tag:theconversation.com,2011:/us/topics/nantes-49638/articlesNantes – The Conversation2023-08-21T15:47:56Ztag:theconversation.com,2011:article/2089952023-08-21T15:47:56Z2023-08-21T15:47:56ZInvendus, rebuts et surplus : des initiatives novatrices pour lutter contre le gaspillage alimentaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535334/original/file-20230703-267655-mz4qcb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C852&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des bénévoles, comme ici à Belfort, s'activent pour récupérer des invendus, cuisiner des légumes moches ou encore mener des actions de sensibilisation dans les écoles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:2016-04-09_11-08-40_gaspillage-alim-belfort.jpg">Thomas Bresson / Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’Agence de la transition écologique (<a href="https://theconversation.com/topics/ademe-66395">Ademe</a>) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estiment qu’un tiers de la production alimentaire mondiale est aujourd’hui gaspillé. Pour la France, la masse s’élève à <a href="https://expertises.ademe.fr/economie-circulaire/dechets/passer-a-laction/eviter-production-dechets/dossier/reduire-gaspillage-alimentaire/enjeux">10 millions de tonnes</a>, ce qui équivaut à 150 kg par habitant et par an. Les pertes économiques liées sont estimées entre 12 et 20 milliards d’euros par an. En parallèle, les organismes d’aide alimentaire tirent le constat alarmant d’une <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/infographies-aide-alimentaire-des-beneficiaires-de-plus-en-plus-nombreux-et-de-plus-en-plus-dependants-5959497">demande en augmentation</a> qui se double d’une <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/alimentation/precarite-les-banques-alimentaires-font-face-a-une-baisse-des-dons-et-une-hausse-des-beneficiaires_5903948.html">réduction des dons alimentaires</a>.</p>
<p>Pourtant, l’Hexagone reste mondialement réputé pour ses lois ambitieuses en matière de <a href="https://theconversation.com/topics/gaspillage-alimentaire-22121">gaspillage alimentaire</a>. La <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/gaspillage-alimentaire#:%7E:text=La%20loi%20Garot%20introduit%20%C3%A9galement,en%20alimentation%20animale%20et%20%C3%A9nerg%C3%A9tique.">loi Garot</a> de février 2016, par exemple, oblige les magasins de plus de 400 m<sup>2</sup> à proposer une convention de don à des associations pour la reprise de leurs invendus alimentaires encore consommables. Le <a href="https://agriculture.gouv.fr/nouvelle-feuille-de-route-du-pacte-national-de-lutte-contre-le-gaspillage-alimentaire">pacte national de lutte contre le gaspillage</a> de 2013 donnait, lui, pour objectif de réduire de 50 % le gaspillage alimentaire à l’horizon 2025. Plus récemment, la loi <a href="https://agriculture.gouv.fr/tout-comprendre-de-la-loi-egalim-2#:%7E:text=La%20loi%20visant%20%C3%A0%20prot%C3%A9ger,le%20secteur%20agricole%20et%20alimentaire.">EGalim 2</a> d’octobre 2021 engageait la restauration collective à lutter contre le problème.</p>
<p>Ces injonctions politiques favorisent la rencontre des acteurs de la <a href="https://theconversation.com/topics/industrie-agroalimentaire-67699">filière alimentaire</a> et la <a href="https://theconversation.com/topics/mouvements-citoyens-131613">mobilisation citoyenne</a>. <a href="https://theconversation.com/les-legumes-moches-une-belle-idee-49616">Légumes moches</a>, zones antigaspi pour vendre ce qui auparavant était assimilé à des pertes sèches, de nombreuses thématiques sont aujourd’hui portées par des collectifs et associations sur lesquels portent nos récents <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/23329">travaux de recherche</a>.</p>
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<p><a href="https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/vivre-ensemble-les-glaneurs-rennais-quand-l-anti-gaspi-est-synonyme-de-faire-ensemble-6696192">Tentes de glaneurs</a> sur les marchés à Rennes ou à Lille, ouverture de conserveries à l’image des <a href="https://www.expliceat.fr/crumbler/">crumblers</a> à Bordeaux, des actions citoyennes mettent en avant que la consommation d’invendu peut se faire de façon responsable. Elles participent ainsi à structurer toute une filière.</p>
<h2>Des initiatives citoyennes qui structurent une filière</h2>
<p>Depuis 2015, à Angers, les bénévoles du projet <a href="https://www.solidarifood.org/qui-sommes-nous/">Solidarifood</a>, s’affairent le samedi dès 12h pour récupérer des invendus des stands du marché place Leclerc. À 13h, quand les derniers stands de producteurs et de revendeurs rangent leurs derniers cartons, la tente des glaneurs s’active. On y trie les produits trop abîmés, récupérés pour être compostés. Le reste, environ 500 tonnes de nourriture, est distribué en moins de 2 heures.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535331/original/file-20230703-253876-i6x74c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1006&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’équipe des bénévoles de Solidarifood.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Maëlis Bénéteau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’après-midi, des salariés se mettent en place avec quelques bénévoles afin d’assurer le soir leur prestation de traiteur antigaspi. La majorité des produits sont récupérés au MIN, sorte de Rungis angevin ; un complément est acheté. Quiches, samoussas, salades de fruits, et toutes autres sortes mignardises sortent des cuisines. Toute la semaine, l’activité de traiteur rythme la cadence de la vie associative. Les salariés assurent aussi des ateliers auprès des écoles pour sensibiliser les enfants aux problématiques du gaspillage alimentaire et coordonnent l’application Eco Glan’ mettant en relation producteurs et consommateurs. Testée en région Pays de la Loire, elle a vocation à s’étendre sur tout le territoire national.</p>
<p>Non loin de là, à Brain-sur-Allonnes, près de Saumur, l’entreprise d’insertion <a href="https://www.conserverieornorme.fr/">Or Norme</a>, créée en 2019, a identifié d’importants gisements de ressources alimentaires. Aux alentours, une grande diversité de fruits et légumes est produite : on appelle même ce coin « le jardin de la France ».</p>
<p>Ces productions sont soumises aux calibrages de leurs produits, ce qui conduit à détruire déjà 40 % de la production maraîchère locale en début de chaîne. Peggy Jousse, fondatrice de l’entreprise a ainsi mis en place un système de collecte auprès des maraîchers présents dans un rayon de 50 km autour de la conserverie. Les salariés se fournissent en patates douces, champignons, tomates et autres aliments pour concocter des sauces, des tartinades ou des compotes. Intégrée dans une démarche solidaire, l’entreprise rachète à bas coût des fruits et légumes et réalise des bocaux. La conserverie investie d’anciennes caves pour valoriser les surplus de fruits et légumes moches.</p>
<p>Elle souhaite à l’avenir développer une gamme plus accessible, pour vendre ses produits dans d’autres régions au sein de distributeurs nationaux et démocratiser la consommation de fruits et légumes moches.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535333/original/file-20230703-259537-mbqtmw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les bocaux Or Norme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peggy Jousse</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Autre exemple, dans la métropole nantaise, porté par l’association Handicap Travail Solidarité (HTS) en lien avec des établissements de services d’aide par le travail (Esat), le projet SoliFoodWaste vise à associer revalorisation d’invendus alimentaires et créations d’emploi pour des personnes en situation de handicap. Les politiques territoriales locales semblent assez volontaristes sur les enjeux alimentaires, ce qui permet à l’initiative de s’épanouir, notamment car elle a à disposition tout un annuaire d’acteurs concernés.</p>
<p>L’association a su les articuler au sein d’un système polarisé, reposant sur la proximité géographique. Ils vont d’un petit commerce, dont le pain rassis deviendra des cookies, à un grand centre commercial. Un « atelier anti-gaspi et Solidaire » y a vu le jour, dans lequel l’association vend ses produits, parfois fabriqués devant le client (des smoothies à partir des fruits et légumes invendus par exemple). C’est ainsi tout une filière qui s’organise territorialement : grandes surfaces, petits commerces, Esat, consommateurs, écoles, tous trouvent un intérêt à la démarche citoyenne.</p>
<h2>Changements de paradigme</h2>
<p>Bien que récentes, ces organisations se pérennisent dans le temps et l’espace. Elles ouvrent des voies à d’autres leviers d’action. En positionnant les citoyens non plus en coupables mais en acteurs responsables devant le gaspillage et initiateurs de projets, un changement de paradigme s’opère. Pour une clientèle nouvelle, la consommation de rebuts alimentaires n’est ni cachée, ni honteuse : elle devient parfois revendiquée et militante.</p>
<p>Agir contre le gaspillage c’est aussi agir en amont du gaspillage, pour changer les pratiques dans le temps. Ces acteurs se rendent ainsi auprès des professionnels pour les former à la réduction du gaspillage alimentaire dans leur quotidien. Des partenariats ont vu le jour auprès des acteurs de la restauration scolaire collective ou auprès de chefs de restaurant, poussés en ce sens par la loi Egalim 2.</p>
<p>À suivre et à assister aux temps forts de ces deux initiatives, l’implication des bénévoles est particulièrement ressortie que ce soit dans la transformation des produits, dans leur distribution ou bien dans leur mobilisation pour viabiliser l’espace de production. Ils agissent et apprennent au contact de leurs pairs et pas seulement sur le gaspillage alimentaire : des sujets tels que la nutrition, l’alimentation, la transmission, le don, l’entre-aide sont au cœur de ces dynamiques.</p>
<p>Une salariée de l’atelier Anti-Gaspi de SoliFoodWaste nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« En termes d’appropriation par le travail et de compréhension pour les travailleurs, c’est un très bon outil d’accompagnement par l’emploi. En termes d’éducation du client, c’est une sensibilisation au circuit court et au recyclage. Pour la relation avec la grande surface, c’était aussi intéressant de travailler avec eux. Pour les normes hygiène, c’est un moyen d’apprentissage pour les travailleurs d’ESAT. C’est une expérience riche, même au niveau du goût sur le smoothie. On récupérait 250 kilogrammes de fruits et de légumes de la veille. Ce n’était pas toujours des produits adaptés donc on faisait des essais, on goûtait, on faisait des dégustations. »</p>
</blockquote>
<p>La prise de conscience de la dilapidation de nos ressources à l’échelle mondiale et plus spécifiquement dans les pays occidentaux encourage la création de ces structures solidaires. En agissant localement et en donnant la possibilité de valoriser les rebuts de proximité, ces organisations proposent de nouvelles trajectoires pour nos habitudes et pratiques alimentaires.</p>
<hr>
<p><em>Emmanuel Bioteau, professeur des universités de géographie au laboratoire ESO Angers, et Valérie Billaudeau, co-directrice et maîtresse de conférence en information et communication au laboratoire ESO Angers, ont supervisé la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oriane Vérité a reçu des financements de la Commission européenne via le programme LIFE un instrument financier dédié au soutien de projets innovants, dans les domaines de l'environnement et du climat. </span></em></p>Une géographe montre comment des actions citoyennes structurent toute une filière de lutte contre le gaspillage alimentaire dans certains territoires.Oriane Vérité, Doctorante en Géographie au sien du laboratoire Espace et Société, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1945552022-12-15T18:17:41Z2022-12-15T18:17:41ZLes grands projets urbains sont-ils encore désirables dans les métropoles ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/499232/original/file-20221206-19-yen3pu.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C4%2C1500%2C983&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les machines de l'île, l'arbre aux hérons (détail 6). Les Machines de l’île sont un projet artistique totalement inédit. Né de l’imagination de François Delarozière et Pierre Orefice, il se situe à la croisée des « mondes inventés » de Jules Verne, de l’univers mécanique de Léonard de Vinci et de l’histoire industrielle de Nantes, sur le site exceptionnel des anciens chantiers navals.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/traaf/3723370671/">traaf/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le 15 septembre dernier, Johanna Rolland la maire (PS) de Nantes <a href="https://www.20minutes.fr/nantes/4001250-20220915-nantes-arbre-herons-verra-jour-johanna-rolland-dit-stop">annonçait</a> l’arrêt du projet de <a href="https://arbreauxherons.fr/">l’arbre aux hérons</a> dans le quartier du bas Chantenay à Nantes. Initié en 2017 au cœur de la carrière Misery au bord de la Loire, le projet, une structure de métal et de bois de plus de 30 mètres de haut, imaginée par les artistes Pierre Oréfice et François de la Rozière, devait venir compléter le bestiaire des machines de l’île de Nantes. Dès son annonce, le projet fut la <a href="https://www.mediacites.fr/enquete/nantes/2020/02/20/arbre-aux-herons-un-projet-davenir-qui-pourrait-bien-le-rester/">cible de multiples oppositions</a>.</p>
<p>Premiers mobilisés, les riverains privés d’accès à la carrière Misery, se sont organisés contre ce projet qui allait profondément transformer leur cadre de vie et la sociologie du quartier par un processus de <a href="https://www.wiley.com/en-es/The+Cultures+of+Cities-p-9781557864376">gentrification</a>, provoqué par la création d’une nouvelle centralité culturelle et touristique. Rejoints par les élus verts de la majorité municipale, et par des organisations et collectifs de luttes écologistes et sociales, ils ont dénoncé le coût financier et écologique de ce projet qu’ils qualifiaient « d’un autre temps ».</p>
<p>Les contestations des <a href="https://doi.org/10.3917/arco.frina.2021.01.0215">grands projets d’aménagement</a> comme celui-ci se multiplient dans les métropoles françaises. Celles-ci s’opposent à des infrastructures commerciales comme le <a href="https://www.francebleu.fr/infos/economie-social/en-images-le-chantier-du-centre-commercial-neyrpic-commence-a-sortir-de-terre-a-saint-martin-d-heres-1665682650">centre commercial Neyrpic</a> et des projets de transports urbains tels que le <a href="https://actu.fr/auvergne-rhone-alpes/grenoble_38185/metrocable-de-l-agglomeration-de-grenoble-ce-qu-il-faut-savoir-et-ce-que-vous-pouvez-changer_49751053.html">Métrocable</a> à Grenoble ou encore la construction du quartier économique et résidentiel <a href="https://www.sudouest.fr/economie/cub/euratlantique/bordeaux-bruit-poussiere-rats-on-est-les-oublies-du-projet-euratlantique-disent-des-riverains-12895194.php">Euratlantique</a> à Bordeaux.</p>
<p>Ces contestations portent sur les projets qui relèvent d'agendas urbains tournés vers la croissance et la compétitivité économique visant à créer des conditions urbaines favorables à l’attractivité métropolitaine par le développement de <a href="https://doi.org/10.3917/leco.085.0102">politiques urbaines d’offre économique</a>.</p>
<p>C’est le cas de l’arbre aux hérons qui s’inscrit dans la continuité du travail initié par Jean-Marc Ayrault, ancien maire de Nantes, de revalorisation de l’imaginaire et du patrimoine local à des fins culturelles et touristiques. Celui-ci est dénoncé par les habitants du collectif de la commune de Chantenay comme un projet de <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-le-collectif-publie-un-essai-contre-l-arbre-aux-herons-et-la-touristification-71389204-1b7a-11ec-a1f3-6a565d37dc23">« touristification »</a>, un processus par lequel « le lieu touristique remplace les lieux ordinaires de la vie » et contribue par extension, à la <a href="https://www.alacriee.org/wp-content/uploads/carriere-misery-destruction-de-la-ville-sauvage.pdf">gentrification du quartier</a> et l’exclusion de ses habitants.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Visuel de communication de la plate-forme stop arbre aux hérons, mis à disposition des opposants au projet via leur site Internet" src="https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/495905/original/file-20221117-11-up9ats.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Visuel de communication de la plate-forme stop arbre aux hérons, mis à disposition des opposants au projet via leur site Internet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Neyssensas</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les effets de l’attractivité mis en cause par les opposants aux projets</h2>
<p>Ailleurs aussi, l’attractivité pose question. À Bordeaux, les logements et les bureaux prévus dans l’opération d’aménagement Euratlantique afin de répondre à l’arrivée de nouveaux habitants et attirer de nouvelles entreprises, suscitent également des indignations. « A-t-on réellement besoin d’attirer de nouveaux arrivants ? », s’interroge un habitant dans une <a href="https://www.sudouest.fr/gironde/begles/begles-le-nouveau-pari-urbain-d-euratlantique-entre-logements-industrie-et-voies-sur-berge-12599261.php">réunion de concertation</a> en octobre 2020. À Grenoble, le projet de Métrocable est dénoncé comme un projet vitrine qui s’inscrit dans <a href="https://stopmetrocable.noblogs.org/politique/">« une logique qui pousse à faire de Grenoble une ville « innovante »</a> et « attractive » au détriment de solutions moins coûteuses et moins polluantes existantes sur le territoire.</p>
<p>Les opposants dénoncent ces projets comme résultant de la volonté politique de rendre le territoire plus attractif pour d’autres publics (les touristes, les investisseurs, les grandes entreprises, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2427.2009.00837.x">« classes créatives »</a>…) au détriment des besoins réels et immédiats des habitants sur leur territoire. Ceux-ci soulèvent également la question de l’utilité de tels projets face à l’urgence climatique et sociale. Le coût écologique induit par « la bétonnisation » des sols, la destruction de terres maraichères et le manque d’espaces verts dans les projets d’aménagement sont également dénoncés. Les conséquences sur la qualité de vie des habitants (hausse démographique, nuisances, hausse des besoins et des prix des logements…), la densification des espaces urbains et les coûts financiers liés aux projets sont également mises en cause comme les conséquences d’une attractivité métropolitaine devenue indésirable.</p>
<h2>Les coordinations comme modalité d’organisation</h2>
<p>Si la critique des projets d’attractivité du territoire est présente, celle-ci n’est pas portée unilatéralement par l’ensemble des organisations qui s’opposent aux projets. Certaines seront plus sensibles au cadre de vie, d’autres au coût ou encore à l’impact écologique. C’est pourquoi les opposants sont tentés de se rassembler dans des coordinations de collectifs, comme <a href="https://action-neyrpic.fr/img/flyer1.pdf">Action Neyrpic</a> à Grenoble.</p>
<p>Le fonctionnement par coordination permet l’articulation de positionnements entre les organisations membres pour un objectif commun : l’arrêt du projet. Ces coordinations rassemblent alors des organisations qui doivent dépasser leurs divergences politiques au nom de leur opposition au projet. Ce fût le cas avec la coordination <a href="https://www.mediacites.fr/breve/nantes/2021/11/18/transfert-du-chu-de-nantes-coup-darret-pour-le-collectif-dopposants-au-projet/">STOP transfert CHU</a> à Nantes qui rassemblait des forces municipalistes de gauche, des associations écologistes, et des élus locaux de la droite et du centre.</p>
<p>L’existence de ces coordinations reste alors bien souvent conditionnée à l’arrêt ou au lancement du chantier du projet. En dépit de ces divergences, les coordinations créent des liens avec d’autres organisations en menant des actions collectives qui leur permettent de gagner en visibilité sur le territoire et d’obtenir du soutien matériel et organisationnel de la part d’autres collectifs et d’experts.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vélorution contre l’urbanisation agressive co-organisé par des collectifs de lutte contre les grands projets de la Métropole le 17 avril 2021 devant la maison de la culture de Grenoble" src="https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497335/original/file-20221125-24-w1feb1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vélorution contre l’urbanisation agressive co-organisé par des collectifs de lutte contre les grands projets de la Métropole le 17 avril 2021 devant la maison de la culture de Grenoble.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tim Buisson</span></span>
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<h2>Une évolution des modes d’action</h2>
<p>Pour se faire entendre, les opposants vont jouer sur la coexistence de moyens d’action institutionnels et extra-institutionnels. Les riverains, aidés d’associations spécialisées dans <a href="https://notreaffaireatous.org/cp-des-citoyen%C2%B7ne%C2%B7s-martinerois%C2%B7es-deposent-un-refere-suspension-contre-le-projet-du-centre-commercial-neyrpic/">l’appui juridique des luttes écologistes</a>, vont être mobilisés pour porter les recours contre les projets. En amont, les militants interpellent les élus et lancent des pétitions en ligne.</p>
<p>Toutefois, animés par la nécessité de rassembler contre le projet, et de médiatiser la mobilisation, les militants opèrent une transformation de répertoires d’action qui s’apparente à ce que la politiste Eleonora Pasotti qualifie « d’outils expérimentaux » dans son ouvrage <a href="https://www.cambridge.org/core/books/resisting-redevelopment/62D38826CC0084ABB78D4A3AF4338A57"><em>Resisting Urban Redevelopment</em></a>. Il s’agit de formes d’actions collectives artistiques, voir festives qui renforcent le réseau d’opposants et qui s’émancipent des codes de protestation traditionnels tels que l’occupation ou la manifestation.</p>
<p>Ainsi, on voit apparaître dans les métropoles de plus en plus d’actions collectives festives qui cherchent à visibiliser et mettre en scène la mobilisation, à créer de nouvelles convergences avec des collectifs autour d’une action commune et à impliquer davantage de citoyens séduits par l’aspect artistique et convivial de l’action.</p>
<p>C’est le cas des « vélorutions », les manifestations à vélo, qui permettent d’allier convivialité, occupation de l’espace urbain et défense de l’usage du vélo contre un projet urbain. Les performances artistiques comme le « désenvoutement » de l’arbre aux hérons organisé par le collectif de Chantenay en mars 2022 permettent aux habitant·e·s de se réapproprier les espaces d’implantation des projets et d’interpeller médias et élus locaux.</p>
<p>Les opposants élargissent leur mobilisation par l’articulation de revendications plurielles contre les grands projets avec la contestation des effets de l’attractivité métropolitaine. Par le développement de coordination d’organisations et la mise en œuvre d’actions collectives originales, ces mouvements tendent à gagner en visibilité dans les métropoles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194555/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marine Luce ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les contestations des grands projets d’aménagement se multiplient. Dans ces luttes, émergent aussi de nouveaux modes d’action et d’organisation.Marine Luce, Doctorante en science politique au centre Emile Durkheim, Sciences Po BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1112002019-06-05T20:48:42Z2019-06-05T20:48:42ZSur l’île de Nantes, l’expérimentation urbaine peut-elle se pérenniser ?<p>L’île de Nantes est devenue ces dernières années emblématique du renouveau urbain de cette métropole française. Ce territoire de 330 hectares sur la Loire, bien relié au centre-ville ancien et disposant de réserves foncières, jouit aujourd’hui d’une forte attractivité.</p>
<p>Ce projet témoigne d’une reconquête de la centralité après la disparation, en 1987, des <a href="http://mht-nantes.pagesperso-orange.fr/prairie_au_duc.htm">derniers chantiers navals</a> présents sur l’île. Il s’agit d’une initiative de régénération urbaine dont le but vise à densifier les friches industrielles par de nouveaux quartiers et un projet économique basé sur les industries créatives, dans la lignée d’une <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00456982/document">politique culturelle</a> volontariste reconnue au niveau national.</p>
<h2>Au début des années 2000</h2>
<p>Le volet opérationnel du projet débute véritablement en 2003 avec la création de la Société d’aménagement de la métropole Ouest Atlantique (<a href="http://www.iledenantes.com/fr/articles/128-la-samoa.html">Samoa</a>), qui bénéficie d’une concession de maître d’ouvrage jusqu’en 2037.</p>
<p>Le projet a longtemps été appréhendé sous l’angle d’une production urbaine singulière, fruit d’une culture partagée des pouvoirs locaux concernant les desseins d’aménagement et d’un rapport à la planification nourri d’expérimentations. Celles-ci se sont notamment incarnées par des orientations d’aménagement souples et révisables et le recours à des aménagements temporaires selon les opportunités foncières.</p>
<p>La question sociale – consistant à faire venir les ménages avec famille et à rester compétitif dans l’offre de logements abordables en cœur de métropole – constitue une autre des composantes du projet. Cependant, l’attrait qu’exerce aujourd’hui l’île confronte les acteurs de l’aménagement à une possible banalisation du projet, tant dans les pratiques de l’urbanisme que dans les nouvelles orientations sur le devenir du site.</p>
<h2>Valoriser l’existant</h2>
<p>Dans son ensemble, le projet de l’île de Nantes vise à conforter une nouvelle centralité urbaine et métropolitaine, ayant pour objectif de corriger les effets de l’étalement urbain et d’un développement commercial périphérique très important depuis les années 1960.</p>
<p>Le projet promeut pour cela une offre mêlant logements, pôle d’enseignement (Beaux-arts, architecture), espaces dédiés à la culture ; ou encore activités économiques dans le domaine des industries créatives avec le <a href="https://www.creativefactory.info/">« quartier de la création »</a>, un espace aménagé pour attirer des jeunes entreprises du secteur, fonctionnant en partie comme levier économique du projet.</p>
<p>Piloté depuis le début par la Samoa, le projet s’est caractérisé par la souplesse de ses méthodes et de ses outils : le plan-guide mis au point par l’architecte Alexandre Chemetoff proposa ainsi des orientations générales qui furent régulièrement redéfinies. La volonté d’expérimenter au fur et à mesure s’est reflétée dans des opérations immobilières telles que Karting et La Centrale.</p>
<p>Une des idées fortes repose sur la valorisation de l’existant, plutôt que la création d’un quartier d’affaires ou d’un monument iconique – <a href="https://www.metropolitiques.eu/Le-projet-urbain-nantais-une-mise.html">à l’instar du musée Guggenheim</a> de Bilbao en Espagne – pour susciter l’attractivité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272415/original/file-20190503-103082-49fyfw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les grues rappellent le passé industriel du site.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sebastien Darchen</span></span>
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<h2>La culture comme levier de développement</h2>
<p>Dès l’origine, les acteurs du projet se sont appuyés sur la culture : outre la volonté de faire de la ressource culturelle une composante du développement urbain, c’était aussi une manière de manière d’afficher une rupture avec le pouvoir municipal précédent et sa volonté de créer une cité d’affaires. Dans le centre historique, la création du <a href="http://www.lelieuunique.com/en/">Lieu unique</a> – scène culturelle proposant une programmation pointue – reste emblématique de cette démarche qui utilise la politique culturelle comme levier de développement territorial.</p>
<p>De même, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Festival_des_Allum%C3%A9es">Festival des Allumées</a>, qui a connu six éditions de 1990 a 1995, cherchait à attirer des artistes internationaux venant des grandes villes portuaires : lors de cet évènement culturel, l’île de Nantes vivait de 6 heures du soir a 6 heures du matin, se ré-appropriant progressivement le territoire des friches industrielles de l’île.</p>
<h2>Un terrain d’expérimentation</h2>
<p>Le récit entourant le projet (qui ne se réduit pas à l’île de Nantes) a parfois évoqué un urbanisme « à la nantaise », privilégiant une manière « collective » de construire la ville, à travers une culture « partagée » et une <a href="https://www.editionsparentheses.com/nantes">« conscience intercommunale »</a> des différents pouvoirs locaux.</p>
<p>Outre qu’il a été indéniablement favorisé par une stabilité politique inscrite dans la durée, l’île de Nantes constitue un lieu d’expérimentation pour tester de nouveaux modes d’intervention.</p>
<p>La culture et la création ont ici joué un rôle de levier économique pour « démarrer le projet ». Aujourd’hui, la « Creative Factory » propose des espaces abordables pour des jeunes entrepreneurs qui se lancent ; le projet <a href="http://www.iledenantes.com/fr/projets/247-karting-activites-creatives.html">karting</a> (baptisé NOW pour <em>new office workshop</em>) propose des espaces restreints modulables (de 12 a 96m<sup>2</sup>) pour de jeunes entreprises, en lieu et place de l’ancien karting. Ce lieu accueille 150 emplois et environ 40 entreprises. C’est un bon exemple d’initiative proposant une offre immobilière qui n’existe pas ailleurs à Nantes à un tel prix (150 euros/mois).</p>
<p>Ces différentes pratiques d’aménagement se sont également illustrées par des interventions spontanées et expérimentales : une logique du « coup par coup », selon les opportunités, avec <a href="http://www.iledenantes.com/fr/projets/292-la-centrale.html">La Centrale</a>, par exemple, un immeuble réhabilité dédié aux métiers de l’image, du média et du transmédia ; ou encore la mobilisation de l’éphémère et du transitoire pour imaginer des programmations dans la durée, comme avec <a href="https://www.projetsurbains.com/green-island-un-parcours-pour-co-construire-espace-public-avec-les-citoyens-p136.html">Green Island</a>, une initiative en lien avec l’attribution du statut de « capitale verte » par la Commission européenne à la métropole nantaise en 2013.</p>
<p>Dans ce cadre, où l’on cherche à instaurer de nouveaux usages et à insuffler des dynamiques citoyennes au sein des microquartiers qui composent l’île, Les Machines de l’île sont emblématiques d’une manière singulière d’appréhender l’animation de l’espace public : fabriquées sur place, elles créent une scénographie urbaine qui attire Nantais et touristes.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272424/original/file-20190503-103082-1382x40.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les machines de l’île, qui sont fabriquées sur place, servent l’attractivité du territoire en tant qu’espace public pour les familles nantaises.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sebastien Darchen</span></span>
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<h2>La difficulté de pérenniser le projet</h2>
<p>Le projet de l’île de Nantes n’est toutefois pas issu d’un écosystème se tenant à distance des formes instituées de production de la ville. Il est bien, en partie, le résultat de prises de décisions institutionnelles. En témoigne l’installation sur l’île de l’École d’architecture et de celle des Beaux Arts Nantes-St-Nazaire ; ou encore la décision d’en faire le lieu de la biennale Estuaires à partir de 2007.</p>
<p>L’« esprit » de ce projet urbain singulier réside avant tout dans sa « méthode », mêlant opportunités et expérimentations. Est-il pour autant pérenne ? Cette interrogation se renforce à mesure que l’attractivité de l’île s’accroît. Attirant des investisseurs nationaux et davantage de ménages aisés dans le parc privé, à quelles conditions le projet va-t-il pouvoir conserver son caractère « expérimental » et son volet social ?</p>
<p>Victime de son succès, le projet semble avoir perdu de son « inventivité » originelle et la dynamique intellectuelle initiée par Jean‑Marc Ayrault dans les années 1990 s’est sans doute effilochée avec les années. Rien de plus normal puisque les cultures professionnelles évoluent, les équipes se renouvellent et la gestion de la longue durée est une contrainte objective.</p>
<p>Les regards soucieux de saisir le projet dans le temps long pourront néanmoins attirer l’attention sur certains points. Par exemple, la logique d’opportunité, qui a structuré une partie des aménagements, permettant notamment d’accueillir de petites unités d’entreprises de façon provisoire, perdura-t-elle ? Ou une stratégie d’immobilier pérenne – avec de grands opérateurs nationaux, voire l’arrivée de grandes structures tel le CHU – prendra-t-elle le pas ? L’expérimentation de différents usages dans l’espace public, avec des aménagements éphémères, qui alimente les phases de programmation, se poursuivra-t-elle ?</p>
<p>La question de la pérennité d’initiatives transitoires se pose clairement.</p>
<p>Quelques d’ambiguïtés, aussi, se font jour, ne serait-ce que la dissociation entre le « quartier de la création » à l’ouest et les opérations de logements (sociaux) à l’est, par exemple, qui laissent transparaître différents « morceaux de ville » sur le territoire de l’île. Il serait préjudiciable que leur relative proximité spatiale ne se transforme en réelle distance sociale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111200/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Darchen receives funding from the Myer Foundation</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Gwendal Simon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Victime de son succès, l’île de Nantes interroge la pérennité des projets de rénovation urbaine qui prétendent renforcer la valeur d’un lieu tout en le rendant accessible au plus grand nombre.Sebastien Darchen, Senior Lecturer in Planning, The University of QueenslandGwendal Simon, Assistant Professor of Planning and Urban Planning, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1125452019-03-12T20:43:42Z2019-03-12T20:43:42ZQui sont exactement les clients des ports français ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262866/original/file-20190308-150689-109qthv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C12%2C2005%2C1266&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le port reste avant tout l’acteur d’un réseau d’affaires industriel qui implique de nombreuses parties prenantes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/109536074@N05/20629764665">Tetedelart1855 / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Systématiquement, lorsque je visite un port, je pose à mon interlocuteur la question du client. « Le client de mon port, c’est la compagnie maritime », me répond-on invariablement, que je sois à Saint-Malo, au Havre, à Singapour, à Los Angeles, ou à Mombasa. Comme mes interlocuteurs savent que je donne des cours à l’Institut portuaire d’enseignement et de recherche (IPER), ils veulent être de bons élèves et me détaillent toutes les démarches qu’ils entreprennent pour attirer le chaland… sauf qu’un chaland, c’est avant tout une barcasse à fond plat !</p>
<p>Certes, la compagnie maritime, ou armateur, est cruciale pour le port. Elle transporte le flux depuis et vers le port. On sait que lorsqu’une compagnie maritime choisit d’installer une nouvelle ligne dans un port, les flux augmentent automatiquement <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11066-014-9088-x">(Tran & Haasis, 2014 :139)</a>. En outre, la compagnie maritime est un acteur important en termes de revenus pour le port ; c’est bien l’armateur, à travers les droits de ports et les droits au navire, qui finance quais, bassins et accès maritime. C’est donc lui qui apparaît intuitivement comme étant le véritable client.</p>
<h2>Un client insaisissable</h2>
<p>Pourtant, la compagnie maritime n’est pas la seule à transporter des marchandises depuis et vers le port. Côté terrestre, on compte aussi les entreprises de transport routier, ferroviaire ou par barges. Les armateurs ne sont pas non plus les seuls à rémunérer le port. Le chargeur s’acquitte par exemple pour sa part des droits à la marchandise. Enfin, le port touche les concessions de la part de l’opérateur du terminal, de certains industriels et logisticiens. Dans un grand port maritime comme Nantes Saint-Nazaire, les droits de port (navire et marchandises) ne représentent que la <a href="http://www.nantes.port.fr/ebook/Rapport_Annuel_2017_FR/files/assets/common/downloads/publication.pdf">moitié des recettes</a>, les concessions environ 30 % et les autres services presque 20 %.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JWzb1kcw7F4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Table ronde : quelle attractivité des ports normands en matière de logistique et transport ? » (vidéo Université Le Havre–Normandie, 2018).</span></figcaption>
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<p>On comprend donc que, lorsqu’on dit que l’armateur est le client du port, c’est une vision assez simpliste. Le port ne doit pas être un acteur qui fait du marketing BtoC, c’est l’acteur d’un réseau d’affaires industriel qui implique de nombreuses parties prenantes. On est donc dans une approche B2B, avec des interactions importantes et complexes. La création de la valeur se fait sur plusieurs niveaux : d’une part dans l’interaction entre les acteurs, mais aussi et surtout, au niveau de l’ensemble du réseau, ce qu’on va appeler, dans le cas présent, la place portuaire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=432&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262865/original/file-20190308-150706-ljeszm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=543&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.nantes.port.fr/ebook/Rapport_Annuel_2017_FR/files/assets/common/downloads/publication.pdf">Rapport annuel 2017.</a></span>
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<p>Autorité portuaire, opérateurs de terminaux, armateurs, transporteurs, industriels, services des douanes, prestataires de services logistiques, financiers, marketing, RH, informatiques sont autant d’acteurs du réseau qui contribuent à son rayonnement au niveau global ; et donc à son attractivité. En outre, ils peuvent se retrouver en situation de concurrence entre eux dans d’autres ports. Autrement dit, une entreprise logistique dont le siège est à l’étranger peut à la fois être un acteur majeur d’un port français et un concurrent dans un autre port… et vice-versa. Au Havre par exemple, l’entreprise de <a href="http://www.derijke.com/fr/de-rijke-group/histoire/">Rijke</a> est un acteur majeur du site de Port-Jérôme, mais en même temps c’est une entreprise de Rotterdam, port concurrent direct du Havre.</p>
<h2>De l’importance des réseaux d’affaires portuaires</h2>
<p>Dans le cadre du déploiement des nouvelles politiques maritimes et portuaires de la France, il est donc important de comprendre que le port est dans une logique complexe de réseau B2B. Ceci a en effet des conséquences sur la manière de créer de la valeur. En BtoC, cette création se fait au niveau de l’entreprise individuelle, à travers l’optimisation des outils marketing (études de marché, adéquation des produits, politique de prix, etc.) ; tandis que le marketing B2B crée de la valeur en animant et en structurant le réseau d’affaires ; la valeur viendra indirectement de la connectivité et donc de la fluidité du réseau.</p>
<p>Trois exemples internationaux à des échelles différentes nous montrent l’importance de l’approche B2B et de l’approche des ports par les réseaux d’affaires. Localement, l’exemple de Grenland Port en Norvège (<a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/full/10.1108/08858620610672597">Harrison & Håkansson, 2006</a>) montre que la mise en réseau de ressources dormantes permet d’activer celles-ci et par là de créer une compétitivité au niveau du réseau qui n’a pas été possible au niveau de chaque place portuaire locale.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262867/original/file-20190308-150706-1qbv0js.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Havre, premier port de France pour le commerce extérieur.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Le_Havre,_premier_port_de_France_pour_le_commerce_extérieur.jpg">Ville du Havre/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À l’échelle nationale, l’exemple de Port-Louis à l’île Maurice (<a href="https://www.impgroup.org/paper_view.php?viewPaper=8241">Mandjak & Lavissière, 2014</a>) qui se situe en dehors des principales routes maritimes est probant. En effet, en créant à travers le port franc un catalyseur des réseaux d’affaires nationaux et des investisseurs étrangers, une dynamique s’est mise en place pour faire de cette petite île perdue dans l’océan indien un hub régional. Enfin à l’échelle des grandes routes maritimes, l’exemple de Tanger-Med au Maroc (<a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01933726">Arvis et coll., 2018</a>) est intéressant, car le port offre une stratégie unifiée autour de quatre grands projets et donc quatre réseaux d’affaires en synergie : le hub à conteneurs du détroit de Gibraltar, le cluster automobile porté par Renault, la zone logistique de stockage sous douane aux portes de l’Europe et enfin le tissu industriel de compétences locales qui aspire à des débouchés internationaux.</p>
<p>De retour en France, si l’on prend l’exemple d’Haropa, l’ensemble portuaire de l’axe Seine réunissant les ports du Havre, de Rouen et de Paris, ce qui est important est bien la connectivité sur l’axe et la création d’un réseau d’acteurs sur l’ensemble de la chaîne. Plus que la structure de l’entité de gouvernance, c’est le maillage qui créera la valeur. Parfois on pense être Colbert, mais en fait on est Monsieur Jourdain qui fait du B2B sans le savoir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandre Lavissière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Soumis à rude concurrence, les opérateurs fonctionnent souvent sur des modèles BtoC alors qu’ils devraient appliquer des stratégies de réseau d’affaires B2B.Alexandre Lavissière, Enseignant-chercheur en management, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/957172018-06-14T19:45:34Z2018-06-14T19:45:34ZConversation avec Gilles Rampillon : l’accueil de la coupe du monde de football à Nantes en 1998<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/223165/original/file-20180614-32323-1ad30za.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C1020%2C648&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Match de gala des bleus à la Beaujoire en 1998.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://nantes.maville.com/sport/detail-galerie_-france-98-a-la-beaujoire_5601_GaleriePhoto.Htm">Nantes ma ville</a></span></figcaption></figure><p><em>Durant les années 1970- 1982, l’attaquant international Gilles Rampillon a joué plus de 400 matchs en équipe A au FC NANTES, toutes compétitions confondues, et reste encore à ce jour le meilleur buteur en Championnat, à domicile, de toute l’histoire du FC NANTES avec 64 buts marqués sur la pelouse du mythique stade Marcel Saupin. Il participa à cette épopée, avec les fameuses cinq années d’invincibilité à domicile, aux côtés de Henri Michel, Loic Amisse, Maxime Bossis, Jean Paul Bertrand-Demanes, Bruno Baronchelli et bien d’autres talentueux footballeurs.</em></p>
<hr>
<p>À l’occasion de la coupe du monde 2018 en Russie, l’idée centrale de cette rencontre avec <a href="http://www.presseocean.fr/actualite/70-ans-du-fcn-joueur-emblematique-des-annees-70-gilles-rampillon-temoigne-17-04-2013-62964">Gilles Rampillon</a> est d’évoquer – vingt ans après et avec une nostalgie assumée – la belle et riche expérience que fut l’accueil de six rencontres de la coupe du monde 1998 (dont un magnifique quart de finale) à la fois au stade de la Beaujoire – Louis Fonteneau et au cœur même de la <a href="https://lacite-nantes.fr/cite-ducs-a-decouverte-dune-ville-vivre-205737.html">Cité des Ducs</a>.</p>
<p>Il s’agit donc ici d’aborder avec un acteur majeur de l’organisation de cet évènement les aspects opérationnels, les dimensions footballistiques et urbanistiques mais aussi les raisons de la passion qui submergea durant plusieurs semaines la ville de Nantes et tout le grand ouest._</p>
<hr>
<p><strong>Bonjour Gilles Rampillon, merci d’avoir accepté cette rencontre et tout d’abord comment allez-vous ? Quelles sont vos fonctions actuelles au sein de la métropole nantaise ?</strong></p>
<p>Je vais bien, merci. Après ma carrière au FC Nantes, j’ai intégré une autre équipe, celle de la métropole nantaise. Je suis désormais en charge de l’accueil des délégations internationales au sein de la direction du protocole de <a href="https://www.nantesmetropole.fr/actualite/">Nantes Métropole</a></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223084/original/file-20180613-32342-q1nmy0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avec Gilles Rampillon, en juin 2018, à Nantes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">rampillon_bidan_juin2018_nantes.jpeg</span></span>
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<p><strong>Pouvez-vous nous rappeler quels étaient votre implication et votre rôle au cœur de l’évènement lors de cette fameuse coupe du monde 1998 ?</strong></p>
<p>Mon implication et ma motivation étaient totales car l’évènement était unique et nous en avions tous pleinement conscience. J’étais en effet « chargé de mission compétition » pour la Coupe du Monde 98 sur le site de Nantes – l’un des 10 sites retenus en France – afin que les <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-la-ville-vit-aux-rythmes-du-foot-en-1998-5612440">six matchs programmés</a> se passent le mieux possible et que la ville soit au rendez-vous de cet évènement.</p>
<p><strong>A titre personnel, je vous ai rencontré et côtoyé durant cette coupe du monde – j’étais un simple <a href="https://www.ladepeche.fr/article/1998/05/11/161318-voila-les-volontaires.html">volontaire</a> affecté aux « accréditations » sur le site du stade – je me souviens d’une « ambiance de travail » assez simple et conviviale mais finalement très imprégnée de la singularité de l’évènement… est-ce aussi votre souvenir ? Est-ce que cela peut expliquer une telle réussite populaire sur toute la région Nantaise ?</strong></p>
<p>La réussite populaire a été la conséquence du travail effectué en amont par le Comité français d’organisation intégrant permanents, volontaires, partenaires engagés dans une dynamique collective et motivés par l’excellence de l’accueil. Il fallait aborder une multitude de dossiers (footballistiques et non footballistiques) mais tous avec le même sérieux et… dans les délais impartis.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=799&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223090/original/file-20180613-32310-1fc83jg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1004&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une affiche de la coupe du monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">affiche_nantes.jpeg</span></span>
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<p>Le succès de la Coupe du Monde à Nantes a bien sûr été magnifié a posteriori par la victoire de l’équipe de France au terme d’une finale rêvée contre le Brésil (qui avait aussi disputé deux matches préalablement à la Beaujoire l’un contre le Maroc et l’autre en quart de finale contre le Danemark). Mais ce succès s’explique aussi par une belle réussite populaire au sein même de la ville (une <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-la-ville-vit-aux-rythmes-du-foot-en-1998-5612440">« vraie » plage</a> sur le cours Saint-André, une vaste fan-zone sur l’île Gloriette, le centre-ville et les quartiers impliqués, etc.) et dans le stade (six belles rencontres). Rappelons aussi que sur Nantes et ailleurs, les statistiques de ce mondial en France seront au final assez séduisantes pour les amateurs d’un football offensif et ouvert (171 buts sur 64 matchs soit <a href="https://fr.fifa.com/worldcup/archive/france1998/statistics/index.html">2,7 buts par match</a> avec seulement moins de 0,3 carton rouge par match)</p>
<p><strong>Comment expliquez-vous la passion qui s’empara de la ville – bien au-delà du site du stade de la Beaujoire et hors les matchs – pendant ces belles journées d’été ?</strong></p>
<p>C’est une combinaison de facteurs bien alignés. Le sentiment de vivre ensemble un évènement unique, le déroulement harmonieux de la compétition ponctuée de six matchs vraiment spectaculaires, la météo favorable, des supporters étrangers qui furent respectueux et enthousiastes, le programme varié des animations festives et culturelles notamment sur la plage de Copacabana au cœur même de Nantes (coupe du monde des quartiers, tournois de beach-volley et d’ultimate, mondial de billes, sculptures sur sable, farniente et détente, etc.) et sur les sites dédiés (guinguette en bord de l’Erdre, scène musicale, fan-zone, etc.). Au final, du travail, de l’inventivité et de la chance…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wqR_F7PPKTI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p><strong>Revenons sur le terrain du football et rappelez nous svp quels furent les six matches accueillis à la Beaujoire-Louis Fonteneau et lesquels vous ont particulièrement marqués ?</strong></p>
<p>Nous avons eu le plaisir d’accueillir <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-la-ville-vit-aux-rythmes-du-foot-en-1998-5612440">six (très) belles rencontres</a> à la Beaujoire, Espagne-Nigéria, Brésil-Maroc, Japon-Croatie, Chili-Cameroun, États-Unis-Yougoslavie et le mémorable quart de finale que fut Brésil-Danemark le 3 juillet 1998 au soir avec du suspense, du jeu et un beau score de 3 à 2 pour le Brésil. La fête fut effectivement belle durant ces journées.</p>
<p><strong>En dehors du terrain, quels sont les évènements et/ou les rencontres qui vous ont marqués durant cette belle période de la coupe du monde 1998 sur Nantes ?</strong></p>
<p>J’ai été particulièrement marqué par de nombreuses rencontres. Comme celles avec les délégations sportives, <a href="http://www.mondedufoot.fr/arbitre/wm-1998-in-frankreich/1/">avec les nombreux arbitres</a>, avec les diverses personnalités connues et moins connues qui sont venues sur Nantes pour quelques heures ou quelques jours. J’en garde des images inoubliables : par exemple les veilles de match lors des entraînements des équipes au Stade de La Beaujoire selon le cahier des charges de la FIFA et aussi les répétitions des cérémonies protocolaires.</p>
<p>Je me souviens aussi les jours de match des yeux des enfants porteurs de drapeaux et ramasseurs de balle, des hymnes nationaux joués par des orchestres militaires et repris par les délégations et supporters.</p>
<p>Et pour finir, mon souvenir peut-être le plus marquant est celui d’un certain 3 juillet 1998 en fin d’après-midi. En effet, avant de jouer son quart de finale contre le Danemark, fixé à 21h, toute l’équipe du Brésil, qui vient juste d’arriver en bus au stade de La Beaujoire, pour préparer son match se retrouve fortuitement dans mon bureau pour regarder en direct sur un écran de télévision (ceux d’avant, les cathodiques !) la série des tirs au but du quart de finale France-Italie qui se déroule au Stade de France depuis la fin de l’après-midi et qui verra la victoire de <em>qui vous savez</em>. Sacré souvenir…</p>
<p><strong>L’actualité nous ramène donc 20 ans après, en 2018, puis je vous demander votre pronostic pour cette coupe du monde qui débute justement dans quelques jours en Russie ?</strong></p>
<p>L’équipe de France version 2018 est, je le pense, en mesure de gagner cette Coupe du Monde en Russie. Et je dirai qu’elle peut rencontrer l’Allemagne en finale si elle dispose… du Brésil en demi-finale et de… l’Argentine en huitième de finale. Vaste programme en effet !</p>
<p><strong>C’est la fin de cette conversation Gilles, et comme le symbole de la fin d’une époque – celle d’un football flamboyant et libre – nous ne pouvons pas nous quitter sans évoquer « le cygne », « le boss », « l’indestructible » Henri Michel qui vient de nous quitter et dont vous avez partagé les « années canaris », quels souvenirs gardez-vous de lui ?</strong></p>
<p>Merci de cette évocation Marc. Je garde en effet <a href="http://www.presseocean.fr/actualite/fc-nantes-henri-michel-et-son-portrait-sur-la-pelouse-de-la-beaujoire-06-05-2018-270403">d’Henri Michel</a> le souvenir du capitaine du FC Nantes de 1970 à 1982, d’un coéquipier, d’un milieu de terrain numéro 8 puis libero numéro 5, d’un joueur international de très haut niveau, élégant et efficace, doté de qualités techniques et physiques exceptionnelles.</p>
<p>Je garde aussi le souvenir fort d’une épopée et d’un palmarès commun avec 3 titres de <a href="http://www.fcnhisto.fr/palmares.html">Champion de France en 1973, 1977 et 1980</a>, avec une formidable Coupe de France en 1979 et une demi-finale de Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe en 1980</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/223088/original/file-20180613-32313-154vucs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le FC Nantes durant son quincénat d’invincibilité à domicile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">rampillon_michel_fcnantes_80.jpeg</span></span>
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<p>J’ai des souvenirs précis de grands moments à la Jonelière – comme <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/anniversaire-de-bob-marley-en-juillet-1980-il-jouait-avec-le-fc-nantes-3171188">contre les Wailers en 1980</a> – et d’un travail intense lors des séances d’entraînement placées sous le signe de l’exigence individuelle et collective. Et finalement, je garde le plaisir inoubliable d’avoir proposé à ses côtés un football offensif, attractif et spectaculaire.</p>
<p><strong>Merci encore de cette conversation et de votre disponibilité Gilles et, je vous souhaite une <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Coupe-du-monde/Saison-2018/calendrier-resultats.html">« belle coupe du monde 2018 »</a>, rendez-vous est donc pris pour le 15 juillet prochain à 17HOO (heure de Nantes !)</strong>
L’idée de cette rencontre avec l’ex-international nantais Gilles Rampillon est d’évoquer – avec douce nostalgie – le bel accueil de la coupe du monde 98 avec six matchs joués dans la ville du FC Nantes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95717/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan fut abonné au FC Nantes durant les années 1990, côtoya Gilles Rampillon durant organisation opérationnelle des six matchs nantais (dont un quart de final) pendant la coupe de monde de football en 1998 et est passionné de l'histoire du club et de son jeu "à la nantaise"</span></em></p>L’idée de cette rencontre avec l’ex-international nantais Gilles Rampillon est d’évoquer – avec douce nostalgie – le bel accueil de la Coupe du monde 98 avec six matchs joués dans la ville du FC Nantes.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/914452018-05-23T20:49:18Z2018-05-23T20:49:18ZOfficialiser la mémoire de la traite négrière : regards sur deux situations sensibles au Bénin et en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/219202/original/file-20180516-155623-12dm84o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C70%2C1956%2C1342&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La patrimonialisation des sites, des événements ou des cultures liées à l'histoire de l'esclavage interroge notre rapport à la mémoire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/dd/Fers_esclave.jpg">Antoine Taveneaux/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p>Depuis la fin des années 1980, plusieurs mémoires du passé de l’esclavage transatlantique s’expriment avec force dans l’espace public par des actions et des propos officiels (<a href="http://www.unesco.org/new/fr/unesco/events/prizes-and-celebrations/celebrations/international-days/20th-anniversary-of-the-slave-route-project/">création de journées du souvenir)</a> normatifs (<a href="https://journals.openedition.org/droitcultures/3151">lois mémorielles</a>) ou militants. Ainsi on a vu apparaître certaines initiatives <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/cartes-ces-rues-francaises-qui-portent-encore-des-noms-de-negriers_2330921.html">visant à débaptiser des rues</a> portant le noms de négriers célèbres, notamment à Bordeaux et à Nantes.</p>
<p>Certains projets y compris dans la <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/quelles-reparations-pour-lesclavage">recherche académique</a>, interrogent également la question de la <a href="https://repairs.hypotheses.org/">réparation</a>.</p>
<p>De concert avec ces productions, il est possible d’observer, à une échelle globalisée, la tenue de cérémonies ainsi que la transformation monumentale d’anciens sites, ports et comptoirs négriers européens, africains et américains en lieux emblématiques d’une mémoire édifiée considérée comme étant vertueuse par rapport aux diverses formes d’oubli, présentées a contrario comme coupables ou fautives, d’une époque tragique.</p>
<p>Une telle logique se nourrit également de revendications identitaires sur la condition présente – qui serait pour certains à réparer – de ceux qui se réclament être les descendants des populations victimes de la traite négrière.</p>
<h2>Inverser le cours du temps</h2>
<p>Passer de l’amnésie à une souvenance juste et nécessaire permettrait alors d’inverser le cours du temps et de ses stigmates ; ainsi, de la durée éprouvée à rebours du temps révolu de l’esclavage émergeraient divers devoirs civils, moraux et religieux de mémoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219181/original/file-20180516-155564-1mlw4nm.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La Porte du Non Retour, étape de l’itinéraire de la Route de l’Esclave, Ouidah, Bénin, 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gaetano Ciarcia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De nos jours, sur plusieurs sites africains – anciens ports, comptoirs, itinéraires, lieux de culte, de refuge ou centres de pouvoir – ayant été marqués par la période du commerce négrier, une mémoire désormais patrimoniale du passé de l’esclavage doit souvent combler la rareté ou l’absence de ses traces matérielles à cause notamment de la déperdition des vestiges et des archives pouvant documenter de nos jours les diverses époques et modalités de ce commerce sur le continent.</p>
<p>Dans ces contextes, des récits fondateurs – par exemple celui très discuté inhérent à l’<a href="https://journals.openedition.org/insitu/10303#tocto1n6">île de Gorée au Sénégal</a> comme lieu proéminent du commerce esclavagiste – jouent une fonction cruciale de catalyseurs de la quête émotionnelle d’un drame historique à actualiser.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219065/original/file-20180515-195311-xzwq7y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fort Orange et Nassau sur l’île de Gorée au Sénégal, longtemps considéré comme plaque tournante du commerce esclavagiste.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/4/4f/Le_fort_d%27Orange_et_de_Nassau_%C3%A0_l%27%C3%AEle_de_Gor%C3%A9e_mg_8503.jpg/1024px-Le_fort_d%27Orange_et_de_Nassau_%C3%A0_l%27%C3%AEle_de_Gor%C3%A9e_mg_8503.jpg">Rama/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le vodun, mémoire religieuse du passé de l’esclavage au Bénin</h2>
<p>La notion de vodun peut indiquer des entités sacrées aux pouvoirs surnaturels et les <a href="https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1996_num_36_138_370101">cultes propres à leur vénération</a>.</p>
<p>Simultanément émanations abstraites de présences métaphysiques et supports concrets (autels, objets, formules incantatoires, substances rituelles, etc.) d’une force qui est à maîtriser de la part des humains, les cultes vodun ont également intégré les effets produits à la fois par la diffusion des religions du Livre et par les phénomènes de la traite négrière, de la colonisation, des phénomènes migratoires.</p>
<p>Au cours du mois de février 1993, le Bénin, pays africain parmi les plus affectés par l’<a href="https://www.cambridge.org/core/journals/african-studies-review/article/robin-law-ouidah-the-social-history-of-a-west-african-slaving-port-17271892-athens-ohio-university-pressoxford-james-currey-2004-vii-308-pp-maps-tables-bibliography-index-4995-cloth-2995-paper/356B86B680EF3F34BE5B8E8678E5E729">histoire de la traite négrière transatlantique</a> a été le foyer du Festival des arts et de la culture vodun, « Ouidah 92 : Retrouvailles Amériques-Afrique ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219180/original/file-20180516-155569-85dhus.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Statue de egun-gun réalisée par Yves Kpède dans le lieu dit Kamuno Gbonu (dit aussi : « place de l’esclave »), Abomey, 2006.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gaetano Ciarcia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Le festival, qui a eu lieu dans l’<a href="https://journals.openedition.org/etudesafricaines/pdf/15458">ancien comptoir négrier de Ouidah</a> à une quarantaine de kilomètres de la capitale économique du pays Cotonou, a coïncidé au Bénin avec la reconnaissance – dirigée par les plus hautes instances gouvernementales – des pratiques populaires vodun. Ces pratiques sont désormais mises en valeur en tant qu’expressions cultuelles d’une mémoire religieuse ayant traversé, à l’époque de la traite négrière, l’Océan.</p>
<p>À l’occasion de Ouidah 92, pendant les 10 jours du festival, la sortie publique des « divinités » traditionnelles de la ville s’est faite en concomitance avec la <a href="http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/386_1">rencontre entre les délégations des cultes vodun</a> venant du Brésil, d’Haïti, de Tobago.</p>
<p>Au cours du même mois de février 1993, la <a href="https://croixdubenin.com/articles/actualites/581-jean-paul-ii-au-benin-rencontre-avec-les-musulmans-et-les-vodounons">venue du Pape Jean‑Paul II au Bénin</a> et sa rencontre, dans l’esprit du « dialogue interreligieux », avec les plus importants dignitaires locaux a eu sur l’opinion nationale un impact déterminant dans la reconnaissance publique des croyances et des pratiques dites « animistes ».</p>
<h2>Un patrimoine mondialisé</h2>
<p>En 1994, le lancement de l’itinéraire <a href="http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human-sciences/themes/slave-route/">« La Route de l’Esclave »</a>, toujours à Ouidah, sous l’égide de l’Unesco, a illustré cette volonté d’associer la mise en patrimoine d’un passé perçu comme intangible, mais encore sensible, à l’institution d’une mémoire culturelle et religieuse de la traite négrière.</p>
<p>Dans le cadre d’une gouvernance globalisée de cette mémoire, l’institution moderne d’une tradition religieuse locale, s’identifiant au vodun, a fini par intégrer une vision atlantique, <a href="http://www.karthala.com/esclavages/3050-le-revers-de-l-oubli-memoires-et-commemorations-de-l-esclavage-au-benin-9782811115579.html">voire mondialisée</a> de l’expérience historique marquée, entre autres, par l’implantation et les métamorphoses des cultes africains dans les nouveaux mondes américains produits par la <a href="https://press.princeton.edu/titles/8101.html">traite négrière transatlantique</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/EqZr_HlZwB0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Célébration de cultes vaudou au Bénin par des descendants d’esclaves, Africa News, 2018.</span></figcaption>
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<p>Ainsi – dans la perspective d’un développement touristique et muséal des lieux et à travers la recherche de programmes en mesure de produire de la coopération internationale – un tréfonds mémoriel, à la fois « autochtone » et diasporique, est devenu un enjeu identitaire et un domaine socio-économique à sensibiliser et à alimenter en souvenirs.</p>
<p>À travers les opérations de valorisation suscitée par diverses entreprises locales et internationales impliquées dans la mise en patrimoine culturel de la période esclavagiste, la dimension désormais cosmopolite du sacré vodun est invoquée par de nombreux acteurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219182/original/file-20180516-155623-aejt7f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Concession de la famille Tchiakpè, ancien lieu de transit des convois d’esclaves avant leur embarquement, autel du vodun Gou, Ouidah, 2012.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gaetano Ciarcia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Ces acteurs sont engagés à la fois dans la perpétuation de leur autorité sur la culture locale et dans la <a href="https://hal-univ-tlse3.archives-ouvertes.fr/CEMAF/ird-01535098v1">recherche de relations avec des bailleurs de fonds étrangers</a>.</p>
<h2>Le cas de Nantes</h2>
<p>Nous retrouvons des situations patrimoniales en partie comparables au cas béninois aussi en Europe. À Nantes, par exemple, là aussi à partir des premières années 1990, l’exposition et association <a href="http://anneauxdelamemoire.org/">Les anneaux de la mémoires</a> et l’ouverture de deux salles entièrement consacrées <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/2015/04/09/sur-les-traces-du-passe-negrier-nantais-246249.html">au passé négrier de la ville</a> dans le musée de l’Histoire de Nantes au Château des ducs de Bretagne on été des événements fondateurs significatifs d’enjeux mémoriels qui sont aussi et surtout des enjeux symboliques et politiques.</p>
<p>En 2012 l’ouverture du <a href="http://memorial.nantes.fr/">Mémorial de l’abolition de l’esclavage</a> a suscité diverses controverses et oppositions qui ont divisé le milieux associatifs et institutionnels de la ville. En fait, à l’époque du lancement du projet du Mémorial, en 1998, l’avenir de cet espace sur les berges de la Loire a oscillé entre deux transformations possibles : musée et centre de documentation sur la traite ou lieu de recueillement, doté d’une dimension éminemment éthique et « compassionnelle ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=248%2C406%2C4352%2C3042&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219186/original/file-20180516-155584-c4g2y2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Mémorial de Nantes, 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gaetano Ciarcia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Finalement, c’est cette dernière option qui a été privilégiée. Dans ce cadre commémoratif, le souvenir de Nantes, port négrier d’autrefois, s’accompagne de la mise en valeur contemporaine de Nantes, cité désormais cosmopolite, ayant su reconnaître ses responsabilités historiques. Un tel choix avalisé par les plus hautes instances municipales a provoqué des divisions et des retentissements dans l’arène politique locale.</p>
<p>Il s’agirait donc d’une politique commémorative municipale issue de la volonté implicite d’instituer une <a href="https://www.editions-dalloz.fr/les-ports-negriers-face-a-leur-histoire-volume-27.html">inversion du stigmate</a>. Autour de la conception du Mémorial, une logique de la <a href="http://liverpool.universitypressscholarship.com/view/10.5949/liverpool/9781781381595.001.0001/upso-9781781381595-chapter-004">« réconciliation »</a> a été donc incitée par les pouvoirs publics dans une ville qui, jusqu’au début des années 1990 s’était plutôt distinguée pour le silence de ses élites sur le passé de la traite négrière.</p>
<p>Sur le choix d’un Mémorial consacré à l’abolition par la France de l’esclavage et non pas au souvenir de son rôle d’ancienne puissance esclavagiste ou aux luttes menées par les esclaves, plusieurs associations et historiens se sont dits et se disent en <a href="http://www.slateafrique.com/81993/memorial-qui-fait-polemique-nantes-esclavage">désaccord</a>.</p>
<h2>Enjeux et conflits de mémoire</h2>
<p>À travers l’invention de dispositifs commémoratifs comme « La Route de l’Esclave » au Bénin ou le « Mémorial de l’abolition de l’esclavage » de Nantes, la restitution monumentale du passé de la traite négrière transatlantique intègre des pratiques mémorielles locales.</p>
<p>Ces dernières se caractérisent par des interprétations – émanant des contextes locaux – qui se voudraient politiquement correctes et relativement consensuelles, mais qui en réalité intègrent des intentions commémoratives pouvant être perçues par leurs visiteurs comme partiales et paradoxales.</p>
<p>Il est alors possible de voir sur la Route de l’Esclave béninoise les statues des rois de la <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2016-4-page-691.htm">dynastie esclavagiste des rois d’Abomey</a> rappelant la résistance à la colonisation française et préfigurant la fondation de l’État national contemporain ; à Nantes, le souvenir de la déportation négrière être absorbé par la célébration de l’abolition et la mise en scène d’une ville qui aurait vertueusement retrouvé et su organiser sa mémoire embarrassante.</p>
<p>Dans ces contextes, les mémoires instituées du passé de l’esclavage sont l’expression d’intentions conflictuelles étant à la fois en quête d’un consensus ayant une portée culturelle au sens large et significatives de positionnement locaux. Ces positionnements peuvent s’opposer à une interprétation politiquement correcte des faits de l’histoire, tout en participant à la circulation d’un devoir de mémoire mondialisé comme, à titre d’exemple, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=dpjHYRtD_14">celui qui est suscité par l’Unesco</a>.</p>
<p>Les tentatives de produire un art de la pacification des diverses mémoires en jeu semble alors coïncider aussi avec la reconnaissance incertaine d’une qualité patrimoniale, anthropologique et historique d’origines dramatiques qui peuvent aujourd’hui être pensée comme une source féconde d’héritage moral et, in fine, de tolérance et cosmopolitisme.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les routes de l’esclavage (¼), Arte, mai 2018.</span></figcaption>
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<h2>Une mémoire inclusive en attente</h2>
<p>Néanmoins, la volonté politique conciliatrice prônant une « bonne » gouvernance mémoriale du passé de l’esclavage fait encore aujourd’hui – en France comme au Bénin – l’objet d’attaques de la part d’individus et de groupes qui s’affirment comme descendants, toujours en situation de conflit, de populations ayant été autrefois victimes de la déportation ou s’étant révoltées contre le système esclavagiste.</p>
<p>Ces groupes et ces individus se ressentent en effet minorés ou non représentés par le bien mémoriel institué en question, à cause du fait que, tout en adhérant à la logique désormais globalisée d’un devoir moral et politique de mémoire publique à instituer, ils ne reconnaissent pas des projets tels la Route de l’Esclave à Ouidah ou le Mémorial de l’abolition de l’esclavage de Nantes comme étant les leurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=998&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=998&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=998&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1254&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1254&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/219071/original/file-20180515-195327-13afb9i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1254&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le général Toussaint Louverture, XIXᵉ siècle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Toussaint_Louverture#/media/File:G%C3%A9n%C3%A9ral_Toussaint_Louverture.jpg">NYPL Digital Gallery/Wikimedia</a></span>
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<p>Ainsi, le même espace peut parfois faire l’objet d’actions cérémonielles qui sont antagonistes entre elles. Par exemple, lors de la journée du 10 mai à Nantes, où, régulièrement les représentants officiels de la municipalité commémorent l’abolition française de la traite négrière, des associations de militants insistent sur la responsabilité historique de l’État français dans la déportation esclavagiste.</p>
<p>En marge des manifestations officielles et dans une apparente absence de dialogue avec les autorités, ces derniers préfèrent honorer le souvenir de figures historiques, comme celle de <a href="https://www.humanite.fr/node/421911">Toussaint Louverture</a>, qu’ils considèrent négligées par les programmes officiels et par la scénographie commémorative.</p>
<p>Il s’agit donc de situations polémiques où des antagonismes entre les divers acteurs impliqués dans l’institution d’une mémoire publique de la traite négrière transatlantique participent de rapports de force constamment en devenir.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/91445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour ses recherches au Bénin et à Nantes, Gaetano Ciarcia a reçu des financements de l'université Paul-Valéry de Montpellier, du ministère français de la Culture, du CNRS et de l'EHESS</span></em></p>La transformation d’anciens sites négriers en lieux emblématiques d’une mémoire se voulant vertueuse face à un oubli stigmatisé comme fautif pose aussi la question de la réappropriation identitaire du passé de l’esclavage.Gaetano Ciarcia, Anthropologue, IMAf, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/955982018-04-25T21:39:31Z2018-04-25T21:39:31ZHommage à Monsieur Henri Michel : quand les Wailers et le FC Nantes s’affrontaient à la Jonelière<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216358/original/file-20180425-175044-5tpzxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C1497%2C1071&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La photo mythique du 2 juillet 1980.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ouest France/ DR Archives</span></span></figcaption></figure><p>L’Afrique, au travers de son portail <a href="https://www.africatopsports.com/2018/04/24/kalou-maroc-renard-etc-lhommage-de-lafrique-a-henri-michel/">Africa Top Sport</a> recense les hommages nombreux et vibrants à Henri Michel. La France de l’UNFP poste sur son <a href="https://twitter.com/unfp">compte Twitter</a> « Henri Michel, monument du football français, nous a quittés ce matin ». Le président de la République, en visite d’État aux USA, via le site de l’Élysée salue la <a href="http://www.elysee.fr/communiques-de-presse/article/communique-hommage-du-president-de-la-republique-emmanuel-macron-a-monsieur-henri-michel/">« discrétion et l’humilité »</a> de l’homme. Le Grand Ouest, au travers de son quotidien emblématique évoque lui la <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/football-vague-d-emotion-sur-la-toile-apres-le-deces-d-henri-michel-5719172">« vague d’émotion »</a> qui submerge la toile. Nantes est en deuil et la vaillante association « à la nantaise » lance l’<a href="http://www.presseocean.fr/actualite/fc-nantes-hommage-a-henri-michel-a-la-nantaise-lance-lidee-dune-statue-25-04-2018-269381">idée d’une statue</a>…</p>
<h2>Mais que se passe-t-il ?</h2>
<p>En effet, l’émotion, la peine et l’onde de choc suscitées par le décès de ce « monument » sont immenses. Immense, tout d’abord sur le rond territoire de la « planète foot » selon la formule consacrée. Immense ensuite sur les plats bords de l’Erdre et de la Loire, là où le <a href="https://www.20minutes.fr/sport/2260795-20180424-video-fc-nantes-incarnation-jeu-nantaise-boss-bon-vivant-fcn-pleure-henri-michel">jeu à la nantaise</a> est né et s’est fixé un peu (aussi) grâce à lui. Immense enfin, lorsqu’on évoque un football romanesque et fulgurant, aujourd’hui disparu au profit d’un spectacle devenu <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Article/Economie-pourquoi-manchester-united-reste-si-bankable/852550">« bankable »</a>.</p>
<p>Cet article s’appuie donc en toute partialité sur les trois aspects de cette émotion. Il propose aussi une recension de liens montrant l’attachement d’une région – notamment via le journal phare qu’est <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/football-henri-michel-ancien-joueur-du-fc-nantes-est-decede-l-age-de-70-ans-5718918"><em>Ouest-France</em></a> – à un homme, à son apport footballistique, à sa classe et à sa fidélité à un club.</p>
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<h2>La planète foot submergée par l’émotion</h2>
<p>Henri Michel n’était pas <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/football-henri-michel-un-cygne-la-classe-indestructible-un-seigneur-5719098">qu’un cygne, un seigneur, une classe, un indestructible</a>… c’était une personnalité forte, intelligente et attachante qui évoluait bien loin des éléments de langage et de communication qui affadissent l’ensemble de l’écosystème du football moderne.</p>
<p>Il fut un footballeur brillant, joueur et aérien – élégant énoncerions-nous désormais – doté de capacités physiques exceptionnelles, d’un sens du jeu fulgurant, d’une frappe fluide et d’une <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/football-henri-michel-legende-du-fc-nantes-la-carriere-bien-remplie-5718965">hygiène de vie</a> disons… discutable. En un mot, joliment prononcé hier midi par son successeur à la tête des bleus – succession délicate et actée après un <a href="http://www.leparisien.fr/sports/henri-michel-a-mon-epoque-on-n-etait-pas-aussi-mal-parti-12-10-2004-2005366789.php">piteux nul à Chypre</a> en qualifications de la coupe du monde 1990 – un <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/foot/mort-d-henri-michel-un-mec-formidable-avec-qui-tu-peux-aller-au-bout-du-monde-reagit-michel-platini_2721105.html">« mec formidable »</a> !</p>
<p>Il fut aussi un capitaine « meneur d’hommes » vaillant, respecté et respectueux qui organisait le jeu pour faire briller une génération de canaris (1966-1982) autant que ses coéquipiers nappés de bleu durant quelques <a href="https://www.fff.fr/equipes-de-france/tous-les-joueurs/fiche-joueur/662-henri-michel">58 sélections en équipe de France A</a>.</p>
<p>Il fut un entraîneur inventif et généreux en France (1984-1988) avec quelques matchs de légendes – dont le fameux <a href="http://portail.free.fr/sport/football/7556650_20180424_henri-michel-est-decede-l39artisan-du-chef-d39oeuvre-france-bresil-lors-de-la-coupe-du-monde-1986.html">France-Brésil mexicain de 1986</a> – à son actif. Un coach respecté en Afrique. <a href="http://www.jeuneafrique.com/554860/societe/disparition-henri-michel-lafricain/">« Henri Michel, l’africain »</a> est d’ailleurs largement salué et remercié sur le vaste continent au regard du <a href="http://www.afrik-foot.com/cote-d-ivoire-maroc-cameroun-l-afrique-n-oubliera-pas-henri-michel">« sorcier blanc »</a> qu’il fut parfois par exemple au <a href="https://www.huffpostmaghreb.com/entry/lancien-selectionneur-du-maroc-henri-michel-est-decede_mg_5adf0a35e4b0df502a4f3bb5">Maroc</a>, au Cameroun, en <a href="https://www.connectionivoirienne.net/134828/henri-michel-1er-entraineur-a-qualifier-la-cote-divoire-a-une-coupe-du-monde-est-decede">Côte d’Ivoire</a>, en Tunisie, en Guinée Equatoriale, en Afrique du Sud et même <a href="http://www.football365.fr/kenya-henri-michel-selectionneur-1888573.html">au Kenya</a>.</p>
<p>Il fut aussi un ami respecté et fidèle qui dans le même temps se forgea quelques ennemis – <a href="http://sport24.lefigaro.fr/le-scan-sport/2018/04/24/27001-20180424ARTFIG00130-quand-eric-cantona-traitait-henri-michel-de-sac-a-merde.php">parfois outranciers</a> – tout aussi fidèles et revanchards. Il est donc tout à fait logique qu’avec lui disparaisse un peu le <a href="https://www.la-croix.com/Sport/Henri-Michel-mort-football-copains-2018-04-24-1200934190">« football des copains »</a>.</p>
<h2>Tristesse sur les bords de l’Erdre et de la Loire</h2>
<p>Henri Michel était l’une personnalités les plus admirées et respectée du mythique – celui avec un « y » – Football Club de Nantes de <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/nantes-44000/nantes-le-jeu-la-nantaise-est-ne-marcel-saupin-5612177">Marcel Saupin</a> (sur les bords de la Loire) à la Beaujoire en passant bien sûr par le verdoyant <a href="https://www.fcnantes.com/formation/CentreSportif.php">centre d’entraînement de la Jonelière</a> (sur les bords de l’Erdre).</p>
<p>Nous parlons bien là de la <a href="https://twitter.com/FCNantes">légende des légendes</a> et d’un garçon « beau comme un dieu » (J.C. Suaudeau) qui débarque à Nantes depuis Aix en Provence, où il naquit en 1947, au milieu des années 1960 pour y aligner 532 matchs en 16 années. D’un point vu purement factuel, mais également dithyrambique, sa carrière en jaune et vert notamment à Marcel Saupin fut simplement exceptionnelle. Cinq années d’invincibilité totale du FC Nantes à Saupin, soit 92 matches étalés de 1976 à 1981 ce qui constitue un record toujours d’actualité, trois titres de champion de France en 1973, en 1977 et en 1980 et une Coupe de France en 1979. Et sur une plus longue période, quelque 44 saisons (comme le département ( !) en division 1) y compris les chefs d’œuvres footballistiques des années 1990. Les <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/2013/04/16/70-ans-du-fc-nantes-les-nantessaint-etienne-de-la-grande-epoque-235361.html">mythiques Nantes–St. Étienne</a> des années 70 et 80 sont alors remplacés par les <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/fc-nantes/fc-nantes-cinq-matchs-qui-ont-fait-l-histoire-des-nantes-psg-5489971">somptueux Nantes–PSG des 90.</a></p>
<p>D’ailleurs les hommages sont innombrables, à la fois sur le site de <em>l’Equipe</em>, dans <em>So Foot</em> ou <em>Le Monde</em> mais aussi – et surtout – dans <em>Ouest-France</em> ou <em>Presse Océan</em>, ce qui est révélateur de l’aura populaire d’un homme (le « plus grand des canaris » selon la LFP) dont la <a href="http://www.lfp.fr/ligue1/article/henri-michel-mort-du-plus-grand-des-canaris.htm">fidélité avec les canaris impose le respect.</a></p>
<p>Il était bien évidemment admiré par ceux qui l’ont côtoyé sur le terrain, sur la pelouse ou sur le banc. Notons par exemple les hommages retenus de l’ancien gardien de but Jean‑Paul Bertrand-Demanes, évoquant dans le journal <em>L’Equipe</em> « beaucoup de joueurs ont marqué l’histoire du FC Nantes, mais Henri Michel est celui qui l’a le plus marquée » ou encore le « grand max » (Maxime Bossis) évoquant sa rencontre avec lui à ses débuts à 16 ans. Notons aussi les <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Pecout-et-laquo-le-johnny-hallyday-du-sport-et-raquo/895609">croustillantes anecdotes de Éric Pécout</a> arrivé un peu plus tard à Nantes mais très impressionné par la personnalité du boss.</p>
<p>Les hommages sont nombreux, les <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-e-de-8h15/loire-ocean/jean-paul-bertrand-demanes-et-maxime-bossis-anciens-coequipiers-de-henri-michel">voix sont posées</a> et les mots sont sobres.</p>
<h2>Le roman d’un football disparu</h2>
<p>Nous finirons cette chronique forcément partiale et grandiloquente – quoique nous pensons clairement qu’un Henri Michel jouant au Réal ou à l’Ajax de l’époque aurait pu piloter sa carrière à l’image de celle d’autres géants des années 70 comme Beckenbauer ou de Cruijff. Néanmoins, à sa décharge, et en toute mauvaise foi, il est clair que traverser la vie footballistique en pays ligérien est en tout point plus riche que la ternir en terres madrilène ou batave ! – par l’histoire d’une journée devenue roman.</p>
<p>Nous sommes le 2 juillet 1980, un mercredi – jours des grands enfants qui aiment la <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2015-1-page-79.htm">vie, la nuit et le football</a> – juste après l’entraînement des canaris qui venaient d’être sacrés pour la nième fois (petite vacherie amicale pour nos amis et voisins rennais) « Champions de France » et juste avant un concert qui s’annonçait grandiose au parc des expositions. Ce match fut un enchantement et Gilles Rampillon (moustachu sur la photo ci-dessous !) comme tant d’autres s’en souviennent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216282/original/file-20180425-175058-180nnbb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Presse Océan</em> couvrit l’événement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Presse Océan</span></span>
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<p>Ce mercredi-là, une toute petite équipe issue de la grande formation des <a href="http://www.sofoot.com/bob-marley-le-foot-et-la-france-e2-80-a6-184667.html">Wailers coachée par un certain Bob Marley</a> voulait se dégourdir les jambes, sur une pelouse digne de ce nom et face à des joueurs sachant dribbler et rigoler, avant un concert prévu le soir même au parc des exposition de… la Beaujoire devant une petite dizaine de milliers de rastamen nantais qui reprendront en cœur <a href="https://www.youtube.com/watch?v=uMUQMSXLlHM">« Buffalo Soldier »</a> (1978) ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=QrY9eHkXTa4">« Redemption Song »</a> (1978), ce qui n’est pas le moindre des paradoxes de l’histoire de la <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/2015/04/09/sur-les-traces-du-passe-negrier-nantais-246249.html">cité des Ducs</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/216382/original/file-20180425-175038-n2i7vx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=373&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Autographes d’Henri Michel et de Gilles Rampillon.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>En face, le défi footballistique fut relevé pour 45 minutes à <em>cinq contre cinq et petits buts</em> ! Ainsi, sur la pelouse grasse et généreuse des bords de l’Erdre, et devant quelques dizaines d’heureux gardiens du temple du <a href="http://www.sofoot.com/les-50-joueurs-qui-ont-ecrit-l-histoire-du-fc-nantes-1er-445712.html">« beau jeu à la nantaise »</a>, une toute aussi petite équipe de cinq vaillants joueurs de la grande formation du football club de Nantes coachée par un certain Henri Michel et appuyée par quelques <a href="https://www.pinterest.fr/fabkeul/le-fc-nantes-et-le-foot-romantique-des-ann%C3%A9es-7080/?lp=true">gaillards romantiques</a> et moustachus comme Jean‑Paul Bertrand-Demanes, <a href="http://www.sofoot.com/les-50-joueurs-qui-ont-ecrit-l-histoire-du-fc-nantes-1er-445712.html">Gilles Rampillon</a> (qui oeuvra ensuite brillamment pendant la coupe du monde 1998 sur les bords de la pelouse à la Beaujoire), Bruno Baronchelli et Loïc Amisse. Le match fut disputé, et les dribbles de Bob Marley firent merveille (deux buts à son actif). La classe aérienne des nantais permit de sauver la face face aux amateurs – fussent-ils des légendes planétaires – et de clore les débats sur un quatre buts à trois pour les canaris. Puis ce fut l’après-match dans le bus des Wailers avec beaucoup de fumée blanche issue de la pelouse verte pour annoncer le concert du soir, qui à son tour accueillait en tribune nos fiers canaris. Fin de chantier !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"988718707538104320"}"></div></p>
<p>La disparition d’Henri Michel, c’est aussi la fin d’un football romanesque et flamboyant et l’avènement d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-l-expansion-management-review-2009-3-page-40.htm">foot-business</a> dont la logique intrinsèque n’a plus grand chose à voir avec cet « âge d’or ». Vivement que sa statue soit érigée sur les bords de l’Erdre ou de la Loire (vaste débat nanto-nantais en perspective) pour aller s’y perdre en feuilletant <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/graham-greene-ou-le-bord-vertigineux-des-choses--volume-1-1904-1939-norman-sherry_0-826137_9782221065860.html"><em>Le bord vertigineux des choses</em></a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95598/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan fut abonné au Football Club de Nantes - tribune Loire - dans les années 1990. Il est passionné d'un jeu à la nantaise théorisé par P. Dessault en 1992 qui repose sur la mobilité, la simplicité et la clairvoyance et qui fut inculqué par José Arribas à partir des années 1960 puis affiné et fixé dans les années 70, 80 et 90 par Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix. </span></em></p>Quelques lignes sur l’émotion suite à la disparition hier du cygne, du monument, du boss, de l’indestructible, du flamboyant footballeur, entraîneur et homme que fut Henri Michel.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/899922018-02-12T21:24:59Z2018-02-12T21:24:59ZLes « ZAD » et leurs mondes<p>La route départementale traversant la Zone à Défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/01/27/dans-la-zad-de-notre-dame-des-landes-la-route-de-l-apaisement_5247947_3244.html">a été rendue à la circulation par ses occupants</a> selon l’injonction des autorités. Ces dernières ont donné « jusqu’au printemps » aux associations et personnes mobilisées contre le projet d’aéroport <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/notre-dame-des-landes/notre-dame-des-landes-les-opposants-demandent-du-temps-pour-liberer-la-route-des-chicanes_2568739.html">pour organiser l’évacuation des occupations jugées illégales</a>.</p>
<p>En attendant, habitants et sympathisants de la lutte contre ce qu’ils jugent un <a href="https://reporterre.net/Grands-projets-inutiles-le-delire-continue-Voici-la-carte-des-resistances">« Grand projet inutile et imposé »</a> <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/02/10/la-zad-de-notre-dame-des-landes-veut-construire-son-futur_5254652_3244.html">se sont retrouvés nombreux le 10 février afin de discuter de son avenir</a>, depuis l’annonce officielle de l’abandon du projet <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2018/01/18/abandon-du-projet-de-notre-dame-des-landes-la-victoire-discrete-de-nicolas-hulot_5243435_3244.html">par le gouvernement</a> le 18 janvier.</p>
<p>Mais qui sont-ils ces « zadistes » au juste ? Sont-ils des « terroristes » comme l’<a href="http://www.telerama.fr/television/a-notre-dame-des-landes,-le-vietnam-des-pauvres-menace-la-france-dune-guerilla,n5402676.php">insinuaient assez grossièrement certains journaux, d’ailleurs moqués par Télérama</a> ? Des hommes et femmes dont les intentions seraient funestes et l’organisation « paramilitaire », allant jusqu’à cacher – d’après ces mêmes journaux aux sources d’information <a href="http://www.acrimed.org/Desinformation-sur-la-ZAD-de-Notre-Dame-des">pour le moins douteuses</a> – des « boules de pétanques hérissées de clous » ?</p>
<h2>La ZAD, terre de fantasmes</h2>
<p>Les fantasmes et les clichés véhiculés par les politiques au sujet des militants ont été légion depuis au moins l’<a href="http://www.liberation.fr/societe/2012/11/29/notre-dame-des-landes-resistance-mode-d-emploi_863931">opération César de 2012</a> ordonnée en vue de détruire les installations jugées illégales, déloger par la force les occupants de la zone et réprimer dans son ensemble le mouvement anti-aéroport. En dépit de la dureté des affrontements et du nombre considérable de gendarmes mobiles alors déployés (2 000), l’opération avait viré au fiasco pour le gouvernement. La résistance pugnace de celles et ceux qui disaient « non » à l’aéroport, loin d’épuiser les énergies, avait largement contribué à renforcer la détermination de tous. D’ailleurs ceux qui sont appelés les « zadistes » réoccupèrent le bocage un mois seulement après, à l’occasion d’une opération ironiquement baptisée <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-planete/20121119.RUE3938/notre-dame-des-landes-operation-asterix-les-manifestants-reoccupent-la-zad.html">« Astérix »</a>.</p>
<p>Du côté des professionnels des médias, préjugés et conditions précaires d’exercice du métier s’ajoutent à la grande méfiance qu’ils suscitent du côté des habitant·e·s des ZAD pour expliquer en grande partie la récurrence de certains poncifs à l’égard des « zadistes ». N’ayant qu’un accès limité à certaines zones et certains occupants, des journalistes dépêchés sur place peinent alors parfois à recueillir autre chose que des déclarations convenues ou évasives, quand ils ne se voient pas carrément refouler en lisière de zone. Ils sont alors contraints à ne reproduire que caricature, amalgames ou éléments fournis par les pouvoirs publics.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205709/original/file-20180209-51706-1hhdpmo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Armes « zadistes » ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nddl/36117345625/">Non à l’aéroport Notre-Dame-des-Landes/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Seules une présence et une confiance réciproque permettent, dans de rares cas, d’accéder à une information de qualité. Quelques médias en ligne y sont parvenus, on pense ainsi à <a href="https://reporterre.net/">Reporterre</a> ou <a href="https://www.mediapart.fr/biographie/jade-lindgaard">Mediapart</a>. <a href="https://letempsediteur.com/2017/09/01/retour-a-notre-dame-des-landes/">Quelques ouvrages signés de professionnels des médias</a> récemment publiés ont aussi eu le mérite de s’attacher à comprendre et analyser en profondeur les motivations des habitant·e·s de la ZAD.</p>
<p>Car les luttes prenant appui sur la désobéissance civile mettent souvent à mal les catégories d’analyse classiques. De ce point de vue, les <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2017-1.htm&WT.rss_f=sciences-politiques&WT.tsrc=RSS">regards que posent les chercheur·e·s en sciences humaines et sociales</a> constituent des instruments précieux de dévoilement des chimères produites par les représentants de l’ordre social dominant et d’approfondissement des connaissances au sujet de cette modalité de protestation collective.</p>
<h2>Une population bigarrée</h2>
<p>Pour comprendre qui sont les groupes présents, qui apportent un soutien, s’installent dans une ZAD, plus ou moins durablement et participent à des chantiers ou y lancent de nouvelles activités, il convient tout d’abord de se déprendre de toute conception homogène. Ce qui frappe, c’est d’abord et avant tout l’<a href="https://www.mediapart.fr/studio/panoramique/la-zad-ca-marche-ca-palabre-cest-pas-triste">extrême diversité</a> des personnes qui résident sur les sites occupés, en particulier à Notre-Dame-des-Landes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205712/original/file-20180209-51706-te9r0n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les « zadistes » forment une réalité bien plus composite, bigarrée et complexe que ce que laissent à croire les nombreux fantasmes qu’ils suscitent.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nddl/35725312730/">Notre-Dame des Landes/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<p>Diversité des profils et des statuts sociaux, mais aussi hétérogénéité des motivations, variété des raisons et des niveaux d’engagement, différences des trajectoires biographiques et des expériences préalables, divergences idéologiques aussi bien sûr qui exposent parfois cette petite société protestataire à la <a href="https://www.cairn.info/revue-savoir-agir-2016-4-p-61.htm">discorde</a>.</p>
<p>Enfermer les individus dans des catégories toutes faites ne rend alors pas justice à la réalité sociologique des multipositionnements identitaires, politiques, sociaux de celles et ceux qui deviennent à un moment donné des habitant·e·s des lieux. Cela ne permet pas non plus de saisir qu’un.e militant.e aguerri.e peut tout à fait s’avérer aussi féru.e de permaculture, passionné.e de rap, diplômé.e du supérieur, autoconstructeur de cabane, parent d’un enfant né sur la ZAD, etc. Et qu’en cas de menaces policières, celui ou celle-ci fasse barrage, y compris en usant de la force physique, pour défendre les lieux et ses idéaux.</p>
<p>Les identités sont rarement aussi simples (voire simplistes) que les dichotomies produites par les représentants de l’État (« bons agriculteurs » opposés aux « militants radicaux de l’ultra-gauche »).</p>
<p>Cela empêche aussi de percevoir le <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2017-1-p-91.htm">caractère composite des violences sociales et symboliques subies depuis parfois longtemps</a> par certains des habitants, notamment par les plus enclins à la discrétion : pauvreté et son cortège de problématiques sociales, échec scolaire, institutions de placement, discriminations, insatisfactions liées au salariat et à son monde, déclassement social…</p>
<p>Car pour peu que l’on adopte une <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2001-1-page-199.htm">approche processuelle de l’engagement</a>, ce sont surtout les bifurcations biographiques, les apprentissages croisés, les transformations de soi ainsi que l’expérience des métissages, des transgressions et des transfuges, qui <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2017-1-p-7.htm">caractérisent la très grande majorité de cette population bigarrée</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205710/original/file-20180209-51710-1oba7vo.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Doux rêveurs ? Terroristes ? Ici, une chaîne humaine en 2013.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cha%C3%AEne_humaine_NDDL_11_mai_2013_-_35.JPG">Jules78120/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>Rassemblés par la mobilité</h2>
<p>Au-delà des différences, l’un des points communs à de nombreux habitant·e·s des sites de contestation de projets d’équipement est la mobilité. Mobilité géographique surtout, mobilité sociale dans une moindre mesure.</p>
<p>Le nomadisme constitue en effet une caractéristique de nombre des « zadistes ». Beaucoup d’entre elles/eux circulent entre plusieurs espaces et formes de vie : au sein même de la ZAD parfois, à l’occasion d’un contrat de travail provisoire ailleurs ou d’une visite aux proches, mais aussi <a href="http://www.editionsdelaube.fr/catalogue/zones%C3%A0d%C3%A9fendre">entre plusieurs zones à défendre</a>. Divers modes de locomotion alternatifs à la voiture individuelle sont alors privilégiés, selon les ressources ou convictions de chacun.e : à pied, en vélo, en train, en auto- ou bateau-stop, ou encore dans son véhicule personnel (camionnette ou fourgons, souvent aménagés pour y dormir et cuisiner).</p>
<p>La mobilité et fluidité des habitant·e·s, aussi bien sur place qu’entre sites occupés, tout comme le caractère informel de certains des collectifs qui soutiennent les <a href="http://cafe-geo.net/wp-content/uploads/diversite-lieux-implantation-zad.png">ZAD en France</a>, rendent <em>de facto</em> leur recensement difficile et les tentatives de catégorisation de leurs membres au mieux hasardeuses, au pire stigmatisantes.</p>
<h2>De la « maison-mère » aux « petites » ZAD</h2>
<p>Depuis la fin des années 2000, à la ZAD du bocage nantais s’ajoutent d’autres formes d’occupation provisoire ou permanente contre les « grands projets inutiles et imposés ». C’est le cas en Val de Suse en Italie contre la ligne à très grande vitesse, au <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/sivens-le-barrage-de-trop-gregoire-souchay/9782021227864">Testet</a> dans le Tarn <a href="https://reporterre.net/Une-nuit-sur-la-Zad-du-Testet">autour du barrage de Sivens</a>, devenue tragiquement célèbre suite à la mort du <a href="https://www.mediapart.fr/journal/france/dossier/dossier-sivens-et-la-mort-de-remi-fraisse">naturaliste militant Rémi Fraisse</a> et évacuée complètement en 2015, à Bure contre le <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/bure-la-bataille-du-nucleaire-gaspard-d-allens/9782021377095">projet d’enfouissement de déchets nucléaires radioactifs</a>, à <a href="http://zaddumoulin.fr/">Kolbsheim (Grand-Est)</a>, contre contre le projet de « grand contournement autoroutier » de Strasbourg ou encore à <a href="https://zadroybon.wordpress.com">Roybon (Isère)</a>, contre la création d’un parc d’attractions.</p>
<p>Aux yeux de beaucoup, Notre-Dame-des-Landes représente la « maison-mère » d’une forme de lutte qui se déploie en divers endroits en France et en Europe (<a href="https://reporterre.net/A-Bruxelles-une-ZAD-s-organise">Bruxelles</a>, <a href="https://lesechosduvent.wordpress.com/tag/hambacher-forst/">Cologne</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TfsqEgStZTk">Roumanie</a>) et vers laquelle il fait bon venir régulièrement se ressourcer, s’informer, revoir des ami·e·s, participer à tel chantier ou à un festival estival, soutenir les « copains » restés sur place, récupérer quelques effets laissés dans une cabane lors d’un précédent séjour…</p>
<p>C’est aussi d’elle que proviennent souvent les premiers militants qui occupent un nouveau site (comme ce fut par exemple le cas à Sivens), grâce aux savoirs et savoir-faire acquis en Loire Atlantique. La récente victoire des opposants au nouvel aéroport pourrait donner à ces autres espaces de contestation un nouvel élan comme en témoignent les récents appels à soutien <a href="https://www.neonmag.fr/reportage-embrouilles-avec-la-police-cabane-dans-les-bois-etait-avec-les-activistes-anti-nucleaire-de-bure-500113.html">des « Hiboux » du bois Lejuc</a> à Bure ou des « veilleurs d’arbre » de la ZAD du Moulin à Kolbsheim. Les appels à la convergence des luttes et le serment de solidarité entre causes ont été affirmés à plusieurs reprises lors du grand rassemblement du 10 février 2018.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TfsqEgStZTk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Sur la route des ZAD.</span></figcaption>
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<p>Rejoindre le bocage de Notre-Dame-des-Landes, <a href="https://theconversation.com/notre-dame-des-landes-pourquoi-les-zadistes-ne-veulent-pas-partir-90244">emblématique</a> par sa durée, la richesse des activités qui s’y déploient et, surtout désormais, la victoire contre le projet d’aéroport, permet ainsi de remettre du combustible dans l’engagement : on y trouve une grande variété de profils et de projets, une relative abondance alimentaire, spatiale et festive, une multiplicité d’occasions de mettre en œuvre des initiatives de toutes sortes, une richesse dans les discours et les pratiques mises en œuvre… qui nourrissent celles et ceux qui y séjournent.</p>
<p>Cela pare, sinon évite, les <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/lsp/2004-n51-lsp758/008871ar.pdf">risques liés à un militantisme total</a> en offrant un havre aux personnes à la recherche d’un lieu pour s’isoler, se cacher, se réparer. Sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2017-1-p-91.htm">« petites » ZAD</a>, moins peuplées, plus intermittentes, et donc moins couvertes médiatiquement, les activités tendent <em>a contrario</em> à se raréfier et les soutiens de collectifs, associations ou syndicats susceptibles de les soutenir à se montrer plus aléatoires. Tout cela rend inévitablement la lutte plus éprouvante et les rétributions de l’engagement plus rares.</p>
<h2>Politiser le moindre geste</h2>
<p>Autre élément de ressemblance, la <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2017-1-p-35.htm">protestation en actes</a>, qui passe par une <a href="http://www.sociologiedutravail.org/spip.php?article109">« politisation du moindre geste »</a></p>
<p>Cette forme de vie implique de développer au quotidien des alternatives aux pratiques et normes en vigueur existant dans la société dominée par un système de normes standardisées et marchandes. Cela implique aussi de penser différemment la représentation politique, confinée principalement à l’élection : <a href="https://www.erudit.org/en/journals/socsoc/2009-v41-n2-socsoc3594/039260ar/">horizontalité des pratiques</a>, démocratie directe, rejet de la personnalisation et des porte-parolats, organisation en réseaux de réseaux.</p>
<p>Il en est aussi <a href="https://www.cairn.info/revue-norois-2016-1-p-109.htm">des façons d’habiter ou de se nourrir</a> qui sont conçus comme autant de modes d’agir aussi ordinaires que profondément critiques. Du choix d’un habitat léger (cabanes perchées ou au sol, tentes) ou plus « lourd » (maisons en pierre, bois, paille ou boue, caravanes ou yourtes), en passant par celui des matériaux de construction (uniquement naturels ou récupérés), la distribution des espaces de vie ou l’adoption de toilettes sèches, tout dans le <em>style résidentiel</em> adopté contient une remise en cause fondamentale de l’ordre social dominant.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/205713/original/file-20180209-51723-1s4g74s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cabane sur la ZAD du Testet, 2014.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:3-jours-Testet,_r%C3%A9sistance-26,_cabane_haute.jpg">Sébastien Thébault/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Ce qui concerne l’habitat est aussi valable en matière agricole, alimentaire, mais aussi ludique, familiale… Les repas peuvent aussi bien résulter d’une préparation et consommation collectives, à partir des denrées produites sur place, que consommés de manière plus individuelle et en dehors des horaires socialement normés. Des espaces de gratuité ou encore un « non-marché » hebdomadaire durant lequel des biens divers peuvent s’échanger sans prix fixé à l’avance sont organisés. Des zones ou moments non-mixtes (entre femmes, entre homosexuels) sont proposés afin de favoriser la parole et de dénoncer les dominations et discriminations de genre. Des zones non motorisées voisinent les axes sur lesquels transitent tracteurs et autres engins agricoles, des éleveurs influencés par la biodynamie cohabitent avec des adeptes de l’alimentation vegan. En bref, il s’agit de formes variées du vivre autrement pour lutter différemment et… vice-versa !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89992/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Dechézelles ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Penser l'après Notre-Dame-des-Landes implique de comprendre qui sont les défenseurs de cette ZAD, la pluralité de leurs profils et de leurs attentes, loin des sempiternels clichés sur les « zadistes ».Stéphanie Dechézelles, Maîtresse de conférences en Science politique, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.