tag:theconversation.com,2011:/us/topics/nouvelles-technologies-20827/articlesnouvelles technologies – The Conversation2024-03-04T17:01:32Ztag:theconversation.com,2011:article/2238832024-03-04T17:01:32Z2024-03-04T17:01:32ZPourra-t-on imprimer en 3D de la peau pour soigner les grands brûlés ?<p>En France, chaque année, <a href="https://crh.cgos.info/informations/les-soins-aux-grands-brules-une-prise-en-charge-multidisciplinaire-en-france">plus de 400 000 personnes se brûlent</a> et pour 9 000 d’entre elles, ces brûlures sont graves. Quelle que soit la cause (un liquide ou un objet chaud, électricité, flammes, produits chimiques ou encore exposition aux rayons UV), ces brûlures entraînent une lésion importante de la barrière cutanée, rendant les grands brûlés particulièrement sensibles aux infections.</p>
<p>En effet, la peau, organe le plus étendu du corps humain, est aussi la première ligne de défense contre les bactéries et virus. Le tissu cutané est composé de trois couches : l’épiderme, le derme et l’hypoderme (de l’extérieur vers l’intérieur de notre corps). L’épiderme, constitué de plusieurs couches de kératinocytes (cellules de peau), constitue l’enveloppe externe de la peau. C’est une couche en renouvellement permanent qui constitue le premier rempart contre les agressions extérieures : on parle de barrière cutanée. Le derme, quant à lui, est un tissu vascularisé qui confère résistance et élasticité à la peau via les fibres de collagène et d’élastine, fabriquées par des cellules appelées fibroblastes.</p>
<p>Dans le cas des grands brûlés, la perte de la barrière cutanée entraîne une perte de liquide et de chaleur ainsi qu’un risque d’infection plus important.</p>
<p>Le traitement traditionnel des brûlures profondes consiste à les recouvrir avec une peau saine prélevée sur une autre partie du corps : c’est l’autogreffe. Cette intervention ne pose pas de difficulté technique particulière, cependant, dans le cas de brûlures très étendues sur le corps, le problème vient du fait qu’il n’y a pas suffisamment de peau saine à prélever pour recouvrir l’ensemble des zones brûlées.</p>
<h2>Fabriquer de la peau en laboratoire</h2>
<p>Les chercheurs se sont donc tournés vers l’ingénierie tissulaire pour fabriquer du tissu cutané en laboratoire. La technique d’ingénierie tissulaire classique repose sur la croissance in vitro de cellules associées à un échafaudage (matériau poreux biocompatible). Pour faire simple, des cellules saines sont prélevées chez le patient puis mises en culture et en multiplication afin d’en obtenir un nombre suffisant pour l’ensemencement sur l’échafaudage. Enfin, les cellules ensemencées sont mises à maturer <a href="https://www.biotechrep.ir/article_68655_2898e38db1045ade18e39d8641fa35c3.pdf">jusqu’à formation du tissu biologique</a>.</p>
<p>Cette technique peut, néanmoins, présenter des limitations car la distribution spatiale des cellules ensemencées reste difficile à contrôler, notamment lorsque plusieurs types cellulaires sont utilisés dans une même structure.</p>
<p>En réaction, depuis plusieurs années, la <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10853-019-04259-0">bioimpression</a> apparaît comme une nouvelle technique d’ingénierie tissulaire permettant de produire des tissus biologiques de manière plus précise (donc des tissus plus fonctionnels), reproductible et automatisée.</p>
<h2>La bioimpression 3D</h2>
<p>En effet, grâce à la bio-impression 3D, des chercheurs ont pu créer des structures de peau en trois dimensions par remplissage, couche par couche, d’une encre biologique contenant des cellules de peau humaine (kératinocytes et fibroblastes) suspendues dans un gel.</p>
<p>En réalité, la bio-impression 3D diffère peu de l’impression 3D ou fabrication additive utilisée dans le secteur de l’industrie par exemple. Sa spécificité vient du fait que les bio-imprimantes appliquent des couches de biomatériaux (la bio-encre), qui peuvent contenir des cellules vivantes, pour créer des structures complexes telles que des tissus de la peau.</p>
<p>Dans le cas des grands brûlés, l’objectif est d’utiliser des cellules du patient afin d’éviter tout potentiel rejet de greffe.</p>
<p>La bio-encre se compose de deux parties distinctes : une matrice et les cellules d’intérêts prélevées chez le patient. La matrice doit permettre aux cellules de vivre, se développer et s’organiser. Elle est en général composée d’hydrogels biocompatibles comme l’alginate (polymère issu des algues brunes), la gélatine et la fibrine (protéines) ou encore le collagène (protéine qui favorise l’adhésion cellulaire). Les cellules d’intérêt, fibroblastes et kératinocytes, sont quant à elles isolées à partir d’une biopsie d’un tissu sain du patient.</p>
<p>Une fois la bio-encre formulée, la fabrication de peau par bio-impression 3D nécessite différentes étapes que sont la conception assistée par ordinateur (CAO) de l’architecture du tissu à imprimer et la bio-impression en elle-même. Lors de l’étape de conceptualisation, la CAO, il faut définir l’organisation spatiale de l’ensemble des constituants des tissus (en s’inspirant de l’organisation du tissu observé par imagerie par exemple) et les paramètres d’impression des bio-encres (hauteur des couches de biomatériaux, vitesse d’impression…).</p>
<p>Vient ensuite l’étape d’impression automatisée de la peau par l’imprimante qui diffère selon la technologie utilisée. Il existe trois technologies principales : l’impression par laser, la technique de la microextrusion et la technologie jet d’encre, chacune ayant des avantages et des inconvénients.</p>
<p>La technique du jet d’encre est fortement inspirée de l’impression 2D sur papier. Le principe repose sur l’éjection de microgoutelettes de bio-encre grâce à un procédé thermique ou piézoélectrique. Dans le premier cas, une impulsion thermique entraîne la formation d’une poche de vapeur qui engendre l’éjection de gouttelettes d’encre par pression. Dans le second procédé, une tension appliquée à un cristal piézoélectrique entraîne une déformation mécanique qui va comprimer le réservoir d’encre et permettre l’éjection de gouttelettes.</p>
<p>La technique de microextrusion utilise deux têtes d’impression (microseringues), l’une dépose des couches d’un hydrogel et l’autre des cellules, en alternance. Ces constituants sont poussés mécaniquement à travers les seringues à l’image de la gouache sortant de son tube.</p>
<p>Enfin, l’impression laser est la plus récente. Cette fois, l’encre est étalée sur une lamelle de verre. Un laser vient frapper celle-ci et émettre des impulsions (de l’ordre de la nanoseconde) qui, absorbées par l’encre, permettent de détacher des microgoutelettes. Cette technologie est très précise car elle permet de contrôler le placement de la goutte à l’échelle de la cellule. De plus, elle offre la meilleure viabilité pour les cellules (95 % environ).</p>
<h2>Vers une utilisation à l’hôpital ?</h2>
<p>Suite à l’impression, le tissu imprimé est soumis à une phase de maturation où le tissu évolue tout seul dans un milieu de culture. Cette phase permet aux cellules de s’auto-organiser jusqu’à faire émerger des fonctions biologiques spécifiques en vue d’une greffe. En fait, l’étape de maturation a pour objectif de transformer un tissu vivant passif en un tissu vivant actif.</p>
<p>Cette étape de maturation est réglementée par le statut de médicament de thérapie innovante qui est contraignant.</p>
<p>Finalement, une fois la peau obtenue, il reste à la greffer sur le patient… Ce rêve n’est plus très loin. En effet, la société Poietis, spécialiste français de la bio-impression 3D par laser a installé fin 2021 la <a href="https://poietis.com/poietis-and-assistance-publique-hopitaux-de-marseille-ap-hm-annouce-the-first-installation-of-a-3d-bioprinting-platform-for-manufacturing-implantable-biological-tissues-in-hospitals/">première plate-forme de bio-impression 3D</a> pour la fabrication de tissus biologiques implantables à l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille. Les premiers essais cliniques sont en cours.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Coralie Thieulin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La bioimpression de peau est une technique prometteuse qui pourrait aider les grands brûlés qui ne peuvent pas bénéficier d’autogreffe.Coralie Thieulin, Enseignant chercheur en physique à l'ECE, docteure en biophysique, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2218052024-01-23T16:38:03Z2024-01-23T16:38:03ZIl y a 40 ans, le premier Macintosh d’Apple : l’expérience utilisateur comme innovation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570938/original/file-20240123-19-88x9j0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2047%2C1363&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 1er Macintosh a été présenté le 24 janvier 1984.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mwichary/2179402603/in/photolist-4jA1sX-5xyQnU-cW6GSY-xJSq61-UDonFr-VCgaHQ-vrRi8L-atodWa-2ntaUh6-Pogq7-parskb-Giixaa-e7jHSE-7cXf3L-Tjc7M-e6aQnQ-GtJ5K-2pqy4Xb-6z5XRo-63FWHY-2nWo5Fe-5ZkeiW-QfcWhm-63FVyj-2kGbdUZ-5UFnvW-6r1K1T-5HXpik-HpdyXR-atB8CB-4nnkNJ-8tqgkd-mGXCwS-dh33RF-UqEC5L-FtFUYY-jsyiTL-Em3Ezy-9cLyER-63BE9k-pcpDx-8RbXWg-FZ2W6Q-GoTb62-Gp9jDV-XpGWiY-FtBnp2-FYQWZq-KKiCe-8g5iGp">Marcin Wichary/FlickR</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>L’innovation technologique exige de résoudre des problèmes techniques difficiles… mais pas que ! Le Macintosh d’<a href="https://theconversation.com/topics/apple-20332">Apple</a> fête ses 40 ans, et son concept mou d’« expérience utilisateur », priorité de la marque dans son produit phare de 1984, est, aujourd’hui, clairement devenu la clef du succès de tous les produits que la firme a fabriqués depuis. Penser les objets pour leur facilité d’utilisation, leur efficacité, leur accessibilité, leur élégance et le plaisir de les utiliser a été un choix payant. La capitalisation boursière d’Apple avoisine aujourd’hui les 3 000 milliards de dollars (l’équivalent du PIB de la France), et sa marque est associée au terme <em>design</em> au même titre que les plus prestigieuses maisons de couture de New York ou de Milan. Apple a fait de la <a href="https://theconversation.com/topics/technologies-21576">technologie</a> une mode, et ce grâce à l’expérience utilisateur.</p>
<p>Tout a commencé avec le Macintosh. La <a href="https://invention.si.edu/remembering-apple-s-1984-super-bowl-ad">publicité télévisée</a> qui présentait cet ordinateur personnel lors du Super Bowl XVIII, le 22 janvier 1984, ressemblait davantage à une bande-annonce de film surfant sur un imaginaire orwellien (on est en 1984) qu’à un lancement de technologie. Le spot avait d’ailleurs été réalisé par le cinéaste Ridley Scott. Le fondateur <a href="https://theconversation.com/topics/steve-jobs-21679">Steve Jobs</a> savait bien qu’il ne vendait pas seulement de la puissance de calcul, du stockage ou une solution d’édition informatique. Il vendait plutôt un produit destiné à être utilisé par des êtres humains, installé à leur domicile et qui intègrerait leur vie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2zfqw8nhUwA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Spot publicitaire présentant le Macintosh lors du Superbowl le 22 janvier 1984.</span></figcaption>
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<p>Il ne s’agissait plus d’informatique. IBM, Commodore et Tandy faisaient de l’informatique. En tant que spécialiste de l’interaction personne-machine, je pense que le premier Macintosh a permis aux humains de se sentir à l’aise avec une nouvelle extension d’eux-mêmes, non pas en tant qu’amateurs d’informatique, mais en tant que personnes ordinaires. Tous les « trucs informatiques » – circuits, fils, cartes mères et écrans séparés – étaient soigneusement emballés et cachés dans une boîte intégrée élégante. Vous n’étiez pas censé fouiller dans cette boîte, et vous n’aviez pas besoin de le faire, pas avec le Macintosh. L’utilisateur lambda ne pensait pas plus au contenu de cette boîte qu’il ne pensait aux coutures de ses vêtements. Au lieu de cela, il se concentrait sur les <a href="https://doi.org/10.1016/j.intcom.2010.04.002">sensations</a> que lui procurait cette boîte.</p>
<h2>Quelle innovation ?</h2>
<p>Alors que les ordinateurs disposaient généralement de séquences d’entrée complexes sous forme de commandes à saisir (Unix, MS-DOS) ou de souris à boutons multiples (Xerox STAR, Commodore 64), le Macintosh utilise une métaphore de bureau dans laquelle l’écran de l’ordinateur est une représentation de la surface physique d’un bureau. Les utilisateurs pouvaient cliquer directement sur les fichiers et les dossiers du bureau pour les ouvrir. Il disposait également d’une souris à un seul bouton qui permettait aux utilisateurs de cliquer, de double-cliquer et de glisser-déposer des icônes sans avoir à taper de commandes.</p>
<p>Néanmoins, si le Macintosh était innovant dans le paysage des ordinateurs, ce n’était pas pour une avancée informatique particulière. Il n’a en fait pas été le premier ordinateur à disposer d’une interface utilisateur graphique ou à utiliser la <a href="https://everest-pipkin.com/writing/beautiful_house.pdf">métaphore du « bureau »</a> : icônes, fichiers, dossiers, fenêtres… C’est le <a href="https://spectrum.ieee.org/xerox-alto">Xerox Alto</a> qui avait présenté pour la première fois le concept d’icônes, inventé par David Canfield Smith en 1975 dans sa <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-0348-5744-4">thèse doctorale</a>. Le <a href="http://dl.acm.org/citation.cfm?id=66893.66894">Xerox Star</a> de 1981 et l’<a href="https://doi.org/10.1145/242388.242405">Apple Lisa</a> de 1983 ont utilisé des métaphores de bureau. Mais ces systèmes étaient lents à utiliser et encore encombrants dans de nombreux aspects de leur conception de l’interaction.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570933/original/file-20240123-27-jwdv0w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le Xerox Alto, premier ordinateur à avoir utilisé le concept d'icônes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mratzloff/9171564932/in/photolist-LbLGD-h39teX-Gqyh5F-KkUfr-2pkj63Q-9ZndQ6-h38guZ-eYsEHS-4v4yGN-2uGLv5-Ck3ny-D5Vun-PK6fT4-58g9Zo-eYsE5m-925Uhm-gTKRYv-QpCquu-7jJCmF-7BXecR-aUWiR6-2ibJT7m-4BAbWQ-89hT9a-4U3UyS-6jBw9-pQpmYm-4eZpiM-udyCG-6u47Um-quap7k-FEdsU9-47nc3N-c1u6Xb-2nsKkWk-2DUu4N-47nc3S-m3Fvy-7YbKWz-4cQRsC-2nt16Vd-9eWvxn-72p9X5-23ocSxm-eYsEr7-kDMCzy-2nKnweC-5mDtZb-766CEE-p5HSNr">Matthew Ratzloff/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le Macintosh n’était pas le premier ordinateur personnel destiné à une utilisation domestique, bureautique ou éducative. Il n’a pas été le premier ordinateur à utiliser une souris. Ce n’était même pas le premier ordinateur d’Apple à avoir l’une de ces caractéristiques. L’Apple Lisa, sorti un an plus tôt, les possédait tous.</p>
<p>Le Macintosh n’a pas été le premier à faire une chose technique en particulier. Mais le Macintosh a rassemblé de nombreuses avancées qui visaient à donner aux gens un accessoire. Il n’était pas destiné aux geeks ou aux techno-hobbyistes, mais aux mères et pères de famille, aux élèves de quatrième qui l’utilisaient pour rédiger des documents, éditer des feuilles de calcul, faire des dessins et jouer à des jeux. Le Macintosh a révolutionné l’industrie de l’informatique personnelle et tout ce qui allait suivre, car il mettait l’accent sur une expérience utilisateur satisfaisante et simplifiée.</p>
<p>Le Macintosh a simplifié les techniques d’interaction nécessaires à l’utilisation d’un ordinateur tout en proposant des vitesses de fonctionnement raisonnables. Les commandes complexes du clavier et les touches dédiées ont été remplacées par des opérations de pointer-cliquer, des menus déroulants, des fenêtres et des icônes pouvant être déplacées, ainsi que des fonctions d’annulation, de coupe, de copie et de collage à l’échelle du système. Contrairement au Lisa, le Macintosh ne pouvait exécuter qu’un seul programme à la fois, mais cela simplifiait l’expérience de l’utilisateur.</p>
<p>Le Macintosh a également fourni une boîte à outils d’interface utilisateur à destination des développeurs d’applications. Cela a permis aux programmes d’avoir une apparence et une sensation standard en utilisant des widgets d’interface communs, boutons, menus, polices, boîtes de dialogue, fenêtres… Avec le Macintosh, la courbe d’apprentissage des utilisateurs s’est aplatie, ce qui leur a permis de devenir rapidement compétents. L’informatique, comme les vêtements, était désormais à la portée de tous.</p>
<h2>À l’origine d’une obsession</h2>
<p>Bien que j’hésite à utiliser les termes « naturel » ou « intuitif » lorsqu’il s’agit de mondes fabriqués sur un écran – personne ne naît en sachant ce qu’est une fenêtre de bureau, un menu déroulant ou un double-clic – le Macintosh a été le premier ordinateur personnel à faire de l’expérience de l’utilisateur le moteur de l’accomplissement technique. Il était en effet <a href="https://www.computerhistory.org/revolution/personal-computers/17/303">simple à utiliser</a>, surtout par rapport aux ordinateurs à ligne de commande de l’époque.</p>
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<figcaption><span class="caption">Steve Jobs présente le Macintosh.</span></figcaption>
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<p>Alors que les systèmes précédents privilégiaient les capacités techniques, le Macintosh était destiné aux utilisateurs non spécialisés – au travail, à l’école ou à la maison – pour qu’ils fassent l’expérience d’une sorte de convivialité prête à l’emploi qui est aujourd’hui la marque de fabrique non seulement de la plupart des produits Apple, mais aussi de toute une industrie d’électronique grand public, d’appareils intelligents et d’ordinateurs de toutes sortes.</p>
<p>Selon le cabinet d’études <em>Market Growth Reports</em>, les entreprises spécialisées dans la fourniture d’outils et de services d’expérience utilisateur valaient <a href="https://www.marketgrowthreports.com/global-user-experience-ux-market-26446759">548,91 millions de dollars en 2023</a> et devraient atteindre 1,36 milliard de dollars d’ici 2029. Les entreprises spécialisées du secteur fournissent des logiciels permettant de mener des tests de convivialité, connaître les utilisateurs, ou de développer les initiatives émanant du client.</p>
<p>Aujourd’hui, il est rare que les produits de consommation réussissent sur le marché sur la base de leur seule fonctionnalité. Les consommateurs attendent une bonne expérience utilisateur et sont prêts à <a href="https://doi.org/10.1111/j.1948-7169.2006.tb00027.x">payer le prix fort</a> pour cela. Le Macintosh est à l’origine de cette <a href="https://biztechmagazine.com/article/2019/01/original-apple-macintosh-revolutionized-personal-computing">obsession</a> et a démontré sa centralité.</p>
<p>Il est ironique de constater que la technologie Macintosh qui fête ses 40 ans en janvier 2024 n’a jamais vraiment été une question de technologie. Il a toujours été question de personnes. C’est une source d’inspiration pour ceux qui cherchent à réaliser la prochaine percée technologique, et un avertissement pour ceux qui considèrent que l’expérience de l’utilisateur n’est qu’une préoccupation secondaire dans l’innovation technologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221805/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deux de ses doctorants ont reçu une bourse Apple Ph.D. AI/ML. Ce financement ne soutient pas l'auteur personnellement, mais soutient deux de ses étudiants en doctorat. Ils ont obtenu ces bourses par le biais de soumissions concurrentielles à Apple sur la base d'un appel d'offres ouvert.</span></em></p>Le Macintosh présenté par Steve Jobs le 24 janvier 1984 ne présentait pas d’innovations technologiques particulières : l’expérience utilisateur était pour la première fois érigée en priorité numéro 1.Jacob O. Wobbrock, Professor of Information, University of WashingtonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2208552024-01-22T15:31:20Z2024-01-22T15:31:20ZIA : Comment votre médecin saura quand il peut lui faire confiance pour ses diagnostics<p>L’intelligence artificielle (IA) <a href="https://crh.cgos.info/informations/l-intelligence-artificielle-a-l-hopital-au-service-des-patients-et-des-agents">commence</a> déjà à être utilisée dans certains hôpitaux. Cependant, nombre de professionnels de la santé <a href="https://www.washingtonpost.com/technology/2023/08/10/ai-chatbots-hospital-technology/">sont encore sceptiques</a> quant à l’adoption généralisée de l’IA dans un contexte clinique.</p>
<p>La question du degré de confiance qu’un médecin peut avoir dans une IA qui l’aide à prendre des décisions médicales – pour poser par exemple un diagnostic ou choisir un traitement – est donc centrale. Dans cette optique, <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-023-02562-7">plusieurs</a> <a href="https://www.nature.com/articles/s42256-018-0004-1">chercheurs</a> ont appelé ces dernières années à ce que l’incertitude des prédictions des IA soit estimée et fournie aux médecins.</p>
<h2>Les IA expérimentées à l’hôpital</h2>
<p>Le recours à l’IA par les médecins comme outil de travail a certainement le potentiel de révolutionner la prise en charge des patients.</p>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/peut-on-deja-faire-confiance-a-lia-pour-diagnostiquer-un-cancer-197180">aide au diagnostic</a> de divers cancers, comme celui du poumon ou des seins, est ainsi un domaine de recherche très <a href="https://theconversation.com/how-ai-could-dramatically-improve-cancer-patients-prognosis-216713">prometteur</a>, car l’IA se révèle parfois plus précise et rapide qu’un médecin, par exemple pour établir le stade du cancer ou le localiser.</p>
<p>Certaines IA sont déjà présentes sur le terrain. Depuis quelques années, dans divers hôpitaux américains, des <a href="https://journals.lww.com/ccejournal/fulltext/2023/07000/epic_sepsis_model_inpatient_predictive_analytic.8.aspx">IA signalent</a>, en routine, aux médecins et infirmiers les patients qui montrent les premiers signes de <a href="https://theconversation.com/maladies-infectieuses-de-nouveaux-resultats-eclairent-les-mecanismes-de-la-septicemie-197290">septicémie</a>, une <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/sepsis-septicemie">réponse inflammatoire généralisée associée à une infection grave</a> qui est souvent mortelle.</p>
<p>L’IA est aussi expérimentée dans les centres hospitaliers universitaires (CHU) à travers la France, par exemple pour améliorer la <a href="https://www.chu-bordeaux.fr/Espace-m%C3%A9dia/Actualit%C3%A9s/Actualit%C3%A9-2021/MARS-BLEU-:-l-intelligence-artificielle-s-invite-en-endoscopie-digestive/">détection de lésions cancéreuses lors d’endoscopies digestives</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un sujet d’autant plus important que les conséquences des erreurs de diagnostic peuvent être désastreuses. Aux États-Unis, les diagnostics erronés ou retardés causent près de <a href="https://www.statnews.com/2023/07/21/misdiagnoses-cost-the-u-s-800000-deaths-and-serious-disabilities-annually-study/">800 000 morts et handicaps sévères</a> par an, ce qui pourrait correspondre à un coût de près de $ 100 milliards <a href="https://www.statnews.com/2023/07/21/misdiagnoses-cost-the-u-s-800000-deaths-and-serious-disabilities-annually-study/">selon certaines estimations</a>.</p>
<p>En accélérant et en améliorant le diagnostic des patients, les IA pourraient donc jouer un rôle déterminant. Néanmoins, bien que les IA soient très prometteuses, de nombreuses raisons freinent leur déploiement massif dans les hôpitaux.</p>
<p>Au-delà des considérations de coût ou de formation des personnels, la question de la confiance en ces algorithmes est cruciale. Ce manque de confiance pourrait être en partie pallié par une <a href="https://www.nature.com/articles/s42256-018-0004-1">quantification des incertitudes</a> de prédiction des IA. Chaque IA devrait alors fournir, en plus de son diagnostic, une indication sur son incertitude. Ainsi, le médecin pourra décider en connaissance de cause s’il peut faire confiance à l’IA ou si des examens complémentaires sont nécessaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-deja-faire-confiance-a-lia-pour-diagnostiquer-un-cancer-197180">Peut-on déjà faire confiance à l'IA pour diagnostiquer un cancer ?</a>
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<h2>De nombreuses sources d’incertitudes</h2>
<p>Cependant, quantifier l’incertitude ou le degré de confiance que l’on peut avoir dans la prédiction d’une IA n’est pas aisé et c’est un domaine actif de recherche. En effet, <a href="https://doi.org/10.1016/j.compbiomed.2023.107441">plusieurs sources</a> d’incertitudes se combinent et doivent être prises en compte.</p>
<p>Généralement, l’IA se sert de données comme, entre autres, des radiographies ou des résultats de bilans sanguins, pour fournir une prédiction, qui peut être par exemple un diagnostic, un pronostic ou encore un traitement à suivre. Pour ce faire, l’IA est entraînée sur des données d’anciens patients, avant d’être utilisée par le médecin pour l’aider au diagnostic ou à l’établissement du pronostic de nouveaux patients.</p>
<p>Les incertitudes peuvent donc provenir des données elles-mêmes, qui peuvent être incomplètes ou erronées, par exemple à cause d’erreurs de saisie. Les incertitudes de mesure, liées aux imprécisions des instruments de mesure, tels les IRM ou les échographes, sont également à considérer.</p>
<p>Elles peuvent aussi être dues à la variabilité intrinsèque entre les patients. Ainsi, des <a href="https://doi.org/10.1038/clpt.2010.96">différences</a> physiologiques et génétiques entre patients font que certains vont guérir suite à l’administration de chimiothérapie, et d’autres non.</p>
<p>De surcroît, la typologie des patients peut évoluer : les IA peuvent être entraînées sur des patients potentiellement différents de ceux sur lesquels elles vont être utilisées en conditions réelles, ce qui peut engendrer une diminution de la qualité des prédictions.</p>
<p>Par exemple, pendant la pandémie de Covid-19, à cause de la modification des types de patients hospitalisés, des IA <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMc2104626">n’arrivaient plus</a> à signaler correctement les patients atteints de septicémie. Il s’agit ici d’un exemple évocateur où, du fait d’une évolution des patients, l’IA aurait dû afficher une plus grande incertitude dans ses prédictions.</p>
<p>Enfin, le <a href="https://www.nature.com/articles/s42256-018-0004-1">manque de connaissance</a> lié à des lacunes dans la compréhension des mécanismes fondamentaux qui régissent les sciences médicales et le fait qu’un modèle est par définition imparfait, est une source d’incertitude à part entière.</p>
<h2>Quantifier le degré de confiance de la prédiction</h2>
<p>Plusieurs approches de quantification de l’incertitude de la prédiction d’une IA existent. La plus simple consiste à estimer une <a href="https://www.nature.com/articles/s41746-020-00367-3">valeur</a> qui donne directement une indication sur la confiance de l’IA. À titre d’illustration, cela pourrait correspondre à la probabilité que le patient soit atteint d’une maladie. Plus la probabilité est élevée, plus on peut faire confiance au diagnostic.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/s41591-023-02562-7">Certaines méthodes</a> fournissent aussi un ensemble de diagnostics possibles, chacun étant associé à une probabilité. <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-023-02562-7">Par exemple</a>, une IA pourrait diagnostiquer l’origine de maux de tête d’un patient comme étant des migraines avec une probabilité de 50 % ou un accident vasculaire cérébral (AVC) avec une probabilité de 20 %. Le médecin aura alors moins confiance dans le diagnostic de migraine que si sa probabilité avait été de 98 % et celle d’un AVC de moins de 1 %.</p>
<p>Cependant, avoir une simple valeur qui décrit à elle seule l’incertitude de la prédiction n’est parfois pas suffisant, son estimation n’étant pas toujours fiable.</p>
<p>D’autres approches visent ainsi à quantifier également la <a href="https://www.nature.com/articles/s41746-020-00367-3">stabilité</a> de la prédiction à travers l’estimation d’intervalles ou zones de confiance, ou encore de distributions de probabilité. Ainsi, plus la zone de confiance est large, ou plus la distribution de probabilité est étalée, plus la prédiction de l’IA est incertaine et plus le médecin devra se montrer prudent, et potentiellement recourir à des examens supplémentaires.</p>
<h2>Accompagner les médecins dans la prise de décision</h2>
<p>Une fois l’incertitude quantifiée, encore faut-il la communiquer efficacement au médecin. Une visualisation claire et informative des incertitudes est donc primordiale.</p>
<p>On peut prendre en exemple la représentation des projections des résultats des élections présidentielles américaines de 2020 dans un <a href="https://news.stanford.edu/2021/03/19/honesty-statistical-models/">journal américain</a> lors du dépouillement – qui a duré plusieurs jours. Des statisticiens ont collaboré avec les journalistes pour représenter les incertitudes du nombre de votes pour chaque candidat sous forme de dégradé de couleur : plus la couleur est foncée, plus le nombre de votes estimé par l’IA est incertain.</p>
<p><a href="https://www.nature.com/articles/s41746-020-00367-3">Certains chercheurs</a> recommandent aussi que l’algorithme puisse dire « je ne sais pas » quand la prédiction est trop incertaine, ce qui indiquerait au médecin qu’une évaluation plus approfondie du patient est nécessaire. Un <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-023-02437-x">modèle récent</a>, qui s’inscrit dans ce paradigme, permet en théorie de diminuer de 25 % les faux positifs dans le contexte de diagnostics de cancer du sein (on parle de faux positifs quand une anomalie est constatée à la mammographie alors qu’il n’y a en fait aucun cancer), tout en réduisant de 66 % la charge de travail des médecins. Des tests en conditions cliniques seront néanmoins nécessaires pour confirmer ces résultats très encourageants.</p>
<h2>Vers une généralisation des IA à l’hôpital</h2>
<p>Quantifier et communiquer l’incertitude des prédictions des IA aux médecins est nécessaire pour qu’ils puissent prendre des décisions éclairées sur le traitement de leurs patients. Pour que l’IA soit adoptée de façon généralisée et pérenne, ces démarches devront en outre être intégrées à un ensemble plus large d’<a href="https://theconversation.com/peut-on-faire-confiance-aux-ia-148867">actions</a> visant à améliorer la confiance en ces IA, tel qu’améliorer la compréhension de leur fonctionnement ou des garanties sur la protection de la vie privée.</p>
<p>De nombreuses questions restent donc ouvertes, même si les nombreux résultats prometteurs récents laissent penser qu’une révolution dans la prise en charge des patients est déjà amorcée.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/Projet-ANR-20-NEUC-0003">« Q-Func Appel à projets franco-américains en neurosciences computationnelles 2020 »</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220855/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>La thèse de Hanâ Lbath a été financée par l'ANR.</span></em></p>À l'hôpital, des projets sont menés pour utiliser l'IA afin d'aider le médecin à poser ses diagnostics et décider des traitements. Mais le degré d'incertitude des prédictions doit être pris en compte.Hanâ Lbath, Docteure en Mathématiques et Informatique, InriaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2197472023-12-17T15:41:19Z2023-12-17T15:41:19ZDe l’eau propre grâce au soleil<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566264/original/file-20231218-17-1rampl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On peut dégrader les polluants organiques dans l'eau grâce à l'énergie du soleil et des photocatalyseurs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/bulles-remontant-sur-un-plan-deau-79mNMAvSORg">Jong Marshes, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La contamination des ressources en eau par les micropolluants organiques constitue une préoccupation croissante à l’échelle mondiale, posant des défis significatifs pour la qualité de l’eau et la santé humaine.</p>
<p>Ces micropolluants organiques, tels que les pesticides, les produits pharmaceutiques et les composés organiques persistants, sont <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Plan_micropolluants_def_light.pdf">souvent détectés en concentrations infimes dans l’eau</a> (microgrammes, voir nanogrammes, par litre), mais même à ces concentrations leur impact sur les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2213343722004717">écosystèmes aquatiques</a> et sur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36583313/">santé publique</a> est avéré.</p>
<p>Le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160412009001494">réchauffement climatique aggrave la situation</a>, car les variations de température, les changements de régimes hydrologiques et les phénomènes météorologiques extrêmes peuvent affecter la mobilité de ces substances et entraîner une augmentation de leur concentration dans les réservoirs d’eau.</p>
<p>Les technologies conventionnelles de traitement des eaux usées utilisées dans les stations de traitement des eaux usées (STEU) peuvent se révéler insuffisantes pour éliminer ces substances. Les stations de traitement contribuent donc à la dispersion de ses substances dans l’environnement.</p>
<p>Face à cette réalité, il devient impératif de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28104517/">développer de nouveaux procédés de traitement de l’eau capables d’éliminer efficacement les micropolluants organiques</a>. Des approches innovantes – par exemple, l’utilisation de technologies d’oxydation avancée (TOA), d’adsorption sur charbon actif ou de séparation membranaire – sont nécessaires pour relever le défi croissant de la contamination par les micropolluants.</p>
<h2>Les technologies d’oxydation avancées</h2>
<p>Les TOA, tels que le procédé d’ozonation et les procédés de photo-oxydation, ont l’avantage d’une destruction non sélective des contaminants organiques, qu’ils soient biotiques (bactérie, agents pathogènes) ou abiotiques (pesticides, produits pharmaceutiques), et <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/rseau/2009-v22-n4-rseau3478/038330ar/">répondent donc parfaitement la problématique posée par les micropolluants</a>.</p>
<p>Elles consistent à produire des espèces chimiques extrêmement réactives (appelées « radicalaires » ou « radicaux hydroxyles »), qui sont capables de rompre les liaisons carbone-carbone qui constituent les différentes substances organiques. Ce processus mène à la dégradation des polluants sous forme de dioxyde de carbone, d’eau et de sels : on parle de minéralisation.</p>
<p>Parmi les TOA, certains procédés convertissent l’énergie lumineuse en énergie chimique pour oxyder et dégrader les molécules organiques – on dit que ce sont des <a href="https://new.societechimiquedefrance.fr/wp-content/uploads/2019/12/2015-397-398-juin-juillet-p78-hermann_hd.pdf">procédés photo-oxydatifs</a>. Dans le cas de la photocatalyse hétérogène, les photons sont captés par un matériau photosensible tel que les photocatalyseurs (dioxyde de titane, oxyde de zinc par exemple). Ils induisent la formation de charges à la surface du catalyseur, qui initient la production d’espèces radicalaires via des processus d’oxydo-réduction.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/eQbs6FVVRk4?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment traiter nos eaux par voie solaire ? (UVED).</span></figcaption>
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<p>Les technologies de photo-oxydation devraient permettre d’exploiter la lumière du soleil pour dégrader des contaminants. Des installations de type « photo-réacteurs solaires » sont toujours en développement en laboratoire. Le but est d’optimiser les rendements, et aussi de voir comment obtenir des coûts environnementaux et énergétiques (en fonctionnement) les plus bas possibles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="photoréacteur avec des tubes transparents et une cuve" src="https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/565733/original/file-20231214-27-9i9vp1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Photo-réacteur solaire tubulaire de deux mètres carrés, couplé à une cuve de stockage de 300 litres, développé par le laboratoire PROMES.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.promes.cnrs.fr/wp-content/uploads/2021/04/IMGP3469.jpg">Promes, CNRS</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
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<p>Par exemple, des recherches ont été conduites pour évaluer les capacités de photo-réacteurs solaires pour la décontamination des eaux usées issues d’établissements hospitaliers (<a href="https://interreg-sudoe.eu/fra/projets/les-projets-approuves/163-residus-medicamenteux-dans-les-rejets-d-etablissements-pour-personnes-agees-ehpad-et-residences-seniors-risques-outils-d-analyse-innovants-et-procedes-de-traitements-durables">produits pharmaceutiques</a>), des effluents agricoles (<a href="https://iwra.org/congress/2008/resource/authors/abs221_article.pdf">résidus de biocides</a>), la remédiation de nappe phréatique (<a href="https://theses.hal.science/tel-01236848v1/preview/These_Miguet_Marianne_2015.pdf">résidus de solvants comme le trichloroéthylène</a>), mais également le traitement des eaux usées pour des usages agricoles (irrigation) ou <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35753265/">industriels</a>.</p>
<p>Pour envisager le déploiement de ces technologies, il est nécessaire d’intensifier les performances des photo-réacteurs solaires et d’optimiser l’utilisation de la ressource solaire.</p>
<h2>La ressource solaire disponible pour la photo-oxydation</h2>
<p>L’<a href="https://www.promes.cnrs.fr/promes/presentation-generale/">exploitation de la ressource solaire</a> constitue en effet un enjeu majeur dans le contexte climatique, énergétique et environnemental mondial actuel afin d’assurer la transition énergétique. Pour cela, on cherche à mettre en œuvre des technologies durables, à <a href="https://www.uved.fr/fileadmin/user_upload/Documents/pdf/Transcriptions/MOOC_UVED_ENR_Transcription_Blanc_Ressources-solaires.pdf">faible coût énergétique</a>, en fonctionnement, grâce à la ressource solaire.</p>
<p>Cette ressource solaire est variable (à cause des nuages, de l’alternance jour-nuit et des saisons…). Quand on cherche à produire de l’électricité (photovoltaïque), c’est un écueil, car il est coûteux de stocker l’électricité produite jusqu’au moment où on en a besoin.</p>
<p>En revanche, pour le traitement de l’eau, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0920586107000478">contaminants peuvent être stockés</a> par adsorption sur des colonnes de charbons ou dans des bassins de rétention d’eau usée, en attendant que le soleil brille.</p>
<p>Ainsi, pour développer des installations solaires de dépollution de l’eau, on conçoit leur capacité de fonctionnement à l’échelle de l’année, ou on optimise leur capacité afin de répondre à des besoins ponctuels – saisonniers par exemple pour les zones touristiques.</p>
<p>Enfin, le rayonnement solaire se répartit en trois grandes familles de longueurs d’onde : le rayonnement ultraviolet, visible et infra rouge. Les photo-catalyseurs actuellement disponibles sur le marché présentent des limites en termes d’absorption du spectre solaire. Aujourd’hui, <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/procedes-chimie-bio-agro-th2/gestion-durable-des-dechets-et-des-polluants-42495210/la-photocatalyse-depollution-de-l-eau-ou-de-l-air-et-materiaux-autonettoyants-j1270/principe-de-la-photocatalyse-j1270niv10001.html">seule la plage ultraviolette – qui représente seulement 5 % du spectre solaire – est exploitable pour la photocatalyse appliquée au traitement de l’eau</a>.</p>
<p>Depuis trois décennies, des <a href="https://www.techniques-ingenieur.fr/base-documentaire/procedes-chimie-bio-agro-th2/intensification-des-procedes-et-methodes-d-analyse-durable-42493210/photocatalyse-des-materiaux-nanostructures-aux-reacteurs-photocatalytiques-nm3600/catalyse-et-photocatalyse-nm3600niv10001.html">études</a> sont menées pour améliorer les performances des matériaux photosensibles, avec pour objectif d’augmenter les rendements de photo-conversion et leur capacité à absorber le rayonnement visible (45 % du spectre solaire).</p>
<p>Dans ce contexte, les défis sont désormais d’intensifier les capacités des filières existantes, d’améliorer la qualité sanitaire des eaux et de diminuer les coûts énergétiques des installations.</p>
<p>Pour cela, l’avenir des technologies d’oxydations avancées réside dans le couplage avec d’autres procédés : des procédés biologiques (pour éliminer les polluants « biorécalcitrants », c’est-à-dire non dégradables biologiquement), des procédés membranaires (éliminer les polluants de faibles tailles, non filtrés par membrane), ou encore avec le cycle thermodynamique solaire (pour activer thermiquement les catalyseurs).</p>
<h2>Le projet Aquireuse</h2>
<p>Notre projet Aquireuse explore une filière de traitement unique en France, qui repose sur une première étape de photocatalyse solaire, suivie d’une infiltration dans un sol riche en matière organique, qui contribue à dégrader la pollution.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/filtres-plantes-de-roseaux-comment-ils-epurent-les-eaux-usees-de-la-plupart-des-petites-collectivites-en-france-209651">Filtres plantés de roseaux : comment ils épurent les eaux usées de la plupart des petites collectivités en France</a>
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<p>En effet, pour certains usages, comme la recharge avec des eaux usées traitées d’une nappe phréatique qui servira de réserve pour la production d’eau potable, l’eau doit être exempte de micropolluants.</p>
<p>La recharge de nappe phréatique par des eaux usées traitées est une pratique encore inconnue en France mais est plus répandue, par exemple en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0378377423002470">Australie</a> ou en <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1029/2020WR029292">Californie</a>. Elle permet notamment de lutter contre un phénomène qui se généralise sur les zones littorales, la <a href="https://www.brgm.fr/fr/reference-projet-acheve/simba-comprendre-phenomene-intrusion-saline-adapter-moyens-surveillance">« remontée du biseau salé »</a>. Lorsque le niveau des nappes phréatiques situées en bordure de littoral baisse du fait de prélèvements trop intensifs, l’eau de mer s’infiltre et contamine les ressources en eau douce, car l’eau rendue salée devient impropre à notre consommation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/reutilisation-des-eaux-usees-quels-sont-les-pays-les-plus-en-pointe-112984">Réutilisation des eaux usées : quels sont les pays les plus en pointe ?</a>
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<p>Dans le projet Aquireuse, un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-reportage-de-la-redaction/boire-nos-eaux-usees-traitees-on-y-vient-8671821">effluent issu d’une STEU est utilisé pour alimenter un dispositif pilote de photocatalyse solaire</a> où s’opère une première étape de dégradation totale ou partielle des micropolluants. L’effluent ainsi traité est ensuite envoyé pour une infiltration dans des sédiments où la matière organique du sol va contribuer à l’affinage du traitement en poursuivant la dégradation des micropolluants et des sous-produits issus de la photocatalyse solaire.</p>
<p>Les premiers résultats sont très prometteurs : une grande partie des micropolluants sont totalement dégradés après leur passage dans la filière de traitement. Ces résultats sont en cours de publication.</p>
<p>Une telle filière, associant un procédé durable et une solution fondée sur la nature, est un exemple d’économie circulaire pour le traitement de l’eau.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219747/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gael Plantard a reçu des financements de Projet Aquireuse, Labex Solstice, Projet Compaqui. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Julie Mendret a reçu des financements de Région Occitanie. </span></em></p>Les stations d’épuration ne permettent pas d’éliminer tous les polluants. Et si l’on se servait de l’énergie du Soleil pour rendre notre eau plus propre ?Gael Plantard, Professeur des universités en chimie des matériaux, Université de PerpignanJulie Mendret, Maître de conférences, HDR, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2193682023-12-15T13:16:13Z2023-12-15T13:16:13ZUn an après ChatGPT, l’IA générative à l’assaut des smartphones<p>Un an après l’ouverture au public de ChatGPT, l’intégration des IA génératives aux smartphones marque un nouveau tournant technologique.</p>
<p>Les « smartphones génératifs » ont fait leur début avec Google en octobre 2023 avec la sortie du <a href="https://www.clubic.com/447993-google-pixel-8.html">Pixel 8</a> et du <a href="https://www.clubic.com/447996-google-pixel-8-pro.html">Pixel 8 Pro</a>. Samsung a annoncé début novembre l’intégration de l’IA générative dans sa nouvelle gamme (Galaxy S24, Galaxy S24+, Galaxy S24 Ultra) : ils <a href="https://www.thelec.kr/news/articleView.html">devraient</a> être présentés par la firme le 17 janvier 2024, et être dotés de Gauss, un modèle d’IA générative de type chatbot développé par Samsung Research, et de <a href="https://news.samsung.com/fr/galaxy_ai_translate">Galaxy AI</a>, une autre solution d’IA.</p>
<p>Cette intégration promet des améliorations majeures en fonctionnalités et performances, redéfinissant l’interaction quotidienne des utilisateurs avec leurs appareils. Mais en promettant de générer une foison de faux contenus, elle pose également des défis éthiques, juridiques et techniques, du chaos informationnel à la sécurisation des « vraies données ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1722423560273326578"}"></div></p>
<h2>L’IA générative, des enjeux économiques et géopolitiques</h2>
<p>L’IA générative englobe des modèles capables de créer de façon autonome divers contenus tels que texte, images, code, et contenu multimédia. Ces modèles apprennent à partir de vastes ensembles de données, produisant des résultats originaux indiscernables de créations humaines.</p>
<p>Son potentiel de transformation sociétale est incontestable, avec une utilisation croissante dans des contextes professionnels, qui confrontent les individus à l’IA générative. Cela est lié en tout premier lieu au fait de son intégration par les entreprises pour améliorer leurs performances, par exemple dans l’amélioration de la <a href="https://www.forbes.fr/management/lintelligence-artificielle-dans-la-relation-client-un-equilibre-delicat/">relation client</a> ; mais aussi parce que sa maîtrise devient indispensable à l’exercice de nombreux métiers, notamment dans le paysage créatif : agences de publicité, services marketing, les entreprises numérique… et qu’elle en crée, à l’instar du nouveau métier de « prompt engineer », dont le rôle consiste à optimiser les requêtes faites au système d’intelligence artificielle afin d’obtenir une réponse la plus pertinente possible.</p>
<p>La démocratisation de l’IA générative, avec l’accessibilité de ChatGPT au grand public en novembre 2022, a conduit à une adoption massive, avec 100 millions d’utilisateurs deux mois après le lancement. Cela a suscité une attention considérable des médias et des universitaires, faisant de ChatGPT un « cas d’école » pour de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0268401223000233">nombreuses études sur ses impacts sociétaux, opportunités, défis et implications pour la recherche</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lintelligence-artificielle-va-t-elle-tuer-ou-sauver-les-medias-217736">L’intelligence artificielle va-t-elle tuer ou sauver les médias ?</a>
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<p>De façon plus large, des études ont été menées sur le potentiel économique de l’IA générative. Une <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/mckinsey-digital/our-insights/the-economic-potential-of-generative-ai-the-next-productivity-frontier">étude de Mc Kinsey Digital</a> insiste sur le levier de croissance que celle-ci représente pour les entreprises. Le marché de l’<a href="https://fr.statista.com/themes/9246/l-intelligence-artificielle/">IA générative</a> devrait atteindre en 2023 un chiffre d’affaires mondial de 42 milliards d’euros ; les analystes prévoyant une croissance moyenne de la taille du marché de l’ordre de 24 % par an (ce qui porterait un chiffre d’affaires annuel de plus de 200 milliards d’euros à l’horizon 2030).</p>
<p>L’IA générative est soutenue par de grandes entreprises telles que Microsoft, Google et Baidu, qui poursuivent aujourd’hui <a href="https://www.challenges.fr/high-tech/google-facebook-amazon-baidu-la-guerre-de-lia-est-declaree-dans-le-monde_853444">leur course au leadership</a>. Pour exemple, S. Nadella, CEO de Microsoft, annonçait le 23 janvier 2023 prévoir d’investir plusieurs milliards de dollars sur les prochaines années dans OpenAI – qui a lancé ChatGPT (10 milliards <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-microsoft-investit-10-milliards-de-dollars-dans-openai-89297.html">selon Bloomberg</a>).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564266/original/file-20231207-23-6z0inc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Investissements privés dans l’IA, par pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/29666.jpeg">Statista</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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<p>Même si certains pays se montrent prudents, voire alarmistes, <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2023-04/20230403-comparaison-strategies-nationales-strategie-nationale-recherche-intelligence-artificielle.pdf">ces technologies sont aussi vues comme un enjeu géopolitique par de nombreux pays</a>.</p>
<p>Dans ce contexte, les acteurs de l’IA, les dirigeants du monde des affaires, les gouvernements, tout comme la société civile ont des défis tout aussi vertigineux à relever, des défis éthiques (mésusages), des défis de sécurisation de données…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/qui-gouvernera-lia-la-course-des-nations-pour-reguler-lintelligence-artificielle-217320">Qui gouvernera l’IA ? La course des nations pour réguler l’intelligence artificielle</a>
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<p>L’IA générative dans les smartphones Google et Samsung offre des applications puissantes, mais pose des risques et défis liés à la manipulation de contenus et à la sécurité des données par des utilisateurs nouvellement habilités par leur smartphone.</p>
<h2>Le chaos informationnel, premier risque majeur avec les utilisateurs d’un nouveau type</h2>
<p>En permettant de manipuler les contenus à l’envi, l’intégration de systèmes d’IA générative aux smartphones risque de provoquer la prolifération de deepfakes et d’accentuer la diffusion de ces contenus faux mais crédibles. Ceci pourrait <a href="https://www.canada.ca/content/dam/csis-scrs/documents/publications/2023/Evolutiondeladesinformation--unavenirhypertruque">compromettre davantage la crédibilité des informations en ligne et entraîner un chaos informationnel généralisé</a>.</p>
<p>Sans compter un risque qui peut s’avérer mortel : l’explosion potentielle du cyberharcèlement, notamment via le <a href="https://www.elle.fr/Societe/News/Qu-est-ce-que-le-deepfake-porn-Pratique-illegale-dont-a-ete-victime-une-streameuse-americaine-4097124">« deepfake porn »</a>, une pratique violente qui a émergé en 2017 et qui va se trouver « facilitée » avec l’arrivée de l’IA générative dans les smartphones.</p>
<h2>La sécurisation des données d’apprentissage</h2>
<p>Les <a href="https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/32083">modèles génératifs peuvent créer des données</a> : des images par exemple, qui ressemblent de manière frappante à des données réelles. Cela peut donc être utilisé de manière malveillante pour créer des contrefaçons, des faux, des contenus trompeurs que ces derniers soient textuels et servent par exemple des arnaques comme le <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34800">phishing</a>, ou visuels : montages photos, montages vidéo (DeepFake).</p>
<p>Par ailleurs, des données erronées peuvent être fabriquées par un modèle génératif malveillant. Celles-ci pourraient être utilisées dans les <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rsta.2018.0083">corpus d’apprentissage des futurs grands modèles de langage</a> (<em>large language models</em> ou LLM, dont ChatGPT est l’exemple le plus connu) ou d’autres modèles d’intelligence artificielle.</p>
<p>En effet, <a href="https://llm-attacks.org/">certains modèles génératifs peuvent se révéler vulnérables à des « attaques par exemples contradictoires »</a> (<a href="https://www.cnil.fr/fr/definition/attaque-par-exemples-contradictoires-adversarial-examples-attack"><em>adversarial attacks</em></a>, dont l’<a href="https://theconversation.com/le-machine-learning-nouvelle-porte-dentree-pour-les-attaquants-dobjets-connectes-160427">exemple classique</a> pour un modèle de <em>machine learning</em> est d’introduire de fausses données dans la base de données d’apprentissage, provoquant un véhicule à voir une limitation de vitesse à la place d’un panneau-stop).</p>
<p>L’évolution de ce type d’adversarial attack cible désormais les IA génératives, par exemple avec le <a href="https://www.forcepoint.com/blog/x-labs/data-poisoning-gen-ai"><em>data poisoning</em></a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/appareils-connectes-et-cybersecurite-imaginer-des-attaques-pour-apprendre-a-se-defendre-160426">Appareils connectés et cybersécurité : imaginer des attaques pour apprendre à se défendre</a>
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<h2>Qui sera responsable en cas d’utilisation inappropriée des générations issues de ces modèles ?</h2>
<p>L’avenir des avancées de l’IA générative dépend de la capacité globale de la société (gouvernements, citoyens, entreprises, ONG, etc.) à naviguer avec responsabilité dans ces territoires inexplorés.</p>
<p>L’utilisation irresponsable des « smartphones génératifs » pose des questions éthiques et juridiques sur la responsabilité des créateurs de modèles et des entreprises qui les rendent accessibles au grand public.</p>
<p>Certes, des outils existent tels que <a href="https://scanner.deepware.ai/">Deepware Scanner</a> ou <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8QCrSYy_VEc">Microsoft Video Authenticator</a> pour analyser des vidéos et tenter de détecter des signes de manipulation. Si les plates-formes peuvent intégrer des outils de détection directement dans leurs systèmes de modération, cette détection est encore loin d’être fiable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-detecter-automatiquement-les-deepfakes-212573">Peut-on détecter automatiquement les deepfakes ?</a>
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<p>Distinguer les deepfakes acceptables, c’est-à-dire respectueux du droit du pays d’appartenance de l’utilisateur, sans recourir à la censure semble un défi insurmontable, voire impossible. Dans un contexte concurrentiel, la prudence de Timothy Cook, DG d’Apple, <a href="https://www.forbes.com/sites/davidphelan/2023/09/29/apples-tim-cook-talks-about-ai-apps-vision-pro-and-iphone-gaming/">qui entend entrer dans le jeu quand les questions éthiques seront mieux défrichées</a>, est louable. L’histoire dira si éthique et responsabilité sont des facteurs clés de succès dans notre époque tumultueuse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219368/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Chatelain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des outils d’intelligence artificielle permettent de générer des contenus réalistes. Ce type de produit est désormais intégré dans les téléphones.Yannick Chatelain, Professeur Associé. Digital I IT. GEMinsights Content Manager, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2199342023-12-15T13:16:09Z2023-12-15T13:16:09ZAnalyser les données en temps réel : l'exemple de Gemini, le nouveau système d'IA de Google<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/565796/original/file-20231211-15-3ck8xg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5716%2C3811&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/december-9-2023-brazil-google-gemini-2398210611">Rafapress / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.theverge.com/2023/12/6/23990466/google-gemini-llm-ai-model">Google a lancé Gemini</a>, un nouveau <a href="https://deepmind.google/technologies/gemini/">système d’intelligence artificielle</a> (IA), qui peut apparemment comprendre différents types de sollicitations (<em>prompt</em>) et en parler intelligemment : images, texte, parole, musique, code informatique, entre autres.</p>
<p>Ce type de système d’IA est connu sous le nom de <a href="https://www.lebigdata.fr/google-cloud-ia-gemini-modele-multimodal">« modèle multimodal »</a>. C’est une avancée notable par rapport aux systèmes d’IA précédents, qui se contentaient de traiter du texte ou des images.</p>
<p>On entrevoit ici une des probables prochaines étapes pour les technologies d’intelligence artificielle : être capable d’analyser et de répondre en temps réel à des informations provenant du monde extérieur.</p>
<p>Bien que les capacités de Gemini ne soient peut-être pas aussi avancées qu’elles le semblent dans la <a href="https://www.bbc.co.uk/news/technology-67650807">vidéo virale qui a été éditée à partir d’un texte soigneusement sélectionné et d’images fixes</a>, il est clair que les systèmes d’IA progressent rapidement. Ils se dirigent vers une capacité à gérer des entrées et des sorties de plus en plus complexes.</p>
<p>De fait, pour développer de nouvelles capacités, les systèmes d’IA dépendent fortement du type de « données d’entraînement » auxquelles ils ont accès. Les données d’entraînement sont précisément ce qui leur permet d’améliorer la façon dont ils réalisent des tâches, et notamment d’inférer des informations – ce qui sert à reconnaître un visage et à rédiger des dissertations.</p>
<p>À l’heure actuelle, les données sur lesquelles des entreprises telles que Google, OpenAI, Meta et d’autres entraînent leurs modèles <a href="https://www.scientificamerican.com/article/your-personal-information-is-probably-being-used-to-train-generative-ai-models/">proviennent encore principalement d’informations numérisées sur Internet</a>.</p>
<p>Toutefois, des efforts sont déployés pour <a href="https://www.zdnet.com/article/machine-learning-is-going-real-time-heres-why-and-how/">élargir radicalement le champ des données</a> sur lesquelles l’IA peut travailler. Par exemple, en utilisant des caméras, des micros et d’autres capteurs et détecteurs allumés en permanence, il serait <a href="https://www.forbes.com/sites/adrianbridgwater/2023/01/12/the-real-time-ai-data-race-is-on/">possible de permettre à une IA de savoir ce qui se passe dans le monde, au moment où cela se produit</a>.</p>
<h2>Utiliser des données acquises en temps réel</h2>
<p>Le nouveau système Gemini de Google peut interpréter et utiliser des contenus « en temps réel » – vidéos en direct ou discours proférés par des humains par exemple. Avec ce nouveau type de données acquises en permanence par des capteurs, l’IA devrait être en mesure d’observer, de discuter, et d’agir sur les événements du monde réel.</p>
<p>L’exemple le plus simple est celui des voitures autonomes, qui <a href="https://innovationatwork.ieee.org/how-data-is-being-used-to-train-autonomous-vehicles-to-navigate-roadways/">collectent déjà d’énormes quantités de données</a> lorsqu’elles roulent sur les routes. Les données qu’elles collectent aboutissent sur les serveurs des fabricants automobiles. Là, elles sont utilisées pour la conduite du véhicule sur le moment, mais aussi, sur le long terme, pour construire des modèles informatiques de situations de conduite, qui pourraient contribuer à améliorer la fluidité du trafic ou à identifier les comportements suspects ou criminels.</p>
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<img alt="Voiture autonome à San Francisco." src="https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564840/original/file-20231211-17-r8pwap.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour les voitures autonomes, les données en temps réel sont primordiales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/san-francisco-ca-usa-feb-23-1654017340">Tada Images/Shutterstock</a></span>
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<p>À la maison, les détecteurs de mouvement (pour les lumières par exemple), les assistants vocaux (Alexa, Siri…) et les caméras de surveillance sont déjà utilisés pour détecter notre activité… et analyser nos habitudes. D’autres appareils « intelligents » apparaissent constamment sur le marché. Certaines utilisations peuvent déjà sembler familières, comme <a href="https://www.theguardian.com/money/2022/mar/30/how-smart-thermostats-can-save-you-fuel-and-money">l’optimisation du chauffage pour une meilleure utilisation de l’énergie</a>, mais l’analyse des habitudes de vie ne fait que commencer.</p>
<p>Cela signifie qu’une IA disposerait des données pour à la fois déduire ce qui se passe dans la maison, et pour prédire ce qui s’y passera à l’avenir. Ces données pourraient alors être utilisées, par exemple, par des médecins <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12652-021-03612-z">pour détecter les premiers signes de pathologies</a>, comme le diabète ou la démence. Mais aussi pour recommander des changements de mode de vie et en assurer le suivi.</p>
<p>Pour l’IA, ces données constituent une fenêtre sur le monde réel – plus elle accumulera de connaissances sur celui-ci, plus elle pourra nous accompagner au quotidien. À l’épicerie, je pourrai discuter des meilleurs ingrédients, ou des plus économiques, pour le repas du soir. Au travail, l’IA pourra me rappeler les noms de mes clients lors d’une réunion, leurs centres d’intérêt, et me suggérer la meilleure façon de décrocher un contrat. Lors d’un voyage dans un pays étranger, elle pourra discuter des attraits touristiques locaux tout en gardant un œil sur des dangers potentiels.</p>
<h2>Implications en matière de protection de la vie privée</h2>
<p>On le voit, il y a de nombreuses opportunités qui viennent avec ces futurs progrès, mais il existe également des <a href="https://www.brookings.edu/articles/protecting-privacy-in-an-ai-driven-world/">risques de débordement et d’intrusion dans la vie privée des citoyens</a>. Jusqu’à présent, les utilisateurs ont <a href="https://theconversation.com/vie-privee-et-risque-dun-capitalisme-de-la-surveillance-loublie-des-debats-sur-la-5g-146326">accepté massivement les technologies permettant d’échanger une quantité stupéfiante d’informations personnelles en échange de l’accès à des produits gratuits</a>, réseaux sociaux et moteurs de recherche en tête.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chatgpt-modeles-de-langage-et-donnees-personnelles-quels-risques-pour-nos-vies-privees-208256">ChatGPT, modèles de langage et données personnelles : quels risques pour nos vies privées ?</a>
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<p>À l’avenir, ce compromis sera de plus en plus important et potentiellement plus dangereux, car l’IA apprendra à nous connaître et à nous aider dans tous les aspects de la vie quotidienne.</p>
<p>Sans garde-fous, l’industrie du numérique continuera à étendre sa collecte de données à tous les aspects de la vie, même hors ligne. Les décideurs politiques doivent comprendre ce nouveau paysage et s’assurer que les avantages compensent les risques. Ils devront surveiller non seulement la puissance et l’omniprésence des nouveaux modèles d’IA, mais aussi les données qui sont collectées et utilisées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219934/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lars Erik Holmquist a reçu des financements du Wolfson Research Merit Award de la Royal Society.</span></em></p>Prochaine étape pour les systèmes d’intelligence artificielle : analyser en temps réel des données sur ce qui se passe dans le monde.Lars Erik Holmquist, Professor of Design and Innovation, Nottingham Trent UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2144932023-11-23T17:54:26Z2023-11-23T17:54:26ZComment la réalité virtuelle peut aider les sportifs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/561067/original/file-20231122-31-end0r2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C18%2C4185%2C3815&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La réalité virtuelle peut être très intéressante dans le cyclisme.</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Depuis quelques décennies seulement, des méthodes d’entraînement se développent pour se centrer sur la plasticité, c’est-à-dire la modification, du système nerveux en vue d’améliorer la performance motrice. Certaines impliquent l’usage de technologies qui vont s’avérer être un très bon stimulant. Parmi celles-ci, la réalité virtuelle (Virtual Reality, VR) tient une place de plus en plus importante. La VR consiste en la simulation par ordinateur d’un environnement tridimensionnel avec lequel une personne peut interagir de manière apparemment réelle ou physique, à l’aide d’un équipement électronique spécial tel qu’un casque avec deux écrans intégrés (un par œil). Aujourd’hui bien développée pour des applications de loisirs, voyons comment elle peut nous permettre d’optimiser la prise en charge d’un entraînement, que ce soit celle d’un patient ou d’un sportif de haut niveau.</p>
<p>La VR est utilisée pour simuler des situations réelles tout en restant dans un contexte sécuritaire, comme pour entraîner les futurs chirurgiens à pratiquer des opérations délicates ou chez des patients pour simuler des mouvements difficiles à effectuer et/ou varier les environnements de pratique tout en restant en milieu hospitalier, par exemple <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36211591/">dans le cadre de la rééducation</a>. Quel que soient le type de population et le type d’intervention, la grande majorité des auteurs s’accorde à dire que la VR accroît les bénéfices de la pratique physique. Essayons de comprendre l’effet que peut avoir la VR sur un individu dans ses différentes dimensions associées à la performance.</p>
<h2>Effets cardiovasculaires</h2>
<p>En plus des évaluations subjectives de l’état psychologique, l’enregistrement des réactions physiologiques des sujets a également montré des changements significatifs lors de l’utilisation de la VR. L’une des mesures phares utilisée en VR est l’activité électrodermale, qui est une mesure classique de l’effet d’une situation stressante sur un individu. À l’image des détecteurs de mensonges, les appareils mesurent la conductance de la peau, qui est directement liée à la sudation. Celle-ci <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32256856/">augmente instantanément au moindre stress vécu</a>. Ainsi, être immergé dans un grand huit en VR induit immédiatement une réponse importante de stress, démontrée par le ressenti subjectif des individus, mais aussi par leur réaction physiologique, telle qu’une augmentation de la fréquence cardiaque ou bien sûr de la réponse cutanée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561088/original/file-20231122-23-33q5qw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une utilisatrice de VR teste un système qui simule le vide sous ses pieds pour lutter contre le vertige.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La VR est donc un stresseur naturel pour notre système nerveux autonome, qui contrôle les fonctions vitales du corps (fréquence cardiaque, respiration, etc.). S’appuyant sur ce fait, des applications professionnelles proposent de se préparer à un entretien d’embauche en le simulant virtuellement, ou encore d’appréhender son arachnophobie en étant confronté à des araignées virtuelles. Dans le sport, la VR est utilisée aussi pour appréhender certaines situations stressantes tout en restant en sécurité, telle qu’une descente en cyclisme à pleine vitesse. La VR peut également servir à simuler l’ambiance d’une compétition (bruit, public, musique), facteur de stress important qui met souvent à mal la performance sportive, pourtant répétée des milliers de fois au calme à l’entraînement.</p>
<h2>Effets sur les fonctions cognitives</h2>
<p>La VR semblant être un fort stimulant pour les fonctions cérébrales, nous nous sommes posé la question de son efficacité si utilisée de manière chronique sur les performances de notre cerveau. Nous avons mené au <a href="https://www.c3s.fr/">laboratoire C3S de l’Université de Franche-Comté</a> une expérimentation visant à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37029516/">tester les effets d’un entraînement en VR couplé à de l’exercice physique</a> sur les fonctions de mémorisation, d’inhibition ou encore d’attention de notre cerveau.</p>
<p>Associer un jeu vidéo, virtuel ou non, à de l’exercice physique est appelé de l’« exergame ». Ainsi, est-ce que jouer en VR est bénéfique pour nos capacités cérébrales ? La réponse est oui. Après un entraînement de seulement 5 jours, à raison de 15 minutes par jour, l’usage d’un exergame virtuel (tel qu’un jeu de danse), permet d’augmenter des performances spécifiques de notre cerveau, telles que le temps de réaction, l’inhibition ou la capacité d’observation. Le jeu utilisé ici consistait à couper des petits cubes projetés face au joueur à plus ou moins grande vitesse et à différents endroits, à l’aide d’un sabre dans chaque main, le tout en évitant d’autres projectiles (bombes). Il implique donc des gestes précis et rapides, associés à une analyse fine des objets et des choix à faire en un temps très court (dois-je couper ou éviter ?). A contrario, pratiquer la même quantité d’activité physique seule (15min par jour pendant 5 jours de mouvements similaires, mais sans l’immersion et le jeu), n’a donné aucun résultat sur ces mêmes fonctions. La plus-value d’un jeu en VR sur les effets cognitifs de l’exercice ici est sans appel. Ces résultats peuvent être expliqués par le côté ludique et la stimulation visuelle supplémentaires apportés par la VR.</p>
<h2>Effets sur le système moteur</h2>
<p>Outre les fonctions cognitives, lorsqu’il s’agit d’utiliser une telle technologie en entraînement ou en rééducation de la fonction motrice, il vient la question de savoir si les effets peuvent aussi s’étendre sur le système neuromusculaire (qui commande les mouvements). À ce sujet, les études par électroencéphalographie (EEG) ont donné des résultats variés. Si la VR est connue pour <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1900648116">induire une activation cérébrale importante au niveau des régions sensorielles</a>, ce phénomène est peu étudié au regard du système moteur (voie motrice de l’aire motrice cérébrale aux neurones moteurs de la moelle épinière). Il existe quelques rares études sur le sujet, réalisés lors de situations très spécifiques. Par exemple, la VR permettrait de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23197454/">faciliter l’apprentissage moteur</a> de séquences de mouvements des doigts réalisés virtuellement, ou aiderait à <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23035951/">stimuler le système moteur</a> en complément d’une rééducation classique post-AVC.</p>
<p>Ainsi, la question de savoir dans quelles mesures la réalité virtuelle peut activer le système moteur et, plus particulièrement, si elle peut affecter la performance neuromusculaire, reste ouverte. De récents résultats sont en revanche très prometteurs. Nous avons par exemple montré qu’une chute simulée virtuellement faisait varier l’activité réflexe du mollet de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36515975/">la même manière que lors d’une vraie chute</a>. L’activité réflexe (telle que testée par le médecin grâce à une frappe du tendon avec un petit marteau), est cruciale pour le contrôle de la motricité. Cette dernière étant gérée par la moelle épinière, cela montre qu’une situation virtuelle peut induire une modulation qui va bien au-delà du cerveau. Le cerveau n’est donc pas le seul dupé par la simulation virtuelle… mais bien une large partie du système moteur. Ces résultats offrent des perspectives prometteuses pour l’utilisation de la VR sur l’entraînement des fonctions motrices. Plus particulièrement, cette dernière étude montre que les activités sportives qui impliquent des sauts ou de la course, mouvements pour lesquels l’activité réflexe des jambes est primordiale, pourraient largement bénéficier de la VR. La pratique intensive des sauts à l’entraînement étant très traumatisante, notamment pour les articulations, la VR permettrait d’augmenter les effets de l’entrainement sans toutefois augmenter la charge de travail physique.</p>
<h2>Recommandations pratiques</h2>
<p>Séduit par l’idée d’utiliser la VR dans un cadre d’entraînement ? Voici quelques trucs et astuces pour que l’expérience se déroule au mieux et soit surtout efficace. Les effets de la VR sont par exemple très dépendants de la réceptivité de l’individu à cette intervention. La manière dont une personne réagit et interagit avec les divers environnements virtuels dépend ainsi d’un certain nombre de caractéristiques technologiques et psychologiques.</p>
<p>Le degré d’immersion est par exemple déterminé par les caractéristiques technologiques de la VR telles que la résolution, la fréquence d’images, ou encore le champ de vision. Ainsi, il est prouvé que des graphiques plus réalistes dans un environnement virtuel ont un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26340855/">effet positif sur l’immersion</a>.</p>
<p>Prêtez donc attention aux caractéristiques des appareils que vous utilisez, en prenant par exemple le plus grand champ de vision (Field of View, ou FOV : 100° étant le minimum pour avoir une meilleure immersion), un bon taux de rafraichissement (refresh rate, 60 Hz étant la norme pour voir une image fluide, mais plus élevé est encore mieux). Le poids du casque peut aussi avoir son importance, pouvant être lourd à porter sur du long terme.</p>
<p>Certains individus ont une meilleure propension à réagir à la VR : avoir une capacité à s’immerger dans des contextes variés, une capacité à ignorer les distractions, le sentiment d’être “captivé”. Cette caractéristique, qu’on appelle « le sentiment de présence », s’évalue habituellement par questionnaire.</p>
<p>Un autre facteur très important est l’ampleur de la stimulation sensorielle. L’effet d’immersion est plus grand dans le cas d’une stimulation simultanée d’un plus grand nombre de systèmes sensoriels, de la correspondance des stimulations de différentes modalités et son intensité. Faire correspondre la position de l’individu avec la situation simulée permet par exemple d’avoir des retours sensoriels proprioceptifs congruents avec la stimulation visuelle générée par la VR (par exemple être assis pour un grand huit virtuel). La possibilité de naviguer librement dans l’environnement virtuel et d’interagir avec des objets virtuels (systèmes à 6 degrés de liberté, ou DoF : degrees of Freedrom), lorsqu’ils sont modélisés de manière réaliste, contribue aussi grandement au sentiment de réalisme.</p>
<h2>Quelles contre-indications ?</h2>
<p>Outre les contre-indications inhérentes aux contenus diffusés (comme certaines vidéos ou jeux vidéos), tels que la sensibilité visuelle voire l’épilepsie si le contenu contient trop de flashs lumineux, il existe un trouble bien particulier qui est spécifique à la VR. La cybercinétose (ou « cybersickness », en anglais), est le fait de ne pas tolérer la réalité virtuelle, d’en ressentir des nausées ou des vertiges. C’est un trouble sensoriel qui est en fait la version 3.0 du mal de mer (« cinétose » du coup). La cybercinétose résulte de conflits sensoriels entre la vision et le système de l’équilibre (le système vestibulaire dans l’oreille interne). Ainsi, percevoir des mouvements qui ne correspondent pas aux mouvements réels du corps peut générer ce genre de trouble chez certains individus particulièrement sensibles.</p>
<p>La VR semble un outil très puissant pour stimuler à la fois le système cardiovasculaire, les fonctions cognitives et le système moteur. Ajoutée à l’exercice, elle permettrait par exemple d’augmenter les sollicitations cognitives, tout en rendant l’effort plus ludique. Cela résulterait en des gains significatifs sur certaines performances. Vous l’aurez compris, dans « réalité virtuelle », il y a « réalité » : plus les effets de la VR sont réalistes plus les gains seront grands. Associer à la VR des stimulations sensorielles qui correspondent à la situation stimulée permettrait aussi grandement d’augmenter le sentiment de réalisme. Par exemple, faire du vélo virtuel, tout en étant sur un vélo d’appartement avec un ventilateur face à nous qui simule le vent…</p>
<p>Attention toutefois à l’utiliser avec parcimonie, pour éviter les troubles divers ! Comme toute technologie, elle ne doit pas se substituer à l’exercice réel si celui-ci est possible, mais être un complément manipulé avec intelligence. Par exemple, même si très réaliste en réalité virtuelle, rien ne vaut une vraie promenade en forêt…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 6 au 16 octobre 2023 en métropole et du 10 au 27 novembre 2023 en outre-mer et à l’international), et dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition porte sur la thématique « sport et science ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214493/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sidney Grosprêtre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>S’entraîner, non pas sur un terrain, mais dans une salle avec un casque de réalité virtuelle sur la tête peut sembler saugrenu, et pourtant des effets très bénéfiques existent.Sidney Grosprêtre, Maître de conférences en neurophysiologie, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2177072023-11-15T21:18:55Z2023-11-15T21:18:55ZApplis de suivi menstruel et autres innovations « FemTech » : quels enjeux éthiques et sociétaux ?<p><a href="https://theconversation.com/fiabilite-securite-ethique-quels-risques-derriere-les-failles-des-applications-de-suivi-menstruel-190115">Applications de suivi menstruel</a> ou de grossesse, solutions digitales pour accompagner les femmes atteintes d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/endometriose-105698">endométriose</a>… Depuis une dizaine d’années, des technologies numériques dédiées à la <a href="https://theconversation.com/fr/search?q=sant%C3%A9+des+femmes">santé des femmes</a> se développent. </p>
<p>Ces « FemTech » (pour <em>female technologies</em>) ont pour objectif de proposer des services aux femmes en matière de santé et de bien-être, en s’appuyant sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-technologies-20827">nouvelles technologies</a> (applications santé, appareils connectés, télémédecine, intelligence artificielle, etc.). </p>
<p>Mais elles peuvent aussi interroger quant à l'utilisation qui est faite des données et la protection de la vie privée des femmes qui y ont recours. </p>
<h2>Des failles dans la protection des données personnelles</h2>
<p>La grande majorité des entreprises de la FemTech ont ainsi pour point commun de <a href="https://www.consumerreports.org/privacy/popular-apps-share-intimate-details-about-you-a1849218122/">partager leurs données avec des « tierces parties »</a> (sociétés partenaires extérieures telles que Google, Facebook, Amazon, Apple, etc.), le <a href="https://www.consumerreports.org/electronics-computers/privacy/popular-apps-share-intimate-details-about-you-a1849218122/">plus souvent à l’insu des usagères</a>.</p>
<p>C’est en particulier le cas des applications de suivi menstruel dont les <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03798828/document">failles</a> dans les procédures de protection des données personnelles ont été dénoncées. Aux États-Unis, les associations se sont ainsi mobilisées pour inciter les Américaines à désinstaller leurs apps, face au risque de voir utilisées, par les autorités judiciaires, les données des calendriers menstruels pour repérer les femmes qui ont avorté ou qui souhaitent le faire.</p>
<p>Des <a href="https://ieeexplore.ieee.org/document/8786118">publications</a> alertent aussi sur ce que l’on appelle l’Internet des objets connectés (IoT). Elles mettent en garde contre les risques de vols des données personnelles ou de manipulations d’objets depuis l’extérieur (hacking), avec des conséquences pour la santé quand ces objets touchent à l’intégrité physique et mentale.</p>
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<h2>Des technologies qui répondent à une demande des femmes</h2>
<p>Les entreprises de la FemTech sont en plein essor, ce qui rend ces questions autour de la protection des données personnelles et du respect de la vie privée et intime des femmes d'autant plus criantes. </p>
<p>Ainsi, le <a href="https://analytics.dkv.global/FemTech/Teaser-Q2-2022.pdf">marché global des FemTech</a>, estimé à 25 milliards de dollars en 2021, pourrait avoisiner les 100 milliards en 2030. En 2021, on comptait 1 400 start-up de FemTech dans le monde, dont 51 % aux États-Unis, 27 % en Europe et 9 % en Asie. En France, l’association FemTech France, créée en 2022, a répertorié <a href="https://www.femtechfrance.org/cartographie-start-up">115 start-up françaises de FemTech</a>.</p>
<p>Les entreprises de la FemTech visent en effet des domaines propres aux femmes (santé reproductive, périnéale, sexuelle, contraception, stérilité, ménopause, bien-être sexuel, endométriose, maternité/postpartum…) et aussi des pathologies plus générales mais qui affectent les femmes de façon différenciée (cancer, dépression, etc.).</p>
<p>À l’évidence, l’essor de ce marché correspond à une demande des femmes pour diverses raisons.</p>
<p>D’abord, ce marché se développe dans un contexte de <a href="https://www.senat.fr/questions/base/2019/qSEQ190409911.html">pénurie de gynécologues médicaux</a> – qui entraîne des errances thérapeutiques et diagnostiques – et de prise de conscience des expériences de <a href="https://www.cairn.info/revue-sante-publique-2021-5-page-629.html">violences gynécologiques et obstétricales</a>.</p>
<p>De plus, les acteurs de la Femtech répondent aux préoccupations et aspirations actuelles des femmes. Ils conçoivent des services personnalisés dédiés à la santé et au bien-être intime (douleurs menstruelles, vulvaires, rééducation périnéale, libido, ménopause, etc.), des sujets peu ou pas considérés par la médecine classique.</p>
<h2>Des applis dédiées à la santé sexuelle et reproductive</h2>
<p>La grande majorité des services proposés sont des applications sur téléphone mobile : gestion des donnés personnelles liées à la santé, conseils d’expert, téléconsultations, documentation, forums de discussion, etc. Les applications les plus populaires concernent la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13691058.2014.920528">santé sexuelle et reproductive</a> : <a href="https://estsjournal.org/index.php/ests/article/view/655">suivi menstruel</a>, grossesse, ménopause, endométriose…</p>
<p>Ces entreprises bénéficient aussi du fait que l’usage des technologies numériques est perçu comme un vecteur d’autonomisation des femmes dans le contrôle de leur corps et de leur vécu intime, avec l’avantage d’une commodité d’utilisation et d’un coût minimal.</p>
<p>Cependant, on notera que tous les sites d’aide et de conseils personnalisés aux utilisatrices, ou patientes, proposent systématiquement des offres commerciales : huiles essentielles, compléments alimentaires, produits cosmétiques, stages de fitness, yoga, méditation, sophrologie, etc.</p>
<h2>En entreprise, gérer les congés maternité ou les arrêts maladie</h2>
<p>Ces plates-formes numériques s’adressent aussi aux entreprises dans le but de gérer au mieux la santé des employé·e·s, réduire l’absentéisme, les coûts de santé et augmenter la productivité. Les femmes sont les plus concernées, car <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/assets/barometre-absenteisme-malakoff-humanis-2023-presse-a834-63a59.html">leur taux d’absentéisme est supérieur à celui des hommes</a> (du fait des charges domestiques et familiales, de la santé reproductive…). Les domaines ciblés sont la gestion des congés maternité, le retour au travail et la prévention pour réduire les arrêts maladie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sexisme-en-entreprise-comment-les-hommes-peuvent-sallier-aux-femmes-pour-changer-les-choses-202561">Sexisme en entreprise : comment les hommes peuvent s’allier aux femmes pour changer les choses</a>
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<p>Ces offres sont surtout développées aux États-Unis où la plupart des grandes sociétés assument une majeure partie des primes de santé versées aux assureurs. C’est le cas de la <a href="https://www.mavenclinic.com/">« Maven Clinic »</a>, une plate-forme virtuelle qui permet aux entreprises d’offrir à leurs employées un vaste réseau de services en ligne dans différents domaines : la procréation (fertilité, congélation d’ovocytes, procréation médicalement assistée ou PMA, gestation pour autrui ou GPA – une pratique non autorisée en France -), la grossesse et le suivi postpartum, la parentalité, la maternité et la pédiatrie, ou encore la ménopause.</p>
<p>En France, les plates-formes numériques dédiées à la santé des femmes en entreprise sont encore au stade de projets. Il est probable qu’elles devront dans un proche avenir affronter la concurrence américaine qui dispose de gros moyens pour se développer en Europe. La Maven Clinic a déjà des partenariats avec de nombreuses entreprises internationales, dont Amazon, Microsoft et l’Oréal, réparties dans 175 pays sur tous les continents.</p>
<h2>Une vigilance qui concerne la santé numérique en général</h2>
<p>En France, le sujet de la protection des données personnelles dans les FemTech, rejoint les <a href="https://www.ccne-ethique.fr/sites/default/files/2023-05/CCNE-CNPEN_GT-PDS_avis_final27032023.pdf">questions éthiques posées par la santé numérique en général</a> (e-santé). De plus, des questions spécifiques se posent concernant les données de santé sexuelle et reproductive, notamment dans le cadre de leur exploitation en entreprise.</p>
<p>Le fait que des informations intimes (projets de grossesse, PMA, endométriose, règles douloureuses…) puissent être portées à la connaissance de l’employeur pose un problème éthique face au risque de discriminations, à l’embauche et durant l’ensemble du parcours professionnel. Les <a href="https://www.senat.fr/leg/exposes-des-motifs/ppl22-537-expose.html">débats contradictoires sur la pertinence d’instaurer un congé menstruel</a> en sont l’illustration.</p>
<p>A noter aussi que depuis mars 2023, le <a href="https://www.legifrance.gouv.dfr/jorf/id/JORFTEXT000043884445">dossier médical en santé au travail</a> (DMST) qui doit être constitué pour chaque travailleur, est créé obligatoirement sous format numérique sécurisé. L’objectif est de faciliter le partage d’informations issues notamment du <a href="https://www.ameli.fr/paris/medecin/sante-prevention/dossier-medical-partage/dmp-en-pratique">dossier médical partagé</a> (DMP). Celui-ci comprendra à terme un volet santé au travail accessible via <a href="https://www.ameli.fr/paris/assure/sante/mon-espace-sante/mon-espace-sante-carnet-sante-numerique">Mon espace santé</a>, l’espace numérique personnel mis en place par l’Assurance maladie et le ministère de la Santé.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/conges-menstruels-neuroatypisme-maladies-chroniques-et-si-lentreprise-tenait-compte-de-nos-differences-biologiques-206321">Congés menstruels, neuroatypisme, maladies chroniques : et si l’entreprise tenait compte de nos différences biologiques ?</a>
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<p>Le croisement de ces données entre professionnels de santé pose question, en termes de protection de la vie privée et de respect des droits du salarié·e. Par exemple, en cas de projets de maternité, le fait que le médecin traitant bénéficie d’informations sur la santé au travail peut contribuer à un meilleur suivi médical vis-à-vis de risques professionnels susceptibles d’interférer avec la grossesse.</p>
<p>Mais réciproquement, la possibilité d’accès du médecin du travail (non choisi, imposé par l’employeur) à des informations de santé que la femme salariée veut tenir confidentielles, appelle à la vigilance concernant le respect du secret médical.</p>
<h2>Les menaces sur la vie privée sous-estimées par les femmes</h2>
<p>Depuis 2022, le groupe « Genre et recherches en santé » du Comité d’éthique de l’Inserm alerte sur les <a href="https://www.hal.inserm.fr/inserm-03798828/document">enjeux éthiques des technologies numériques des FemTech</a>, concernant notamment le manque de validation scientifique et les failles dans la protection des données.</p>
<p>Il s’avère que les usagères ne sont pas toutes conscientes que leurs données de santé sont gérées par des services extérieurs et peuvent être exploitées par des tiers. Pour celles qui le sont, <a href="https://www.jmir.org/2019/6/e12505/">le bénéfice qu’elles déclarent tirer des outils numériques</a> l’emporte sur leur perception des menaces pour la vie privée.</p>
<p>Ce constat renvoie au besoin urgent de mettre en place des programmes d’éducation au numérique qui permettent au plus grand nombre de femmes (et d’hommes) d’en <a href="https://academic.oup.com/medlaw/article/30/3/410/6575319">évaluer les bénéfices et les risques</a>. Pour nombre de femmes, les conditions socio-économiques défavorables font obstacle à la possibilité d’opérer des arbitrages en connaissance de cause dans les services numériques qui leur sont proposés.</p>
<h2>Un programme sur la santé des femmes et des couples</h2>
<p>Pour répondre à ce besoin d’informations, fiables et accessibles, l’Inserm est potentiellement un levier de poids, notamment à travers le <a href="https://sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/deuxieme-comite-de-pilotage-de-la-strategie-nationale-de-lutte-contre-l">programme national prioritaire de recherche (PEPR 2023) intitulé « Santé des femmes, santé des couples »</a>. L’objectif est de <a href="https://presse.inserm.fr/cest-dans-lair/semaine-europeenne-de-prevention-et-dinformation-sur-lendometriose-6-12-mars-2023/">développer les connaissances sur l’endométriose</a>, la fertilité, l’assistance médicale à la procréation (AMP) et les effets de l’exposition in utero aux antiépileptiques.</p>
<p>Le projet vise aussi à mieux communiquer, former et informer sur la santé des femmes via des campagnes de formation et d’information destinées aux professionnels de santé et au grand public. Ce programme pourrait inclure un volet d’information sur l’usage et le mésusage des outils numériques dédiés à la santé sexuelle et reproductive des femmes, et la protection des données personnelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217707/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Catherine Vidal ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les FemTech, ces technologies numériques dédiées à la santé des femmes, sont en plein essor. Mais les utilisatrices sous-estiment parfois les menaces qu’elles peuvent faire peser sur leur vie privée.Catherine Vidal, Neurobiologiste, membre du Comité d’éthique de l’Inserm, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2138332023-09-21T16:30:06Z2023-09-21T16:30:06ZLes entreprises high-tech biélorusses face aux risques géopolitiques : should I stay or should I go ?<p>Les événements de ces dernières années (guerre en Syrie, annexion de la Crimée par la Russie, pandémie du Covid-19, guerre en Ukraine, etc.) ont souligné la nécessité d’une expertise géopolitique au sein des entreprises. De nombreux sondages témoignent d’une évolution manifeste dans la perception des risques auxquels les organisations sont aujourd’hui exposées. Le risque géopolitique se place en tête des préoccupations, constate, par exemple, le rapport <a href="https://assets.ey.com/content/dam/ey-sites/ey-com/en_gl/topics/ceo/ey-ceo-survey-global-report.pdf">« Will bold strategies fuel market-leading growth ? »</a> publié par Ernst and Young en 2022.</p>
<p>Les entreprises prennent ainsi conscience de leur vulnérabilité face aux transformations géopolitiques mondiales. Elles doivent apprendre à s’y adapter, voire, dans certains cas, à assumer leur place en tant qu’<a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-et-strategique-2018-3-page-16.htm">acteur géopolitique</a>. Celles qui opèrent dans des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0007650320934389">situations de tensions géopolitiques intenses</a> sont les premières à analyser pour mesurer pleinement l’ampleur de cette imbrication entre le monde des affaires et son environnement géopolitique. À cet égard, le cas des entreprises du secteur des hautes technologies en Biélorussie est fascinant.</p>
<h2>Success story à la biélorusse</h2>
<p>Nul ne doute plus que le contrôle de la technologie est un enjeu géopolitique. Le président biélorusse ne fait pas exception à cette règle. Dans un contexte de fortes tensions avec le monde occidental, Alexandre Loukachenko a su, depuis deux bonnes décennies, instaurer un surprenant <a href="https://fr.globalvoices.org/2020/10/31/257708/">« contrat de non-ingérence »</a> avec le secteur high-tech de son pays, lui assurant un boom économique spectaculaire et transformant la Biélorussie en une <a href="https://www.wsj.com/articles/belarus-is-emerging-as-the-silicon-valley-of-eastern-europe-1481032802">« Silicon Valley de l’Europe de l’Est »</a>, selon l’expression du <em>Wall Street Journal</em>.</p>
<p>Déclaré <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2006/04/10/loukachenko-declare-persona-non-grata-dans-l-union-europeenne_760252_3214.html">persona non grata</a> sur le sol de l’UE en 2006, Loukachenko est parvenu à maintenir une fenêtre d’ouverture vers l’Occident en misant sur sa « principale ressource, les <a href="https://france.mfa.gov.by/fr/invest/htpbelarus/">développeurs biélorusses</a> ».</p>
<p>Le pouvoir a adopté de nombreuses mesures contraires à l’apparent isolationnisme de la Biélorussie : création d’un <a href="https://www.park.by/en/">Parc des hautes technologies</a> (Hi-Tech Park, HTP) en 2005, exonération de ses résidents des impôts sur les sociétés et de la TVA, <a href="https://coinjournal.net/fr/actualites/bielorussie-legalisation-activites-liees-aux-crypto-monnaies/">légalisation des cryptomonnaies</a>, élargissement des activités autorisées à s’installer dans ledit Parc, assouplissement des <a href="https://france.mfa.gov.by/fr/invest/htpbelarus/">critères requis pour s’y installer</a>, etc. Preuve de réussite, <a href="https://belarusfacts.by/en/belarus/investor/prefregimes/PVT/">40 % des résidents</a> du HTP sont des entreprises à capitaux étrangers, et plus de 100 entreprises installées sont des centres de développement de sociétés internationales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"916184097587855361"}"></div></p>
<p>Les orientations technologiques de Loukachenko n’ont pas tardé à plus largement porter leurs fruits. Les exportations de produits informatiques et les services ont augmenté d’un <a href="https://assets.ey.com/content/dam/ey-sites/ey-com/en_by/topics/consulting/ey-it-industry-in-belarus-2017-and-beyond.pdf">facteur supérieur à 30 entre 2005 et 2016</a>, la part de l’informatique dans les exportations totales du pays de biens et services passant de 0,16 % à 3,25 %.</p>
<p>Plus de 1 000 entreprises se sont enregistrées au Hi-Tech Park de Minsk. Au cours de la période 2017-2021, plus de 40 000 personnes y ont été employées. Actuellement, la main-d’œuvre du Park compte plus de 60 000 personnes, ce qui représente 2 % de la population économiquement active et 5 % du PIB du pays, selon les <a href="https://www.park.by/en/htp/about/">statistiques officielles</a>.</p>
<h2>Un dilemme stratégique complexe</h2>
<p>Ce miracle de l’économie biélorusse est cependant mis à l’épreuve depuis 2020.</p>
<p>Une succession de crises – réélection frauduleuse de Loukachenko, <a href="https://theconversation.com/bielorussie-quelle-issue-au-bras-de-fer-entre-le-regime-et-le-mouvement-contestataire-146620">contestation populaire</a> suivie de violentes répressions, <a href="https://theconversation.com/crise-migratoire-entre-la-bielorussie-et-lue-tragique-geopolitique-171885">« crise des migrants »</a> à la frontière avec la Pologne, <a href="https://theconversation.com/bielorussie-pourquoi-loukachenko-estime-avoir-les-coudees-franches-161789">détournement du vol Ryanair 4978 par les autorités biélorusses</a> et, pour conclure, <a href="https://www.20minutes.fr/monde/ukraine/4029664-20230326-guerre-ukraine-comment-bielorussie-sert-base-arriere-moscou-depuis-debut-conflit">implication de la Biélorussie dans la guerre en Ukraine</a> – mettent en péril l’avenir de la Biélorussie en tant que techno-hub de l’Europe de l’Est.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1409125644366123009"}"></div></p>
<p>Les entreprises high-tech, biélorusses comme étrangères, se heurtent dès lors à un dilemme : rester et continuer à bénéficier d’une politique gouvernementale résolument attractive, en « séparant » soigneusement les affaires et la (géo) politique, ou quitter ce pays au <a href="https://www.researchgate.net/publication/367208944_Assessing_Geopolitical_Risk_A_Multi-Level_Approach_for_Top_Managers_of_Multinationals">risque géopolitique</a> (trop) élevé.</p>
<p>Bien qu’il soit difficile d’obtenir à ce jour des <a href="https://devby.io/news/belstat-skryl-informatsiu-ob-it">statistiques précises</a> sur les évolutions récentes du secteur biélorusse des high-tech, quelques tendances s’esquissent. De grandes sociétés informatiques ont fermé leurs portes, telles Wargaming, PandaDoc, Flo, Wannaby, OneSoil, WorkFusion, EIS Group, Vochi, Playrix, +Yandex, Gödel Technologies. Pour certaines d’entre elles, le risque géopolitique prenait une forme extensive : risque <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JBS-04-2019-0072/full/html">réputationnel</a>, pertes économiques liées notamment à l’impact des <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-against-belarus/">sanctions internationales</a>, mais aussi risques sécuritaires pour le personnel.</p>
<p>PandaDoc en constitue l’un des exemples les plus emblématiques, la société ayant été liquidée puis relocalisée en Ukraine, un « déménagement » caractéristique du comportement des entreprises high-tech en Biélorussie depuis trois ans. Entre 2020 et 2022, <a href="https://www.paih.gov.pl/poland_business_harbour/en">l’Agence polonaise pour l’investissement et le commerce</a> a, par exemple, fourni des services à plus de <a href="https://www.gov.pl/web/diplomacy/poland-business-harbour-expands-again">140 entreprises</a> ayant soumis près de 49 000 demandes individuelles de relocalisation, la plupart destinées aux Biélorusses après l’invasion de l’Ukraine par la Russie.</p>
<p>Nombreuses sont pourtant les entreprises ayant fait le choix de rester (le Hi-Tech Park annonce encore aujourd’hui 1 018 résidents) en s’adaptant au nouveau contexte. Compte tenu de l’imprévisibilité du monde et de la <a href="https://www.emerald.com/insight/publication/doi/10.1108/9781787145672">difficulté de développer des activités dans de nouveaux pays</a>, elles privilégient leurs marchés déjà existants et tentent de temporiser en attendant une période plus favorable.</p>
<p>Entre fin août et mi-septembre 2023, nous avons réalisé de nombreuses interviews de spécialistes biélorusses employés par des entreprises du secteur high-tech (biélorusses et étrangères) de taille variable (de 2 à plus de 500 salariés). Les personnes ayant accepté de nous répondre occupaient des postes de développeurs, de chefs de projet ou de managers. Toutes ont demandé que leur anonymat soit préservé. Les répondants nous ont expliqué que la poursuite des activités en Biélorussie nécessite, d’une part, une vraie « résilience psychologique » et, d’autre part, des changements de modèles économiques (spécialisation plus étroite des services proposés et/ou recherche de nouveaux clients).</p>
<p>Les décisions stratégiques que prennent actuellement les entreprises high tech en Biélorussie ne sont pas simples et relèvent plutôt de la gestion de crise : elles se font dans l’urgence et sous pression. L’ensemble des interlocuteurs ayant accepté de répondre à nos questions témoignent d’une forme de tabou autour des questions géopolitiques au sein de leurs entreprises. Une « neutralité du business » est perçue comme une condition sine qua non de la performance économique. Dans leurs décisions, ces entreprises reconnaissent ne disposer d’aucun outil ou méthode leur permettant d’effectuer une évaluation du risque géopolitique. Les décisions prises s’appuient sur le « bon sens » ou « l’intuition » plutôt que sur une démarche méthodologique.</p>
<h2>Les leçons de l’expérience biélorusse</h2>
<p>Côté entreprises, une meilleure anticipation, notamment par l’intégration d’une composante géopolitique dans leur management stratégique, permettrait de mieux se préparer à ce type d’aléas et de réduire notablement un certain nombre de coûts, parmi lesquels, dans le cas biélorusse, les coûts de relocalisation de familles entières d’ingénieurs ou du retrait de certains clients consécutif à la mise en place de sanctions.</p>
<p>Côté Biélorussie, dans un pays aux ressources naturelles limitées, souffrant d’une dépendance chronique et multifacette de son grand voisin, la destruction de l’un des piliers d’une relative autonomie est une erreur stratégique majeure. Avec le départ de toutes ces entreprises, qui constituaient peu ou prou sa seule ouverture sur l’Occident et sur le monde numérique, la Biélorussie, plus que jamais dépendante de la Russie court à sa perte.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213833/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Katsiaryna Zhuk ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De façon à première vue surprenante, la Biélorussie disposait, jusqu’à il y a peu, d’un secteur high tech florissant. La répression et la guerre en Ukraine sont en train d’en signer la fin.Katsiaryna Zhuk, Professeur en géopolitique et design informationnel, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2087902023-08-02T18:06:44Z2023-08-02T18:06:44Z« Black Mirror » : notre monde est-il devenu la dystopie que prédisait la série ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535145/original/file-20230701-100349-yyygjs.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C17%2C1076%2C989&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visuel de "Joan est horrible", premier épisode de la sixième saison de Black Mirror sortie le 15 juin dernier sur Netflix. </span> <span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span></figcaption></figure><p>Diffusée en France depuis 2016 sur la plate-forme <a href="https://www.netflix.com/title/70264888">Netflix</a>, <em>Black Mirror</em> est ce qu’on appelle une série d’anthologie : ses épisodes sont indépendants les uns des autres et <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">reliés par la thématique de la dystopie</a>. Elle met en scène une société à l’avenir sombre, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-le-cote-obscur-de-la-technologie-117466">marquée par le progrès technologique</a>.</p>
<p>Le 15 juin marquait le grand retour de la série, quatre ans après la sortie de sa cinquième saison, en raison de la crise sanitaire. Depuis la première saison, <a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lanthologie-de-la-pente-fatale-90482">nous retrouvons au centre de chaque épisode un procédé technique soulevant des problématiques éthiques</a>, dans un repère temporel généralement flou pour nous permettre d’envisager ses dangers à moyen ou long terme. </p>
<p>Dans cette sixième saison, des sujets récurrents sont abordés, tels que l’intelligence artificielle, les réseaux sociaux et une vision horrifique de l’usage des technologies. Pourtant, ces cinq derniers épisodes ne semblent pas tournés vers l’avenir proche comme les précédents. Dans une dimension spatio-temporelle mieux définie, soit contemporaine, soit située quelque part au XX<sup>e</sup> siècle, ils abordent des situations néfastes qui présentent la décadence des comportements humains déjà bien amorcés dans la réalité.</p>
<p>Notre monde est-il donc définitivement entré dans l’écran noir de <em>Black Mirror</em> ? Cette sixième saison nous tend-elle un miroir sur notre quotidien ?</p>
<h2>Red Mirror : la fin d’une dystopie ?</h2>
<p>Durant cinq saisons, la dystopie fait sens dans tous les épisodes en évoquant les dangers des progrès technologiques (S01E03 ; S04E02), le contrôle au profit d’une élite (S03E01 ; S03E05), le recours à l’intelligence artificielle pour maîtriser ce nouveau monde (S02E01 ; S05E03) ou encore le pouvoir politique des médias (S01E01 ; S01E02 ; S02E03 ; S03E06). Ces épisodes se déroulent souvent dans un « non-lieu » (S03E04 ; S04E01) et un futur apocalyptique (S04E04 ; S04E05).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/black-mirror-ou-lambigu-te-du-pire-80027">« Black Mirror » ou l’ambiguïté du pire</a>
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<p>Or, cette sixième saison marque un changement par rapport aux autres, en jouant davantage sur l’ironie des situations induites par ces progrès déjà en cours dans notre société. Du premier épisode (« Joan is Awful ») présentant la venue des doubles virtuels déjà parmi nous depuis 2017 aux deux suivants (« Loch Henry » et « Beyond the Sea ») qui traitent de meurtres, rien de nouveau n’apparaît. Pas plus que les deux derniers épisodes (« Mazey Day » et « Demon 79 ») qui abordent le voyeurisme de la presse et les mythes sociaux (le loup-garou et le démon).</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce, <em>Black Mirror</em>, saison 6 (Netflix).</span></figcaption>
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<p>Ce changement de perspective questionne. La série montre habituellement notre avenir disruptif perturbé par le progrès technologique. Et <em>Black Mirror</em> a eu énormément de succès en se basant sur la dystopie d’un monde auquel nous ne pouvons échapper. Pour quelles raisons dans cette saison, les scénaristes alertent-ils déontologiquement sur les comportements humains qui dégénèrent ? Est-on toujours dans une dystopie ?</p>
<p>Le contexte de production de cette sixième saison est à prendre compte pour comprendre le changement de ton et de direction artistique de la série. Les scénaristes se voient rattrapés par le présent anxiogène (Covid-19) alors qu’ils contaient des histoires destinées à penser l’avenir : « En ce moment, je ne vois pas comment on pourrait avoir l’envie et la force de regarder des histoires concernant une société qui s’écroule. Donc je ne travaille pas du tout sur de nouveaux épisodes », <a href="https://www.radiotimes.com/tv/sci-fi/black-mirror-6-update/">confiait Charlie Brooker à <em>Radio Times</em> en 2020</a>.</p>
<p>Cette affirmation confirme que le créateur s’éloigne de la dystopie pour traiter autrement des histoires menant à une réflexion et des temporalités différentes qui se situent dans le présent ou dans le passé, voire dans une <a href="https://journals.openedition.org/elh/362">uchronie</a> (le récit d’évènements fictifs à partir d’un point de départ historique).</p>
<p>C’est le cas de l’épisode 3 (« Beyond the Sea ») qui puise dans le passé pour réécrire le futur. En effet, à partir d’un évènement narré en 1969, en <a href="https://www.britannica.com/topic/rock-Los-Angeles-1950s-overview-1371230">référence au meurtre de Sharon Tate (épouse de Roman Polanski)</a>, les scénaristes introduisent un progrès technologique. Un astronaute assiste alors, impuissant, au meurtre de sa femme et de ses enfants par des hippies via sa propre réplique numérique. Comme en témoigne un spécialiste <a href="https://www.hollywoodreporter.com/tv/tv-features/black-mirror-beyond-the-sea-ending-josh-hartnett-kate-mara-1235516380/">“[…] Charlie voulait retourner à cette époque pour réinventer le pourquoi […]”</a>, nous renvoyant au principe de l’uchronie.</p>
<p>La question « que se serait-il passé si… » prévaut dans chacun des épisodes composant cette sixième saison, invitant le spectateur à imaginer un récit hypothétique : « et si une starlette ne s’était pas suicidée ? », « et si le démon n’avait pas pu contacter l’héroïne ? », « et si un astronaute n’avait pas laissé son collègue revenir sur Terre ? »</p>
<p>Le ton est aussi différent dans cette saison, à la tournure clairement plus horrifique comme pour compenser la dimension prophétique qui avait tant marqué les premières saisons : le créateur de la série en témoigne : « Cette saison, j’ai voulu faire quelque chose de très différent – une sorte de Red Mirror, comme un label parallèle tourné vers le crime et l’horreur. Et en faisant ça, je me suis dit, essaye de transformer ta propre vision de ce qu’est un épisode de <em>Black Mirror</em> ».</p>
<p><em>Black Mirror</em>, jusque là, se faisait l’écho du futur de notre société dans un contexte souvent totalitaire, de contrôle et de surveillance étatique par le biais des progrès informatiques. Par des scénarios prenant source dans notre réalité, cette série d’anticipation projetait donc, dans un avenir dystopique, des fictions qui n’en sont plus. Le temps semble avoir avancé plus vite que les scénaristes et la réalité dépasse aujourd’hui la fiction – mentionnons par exemple la déflagration ChatGPT.</p>
<h2>Quand l’intelligence artificielle dépasse la fiction</h2>
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<p><a href="https://www.netflix-news.com/articles/programmes/1577344-joan-est-horrible-black-mirror-saison-6-que-vaut-le-premier-episode-douverture-de-la-serie-netflix-avis-des-internautes-22-06-2023/">Le premier épisode de cette nouvelle saison met en scène une jeune femme</a> (Joan) troublée après qu’elle ait découvert sur une plate-forme de streaming une série à son image, relatant ses journées, parfois au mot près. Cet épisode permet aux scénaristes d’aborder la question du vide juridique qui entoure les doublures digitales, imaginées à partir de la vie bien réelle d’êtres humains.</p>
<p>La problématique se présente déjà dans le milieu de la communication et du marketing avec une absence de cadre législatif régulant l’usage des <a href="https://theconversation.com/si-un-influenceur-virtuel-commet-une-infraction-qui-est-responsable-208512">influenceurs biodigitaux</a>.</p>
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<p>Cette absence de mesure législative peut mener tout un chacun à usurper l’identité visuelle d’une personne en plaçant son double digitalisé sur le net, sans encourir aucune poursuite. Depuis le 13 juillet 2023, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/14/greve-a-hollywood-les-acteurs-craignent-d-etre-remplaces-par-des-machines_6181893_3234.html">grève des acteurs à Hollywood</a> place l’intelligence artificielle au centre du débat public, poussant ces premiers à réclamer de meilleurs revenus du streaming et des garanties contre son intrusion dans le milieu audiovisuel.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1679770215796678656"}"></div></p>
<p>Dans <em>Black Mirror</em>, ce n’est d’ailleurs pas la première fois que ce thème mêlant intelligence artificielle (IA) et corps digitalisés est abordé. En effet, par les progrès de la science, la reproduction virtuelle d’une jeune chanteuse Ashley apparaît sous l’apparence d’une poupée robotisée nommée « Ashley Too » (saison 5, épisode 3). La réflexion au centre de cet épisode est proche de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-031-05064-0_20">ce travail de recherche internationale</a> dans lequel les professionnels de la communication et du marketing s’expriment sur les fondements de nos libertés, il y a déjà plus de trois ans ; ils disent craindre le façonnage d’humains virtuels dont la digitalisation est invisibilisée. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-sont-ils-plus-puissants-que-les-influenceurs-humains-178056">Les influenceurs virtuels sont-ils plus puissants que les influenceurs humains ?</a>
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<p>Cette question prévaut également dans le premier épisode de la saison 2, intitulé « Bientôt de retour », qui présente des êtres de substitution faisant revivre des morts en utilisant toutes les caractéristiques de l’individu décédé (voix, gestuelle, personnalité, etc.).</p>
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<p>Dans la série, le personnage principal, une femme éprouvée par le décès de son mari, refuse de reconnaître toute humanité à cette entité <a href="https://theconversation.com/les-nouvelles-creatures-dinstagram-ou-quand-la-science-fiction-rejoint-la-realite-99820">biodigitale</a>, elle finit toutefois par converser secrètement avec elle. Ceci n’est pas sans nous rappeler la <a href="https://www.facebook.com/help/103897939701143">page Facebook d’un individu qui reste active après son décès</a> ou la <a href="https://theconversation.com/debat-lintelligence-artificielle-peut-elle-accompagner-les-personnes-en-deuil-205491">façon dont l’intelligence accompagne les personnes en deuil</a>. Le dernier exemple en date étant l’application « Project December » qui utilise GPT-3 pour permettre à l’utilisateur de recréer un dialogue avec des personnes disparues.</p>
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<figcaption><span class="caption">Simulate the Dead, « Project December ».</span></figcaption>
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<p>Il faudra sans doute attendre la septième saison pour savoir si la série se propose toujours d’explorer toutes les facettes des avancées technologiques et sociales en tentant de nous éclairer sur cet avenir dirigé par l’intelligence artificielle qui brille de mille feux pour mieux nous aveugler. Il se peut aussi que, subliminalement, la série ait choisi d’alerter sur les comportements humains, toujours plus déviants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208790/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour son grand retour, « Black Mirror » appréhende à nouveau notre rapport aux nouvelles technologies : un usage démesuré comme elle l’avait prédit.Frédéric Aubrun, Enseignant-chercheur en Marketing digital & Communication au BBA INSEEC - École de Commerce Européenne, INSEEC Grande ÉcoleMarie-Nathalie Jauffret, Chercheure - Prof. Communication & Marketing, International University of MonacoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2042382023-06-08T16:08:26Z2023-06-08T16:08:26ZL'IA profite d'une couverture partiale des médias<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/523618/original/file-20230501-18-8b9nej.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C0%2C1902%2C1066&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Peu de voix critiques à l’égard de l’IA se font entendre dans la couverture des médias traditionnels sur le sujet.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Les médias d’information jouent un rôle déterminant dans la perception qu’a le public de l’intelligence artificielle. Depuis 2017, année où Ottawa a rendu publique sa <a href="https://ised-isde.canada.ca/site/strategie-ia/fr">Stratégie pancanadienne en matière d’intelligence artificielle</a>, <a href="https://yvesgingras.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/150/Note_2020-07_IA.pdf">l’IA est présentée et promue comme une ressource clé</a> pour l’économie canadienne.</p>
<p>Ayant engagé plus d’un <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4089932">milliard de dollars en financement public</a>, le gouvernement fédéral décrit l’IA comme un outil <a href="https://ised-isde.canada.ca/site/strategie-ia/fr">dont il faut impérativement tirer parti</a>. Certains organismes financés par l’État comme <a href="https://www.scaleai.ca/fr/">Scale AI</a> et <a href="https://forumia.quebec/">Forum IA Québec</a> existent pour faire la promotion de l’adoption de l’IA dans tous les secteurs de l’économie.</p>
<p>Au cours des deux dernières années, notre équipe de recherche <a href="https://www.shapingai.org/#media">Shaping AI</a> a étudié la couverture médiatique canadienne de l’IA. Nous avons analysé les articles de journaux publiés sur le sujet entre 2012 et 2021 et mené des entrevues avec des journalistes canadiens affectés à la couverture de l’IA durant cette période.</p>
<p><a href="https://espace.inrs.ca/id/eprint/13149/1/report_ShapingAI_verJ.pdf">Selon notre étude</a>, les articles de médias généralistes sur l’IA reflètent étroitement les intérêts des affaires et du gouvernement. La couverture de l’IA fait l’éloge de ses futurs avantages économiques et politiques. Elle aborde très peu les dynamiques de pouvoir qui sous-tendent ces intérêts.</p>
<h2>Les mêmes sources</h2>
<p>Notre étude révèle que les journalistes technos ont tendance à interviewer sans cesse les mêmes experts favorables à l’IA, en particulier des informaticiens. « Qui est la meilleure personne pour parler d’IA, si ce n’est celui qui la conçoit ? », nous expliquait un pigiste. Or, lorsque les journalistes font appel à un nombre restreint de sources, leurs reportages sont plus susceptibles d’omettre certaines informations importantes ou d’être partiaux.</p>
<p>Les informaticiens et les entrepreneurs oeuvrant dans le secteur technologique Yoshua Bengio, Geoffrey Hinton, Jean-François Gagné et Joëlle Pineau sont sollicités outre mesure par les médias traditionnels. Le nom de Yoshua Bengio – pionnier de l’apprentissage profond et fondateur de l’<a href="https://mila.quebec/personne/bengio-yoshua/">Institut d’intelligence artificielle Mila</a> – <a href="https://1drv.ms/f/s!Agwflj4HlSHJ9GV2_kegBc8ijuIw?e=Oxrlbt">apparaît près de 500 fois</a> dans 344 articles journalistiques différents.</p>
<p>Seule une poignée de politiciens et de leaders du secteur des technologies, comme Elon Musk ou Mark Zuckerberg, sont mentionnés plus souvent que ces experts dans les reportages canadiens sur l’IA.</p>
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<img alt="Deux hommes, l’un portant un veston et l’autre une tenue décontractée, sont assis et discutent.Des drapeaux canadiens apparaissent en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521370/original/file-20230417-1000-lgpo0a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau rencontre Jean-François Gagné, cofondateur et à l’époque chef de la direction de la société Element AI, en marge du Fortune Global Forum, à Toronto, en octobre 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Chris Young</span></span>
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</figure>
<p>Peu de voix critiques à l’égard de l’IA se font entendre dans la couverture des médias traditionnels sur le sujet. Les opinions critiques les plus fréquemment citées sont celles du regretté physicien Stephen Hawking, à qui on attribue 71 mentions. Les spécialistes des sciences sociales brillent par leur absence.</p>
<p>Yoshua Bengio, Geoffrey Hinton et Joëlle Pineau sont des autorités dans leur domaine d’expertise, mais à l’instar d’autres scientifiques, ils ne sont pas neutres ni exempts de parti pris. En entrevue, ils <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-un-matin/segments/entrevue/438367/moratoire-intelligence-artificielle-arrivee-nucleaire">font la promotion du développement</a> et du <a href="https://ici.radio-canada.ca/info/videos/media-8258004/entrevue-avec-yoshua-bengio?isAutoPlay=true">déploiement de l’IA</a>. Comme ils ont consacré leur vie professionnelle au développement du champ de l’IA, ils ont intérêt à favoriser son adoption.</p>
<h2>Chercheurs et entrepreneurs en IA</h2>
<p>Plusieurs scientifiques spécialisés en IA sont non seulement des chercheurs, <a href="https://doi.org/10.1080/0953732032000046024">mais aussi des entrepreneurs</a>. Ces deux rôles sont distincts : un chercheur produit des savoirs, tandis qu’un entrepreneur se sert de la recherche et du développement pour attirer les investissements et vendre ses innovations.</p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1016/S0048-7333(99)00055-4">frontières entre l’État, l’industrie des technologies et le milieu universitaire sont de plus en plus poreuses</a>. Au Canada, au cours de la dernière décennie, les agences gouvernementales, les entreprises publiques et privées, les chercheurs et les industriels ont contribué à la mise en place d’un écosystème lucratif en IA. Les chercheurs du domaine sont étroitement intégrés à ce <a href="https://yvesgingras.uqam.ca/wp-content/uploads/sites/150/Note_2020-07_IA.pdf">réseau tricoté serré</a>, partageant leur temps entre des laboratoires financés par l’État et des <a href="https://www.cs.mcgill.ca/%7Ejpineau/">géants de la technologie comme Meta</a>.</p>
<p>Les chercheurs en IA occupent des postes de pouvoir clés au sein des <a href="https://forumia.quebec/a-propos">organismes qui font la promotion de l’adoption de l’IA</a> <a href="https://ivado.ca/gouvernance/">dans toutes les industries</a>. De plus, un grand nombre d’entre eux occupent ou ont occupé des postes décisionnels à l’<a href="https://cifar.ca/fr/ia/">Institut canadien de recherches avancées (CIFAR)</a>, un organisme qui achemine des fonds publics vers des chaires de recherche en IA un peu partout au Canada.</p>
<p>Lorsque les informaticiens s’expriment dans les médias, ils le font non seulement à titre d’experts en IA, mais aussi en tant que <a href="https://shs.hal.science/halshs-00081741">porte-paroles de ce réseau</a>. Ils confèrent une crédibilité et une légitimité aux reportages sur l’IA en raison de leur expertise reconnue. Mais ils sont également en position de promouvoir leurs propres attentes relativement à l’avenir de l’IA, sans avoir à être imputable quant à la réalisation de ces visions d’avenir.</p>
<h2>Promotion de l’IA responsable</h2>
<p>Les experts cités dans les médias traditionnels abordent rarement les détails techniques de la recherche en IA. Les techniques d’apprentissage automatique – communément regroupées sous le terme parapluie IA – sont jugées trop complexes pour le grand public. « Il y a très peu d’espace consacré à l’approfondissement des aspects techniques », nous a dit un journaliste.</p>
<p>Les chercheurs en IA profitent plutôt de l’attention médiatique pour façonner les attentes et la compréhension du public en matière d’IA. La couverture récemment accordée à une <a href="https://futureoflife.org/open-letter/pause-giant-ai-experiments/">lettre ouverte réclamant un moratoire de six mois sur le développement de l’IA</a> en est un bon exemple. Les reportages ont surtout relayé des clichés alarmistes sur ce que l’IA pourrait devenir, citant de « <a href="https://www.nytimes.com/2023/03/29/technology/ai-artificial-intelligence-musk-risks.html">graves risques pour la société »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme d’âge moyen à la chevelure frisée fixe la caméra, le menton appuyé dans la main. À côté de lui se trouve un écran où l’on voit une tête humaine baignée dans une lumière bleue éclatante ; les mots « l’IA et l’apprentissage profond » apparaissent dans la partie supérieure de l’écran" src="https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=376&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521102/original/file-20230414-16-dbxzys.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=473&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le professeur d’informatique Yoshua Bengio devant son domicile de Montréal, en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Graham Hughes</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://yoshuabengio.org/2023/04/05/slowing-down-development-of-ai-systems-passing-the-turing-test/">Yoshua Bengio</a>, qui a signé la lettre, avertit que l’IA a le potentiel de <a href="https://www.theglobeandmail.com/business/article-ai-pause-elon-musk/">déstabiliser la démocratie</a> et <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/tout-un-matin/segments/entrevue/438367/moratoire-intelligence-artificielle-arrivee-nucleaire">l’ordre mondial</a>.</p>
<p>Ces interventions ont façonné le discours sur l’IA de deux façons. Premièrement, elles ont associé les débats sur l’IA à des <a href="https://theconversation.com/lets-base-ai-debates-on-reality-not-extreme-fears-about-the-future-203030">visions alarmistes d’un futur lointain</a>. La couverture de la lettre ouverte réclamant un moratoire de six mois sur le développement de l’IA <a href="https://www.dair-institute.org/blog/letter-statement-March2023">a passé sous silence les dangers réels et bien documentés</a> liés à l’IA, comme ceux relatifs à <a href="https://academic.oup.com/book/5264">l’exploitation de la main-d’œuvre</a>, au <a href="https://proceedings.mlr.press/v81/buolamwini18a.html">racisme</a>, au <a href="https://youtu.be/E-O3LaSEcVw">sexisme</a>, à la désinformation et à la <a href="https://www.publicaffairsbooks.com/titles/shoshana-zuboff/the-age-of-surveillance-capitalism/9781610395694/">concentration du pouvoir entre les mains des géants de la technologie</a>.</p>
<p>Deuxièmement, la lettre présente la recherche en IA selon une <a href="https://www.britannica.com/topic/Manichaeism">dichotomie manichéenne</a> : la vision négative que « personne […] ne peut comprendre, maîtriser, prédire ou contrôler de façon fiable » et une vision positive – la soi-disant IA responsable. La lettre ouverte visait autant à façonner notre vision de l’avenir de l’IA qu’à <a href="https://www.latimes.com/business/technology/story/2023-03-31/column-afraid-of-ai-the-start-up-selling-it-want-you-to-be">vanter l’IA responsable</a>.</p>
<p>Mais si l’on en croit les normes de l’industrie de l’IA, ce qui a été jusqu’ici qualifié d’« IA responsable » consiste en des <a href="https://doi.org/10.1007/s43681-022-00209-w">principes vagues, volontaristes et non contraignants qui sont impossibles à mettre en œuvre dans le milieu des entreprises</a>. L’IA éthique n’est souvent qu’un <a href="https://time.com/6247678/openai-chatgpt-kenya-workers/">stratagème de marketing</a> à des fins de profit qui n’a pas grand-chose à offrir pour éliminer les systèmes d’exploitation, d’oppression et de violence déjà associés à l’IA.</p>
<h2>Recommandations de l’étude</h2>
<p>Notre étude comporte cinq recommandations visant à encourager un journalisme d’enquête critique en sciences et technologie ainsi que la mise en lumière des controverses de l’IA.</p>
<ol>
<li><p><strong>Promouvoir et investir dans le journalisme techno.</strong> Nous invitons les salles de rédaction et les journalistes à se méfier des cadrages économiques naïfs de l’IA et à enquêter plutôt sur les externalités qui sont généralement laissées de côté dans les reportages économiques : les exclusions sociales, les inégalités et les injustices créées par l’IA.</p></li>
<li><p><strong>Éviter de traiter l’IA comme une prophétie.</strong> Les projections futures de l’IA doivent être distinguées des réalisations actuelles.</p></li>
<li><p><strong>Suivre l’argent.</strong> Les médias canadiens ont peu couvert les proportions inhabituelles du financement gouvernemental gargantuesque qui a été consacré à la recherche sur l’IA. Nous conseillons aux journalistes d’examiner minutieusement les réseaux de personnes et d’organismes qui travaillent à la mise en place et au maintien de l’écosystème de l’IA au Canada.</p></li>
<li><p><strong>Diversifier les sources.</strong> Les experts en IA et leurs établissements de recherche occupent une place démesurée dans la couverture médiatique de l’IA au Canada, tandis que les opinions critiques y font cruellement défaut.</p></li>
<li><p><strong>Encourager la collaboration entre les journalistes, les salles de nouvelles et les équipes responsables des données.</strong> La prise en compte de différents types d’expertises aide à mettre en lumière les considérations sociales et techniques en matière d’IA. L’omission de l’une ou l’autre de ces expertises risque de rendre la couverture de l’IA déterministe, inexacte, naïve ou exagérément simpliste.</p></li>
</ol>
<p>L’adoption d’une attitude critique face à l’IA ne veut pas dire que l’on soit contre son développement et son déploiement. Cette posture a plutôt pour effet d’inciter les médias d’information et leur lectorat à s’interroger sur les dynamiques culturelles, politiques et sociales qui rendent l’IA possible, et à examiner les incidences globales de la technologie sur la société, et vice versa.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204238/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Dandurand est financé par le Conseil de recherche en sciences humaines.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fenwick McKelvey reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines et du Fonds de recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jonathan Roberge reçoit des fonds du Conseil de recherches en sciences humaines et des Fonds de recherche du Québec - Société et Culture (FRQSC).</span></em></p>La couverture médiatique de l’intelligence artificielle reflète davantage l’engouement du milieu des entreprises et du gouvernement que les opinions critiques.Guillaume Dandurand, Postdoctoral Fellow, Shaping AI, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Fenwick McKelvey, Associate Professor in Information and Communication Technology Policy, Concordia UniversityJonathan Roberge, Professor, Institut national de la recherche scientifique (INRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2050672023-05-10T13:44:19Z2023-05-10T13:44:19ZPodcast : Vous prendrez bien un peu de « low tech » ?<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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</figure>
<p><em>Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lechappee-sciences-135626">« L’échappée Sciences »</a>. Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.</em></p>
<hr>
<iframe src="https://playerbeta.octopus.saooti.com/miniplayer/large/217811?distributorId=c3cfbac6-2183-4068-a688-866933d3b5a6&color=40a372&theme=ffffff" width="100%" height="180px" scrolling="no" frameborder="0"></iframe>
<hr>
<p>Myco-matériaux, deshydrateur, chauffe-eau et four solaires, filtre à eau céramique, pédalier multifonctions, banque de graines, frigo du désert, toilettes sèches, cuir de kombucha, vélo cargo, éolienne 20 W, <a href="https://lowtechlab.org/fr/le-low-tech-lab/les-actions/habitat-low-tech">maisons bioclimatiques</a>… Cette liste à la Prévert vous dira sans doute quelque chose si vous aimez adopter, voire fabriquer, des objets capables de rendre le quotidien plus simple et plus durable.</p>
<p>Parce qu’elles cherchent à atteindre une frugalité efficace, les « low tech » intéressent dans notre pays un public grandissant à l’heure des dérèglements environnementaux et de la raréfaction des ressources. En témoigne le <a href="https://www.we-explore.org/exploremag/nos-explorations/nomade-des-mers/">périple de plusieurs années entrepris par le Nomade des mers</a>, ce voilier parti faire le tour du monde pour documenter les « low tech » utilisées sur la planète !</p>
<p>Une aventure qui s’est achevée à l’été 2022 à Concarneau, en Bretagne, donnant lieu au <a href="https://blogs.mediapart.fr/morganmeyer/blog/280622/le-festival-low-tech-comment-donner-envie-aux-basses-technologies">premier festival des « low tech » en France</a>.</p>
<p>Invité du nouvel épisode de notre podcast « L’échappée Sciences », le sociologue Morgan Meyer (CNRS, Mines Paris) revient sur l’émergence de ce mouvement. Avec lui, on part à la découverte de ces pratiques qui dépassent de très loin le bidouillage. Où ce courant a-t-il émergé ? Pourquoi la Bretagne s’impose-t-elle comme un <a href="https://bretagne.ademe.fr/actualites/manifestations/appel-candidatures-les-solutions-low-tech-au-service-de-la-sobriete-territoriale">territoire « laboratoire » pour ces initiatives</a> ? Les « low tech » pourront-elles un jour se déployer à grande échelle ? Autant de questions auxquelles Morgan Meyer apporte des éléments de réponse et de compréhension.</p>
<p>Pour la chronique de ce nouvel épisode, on se demande justement jusqu’où peuvent aller les « low tech » dans notre société très éprise de high tech. De la <a href="https://theconversation.com/la-lutte-pour-une-agriculture-libre-bricoler-et-partager-pour-semanciper-147051">réparabilité des appareils électroniques</a> à la <a href="https://theconversation.com/la-chasse-au-gaspillage-dans-le-cloud-et-les-data-centers-196669">chasse au gaspillage dans le cloud et les data centers</a>, les chercheuses et les chercheurs tentent de penser un monde plus économe.</p>
<p>Mais certaines approches techniques, qui partent du monde tel qu’il est aujourd’hui, peuvent se heurter à l’<a href="https://theconversation.com/leffet-rebond-quand-la-surconsommation-annule-les-efforts-de-sobriete-197707">« effet rebond »</a> : en optimisant nos utilisations d’énergie ou de ressources, on peut en fait provoquer une augmentation globale de la consommation. Pour dépasser ce paradoxe, des scientifiques font le chemin inverse : ils et elles partent de l’objectif à atteindre – et à définir – pour inventer une <a href="https://phenix.citi-lab.fr/">informatique intrinsèquement frugale</a> et des chaînes de production et d’<a href="https://www.cairn.info/revue-la-pensee-ecologique-2020-1-page-7.htm">interdépendances techniques adaptées à un monde sobre</a>.</p>
<p>Bonne écoute !</p>
<p><strong>Pour aller plus loin</strong> <br>
● <a href="https://sciencepolicy.colorado.edu/students/envs_5110/small_is_beautiful.pdf"><em>Small is beautiful : A study of economics as if people mattered</em></a>, E.F. Schumacher (1973)<br>
● <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119"><em>La Convivialité</em></a>, Ivan Illich (1973)<br>
● <a href="https://www.jstor.org/stable/3101118"><em>Authoritarian and democratic technics. Technology and culture</em></a>, Lewis Mumford (1964)<br>
● <a href="https://www.cairn.info/revue-reseaux-2022-5-page-219.htm"><em>Expérimenter et rendre désirables les low tech : Une pragmatique de la documentation</em></a>, Morgan Meyer (2022)</p>
<p><strong>Et aussi…</strong><br>
● <a href="https://leszuts.coop/">La coopérative Les Zuts</a>, spécialisée dans la construction de <em>tiny houses</em> low tech<br>
● <a href="https://lowtechlab.org/">Le Low tech Lab</a></p>
<hr>
<p><em>Crédits : Animation et conception, Jennifer Gallé et Elsa Couderc. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait du générique de la série <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19548515&cfilm=114782.html">« MacGyver »</a> Randy Edelman - Adaptation : Jacky Giordano.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205067/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Parce qu’elles cherchent à atteindre une frugalité efficace, ces initiatives intéressent un public grandissant à l’heure des dérèglements environnementaux et de la raréfaction des ressources.Morgan Meyer, Directeur de recherche CNRS, sociologue, Mines Paris - PSLElsa Couderc, Cheffe de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceJennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020252023-04-03T14:55:53Z2023-04-03T14:55:53ZL’intelligence artificielle inquiète. Il est temps d’éduquer la population à la programmation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518794/original/file-20230331-947-wicpvl.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image générée par DALL-E 2 avec la commande suivante: «une peinture à l'huile impressionniste d'un célèbre robot doré lisant un livre».</span> <span class="attribution"><span class="source">(Hugo G. Lapierre)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les récents progrès en intelligence artificielle ont été ahurissants. En seulement quelques semaines, nous avons assisté à des avancées majeures qui ont le potentiel d’<a href="https://www.lapresse.ca/affaires/techno/2023-03-29/intelligence-artificielle/yoshua-bengio-et-un-millier-de-personnalites-demandent-une-pause-de-six-mois.php">impacter le marché du travail et de notre société dans son ensemble</a>. </p>
<p>ChatGPT, qui a élargi l’accès à cette technologie, en est rendue à sa quatrième version, encore plus performante. La semaine dernière, un <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/techno/2023-03-29/intelligence-artificielle/musk-bengio-et-un-millier-d-experts-demandent-une-pause-de-six-mois.php">millier d’experts et entrepreneurs des TI, parmi lesquels Yoshua Bengio et Elon Musk, ont exigé une pause de six mois</a> dans la recherche. </p>
<p>Dans ce contexte inusité, former les futurs citoyens et enseignants aux compétences numériques fondamentales apparaît nécessaire pour affronter les défis du XXI<sup>e</sup> siècle et contribuer activement à la construction d’un monde plus sûr et plus éthique.</p>
<p>Respectivement chercheur en didactique de la programmation et co-directeur de la Chaire Unesco de développement curriculaire, à l’UQAM, nous avons dans un <a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-les-eleves-du-primaire-et-du-secondaire-devraient-apprendre-a-programmer-181009">article précédent</a> discuté des trois arguments les plus souvent mentionnés par la littérature scientifique afin de justifier l’intégration de la programmation à l’école, tant au primaire qu’au secondaire. Il faut maintenant élargir cette éducation à l’ensemble de la société. </p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/voici-pourquoi-les-eleves-du-primaire-et-du-secondaire-devraient-apprendre-a-programmer-181009">Voici pourquoi les élèves du primaire et du secondaire devraient apprendre à programmer</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Savoir programmer pour mieux utiliser les modèles de langage</h2>
<p>Dans le monde de l’IA, les modèles de langage tels que ChatGPT jouent un rôle crucial dans diverses applications, comme la génération de textes divers, la génération de code informatique, et l’analyse des données. Cependant, pour exploiter pleinement le potentiel de ces modèles, il est essentiel de maîtriser certaines compétences en programmation. </p>
<p>L’ingénierie des instructions est une nouvelle discipline qui consiste à concevoir et à structurer des instructions (souvent appelées « prompts », même en français) pour guider les modèles de langage afin de produire des résultats précis. Ces instructions peuvent être organisées selon différents gabarits en fonction des objectifs visés. Ces gabarits sont appelés « modèles d’instructions », et peuvent être comparés aux fonctions en programmation. </p>
<p>Les fonctions sont des blocs de code réutilisables qui effectuent une tâche spécifique. De la même manière, les modèles d’instructions sont des solutions réutilisables pour résoudre des problèmes courants lors de l’interaction avec les modèles de langage. La différence principale entre les deux ? Les fonctions sont écrites en langage informatique (comme Python ou C++), tandis que les modèles d’instruction sont rédigés en langage naturel (notamment en français ou en anglais). En d’autres termes, il s’agit d’une manière de donner des instructions à un logiciel avec des mots, plutôt qu’avec des lignes de code.</p>
<p>La <a href="https://arxiv.org/pdf/2302.11382.pdf">connaissance des modèles d’instructions</a> permet donc aux utilisateurs de structurer les instructions qui sont données au modèle de langage de façon à obtenir les résultats les plus précis et pertinents possibles. Un exemple est le « modèle d’interaction inversée », soit une approche où le modèle de langage prend l’initiative dans la conversation, en posant des questions pour obtenir les informations nécessaires à l’accomplissement d’une tâche précise. Cette approche permet de rendre les interactions plus ciblées et efficaces, car le modèle ne posera que les questions pertinentes pour atteindre l’objectif défini. </p>
<h2>Un exemple, le modèle d’interaction inversée</h2>
<p>Imaginons que vous souhaitez planifier un voyage et que vous voulez que ChatGPT vous aide à organiser votre itinéraire en vous posant des questions pertinentes. Un exemple de modèle d’interaction inversée pourrait être :</p>
<blockquote>
<p>À partir de maintenant, je souhaite que tu me poses des questions pour m’aider à planifier mon voyage en Italie. Continue à me poser des questions jusqu’à ce que tu aies suffisamment d’informations pour me proposer un itinéraire détaillé de 10 jours.</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=157&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=197&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=197&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517823/original/file-20230328-28-fxpiq7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=197&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En fonction de vos réponses, ChatGPT pourra élaborer un itinéraire personnalisé qui répond à vos attentes et besoins.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Hugo G. Lapierre), Fourni par l’auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans cet exemple, ChatGPT vous posera des questions pour recueillir des informations sur vos préférences de voyage, telles que les villes que vous souhaitez visiter, votre budget, vos centres d’intérêt et vos contraintes de temps, tout en considérant les attractions principales qui se trouvent en Italie. En fonction de vos réponses, il pourra alors élaborer un itinéraire personnalisé qui répond à vos attentes et besoins.</p>
<h2>ChatGPT et les requêtes malicieuses</h2>
<p>Bien qu’impressionnants et actuellement très populaires, les modèles de langage demeurent tout de même vulnérables aux attaques informatiques (« hacking »). À titre d’exemple, des pirates informatiques ont utilisé une technique appelée « injection d’instructions » (<a href="https://arxiv.org/pdf/2302.12173.pdf"><em>prompt injection</em></a>) pour manipuler les résultats de GPT-3. Cette manipulation permet à un utilisateur de contourner les contrôles de sécurité et les restrictions imposées par les concepteurs du modèle pour accéder à des fonctionnalités non autorisées ou pour manipuler le modèle de manière malveillante. </p>
<p>L’injection d’instructions consiste ainsi à entrer des instructions dans le modèle, ce qui l’amène à générer des résultats biaisés ou trompeurs. <a href="https://www.theguardian.com/technology/2023/mar/08/chatgpt-alter-ego-dan-users-jailbreak-ai-program-to-get-around-ethical-safeguards">Le modèle d’instructions malveillant le plus populaire est D.A.N</a>, qui signifie « Do Anything Now ». Il permet à l’utilisateur d’obtenir des informations non vérifiées, sans censure, et même des opinions de la part de ChatGPT libres de toute limitation imposée par OpenAI.</p>
<p>Ces attaques sur les modèles de langage sont inquiétantes, car ils compromettent la sécurité, la confidentialité et l’intégrité des modèles, tout en posant des risques pour la stabilité et les performances des systèmes associés. De plus, ils peuvent décourager l’innovation en faisant craindre aux développeurs que leurs modèles soient compromis par des acteurs malveillants.</p>
<h2>La programmation pour tous, une solution pour favoriser la cybersécurité</h2>
<p>Pour prévenir de telles attaques, il est important de mettre en place des mesures de sécurité solides et de surveiller et de les mettre à jour au fur et à mesure que de nouvelles menaces apparaissent. Il est également crucial de disposer d’un bassin de personnes talentueuses et familiarisées avec la programmation, qui pourront développer et mettre en œuvre ces mesures. </p>
<p>Il importe donc d’initier les individus à la programmation, afin qu’ils deviennent davantage conscients des défis de sécurité liés à l’utilisation des modèles de langage et des technologies d’IA. En comprenant les mécanismes de fonctionnement de ces technologies et leurs vulnérabilités potentielles, ils seront alors possiblement plus enclins à adopter des pratiques de sécurité et à utiliser les modèles de langage de manière responsable. </p>
<p>L’éducation à la programmation peut également contribuer à créer une communauté d’utilisateurs et de développeurs responsables (« white hat users »), qui travaillent ensemble pour <a href="https://www.vice.com/en/article/5d9z55/jailbreak-gpt-openai-closed-source">renforcer la sécurité des modèles de langage et rendre plus transparentes les limites éthiques imposées par les développeurs</a>.</p>
<p>Initier la population à la programmation encourage ainsi l’innovation et le développement de solutions de sécurité plus robustes. </p>
<h2>Au-delà du simple codage</h2>
<p>L’idée d’initier la population aux concepts de base de l’informatique ne date pas d’hier et dépasse l’apprentissage du codage. Peter Denning, un pionnier dans le domaine, a publié en 1989 un article intitulé <a href="https://dl.acm.org/doi/pdf/10.1145/63238.63239">« Computing as a Discipline »</a>, qui mettait déjà de l’avant l’importance des compétences associées à l’apprentissage de la programmation pour tous les citoyens. Selon lui, cet apprentissage doit viser le traitement logique et systématique de l’information et des données pour résoudre des problèmes, plutôt que de mettre l’accent sur le codage. </p>
<p>Le codage consiste à savoir écrire des lignes de code pour donner des instructions à un ordinateur, alors que la programmation englobe une approche plus large qui inclut la conception, l’analyse, la résolution de problèmes et la compréhension des concepts informatiques fondamentaux. Denning insistait dès 1989 sur le fait que la maîtrise de ces principes fondamentaux, et non simplement du codage, permet de mieux comprendre et de s’adapter aux évolutions technologiques rapides qui façonnent notre monde. Ce discours est toujours d'actualité, comme le montrent les récentes avancées dans les 4 dernières semaines :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://blog.google/technology/ai/try-bard/">Bard</a>, le nouveau modèle développé par Google ;</p></li>
<li><p>L’annonce par Microsoft que [Copilot], un outil d’IA basé sur GPT-4,serait intégré à leur suite Office (Excel, Word et PowerPoint) ;</p></li>
<li><p>L’<a href="https://openai.com/blog/chatgpt-plugins">ajout de plug-ins à GPT-4</a> qui permettra le développement de fonctions supplémentaires directement accessible via la plate-forme de ChatGPT ; et </p></li>
<li><p>La nouvelle version de <a href="https://docs.midjourney.com/docs/model-versions">MidJourney V5</a> qui permet de générer du contenu visuel photoréaliste à l’aide d’instructions textuelles. C’est d’ailleurs cette nouvelle version de MidJourney qui a mené à la <a href="https://www.theverge.com/2023/3/27/23657927/ai-pope-image-fake-midjourney-computer-generated-aesthetic">photo virale du pape la semaine dernière</a>, qui est présentée ci-dessous. </p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1639655045875507201"}"></div></p>
<p>L’intégration de la programmation et de l’IA dans le système éducatif pourrait également contribuer à réduire les inégalités sociales et à éviter la création de différentes « catégories » de citoyens : ceux qui ignorent et n’utilisent pas les outils d’IA, ceux qui les connaissent et les utilisent, ceux qui sont en mesure de payer pour utiliser les meilleurs outils d’IA et enfin, ceux qui maîtrisent parfaitement ces outils et en tirent le maximum de bénéfices. </p>
<h2>Une pause, mais pas pour tous : l’occasion de repenser le cursus</h2>
<p>La pause dans la recherche demandée par les experts la semaine dernière pourrait être mise à profit par le système éducatif pour repenser la manière dont il aborde les technologies et la programmation dans les programmes d’études.</p>
<p>En effet, les technologies occupent actuellement une place transversale dans les cursus, ce qui pourrait ne pas être suffisant pour préparer les élèves aux défis du futur. Il ne s’agit pas nécessairement d’intégrer rapidement la programmation et l’IA dans tous les cursus, mais plutôt de prendre le temps d’évaluer leur pertinence et de déterminer la meilleure manière de les intégrer aux programmes d’études. Les enseignants, en particulier, pourraient bénéficier de cette pause pour se familiariser avec ces concepts et réfléchir aux meilleures façons de les enseigner à leurs élèves.</p>
<p>Leur formation continue est une priorité. Les instances éducatives doivent les soutenir en offrant des ressources et des formations adaptées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202025/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo G. Lapierre a reçu des financements du CRSH (Programme de bourses d’études supérieures du Canada Joseph-Armand-Bombardier - Bourse au doctorat)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche du Québec - Société culture (FRQSC) et du Bureau International d'Éducation de l'UNESCO (IBE-UNESCO).</span></em></p>L’initiation à la programmation représente une solution pour aider à protéger les systèmes contre les attaques et contribuer à répondre à la demande croissante de compétences en programmation.Hugo G. Lapierre, Chargé de cours en technologie éducative; Doctorant en éducation (didactique de la programmation), Université du Québec à Montréal (UQAM)Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014152023-04-02T15:58:41Z2023-04-02T15:58:41ZUtiliser les objets connectés au réseau mobile pour optimiser le fret routier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517704/original/file-20230327-14-criepj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C1587%2C1050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fret routier a de nombreux impacts. Comment les limiter?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/liquidbass/5259595302/in/photolist-zGVchv-2aYFcq9-a7KSa8-djDg1K-Wbgbj6-urP3VQ-djDmch-djDg68-djDgDM-djDnrW-djDpfB-djDiJV-djDm74-djDeBN-2aKA3cZ-djDfPh-6M1SvX-2aKD884-drx6is-qqMEf2-UP2KLZ-2b3s2U7-2aKD7Gz-UXav5A-2kZuAAX-2iCQRn7-2jrQTQB-2hACAYr-urrqej-2gfb2f3-2gA9RcE-288UzAJ-Jdwmxq-fTo3nh-2j1Uf3a-cMhERY-8pqk2A-bGsv6p-a8N7z-21aVB4z-PXETWM-q7YZnc-QzvX9w-91LNrC-91HG2T-91HGU2-91LPxE-91HFMv-91LN2J-vVctU/">Liquid Oh, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, 90 % du transport interne des marchandises est effectué par la route et engendre <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/Citepa_Rapport-Secten-2022_Transports_v1.1.pdf">plus de 9 % des émissions nationales de gaz à effet de serre</a>. Notre dépendance au secteur des transports routiers conditionne l’aménagement du territoire, les infrastructures, les réglementations, et l’action politique.</p>
<p>À cause de son impact climatique, ce secteur – et les services qu’il remplit – est appelé à se transformer. Pour cela, il faudrait comprendre finement les activités de transport routier de marchandises et leurs flux sur le territoire. Par exemple, les entrepôts et les zones logistiques sont-ils répartis et utilisés de manière optimale ? Quelles sont les priorités à établir pour réduire l’empreinte carbone de ces activités ? En optimisant et mutualisant les chargements, les parcours ? Comment favoriser les modes de transport moins polluants (train, fluvial, véhicules électriques) ? Quels effets attendre d’un changement de réglementation ? Comment dimensionner les infrastructures de demain ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte des flux de camions générée grâce au suivi d’objets connectés" src="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En suivant les objets connectés dans des poids lourds, on peut reconstruire le flux de camions correspondant à l’origine Bourgogne Franche-Comté, la destination Nouvelle-Aquitaine, et transitant par la région Auvergne-Rhône-Alpes : ici, la route la plus empruntée est la route centrale européenne atlantique, une des départementales les plus accidentogènes de France. Les autoroutes bien connues (passant par Clermont-Ferrand ou Lyon) sont utilisées aussi, mais c’est secondaire pour l’origine-destination considérée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Équipe « Flux logistiques », Orange Innovation</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour répondre à toutes ces questions, il est utile de connaître, en temps réel, la répartition des véhicules de fret routier sur le territoire. Le problème, c’est qu’il existe peu de données concernant ce secteur, contrairement au fret aérien ou maritime : ces deux derniers sont moins morcelés, et pour des raisons de sécurité, les positions sont connues, ce que l’on peut visualiser notamment via les plates-formes <a href="https://www.flightradar24.com/">Flightradar24</a> ou <a href="https://www.marinetraffic.com/">MarineTraffic</a>.</p>
<p>Pour le fret routier en France, les rares études statistiques sont souvent annuelles et nationales (déclarations des transporteurs, collectées et mises en forme par l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277912?sommaire=4318291">Insee</a> et <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/">DataLab</a>). Elles représentent l’état du secteur mais ne donnent pas d’information du trafic en temps réel. D’autres études se font à l’échelle locale (enquête ou boucle de comptage) et sont utilisées pour mesurer le transport de marchandises dans une agglomération ou les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213624X18302748">effets de différentes mesures</a> (livraisons de nuit, autorisations de véhicules, heures de livraison, zones de stationnement).</p>
<p>Mais globalement, la quantité et la qualité des données disponibles à propos du transport routier de marchandises restent faibles par rapport à l’impact qu’a l’activité sur la société. Ceci limite l’efficacité des décisions d’investissement ou de réglementation, qui peuvent être parfois dépassées dès leur mise en œuvre à cause du <a href="https://splott.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/redaction/SPLOTT/documents/ECHO/ECHO_synthese_resultats.pdf">manque de données en temps réel</a> ou d’une <a href="http://tmv.laet.science/documents/rapports/ETMV_IdF_RF.pdf">vision trop locale</a>.</p>
<h2>Comment compter les camions 24 heures sur 24 à l’échelle d’un pays ?</h2>
<p>On peut utiliser des technologies <em>in situ</em>, par exemple des détecteurs le long de la route, et les technologies de collecte et d’analyse de « Floating Car Data », avec par exemple les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Guillaume-Leduc/publication/254424803_Road_Traffic_Data_Collection_Methods_and_Applications/links/55645c3008ae8c0cab37c8c8/Road-Traffic-Data-Collection-Methods-and-Applications.pdf">données GPS ou cellulaires</a>.</p>
<p>Les données GPS permettent une localisation et une estimation de vitesse précises et de plus en plus de véhicules en sont équipés mais elles restent assez peu accessibles (car sensibles pour les entreprises).</p>
<p>Les données cellulaires compensent leur faible précision notamment en s’appuyant sur un grand nombre de dispositifs répartis sur l’ensemble du territoire et il est possible de construire des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214367X17300224?via%3Dihub">indicateurs généraux de mobilité</a>, notamment grâce à leur volume important.</p>
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<p>Orange, avec le projet « Flux logistiques », tente d’établir un observatoire du transport routier de marchandises, reposant sur l’analyse anonymisée de données de signalisation mobile. Le but est de fournir, en temps réel, des statistiques sur les flux de véhicules de fret routier respectueuses de la vie privée et du secret des affaires.</p>
<p>Nous exploitons les données des objets connectés au réseau Orange, par exemple des modems et applications embarqués dans des poids lourds ou des véhicules utilitaires légers (qui font partie d’une flotte d’entreprise pour la majeure partie d’entre eux), mais pas les données des smartphones.</p>
<p>Cette exploitation se fait en conformité avec le cadre réglementaire de traitement des données personnelles en France : les clients seront informés mais il n’est pas nécessaire de demander le consentement dans un cas comme celui-là, car nous anonymisons les données « à bref délai » (dans les minutes qui suivent leur collecte), <a href="https://www.cnil.fr/en/node/24869">respectant ainsi les préconisations de la CNIL</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Origines et destinations des camions dans le sud-ouest de la France, visualisées en suivant les objets connectés dans des poids lourds. On retrouve les deux principales zones d’entrées et sorties vers l’Espagne. L’échelle spatiale correspond à environ 1/8ᵉ de département et l’épaisseur des arcs en orange est proportionnelle au nombre de poids lourds effectuant l’origine-destination correspondante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Équipe « Flux logistiques », Orange Innovation</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Visualiser des flux de camions à partir de données du réseau mobile</h2>
<p>Nous commençons par la construction d’une base de données expérimentale, à durée de vie limitée, au sein de laquelle l’identifiant de chaque objet connecté est supprimé et remplacé par un pseudo unique. Les données que nous utilisons correspondent principalement aux localisations des différentes antennes auxquelles les objets se connectent au cours du temps.</p>
<p>À l’aide de ces données, on détermine par exemple des vitesses, des directions de déplacements, ou des routes empruntées. Pour ne conserver que les objets embarqués dans des camions, nous utilisons des <a href="http://danida.vnu.edu.vn/cpis/files/Refs/LAD/Algorithm%20AS%20136-%20A%20K-Means%20Clustering%20Algorithm.pdf">méthodes</a> de <a href="https://larevueia.fr/clustering-les-3-methodes-a-connaitre">« clustering »</a>. Puis, nous déterminons les flux de camions dans une zone géographique pendant une certaine durée (origines et destinations).</p>
<h2>Anonymiser les données</h2>
<p>Pour des questions éthiques et légales de protection de vie privée et du secret des affaires, nous appliquons de manière simultanée un algorithme d’anonymisation irréversible, basé notamment sur le <a href="https://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/S0218488502001648">k-anonymat</a> et la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/11787006_1"><em>differential privacy</em></a>, ce qui garantit l’anonymat des données calculées et permet de les protéger de tout type d’attaque.</p>
<p>Cela permet de respecter les exigences du RGPD et de la <a href="https://edps.europa.eu/data-protection/data-protection/legislationen">directive européenne « Vie privée et communications électroniques » en Europe</a>, et plus particulièrement en France de leurs déclinaisons légales dans la <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-loi-informatique-et-libertes">Loi Informatique et Libertés</a> et dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006070987/">Code des Postes et Télécommunications Électroniques</a>.</p>
<p>L’idée du clustering est de créer des groupes de véhicules du même type (poids lourd, véhicule utilitaire léger) ayant un comportement similaire (transport longue distance, tournées, trajet, etc.), et de publier le nombre de véhicules présents dans chaque groupe. Cela permet d’éviter de publier des données concernant un véhicule en particulier, ce qui est illégal. De plus, il est nécessaire de bruiter les statistiques calculées, de sorte à les rendre inattaquables, par exemple en modifiant légèrement le nombre de véhicules présents dans les groupes, tout en conservant le bon ordre de grandeur.</p>
<h2>Extrapoler les statistiques</h2>
<p>La dernière étape consiste à extrapoler le nombre de camions détectés sur le réseau Orange, pour obtenir une bonne approximation du nombre de camions réel. Cette dernière étape est faite à l’aide d’autres sources de données nous donnant le nombre réel de camions à certains endroits du territoire, comme des photos satellites, ou des <a href="http://trafic-routier.data.cerema.fr/siredo-donnees-disponibles-dans-une-station-de-a16.html">stations de comptage</a>. Ces sources ne sont pas accessibles en temps réel, un satellite remontant typiquement une photo par jour.</p>
<h2>Comment ces données pourraient aider à limiter les impacts du fret routier</h2>
<p>Le but de ce projet est de fournir des statistiques en temps réel pour que les acteurs du fret routier puissent améliorer le fonctionnement de ce secteur et en limiter les impacts (empreinte carbone, pollution sonore, stationnement, congestion, etc.) par des actions collectives conduisant à des véhicules mieux remplis, des trajets plus courts ou des reports modaux. Les enjeux sont considérables quand on sait qu’il existe <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Road_freight_transport_by_journey_characteristics">20 % de kilomètres à vide et des taux de remplissage de l’ordre de 65 % pour les camions en Europe</a>.</p>
<p>De telles données pourraient aider à positionner des hubs de transfert de marchandises sur des flux compatibles entre la route et le ferroviaire ou le fluvial. Les expéditeurs pourraient se servir de ce type de données pour découvrir ces potentiels et mutualiser leurs chargements.</p>
<p>Les collectivités acteurs de l’aménagement du territoire entreraient dans des boucles d’apprentissage renforcées et rapides en mesurant beaucoup plus rapidement (grâce à ces nouvelles statistiques en temps réel) l’effet d’une nouvelle réglementation sur les trajets, les temps de parcours pour les livraisons ou les places de parking en ville.</p>
<p>Dans le cadre de la transition énergétique, les travaux en cours permettront, par la connaissance du nombre des trajets, des arrêts et de leurs horaires, de quantifier les besoins énergétiques sur les principaux axes de circulation. L’identification de véhicules électriques pourrait aider à mieux positionner les bornes de recharge et le dimensionnement du réseau électrique par une connaissance plus fine de la dynamique des besoins.</p>
<p>Ces observations du trafic ouvrent aussi la voie à d’autres applications : comment, à partir de telles statistiques anonymes représentant des quantités de déplacement, modéliser les émissions de gaz à effet de serre ? Pour notre équipe, il s’agira d’établir un état de l’art critique de ces modèles, d’effectuer une première implémentation et de chercher à la valider avec des données de référence. Ces travaux sont engagés depuis le début de l’année 2023.</p>
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<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le laboratoire d'Orange Innovation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémy Scholler travaille pour Orange et prépare un doctorat à l'université de Franche-Comté, en collaboration avec Mines Paris. Ce projet, financé par Orange, est réalisé en partenariat avec des acteurs académiques comme l'Université de Franche-Comté et la Chaire Internet Physique des Mines de Paris ainsi qu'avec des collectivités territoriales comme la Région Ile de France et la Ville de Paris.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Eric Ballot au CGS ont reçu des financements de Commission Européenne pour des projets de recherche mais aussi de plusieurs entreprises: Géodis, GS1 France, Orange et P&G. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Couchot a reçu des financements de la Région Bourgogne Franche Comté pour étudier/proposer des méthodes permettant de renforcer la fiabilité des analyses respectueuses de la vie privée. Il a aussi reçu des financements de la société Orange pour encadrer des doctorats en contrat CIFRE dans cette société.</span></em></p>Des données en temps réel et à l’échelle du pays seraient utiles pour optimiser le fret par camion, un secteur très morcelé et moins surveillé que le fret aérien ou maritime.Rémy Scholler, Doctorant Data Science, Protection des Données Personnelles, Logistique & Étude de la mobilité, Orange Innovation, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)Eric Ballot, Professeur, chaîne logistique, Mines ParisJean-François Couchot, Professeur des Universités en Informatique, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014202023-03-23T17:48:17Z2023-03-23T17:48:17ZQue sont les « puits de carbone » et comment peuvent-ils contribuer à la neutralité carbone en France ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516330/original/file-20230320-26-8rlygz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C3008%2C1985&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forêts font partie des puits de carbone naturels, qui peuvent être complémentés par des solutions technologiques.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/RhjVGxILcqE">Tobias Tullius, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’Union européenne, et dans la plupart des pays développés, un objectif de « neutralité carbone » a été fixé d’ici 2050. Il s’agit de compenser les émissions de CO<sub>2</sub> anthropiques vers l’atmosphère par des <em>absorptions</em> de CO<sub>2</sub>, en utilisant des systèmes qui <em>piègent</em> plus de CO<sub>2</sub> atmosphérique qu’ils n’en émettent – les plantes en sont un premier exemple. On les appelle « puits de carbone ».</p>
<p>En effet, tous les scénarios climatiques de référence s’alignent : une fois mises en place les multiples solutions de réduction des émissions de CO<sub>2</sub> d’origine fossile (sobriété énergétique, efficacité des systèmes énergétiques, substitution par les énergies renouvelables, etc.), il restera des émissions incompressibles dans le temps imparti, dans les secteurs de l’agriculture et de l’industrie notamment, qui devront être compensées par des puits de carbone.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/515833/original/file-20230316-22-pohbvw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des émissions et des puits de GES sur le territoire français entre 1990 et 2050 (en MtCO2eq). Inventaire CITEPA 2018 et scénario SNBC révisée (neutralité carbone).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/19092_strategie-carbone-FR_oct-20.pdf">Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Ministère de la Transition énergétique</a></span>
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<h2>Qu’est-ce qu’un puits de carbone ?</h2>
<p>Un « puits de carbone » piège donc plus de CO<sub>2</sub> atmosphérique qu’il n’en émet dans l’atmosphère, grâce à un réservoir qui séquestre durablement du carbone d’origine atmosphérique sous forme liquide, gazeuse, ou solide, tel que les sols superficiels (le premier mètre tout au plus), les plantes, certains écosystèmes aquatiques, des cavités souterraines ou des structures géologiques poreuses en sous-sols profonds (plusieurs dizaines voire centaines de mètres), ou encore des matériaux à longue durée de vie (proche et au-delà de la centaine d’années).</p>
<p>Aujourd’hui, les principaux puits de carbone à l’échelle de la planète sont des puits naturels comme les océans, et les sols supports de la biomasse (forêt, tourbière, prairie, etc.). Ceux-ci peuvent stocker le CO<sub>2</sub> mais aussi le méthane, l’autre gaz à effet de serre carboné très important. Face à l’urgence climatique, les niveaux de puits doivent être accrus.</p>
<p>La première question est celle de la préservation des puits « naturels » existants et de l’augmentation de leur efficacité. Ces actions s’accompagnent du développement de nouveaux puits dits « technologiques ».</p>
<p>À l’échelle du territoire français, où en sommes-nous en termes de capacités de puits pour piéger notre CO<sub>2</sub> excédentaire ? Quelles nouvelles solutions devrons-nous développer et mettre en place ?</p>
<p>C’est à ces questions que tentent de répondre le <a href="https://www.allianceenergie.fr/position-paper-les-puits-de-carbone-quels-roles-de-la-recherche-pour-accelerer-leur-developpement-en-france/">rapport et les fiches de synthèse</a> récemment publiés par un groupe de chercheurs membres de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE).</p>
<p>À l’échelle du territoire français, l’absorption nette de ces gaz à effet de serre <a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">a été chiffrée</a> à 14 millions de tonnes de <a href="https://www.hellocarbo.com/blog/calculer/tonne-equivalent-co2/">CO₂ équivalent</a> sur l’année 2020, contre 50 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent en 2005 (CO<sub>2</sub> et méthane principalement).</p>
<p>D’après la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">Stratégie nationale bas carbone</a>, la trajectoire des émissions nationales visant la neutralité carbone en 2050 exige de passer de 460 millions de tonnes de CO2eq émises par an en 2015, à 80 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent par an d’ici 2050. Une telle trajectoire devra ainsi s’accompagner d’un puits annuel d’au moins 80 millions de tonnes de CO<sub>2</sub> équivalent pour atteindre la neutralité.</p>
<p>Un tel objectif nécessite ainsi le développement de ces puits d’un facteur 6. Il faudra avoir recours à des solutions de préservation et d’augmentation des puits naturels ainsi que des solutions technologiques.</p>
<h2>Mieux comprendre et mieux protéger les puits naturels de carbone</h2>
<p>Aujourd’hui, les forêts françaises et l’usage du bois d’œuvre constituent le principal puits national grâce à l’absorption du CO<sub>2</sub> atmosphérique par la végétation via la photosynthèse. Après une forte augmentation jusqu’en 2008, on observe une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021_Indicateurs%20de%20r%C3%A9sultats_SNBC-vF.pdf">tendance à la baisse via des épisodes de tempêtes, d’incendies, et la baisse du marché des produits issus du bois récolté</a>. C’est sur ce dernier levier que la Stratégie nationale bas carbone souhaite jouer en redynamisant fortement les produits bois via notamment le développement des matériaux à longue durée de vie.</p>
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<p>Les terres agricoles participent également aux puits de carbone français, en particulier via les prairies. Leurs surfaces ayant connu une baisse importante, en particulier entre 2005 et 2010, il convient aujourd’hui de les <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-1.pdf">préserver et de redéployer des pratiques agricoles « stockantes »</a> : développement de l’agroforesterie, des cultures intermédiaires, allongement des rotations des prairies temporaires, réimplantation des haies notamment.</p>
<p>Des pratiques stockantes spécifiques peuvent également être développées à travers <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-2.pdf">l’implantation de la biomasse en milieux urbains</a> : agriculture urbaine, jardins partagés, abords des infrastructures de transport, toits et façades végétalisés, ou encore végétalisation de friches industrielles et commerciales.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un marais au lever du jour" src="https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516331/original/file-20230320-16-buz6lh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les zones humides et milieux aquatiques contribuent également à stocker le carbone.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/_W5-L_OCFrU">Jon/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-3.pdf">milieux aquatiques représentent des puits de carbone</a> sur des échelles de temps supérieures à la centaine d’années, mais dont le potentiel est encore mal évalué.</p>
<p>Le stockage peut provenir (i) de la dissolution directe dans l’eau du CO<sub>2</sub> de l’air via les pompes biologiques et physiques, (ii) de la fixation du CO<sub>2</sub> dans la matière organique issue de la photosynthèse par la flore dans les estuaires, deltas, mangroves, herbiers notamment, que l’on appelle « carbone bleu », (iii) de l’altération des roches silicatées (basaltes, granits, etc.) par les eaux de pluie chargée en acide carbonique issu de la dissolution du CO<sub>2</sub> de l’air. Le carbone se retrouve alors stocké dans les roches sédimentaires des fonds marins. Pour ces milieux, la priorité revient à une meilleure connaissance par observation et modélisation des bilans d’émissions/absorption, qui sont encore difficiles à estimer.</p>
<p>L’avenir de ces puits naturels face à l’évolution de certaines activités humaines (urbanisation…) et aux effets du changement climatique reste cependant incertain, et peu étudié.</p>
<h2>Développer des technologies de captage et de stockage de CO₂ d’origine atmosphérique</h2>
<p>Ainsi, le recours à des systèmes technologiques de captage et de stockage est envisagé en parallèle. Le <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">captage en milieu concentré</a> (fumées ou effluents d’usines par exemple) est déjà déployé, mais le captage du CO<sub>2</sub> atmosphérique doit encore être amélioré, en particulier son efficacité (le CO<sub>2</sub> est bien plus dilué dans l’atmosphère que dans les fumées d’usine).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">La capture et le stockage du carbone, comment ça marche ?</a>
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<p>Parmi ces technologies, sont <a href="https://www.allianceenergie.fr/wp-content/uploads/2022/10/FICHE-4.pdf">aujourd’hui en cours d’expérimentation le captage direct dans l’air ou encore le captage de CO₂ biogénique au sein de bioraffineries</a>. La première solution, appelée « DACS » pour <em>Direct Air Capture and Storage</em>, commence à être démontrée, par exemple sur le site d’<a href="https://climeworks.com/roadmap/orca">Orca</a> en Islande, mais elle est encore difficilement reproductible sans être confrontée à des verrous en termes de bilan énergétique et donc de bilan d’émissions de GES.</p>
<p>Le CO<sub>2</sub> émis par des bioraffineries (chaudières biomasse, méthaniseurs, usines de production de bioéthanol, etc.) est issu de la transformation de la biomasse ayant elle-même absorbé du CO<sub>2</sub> atmosphérique durant sa croissance via la photosynthèse.</p>
<p>Au sein de la bioraffinerie, ce CO<sub>2</sub> peut être capté avec les <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">mêmes technologies que celles déployées à l’heure actuelle sur les cheminées d’usines ou centrales thermiques</a>. Une fois capté, ce CO<sub>2</sub> peut ensuite être recyclé ou séquestré dans un réservoir qui peut être <a href="https://theconversation.com/la-capture-et-le-stockage-du-carbone-comment-ca-marche-192673">géologique</a> ou dans des sols plus superficiels (en tant qu’amendement pour les sols agricoles, dans d’anciennes mines ou carrières) ou encore <a href="https://www.allianceenergie.fr/position-paper-les-puits-de-carbone-quels-roles-de-la-recherche-pour-accelerer-leur-developpement-en-france/">dans des matériaux à longue durée de vie pour la construction du bâti ou d’infrastructures</a> (charpentes, isolants, revêtement de route, bétons, etc.).</p>
<p>Si les solutions de puits de carbone semblent potentiellement nombreuses, d’importantes actions sont encore à mener afin de <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/IMG/pdf/thema_-_la_sequestration_de_carbone_par_les_ecosysteme.pdf">développer une meilleure connaissance des flux naturels</a>, une plus grande maîtrise des <a href="https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/etude-4-pour-1000-resume-en-francais-pdf-1_0.pdf">pratiques stockantes liées à la gestion de la biomasse</a>, ainsi que d’<a href="https://librairie.ademe.fr/changement-climatique-et-energie/69-avis-de-l-ademe-captage-et-stockage-geologique-de-co2-csc-en-france.html">améliorer l’efficacité, la durabilité</a> et les <a href="https://annales.org/re/2022/re_105_janvier_2022.pdf#page=18">coûts des technologies dédiées</a>.</p>
<p>Ces améliorations doivent encore être démontrées sur des systèmes complets à grande échelle. Il faudra en parallèle veiller à ce que ces technologies ne se substituent pas aux efforts de réduction d’émissions de GES, qui restent le premier levier pour l’atteinte de la neutralité carbone.</p>
<p>Enfin, de nombreuses actions d’accompagnements seront <a href="https://www.allianceenergie.fr/position-paper-les-puits-de-carbone-quels-roles-de-la-recherche-pour-accelerer-leur-developpement-en-france/">nécessaires</a>, des cadres réglementaires aux normes de comptabilisation des bilans d’émissions, en passant par le soutien à la recherche et au développement et par l’amélioration de l’acceptabilité des nouvelles technologies. Un chantier important qui implique dès aujourd’hui les acteurs de la recherche, de l’industrie, les collectivités et les pouvoirs publics.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201420/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daphné Lorne a reçu des financements de l'ADEME et de l'ANR. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Boissonnet est membre de l'International Scientific Advisory Committee de European Biomass Conference and Exhibition (EUBCE) et de la Société Française de Génie des Procédés.
Guillaume Boissonnet a reçu des financements de projets de recherche par ADEME, ANR et European Union Horizon H2020</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Société Française de Génie des Procédés</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Monique Axelos a co-présidé le groupe de travail "Biomasse et neutralité Carbone" du Comité de prospective de la Commission de Régulation de l'Energie </span></em></p>Piéger plus de CO₂ qu’on en émet, voilà le principe du puits de carbone. Il en existe des naturels – comme les forêts – et d’autres artificiels, en cours de développement technologique.Daphné Lorne, Analyste prospectiviste biocarburants transport, IFP Énergies nouvelles Guillaume Boissonnet, Directeur de Recherche - Economie Circulaire du Carbone, Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)Jack Legrand, Professeur Emérite, Génie des Procédés, Université de NantesMonique Axelos, Chercheur en alimentation et bioéconomie, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1766582023-02-28T14:15:59Z2023-02-28T14:15:59ZLes technologies des registres distribués et de la chaîne de blocs en éducation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/496210/original/file-20221118-21-ziab04.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>La <a href="https://publications.gc.ca/collections/collection_2019/cnrc-nrc/NR16-258-2019-fra.pdf">technologie des registres distribués (TRD)</a> constitue une innovation stimulante.</p>
<p>Elle s’utilise dans de nombreux domaines, allant des <a href="https://www.researchgate.net/publication/343754019_blockchain_Ethics_A_Systematic_Literature_Review_of_blockchain_Research">contrats intelligents au vote électronique</a>. Son usage le plus connu demeure la <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/domaines-connexes/technologies-et-gestion-de-linformation/publications/introduction-a-la-technologie-de-la-chaine-de-blocs">monnaie virtuelle « Bitcoin »</a> et les autres cryptomonnaies utilisées pour réaliser des transactions financières ouvertes et sécurisées entre des personnes ou des entités. La technologie sous-jacente au Bitcoin est la chaîne de blocs, <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/domaines-connexes/technologies-et-gestion-de-linformation/publications/points-vue-chefs-file-chaine-blocs">une forme de TRD</a>.</p>
<p>Les cryptomonnaies connaissent cependant des ratés importants ces jours-ci, avec la chute vertigineuse de leurs valeurs <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1931996/ftx-cryptomonnaie-faillite-protection-creancier-etats-unis">et la faillite spectaculaire de la plate-forme de transactions de cryptomonnaies FTX</a>.</p>
<p>Mais ce qu’on connaît moins, c’est que la technologie des registres distribués commence à prendre du terrain dans d’autres domaines de nos vies.</p>
<p>Selon l’Institut canadien des comptables agréés, <a href="https://www.cpacanada.ca/fr/ressources-en-comptabilite-et-en-affaires/domaines-connexes/technologies-et-gestion-de-linformation/publications/introduction-a-la-technologie-de-la-chaine-de-blocs">CPA Canada</a>, ces technologies sont puissantes au regard de leur potentiel de création de nouveaux modèles économiques et sociaux. Elles sont stimulantes en raison de leur complexité et des défis que leur pleine compréhension et <a href="https://www.ibm.com/downloads/cas/93DDVAKE">leur utilisation adéquate présentent</a>.</p>
<p>Experts en administration, en éducation et en innovation, nous proposons d’apporter un éclairage sur l’usage de ces technologies dans le domaine de l’éducation.</p>
<h2>Qu’est-ce la technologie des registres distribués ?</h2>
<p>La TRD est une technologie qui crée un grand livre numérique partagé qui permet à plusieurs acteurs de s’engager dans des <a href="https://itif.org/publications/2019/04/30/policymakers-guide-blockchain/">transactions sécurisées et fiables, sans intermédiaire</a>. Les données stockées ont la spécificité d’être cryptées, donc protégées, et permanentes. Chaque action de modification (ou de suppression) qui y est faite est enregistrée et conservée, assurant une traçabilité complète.</p>
<p>La TRD est une <a href="https://www.wseas.org/multimedia/journals/information/2019/a365109-091.pdf">base de données répartie sur de nombreux ordinateurs sans contrôle central</a>. C’est une structure de données constituée de blocs se composant de deux parties : <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2405959519301894">l’en-tête et le corps, qui sont connectés sous forme de liste, et qui réalisent des transactions successives et stockent des données en utilisant le cryptage</a>.</p>
<p>L’heure et la date des <a href="https://www.wseas.org/multimedia/journals/information/2019/a365109-091.pdf">transactions sont également enregistrées</a>.</p>
<h2>De plus en plus populaires dans les services publics</h2>
<p>De plus en plus de gouvernements utilisent la technologie afin d’améliorer l’efficacité de leur service public. Selon une <a href="https://www.ibm.com/downloads/cas/WJNPLNGZ">enquête menée par la multinationale américaine IBM en 2017</a> auprès de leaders gouvernementaux de 16 pays d’Europe de l’Ouest et d’Asie du Sud-Est, 90 % d’entre eux déclaraient alors qu’ils prévoyaient investir dès l’année suivante dans la TRD afin d’accroître la transparence, la cybersécurité et l’efficacité de leurs transactions, ainsi que pour assurer la conformité à leurs règlements.</p>
<p>De nombreux pays l’ont déjà adoptée pour certains aspects liés à la légalisation, à l’identité, à la résidence électronique, à la santé, à la sécurité et à d’autres services administratifs : l’Estonie, la Suède et la Géorgie testent un <a href="https://www.boozallen.com/s/insight/blog/3-potential-benefits-of-government-blockchain.html">service basé sur la chaîne de blocs pour les citoyens et les entreprises</a> ; Dubaï a décidé <a href="https://u.ae/en/about-the-uae/strategies-initiatives-and-awards/federal-governments-strategies-and-plans/emirates-blockchain-strategy-2021">d’intégrer des registres distribués dans l’ensemble de ses processus gouvernementaux</a> et le Kazakhstan utilise une plate-forme d’appels d’offres publics basée sur la TRD <a href="https://www.researchgate.net/publication/320661119_Government_30_-_Next_Generation_Government_Technology_Infrastructure_and_Services_Roadmaps_Enabling_Technologies_Challenges">pour assurer un haut niveau de transparence</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="concept abstrait de la chaîne de blocs avec un homme qui tape sur un clavier en arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/497084/original/file-20221123-14-bif7g4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La TRD est une technologie qui crée un grand livre numérique partagé qui permet à plusieurs acteurs de s’engager dans des transactions sécurisées et fiables, sans intermédiaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>La technologie des registres distribués en éducation</h2>
<p>Avec l’arrivée du numérique dans le monde de l’éducation, par le biais de l’apprentissage à distance, des classes intelligentes et des outils de gestion scolaire intelligents, la technologie a pris place dans les écoles et en définit en grande partie les évolutions actuelles. Les registres distribués s’inscrivent dans cette lignée.</p>
<p>Parmi les exemples concrets de l’usage en éducation des registres distribués, on retrouve :</p>
<ul>
<li><p>le stockage des informations personnelles et d’identification des élèves et étudiants durant tout leur parcours ;</p></li>
<li><p>la certification de l’authenticité des diplômes ;</p></li>
<li><p>la lutte contre le plagiat au niveau des travaux scolaires, devoirs et articles académiques ;</p></li>
<li><p>l’accessibilité à un matériel pédagogique sécurisé et immuable ;</p></li>
<li><p>la mise en place des <a href="https://www.mdpi.com/2076-3417/9/12/2400">écosystèmes permettant aux apprenants d’avoir accès au matériel d’étude et de partager leurs projets et idées</a> ; et</p></li>
<li><p>les contrats intelligents utilisés par les chercheurs universitaires pour conclure des accords numériques avec les étudiants aux cycles supérieurs <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-57847-3_10">pour la réalisation de leurs travaux</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Des avantages indéniables</h2>
<p>Les écoles et universités peuvent aussi utiliser la TRD pour aider les enseignants à identifier rapidement les besoins éducatifs spécifiques de leurs élèves et personnaliser leurs apprentissages. Par exemple, le <a href="https://imsglobal.org/home">IMS Global Learning Consortium</a> a mis en place des parcours personnalisés, soutenus par des données de blockchain, qui <a href="https://www.ibm.com/downloads/cas/93DDVAKE">orientent les étudiants vers des opportunités d’apprentissage adaptées à chaque élève en fonction des connaissances et des compétences acquises</a>.</p>
<p>Ces avancées technologiques permettent aussi de sécuriser le stockage des informations d’identification et les relevés de notes qui pourront ensuite être consultés <a href="http://www.ijiet.org/vol10/1344-NC004.pdf">par toute entité à qui l’étudiant souhaite accorder l’accès</a>, garantir l’anonymat, la confidentialité et l’obtention d’une preuve décentralisée <a href="https://www.researchgate.net/publication/333133309_Artificial_Intelligence_blockchain_in_Online_Education">qui ne peut être effacée ou modifiée par personne</a> et valider l’authenticité des <a href="https://www.mdpi.com/2076-3417/9/12/2473">diplômes et bulletins scolaires</a>.</p>
<h2>L’envers de la médaille</h2>
<p>L’adoption de la chaîne de blocs vient cependant avec certaines contraintes qui pourraient constituer une barrière à son adoption. Celles-ci sont liées à :</p>
<ul>
<li><p>l’induction d’un modèle de fonctionnement différent, qui oblige à réfléchir à la manière de la mettre en œuvre, du côté opérationnel ;</p></li>
<li><p>la réticence face à une <a href="https://www.wseas.org/multimedia/journals/information/2019/a365109-091.pdf">nouvelle technologie que les gens ont du mal à comprendre</a> ;</p></li>
<li><p>les attaques malveillantes et les fuites de données qui peuvent encore subvenir, même si la TRD offre une sécurité reconnue ;</p></li>
<li><p>la permanence les dossiers scolaires qui pourrait <a href="https://www.ibm.com/downloads/cas/93DDVAKE">rendre difficile pour un étudiant en difficulté d’avoir une seconde chance ou de prendre un nouveau départ</a> ;</p></li>
<li><p>le <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/ITSE-07-2020-0102/full/html">coût encore relativement élevé de l’infrastructure de gestion des données</a>.</p></li>
</ul>
<p>L’utilisation de la TRD dans le secteur de l’éducation en est encore à ses premiers pas avec une <a href="https://www.mdpi.com/2076-3417/9/12/2400">rareté des recherches disponibles</a>. Si de nombreux travaux et initiatives laissent entrevoir un potentiel d’utilisation prometteur de cette technologie, ce potentiel est à exploiter avec attention, car le secteur de l’éducation est un service public et pas une entreprise à but lucratif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176658/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’utilisation de la technologie des registres distribués (TRD) dans le secteur de l’éducation en est encore à ses premiers pas, avec une rareté des recherches disponibles.Abdoulaye Anne, Professeur en administration et politiques de l'éducation, Université LavalYassine EL BAHLOULI, Chercheur en Administration et Politiques Éducatives, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998362023-02-27T18:12:24Z2023-02-27T18:12:24ZComment la robotique change le monde : des usines aux maisons, et jusqu'à nos corps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/510594/original/file-20230216-20-vh7ix5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1074&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis les années 50, les robots se rapprochent de nous. La cohabitation va-elle se changer en « incarnation » ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/arselectronica/9499991149/">Louis-Philippe Demers, via ARS Electronica on Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Notre société change. De plus en plus, nous accueillons une nouvelle espèce parmi nous. Les robots.</p>
<p>Développer des interactions entre humains et robots n’est pas seulement un défi robotique mais aussi un défi pour comprendre les humains et la société humaine : comment les humains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/robots-22774">perçoivent les robots</a>, communiquent avec eux, se comportent autour d’eux et les acceptent (ou non). Cela devient d’autant plus important avec l’arrivée de la quatrième génération de robots, qui s’intègrent directement au corps humain.</p>
<p>Nous travaillons à mieux comprendre ce qu’on appelle « l’incarnation » de ces dispositifs : en effet, à mesure que ces robots en viennent à « ne faire qu’un » avec nous, ils modifient nos comportements et notre cerveau.</p>
<h2>La première génération d’interactions humain-robot, pour l’industrie</h2>
<p>Ce « voyage dans le temps » des robots, passés du statut de machines dangereuses à celui de partie intégrante de la société humaine, dure depuis plus de quarante ans.</p>
<p>Les robots sont très variés, de par leurs tailles (<a href="https://www.mdpi.com/2072-666X/12/10/1249">micrométriques</a> voire nanométriques d’un côté, mais de taille humaine ou plus de l’autre), leurs manières de bouger et leurs fonctionnalités (industrielles, spatiales, de défense par exemple). Ici, je ne me concentre pas sur les robots eux-mêmes, mais sur les interactions entre humains et robots qui, selon moi, se sont développées sur quatre générations.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma des quatre générations d’interactions" src="https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=213&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510588/original/file-20230216-20-jw9424.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=268&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Ma vision personnelle de l’évolution de nos interactions avec les robots depuis les années 50.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ganesh Gowrishankar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les interactions entre humains et robots à grande échelle ont commencé avec l’arrivée des robots industriels, dont le <a href="https://www.wevolver.com/article/a-history-of-industrial-robots">premier a été introduit par General Motors en 1961</a>. Ceux-ci se sont lentement répandus et au début des années 1980, les robots industriels étaient présents aux États-Unis, en Europe et au Japon.</p>
<p>Ces robots industriels ont permis d'observer la première génération d’interactions humain-robot : ils opèrent généralement dans des zones délimitées, pour s’assurer que les humains ne s’approchent pas d’eux, même par erreur.</p>
<p>Les robots industriels, qui ont d’abord été popularisés par les tâches d’assemblage automobile, sont maintenant utilisés pour diverses tâches, telles que le soudage, la peinture, l’assemblage, le démontage, le <em>pick and place</em> pour les cartes de circuits imprimés, l’emballage et l’étiquetage.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="chaine d’assemblage de voitures" src="https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510589/original/file-20230216-24-hchnp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Robots dans une usine d’assemblage de voitures. A noter que des garde-corps sur le côté délimitent clairement l’espace de travail du robot de celui des humains.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/spenceyc/7481166880/in/photolist-cp5WgS-atAnS1-9M2QU4-bVaCi8-xYwe2S-2dcPMU9-2i8ppnS-NVpLG4-22gw4-2eefCss-aRbmaF-2cV1Zdn-2eeejYS-kM5GZv-QEFhVF-XXf1Ss-SaHBx5-2dcPL19-2cV3sxR-6RQnJA-2cUZCjv-2eiTb34-e8g9Zd-2eiU3ma-2cV1Wai-2cV1YMc-SaJACh-2dcPQzE-2eeft7y-bnAgEA-SaHzLE-QxxJRX-2eefgto-QxxKkH-SaHuFj-2cV1VEa-2eefhXq-QxxSPk-QxxMQT-2cV1Jdc-2eeffSJ-2dcPHjY-2cV1J1D-2eefgiJ-2dcPJ3G-SaJBaQ-2eefg4A-2cV1HKD-2eeffEj-9dsPvL/">Spencer Cooper/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Travailler côte à côte</h2>
<p>La recherche en robotique de cette période s’est concentrée sur le rapprochement des robots avec les humains, ce qui a donné lieu à une deuxième génération d’interactions humain-robot, matérialisée pour le grand public au début des années 2000, lorsque des machines, comme le <a href="https://www.irobot.fr/fr_FR/roomba.html">Roomba</a> et <a href="https://us.aibo.com/">l’Aibo</a>, ont commencé à entrer dans nos maisons.</p>
<p>Ces robots de deuxième génération travaillent à proximité des humains dans nos maisons et nos bureaux pour des « applications de service », telles que le nettoyage des sols, la tonte des pelouses et le nettoyage des piscines – un <a href="https://ifr.org/ifr-press-releases/news/31-million-robots-helping-in-households-worldwide-by-2019">marché d’environ 13 milliards de dollars US en 2019</a>. En 2009, il y avait environ 1,3 million de robots de service dans le monde ; un nombre qui avait augmenté en 2020 à environ 32 millions.</p>
<p>Toutefois, bien que ces robots opèrent dans un environnement plus humain que les robots industriels, ils interagissent toujours de manière assez minimale et basique. La plupart de leurs tâches quotidiennes sont des tâches indépendantes, qui nécessitent peu d’interaction. En fait, ils essaient même souvent d’<a href="https://www.mdpi.com/1424-8220/21/23/7898">éviter les interactions avec les humains</a> – ce qui n’est pas toujours aisé.</p>
<h2>Interagir avec les humains</h2>
<p>La relation entre humains et robots évolue désormais progressivement vers la troisième génération d’interactions. Les robots de la troisième génération ont la capacité d’interagir cognitivement ou socialement comme les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X2030004X">robots dits « sociaux »</a>, mais aussi physiquement comme les <a href="https://jneuroengrehab.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12984-021-00815-5">exosquelettes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="un robot de rééducation" src="https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510590/original/file-20230216-28-ind8te.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lokomat est un robot qui peut s’attacher physiquement aux humains et peut fournir une assistance physique pendant la rééducation.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fondazionesantalucia/32523243650">Fondazione Santa Lucia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des robots capables d’assistance physique, qui pourraient être utilisés pour la rééducation et les soins aux personnes âgées, l’assistance sociale et la sécurité, ont par ailleurs été clairement identifiés comme prioritaires par les gouvernements en <a href="https://www.eurobotics.net/eurobotics/about/downloads/index.html">Europe</a>, <a href="http://robotics-vo.us/">aux Etats-Unis</a> ainsi qu'au <a href="http://www.meti.go.jp/english/press/2015/pdf/0123_01b.pdf">Japon</a> dès le milieu des années 2010. </p>
<p>Une façon notamment de répondre au <a href="https://academic.oup.com/gerontologist/article/51/4/425/599276">problème du vieillissement des populations dans ces pays développés</a>.</p>
<h2>Contester la définition du corps humain</h2>
<p>Nous voyons désormais lentement l’émergence d’une quatrième génération d’interactions humain-robot, dans laquelle les robots ne sont pas seulement physiquement proches des humains, mais bien connectés au corps humain lui-même. Les robots deviennent des extensions du corps humain.</p>
<p>C’est le cas des dispositifs d’augmentation fonctionnelle -tels que des membres robotiques surnuméraires- ou encore des dispositifs de remplacement fonctionnels tels que les avatars de robots (qui permettent à l'homme d'utiliser un corps de robot pour lui faire réaliser des tâches précises). D'autres dispositifs peuvent également fournir une perception sensorielle supplémentaire aux humains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="photo de main avec le 6ᵉ doigt accroché" src="https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510592/original/file-20230216-20-qe6kn7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=414&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un sixième doigt robotique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=4-N2lvbvJLM">Yoichi Miyawaki/Sixth finger Project</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les interactions de quatrième génération sont fondamentalement différentes des autres générations en raison d’un facteur crucial : avant cette génération, l’humain et le robot sont clairement définis dans toutes leurs interactions par les limites physiques de leurs corps respectifs, mais cette frontière devient floue dans les interactions de quatrième génération, où les robots modifient et étendent le corps humain en termes de capacités motrices et sensorielles.</p>
<p>En particulier, les interactions de la quatrième génération devraient interférer avec ces « représentations corporelles ». On sait qu’il existe des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168010215002655">représentations spécifiques de notre corps dans notre cerveau</a> qui définissent la façon dont notre cerveau reconnaît notre corps. Ces représentations <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.00535/full">déterminent notre cognition et nos comportements</a>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/comment-se-construisent-les-representations-mentales-de-notre-corps-128871">Comment se construisent les représentations mentales de notre corps ?</a>
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<p>Par exemple, imaginez que vous faites vos courses dans une allée d’épicerie bondée. Pendant que vous atteignez des articles avec votre main droite, vous êtes capable, très implicitement et sans même vous en rendre compte d’éviter la collision de votre bras gauche avec les autres acheteurs. </p>
<p>Ceci est possible car votre cerveau a une représentation de la taille, de la forme de vos membres et est conscient et surveille chacun de vos membres. Si vous tenez un panier dans votre bras (ce qui change la taille et la forme du « bras »), vous aurez plus de difficultés à éviter instinctivement les collisions, et devrez faire un effort conscient pour que le panier ne heurte rien dans votre entourage proche.</p>
<p>De la même manière, notre cerveau peut-il s’adapter à un membre surnuméraire, ou autre addition robotique de quatrième génération, et mettre à jour ses représentations corporelles ? C’est ce que l’on appelle l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0168010215002655">« incarnation »</a> en neurosciences.</p>
<p>Si l’incarnation de ces dispositifs peut se produire, à quelle vitesse cela se produit-il ? Quelles sont les limites de cette incarnation ? Comment cela affecte-t-il notre comportement et le cerveau lui-même ?</p>
<p>Les interactions humain-robot de quatrième génération ne remettent pas seulement en question l’acceptation de la machine par le cerveau de l’utilisateur, mais aussi l’acceptation de l’utilisateur dans la société : on ne sait toujours pas si notre société acceptera, par exemple des individus avec des bras robotiques supplémentaires. Cela dépendra certainement d’aspects culturels que nous essayons également d'analyser.</p>
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<a href="https://theconversation.com/pourquoi-prenons-nous-parfois-les-robots-pour-des-humains-188935">Pourquoi prenons-nous parfois les robots pour des humains ?</a>
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<p>En réalité, les robots de troisième et quatrième génération sont si proches des humains que nous devons mieux comprendre les comportements humains et notre cerveau pour les développer. </p>
<p>Dans nos travaux, nous combinons donc la recherche en robotique avec les neurosciences cognitives, motrices et sociales, pour développer ce que nous croyons être la <a href="https://www.lirmm.fr/ganesh-gowrishankar/">science des interactions humain-machine</a>. </p>
<p>C'est seulement grâce à une compréhension holistique des individus humains, des machines qui interagissent avec eux et de la société dans laquelle ils vivent, que nous pourrons développer les futures générations de robots. Et, dans un sens, la société du futur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ganesh Gowrishankar a reçu un financement de la Japan Science and Technology Agency (JST, Japan), Agence nationale de la recherche (ANR, France), l'lndo-French Center for the Promotion of Advanced Research ( IFCPAR/CEFIPRA) et l'Union européenne. Ganesh tient à remercier mes collaborateurs et étudiants impliqués dans nos projets en France, au Japon et en Inde.</span></em></p>Depuis les années 50, les robots se rapprochent de nous, jusqu’à, peut-être, ne faire qu’un avec nous. Vision d’un expert roboticien.Ganesh Gowrishankar, Chercheur au Laboratoire d'Informatique, de Robotique et de Microelectronique de Montpellier, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996962023-02-27T18:11:56Z2023-02-27T18:11:56ZComment les écrans invitent les parents à repenser leur rôle<p>Lorsqu’on additionne les heures passées à regarder la télévision, à jouer à des jeux vidéos ou à surfer sur Internet, il apparaît que les enfants passent plus de <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/malgre-un-temps-croissant-passe-sur-les-ecrans-les-jeunes-lisent-toujours-autant">temps sur les écrans</a> que sur les bancs de l’école. Pour la tranche d’âge comprise entre 1 an à 6 ans, la <a href="https://www.dunod.com/connectes-et-heureux-du-stress-digital-au-bien-etre-numerique-du-stress-digital-au-bien-etre">consommation numérique</a> a triplé depuis 2011, passant de 2h à plus de 6h par semaine.</p>
<p>Face à cette situation, la plupart des parents s’inquiètent des effets de ces usages. La présence envahissante des écrans au sein du foyer est d’ailleurs devenue une des sources majeures de tensions dans les relations entre parents et enfants. Avides de conseils pour <a href="https://www.open-asso.org/actualite/2020/02/parentalite-face-au-numerique-enquete-open-unaf-mediametrie/">limiter un temps d’écran</a> qu’ils considèrent comme trop important, les parents sont pourtant confrontés à des contradictions difficiles à contourner : ils passent eux-mêmes en moyenne 4h30 par jour, à lire leurs mails, parcourir le fil d’actualité de leurs réseaux sociaux et regarder des séries en streaming.</p>
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<a href="https://theconversation.com/ces-ecrans-qui-retardent-le-coucher-des-enfants-et-adolescents-196415">Ces écrans qui retardent le coucher des enfants et adolescents</a>
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<p>Cette gestion du temps d’écran se double de doutes et de profondes inquiétudes alimentés par la nature des contenus numériques consultés par leurs enfants. Plus globalement, les parents sont exposés à un profond sentiment de perte d’autorité dans la mesure où les modèles de transmission des savoirs sont revisités à l’aune du numérique ; les adolescents se révélant souvent plus compétents que leurs parents pour appréhender les nouveaux usages des biens virtuels.</p>
<p>Or, les effets délétères des écrans sur les enfants sont largement documentés dans la littérature académique : <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-fabrique-du-cretin-digital-michel-desmurget/9782021423310">impacts sur la santé physique et mentale</a> (perte de sommeil, excès de poids, difficulté de concentration…), sur les performances scolaires et sur les relations interpersonnelles. En revanche, leurs conséquences sur les parents sont plutôt occultées, alors qu’ils sont générateurs de stress, de mauvaise estime de soi et de perte de confiance dans leur efficacité personnelle en tant qu’éducateurs, responsables du bien-être et du devenir de leurs enfants.</p>
<h2>Les enjeux du bien-être parental</h2>
<p>Centrée prioritairement sur le domaine médical, la <a href="https://www.cairn.info/revue-decisions-marketing-2018-4-page-77.htm">notion de bien-être</a> s’est élargie à des pans entiers de l’existence humaine, investissant des activités telles que le sport, les loisirs ou encore l’alimentation. Pourtant, définir ce qu’est le bien-être s’avère relativement complexe.</p>
<p>Concrètement, les travaux académiques en économie et en psychologie positive distinguent deux approches du bien-être. Le bien-être objectif est centré sur la qualité de vie. Il est mesuré à l’aide d’indicateurs comme le taux de pauvreté, le niveau d’éducation ou les risques sanitaires. Le bien-être subjectif fait référence à l’évaluation de sa propre existence par chaque individu et se traduit par le fait de « se sentir heureux ». Le bien-être subjectif articule un <a href="https://internationaljournalofwellbeing.org/index.php/ijow/article/view/429">bien-être hédonique</a> et eudémonique :</p>
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<li><p>Le premier fluctue en fonction d’expériences ponctuelles, génératrices de plaisir et comporte trois dimensions : la satisfaction éprouvée par l’individu par rapport à sa vie, des ressentis émotionnels positifs, comme le plaisir, et l’absence de ressentis négatifs ;</p></li>
<li><p>Le bien-être eudémonique est plus profond et durable, il repose sur un engagement dans des activités porteuses de sens pour l’individu, propices à l’acquisition de compétences, à une bonne estime de soi et à l’existence de liens sociaux.</p></li>
</ul>
<p>Au sein de la sphère domestique, le bien-être est peu investigué, alors même que la famille est perçue par les jeunes comme une <a href="https://arenes.fr/livre/la-fracture/">source d’épanouissement</a> et de réassurance. Dans le même temps, les médias relaient cette difficulté à être « un bon parent » et pointent la complexification des conditions d’exercice de la parentalité au sein du foyer avec l’arrivée du numérique, légitimant sans doute de repenser cette parentalité au travers du bien-être.</p>
<h2>Favoriser la communication</h2>
<p>Afin d’assurer leur bien-être, les parents ont recours à des outils technologiques : logiciels de contrôle parental, stockage automatique des activités en ligne de l’enfant, protection des données personnelles. Ces dispositifs ont vocation à protéger leurs enfants de façon automatisée sans avoir le sentiment de devoir se transformer en espions ou gardes du corps.</p>
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<a href="https://theconversation.com/geolocalisation-des-enfants-une-nouvelle-forme-de-surveillance-parentale-193281">Géolocalisation des enfants : une nouvelle forme de surveillance parentale</a>
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<p>Ces solutions sont pertinentes pour préserver le bien-être des parents car elles tendent à effacer les ressentis négatifs des adultes mais elles se traduisent souvent par des ultimatums, génèrent des négociations voire des conflits. Se sentant surveillés dans leur espace privé, les adolescents adoptent des stratégies de contournement qui instaurent des relations de défiance et, au final, affectent les relations entre parents et enfants.</p>
<p>Dès lors, il semble essentiel de communiquer en adoptant un processus en deux temps. En premier lieu, il s’agit d’inciter les enfants à partager leurs savoirs et leurs savoir-faire pour <a href="https://theconversation.com/les-ecrans-atouts-ou-freins-du-dialogue-familial-132722">créer du lien autour des écrans</a>. Pour favoriser une cohabitation harmonieuse avec les écrans dans les foyers, les parents n’ont pas d’autre choix que de revoir les modèles conventionnels de transmission. Accepter tout d’abord que le transfert de compétences puisse être ascendant avec des enfants capables de leur expliquer les fonctionnalités des outils numériques.</p>
<p>Une fois la barrière technologique franchie, il s’agit, pour les parents, de reprendre la responsabilité d’éduquer son enfant aux règles du numérique et à l’usage qu’il fait des différents écrans en contrôlant notamment les contenus visionnés. Ces échanges d’informations et ces partages de connaissances autour du numérique doivent contribuer à leur bien-être hédonique.</p>
<p>Dans un second temps, il s’agit de communiquer pour réguler les pratiques applicables par tous les membres de la famille. L’instauration de règles précises (comme l’interdiction d’utiliser des écrans à table ou dans la chambre) et la limitation des temps de connexion peuvent être discutées en famille afin de parvenir à un usage équilibré et adapté à chaque âge.</p>
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<p>Les parents – souvent surconnectés – sont dès lors invités à réfléchir à leurs propres pratiques et aux modèles qu’ils représentent aux yeux de leurs enfants. Mettre en place ces mesures éducatives acceptées à la fois par les parents et les enfants est sans doute un moyen de favoriser le bien-être.</p>
<h2>Des activités hors écran</h2>
<p>L’omniprésence des écrans dans les foyers se traduit par un excès d’activités numériques plutôt individuelles, peu propices à l’échange et au partage. Il s’agit alors de renforcer le bien-être eudémonique des parents en favorisant des activités communes autour des écrans pour réduire les crispations et réinstaurer le numérique dans son rôle de médiateur de liens sociaux.</p>
<p>Autre possibilité, <a href="https://www.ted.com/talks/molly_wright_how_every_child_can_thrive_by_five">passer du temps hors écran</a> en menant des activités qui assurent le bien-être. La crise sanitaire a été riche d’enseignements sur les capacités des familles à réinventer les relations dans le foyer et construire une bulle harmonieuse entre parents et enfants. Les périodes de confinement qui en ont découlé ont incité la plupart des familles à revisiter les activités au sein du foyer.</p>
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<p>Repliés dans la sphère domestique devenue temporairement le seul espace de sociabilité, parents et enfants ont (ré)appris à passer du temps de qualité ensemble. Jeux de société, <a href="https://theconversation.com/alimentation-le-retour-en-grace-du-gouter-158986">confection de gâteaux</a>, activités sportives ou manuelles, autant de moments propices au partage, à la transmission de compétences et sources d’émotions positives et de sentiment d’efficacité personnelle.</p>
<p>Parvenir à concilier bien-être et parentalité relève aujourd’hui d’un véritable défi tant les pressions sociétales et les contradictions sont nombreuses. Mais de nombreuses solutions existent et le bien-être semble passer par la reprise en main de l’autorité parentale mais aussi par la recherche d’un équilibre entre activités numériques et non numériques afin de ne pas multiplier des plaisirs très fugaces qui, sur un temps long, ne rendent pas forcément heureux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199696/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux autour de la gestion des écrans génèrent une pression qui peut conduire les parents à perdre confiance dans leur efficacité d’éducateurs. Quelques clés pour éviter l’impasse.Caroline Rouen-Mallet, Enseignant-chercheur en marketing, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandiePascale Ezan, professeur des universités - comportements de consommation - alimentation - réseaux sociaux, Université Le Havre NormandieStéphane Mallet, Enseignant-chercheur en marketing, IAE Rouen Normandie - Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1983562023-01-29T17:00:22Z2023-01-29T17:00:22ZLes nouvelles technologies bouleversent le secteur de la finance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505901/original/file-20230123-5967-eqsjzj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C102%2C1196%2C691&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Et si les données générées par les transactions rapportaient un jour davantage que les transactions elles-mêmes ?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/marketing-mains-smartphone-internet-7567443/">Tima Miroshnichenko/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’avènement des technologies numériques a renouvelé et remodelé le paysage financier. Aujourd’hui, l’achat et la vente de titres s’effectuent principalement par le biais de programmes informatiques qui réagissent en quelques nanosecondes (plus vite qu’un humain ne le pourrait) aux plus infimes fluctuations du marché.</p>
<p>Côté vente, la constitution et la liquidation des portefeuilles de titres ont connu d’énormes changements en raison principalement de l’informatisation des opérations de ces cinquante dernières années et, plus récemment, de l’émergence du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/big-data-23298">big data</a>. Les fameuses scènes dans lesquelles une foule de courtiers vêtus de couleurs vives se bousculent, agitant fébrilement les mains et hurlant leurs ordres sur le parquet de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/bourse-25542">bourse</a>, quoique parfois encore reproduites à des fins de marketing, appartiennent désormais au passé.</p>
<h2>Deux nouveaux types de technologies</h2>
<p>L’« électronisation » des opérations boursières repose au moins sur deux types de technologies. D’abord, les bourses ont automatisé le processus de mise en relation des acheteurs et des vendeurs de titres. Imaginons, par exemple, que vous souhaitez acheter 1 000 actions L’Oréal. Votre banque ou votre courtier passera alors votre ordre via Euronext, l’un des marchés sur lesquels L’Oréal est coté. Euronext reçoit, achète et vend en permanence des ordres de ce type, en les faisant correspondre grâce à des ordinateurs et des algorithmes.</p>
<p>Il s’agit déjà là d’un changement profond, mais il faut savoir qu’Euronext recueille également d’énormes quantités de données sur les ordres passés, les transactions réalisées… qui peuvent ensuite être revendues à d’autres intermédiaires et investisseurs. À cet égard, les plates-formes de trading ressemblent de plus en plus aux autres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> numériques, comme Facebook, Google ou Twitter, et la part de leurs revenus provenant de la vente de données augmente vertigineusement (+13 % par an environ depuis 2012).</p>
<p>Le deuxième type de technologie concerne l’automatisation des décisions d’achat ou de vente de titres de la part des acteurs du secteur. Le recours à des algorithmes pour prendre des décisions de portefeuille est appelé <em>trading algorithmique</em>. En une journée, un gestionnaire d’actifs peut ainsi acheter ou vendre des millions d’actions d’un titre donné en réponse aux entrées et sorties des investisseurs de son fonds. Ce processus d’automatisation est le même que celui que l’on observe dans d’autres secteurs, où les humains sont remplacés par des machines.</p>
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<img alt="Salle de marché en ébullition" src="https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505909/original/file-20230123-19-jt54c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le monde de la finance ressemble de moins en moins à cette photo prise à Wall Street en 2008.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/83532250@N06/7651028854">Thetaxhaven/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Certaines sociétés spécialisées dans le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/trading-haute-frequence-34668">trading haute fréquence</a> utilisent des algorithmes qui s’appuient sur un accès extrêmement rapide aux informations (moins d’une milliseconde), notamment aux données de marché vendues par les plates-formes électroniques de trading. Grâce à leur accès privilégié à ces données, ces sociétés peuvent tirer parti de petites différences de prix pour une même action entre deux plates-formes. Certaines d’entre elles paient même pour que leurs serveurs informatiques soient hébergés près de ceux des plates-formes de trading, voire louent un espace dans la même pièce pour gagner quelques précieuses nanosecondes, qui peuvent faire toute la différence dans la transmission d’informations clés.</p>
<p>L’impact de ces évolutions sur les coûts de négociation des autres acteurs du marché est un sujet controversé, et soulève de nombreuses problématiques qui sont aujourd’hui au cœur des débats politiques dans l’Union européenne et en Amérique du Nord.</p>
<h2>Une réglementation à mettre en place</h2>
<p>L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et divers organismes nationaux, comme l’Autorité des marchés financiers (AMF) en France, sont les principales instances de régulation des marchés de valeurs mobilières dans l’UE. La <em>Securities and Exchange Commission</em> (SEC) et la <em>Commodity Futures Trading Commission</em> (CFTC) couvrent quant à elles les marchés américains.</p>
<p>Un certain nombre de questions liées à l’impact des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-technologies-20827">nouvelles technologies</a> doivent être examinées par ces instances. Par exemple, l’électronisation des marchés financiers réduit-elle réellement le coût de constitution et de liquidation des portefeuilles pour les investisseurs ? Les investisseurs pourraient ainsi obtenir des rendements bien plus importants sur leur épargne. Le trading algorithmique rend-il les marchés financiers plus ou moins stables ? Les plates-formes de trading ont-elles trop de poids dans la tarification de leurs données de marché ?</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans notre récent <a href="https://cepr.org/publications/books-and-reports/barcelona-4-technology-and-finance">article</a> de recherche, nous posons également la question de savoir si le trading doit être ralenti. Le problème est que les traders à haute fréquence pourraient réaliser des profits excessifs, au détriment des autres participants.</p>
<p>Certaines plates-formes ont aussi des exigences de transparence moins strictes que celles des principales bourses, ce qui peut susciter des inquiétudes. Le volume de ce que l’on appelle le « dark trading » (réseaux d’échanges privés) est en hausse, et représente aujourd’hui environ 40 à 50 % des négociations d’actions dans l’UE, ce qui amène à s’interroger sur la nécessité de réglementer plus strictement les « dark pools ». Enfin, se pose également la question de savoir dans quelle mesure les algorithmes risquent de déstabiliser les marchés financiers et d’entraîner de fortes variations de prix.</p>
<h2>Ce que l’avenir nous réserve</h2>
<p>Dans les années à venir, le modèle économique des bourses devrait donc reposer de plus en plus sur la monétisation des données générées par le trading. Il pourrait alors régner une certaine concurrence entre les plates-formes de trading pour attirer les utilisateurs, qui génèrent ces données, à l’instar de ce que font les géants de la Tech.</p>
<p>Cette tendance, qui s’est accélérée pendant la pandémie de Covid-19, si elle se poursuit, exercera une forte pression concurrentielle sur les courtiers et finira par faire baisser les coûts de négociation pour les investisseurs. Peut-être qu’à un certain stade, les données générées par les transactions rapporteront davantage que les transactions elles-mêmes. Il se pourrait donc qu’à un moment donné, les plates-formes de trading doivent faire plus d’efforts pour attirer les utilisateurs, par exemple en vous payant pour y passer vos ordres, juste pour que vous les utilisiez et génériez davantage de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/donnees-23709">données</a> !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198356/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Foucault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’essor de l’automatisation des échanges conduit notamment les plates-formes de trading à tirer de plus en plus de revenus de la revente des données qu’elles collectent.Thierry Foucault, Professeur de Finance, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1984682023-01-25T17:59:58Z2023-01-25T17:59:58ZReconstituer des « organes sur puce », une voie vers de nouveaux médicaments ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506150/original/file-20230124-19-hu9lnn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C6%2C2041%2C1572&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le poumon sur puce peut imiter les capacités physiques et mécaniques d'un poumon humain.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wyss Institute for Biologically Inspired Engineering, Harvard University/Flickr</span></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://doi.org/10.1007/s40273-021-01065-y">mise sur le marché d'un nouveau médicament</a> coûte des milliards d'euros et peut prendre plus de dix ans. Ces investissements considérables en argent et en temps contribuent fortement à la montée en flèche des coûts de santé et constituent des obstacles importants à la mise à disposition de nouvelles thérapies pour les patients. L'un des obstacles réside dans les modèles de laboratoire utilisés par les scientifiques pour développer les médicaments.</p>
<p>Les <a href="https://www.fda.gov/patients/drug-development-process/step-2-preclinical-research">essais précliniques</a>, c'est-à-dire les études qui permettent de tester l'efficacité et la toxicité d'un médicament avant qu'il ne fasse l'objet d'essais cliniques chez l'homme, sont principalement réalisés sur des cultures cellulaires et des animaux. Ces deux méthodes sont limitées par leur faible capacité à reproduire les conditions du corps humain. Les <a href="https://doi.org/10.1016%2FB978-0-12-803077-6.00009-6">cultures cellulaires</a> dans une boîte de pétri sont incapables de reproduire tous les aspects du fonctionnement des tissus, comme la façon dont les cellules interagissent dans le corps ou la dynamique des organes vivants. Et les <a href="https://doi.org/10.1093/bioinformatics/btu611">animaux</a> ne sont pas des humains — même de petites différences génétiques entre les espèces peuvent être amplifiées et devenir des différences physiologiques majeures. </p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3902221/">Moins de 8 %</a> des études animales réussies pour des thérapies contre le cancer aboutissent à des essais cliniques sur l'homme. Comme les modèles animaux ne parviennent souvent pas à prédire les effets des médicaments lors des essais cliniques sur l'homme, ces échecs tardifs peuvent augmenter considérablement les coûts et les risques pour la santé des patients. </p>
<p>Pour résoudre ce problème de transposition, les chercheurs ont mis au point un modèle prometteur qui peut imiter plus fidèlement le corps humain : l'organe sur puce. </p>
<p>En tant que <a href="https://scholar.google.com/citations?user=FppSA-0AAAAJ&hl=en">chimiste analytique</a>, j'ai travaillé à la mise au point de modèles d'organes et de tissus qui évitent la trop grande simplicité des cultures cellulaires courantes et les divergences des modèles animaux avec l'humain. Je pense qu'avec un développement plus poussé, les organes sur puce peuvent aider les chercheurs à étudier les maladies et à tester les médicaments dans des conditions plus proches de la réalité.</p>
<h2>Que sont les organes sur puce ?</h2>
<p>À la fin des années 1990, des chercheurs ont trouvé un moyen de <a href="https://gmwgroup.harvard.edu/files/gmwgroup/files/1073.pdf">superposer des polymères élastiques</a> pour contrôler et analyser les fluides à l'échelle microscopique. C'est ainsi qu'est né le domaine de la <a href="https://doi.org/10.1016/j.mne.2019.01.003">microfluidique</a>, qui, dans le domaine des sciences biomédicales, implique l'utilisation de dispositifs capables d'imiter l'écoulement dynamique des fluides dans le corps, comme le sang.</p>
<p>Les progrès de la microfluidique ont fourni aux scientifiques une plate-forme pour cultiver des cellules dont le fonctionnement est plus proche de celui du corps humain, notamment avec les <a href="https://doi.org/10.1038/s41578-018-0034-7">organes sur puce</a>. La «puce» désigne le dispositif microfluidique qui renferme les cellules. Elles sont généralement fabriquées à l'aide de la même technologie que les puces d'ordinateur. </p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2N0wfDh-7Z8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La technologie des «organes-sur-puce» au service de la recherche biomédicale. Le réseau des Carnot.</span></figcaption>
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<p>Non seulement les organes sur puce imitent la circulation sanguine dans le corps, mais ces plates-formes sont également dotées de microchambres qui permettent d'intégrer plusieurs types de cellules afin d'imiter les divers types de cellules normalement présents dans un organe. Le flux de liquide relie ces types de cellules, ce qui permet d'étudier comment elles interagissent les unes avec les autres.</p>
<p>Cette technologie peut surmonter les limites des cultures cellulaires statiques et des études sur les animaux de plusieurs manières. Tout d'abord, la présence de fluide circulant dans le modèle permet d'imiter à la fois ce qu'une cellule vit dans l'organisme, comme la façon dont elle reçoit les nutriments et élimine les déchets, et la façon dont un médicament se déplace dans le sang et interagit avec plusieurs types de cellules. La possibilité de contrôler l'écoulement des fluides permet également de régler avec précision le dosage optimal d'un médicament particulier.</p>
<p>Le modèle de <a href="https://doi.org/10.1126/science.1188302">poumon sur puce</a>, par exemple, est capable d'intégrer les qualités mécaniques et physiques d'un poumon humain vivant. Il est capable d'imiter la dilatation et la contraction, ou l'inspiration et l'expiration, du poumon et de simuler l'interface entre le poumon et l'air. La capacité de reproduire ces qualités permet de mieux étudier la déficience pulmonaire en fonction de différents facteurs.</p>
<h2>Comment utiliser davantage cette technologie ?</h2>
<p>Bien que les organes sur puce repoussent les limites des recherches amont en pharmaceutique, cette technologie n'a <a href="https://doi.org/10.1016/j.drudis.2019.03.011">pas encore été largement intégrée</a> dans les filières de développement de médicaments. Je pense que l'un des principaux obstacles à une large adoption de ces puces est leur grande complexité et leur faible praticité.</p>
<p>Les modèles actuels d'organes sur puce sont difficiles à utiliser. De plus, comme la plupart des modèles sont à usage unique et ne permettent qu'une seule entrée, ce qui limite ce que les chercheurs peuvent étudier à un moment donné, leur mise en œuvre est à la fois coûteuse et exigeante en temps et en main-d'œuvre. Les <a href="https://doi.org/10.1039/c6lc01554a">investissements élevés requis</a> pour utiliser ces modèles pourraient freiner l'enthousiasme pour leur adoption. Après tout, les chercheurs utilisent souvent les modèles les moins complexes disponibles pour les études précliniques afin de réduire le temps et les coûts.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Gros plan de la barrière hémato-encéphalique sur une puce" src="https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501643/original/file-20221216-13-pjt0d0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Cette puce imite la barrière hémato-encéphalique. Le colorant bleu marque l'endroit où les cellules cérébrales iraient, et le colorant rouge marque la route du flux sanguin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/HRUHqg">Vanderbilt University/Flickr</a></span>
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<p>Il est essentiel d'abaisser le seuil technique de fabrication et d'utilisation des organes sur puce pour permettre à l'ensemble de la communauté de profiter pleinement de leurs avantages. Mais cela ne passe pas nécessairement par une simplification des modèles. <a href="https://chenresearchlab.umbc.edu">Mon laboratoire</a>, par exemple, a conçu plusieurs <a href="https://doi.org/10.26434/chemrxiv.12964604.v1">puces tissulaires prêtes à l'emploi,</a> standardisées et modulaires, permettant d'assembler facilement des pièces préfabriquées pour réaliser leurs expériences.</p>
<p>L'avènement de l’<a href="https://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/ac403397r">impression 3D</a> a également facilité de manière significative le développement des organes sur puce, permettant aux chercheurs de fabriquer directement des modèles entiers de tissus et d'organes sur des puces. L'impression 3D est idéale pour le prototypage rapide et le partage de la conception entre utilisateurs et facilite également la production de masse de matériaux standardisés.</p>
<p>Je pense que les organes sur puce ont le potentiel de permettre des percées dans la découverte de médicaments et de mieux comprendre le fonctionnement des organes, qu'ils soient sains ou malades. En rendant cette technologie plus accessible, on pourrait sortir le modèle du développement en laboratoire et le laisser s'imposer dans l'industrie biomédicale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198468/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chengpeng Chen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les succès pharmaceutiques obtenus en laboratoire ne se traduisent pas forcément chez l'humain. Des modèles de recherche qui imitent mieux le corps humain pourraient combler cette lacune.Chengpeng Chen, Assistant Professor of Chemistry and Biochemistry, University of Maryland, Baltimore CountyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1971492023-01-22T16:12:49Z2023-01-22T16:12:49ZMétavers : l’heure du premier bilan<p>Le 18 octobre 2021, Meta (maison-mère de Facebook, WhatsApp et Instagram) annonçait la <a href="https://www.francetvinfo.fr/internet/reseaux-sociaux/facebook/facebook-annonce-la-creation-de-10-000-emplois-dans-l-union-europeenne-pour-developper-le-metavers_4811113.html">création de 10 000 emplois</a> dans l’Union européenne au cours des cinq prochaines années, afin d’investir dans les nouveaux talents et d’aider à construire le métavers.</p>
<p>Un an plus tard, Mark Zuckerberg annonce la <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/la-tech-americaine-licencie-en-masse-20221107">suppression de 11 000 emplois</a> déclenchant la première vague de licenciements et reconnaissant les changements les plus difficiles de l’histoire de l’entreprise.</p>
<p>Pourtant, un rapport récent du cabinet McKinsey évalue à <a href="https://www.mckinsey.com/capabilities/growth-marketing-and-sales/our-insights/value-creation-in-the-metaverse">5 000 milliards de dollars</a> le marché du métavers à l’horizon 2030, soit l’équivalent de la troisième économie mondiale derrière les États-Unis et la Chine. Les investissements sont évalués à plus de 120 milliards de dollars. Le projet métavers dépasse les ambitions d’une seule entreprise, aussi grande soit-elle.</p>
<p>Des enseignes et des marques de renom telles que Nike, Balenciaga ou Louis Vuitton se sont positionnées dans ces espaces virtuels. Des sociétés telles que Microsoft, Amazon ou Google ont confirmé leurs investissements. La situation étant ambivalente, décryptons les divergences de perception du métavers et investiguons les ingrédients qui peuvent contribuer à sa réussite.</p>
<h2>Pourquoi le métavers ne rencontre-t-il pas le succès attendu ?</h2>
<p>La première source d’ambiguïté est liée au simple fait que nous ne sommes pas tous d’accord sur la définition du ou des métavers. Le métavers est un concept en cours de construction et personne ne sait vraiment à quoi il ressemblera, ni même ce que l’on doit inclure derrière ce terme. Le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/cest-quoi-le-web3-cette-nouvelle-version-dinternet-qui-fait-parler-delle-1376152">web 3</a>, les jetons non fongibles (NFT) et la chaine de blocs sont autant de créations modernes qui s’articulent autour du métavers. La méconnaissance de ces technologies et les frontières floues entre ces concepts et celui de métavers ne facilitent pas la compréhension du grand public.</p>
<p>En mai 2022, Ipsos a publié les résultats d’une <a href="https://www.ipsos.com/sites/default/files/ct/news/documents/2022-05/GlobalAdvisor--WEF--Metaverse--May2022--GraphicReport.pdf">enquête</a> indiquant que seulement 28 % des Français étaient familiers avec le concept de métavers. Alors que les grands groupes, les États et l’UE investissent, <a href="https://www.iligo.fr/le-metavers-vu-comme-etant-sans-interet-par-62-des-francais/">62 % des Français</a> ne voient toujours pas l’intérêt des mondes virtuels. Il est donc essentiel d’informer les citoyens afin de mieux comprendre le <a href="https://www.amazon.fr/manuel-du-m%C3%A9tavers-Charles-Perez/dp/B0BMZD5VDP/">métavers</a> et les technologies associées.</p>
<p>Le <a href="https://www.economie.gouv.fr/files/files/2022/Rapport-interministeriel-metavers.pdf">rapport interministériel de la mission sur le développement</a> des métavers publié en octobre 2022 définit ce dernier comme « un service en ligne donnant accès à des simulations d’espaces 3D temps réel, partagées et persistantes, dans lesquelles on peut vivre ensemble des expériences immersives ».</p>
<p>Cette définition place l’expérience virtuelle au cœur du sujet. Pourtant, les casques de réalité virtuelle sont encore peu adoptés et ont des limitations évidentes (coût, autonomie, poids). Dans une volonté d’inclusion, les grands acteurs présentent un métavers accessible via un casque de réalité virtuelle, mais également depuis un navigateur ou une application mobile. Tandis que l’immersion est selon certains acteurs, nécessaire, selon d’autres elle serait un frein à la démocratisation du métavers.</p>
<p>À ce jour, plusieurs centaines de métavers peuvent être recensés et les plus grands (Roblox, Second Life, Zepeto, Minecraft, Fortnite) regroupent des <a href="https://www.metaversed.consulting/">millions d’utilisateurs</a>. Les chiffres colossaux que l’on voit circuler sont gonflés par le succès des jeux en ligne massivement multijoueurs. Cependant, on peut se demander si ces derniers peuvent être considérés comme des métavers. Cette question doit être débattue, d’autant plus que certains articles ont mis en évidence la <a href="https://www.coindesk.com/web3/2022/10/07/its-lonely-in-the-metaverse-decentralands-38-daily-active-users-in-a-13b-ecosystem/">très faible fréquentation</a> de plates-formes régulièrement citées comme métavers (Decentraland, The Sandbox). Même si ces chiffres ont été <a href="https://cryptoast.fr/non-decentraland-pas-que-38-utilisateurs/">contredits</a>, nous n’atteignons pas le niveau d’engagement espéré.</p>
<h2>Que faut-il pour le succès du métavers ?</h2>
<p>L’adoption du métavers est trop lente pour les observateurs. L’attente est grande, car des acteurs majeurs se sont affichés tôt et ont fait un pari à long terme. En dépit du niveau record de <a href="https://www.demandsage.com/metaverse-statistics/">400 millions d’utilisateurs</a> actifs mensuels en 2022 (l’équivalent du nombre d’internautes au passage à l’an 2000), l’adoption massive est lointaine. Récemment encore, lors du DealBook Summit, Mark Zuckerberg a laissé entendre que le métavers ne serait pas rentable avant <a href="https://www.nytimes.com/events/dealbook-summit/sessions/mixed-reality-metas-big-bet">2030 au plus tôt</a>.</p>
<p>Une <a href="https://www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2022-02-07-gartner-predicts-25-percent-of-people-will-spend-at-least-one-hour-per-day-in-the-metaverse-by-2026">étude de Gartner</a> indique que 25 % des personnes passeront une heure par jour dans le métavers en 2026. Sa méthodologie <em>hype cycle</em> (courbe décrivant l’évolution d’une nouvelle technologie) a placé le métavers comme technologie émergente. Elle estime que son plateau de productivité sera atteint dans plus de dix ans.</p>
<p>Les entreprises en quête d’une meilleure productivité pourraient être un levier d’adoption majeur. Un grand nombre d’acteurs pensent que le métavers est sur le point de <a href="https://www.lepoint.fr/debats/l-avenir-du-teletravail-est-dans-le-metavers-30-09-2022-2491914_2.php">révolutionner le travail à distance</a>. La crise sanitaire a largement contribué à l’accélération de l’adoption de ce type de format. Selon un <a href="https://www.forrester.com/report/predictions-2023-the-metaverse-and-nfts/RES178194">rapport de Forrester</a>, au moins trois des quatre solutions phares suivantes, Zoom, Slack, Webex et Google Apps, ajouteront en 2023, des fonctionnalités de type métavers. Une enquête récente de <a href="https://www.pwc.com/us/en/tech-effect/emerging-tech/virtual-reality-study.html">PwC</a> a révélé que 51 % des entreprises sont en train d’intégrer la réalité virtuelle dans leur stratégie ou ont déjà intégré la réalité virtuelle dans au moins un secteur d’activité. Les établissements d’<a href="https://www.mondedesgrandesecoles.fr/espace-virtuel-le-metaverse-serait-il-la-prochaine-etape-de-linternet/">enseignement supérieur</a> ont également identifié des effets bénéfiques du métavers.</p>
<p>Les modèles d’adoption des technologies nous rappellent l’importance des critères relevant de la facilité d’utilisation ainsi que de leur utilité. À ce jour, ces derniers ne sont pas réellement remplis. L’effort pour entrer dans le métavers ne sera plus un frein lorsque nos motivations seront suffisantes. Pour ceux ayant franchi le pas, <a href="https://www.capgemini.com/insights/research-library/immersive-experiences/">Capgemini</a> indique que les trois quarts l’utilisent toujours et vont continuer à le faire.</p>
<p>Parmi les nombreuses conditions permettant le déploiement à grande échelle du Métavers, les critères suivants sont régulièrement avancés.</p>
<p>Le métavers doit être interopérable. Cela signifie que les concepteurs et plates-formes permettant la création d’univers virtuels devraient s’appuyer sur des protocoles communs afin de rendre facile le changement d’espace virtuel. À terme, naviguer d’un espace à un autre devrait pouvoir se faire aussi simplement que de naviguer d’une page web à une autre. Ce travail est en cours avec les efforts de l’<a href="https://www.oma3.org/">Open Metaverse Alliance</a> (association basée en Suisse) ou du <a href="https://metaverse-standards.org/">Metaverse Standards Forum</a> (consortium industriel).</p>
<p>Pour obtenir une expérience satisfaisante, il est essentiel de pouvoir bénéficier d’une interaction en temps (quasi) réel. Le nombre d’opérations par seconde est une limite fondamentale. Le rendu et la synchronisation des scènes dépendent des performances techniques. Le métavers, pour toucher un large public, devra donc compter sur des <a href="https://www.numerama.com/tech/795797-pour-faire-tourner-le-metaverse-il-faudra-changer-linfrastructure-entiere-de-linternet.html">technologies toujours plus performantes</a>. Cela pose également la question de la <a href="https://start.lesechos.fr/innovations-start-up/tech-futur/le-metavers-peut-il-etre-ecologique-1410004">consommation énergétique</a> des univers virtuels. Ces derniers devront s’inscrire du mieux possible dans le cadre de la <a href="https://www.lemagit.fr/actualites/252528522/Le-metavers-est-il-compatible-avec-la-sobriete-et-le-numerique-responsable">sobriété numérique</a>.</p>
<p>Les évolutions technologiques devront aussi trouver les parades pour réduire la cybernétose (terme adapté de la cinétose – une discordance entre la perception visuelle et le système vestibulaire qui génère un mal des transports) dont près de 40 % des utilisateurs souffrent ainsi que la fatigue visuelle, musculaire et la charge mentale. De même, le vol de données, d’<a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/10/12/cinq-personnes-mises-en-examen-a-paris-pour-le-vol-de-nft-d-une-collection-tres-prisee_6145540_4408996.html">actifs numériques</a> ou le non-respect de la <a href="https://www.lopinion.fr/economie/le-metavers-est-il-compatible-avec-le-respect-de-la-vie-privee">vie privée</a> pour cause de problème de sécurité ou d’éthique pourraient générer une perte de confiance des utilisateurs et des investisseurs.</p>
<p>Les outils devront être plus facilement accessibles sans présenter de complexité inutile. La création d’un portefeuille de cryptomonnaies, l’achat de NFT et la création d’expériences virtuelles devront pouvoir se faire de manière plus intuitive.</p>
<p>Une avancée attendue est celle de la captation plus fine de nos sens, y compris le <a href="https://www.cnetfrance.fr/news/comment-les-technologies-haptiques-veulent-nous-faire-ressentir-le-metavers-et-la-vr-39939043.htm">toucher</a>, les <a href="https://www.realite-virtuelle.com/odeur-dans-le-metaverse/">odeurs</a> et le <a href="https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/laudio-spatial-lune-des-cles-dune-experience-reussie-en-realite-virtuelle-1359878">son spatialisé</a>. Des vestes haptiques commencent à voir le jour et contribuent à ressentir les interactions virtuelles dans le monde physique. Elles permettent par exemple de ressentir la sensation du vent ou même celle de la pluie. Des <a href="https://casques-vr.com/kat-walk-c2-nouvelle-version-pour-le-tapis-vr-avec-un-prix-divise-par-deux-20919/">tapis omnidirectionnels</a> permettent de courir, nager et de se déplacer dans les univers virtuels avec des gestes réels.</p>
<p>Aujourd’hui, le jeu vidéo est une porte d’entrée dans le métavers qui a déjà séduit les plus jeunes, mais peine à convaincre les autres publics. Le métavers est entre les mains de la jeunesse, puisque, sur certains univers virtuels, près de 51 % des utilisateurs auraient <a href="https://www.metaversed.consulting/blog/the-metaverse-reaches-400m-active-users">moins de 13 ans</a>. Si le métavers est régulièrement confronté à des vagues de scepticisme, la nouvelle génération semble déjà immergée dans l’univers virtuel et participe <a href="https://www.courrierinternational.com/article/enquete-comment-roblox-profite-du-travail-de-tres-jeunes-developpeurs">activement à sa construction</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197149/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le métavers est un monde originel qui offre de nouveaux espoirs et de nouvelles possibilités. Décryptons les divergences de perception et les ingrédients qui peuvent contribuer à sa réussite.Charles Perez, Professeur associé, PSB Paris School of BusinessArmand Derhy, Directeur de Paris School of Technology & Business, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1975532023-01-20T12:15:33Z2023-01-20T12:15:33ZQuel avenir pour ChatGPT ?<p>ChatGPT tient le devant de la scène <a href="https://theconversation.com/chatgpt-pourquoi-tout-le-monde-en-parle-197544">depuis sa sortie</a> le 30 novembre dernier, du fait de ses fonctionnalités bluffantes, notamment pour <a href="https://theconversation.com/beau-parleur-comme-une-ia-196084">dialoguer et répondre à des questions</a>, même complexes, de façon naturelle et réaliste.</p>
<p>Alors qu’on commence à avoir un peu de recul sur cet outil, des questions se posent : quelles sont les limites actuelles et futures de ChatGPT, et quels sont les marchés potentiels pour ce type de systèmes ?</p>
<h2>ChatGPT, un « Google killer » ? Pas forcément…</h2>
<p>ChatGPT est souvent décrit comme un futur concurrent de Google, voire comme un « Google killer » pour sa partie moteur de recherche : même si l’outil produit parfois des réponses baroques, voire carrément fausses, il répond de manière directe et ne propose pas simplement une liste ordonnée de documents, comme le moteur de recherche de Google.</p>
<p>Il y a là assurément un danger potentiel sérieux pour Google, qui pourrait menacer sa position de quasi-monopole sur les moteurs de recherche. Microsoft en particulier (principal investisseur dans OpenAI, qui a par ailleurs un accès privilégié à la technologie développée) <a href="https://www.theinformation.com/articles/microsoft-and-openai-working-on-chatgpt-powered-bing-in-challenge-to-google">travaille à intégrer ChatGPT à son moteur de recherche Bing</a>, dans l’espoir de reprendre l’avantage sur Google.</p>
<p>Il y a toutefois plusieurs incertitudes concernant une telle perspective. Les requêtes dans les moteurs de recherche sont généralement composées de quelques mots, voire d’un seul mot, comme un événement ou un nom de personnalité. ChatGPT suscite en ce moment la curiosité d’une population technophile, mais ceci est très différent de l’usage classique, grand public, d’un moteur de recherche.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/chatgpt-pourquoi-tout-le-monde-en-parle-197544">ChatGPT : pourquoi tout le monde en parle ?</a>
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<p>On peut aussi imaginer ChatGPT accessible à travers une interface vocale, ce qui éviterait d’avoir à taper la requête. Mais les <a href="https://www.theverge.com/2021/12/23/22851451/amazon-alexa-by-the-way-use-case-functionality-plateaued">systèmes comme Alexa d’Amazon ont eu du mal à s’imposer</a>, et restent confinés à des usages précis et limités (demander des horaires de cinéma, la météo…). Il y a 10 ans, Alexa était vu comme l’avenir de la société de distribution américaine, mais est aujourd’hui un peu à l’abandon, parce qu’<a href="https://www.journaldugeek.com/2022/11/23/alexa-lassistant-vocal-damazon-est-un-echec-colossal/">Amazon n’a jamais réussi à monétiser son outil</a>, c’est-à-dire à le rendre économiquement profitable.</p>
<p>ChatGPT peut-il réussir là où Alexa a en partie échoué ?</p>
<h2>D’autres cadres d’utilisation ?</h2>
<p>Bien sûr, l’avenir de ChatGPT ne devrait pas se résumer à la recherche d’information. Il existe une foule d’autres situations où on a besoin de produire du texte : production de lettres types, de résumés, de textes publicitaires…</p>
<p>ChatGPT est aussi un bon outil d’aide à l’écriture. On voit déjà différents usages : solliciter ChatGPT pour partir de quelques paragraphes qui peuvent susciter l’inspiration et éviter la peur de la <a href="https://twitter.com/JohanDrillard/status/1602224993114492928">page blanche</a> ; voir quels points l’outil met en avant sur une question particulière (pour vérifier si ça correspond à ce que l’on aurait dit nous-mêmes ou non) ; demander des suggestions de plan sur une question particulière. ChatGPT n’est pas un outil magique et ne peut pas savoir ce que l’utilisateur a en tête, donc face à la rédaction d’un document complexe, il ne peut s’agir que d’une aide.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1610678100601483265"}"></div></p>
<p>On peut évidemment imaginer des usages plus problématiques et de nombreux articles ont déjà été publiés dans la presse concernant par exemple l’<a href="https://www.sudouest.fr/politique/education/chatgpt-une-intelligence-artificielle-pour-faire-les-devoirs-cauchemar-ou-opportunite-pour-les-enseignants-13692201.php">usage de ChatGPT dans l’enseignement</a>, avec des craintes, justifiées ou non. On peut ainsi imaginer des étudiants produisant des devoirs grâce à ChatGPT, mais aussi des enseignants utilisant l’outil pour rédiger leurs appréciations, ou des chercheurs produisant des articles scientifiques semi-automatiquement. Il y a beaucoup d’articles sur les étudiants dans la presse, mais ce ne seront pas les seuls à faire un usage éventuellement problématique de ce genre de technologie.</p>
<p>Il y a bien sûr lieu de <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-01191-3">se poser des questions</a>, mais la technologie est là et ne va pas disparaître. Il semble donc primordial d’en parler, et de former les élèves et les étudiants à ces outils, pour expliquer leur intérêt et leurs limites, et discuter de la place qu’ils devraient avoir dans la formation.</p>
<p>Enfin, à l’extrême du spectre des usages problématiques, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rV9_F2gsdhk">on pensera bien évidemment à la production de fake news</a> : de fausses informations pouvant ensuite être disséminées en quantité industrielle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-detecter-des-fake-news-automatiquement-160398">Peut-on détecter des fake news automatiquement ?</a>
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<p>Il ne faut pas exagérer ces dangers, mais ceux-ci sont réels. Même si des <a href="https://www.lalibre.be/etudiant/etudes/2023/01/13/est-ce-possible-de-detecter-un-texte-ecrit-par-chatgpt-ZI5LDJ6GCNGR5D52XCQ5MPGHRU/">détecteurs de texte produits par ChatGPT commencent à apparaître</a>, ceux-ci seront nécessairement imparfaits, car les textes produits sont trop divers et trop réalistes pour pouvoir être reconnus à 100 % par un système… à part par la société OpenAI elle-même, évidemment !</p>
<h2>Les limites de ChatGPT : quand ChatGPT « hallucine »</h2>
<p>La masse des interactions avec ChatGPT depuis son ouverture au grand public le 30 novembre a déjà permis d’identifier certaines de ses limites.</p>
<p>ChatGPT fournit en général des réponses correctes, souvent bluffantes… mais si on l’interroge sur des domaines qu’il ne maîtrise pas, voire si on invente une question en apparence sérieuse mais en fait absurde (par exemple sur des faits ou des personnes qui n’existent pas), le système produit une réponse en apparence tout aussi sérieuse, mais en fait complètement absurde ou inventée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/beau-parleur-comme-une-ia-196084">Beau parleur comme une IA</a>
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<p>Les exemples sur Twitter sont légion : <a href="https://news.ycombinator.com/item?id=33841672">ChatGPT propose des références scientifiques qui n’existent pas</a>, des explications fumeuses, voire une démonstration où est postulé que -4 = -5. Ceci serait une richesse, si ChatGPT était juste un outil destiné à produire des histoires, des pastiches ou des parodies.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1611793224699416578"}"></div></p>
<p>Mais ce que le public attend, c’est avant tout des réponses avérées à des questions réelles, ou l’absence de réponse dans le cas contraire (si le système ne peut trouver la réponse, ou si la question est absurde). C’est la principale faiblesse de l’outil, et donc probablement aussi le principal obstacle pour en faire un concurrent du moteur de recherche de Google, comme on l’a déjà vu.</p>
<p>Pour cette raison, une conférence comme ICML (<em>International Conference on Machine Learning</em>) a déjà interdit aux chercheurs de <a href="https://icml.cc/Conferences/2023/llm-policy">soumettre des articles produits en partie avec ChatGPT</a>. <a href="https://stackoverflow.com/">Stackoverflow</a>, une plate-forme d’échanges entre développeurs informatiques, a aussi <a href="https://meta.stackoverflow.com/questions/421831/temporary-policy-chatgpt-is-banned">interdit les réponses générées par ChatGPT</a>, ayant peur de se retrouver submergée par un flux de réponses générées automatiquement (et en partie fausses).</p>
<p>Ceci est dû au fait que le système n’a pas de « modèle de monde ». Autrement dit, il ne sait pas ce qui est vrai, il peut générer des absurdités, des fausses informations, inventer des choses de toute pièce avec l’aplomb d’un menteur professionnel. C’est ce que l’on appelle les « hallucinations », comme si ChatGPT voyait alors des éléments imaginaires (en fait, on ne peut pas vraiment dire que le système ment, dans la mesure où il n’a pas de modèle de vérité).</p>
<p>Ceci est surtout vrai quand la question elle-même n’est pas tournée vers la réalité, auquel cas le système se met à inventer : en ce sens, GPT n’est ni un journaliste, ni un savant, mais plutôt un raconteur d’histoires.</p>
<p>Il y a fort à parier qu’OpenAI essaie dans de futures versions de fournir un système qui évite d’affabuler quand le contexte ne s’y prête pas, grâce à une analyse fine de la question posée, ou l’ajout de connaissances validées (comme le font déjà Amazon avec <a href="https://www.amazon.science/blog/combining-knowledge-graphs-quickly-and-accurately">Alexa</a> ou Google avec son <em>knowledge graph</em>, qui est tout simplement une <a href="https://theconversation.com/beau-parleur-comme-une-ia-196084">base de connaissances</a>). </p>
<p>Google, justement, à travers sa succursale Deepmind, travaille actuellement sur un modèle similaire à ChatGPT appelé Sparrow, en essayant de renforcer la fiabilité du système. Il est par exemple question que le système fournisse une <a href="https://www.techradar.com/news/googles-deepmind-promises-chatgpt-rival-soon-and-it-could-be-better-in-one-key-way">liste de sources</a> sur laquelle il s’appuie pour fournir une réponse.</p>
<h2>Les enjeux pour demain</h2>
<p>L’autre limite de ce système est qu’il repose sur des données (en gros, l’ensemble des textes disponibles sur Internet) <a href="https://www.searchenginejournal.com/openai-chatgpt-update/476116/">à la mi-2021</a> et que ses connaissances ne peuvent pas être mises à jour en direct. C’est évidemment un problème, ChatGPT ne peut pas répondre de façon pertinente à des questions sur l’actualité, alors qu’il s’agit d’un aspect particulièrement important.</p>
<p>La mise à jour en continu du modèle est donc logiquement un des prochains buts d’OpenAI, qui n’en fait pas mystère. Réviser un modèle, le réentraîner « à partir de zéro » (<em>from scratch</em>) est un processus long et coûteux, qui peut mettre en jeu des milliers de GPU ou de TPU <a href="https://huggingface.co/bigscience/tr11-176B-logs">pendant plusieurs semaines ou plusieurs mois</a>, ce qui n’est pas en phase avec la rapidité de l’actualité. La prochaine grande innovation consistera donc en des systèmes capables de se mettre à jour de manière plus localisée en temps réel (ou quasiment), et ceci est <a href="https://www.infoq.com/news/2023/01/google-llm-self-improvement/">sans doute pour bientôt</a>.</p>
<p>Mais le principal enjeu est évidemment celui de l’acceptabilité. On l’a vu : le débat est déjà lancé sur l’influence d’un tel système sur l’éducation. Plus globalement, si un système tel que ChatGPT est par exemple intégré à un logiciel comme Word, se posera aussi la question de qui contrôle ce qui est produit. La voie est étroite entre des systèmes d’IA pas assez contrôlés et <a href="https://theconversation.com/emploi-securite-justice-dou-viennent-les-biais-des-ia-et-peut-on-les-eviter-154579">capables de produire des contenus racistes ou homophobes</a>, et des systèmes trop bridés qui interdiraient de produire certains contenus.</p>
<p>En conclusion, et comme dit l’adage populaire : il est difficile de faire des prévisions, surtout quand elles concernent l’avenir. Il y a de nombreuses inconnues autour de technologies de type ChatGPT : les perspectives de tels outils sont assez vertigineuses, susceptibles d’avoir un impact profond sur la société, mais en même temps leur potentiel réel et commercial devra passer l’épreuve du monde réel.</p>
<p>Ce qui est certain, c’est que les bouleversements actuels devraient inciter au développement d’instituts (au sein des universités, mais aussi à travers des fondations ou des associations capables d’atteindre le grand public) permettant une réflexion large et ouverte sur ces technologies, impliquant tous les acteurs de la société, car c’est la société tout entière qui est déjà impactée, comme en témoigne l’intérêt actuel autour de ChatGPT.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197553/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Poibeau est membre de l'Institut 3IA Prairie et a reçu des financements à ce titre.</span></em></p>ChatGPT dialogue terriblement bien, mais ses limites sont encore importantes et ses applications commerciales pas encore bien tracées.Thierry Poibeau, DR CNRS, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1958352023-01-19T17:49:06Z2023-01-19T17:49:06ZStimuler le cerveau pour mieux le comprendre<p>Tout bon récit de science-fiction mêlant mythe et réalité sur le cerveau a déjà tenté de nous faire croire qu’il était possible de manipuler nos pensées, modifier nos souvenirs ou nous faire agir comme des marionnettes, grâce à toutes sortes de machines fantastiques. Mais qu’en est-il dans la vraie vie : est-il possible de modifier, ou autrement dit, de stimuler l’activité de notre cerveau ? En laboratoire, les chercheurs en neurosciences cognitives utilisent toute une panoplie de stimulations directes et indirectes pour changer l’activité de notre cerveau afin d’étudier son mode de fonctionnement.</p>
<h2>Stimuler le cerveau, ça veut dire quoi ?</h2>
<p>Le cerveau est constamment « stimulé » par les informations qui arrivent de nos organes sensoriels, comme la lumière captée par nos yeux. Par exemple, lorsque vous regardez un chien dans un parc, l’image de ce chien se forme dans votre œil sur la rétine. Les informations visuelles présentes sur la rétine sont ensuite transmises au cerveau via le nerf optique. La stimulation (visuelle ici) est donc indirecte. L’information passe par l’organe sensoriel de la vision, l’œil, qui modifie la stimulation avant qu’elle n’arrive au cerveau. En d’autres termes, la rétine va jouer un rôle dans ce que l’on va percevoir.</p>
<p>L’effet que pourraient avoir les organes sensoriels sur les stimulations peut nuire à l’expérimentation scientifique dans certains cas précis. C’est pourquoi les chercheurs en neurosciences cognitives utilisent des techniques qui permettent d’éviter ces effets. La <a href="https://academic.oup.com/edited-volume/28030?login=true">stimulation magnétique transcrânienne</a> (TMS), également utilisée pour le traitement de troubles neurologiques ou psychiatriques, permet d’agir directement sur nos neurones. Elle entraîne une modification temporaire de leur activité (le plus souvent quelques millisecondes) en produisant un champ magnétique localisé. Cette technique ne nécessite aucune chirurgie puisqu’elle consiste à positionner près de la tête un dispositif composé d’une bobine qui crée ce champ magnétique.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=190&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505337/original/file-20230119-19-pg8jys.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=239&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lors d’une stimulation visuelle indirecte, l’information provenant de notre champ visuel va d’abord passer par l’organe sensoriel de la vision, l’œil. L’information visuelle pourra y subir des modifications, notamment au niveau de la rétine, avant d’être transférée à l’aire de la vision via le nerf optique. Lors d’une stimulation magnétique directe, c’est l’aire de la vision qui va directement être stimulée.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Si la TMS est appliquée sur l’arrière de votre crâne, au niveau de vos neurones visuels, elle va stimuler ces neurones et mimer leur activité naturelle, comme s’ils recevaient de la lumière en provenance de l’œil. Ainsi, vous serez par exemple capable de percevoir un flash lumineux, qui pourtant n’existe pas dans le monde extérieur. Ce flash illusoire, appelé phosphène, apparaît différemment d’une personne à l’autre. Certaines le décrivent comme un changement de texture, d’autres comme une tache blanche ou bien comme un ensemble de points blancs et noirs qui apparaissent localement dans le champ de vision. Le fait que la TMS ait une action directe sur nos neurones, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fnins.2017.00154/full">précise dans le temps</a> et localisée spatialement sans nécessiter aucune de chirurgie en fait une technique de choix pour étudier l’activité du cerveau.</p>
<p>Lors d’une stimulation visuelle indirecte, l’information passe d’abord par l’œil avant d’atteindre le cerveau. Sur son chemin, elle pourra subir des modifications, notamment au niveau de la rétine, avant d’être transférée à l’aire de la vision via le nerf optique. Il y a donc une étape intermédiaire entre la stimulation visuelle et l’aire du cerveau traitant l’information. Lors d’une stimulation magnétique directe, c’est l’aire de la vision qui va directement être stimulée.</p>
<h2>Pourquoi stimuler le cerveau ?</h2>
<p>Il est intéressant de stimuler le cerveau pour bien l’étudier. Continuons l’exemple de l’étude de la perception visuelle. Au laboratoire, les chercheurs peuvent l’étudier de manière indirecte. Un objet vous est présenté sur un écran, et l’activité de votre cerveau en résultant peut être visualisée grâce à un enregistrement IRM (image 3D du cerveau et des aires cérébrales impliquées) ou EEG (enregistrement de l’activité électrique du cerveau) par exemple. </p>
<p>Ce type d’étude permet de savoir quelles zones du cerveau s’activent en réponse à une stimulation donnée et quelle est la dynamique temporelle de leur activité électrique. Mais comme nous l’avons vu, cette approche a des limites notamment du fait du rôle des organes sensoriels sur la perception. La TMS en revanche va permettre de stimuler directement une zone précise du cortex de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15203072/">quelques cm³</a> permettant une excellente résolution spatiale (et temporelle) et donc éviter l’effet de ces organes sensoriels.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AkzhBb6p__g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Stimulation directe et indirecte du cerveau (Dugué Lab, Eddy Malrat).</span></figcaption>
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<p>Si la vision d’un objet active la population de neurones A, cela ne veut pas dire que la réciproque est forcément vraie : lorsque j’active la population de neurones A, est-ce que je vais voir cet objet ? La TMS permet d’étudier <a href="https://www.jneurosci.org/content/31/33/11889">ce lien causal</a> entre notre perception et l’activité cérébrale. Ainsi, des <a href="https://www.nature.com/articles/nn0899_767">études</a> ont montré que si la TMS active des neurones qui répondent habituellement à la perception d’un objet situé en haut à droite de votre champ de vision, il en résultera la perception d’une activité illusoire dans cette même partie du champ de vision (en haut à droite). La TMS permet donc de cibler spécifiquement la population de neurones à l’origine de la perception de cet objet.</p>
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<p>En résumé, activer le cerveau permet de mieux l’étudier. La TMS rend possible l’étude du lien direct entre l’activation neuronale et la perception. Elle peut donc venir en complément d’autres techniques d’imagerie cérébrale. Par exemple, l’IRM donne une image très précise spatialement du cerveau, au contraire de l’<a href="https://theconversation.com/de-la-telepathie-a-la-science-moderne-est-on-capable-de-lire-dans-les-pensees-175182">EEG</a> qui enregistre plus précisément son activation au cours du temps. La TMS ne permet pas d’obtenir d’image du cerveau en elle-même. Elle est uniquement là pour en modifier l’activité et donc nous permet de confirmer les résultats observés en EEG ou IRM. C’est donc un outil de plus dans la panoplie du chercheur pour mieux cerner les mécanismes du cerveau.</p>
<h2>Peut-on changer nos pensées en stimulant le cerveau ?</h2>
<p>Activer les neurones ne signifie absolument pas que l’on peut faire ce que l’on veut de votre cerveau avec la TMS ! Notre environnement quotidien est fait de milliers de stimulations à la minute. Les pensées, les souvenirs, les actions mettent en jeu des réseaux de neurones et des schémas d’activation bien plus complexes que la réponse créée par une simple impulsion TMS sur une partie de la tête. </p>
<p>Les chercheurs ne connaissent d’ailleurs pas toutes les subtilités de la dynamique neurale qu’il y a derrière une pensée donnée… Difficile alors de savoir comment modifier l’activité cérébrale pour influencer nos esprits. La TMS est encore très loin de ressembler à un appareil de science-fiction capable de transformer n’importe qui en marionnette – mais s’avère être un formidable outil pour percer les nombreux mystères du cerveau…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195835/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurie Galas réalise un doctorat financé sur l'ERC (N° 852139) attribué à Laura Dugué. Elle est membre de la société savante VSS.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laetitia Grabot est membre du comité des Jeunes Chercheurs de TRF (Timing Research Forum) une société académique ouverte visant à promouvoir la recherche sur la perception du temps ainsi que de la société savante VSS. Post-doctorat financé sur ERC (n° 852139, PI : Laura Dugué).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laura Dugué a reçu des financements de l'ERC (N° 852139), de l'ANR (N° J18P08ANR00) et de l'IUF. Elle est membre junior de l'IUF, ainsi que des sociétés savantes SfN et VSS.</span></em></p>La stimulation magnétique transcrânienne est une technique permettant de mieux comprendre le fonctionnement de notre cerveau, qui est également applicable en médecine.Laurie Galas, Doctorante en Sciences Cognitives, Université Paris CitéLaetitia Grabot, Chercheur postdoctoral en neurosciences cognitives, Université Paris CitéLaura Dugué, Enseignante-Chercheuse en Neurosciences Cognitives, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1940842022-12-28T18:09:59Z2022-12-28T18:09:59ZCalcul haute performance et ordinateurs superpuissants : la course à l’« exascale »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501355/original/file-20221215-19-v5e1yo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C67%2C1239%2C955&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le premier ordinateur « exascale » _Frontier_, aux États-Unis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Frontier_Supercomputer_%282%29.jpg">Oak Ridge Leadership Computing Facility, Oak Ridge National Laboratory, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le 27 mai 2022, la communauté HPC (<em>high performance computing</em>) annonce en grande pompe l’arrivée du <a href="https://www.ornl.gov/news/frontier-supercomputer-debuts-worlds-fastest-breaking-exascale-barrier">premier supercalculateur « exascale »</a>, c’est-à-dire capable de réaliser 10<sup>18</sup> « FLOPS », soit un milliard de milliards d’opérations par seconde (sur des nombres réels en notation flottante, pour être précis).</p>
<p>Le nouveau supercalculateur, <em>Frontier</em>, qui est opéré par le département américain à l’énergie au Oak Ridge National Laboratory dans le Tennessee avec plusieurs millions de cœurs supplante le supercalculateur japonais <em>Fugaku</em> qui rétrograde à la seconde position du <a href="https://www.top500.org/">classement TOP500 des machines les plus puissantes</a>.</p>
<p><em>Frontier</em>, non content d’être (pour l’instant) l’ordinateur le plus puissant du monde, est également bien classé en termes d’efficacité énergétique… du moins par rapport à sa puissance car il consomme d’énormes quantités d’énergie, l’équivalent d’une ville de plusieurs dizaines de milliers d’habitants. Et le problème ne s’arrête pas à <em>Frontier</em>, puisqu’il n’est que le navire amiral de la florissante flotte mondiale de plusieurs milliers de supercalculateurs.</p>
<h2>Un affrontement à distance</h2>
<p>Ce retour des Américains en tête de la course met en lumière un nouveau terrain d’affrontement entre les superpuissances étatsunienne et chinoise, que les Européens observent en embuscade. En effet, la Chine avait créé la surprise en 2017 en ravissant la première place aux États-Unis : on assistait alors à une arrivée en masse avec plus de 200 supercalculateurs chinois dans le TOP500. Aujourd’hui, la première machine chinoise est reléguée à la sixième place et les Chinois ont choisi de faire sortir leurs machines de ce classement.</p>
<p>En 2008, le supercalculateur <em>Roadrunner</em> du Los Alamos National Lab américain est le premier à atteindre le « PetaFlops », soit un million de milliards de FLOPS (10<sup>15</sup>). L’exascale devient un objectif stratégique pour les Américains, alors même que ce but semble techniquement inatteignable.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-quoi-servent-les-ordinateurs-les-plus-puissants-au-monde-un-exemple-en-cardiologie-195266">À quoi servent les ordinateurs les plus puissants au monde ? Un exemple en cardiologie</a>
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<p>Pour parvenir à l’exascale, il a fallu repenser l’architecture de la génération PetaFlops précédente. Par exemple, à ces échelles extrêmes, la question de la <a href="https://interstices.info/quand-des-erreurs-se-produisent-dans-les-supercalculateurs/">fiabilité des millions de composants</a> devient cruciale. Comme un grain de sable bloque un engrenage, la faillite d’un élément empêche la machine complète de fonctionner.</p>
<h2>Le « mur de l’énergie »</h2>
<p>Mais le département de l’énergie américain (US DoE) a ajouté une contrainte à ce développement technologique en imposant une puissance maximale de 20 Mégawatts pour déployer l’exascale – contrainte appelée <a href="https://www.osti.gov/biblio/1471113">« mur de l’énergie »</a>. L’initiative américaine <a href="https://www.olcf.ornl.gov/2021/10/18/the-road-to-exascale/">Exascale computing</a> a été financée à plus d’un milliard de dollars en 2016.</p>
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<p>Pour passer ce « mur de l’énergie », il a fallu repenser l’ensemble des couches logicielles (du système d’exploitation aux applications) et concevoir de nouveaux algorithmes pour gérer les <a href="https://arxiv.org/pdf/1909.11365.pdf">ressources de calcul hétérogènes</a>, c’est-à-dire les processeurs standard et accélérateurs, les hiérarchies mémoire, les interconnexions notamment.</p>
<p>Au final, la consommation électrique de <em>Frontier</em> est mesurée à 21,1 Mégawatts, soit 52,23 Gigaflops par Watt, ce qui correspond en gros à 150 tonnes d’émissions de CO<sub>2</sub> par jour en tenant compte du mix énergétique du Tennessee, lieu d’implantation de la plate-forme. C’est juste en dessous de la limite du mur des 20 Mégawatts fixé dans l’objectif de la DoE (si l’on ramène les 21,1 Mégawatts du 1,102 exaflop de <em>Frontier</em>, on arrive à 19,15 Mégawatts).</p>
<p>Ceci place <em>Frontier</em> au second rang du <a href="https://www.top500.org/lists/green500/2022/06/">Top Green500</a> des supercalculateurs qui consomment le moins d’opérations (Flops) par Watt – ce classement a été lancé en 2013 et note la naissance des préoccupations de la communauté pour les questions énergétiques. Cette place au Top Green500 est une bonne nouvelle : le gain en performance de <em>Frontier</em> s’accompagne également d’un gain en consommation énergétique.</p>
<h2>Des estimations trop optimistes</h2>
<p>Mais ces estimations de consommation énergétique du numérique sont sous-estimées, comme souvent en la matière : elles ne tiennent compte que de l’usage et négligent la part importante de la fabrication du supercalculateur et des infrastructures associées comme les bâtiments, et de son futur démantèlement. Mon expérience de recherche et celles de mes collègues académiques et industriels nous permettent d’estimer que l’usage ne représente environ que la moitié du coût énergétique total, pris sur une durée de vie moyenne de 5 ans. Il y a peu d’études en la matière, à cause de la difficulté systémique de la chose et de la faible disponibilité des données, mais citons l’étude récente de mesure de la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02549565v5/document">consommation d’une heure d’un cœur de la plate-forme de calcul Dahu</a> qui conclut à une proportion des coûts d’usage d’à peine 30 % au regard du coût énergétique complet.</p>
<p>De plus, les améliorations technologiques qui permettent des économies d’énergie engendrent un surplus global de consommation : c’est ce que l’on appelle l’<a href="https://www.inria.fr/fr/podcast-mooc-impact-environnement-numerique">« effet rebond »</a>. De nouvelles fonctionnalités et un accroissement de l’utilisation résultent au final en une consommation d’énergie accrue. Un exemple récent en informatique est celui des <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Natural_language_processing">modèles de langage naturel</a> (NLP, pour <em>Natural Language Processing</em>), qui s’enrichissent de nouvelles fonctionnalités à mesure que la performance de calcul augmente <a href="https://theconversation.com/apprentissage-profond-et-consommation-energetique-la-partie-immergee-de-lia-ceberg-172341">lien</a>.</p>
<h2>L’arbre qui cache la forêt</h2>
<p>Les progrès technologiques pour atteindre l’exascale sont incontestables, mais la contrepartie directe et indirecte qui pèse sur le réchauffement climatique reste importante, quoiqu’en disent les optimistes qui considèrent que c’est une goutte d’eau face aux 40 milliards de tonnes de CO<sub>2</sub> émis chaque année par l’ensemble des activités humaines.</p>
<p>De plus, il ne s’agit pas que d’un seul supercalculateur : <em>Frontier</em> est l’arbre qui cache la forêt. En effet, on observe depuis longtemps dans la communauté que les progrès obtenus en construisant une nouvelle génération de calcul haute performance diffusent rapidement : de nouvelles plates-formes viennent très vite remplacer les plates-formes déjà déployées dans les centres de calcul universitaires ou dans les entreprises. Si le remplacement est prématuré, la durée de vie effective des machines remplacées est réduite, et leur impact environnemental augmente.</p>
<p>Le TOP500 ne représente qu’une partie de la galaxie des plates-formes HPC déployées dans le monde. Il est très difficile d’en estimer le nombre car beaucoup de plates-formes sortent du radar : un grand nombre de plates-formes à large échelle sont dans des entreprises privées et beaucoup de plates-formes à moindre échelle sont déployées localement.</p>
<p>Une petite étude faite directement sur les données du TOP500 montre que la performance effective de la plate-forme la plus puissante a été multipliée dans les dix dernières années par 33 (la performance moyenne des 500 machines ne progresse que d’un facteur 20). Sur la même période, le gain énergétique du TOP Green500 a été multiplié à peine par 15 (et 18 sur la moyenne). Le bilan global en termes d’énergie consommée est donc négatif – elle a, au final, augmenté.</p>
<h2>Que faire de ces progrès ?</h2>
<p>Un contre-argument peut être avancé : les progrès vers des plates-formes de plus en plus puissantes pourraient permettre de <a href="https://www.researchgate.net/publication/263371416_ICT_for_Sustainability_An_Emerging_Research_Field">trouver des solutions techniques</a> pour lutter <a href="https://dl.acm.org/doi/full/10.1145/3485128">contre le changement climatique</a>. Cette manière de penser est représentative de l’état d’esprit de notre société technocentrée, mais il est malheureusement quasiment impossible de mesurer l’impact de ces nouvelles technologies sur la réduction du bilan carbone. En effet, la plupart du temps, ces mesures se concentrent sur les phases d’usage et ignorent les « à-cotés », comme la <a href="https://www.inria.fr/fr/podcast-mooc-impact-environnement-numerique">fabrication des nouveaux équipements par exemple</a>.</p>
<p>On peut légitimement se demander quel mécanisme anime cette course à la performance. Une raison invoquée par les concepteurs de <em>Frontier</em> est le progrès scientifique : plus les phénomènes que l’on cherche à modéliser et comprendre se complexifient, plus on a besoin de simulations et la seule façon de mener de simulations est de construire des plates-formes HPC toujours plus puissantes… »</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194084/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Denis Trystram est membre du GDS Eco-Info. Il a reçu des financements de l'ANR via le projet ENERGUMEN. </span></em></p>Cette année, les supercalculateurs ont franchi un cap – réaliser un milliard de milliards d’opérations par seconde. Pourquoi et comment en sont-ils arrivés là ?Denis Trystram, Professeur des universités en informatique, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1950402022-12-04T17:47:20Z2022-12-04T17:47:20ZInternet sera-t-il quantique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497028/original/file-20221123-22-lcm6s2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C25%2C4259%2C2801&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Grâce à l'« intrication », on peut aujourd'hui crypter les communications quantiques sur une centaine de kilomètres.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/wEL2zPX3jDg">Fabio Ballasina, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« Téléportation Scotty ! », ces mots célèbres sont ceux du Capitaine Kirk de la fameuse série <em>Star Trek</em> à la fin des années 60 à son ingénieur de vaisseau pour qu’il puisse le téléporter du vaisseau spatial <em>Enterprise</em> à une planète à explorer à proximité.</p>
<p>Si la téléportation de Kirk n’est pas pour demain, la physique quantique a montré que la téléportation est possible dans des conditions très particulières : pour de tout petits systèmes, comme la lumière, et s’ils sont bien « protégés ». La <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.70.1895">téléportation quantique est connue théoriquement</a> depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle, a été <a href="https://www.nature.com/articles/37539">démontrée expérimentalement</a> dans sa seconde moitié, et aujourd’hui, ce phénomène est utilisé pour des applications bien concrètes… et notamment pour développer ce que l’on appelle l’« Internet quantique ».</p>
<p>Nos télécommunications actuelles, dont Internet, reposent sur des échanges d’informations codées, qui transitent, souvent sur de la lumière, via des fibres optiques ou à l’air libre entre les antennes relais et les téléphones et jusqu’aux satellites en orbite autour de la Terre. Un Internet quantique utiliserait les propriétés quantiques de la lumière, et en particulier le fait de l’on peut « intriquer » les particules de lumière, ce qui permet de « téléporter » l’information que portent ces particules. Ces propriétés permettraient d’échanger des informations de manière cryptée et infalsifiable, ce qui a des applications en cryptographie et donc pour la cybersécurité.</p>
<p>Des communications quantiques cryptées peuvent à l’heure actuelle être maintenues sur une <a href="https://www.science-et-vie.com/article-magazine/cryptographie-quantique-comment-elle-tire-parti-des-liens-entre-les-photons">distance maximale d’une centaine de kilomètres</a> – ce qui reste un peu court pour les télécoms mondiales… mais des solutions techniques sont en développement.</p>
<h2>Crypter ses communications</h2>
<p>Il existe de nos jours <a href="https://journals.aps.org/rmp/abstract/10.1103/RevModPhys.74.145">différents protocoles de cryptographie quantique</a> et plusieurs entreprises et start-up sont sur ce <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/dsi/1514899-l-informatique-quantique-francais-passe-en-phase-commerciale/">marché de niche</a> mais en <a href="https://thequantuminsider.com/2021/01/11/25-companies-building-the-quantum-cryptography-communications-markets/">pleine expansion</a>.</p>
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<p>Le but ultime de la cryptographie est de crypter ou cacher un message qui ne doit être lu que par la personne que nous avons en tête, appelons cette personne Bob. Pour cela, l’expéditrice, que l’on appelle Alice, doit générer une clé cryptée qu’elle pourra combiner à son message pour le cacher du reste du monde. Bob, de son côté, doit être le seul à avoir cette même clé pour pouvoir décrypter le message (il fera en fait l’opération inverse du cryptage d’Alice pour décrypter le message).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-la-cryptographie-a-lintelligence-artificielle-linformatique-quantique-pourrait-elle-changer-le-monde-192688">De la cryptographie à l’intelligence artificielle, l’informatique quantique pourrait-elle changer le monde ?</a>
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<p>On commence par coder le message « Passe prendre le pain s’il te plaît » par une série de 1 et de 0, c’est le codage binaire. Puis on crypte le message en générant en parallèle de celui-ci, une clé cryptée faite également de 1 et de 0, et qui sera combinée au message. Mais ce système de cryptage possède plusieurs défauts si l’on veut qu’il soit sécurisé. Tout d’abord, il faut générer une clé qui soit aussi longue que le message (en termes de 1 et de 0), de façon le plus aléatoire possible – pour qu’on ne puisse pas la prédire – ce qui est possible mais à un <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/dossiers/mathematiques-cryptologie-art-codes-secrets-1817/page/3/">coût économique et énergétique très grand</a>.</p>
<p>Dans les faits, ces clés que l’on utilise ne sont pas complètement aléatoires. Et surtout, elles sont réutilisées en tout ou partie, ce qui pose de sérieuses questions de sécurité. Le deuxième souci technique de cette méthode est qu’elle suppose que la clé est partagée de façon sécurisée entre Alice et Bob à un moment donné. A minima, cela sous-entend qu’ils doivent se rencontrer de temps en temps pour se donner une série de clés cryptées pour leurs futurs échanges. Il existe plusieurs façons de crypter les messages mais en général, tous les systèmes classiques actuels de cryptage/décryptage vont souffrir de ces inconvénients.</p>
<p>C’est là que la cryptographie quantique peut apporter des solutions.</p>
<h2>De l’intrication quantique à la distribution de clés cryptées</h2>
<p>L’intrication quantique une forme de « super-corrélation » entre deux systèmes quantiques.</p>
<p>Prenons des pièces truquées de telle façon que si on lance ces deux pièces en même temps, le résultat sera toujours face/face. Il s’agit ici d’une corrélation.</p>
<p>Supposons à présent que les pièces ne sont pas truquées. Alice et Bob en possèdent chacun une. Lorsqu’ils vont lancer ces pièces, ils vont chacun d’entre eux trouver, de façon aléatoire, pile ou face. Les lancers des deux pièces ne sont plus corrélés. Il y a une probabilité de 25 % de tomber sur face/face, ainsi que de tomber sur pile/pile, pile/face, face/pile : les quatre résultats sont équiprobables, contrairement à l’expérience de corrélations où la probabilité de trouver face/face est de 100 % et de 0 % pour les autres options.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/une-breve-histoire-de-lordinateur-quantique-190939">Une brève histoire de l’ordinateur quantique</a>
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<p>En revanche, si les deux pièces sont intriquées l’une avec l’autre, elles ne sont pas truquées pour tomber toujours sur face, mais pour tomber toujours du même côté que l’autre pièce. Alice a une probabilité de 50 % de trouver pile et 50 % de trouver face ; de même pour Bob. Mais lorsque Alice et Bob vont comparer leurs résultats sur un grand nombre de lancers de pièce, ils réaliseront que les résultats sont parfaitement corrélés : si la pièce d’Alice est tombée sur pile, celle de Bob aussi, et vice versa (en pratique, on peut préparer les systèmes quantiques pour qu’ils soient corrélés – face/face – ou anticorrélés – pile/face – mais l’idée est la même).</p>
<p>Ce qui est le plus impressionnant (et <a href="https://theconversation.com/le-prix-nobel-de-physique-2022-pour-lintrication-quantique-133000">contre-intuitif</a>), c’est que cette propriété est vraie quelle que soit la distance qui sépare Alice et Bob – et c’est ce phénomène « non-local » qui est à l’origine de la « téléportation » de l’information.’)</p>
<p>L’intrication quantique peut être utilisée pour servir de clé de cryptage. En partageant un système quantique intriqué, seuls Alice et Bob possèdent des corrélations parfaites entre leurs pièces : ils sont surs que cette clé, combinée à un message, ne pourra être décryptée que par eux.</p>
<p>C’est donc la nature quantique de la lumière, qui garantit gratuitement et naturellement la sécurité du système d’échange.</p>
<h2>Le photon comme bit d’information</h2>
<p>On peut créer des états quantiques sur un photon, ce grain de lumière qui constitue la lumière et qui est intrinsèquement quantique – dans le domaine de l’informatique quantique on parle de « coder des bits quantiques » (ou qubit) d’information. En effet, les photons peuvent être dans deux états de polarisation, qui jouent le rôle des « pile » et « face » des pièces d’Alice et Bob.</p>
<p>C’est précisément ce que <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.28.938">John Clauser</a>, dans les années 70, et <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.49.1804">Alain Aspect</a>, dans les années 80, ont étudié avec leurs équipes : l’intrication « en polarisation » de paires de photons émis par des atomes qui se trouvaient dans une chambre à vide, en utilisant ce que l’on appelle la <a href="https://www.photoniques.com/articles/photon/pdf/2014/03/photon201471p24.pdf">cascade atomique d’atomes de calcium</a>. Cependant, cette méthode de produire des paires de photons n’est pas simple (d’où le prix Nobel).</p>
<p>Anton Zeilinger et son équipe ont ensuite réussi à créer des paires de photons intriqués en polarisation, mais en utilisant les propriétés de l’optique non-linéaire. Cette expérience n’est pas simple non plus, mais elle est <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.75.4337">plus facile à mettre en place</a> et a donc permis le développement d’applications beaucoup plus rapidement, notamment dans les communications quantiques (d’où le prix Nobel aussi).</p>
<p>Ces sources de photons intriqués sont indispensables à Alice et Bob pour s’envoyer des messages.</p>
<h2>Encore du chemin avant l’Internet quantique</h2>
<p>Mais clairement, même s’il existe des entreprises qui vendent des systèmes de cryptographie quantique, même si tout s’accélère rapidement, le rêve d’un Internet quantique n’est pas encore pour demain. Bon nombre d’obstacles restent sur le chemin.</p>
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<a href="https://theconversation.com/de-lelectron-au-photon-le-silicium-fait-sa-seconde-revolution-161028">De l’électron au photon, le silicium fait sa (seconde) révolution</a>
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<p>Par exemple, aujourd’hui, les sources les plus sophistiquées permettent au mieux de générer <a href="https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.127.183601">plusieurs millions de paires de photons par seconde</a>, ce qui est encore <a href="https://www.telekom.com/en/company/details/5g-speed-is-data-transmission-in-real-time-544498">mille fois moins que ce qu’il faudrait</a> pour vraiment pouvoir déployer ce dispositif quantique.</p>
<p>De plus, l’intrication quantique est un <a href="https://www.science-et-vie.com/article-magazine/cryptographie-quantique-comment-elle-tire-parti-des-liens-entre-les-photons">phénomène fragile</a>, ce qui limite toujours la distance sur laquelle on peut la maintenir et donc crypter les communications (avec une <a href="https://www.science-et-vie.com/article-magazine/cryptographie-quantique-comment-elle-tire-parti-des-liens-entre-les-photons">distance maximale d’une centaine de kilomètres</a>).</p>
<p>Un peu comme nous avons besoin d’antenne-relai pour transmettre nos messages sur de grandes distances, Alice et Bob vont utiliser des <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/physique/la-teleportation-quantique-fait-un-bond-en-avant-24004.php">« répéteurs quantiques »</a> pour s’assurer que le signal ne perd pas en intensité et stocker l’information dans des <a href="http://www.lkb.upmc.fr/quantumnetworks/wp-content/uploads/sites/26/2015/10/PLS_Memoires_Laurat_2010.pdf">« mémoires quantiques »</a> – qui sont elles aussi des objets très difficiles à fabriquer et contrôler.</p>
<p>Tout cela ne fait que renforcer l’idée que les technologies quantiques restent fascinantes et qu’elles se développeront dans les prochaines décennies à venir, tout comme l’Internet et les fibres optiques se sont déployés dans les quarante dernières années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195040/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Couteau a reçu des financements de la Région Grand Est, l'Union Européenne et l'ANR. </span></em></p>Les communications quantiques sont sécurisées par nature, mais les mettre en œuvre à l’échelle de la planète reste un objectif très lointain.Christophe Couteau, Enseignant-chercheur en physique quantique, Université de Technologie de Troyes (UTT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.