre conscience historique.</p>
<p>Que vaudrait une alarme nouvelle à propos de Navalny qui ne ferait pas un examen sans complaisance de notre faute passée ? Si nous devenons plus fermes désormais sans comprendre en quoi nous avons failli, en particulier sur la Syrie, nous n’aurons accompli qu’un trop court chemin.</p>
<p>Pour l’instant, nous restons au milieu du gué. Il n’est guère de différences entre les condamnations et les sanctions plus anciennes, en particulier sur l’Ukraine ou l’affaire Skripal, et les déclarations actuelles et notamment les <a href="https://www.liberation.fr/international/europe/face-a-la-russie-la-riposte-mesuree-de-lue-20210222_PU6NMXV5URB6DCNYKZ56DCSZGI/">sanctions, mesurées</a>, dont le principe a été décidé par le <a href="https://www.politico.eu/article/eu-foreign-ministers-push-new-russia-sanctions/">Conseil Affaires étrangères de l’Union européenne le 22 février 2021</a>. Certes, certains remarquent que c’est la première fois que <a href="https://euobserver.com/foreign/151019">l’Union fait usage de son nouveau régime de sanctions dit « Magnitsky »</a>, et c’est un précédent bienvenu. </p>
<p>D’autres considèrent que les propos de Josep Borrell, contrecoup de son humiliation publique lors de son <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/feb/11/eu-chiefs-moscow-humiliation-is-sign-of-bloc-disunity-on-russia-say-experts">déplacement du 5 février à Moscou</a>, insistant sur la <a href="https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/93618/foreign-affairs-council-press-remarks-high-representativevice-president-josep-borrell_en">position de confrontation cherchée par le Kremlin</a>, vont plus loin que les précédentes déclarations des responsables européens. </p>
<p>De son côté, Joe Biden a reconnu dans les termes les plus clairs le <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/speeches-remarks/2021/02/19/remarks-by-president-biden-at-the-2021-virtual-munich-security-conference/">danger global que représentait le régime du Kremlin</a>, même si les <a href="https://www.state.gov/imposing-sanctions-on-russia-for-the-poisoning-and-imprisonment-of-aleksey-navalny/">premières sanctions personnelles</a> décidées restent encore assez restreintes. D’autres <a href="https://www.atlanticcouncil.org/blogs/new-atlanticist/three-big-takeaways-from-bidens-first-russia-sanctions/">pourraient toutefois suivre</a>.</p>
<p>Or, les résultats sont comptés en termes d’action : <a href="https://www.politico.eu/article/clouds-gather-over-nord-stream-2/">l’Allemagne n’a pas renoncé à Nordstream 2</a> dont chacun reconnaît à la fois le <a href="https://globalsecurityreview.com/nord-stream-2-pipeline-threatens-european-energy-security/">danger pour l’Union européenne et l’Ukraine</a> et l’avantage stratégique que sa mise en service donnerait à Moscou, lui octroyant aussi des ressources supplémentaires pour financer ses actions d’agression et de propagande extérieures. Avec une majorité écrasante, le <a href="https://www.dw.com/en/european-parliament-calls-for-halt-on-nord-stream-2-construction-after-navalny-arrest/a-56305956">Parlement européen a ainsi demandé l’arrêt du projet</a>. Or, le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/26/nord-stream-2-le-gazoduc-russe-qui-seme-la-zizanie-en-europe_6071337_3210.html">reste de l’UE</a> ne s’est pas uni pour y contraindre l’Allemagne et, à ce jour, certains s’alarment d’une position <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/les-etats-unis-constatent-des-progres-dans-le-dossier-nord-stream-2-et-demandent-des-mesures-supplementaires/">moins ferme de Washington en termes de sanctions</a>.</p>
<p>L’Union n’a pas mis en place non plus un mécanisme pour geler ou même saisir les biens et avoirs des oligarques russes et autres personnalités du premier cercle de Poutine dont une <a href="https://eu.usatoday.com/story/opinion/2021/01/30/vladimir-putin-alexei-navalny-russia-sanctions-us-column/4314973001/">liste circonstanciée avait été proposée par Vladimir Achourkov</a>, directeur de la Fondation anti-corruption créée par Navalny. On pourrait ajouter une certaine <a href="https://ecfr.eu/publication/crimintern_how_the_kremlin_uses_russias_criminal_networks_in_europe/">mansuétude dans plusieurs pays européens</a> envers les relais du Kremlin et la <a href="https://www.npr.org/sections/parallels/2018/04/18/601825131/why-putins-pal-germanys-ex-chancellor-hasnt-landed-on-a-sanctions-list ?t=1614766893295">quasi-absence d’enquête</a> sur les <a href="https://www.voanews.com/europe/new-reports-highlight-russias-deep-seated-culture-corruption">réseaux de corruption</a> qu’<a href="https://www.csce.gov/international-impact/russia-s-weaponization-corruption-and-western-complicity ?page=2">il entretient</a>.</p>
<p>Il est dès lors difficile de ne pas accréditer l’hypothèse d’une conscience imparfaite de la nature de la menace et de la profondeur de sa pénétration au sein d’une partie des élites européennes qui expliquerait la frilosité de l’action.</p>
<h2>Pourquoi sommes-nous faibles ?</h2>
<p>Trois raisons peuvent expliquer ce caractère timoré de la réaction occidentale.</p>
<p>La première est une forme de corruption de l’esprit de certains milieux proches des cercles du pouvoir dans certains pays européens. Cette corruption n’est pas toujours légalement punissable : travailler pour une société russe, même lorsqu’on est un ancien haut responsable politique comme <a href="http://www.slate.fr/story/152039/gerhard-schroder-ami-kremlin">Gerhard Schröder</a>, n’est pas nécessairement illégal. Recevoir une rémunération pour des actions d’influence de la part de sociétés proches du pouvoir russe ne l’est pas toujours non plus si l’on n’est pas, ou plus, un agent public. Même en droit français, la frontière est parfois malaisée à appréhender entre le lobbying, le <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/01/15/une-enquete-ouverte-contre-nicolas-sarkozy-pour-trafic-d-influence-dans-le-cadre-d-activites-de-conseil-pour-un-groupe-russe_6066394_3224.html">conseil et le trafic d’influence</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"913780016286183424"}"></div></p>
<p>Dans la plupart des pays européens, les <a href="https://www.bruegel.org/wp-content/uploads/imported/news/EMBARGOED_How_Transparent_are_Think_Tanks_Transparify_07May2014_.pdf">centres de recherche privés ou fondations</a> par exemple peuvent aussi, en toute légalité, recevoir de l’argent d’une puissance étrangère sans être, à ce jour, tenues de la révéler. Si les journalistes européens sont en général soumis à un code de déontologie qui prohibe de recevoir cet argent sans en révéler l’origine, il n’est pas toujours aisé de le faire appliquer. Or, jusqu’à présent, la plupart des pays européens semblent rechigner à durcir leur législation, à exiger une transparence totale, voire à diligenter des enquêtes. Cela rend les milieux politiques potentiellement soumis à ce type d’actions des régimes autoritaires étrangers. Un renforcement d’ampleur de l’arsenal juridique anti-corruption, <a href="https://www.americanprogress.org/issues/security/reports/2021/02/26/495402/turning-tide-dirty-money/">comme certains le proposent</a>, doit être la priorité absolue.</p>
<p>La deuxième raison tient au manque de connaissance directe de la nature du régime russe de la part des conseillers des dirigeants – <a href="https://www.voanews.com/europe/diplomats-biden-administration-likely-sharpen-bite-russia-sanctions">l’administration Biden étant une exception notable</a>. Cela conduit à des récits inadaptés, fondés notamment sur une appréhension romantique de la Russie à partir de données historiques, géographiques et culturelles, et non d’une analyse politique. Il n’est pas fortuit que certains propagandistes doux cherchent à vendre ces <a href="https://theconversation.com/le-retour-dune-geopolitique-archa-que-serait-un-desastre-strategique-124818">vieilles lubies géopolitiques</a> pour <a href="https://www.political.fr/single-post/discours-hubert-v %C3 %A9drine">justifier un nouvel engagement avec le Kremlin</a>. Cette inintelligence du régime a conduit à des <a href="https://ecfr.eu/article/why-attempts-to-reset-relations-with-russia-always-fail/">tentatives de réengagement aventureuses</a> et <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2021/02/18/carl-bildt-russia-reset-putin/">vouées à l’échec</a> dont le résultat premier est d’ailleurs d’affaiblir, de diviser et donc de menacer l’Europe. Les mêmes conseillers ne semblent aucunement formés à la manière dont les récits malencontreux peuvent <a href="https://theconversation.com/la-guerre-de-linformation-russe-pour-une-reponse-globale-60762">nourrir la propagande</a>.</p>
<p>Une troisième raison illustre ce point : une pratique diplomatique courante conduit certains responsables à séparer les sujets. On en retrouve la trace dans les <a href="https://www.euronews.com/2021/02/04/josep-borrell-eu-s-foreign-affairs-chief-visits-russia-amid-navalny-jailing-fallout">propos récents de Josep Borrell</a> qui peut dire dans une même phrase qu’on peut être ferme envers la Russie sur ses atteintes aux droits fondamentaux et ses menaces à l’encontre de l’Europe et, en même temps, poursuivre des coopérations sur, par exemple, l’environnement et la santé. Ce discours est aussi fréquent envers la Chine. Or, lorsqu’il concerne un régime dictatorial habitué à la propagande, il lui offre des armes. Il conduit à diminuer dans l’opinion l’intensité et la portée de ses crimes en même temps qu’il nous place dans une situation de dépendance.</p>
<p>Espérons qu’une nouvelle épreuve plus terrible ne nous oblige pas à un apprentissage trop tardif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Tenzer est aussi président du Centre d'étude et de réflexion pour l'action politique (CERAP), un think tank français neutre politiquement et indépendant de tout parti et groupe d'intérêts. </span></em></p>L’arrivée d’une nouvelle administration à Washington et les manifestations à Moscou pour réclamer la libération d’Alexeï Navalny peuvent-elles déstabiliser l’homme fort de Moscou ?Nicolas Tenzer, Chargé d'enseignement International Public Affairs, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1036192018-10-21T19:35:06Z2018-10-21T19:35:06ZCes fantômes qui (d)énoncent l’Histoire<p><Souvenirs vivaces, présences qui font irruption et qui s’imposent au quotidien : les fantômes des répressions staliniennes ou ceux des milliers de migrants disparus au large des côtes de Lampedusa questionnent aujourd’hui ce que la présence des morts en grand nombre, qui parfois s’imposent aux vivants, implique dans une société.</p>
<p><strong>Elisabeth Bernard</strong> et <strong>Antoine Briand</strong>, inscrits à l’École Doctorale Milieux, Cultures et Sociétés du Passé et du Présent de l’université Paris Nanterre ont rencontré l’anthropologue <a href="https://lesc-cnrs.fr/cb-profile/userprofile/190">Sarah Carton de Grammont</a>, et la politologue <a href="https://durkheim.u-bordeaux.fr/Notre-equipe/Chercheurs-et-enseignants-chercheurs-associes/CV/Evelyne-Ritaine">Évelyne Ritaine</a>.</p>
<h2>Double discours</h2>
<p>Les morts sont toujours là et se rappellent constamment aux vivants : ce que Sarah Carton de Grammont nomme « la présence des absences ». Alors que les défunts de la <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2010/05/08/la-russie-celebre-la-grande-guerre-patriotique-unique-rescapee-de-l-ere-sovietique_1348502_3214.html">Grande Guerre patriotique</a> sont célébrés et commémorés au cours de cérémonies collectives, les disparus des purges staliniennes sont laissés dans l’ombre.</p>
<p>Tandis que les uns rappellent une époque d’héroïsme collectif, les autres ravivent les souvenirs de la menace du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/NKVD">NKVD</a> (Commissariat du peuple aux Affaires intérieures, organisme d’État qui envoyait les délateurs dans les camps), ainsi que toutes les dénonciations entre voisins (menace constante à cette période).</p>
<p>Dans le quartier de Sokol où Sarah Carton de Grammont mène ses recherches, n’évoque-t-on pas les morts des purges, si ce n’est à demi-mot ou sur le ton de la confidence ? La version officielle, publique et collective du passé contraste ainsi avec une autre version qui reste implicite et les relations de voisinage s’entremêlent avec les fantômes du passé soviétique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=403&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240586/original/file-20181015-165900-14lv8ws.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">District de Sokol, Moscou, Russie, 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/32/Sokol_District%2C_Moscow%2C_Russia_-_panoramio_%2863%29.jpg/1024px-Sokol_District%2C_Moscow%2C_Russia_-_panoramio_%2863%29.jpg">Svetlov Artem/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Évelyne Ritaine constate aussi ce processus de double discours <a href="https://www.cairn.info/revue-cultures-et-conflits-2015-3-page-117.htm">dans ses recherches sur les morts des migrations en Méditerranée</a>, sur les côtes de Lampedusa.</p>
<p>Le terme <em>fantôme</em> apparaît pour la première fois dans l’ouvrage <a href="https://www.lemonde.fr/a-la-une/article/2006/12/23/les-fantomes-de-portopalo_848932_3208.html?"><em>Les fantômes de Portopalo</em></a> (2004) du journaliste italien Giovanni M. Bellu.</p>
<p>C’est notamment grâce à cette publication que le scandale humanitaire est exposé au grand jour. Celui-ci évoque le <a href="https://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20131107.OBS4601/enquete-sur-un-naufrage-fantome.html">naufrage du 24 décembre 1996</a>, près des côtes siciliennes, ayant entraîné la disparition de près de 250 personnes. Il s’indigne de l’omission volontaire de l’événement, tant par les politiques publiques que par les pêcheurs qui repêchaient les cadavres et qui, pour ne pas compromettre leur activité professionnelle, adoptaient le silence prescrit par les directives étatiques. Toutefois, c’est avec le <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2013/10/03/naufrage-meurtrier-d-une-embarcation-de-migrants-pres-de-lampedusa_3488951_3214.html">naufrage de 2013</a>, qui défraye la chronique journalistique, que les victimes de la traversée deviennent une problématique nationale, puis internationale. Cette fois, les cadavres s’échouent sur les plages de l’île et les habitants doivent alors s’occuper de ces morts qui ne sont pas les leurs.</p>
<p>À Sokol comme à Lampedusa, ces fantômes métaphoriques se caractérisent par leur caractère insaisissable. Leur évocation dérange, et les morts deviennent des témoins de l’histoire parfois honteuse des sociétés. Ils font planer sur les vivants la culpabilité d’avoir été complices de politiques meurtrières, que ce soit par la fermeture des frontières et l’inaction des États européens face au devenir des migrants ou par le souvenir de la délation dans le contexte soviétique.</p>
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<figcaption><span class="caption">La porte de Lampedusa.</span></figcaption>
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<h2>Anonymes défunts</h2>
<p>Bien qu’ils s’immiscent dans la vie locale, les défunts sont volontairement passés sous silence et anonymisés afin que les événements auxquels ils réfèrent soient oubliés. Mais les fantômes n’en sont pas moins des revenants qui hantent les sociétés qui les ont produits.</p>
<p>Le quotidien des habitants de Lampedusa est depuis les années 1990 une confrontation permanente avec la mort, ce qui ne manque pas de générer des réactions divergentes de leur part. À l’instar des pêcheurs de Portopalo, une partie de la population fait comme si de rien n’était, en continuant à promouvoir les activités touristiques de l’île.</p>
<p>En outre, les rescapés sont débarqués discrètement dans des ports excentrés des zones publiques. <a href="https://blogs.mediapart.fr/association-gisti/blog/180916/migrants-engloutis-en-mer-faire-emerger-la-responsabilite-des-etats">Les pouvoirs publics effacent les traces des naufrages</a> et les cimetières de bateaux sont vidés de leurs nombreuses épaves.</p>
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<figcaption><span class="caption">Cimetière d’épaves, Lampedusa.</span></figcaption>
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<p>En Russie, le <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2009-2-page-83.htm">musée de Sokol</a>, créé à l’initiative des habitants du quartier moscovite est, selon Sarah Carton de Grammont, une véritable mise en scène du quartier et du quotidien des individus. Si les références aux héros de la guerre ne manquent pas, le musée évoque en à peine quelques phrases les victimes des répressions staliniennes.</p>
<p>La muséologie de Sokol et la question de la visibilité des corps à Lampedusa posent ainsi question : comment faire le récit d’un événement ou d’un passé qui ont encore du mal à être acceptés et assumés par les populations ? Il est difficile de mettre en valeur un événement traumatique, quelque chose qui fait tache. « Dans la fabrique de la patrimonialisation, ça ne passe pas », indique Sarah Carton de Grammont. C’est précisément cette absence de représentation qui change les morts de Sokol et de Lampedusa en fantômes.</p>
<h2>Quand les morts se politisent</h2>
<p>Des initiatives locales, critiquant les décisions politiques jugées blâmables, émergent cependant pour que les morts ne tombent pas dans l’oubli. Évelyne Ritaine évoque un <em>flash mob</em> organisé par Amnesty International en 2012 sur les plages de Lampedusa, mettant en scène des gens portant des draps et sortant de l’eau.</p>
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<figcaption><span class="caption"><em>Flash mob</em> organisé par Amnesty International en 2012.</span></figcaption>
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<p>L’artiste-plasticien danois Nikolaj B. Skyum Larsen imagine la performance « End of Dream » : des formes humaines enveloppées dans des linceuls, plongées dans la mer, pour rendre compte du traumatisme inhérent au périple des migrants. Des habitants de l’île et des ONG se mobilisent pour la création d’une mémoire collective et partagée. Des objets retrouvés sur les côtes sont collectés et présentés comme œuvres muséales : ils s’incorporent alors dans un désir de mémorialisation de la réalité des dangers de la migration. De la même manière, la stèle commémorative de Sokol célèbre les morts tombés au combat. « La guerre a été vécue dans un grand élan collectif de mobilisation », commente Sarah Carton de Grammont : elle mobilise tout le monde tant sur le plan politique qu’idéologique.</p>
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<figcaption><span class="caption">End of dream, 2015.</span></figcaption>
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<p>À Lampedusa, les <a href="https://lafelicitta.wordpress.com/2014/06/19/lampedusa-memoire-migrants-histoire/">dispositifs de commémoration</a> des morts se ritualisent. Dans les « Jardins de la mémoire », les militants plantent un arbre pour chaque migrant disparu et lui attribuent un nom pour chaque identité retrouvée entre autres grâce à l’identification médico-légale. Le naufrage de 2013 est commémoré par des jets de fleurs et de sel sur les plages chaque année.</p>
<p>Par contraste, les grandes funérailles nationales en hommage aux morts de ce naufrage, annoncées par le gouvernement, ne furent jamais organisées. Comme le conclut Évelyne Ritaine, sur l’île, la pratique mémorielle est toujours à l’initiative des militants et non à celle des pouvoirs politiques.</p>
<p>À Sokol, c’est un banquet annuel pour les vétérans qui honore les défunts, en leur réservant une place physique, une part de pain noir et un verre de vodka. Il s’agit de rendre hommage aux morts, mais également de célébrer les vétérans, « ceux qui seront bientôt morts ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240587/original/file-20181015-165905-15t5b4b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Banquet pour les Sokoliens Vétérans de la Grande Guerre patriotique organisé par le Soviet d’autogestion au musée de Sokol, 9 mai 2000.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2009-2-page-83.htm">Sarah Carton de Grammont</a></span>
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<p>Ils sont célébrés comme s’ils appartenaient déjà à un passé particulièrement lourd. Ainsi, la commémoration de la guerre a aussi pour but de faire comprendre aux jeunes russes que la vieille génération a vécu et traversé de nombreux événements traumatiques et de leur transmettre le sentiment de perte éprouvé depuis cette période : « la Révolution de 1905, celle de 1917, 1914-1917, la Nouvelle politique économique (NEP), Staline, la Grande Guerre Patriotique, le Siège de Leningrad […] » écrit Sarah Carton de Grammont. Une violence historique qui explique le rapport particulier des Russes avec leurs personnes âgées, et leur endurcissement nécessaire.</p>
<h2>Restaurer l’individualité des fantômes</h2>
<p>Le fantôme est hybride, une entité individuelle possédant une forte dimension collective. À Sokol et à Lampedusa, les initiatives mises en œuvre et les discours locaux tendent en outre à redonner leur individualité à ceux qui ont disparus, afin qu’ils retrouvent leur juste place dans l’histoire en tant que personnes à part entière.</p>
<p>Sur l’île italienne, face à l’euphémisation des conséquences de la migration par le gouvernement, les militants oeuvrent à travers des dispositifs engagés dans le but de rendre compte d’une réalité plus funeste. En mettant en scène le vécu des rescapés et des morts, les espaces mémoriels transmettent le caractère émotionnel lié à l’expérience faite de la surreprésentation des morts à Lampedusa.</p>
<p>Alors que le fantôme anonyme est facilement oubliable, celui qui retrouve sa biographie heurte brutalement la conscience des vivants. Les populations confrontées aux histoires concrètes de ces spectres, parce que directement affectés, y sont plus sensibles. L’exemple du jeune Aylan est frappant. Le corps sans vie du garçon retrouvé sur les côtes turques en septembre 2015 avait fait scandale dans le monde entier. « L’émotion collective accroche à l’événement. Tant qu’il n’y a pas d’identité, la réaction émotionnelle n’a pas lieu », note Evelyne Ritaine.</p>
<p>L’identité personnelle (re)trouvée confère une prise sur l’histoire. Dans ce cadre, les injonctions officielles au silence accentuent ces présences en les rendant pesantes et insidieuses, jusqu’à s’inviter chez les individus notamment par la culpabilité qu’ils ressentent.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-cultures-et-conflits-2015-3-page-99.htm">Lampedusa est un théâtre</a>, comme le rappelle l’universitaire Paolo Cuttitta, où la dimension insulaire exacerbe la violence qui s’y déroule, de part la cohabitation forcée entre les six mille habitants de l’île et les migrants, les journalistes, les gardes-frontières et les policiers.</p>
<p>À Sokol, c’est un véritable huis clos qui s’installe entre les locataires moscovites et les fantômes qui les (pour)suivent, rappels d’une époque où chaque voisin pouvait être dénoncé ou dénonciateur. Les fantômes mettent ainsi les vivants face à leur responsabilité dans les conditions de leurs décès, dénonçant de cette manière le contexte social et politique au sein duquel ces atrocités sont permises : « Je crois que là est le fantôme qui reproche sa mort », avance Évelyne Ritaine.</p>
<p>Pas forcément visibles, ni nécessairement violents, les fantômes de Sokol et de Lampedusa se caractérisent par la puissance avec laquelle ils influencent les comportements des vivants, et par la brutalité psychologique qu’ils leur infligent. À Lampedusa, les locaux et les migrants rescapés vivent aujourd’hui en état de choc.</p>
<p>Quant aux habitants de Sokol, Sarah Carton de Grammont reconnaît que certains s’enferment dans une folie, en proie à un mal-être psychologique face au poids d’une histoire douloureuse, individuelle et partagée. « Ce n’est pas parce que les morts sont morts qu’ils ne nous manquent pas tous les jours ; ils ne sont pas morts justement ».</p>
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<p><em>Cet article est co-publié avec le <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/">blog de la revue Terrain</a>. Il a été rédigé par Elisabeth Bernard et Antoine Briand, doctorants en anthropologie, dans le cadre de la formation à la recherche à l’Université Paris Nanterre, en partenariat avec le <a href="http://passes-present.eu/fr/anthropole-ecran-43498">projet Anthropôle</a>. Les lecteurs intéressés par la thématique des frontières peuvent aussi consulter le <a href="https://enigmur.hypotheses.org/">site Enigmur</a> ou sa page <a href="https://www.facebook.com/enigmur">Facebook</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laure Assaf est membre du comité éditorial de la revue Terrain.</span></em></p>Comme la présence de morts, en grand nombre, affecte-t-elle toute une société ? Entretiens croisés de Lampedusa, en Italie, à Sokol, en Russie.Laure Assaf, Assistant Professor of Arab Crossroads Studies and Anthropology , NYU Abu Dhabi, chercheuse associée LESC, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/970522018-05-27T19:50:27Z2018-05-27T19:50:27ZLa Russie, terre promise de l’extrême droite française ?<p>Le premier voyage d’Emmanuel Macron en Russie <a href="https://theconversation.com/debat-comment-parler-avec-la-russie-de-poutine-97005">rappelle au réel</a> une stratégie d’<a href="https://www.carnegiecouncil.org/publications/articles_papers_reports/russian-soft-power-in-france">influence russe</a> qui, lors de la campagne présidentielle française de 2017, avait paru amplement jouer la carte de l’extrême droite.</p>
<p>En France, l’orientation à l’Est touche l’ensemble des structures d’une extrême droite historiquement morcelée mais depuis plus de trente ans dominée par le Front national (FN).</p>
<p>Ce mouvement est souvent présenté comme une rupture dans l’histoire des extrêmes droites.</p>
<p>Le rapport intitulé « Les extrêmes droites françaises dans le champ magnétique de la Russie » que nous venons de publier pour le <a href="https://www.carnegiecouncil.org/programs/Russian-Soft-Power-in-France">programme</a> sur le <em>soft power</em> russe en France du Carnegie Council et des Fondations Open Society, cherche à montrer que la question n’est pas conjoncturelle mais structurelle.</p>
<h2>La Russie sans les soviets</h2>
<p>Bien avant le tropisme pro-russe du FN, on retrouve chez divers collaborationnistes ayant continué à militer après la Seconde Guerre mondiale (avec la constitution d’<a href="https://www.academia.edu/31967450/De_Jeune_Europe_au_Front_Europ%C3%A9en_de_Lib%C3%A9ration_%C3%A9tude_compar%C3%A9e_des_internationales_nationalistes-r%C3%A9volutionnaires">Internationales</a> comme le Mouvement social européen, le Nouvel ordre européen ou Jeune Europe) une idéologie visant à dépasser les antagonismes entre Européens au bénéfice d’une <a href="https://www.huffingtonpost.fr/nicolas-lebourg/pourquoi-la-geopolitique-a-toujours-interesse-le-front-national_b_8837802.html">construction continentale</a>. Pour la plupart, ces mouvements reprennent l’expression de « nationalisme-européen » pour qualifier leur idéologie, selon une formule venant de la propagande collaborationniste.</p>
<p>Entre autres, le développement de l’antisionisme dans l’Union soviétique après l’affaire du <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2006/04/20/staline-et-le-complot-des-blouses-blanches_763505_3260.html">complot des blouses blanches</a>“ en 1953, les a ensuite convaincus – tout comme les jeunes militants qu’ils formaient – que la Russie pouvait protéger l’Europe de « l’impérialisme américano-sioniste » qui <a href="http://books.openedition.org/pupvd/546">viserait à établir</a> une gouvernance globalisée du monde.</p>
<p>Cette attirance pour la Russie socialiste était souvent <a href="http://www.slate.fr/story/151466/dieudonne-coree-du-nord-anti-imperialisme">comprise</a> comme une évolution de l’extrême droite, qui se serait « gauchisée », alors qu’elle était pourtant la conséquence d’une fidélité aux dogmes les plus intransigeants de l’extrême droite radicale quant à la primeur d’un monde à organiser en grands ensembles ethno-culturels.</p>
<p>Ce fut une erreur analogue qui fut commise quand les radicaux se prirent de passion pour la Russie, une fois l’hypothèse communiste levée par la chute du Mur de Berlin.</p>
<p>Il est vrai que le mythe entretenu par certaines figures de l’extrême droite radicale quant à leur engagement antérieur à gauche contribue à cette illusion : <a href="https://www.lemonde.fr/week-end/visuel/2011/04/08/francois-duprat-une-histoire-de-l-extreme-droite_1504004_1477893.html">François Duprat</a> co-fondateur du FN et son vrai-faux passé trotskiste, l’essayiste <a href="https://www.lesinrocks.com/2015/09/02/actualite/qui-est-vraiment-alain-soral-gourou-dextreme-droite-ou-businessman-du-web-11770809/">Alain Soral</a> hypertrophiant son histoire avec le Parti communiste français, etc.</p>
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<figcaption><span class="caption">Alain Soral, parmi ses nombreuses vies, aurait été conseiller « mode », « artiste » et apparemment « communiste » ( (archives INA).</span></figcaption>
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<p>Dans les rapprochements est-ouest des radicaux effectués lors de la dislocation de l’Union soviétique, une part de l’intelligentsia française imagina voir un « complot rouge-brun ». Cette dénomination est née en Russie en 1992 pour fustiger le Front de salut national, qui regroupait l’extrême droite populiste et les conservateurs communistes. En France elle ne correspond qu’à un fantasme.</p>
<p>Il s’agissait surtout du magnétisme d’une idéologie <a href="https://journals.openedition.org/monderusse/8437">néo-eurasiste</a> russe proposant une nouvelle construction organique des sociétés ethno-culturelles de l’Islande au Pacifique.</p>
<p>Construire une unité politique de « Reykjavik à Vladivostok » fait partie des utopies certes minoritaires de l’extrême droite radicale européenne, mais existe de longue date. Il était alors rationnel que ses partisans espèrent que la fin de l’Union soviétique puisse ouvrir une voie en ce sens.</p>
<p>C’est ce néo-eurasisme qui a motivé certains soutiens de l’extrême droite européenne à la guerre contre l’Ukraine à partir de 2014 – au sein de l’extrême droite française, le Groupe Union Défense (GUD) a été une <a href="http://www.europemaxima.com/compte-rendu-de-la-premiere-reunion-paneuropa-2e-partie-par-olena-semenyaka/">des rares organisations</a> à soutenir le camp ukrainien, le FN allant jusqu’à rompre ses relations avec son parti-frère local.</p>
<h2>Rejet du monde multipolaire</h2>
<p>En effet, le soutien à la Russie parcourt l’ensemble de ces courants extrémistes de droite, de la <a href="http://www.liguedefensejuive.com/poutine-lukraine-et-les-juifs-sans-langue-de-bois-2014-06-12.html">Ligue de Défense Juive</a> à Égalité & Réconciliation, le mouvement antisioniste radical d’Alain Soral. D’ailleurs, après qu’Alain Soral ait rompu avec le FN en 2009, son groupe eut pour première action indépendante une <a href="http://droites-extremes.blog.lemonde.fr/2009/11/26/alain-soral-et-son-association-font-les-yeux-doux-a-poutine/">manifestation</a> pro-Poutine.</p>
<p>La LDJ et Alain Soral ont chacun vu en Vladimir Poutine un allié géopolitique. Ce n’est là contradictoire qu’en apparence, car l’ensemble de cette dynamique repose sur le désir de refonder l’ordre mondial en créant un monde multipolaire et des nations plus souveraines, une société moins multiculturelle et post-moderne, et une structuration économique moins dictée par le seul jeu des marchés.</p>
<p>Or, ce sont là des idées qui touchent au <a href="https://tempspresents.com/2013/10/07/collectif-comprendre-extreme-droite-fn-marine-lepen/">cœur idéologique</a> commun des extrêmes droites.</p>
<h2>La Russie, rempart contre le multiculturalisme</h2>
<p>À la transnationalisation du monde qu’ils rejettent, les extrémistes de droite opposent donc rationnellement une transnationalisation du politique. Après une période où, de la chute du Troisième Reich à la guerre en ex-Yougoslavie, les extrêmes droites européennes s’étaient réorganisées dans le cadre de l’<a href="http://www.msh-lorraine.fr/index.php?id=525&no_cache=1&tx_bib_pi1%5Bshow_abstracts%5D=0&tx_bib_pi1%5Bshow_keywords%5D=0&tx_bib_pi1%5Bsearch%5D%5Btext%5D=:%20IDREA&tx_bib_pi1%5Byear%5D=all&pagproj=533">espace transatlantique</a>, leur horizon d’attente s’est déplacé vers Moscou.</p>
<p>En particulier, c’est avec la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01696784">guerre du Kosovo</a> en 1999 que se répandent dans les extrêmes droites françaises les argumentaires qui font de l’islamisme le moyen d’un complot des États-Unis pour assurer leur domination.</p>
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<figcaption><span class="caption">Origines de la guerre au Kosovo, 1998, INA, journal télévisé, France 2.</span></figcaption>
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<p>Le phénomène est amplifié par la scission du FN et les élections européennes qui se déroulent la même année : des militants radicaux introduisent à l’extrême droite le discours serbe sur le totalitarisme islamiste à l’assaut de l’Europe pour justifier la scission avec un FN qui ne verrait pas qu’il existe une continuité de la « délinquance arabe » à la « menace iranienne ».</p>
<p>C’est un moment essentiel pour comprendre l’appétence française pour la Russie, dès lors perçue comme seule apte à pouvoir proposer un rempart tout à la fois contre une globalisation unipolaire sous domination américaine et contre l’islamisme. Issus des marges, ces divers thèmes ont su trouver, cahin-caha, leur chemin vers l’espace public.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fachos-2-0-ou-comment-les-idees-dextreme-droite-se-repandent-jusque-chez-vous-94192">Fachos 2.0 ou comment les idées d’extrême droite se répandent jusque chez vous</a>
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<h2>Un phénomène en devenir</h2>
<p>En la matière, Marine Le Pen a joué un rôle important. Ses propres conceptions géopolitiques doivent initialement beaucoup à l’une de ses anciennes plumes, le militant eurasiste <a href="https://www.cairn.info/resume.php?download=1&ID_ARTICLE=SCPO_CREPO_2015_01_0051">Emmanuel Leroy</a>, aujourd’hui <a href="http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/2018/04/19/25001-20180419ARTFIG00243-un-proche-de-melenchon-renonce-a-participer-a-un-colloque-controverse-sur-la-russie.php">impliqué politiquement</a> dans le Dombass et en Moldavie, via son association humanitaire, l’organisation de colloques, etc.</p>
<p>L’espoir d’un coup de pouce en termes de capitaux politiques ou financiers n’est certes pas absent. Quand Marine Le Pen vient en mai 2015 affirmer son soutien à la politique ukrainienne de la Russie à la Douma, une dépêche Sputnik, publiée en Russe et non traduite par la branche française, précise que la rencontre porte aussi sur la négociation d’un prêt, alors même que le <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/dossier-largent-russe-du-front-national">FN avait déjà perçu</a> 11 millions d’euros de fonds russes dans les mois précédents.</p>
<p>Mais on ne saurait réduire cette attraction vers l’Est aux questions financières : il ne fait pas de doute que la démocratie illibérale, telle que le modèle s’en constitue dans l’Est européen, corresponde à la pratique des institutions de la V<sup>e</sup> République que l’extrême droite promeut en France.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/vers-lorbanisation-de-leurope-94993">Vers l’orbanisation de l’Europe ?</a>
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<p>Aussi, autant la droitisation a pu être un phénomène transatlantique, autant la possibilité d’une gouvernance d’un type autoritaire nouveau <a href="https://tempspresents.com/2018/02/13/quest-ce-que-le-populisme/">amplifie ce retournement</a> vers l’Est.</p>
<p>Cette polarisation n’est donc pas conjoncturelle. L’actuelle phase de redistribution au sein des extrêmes droites françaises ne saurait rompre avec le fonctionnement tout en interactions et transferts internes de cet espace politique, permettant donc à des individus et groupes réduits de s’y mouvoir et faire valoir leurs principes et intérêts au sein d’un parti ayant désormais accès aux seconds tours électoraux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/97052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Lebourg a travaillé comme project researcher pour le programme « The Far Right in Europe and Russia’s Role and Influence », Carnegie Council for Ethics in International Affairs – Foundation Open Society Institute et comme research fellow, pour le programme « History of fascism in Europe and Eurasia », Institute for European, Russian and Eurasian Studies, George Washington University.</span></em></p>La Russie attire l’ensemble des structures de l’extrême droite française. Pourquoi tant d’amour ?Nicolas Lebourg, Chercheur associé au CEPEL (Centre d’Etudes Politiques de l’Europe Latine), Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/897072018-01-17T21:35:33Z2018-01-17T21:35:33ZQuel avenir pour les Forces démocratiques syriennes ?<p>Sous l’égide de Moscou, une nouvelle tentative de « conférence de paix », intitulée Congrès du dialogue national syrien, est prévue à Sotchi, sur les bords de la mer Noire en Russie les <a href="http://www.kurdistan24.net/en/news/0ab30f4f-05cd-48e9-8cbf-9059a356815d">29 et 30 janvier prochains</a> afin de réunir les différents acteurs du conflit syrien. Mais les tensions avec les forces kurdes impliquées minent la discussion.</p>
<p>Fin décembre, l’envoyé spécial du Président russe <a href="http://www.kurdistan24.net/en/news/0ab30f4f-05cd-48e9-8cbf-9059a356815d">Alexandre Lavrentiev</a> avait pourtant déclaré que des représentants kurdes seraient invités, notamment du Conseil national kurde représentant plus d’une <a href="http://knc-geneva.org/?page_id=49&lang=en">dizaine de partis kurde syriens</a> et qui est soutenu par le Gouvernement régional du Kurdistan au nord de l’Irak dominé par la <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/Les-Barzani.html">famille Barzani</a>. Mais le <a href="http://www.lemonde.fr/syrie/article/2017/11/13/la-relation-turco-russe-a-l-epreuve-des-kurdes-syriens_5214039_1618247.html">gouvernement turc</a> a fait pression pour que le Parti de l’Union démocratique (PYD), parti kurde syrien, ne soit pas présent. Ce dernier est considéré comme la branche syrienne du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK) honni par la Turquie, listé <a href="https://d2071andvip0wj.cloudfront.net/syrias-kurds-a-struggle-within-a-struggle.pdf">comme organisation terroriste depuis 1984</a>. Or, le PYD est la tête pensante des Unités de protection du peuple (YPG), formées à grande majorité par des Kurdes, force essentielle de la coalition des Forces démocratiques syriennes (FDS), moteur de la lutte contre Daech.</p>
<p>Avec l’aide des bombardements de la coalition internationale menée par les États-Unis, les FDS ont marqué une victoire cinglante en expulsant Daech de Raqqa en septembre 2017, et ce malgré un coût élevé aussi bien sur le <a href="https://airwars.org/news/raqqa-capture/">plan humain</a> (1 800 morts) que sur celui des <a href="https://www.irinnews.org/analysis/2017/10/23/winter-coming-who-will-rebuild-raqqa">infrastructures (80 % de la ville ont été détruits)</a>.</p>
<p>L’alliance militaire des FDS, dominée par les YPG, mais composée aussi d’Arabes, d’Assyriens et d’autres minorités ethniques de la région, compterait entre 25 000 et 50 000 combattants, avec une forte présence féminine <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Syrie-Forces-democratiques-syriennes-fer-lance-lutte-anti-EI-2017-05-16-1300847493">(plusieurs milliers de volontaires)</a>.</p>
<p>Elle contrôlait, à la fin de l’année 2017, un peu plus de <a href="https://www.romandie.com/news/Une-offensive-contre-les-Kurdes-syriens-serait-une-erreur-Mattis/876726.rom">25 % du territoire syrien</a>. Elle a également développé des relations étroites avec les États-Unis et la Russie au cours des dernières années.</p>
<p>Les régions sous le contrôle des FDS sont gouvernées par des institutions dominées par le PYD qui a décrété la création de la <a href="https://syriafreedomforever.wordpress.com/2016/11/28/le-mouvement-national-kurde-en-syrie-objectifs-politiques-controverses-et-dynamiques/">Fédération démocratique de la Syrie du Nord</a>, aussi connu <a href="http://rudaw.net/english/middleeast/syria/29122016">sous le nom de Rojava</a>, un territoire revendiquant une certaine autonomie vis-à-vis du pouvoir syrien sans remettre en cause l’unité du pays.</p>
<p>Si l’utilité militaire des Kurdes et, dans une plus large mesure, des FDS, est saluée par les États-Unis – et la Russie dans une moindre mesure – sur le plan politique, leur présence crée toujours la controverse au sein de la coalition internationale et dans la région.</p>
<h2>Un parti kurde embarrassant</h2>
<p>Depuis 2015, dans le cadre de l’intervention américaine contre Daech, l’administration Obama a d’abord soutenu les YPG, puis les FDS à leur création. Ces dernières sont rapidement devenues <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/syrie-qui-sont-les-fds-l-alliance-anti-daesh-en-marche-pour-reprendre-raqqa_1847783.html">essentielles sur le terrain</a>.</p>
<p>Moscou, de son côté, pour éviter toute confrontation violente entre les FDS menées par les forces kurdes des YPG et les forces armées turques, a créé <a href="http://www.rudaw.net/english/analysis/10092017>,">des zones tampons</a> dans certaines régions du nord du pays : Minbej en mars 2017 et Tall Rifaat en septembre 2017.</p>
<p>Or, malgré tous ses efforts sur le terrain et ces précautions stratégiques, le parti kurde syrien n’a pas reçu un traitement plus favorable de la part de la coalition internationale.</p>
<p>Ce n’est pourtant pas faute de mettre de nombreux moyens : le PYD a ainsi déployé une vaste propagande médiatique en investissant dans trois chaînes de télévision pour communiquer <a href="http://www.crisisgroup.org/%7E/media/Files/Middle%20East%20North%20Africa/Iraq%20Syria%20Lebanon/Syria/151-flight-of-icarus-the-pyd-s-precarious-rise-in-syria.pdf">sur ses activités</a>, et ce depuis le début du soulèvement populaire en Syrie, en 2011.</p>
<p>Pourtant, ni les États-Unis ni la Russie ne soutiennent l’agenda politique du mouvement, se contentant de lui apporter une aide exclusivement militaire dans la lutte contre Daech et pour stabiliser le pays dans le cadre <a href="https://uk.reuters.com/article/uk-mideast-crisis-syria-sdf/u-s-led-coalition-helps-to-build-new-syrian-force-angering-turkey-idUKKBN1F30OE">des négociations de paix menées par l’ONU</a>.</p>
<h2>Fragile soutien américain</h2>
<p>En effet, ne voulant pas encourager les ambitions autonomistes kurdes en Syrie considérées comme une menace importante pour le régime turc, Washington évite de fournir un soutien économique ou politique <a href="https://www.crisisgroup.org/middle-east-north-africa/eastern-mediterranean/syria/176-pkk-s-fateful-choice-northern-syria">aux zones contrôlées par le parti kurde syrien</a></p>
<p>Si Washington tente d’apaiser Ankara en lui déclarant <a href="https://www.crisisgroup.org/middle-east-north-africa/eastern-mediterranean/syria/176-pkk-s-fateful-choice-northern-syria>">son soutien inconditionnel</a> dans sa lutte contre le PKK (inscrit sur les listes <a href="http://www.bbc.com/news/world-europe-20971100">terroristes</a> des États-Unis et de l’UE), son attitude sur le terrain diffère quelque peu.</p>
<p>Ainsi, le 14 janvier 2018, la coalition dirigée par les États-Unis a annoncé qu’elle travaillait avec les FDS pour former une force de sécurité aux frontières afin de contrôler la frontière syrienne avec la Turquie et l’Irak. Les forces de sécurité aux frontières seraient directement commandées par les FDS et compteraient plus de 30 000 combattants, selon la coalition dirigée par les États-Unis. Le président turc Recepp Tayip Erdogan <a href="https://uk.reuters.com/article/uk-mideast-crisis-syria/erdogan-we-will-strangle-u-s-backed-force-in-syria-before-its-even-born-idUKKBN1F41HS">s’est empressé de dénoncer ces mesures</a> suivi par les autorités syriennes, russes et iraniennes.</p>
<p>Les Forces démocratiques syriennes <a href="https://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-pyd/syrian-kurdish-leaders-back-longer-u-s-role-in-syria-idUSKBN1DF14H">espèrent ainsi toujours un soutien américain sur le long terme</a>, y compris après la défaite totale de Daech ou au cas où le régime d’Assad tenterait de reprendre le contrôle des régions qu’elles tiennent. Or, Washington n’a pour l’instant fait aucune promesse en ce sens.</p>
<h2>Moscou freine les forces kurdes</h2>
<p>De son côté, Moscou a exprimé <a href="http://rudaw.net/NewsDetails.aspx?pageid=181385">à plusieurs reprises depuis 2015</a> la nécessité pour les forces kurdes des YPG de collaborer directement, et de manière plus systématique, avec les forces du régime syrien contre Daech.</p>
<p>Mais le rapprochement depuis l’été 2016 entre Recepp Tayip Erdogan et Vladimir Poutine n’a pas amélioré la situation. Ainsi, lors de l’<a href="https://www.challenges.fr/monde/la-turquie-annonce-la-fin-de-l-operation-bouclier-de-l-euphrate_463663">« Opération Bouclier Euphrate »</a> (lancée an août 2016), les forces armées turques sous couvert d’attaquer Daech ont aussi tenté de neutraliser les forces kurdes en Syrie.</p>
<p>La Russie <a href="http://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-putin-truce-idUSKBN1450NQ">avait soutenu cette campagne</a> qui, certes, s’est achevée en mars 2017 sans pour autant mettre fin à la présence militaire turque. Ankara a ainsi pu établir une zone d’influence dans le nord de la Syrie en prenant le contrôle des villes de Jarablus et al-Bab, qui étaient auparavant <a href="https://www.chathamhouse.org/sites/files/chathamhouse/publications/research/2017-09-26-post-isis-governance-jarablus-haid.pdf">sous occupation de l’EI</a>.</p>
<p>La Russie n’a pas pu – ou pas voulu – également passer outre un veto turc sur la participation du parti kurde syrien aux pourparlers de paix de janvier 2017 dans la capitale du Kazakhstan, Astana, au cours desquels les représentants de l’opposition et du régime ont rejeté toute forme d’autonomie kurde. De même, ce parti n’a d’ailleurs jamais été convié aux <a href="http://www.lesclesdumoyenorient.com/A-Astana-la-redefinition-des-rapports-de-force-dans-les-negociations-sur-la.html">conférences de paix de Genève</a>.</p>
<p>En octobre 2017, l’armée turque s’est à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1077080/troupes-turques-a-idleb-les-vrais-objectifs-dankara.html">nouveau déployé dans le nord de la Syrie</a>, dans la province d’Idlib, en installant des postes d’observation et multipliant les menaces contre la région syrienne d’Afrin, <a href="https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2016/06/turkey-syria-afrin-under-refugee-siege.html">place forte historique du parti kurde syrien</a>. Le PYD a d’ailleurs publié un <a href="https://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-pyd/syrian-kurdish-pyd-urges-action-against-turkish-bombing-of-afrin-region-idUSKBN1F60RH">communiqué le 17 janvier 2018</a> appelant les grandes puissances à faire cesser les bombardements turcs.</p>
<p>Sur le plan diplomatique, les tentatives de dialogue organisées par Moscou dans la ville de Sotchi en <a href="http://www.lemonde.fr/syrie/article/2017/11/13/la-relation-turco-russe-a-l-epreuve-des-kurdes-syriens_5214039_1618247.html">novembre</a> avaient du être reportées sous la pression d’Ankara qui refusait toute invitation aux représentants du parti kurde syrien.</p>
<h2>Les velléités kurdes effraient</h2>
<p>Au Proche-Orient, les aspirations nationales et autonomistes kurdes continuent d’effrayer. L’Iran s’aligne sur la Turquie et refuse de voir toute forme d’autonomie kurde en Syrie car cela renforcerait les velléités et aspirations de libertés de leurs propres populations kurdes. Ces dernières représentent environ 15 % de la population totale, soit 12 millions d’individus. La Turquie compterait environ 20 millions de Kurdes, soit quelque <a href="http://www.institutkurde.org/info/la-population-kurde-1232550992">25 % de la population totale</a>. Dans les deux pays, la grande majorité des mouvements politiques kurdes sont opposés aux régimes en place et militent pour davantage de démocratie et plus d’autonomie dans les régions à majorité kurde.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/202067/original/file-20180116-53317-8ezmsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Extrait d’« Afrique et mondialisation » (MOOC), répartition de la population kurde au Moyen-Orient, 2003.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://cartotheque.sciences-po.fr/media/Population_kurde_au_Moyen-Orient/2805/">FNSP/Sciences Po/David Mc Dowall</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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</figure>
<p>Force est de constater que ces demandes sont accueillies par une répression massive en <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2017/03/20/turquie-repression-lencontre-de-lopposition-kurde">Turquie</a>. En Iran, les mouvements kurdes soutiennent les manifestations actuelles <a href="http://theregion.org/article/12351-here-is-how-kurdish-organisations-have-responded-to-protests-in-iran">contre le régime de Téhéran.</a></p>
<p>Damas suit la même logique en refusant d’accepter un acteur rival dans les territoires repris à l’EI, comme en témoigne la multiplication des affrontements avec les FDS depuis plusieurs mois. Mi-septembre, malgré le déni officiel de Moscou, les <a href="http://www.ypgrojava.org/SDF%3A-We-will-not-stay-silent-on-Russian-attacks">forces aériennes russes ont ciblé les FDS</a> à l’est de l’Euphrate, en Syrie, près de Deir Zor.</p>
<p>Pour Bachar Al-Assad et son gouvernement, les <a href="https://uk.reuters.com/article/uk-mideast-crisis-syria-sdf/u-s-led-coalition-helps-to-build-new-syrian-force-angering-turkey-idUKKBN1F30OE">FDS sont des « traîtres »</a>, une <a href="http://syrianobserver.com/EN/News/33652/Is_Assad_Regime_Preparing_War_Against_SDF">« force étrangère illégitime »</a> soutenue par les États-Unis qu’il faut expulser.</p>
<p>Le régime d’Assad considère d’ailleurs Raqqa comme étant toujours une ville occupée et a promis de restaurer <a href="https://www.reuters.com/article/us-mideast-crisis-syria-kurds-analysis/assad-sets-sights-on-kurdish-areas-risking-new-syria-conflict-idUSKBN1D02CN">son autorité sur l’ensemble du territoire national</a>. Les régions contrôlées par les FDS sont, de plus, <a href="http://www.syriauntold.com/en/2016/07/federalism-might-be-an-option-but-inclusiveness-is-a-must/">riches en ressources naturelles</a>, pétrole et agriculture.</p>
<h2>Une issue positive est-elle possible ?</h2>
<p>Malgré la <a href="http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2017/09/turkey-kurdish-commander-says-us-should-stay-in-syria.html#ixzz4tvJiDlBc">prudence de certains cadres</a> du parti kurde syrien envers le régime de Bachar-Al-Assad, l’un de ses représentants à Moscou, Abd Salam Muhammad Ali, a tout de même déclaré <a href="https://www.al-monitor.com/pulse/originals/2017/12/turkey-syria-kurds-move-closer-russia.html">début décembre 2017</a> que les FDS pourraient être intégrées dans l’armée syrienne si une solution politique satisfaisante était trouvée auprès de toutes les parties, ce qui reste peu probable.</p>
<p>L’échec cuisant très récent du <a href="http://www.rudaw.net/english/kurdistan/040120183">référendum au Kurdistan irakien</a> ignoré des grandes puissances a ainsi rappelé la fragilité de l’espoir kurde et leur rôle avant tout fonctionnel sur l’échiquier politique. Plus largement, la situation des Forces démocratiques syriennes reflète la faiblesse de l’ensemble des acteurs démocratiques en Syrie face au regain de puissance du régime de Bachar Al-Assad soutenu par ses alliés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joseph Daher est fondateur du blog Syria Freedom Forever.</span></em></p>Que reste-t-il des forces démocratiques syriennes ? Alors que les forces turques sont entrées à Afrin, enclave kurde au nord de la Syrie, un dialogue entre les forces kurdes opposées à Assad et Daech, et la coalition internationale est-il encore possible?Joseph Daher, Maitre de conférences, faculté sciences sociales et politiques, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/854752017-10-12T19:07:06Z2017-10-12T19:07:06ZRussie–Arabie saoudite : un rapprochement qui agace Washington ?<p>Une <a href="http://www.rfi.fr/europe/20171004-russie-visite-historique-roi-salmane-arabie-saoudite-moscou">« visite historique »</a>, un événement <a href="https://fr.sputniknews.com/international/201710051033335299-poutine-salmane-entretien">« emblématique » selon l'agence Sputnik news</a> : ces formules reviennent, dans les <a href="http://www.arabnews.com/node/1172296/saudi-arabia">chancelleries</a> et les salles de <a href="http://www.france24.com/fr/20171005-le-roi-salmane-darabie-russie-une-visite-historique">rédaction</a> pour qualifier la visite à Moscou du monarque d’Arabie Saoudite du 4 au 6 octobre 2017.</p>
<p>La rencontre entre le président Poutine et le monarque saoudien présente des enjeux évidents : c’est la première visite de ce type en Russie, la Fédération et le Royaume sont opposés en Syrie depuis plusieurs années ; enfin et surtout, l’Arabie Saoudite est l’alliée structurelle des États-Unis dans la région.</p>
<p>Cette visite peut-elle remettre en cause la solidarité entre États-Unis et Arabie saoudite ?</p>
<h2>L’Arabie entre alliance américaine et rapprochement russe ?</h2>
<p>Avec la conclusion du Pacte du Quincy le 14 février 1945, alliance qui soude durablement les États-Unis et le <a href="https://www.herodote.net/14_fevrier_1945-evenement-19450213.php">jeune royaume pétrolier</a>, l’Arabie saoudite se range dans le camp opposé à celui de l’URSS. De fait, avant même le déclenchement de la Guerre froide, l’Arabie saoudite est devenue un <a href="https://books.google.fr/books?id=J0WWUQBl2PwC&lpg=PA1&ots=nzHbq96t2V&dq=saudi%20arabia%20us%20relations&lr&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false">des piliers de la politique moyen-orientale des États-Unis</a>.</p>
<p>La confrontation est alors assez dure au Yémen du Sud, <a href="http://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_1983_num_48_1_3293">soutenu par l'URSS</a>, et en Afghanistan où les djihadistes sont financés <a href="https://books.google.fr/books?id=J0WWUQBl2PwC&lpg=PA1&ots=nzHbq96t2V&dq=saudi%20arabia%20us%20relations&lr&hl=fr&pg=PP1#v=onepage&q&f=false">par le royaume des Saoud</a>. Une éclaircie passagère apparaît après la réunification des deux Yémen, en 1990, et la fin de l’URSS, en 1991. Mais, dès 1994, la Russie soupçonne le royaume de soutenir les <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-153205-a-quoi-joue-vladimir-poutine-avec-lislam-1200946.php">mouvements séparatistes tchétchènes sur son sol</a>.</p>
<p>Après la fin de la <a href="https://savoirs.rfi.fr/fr/comprendre-enrichir/geopolitique/la-deuxieme-guerre-en-tchetchenie">deuxième Guerre de Tchétchénie</a>, en 2000, les deux États se rapprochent sur les questions d’exportation de pétrole. Cette nouvelle embellie culmine dans la visite du président Poutine en Arabie saoudite, en <a href="https://books.google.fr/books?id=EvaSCwAAQBAJ&pg=PT98&lpg=PT98&dq=la+visite+du+pr%C3%A9sident+Poutine+en+Arabie+saoudite,+en+f%C3%A9vrier+2007&source=bl&ots=SZNKF77LND&sig=AB63ZqfGtBbtxveLjFZ53DENEBE&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwjD96SI8OXWAhVMXBoKHa-_C6kQ6AEIUDAH#v=onepage&q=la%20visite%20du%20pr%C3%A9sident%20Poutine%20en%20Arabie%20saoudite%2C%20en%20f%C3%A9vrier%202007&f=false">février 2007</a>. Néanmoins, une nouvelle fois, le rapprochement russo-saoudien s’interrompt au début de la décennie 2010 en raison des printemps arabes.</p>
<p>Alors que Moscou considère ces derniers comme des facteurs de déstabilisation de ses alliés traditionnels en Syrie et en Libye, l’Arabie saoudite finance certains mouvements d’opposition aux régimes Al Hassad et Kadhafi, comme le Conseil militaire révolutionnaire, <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/syrie-6-questions-sur-l-attitude-de-la-communaute-internationale_1225669.html">dirigé par le colonel syrien Abdel Jabbar al-Oqaidi</a>.</p>
<p>Aujourd’hui, la visite royale à Moscou confirme que les <a href="http://www.middleeasteye.net/columns/king-salman-moscow-why-saudi-arabia-important-russia-775541767">relations diplomatiques</a> entrent, une nouvelle fois, dans une période de « dégel ».</p>
<h2>Vers une sortie des crises au Yémen et en Syrie ?</h2>
<p>Rien ne peut cependant séparer davantage les positions russes et saoudiennes que les conflits en Syrie et au Yémen.</p>
<p>Vladimir Poutine a tâché de <a href="http://www.huffingtonpost.fr/anna-jaillard-chesanovska/le-retrait-des-troupes-russes-de-syrie-sur-fond-descalade-des-tensions-a-lest-de-lukraine_b_9587374.html">faire oublier le conflit ukrainien</a> en amenant ses forces lutter en Syrie. Il est parvenu à s’imposer comme l’<a href="https://theconversation.com/2017-ou-lavenement-de-lhomme-fort-71507">homme fort</a> de la situation. Cette intervention comportait autant un volet interne, lié par exemple à la lutte contre le <a href="https://books.google.fr/books?id=NgioOB9EHvEC&pg=PT58&lpg=PT58&dq=poutine+tch%C3%A9tch%C3%A9nie+radicalisation&source=bl&ots=EDgLZtM7uO&sig=TwF7VjgtwPSKFpKzQet4ur0X8W4&hl=en&sa=X&ved=0ahUKEwiRus-m8eXWAhVI1BoKHfn0B6gQ6AEIQTAD#v=onepage&q=poutine%20tch%C3%A9tch%C3%A9nie%20radicalisation&f=false">djihadisme importé en Russie</a>, qu’un volet externe de soutien à un Etat considéré comme un allié. En face, l’Arabie saoudite a soutenu les groupes insurgés sunnites.</p>
<p>Au Yémen, le <a href="https://theconversation.com/arabie-saoudite-les-raisons-de-linterventionnisme-au-moyen-orient-73178">royaume est intervenu dans la guerre civile</a> aux côtés des forces sunnites fidèles à l’ex-président Ali Abdallah Saleh contre les Houtis chiites (soutenus par les Iraniens) afin de les forcer à quitter le pouvoir.</p>
<p>Dans cette guerre, la Russie s’est abstenue de prendre des positions trop tranchées afin de se positionner en situation d’arbitre, pouvant même imaginer à terme implanter une <a href="http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2017/07/russia-ambassador-yemen-houthis-hadi-military-influence.html">base navale au Yémen</a>.</p>
<p>Pourtant, la visite du roi Salman ne constitue pas un ralliement saoudien aux positions russes, ni même un retournement d’alliance, en dépit des différends sur ces deux conflits. En accueillant le roi Salman, Vladimir Poutine montre que la Russie peut travailler avec tout le monde au Moyen-Orient, tandis que l’Arabie saoudite semble entériner le fait que l’alliance américaine n’est plus une garantie ultime de ses intérêts, <a href="http://www.lesclesdumoyenorient.com/L-Arabie-saoudite-et-les-Etats-Unis-une-relation-sur-le-declin-Premiere-partie.html">et ce, depuis l'ère Obama</a>.</p>
<p>Ce déplacement témoigne également d’une volonté de freiner la percée iranienne aussi bien <a href="https://theconversation.com/iran-le-retour-53756">sur le plan régional qu'international</a>. En effet, Téhéran compte sur le soutien du Kremlin face à l’<a href="http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/10/07/donald-trump-proche-d-un-revirement-majeur-sur-l-iran_5197603_3222.html">hostilité affichée</a> de l’administration Trump. L’Arabie saoudite espère ainsi obtenir de la Russie qu’elle limitera son appui à l’Iran. Le royaume vise à faire évacuer les milices iraniennes de Syrie, à dissuader durablement leur soutien aux Houthis et à s’assurer que la République islamique ne sortira pas revigorée du conflit syrien.</p>
<h2>Vers un renforcement des liens économiques ?</h2>
<p>Dans le domaine des hydrocarbures, Russie et Arabie sont aujourd’hui alliés après avoir été rivales <a href="https://www.reuters.com/article/us-china-economy-trade-crude/russia-beats-saudi-arabia-as-chinas-top-crude-oil-supplier-in-2016-idUSKBN1570VJ">notamment auprès de la Chine</a>. Cela n’a pas toujours été le cas.</p>
<p>À la fin de la décennie 2000, les deux pays avaient des stratégies opposées. D’un côté, la Russie, qui n’est pas membre de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP), développait des volumes d’exportation de pétrole et gagnait des parts de marchés pour reconstituer ses réserves financières après la crise de 2008, quitte à <a href="https://www.nytimes.com/2017/05/28/world/europe/russia-oil-opec.html">contribuer à la baisse des cours</a>. De son côté, l’Arabie saoudite, au sein de l’OPEP, essayait de remédier à cette baisse des cours. Les deux plus grands producteurs et exportateurs de pétrole du monde ont ainsi développé <a href="http://www.iea.org/bookshop/754-Oil_Information_2017">des stratégies inverses</a>.</p>
<p>Tout change en 2014 avec l’annexion de la Crimée, la <a href="https://theconversation.com/ukraine-le-conflit-mal-eteint-du-donbass-84793">guerre dans le Donbass</a>, la baisse des cours mondiaux des hydrocarbures et les <a href="https://theconversation.com/sanctions-economiques-internationales-le-retour-67794">sanctions économiques occidentales contre la Russie</a>.</p>
<p>Entrée en récession, confrontée à une crise de change, l’économie russe a besoin de devises et de capitaux pour combler ses lacunes en investissements. En conséquence, dans le format OPEP+ (autrement dit en accord avec la Russie sans adhésion à l’OPEP), les deux pays s’accordent sur une réduction des volumes de production mondiale à 1,8 million de barils par jour <a href="http://www.opec.org/opec_web/en/press_room/2657.htm">à partir du 1ᵉʳ janvier 2017</a>.</p>
<p>À l’heure actuelle, sur le plan énergétique, l’objectif de la visite royale à Moscou est de préparer la prochaine réunion du format OPEP+ <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/2017/09/25/97002-20170925FILWWW00089-petrole-l-opep-veut-continuer-a-reduire-sa-production.php">qui a lieu à Vienne en novembre</a> pour reconduire la réduction de la production de pétrole au-delà de l’échéance prévue en mars 2018.</p>
<p>D’autres résultats économiques du déplacement du monarque ont été mis en évidence : installation d’une usine chimique russe en Arabie saoudite, développement du fonds d’investissement saoudien en Russie, etc. Mais les relations économiques russo-saoudiennes sont coutumières de <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/030666853090-le-roi-salman-au-kremlin-pour-concretiser-le-rapprochement-russo-saoudien-2119867.php">ces annonces qui peinent à être suivies d'effets</a>. En effet, à l’heure actuelle, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays est de <a href="http://en.russian-trade.com/reports-and-reviews/2017-02/russian-trade-with-saudi-arabia-in-2016/">seulement 1 milliard de dollars par an</a>.</p>
<h2>L’arbre russe ne doit pas cacher la forêt américaine</h2>
<p>Sur le plan économique, la question est de savoir si les investissements de 10 milliards de dollars en Russie annoncés par l’Arabie saoudite en 2015 et confirmés la <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Europe/Le-roi-Salman-visite-historique-Moscou-marquer-rapprochement-russo-saoudien-2017-10-05-1200882184">semaine dernière à Moscou</a> se concrétiseront.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189582/original/file-20171010-17697-deme12.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vladimir Poutin et le jeune prince hériter, Mohammed ben Salman de Saoud (MBS), en 2015.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Vladimir_Putin_and_Mohammad_bin_Salman_Al_Saud_3.jpg">Kremlin/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>De tels investissements seraient un avertissement aux États-Unis et à l’Iran : au premier, l’Arabie Saoudite indiquerait que le partenariat exclusif est arrivé à terme et au second, la Russie indiquerait qu’elle est soucieuse d’équilibrer l’axe Moscou-Téhéran par une coopération économique avec l’Arabie qui se prépare à l’avènement d’un nouveau roi saoudien en <a href="http://www.lepoint.fr/monde/mohammed-ben-salmane-l-impetueux-prince-d-arabie-21-06-2017-2137231_24.php">la personne du prince Mohammed ben Salman (MBS)</a>, qui lui s’est déjà rendu à Moscou.</p>
<p>Une alliance russo-saoudienne est-elle vraiment à l’horizon ? Si des convergences peuvent apparaître, permettant notamment à la Russie de gérer une importante population musulmane (10 % à 15 % de sa population, assez concentrée dans certaines régions et observant avec intérêt les développements politiques du Golfe persique), une coopération solide entre ces deux pays supposerait un rapprochement militaire étroit, techniquement et sécuritairement impossible aujourd’hui.</p>
<p><a href="https://www.haaretz.com/middle-east-news/1.815867">L'annonce de l'exportation de batteries de missiles antimissile S-400</a> de fabrication russe est particulièrement frappante : ce serait la première vente de matériel de défense de la Russie au Royaume saoudien. Or celui-ci s’est traditionnellement approvisionné principalement en équipements régis par les normes de l’OTAN.</p>
<p>Les sommes en jeu demeurent cependant sans commune mesure avec celles de 100 milliards de dollars prévues dans le <a href="http://www.lemonde.fr/economie/article/2017/05/23/l-industrie-militaire-americaine-comblee-par-le-voyage-de-donald-trump-en-arabie-saoudite_5132243_3234.html">contrat d'armement avec les États-Unis</a>. Le Pentagone a d’ailleurs déjà renchéri en approuvant, le 8 octobre, soit deux jours après l’offre russe, la <a href="http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2017/10/us-missile-defense-sale-saudi-arabia-thaad-thwart-russia.html">vente d'un système de missiles antibalistiques</a> (THAAD) aux Saoudiens, proposition longtemps reportée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85475/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Parmentier est membre de Synopia. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cyrille Bret ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Par-delà les symboles très riches et les annonces très frappantes, la visite du roi saoudien Salman à Moscou peut-elle inquiéter Washington ?Cyrille Bret, Géopoliticien et philosophe, Sciences Po Florent Parmentier, Enseignant à l'Ecole d'Affaires publiques de Sciences Po. Chercheur-associé au Centre HEC Paris de Géopolitique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.