tag:theconversation.com,2011:/us/topics/negociation-36806/articlesnégociation – The Conversation2024-02-02T11:01:46Ztag:theconversation.com,2011:article/2225352024-02-02T11:01:46Z2024-02-02T11:01:46ZDe la fin des quotas de la PAC à aujourd’hui, 20 ans de politiques agricoles en échec<p>Les images ont tourné en boucle. Les agriculteurs ont quitté leur ferme pour bloquer des routes, des ronds-points, contrôler des camions frigorifiques ou converger vers <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/direct-colere-des-agriculteurs-des-tracteurs-attendus-a-bruxelles-ou-les-dirigeants-europeens-se-reunissent-pour-un-sommet_6338776.html#at_medium=5&at_campaign_group=1&at_campaign=7h30&at_offre=3&at_variant=V3&at_send_date=20240201&at_recipient_id=726375-1607622319-ce82a720">Bruxelles</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=cDhQPX9Zsn8">Paris</a> et le marché international de Rungis où des intrusions ont donné lieu, mercredi 31 janvier, à <a href="https://www.bfmtv.com/societe/colere-des-agriculteurs-au-moins-79-interpellations-apres-une-intrusion-et-des-degradations-dans-rungis_AN-202401310744.html">79 placements en garde à vue</a>. Les annonces jeudi du Premier ministre Gabriel Attal ont conduit la FNSEA et les Jeunes agriculteurs à <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/02/02/gabriel-attal-tente-d-eteindre-la-colere-des-agriculteurs-en-cedant-sur-l-environnement_6214355_823448.html">appeler à suspendre le mouvement</a>.</p>
<p>Une énième crise agricole ? Une version moderne des <a href="https://www.sudouest.fr/economie/agriculture/colere-des-agriculteurs-le-cauchemar-de-tous-les-gouvernements-18306654.php">jacqueries d’antan</a> ? Peut-être pas. La colère du monde agricole s’exprime certes par résurgences, au gré de l’évolution des prix ou des catastrophes naturelles ou climatiques. Mais les observateurs du secteur remarquent que cette crise diffère des précédentes pour au moins deux raisons.</p>
<p>D’une part, on a relevé une convergence assez inhabituelle de <a href="https://www.publicsenat.fr/actualites/economie/colere-des-agriculteurs-fnsea-ja-coordination-rurale-qui-sont-les-syndicats-agricoles">tous les syndicats agricoles</a> sur le terrain, avec des revendications proches si ce n’est communes. Et pour la première fois dans l’histoire, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2024/01/20/partout-en-europe-la-colere-des-agriculteurs-gagne-du-terrain_6211913_3234.html">manifestation devient « coordonnée » au niveau européen</a> puisque presque tous les pays ont connu au même moment des mouvements sociaux liés au monde agricole. Auparavant, ceux-ci étaient souvent locaux et ne concernaient parfois qu’une filière (le lait, la viande) : jusqu’à présent aucune crise agricole n’avait connu une telle cohésion.</p>
<p>Une lecture rapide pourrait nous faire croire que les crises agricoles se succèdent les unes aux autres avec une fréquence variable. Il n’en est rien. <a href="https://www.cairn.info/revue-sesame-2017-1-page-60.htm">Le monde agricole est en crise permanente depuis 20 ans</a>. Et le point de départ de cette crise constante de l’agriculture correspond au démantèlement progressif de la <a href="https://theconversation.com/topics/politique-agricole-commune-pac-25756">Politique agricole commune</a> (PAC) originelle. Celle-ci date de 1962 et était prévue dans le traité de Rome de mars 1957 qui fondait la Communauté économique européenne (CEE). Elle avait la particularité d’être « réellement » commune et surtout d’offrir des outils de pilotage et des filets de sécurité aux producteurs.</p>
<h2>Moins de garanties face aux aléas</h2>
<p>Les objectifs initiaux de cette <a href="https://agriculture.gouv.fr/la-politique-agricole-commune-pac-60-ans-dhistoire">politique européenne</a> étaient ambitieux : augmentation de la compétitivité, sécurité des approvisionnements, stabilisation des marchés et revenus décents pour les paysans. Elle était commune car elle disposait d’outils de régulation au niveau européen qui permettaient aux États membres de la CEE de penser leur politique agricole au niveau national mais <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-la-politique-agricole-commune/">également à une échelle supranationale</a>.</p>
<p>La régulation du marché constituait le premier pilier de la PAC. Des quotas annuels étaient ainsi définis au niveau européen et ventilés ensuite par pays puis par exploitation agricole. Ces mécanismes offraient aux paysans une certaine visibilité et une relative stabilité des prix, chose plutôt rassurante pour une activité en proie aux <a href="https://www.pleinchamp.com/les-guides/le-guide-de-l-assurance-recoltes%7Esecuriser-l-agriculture-face-aux-aleas-climatiques">aléas climatiques et aux maladies</a>. Cette régulation européenne qui consistait à encadrer <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/cnc9206141989/explication-de-la-reforme-de-la-politique-agricole-commune">volumes de production et indirectement les prix</a> a toutefois peu à peu été démantelée et les quotas ont officiellement disparu en 2015. Le second pilier relatif à l’orientation de la politique agricole permet d’aider au développement rural et parfois d’infléchir les productions. Ce second pilier (qui ne représente qu’un quart du budget de la PAC) s’appuie sur des aides et des subventions.</p>
<p>Les dernières filières à avoir été régies par les quotas furent le <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/histoires-d-info/quand-les-agriculteurs-manifestaient-contre-les-quotas-laitiers-1984_1774893.html">lait</a> et le sucre alors que les filières fruits et légumes les abandonnèrent beaucoup plus tôt. La PAC s’est alors trouvée privée d’un levier puissant. L’Europe s’étant engagée dans une approche désormais plus libérale, a, en effet, privilégié une approche plus ouverte et dérégulatrice qui s’est soldée pour nombre d’observateurs par <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2015/03/29/la-fin-des-quotas-laitiers-une-mesure-vache_1230958/">plus de volatilité</a> sur les marchés de matières premières agricoles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1751687804629684546"}"></div></p>
<p>Les marchés agricoles européens ont ainsi été <a href="https://www.cairn.info/revue-l-homme-et-la-societe-2012-1-page-181.htm">plutôt fragilisés</a>, d’autant que l’absence de régulation au niveau européen (notamment des volumes) a <a href="https://www.lesechos.fr/2015/08/agriculture-le-grand-tournant-1107922">conduit à une concurrence intraeuropéenne</a>, parfois délétère. Les agriculteurs, mis en concurrence les uns avec les autres, quand ils savaient auparavant qui produirait quel volume et pour quelle rémunération, n’ont pas pu compenser l’érosion des prix et ont retrouvé plus d’aléas dans leurs revenus. Concrètement, le lait irlandais s’est trouvé en concurrence directe avec le lait danois, belge ou français. Cela a conduit les grandes coopératives et industriels à s’engager, comme nous l’observons dans nos <a href="https://www.quae.com/produit/1699/9782759233588/gouverner-les-cooperatives-agricoles">travaux</a>, dans une course à la taille afin de préempter des marchés et <a href="https://www.cairn.info/revue-recma-2020-4-page-23.htm?ref=doi">prendre des positions</a>.</p>
<p>Conséquence directe, certaines filières ont connu des crises de surproduction, se traduisant par un effondrement des prix. Par ailleurs, comme l’Europe n’admet plus la constitution de stocks stratégiques (même si leur intérêt a été démontré pendant la crise Covid). Les marchés se trouvent sans mécanismes jouant le rôle de tampon ou d’amortisseur comme cela existait par le passé.</p>
<h2>Obliger de négocier (en position défavorable)</h2>
<p>La déstabilisation du marché se répercute sur l’ensemble des maillons de la chaine agricole : chaque acteur va stratégiquement avoir intérêt à se couvrir en déportant une partie de son problème et des risques inhérents au secteur sur un autre acteur. Ceci explique pour partie pourquoi les négociations commerciales à l’intérieur des filières agricoles <a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/colere-des-agriculteurs-derniere-ligne-droite-tendue-dans-les-negociations-commerciales-7900347658">sont souvent tendues</a>, chacun essayant de préserver sa marge au détriment de quelqu’un d’autre.</p>
<p>Le centre de gravité de la régulation des marchés s’est ainsi déplacé de l’Europe et de ses outils communs vers les marchés nationaux et internationaux, en laissant libre cours à des rapports de force déséquilibrés. À titre d’exemple, un exploitant laitier réalisant un million de litres va générer pour son exploitation 400 à 500 000 euros de revenus. En face de lui, il va devoir « négocier » avec par exemple Lactalis qui pèse 25 milliards d’euros et qui lui-même négocie par exemple avec le groupement Leclerc, qui lui représente 45 milliards d’euros. Autant dire que le rapport de force est clairement en faveur de l’aval des filières (la transformation et la distribution) et que les paysans n’ont en réalité <a href="https://www.ladepeche.fr/2023/12/23/prix-du-lait-la-colere-sexprime-devant-lactalis-11660564.php">aucun pouvoir</a> pour négocier ou peser dans les discussions.</p>
<h2>Des réponses insuffisantes</h2>
<p>Face à ce rapport de forces inégal, l’Europe comme la France ont tenté d’apporter des réponses. La première réponse fut assez mécanique et a consisté à massifier l’amont en permettant le regroupement de producteurs afin qu’ils pèsent davantage. Des <a href="https://www.artisansdumonde.org/documents/organisationsprod_oct2015.pdf">organisations de producteurs</a> se sont constitués mais doivent affronter l’hostilité d’une partie des industriels notamment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1500457496774860806"}"></div></p>
<p>La seconde réponse visait à sécuriser la couverture des coûts (plus que le revenu) des agriculteurs par les distributeurs au travers de la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/crise/blocus-des-agriculteurs/on-vous-explique-les-lois-egalim-qui-cristallisent-la-ranc-ur-des-agriculteurs_6332368.html">série de lois Egalim</a> (depuis 2019). Ces lois comportent un concept (le seuil de revente à perte) qui est censé garantir un prix plancher aux agriculteurs afin qu’ils ne perdent pas d’argent. Mais force est de constater qu’une partie des acteurs cherchent <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/ces-centrales-d-achat-a-l-etranger-accusees-de-contourner-les-regles-pour-ecraser-les-prix-20240129">avant tout à contourner ces lois</a> afin de maintenir leur position dans les négociations et d’être en mesure de préserver leurs marges.</p>
<p>Ainsi, une partie de la réponse au malaise paysan semble se trouver à mi-chemin entre l’Europe qui doit retrouver une capacité de régulation, voire d’intervention, beaucoup plus forte et au sein des États qui doivent arriver à rééquilibrer même artificiellement les <a href="https://www.dailymotion.com/video/x8rxxcf">pouvoirs de négociation entre les acteurs des différentes filières agricoles</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222535/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fin des quotas PAC a poussé les agriculteurs européens à se faire concurrence. Conséquences : des revenus plus faibles, plus aléatoires et un pouvoir de négociation amoindri face aux distributeurs.Xavier Hollandts, Professeur de stratégie et entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094502023-09-19T16:12:10Z2023-09-19T16:12:10ZDans la vie, êtes-vous plutôt un « prédateur » ou une « proie » ?<p>Chaque instant de notre vie nous place dans le rôle du « prédateur » ou de la « proie ». Parfois, nous sommes fiers d’avoir obtenu gain de cause face à un vendeur que nous considérions malhonnête, tandis que d’autres fois, nous nous plaignons de notre harassante journée de travail sous les ordres de nos supérieurs.</p>
<p>Comment détecter ce rôle ? Prenons l’exemple d’un vendeur de voitures d’occasion qui nous proposerait un véhicule sans nous en dévoiler ses vices cachés. Il est effectivement un « prédateur » si la réponse est « oui » si tous les éléments de la prédation sont présents.</p>
<p>Je me réfère ici à la toile de prédation, aussi nommée la toile du 5-5. Il faut de prime abord cinq composantes essentielles (dites structurelles) pour que l’on puisse conclure à un acte prédateur :</p>
<ul>
<li><p>la présence d’un prédateur (ici, le vendeur) ;</p></li>
<li><p>et d’une proie (ici, nous) ;</p></li>
<li><p>un outil (ici, la fausse publicité sur la voiture contemplée) ;</p></li>
<li><p>un aléa ou une blessure (ici, la perte financière résultant de la valeur réelle du véhicule) ;</p></li>
<li><p>un effet surprise (ici, l’asymétrie d’informations qui a fait que le vendeur savait qu’il cachait des données qui auraient changé notre décision d’achat).</p></li>
</ul>
<p>On a parfois tendance à traiter certaines personnes de prédatrices sans qu’il y ait un élément de surprise : cependant, pour conclure à de la prédation, à un moment ou à un autre dans la dynamique interactionnelle, il doit nécessairement y avoir un bris de confiance inattendu, bref, un effet surprise.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537031/original/file-20230712-25-8xs895.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La « toile de prédation », ou « toile du 5-5 ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les cinq autres éléments essentiels (dits fonctionnels) de la toile de prédation sont :</p>
<ul>
<li><p>l’identification de la vulnérabilité d’une personne ;</p></li>
<li><p>l’appât, par exemple avec des promesses irréalistes (comme le faisait le financier Bernard Madoff, arrêté en 2008 pour escroquerie), qui a fait l’objet de nos <a href="https://ideas.repec.org/a/bla/jconsa/v54y2020i4p1195-1212.html">recherches</a> ;</p></li>
<li><p>la pression (par exemple, les phrases telles que « dépêchez-vous, car la demande est forte et le produit va partir vite ») ;</p></li>
<li><p>l’activation du piège (par exemple, un contrat qui prévoit des clauses désavantageuses écrites en petits caractères illisibles ou incompréhensibles ou un site Web dont la navigation force l’utilisateur à révéler des informations sensibles) ;</p></li>
<li><p>la soumission (par exemple, on ne peut plus sortir du contrat, à moins de payer des frais compensatoires exorbitants).</p></li>
</ul>
<p>Si on y regarde de près, on voit que toutes les interactions prédateur-proie dans le monde animal suivent ce modèle du 5-5. S’il y a un prédateur, il y a nécessairement une proie. Et dans la vie de tous les jours, nous balançons continuellement d’une posture à l’autre.</p>
<h2>Des comportements universels</h2>
<p>Fort de cette compréhension, j’ai conçu un questionnaire général dans lequel des questions sur les comportements de prédateur et de proie sont insérées de manière aléatoire (pour ne pas en révéler le but – une technique commune en recherche psychologique pour éviter les biais).</p>
<p>Cette échelle de mesure vise à évaluer les rapports entre personnes dans diverses circonstances. Elle a été vérifiée par des experts et administrée auprès d’une cinquantaine de groupes allant de 2 (des couples), à 30 et même à 250 individus, en France et au Canada, dans divers types de relations, comme celles du vendeur-acheteur dans le secteur automobile ou celle du chef d’orchestre et de ses musiciens.</p>
<h2>Et vous, êtes-vous plutôt un prédateur ou une proie ? <a href="https://sphinx.icn-artem.com/SurveyServer/s/pedagogie/EnqueteTechoPredation/questionnaire.htm">Faites le test !</a></h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Dessin d'un aigle chassant un poisson" src="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=431&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/549571/original/file-20230921-29-mqzlhx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=541&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L'effet de surprise, une caractéristique d'une situation de prédation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/1195092">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Tout d’abord, j’ai remarqué que ce n’est pas la réalité qui compte, mais sa perception : il suffit qu’une personne pense qu’une autre cherche à abuser d’elle sans que cela soit nécessairement le cas pour activer le système de vigilance propre à tout individu. On parle donc de prédation perçue, qui est un terme proche du concept de risque perçu ou menace perçue utilisé dans divers domaines, dont la psychologie.</p>
<p>Plus particulièrement, il ressort que la prédation perçue, mesurée par le « ratio proie-prédateur » qui indique notre vulnérabilité, ne doit excéder ni une limite haute ni une limite basse pour que les relations soient viables et possiblement durables. Au-delà de ces limites, les conflits deviennent ingérables.</p>
<p>Même tendance avec le ratio inverse, « prédateur-proie », qui indique notre désir de maintenir un certain contrôle sur notre vie : mes mesures montrent une constante de 1,3. (J’épargne au lecteur le calcul mathématique permettant de trouver ce chiffre). En dessous de 1,1 et au-delà de 1,8, les dyades deviennent dysfonctionnelles : il y a dans le premier cas un sentiment de victimisation insoutenable, et dans le second, une tendance sociopathe, qui se traduit par un manque d’empathie et des comportements calculateurs, sournois et froids.</p>
<p>De manière surprenante, j’ai retrouvé cette constance dans une analyse du marché américain visant à établir un indice de <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s13132-021-00862-2">prédation économique historique</a>. La courbe ainsi générée sur une cinquantaine d’années a montré un pic important durant la période des <em>subprimes</em> (ou prêts hypothécaires dits prédateurs) de 2007-2009.</p>
<h2>Des conséquences sur la prise de décision</h2>
<p>Afin de solidifier mon argument, j’ai mené une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00213624.2021.1948272">étude</a> dans un laboratoire en réalité virtuelle. Là, j’ai créé un scénario d’un financier qui promet des gains aux participants d’un voyage dans un monde virtuel où ils peuvent gagner ou perdre de l’argent.</p>
<hr>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<hr>
<p>Pour simuler le danger de prédation, un monstre conçu et dessiné de mon cru apparaissait de manière aléatoire durant le voyage du participant. Sur une trentaine de volontaires, j’ai pu noter ceci : la plupart des hommes se sont mis à rire. Les femmes, elles, ont souvent sursauté et se sont parfois égarées de manière modérée.</p>
<p>Une femme dans la vingtaine a été tellement affectée qu’elle s’est complètement égarée dans le monde virtuel présenté et n’a jamais pu compléter l’exercice, même après quinze minutes d’efforts, là où les autres avaient pris environ cinq minutes. La prédation perçue a donc eu un effet sur le comportement et la prise de décision de certains participants.</p>
<p>Enfin, j’ai procédé à une étude en image de résonance magnétique fonctionne (<em>f</em> MRI) impliquant vingt volontaires (un nombre suffisant pour ce genre d’études) (il faut mettre un lien sur mes articles). Les participants, couchés sur une table où leur cerveau était scanné, devaient parcourir un labyrinthe dans lequel ils pouvaient gagner de l’argent ou en perdre selon leur capacité à échapper à leur poursuivant d’allure relativement inoffensive.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537029/original/file-20230712-15-4n0trs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Imagerie cérébrale lorsque l’individu se sent en sécurité.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=744&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537030/original/file-20230712-29-r87wge.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=935&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Imagerie cérébrale lorsque l’individu se sent en danger (apparition de l’image d’un serpent).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cependant, de manière qui leur semblait sporadique et pour une fraction de seconde, l’image d’un serpent apparaissait sans crier gare (les participants avaient été testés au préalable sur l’échelle de phobie des serpents). Le cerveau montrait des zones d’activation différentes selon que le participant était davantage prédateur que proie, et plus il se sentait proie (notamment face à l’effet surprise de l’image du serpent), plus les zones cérébrales concernées étaient activées et plus il faisait d’erreurs (il se trompait dans le chemin du labyrinthe).</p>
<p>Ces études mettent en évidence notre nature profondément ancrée dans le règne animal, en soulignant les similitudes comportementales que nous partageons avec d’autres espèces. Elles mettent en lumière notre capacité à adapter notre comportement en fonction des circonstances et des interactions sociales.</p>
<p>Nous avons en nous toutes les composantes neurobiologiques, psychologiques et sociales qui nous font agir comme prédateur ou proie, à tout moment, à l’intérieur d’une fourchette de tolérance et avec un niveau fonctionnel (j’ose m’aventurer), remarquablement universel (à un ratio de 1,3, lequel signifie que nous voulons avoir 30 % de plus de forces que de faiblesses dans nos interactions sociales).</p>
<hr><img src="https://counter.theconversation.com/content/209450/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la vie de tous les jours, nous balançons continuellement d’une posture à l’autre.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970002022-12-22T19:18:40Z2022-12-22T19:18:40ZGrève à la SNCF pendant les fêtes : une erreur stratégique ?<p>La SNCF se voit contrainte d’annuler plus d’un tiers de ses trains les <a href="https://www.lefigaro.fr/social/greve-a-la-sncf-seulement-deux-trains-sur-trois-rouleront-le-week-end-de-noel-20221220">23, 24 et 25 décembre</a> à la suite d’un nouveau débrayage d’une partie des contrôleurs, qui réclament <a href="https://www.tf1info.fr/societe/trafic-tgv-previsions-sncf-pourquoi-les-controleurs-sont-ils-en-greve-pendant-le-week-end-de-noel-2242579.html">« une meilleure reconnaissance des spécificités de leur métier »</a>. Soit des augmentations de salaire et des mesures liées à la gestion de leur carrière. Environ 200 000 personnes ont vu leur train annulé et certaines <a href="https://www.lefigaro.fr/social/on-est-degoutes-les-francais-desempares-face-a-une-enieme-greve-a-la-sncf-pour-noel-20221220">n’ont pas de solution de repli</a>, les trains restant étant complets, tout comme les cars et les loueurs de voitures.</p>
<p>En dialogue social, peut-être plus que dans toute autre forme de négociation, plane sur les échanges le spectre d’un conflit ouvert. Les syndicats à l’attitude compétitive (parfois taxés de « révolutionnaires » telle la CGT, en contraste avec les syndicats dits « réformistes » comme la CFDT) n’hésitent pas à utiliser leur capacité d’organiser l’arrêt du travail pour tenter d’obtenir ce qu’ils exigent de leur hiérarchie.</p>
<p>Les experts <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay/alma991004309279705596/33UDL_INST:UDL">Hubert Landier et Daniel Labbé</a> démontrent bien que, dans certains secteurs vitaux de l’économie (tels que les transports, l’éducation, l’énergie et l’agriculture), les syndicats bénéficient de la plus grande capacité de « nuire », car, en perturbant l’organisation qui les emploie, ils impactent le pays tout entier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/76GhOaOOXf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Grève SNCF des 23, 24 et 25 décembre 2022, TFI.</span></figcaption>
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<p>C’est ce dont nous sommes témoins, en France, ces derniers mois : après les raffineries (l’approvisionnement en essence), les hôpitaux (l’accès aux soins), c’est une nouvelle fois, en cette fin d’année, que fleurissent dans les transports les préavis de grève. Selon l’IFRAP, il s’agit d’une tradition récurrente, puisqu’il y a eu des grèves en décembre à la SNCF <a href="https://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/en-20-ans-deja-la-14e-greve-de-decembre-la-sncf">sur 14 des 20 dernières années</a> (quoiqu’il est rare qu’elles se prolongent jusqu’aux fêtes). Même si nous nous intéressons ici aux <a href="https://theconversation.com/les-syndicats-peuvent-ils-encore-peser-dans-les-mouvements-sociaux-190802">stratégies syndicales</a>, il faut rappeler que le conflit social relève de la responsabilité de toutes les <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">parties à la négociation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-syndicats-sauront-ils-peser-dans-le-second-quinquennat-demmanuel-macron-175667">Les syndicats sauront-ils peser dans le second quinquennat d’Emmanuel Macron ?</a>
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<h2>À la table des négociations</h2>
<p>En négociation, on n’est pas obligé de menacer l’autre partie de conséquences néfastes pour obtenir ce que l’on souhaite. Négocier, ce n’est pas exercer un chantage. Si le chantage fait partie de l’arsenal du négociateur, il n’est pas obligé d’y recourir. Une majorité des organisations publiques et privées ont un dialogue social serein, dans lequel les échanges se font de manière apaisée.</p>
<p>Si nous résumons la <a href="https://www.amazon.fr/N%C3%A9gociation-Jacques-Rojot/dp/2711743977/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1KXOL7NM2NCZT&keywords=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuibert&qid=1671705658&s=books&sprefix=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuiber%2Cstripbooks%2C212&sr=1-1">pensée du professeur en sciences de gestion Jacques Rojot</a>, l’influence qu’occupe une partie en négociation dépend de sa capacité de construire comme de sa capacité de nuire. On entend par capacité de construire la capacité de proposer des solutions et/ou d’apporter des ressources permettant de répondre aux intérêts de l’autre partie. Par capacité de nuire, il faut comprendre le pouvoir de porter atteinte aux intérêts de l’autre partie en cas d’absence d’accord et ainsi lui mettre la pression pour qu’il se montre conciliant à la table.</p>
<p>La simple évocation de notre capacité de nuire servira de <a href="https://www.amazon.fr/G%C3%A9rer-ing%C3%A9rables-n%C3%A9gociation-relations-durables/dp/2710132559/ref=sr_1_3?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1SEEXCUWQZ0GS&keywords=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables&qid=1671706104&s=books&sprefix=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables%2Cstripbooks%2C177&sr=1-3">menace</a> visant à se rapprocher d’un accord qui nous serait particulièrement profitable.</p>
<p>Le problème avec la menace en négociation, c’est qu’elle ne peut servir de bluff : il faut être prêt à l’activer. Si on menace de faire grève au plus mauvais moment de l’année, alors si nos revendications ne sont pas entendues, il faudra la déclencher.</p>
<h2>Les syndicats en campagne permanente</h2>
<p>Pour un syndicat, la <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">capacité de nuire</a> dépend de sa capacité à mobiliser, qui elle-même dépend des revendications avancées, du nombre d’adhérents et de sympathisants et du contexte.</p>
<p>Rappelons qu’en France il n’est pas nécessaire d’être syndiqué pour suivre les consignes syndicales. On note d’ailleurs que la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-syndicalisation">baisse continue du taux de syndicalisation</a> ne s’est pas accompagnée d’un appauvrissement de la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-greves-en-2020">capacité de nuire des syndicats</a>, beaucoup d’agents et salariés suivant les consignes syndicales sans adhérer formellement aux syndicats eux-mêmes.</p>
<p>Le chercheur Christian Thuderoz <a href="https://pmb.cereq.fr/index.php?lvl=notice_display&id=66821">compte trois acteurs</a> dans tout dialogue social : les syndicats, la direction et les salariés. Les syndicats sont en campagne permanente pour gagner en influence et en adhérents parmi les salariés.</p>
<p>Ils doivent donc, et de manière constante, montrer qu’ils ont un impact sur les conditions de travail. Si les contrôleurs SNCF se disent insatisfaits de leur rémunération – via un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/menaces-de-greve-a-noel-qui-est-ce-collectif-de-controleurs-sncf-qui-inquiete-la-direction_AV-202212070056.html">collectif Facebook</a> -, alors ils doivent porter leurs revendications auprès de la direction. En face, la direction doit tout mettre en œuvre pour avoir un dialogue social de qualité, ce qui s’avère aujourd’hui particulièrement complexe, les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-cinq-ans-les-ordonnances-macron-instauraient-un-droit-du-travail-moins-favorable-aux-salaries-181287">ordonnances de 2017 ayant conduit à considérablement limiter les moyens syndicaux</a>.</p>
<h2>Un quatrième acteur : l’opinion publique</h2>
<p>Dans certains secteurs, le nombre de personnes potentiellement impactées par une grève est si important qu’il se confond avec l’opinion publique. C’est le cas des secteurs-clés de l’économie, à savoir le transport routier et l’agriculture (du fait de leur capacité à bloquer les routes), les écoles (du fait qu’une école fermée, ce sont souvent des parents qui ne peuvent travailler), le transport ferroviaire et le raffinage des carburants.</p>
<p>Dès lors, l’opinion publique devient une « partie prenante non-invitée », c’est-à-dire une partie qui impacte la négociation sans y prendre part. Cet impact se fait par deux mécanismes : le degré d’acceptabilité du mouvement (dans quelle mesure les citoyens soutiennent les grévistes) et l’impact du mouvement sur les personnes (dans quelle mesure le mouvement porte-t-il atteinte aux citoyens dans leur vie quotidienne).</p>
<p>Tels les deux plateaux de la balance, l’opinion publique est ballottée entre soutien et opposition, draguée par les propos publics tenus par le patronat, voire les <a href="https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/une-greve-injustifiable-christian-estrosi-reclame-la-requisition-des-personnels-de-la-sncf-pour-les-fetes_AN-202212210456.html">hommes politiques</a> d’une part, par les syndicats d’autre part. Ainsi, les grèves dans les raffineries à l’automne ont d’abord été massivement soutenues par l’opinion publique, avant que celle-ci ne se retourne, lorsque les pénuries de carburant ont été telles que des secteurs entiers d’emploi se sont trouvés menacés.</p>
<p>Aujourd’hui, même si les Français sont <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/12/Tableau-de-bord-politique-Decembre-2022.pdf">plutôt en désaccord avec la politique sociale du gouvernement</a> (ce qui pourrait les amener à soutenir les revendications des grévistes), les « années Covid » amènent la plupart à placer une grande importance à passer les fêtes 2022 en famille. La grève est donc pour eux un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/sncf-un-remboursement-de-200-accorde-aux-voyageurs-dont-les-trains-sont-annules_AN-202212210123.html">coût bien trop important</a> pour être contrebalancé par les dédommagements et les excuses de l’entreprise.</p>
<p>La menace ultime d’une grève pendant les fêtes a été activée. À court terme, les agents pourraient y gagner (sur leur fiche de paie) et la grève aura coûté des millions d’euros. À plus long terme, les coûts seront potentiellement catastrophiques : désintérêt croissant pour les syndicats (en l’espèce dépassés par un collectif informel né sur Facebook), défiance face à l’action des corps intermédiaires, mauvaise publicité pour la SNCF.</p>
<p>En face, le gain pourrait être récolté par les concurrents de la SNCF (tels que <a href="https://theconversation.com/tgv-paris-lyon-un-an-apres-larrivee-de-trenitalia-rime-t-elle-effectivement-avec-prix-plus-bas-192876">Trenitalia entre Paris et Lyon</a>) qui ne devraient pas manquer d’en profiter pour grignoter les parts de marché de l’opérateur historique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement de grève des contrôleurs de la SNCF au moment des fêtes de fin d’année montre aussi une forme d’échec du dialogue social.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1964092022-12-15T18:15:53Z2022-12-15T18:15:53ZQuel niveau d’information faut-il révéler pour convaincre un décideur ?<p>Dans un contexte où l’entreprise est tenue d’être honnête envers un décideur responsable de son avenir mais fait face à des concurrents sur son marché, quel degré d’information faut-il révéler ? Faut-il tout partager par souci de transparence ?</p>
<p>Supposons qu’une instance gouvernementale doive décider si elle autorise ou non un médicament sur le marché. Dans ce contexte d’incertitude où plusieurs entreprises sont en <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a>, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decision-64396">décision</a> se basera sur le niveau d’information communiquée par l’industrie pharmaceutique, qui ne sait pas exactement ce qu’elle doit révéler.</p>
<p>Dans certains cas, il n’est en effet pas optimal de tout divulguer, car certains défauts peuvent devenir apparents. Mais une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/entreprises-20563">entreprise</a> n’a pas pour autant le droit de mentir. Quel niveau d’information un laboratoire pharmaceutique théorique devrait-il alors communiquer aux autorités pour les convaincre ?</p>
<h2>Trouver le juste niveau</h2>
<p>Notre <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/10.1287/moor.2020.1119">étude</a> est basée sur un modèle probabiliste de persuasion (ou « design informationnel ») dans une situation incertaine. Il offre plusieurs options : ne révéler aucune information, révéler des informations partielles, ou révéler une abondance d’informations. Comme notre modèle intègre aussi les concurrents, l’entreprise doit également trouver le juste niveau d’information pour convaincre le décideur que son médicament est le meilleur choix.</p>
<p>En d’autres termes, chaque entreprise (ou « designer informationnel ») cherche à convaincre, par exemple l’Agence nationale de sécurité du médicament (le décideur ou « agent »), que son produit est efficace et qu’il est préférable que les produits de ses concurrents ne soient pas approuvés. Dans d’autres cas, des départements d’une organisation ou d’une université peuvent vouloir convaincre les dirigeants de l’organisation d’ouvrir un poste dans leur département. Dans tous ces exemples, les parties concernées tentent de présenter <a href="https://theconversation.com/fr/topics/information-23501">l’information</a> de manière à orienter le comportement des décideurs. Notre étude offre un cadre théorique général pour analyser ce type de situation.</p>
<h2>Induire des croyances</h2>
<p>Nous avons étudié les situations où il existe plusieurs designers informationnels (plusieurs concurrents) et plusieurs décideurs. Dans le cas général, les designers informationnels peuvent faire passer des messages à la fois publics et privés. À chaque message ou communication, les décideurs modifient et ajustent leurs croyances et leur jugement en fonction de la sélection d’information qu’ils reçoivent. Le designer informationnel espère donc induire des croyances qui joueront en sa faveur plutôt qu’à ses concurrents.</p>
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<p>Le principal défi est alors de saisir l’équilibre entre les stratégies de divulgation de l’information et les choix des décideurs. Un décideur peut souvent agir en faveur de l’un ou l’autre des designers informationnels. Ceci est d’autant plus saillant lorsque le décideur hésite entre plusieurs choix. Dans ce cas, la moindre information communiquée par un des concurrents peut faire pencher la balance. L’équilibre décisionnel apparaît alors lorsque les décideurs parviennent à arbitrer entre les intérêts de plusieurs designers informationnels.</p>
<h2>Un nombre de messages à limiter</h2>
<p>Dans un autre modèle, chaque designer informationnel envoie uniquement des messages publics à l’ensemble des agents. Dans ce cas, nous discutons du nombre de messages (ou essais cliniques, dans notre exemple) à envoyer au décideur.</p>
<p>En nous basant sur ce modèle, nous avons trouvé un point d’équilibre, autrement dit le bon niveau d’information à partager, lorsque l’émetteur d’informations envoie un nombre limité de messages au décideur (ou effectue un nombre limité d’essais cliniques). En d’autres termes, si théoriquement le fait d’utiliser un nombre infini de messages (ou d’essais cliniques) permet d’être totalement transparent, il n’existe aucun avantage à le faire.</p>
<p>Ce résultat simplifie de manière majeure le problème consistant à trouver le volume d’information optimal à divulguer. Comme le modèle n’impose pas de limites a priori sur le nombre de messages : il serait donc théoriquement possible qu’en accumulant les messages, cela avantage le designer informationnel. Nos résultats prouvent que ceci n’est pas le cas et que le volume total d’information doit a priori être limité.</p>
<p>Divulguer des informations peut se faire de différentes manières et est potentiellement très complexe. Cependant, nous montrons que le partage d’information optimal peut généralement être identifié bien que cette tâche puisse être ardue.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196409/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, il existerait une quantité optimale d’information à révéler pour les entreprises qui œuvrent dans un marché concurrentiel.Frédéric Koessler, Directeur de recherche au CNRS, professeur au département d'économie et sciences de la décision, HEC Paris Business SchoolMarie Laclau, Chercheuse CNRS, professeur associée en Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolTristan Tomala, Professeur, Économie et Sciences de la Décision, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858522022-07-03T17:04:48Z2022-07-03T17:04:48ZDécrire la franchise pour mieux la comprendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/470952/original/file-20220626-18-v3sfss.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C2%2C1920%2C1273&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Intervient souvent un moment périlleux où le franchisé souhaite renégocier son contrat.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Aymane Jdidi / Pixabay</span></span></figcaption></figure><p>La franchise emploie plus de 300 000 personnes en France, près de 8 millions aux États-Unis. Elle est une des formes d’activité majeure dans des secteurs comme l’hôtellerie, la restauration rapide, les services à la personne, ou encore le commerce. Apparue aux États-Unis à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, elle prend, en France, sa forme moderne en 1923 lors de la <a href="https://www.lavoixdunord.fr/1024945/article/2021-06-11/deux-marques-une-histoire">création des magasins Pingouin</a>, lancés par Jean Prouvost, patron de la Lainière de Roubaix.</p>
<p>Les <a href="https://www.persee.fr/doc/rfeco_0769-0479_2004_num_18_4_1538">économistes</a> ont beaucoup étudié ce phénomène en mobilisant leurs théories et leurs modèles (coûts de transaction, théorie de l’agence, contrats incomplets). Comme l’a cependant noté <a href="https://www.elgaronline.com/view/edcoll/9781785364174/9781785364174.00005.xml">Rajiv P. Dant</a>, grand spécialiste du sujet, il manquait encore une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435911000704">description de type phénoménologique</a> de cette relation dans sa complexité, c’est-à-dire une <a href="https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/ph%C3%A9nom%C3%A9nologie/79096#:%7E:text=%C3%89tude%20descriptive%20de%20la%20succession,un%20n%C3%A9ologisme%20d%E2%80%99apparition%20tardive.">« analyse descriptive des vécus en général »</a> pour reprendre la définition fondatrice du philosophe Edmund Husserl.</p>
<p>Pour la mener, nos <a href="https://www.annales.org/gc/2022/gc148/2022-06-02.pdf">travaux</a> sont partis de l’analyse la plus simple de la relation, pour la complexifier pas à pas. Puis, dans la mesure où cette relation se développe dans le temps, ils en ont identifié des scénarios dynamiques. La recherche repose sur dix entretiens, d’une heure et demie à deux heures, réalisés
avec des franchiseurs et des franchisés dans quatre secteurs différents (hôtellerie, immobilier, commerce de détail, coiffure) et avec des spécialistes de la franchise.</p>
<h2>Déséquilibre et émotion</h2>
<p>La franchise, dans sa description fondamentale, est une relation économique de type gagnant-gagnant entre un franchiseur-entrepreneur et un franchisé (souvent)-ex-cadre. L’entrepreneur, qui invente un concept, a envie de le développer rapidement et ne dispose souvent que d’un capital limité. Le cadre, qui, vers quarante-cinq ans, a accumulé un capital et veut quitter le monde hiérarchique de l’entreprise, court un risque en devenant son propre patron (bon nombre des entreprises nouvellement créées font faillite).</p>
<p>Le franchiseur va alors mettre à disposition du franchisé un concept qui a déjà fait ses preuves, faire de la publicité, il va le former, lui fournir des services qui vont l’aider à gérer son affaire, lui donner accès à son réseau de fournisseurs. Le franchisé va apporter son capital et son énergie. Puisqu’étant directement intéressé à la réussite d’une affaire dont il reste propriétaire, il sera sans doute plus actif qu’un simple salarié. Il versera également une redevance, correspondant souvent à un pourcentage de son chiffre d’affaires.</p>
<p>De l’aveu des acteurs de la franchise eux-mêmes cependant, la relation est en réalité bien plus compliquée. Le contrat reste souvent déséquilibré. Il se noue entre une grande société, parfois multinationale, et un individu qui risque tout ce qu’il a. Un franchiseur le formule ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Si le franchisé se casse la g… il perd tout. Avec y compris, souvent, un divorce à la clef. Pour ma part, si un franchisé se casse la g… ce n’est pas très grave. Contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas une relation égale. »</p>
</blockquote>
<p>De surcroit, cette relation prend généralement une dimension émotionnelle. Les franchisés présentent souvent leur entrée dans un réseau de franchise en utilisant une métaphore bien particulière :</p>
<blockquote>
<p>« Une relation entre deux commerçants indépendants comme une relation amoureuse. »</p>
</blockquote>
<p>Le créateur de certains réseaux est ainsi une figure centrale. Les franchisés de « Monsieur Dessange » en parlent par exemple avec émotion. Quand il a disparu, certains se sont posé la question de quitter le réseau : fallait-il continuer par respect à ce qu’il avait été, ou partir d’un groupe qui n’était plus dirigé par lui ? Bien évidemment, l’émotionnel ne l’emporte pas sur l’économique, mais il joue un rôle important.</p>
<h2>Réseau et rivalités</h2>
<p>Cette relation de franchise se complexifie encore du fait qu’il s’agit d’une relation multiniveau puisqu’interviennent également les équipes du franchiseur. Et les choses peuvent se passer de façon bien différente avec les uns ou les autres. Un franchiseur décrit un moment de changement de stratégie du groupe.</p>
<blockquote>
<p>« La fidélité était liée à la fidélité aux équipes, les franchisés avaient confiance. Même s’il y avait des choses qui ne leur plaisaient pas trop, ils restaient fidèles. Dès que la stratégie s’est décidée en dehors d’eux et de nous, ils ont commencé à partir. »</p>
</blockquote>
<p>Le lien entre le « eux » (les franchisés) et le « nous » (les services du franchiseur au contact des franchisés) se rompt ici du fait d’une absence de liens entre les équipes du franchiseur et leur direction.</p>
<p>Il faut aussi comprendre que la relation n’est pas duale, comme cela semble être le cas à première vue. Il s’agit d’une relation de réseau qui se joue à trois : le franchiseur, le franchisé et l’ensemble des autres franchisés. Animer et gérer son réseau est donc une des fonctions essentielles du premier d’après un spécialiste :</p>
<blockquote>
<p>« Il faut alimenter les entrepreneurs qui ont envie de grandir dans un esprit de co-construction. On a beaucoup entendu parler d’"intelligence collective" dans les réseaux. Ils ne travaillent pas pour le réseau car le réseau, c’est eux-mêmes. C’est un cercle vertueux. »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, la relation de franchise est une relation agonistique qui engendre conflits et rivalités. Sur la totalité des litiges en affaires aux États-Unis, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022435920300142">30 % concernent la franchise</a>. La plupart sont réglés par médiation ou arbitrage.</p>
<h2>De la renégociation à l’ébranlement du réseau</h2>
<p>Cette fragilité de la relation et sa gestion ne peut par conséquent se comprendre que dans une perspective dynamique. Notre travail a ainsi identifié plusieurs scénarios. Le scénario noir est celui de la faillite du franchisé. Il existe, mais intervient <a href="https://www.cambridge.org/core/books/economics-of-franchising/3E6DBC951E47F7EBFE68B8AA3B5DE280">moins souvent</a> en moyenne que la faillite d’un nouvel entrepreneur : la franchise traduit là son rôle protecteur. Cinq idéaux types semblent en fait apparaître :</p>
<p>Le scénario 1 repose sur <strong>l’établissement d’un équilibre dans la relation</strong>. Le franchisé se débrouille seul, le franchiseur desserre son contrôle pour lui laisser de l’autonomie.</p>
<p>Si le franchisé réussit, il peut estimer qu’il n’a plus vraiment besoin du franchiseur et trouver que la redevance qu’il lui verse est trop forte alors qu’il ne recourt plus beaucoup à ses services. Il veut alors renégocier. C’est le deuxième scénario, celui de la <strong>renégociation</strong>. Un franchiseur le décrit bien :</p>
<blockquote>
<p>« On est toujours sur le fil du rasoir, c’est un rapport de force, ce n’est pas qu’un rapport d’affection. Si le franchiseur est en position de force, ça va ; si le franchiseur ne peut pas se permettre de perdre des franchisés, il doit faire plus d’efforts. »</p>
</blockquote>
<p>Il y a là un fragilisant structurel de la relation. Si les discussions n’aboutissent pas, le scénario 3 peut être <strong>la sortie du réseau</strong>. Le franchisé met fin à la franchise ou bien change de franchiseur en négociant des conditions plus favorables.</p>
<p>Il existe aussi des cas de <strong>passage à la multifranchise</strong>. Le franchisé a, par exemple, réussi dans l’habillement et il va aussi prendre une franchise de restauration. Certains groupes offrent d’ailleurs à leurs franchiseurs plusieurs concepts possibles. En restauration, la chaîne Bertrand propose ainsi les restaurants à viande Hippopotamus, les moules-frites Léon de Bruxelles, les brasseries Au Bureau et Volfoni, spécialisé dans la cuisine italienne. La multifranchise est une des manières de stabiliser la relation entre franchiseur et franchisé avec une perspective de croissance commune.</p>
<p>Reste cependant un dernier scénario, celui de <strong>l’ébranlement du réseau</strong>. Les tentatives de renégociation ont échoué, les franchisés peuvent alors quitter individuellement le réseau, avec un effet de cumul. Ils peuvent également décider de se grouper et il est même arrivé, cas évoqué au cours d’un entretien, que les franchisés rachètent le franchiseur.</p>
<p>Le travail de description de la relation de franchise dans sa complexité dimensionnelle et dynamique permet ainsi de mieux comprendre les problèmes de gestion rencontrés par les acteurs qui se lancent dans cette activité. On touche également à l’art gestionnaire qu’ils doivent élaborer pour la faire fonctionner.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185852/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude récente tente d’en décrire tous les aspects, les déséquilibres de la relation, les émotions en jeu, les spécificités du réseau, ainsi que les scénarios qui lui sont souvent réservés.Magali Ayache, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, CY Cergy Paris UniversitéHervé Dumez, Professeur, directeur du Centre de recherche en gestion et de l’Institut interdisciplinaire de l’innovation, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841142022-05-31T18:59:09Z2022-05-31T18:59:09ZLe métier de diplomate aujourd’hui<p>Les diplomates du Quai d’Orsay sont en émoi. Un décret publié au <em>Journal officiel</em> le 17 avril 2022 fixe la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000045592729">« mise en extinction »</a> progressive de deux corps historiques de la diplomatie française : celui des ministres plénipotentiaires et celui des conseillers des Affaires étrangères. Jusqu’ici, c’est au sein de ces deux corps qu’étaient choisis les ambassadeurs et les consuls généraux.</p>
<p>Désormais, les diplomates rejoindront un nouveau corps des administrateurs de l’État, où l’on retrouvera tous les hauts fonctionnaires. C’est la fin des <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/2936?lang=en">diplomates de carrière</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1515617277621768192"}"></div></p>
<p>Place à l’interchangeabilité. Un directeur des services fiscaux d’un département pourra devenir ambassadeur à Lima, et un diplomate en poste à Pretoria pourra se retrouver directeur des douanes à Marseille. Or la diplomatie est un métier et ce métier exige un long apprentissage. Cette réforme fait craindre des parachutages et autres nominations politiques. La perspective d’une carrière diplomatique au long cours est compromise, voire impossible.</p>
<p>À la suite de cette annonce, un appel à la grève a été lancé par les diplomates français, pour la première fois depuis vingt ans. La nouvelle ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna aura donc à gérer, le 2 juin 2022, la fronde des agents du Quai d’Orsay, qui expliquent dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/25/reforme-du-quai-d-orsay-nous-faisons-face-a-un-risque-de-disparition-de-notre-diplomatie-professionnelle_6127641_3232.html">tribune publiée par <em>le Monde</em></a> que « c’est l’existence même du ministère qui est désormais remise en question ».</p>
<p>Sur les réseaux sociaux, c’est le hashtag <a href="https://twitter.com/search?q=%23diplo2m%C3%A9tie">#diplo2métier</a> qui porte l’idée qu’on ne s’improvise pas diplomate, un métier au contraire exceptionnel : formation, expérience, fonctions spécifiques, conditions de travail parfois difficiles…</p>
<p>Mais quelle est vraiment la nature du métier de diplomate aujourd’hui ?</p>
<h2>Des relations diplomatiques bilatérales…</h2>
<p>Tout au long du XX<sup>e</sup> siècle, la diplomatie a connu des transformations considérables. Au début, comme on le sait, la diplomatie était l’art de mener des relations bilatérales entre États comme alternative à la guerre (quand les hommes se parlent, ils ne se font pas la guerre, dit la sagesse populaire). Les diplomates appartenaient à la <a href="https://www.pur-editions.fr/product/5948/le-diplomate-en-representation-xvie-XXe-si%C3%A8cle">bonne société de leur pays</a> et, souvent, s’entendaient mieux avec leurs collègues des autres pays qu’ils ne communiquaient avec leurs compatriotes appartenant à d’autres milieux sociaux.</p>
<p>On <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/cultures-de-paix/diplomates-et-diplomatie">naissait diplomate en quelque sorte</a> (il y avait des traditions familiales, des filiations) et les capacités professionnelles se résumaient, le plus souvent (comme dans l’ensemble de la bourgeoisie qui assumait diverses fonctions dirigeantes à l’époque) à la culture générale, aux bonnes manières, à l’élégance vestimentaire et à la maîtrise du français, qui était la seule langue de la diplomatie.</p>
<p>La Première Guerre mondiale a provoqué la première grande révolution dans le métier de diplomate. La <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/relations-internationales/pratiques-diplomatiques-contemporaines/la-conf%C3%A9rence-de-la-paix-de-1919">Conférence de la Paix en 1919 à Versailles</a> marque le début de la diplomatie multilatérale de haut niveau et le diplomate dut dès lors tout à la fois maîtriser l’anglais – les Américains ne négociaient pas en français – et une série de matières techniques comme le désarmement, les compensations financières, les transports internationaux, etc.</p>
<p>Par conséquent, le recrutement des diplomates a mis davantage l’accent sur les compétences professionnelles que sur le milieu social, suivant le processus de démocratisation général de nos sociétés. L’usage de la force pour la conduite des relations extérieures d’un pays fut sévèrement restreint, même prohibé, et la diplomatie se vit reconnaître une forme de prééminence dans les relations internationales, avec la création de la <a href="https://www.un.org/fr/about-us/history-of-the-un/predecessor">Société des Nations</a>.</p>
<h2>… aux relations diplomatiques multilatérales</h2>
<p>Le bilatéralisme céda progressivement la place au multilatéralisme et les relations multilatérales se sont déployées <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/la-fabrique-de-l-histoire/multilateralisme-et-politique-qu-est-ce-qui-a-change-depuis-la-sdn-4253898">dans le cadre d’organisations internationales</a> dotées de compétences générales ou spécialisées. Dans ce dernier cas, on vit apparaître des <a href="https://www.un.org/fr/observances/delegates-day">délégués auprès des organisations internationales</a>, qui n’étaient pas nécessairement des diplomates mais bien des experts détachés par leur administration.</p>
<p>Les dernières décennies du XX<sup>e</sup> siècle ont vu une transformation encore plus profonde de la diplomatie. La barrière de la souveraineté, qui protégeait les États contre les interférences dans leurs affaires intérieures, a commencé à se déliter. La diplomatie, naguère confinée aux salons et salles de réunion, s’est progressivement étendue <a href="https://www.cairn.info/revue-mondes1-2014-1-page-6.htm">aux domaines économique, culturel, universitaire</a>…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/V89O_afNdLI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Diplomates en action – sur tous les terrains en Ukraine (ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, 30 avril 2020).</span></figcaption>
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<p>La technologie de l’information surmonte l’obstacle des distances et permet une communication rapide entre le diplomate et ses autorités. Internet <a href="https://www.cairn.info/la-guerre-de-l-information-aura-t-elle-lieu--9782100759729-page-150.htm">décuple</a> les capacités du diplomate à communiquer, tout en lui donnant la possibilité de se concentrer sur son travail principal : établir et nourrir des relations avec un vaste éventail de représentants de la société du pays où il se trouve.</p>
<p>À une époque de compétition croissante sur la scène internationale – multinationales, ONG, médias –, les diplomates se sentent parfois « assiégés ». Ont-ils encore un rôle à jouer et quel devrait être ce rôle ?</p>
<h2>La diplomatie en question</h2>
<p>Posons quelques constats : l’ambassade classique, la plus répandue, est l’<a href="https://www.cairn.info/manuel-de-diplomatie--9782724622904-page-23.htm">ambassade bilatérale</a>. Aujourd’hui encore, beaucoup de pays perçoivent leurs relations extérieures en termes bilatéraux. L’ambassadeur Bernard Destrémau <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/289312/quai-d-orsay-derriere-la-facade?_lg=fr-FR">écrit à ce propos</a> : « Les relations bilatérales restent le sel historique de la diplomatie. »</p>
<p>Pour nourrir les relations bilatérales, une diplomatie publique consistante est nécessaire, interagissant avec l’administration et la société civile du pays hôte. Le travail consulaire et culturel <a href="https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapportfianl_sociologue.pdf">demeure largement bilatéral</a>. Même si l’accès à l’information a été bouleversé par les moyens modernes de communication et les médias, une ambassade demeure un lieu de référence pour évaluer la <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2018-2-page-23.htm">qualité d’une information</a>.</p>
<p>Même si les ministres de différents pays se voient et se téléphonent à diverses occasions, l’avis de leur ambassadeur sur un dossier spécifique est souvent apprécié. Le diplomate peut injecter une dose de réalité (le « reality check ») dans un <em>briefing</em> ministériel ; il peut dire ce qui constitue un impératif politique pour l’État avec lequel on traite et indiquer les « lignes rouges » de la négociation en cours. Bien que les décisions politiques soient arrêtées dans les capitales, l’ambassadeur peut souvent contribuer à affiner une posture, à préparer un choix.</p>
<h2>La diplomatie au défi</h2>
<p>On doit bien reconnaître que le métier de diplomate s’est adapté à l’<a href="https://www.diploweb.com/Quelles-sont-les-facettes-du-metier-de-diplomate-aujourd-hui.html">évolution du monde et des relations interpersonnelles</a>. La figure aristocratique d’antan a laissé place à celle du diplomate ouvert sur la société et à son écoute.</p>
<p>Dans son ouvrage intitulé <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/ei/2010-v41-n1-ei3710/039620ar/"><em>Guerilla Diplomacy</em></a>, Daryl Copeland décrit le diplomate de terrain, qui préfère se mêler à la population du pays où il se trouve que fréquenter ses collègues dans les murs d’une ambassade ou les salons d’un club huppé. Selon le même auteur, les rencontres diplomatiques aujourd’hui se passent dans les lieux publics, marqués par l’hybridation culturelle : dans un <em>bario</em> ou dans un <em>souk</em>, dans la blogosphère, sur l’avenue principale d’une ville ou dans une hutte à proximité d’une zone de guerre. C’est une approche fondée sur l’<a href="https://www.researchgate.net/publication/341488510_Repenser_la_puissance_par_les_hybridations_culturelles_au_XXIe_si%C3%A8cle_Les_nouvelles_strategies_dynamiques_et_spheres_de_la_geopolitique_de_la_culture">hybridation culturelle</a> et le contact de terrain.</p>
<p>La réalité paraît un peu plus complexe. La figure classique du diplomate n’a pas disparu mais s’est estompée. Il y a plusieurs explications à cela, à commencer par le <a href="https://www.fonction-publique.gouv.fr/files/domaine_3.pdf">processus de recrutement et de promotion</a> : ils mettent davantage l’accent sur l’adaptabilité, une plus grande interpénétration des métiers (le diplomate est appelé, tout au long de sa carrière, à s’occuper des questions commerciales, d’affaires consulaires ou d’aide au développement), une plus grande autonomie aussi. Par conséquent, la perception du métier a changé, à mesure qu’il se professionnalise. L’image du diplomate mondain et oisif est évidemment incompatible avec cette diplomatie de terrain qui est maintenant mise en exergue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"170519407511093248"}"></div></p>
<p>Le métier requiert un dévouement de tous les instants. On oublie trop souvent les contraintes familiales, les risques physiques, les <a href="https://www.jstor.org/stable/48605514?seq=1">situations de guerre</a> (Syrie, Afghanistan, Libye) qui constituent parfois la toile de fond de la vie quotidienne du diplomate.</p>
<h2>La diplomatie en chantier</h2>
<p>Venons-en plutôt aux fondamentaux. Les diplomates acceptent-ils toujours que leur seul objectif soit de faire avancer les intérêts de leurs États ? Beaucoup s’en contentent, il est vrai. Mais certains se voient comme œuvrant et, par conséquent, représentant l’idée de paix. On constate en effet que bien que défenseur des intérêts exclusifs de son pays, le diplomate est capable de vouloir défendre aussi des intérêts universels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/timor-oriental-une-democratie-tenace-20-ans-apres-lindependance-182729">Timor oriental : une démocratie tenace, 20 ans après l’indépendance</a>
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<hr>
<p>Pensons, par exemple, à <a href="https://www.ohchr.org/fr/about-us/high-commissioner/past/sergio-viera-de-mello">Sergio Vieira de Mello</a>, qui accompagna le processus de paix au Timor oriental puis œuvra en Irak (où il perdit malheureusement la vie) ou encore à Richard Holbrooke, l’artisan de la paix en Bosnie, « <a href="https://www.hks.harvard.edu/publications/unquiet-american-richard-holbrooke-world">the unquiet American</a> » pour reprendre le titre d’un article qui lui fut consacré. Cette évolution de la diplomatie est heureuse : les diplomates ont pris conscience d’un universalisme qui est dans le droit fil de leur cosmopolitisme antérieur.</p>
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<figcaption><span class="caption">Décès de Richard Holbrooke, figure de la diplomatie américaine (France 24, 14 décembre 2010).</span></figcaption>
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<p>Tentons de jeter un regard normatif. On peut épingler deux valeurs fondamentales qui constituent la trame du travail diplomatique. La première consiste à faire prévaloir la justice sur la force car la force est la mère de l’anarchie et de la violence. Le diplomate intervient par la discussion, la négociation, la patience. Pensons à <a href="https://www.humanite.fr/medias/guerre-du-vietnam/le-duc-tho-et-kissinger-nouveau-face-face-563132">Henry Kissinger et Le Duc Tho</a> durant la guerre du Vietnam ou encore à <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/peace/2008/ahtisaari/facts/">Martti Ahtisaari</a>, qui organisa la transition vers l’indépendance de la Namibie et négocia la fin des hostilités entre ce pays et ses deux voisins, l’Angola et l’Afrique du Sud.</p>
<p>L’autre valeur essentielle est celle de la diversité. Même si on peut s’accorder sur des idéaux communs en matière de fonctionnement des États (démocratie) et de respect des droits des individus, il faut aussi prendre en compte la diversité des modèles, qui reflète des contraintes spécifiques ou une histoire différente. La perception du temps et de l’espace n’est pas la même chez tous les peuples, du fait de l’influence de l’histoire et de la géographie sur la conduite de la politique étrangère. Le diplomate est celui qui est le mieux à même de pouvoir utiliser ces différences entre les nations pour enrichir les relations entre les États.</p>
<h2>La diplomatie, ou la compréhension de l’autre</h2>
<p>Beaucoup de choses ont changé dans le monde depuis l’époque où l’on a institué le métier de diplomate et créé le corps diplomatique. Mais le travail de diplomate n’a pas fondamentalement varié.</p>
<p>Le diplomate a la relation humaine pour principal terreau et la parole comme outil. Au fond, l’essence de la diplomatie, c’est la compréhension de « l’autre ». Qu’il soit partenaire commercial, adversaire stratégique ou allié idéologique, c’est toujours et chaque fois de « l’autre » dont il s’agit. Qu’il négocie, exerce des pressions, menace, qu’il échange ou qu’il fasse la guerre, l’État est toujours dans une relation à « l’autre ». L’instrument privilégié de la rencontre de « l’autre » est, sur la scène internationale, la négociation diplomatique. On a fait remarquer que la guerre se décide seul, alors que la paix, comme tout accord commercial, se négocie.</p>
<p>« L’autre », sous quelque forme qu’il se présente, est bien au cœur de la vie internationale et donc de la diplomatie. Que ce soit depuis Varsovie, Kinshasa, Tokyo ou Paris, le diplomate est celui qui a le souci de « l’autre » et qui fait le premier pas vers lui. Le monde n’en deviendra, à chaque fois, que plus humain.</p>
<p>La mise en extinction progressive de deux corps du ministère des Affaires étrangères s’inscrit donc dans ce contexte. Cette réforme, en ouvrant notamment les postes d’ambassadeurs et de consuls généraux à d’autres profils, pourrait avoir des conséquences sur le métier de diplomate, qui n’avait jusqu’ici jamais changé sa nature profonde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raoul Delcorde ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La disparition des deux corps historiques de la diplomatie française annonce-t-elle un changement radical des pratiques diplomatiques ?Raoul Delcorde, Ambassadeur honoraire de Belgique, Professeur invité UCLouvain, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751092022-01-31T19:07:04Z2022-01-31T19:07:04ZLes alliances dans la grande distribution, un levier de pression sur les fournisseurs à l’efficacité limitée<p>Le modèle de la grande distribution alimentaire semble aujourd’hui en crise. <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2016-1-page-99.htm">Trois explications peuvent être avancées</a>. Premièrement, la standardisation de l’offre répond mal à l’évolution des attentes en termes de services et d’expériences, plus personnalisés et digitaux. Deuxièmement, la logique de croissance de la grande distribution physique s’épuise car l’e-commerce ne cesse de prendre des parts de marché (<a href="https://www.fevad.com/wp%20content/uploads/2021/08/FEVAD_CHIFFRES-CLES_complet_vdef.pdf">+ 3,3 points en 2020</a> par rapport à 2019). Enfin, la concurrence par les prix s’est renforcée de manière féroce et la rentabilité des enseignes s’érode.</p>
<p>Pour ralentir la perte de marge, minimiser leurs coûts et faire perdurer leur utilité, les distributeurs mettent alors une pression plus importante sur leurs fournisseurs pour obtenir de meilleurs prix d’achat, notamment lors des négociations commerciales qui se déroulent depuis début décembre et dureront jusqu’à fin février.</p>
<p>Or, un des moyens d’y parvenir consiste à former des alliances aux achats. Soumises à une autorisation préalable de l’Autorité de la concurrence, l’institution gardienne de la structure concurrentielle des marchés, une dizaine de centrales unissant des enseignes concurrentes de la grande distribution française sur l’activité de négociation commerciale ont ainsi été mises en place en depuis 2014.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=187&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442739/original/file-20220126-17-ba5tt3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Principales alliances aux achats dans le secteur de la grande distribution française depuis 2014.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteure.</span></span>
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<p>La formation d’une alliance aux achats constitue donc moyen de renforcer une forme de pouvoir en faveur des enseignes et aux dépens des fournisseurs. Cependant, ces alliances apparaissent comme un levier finalement fragile pour établir le rapport de force.</p>
<h2>Performance contestée</h2>
<p>En effet, elles se caractérisent par une <a href="https://www.jstor.org/stable/2640406">instabilité chronique et une performance</a> souvent contestée qui alimentent la recherche depuis plusieurs décennies. Et, si le domaine des achats est souvent considéré comme le champ d’application privilégié de ce type d’alliance pour créer de la valeur, dans ce secteur comme dans d’autres, leur taux d’échec demeure de l’ordre de 50 %.</p>
<p>De nombreux facteurs ont été soulignés pour expliquer cette tendance. Récemment, leur <a href="https://journals.openedition.org/fcs/3368">complexité a notamment été identifiée</a> pour expliquer l’instabilité des alliances en général. Notre travail de <a href="https://chaire-mai.org/blog/2021/11/02/soutenance-de-these-par-anais-boutru-creveuil-le-mardi-9-novembre-2021-a-14h/">thèse</a> permet en outre d’apporter un nouvel éclairage sur les alliances dans les achats et les difficultés rencontrées. Nous mettons en effet en évidence que la négociation commerciale n’est pas une simple transaction, mais une activité dont les dimensions processuelle et sociale nécessitent d’être intégrées à sa compréhension.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.researchgate.net/publication/233813173_Les_negociations_commerciales_proposition_d%27une_typologie_Revue_Negociations_20111_33-46">définition</a> du chercheur René Darmon, la négociation commerciale correspond à</p>
<blockquote>
<p>« Un processus impliquant deux ou plusieurs parties qui envisagent la possibilité d’échanger des biens et des services pour une contrepartie généralement financière ; impliquant des risques plus ou moins importants pour chacune d’elles ; les objectifs et les intérêts des parties sont plus ou moins divergents, chacune des parties dispose au moins d’une certaine latitude pour échanger des informations, faire des propositions, accepter ou refuser les propositions de l’autre partie en vue de converger vers un accord pour établir ou maintenir une relation commerciale à court ou à plus long terme, jugée préférable au statu quo par chacune des parties impliquées ».</p>
</blockquote>
<p>En additionnant leurs bases achats, les enseignent cherchent premièrement à faire jouer l’effet volume. Cette stratégie de massification a pour but de négocier, en contrepartie, des réductions de prix additionnelles. La transparence des conditions commerciales des partenaires constitue le second levier.</p>
<p>En effet, si les enseignes concurrentes ne sont autorisées à partager aucune information au sujet de leurs politiques commerciales, elles ont le droit, dans le cadre de ces « super centrales », de comparer leurs niveaux de remises pour tenter de négocier un alignement contractuel et tarifaire (c’est-à-dire les réductions de prix définies par la convention de partenariat annuelle et celles au niveau des prix de chaque produit).</p>
<h2>Liens sociaux</h2>
<p>La négociation commerciale ne se réduit donc pas à l’obtention d’un prix ou d’un contrat. Si l’on peut effectivement distinguer plusieurs types de remises négociables, leur enchevêtrement, leur périmètre d’application et la variété des services rendus en contrepartie constituent un amalgame d’informations que les négociateurs d’une alliance aux achats doivent démêler pour être en mesure d’utiliser les leviers de transparence et de massification. Les échanges de propositions, de contre-propositions des acteurs des différentes parties animent alors ce processus multidimensionnel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442744/original/file-20220126-19-1c6ec2y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La négociation commerciale ne se réduit pas à l’obtention d’un prix ou d’un contrat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/illustrations/poignée-de-main-mains-hommes-5760544/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La négociation se comprend donc comme une pratique dans laquelle l’historique relationnel des acteurs individuels, la confiance au niveau personnel mais aussi inter-organisationnel et les enjeux de l’interaction sociale sont tout à fait cruciaux. Autrement dit, les liens unissant distributeurs et fournisseurs sont bien sûr économiques (les distributeurs achètent des biens aux fournisseurs pour les revendre aux consommateurs et générer une marge commerciale), mais aussi sociaux.</p>
<p>En effet, considérer la complexité technique et le caractère foncièrement relationnel de la négociation commerciale, l’activité génératrice de synergies dans le cas d’une alliance aux achats, permet de montrer qu’il n’y a pas d’automatisme dans la fixation d’un prix d’achat mais des professionnalismes, ou plutôt des acteurs professionnels qui se rencontrent et décident – ou non – de s’engager dans un projet commercial commun. La négociation, au-delà de l’idée reçue d’un simple rapport de force, constitue justement le moyen de le construire.</p>
<hr>
<p><em>Géraldine Schmidt, professeure des Universités en Sciences de Gestion à l’IAE Paris-Sorbonne, a supervisé la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anaïs Boutru ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les rapprochements entre enseignes ne permettent pas de saisir les dimensions non économiques des négociations annuelles sur les prix.Anaïs Boutru, Docteure en Sciences de gestion et du Management, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1757672022-01-30T19:06:54Z2022-01-30T19:06:54ZRepreneurs d’entreprise et fonds d’investissement, un mariage sous tension<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/442731/original/file-20220126-13-76n2ap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1191%2C801&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelque 50&nbsp;000 opérations de cession d’entreprise sont enregistrées chaque année en France.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1447001">Pxhere.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Chaque année, environ <a href="https://lelab.bpifrance.fr/enquetes/rapport-sur-l-evolution-des-pme-2020">50 000 opérations de cession d’entreprises</a> ont lieu en France. Parmi les repreneurs personnes physiques, certains sont désireux de mener à bien un projet d’acquisition avec un fonds d’investissement, afin de capter des petites et moyennes entreprises (PME) d’envergure qu’ils ne pourraient financer seuls, avec un simple concours bancaire. Ils réalisent alors une opération de « management buy-in » (MBI), acquisition d’entreprise par un repreneur extérieur à la cible, dans le cadre d’un montage à effet de levier (s’endetter pour dégager une plus-value), ou « leveraged buy-out » (LBO).</p>
<p>Cette association avec un fonds d’investissement pour partenaire financier peut se révéler, dans les faits, plus complexe que prévue, comme nous le relevons dans un <a href="https://www.business-science-institute.com/docteurs/martine-story/">travail doctoral de DBA</a> récent. En effet, les enjeux inhérents au repreneur et au fonds d’investissement, parfois antagonistes, dans un contexte où l’entreprise est elle-même mise sous tension par l’endettement, sont de nature à faire émerger des tensions potentielles entre les acteurs lors de la constitution puis du fonctionnement de la dyade entrepreneur-investisseur.</p>
<h2>Asymétrie d’information</h2>
<p>D’abord, le repreneur désireux d’initier un projet entrepreneurial, n’a pas toujours l’expérience de la PME ou du secteur d’activité de l’entreprise convoitée. Il aspire toutefois à une large latitude managériale.</p>
<p>De son côté, le fonds d’investissement a pour objectif de créer de la valeur dans un horizon de temps fini, souvent de 3 à 7 ans ; la création de valeur se calcule entre la valeur d’acquisition et la valeur de l’entreprise au moment de la sortie de l’investissement, selon une stratégie qui vise à acheter la société le moins cher possible et à maximiser le gain au moment de la sortie de l’opération.</p>
<p>Pour cela, le fonds d’investissement sélectionne les investissements, dans un environnement marqué par la rareté des cibles de qualité. Les cibles sont choisies pour leur potentiel de création de valeur, dans le respect de la stratégie propre à chaque véhicule d’investissement.</p>
<p>Les entreprises acquises sont également destinées à garantir les intérêts des souscripteurs du fonds d’investissement. Les investisseurs en capital se révèlent extrêmement sélectifs, les cibles éligibles représentant moins de 3 % des dossiers étudiés. Des critères de sélection drastiques, associés à une raréfaction des cibles expliquent que peu d’entreprises sont éligibles à un montage LBO.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442733/original/file-20220126-19-15ie72p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Moins de 3 % des dossiers étudiés par les fonds sont finalement retenus.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/l-homme-inscrivez-vous-papier-5710164/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le fonds d’investissement sélectionne également le repreneur, dans une configuration particulière ou celui-ci est extérieur à la cible. Cette sélection intervient dans un contexte d’asymétrie d’information et de sélection adverse, contexte dans lequel il est difficile d’évaluer les capacités et les performances du repreneur, spécialement lorsque ce dernier n’a aucune expérience entrepreneuriale.</p>
<h2>Désalignement des intérêts</h2>
<p>À l’appui de 22 entretiens réalisés auprès de repreneurs et de fonds d’investissement sous LBO, nous avons identifié une quinzaine de tensions potentielles, prédictibles, et d’intensités variables, susceptibles d’apparaître entre le repreneur et le fonds d’investissement, depuis la « demande en mariage », jusqu’au débouclage de l’opération.</p>
<p>En amont de l’opération, les principaux sujets de tension concernent la négociation du « management package » (incitations financières destinées au repreneur en cas de réalisation des objectifs) et les pourparlers relatifs au pacte d’actionnaires (document contractuel régissant les relations entre associés).</p>
<p>Ces deux sujets de tensions se caractérisent en effet par un désalignement des intérêts entre les acteurs. Comme en témoigne un repreneur :</p>
<blockquote>
<p>« Ce sont des moments de tension où l’on n’est pas aligné avec les fonds ».</p>
</blockquote>
<p>La signature de l’accord (ou « closing ») marque ensuite le début d’une « lune de miel » entre le repreneur et le fonds d’investissement. La première année de collaboration se caractérise en effet par le souhait pour les deux parties de collaborer dans les meilleures conditions.</p>
<p>Cette période de relative sérénité dure environ trois ans. Elle n’est toutefois pas exempte de tensions, notamment en ce qui concerne les possibles contre-performances de l’entreprise à mesure que l’on se rapproche de l’horizon de sortie du fonds d’investissement. Le représentant d’un fonds interrogé le reconnaît :</p>
<blockquote>
<p>« C’est à partir de la troisième année que le sujet commence à naître. Certains LBO sont construits sur six ans et on sait très bien que les sorties se font en regardant les trois dernières années »</p>
</blockquote>
<p>Un autre interviewé précise cependant que, en cas de dégradation des performances, la qualité de la relation entre le repreneur et le fonds d’investissement est alors corrélée au niveau de confiance et de transparence entre les parties prenantes :</p>
<blockquote>
<p>« Plus les fonds d’investissement vont avoir de la transparence, moins ils seront crispés dans l’hypothèse d’une mauvaise performance ».</p>
</blockquote>
<p>Enfin, au moment de la sortie du fonds (« débouclage »), les tensions peuvent apparaître en raison d’un nouveau désalignement des intérêts, lorsque le repreneur souhaite racheter les parts du fonds d’investissement sortant ou réaliser un LBO secondaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/442735/original/file-20220126-21-3uchjq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La reprise d’entreprise avec l’appui d’un fonds d’investissement peut parfois ressembler à un chemin semé d’embûches.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ilamont/13955102370">Ian Lamont/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Dans ce cas, le repreneur, quelle que soit sa position capitalistique cherche à minimiser la valorisation de l’entreprise, alors que le fonds d’investissement, désireux d’assurer la défense des intérêts de ses souscripteurs, a pour objectif la maximisation de la valeur de la société. Cette résurgence des tensions marque alors le début d’une période de fortes turbulences entre les acteurs.</p>
<h2>Tensions évitables</h2>
<p>En conclusion, le niveau de confiance entre le repreneur et le fonds d’investissement constitue le paramètre qui permet de contenir les tensions à l’état latent et d’éviter qu’elles ne se muent en tensions saillantes et deviennent une source de conflits préjudiciables aux deux parties, de façon parfois irrémédiable, avec des répercussions sur les performances et le corps social de l’entreprise.</p>
<p>Les tensions potentielles qui peuvent survenir entre le repreneur et le fonds d’investissement, nées de leurs enjeux et objectifs respectifs, parfois opposés, peuvent nuire à la création de valeur d’une opération de LBO. Pour autant, ces tensions n’ont pas de caractère inéluctable. Elles peuvent être anticipées, contenues et donc désamorcées.</p>
<p>Il convient cependant de préciser que nos travaux concernent spécifiquement des opérations de MBI, réalisées par des repreneurs extérieurs à la cible. Il serait opportun de poursuivre l’étude par l’analyse des relations entre manager et fonds d’investissement dans le cadre d’une opération de transmission familiale ou d’une transmission à l’un des salariés ou encore dans les autres familles du capital investissement, à savoir le capital-risque, le capital-développement et le capital-retournement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175767/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Barredy a reçu des financements de CPER-Ariane. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martine Story dirige depuis 2004 deux sociétés de conseil en reprises / cessions d’entreprises, ALTHEO et EVALTEAM.</span></em></p>À chaque étape de la transmission, des tensions liées à des intérêts divergents entre le nouveau dirigeant et les investisseurs peuvent apparaître.Céline Barredy, Professeur de finance et entrepreneuriat, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresMartine Story, Docteure du Business Science Institute, iaelyon School of Management – Université Jean Moulin Lyon 3Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751602022-01-23T17:27:53Z2022-01-23T17:27:53ZRémunération des agriculteurs : EGalim 2, une loi à la portée limitée<p>L’enjeu d’une rémunération plus équitable des agriculteurs aura traversé tout le quinquennat d’Emmanuel Macron à travers la loi EGalim, jusqu’à sa <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044220683">dernière mouture</a> qui vient d’être votée à la fin de l’année 2021. Si cette nouvelle loi, dénommée EGalim 2, apporte des avancées en matière de construction des prix, elle comporte cependant d’importantes lacunes car les principales dispositions législatives et contractuelles ne concernent pas les coopératives agricoles.</p>
<p>Or, les <a href="https://www.lacooperationagricole.coop/fr/une-reussite-economique-et-sociale">trois quarts des agriculteurs adhèrent à au moins une coopérative</a>. En outre, en ce qui concerne le lait, la viande ou encore les betteraves sucrières, un engagement auprès d’une coopérative empêche de travailler avec une entreprise privée.</p>
<p>Le principe de la nouvelle version de la loi vise à répondre aux <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/loi-egalim-c-est-un-fiasco-absolu-denonce-perico-legasse-180935">critiques</a> adressées à la première loi votée au tout du début du quinquennat dont les dispositions n’avaient pas permis, selon les agriculteurs et leurs représentants, d’améliorer leurs revenus.</p>
<h2>Prix d’achat sanctuarisé</h2>
<p>Avec le nouveau texte, un agriculteur qui vend ses matières premières à un industriel établit un contrat pour une durée minimale de trois années. La loi impose que ce contrat commercial qui fixe le prix de vente soit indexé sur les coûts de production de l’agriculteur. Un céréalier qui voit augmenter le coût du gasoil a ainsi la possibilité de répercuter cette hausse sur le prix de vente de son blé à un meunier. De même, un éleveur qui fait face à une augmentation de l’alimentation de son détail peut également répercuter cette hausse sur le prix de vente de son lait à un industriel.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=788&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=788&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=788&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=990&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=990&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/441509/original/file-20220119-25-1omqn5p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=990&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Principes de la loi EGalim 2.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://agriculture.gouv.fr/infographie-loi-egalim-2-agir-pour-la-juste-remuneration-des-agriculteurs">Ministère de l’Agriculture</a></span>
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</figure>
<p>Par la suite, l’industriel de l’agroalimentaire qui vend un produit fini à un distributeur ne pourra pas revoir ou renégocier à la baisse le prix d’achat des matières premières agricoles. Ce prix d’achat est en quelque sorte sanctuarisé et ne peut pas être revu à la baisse une fois que l’agriculteur et l’industriel sont tombés d’accord.</p>
<p>La loi EGalim 2 vise dont à établir une solution pour construire des prix d’achat qui intègrent l’évolution des coûts de production que subissent les agriculteurs car les industriels ne peuvent plus répercuter les pressions commerciales sur ces derniers. En conséquence, elle est susceptible de mettre un terme, en principe, à quasiment une <a href="https://www.franceagrimer.fr/content/download/66895/document/2021_06_15_Rapport_OFPM_2021.pdf">décennie de stagnation</a> en matière de prix d’achat des matières premières agricoles.</p>
<p>Le principe de la loi EGalim 2 s’appuie sur des <a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/forces-concurrentielles-porter/">connaissances anciennes développées en stratégie d’entreprise</a>. Selon celles-ci, celui qui n’a pas de pouvoir de marché suffisant se voit systématiquement imposer des prix d’achat en dessous de son seuil de rentabilité.</p>
<p>À travers la loi EGalim 2, le législateur acte l’incapacité des agriculteurs français à construire ce pouvoir du marché du fait de leur faiblesse et de leur éclatement. Il s’interpose désormais dans les relations commerciales afin de rééquilibrer les rapports de force et d’inverser la logique de construction des prix des matières premières agricoles.</p>
<h2>Une coopérative n’est pas une entreprise privée</h2>
<p>Cependant, la loi EGalim 2 ne revient pas sur le principe de la première version selon lequel seuls les agriculteurs qui vendent leurs productions à des entreprises privées sont concernés. Or, cette application limitée avait conduit les coopératives à déposer un recours devant le Conseil d’État, qui avait pourtant rendu un <a href="https://www.reussir.fr/lait/prix-abusivement-bas-le-conseil-detat-donne-raison-aux-cooperatives-agricoles">avis</a> leur donnant raison.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1366316790469455878"}"></div></p>
<p>En effet, lorsqu’un agriculteur écoule ses productions avec une coopérative, il ne signe pas un contrat commercial. Il adhère à la coopérative et prend la qualité d’associé coopérateur. Cela signifie qu’il s’engage à livrer des matières premières <a href="https://www.decitre.fr/livres/les-cooperatives-agricoles-9782804462758.html">sans qu’un prix d’achat soit fixé a priori</a>.</p>
<p>Le prix d’achat des matières premières apportées à la coopérative n’est donc pas fixé par un contrat commercial mais par une décision du conseil d’administration. C’est le conseil d’administration de la coopérative qui fixe le prix d’achat des matières premières et l’applique à l’ensemble des adhérents de la coopérative. Le mécanisme contractuel de la loi EGalim 2, qui relève du code de commerce, ne s’applique donc pas aux contrats d’adhésion des coopératives (qui relève du Code rural).</p>
<p>Cette spécificité des coopératives et l’impact qu’elles peuvent avoir sur la construction des prix des matières premières agricoles n’a bien évidemment pas échappé au législateur français. Ce dernier a ainsi développé un ensemble de mesures qui s’appliquent spécifiquement aux coopératives agricoles dans la loi EGalim 2. Cependant, à la différence des dispositions destinées aux opérateurs privés, les dispositions spécifiques aux coopératives relèvent davantage de l’incitation que de la contrainte.</p>
<h2>Une question de gouvernance</h2>
<p>Le texte vise en effet à faciliter la transparence en demandant aux coopératives de mieux expliquer pourquoi tel prix d’achat est pratiqué. Cette transparence s’opérationnalise à travers l’idée d’un « rémunéra-score » qui permet de comprendre comment se construisent les prix de vente en fonction des coûts de production. Mais les coopératives agricoles ne veulent pas en entendre parler…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1444891733582561282"}"></div></p>
<p>Cependant, difficile d’aller plus loin : La sanctuarisation du prix d’achat n’est pas demandée et elle ne peut pas l’être car il n’y a pas de contrat d’achat. Egalim 2 aimerait forcer les coopératives à sanctuariser le prix d’achat mais le droit coopératif ne le permet pas. C’est le nœud du problème !</p>
<p>Si ces dispositions incitatives peuvent apporter des éléments nouveaux, il n’en demeure pas moins que c’est le conseil d’administration qui reste souverain pour fixer les mécanismes de construction des prix d’achat des matières premières agricoles.</p>
<p>Or, les <a href="https://www.bertrand-valiorgue.com/referentiel">travaux</a> que nous avons menés sur la gouvernance des coopératives montrent que la capacité des dirigeants élus des coopératives à réellement contrôler l’outil industriel coopératif s’avère généralement faible. Cela signifie que seules les coopératives dans lesquelles les dirigeants élus pèsent suffisamment verront une application des principes de construction des prix dans l’esprit de la loi EGalim 2.</p>
<p>A contrario, dans les coopératives où les dirigeants élus ont un pouvoir de gouvernance faible, il est improbable que les prix soient revus à la hausse du fait d’une indexation sur les coûts de production qui restera limitée. L’application des principes de la loi EGalim 2 au sein des coopératives agricoles implique donc une gouvernance forte à la tête de ces structures, ce qui constitue davantage <a href="https://mospace.umsystem.edu/xmlui/handle/10355/425">l’exception que la règle</a>.</p>
<p>Il en découle que sans une adhésion forte mais volontaire du mouvement coopératif français aux principes de la loi EGalim 2, il y a toutes les chances que cette dernière n’ait finalement qu’un impact limité sur la rémunération des agriculteurs. Dans le cas contraire, on peut envisager que les agriculteurs souhaitent finalement s’orienter davantage vers les entreprises privées de l’agroalimentaire car les mécanismes de protection de la loi EGalim 2 s’appliqueront pleinement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le texte voté fin 2021 par l’Assemblée nationale ne concerne pas les coopératives, auxquelles adhèrent pourtant les trois quarts des agriculteurs français.Bertrand Valiorgue, Professeur de stratégie et gouvernance des entreprises, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1744602022-01-13T19:59:18Z2022-01-13T19:59:18ZLorsque syndicats et patronat se réunissent en distanciel, le dialogue social devient-il monologue asocial ?<p>Nouvelle année et nouvelles résolutions, le mois de janvier marque aussi le début d’une nouvelle échéance pour ce qui est des négociations annuelles obligatoires en entreprise. Le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006177932/">Code du travail</a> impose en effet, pour les entreprises de plus de 50 salariés, et dans certains cas également pour des organisations de plus petite taille, que patronat et salariat se rencontrent régulièrement pour discuter de certains éléments.</p>
<p>La rémunération, le temps de travail, le partage de la valeur ajoutée, mais aussi l’égalité professionnelle entre hommes et femmes et la qualité de vie au travail devait faire l’objet d’un accord annuel depuis 2008, délai assoupli en “au moins une fois tous les quatre ans” par l’ordonnance du 22 septembre 2017.</p>
<p>Or, avec le coronavirus, le dialogue social a, lui aussi, basculé en mode « distanciel ». Et, comme ailleurs dans le monde du travail, la tendance semble devenir durable. Elle présente, certes, des avantages indéniables, en donnant notamment plus de flexibilité aux acteurs. Nos travaux réalisés grâce à l’association Réalités du dialogue social, nourris par 25 entretiens (15 avec des syndicats et 10 avec des membres du patronat) suggèrent que pareils changements peuvent également s’avérer nuisibles, tant pour la qualité des relations entre partenaires sociaux que pour l’équilibre des pouvoirs entre syndicats et patronat.</p>
<p>Certes, l’un des effets bénéfiques les plus visibles du passage au distanciel avec la crise sanitaire semble avoir été l’accélération du rythme du dialogue social. La bascule en ligne a rendu plus nombreuses les réunions entre partenaires sociaux. Elle permet aussi d’assouplir un calendrier social souvent aussi chargé que rigide, et dont le tempo très cadencé n’est pas toujours en phase avec celui de la vie de l’entreprise. Il y a là, pour les représentants des salariés, l’opportunité de bénéficier de la bonne information au bon moment… Et donc de pouvoir réagir dans le bon timing.</p>
<p>Néanmoins, une fois faites ces remarques sur la temporalité du dialogue social, il semble surtout que le distanciel vient passablement en dégrader la qualité.</p>
<h2>Manque de finesse</h2>
<p>Le dialogue social peut facilement se comparer à un sport collectif. Dans une mêlée de rugby, une équipe parvient plus facilement à faire reculer le pack adverse lorsque les joueurs coordonnent leurs efforts de poussée. Dans le cadre du dialogue social, la partie syndicale parviendra à acculer des dirigeants lorsque les différents représentants des salariés se relaieront dans les prises de paroles et renchériront pour défendre leur perspective.</p>
<p>Or, pareil travail d’équipe semble très compliqué à reproduire en ligne, en raison des limites techniques des plates-formes de visioconférences. Que ce soit sur Zoom ou Teams, il est en effet indispensable d’imposer de règles strictes de tour de parole pour limiter les risques de cacophonie. Comme l’indique un syndicaliste :</p>
<blockquote>
<p>« Le problème c’est qu’on perd totalement l’instantanéité quand on demande la parole chacun notre tour… Je vais devoir répondre à un sujet qui a été abordé 4 interventions avant… »</p>
</blockquote>
<p>Dans le cadre d’une joute oratoire, ce strict ordonnancement des tours de parole limite très fortement la possibilité d’instaurer une dynamique d’équipe. D’un dialogue multilatéral, le dialogue social semble se muer, en ligne, en une multitude de monologues.</p>
<p>En raison de ces limites techniques, par ailleurs, tout ce qui donne le relief, les nuances ou la force nécessaires à un propos devient très difficile, voire impossible, à mobiliser : expressions faciales, mimiques, la gestuelle, les variations d’intonation, etc.</p>
<p>Ce manque de finesse dans la communication peut alors créer une distance entre les acteurs, amoindrir leur capacité d’empathie et représente une source potentiellement importante de malentendus, ainsi que le précise une responsable des ressources humaines :</p>
<blockquote>
<p>« Avec la visio, vous jugez mal les réactions. Vous voyez mal ceux qui ne sont pas d’accord, comment les arguments sont reçus et ça, c’est assez compliqué à gérer ».</p>
</blockquote>
<p>Le dialogue perd enfin de sa dimension sociale en raison de la quasi-disparition des espaces d’échanges informels. Or, <a href="https://www.cairn.info/journal-negociations-2014-1-page-119.htm">différents travaux</a> ont démontré à quel point les coulisses des négociations remplissent un rôle nécessaire, pour permettre aux acteurs de mieux se connaître, de mieux se comprendre, ou pour trouver des compromis qui seraient impossibles à atteindre si les échanges se limitaient aux seuls espaces officiels, ainsi que le confirme un directeur des ressources humaines :</p>
<blockquote>
<p>« Lors des réunions avec les syndicats, il y a les déjeuners, les inter-réunions, les diners… L’information qui passe normalement à ce moment-là nous a manqué. C’est cette partie informelle qui fait la richesse des réunions. Car au final, ce n’est pas la réunion qui est intéressante mais ce qui se passe à côté ».</p>
</blockquote>
<h2>Deux pistes de réflexion</h2>
<p>En résumé, le risque qui apparait lorsque le dialogue social devient monologue asocial semble double : enfermer les acteurs dans une spirale de confrontation et creuser le déséquilibre employeur-syndicat.</p>
<p>Nos résultats préliminaires indiquent en effet que le distanciel tend à enfermer les acteurs dans un dialogue fondé sur la défiance (même si seule une recherche sur un temps plus long pourra définitivement le confirmer). Les <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-2006-4-page-209.htm">différents ingrédients</a> que nécessitent des échanges « gagnant-gagnant » semblent en effet très compliqués à réunir à distance : une moindre qualité d’écoute, une communication plus ambiguë, des liens de confiances qui semblent d’autant plus difficiles à établir… Le mode distanciel pourrait de plus nuire à l’équilibre des pouvoirs entre patronat et syndicats, au désavantage de ces derniers.</p>
<p>En tenant compte des limites mais aussi de certains avantages du mode distanciel, deux pistes de réflexion méritent, à nos yeux, d’être investiguées.</p>
<p>La première porte sur le nombre et le type de réunion qu’il paraît souhaitable de maintenir en présentiel. Typiquement, lors d’un cycle de négociation, il nous semble envisageable de tenir les premières réunions à distance. Celles-ci consistent en effet essentiellement en un échange d’éléments factuels : établissement d’un calendrier, partage de données de contexte, présentation des cahiers de revendication, etc. En revanche, les phases suivantes de la négociation nécessitent une communication beaucoup plus fine ainsi qu’un rapport de pouvoir le plus équitable possible. Celles-ci semblent davantage adaptées au présentiel.</p>
<p>Le deuxième axe de réflexion porte sur la manière dont les interactions en ligne peuvent être enrichies afin de limiter les effets délétères des plates-formes de visioconférence. Elles offrent déjà différentes options pour se mettre en scène et pour agir de manière coordonnée (boutons « réactions », sondages express, fil de discussion…) mais d’autres dispositifs pourraient contribuer à enrichir les réunions à distance, ce qui passe aussi par une meilleure coordination en amont des réunions. Ces dispositifs pourraient être partagés au sein d’espaces d’échange des bonnes pratiques entre pairs, un des moyens les plus sûrs d’assurer un apprentissage collectif efficace.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174460/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pauline de Becdelievre est membre de l'association Réalités du dialogue social</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Pasquier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Négocier à distance offre davantage de flexibilité aux partenaires mais différents ingrédients nécessaires à des échanges gagnant-gagnant sont perdus. Au détriment, semble-t-il, des syndicats.Pauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayVincent Pasquier, Professeur en GRH et relations professionnelles, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1731142021-12-21T19:14:46Z2021-12-21T19:14:46ZCoupe du Monde tous les deux ans : une chance pour le football africain ?<p>La Confédération africaine de Football (CAF) a confirmé par <a href="https://fr.cafonline.com/press-release/news/les-associations-membres-de-la-caf-soutiennent-a-l-unanimite-la-proposition-de-c">communiqué</a> qu’elle soutiendrait le projet consistant à organiser dorénavant la Coupe du Monde tous les deux ans porté par la FIFA et son président, Gianni Infantino.</p>
<p>Pour ce dernier, qui se trouve à la tête de l’instance internationale depuis 2015, c’est un premier succès en vue de la mise en œuvre de cette réforme majeure, dont le but est surtout d’apporter de nouvelles ressources à la FIFA. Sa principale source de revenus est, en effet, la Coupe du Monde, organisée tous les quatre ans depuis sa création en 1930. Les autres compétitions de la FIFA (Coupe du monde féminine, Coupe du Monde des clubs, Coupes du Monde masculine et féminine U20 et U17) ne sont pas aussi rémunératrices. Ainsi, sur la période 2011-2014, la Coupe du Monde 2014 organisée au Brésil a représenté 4,8 des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/culture-loisirs/la-fifa-un-empire-financier-qui-brasse-des-milliards_AN-201505280174.html">5,7 milliards de dollars de revenus de la FIFA</a>, soit 84,2 %. Le cycle actuel, 2019-2022, s’appuie en grande partie sur le rendez-vous qatari de novembre 2022 et ses <a href="https://publications.fifa.com/fr/annual-report-2020/2020-financials-and-2022-budget/2022-budget/">4,6 milliards de revenus</a> prévus.</p>
<p>La <a href="https://www.fifa.com/fr/tournaments/mens/confederationscup">Coupe des confédérations</a>, lancée en 1992 et abandonnée en 2019, n’a pas été couronnée de succès commercial – même si elle aura été importante politiquement pour démontrer l’universalité du football, dans la mesure où elle offrait la possibilité aux nations championnes d’Afrique ou d’Asie de disputer des rencontres face aux mastodontes du football mondial. L’accroissement du nombre d’équipes qualifiées pour la phase finale de la Coupe du Monde (celle de 2026, tenue conjointement aux États-Unis, au Mexique et au Canada, accueillera 48 équipes, contre 32 précédemment) répond d’ailleurs à ce même impératif politique.</p>
<h2>La lutte pour le contrôle du football mondial</h2>
<p>Le communiqué de la CAN et l’engagement des 52 nations qui l’ont signé constituent certainement un pas important franchi par la FIFA dans sa lutte pour le leadership dans le football face à l’UEFA, la très puissante confédération européenne.</p>
<p>En effet, depuis 1974 et l’élection du Brésilien Joao Havelange à la tête de la FIFA, les stratégies de conquête de pouvoir de l’institution mondiale s’établissent contre l’Europe. D’ailleurs, l’UEFA, est logiquement opposée au changement de fréquence de la Coupe du monde, estimant par la voix de Aleksander Céférin, son président, qu’une telle réforme risquerait de <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-uefa-repond-sechement-a-la-fifa-sur-l-idee-d-une-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans/1287233">dévaluer la compétition</a>. Une position soutenue par la <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-conmebol-finalement-opposee-au-projet-de-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans/1284357">Comnebol</a>, la confédération sud-américaine de football. En revanche, les confédérations asiatique (AFC) et d’Amérique du Nord, centrale et Caraïbes (Concacaf) <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-confederation-asiatique-d-accord-pour-etudier-la-faisabilite-d-une-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans/1285338">y sont favorables</a>.</p>
<p>Il faut dire que, longtemps, les derniers tours des Coupes du monde ont consisté essentiellement en des affrontements entre pays européens et sud-américains. Joao Havelange (1974-1998), puis son successeur Sepp Blatter (1998-2015) ont cherché à donner plus de place et de visibilité aux autres continents, notamment en augmentant le nombre d’équipes participant à la phase finale (de 16 à 24 en 1982, puis à 32 en 1998, et donc à 48 à partir de 2026), ce qui permet de diminuer mécaniquement la part européenne, même si celle-ci reste importante (13 équipes sur 32 pour l’édition 2022).</p>
<p>Il faut rappeler à cet égard que même si les fédérations européennes ont plus de moyens financiers, chaque fédération ne dispose que d’une seule voix au sein des congrès et assemblées générales de la FIFA. Autrement dit, la parole de la France ou de l’Allemagne vaut autant que celle du Soudan du Sud ou de la Malaisie.</p>
<p>Mais depuis les années 1990 et les changements provoqués par les <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=ijYv5pMAVGYC">arrêts Bosman et Malaja</a> qui permettent la libre circulation des joueurs en Europe, ainsi que les réformes de la compétition de clubs phare, la Ligue des Champions, qui ont accru le nombre de clubs qualifiés provenant des pays les plus riches, le football de clubs rivalise en termes d’exposition médiatique avec la Coupe du Monde. Dans le cadre de la Ligue des Champions, tous les meilleurs footballeurs du monde se rencontrent désormais tous les ans et assurent à l’Europe une « machine à cash » lui offrant une puissance financière et une résonance médiatique que lui envie la FIFA.</p>
<h2>Les grandes manœuvres de la FIFA</h2>
<p>Une Coupe du Monde tous les deux ans : l’idée avait déjà germé <a href="https://www.letemps.ch/sport/une-coupe-monde-football-deux-ans-2008">sous Sepp Blatter</a>, mais il avait rapidement rétropédalé à la suite de la levée de boucliers des clubs. Cette fois, le projet a une belle chance de passer.</p>
<p>Porté par <a href="https://www.liberation.fr/sports/2020/10/18/canon-encore-fumant_1802765/">Arsène Wenger</a>, une figure du football international, il comprend une refonte du calendrier qui permettrait aux clubs de bénéficier de leurs joueurs <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-du-monde/fifa-wenger-detaille-son-projet-de-calendrier-avec-une-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans_AV-202109090286.html">vingt jours de plus que dans la formule actuelle</a>.</p>
<p>Un « geste » vers les clubs, un autre vers les pays n’ayant qu’une faible exposition mondiale : le plan pourrait emporter une majorité de voix en assemblée générale FIFA avec un bloc Afrique-Asie-Océanie opposé au bloc Europe-Amérique du Sud (ce dernier rapprochement vient notamment de se manifester par <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-ligue-des-nations-integrera-des-pays-d-amerique-du-sud-a-partir-de-2024/1305865">l'inclusion d'équipes sud-américaines</a> dans les prochaines éditions de la Ligue des Nations organisée par l'UEFA et jusqu'ici réservée exclusivement aux sélections européennes). En projet : une Coupe du Monde tous les deux ans et un plateau d’équipes augmenté de 50 % (changement déjà entériné, en vigueur dès 2026), qui permet plus de rentrées d’argent aux fédérations (que la FIFA a par ailleurs <a href="https://www.francsjeux.com/2021/03/23/a-la-fifa-les-comptes-tombent-toujours-juste/74315">soutenues durant la période d’arrêt liée au Covid-19</a>).</p>
<p>Si l’on comprend les enjeux financiers pour les fédérations africaines, on serait légitiment en droit de se poser la question de la position de la CAF, et surtout du devenir de sa compétition phare, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui a lieu tous les deux ans, voire du Championnat d’Afrique des nations (<a href="https://www.jeuneafrique.com/166228/societe/football-mais-au-fait-c-est-quoi-le-chan/">CHAN</a>), le même format réservé aux joueurs qui jouent en Afrique.</p>
<h2>Les difficultés du football africain</h2>
<p>La Coupe d’Afrique des Nations est la seule compétition rentable du continent : les droits marketing et télévisuels sont vendus sous forme de packages, en rajoutant toutes les compétitions organisées par la CAF (Ligue des champions africaine, Coupe de la confédération, CAN féminine, CHAN, CAN u20 et CAN U17), mais la plupart des diffuseurs n’utilisent que les droits sur les matchs de la CAN.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SAlbluaUkW4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La médiatisation du football africain : enjeux et perspectives, SIREM sports, 3 juillet 2020.</span></figcaption>
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<p>En dehors de la CAN, les compétitions continentales organisées en Afrique coûtent souvent plus d’argent qu’elles n’en rapportent. Par exemple, faute de moyens, les dotations de la Ligue des champions africaine sont souvent <a href="https://www.jeuneafrique.com/639520/societe/football-la-ligue-des-champions-une-competition-rarement-rentable/">trop faibles pour couvrir les frais</a> des clubs qui y participent.</p>
<p>D’autre part, la fréquence biennale de la CAN a longtemps été présentée comme un outil de développement des infrastructures, notamment sportives. Il faut dire qu’avec ses quatre poules (six depuis 2019), ce sont autant de stades qui sont construits ou remis aux normes, et qui devraient permettre de meilleures conditions de pratique.</p>
<p>Pour autant, la compétition phare du football africain se retrouve confrontée à un problème de format et de position sur le calendrier international. Depuis 2012, la compétition ne s’est jamais déroulée dans le pays prévu, que ce soit à cause de situations politiques incertaines (<a href="https://www.bbc.com/afrique/sports/2011/09/110928_can2013">Libye 2013</a> et <a href="https://www.france24.com/fr/20140823-libye-organisation-coupe-afrique-nations-2017-can-football-tripoli-caf">2017</a>), de conflit institutionnel (<a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/can/actualites/can-2015-le-maroc-perd-l-organisation-722096">Maroc, 2015</a>) ou de retard dans la construction des stades (<a href="https://www.jeuneafrique.com/674970/societe/football-la-can-2019-officiellement-retiree-au-cameroun-par-la-caf/">Cameroun, 2019</a>). La 33<sup>e</sup> édition, qui aurait dû se dérouler cette année, a été décalée à janvier et février 2022 pour cause de Covid-19. Et à quelques semaines de l’ouverture d’une compétition déjà perturbée par le retard dans la livraison de son stade principal, l’association des Clubs européens (ECA) <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-d-afrique-des-nations/le-courrier-de-menace-des-clubs-europeens-pour-la-can-2022_AV-202112150299.html">menace de ne pas libérer les joueurs</a> en raison d’une absence de protocole sanitaire délivré par la CAF pour éviter des quarantaines à leur retour.</p>
<p>Si de solutions de remplacement ont été trouvées chaque fois, l’édition 2015, prévue au Maroc (avec un remplacement par la Guinée équatoriale au dernier moment) symbolise les difficultés rencontrées par la compétition. Le royaume chérifien, qui venait d’accueillir la Coupe du monde des clubs avec, entre autres le Real Madrid, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique-foot/20141108-maroc-maintient-demande-report-can2015-coupe-afrique-nations-football-ebola-ca">demandait un report</a> de la CAN au mois de juin pour mieux l’accueillir. Mais en toile de fond se posait le problème de la libération des joueurs internationaux africains évoluant en Europe (57 % lors de l’édition 2019) que les clubs <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique-foot/20210315-%C3%A9liminatoires-can-2021-de-nombreux-clubs-europ%C3%A9ens-bloquent-leurs-internationaux">rechignent à voir partir</a> un mois en pleine saison.</p>
<p>Cette dépendance à l’égard de l’Europe avait déjà entraîné le passage des compétitions des <a href="https://www.eurosport.fr/football/la-can-les-annees-impaires_sto2326697/story.shtml">années paires aux années impaires</a> pour éviter les doublons les années de Coupe du monde. En 2017, la CAF choisit de déplacer la compétition au mois de juin et de l’élargir à 24 équipes <a href="https://www.jeuneafrique.com/459233/societe/ete-a-24-equipes-revolution-de-can-prevue-2019/">dès l’édition de 2019</a>, avant de revenir sur cette décision pour la CAN 2021 au Cameroun, <a href="https://www.eurosport.fr/football/foot-la-can-2021-se-jouera-au-cameroun-en-hiver-et-non-plus-en-ete-federation_sto7611164/story.shtml">pour des raisons climatiques</a>. L’édition 2023 est <a href="https://www.goal.com/fr/news/la-can-2023-programmee-durant-lete/jzkyiomyw2fe1gbo5l9a9yzd8">déjà menacée</a>, la Coupe du monde 2022 au Qatar se terminant au mois de décembre, soit quelques semaines seulement avant une éventuelle compétition africaine.</p>
<p>D’autre part, il faut également tenir compte de la dépendance accrue du football africain à la FIFA depuis cinq ans et <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/sport/election-caf-le-malgache-ahmad-ahmad-nouveau-patron-du-foot-africain_1889858.html">l’élection à la tête de la CAF d’Ahmad Ahmad</a>, d’abord largement soutenu, puis lâché par Infantino. Exsangue financièrement après la <a href="http://www.tribunedafrique.com/la-caf-annule-son-contrat-dun-milliard-de-dollars-avec-lagardere-sports/">rupture en 2019 (en raison d’une contestation de la procédure) du contrat</a> signé avec l’agence de marketing Lagardère Sport, qui devait assurer à la CAF au minimum un milliard de dollars jusqu’en 2028, l’organisation espère bénéficier des retombées d’une <a href="https://telquel.ma/2020/02/19/mais-ou-va-largent-de-la-fifa-destine-a-la-caf%E2%80%89-4-5_1669573">augmentation des subventions CAF</a> provenant de la FIFA. Dans le cadre de son programme <a href="https://www.fifa.com/fr/football-development/fifa-forward">FIFA Forward</a>, de développement du football, la FIFA finance en effet à hauteur de 12 millions de dollars annuels des projets liés à la pratique du sport-roi (et un million minimum à chaque fédération). Une augmentation des revenus de l’institution augmenterait de fait ces subventions, en plus d’augmenter les montants reversés par les droits TV et marketing. Le 20 décembre, Gianni Infantino a réuni en visioconférence 207 des 211 fédérations membres de la FIFA et a promis une augmentation des subventions de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/fifa/coupe-du-monde-tous-les-deux-ans-la-fifa-decide-de-ne-rien-decider-c9bd441e-6234-11ec-8679-ab0fdb9344df">19 millions de dollars</a> par fédération, par cycles de quatre ans.</p>
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<h2>Un coup à jouer pour la CAF</h2>
<p>Quel gage doit donc donner l’Afrique ? Modifier la fréquence de son tournoi, en le passant à un format quadriannuel, comme le demandent un certain nombre d’acteurs, <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/scan-sport/actualites/infantino-propose-d-organiser-la-can-tous-les-quatre-ans-991500">dont Gianni Infantino lui-même</a> ?</p>
<p>Paradoxalement, le passage à une Coupe du Monde tous les deux ans pourrait conforter le format biennal actuel. En négociant que la Coupe d’Afrique des Nations devienne qualificative pour la Coupe du Monde, la CAF augmenterait la valeur de sa compétition en bénéficiant de la force commerciale de la maison de Zurich et pourrait continuer de l’organiser les années impaires.</p>
<p>La situation actuelle ouvre donc de nombreuses possibilités. En négociant bien, les neuf places africaines en Coupe du Monde pourraient revenir aux quatre demi-finalistes, les cinq autres places étant réparties à travers un système de barrages avec un mix entre les douze huitièmes de finalistes et des équipes en fonction de leur classement FIFA, ce qui offrirait une deuxième chance aux « grosses » sélections ayant raté leur tournoi.</p>
<p>Une chose est certaine, l’Afrique doit proposer quelque chose, au risque de n’être qu’une arme dans le combat pour la puissance de la FIFA dans la lutte contre les confédérations européenne et sud-américaine. Le match international ouvert au Caire ne fait que commencer. À la CAF de jouer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Kouamouo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les dirigeants du football africain ont accepté de soutenir la FIFA dans son projet de Coupe du Monde tous les deux ans. Réelle opportunité ou danger pour le football du continent ?Hervé Kouamouo, Doctorant en sciences sociales du sport, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1708952021-11-09T22:36:58Z2021-11-09T22:36:58ZAngela Merkel, encore chancelière à Noël ?<p>Les élections générales allemandes ont eu lieu le 26 septembre, il y a près d’un mois et demi. Combien de temps encore faudra-t-il attendre avant la mise en place du gouvernement fédéral formé sur la base du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/27/elections-en-allemagne-un-paysage-politique-emiette-des-extremes-contenus-et-une-victoire-disputee-entre-cdu-et-spd_6096136_3210.html">résultat de ce scrutin</a> ?</p>
<p>Au vu de l’atomisation de l’échiquier politique, et malgré <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/discrets-adieux-d-angela-merkel-bundestag-248212">ses adieux au Bundestag</a> en juin, il se peut qu’Angela Merkel, en poste depuis 2005, se maintienne encore quelques mois à la chancellerie, car elle doit expédier les affaires courantes dans l’attente de l’élection d’un successeur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quattendre-dune-allemagne-dirigee-par-une-coalition-spd-verts-fdp-169803">Qu’attendre d’une Allemagne dirigée par une coalition SPD-Verts-FDP ?</a>
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<h2>Une dispersion des votes encore jamais vue</h2>
<p>Marquée par un taux de participation de 76,6 %, l’élection de septembre dernier a confirmé le regain de popularité du Parti social-démocrate d’Allemagne <a href="https://www.deutschland.de/fr/topic/politique/le-spd-les-partis-au-bundestag-allemand">(SPD)</a>, arrivé en tête avec 25,7 % des voix, soit 5,2 points de plus qu’aux législatives précédentes, en 2017. L’image de sérieux de sa tête d’affiche, l’ancien vice-chancelier et ministre des Finances de la « Grande coalition » sortante, <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/en-vue/olaf-scholz-un-pragmatique-allemand-1343720">Olaf Scholz</a>, a séduit les électeurs.</p>
<p>De son côté, l’Union <a href="https://www.deutschland.de/fr/la-cducsu-les-partis-au-bundestag-allemand">CDU-CSU</a> enregistre un sévère recul, ne réunissant que 24,1 % des suffrages exprimés, soit une baisse de 8,9 points, imputable pour partie aux <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20210719-inondations-en-allemagne-le-rire-du-candidat-conservateur-armin-laschet-passe-mal">maladresses de son chef de file Armin Laschet</a> lors des inondations de juillet 2021. Outre-Rhin, les intempéries <a href="https://www.liberation.fr/planete/2002/08/21/gerhard-schroder-surfe-sur-les-crues_413073/">jouent régulièrement</a> un rôle majeur dans la vie politique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le rire d’Armin Laschet durant un hommage aux victimes des inondations de septembre en Allemagne lui aura peut-être coûté l’élection.</span></figcaption>
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<p>C’est la première fois depuis la <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/256">fondation de la République fédérale d’Allemagne en 1949</a> que la démocratie chrétienne passe sous la barre des 30 %. C’est également la première fois que le SPD et la CDU/CSU ne parviennent pas à rassembler à eux deux au moins la moitié du corps électoral. Toutefois, leur déclin dans les urnes s’est en réalité amorcé dès les années 1980 et a affecté le SPD de façon à la fois plus brutale et précoce que la CDU.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-allemagne-le-declin-des-anciens-partis-pousse-angela-merkel-vers-la-sortie-105876">En Allemagne, le déclin des « anciens » partis pousse Angela Merkel vers la sortie</a>
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<p>Les <a href="https://www.deutschland.de/fr/topic/politique/les-verts-les-partis-au-bundestag-allemand">Verts</a>, un temps <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/pour-la-succession-de-merkel-les-verts-allemands-en-tete-dun-sondage_fr_607f24b7e4b063a636fd2bd1">donnés favoris</a> par les instituts de sondage grâce à la personnalité de leur candidate <a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/annalena-baerbock-une-feministe-pour-prendre-la-suite-d-angela-merkel-en-allemagne-405384">Annalena Baerbock</a>, ont finalement obtenu 14,8 % des voix. Un record certes, mais un résultat en demi-teinte : ils espéraient bien davantage.</p>
<p>Le Parti libéral-démocrate <a href="https://www.deutschland.de/fr/topic/politique/die-fdp-les-partis-au-bundestag-allemand">(FDP)</a>, pour sa part, se maintient à un haut niveau en récoltant 11,5 % des suffrages (après ses 10,7 % de 2017), tandis qu’Alternative pour l’Allemagne <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/ifri_alternative_fur_deutschland_afd_un_parti_dextreme_droite_.pdf">(AfD, classée à l’extrême droite)</a> régresse légèrement, à 10,3 % (contre 12,6 % il y a quatre ans).</p>
<p>Cet émiettement de la représentation tend à rendre nécessaire une coalition à trois partis – sauf si, comme cela semble aujourd’hui peu probable, une « <a href="https://www.courrierinternational.com/article/le-mot-du-jour-groko-la-grosse-koalition"><em>große Koalition</em></a> », c’est-à-dire une coalition regroupant la CDU et le SPD, voit le jour.</p>
<p>Quel que soit le cas de figure, les négociations devraient être longues, puisque les partis allemands ayant vocation à gouverner ont pour tradition de négocier longuement avant de conclure des accords de coalition (il a fallu <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMAnalyse?codeAnalyse=2589">plusieurs mois de négociation</a> pour cela après les législatives de 2017), afin d’organiser les modalités concrètes de leur coopération parlementaire et ministérielle.</p>
<h2>Vers une coalition à trois partis ?</h2>
<p>L’accentuation de la <a href="https://blog.leclubdesjuristes.com/allemagne-une-annee-electorale-a-hauts-risques/">fragmentation</a>, tant politique que spatiale, ressort des résultats électoraux.</p>
<p><a href="https://aoc.media/analyse/2021/09/09/lallemagne-post-merkel-ou-la-fin-annoncee-de-lere-des-deux-grands-partis-de-masse/">Cela se traduit de deux manières</a> : d’une part, certaines classes populaires et personnes en situation de dénuement, guère prises en compte dans le débat politique, votent pour les extrêmes ou bien s’abstiennent ; d’autre part, les classes moyennes aisées et citadines sont représentées par quatre partis d’orientation libérale répartis en deux binômes en vue de dominer le centre de l’échiquier politique. Le SPD et les Verts occupent le centre-gauche, tandis que la CDU-CSU et le FDP renvoient au centre-droit.</p>
<p>En raison de cette atomisation grandissante du paysage électoral, la future coalition associera probablement trois partis. Il s’agit là d’une évolution majeure.</p>
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<figcaption><span class="caption">Législatives en Allemagne : comment va se former la coalition ? (France 24, 27 septembre 2021).</span></figcaption>
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<p>Depuis la fin des années 1950, les coalitions au niveau fédéral <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2008-3-page-143.htm?contenu=plan">comportaient toujours deux partenaires</a>, l’un des deux <a href="https://www.lemondepolitique.fr/cours/partis/types_de_partis.html">partis de masse</a> (Seniorpartei) gouvernant classiquement avec un partenaire moins important numériquement (Juniorpartner).</p>
<p>Désormais, ce « bloc bourgeois », majoritairement aisé et urbain mais aux valeurs et intérêts divergents, sera certainement incarné par trois formations politiques.</p>
<p>Cela a pour effet d’ériger les Verts, le FDP et, à un degré bien moindre, le parti de gauche <a href="https://www.deutschland.de/fr/topic/politique/la-gauche-les-partis-au-bundestag-allemand">Die Linke</a> (4,89 % des suffrages en 2021, soit quasiment deux fois moins qu’en 2017) en véritables « faiseurs de roi ». Aussi, cette fragmentation de la représentation parlementaire ira de pair avec une complexification du processus de constitution d’une majorité à même de soutenir le gouvernement fédéral.</p>
<h2>Pourquoi la formation d’un gouvernement prendra-t-elle davantage de temps qu’en France ?</h2>
<p>La <a href="https://www.bundestag.de/resource/blob/189762/f0568757877611b2e434039d29a1a822/loi_fondamentale-data.pdf">Loi fondamentale</a> prévoit en son article 63 une procédure très rationalisée, selon laquelle le chancelier fédéral est élu sans débat, à la majorité de ses membres, par le Bundestag, sur proposition du président fédéral. Dans ce cas de figure, le chef de l’État doit nommer l’impétrant. Mais si le candidat proposé n’obtient pas cette majorité absolue des membres, ce qui ne s’est encore jamais passé, alors le Bundestag peut élire de son propre chef un chancelier fédéral à la majorité de ses membres dans les 14 jours.</p>
<p>À défaut d’élection dans ce délai, il est procédé immédiatement à un nouveau tour de scrutin, à l’issue duquel est élu celui qui obtient le plus grand nombre de voix. Si l’élu réunit sur son nom les voix de la majorité des membres du Bundestag, le président fédéral doit le nommer dans les sept jours qui suivent l’élection. Si l’élu n’atteint pas cette majorité, le président fédéral doit, soit le nommer dans les sept jours, soit dissoudre le Bundestag.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les élections en Allemagne « pour les Nuls » (TV5 Monde, 26 septembre 2021).</span></figcaption>
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<p>La vocation de cette procédure très strictement codifiée dans la Loi fondamentale consiste à conjurer le <a href="https://www.larevuetoudi.org/de/node/253">spectre weimarien des gouvernements minoritaires instables</a> ayant favorisé la dégénérescence de la démocratie parlementaire.</p>
<p>Le préalable à ces mécanismes réside dans la négociation des différents partis en vue de forger une majorité parlementaire à même d’élire le chef de gouvernement et, par suite, de le soutenir.</p>
<p>La République fédérale d’Allemagne <a href="https://www.dw.com/fr/allemagne-coalitions-d%C3%A9mocratie-compromis/a-59339147">pratique traditionnellement la « démocratie de coalition »</a>, en vue de bénéficier d’une légitimité maximale dans l’exercice du pouvoir. Mais en raison de la complexité croissante du système partisan, elle-même entretenue par la <a href="http://juspoliticum.com/article/La-nouvelle-loi-electorale-federale-allemande-836.html">représentation proportionnelle personnalisée</a>, la négociation de ces accords est susceptible de prendre beaucoup de temps.</p>
<p>Depuis 2005, presque aucune coalition de droite, de gauche ou même du centre ne se dégage clairement des résultats électoraux, hormis la coalition noire-jaune (CDU-CSU et FDP) de 2009 à 2013, à telle enseigne que le phénomène de la « Grande coalition » s’est généralisé avec trois occurrences (2005-2009, 2013-2018 et 2018-2021), contre une seule auparavant <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2005/11/22/le-precedent-de-1966-1969_712966_3214.html">entre 1966 et 1969</a> sous la direction de <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/kurt-georg-kiesinger/">Kurt Georg Kiesinger</a> (CDU). Cela résulte des évolutions du système de partis.</p>
<h2>Les forces de négociations en présence</h2>
<p>Immédiatement après les élections, <a href="https://www.leparisien.fr/international/elections-en-allemagne-olaf-scholz-pourrait-avoir-son-gouvernement-a-noel-07-10-2021-PYEJJUVPEBGWVHQTG533RESIUQ.php">tant Olaf Scholz</a> qu’<a href="https://www.challenges.fr/monde/allemagne-laschet-cdu-veut-tenter-de-batir-une-coalition-gouvernementale_782244">Armin Laschet</a> ont revendiqué la faculté de composer la coalition gouvernementale.</p>
<p>De ce point de vue, il convient de relever que, contre toute évidence, le parti arrivé en deuxième position parvient parfois à diriger la coalition. Tel a été le cas en 1969 : la démocratie chrétienne avait obtenu 46 % des suffrages, contre 42,7 % pour le SPD, mais c’est finalement le social-démocrate <a href="https://www.dw.com/fr/il-y-a-cinquante-ans-willy-brandt-devient-chancelier-de-larch%C3%A9ologie-sous-marine-en-gr%C3%AAce/av-50922488">Willy Brandt</a> qui avait accédé à la chancellerie, en négociant le soutien du FDP (5,8 %). De même, en 1976 et 1980, la CDU-CSU était arrivée en première position, mais l’alliance sociale-libérale l’avait repoussée dans l’opposition à chacune de ces reprises. Pour l’heure, il semble exclu que la CDU-CSU intègre la coalition, l’hypothèse de reconduction de la « Grande coalition » mais, cette fois, avec une direction social-démocrate, étant jugée défavorablement par tous.</p>
<p>Olaf Scholz devra donc s’adjoindre le <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/elections-allemandes-les-liberaux-et-les-verts-choisissent-olaf-scholz-1352535">soutien des écologistes et des libéraux</a>.</p>
<p>Or, l’opération est complexe, puisque les premiers s’allient classiquement au SPD et les seconds à la CDU-CSU. Quelle que soit la configuration, des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/10/16/en-allemagne-la-coalition-reunissant-le-spd-les-verts-et-les-liberaux-du-fdp-est-en-bonne-voie_6098606_3210.html">concessions majeures</a> devront sans nul doute être opérées entre les partis afin de finaliser des <a href="http://juspoliticum.com/article/Aspects-des-contrats-de-coalition-gouvernementale-en-Allemagne-1998-2009-textes-presentes-par-Armel-Le-Divellec-169.html">accords de coalition</a>.</p>
<p>A priori, le parti populiste AfD est exclu de ce jeu politique, comme en témoigne <a href="https://www.liberation.fr/planete/2020/02/06/en-thuringe-pataques-electoral-et-election-demission-en-24-heures-chrono_1777474/">l’épisode survenu en Thuringe en février dernier</a>, à l’issue duquel un membre du FDP dut démissionner de sa fonction de ministre-président après avoir été élu grâce au soutien de l’extrême droite. Le candidat de Die Linke avait alors <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/04/allemagne-bodo-ramelow-candidat-de-die-linke-l-emporte-sur-l-extreme-droite-en-thuringe_6031860_3210.html">été élu</a>.</p>
<p>S’agissant de ce dernier parti, ses <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/t._holzhauser_ndc_161_die_linke_mai_2021.pdf">options idéologiques très tranchées</a> (antimilitarisme et hostilité de principe à l’OTAN notamment) semblent le tenir à l’écart. Encore faut-il préciser que cela n’exclut pas nécessairement la formule du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Soutien_sans_participation">« soutien sans participation »</a> et que Die Linke a d’ores et déjà participé à des coalitions gouvernementales de ce type dans certains Länder (Berlin et Brandebourg).</p>
<p>Les combinaisons possibles sont virtuellement nombreuses, allant de la coalition dite <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2021-09-08/jamaicaine-kenyane-feu-tricolore-ces-droles-de-noms-de-coalitions-gouvernementales-en-allemagne-ea3067a8-61f7-4830-ba60-4d33c126e60c">« jamaïcaine »</a> (CDU-CSU, Verts et FDP) à la celle dite du <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/09/28/en-allemagne-debut-des-discussions-pour-parvenir-a-une-coalition-feu-tricolore_6096279_3210.html">« feu tricolore »</a> (SPD, FDP et Verts), en passant par la coalition dite « kenyane » (CDU-CSU, SPD et Verts), la coalition du drapeau allemand (CDU-CSU, FDP et SPD).</p>
<p>Au lendemain des élections, les incertitudes sont pléthore et il y a fort à parier que les négociations interpartisanes dureront quelques mois. En attendant, Angela Merkel devra expédier les affaires courantes jusqu’à l’élection de son successeur.</p>
<p>Ainsi, le présage <a href="https://www.instagram.com/p/CTPr3mSgUtC/">ironiquement esquissé par Dietmar Bartsch</a> (Die Linke) d’une Angela Merkel encore chancelière à Noël risque-t-il de se réaliser. Accessoirement, après le 17 décembre prochain, faute d’élection d’un successeur, elle battrait le record de longévité de son mentor, <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2017/06/16/helmut-kohl-ancien-chancelier-allemand-est-mort_5145914_3382.html">Helmut Kohl</a>, resté chancelier très exactement seize ans et 26 jours…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170895/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Fourmont ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les traditionnelles tractations post-électorales visant à établir une coalition risquent d’être particulièrement longues, prolongeant le mandat d’Angela Merkel d’encore quelques semaines.Alexis Fourmont, Maître de conférences, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1700812021-10-18T18:51:31Z2021-10-18T18:51:31ZPhilharmonie à Paris, Confluences à Lyon… plus de transparence pour des renégociations qui peuvent coûter cher<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/426782/original/file-20211016-7324-rqluu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C1588%2C1188&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au fil des renégociations, la facture pour la réalisation de la Philharmonie de Paris a plus que doublé.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Pierre Dalbéra / FlickR</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans un <a href="https://www.cae-eco.fr/Renforcer-l-efficacite-de-la-commande-publique">rapport</a> pour le Conseil d’analyse économique (CAE) daté d’avril 2015, nous nous interrogions, avec le prix « Nobel » d’économie Jean Tirole, sur les moyens de renforcer l’efficacité de la commande publique. Il nous semblait que la grande marge de manœuvre laissée aux parties contractantes pour renégocier leurs contrats et faire face aux événements imprévus devait s’accompagner d’une transparence accrue. Il s’agit par-là d’assurer un meilleur contrôle des dépenses de la commande publique en France, évaluées à <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/un-nouveau-guide-pour-eclairer-et-relancer-la-commande-publique">8 % du PIB</a> en mai dernier par la ministre déléguée à l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher.</p>
<p>La commande publique peut être définie comme l’ensemble des contrats passés par les personnes publiques afin de satisfaire leurs besoins. Les contrats peuvent prendre différentes formes (des marchés publics ou des concessions essentiellement) et concernent la fourniture de biens, de services et/ou d’infrastructures.</p>
<p>Les directives qui s’appliquent en Europe depuis 2016 (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030590222?init=true&page=1&query=2014%2F23%2FUE&searchField=ALL&tab_selection=all">2014/23/UE</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030616160">2014/24/UE</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000030616263?init=true&page=1&query=2014%2F25%2FUE&searchField=ALL&tab_selection=all">2014/25/UE</a>) vont bien dans le sens de davantage de transparence. En instaurant une obligation de publication d’information sur les modifications de contrats publics pendant leur exécution, ces directives permettent l’accès à de nouvelles données.</p>
<p>Elles ouvrent la voie à de nouvelles recherches, notamment sur l’influence de la crise du Covid-19 sur l’exécution des contrats. Une étude a été lancée il y a quelques semaines sur ces questions à l’Institut d’administration des entreprises Paris Sorbonne. Les tout premiers résultats sont présentés ici.</p>
<h2>Dérapages réguliers</h2>
<p>Depuis de nombreuses années, l’analyse économique insiste sur l’incomplétude de ces contrats. Cette approche, développée en particulier par deux prix « Nobel », l’Américain <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2009/williamson/facts/">Oliver E. Williamson</a> en 2009 et le Britannique <a href="https://www.nobelprize.org/prizes/economic-sciences/2016/hart/facts/">Oliver D. Hart</a> en 2016, permet d’expliquer la fréquence des renégociations de contrats publics. Incomplets, ils doivent souvent être adaptés au cours de leur exécution.</p>
<p>Différentes raisons peuvent être invoquées lors des discussions : ici des contrats mal conçus, là des événements imprévus, ailleurs des comportements opportunistes, de la corruption, ou encore un phénomène de malédiction du vainqueur (s’il a emporté la mise, c’est peut-être car il a surestimé les retombées qu’ils pouvaient obtenir). Elles entraînent souvent des surcoûts importants pour la partie publique.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/426783/original/file-20211016-17-1w5j0ev.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">61 millions d’euros devaient être engagés, les dépenses publiques pour le musée Confluences à Lyon ont finalement été de 330 millions d’euros.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://yab.be/2019/10/11/musee-des-confluences-in-lyon-8-september-2019/">Yab.be</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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</figure>
<p>Quelques exemples de « dérapages » impressionnants paraissent régulièrement dans la presse. Parmi les cas d’écoles, on retrouve celui de La <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/la-philharmonie-de-paris-reclame-des-millions-a-larchitecte-jean-nouvel-1397879">Philharmonie de Paris</a> dont les travaux, chiffrés à 173 millions d’euros au lancement du projet en 2006, ont atteint un montant final de 386 millions d’euros. La construction du <a href="https://www.20minutes.fr/lyon/1496835-20141208-lyon-musee-confluences-scandale-financier">Musée des Confluences</a> à Lyon reposait sur un programme de 61 millions d’euros, qui a ensuite frôlé les 330 millions d’euros.</p>
<p>Comme le notait un <a href="http://www.lemoniteur.fr/article/marches-publics-des-avenants-plus-transparents-32883780">consultant en marchés publics en 2015</a> :</p>
<blockquote>
<p>« On en est arrivé à un point tel que plus personne ne prend au sérieux l’estimation initiale des grands chantiers. »</p>
</blockquote>
<h2>Écarts significatifs entre pays européens</h2>
<p>Pour la première fois, les directives européennes votées en 2014 et appliquées depuis 2016 s’intéressaient à la phase d’exécution des contrats et non plus seulement à leur passation.</p>
<p>Si une modification des contrats est autorisée, et ce dans une large mesure, ces textes obligent aussi les contractants publics à publier de l’information sur les évolutions décidées par les parties. En France, la transposition du droit européen oblige l’acheteur à publier un avis de modification du marché ou du contrat de concession au Journal officiel de l’Union européenne (JOUE), lorsque les contrats sont passés selon une procédure formalisée.</p>
<p>Le graphique ci-dessous reporte les modifications de contrats publics que l’on peut recenser dans la <a href="http://www.marche-public.fr/Marches-publics/Definitions/Entrees/TED.htm">base Tenders electronic daily (TED)</a>, construite à partir du JOUE. Il fait état d’écarts importants entre pays de l’Union européenne.</p>
<iframe title="Des écarts significatifs apparaissent dans l'Union quant au nombre de renégociations, y compris entre des pays qui semblent bien transmettre l’information" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-tHYE2" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tHYE2/3/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Les chiffres suggèrent que certains pays seraient immuns aux renégociations contractuelles. Il semble cependant plus probable que ces pays ne jouent pas le jeu de la transmission d’informations sur ces dernières. Reste que des écarts significatifs apparaissent également entre les pays qui semblent bien transmettre l’information, par exemple entre la France et l’Allemagne.</p>
<p>Ces écarts peuvent s’expliquer par le nombre de contrats passés, par une surtransposition des directives européennes dans certains pays (avec des règles nationales qui imposeraient par exemple de publier de l’information sur toutes les renégociations contractuelles, même celles n’ayant aucun impact financier sur les contrats), par des caractéristiques conjoncturelles propres à certains pays, ou encore par des traditions différentes de rédaction et de renégociation des contrats.</p>
<h2>Un effet déstabilisateur du Covid ?</h2>
<p>Bien qu’imparfaites, ces données permettent de mener de premières analyses des modifications de contrats et de leurs conséquences financières en France, pays pour lequel la base semble bien renseignée. Depuis 2016, les modifications de contrats publics semblent de plus en plus nombreuses. Le faible nombre de renégociations enregistrées en 2016 et 2017 s’explique toutefois sans doute par une remontée d’information encore imparfaite.</p>
<iframe title="En France, les modifications de contrats publics semblent de plus en plus nombreuses" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-tYvvy" src="https://datawrapper.dwcdn.net/tYvvy/2/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>Il est important de noter que la très grande majorité des modifications de contrats a entraîné des augmentations de la dépense publique. Elles restent pour la plupart contenues à des augmentations de moins de 20 % du montant des marchés. Néanmoins, certaines entraînent des hausses substantielles du montant des marchés, de plus de 50 %.</p>
<iframe title="La très grande majorité des modifications de contrats a entraîné une augmentation de la dépense publique" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-1LkyZ" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1LkyZ/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="350" width="100%"></iframe>
<p>Les données TED permettent aussi de comprendre plus en détail les raisons des renégociations. En effet, l’autorité publique doit fournir une justification, en quelques lignes, pour chaque modification.</p>
<p>Une analyse textuelle permet ainsi de mettre en évidence l’effet déstabilisateur de la crise du Covid-19. En France, plus de 25 % des contrats renégociés depuis décembre 2019 l’ont été à cause de la crise sanitaire, mais ce pourcentage monte à plus de 70 % pour le Royaume-Uni et reste a contrario très faible en Allemagne.</p>
<iframe title="Le Covid 19 n'a pas eu partout le même effet déstabilisateur sur les contrats de commande publique" aria-label="Graphique en colonnes" id="datawrapper-chart-phYTB" src="https://datawrapper.dwcdn.net/phYTB/4/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100% !important; border: none;" height="400" width="100%"></iframe>
<p>De nouveau, ces écarts entre pays questionnent. Si l’on peut suspecter des erreurs méthodologiques, on peut également s’interroger sur les caractéristiques des contrats, sur la nature des relations contractuelles et sur le statut des renégociations dans ces différents pays.</p>
<h2>Recherches à venir</h2>
<p>Cette première étape vers plus de transparence est louable. Cependant, les données TED ne permettent pas d’avoir une vision claire du caractère conflictuel ou coopératif des modifications de contrats. Or, cette question est essentielle. Les modifications de contrats, même coûteuses, reflètent-elles la bonne relation de la relation contractuelle et la volonté des acteurs d’aller vers plus d’efficacité en adaptant le contrat à des situations nouvelles ? Ou les modifications sont-elles subies, résultant d’un manque de préparation du contrat ou de comportements opportunistes des acteurs ?</p>
<p>Afin d’en savoir plus sur le sujet, l’IAE de Paris-Sorbonne vient de lancer une étude par questionnaire auprès des acheteurs publics en Europe. Nous pensons que la crise du Covid-19 peut agir comme un révélateur de la qualité de la relation contractuelle qui lie les parties.</p>
<p>Ce type de choc exogène pousse, en outre, à s’interroger sur le caractère plus ou moins rigide et/ou flexible des contrats qui peut influencer leur capacité à s’adapter à des contingences non prévues au moment de leur signature.</p>
<p>Nous nous saisirons de ces questions, et nos travaux viseront à compléter ces toutes premières statistiques grâce à des données plus fines. Elles permettront de mieux comprendre les caractéristiques des renégociations contractuelles, facette primordiale de la commande publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170081/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphane Saussier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les évolutions du droit exigent de publier davantage d’informations sur l’exécution des contrats de commande publique, dont le coût dérape régulièrement.Stéphane Saussier, Chair professor, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1622722021-06-16T17:37:48Z2021-06-16T17:37:48ZUn retour au deal nucléaire iranien est-il encore possible ?<p>Les négociations entre l’Iran et les autres signataires du deal nucléaire de 2015 ont <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/07/nucleaire-iranien-mobilisation-diplomatique-constructive-a-vienne_6075791_3210.html">repris</a> début avril. Elles ont pour but de ramener toutes les parties au respect de leurs obligations. Cependant, aucune issue favorable ne semble se dégager pour le moment. Malgré l’optimisme affiché et la volonté déclarée de Téhéran et de Washington de revenir à cet accord, les « rounds » de négociations se succèdent. Et une échéance importante se profile en tout cas le 18 juin : l’élection présidentielle iranienne. Trouver une solution avant cette date semble crucial.</p>
<p>Un seul candidat crédible reste en lice, <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210527-pr%C3%A9sidentielle-iranienne-qui-est-ebrahim-ra%C3%AFssi-l-ultraconservateur-qui-part-favori">Ebrahim Raisi</a>. Les candidatures de ses deux adversaires principaux – Ali Larijani, conseiller du Guide suprême Ali Khamenei, et Eshaq Jahangari, actuel premier vice-président d’Hassan Rouhani (lequel est en poste depuis 2013) – ont en effet été <a href="https://www.france24.com/fr/asie-pacifique/20210525-pr%C3%A9sidentielle-en-iran-les-autorit%C3%A9s-rejettent-les-candidatures-de-larijani-et-d-ahmadinejad">invalidées</a>. Ebrahim Raisi devrait donc, sans surprise, devenir le 18 juin prochain le nouveau président de la République islamique d’Iran, lui qui avait déjà <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/un-jour-dans-le-monde/un-jour-dans-le-monde-22-mai-2017">récolté 38 % des voix en 2017</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rm0nEERmnnU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Ce clerc de 60 ans représente la frange radicale des conservateurs : proche du guide suprême Khamenei, il a été son élève. Procureur général adjoint de Téhéran à la fin des années 1980, il faisait alors partie du « comité de la mort », chargé des <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/iran-le-regime-accuse-du-massacre-de-plus-de-30-000-opposants-en-1988_3062687.html">exécutions extrajudiciaires</a> de milliers d’opposants politiques. Devenu ensuite procureur général de Téhéran, il a été nommé en 2017 à la tête d’une importante fondation religieuse du pays. Ces fondations, ou « bonyad », sous l’autorité directe ou indirecte du Guide suprême, contrôlent l’essentiel de l’économie iranienne. En 2019, il est devenu le chef de l’Autorité judiciaire du pays.</p>
<p>S’il n’a toujours pas clarifié sa position à l’égard du <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN2BX06J/nucleaire-iranien-les-usa-et-l-iran-s-affrontent-sur-les-sanctions-washington-voit-une-possible-impasse.html">deal nucléaire avec les États-Unis</a>, il semble peu probable qu’il en soit un fervent défenseur. Ses alliés conservateurs élus au Majlis, le Parlement iranien, ont en tout cas multiplié les initiatives pour s’en affranchir depuis les dernières élections législatives en novembre 2020. Si c’est bien le Guide suprême qui décide de la politique étrangère du pays et donc d’un potentiel deal nucléaire, Hassan Rouhani a montré que le président avait aussi un rôle à jouer en réussissant lui-même à infléchir la position iranienne à l’égard d’un deal avec les États-Unis.</p>
<p>Au vu de <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1262890/liran-dit-attendre-une-decision-politique-de-washington.html">l’enlisement actuel</a> des négociations entre l’Iran et le P5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU plus l’Allemagne), l’élection d’Ebrahim Raisi à la présidence freinera probablement encore plus les tentatives de résolution diplomatique du « problème nucléaire ».</p>
<h2>L’espoir nommé Joe Biden</h2>
<p>C’était l’un des principaux engagements du candidat Joe Biden dans le cadre de sa politique étrangère : <a href="https://www.cfr.org/article/presidential-candidates-iran-nuclear-deal">revenir à l’accord nucléaire</a>. Son prédécesseur, Donald Trump, l’avait en effet <a href="https://www.lemonde.fr/ameriques/article/2018/05/08/donald-trump-annonce-le-retrait-des-etats-unis-de-l-accord-sur-le-nucleaire-iranien_5296297_3222.html">quitté le 8 mai 2018</a> après l’avoir vilipendé pendant des mois. L’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), chargée de vérifier les développements nucléaires iraniens, avait pourtant certifié plus d’une fois le respect par Téhéran de toutes ses obligations. L’Iran a même longtemps continué à honorer la grande majorité de ses engagements, malgré les lourdes sanctions imposées par les États-Unis.</p>
<p>L’arrivée de Joe Biden à la Maison Blanche devait donc sonner comme un retour à la diplomatie et au multilatéralisme dans le dossier iranien. Les premiers signes semblaient encourageants. Le nouveau président avait en effet nommé les deux grands artisans du deal de 2015, <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210120-qui-sont-les-hommes-et-les-femmes-qui-composent-l-administration-biden">Antony Blinken et Wendy Sherman</a>, à la tête du département d’État américain. Mais la situation s’est rapidement enlisée. Au moins trois raisons peuvent être avancées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1333153956739100672"}"></div></p>
<h2>Un mur d’obstacles</h2>
<p>Tout d’abord, les développements politiques et nucléaires du côté iranien ont compliqué les négociations. Si Téhéran avait doucement commencé à s’affranchir de ses obligations liées au deal nucléaire à partir de 2019, la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/02/23/iran-les-conservateurs-crient-victoire-lors-de-legislatives-marquees-par-l-abstention_6030562_3210.html">victoire</a> des ultraconservateurs aux législatives de novembre 2020 semble avoir accéléré le processus.</p>
<p>Peu de temps après leur prise de fonctions, les députés ont voté une loi obligeant le gouvernement à <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1247147/pourquoi-liran-reprend-il-lenrichissement-a-20-.html">reprendre</a> l’enrichissement d’uranium à 20 %, bien au-delà des 5 % auxquels l’Iran s’était tenu jusque-là et des 3,67 % prévus par l’accord. Dans la foulée, le Parlement contraignait le gouvernement à limiter très largement la transparence de ses activités nucléaires en interdisant notamment à l’AIEA les visites imprévues. Plus récemment, en avril 2021, l’Iran a annoncé <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/16/nucleaire-l-iran-affirme-avoir-commence-a-produire-de-l-uranium-enrichi-a-60_6077047_3210.html">avoir effectivement repris l’enrichissement d’uranium à 60 %</a>. Le pays aurait déjà accumulé une quantité de matériel fissile (nécessaire pour fabriquer une bombe atomique) <a href="https://www.lorientlejour.com/article/1263607/le-stock-duranium-enrichi-16-fois-superieur-a-la-limite-autorisee.html">seize fois supérieure</a> aux quantités prévues dans l’accord.</p>
<p>Dans le même temps, Washington et Téhéran ont montré une incapacité chronique à échanger. On a pu assister à un véritable dialogue de sourds, chaque partie attendant que l’autre fasse le premier pas. Rendus inquiets par la perspective que l’Iran finance ses alliés au Moyen-Orient – Hezbollah et Bachar Al-Assad en tête – sans restreindre son programme nucléaire, les États-Unis refusent de lever les sanctions imposées et réclament avant toute chose un <a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210508-nucl%C3%A9aire-iranien-les-%C3%A9tats-unis-en-situation-d%C3%A9licate-trois-ans-apr%C3%A8s-la-sortie-de-l-accord">retour aux termes de l’accord</a> du côté de l’Iran. À Téhéran, on pointe le manque de crédibilité des promesses de Washington. Du point de vue de la République islamique, puisque les Américains ont décidé unilatéralement de jeter le deal à la poubelle, c’est à eux de faire le premier pas et de revenir les premiers à leurs engagements de 2015.</p>
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<p>Enfin, Israël – qui possède le monopole nucléaire au Moyen-Orient – semble continuer d’exercer une influence importante sur le cours des choses, multipliant les actions contre Téhéran et troublant ainsi les négociations.</p>
<p>Le 27 novembre dernier, Mohsen Fakhrizadeh, physicien et responsable de haut niveau du programme nucléaire iranien, était <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/nucleaire-iranien/ce-que-l-on-sait-de-l-assassinat-de-mohsen-fakhrizadeh-l-un-des-responsables-du-programme-nucleaire-iranien_4200227.html">assassiné</a> lors d’une opération largement attribuée à Israël. Début avril 2021, c’est un navire militaire iranien qu’Israël aurait visé en mer Rouge lors d’une attaque à la mine. À peine quelques jours plus tard, une attaque à distance, touchant les installations nucléaires de Natanz et paralysant les centrifugeuses, a été <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/proche-orient/nucleaire-iranien/iran-ce-que-l-on-sait-de-l-attaque-d-un-complexe-nucleaire-qui-relance-les-tensions-avec-israel_4369619.html">attribuée par Téhéran à Israël</a>. Et tout cela sans compter les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/01/14/israel-multiplie-les-raids-contre-des-positions-iraniennes-en-syrie_6066259_3210.html">nombreux raids aériens</a> opérés par l’armée israélienne sur les positions iraniennes en Syrie.</p>
<h2>Un accord vital pour tous</h2>
<p>Malgré les difficultés, il semble crucial de ressusciter l’accord de 2015. D’abord parce qu’Israël a déjà prévenu qu’<a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/23/face-aux-negociations-sur-le-nucleaire-iranien-israel-risque-l-isolement_6077741_3210.html">il ne laisserait pas l’Iran développer un arsenal nucléaire</a>. Le fait qu’Israël se réserve le droit d’intervenir militairement s’il le juge nécessaire n’est un secret pour personne.</p>
<p>En attestent les plans d’attaque que Tsahal aurait commencé à préparer en <a href="https://www.courrierinternational.com/article/menaces-les-nouveaux-plans-operationnels-de-tsahal-contre-liran-un-double-message">janvier dernier</a>, mais aussi les raids aériens réalisés par Israël sur les réacteurs <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/israel-admet-avoir-attaque-un-presume-reacteur-nucleaire-syrien-en-2007_1994109.html">d’Al-Kibar en Syrie</a> en 2007 et d’<a href="https://www.persee.fr/doc/afdi_0066-3085_1981_num_27_1_2435">Osirak en Irak</a> en 1981. Dans une région déjà durement touchée par les épisodes de violence, une guerre entre l’Iran et Israël serait particulièrement destructrice et déstabilisante. D’autant plus que de nombreux autres acteurs pourraient être tentés ou contraints d’y participer.</p>
<p>Ressusciter le deal semble également être un impératif pour les Américains en particulier et pour les Occidentaux en général, qui manquent d’options de repli. Les sanctions n’ont jamais ralenti le développement nucléaire iranien, bien au contraire. Renoncer à l’option diplomatique signifierait donc devoir choisir entre deux possibilités aussi peu plaisantes l’une que l’autre. D’un côté, espérer que les sanctions finissent par fonctionner. Cela reviendrait probablement à laisser l’Iran développer ses capacités nucléaires. De l’autre, intervenir militairement. On retomberait alors dans le scénario évoqué au-dessus.</p>
<p>Enfin, et c’est peut-être le plus important, le deal apparaît indispensable pour la population iranienne, qui étouffe sous les sanctions. Le chercheur Djamchid Assadi avait évoqué <a href="https://theconversation.com/iran-un-effondrement-economique-amorce-bien-avant-les-sanctions-americaines-120873">ici</a> les conséquences catastrophiques des sanctions pour les citoyens iraniens, avec une explosion de <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/01/02/iran-inflation-chomage-des-jeunes-dependance-au-petrole-4-graphiques-sur-la-situation_5236840_4355770.html">l’inflation et du taux de chômage</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1403029795722645516"}"></div></p>
<p>Par ailleurs, en privant les investisseurs étrangers d’accès au marché iranien, les sanctions offrent sur un plateau la <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/iran/iran-qui-dirige-l-economie_2546959.html">mainmise sur l’économie</a> aux fondations évoquées en début d’article, qui sont aux ordres du Guide suprême et/ou des Gardiens de la Révolution. Un outil de plus entre leurs mains pour contrôler encore davantage une société civile déjà largement restreinte dans ses droits. Notamment dans les choix qu’on lui laisse pour élire son président. </p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162272/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérémy Dieudonné ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Et si les quelques jours restants avant l’élection présidentielle iranienne du 18 juin prochain étaient la dernière chance des Occidentaux pour ranimer l’accord de 2015 ?Jérémy Dieudonné, Doctorant en Relations internationales, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1592542021-04-26T17:33:57Z2021-04-26T17:33:57ZTrois principes pour négocier de manière plus responsable à l’ère numérique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/395682/original/file-20210419-13-1lnf8pd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5391%2C3591&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’actualité révèle que les pratiques de négociation visent désormais davantage à accaparer des ressources qu’à créer de la valeur commune.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/serious-multiethnic-male-business-partners-talk-1548555704">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Obtenir un accord « gagnant-gagnant » est-il encore possible dans l’exercice de la négociation ? De nombreux exemples semblent aujourd’hui indiquer que cet objectif n’a jamais été aussi difficile à atteindre : <a href="https://theconversation.com/brexit-pourquoi-les-negociations-ont-elles-ete-si-difficiles-154404">Brexit</a>, tractations sur la <a href="https://theconversation.com/mutualisation-de-la-dette-europeenne-les-circonstances-sont-presque-reunies-pour-une-acceleration-158242">dette</a> ou sur les <a href="https://www.touteleurope.eu/societe/vaccins-contre-le-covid-19-comment-l-ue-et-les-laboratoires-negocient-ils/">achats de vaccins</a> au niveau européen, négociations en France entre la <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/agroalimentaire-biens-de-consommation-luxe/negociations-tendues-entre-grande-distribution-et-industriels-de-l-agroalimentaire-875625.html">grande distribution et les producteurs</a>, <a href="https://www.lanouvellerepublique.fr/a-la-une/avec-qui-le-gouvernement-va-t-il-negocier">crise des « gilets jaunes »</a>, etc.</p>
<p>Ces quelques exemples récents tirés de l’actualité indiquent que les pratiques de négociation visent désormais davantage à accaparer des ressources qu’à créer de la valeur commune. La négociation devient alors permanente, sans jamais satisfaire l’ensemble des parties. Elle est vécue comme un combat devant aboutir à consacrer, sur les réseaux sociaux, les mérites du vainqueur.</p>
<p>Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-et-sciences-de-l-entreprise-2019-1-page-13.htm">travaux</a> démontrent en effet que cette conception compétitive de la négociation, bien que peu efficace, se trouve aujourd’hui amplifiée et valorisée à l’ère des « bad buzz », des « fake news » car ce flux permanent a plusieurs effets.</p>
<p>D’abord, il multiplie le nombre et le pouvoir des parties prenantes offrant une visibilité aux acteurs autrefois trop faibles ou trop marginaux pour intégrer la table des négociations. Ensuite, ce flux polarise et radicalise des points de vue des acteurs, favorisant les positions extrêmes et simplificatrices sur les points de vue nuancés plus difficiles à diffuser.</p>
<h2>Négocier avec les invisibles</h2>
<p>Soumis en permanence à l’œil collectif et au soupçon de compromission, les négociateurs chargés de trouver un accord sont conduits à tenir des positions dures et des discours peu raisonnables. Ils peuvent difficilement coopérer pour faire émerger une solution innovante répondant aux principaux enjeux de chacun sans nuire aux attentes fondamentales de quiconque. Les discussions s’éternisent, et fluctuent au rythme des crises médiatiques.</p>
<p>Face à la récurrence de crises systémiques, nous proposons dans un <a href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100179790">livre</a> récemment publié aux Éditions Pearson une nouvelle méthode de négociation inclusive et responsable favorisant la controverse constructive autant que dissuadant les comportements opportunistes ou agressifs. Cette méthode, baptisée <a href="https://www.cairn.info/revue-negociations-2018-1-page-157.htm">« Négociation Responsable »</a> ou « Négociation Basée sur les Intérêts Globaux » se fonde sur plusieurs principes.</p>
<p>D’abord, la <strong>construction d’un accord « gagnant-présents/gagnant-absents »</strong>. Il s’agit de formaliser, médiatiser, et soumettre au débat dans des discussions ouvertes et permanentes les intérêts et les enjeux des <a href="https://www.metiseurope.eu/2019/07/21/avec-qui-negocier-a-lere-de-limmediatique/">parties prenantes invisibles</a> (qui influencent les négociations), faibles ou absentes des débats, voire des acteurs non humains (animaux, planète, IA, etc.).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395691/original/file-20210419-23-nq3v0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les « invisibles » peuvent représenter plusieurs oubliés des négociations comme les générations futures.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/group-young-children-running-towards-camera-289559627">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Le numérique peut aider à cette prise en compte pour mettre à disposition de tous sur une plate-forme ouverte, un document co-construit formalisant les buts à atteindre et les règles minimums à respecter pour participer aux échanges. Chacun doit avoir accès à tout moment aux synthèses des échanges précédents.</p>
<p>Cette forme de transparence revendiquée plutôt que subie permet à chacun de mieux défendre ses intérêts à long terme et de justifier ses prises de position. Cette co-construction favorisera une représentation commune, un projet qui traite chaque aspect de l’accord recherché sans exclure personne a priori.</p>
<p>Lors de la construction d’un projet d’aménagement (construction d’une usine, d’un centre commercial, d’un ouvrage public, d’une infrastructure), il est ainsi possible de rendre visible et de mettre en débat non seulement les buts et les objectifs du projet, mais également l’ensemble des acteurs vivants ou non qui participent ou ont un intérêt économique, sociétal ou environnemental sur le territoire. Ce risque apparent de désordre en début de projet permet en réalité d’éviter nombre de conflits et favorise l’innovation.</p>
<h2>Organiser les négociations</h2>
<p>Deuxième principe de cette négociation responsable : évaluer les propositions des parties en se fondant sur des <strong>critères de performance globale</strong>. La plupart des négociations ont en effet tendance à se focaliser sur un faible nombre de sujets, voire un objet unique (le niveau des salaires lors d’un dialogue social, le prix dans une transaction commerciale, un geste symbolique dans une rencontre diplomatique, etc.).</p>
<p>La performance globale prend en compte à la fois des objectifs économiques, sociétaux et environnementaux dans le but d’atteindre un développement durable. Les résultats sont mesurés par une série d’indicateurs qui gagnent à être co-construits par les parties.</p>
<p>Ainsi, face à un important distributeur alimentaire qui réclame des réductions de prix sur des produits frais, un fabricant local revendiquera utilement le maintien des paysages et des emplois agricoles de proximité, la diminution de l’empreinte carbone et l’utilisation raisonnée des produits phytosanitaires. En se faisant le porte-parole auprès des clients de ces parties absentes que sont les générations futures et les populations rurales, il obligera le distributeur à prendre en considération d’autres éléments de négociation que le prix.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/395686/original/file-20210419-13-1kiitwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Avec des critères de performance globale, un producteur local peut obliger le distributeur alimentaire à prendre en considération d’autres éléments de négociation que le prix.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/farmer-puts-ripe-apples-on-counter-1843922230">Shutterstock</a></span>
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<p>Enfin, troisième principe : <strong>partager le leadership</strong>. Aujourd’hui, les négociateurs ont tendance à chercher à s’imposer tout en incitant l’autre à se dévoiler en premier. Ce jeu de rôle compétitif vire à la caricature sous le regard de millions d’internautes interférant à tout instant dans les débats. Les blocages deviennent nécessairement plus nombreux augmentant d’autant la durée des négociations.</p>
<p>Le leadership partagé met en place des émissaires chargés d’animer à tour de rôle les rounds de négociation en y défendant ouvertement leurs points de vue et leurs intérêts personnels. Ils se font également les porte-paroles des parties absentes jusqu’à formuler des exigences en leurs noms et pour leur compte.</p>
<p>Dans ce contexte ouvert, les protagonistes entrent dans des négociations inclusives et créatives. Il favorise l’apprentissage de tous par tous. Sous la contrainte permanente de devoir rendre des comptes publiquement, toute personne pourra ainsi actualiser les avancées de la négociation sans renoncer à la défense de ses propres intérêts.</p>
<p>Ainsi, dans une coalition regroupant des candidats à un appel d’offres, à un projet ou à une élection, chaque partie prenante sera invitée à organiser et animer un round de discussions. Ces leaders successifs seront invités à se mettre à la place des autres, à clarifier leurs enjeux et leurs attentes et à faire progresser les débats vers l’accord final.</p>
<h2>Vivifier l’esprit démocratique</h2>
<p>Pour conclure, ajoutons qu’instruire la vie familiale et professionnelle avec des pratiques de cette « Négociation Responsable » vivifie plus largement l’esprit démocratique. Elle apparaît en solution aux impasses récurrentes où le sociétal et environnemental sont souvent remontés en duel avec les contraintes économiques. La créativité de chacun est sollicitée par l’inclusion de toutes les parties concernées dans la controverse.</p>
<p>Renforcer la recherche d’accords durables dans la relation consommateur comme dans la vie constitue également une avancée éthique au sein de nos échanges civils et professionnels.</p>
<p>Face à la fragmentation des Communs par un individualisme et un communautarisme enflant, oser cette « Négociation Basée sur les Intérêts Globaux » (NBIG) apparaît donc a minima comme une préservation de la cohésion sociale ; entretenir ce socle d’empathie est indispensable au maintien des échanges pacifiés entre tribus dont les points de vue deviennent parfois incompatibles.</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur les travaux de Julien Viau, Héla Sassi et Hubert Pujet publié dans le livre <a href="https://www.pearson.fr/fr/book/?GCOI=27440100179790">« Négociation Responsable à l’ère du numérique et de la transition écologique »</a> aux Éditions Person en janvier 2021</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159254/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Viau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le digital réduit les discussions à un marchandage permanent. La prise en compte des « invisibles » dans la négociation permettrait notamment de revisiter avec audace les accords « gagnant-gagnant ».Julien Viau, Maître de conférences en sciences de gestion, La Rochelle UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1575152021-03-28T16:38:00Z2021-03-28T16:38:00ZPlates-formes : l'organisation syndicale, une réponse à la désillusion des chauffeurs Uber<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390613/original/file-20210319-21-s9l7g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1276%2C848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un rapport sur la régulation des relations entre travailleurs indépendants et plates-formes numériques a été rendu le 12 mars 2021 à la ministre du Travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/655303">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le mardi 16 mars, le géant Uber a reconnu un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/17/uber-reconnait-aux-chauffeurs-britanniques-un-statut-de-travailleur-salarie-une-premiere_6073386_3234.html">statut de salarié</a> à ses chauffeurs du Royaume-Uni. Cette décision, inédite pour l’entreprise, donne de l’espoir pour les chauffeurs du reste des pays où la société est implantée.</p>
<p>En France, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a missionné fin décembre 2020 trois spécialistes pour réfléchir sur la régulation des relations entre travailleurs indépendants et plates-formes numériques. Leur <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/03/12/les-travailleurs-des-plates-formes-numeriques-devraient-elire-des-representants-en-2022_6072907_823448.html">rapport</a> a été rendu le 12 mars 2021, l’objectif initial étant que l’ordonnance soit déposée au plus tard le 24 avril 2021.</p>
<p>Se questionner sur la représentation syndicale des travailleurs des plates-formes semble nécessaire pour répondre aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. L’apparition des plates-formes a donné à ces travailleurs un grand espoir qui a rapidement laissé place à une forte désillusion.</p>
<p>Notre analyse, basée sur une <a href="https://www.researchgate.net/publication/348735072_FAIRE_FACE_AUX_DIFFICULTES_D%E2%80%99UNE_CARRIERE_PROTEENNE_Le_cas_des_chauffeurs_Uber">recherche</a> auprès de 30 chauffeurs travaillant pour Uber, montre que ces travailleurs ont choisi de collaborer avec les plates-formes pour l’aspect financier et l’autonomie qui était mise en avant par ces dernières.</p>
<h2>Désillusion des chauffeurs</h2>
<p>Rapidement, la liberté recherchée par le chauffeur est limitée, entrainant une désillusion des chauffeurs. Par exemple, aucune négociation sur les marges prises par la plate-forme Uber n’est possible.</p>
<p>Un interviewé le confirme :</p>
<blockquote>
<p>« Quand j’ai signé mon contrat avec la plate-forme, je n’ai pas pu négocier quoi que ce soit ».</p>
</blockquote>
<p>Les chauffeurs sont également très contraints par le type de voiture qu’ils doivent acheter. Leurs options en termes de couleur ou d’année de fabrication du véhicule restent limitées. La relation avec le client prive également le chauffeur de son autonomie : les clients peuvent réagir directement auprès de la plate-forme en évaluant le conducteur et la qualité de la prestation sans que cette évaluation soit toujours analysée par la plate-forme. Si cette dernière est trop faible, le chauffeur peut être déconnecté et exclu de la plate-forme sans préavis. Il doit alors recontacter la plate-forme et perd quelques jours de chiffre d’affaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les chauffeurs Uber sont contraints dans le choix de leur voiture, qui doit respecter certains standards.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/paris-france-august-8-2014-black-270270794">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La désillusion porte aussi sur la marge que prend la plate-forme. Uber a modifié sa marge unilatéralement en 2017 en passant de 20 à 25 %. Les bonus promus sont aussi peu présents sur le long terme et amènent les chauffeurs à rencontrer des difficultés financières importantes pour rembourser leurs prêts.</p>
<p>Enfin, la désillusion reste très forte au niveau social : leur image a été ternie par <a href="https://www.numerama.com/politique/577842-3-045-agressions-sexuelles-9-meurtres-uber-rend-public-un-bilan-terrifiant.html">certains actes</a> de chauffeurs comme des agressions sexuelles, et ce malgré une communication active des plates-formes sur le sujet.</p>
<h2>Organiser une représentation syndicale</h2>
<p>Face à cette grande désillusion, les chauffeurs ont réagi et mis en place des stratégies différentes. La première consiste à organiser une représentation syndicale de leur activité (six cas). Ne se considérant pas comme des salariés classiques, les chauffeurs ont cherché à créer leur propre structure syndicale et une certaine méfiance envers les syndicats traditionnels a été observée.</p>
<p>Néanmoins, certains collectifs de chauffeurs ont été <a href="https://www.sudouest.fr/2020/02/13/de-uber-a-deliveroo-les-travailleurs-des-plateformes-s-organisent-et-creent-leur-premier-syndicat-7189100-5458.php">soutenus</a> par les syndicats classiques comme la CGT ou la CFDT. Leurs revendications portent en grande partie sur leur souhait de conserver leur indépendance, de pouvoir négocier avec les plates-formes et de modifier ainsi le rapport de force.</p>
<p>La stratégie n’est pas de quitter ou de faire disparaître la plate-forme mais de la faire évoluer. Les chauffeurs se montrent particulièrement pro-actifs, notamment car ils font face à des enjeux financiers importants. Plusieurs actions ont été organisées, comme l’<a href="https://www.latribune.fr/economie/france/manifestation-de-vtc-les-chauffeurs-reclament-l-application-de-la-loi-sans-delai-759148.html">intervention</a> auprès de l’ex-ministre des Transports Élisabeth Borne, ou encore des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/paris-chauffeurs-vtc-appellent-bloquer-peripherique-ce-vendredi-1612969.html">blocages sur le périphérique</a>. Dans certains cas, les revendications ont pu être violentes et aller à l’encontre de la stratégie initiale.</p>
<h2>L’illégalité comme mode de survie</h2>
<p>La deuxième stratégie consiste à contourner le système en adoptant des comportements déviants (dix cas). Par exemple, les chauffeurs allongent dangereusement leur temps de travail pour compenser la perte de bénéfices qu’ils subissent.</p>
<p>L’un d’entre eux témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Je travaille 70 heures par semaine ».</p>
</blockquote>
<p>Cet allongement du temps de travail a des conséquences sur la santé des chauffeurs. Les difficultés rencontrées augmentent le stress, qui génère un comportement déviant, qui à son tour augmente encore le stress. Certains partagent leur voiture avec d’autres conducteurs pour réduire leurs coûts d’exploitation.</p>
<p>Enfin, d’autres ne déclarent pas tous leurs revenus aux services fiscaux, ou cumulent leurs revenus avec les indemnités de chômage. Parmi eux, certains vont même jusqu’à anticiper comment réagir s’ils se faisaient prendre à ne pas respecter les règles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’allongement du temps de travail augmente la fatigue des chauffeurs Uber.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/side-view-young-african-businessman-yawning-468015065">Shutterstock</a></span>
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<p>Ces chauffeurs font le choix de rester dans cette illégalité pour survivre. L’investissement réalisé ayant été trop important, revenir en arrière n’est pas possible. Pour mettre en place ces différentes stratégies, ils s’appuient sur un véritable réseau, et bénéficient des conseils d’autres chauffeurs. Étant régulièrement sur la route, ils communiquent via des groupes Facebook ou sur WhatsApp.</p>
<h2>Quitter son emploi</h2>
<p>La troisième stratégie identifiée est de quitter cette activité professionnelle difficile, en espérant la reprendre lorsque les conditions seront meilleures. Pour certains, reprendre un emploi salarié semble la solution tandis que d’autres optent pour la création d’une entreprise.</p>
<p>Analyser la représentation syndicale des travailleurs des plates-formes sans prendre en compte les difficultés qu’ils peuvent rencontrer ne permet d’aborder qu’une partie du problème. La prise en compte des comportements déviants et des choix de réorientation doivent conduire le législateur à engager une véritable réflexion sur les plates-formes. Nous invitons les pouvoirs publics à repenser le rapport de force entre travailleurs et plates-formes. Requalifier les chauffeurs en tant que salariés n’est pas forcément la réponse souhaitée par les chauffeurs. Leur permettre de réaliser une activité rentable et en toute autonomie semble être la solution souhaitée par les chauffeurs.</p>
<p>Au niveau syndical, les organisations doivent poursuivre la prise en compte de ces statuts particuliers et leur souhait d’indépendance, dans un contexte où la crise de la Covid-19 vient complexifier cette activité qu’il convient de préserver.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les actions collectives de ces travailleurs indépendants ont déjà permis de modifier leur rapport de force avec la plate-forme.Pauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayFrançois Grima, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Lionel Prud'homme, Directeur, HR Management School, IGS-RHLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1544042021-02-02T20:06:16Z2021-02-02T20:06:16ZBrexit : pourquoi les négociations ont-elles été si difficiles ?<p>Les négociations liées au Brexit, qui ont tenu l’Union européenne en haleine pendant plus de quatre ans, n’auront <a href="https://www.theguardian.com/politics/2020/dec/09/quick-and-easy-what-leavers-said-about-uk-eu-brexit-trade-deal">pas été le long fleuve tranquille</a> promis par le premier ministre Boris Johnson et ses équipes pro-<em>Leave</em>. Si le Brexit a été voté le 23 juin 2016, le processus de négociation a formellement débuté le 29 mars 2017, lorsque le Royaume-Uni a activé l’article 50 du traité de Lisbonne.</p>
<p>Deux accords s’ensuivront : l’accord de divorce, approuvé par le parlement britannique le 9 janvier 2020, et l’accord sur les conditions post-divorce, signé in extremis le 24 décembre dernier et effectif au <a href="https://brexit.gouv.fr/sites/brexit/accueil/le-brexit-cest-quoi.html">1er janvier 2021</a>.</p>
<p>Pourquoi le processus a-t-il été si chaotique ? Parmi les théories liées au processus de négociation, le <a href="https://www.cairn.info/revue-negociations-2004-2-page-113.htm">modèle du professeur américain</a> William Zartman, de l’Université Johns-Hopkins, permet d’éclairer les principales difficultés rencontrées. Selon lui, toute négociation suit nécessairement trois étapes :</p>
<ul>
<li><p>Le <strong>diagnostic</strong> : d’abord réalisé individuellement par chacune des parties, puis partagé entre elles.</p></li>
<li><p>La <strong>formule</strong> : les parties construisent ensemble la structure du futur accord (la liste des points à négocier).</p></li>
<li><p>Le <strong>détail</strong> : les parties décident en introduisant dans la formule les éléments concrets de leur accord (qui fait quoi quand, qui paie quoi, etc.).</p></li>
</ul>
<h2>Un diagnostic contraint par les circonstances</h2>
<p>Le diagnostic constitue l’étape la plus importante de la négociation, mais aussi celle qui est le plus souvent négligée, par excès de confiance ou du fait des circonstances, notamment en situation de crise. À titre d’exemple, en France, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035607348/">rapport Pénicaud</a> sur les négociations concernant la mise en place du Conseil social et économique (CSE) constatait froidement, en décembre 2018, une « quasi-absence de diagnostic » de la part des partenaires sociaux lors de ces négociations dans les entreprises.</p>
<p>Le premier diagnostic, celui sur lequel aurait dû se baser la décision de quitter l’Union européenne, peu d’électeurs en avaient conscience, au point que, parmi ceux qui ont voté <em>Leave</em>, beaucoup ont ensuite estimé <a href="https://www.lepoint.fr/monde/londres-une-foule-geante-demande-un-second-referendum-sur-le-brexit-20-10-2018-2264458_24.php">qu’ils auraient voté différemment</a> s’ils avaient été mieux renseignés.</p>
<p>Une fois la décision prise (irrévocable du fait de la légitimité populaire), c’est nécessairement dans la précipitation que le diagnostic de l’étendue des négociations s’est fait.</p>
<p>En principe, c’est pourtant bien sur le diagnostic que vont s’appuyer les négociateurs pour définir leurs objectifs et la stratégie qu’ils entendent déployer pour les atteindre. En négociation internationale, il revient à l’administration de réaliser le diagnostic et au pouvoir politique de fixer le cap et de décider des grandes lignes de la stratégie.</p>
<p>Concernant le Brexit, la négociation s’est brutalement imposée : le résultat du référendum a été une surprise (les sondages donnant, jusqu’au dernier moment, plutôt l’avantage au <em>Remain</em>) et a même déstabilisé le pouvoir britannique (démission du gouvernement de David Cameron et constitution d’un nouveau gouvernement, une fois Theresa May élue à la tête du Parti conservateur).</p>
<p>En situation d’urgence, encore plus qu’en situation normale, le dialogue entre une administration solide et un pouvoir politique bien ancré s’avère fondamental. Outre le temps très court pour réaliser le diagnostic des négociations du Brexit (avec des ressources contraintes, rien n’étant prévu pour de telles négociations), l’administration britannique a dû faire face aux atermoiements d’un pouvoir politique malmené de toutes parts, tant par l’opposition travailliste que par les tenants d’un Brexit « hard » ou « soft ». Il s’agit ici du pire scénario pour établir une stratégie viable de négociation.</p>
<p>Tel un bon pilote d’avion, un bon négociateur ne devrait jamais se mettre dans une situation où il a un besoin impérieux d’être un bon négociateur. Cela passe par le diagnostic et, lorsque c’est possible, par l’anticipation.</p>
<p>Pour les Britanniques, le Brexit semble être l’exemple parfait d’une négociation où tant l’objectif que la stratégie ont été définis sans un diagnostic complet de la situation. L’Union européenne semble avoir bien mieux anticipé ces négociations, sans doute car elle est bien équipée et rompue depuis des décennies aux négociations d’annexion et de partenariat. Ces difficultés de diagnostic ont rendu chaotique le processus et expliquent notamment que les points d’achoppement principaux ne semblent pas avoir été prévus.</p>
<h2>Les points bloquants « surprise » de la formule</h2>
<p>À la suite de leur décision de quitter l’Union européenne, les Britanniques ne semblaient pas avoir mesuré les questions qui allaient empoisonner les négociations jusqu’à leur terme. La question irlandaise ne fut pas la seule mais reste particulièrement révélatrice.</p>
<p>Sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne impliquait nécessairement de traiter le problème de la frontière entre la République d’Irlande (indépendante et membre de l’UE) et l’Irlande du Nord (province britannique). La question dépasse le seul champ économique (la République d’Irlande restant dans le marché commun), elle est sociétale : une frontière risque de raviver les tensions communautaires et religieuses qui ont longtemps secoué l’île.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/381677/original/file-20210201-23-ic8yx2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La question de l’Irlande est révélatrice du manque de diagnostic clair au moment de lancer les négociations sur le Brexit.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dublin-jul-22-crowds-people-walk-303143519">Shutterstock</a></span>
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<p>La formule, c’est-à-dire la liste des points que l’accord devra traiter, ne pouvait faire l’économie de la situation de l’Irlande. L’une des utilités majeures du diagnostic est d’identifier, pour la formule, ces questions à forts enjeux, où aucune solution acceptable à première vue ne semble exister, et où les positions de repli des parties sont inacceptables. Dans le cas de l’Irlande : un retour à une frontière physique, ou un maintien de facto de tout le Royaume-Uni dans le marché commun – le fameux « <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/quest-ce-que-le-backstop-irlandais-au-coeur-de-limpasse-sur-le-brexit-1125876">backstop</a> » – et donc un Brexit qui n’aurait de Brexit que le nom.</p>
<p>Si la question irlandaise semble avoir échappé au diagnostic avant le vote (à part en Irlande du Nord, ce qui l’a conduit à <a href="https://www.huffingtonpost.fr/2016/06/24/brexit-ecosse-irlande-royaume-uni-referendum_n_10648326.html">voter majoritairement non au référendum</a>), elle s’est rapidement imposée dans la formule et s’est révélée tellement complexe qu’elle a failli jusqu’au bout <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/276127-negociations-post-brexit-ue-et-royaume-uni">faire échouer les négociations</a>.</p>
<h2>Le détail : un accord tout juste satisfaisant</h2>
<p>Ce n’est pas parce que la négociation aboutit à la signature d’un accord que l’accord est nécessairement objectivement bon. Depuis que l’accord post-divorce a été signé, rares sont les parties impactées qui s’en réjouissent : la City londonienne <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/brexit-la-city-perd-la-bataille-du-trading-sur-les-actions-europeennes-1278225">s’estime lésée</a>, les incidents entre pêcheurs se multiplient, l’industrie et les chaînes logistiques souffrent de <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/brexit-les-premiers-couacs-1390086">difficultés de livraisons</a>, etc.</p>
<p>Alors que le Royaume-Uni pensait quitter l’Union européenne sans grever ses finances publiques, il devra finalement s’acquitter d’une <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/le-brexit-a-deja-coute-aux-britanniques-presque-autant-que-leurs-47-annees-dans-lunion-europeenne-1359920">très lourde facture</a>.</p>
<p>Il n’en demeure pas moins que tout accord doit être comparé avec la situation des parties en l’absence d’accord : en l’espèce, par rapport à un divorce sans accord, il semble y avoir consensus, l’accord a le mérite d’exister, de clarifier la situation et d’offrir un chemin pour l’avenir.</p>
<p>Il n’en reste pas moins que, sur la question irlandaise, l’accord n’en est pas vraiment un : si l’hypothèse du maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière est écartée, il revient à l’assemblée d’Irlande du Nord de <a href="https://ec.europa.eu/info/relations-united-kingdom/eu-uk-withdrawal-agreement/protocol-ireland-and-northern-ireland_fr">statuer, tous les quatre ans</a>, sur le maintien de la solution trouvée, ou un retour à une frontière physique sur l’île.</p>
<p>Faute de zone d’accord possible, les parties ont ici fait preuve de créativité, mais laissent planer une certaine incertitude sur l’avenir post-Brexit.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154404/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>De juin 2016 au 1ᵉʳ janvier 2021, date d’entrée en vigueur de l’accord commercial entre le Royaume-Uni et l’UE, les négociations du Brexit auront offert le spectacle d’un processus tumultueux.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolBruno André Giraudon, Conférencier en négociation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1495652020-11-09T19:15:37Z2020-11-09T19:15:37ZLes plans de sauvegarde de l’emploi permettent-ils vraiment de sauvegarder l’emploi ?<p>Les difficultés économiques causées par la Covid-19 font exploser, en France, le nombre de plans de sauvegarde de l’emploi. Dans <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_tdb_marche-travail_crise-sanitaire_29_septembre.pdf">sa note du 27 octobre 2020</a>, la Dares indique que 454 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont été envisagés par des entreprises françaises depuis le début de la crise sanitaire, mettant en danger quelques 65 000 emplois, soit 3 fois le nombre de ruptures de contrats de travail envisagé sur la même période en 2019.</p>
<p>Or, ces PSE sont-ils véritablement efficaces pour « sauvegarder l’emploi » ? Côté employeur, le dispositif est parfois vilipendé comme étant <a href="https://www.usinenouvelle.com/editorial/le-medef-plaide-pour-des-licenciements-simplifies.N322151">inutilement long, complexe et coûteux</a>. Côté syndicat, on le juge en grande partie inefficace pour limiter la destruction d’emplois, notamment lorsqu’il s’agit de contrer les licenciements perçus comme « opportunistes » ou « boursiers ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=459&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367764/original/file-20201105-14-926lkk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=577&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">blank.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_tdb_marche-travail_crise-sanitaire_29_septembre.pdf">Dares (Octobre 2020)</a></span>
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<p>Malgré ces critiques, il n’en demeure pas moins qu’à certaines conditions, les processus de PSE peuvent produire des résultats. Au travers d’un travail de <a href="http://www.ires.fr/index.php/etudes-recherches-ouvrages/etudes-des-organisations-syndicales/la-cfdt/item/6235-la-negociation-des-plans-de-sauvegarde-de-l-emploi-quels-arbitrages">recherche</a> portant sur l’étude de 19 cas de PSE menés entre 2015 et 2018, nous nous sommes efforcés de mettre en lumière les conditions à réunir pour que les PSE parviennent effectivement à tenir leurs promesses.</p>
<h2>Réduire les licenciements et faciliter le retour à l’emploi</h2>
<p>Successeur du « plan social » depuis 2002, le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/accompagnement-des-mutations-economiques/pse">plan de sauvegarde de l’emploi</a> est un dispositif légal auquel sont soumises les entreprises de plus de 50 salariés qui envisagent de rompre, pour des raisons économiques, au moins 10 contrats de travail sur une période de 30 jours consécutifs. Dans les entreprises qui connaissent ou anticipent des difficultés économiques, la procédure de PSE vise alors à limiter la destruction d’emplois de deux manières.</p>
<p>Premièrement, les PSE visent à « éviter les licenciements ou en limiter le nombre », en révisant le projet initial de restructuration porté par l’employeur. Deuxièmement, ils visent à « faciliter le reclassement des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité » par des mesures d’accompagnement telles que le congé de reclassement, le financement de formation, l’aide à la création d’entreprise, l’aide à la mobilité, le recours à des cabinets de placements, les indemnités de licenciement, etc.</p>
<p>Pour tenter d’atteindre ces deux objectifs, la procédure de PSE prévoit de manière tout à fait centrale l’intervention de deux types d’acteurs : les représentants des salariés et la <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/ministere/organisation/article/direccte">Direccte</a> (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Les représentants du personnel ont très souvent la tâche de négocier le contenu du PSE avec l’employeur et sont, a minima, informés et consultés au cours de la procédure.</p>
<p>La Direccte, pour sa part, joue le rôle de « gardien » de la procédure. Étant donnée l’intervention combinée de ces deux types d’acteurs, la logique originale des PSE peut être qualifiée de <a href="https://journals.openedition.org/nrt/2560">« négociation administrée »</a>. Les rôles et stratégies adoptés par ces deux types d’acteurs sont donc déterminants pour comprendre l’issue des PSE.</p>
<h2>Limiter les licenciements : rapport de force et aptitudes stratégiques des syndicats</h2>
<p>Le sentiment régulièrement exprimé au sujet des PSE est que le premier objectif de réduction du nombre de licenciements est rarement atteint… Sentiment que corroborent les experts rencontrés dans le cadre de nos travaux. Nous identifions deux configurations types qui permettent de réduire le nombre de licenciements initialement prévu dans le PSE. Nous identifions deux configurations types qui permettent de réduire le nombre de licenciements initialement prévu dans le PSE.</p>
<p>Dans une première configuration, le motif économique invoqué par l’employeur pour justifier les licenciements collectifs est contesté avec force. L’employeur est alors sommé de réduire le nombre des licenciements, voire plus rarement, d’annuler son plan. Cet enjeu n’est actuellement pas anodin. Les entreprises tentées de profiter d’un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/08/13/le-covid-19-une-aubaine-pour-les-societes-qui-veulent-licencier_6048860_3234.html">éventuel effet d’aubaine</a> pourraient en effet être nombreuses dans cette période de crise.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367736/original/file-20201105-23-mjkdf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les plans de sauvegarde de l’emploi ont notamment pour objectif de faciliter le retour à l’emploi des licenciés inévitables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/764669">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Une seconde configuration permet également « d’éviter ou limiter » des licenciements : il s’agit d’une situation, plus rare, où une négociation loyale et peu conflictuelle fait émerger un projet économique alternatif, comme ce fut le cas par exemple chez <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/bosch-venissieux-une-reconversion-reussie/00044523">Bosch à Vénissieux</a>.</p>
<p>Quelle que soit la voie empruntée, notre enquête met en lumière que, pour établir une négociation effective du nombre de licenciements, il faut tout d’abord que les représentants syndicaux soient dotés de compétences techniques (connaissance du cadre réglementaire, maîtrise des questions économiques…) et d’aptitudes stratégiques (appui d’experts-comptables et d’avocats, forte reconnaissance par les salariés, insertion dans des réseaux externes, etc.).</p>
<p>La deuxième condition clef est qu’ils parviennent à imposer un rapport de force par la voie conflictuelle. Sans ces deux conditions simultanées, il est très difficile, sinon impossible, de contraindre l’employeur au dialogue économique et donc à la limitation du nombre de licenciements.</p>
<h2>Faciliter le retour vers l’emploi : l’administration du travail, une alternative au conflit pour instaurer la négociation</h2>
<p>Si les PSE qui mènent à une réduction du nombre de licenciements sont rares, il est en revanche plus fréquent que cette procédure permette d’obtenir des conditions d’accompagnement « de qualité ».</p>
<p>Là encore, deux principales configurations émergent. La première correspond à celle précédemment évoquée, qui combine compétences syndicales et stratégie conflictuelle. Mais, de manière tout à fait intéressante, s’en ajoute une seconde, plus fréquente encore, où l’administration du travail (la Direccte) intervient bien plus largement dans la procédure pour contraindre l’employeur à négocier. Elle se donne alors pour mission de garantir la loyauté de la négociation, notamment dans un contexte où la direction de l’entreprise est sous pression d’une gouvernance financiarisée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/367739/original/file-20201105-18-pl1q5u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une approche conflictuelle peut déboucher sur des négociations si toutefois elle est portée par des équipes syndicales avec de compétences techniques et de bonnes aptitudes stratégiques.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1432573">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Deux éléments peuvent expliquer que le conflit est toujours nécessaire – ou presque – dans le premier cas, mais pas dans le second. Cela tient pour partie au management des entreprises. Le DRH qui prend en charge la négociation au titre de l’employeur détient quelques marges de manœuvre sur les dispositifs d’accompagnement qu’il ne détient pas sur le projet économique décidé par la direction générale. Cela tient aussi au rôle de la Direccte.</p>
<p>Il convient en effet d’avoir en tête qu’elle ne se prononce pas sur le motif économique mis en avant par l’employeur : les PSE ne peuvent pas être annulés pour motif économique insuffisant. L’employeur n’est alors nullement contraint de débattre du bien-fondé économique du PSE, et encore moins à réviser son plan de restructuration conjointement avec les représentants du personnel.</p>
<h2>Quelles « leçons » pour la vague de restructurations actuelle ?</h2>
<p>Au bilan, il ressort de notre étude que la négociation des PSE peut effectivement contribuer à la sauvegarde d’emploi, mais uniquement lorsque les employeurs font face à des équipes syndicales hautement compétentes, et qui s’appuient sur des stratégies conflictuelles et/ou sur les pouvoirs publics (Direccte).</p>
<p>Deux leçons au moins peuvent être retenues pour la période à venir. Premièrement, l’État, par la voie de son administration du travail, doit pouvoir amener les directions d’entreprise et les syndicats à négocier le projet économique de l’employeur et, ce faisant, à limiter les suppressions d’emplois.</p>
<p>Deuxièmement, il faudra suivre avec une certaine vigilance la négociation des restructurations qui prendront appui sur les outils juridiques alternatifs aux PSE, tels que les accords de performance collective (APC) ou les ruptures conventionnelles collectives (RCC).</p>
<p>L’absence de cadre réglementaire contraignant et l’absence d’intervention administrative peuvent faire craindre des négociations déloyales et excessivement déséquilibrées. Il semble d’ailleurs que l’État en ait bien pris conscience en <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/coronavirus-le-ministere-du-travail-recadre-les-accords-de-performance-collective-1231892">recadrant l’usage qui peut être fait des APC</a> dans le prolongement des <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/reforme-du-code-du-travail-les-limites-des-accords-de-performance-collective-1226970">alertes lancées par le comité d’évaluation des ordonnances</a> travail de 2017.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches conduites par Rémi Bourguignon ont reçu des financements de Dialogues, de l'Organisation Internationale du Travail et de l'agence d'objectifs de l'IRES. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cette étude a été financée par l'agence d'objectif de l'IRES et a été commandée par la Cfdt.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cette étude a été financée par l'agence d'objectif de l'IRES et a été commandée par la Cfdt</span></em></p>Si les syndicats disposent des compétences adéquates et optent pour des stratégies conflictuelles, les PSE peuvent effectivement contribuer à limiter les suppressions de postes, souligne une étude.Rémi Bourguignon, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Géraldine Schmidt, Professeure, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolVincent Pasquier, Professeur en GRH et relations professionnelles, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1474892020-10-13T18:13:07Z2020-10-13T18:13:07ZDialogue social : pourquoi le comité social et économique peine à s’imposer en entreprise<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361634/original/file-20201005-14-255p2j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3657%2C2430&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon France Stratégie, «&nbsp;les acteurs ne se sont pas saisis des opportunités&nbsp;» offertes par les ordonnances de 2017.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/business-finance-accounting-contract-advisor-investment-1076600531">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dans son <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rapport-ordonnances-travail-final-web-14122018.pdf">rapport</a> sur l’évaluation des ordonnances de 2017 qui réforment le Code du travail (loi Pénicaud), France Stratégie soulignait en 2018 que « les acteurs ne se sont pas saisis des opportunités » qu’ouvraient le texte sur la mise en place du comité social et économique (CSE) qui devait permettre de réformer le dialogue social.</p>
<p>Pourquoi ? En s’appuyant sur une recherche académique (en cours) et sur une expérience de négociateur terrain, nous devons avancer trois raisons majeures de cet échec, non pas dans ses résultats dont l’évaluation est en cours, mais dans l’objectif ambitieux que se fixaient les ordonnances.</p>
<h2>Asymétrie entre les acteurs</h2>
<p>Premièrement, la responsabilité du législateur sur le processus de négociation des CSE est très lourde : en laissant l’une des parties bénéficier de dispositions très favorables en absence d’accord, ce que la théorie appelle la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/comment-reussir-une-negociation-william-ury/9782020908030">« meilleure solution de rechange »</a> (MESOR) ou encore « meilleure solution alternative à la négociation », il a créé une asymétrie incontestable entre les acteurs au profit de la partie patronale.</p>
<p>Ce rapport de force très défavorable aux syndicats a mené le plus souvent à une négociation positionnelle centrée sur les moyens, empêchant dès lors l’émergence d’une négociation gagnant-gagnant ou les possibilités de création de mécanismes innovants tout en occultant la raison d’être d’un dialogue social de qualité.</p>
<p>Néanmoins, ce rapport de force dépend du contexte. En effet, pour la plupart des très petites entreprises (TPE) ou des petites et moyennes entreprises (PME), les dispositions de la loi ressemblent fort à l’ancienne DUP (Délégation unique du personnel) et les dispositions légales en absence d’accord ne modifiaient guère les moyens dévolus au dialogue social, l’améliorant même dans certains cas.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361641/original/file-20201005-20-m0nitf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’asymétrie entre les acteurs dépend du contexte : pour les TPE et PME, les ordonnances n’ont généralement pas modifié le dialogue social, l’améliorant même dans certains cas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/staff-meeting-group-young-modern-people-1377054038">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Au contraire, pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI) et les grandes entreprises (GE) avec des multi-établissements, les dispositions supplétives, c’est-à-dire auxquels l’entreprise peut déroger, s’avéraient en l’état catastrophiques pour la partie syndicale. Un négociateur CFDT confie :</p>
<blockquote>
<p>« Notre employeur a proposé en début de négociation l’application stricte des dispositions supplétives. Bref, réduction du comité central d’entreprise (CCE) et des 5 comités d’entreprise (CE) à un unique CSE, et plus qu’une seule commission commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) en lieu des 9 en place, le tout sans représentant de proximité. Ceci représentait 90 % des moyens des instances représentatives du personnel (IRP), ce fut le choc ».</p>
</blockquote>
<p>Et de conclure qu’avec un accord final réduisant les moyens d’environ 50 %, la négociation avait permis d’éviter l’application brutale des dispositions supplétives légales.</p>
<p>Cependant, dans certains contextes particuliers tels que le secteur de la chimie, une application brutale des dispositions supplétives pouvait s’avérer néfaste pour l’entreprise. Un négociateur du syndicat de l’encadrement CFE-CGC témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Les anciens comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) avaient été vigilants et avaient évité, par le passé, certains risques et déboires pour l’employeur. L’entreprise ne pouvait se contenter que d’un seul CSE ET CSSCT. Elle a donc négocié plusieurs CSSCT avec nous ».</p>
</blockquote>
<p>Ce positionnement permettait ainsi de rééquilibrer le rapport de force.</p>
<h2>Absence de diagnostic initial dans les entreprises</h2>
<p>Deuxièmement, il s’est rajouté une absence quasi totale de diagnostic de la négociation dans les entreprises avant la mise en place du CSE. Ainsi, dans une grande entreprise, la préparation de la négociation s’est concentrée sur le cadre juridique, notamment les mesures supplétives, pointant ainsi la discussion sur la défense de moyens en diminution probable. L’utilité et la performance de l’information-consultation n’ont pas été évoquées, seulement les moyens associés.</p>
<p>Pourtant un diagnostic avait déjà été fait sur le système des institutions représentatives du personnel et la qualité du dialogue social en 2011. Celui-ci avait conclu à un empilement de règles sociales contraignantes, plutôt bien respectées mais ne garantissant pas la réalisation d’un « dialogue social de qualité ».</p>
<p>L’info-consultation aurait pu être repensée pour devenir un véritable espace de dialogue et non une sorte de « pièce de théâtre où chacun joue son rôle », pour reprendre les termes d’un responsable de la CGT, et éviter d’entamer les consultations une fois la solution déjà prête.</p>
<h2>Une indépendance des acteurs relative</h2>
<p>Troisièmement, l’indépendance des acteurs pensée dans les ordonnances, puisque l’on négocie au niveau de l’entreprise, s’avère relative des deux côtés.</p>
<p>Tout d’abord, les négociateurs patronaux en grandes entreprises semblaient très surveillés par le Medef quant aux innovations possibles. La crainte résidait dans des accords trop favorables qui pourraient être utilisés comme référence par la partie syndicale dans d’autres grandes entreprises, faisant dans les esprits, une sorte de « jurisprudence ». Cela a conduit à une certaine uniformité dans les accords signés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361646/original/file-20201005-22-1eytpeg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La surveillance par le Medef des négociateurs patronaux a conduit à une uniformité dans les accords signés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/young-businessman-giving-presentation-his-colleagues-1153862212">Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi la réduction des moyens syndicaux autour de 40 % (GE et ETI) a été une norme d’acceptabilité et non le produit d’une vraie négociation ouverte entreprise par entreprise. Ce niveau de réduction moyen correspond sans doute à un compromis interne au sein de l’organisation patronale, entre les partisans du dialogue social comme facteur de performance globale et ceux, plus nombreux, le considérant comme un coût imposé par la loi en faveur des forces syndicales.</p>
<p>Dans la contribution de la CFDT au récent <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2020-rapport-intermediaire-ordonnance-travail-juillet.pdf">rapport intermédiaire</a> de l’évaluation des ordonnances on peut ainsi lire :</p>
<blockquote>
<p>« Beaucoup d’entreprises ne font pas le pari du dialogue social et ont profité de cette réforme pour réduire les moyens syndicaux ».</p>
</blockquote>
<p>Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, appuyait lui aussi dans ce sens dans une <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/laurent-berger-il-faut-des-contreparties-aux-aides-mais-elles-doivent-venir-par-le-dialogue-social-1241447">interview</a> accordée aux Échos en septembre dernier :</p>
<blockquote>
<p>« Celles-ci ont eu des effets négatifs, notamment sur les moyens donnés au dialogue social. La plupart des entreprises s’en tiennent au service minimum inscrit dans la loi ».</p>
</blockquote>
<p>Du côté des organisations syndicales (OS), l’asymétrie dans le rapport de force, faisait craindre une pression encore plus forte quant à la réduction des moyens, les enfermant de fait dans une logique défensive de négociation : l’idée n’étant pas d’être innovant mais de préserver, autant que faire se peut, l’existant.</p>
<p>Rappelons que dans cet existant, il y a notamment tous les moyens humains (détachement syndical), matériels (notamment de locaux) et parfois financiers (enveloppe globale donnée sans vérification ultérieure) que l’entreprise met à disposition des syndicats au niveau fédéral (au niveau des branches professionnelles) et confédéral (national) et qui s’avèrent critiques s’ils subissent trop de réductions pour l’existence même de l’organisation syndicale en dehors de l’entreprise.</p>
<p>Si, dans une entreprise du CAC 40, l’accord a réduit d’environ 26 % les moyens donnés aux porteurs de mandat, il a en contrepartie augmenté de 25 % les moyens à libre disposition des OS. Il a été accepté une réduction globale des moyens en contrepartie d’un contrôle syndical plus fort de ceux-ci.</p>
<p>Dans cette même optique de contrôle, les mandats sont devenus, hors CSE, désignatifs et non électifs pour les représentants de proximité (RP) et la commission santé-sécurité et conditions de travail (CSSCT), contrairement aux anciens délégués du personnel (DP) et membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) qui étaient élus.</p>
<p>Comme le fait remarquer le président d’un syndicat représentatif de l’entreprise, ceci signifie que :</p>
<blockquote>
<p>« les CSE seront plus politiques et dépendants des OS qui établissent les listes et peuvent espérer en contrepartie avoir la main sur les désignations des représentants de proximité et de membres de commissions, notamment celles des CSSCT ».</p>
</blockquote>
<p>Ces trois raisons identifiées sont essentielles à la mise en place du CSE au regard de la culture française particulière de négociation. Selon Jacques Rojot, professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas Paris II (décédé en début d’année), celle-ci est confrontée à celle de l’autorité absolue, tant offensive que défensive.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YNwbpVaJ-XM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>C’est-à-dire que la peur du face-à-face et du conflit conduit le manager à édicter des règles qui se veulent absolues pour résoudre les problèmes, tout en considérant qu’il peut lui-même s’en abstraire.</p>
<p>Dès lors, c’est une culture du pouvoir et de l’autorité qui domine et non celle d’une véritable négociation recherchant des compromis équilibrés ou des accords innovants où tous ont le sentiment de gagner.</p>
<p>Pour établir une vraie culture de la négociation française en entreprise, cela nécessiterait pour l’État d’obliger les entreprises à faire un diagnostic avec les IRP des effets de la mise en place des CSE ; de supprimer les mesures supplétives pour le renouvellement des accords et dire qu’en leur absence, ce sont les mesures précédentes lors de la première négociation du CSE qui constitueront les nouvelles dispositions supplétives ; et enfin de garantir l’autonomie des négociateurs au niveau de l’entreprise tant patronaux que syndicaux.</p>
<p>La mise en place de cette culture de négociation a également des implications pour les partenaires sociaux et patronaux, qui doivent faire un réel diagnostic des négociations dans leur entreprise lors de renouvellement des CSE ; réaliser un bilan à 6 mois sur l’impact du CSE sur la négociation dans l’entreprise ; laisser une totale indépendance aux acteurs lors des négociations afin d’éviter les règles extérieures ; et enfin, mettre en place des formations communes entre membres des directions et syndicalistes afin de créer des réflexes de négociation gagnant-gagnant, chose d’ailleurs prévue dans les ordonnances de 2017.</p>
<p>La mise en place du CSE pourrait constituer une véritable révolution pour les entreprises et les syndicats, à condition donc d’aborder le sujet de la négociation qui reste à ce jour trop rarement abordé alors qu’il est la clé de voûte du sujet.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147489/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Malgré la volonté d’une refonte en profondeur, la réforme du code du travail de 2017 n’a pas permis de fluidifier le processus de négociation.Pauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayBruno André Giraudon, Conférencier en négociation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1457352020-09-09T18:00:38Z2020-09-09T18:00:38ZFaut-il un nouvel accord syndicat-patronat sur le télétravail ?<p>Depuis le confinement et la situation de télétravail subi engendré par la crise sanitaire, la pratique du travail à distance monte en puissance, à l’image de plusieurs grands groupes (PSA, Maif, Google, <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/banque-assurances/le-teletravail-se-generalise-dans-le-secteur-bancaire-1238710">secteur bancaire</a>, etc.) qui ont annoncé vouloir le <a href="https://www.rtl.fr/actu/economie-consommation/teletravail-les-entreprises-doivent-elles-le-generaliser-7800762580">généraliser</a>.</p>
<p>Face à cette évolution, les partenaires sociaux ont prévu de se rencontrer une dernière fois le vendredi 11 septembre pour discuter de <a href="https://lentreprise.lexpress.fr/actualites/1/actualites/teletravail-derniere-reunion-syndicats-patronat-le-11-septembre_2129881.html">l’encadrement des pratiques</a> dans les entreprises, après trois précédentes réunions pour en dresser un <a href="https://www.storizborn.com/actualites/enquete-codingame-lavenir-est-il-dans-le-teletravail.html">état des lieux</a>.</p>
<p>Les syndicats souhaitent notamment que soit lancée, à l’issue de cette dernière concertation, une négociation interprofessionnelle qui pourrait aboutir à modifier l’accord national interprofessionnel (ANI) de 2005. Ce texte précise déjà le caractère volontaire du télétravail et les conditions d’emploi : la protection des données et de la vie privée ; les équipements pour l’activité : la santé et la sécurité ; l’organisation du travail ; ou encore la formation et les droits collectifs des télétravailleurs.</p>
<p>Le Medef, de son côté, <a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/social/teletravail-le-patronat-ne-ferme-plus-la-porte-a-une-negociation-1238812">n’a pas fermé la porte</a> à la négociation, mais estime que, en l’état, « les normes juridiques sont parfaitement applicables ».</p>
<h2>Des entreprises qui n’attendent pas le régulateur</h2>
<p>À l’heure actuelle, si le travail à distance <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichLoiPreparation.do?idDocument=JORFDOLE000035653662&type=general&typeLoi=proj&legislature=15">n’exige plus la signature d’un accord</a>, beaucoup d’entreprises choisissent de mettre en place des directives relatives au télétravail. Dans le cadre d’un <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2020-2-page-107.html">travail de recherche</a>, nous avons ainsi étudié cinq d’entre elles, issues de différents secteurs (banque, conseil, nucléaire, informatique et télécommunications) pour identifier les avantages qu’apportent de tels accords.</p>
<p>Il en ressort que ces textes permettent de répondre à la fois aux enjeux économiques, organisationnels et sociaux des entreprises interrogées. En effet, ces organisations ont pris des dispositions pour protéger la vie privée du salarié, organiser les horaires, ont prévu la réversibilité et surtout le suivi managérial des télétravailleurs.</p>
<p>Au plan juridique et organisationnel, les entreprises avaient anticipé la nécessité pour le salarié de conserver une frontière entre vie privée et vie professionnelle. Elles n’ont pas attendu le législateur pour prévoir un droit à la déconnexion. Utilisant les outils juridiques alors disponibles et la possibilité de négocier des accords, elles avaient déjà à l’esprit la nécessité de protéger les salariés.</p>
<p>Si les règles actuelles semblent donc globalement bien fonctionner, avalisant la position du Medef, il n’en demeure pas moins qu’une grande part de télétravailleurs restent aujourd’hui invisibles : il s’agit du <a href="https://www.lbmg-worklabs.com/wp-content/uploads/2017/05/Article-de%CC%81fis-du-te%CC%81le%CC%81travail-gris-final-1.pdf">télétravail « gris </a>». Ce terme désigne le télétravail informel, régulier ou occasionnel, ne relevant d’aucune contractualisation spécifique ou choix organisationnel de la part de l’entreprise.</p>
<h2>Des salariés moins protégés</h2>
<p>Ce télétravail « officieux » est celui qui résulte d’une tolérance ou même d’une incitation de la part de l’employeur sans que les conditions de télétravail fassent l’objet d’un accord d’entreprise ou sans que la relation soit contractualisée par un avenant au contrat de travail, sans contrepartie spécifique.</p>
<p>Ces pratiques informelles, qui se sont développées avec notamment l’arrivée des smartphones, des tablettes et la généralisation des ordinateurs portables, représenteraient aujourd’hui 70 % de l’activité en télétravail en France.</p>
<p>Le risque dans ce cas est que des salariés qui s’estiment lésés d’une manière ou d’une autre entament une procédure judiciaire et fassent valoir leur droit à la déconnexion.</p>
<p>Pour l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) :</p>
<blockquote>
<p>« Le télétravail se pratique majoritairement de façon informelle, en particulier dans les PME. Les PME n’ont pas les moyens de négocier des accords : peu de représentants syndicaux, peu ou pas d’appui juridique. Les responsables n’éprouvent pas non plus la nécessité d’un accord. Le télétravail est une chose déjà acquise pour une partie de leurs cadres et pour leurs salariés “nomades” comme les techniciens ou les commerciaux. »</p>
</blockquote>
<p>En outre, il faut noter que, globalement satisfaits et conscients d’être privilégiés, les télétravailleurs hésitent à se manifester et à participer à la négociation sociale. Ainsi, ils ne revendiquent pas. Autrement dit, le télétravailleur à lui seul ne constitue plus une force de négociation : plus malléable, il facilite la gestion des relations sociales de l’entreprise. Mais, les syndicats ne peuvent plus rassembler, c’est la fin des mobilisations de masse. Les salariés se sentent davantage concernés par leur travail que par l’entreprise dans son ensemble.</p>
<p>En imposant le télétravail comme forme inédite d’organisation du travail, le confinement a contribué à réinventer la relation d’emploi. Le télétravail organisé dans l’urgence, en situation de crise et dans la précipitation a été un défi organisationnel qui s’est imposé aux entreprises et aux services RH.</p>
<p>Cette expérience inédite a confronté les process existants à une réalité organisationnelle et managériale. Les managers ont fait preuve d’agilité et d’adaptabilité, tout en préservant l’autonomie et organisant la protection de la santé des télétravailleurs. Les pratiques mises en place gagneraient néanmoins à être pérennisées, encadrées et formalisées, ce que faciliterait la signature d’accords.</p>
<p>En conclusion, notre recherche souligne bien l’importance de prévoir les conditions d’exercice du télétravail dans le champ de la négociation collective. En dépit des dernières évolutions législatives permettant la mise en œuvre du télétravail <a href="https://www.juritravail.com/Actualite/recourir-teletravail/Id/315734">« par tout moyen »</a>, le dialogue social demeure une forme de garantie des droits des télétravailleurs en limitant les possibilités offertes aux employeurs de décider unilatéralement.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution s’appuie sur l’article de recherche <a href="https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2020-2-page-107.html">« Accords d’entreprise et protection des droits des télétravailleurs »</a> publié dans la revue « Question(s) de management » en juin 2020</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Diard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La période de télétravail subi pendant le confinement a bouleversé les pratiques des entreprises et des salariés.Caroline Diard, Professeur associé en Management des RH et Droit, EDC Paris Business School /Enseignant-chercheur (vacataire), ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1421172020-07-13T21:38:35Z2020-07-13T21:38:35ZCrise et dialogue social : un renouveau pour les syndicats ?<p>Airbus prévoit la <a href="https://www.lepoint.fr/societe/syndicats-et-gouvernements-choques-par-l-ampleur-du-plan-social-annonce-par-airbus-01-07-2020-2382678_23.php">suppression de 15 000 postes</a> dans le monde avant l’été 2021. À la suite de cette annonce, des manifestations portées par les syndicats FO, CFE-CGC, CGT et CFTC ont éclaté un peu partout en France. <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/07/08/airbus-hop-nokia-des-salaries-mobilises-contre-les-suppressions-d-emplois_6045623_3234.html">Les secteurs de l’aéronautique et de la télécommunication</a>, dont Nokia qui prévoit de supprimer plus de 1 233 emplois en France, ont particulièrement été touchés par la situation sanitaire.</p>
<p>La crise du Covid-19 a plongé plus <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/dares_tdb_marche-travail_crise-sanitaire_09-06-20.pdf">d’un million d’entreprises</a>, soit l’équivalent de 13,3 millions de salariés, dans une situation de chômage partiel entre le 1<sup>er</sup> mars et le 9 juin 2020.</p>
<p>Des <a href="https://www.franceinter.fr/economie/segur-de-la-sante-medecins-etudiants-aide-soignants-voici-ce-que-les-professionnels-obtiendront-vraiment">accords ont été trouvés</a> lors du Ségur de la Santé, lancé le 17 mai sur la question de la rémunération des personnels soignants. Cette première négociation réussie ouvre-t-elle de nouveaux espaces de dialogues ?</p>
<p>Peut-on alors imaginer une sortie progressive de la culture du conflit défensif ou réactionnaire qui traverse <a href="http://www.septentrion.com/fr/livre/?GCOI=27574100096680&fa=author&Person_ID=13870">l’histoire</a> du syndicalisme français ? Et par quels biais ?</p>
<h2>Vers un cercle vertueux de la négociation collective</h2>
<p>L’histoire du syndicalisme en France a connu un tournant particulièrement important lors de l’avènement de l’État-providence, de 1945 à la fin des années 1970. Néanmoins une <a href="https://www.larevuecadres.fr/numeros/crises-et-regulation-sociale/6698">forme hybride de régulation sociale</a> se met en place à partir de 1982 avec la promulgation des <a href="https://www.anact.fr/les-lois">Lois Auroux</a>.</p>
<p><a href="https://www.clesdusocial.com/IMG/pdf/50_ans_d_accords_nationaux_interprofessionnels.pdf">Les accords nationaux interprofessionnels</a> continuent d’être signés sur des grands thèmes de droit du travail et de protection sociale (Chômage, formation professionnelle, retraite…) et le code du travail démultiplie les mécanismes visant à sauvegarder l’emploi.</p>
<p>Mais ce qui suscite l’intérêt, c’est que ce dernier renvoie de plus en plus souvent à la négociation d’entreprise. Cette forme « hybride » de régulation sociale s’exprime dès lors dans le fait que les comportements et l’aptitude au compromis – lors des négociations collectives – s’exerce beaucoup plus naturellement au niveau de l’entreprise qu’au niveau interprofessionnel/national où les concertations sont privilégiées mais n’apportent que peu d’eau au moulin de la régulation et les négociations sont évitées ou n’aboutissent pas.</p>
<p>Ce dialogue social d’entreprise entre employeurs et délégués syndicaux permet alors de faire face à un droit du travail qui s’ouvre aux exigences européennes et mondiales, <a href="https://www.lgdj.fr/l-age-de-la-negociation-collective-9782130818045.html">au libéralisme économique ambiant</a>, sur fond de chômage massif et de montée de la précarité.</p>
<h2>Une démocratie sociale qui demeure immature</h2>
<p>En <a href="https://www.senat.fr/rap/l06-152/l06-15211.html">2007 la loi Larcher</a>, relative à la modernisation du dialogue social avait ouvert la porte d’un semblant de démocratie sociale en imposant une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050&idArticle=LEGIARTI000006791879&dateTexte=&categorieLie">consultation</a> des partenaires sociaux.</p>
<p>Mais Emmanuel Macron a plutôt eu tendance à imposer ses réformes, cadrer et se substituer unilatéralement aux partenaires sociaux en cas <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/18/la-democratie-sociale-cet-art-oublie-du-compromis_6033476_3232.html">d’échec d’un compromis au niveau national interprofessionnel</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sncf-paysage-syndical-a-la-fin-de-la-bataille-98997">SNCF : paysage syndical à la fin de la bataille</a>
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<p>Les tensions sociales et la crise de la Covid 19 peuvent-elles demain permettre la signature d’accords interprofessionnels sur de nombreux sujets autour d’un Plan de refondation sociale ?</p>
<p>Quelle va être la place de l’État dans les prochains mois : <em>garant</em> ou <em>gérant</em> de la régulation sociale sur ces questions de maintien dans l’emploi ou de conséquences en cas de perte d’emploi ?</p>
<h2>Quelle place pour les syndicats dans les entreprises ?</h2>
<p>Dès le milieu des années 1980, le rôle des syndicats au niveau de l’entreprise devient majeur. Le concept de flexibilité/sécurité, décidé par le législateur se met en place par accord au sein des entreprises.</p>
<p>Au départ, le dispositif permet aux entreprises d’avoir plus de possibilités d’entreprendre, en allégeant les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006072050">règles du code du travail</a> pour augmenter leur productivité, notamment grâce à <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/temps-de-travail/article/amenagement-du-temps-de-travail">l’aménagement du temps de travail</a>. Ainsi les compromis ont lieu entre des dispositifs d’aménagement du temps de travail, (heures supplémentaires/annualisation du temps de travail) avec pour contreparties le gel des licenciements pendant une période précisée, le renforcement des actions de formations et l’amélioration des conditions de travail.</p>
<p>Mais ces dernières années, les lois <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031046061&categorieLien=id">Rebsamen</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000032983213&categorieLien=id">El Khomri</a> et les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035607348&categorieLien=id">Ordonnances Macron</a> ont renforcé ce concept et fait de la négociation collective un véritable levier de transformation de l’emploi.</p>
<h2>Un nouvel arsenal juridique</h2>
<p>Ces trois dernières réformes ont permis la construction d’un véritable arsenal juridique (<a href="https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/accompagnement-des-mutations-economiques/pse">Plan sauvegarde de l’emploi, PSE</a>, <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/droit-du-travail/la-rupture-du-contrat-de-travail/article/rupture-conventionnelle-collective">rupture conventionnelle collective</a>, <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/emploi/accompagnement-des-mutations-economiques/article/accords-de-performance-collective">accord de performance collective</a>) pouvant remettre en jeu l’intégralité des acquis sociaux négociés pendant des décennies entre employeurs et organisations syndicales.</p>
<p>Tout récemment, le dispositif d’activité partielle (APLD) <a href="https://www.clesdusocial.com/evolution-de-l-activite-partielle-longue-duree-ARME-et-courte-duree">l’activité partielle de longue durée</a> a été revisité pour permettre aux entreprises les plus en difficulté de gérer les variations d’activité plus ou moins passagères (jusqu’à deux ans).</p>
<h2>Tenter de nouveaux accords</h2>
<p>Aujourd’hui, face aux moyens juridiques de l’employeur accordés pour <a href="https://www.lesechos.fr/2018/06/psa-scelle-un-accord-sur-le-depassement-des-35-heures-a-vesoul-996740">« sauvegarder l’emploi »</a>, les syndicats doivent trouver leur place et exiger un rapport de force équilibré.</p>
<p>Le législateur, en donnant primauté à la négociation d’entreprise, devrait renforcer la capacité des acteurs du dialogue social à être en situation de négocier, afin d’éviter des <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/11/le-charme-apparent-des-accords-de-performance-collective_1790817">négociations protéiformes et du chantage à l’emploi</a>.</p>
<p>Les syndicats pourraient demander l’exigence légale et non la simple incitation, pour toutes les entreprises (même celles dépourvues d’organisations syndicales) d’un accord dit « de méthode » qui vise à préserver (accord défensif) mais aussi à développer (accord offensif) l’emploi.</p>
<p>Ce dernier pourrait poser clairement la décision du dispositif envisagé (PSE, RCC, APC, APLD) et la façon dont il organise des éléments complémentaires essentiels, comme la question de l’impact sur les conditions de travail et les risques psychosociaux, et enfin, le rôle précis à dédier aux représentants du personnel au CSE, dans la mise en place des nouveaux dispositifs négociés.</p>
<h2>Créer de vrais collectifs de travail</h2>
<p>D’autre part, les syndicats pourraient pousser à une mise en place de <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/dialogue-social-le-ministere-du-travail-encourage-les-formations-communes-entre">formations communes</a>, dispositif proposé par la loi El Khomri du 8 août 2016, qui permet de créer de véritables collectifs de travail pour amorcer de nouveaux échanges et organiser une nouvelle façon de négocier, plus loyale, plus <a href="http://formatdialogue.intefp.fr">transparente</a>.</p>
<p>Dans la manière de procéder, le choix est fait ici d’accompagner les directions et les organisations syndicales ensemble et non plus séparément par cabinet d’expert interposé, en y faisant participer d’autres acteurs (ONG, intellectuels, experts, avocats, maires), partie prenante, sur les nombreux sujets de <a href="https://thdz-negociationcollective.org/blog-3/">négociation collective</a>.</p>
<p>N’oublions pas que dans les petites entreprises ou les moyennes qui sont dépourvues d’organisations syndicales, les salariés doivent avaliser le projet unilatéral de l’employeur (en guise d’accord de compétitivité de l’emploi) <a href="https://www.berton-associes.fr/blog/droit-du-travail/conclusion-accord-entreprise-tpe/">sans discussion obligatoire</a>.</p>
<h2>La Covid-19 met les syndicats à rude épreuve</h2>
<p>Si la négociation collective semblait s’engager dans un cercle vertueux depuis plusieurs années, avec plus de <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/bnc_2018.pdf">60 000 accords signés</a> chaque année par l’ensemble des organisations syndicales représentatives, y compris la <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/bnc_2018.pdf">CGT dans 85 % des cas</a>,</p>
<p>la crise sanitaire a renversé la donne. Elle a montré les limites de la protection des travailleurs, soumis à de nouveaux modèles d’emplois, aux antipodes de la protection du travail salarié.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1280619307811188737"}"></div></p>
<p>Ainsi, l’accord de performance collective (<a href="https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/emploi-laccord-de-performance-collective-en-cinq-questions-1208224">350 signés à ce jour</a>) témoigne de l’aboutissement de ce processus.</p>
<p>Pour préserver l’emploi, cet accord (mis en place en 2017) prévoit selon les entreprises, d’aménager par exemple les horaires (à la hausse sans contrepartie) ou d’envisager une baisse des salaires. Un salarié refusant de souscrire à cet accord peut subir un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour raison économique.</p>
<p>La position des syndicats n’est pas alors simple, et le discrédit jamais loin, qu’il s’agisse de signer ces accords de <a href="https://www.sudouest.fr/2020/07/04/safran-accord-avec-les-syndicats-pour-eviter-tout-licenciement-jusqu-a-fin-2021-7628241-705.php">« performance collective »</a> ou de les refuser drastiquement (et risquer le licenciement économique conjoncturel).</p>
<h2>Eviter l’effet Lip</h2>
<p>Rappelons-nous ainsi la <a href="https://www.larevuecadres.fr/numeros/crises-et-regulation-sociale/6698">colère sociale</a> de l’affaire Lip.</p>
<p><a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2018/07/18/l-affaire-lip-remonte-le-temps_5332872_3232.html">Dans les années 1970</a>, pris dans un bras de fer, les salariés de l’usine, indépendants des syndicats, s’étaient emparés de leur usine du Doubs et avaient fabriqué les montres en autogestion. Cette initiative spontanée avait abondamment été relayée par les médias, voire érigée en <a href="https://www.humanite.fr/la-grande-aventure-ouvriere-et-sociale-des-lip-607020">modèle</a>.</p>
<p>Faire face à une crise de telle ampleur suppose l’exercice d’une démocratie sociale forte avec une véritable co-construction des dispositifs de relance de l’économie. Certes, l’assurance-chômage et le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/05/19/deconfinement-les-multiples-questions-du-chomage-partiel_6040116_3234.html">chômage partiel</a> doivent y figurer, mais aussi un abandon momentané des réformes, sujet de crispation sociale, <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/20/la-reforme-des-retraites-plombee-par-le-covid-19_6037177_823448.html">comme celui des retraites</a>.</p>
<p>Ce dernier a été remis à l’agenda dès cet été contre l’avis des partenaires sociaux, y compris celui de la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2020/07/08/la-reforme-des-retraites-premier-dossier-a-haut-risque-pour-le-premier-ministre_6045592_823448.html">CFDT et du Medef</a>.</p>
<h2>Prendre exemple sur la convention climat ?</h2>
<p><a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr">La Convention Climat</a> qui a rassemblé 150 citoyens au <a href="https://www.affiches-parisiennes.com/le-cese-reforme-pour-en-faire-le-carrefour-des-consultations-publiques-10624.html">CESE</a> a ouvert un nouvel espace et une nouvelle méthode pour aborder la question climatique.</p>
<p>Si le syndicalisme peut apporter son expérience d’action organisée, structurée autour de nombreux thèmes de négociations, les ONG, le monde associatif et les intellectuels peuvent apporter une expertise complémentaire leur permettant d’élever leur niveau d’analyse et d’action.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5HffYTfX2FU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Front commun entre syndicats, associations et ONG pour lutter contre le réchauffement climatique et mettre en place la transition écologique.</span></figcaption>
</figure>
<p>Le législateur a ouvert ce débat au sein de la la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/20809-loi-du-24-decembre-2019-dorientation-des-mobilites-lom">loi d’organisation des mobilités du 26 décembre 2019</a>.</p>
<h2>Un rapport de force qui rassemble</h2>
<p>Le texte ouvre la voie à des solutions intéressantes pour lutter contre le réchauffement climatique. Les entreprises peuvent désormais inclure dans leur <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/negociation-collective/article/les-negociations-obligatoires-dans-l-entreprise-theme-periodicite-et">négociation annuelle obligatoire</a> la question des déplacements domicile-travail et réfléchir ainsi sur un sujet transverse syndicats/société civile/collectivités locales. Ce texte force les acteurs à repenser, ensemble, la question des mobilités en favorisant les transports alternatifs, mais aussi à réfléchir au temps de trajet domicile-travail. On sort ici de l’unique défense des intérêts individuels et collectifs des salariés.</p>
<p>Le nouveau rapport de force, en train de se construire entre acteurs du dialogue social (syndicats et représentants au CSE (Comité Social et Economique) et parties prenantes à la réussite de l’entreprise (directions, ONG, associations, groupes d’experts, collectivités, intellectuels, salariés) s’illustre aujourd’hui par deux documents récents.</p>
<p>Il s’agit <a href="https://www.cgt.fr/sites/default/files/2020-05/Document %20plan %20de %20sortie %20de %20crise %20en %20version %20int%C3%A9gral.pdf">du plan de sortie de crise à la CGT</a> et du <a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/pacte-du-pouvoir-du-vivre-srv1_693159">pacte du pouvoir de vivre à la CFDT</a>.</p>
<p>Ces documents, construits pendant plusieurs mois par un consensus d’ONG, d’associations et de syndicats, réfléchissent et proposent de nombreuses solutions dans l’accompagnement des salariés. En traitant également des questions environnementales et climatiques ils prouvent que <a href="https://www.cfdt.fr/portail/actualites/societe/-pacte-du-pouvoir-de-vivre-66-propositions-pour-un-autre-modele-de-developpement-srv1_658678">préoccupations écologiques et progrès social</a> peuvent aller de pair et faire émerger un nouveau modèle de dialogue social.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142117/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Matteudi accompagne les acteurs du dialogue social à travailler autrement ensemble au sein de la société Art du dialogue social. </span></em></p>La crise actuelle pourrait voir un changement dans les relations entre syndicats français et leurs interlocuteurs, marquées par une longue histoire de conflits.Stéphanie Matteudi-Lecocq, Enseignante. Chercheuse au LEREDS, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1418142020-07-09T17:02:02Z2020-07-09T17:02:02ZSystème de santé : Pourquoi est-il si difficile de répondre aux attentes des soignants ?<p>Les travaux du <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/systeme-de-sante-et-medico-social/segur-de-la-sante-une-grande-concertation-avec-les-acteurs-du-systeme-de-sante/">« Ségur de la santé »</a>, animé par Nicole Notat, ont abouti le 13 juillet 2020 à la signature d’un accord entre les organisations syndicales, Jean Castex, Premier ministre et Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé. </p>
<p>Ledit accord peut-être qualifié d’historique, puisqu’il alloue 8,2 milliards d’euros afin de revaloriser la rémunération des sages-femmes, des personnels non médicaux des établissements de santé et des EHPAD, des internes et étudiants en santé, ainsi que des praticiens qui font le choix de l’hôpital public. Les rémunérations des salariés paramédicaux tels que les infirmiers et les aides soignants et non médicaux (brancardiers, techniciens, etc.) seront également revalorisées de 160 à 180 euros selon les établissements de santé. C’est moins que les 300 euros réclamés par les syndicats, mais 15000 postes supplémentaires devraient être créés, ce que certains syndicalistes considèrent comme une compensation.</p>
<p>Ces mesures ne semblent pas suffisantes pour satisfaire l’ensemble des soignants, si l’on en juge par la « journée de mobilisation et de grève nationale » prévue le 15 octobre pour réclamer « des embauches massives immédiates » et une « revalorisation significative des salaires » dans le secteur de la santé apportera une première réponse. Rien d’étonnant, car s’il existe une relative concorde pour estimer nécessaire une « refonte » de notre système de santé, les solutions permettant de faire consensus sont beaucoup plus rares. </p>
<p>Nous allons essayer d’en comprendre les raisons.</p>
<h2>Pourquoi un Ségur de la santé ?</h2>
<p>Alors que la France, comme tous les pays du monde, a été et reste confrontée à une crise sanitaire dont les impacts sont <a href="https://www.rfi.fr/fr/asie-pacifique/20200426-la-grippe-hong-kong-la-premi%C3%A8re-pand%C3%A9mie-moderne">d’une rare ampleur dans l’époque moderne</a>, le Ségur de la santé s’est fixé comme objectif de rénover notre système de santé pour le rendre plus efficient et adaptable au bénéfice de tous : patients, soignants, élus. Si l’objectif est louable, sa mise en œuvre s’avère diablement complexe.</p>
<p>En effet, notre système de santé repose sur de nombreux intérêts différents. Depuis de nombreuses années, les gouvernements successifs s’efforcent de concilier des objectifs pas toujours convergents : attractivité des métiers et maîtrise du budget de la Sécurité sociale, libre choix du médecin et développement d’un dossier médical partagé qui ne voit pas le jour, maintien d’une offre de proximité et concentration des moyens dans de gros établissements de santé d’excellence, coexistence d’une offre publique et d’un secteur libéral…</p>
<p>En 2018, la <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277750?sommaire=4318291">part de la santé</a> dans la richesse nationale s’élevait à 11,7 %. En la matière, la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_pays_par_d%C3%A9penses_de_sant%C3%A9">France se place</a> dans le peloton de tête des classements mondiaux. La marge de manœuvre est donc étroite. Très étroite même, si l’on considère qu’avec le Danemark et la Belgique, elle figure parmi les pays dont les prélèvements obligatoires sont les <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/impots-fiscalite/malgre-la-baisse-d-impots-la-france-garde-son-titre-de-championne-du-monde-des-prelevements-6641975">plus importants</a>.</p>
<h2>Des établissements de santé sous tension</h2>
<p>Depuis de très nombreuses années, les mouvements sociaux se succèdent dans les établissements de santé. Qu’il s’agisse des hôpitaux publics ou des cliniques privées, très rares sont les établissements qui n’y ont pas été confrontés. En l’espace d’un mois, en <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/haute-garonne/toulouse/toulouse-mouvement-greve-au-chu-prend-ampleur-1733243.html">septembre/octobre 2019</a>, la plupart des établissements de santé de l’agglomération de Toulouse, qu’ils soient publics ou privés, avaient par exemple été confrontés à des <a href="https://www.ladepeche.fr/2019/10/14/clinique-croix-du-sud-la-greve-gagne-tous-les-services-la-moitie-des-operations-annulees,8479562.php#:%7E:text=La%20moiti%C3%A9%20du%20personnel%20de,mat%C3%A9riels%20et%20une%20revalorisation%20salariale.&text=Le%20service%20de%20r%C3%A9animation%20compte,en%20re%C3%A7oit%20pas%20de%20nouveaux">grèves</a>. On pourrait multiplier ce type d’exemple à travers la France. Les services des urgences ont également connu des <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/08/16/pres-de-cinq-mois-apres-le-debut-du-mouvement-un-tiers-des-services-d-urgence-sont-en-greve_5500068_3224.html">mouvements sociaux très importants</a> à compter du premier semestre 2019.</p>
<p>Derrière ces événements, on retrouve très souvent le même ras-le-bol : épuisement du personnel, conditions de travail très difficiles, rappels de salariés à domicile empiétant sur leur vie personnelle, rythme de travail infernal, violences contre les soignants, salaires bloqués… Avec un coupable tout désigné : la tarification à l’activité (T2A), <a href="https://www.lemonde.fr/sante/article/2018/02/13/qu-est-ce-que-la-t2a-qui-cristallise-les-tensions-a-l-hopital_5256264_1651302.html">objet de mécontentement dans les établissements de santé</a>.</p>
<p>Mise en place progressivement en 2004, cette tarification finance les séjours et l’activité réalisés dans les établissements de santé. Jusque là, rien de choquant. Le souci est ailleurs. Pour contenir l’évolution des dépenses de santé et d’une demande de soins qui ne cesse d’augmenter, sous l’effet conjugué du progrès médical et du vieillissement de la population, les pouvoirs publics ont mis en place un système d’ajustement redoutable : la régulation prix/volume.</p>
<h2>La recherche de gains de productivité</h2>
<p>Ainsi, pour faire face à l’augmentation continue de l’activité avec son corollaire inflationniste (plus l’activité augmente plus le chiffre d’affaires augmente), les tarifs des séjours ont régulièrement baissé chaque année depuis l’instauration de la T2A. La conséquence est limpide. Pour pouvoir maintenir leurs ressources, les établissements de santé ont été contraints d’améliorer la productivité : faire plus avec moins ou autant.</p>
<p>C’est ce qui explique, par exemple, le lancement par le ministère de la Santé du programme PHARE (Performance hospitalière pour des achats responsables) en 2011. L’objectif était louable : <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/professionnels/gerer-un-etablissement-de-sante-medico-social/performance-des-etablissements-de-sante/phare-11061/">réaliser des économies</a> sur les achats relevant du « bon sens ».</p>
<p>De même, les pouvoirs publics (ministère de santé) ont demandé au début des années 2010 aux établissements de santé de <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/hopital/comment-faire-des-economies-lhopital-le-mode-demploi-choc-dun-think-tank-liberal">revoir leur nombre de lits</a> en développant l’ambulatoire. L’idée, en soi, était judicieuse. Il s’agissait de développer une activité ambulatoire correspondant à la fois aux souhaits des patients (qui rentrent et sortent dans la journée) et aux évolutions des pratiques médicales (une <a href="https://www.allodocteurs.fr/se-soigner/chirurgie/chirurgie-ambulatoire/prothese-de-la-hanche-une-hospitalisation-express_15643.html">opération de prothèse de hanche</a> qui nécessitait une hospitalisation de trois semaines il y a 20 ans peut désormais s’effectuer en ambulatoire).</p>
<p>Mais derrière cette prouesse médicale, se cache une autre réalité : la fermeture de services d’hospitalisation de nuit, l’augmentation de la productivité au bloc opératoire, la nécessaire polyvalence des soignants.</p>
<p>Si tous ces objectifs pouvaient et peuvent s’entendre, la vitesse de mise en œuvre a été certainement trop rapide. En 2017 Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé déclarait même : « à l’hôpital, nous sommes arrivés au bout d’un système ».</p>
<h2>Une reconnaissance insuffisante</h2>
<p>Durant la crise sanitaire, les Français ont manifesté leur reconnaissance envers les professionnels de santé en se réunissant tous les soirs à 20 h, pour témoigner leur gratitude par des applaudissements.</p>
<p>Une unanimité a vu le jour à propos de la nécessaire revalorisation des carrières des soignants en « première ligne ». On pense aux infirmier·e·s (1 700 euros bruts mensuels en début de carrière) et aux aides-soignant·e·s (1 333 euros bruts mensuels en début de carrière). D’autant plus qu’au vu des <a href="https://www.leparisien.fr/societe/les-infirmieres-francaises-sont-elles-si-mal-payees-17-05-2020-8318796.php#:%7E:text=La%20France%2C%20un%20des%20mauvais%20%C3%A9l%C3%A8ves%20de%20l%E2%80%99Europe&text=En%20France%2C%20une%20infirmi%C3%A8re%20dans,autour%20de%202400%20euros%20nets">comparaisons internationales</a>, leur rémunération est inférieure à celle de leurs homologues européens.</p>
<p>Derrière ces professions paramédicales, et alors que 30 % des postes sont vacants dans les hôpitaux publics, les médecins sont aussi en embuscade. Comment rendre leur métier plus attractif ? En revalorisant les rémunérations. Mais la concertation est très axée sur le secteur hospitalier, autour de quatre piliers (transformation et revalorisation des métiers, investissement, simplification et enjeux territoriaux). Ce qui interpelle tout le secteur libéral (<a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/liberal/assurance-maladie/segur-de-la-sante-la-medecine-de-ville-ne-veut-pas-un-strapontin">médecins de ville</a>, infirmiers et infirmières libérales), dont les membres craignent d’être les <a href="https://www.laprovence.com/article/hub-sante/5999748/infirmiers-liberaux-les-oublies-du-segur-de-la-sante">grands oubliés du Ségur de la santé</a>.</p>
<p>Ajoutez à toutes ces problématiques les défis de la démographie médicale et des déserts médicaux, l’égal accès aux soins sur tout le territoire, la démocratie sanitaire, et vous obtenez un décalage potentiel entre les ambitions des différents protagonistes. Autrement dit, il est certain que toutes les attentes ne pourront pas être satisfaites. </p>
<p>Alors que le système de santé doit faire face à la montée de la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 et à la crise sanitaire qui en résulte, toute la question est de savoir si les mesures prévues par le « Ségur de la santé » permettront de mettre fin aux nombreux mouvements sociaux qui continuent d’émailler le paysage social des établissements de santé. L’avenir nous le dira.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/141814/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hubert Jaspard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Ségur vise à rendre notre système de santé plus efficient pour les patients, les soignants, les décideurs… Une tâche compliquée, tant il faut concilier des objectifs divergents.Hubert Jaspard, Enseignant vacataire, École des hautes études en santé publique (EHESP) Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1408732020-06-25T18:16:33Z2020-06-25T18:16:33ZTPE : face aux licenciements, le conseiller du salarié appelé à monter en puissance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342173/original/file-20200616-23221-xzblcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5666%2C3777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les travailleurs manquent souvent de compétences techniques et juridiques pour se défendre lors des négociations avec leur employeur.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/interview-room-while-staff-preparing-600w-1489912268.jpg">wutzkohphoto / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://idf.direccte.gouv.fr/Les-conseillers-du-salarie-7640">conseiller du salarié</a> reste à ce jour un militant syndical peu connu et médiatisé. Pourtant, ces syndicalistes, qui militent également dans des grandes entreprises, sont les seuls à pouvoir intervenir légalement dans les très petites entreprises de moins de 11 salariés (TPE) où les organisations syndicales ne peuvent être présentes.</p>
<p>Compte tenu des mouvements économiques à l’œuvre (<a href="https://www.latribune.fr/economie/france/record-de-creations-d-entreprises-en-2018-805527.html">développement de l’entrepreneuriat</a>, notamment des microentreprises, stoppé par le déferlement de la crise économique mondiale dû au coronavirus, prévision de <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/coronavirus-la-france-va-devoir-faire-face-son-tour-aux-faillites-et-licenciements-6843242">licenciements économiques</a>), les recours à des conseillers du salarié sont certainement amenés à se répandre.</p>
<p>Pour mieux comprendre comment ces individus militent, nous nous sommes entretenus avec 32 d’entre eux sous forme d’entretiens semi-directifs d’une durée moyenne d’une heure et quinze minutes.</p>
<p>La collecte de données s’est située entre 2016 et 2019 et a fait l’objet d’une analyse qualitative à partir de laquelle, nous avons construit une typologie de profils militants afin de mieux les cerner.</p>
<p>Trois profils se sont distingués : le « bon soldat », le « défenseur des droits » et le « combattant ». Chaque profil porte des stratégies et des tactiques propres.</p>
<h2>Le « bon soldat », loyal et dévoué</h2>
<p>Dans ce profil, le conseiller du salarié, qui est encore peu expérimenté syndicalement, manifeste un réel souci de bien faire son travail de militant de terrain dans les TPE peu habituées au fait syndical :</p>
<blockquote>
<p>« C’est plus compliqué d’être conseiller du salarié que d’être délégué du personnel. Il faut être capable d’aller dans les entreprises… Je fais un travail de syndicaliste, simplement s’ils ont une bonne image de mon travail ils auront une bonne image du syndicat que je représente » (Manuel).</p>
</blockquote>
<p>Dans son entreprise, il évite les mandats qui l’obligeraient à se confronter avec la direction et porte plutôt un mandat de comité d’entreprise :</p>
<blockquote>
<p>« Prendre le mandat de délégué du personnel c’est officialiser quelque chose derrière une étiquette syndicaliste. Le mandat de comité d’entreprise est plus neutre, plus ludique… Celui de délégué du personnel a un autre relationnel, peut-être plus conflictuel, et je ne voulais y aller trop dans le conflictuel… » (Jean).</p>
</blockquote>
<p>En s’engageant dans le mandat de conseiller du salarié, il suit les directives de son organisation syndicale à laquelle il veut montrer son dévouement et sa loyauté. Il prend toutes les demandes d’assistance des salariés en tenant compte de ses disponibilités et les renvoie vers un collectif de syndicalistes dont il est membre lorsqu’il veut éviter un échec :</p>
<blockquote>
<p>« Quand j’ai un entretien avec le salarié et que je ne suis pas disponible, je leur donne toujours des bonnes adresses pour avoir des consultations gratuites avec un avocat… donc il y a toujours le réflexe à apporter des informations aux gens surtout si elles sont désemparées… » (David).</p>
</blockquote>
<p>Son engagement repose sur l’apport de compétences, mais vise aussi à protéger les salariés du licenciement. Il utilise le crédit d’heures légales autorisées par son mandat et n’empiète pas sur son temps personnel. Il assiste les personnes à minima devant leur employeur lors d’un entretien préalable à un éventuel licenciement.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250576895353159681"}"></div></p>
<p>Son relationnel avec le salarié est bref et sans suite. Il ne tente pas de syndicaliser le salarié après l’entretien, ni à lui prodiguer des conseils supplémentaires :</p>
<blockquote>
<p>« On connaît la règle du jeu. On sait ce que l’on doit faire. On sait aussi qu’on n’a pas beaucoup le temps de développer des relations… J’ai assisté une personne qui devait être licenciée et qui ne l’a pas été. Elle m’a remercié effectivement. Mais je n’ai aucune raison de revoir la personne » (Patrick).</p>
</blockquote>
<h2>Le « défenseur des droits », expert en négociation</h2>
<p>C’est un militant plus autonome, plus expérimenté que le « bon soldat ». Dans son entreprise, il est souvent délégué du personnel confirmé ou délégué syndical.</p>
<p>Il évite les mandats de type comité d’entreprise où l’étiquette syndicale est plutôt effacée. Il a une forte écoute du salarié. Son engagement en tant que conseiller du salarié repose sur son intérêt pour la technicité de la fonction. C’est un militant bien formé sur le plan relationnel et technique. Il aime défendre le salarié par une approche notamment juridique :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai été désignée déléguée syndicale par le syndicat. Je suis la seule représentante au sein de mon entreprise. J’ai pris de l’ampleur… le syndicat a vu que j’avais des connaissances juridiques et m’a proposé de devenir conseiller du salarié. J’ai accepté, ensuite j’ai suivi une formation. Et là, super formation avec des gens très bien… » (Sylvie).</p>
</blockquote>
<p>À la différence de la stratégie du « bon soldat », le militant amène le salarié ici dans un jeu de donnant-donnant. Il le pousse, sous couvert de menaces de ne pas le prendre en charge, à entrer dans sa « sphère d’influence » :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai eu des salariés que j’appellerais des salopards… des gens qui ne disent pas tout… Je les assiste quand même… alors je les fais parler, il faut que je détecte ce qui est important… » (Jacques).</p>
</blockquote>
<p>Par son intervention devant l’employeur, le « défenseur des droits » cherche à réduire la peine infligée aux salariés :</p>
<blockquote>
<p>« J’ai aussi une culture en communication, de journalisme d’investigation. Je pense que mon côté professionnel a déteint sur ma personnalité pour vraiment investiguer, aider les autres et trouver la faille dans une action syndicale » (Mina).</p>
</blockquote>
<h2>Le « combattant », militant ardent</h2>
<p>C’est un vétéran du militantisme syndical. Il est très expérimenté avec un vécu syndical fort. Il est au minimum délégué syndical confirmé, représentant syndical voire secrétaire général de syndicat.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1219508172035182592"}"></div></p>
<p>Il sait nouer un relationnel fort et très rapidement avec les salariés qu’il assiste. C’est un guerrier et un stratège. Malgré les mandats cumulés, il s’attache à assister les salariés des TPE, mais ses interventions sont résolument tournées vers un combat pour les salariés.</p>
<p>Lors de la prise de contact avec ces derniers, son engagement reste rapide, car il se conçoit dans une logique de secours à des salariés qui sont confrontés à des employeurs peu éthiques :</p>
<blockquote>
<p>« Si je n’étais pas là, ils auraient licencié les gens comme de la merde. Les mêmes patrons qui nous appellent plus “syndicalistes”, mais “partenaires sociaux”, ou le compromis historique, ces gens-là ont décidé de faire du fric sur le dos des travailleurs. Il n’y a pas de compromis… » (Pierre).</p>
</blockquote>
<p>Lors de son intervention dans la TPE, son engagement est total. Il ne manifeste aucune peur devant l’employeur :</p>
<p>« Si le patron est violent et qu’il essaie de m’interdire de parler, je me montre aussi dur et je monte le ton. Je menace d’appeler l’inspection du travail, et là, en général, il se calme… » (Alphonse).</p>
<p>Il suit une logique de rapports de force et de confrontation avec l’employeur et n’hésite pas à porter le conflit jusque devant les tribunaux. Il s’investit dans une logique d’action reposant sur sa propre morale. Son investissement s’explique aussi par sa volonté d’aider un public qui apparaît défavorisé par rapport à celui des grandes entreprises où l’accès à un délégué syndical est facilité :</p>
<p>« La confédération ne sait même pas ce que c’est que les conseillers du salarié. Pour les salariés, on passe pour des extra-terrestres ou je ne sais pas quoi. Je ne sais pas l’image qu’ils ont de nous. Ce que je sais c’est qu’ils sont contents de nous trouver. Quand ils nous voient, ils ont l’impression de voir Dieu. On voit la misère sociale, on est dans un monde violent… Il y a une violence dans les TPE qu’on ne connaissait pas avant » (Pascal).</p>
<p>En conclusion, le conseiller du salarié apparaît comme une nouvelle forme de militantisme syndical qui vise à être en phase avec le développement de l’entrepreneuriat individuel et familial que représentent les TPE. C’est un militantisme dont la solidarité est orientée vers des populations jusqu’ici inorganisées et qui pourrait préfigurer les <a href="https://theconversation.com/comment-le-confinement-a-enfonce-les-livreurs-a-velo-dans-la-precarite-138617">futurs engagements militants</a> face au travail dit « ubérisé ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140873/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>On peut définir trois profils de ces syndicalistes bénévoles qui assistent les salariés en l’absence d’instances représentatives du personnel.Philippe SIN, PHD Candidate, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)François Grima, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1362582020-04-15T17:08:07Z2020-04-15T17:08:07ZContinuité de l’activité des entreprises : l’apprentissage difficile de la négociation de crise<p>La crise du Covid-19 provoque une remise en question radicale des activités de travail sur les sites industriels et logistiques et dans la distribution. Les priorités sont complètement bouleversées, l’obsession de la rentabilité a laissé place à deux enjeux : la prévention de la contamination et le maintien d’une activité économique pour répondre aux besoins de la population et préserver les capacités productives.</p>
<p>En nous appuyant sur une enquête auprès de quelques techniciens, cadres et syndicalistes, ainsi que la lecture de la presse, nous avons essayé de comprendre comment les salariés présents sur les sites vivent ces contraintes contradictoires et tentent de les articuler.</p>
<p>Cette enquête met en évidence l’apprentissage d’une nouvelle pratique de négociation sociale qui s’inspire de la <a href="https://www.jstor.org/stable/2393339?seq=1">théorie de la résilience en situation de crise</a> : construction d’une interprétation partagée des enjeux, l’attention aux situations concrètes, priorisation partagée des activités, et adaptation aux évolutions de la situation.</p>
<h2>Construire une interprétation partagée</h2>
<p>La crise du Covid-19 remplace sur le devant de la scène un travail jusqu’alors invisible, peu considéré, délégué à des personnes peu ou pas diplômées, considérées comme une main-d’œuvre substituable. La mise en œuvre des gestes barrières et des règles de distanciation, rencontre des contraintes nouvelles et suppose une recherche de solutions ad hoc.</p>
<p>Les locaux et l’emplacement des équipements n’ont pas été prévus pour permettre la distanciation physique : il faut imaginer des circuits pour les personnes et les produits ; repenser les postes de travail pour assurer l’isolement ; définir des règles de nettoyage des surfaces potentiellement contaminées.</p>
<p>Même s’il existe des règles générales, leur mise œuvre au quotidien exige de l’initiative, de l’ingéniosité, une mobilisation et une attention de tous à tous les instants. Les travailleurs présents sur les sites de production sont en première ligne dans le risque de contamination mais aussi dans l’engagement pour la continuité de l’activité. L’activité dépend d’eux, de leur participation et de leur évaluation de la conformité des mesures de prévention.</p>
<p>C’est pourquoi le dialogue social et la relation managériale jouent un rôle essentiel. Il s’agit d’une « négociation de crise » qui, comme la gestion de crise, implique de construire une interprétation commune des menaces et des contraintes concrètes.</p>
<h2>Différentes perceptions du risque</h2>
<p>Ce travail d’interprétation est d’autant plus important que les exigences de prévention définies par les pouvoirs publics peuvent être perçues comme ambiguës. En effet, les exigences imposées dans la vie courante sont bien plus strictes que celles imposées dans le lieu de travail.</p>
<p>Au fur et à mesure de la crise, deux perceptions des risques et des mesures de prévention sont en concurrence. Pour les uns, et en particulier le gouvernement, il ne s’agit pas nécessairement de protéger les individus de toute contamination, mais de protéger les personnes à risque et de modérer la propagation. Dans cette perspective, il y a une forte priorité donnée à la continuité des activités. Au fil des jours, le ministère du Travail s’est efforcé de préciser, dans chaque métier, des règles de prévention adaptées.</p>
<p>Mais le risque n’est pas perçu de la même façon par de nombreuses personnes qui travaillent sur les sites. Avec la médiatisation des cas graves et des décès, chacun prend conscience qu’il est aussi exposé à titre individuel. Les salariés en première ligne revendiquent le droit d’être protégés, non pas seulement pour éviter la propagation dans l’ensemble de la population, mais pour ne pas être malades et ne pas contaminer leurs proches.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1243893927033344000"}"></div></p>
<p>Sur le terrain, surtout dans les premières semaines de la crise, ils constatent que les mesures de prévention ne sont pas toujours complètement applicables et il est difficile de s’assurer qu’elles sont suffisantes. Les travailleurs se sentent exposés à un danger difficile à évaluer, à apprivoiser, à gérer individuellement…</p>
<p>Les délégués du personnel ont rapidement pointé les failles dans l’application des mesures et le manque de ressources. Les instances représentatives sont fortement sollicitées. Le respect des règles suppose une organisation et une discipline peu compatibles avec des activités parfois de plus en plus intenses, par exemple dans les <a href="https://www.businessinsider.fr/des-syndicats-damazon-exigent-la-fermeture-des-entrepots-francais-184185">entrepôts d’Amazon</a>.</p>
<p>Dans la mesure où l’exposition à la contamination dépend étroitement du comportement des autres, elle dépend donc des régulations collectives que les équipes peuvent développer, mais aussi des pratiques managériales. Au sein des collectifs de travail affaiblis par la précarité des statuts et l’instabilité de la main d’œuvre, un manque de cohésion des équipes entraîne des tensions sur le respect des gestes barrières.</p>
<h2>La priorisation des activités au cœur du dialogue</h2>
<p>Compte tenu de l’incertitude vis-à-vis de leur efficacité, mais aussi des besoins de réduire l’activité pour faciliter la réorganisation des flux, le dialogue social investit aussi la question des priorités dans le maintien des activités. Dans les entrepôts d’Amazon, les syndicats revendiquent une limitation des commandes qui ne relèvent pas de la stricte nécessité de façon à réduire le volume de travail pour mieux réguler la circulation des personnes.</p>
<p>À défaut d’une liste des activités économiques de première nécessité fixée par les pouvoirs publics, certains syndicats se réfèrent à la hiérarchie des priorités fixées par le gouvernement à propos de l’ouverture des magasins (l’alimentation, l’hygiène, la santé) auxquelles il faudrait ajouter bien sûr l’ensemble des services publics indispensables et la maintenance des infrastructures.</p>
<p>Dans chaque usine et chaque entrepôt, l’encadrement se pose aussi la question de ce qui peut être arrêté ou non, reporté ou non… au regard d’un critère de « nécessité » qui ne peut pas être défini une fois pour toutes. La direction et l’encadrement cherchent à convaincre leurs salariés que leur activité est indispensable.</p>
<p>Par exemple, dans la construction d’équipement électrique, on évoquera la responsabilité vis-à-vis de la maintenance des réseaux électriques. Les discussions impliquent la prise en compte de chaînes logistiques globales et d’interdépendances économiques entre usines.</p>
<h2>Un déplacement des rapports de force</h2>
<p>Cet équilibre entre prévention et continuité de l’activité économique ne peut pas être défini par ordonnance, décret ou règlement intérieur. Il implique d’évaluer des contraintes très concrètes autant que des exigences morales contradictoires qui ne sont pas perçues de la même façon. Cet équilibre ne peut être défini et justifié qu’au plus près des situations de travail, ce qui entraîne une sorte d’inversion de la structure décisionnelle et des rapports de négociation.</p>
<p>Certes, cette inversion est très relative : dans beaucoup de configurations, le rapport de force économique reste défavorable aux travailleurs et l’activité syndicale faible ou inexistante. Mais l’enjeu de santé publique place au cœur des projecteurs ces activités jusqu’alors négligées ou déconsidérées. L’inspection du travail, dont le rôle d’appui et de contrôle dans l’application de la réglementation est essentiel, dispose de moyens d’investigation limités.</p>
<p>Sollicitée par les syndicats, la justice a arbitré en faveur de la revendication de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/04/14/coronavirus-la-justice-ordonne-a-amazon-de-limiter-son-activite-et-d-evaluer-le-risque-pour-les-salaries_6036565_3234.html">priorisation des activités</a> dans les entrepôts d’Amazon, le 14 avril.</p>
<p>Le géant du e-commerce compte <a href="http://www.leparisien.fr/economie/amazon-menace-de-suspendre-l-activite-de-ses-centres-apres-la-decision-du-tribunal-de-nanterre-15-04-2020-8299971.php">faire appel</a> de cette décision et a menacé mercredi de « restreindre fortement » son service en France.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1250356214619398144"}"></div></p>
<p>Dans cette négociation de crise, le rôle de l’État reste central. Bien que les réorganisations sont négociées au niveau des entreprises (jusqu’au niveau des équipes), elles mobilisent des ressources juridiques et des possibilités financières qui viennent de l’État, qui sont aussi réinterprétées et déployées par les administrations, comme la reconnaissance du chômage technique. Chaque nouvelle mesure, chaque nouvelle règle, recompose les droits et les enjeux des acteurs sur le terrain.</p>
<h2>Une adaptation rapide aux évolutions de la crise</h2>
<p>Dans cette négociation de crise, les enjeux de temporalité sont extrêmement importants. Dans les entreprises qui n’étaient pas préparées et qui n’ont pas adapté leur organisation à temps, les salariés n’étaient pas protégés, et l’absence de dialogue social et d’adaptation de l’organisation a rapidement entraîné un arrêt de l’activité dès la première semaine de confinement.</p>
<p>Dans les entreprises qui ont anticipé les mesures publiques et mis en œuvre les règles de prévention avant qu’elles soient exigées, il n’y a pas eu nécessairement d’arrêt, ou s’il y a eu arrêt, la reprise a été possible en un ou deux jours, et plutôt bien acceptée par les salariés.</p>
<p>L’effort de réorganisation n’est pas terminé. La propagation de la contamination et l’évolution des consignes de prévention génèrent de nouvelles inquiétudes et un questionnement permanent des organisations de travail. L’usage des masques se développe pour les postes de travail où la mise en place des gestes barrières est difficile comme les lignes de production en U. Avec la reprise des activités, la négociation doit aussi prendre en considération les problématiques de disponibilité des salariés.</p>
<p>Ainsi, la première leçon de la crise est l’importance de la <a href="https://books.google.com/books/about/Managing_the_Unexpected.html?id=GU55MJOp1OcC">résilience des organisations</a> productives, leur capacité à intégrer de nouvelles contraintes, à gérer des incertitudes. Mais cette crise réhabilite le rôle du dialogue social, de la qualité de la relation managériale, la capacité à rendre compte et expliquer, à construire aussi un sens partagé autour des risques, des situations concrètes de travail, mais aussi des chaînes d’interdépendances qui lient les activités économiques entre elles. Nous en aurons besoin quand il s’agira de faire face aux autres menaces, en particulier le changement climatique et la raréfaction des ressources.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136258/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Reverdy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les tensions entre exigences de sécurité et maintien du travail sont aujourd’hui directement gérées, dans l’urgence, au sein des organisations. Une situation inédite.Thomas Reverdy, Maître de conférences HDR en sociologie, Institut polytechnique de Grenoble (Grenoble INP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1179412019-09-04T17:32:03Z2019-09-04T17:32:03ZSupprimer l’ENA ou tempérer le mépris d’État ?<p>Le mardi 18 février 2020, Frédéric Thiriez a remis son <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2020/02/rapport_mission_haute_fonction_publique.pdf">rapport sur la réforme de la haute fonction publique</a>. Le dossier, composé d’une soixantaine de pages pour 40 propositions, compte répondre aux trois priorités affichées par l’exécutif : décloisonner la haute fonction publique, diversifier son recrutement et dynamiser ses carrières.</p>
<p>Les auteurs ont ainsi proposé une refonte totale de l’institution sous sa forme actuelle. L’École nationale d’administration deviendrait alors l’École d’administration publique (EAP) et se verrait obtenir un statut d’établissement d’enseignement supérieur, placé sous l’ombrelle de l’université Paris Sciences et Lettres. Concours profondément remanié, socle commun de six mois suivi de quatre mois sur le terrain, classement de sortie supprimé, Frédéric Thiriez propose un véritable catalogue de mesures sur lesquelles l’exécutif devrait vite se pencher.</p>
<p>L’annonce faite par le président de la République de supprimer l’École nationale d’administration (ENA), et qui se voulait une réponse au mouvement des « gilets jaunes », avait suscité des débats houleux, entre détracteurs de l’école et partisans d’une <a href="https://www.challenges.fr/france/le-president-de-la-cour-des-comptes-suppression-ena_656564">réforme</a> beaucoup moins radicale. Il devrait néanmoins passer à l'acte aujourd'hui.</p>
<p>Mais ce n’est pas rien d’en finir avec le dispositif instauré par l’<a href="https://www.rtl.fr/actu/debats-societe/la-fondation-de-l-ena-c-etait-le-9-octobre-1945-7780018930">ordonnance du 9 octobre 1945</a> du Gouvernement provisoire de la République française, alors présidé par le Général de Gaulle.</p>
<p>Son objectif était triple : sélectionner les futurs hauts fonctionnaires, les former à leurs responsabilités à venir, les affecter à leur premier poste via le classement.</p>
<h2>Une réflexion subjective</h2>
<p>Les observations qui suivent naissent d’une expérience directe de l’ENA sur deux décennies. J’y ai enseigné chaque année depuis 1998, devenant en 2002 le coordinateur du séminaire de « négociation dans l’administration publique » pour toute la promotion. Des promotions « Cyrano de Bergerac » à « Molière » en passant par « Senghor », qu’ai-je appris au cours des 20 années écoulées sur cette école, qui puisse contribuer à la réflexion sur sa suppression et le dispositif qui lui succédera ? Reprenons les trois fonctions de l’ENA – sélectionner, former, affecter – pour mieux souligner combien le problème se trouve, en fait, ailleurs.</p>
<p>Le recrutement, tout d’abord. Il ne serait pas suffisamment démocratique. L’impression de celles et ceux qui enseignent à l’ENA est assez différente : le <a href="https://www.ena.fr/Concours-Prepas-Concours/Les-concours-de-l-ENA/Concours-interne">concours interne</a> (ouvert aux fonctionnaires ayant déjà quatre années de services) et le <a href="https://www.ena.fr/Concours-Prepas-Concours/Les-concours-de-l-ENA/Troisieme-concours">troisième concours</a> (ouvert à tous ceux témoignant de huit années d’expérience dans le secteur privé ou associatif) ajoutent beaucoup de diversité aux « bêtes à concours » provenant majoritairement de Sciences Po Paris et qui, certes, dominent le concours externe.</p>
<p>Chaque année, j’ai rencontré dans le groupe d’élèves dont j’avais la charge des personnalités attachantes, issues de régions et de milieux diversifiés – même un ancien intermittent du spectacle – aux antipodes de la caricature du Parisien fils d’archevêque à particule.</p>
<p>En outre, les promotions sont internationales, accueillant un quart d’élèves étrangers. Pour avoir à de multiples reprises retrouvé ultérieurement ces élèves lors de missions à l’étranger, je mesure le rayonnement de cette école de par le monde, grâce à ses 3 500 anciens élèves étrangers.</p>
<h2>Un manque de démocratisation général en France</h2>
<p>En dépit de ces impressions subjectives, que disent les chiffres ? Ils démontrent un décalage entre le profil sociologique d’une promotion d’énarques et celui de la population française. Au sein de la promotion actuelle à l’ENA, « seuls 19 % des élèves ont un parent ouvrier, commerçant, employé, agriculteur, artisan ou chômeur » écrivait l’actuel directeur de l’ENA dans une <a href="https://www.ena.fr/L-ENA-se-presente/L-ENA-dans-l-actualite/Les-actualites-de-l-Ecole/Patrick-Gerard-Non-les-eleves-de-l-ENA-ne-sont-ni-cooptes-ni-coupes-des-realites-ni-detestes-a-l-etranger">tribune publiée par <em>Le Figaro</em></a>. La proportion s’inverse dans l’ensemble de la population française, où les cadres et professions intellectuelles supérieures représentent un <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2489546">peu moins de 20 %</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dossier INA datant de 1974 consacré à l’ENA. Parmi les élèves interrogés, dont les parents ne sont pas forcément issus de l’élite, se trouve Martine Aubry, « fille de fonctionnaire ».</span></figcaption>
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<p>Mais un tel décalage se retrouve dans toutes les grandes écoles françaises et dans toutes les filières sélectives de l’Université ! La ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Frédérique Vidal, l’a souligné lors de <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid142567/assemblee-generale-de-la-conference-des-grandes-ecoles-discours-de-frederique-vidal.html">son discours du 4 juin 2019</a> devant la Conférence des grandes écoles. Pourquoi reprocher aux concours d’entrée à l’ENA un manque de démocratisation qui est d’abord dû aux défauts du dispositif français d’éducation nationale et d’enseignement supérieur ?</p>
<p>Le manque de démocratisation du mode de recrutement à l’ENA n’est donc qu’un symptôme parmi tant d’autres, relevés par les enquêtes de l’OCDE qui démontrent que notre système est un de ceux qui réduisent le moins les <a href="https://read.oecd-ilibrary.org/education/education-at-a-glance-2018/france_eag-2018-46-en#page1">inégalités de départ</a>.</p>
<p>Ainsi, l’excellente mesure de dédoublement des classes de CP et de CE1 en ZEP, décidée par Jean‑Michel Blanquer, aura à terme un <a href="https://mobile.education.gouv.fr/cid138289/dedoublement-des-classes-de-cp-en-education-prioritaire-renforcee-premiere-evaluation.html">effet plus concret</a> pour la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Idem pour les dispositifs d’éducation populaire du type <a href="http://egalite-des-chances.essec.edu/">« Une grande école, pourquoi pas moi ? »</a>, lancés par l’ESSEC en 2002.</p>
<h2>Une formation « obsolète », vraiment ?</h2>
<p>Sans chercher dans cette brève contribution à cerner ce qui est nécessaire au futur haut fonctionnaire, et qui devrait constituer le cœur de sa formation, je n’évoquerai ici que de ce que les directeurs successifs de l’ENA m’ont demandé d’y coordonner, à savoir le séminaire de <a href="https://www.cairn.info/revue-negociations-2009-2-page-93.htm">négociation dans l’administration publique</a>.</p>
<p>En trois jours, que tâche-t-on d’apprendre au futur haut fonctionnaire ? À défendre les intérêts qui lui sont confiés par le décideur politique, et dont on espère qu’ils correspondent à l’intérêt général. À générer du consensus, chaque fois que c’est possible. À assumer dignement le dissensus, chaque fois que c’est nécessaire.</p>
<p>Et, pour y parvenir : à privilégier la logique de coopération et de partenariat sur celle de compétition et d’affrontement ; à valoriser la préparation en équipe plutôt que l’improvisation solitaire ; à préférer la sincérité de l’écoute aux artifices de la rhétorique ; à éviter, plus que tout, l’excès de confiance en soi – mais que peuvent ces trois jours dans tout un système ?</p>
<p>Le séminaire est très apprécié des promotions successives – il aurait sinon disparu depuis. Fondé sur des mises en situation inspirées de cas réels, ce séminaire a depuis 2007 été retenu pour inaugurer la scolarité de chaque promotion. Depuis 2014, une partie de la promotion choisit de le suivre en anglais – car, oui, en ce XXI<sup>e</sup> siècle, le haut fonctionnaire français est amené à négocier en anglais au cours de sa carrière.</p>
<h2>Un classement décrié, pourquoi ?</h2>
<p>Venons-en enfin au classement, qui détermine l’affectation au premier poste de la carrière. Pourquoi est-il tant décrié ?</p>
<p>Interrogé, en mars 2003, par la <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/034000172/index.shtml">commission sur la réforme de l’ENA</a> présidée par Yves-Thibault de Silguy, j’avais indiqué, paraphrasant Churchill, que « le classement est le pire des systèmes… à l’exclusion de tous les autres ».</p>
<p>Il a ses défauts, certes, dont la focalisation excessive des élèves sur leur notation. J’avais d’ailleurs obtenu, en 2005, que le séminaire de négociation ne soit plus noté, afin que les élèves se concentrent sur l’apprentissage d’un bagage utile sur le long terme, et non sur la perspective utilitariste d’une évaluation. Cette focalisation sur les notes incite aussi à un comportement individualiste, là où le responsable doit apprendre à coopérer pour travailler en équipe.</p>
<p>Mais ces défauts ne l’emportent pas sur la profonde légitimité du classement pour affecter aux meilleurs postes. Ainsi, avant-guerre, les systèmes d’entregent et d’héritage familial entachèrent trop souvent les processus de cooptation dans les corps les plus prestigieux, y compris au quai d’Orsay. Marc Bloch en donna une puissante description dans <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/bloch_marc/etrange_defaite/etrange_defaite.html"><em>L’Etrange défaite</em></a> (1946).</p>
<h2>La « botte » une obsession à revoir</h2>
<p>La seule critique valable du classement est que sa tête, curieusement appelée <a href="https://start.lesechos.fr/etudes-formations/examens-concours/ena-le-classement-de-sortie-continue-d-obseder-les-eleves-13351.php">« la botte »</a>, permet l’accès direct aux grands corps de l’État, les plus prestigieux et puissants : Conseil d’État, Inspection des Finances, Cour des comptes.</p>
<p>Ainsi, le fait de réussir brillamment deux stages et quelques notes sur dossier dans sa prime jeunesse trace d’emblée, pour toute la vie professionnelle qui s’ensuit, une trajectoire de carrière exagérément plus favorable que celle de l’administrateur civil « de base ». Ce n’est pas sain durant la scolarité. Ce n’est pas mobilisateur après celle-ci.</p>
<p>L’ENA devrait déboucher sur trois corps : administrateurs civils, magistrats des chambres régionales des comptes, magistrats des tribunaux administratifs. Ce n’est qu’après une première partie de carrière, au vu des mérites concrètement illustrés durant celle-ci, que les énarques pourraient candidater à une haute juridiction (Conseil d’État et Cour des comptes) ou un corps d’inspection (finances, inspection générale de l’administration, inspection générale des affaires sociales). Cette procédure de sélection gagnerait à s’inspirer de ce qui existe déjà ailleurs dans l’État : l’<a href="http://www.dems.defense.gouv.fr/ecole-de-guerre/">École de Guerre</a>, qui repère chaque année les meilleurs officiers destinés aux plus hauts grades.</p>
<h2>« L’État, c’est le mépris »</h2>
<p>Mais le problème, au fond, est ailleurs. Ou, pour être précis, après l’ENA. Il est dans ce mal français que résumait Edgar Pisani d’une formule aussi acérée que juste : « L’État, c’est le mépris ».</p>
<p>Le résistant, devenu le plus jeune préfet de France après-guerre, ministre des gouvernements de Charles de Gaulle puis de François Mitterrand, l’a constaté sa vie durant : « il y a quelque chose d’Ancien régime dans notre État républicain centralisé », une disposition d’esprit faite de mépris.</p>
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<figcaption><span class="caption">Edgard Pisani à propos du « mépris », 2006.</span></figcaption>
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<p>L’État n’écoute pas assez les corps intermédiaires, dont il se méfie depuis la <a href="https://www.vie-publique.fr/documents-vp/loiChapelier.pdf">loi Le Chapelier de 1791</a> interdisant les groupements professionnels. Les grands commis de l’État n’écoutent pas suffisamment leurs concitoyens, au point que ceux-ci les perçoivent comme volontiers méprisants. Une observation attentive m’a souvent amené à vérifier, sans pouvoir la démontrer, la règle suivante : le pouvoir d’un fonctionnaire français est inversement proportionnel à la probabilité qu’il a de croiser ses contemporains à un guichet, dans le métro, ou en faisant ses courses à l’hypermarché.</p>
<p>Ce mépris, on en trouve une bonne illustration dans le propos tenu par Marie-Françoise Bechtel, conseillère d’État et ancienne directrice de l’ENA de 2000 à 2002, dans <em>Libération</em> le 17 avril 2019, où <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/04/17/ena-marie-francoise-bechtel-une-vision-du-service-public-ou-l-etat-ne-trouve-pas-son-compte_1722030">elle déclarait</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La localisation de [l’ENA] à Strasbourg pose problème. […] il est discutable de former l’administration d’État dans une ville lointaine et enclavée. »</p>
</blockquote>
<p>Strasbourg se situe à 1 h 46 de TGV de Paris, avec une liaison chaque heure ou presque. À ce compte-là, toute la France au sud de Lyon serait « enclavée » ! Toute la France à l’ouest de Limoges serait « lointaine » !</p>
<p>Faut-il rappeler à Mme Bechtel que les juges de notre pays sont formés à Bordeaux, à l’École nationale de la magistrature ? Que les cadres de la fonction publique hospitalière sont formés à Rennes, à l’EHESP (ex-ENSP) ? Que les cadres du ministère de l’Éducation nationale sont formés à Poitiers, à l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation ? Que même l’École polytechnique n’est plus à Paris intramuros ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C11%2C797%2C519&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/285495/original/file-20190724-110158-1ml45f7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue sur les bâtiments de l’ÉNA et le Musée d’Art moderne et contemporain (MAMCS), depuis les ponts couverts, dans le quartier de la Petite France à Strasbourg.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Strasbourg-RemiLeblond-ENA-MAMC2.jpg">Rémi Leblond/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Contraindre devient de moins en moins efficace</h2>
<p>Ces formules à l’emporte-pièce (chacun en aura d’autres exemples à l’esprit) nourrissent cette impression, chez nos concitoyens, que « l’État, c’est le mépris ». Notre passion ancienne pour l’égalité se trouve d’ailleurs renforcée par la tendance démontrée à la fin du siècle dernier par <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/anthony-giddens/1-la-theorie-de-la-structuration/">Anthony Giddens</a> et d’autres sociologues : dans nos sociétés démocratiques, la distance hiérarchique ou symbolique entre dirigeants et dirigés devient insupportable aux seconds.</p>
<p>S’il est un trait commun à tous les « gilets jaunes », par-delà les contradictions de leurs revendications hétéroclites, c’est celui-là.</p>
<p>Dans une société qui « s’horizontalise » au détriment des normes et des injonctions volontiers verticales, contraindre devient de moins en moins efficace, convaincre de plus en plus nécessaire. Il n’est donc pas sûr que supprimer l’ENA suffise à convaincre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117941/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurélien Colson, ancien conseiller du Premier ministre Lionel JOSPIN, coordonne depuis 2002 l’enseignement de négociation à l’ENA.</span></em></p>Des promotions « Cyrano de Bergerac » à « Molière » en passant par « Senghor », qu’ai-je appris au cours des 20 années écoulées sur l’ENA, qui puisse contribuer à la réflexion sur sa suppression ?Aurélien Colson, Professeur de science politique et directeur de l'Institut de recherche et d'enseignement sur la négociation, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.