tag:theconversation.com,2011:/us/topics/ogm-21512/articlesOGM – The Conversation2024-03-04T17:01:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2247822024-03-04T17:01:23Z2024-03-04T17:01:23ZComment les nouveaux OGM relancent la question de la brevetabilité du vivant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/579512/original/file-20240304-21-wh3xb7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C55%2C5264%2C3882&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelles conséquences les nouveaux OGM auront sur la diversité des semences ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/farmer-spraying-green-wheat-field-644903410">oticki/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Présentées comme une solution miracle par leurs promoteurs et comme des « OGM cachés » par leurs opposants, les nouvelles techniques d’édition des génomes sont en débat au Parlement européen.</p>
<p>Un des enjeux qui a occupé jusque-là les eurodéputés a été de distinguer parmi les plantes produites par ces nouvelles technologies génomiques celles qui pourraient résulter de mutations ou de techniques de sélection considérées comme naturelles, et qui, à ce titre-là pourraient être exemptées des exigences des réglementations des OGM.</p>
<p>Le 7 février 2024, le texte adopté a tranché cette question de la façon suivante : les plantes dont le génome a subi moins de vingt modifications peuvent être exemptées d’évaluation, à condition que les modifications opérées aillent dans le sens d’une agriculture durable, c’est-à-dire, par exemple, en produisant des plantes bénéficiant d’une meilleure résistance aux sécheresses ou aux nuisibles.</p>
<p>Toujours le 7 février, et de manière plus surprenante, le <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/en/press-room/20240202IPR17320/new-genomic-techniques-meps-back-rules-to-support-green-transition-of-farmers">texte</a> adopté par le Parlement demande une interdiction de breveter ces nouvelles modifications génétiques. C’est un véritable coup de théâtre car la question de la propriété intellectuelle était à l’origine censée être remise à plus tard, afin de favoriser l’adoption rapide d’un texte favorable à l’usage de ces nouvelles techniques. Il faudra donc scruter de près l’évolution de cette question au cours des prochaines étapes législatives, lors des négociations entre la Commission, le Parlement et le Conseil.</p>
<p>En tant que membres du Comité des enjeux sociétaux de <a href="https://www.semae.fr/">SEMAE</a> (interprofession réunissant tous les acteurs des semences), comité interdisciplinaire d’experts indépendant, nous avons préparé en 2023 un <a href="https://www.semae.fr/comite-des-enjeux-societaux/">avis</a> sur les enjeux de la propriété intellectuelle des semences. Cet article se fonde sur cet avis afin d’éclairer le débat.</p>
<p></p><div style="position: relative; width: 100%; height: 0; padding-top: 56.2500%; padding-bottom: 0; box-shadow: 02px 8px 0 rgba(63,69,81,0.16); margin-top: 1.6em; margin-bottom: 0.9em; overflow: hidden; border-radius: 8px; will-change: transform;"> <p></p>
<iframe loading="lazy" style="position: absolute; width: 100%; height: 100%; top: 0; left: 0; border: none; padding: 0;margin: 0;" src="https://www.canva.com/design/DAF-KwuvThs/EegKPEOdzrzjOyegxUVssA/view?embed" allowfullscreen="allowfullscreen" allow="fullscreen" width="100%" height="400"> </iframe>
<p></p></div><a href="https://www.canva.com/design/DAF-KwuvThs/EegKPEOdzrzjOyegxUVssA/view?utm_content=DAF-KwuvThs&utm_campaign=designshare&utm_medium=embeds&utm_source=link" target="_blank" rel="noopener"></a> <p></p>
<h2>Le certificat d’obtention végétale (COV) contre le brevet industriel</h2>
<p>Dans le monde des semences, la propriété intellectuelle est régie depuis 1961 par un cadre plus souple que celui du brevet et plus à même de correspondre aux mécanismes d'évolution des génomes et d'adaptation, objets d’incessants croisements. Ce cadre, c’est celui du Certificat d’Obtention Végétale ou COV, droit de propriété intellectuelle établi par la convention de l’Union Internationale de la Protection des Obtentions Végétale (UPOV).</p>
<p>Le COV garantit à la personne ou l’entreprise qui le détient le monopole d’exploitation commerciale d’une variété végétale, pour une durée de vingt ou vingt-cinq ans. Mais le COV donne également le droit à toute personne d’utiliser cette variété pour en créer une nouvelle. C’est ce qu’on appelle l’exemption du sélectionneur. Ainsi, le sélectionneur utilise systématiquement différentes variétés commerciales dans ses schémas de sélection et, par de multiples opérations de croisement et sélection, peut obtenir une nouvelle variété. Si celle-ci est distincte, homogène et stable, elle sera protégée par un nouveau COV, indépendant de ceux des variétés utilisées.</p>
<p>Autre caractéristique importante, le COV autorise l’agriculteur à reproduire ses semences. C’est ce que l’on appelle le privilège du fermier. C’est la reconnaissance du rôle essentiel des communautés agricoles qui, depuis le néolithique, ont contribué collectivement à la constitution de ces ressources génétiques. Cela a commencé par la domestication de plantes sauvages, grâce au repérage et à la sélection de certains caractères favorables, en général dans un temps long et sur une ou plusieurs régions étendues. Les ressources génétiques se sont ensuite diversifiées avec les migrations des humains dans de nouveaux environnements, les ajustements des caractères et de leurs combinaisons en fonction de besoins, coutumes, préférences sans cesse renouvelés, intégrant les mutations génétiques spontanées et les croisements naturels survenus entre variétés et avec les formes sauvages avoisinantes. La diversité des plantes cultivées s’est ainsi considérablement diversifiée, produisant une manne qu’on appelle les ressources génétiques. Le privilège du fermier reconnaît cette contribution.</p>
<p>Concrètement, lorsque les variétés ne sont pas des hybrides (cas du maïs), l’agriculteur peut garder une partie de sa récolte qu’il utilisera comme semence l’année suivante. En France, c’est monnaie courante pour bon nombre de cultures comme les céréales à paille (blé, orge, avoine…) pour lesquelles l’agriculteur achète en moyenne des semences commerciales moins d’une année sur deux. A la différence de la plupart des autres pays, le droit européen des brevets reconnaît le privilège du fermier.</p>
<h2>Comment le brevet s’est immiscé dans le monde des semences</h2>
<p>Mais avec les techniques d’ingénierie génétique, le brevet d’invention est entré dans le monde des semences. Or l'esprit de celui-ci est très différent du COV : une invention dépendant d’un brevet existant ne pourra pas être utilisée sans l’autorisation du propriétaire de ce brevet. Cette transformation de la propriété intellectuelle a été l’un des moteurs de la concentration des entreprises qui a atteint des niveaux inquiétants. En témoigne la situation aux États-Unis où le ministère de l’agriculture (<a href="https://www.ams.usda.gov/sites/default/files/media/SeedsReport.pdf">USDA</a>), juge très préoccupante la concentration dans les segments de marchés marqués par une utilisation généralisée des OGM protégés par brevets (maïs, soja, coton). Sur les 17208 brevets industriels concernant les plantes déposés à l’office américain des brevets (USPTO) entre 1976-2021. Les trois premiers groupes (Corteva, Bayer et Syngenta) en détiennent 71%. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=407&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578908/original/file-20240229-16-n6y4g8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=512&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au niveau international, quelques grands groupes, en général liés à la chimie, dominent les marchés Dans le monde, la <a href="https://www.isaaa.org/resources/publications/briefs/55/executivesummary/default.asp">culture d’OGM</a>, concentrée sur quatre espèces (soja, maïs, coton et colza représentent 99 % des surfaces cultivées d’OGM) et sur deux caractères (tolérance aux herbicides et résistance aux insectes), mais qui s'étend sur plus de 200 millions d'hectares ne peut que diminuer la diversité des assolements, et <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2002548117">leurs conséquences environnementales défavorables</a>. De plus, par exemple en Argentine, la surface consacrée au soja et au maïs a été multipliée par 4 en 30 ans pour atteindre 24 millions d’hectares et s'est étendue aux dépens des espaces naturels, sans pour autant répondre à des besoins humains essentiels, mais plutôt pour favoriser la production de protéines animales. Comme l’indique un avis récent de <a href="https://www.academie-technologies.fr/publications/avis-sur-les-nouvelles-technologies-genomiques-appliquees-aux-plantes/">l’Académie des technologies</a>, ces éléments tempèrent le bilan des OGM généralement présenté sous un jour très favorable, mais avec<a href="https://philpapers.org/rec/HICGMC"> peu d'évidences scientifiques</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-largentine-sest-entierement-faconnee-autour-des-ogm-220481">Comment l’Argentine s’est entièrement façonnée autour des OGM</a>
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<p>L’Europe a jusque-là été relativement protégée de ce mouvement du fait de l’embargo de facto sur l’utilisation des OGM en culture et du fait d’une législation qui interdit de breveter la variété végétale. À l’heure des débats sur les nouveaux OGM, pour la très grande majorité des acteurs européens impliqués, le COV doit rester le pilier de la protection de la propriété intellectuelle des variétés végétales.</p>
<p>Car le COV permet une innovation ouverte, c’est-à-dire qui résulte d’un échange intensif de connaissances et de ressources génétiques entre une diversité d’acteurs. Il a largement fait la preuve de son efficacité. Ce système est d’ailleurs d’une étonnante modernité car il promeut l’innovation combinatoire qui est clé pour les domaines à fort contenu informationnel. Dans de tels domaines, c’est en effet la combinaison originale d’un ensemble d’éléments qui crée la valeur, pas les éléments isolés. Aussi, il est essentiel d’éviter que les brevets sur les caractères génétiques limitent les possibilités de création de combinaisons originales.</p>
<p>Bien qu’en Europe les variétés en tant que telles ne soient donc pas brevetables, elles peuvent cependant être dépendantes de brevets qui revendiquent des caractères génétiques. Par exemple, une variété tolérante au glyphosate ne pourra pas être utilisée sans l’autorisation de Bayer qui, depuis l’acquisition de Monsanto, détient les brevets sur ce caractère de tolérance. Les ressources génétiques se trouvent alors confisquées par des brevets. Ce risque de confiscation a des implications internationales, notamment pour les régions tropicales aujourd’hui en lourdes difficultés économiques, dont on séquence le génome des végétaux pour en extraire des connaissances.</p>
<h2>Les nouvelles technologies génomiques à l’ombre des brevets</h2>
<p>Concernant les nouveaux OGMs, avant même de parler de la propriété intellectuelle des nouvelles variétés de plantes produites, il faut d’abord se pencher sur la propriété intellectuelle des techniques utilisées pour produire ces mutations, en premier lieu la technique CRISPR-Cas9. Les brevets sur cette technologie de base ont été déposés par ses inventrices Emmanuelle Charpentier et Jennifer Doudna et les institutions auxquelles elles sont affiliées (UC Berkeley, MIT/Broad Institute, Université de Vilnius, Université de Vienne…).</p>
<p>Les grands groupes de la chimie comme Corteva et Bayer ont ensuite acquis des licences – souvent exclusives – pour l’utilisation des techniques d’édition des génomes sur les plantes. Corteva, notamment, a pu réunir des licences sur les brevets détenus par ces grandes institutions de recherche. Les brevets de base (brevets sur les technologies d’édition) sont complétés par de très nombreux brevets d’application sur les plantes, à la fois sur la mise au point de techniques et sur les traits.</p>
<p>Dans ce contexte, de nombreux acteurs considèrent qu’il est très difficile de s’assurer de la liberté d’opérer lorsque l’on crée une variété nouvelle car :</p>
<ul>
<li><p>le cadre réglementaire est flou et sujet à des interprétations diverses ;</p></li>
<li><p>les offices de brevets n’ont pas les compétences pour appliquer strictement les règles d’exclusion à la brevetabilité ;</p></li>
<li><p>l’accès à l’information sur le champ des brevets est complexe et coûteux. Les acteurs du secteur parlent de « buisson de brevets », voire de « champ de mines » pour décrire cette situation.</p></li>
</ul>
<p>Différentes initiatives privées ont été prises pour tenter de résoudre le problème de l’information et celui de l’accès, notamment la création de plates-formes visant à faciliter l’accès aux brevets (International Licensing Platform ILP – pour les semences potagères – et Agricultural Crops Licensing Platform ACLP – pour les semences de grande culture-). Néanmoins, ces dispositifs de droit privé n’offrent aucune garantie à moyen et long terme.</p>
<p>De plus, il est très probable qu’avec l’évolution technologique on associe de nombreux caractères brevetés dans une même variété : tolérance à un herbicide, tolérance au stress hydrique, résistance aux nuisibles (insectes et champignons), teneur en acides gras spécifiques ou en protéines… On se retrouvera ainsi fréquemment dans des situations où une variété sera obtenue, par exemple, à l’aide de trois technologies différentes permettant d’introduire quinze gènes recombinants édités. La confiscation de la ressource génétique par les brevets sera alors irréversible. D’ores et déjà, de nombreuses variétés OGM sont modifiées pour deux caractères transgéniques ou plus. Les plantes tolérantes à un herbicide et résistantes aux nuisibles représentent plus de 40 % des variétés cultivées dans le monde.</p>
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<h2>Pour une innovation ouverte et les ressources génétiques comme bien commun</h2>
<p>Ces quarante dernières années ont vu une extension du domaine de la brevetabilité qui conduit à une restriction de l’espace des recherches pré-compétitives et publiques. L’observation vaut autant pour les connaissances scientifiques fondamentales que pour les organismes vivants. Même si la résistance s’est organisée en Europe et dans d’autres parties du monde, le brevet a considérablement progressé, imposant dans le monde vivant des conceptions empruntées au monde de la mécanique et de la chimie.</p>
<p>Compte tenu de l’importance des enjeux, le régime de la propriété intellectuelle des plantes doit faire l’objet d’une politique ambitieuse, visant à maximiser la diversité sous toutes ses formes. Il est essentiel de restaurer un régime de propriété qui garantisse véritablement le libre accès aux ressources génétiques. Remettre les principes du COV au cœur de la propriété intellectuelle des plantes impose d’interdire les brevets non seulement sur les variétés, mais aussi sur les plantes et sur les caractères génétiques.</p>
<p>C’est le cœur des amendements votés au Parlement européen par les commissions environnement et agriculture ainsi qu’en plénière. Ajoutons que, compte tenu des nombreux brevets déjà accordés, cette interdiction devrait être complétée par une autre disposition. Il s’agit de pouvoir obliger le titulaire d’un brevet à concéder une licence permettant d’utiliser l’objet de son brevet contre rémunération. De telles licences obligatoires existent en droit européen. Néanmoins, elles sont conditionnées à un critère qui les rend inopérantes. L’inventeur dépendant du premier brevet doit en effet démontrer que son invention apporte un « progrès économique considérable ». Il faudrait donc supprimer cette condition dirimante.</p>
<h2>La diversité comme réponse aux menaces et aux défis</h2>
<p>Réfléchir ainsi au devenir de la propriété intellectuelle des plantes c’est donc déboucher rapidement sur des réflexions techniques, des zones grises du droit, des confrontations entre plusieurs systèmes juridiques. Mais les répercussions de ces décisions légales peuvent être colossales. C’est la diversité génétique de notre agriculture qui est en jeu. Or si les promoteurs des nouveaux OGM aiment mettre en avant les atouts de leurs technologies pour proposer une agriculture résiliente aux dérèglements climatiques et environnementaux, il est essentiel de garder en tête l’importance première de la diversité des systèmes agricoles.</p>
<p>Cette diversité se décline à différents niveaux : diversité génétique au sein des espèces cultivées pour introduire de nouveaux caractères, diversité interspécifique pour bénéficier d’espèces mieux adaptées au nouveau régime climatique, diversité des assemblages d’espèces et des systèmes de production, diversité des paysages agricoles pour restaurer la biodiversité des espaces cultivés et diminuer l’usage des pesticides et des engrais.</p>
<p>Face à la crise environnementale et climatique, la diversité sous toutes ses formes constitue en effet la meilleure assurance, la clé de la robustesse et donc de la capacité d’adaptation de l’activité agricole. Concernant les semences, alors que le paradigme dominant de la variété végétale distincte, homogène et stable (DHS) a conduit à adapter le milieu de culture à la semence, il faudra dans de nombreux cas faire l’inverse : adapter les semences aux caractéristiques des agro-écosystèmes. Une plus grande intégration de la création variétale et de l’agronomie système s’avère essentielle pour opérer un tel changement et réussir la transition agroécologique.</p>
<p>Dans ce cadre, la protection intellectuelle dans le domaine des semences végétales doit soutenir une activité de création variétale accrue et diversifiée au service de tous les systèmes de culture et non la freiner.</p>
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<p><em>Les personnes suivantes ont également participé à la rédaction de cet article :</em> </p>
<p><em>Anne-Claire Vial, agricultrice sur une exploitation de production de semences et d’ail pour la consommation et présidente d’Arvalis (association créée et dirigée par les professionnels des filières des céréales à paille, pommes de terre, lin fibre, maïs, sorgho et tabac, reconnue par les pouvoirs publics)</em></p>
<p><em>Jean-Martial Morel, paysan maraîcher et semencier à Chavagne.</em></p>
<p><em>Marcel Lejosne, agriculteur dans le Nord de la France depuis 1989. Entre 2007 et 2012, il a également saisi l'opportunité d'aider à développer la production de pommes de terre à l'île Maurice avec une entreprise mauricienne. Depuis, il dirige des entreprises spécialisées dans la production végétale à des fins industrielles ainsi que pour le marché du frais. Il est membre correspondant de l'Académie d'Agriculture de France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224782/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Benoit Joly préside le Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, organisation qui rassemble tous les acteurs de la filière semence et membre de l'Académie d'Agriculture de France</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Rey Alexandrine est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Françoise ADAM-BLONDON est membre de la section Ressources Génétiques du Comité Technique Permanent de la Selection des Plantes Cultivées et membre du conseil scientifique de l’IFB (Institut Français de Bioinfiromatique). Elle reçoit régulièrement des financements de l'ANR et des programmes de recherche de la commission Européenne dans le cadre de ses activités de recherche. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Antoine Messéan est vice-président de l'Association Française d'Agronomie, membre de l'Académie d'Agriculture de France, membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE et expert auprès de l'EFSA (European Food Safety Authority). Il a reçu des financements de l'Union Européenne pour des projets de recherche sur la transition agroécologique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Denis Couvet est membre de l'Académie d'Agriculture de France et du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, du conseil scientifique de la commission du génie biomoléculaire, du haut conseil des biotechnologies. Il a reçu divers financements pour des projets de recherches sur la biodiversité.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Glaszmann Jean Christophe est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lorène Prost est membre du Comité des Enjeux Sociétaux de SEMAE, elle reçoit régulièrement des financements de l'ANR, de l'OFB et du CASDAR dans le cadre de ses activités de recherche publique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michel Dron est membre du Comité aux Enjeux Sociétaux de SEMAE et de l'Académie d'Agriculture de France. </span></em></p>Les nouvelles techniques d'édition du génome sont en discussion au parlement européen. En jeu : la diversité de l'agriculture de demain.Pierre-Benoit Joly, Directeur de recherche, économiste et sociologue, InraeAlexandrine Rey, Juriste, CiradAnne-Françoise ADAM-BLONDON, Directrice de Recherche en biologie et amélioration des plantes, InraeAntoine Messéan, Chercheur en agronomie système, InraeDenis Couvet, Professeur en écologie et gestion de la biodiversité, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Jean Christophe Glaszmann, Agronome, chercheur en génétique végétale, CiradLorène Prost, directrice de recherche en agronomie système, InraeMichel Dron, Professeur émérite en Biologie Végétale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2246852024-03-01T16:29:07Z2024-03-01T16:29:07ZCrise agricole : quels défis pour demain ?<p>Produire bio, en circuit court, en agriculture raisonnée. Et, « en même temps », accepter la concurrence de producteurs étrangers soutenus par des subventions internationales ou ne respectant pas les normes sanitaires. Produire toujours plus, mais si possible sans les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/pesticides-25901">pesticides</a> difficilement dissociables du modèle de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/agriculture-intensive-61354">production agricole intensif</a>. Respecter des réglementations plus ou moins strictes quant à leur usage, et devoir rétropédaler lorsque l’exécutif choisit de les « mettre en pause ». Nourrir la France, tout en restant invisible…</p>
<p>Les agricultrices et agriculteurs français ont marqué leur opposition à des normes et des injonctions contradictoires toujours plus nombreuses, dans un contexte où les consommateurs eux-mêmes ont parfois du mal à s’y retrouver. Retour sur les principaux points économiques, scientifiques, réglementaires ou historiques de ces colères.</p>
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<h2><a href="https://theconversation.com/pesticides-et-sante-les-agriculteurs-ont-ete-sont-et-seront-les-principales-victimes-de-ces-substances-223102">Pesticides et santé : les agriculteurs ont été, sont et seront les principales victimes de ces substances</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578673/original/file-20240228-30-93zj95.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agriculteurs sont en première ligne en matière d’exposition aux pesticides.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Les effets des pesticides sur la santé des agriculteurs ont été constatés dès la fin du XIX<sup>e</sup> siècle. Depuis, un lien clair a été établi entre ces produits et certains cancers plus fréquents dans la profession.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/plan-ecophyto-tout-comprendre-aux-annonces-du-gouvernement-223571">Plan Ecophyto : tout comprendre aux annonces du gouvernement</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578669/original/file-20240228-24-4olh0y.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pour comprendre ce qui se joue à travers les indicateurs Ecophyto défendus par les uns ou les autres, il faut d’abord définir de quoi on parle.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Usaid Egypt/Flickr, CC BY-NC</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’y retrouver dans la jungle des indicateurs du plan Ecophyto, QSA, NoDU, HRI… et en quoi posent-ils problème ? L’éclairage de plusieurs experts du Comité scientifique et technique du plan.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/une-vraie-souverainete-alimentaire-pour-la-france-220560">Une vraie souveraineté alimentaire pour la France</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578667/original/file-20240228-27-rvdzde.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La souveraineté alimentaire est devenue un argument d’autorité, trop souvent invoqué afin de poursuivre des pratiques agricoles délétères.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Marquis/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>La souveraineté alimentaire est régulièrement invoquée pour justifier le productivisme agro-alimentaire. Une vision restrictive qui ignore bon nombre des services écosystémiques rendus par la nature.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/mobilisations-agricoles-ou-en-sont-les-femmes-224106">Mobilisations agricoles : où (en) sont les femmes ?</a></h2>
<p>Le secteur agricole continue à se représenter au masculin alors que les femmes sont de plus en plus présentes dans les arènes décisionnelles et les instances de gouvernance. Décryptage d’une invisibilisation.</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/comment-la-societe-francaise-a-appris-a-mepriser-les-paysans-et-leurs-patois-223387">Comment la société française a appris à mépriser les « paysans » et leurs « patois »</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578671/original/file-20240228-30-r0xgok.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une chanson en patois limousin. Carte postale ancienne.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Comment s’est imposée la prétendue supériorité universelle du français, par opposition aux patois régionaux ?</p>
<h2><a href="https://theconversation.com/agriculture-comment-napoleon-iii-a-permis-le-productivisme-a-la-francaise-222775">Agriculture : comment Napoléon III a permis le productivisme à la française</a></h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=491&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578686/original/file-20240228-22-tk4pbq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=617&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La récolte des foins. Huile sur toile, 1881, Julien Dupré. L’agriculture de subsistance qui co-existait avec l’agriculture commerciale connaît un bouleversement sans précédent sous Napoléon III et laissera peu à peu place au modèle intensif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Dupré</span></span>
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<p>La crise agricole française et sa logique productiviste est un facteur héréditaire de l’identité agricole de la France depuis la fin du Second Empire (1852-1870).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224685/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Retour sur les principaux points économiques, scientifiques et historiques des récentes colères agricoles.Clea Chakraverty, Cheffe de rubrique Politique + Société, The Conversation FranceSarah Sermondadaz, Cheffe de rubrique environnement et énergieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204812024-01-04T09:27:22Z2024-01-04T09:27:22ZComment l’Argentine s’est entièrement façonnée autour des OGM<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/567661/original/file-20240103-15-lzuje7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C40%2C2977%2C2205&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tracteur et semoir, ensemencement direct dans la pampa, Argentine</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/tractor-seeder-direct-sowing-pampa-argentina-1095766430">Foto 4440/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’histoire n’est pas banale : c’est celle d’une plante originaire d’Asie orientale, restée pendant des millénaires confidentielle avant de susciter un engouement mondial, de devenir alors l’objet d’expérimentation génomique américaine, puis d’arriver dans la pampa argentine où elle prospère depuis de façon irrésistible. Cette plante c’est le soja.</p>
<p>Son histoire argentine est celle d’une conquête fulgurante, puisqu’elle s’y est installée, en quelques décennies, jusque dans des régions montagneuses où personne n’était, avant cela, assez fou pour cultiver la terre.</p>
<p>Au-delà de séduire le secteur agricole, cette plante est aussi devenue, en Amérique latine, un maillon clef de l’équation financière liant cette région à l’économie mondialisée. Aujourd’hui, les principaux pays producteurs de soja en Amérique du Sud sont l’Argentine, le Brésil, le Paraguay, l’Uruguay et la Bolivie. Mais le premier à avoir autorisé la culture du soja transgénique a été l’Argentine : en 1996, la superficie du sol semé avec du soja GM était de 1 %, elle atteignait 90 % en 2000-2001. Alors, comment expliquer cette irrésistible conquête ? Quelles en sont les conséquences aujourd’hui ?</p>
<h2>Des lois très favorables au développement spectaculaire des OGM</h2>
<p>Lorsque les semences génétiquement modifiées arrivent dans la pampa argentine, au milieu des années 1990, elles trouvent un <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2017-1-page-31.htm">pays où le secteur primaire est déjà roi</a>, avec un climat tempéré, des sols fertiles arrosés de pluie, et, déjà, une très bonne réputation sur le marché international des céréales et, plus récemment, des oléagineux.</p>
<p>Si ces conditions ont joué un rôle indéniable, le fer de lance des OGM est cependant plutôt à chercher du côté du droit, et du gouvernement néo-libéral au pouvoir. L’expansion du soja transgénique résistant au glyphosate a, de fait, grandement bénéficié de deux facteurs : d’abord le cadre juridique garantissant la libre circulation des biens, des services et des capitaux mais aussi la loi argentine sur les semences et les créations phylogénétiques de 1973 qui protège assez peu la propriété intellectuelle des semences car elle reconnait le droit des producteurs à replanter leurs propres cultivars.</p>
<p>Or le soja est une plante autogame c’est-à-dire capable de s’autoféconder, il est donc très facile de produire de nouvelles semences OGM à partir de graines achetées. De ce fait, un <a href="https://www.proglocode.unam.mx/system/files/Sztulwark%20Braude%20Desarrollo%20Economico%202010%20On%20Line_0.pdf">marché parallèle de semences de soja</a> transgénique non certifiées s’est peu à peu mis en place, ce qui a permis aux producteurs argentins de les acquérir à un prix bien inférieur à celui pratiqué par les grandes entreprises semencières.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Champ de soja sec prêt pour la récolte" src="https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567660/original/file-20240103-25-8nbxbn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Champ de soja sec prêt pour la récolte.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/dry-soybean-field-argentine-harvest-by-1965275329">patoouu pato/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’émergence d’un nouveau modèle social et économique agricole</h2>
<p>On pourrait ainsi penser que les multinationales produisant ces semences n’aient, de ce fait, pas eu grand intérêt à se développer en Argentine.</p>
<p>Mais les OGM n’arrivent pas seuls dans le pays : le modèle de culture du soja transgénique résistant au glyphosate s’accompagne tout logiquement d’une utilisation de cet herbicide, de matériels agricoles conséquents pour supporter cette nouvelle façon de faire de l’agriculture. Et là aussi, les lois argentines en vigueur font tout pour faciliter ce modèle d’agro-business, que ce soit avec l’élimination des taxes à l’export jusqu'en 2002 et de restriction au transport des grains, la réduction voire la suppression de tarifs douaniers sur le matériel agricole, les pesticides et engrais. Si les entreprises transnationales (Monsanto, Bayer, Syngenta, etc..) ne sont donc pas spécialement contentes de voir les graines transgéniques circuler à bas coût sur un marché parallèle, elles peuvent cependant prospérer en Argentine via le combo global de modèle agricole qui s’installe avec la vente d’intrant, de matériel agricole, de formations…</p>
<p>Une nouvelle classe entrepreneurial (l’agro-business) apparaît de ce fait, profitant des exploitations vacantes laissées par des producteurs victimes des effets des réformes libérales permettant la libre circulation des biens et des capitaux mais réduisant les aides aux petits et moyens agriculteurs, l’offre en crédit, et laissant libre cours aux mécanismes de l’hyperinflation et au surendettement</p>
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<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505718/original/file-20230122-28471-kntkja.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
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<h2>Quelles promesses accompagnent l’arrivée fracassante des OGM ?</h2>
<p>Cet essor spectaculaire des OGM s’accompagne également d’un discours élogieux et parfois même messianique : grâce aux rendements spectaculaires, l’agro-business argentin va nourrir la planète, à la croissance démographique exponentielle.</p>
<p>Sur le plan technique, les OGM sont aussi promus comme un modèle d’efficacité, avec moins de main-d’œuvre nécessaire, et des gains de temps permis par la pratique du semi direct, qui consiste à semer les cultures sans que l’intégralité du champ n’ait été travaillée, ce qui peut permettre de mieux conserver les microorganismes du sol. Plus récemment en promouvant « l’agriculture de précision » les promoteurs de l’agro-business arguent aussi que leur modèle permet de réduire les intrants.</p>
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<img alt="Champ de soja" src="https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567675/original/file-20240103-23-xd8qs3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Champ de soja.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/amicor/3748184220">Javier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Un État devenu dépendant des OGM</h2>
<p>Depuis l’arrivée des premières semences OGM et l’essor de l’agro-business, tout retour en arrière semble incroyablement difficile à imaginer, tant le pays tout entier est devenu dépendant de cette activité. Ainsi, c’est la taxe à l’exportation de l’agriculture qui a, en grande partie, permis à l’état argentin de payer la lourde dette extérieure qui pesait sur lui, ou bien de conduire une politique d’aide sociale pour les populations les plus vulnérables. Aide grandement nécessaire avec un seuil de pauvreté qui a atteint<a href="https://docs.google.com/spreadsheets/d/1MR9elxAq-3yygif_0UYOxSqyCuAr6qDu_ft9Fg8j_t0/edit#gid=620671261"> 66 % de la population</a> en 2002.</p>
<p>Mais si l’agro-business a pu ainsi permettre d’aider les plus précaires, elle a aussi aggravé <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2017-1-page-31.htm">leur sort</a>, avec l’éviction de nombreuses familles paysannes victimes du fait de la concentration de la production entre les mains d’un nombre restreint de producteurs et le chômage massif dans le secteur agricole.</p>
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<p><em>L’article que vous parcourez vous est proposé en partenariat avec <a href="https://shows.acast.com/64c3b1758e16bd0011b77c44/episodes/64f885b7b20f810011c5577f?">« Sur la Terre »</a>, un podcast de l’AFP audio. Une création pour explorer des initiatives en faveur de la transition écologique, partout sur la planète. <a href="https://smartlink.ausha.co/sur-la-terre">Abonnez-vous !</a></em></p>
<iframe src="https://embed.acast.com/$/64c3b1758e16bd0011b77c44/16-les-nouveaux-ogm-debats-sur-les-manipulations-du-vivant?feed=true" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
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<h2>Les OGM ont-ils tenu leurs promesses ?</h2>
<p>Sur le plan économique, alimentaire et environnemental, le bilan des OGM est multiple. L’essor massif du soja transgénique a eu des effets radicaux sur la production, qui est passée de 10,8 millons tonnes en 1990 à 40 millons en 2006., de par l’industrialisation de l’agriculture mais également l’expansion de terres cultivées dans des régions autrefois non-agricoles, ou alors réservés à l’élevage ou d’autres cultures.</p>
<p>Si l’on compare l’Argentine à ses concurrents sur les marchés internationaux, sa progression est d’ailleurs spectaculaire : au milieu des années 1980, l’Argentine fournissait 10 % des exportations de tourteaux de soja. Elle est <a href="https://agriculture.gouv.fr/sites/default/files/1606-ci-resinter-fi-argentine-v3.pdf">aujourd’hui</a> le premier exportateur mondial d’huile et de tourteaux de soja.</p>
<p>Si l’on regarde maintenant du côté de l’environnement, les conséquences alarmantes de l’expansion des cultures d’OGM sont multiples, que ce soit l’intensification de l’usage de la terre, l’utilisation d’intrants chimiques contaminant les sols et l’air, la déforestation des zones de frontière agricole, la destruction des écosystèmes, l’appauvrissement de la biodiversité, la pollution des eaux et l’émergence de problèmes de santé consécutifs à l’utilisation intensive d’herbicides.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1019537653551849472"}"></div></p>
<p>Car entre 1996 et 2016, le taux d’application des pesticides par hectare moyen est passé de <a href="https://www.fao.org/faostat/fr/">1,93 kh/ha à 5,17 kh/ha</a> en Argentine.</p>
<p>Concernant, enfin, la capacité des OGM à « nourrir la planète », si l’on questionne cette ambition à l’échelle mondiale, on peut noter que <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/07/12/une-nouvelle-normalite-la-faim-dans-le-monde-se-maintient-a-un-niveau-tres-eleve_6181672_3244.html">près d’un humain sur dix</a> souffre toujours de faim chronique en 2023 et les cultures OGM ne semblent pas spécialement développées pour endiguer ce problème : si <a href="https://www.lemonde.fr/culture/article/2020/06/23/ogm-mensonges-et-verites-les-fausses-promesses-d-une-revolution-agricole_6043931_3246.html">11 %</a> des surfaces cultivées dans le monde sont des OGM, la majeure partie de ses cultures <a href="https://www.cite-sciences.fr/archives/science-actualites/home/webhost.cite-sciences.fr/fr/science-actualites/articledossier-as/wl/1248100522516/soja-mais-colza-coton-l-etat-des-cultures-ogm-d/packedargs/currentPos%26did/packedvals/1%261248100543763.html">ne sont pas destinée à nourrir les humains</a>. Et si l’on se recentre sur l’Argentine, il peut être également opportun de rappeler que après quasi 30 ans des records annuels de production de soja, ce pays conserve plus du 40 % de sa population en dessous de la ligne de pauvreté. Ce qui semble une mauvaise blague est une réalité : dans le pays surnommé le « grenier du monde » le gouvernement a dû lancer en 2019 le programme « Argentine contre la faim » visant à nourrir 1,5 million de ménages argentins. Au cours des dix dernières années, la population souffrant d’insécurité alimentaire est passée de <a href="https://www.fao.org/3/cc8514en/cc8514en.pdf">5,8 % a 13,1 %</a>.</p>
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<img alt="Manifestation contre l’utilisation d’OGM et d’herbicides agricoles toxiques, à Buenos Aires, Argentine ; le 21 mai 2022. On peut lire sur l’affiche « le développement du modèle transgénique signifie plus de pesticides, plus de cancer, plus de défrichement." src="https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567658/original/file-20240103-15-7x43dr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Manifestation contre l’utilisation d’OGM et d’herbicides agricoles toxiques, à Buenos Aires, Argentine ; le 21 mai 2022. On peut lire sur l’affiche « le développement du modèle transgénique signifie plus de pesticides, plus de cancer, plus de défrichement. »</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/buenos-aires-argentina-may-21-2022-2161172943">Carolina Jaramillo/Shutterstock</a></span>
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<h2>Un retour en arrière serait-il possible ?</h2>
<p>Économiquement, l’Argentine semble encore beaucoup trop dépendante des OGM pour transitionner vers un autre modèle agricole. Politiquement, pour qu’un tel scénario émerge, il faudrait également qu’il se mesure aux intérêts des classes agraires, aux pressions des pays dépendants du soja argentin, aux entreprises transnationales et les fonds d’investissement qui fondent leur chiffre d’affaires sur le commerce agricole.</p>
<p>Sur le plan environnemental, il demeure également bien difficile d’imaginer de nouvelles cultures pousser là où le soja GM règne en maître, du fait, notamment de l’appauvrissement des sols après des années de monocultures. L’agronome Walter Pengue estimait déjà en 2005 que 3,5 millions de tonnes de nutriments étaient annuellement puisées dans les sols argentins sans être remplacées. <a href="https://www.researchgate.net/profile/Eduardo-Trigo/publication/265193285_Fifteen_Years_of_Genetically_Modified_Crops_in_Argentine_Agriculture/links/551c1b530cf20d5fbde29457/Fifteen-Years-of-Genetically-Modified-Crops-in-Argentine-Agriculture.pdf">La diminution des rendements</a> du fait de ces sols appauvris a depuis été constatée dans certaines zones.</p>
<p>De plus, ces dernières années, l’agro-business argentin a pu prospérer au-delà des cultures de soja. Dans les années 2000, maïs et colza transgéniques ont commencé à essaimer dans les campagnes argentines provoquant une véritable ruée vers les terres vierges, et le pays autorise désormaisla <a href="https://reporterre.net/L-Argentine-donne-le-feu-vert-au-premier-ble-OGM">vente comme l’exportation</a> de blé génétiquement modifié.</p>
<p>L’Argentine semble également des plus intéressées par les nouvelles technologies d’édition du génome ou new breeding techniques (NBT), expression regroupant l’ensemble des innovations permettant d’intervenir sur des zones très ciblées du génome. À l’institut de technologie agricole d’Argentine, ont par exemple été développées des <a href="https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/nph.15627">pommes de terre</a> qui ne brunissent pas, <a href="https://www.lacapitalmdp.com/inta-y-dos-alimentos-del-futuro-superpapas-y-leche-no-alergenica/">du lait hypoallergénique</a>.</p>
<p>Le gouvernement récemment élu, autoproclamé « anarco-capitaliste » (libéralisme libertaire d’ultra droite), a envoyé au parlement les premiers « paquets » de lois et décrets qui modifient et ou dérogent à plus de 300 lois tout en en créant de dizaines d’autres. L’esprit de toutes ces initiatives reste toujours le même : changer le cadre juridique afin d’enlever à l’État toute capacité de fiscalisation et de régulation. Concernant le secteur agricole, plusieurs lois ont été supprimées : la loi 26.737, par exemple, qui fixait à 15 % le total de terres entre les mains d’étrangers ou la loi 27.604, qui luttait contre la stratégie de mettre le feu aux forêts pour y planter du soja ou y développer des projets immobiliers, entre autres. Toutes les régulations concernant la production, la commercialisation et, dans certains cas, le contrôle sanitaire du vin, du coton, du yerba mate et du sucre ont été modifiées.</p>
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<p>En somme, si ce nouveau cadre normatif est accepté par le parlement, il y aura un impact direct sur le secteur agro-productif, accentuant la tendance à la concentration de la production, à la présence d’acteurs transnationaux et financiers, à l’expansion du modèle agro-business spécialisé dans des produits primaires destinés à l’exportation.</p>
<p>Et comme le gouvernement de Milei cherche à « révolutionner » l’ensemble de la vie politique, sociale et économique des Argentins afin de créer la première véritable société libertaire au monde, ce décret ainsi que les autres mesures prises par son gouvernement, non seulement refaçonnent ce secteur mais ils touchent le cœur même du contrat social de la société argentine. Désormais, ce contrat est défini sur 5 principes « libertaires » appliqués sans concessions : propriété privée, marchés libres de l’intervention de l’État, libre concurrence, division du travail et coopération sociale.</p>
<p>L’expérience d’une société libérale libertaire dans laquelle s’est engagée l’Argentine constitue un laboratoire politique inédit qui compte déjà, sur la scène international, un certain nombre de supporters aussi hétérogènes que le milliardaire Elon Musk, le président Volodymyr Zelensky, les anciens présidents Jair Bolsonaro du Brésil et Donald Trump des USA. Il faudra donc désormais analyser les conséquences de ces ambitions à l’aune des défis posés par la crise argentine mais aussi par rapport à des enjeux globaux de soutenabilité auxquels l’Argentine s’est engagée vis-à-vis de la communauté internationale, comme l’Accord de Paris, les objectifs de développement durable des Nations unies, entre autres.</p>
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<p><em>Cet article s’inscrit dans le cadre d’un projet associant The Conversation France et l’AFP audio. Il a bénéficié de l’appui financier du Centre européen de journalisme, dans le cadre du programme « Solutions Journalism Accelerator » soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates. L’AFP et The Conversation France ont conservé leur indépendance éditoriale à chaque étape du projet.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valéria Hernández ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rien ne prédestinait cette plante asiatique à conquérir la pampa argentine. Aujourd'hui, pourtant toute la politique, l'économie, les paysages et la société du pays sont devenus dépendant du soja OGM.Valéria Hernández, Anthropologue, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2044012023-04-26T12:11:43Z2023-04-26T12:11:43ZPodcast : Comment font les plantes pour s’adapter au manque d’eau ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/522715/original/file-20230424-1294-zbjfn2.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Panicules de mil perlé.</span> <span class="attribution"><span class="source">Caroline Dangleant/Cirad</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : <a href="https://theconversation.com/fr/topics/lechappee-sciences-135626">« L’échappée Sciences »</a>. Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.</em></p>
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<iframe src="https://playerbeta.octopus.saooti.com/miniplayer/large/198656?distributorId=c3cfbac6-2183-4068-a688-866933d3b5a6&color=40a372&theme=ffffff" width="100%" height="180px" scrolling="no" frameborder="0"></iframe>
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<p>Des sols craquelés, des barques condamnées à l’immobilité, des cultures carbonisées sur pieds et, parfois, plus une goutte au robinet… Les effets des épisodes de sécheresse sévères se font sentir chaque été de plus en plus nettement sous nos latitudes. Une situation que les scientifiques ont clairement identifiée comme l’une des conséquences du réchauffement climatique global. </p>
<p>Dans les années à venir, nos températures vont augmenter en moyenne de 1,5 °C au moins, avec évidemment des variations régionales très marquées. À la fois « victime » et « coupable », le secteur agricole, qui contribue pour une part significative aux émissions de gaz à effet de serre, va devoir s’adapter à cette situation, <a href="https://theconversation.com/plan-eau-la-politique-des-petits-tuyaux-fera-t-elle-les-grandes-rivieres-203391">nouvelle</a> pour certaines parties du globe, <a href="https://theconversation.com/en-afrique-de-lest-lagriculture-au-defi-des-secheresses-recurrentes-140599">déjà bien connue pour d’autres</a>. </p>
<p>Pour continuer à pouvoir cultiver et assurer la sécurité alimentaire des populations, comprendre comment les végétaux peuvent s’adapter au manque d’eau devient une priorité. « Faire pousser des végétaux sans eau, c’est de la science-fiction ! », nous rappelle Delphine Luquet, écophysiologiste au Cirad. Cette scientifique, qui a travaillé sur le sorgho et le riz, est l’invitée de ce nouvel épisode de « L’échappée Sciences ». </p>
<p>Avec Delphine Luquet, on va donc découvrir ce que l’eau fait aux plantes et ce que les plantes font avec l’eau. Comment certaines espèces végétales supportent mieux le stress hydrique que d’autres, à l’image de la famille des mils, céréales présentes au Sahel depuis des siècles. Et comment les scientifiques, les agriculteurs et agricultrices peuvent <a href="https://theconversation.com/face-a-la-secheresse-innover-pour-transformer-notre-agriculture-187324">rendre les végétaux moins vulnérables à la sécheresse</a>, en travaillant notamment à la sélection variétale et au changement des pratiques dans une démarche agroécologique. </p>
<p>Au menu de la chronique de ce nouvel épisode de « L’échappée Sciences », on s’intéresse à une technique prometteuse permettant de mieux comprendre la génétique des plantes : CRISPR-Cas9. Ces « ciseaux moléculaires » rendent possible une édition très fine du génome. Si cette technique n’est pas autorisée dans les champs en Europe, où les plantes éditées sont classées comme OGM, elle existe déjà au Japon où des tomates modifiées ont été récemment commercialisées comme « alicaments »…</p>
<p>Bonne écoute !</p>
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<p><em>Crédits : Animation et conception, Jennifer Gallé et Benoît Tonson. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait de <a href="https://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19548515&cfilm=114782.html">« Insterstellar »</a>, un film de Christopher Nolan (2014).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/204401/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certaines plantes résistent mieux que d’autres aux épisodes de sécheresse. Pour quelles raisons ? Dans ce podcast, nous nous intéressons à la manière dont les végétaux utilisent l’eau.Delphine Luquet, Écophysiologiste, CiradBenoît Tonson, Chef de rubrique Science + Technologie, The Conversation FranceJennifer Gallé, Cheffe de rubrique Environnement + Énergie, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1979212023-01-18T18:05:59Z2023-01-18T18:05:59ZLes microbes, ces précieux collaborateurs des parfumeurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/504626/original/file-20230116-16-vp6fjx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C4777%2C3536&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/woman-perfume-on-black-background-442146133">ALEX_UGALEK / Shutterstock </a></span></figcaption></figure><p>En 1882, le parfumeur Paul Parquet crée « Fougère Royale », une composition à base de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coumarine">coumarine</a>, de mousse de chêne, de géranium et de bergamote lancée par la société Houbigant qui révolutionne le monde de la parfumerie.</p>
<p>Ce parfum est toujours commercialisé aujourd’hui. Les notes de tête (qui sont libérées pendant les 10 à 15 premières minutes) sont la lavande, la bergamote et la sauge sclarée. Les notes de cœur (qui apparaissent après 15 minutes) sont le géranium, l’héliotrope, l’œillet, la rose et l’orchidée. Et les notes de fond (après 2 heures) sont la mousse de chêne, la coumarine, la fève tonka, la vanille et le musc. Tous les composants odorants contenus dans le parfum, à l’exception de la coumarine, proviennent d’huiles essentielles obtenues à partir de sources naturelles.</p>
<p>Et en cela, « Fougère Royale » a été un pionnier : le premier à inclure une molécule de synthèse dans sa formule. Il a ainsi ouvert la voie à toute une série d’harmonies olfactives appelées « fougère », qui sont encore utilisées dans de nombreuses compositions de parfums pour femmes et pour hommes. La parfumerie moderne était née.</p>
<h2>Parfum naturel ou artificiel ?</h2>
<p>D’ici 2025, le marché mondial des parfums devrait représenter environ <a href="https://fr.statista.com/statistiques/505163/parfums-valeur-marche-mondial/">50 milliards d’euros</a>. Ils sont utilisés non seulement dans les cosmétiques et la parfumerie, mais aussi dans les industries alimentaire, chimique, agricole, du tabac et pharmaceutique.</p>
<p>Les procédés les plus courants pour produire des composés aromatiques sont l’extraction à partir de sources naturelles et la synthèse chimique. L’extraction à partir de sources naturelles, animales ou principalement végétales, n’est pas simple et présente de nombreux inconvénients. D’une part parce que la concentration de nombreux produits dans les plantes est faible et que leur disponibilité change en fonction des variations saisonnières. En outre, deux autres problèmes se posent : le risque de maladies des plantes et la stabilité du composé, qui est parfois médiocre.</p>
<p>La synthèse chimique, bien que relativement bon marché, peut nécessiter des catalyseurs toxiques ou l’utilisation de pressions et de températures élevées. De plus, elle manque généralement d’une régio et/ou énantiosélectivité adéquate par rapport au substrat, ce qui peut donner lieu à un mélange de produits.</p>
<p>Cela explique pourquoi il est de plus en plus intéressant d’utiliser des microbes pour fabriquer des parfums. Les micro-organismes peuvent aider en synthétisant des molécules à partir de zéro, ou en biotransformant une matière première relativement bon marché.</p>
<p>Prenez par exemple le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28089045/">limonène</a>. Le (+)-limonène est obtenu comme sous-produit de l’industrie des agrumes et possède un arôme unique d’agrume avec une forte odeur d’orange, il est donc couramment incorporé dans de nombreux produits de nettoyage, cosmétiques et parfums. Cependant, les prix des agrumes, de l’huile d’agrumes et du limonène fluctuent et augmentent constamment et l’échelle à laquelle le limonène entièrement synthétique est produit est limitée. Il est donc rentable de le produire à l’aide de certains micro-organismes génétiquement modifiés, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4786606/">tels que <em>Escherichia coli</em> et <em>Saccharomyces cerevisiae</em></a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502642/original/file-20221226-62854-wzh14n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/manufacturing-filling-perfume-bottles-factory-cosmetics-1073731682">Krista Krista/Shutterstock</a></span>
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</figure>
<h2>Produire plus de patchouli</h2>
<p>Le patchouli est un parfum boisé, balsamique et camphré. Il est utilisé dans l’encens, les savons, les bougies et autres produits ménagers. En 2010, l’huile de patchouli <a href="https://eudl.eu/pdf/10.4108/eai.20-1-2018.2282082">s’est raréfiée</a> parce que le temps pluvieux en Indonésie, l’un des principaux producteurs, a entraîné une mauvaise récolte de la plante (<em>Pogostemon cablin</em>) qui la produit. Pour ne rien arranger, les éruptions volcaniques et les tremblements de terre ont exacerbé les problèmes d’approvisionnement. </p>
<p>L’huile de patchouli est aujourd’hui produite par des méthodes agricoles traditionnelles et par distillation à la vapeur. Mais il n’est possible d’extraire que 2,2 à 3,8 kg d’huile à partir de 100 kg de feuilles séchées de patchouli.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502640/original/file-20221226-74258-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La surexploitation des arbres <em>Santalum</em> fait que l’offre de bois de santal ne peut répondre à la demande croissante du marché..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/santalum-album-stems-branches-twigs-dark-1754094020">IamBijayaKumar/Shutterstock</a></span>
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<p>Malheureusement, l’utilisation des plantes comme source de production d’huile implique une croissance lente et des compositions variables en fonction de l’emplacement géographique et des conditions climatiques. C’est pourquoi certaines sociétés de biotechnologie ont commencé à utiliser des levures et des bactéries modifiées pour produire du patchouli, un terpène responsable de <a href="https://www.mdpi.com/2073-4425/9/4/219">l’arôme typique du patchouli</a>. En 2014, la société Firmenich a lancé Clearwood, un produit riche et légèrement parfumé au patchouli destiné à l’industrie de la parfumerie et produit par biotechnologie microbienne.</p>
<h2>Des bactéries pour imiter le parfum de la rose et de la lavande</h2>
<p>Un autre exemple intéressant est l’arôme enivrant de la rose. Il est généré par un type d’alcool appelé 2-phényl éthanol, dont la demande augmente de 10 à 15 % chaque année. Lorsqu’il provient de sources naturelles, sa valeur marchande peut dépasser 1 000 euros/kg. Toutefois, ce composé odorant caractéristique peut également être produit par bioconversion de la 2-phénylalanine en 2-phényléthanol à l’aide de souches de levure telles que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29224193/"><em>Kluyveromyces marxianus</em> et <em>Saccharomyces cerevisiae</em> génétiquement modifiées</a>.</p>
<p>« Le Male » (1995) de Jean Paul Gaultier est peut-être le plus célèbre des parfums à base de lavande. L’un des principaux composés de l’huile essentielle de lavande est le linalol, qui est un ingrédient utilisé dans les parfums depuis de nombreuses années comme pour « Jicky » de Guerlain, lancé en 1889. Dans « Le Male », le linalool apporte un agréable parfum floral avec un soupçon de menthol. Aujourd’hui, il est courant d’utiliser des souches de différents micro-organismes tels que <em>Saccharomyces cerevisiae</em>, <em>Yarrowia lipolytica</em>, <em>Escherichia coli</em> et <em>Pantoea ananatis</em> qui ont été génétiquement modifiées pour <a href="https://microbialcellfactories.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12934-021-01543-0">produire efficacement du linalol</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/502639/original/file-20221226-74187-gglfc6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Feuilles de la plante Pogostemon cablin dont on extrait l’essence de patchouli.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/es/image-photo/close-living-vibrant-green-pogostemon-cablin-1479515657">Stephen Orsillo/Shutterstock</a></span>
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<h2>Production durable de bois de santal</h2>
<p>L’une des huiles essentielles les plus précieuses au monde est l’huile de bois de santal. Il se distingue par son arôme boisé, légèrement épicé et velouté. Elle est obtenue principalement à partir du bois de cœur de santal adultes (<em>Santalum album</em>, <em>Santalum austrocaledonicum</em> et <em>Santalum spicatum</em>) par distillation à la vapeur. « Coco » de Chanel, « Hypnotic Poison » de Dior ou « Crystal Noir » de Versace sont quelques-uns des parfums qui se distinguent par leurs notes de bois de santal. En raison des conditions et de la longue période de croissance des arbres <em>Santalum</em>, l’offre de bois de santal ne peut répondre à la demande croissante du marché, et la <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/le-santal-un-tresor-meconnu-cache-sur-une-ile-du-pacifique_1381111.html">surexploitation</a> a sérieusement menacé les ressources naturelles.</p>
<p>Heureusement, les efforts de génie métabolique ont permis d’obtenir des souches génétiquement modifiées de <em>Saccharomyces cerevisiae</em> qui produisent de <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acssynbio.9b00479">grandes quantités d’α- et de β-santalol</a>, deux des principaux composants de l’huile essentielle de santal qui confèrent des arômes boisés, doux, chauds et balsamiques.</p>
<p>Les exemples sont nombreux. En fait, d’autres souches génétiquement modifiées de <em>Saccharomyces cerevisiae</em> sont utilisées pour produire des substances odorantes intéressantes comme la (+)-ambreine, principal composant de l’ambre gris. L’ambre gris est une substance organique rare et très chère <a href="https://theconversation.com/ambar-gris-la-caca-de-cachalote-que-vale-su-peso-en-oro-156711">sécrétée par le système digestif du cachalot</a>. Elle est très demandée en parfumerie et souvent utilisée <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25846965/">comme fixateur dans les parfums pour faire durer l’odeur</a>. L’ambreine a une odeur légère, mais peut être oxydée pour produire de l’ambroxide qui est très prisé dans l’industrie de la parfumerie et est apprécié pour son odeur délicate et ses propriétés fixatrices. </p>
<p>Il existe sans aucun doute un grand potentiel pour que les micro-organismes génétiquement modifiés produisent des composés aromatiques qui sont très demandés en parfumerie. Ce système est certainement une alternative de production durable, écologiquement valable et économiquement rentable qui permettra d’équilibrer l’offre et la demande et de protéger les ressources naturelles disponibles sur la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197921/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raúl Rivas González no recibe salario, ni ejerce labores de consultoría, ni posee acciones, ni recibe financiación de ninguna compañía u organización que pueda obtener beneficio de este artículo, y ha declarado carecer de vínculos relevantes más allá del cargo académico citado.</span></em></p>Le potentiel des micro-organismes génétiquement modifiés pour produire des parfums très demandés en parfumerie est énorme.Raúl Rivas González, Catedrático de Microbiología, Universidad de SalamancaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1895732022-09-07T18:02:06Z2022-09-07T18:02:06ZLes lâchers de moustiques modifiés pour lutter contre la dengue, le chikungunya ou la fièvre jaune<p>Les maladies à transmission vectorielle, dont la plupart sont transmises par les moustiques (paludisme, dengue, Zika, chikungunya…), sont responsables de plus de 17 % des maladies infectieuses humaines et provoquent plus <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/vector-borne-diseases">d’un million de décès chaque année dans le monde</a>.</p>
<p>Malgré les progrès réalisés dans la prévention de ces maladies, on ne dispose ni de traitement médical efficace ni de vaccins adaptés. La lutte antivectorielle (LAV) reste donc une priorité.</p>
<p>Parallèlement à la recherche de traitements médicaux et à l’amélioration des moyens classiques de LAV (insecticides, <a href="https://theconversation.com/les-pieges-a-moustiques-sont-ils-vraiment-efficaces-182239">pièges</a>…), de nouveaux modes d’action ont émergé depuis une quinzaine d’années. Parmi les options possibles se trouvent les moustiques génétiquement modifiés et d’autres types de moustiques modifiés, rendus stériles par irradiation ou par la technique de l’insecte incompatible (TII). Ces techniques visent à réduire une population de moustiques par des lâchers récurrents et massifs de moustiques stérilisants.</p>
<p>Quelles sont les <a href="http://www.hautconseildesbiotechnologies.fr/sites/www.hautconseildesbiotechnologies.fr/files/file_fields/2020/01/24/aviscshcbmoustiques170607rev180228erratum191007.pdf">différentes techniques</a> pour obtenir des moustiques modifiés ? Où en sont les essais en cours en France ? Et quels sont les enjeux environnementaux et sanitaires liés à ces lâchers ?</p>
<h2>Les moustiques génétiquement modifiés</h2>
<p>À ce jour, une seule technique basée sur des moustiques génétiquement modifiés est développée à un niveau opérationnel, il s’agit de la technique RIDL (<em>release of insects carrying a dominant lethal gene</em>, ou lâcher d’insectes porteurs d’un gène de létalité dominant). Des moustiques mâles qui, contrairement aux femelles, ne piquent pas, sont génétiquement modifiés. Leur descendance meurt avant d’atteindre l’âge adulte.</p>
<p>Cette technique a reçu une <a href="https://beyondpesticides.org/dailynewsblog/2022/03/epa-permits-experimental-release-of-2-5-billion-genetically-engineered-mosquitoes-in-california-and-florida/">autorisation</a> de l’Agence américaine de protection de l’environnement. Au printemps dernier, la société privée Oxitec a débuté un essai en Floride consistant à disséminer des œufs de moustiques <em>Aedes aegypti</em> (connu pour être vecteur de nombreux virus tels que ceux de la dengue, de la fièvre jaune, du chikungunya et du Zika) génétiquement modifiés dans la nature pendant trois mois.</p>
<p>Il s’agit de la première étude relâchant des moustiques transgéniques aux États-Unis, ce qui n’a pas été sans soulever <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/en-floride-les-moustiques-genetiquement-modifies-font-polemique-20210505">quelques inquiétudes</a> chez certains habitants. Reste à savoir quels seront les résultats de cet essai et s’ils seront plus concluants que le précédent réalisé entre 2013 et 2015 au Brésil, qui a conduit à la <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-49660-6">diffusion de gènes</a> de la souche mutante dans les populations naturelles d’<em>Aedes aegytpi</em>.</p>
<p>D’autres techniques de moustiques génétiquement modifiés en sont à un stade plus précoce de recherche et de développement et reposent sur la technique du forçage génétique, qui vise à propager un caractère génétique dans une population naturelle, soit pour rendre les moustiques incapables de transmettre des agents pathogènes, soit pour éliminer cette population par propagation d’un gène de stérilité femelle.</p>
<h2>La technique de l’insecte stérile (TIS)</h2>
<p>C’est une méthode de lutte contre les moustiques qui consiste à élever des moustiques mâles, à les stériliser par irradiation aux rayons X et à les lâcher sur le terrain où ils vont s’accoupler avec les femelles sauvages. Ces dernières ne s’accouplant qu’une seule fois, elles n’auront pas de descendance (voir Figure 1).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1003&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482482/original/file-20220902-21-z6ue34.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1261&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Figure 1 : Technique de l’insecte stérile.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Collectif TIS</span></span>
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<p>La TIS est un outil de gestion des populations d’insectes largement diffusés dans de nombreux pays, notamment en agriculture. Son utilisation en est à ses prémices en France.</p>
<p>Depuis 2009, l’IRD (Institut de recherche pour le développement) conduit des recherches visant à étudier la faisabilité de la TIS pour lutter contre le moustique tigre (<em>Aedes albopictus</em>), responsable de plus de 30 000 cas de dengue à La Réunion depuis 2018. Des <a href="https://www.reunion.gouv.fr/autorisation-du-1er-lacher-de-moustiques-steriles-a5365.html">lâchers hebdomadaires</a> de mâles stériles ont débuté dans une zone pilote en 2021. Ces lâchers sont suivis par des indicateurs entomologiques, environnementaux et socio-économiques permettant d’évaluer l’efficacité et l’impact des interventions par la TIS.</p>
<p>D’autres essais pilotes sont à l’étude en France métropolitaine, dans la région montpelliéraine.</p>
<h2>Les techniques utilisant la bactérie Wolbachia</h2>
<p>Une autre technique, dite de l’insecte incompatible (TII) repose sur l’utilisation de la bactérie Wolbachia. Cette bactérie infecte naturellement 60 % des arthropodes et est transmise de la mère aux descendants via les cellules sexuelles femelles. Si des moustiques mâles porteurs de Wolbachia sont libérés dans l’environnement et qu’ils s’accouplent avec des femelles n’ayant pas la bactérie ou ayant une bactérie différente, les œufs n’écloront pas. Relâcher en grande quantité des mâles porteurs de la bactérie Wolbachia permet ainsi de réduire très fortement des populations d’<em>Aedes aegypti</em> (stratégie de « suppression » sur la Figure 2).</p>
<p>Par ailleurs, des scientifiques ont observé que la présence de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2848556/">certaines Wolbachia</a> empêchait la transmission des virus de la dengue, de Zika ou du chikungunya. Une seconde stratégie consiste à relâcher en masse des femelles porteuses de Wolbachia. Celles-ci vont pondre des œufs et transmettre la bactérie à toute leur descendance, peu importe que le mâle soit lui-même porteur ou non (stratégie de « remplacement » sur la Figure 2). Les femelles porteuses de Wolbachia ont un avantage sélectif sur celles non infectées, car leurs descendants sont viables avec les deux types de mâles, contrairement aux femelles sans Wolbachia, qui n’auront une descendance qu’avec les mâles non infectés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=256&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482484/original/file-20220902-21-e0i2ua.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=322&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Technique de l’Insecte Incompatible (TII).</span>
<span class="attribution"><span class="source">J. Fite, Anses</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>A Nouméa, en Nouvelle-Calédonie, des moustiques porteurs de Wolbachia ont été lâchés en 2019. L’essai est toujours en cours et depuis début 2022, un <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/nouvellecaledonie/province-sud/les-moustiques-porteurs-de-la-wolbachia-s-imposent-a-noumea-a-dumbea-et-au-mont-dore-1289520.html">seul cas de dengue</a> a été confirmé, contre plus de 1 500 par an au lancement du programme.</p>
<h2>Questions soulevées par les lâchers de moustiques modifiés</h2>
<p>Les lâchers de moustiques modifiés permettent de limiter l’usage des insecticides, qui constituent encore l’outil de lutte principal en cas d’épidémie. Or, on a atteint les limites de leur utilisation : d’une part parce que ces molécules toxiques pour les autres insectes finissent dans l’environnement et les chaînes alimentaires, d’autre part parce que les moustiques développent rapidement des résistances. Les techniques mentionnées dans l’article sont spécifiques des espèces de moustiques relâchées et n’ont pas d’impact sur d’autres espèces non cibles.</p>
<p>Les méthodes basées sur la TIS, la TII ou le RIDL d’Oxitec, nécessitent des infrastructures lourdes sur le long terme pour l’élevage de masse des mâles qui sont relâchés régulièrement et en continu sur le terrain (environ quelques dizaines ou centaines de milliers par semaine). Elles présentent toutefois l’avantage d’être ajustables en fonction des données de surveillance entomologique.</p>
<p>D’autres techniques comme celles basées sur le forçage génétique ou la stratégie de remplacement avec la bactérie Wolbachia nécessitent moins de ressources pour la production de moustiques, mais présentent l’inconvénient, du fait du caractère héréditaire de la modification induite (transgène, bactérie), de modifier irréversiblement les populations de moustiques (<a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/VECTEURS2020SA0044.pdf">voir avis de l’Anses sur le forçage génétique</a>) et d’être moins contrôlables, soulevant la question de leur transfert potentiel à d’autres espèces.</p>
<p>Par ailleurs, ces techniques sont d’autant plus efficaces que la densité de moustiques est faible (Figure 3). Si les moustiques modifiés devaient s’inscrire dans une perspective de prévention ou de contrôle, ce serait sur le long terme après des lâchers répétés sur plusieurs semaines et non comme un outil d’urgence en cas d’épidémie, situation dans laquelle les lâchers de moustiques se révèleraient à eux seuls inefficaces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/482485/original/file-20220902-19-ixmx6f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Optimisation de l’efficacité d’une intervention de lutte antivectorielle par la combinaison de la technique de l’insecte stérile avec des techniques classiques de lutte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">D’après Feldmann and Hendrichs, 2001</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La Lutte anti vectorielle exige de s’appuyer sur une palette de solutions variées</h2>
<p>Au final, la LAV exige de s’appuyer sur une palette de solutions variées combinant différentes approches complémentaires – y compris les mesures qui impliquent activement les populations – et sans bâtir une stratégie de lutte qui ne reposerait que sur l’une d’entre elles.</p>
<p>Aussi, il est nécessaire que les pouvoirs publics analysent l’ensemble des options de LAV, y compris celles qui font appel à des solutions biotechnologiques, pour réduire la résistance des populations de moustiques aux insecticides, minimiser l’utilisation de molécules délétères pour l’environnement, contrôler l’aire de répartition des moustiques vecteurs de pathogènes et prévenir l’émergence de nouveaux virus dans des territoires pour l’instant indemnes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189573/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les maladies transmises par les moustiques causent un million de décès chaque année dans le monde.Johanna Fite, Chef de projets scientifiques, Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses)Fabrice CHANDRE, Directeur de Recherche en Entomologie médicale, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1604862021-06-27T17:01:08Z2021-06-27T17:01:08ZOGM ou pas OGM ? Retour sur l’épineuse classification des « new breeding techniques »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408358/original/file-20210625-19-cgkgdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Aux États-Unis, un champignon dont les gènes ont été modifiés pour ralentir le brunissement a obtenu son autorisation de mise sur le marché en 2016. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=8859042">Böhringer Friedrich/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 2000, les techniques de sélection génétique permettant de créer de nouvelles variétés végétales – appelées <em>new breeding techniques</em> (NBT) en anglais – ont fortement évolué, notamment grâce à la récente mise au point du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/crispr-54269">« ciseau génétique » CRISPR-Cas9</a>.</p>
<p>Les NBT ont déjà conduit à la mise sur le marché de variétés végétales en <a href="https://www.aphis.usda.gov/biotechnology/downloads/reg_loi/15-321-01_air_response_signed.pdf">Amérique du Nord</a>, comme <a href="https://www.nature.com/articles/nature.2016.19754">ce champignon</a> dont les gènes ont été modifiés pour ralentir le brunissement ; en Europe, elles suscitent depuis près d’une décennie de vifs débats ; ces derniers pointent tout particulièrement les applications infinies permises par la précision et la rapidité de ces techniques, les risques potentiels liés à des <a href="https://theconversation.com/crispr-et-les-effets-hors-cible-des-risques-encore-peu-controlables-108214">effets dits <em>off-target</em></a> (hors cibles) et, enfin, leur éligibilité ou non à la réglementation OGM.</p>
<p>Soulignons encore que l’édition du génome semble susciter plus facilement l’adhésion du public pour le médical que pour le domaine alimentaire ; les premiers OGM n’ont guère rencontré de succès auprès des consommateurs, <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/1900-v1-n1-mi1821443/1006191ar/abstract/">encore moins chez les Français</a>.</p>
<h2>Les NBT sont-ils de nouveaux OGM ?</h2>
<p>Les NBT semblent faire l’objet des mêmes représentations négatives associées aux OGM.</p>
<p>Mais contrairement aux OGM – qui visent à insérer aléatoirement un transgène/cisgène dans un organisme vivant pour lui donner de nouvelles caractéristiques –, ces nouvelles techniques d’édition permettent, sans insertion de génome étranger, une modification ou suppression d’une séquence d’ADN (nucléotides). Elles sont aussi plus précises grâce à l’utilisation de nucléases, à l’image du ciseau moléculaire CRISPR-Cas9, permettant le ciblage de séquences d’ADN.</p>
<p>Elles pourraient ainsi permettre de sélectionner plus rapidement des plantes <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/01/27/le-genie-genetique-paradoxalement-accepte-pour-les-vaccins-mais-refuse-pour-la-betterave_6067731_3232.html">adaptées au réchauffement climatique</a> (résistance à la sécheresse, aux maladies, réduction des pesticides). Certains scientifiques pointent un manque de recul quant aux <a href="https://www.franceinter.fr/sciences/nouveaux-ogm-le-rapport-qui-divise">potentielles mutations ou effets hors cibles, hors séquence d’ADN visée</a>.</p>
<p>Enfin, puisqu’il est difficile de faire la différence entre les mutations naturelles et celles obtenues par ces techniques, il convient aussi de s’interroger sur la <a href="https://www.nature.com/articles/nbt.2142">traçabilité des aliments issus de ces NBT</a>.</p>
<h2>La position française</h2>
<p>En juillet 2018, une décision de la Cour de justice de l’Union européenne a indiqué que les organismes obtenus par mutagénèse seraient désormais soumis aux <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000523341">obligations de la directive de 2001 sur les OGM</a> ; à l’exception toutefois de ceux « obtenus par des techniques de mutagenèse qui ont été traditionnellement utilisées pour diverses applications et dont la sécurité est avérée depuis longtemps ».</p>
<p>Suite à cette décision, le Conseil d’État français <a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/decisions-contentieuses/dernieres-decisions-importantes/conseil-d-etat-7-fevrier-2020-organismes-obtenus-par-mutagenese">s’est prononcé en février 2020</a>, jugeant à son tour que les organismes obtenus par certaines techniques de mutagénèse doivent être soumis à la réglementation relative aux OGM.</p>
<p>Seuls les produits issus des « anciennes » techniques de mutagenèse peuvent donc être commercialisés sans autorisation préalable ; ce que les <a href="https://www.ufs-semenciers.org/">semenciers</a> et les lobbies de la sélection variétale <a href="https://www.agri-mutuel.com/politique-economie/un-flou-juridique-prejudiciable-a-la-diversite-et-a-lagroecologie/">dénoncent activement</a>.</p>
<p>Fin avril 2021, la Commission européenne a rendu un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_21_1985">vaste rapport d’étude</a> soulignant les controverses autour de l’évaluation des bénéfices/risques, de la traçabilité ainsi qu’un manque d’uniformité des critères juridiques appliqués aux plantes issues des techniques récentes vs conventionnelles.</p>
<p>Le rapport préconise la poursuite des réflexions autour de la classification et de l’encadrement juridique des NBT, à la lumière de leur potentielle contribution aux objectifs écologiques promus par le <a href="https://ec.europa.eu/info/strategy/priorities-2019-2024/european-green-deal_en">récent Green Deal européen</a>.</p>
<p>Interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, le ministre français de l’Agriculture, Julien Denormandie, affirmait que, contrairement aux OGM classiques, les NBT ne sont pas des « organismes modifiés » mais un « ensemble de techniques » ; à ce titre, elles devraient donc être encadrées par un cadre juridique adéquat.</p>
<p>A-t-on affaire à des « OGM » ou à des « techniques » ? Il est à ce jour peu probable que les citoyens, pour la plupart profanes en génétique, soient sensibles à cette subtilité de langage…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1408320221321084928"}"></div></p>
<h2>Rendre accessible la complexité des NBT</h2>
<p>L’applicabilité des NBT au domaine alimentaire demeure un sujet épineux et, au-delà des applications, le regard porté par le public sur les principes généraux de ces techniques mérite d’être exploré pour y voir plus clair.</p>
<p>C’est ce à quoi nous nous sommes intéressées dans le cadre d’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0963662520929668">recherche récemment publiée dans la revue <em>Public Understanding of Science</em></a>.</p>
<p>Nos travaux confirment la défiance des Français pour les applications alimentaires et leur absence d’intérêt dès lors qu’une alternative de production, plus classique, existe.</p>
<h2>Tester l’acceptation ou le rejet</h2>
<p>Nous avons aussi comparé les <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-26203-avis-cees.pdf">classifications scientifique et profane</a> des NBT.</p>
<p>Pour cela, des fiches de présentation simplifiées des principales NBT ont été élaborées en vue de leur utilisation dans des focus groups auxquels ont participé une cinquantaine de citoyens sans connaissances spécifiques sur le sujet.</p>
<p>Ces fiches présentaient les techniques d’édition du génome via des nucléases (SDN), de mutagenèse aléatoire, de mutagénèse dirigée par oligonucléotides (ODM), de modulation d’expression des gènes (RdDm) et, enfin, les techniques conventionnelles de cisgénèse et transgénèse.</p>
<p>Un exercice de « tri libre » proposé aux participants a permis de comprendre les logiques de classification spontanée des techniques et les critères d’acceptation ou de rejet.</p>
<h2>Les techniques les mieux tolérées</h2>
<p>Globalement, aucune technique n’est plébiscitée, mais une plus grande acceptabilité a été observée pour les techniques de modulation d’expression des gènes (RdDm) et celles utilisant une chimère (ODM), parce qu’elles ne modifient pas les séquences de nucléotides.</p>
<p>En revanche, les autres techniques ont donné lieu à deux classifications presque diamétralement opposées, mettant en évidence ce qu’on pourrait identifier comme une logique « rationnelle » et une logique « symbolique » ou plus « naturaliste ».</p>
<p>Pour la première, les participants voient la précision des techniques d’un œil positif, comme un moyen d’éviter des insertions hasardeuses. À l’inverse, les sujets répondant à une logique naturaliste accordent de l’importance à l’aléa qui fonde symboliquement les singularités naturelles.</p>
<p>Ainsi, les techniques ciblées ont-elles largement réactivé les imaginaires négatifs de l’eugénisme, visant à « améliorer » l’espèce humaine.</p>
<p>Quant aux techniques de mutation aléatoire, davantage perçues comme une imitation de la nature, elles ne sont pas, pour autant, jugées équivalentes aux processus naturels.</p>
<p>Les sujets opposent le « vrai hasard » et l’« erreur naturelle » (non viable et souvent éliminée par la nature) au « hasard intentionnel » et à l’« avatar technologique ».</p>
<p>Enfin, pour tous, les réactions les plus négatives s’observent pour la transgénèse/cisgénèse conventionnelle ou via des nucléases ; à la nuance près que dans la logique « rationnelle », l’utilité du gène inséré s’évalue selon son degré de complémentarité avec le génome de l’hôte et les « bénéfices » apportés ; alors que, selon la logique « naturaliste », ce gène inséré est jugé soit « trop proche » (cisgène) soit « trop loin » (transgène) et réactive respectivement les imaginaires de l’inceste et du démiurge.</p>
<h2>Renouer le dialogue</h2>
<p>Les classifications profanes des NBT se distinguent des classifications scientifiques en cela qu’elle repose sur des critères subjectifs liés à des conceptions de l’intervention scientifique, de l’aléa et à la relation symbolique entretenue avec la nature.</p>
<p>Les techniques de mutagénèse aléatoire (par pression de sélection, agents chimiques, rayonnements) et ciblée (via des nucléases) occupent une place singulière dans le paysage des NBT, en cela qu’elles génèrent des perceptions opposées.</p>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0963662520929668">Notre étude</a> montre ainsi qu’il est possible d’interroger le grand public sur son rapport au progrès génétique.</p>
<p>L’enjeu de ce type d’initiative réside dans l’équilibre à trouver entre une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22745249/">nécessaire simplification des techniques</a>, pour les rendre accessibles à un public ne maîtrisant guère le vocabulaire requis, et une <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/1900-v1-n1-mi1821443/1006191ar/abstract/">restitution suffisamment fine</a> des principes d’intervention pour permettre une discrimination.</p>
<p>C’est à ce prix que l’on pourra peut-être éviter un rejet en bloc des NBT, sans discernement des applications médicales et alimentaires. Pour l’heure, indiscutablement, les Français ne semblent pas prêts à voir dans leurs assiettes des aliments issus de ces nouvelles techniques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160486/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si les NBT ont déjà conduit à la mise sur le marché de variétés végétales en Amérique du Nord, elles suscitent depuis près d’une décennie de vifs débats en Europe.Gervaise Debucquet, Enseignante-chercheuse, socio-anthropologie de l’alimentation, AudenciaMireille Cardinal, Cadre de recherche, sciences des aliments, évaluation sensorielle, IfremerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1258962019-11-04T15:10:41Z2019-11-04T15:10:41ZConfusion à la poissonnerie : votre choix est-il écoresponsable?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/300101/original/file-20191104-88387-1xkmpe2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a beaucoup de choix au rayon de la poissonnerie, mais bien des facteurs à considérer</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Il nous semble maintenant absurde qu’on ait pu penser que les océans étaient inépuisables: les réserves de poisson sont en très mauvais état, et les scientifiques confirment que la surpêche est un problème mondial aux <a href="https://science.sciencemag.org/content/338/6106/474">conséquences potentiellement irréversibles tant pour les écosystèmes que pour la subsistance des humains</a>.</p>
<p>Le développement durable joue un rôle déterminant dans le choix des consommateurs de poisson selon un <a href="https://science.sciencemag.org/content/338/6106/474">sondage réalisé par Globescan en 2018</a> pour le compte du <a href="https://www.msc.org/fr/">Marine Stewardship Council</a>(MSC).</p>
<p>Et il ne s’agit plus simplement de choisir entre morue et flétan quand on se rend au restaurant du quartier. Les consommateurs doivent également évaluer l’origine, la méthode de pêche et les espèces qui peuplent leur commande. Ah, que c’est devenu compliqué!</p>
<p>En tant que chercheur œuvrant dans le domaine de la pêche durable, je me demande également: « Quels poissons devrais-je manger? »</p>
<h2>Pourquoi manger du poisson?</h2>
<p>En dehors de son goût, le poisson procure bien <a href="https://www.healthline.com/nutrition/17-health-benefits-of-omega-3">des avantages pour la santé</a>, autant pour le cerveau que pour l'ensemble du corps.</p>
<p>Et pourtant, bien des Canadiens restent perplexes ou frustrés face à des informations contradictoires. <a href="https://nouvelles.umontreal.ca/article/2018/05/02/la-peche-industrielle-eleverait-l-exposition-au-mercure-des-populations-de-plusieurs-pays/">Ils s’inquiètent au sujet du taux de mercure</a>, des <a href="https://www.cbc.ca/radio/quirks/june-8-2019-a-diet-of-microplastic-canada-s-northern-limits-elephants-smell-numbers-and-more-1.5165286/we-re-consuming-a-lot-of-plastic-and-have-no-idea-of-the-risks-1.5165311">microplastiques</a>, et des <a href="https://www.healthline.com/health-news/would-you-eat-genetically-modified-salmon">organismes génétiquement modifiés</a> (les conclusions de l’évaluation de Santé Canada sur le saumon OGM AquAdvantage indique <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/aliments-nutrition/aliments-genetiquement-modifies-autres-aliments-nouveaux/produits-approuves/saumon-aquadvantage.html">qu’il est sécuritaire</a>).</p>
<p>Ce n’est pas surprenant que la confusion règne chez les consommateurs. L’industrie poissonnière est très variée et diffère sensiblement des autres industries de la viande au Canada.</p>
<p>La plupart des Canadiens ne mangent qu’une espèce de poulet, de bœuf ou de porc. Mais l’épicerie lambda propose des tonnes d’espèces différentes de poisson et de crustacés. Il s’agit vraiment d’une matière première globale.</p>
<p>Alors que la majorité des poulets et du bœuf vendus en supermarché en Amérique du nord provient du Canada et des États-Unis, le poisson est importé des quatre coins du monde – et résulte de méthodes d’élevage fort différentes.</p>
<h2>Comment choisir le bon poisson?</h2>
<p>Chaque consommateur étant différent, il n’existe pas de « roi » du poisson. Les décisions varient selon plusieurs critères - <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0964569117303770?via%3Dihub">la santé</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0964569117303770?via%3Dihub">le développement durable</a>, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0964569117303770?via%3Dihub">le budget et l’origine</a>.</p>
<p><em><strong>1. La santé</strong></em></p>
<p>Tout comme pour les pommes ou le brocoli, les consommateurs mangent du poisson parce que c’est bon pour la santé. Les poissons gras comme le saumon et le maquereau sont riches en éléments nutritifs importants et en <a href="https://www.healthline.com/nutrition/12-omega-3-rich-foods#1">oméga 3</a>.</p>
<p>Cependant, de nombreux bénéfices sur la santé sont remis en question, et les <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/54/11/986/289055">prétentions contradictoires peuvent prêter à confusion</a>. Des choix à priorité « santé » sont parfois contredits par des inquiétudes relatives à une contamination au mercure ou par l’usage d’antibiotiques en pisciculture.</p>
<p>Certains consommateurs, en particulier les femmes enceintes et les jeunes enfants devraient peut-être éviter les poissons prédateurs comme l’espadon et le thon car ils sont susceptibles de contenir de fortes quantités de mercure.</p>
<p>Dans de nombreux pays comme <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11625-017-0511-8">le Canada et la Norvège</a>, l’usage d’antibiotiques en pisciculture a fortement décru au cours des dernières années, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11625-017-0511-8">quoiqu’il demeure très fréquent ailleurs</a>.</p>
<p>Certains consommateurs recherchent des poissons bio car ils sont élevés sans ajout de produits chimiques. Au Canada, ils existe quelques options bio certifiées en provenance de fermes d’élevage, y compris des <a href="https://www.thimblebayblues.ca/process/sustainability">moules bio</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297978/original/file-20191021-56234-1ptyj90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les moules sont riches en protéines, faibles en gras et souvent bon marché.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em><strong>2. Le développement durable</strong></em></p>
<p>Compte tenu de la surpêche et de la santé déclinante des océans, <a href="https://thefishsite.com/articles/pollution-and-overfishing-top-seafood-consumers-concerns">de nombreux consommateurs sont à la recherche de choix durables</a> pour leur poissons et crustacés.</p>
<p>On considère que les crustacés comme les moules et les huîtres ont <a href="https://thefishsite.com/articles/pollution-and-overfishing-top-seafood-consumers-concerns">l’impact environnemental le plus faible</a> car elles requièrent peu d’énergie et n’ont pas besoin d’être nourries. Dans certains cas, elles peuvent <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10499-015-9949-9">même nettoyer l’eau de leur élevage</a>, permettant de ce fait d’aider à protéger ou même améliorer des eaux dégradées.</p>
<p>Manger du poisson d’élevage permet de diminuer la consommation de poisson sauvage dont la population est déjà vulnérable. <a href="https://globalsalmoninitiative.org/files/documents/Reducing-food%E2%80%99s-environmental-impacts-through-producers-and-consumers.pdf">Son empreinte carbone </a> est également inférieure à celle des élevages de bétail. <a href="https://globalsalmoninitiative.org/files/documents/Reducing-food%E2%80%99s-environmental-impacts-through-producers-and-consumers.pdf">Et pourtant, le débat autour de la viabilité de la pêche</a>, en particulier de l’aquaculture, se poursuit.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297984/original/file-20191021-56220-1rdd162.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une vue aérienne d’enclos d’aquaculture au Nouveau Brunswick.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Les étiquettes de certification écologique, comme celle du <a href="https://www.msc.org/fr/">Marine Stewardship Council</a> et de l’<a href="https://www.asc-aqua.org/fr/">Aquaculture Stewardship Council</a>, permettent au consommateur d’identifier les poissons et crustacés capturés ou élevés de manière respectueuse de environnement. Selon l’endroit où vous habitez, certaines espèces populaires comme des variétés de thon, de saumon et de flétan peuvent se retrouver sur la liste « à éviter » du <a href="https://www.seafoodwatch.org/seafood-recommendations/consumer-guides">Monterey Bay Aquarium Seafood Watch</a>.</p>
<p><em><strong>3. Manger local</strong></em></p>
<p>Des Canadiens ont mis l’accent sur la consommation locale afin de réduire leur empreinte environnementale et d’appuyer les producteurs de proximité ces dernières années. Pour beaucoup d’entre eux, cela signifie d’éviter la plupart des crevettes et de choisir du saumon de l’Atlantique canadien et du homard lorsqu’ils vivent près des côtes, ou encore du poisson d’eau douce s’ils habitent à l’intérieur des terres.</p>
<p>Mais il faut également savoir que beaucoup des produits domestiques qu’ils favorisent sont également importés, comme le saumon de l’Atlantique en provenance de la Norvège et du Chili, ou encore le tilapia qui nous arrive de Chine ou d’Indonésie.</p>
<p><em><strong>4. À la recherche d’un prix abordable</strong></em></p>
<p>Bien que l’on trouve beaucoup d’excellents produits canadiens, ils sont <a href="https://www.macleans.ca/society/why-canadas-seafood-market-is-so-bad-and-costs-so-much/#gallery/shellfish/slide-1">étonnamment chers</a>. Et le prix est une priorité constante qui va au-delà du goût, de l’odeur et de l’apparence pour bien des Canadiens.</p>
<p>Le poisson en conserve, comme le thon, est un choix économique populaire. Les filets de haddock, le tilapia, et le saumon d’élevage sont également abordables. Les consommateurs à la recherche de produits bios et écocertifiés paieront plus cher.</p>
<h2>Rien n’est simple…</h2>
<p>En matière de poisson, <a href="https://www.seachoice.org/wp-content/uploads/2017/03/Seafood-Labelling-Report-Online.pdf">l’étiquetage n’a pas aidé le consommateur</a>. Les producteurs ont pour seules obligations d’indiquer le nom usuel du poisson (ce qui permet parfois d’en mélanger plusieurs espèces, comme celles du thon, des crevettes, ou de la rascasse), ainsi que l’origine du poisson - qu’il soit emballé ou frais.</p>
<p>Complication supplémentaire, la soi-disant origine du poisson n’est en fait que le dernier endroit où il a été « transformé » en filets, ou emballé, ou mis en boîte. Par exemple, un poisson pêché dans les eaux territoriales canadiennes mais expédié en Chine pour y être emballé, pourrait porter la mention « produit de Chine ». L’origine n’indique donc pas forcément la localisation de la pêche ou de l’élevage.</p>
<p>Des enquêtes récentes menées par le groupe de protection Oceana Canada sur les différentes espèces de poissons et leur origine a conclu que les produits disponibles dans les épiceries canadiennes étaient fréquemment mal étiquetés. Par exemple, sur 472 échantillons testés entre 2017 et 2019, <a href="https://www.lesoleil.com/le-mag/alimentation/la-moitie-des-poissons-et-fruits-de-mer-mal-etiquetes-81582dcf94876451366c8e5197f5fcb2">c’est 47 pour cent d’entre eux qui étaient mal étiquetés</a>. Du vivaneau en guise de tilapia, et du poisson sauvage remplacé par du poisson d’élevage.</p>
<p>Nous devons assumer la responsabilité, en tant que consommateurs canadiens, d’exiger davantage d’information sur la provenance et la manière dont le poisson se retrouve sur notre table, et d’encourager des normes d’étiquetage ainsi que des pratiques responsables.</p>
<p>[ <em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires.</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=expert">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125896/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jenny Weitzman reçoit du financement de l'Ocean Frontier Institute et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Elle est affiliée à l'Association aquacole du Canada et à l'Alliance de l'industrie aquacole canadienne.</span></em></p>Les consommateurs sont de plus en plus préoccupés par la provenance de leur poisson. Mais faire un choix éclairé n'est pas chose facile.Jenny Weitzman, Interdisciplinary PhD Candidate, Marine Affairs Program, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1260462019-10-29T19:32:30Z2019-10-29T19:32:30ZBonnes feuilles « Tolkien et les sciences » : Les OGM de Saruman<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299189/original/file-20191029-183112-klncvm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4843%2C3124&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Gandalf scrutant la dévastation d'Isengard (la terre de Saroumane)</span> <span class="attribution"><span class="source">Arnaud Rafaelien / Tolkien et les sciences / Belin</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Nous publions le chapitre « Les OGM (orques génétiquement modifiés) de Saruman » de l’ouvrage collectif <a href="https://www.belin-editeur.com/tolkien-et-les-sciences">« Tolkien et les sciences »</a> dirigé par Roland Lehoucq, Loïc Mangin et Jean‑Sébastien Steyer, illustré par Arnaud Rafaelian et Diane Rottner, publié chez Belin.</em></p>
<hr>
<p>Au départ, Saruman ne fut introduit par Tolkien que pour expliquer l’absence de Gandalf au rendez-vous qu’il avait fixé à Frodo en automne, pour son départ de la Comté. Il deviendra par la suite un personnage central du <em>Seigneur des anneaux</em>, le symbole de la corruption par la soif du pouvoir.</p>
<h2>Le chef rusé des Istari</h2>
<p>Saruman est, d’après <a href="http://www.tolkiendil.com/tolkien/biblio/silm"><em>Le Silmarillion</em></a>, le chef des cinq magiciens envoyés sur terre par les Valar pour aider les hommes et les elfes à combattre Sauron. Par une ironie du destin, il finira par s’allier à celui qu’il devait aider à détruire. En effet, ce mage puissant est attiré par les anneaux de pouvoir qu’il étudie depuis longtemps, et en particulier par le plus puissant de tous, l’Unique. Devant la montée en puissance des forces de Sauron, Saruman décide de se soumettre pour s’emparer de son Anneau le moment venu. Il l’explique à Gandalf avant de le faire prisonnier :</p>
<blockquote>
<p>« Il ne reste plus aucun espoir à mettre en les Elfes ou en le mourant Númenor. Nous, nous voici donc placés devant un choix. Nous pouvons rejoindre ce Pouvoir. Ce serait sage, Gandalf. Il y a un espoir de ce côté. Sa victoire est proche, et il y aura une riche récompense pour qui l’aura aidé. […] Et pourquoi pas, Gandalf ? murmura-t-il. Pourquoi pas ? L’Anneau Souverain ? Si nous pouvions en disposer, le Pouvoir nous passerait, à nous. » (« Le Seigneur des anneaux », livre I)</p>
</blockquote>
<p>Associé au Mordor, Saruman entreprend de constituer une armée d’orques et de wargs dans son fief de l’Isengard à l’ombre de sa tour de l’Orthanc, dans le but d’envahir le Rohan voisin, invasion qui permettrait à Sauron de conquérir la Terre du Milieu. Mais l’armée de Saruman doit aussi lui permettre d’écumer le pays pour trouver l’Anneau Unique, avec l’idée de le garder pour lui plutôt que de le remettre à Sauron. Ainsi dans <em>Les Deux Tours</em>, les orques de Saruman, avec ceux de Sauron, capturent les deux hobbits Merry et Pippin. Mais un conflit éclate entre les deux factions d’orques lorsque ceux de Saruman veulent emmener les prisonniers en Isengard pour les fouiller, ce qui permettra à Merry et Pippin de s’échapper.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=785&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=987&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=987&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299196/original/file-20191029-183103-1mfc43o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=987&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un orc chevauchant un warg, monture de l’effroi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Arnaud Rafaelian</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’alliance de Saruman aux forces du Mordor n’est donc pas une réelle soumission, mais un choix stratégique témoignant d’une grande ruse. Le nom de Saruman est d’ailleurs dérivé de searu, du vieil anglais (langue étudiée par le philologue Tolkien) signifiant « rusé ». Dans <em>Le Silmarillion</em>, le mage est aussi appelé Curunír en quenya, ce qui se traduit également par « homme habile, rusé ».</p>
<p>Mettant sa magie au service de son sinistre projet, Saruman entreprend de transformer des Uruk-hai, une race d’orques déjà puissante, afin de les rendre encore plus forts et surtout résistants au soleil. La lecture du <em>Seigneur des anneaux</em> montre également que Saruman a conçu des orques qui doivent lui servir d’espions, mais ces derniers sont spéciaux, car ils ont une physionomie plus proche de celle des humains que les autres orques. En revanche, les romans n’offrent pas de description précise de ses « manipulations » et Tolkien préfère laisser ses personnages émettre l’hypothèse, sans la confirmer, de croisements entre humains et orques.</p>
<p>Ainsi, dans le livre III du <em>Seigneur des anneaux</em>, l’ent Barbebois s’interroge :</p>
<blockquote>
<p>« Je me demande ce qu’il a fait. Sont-ce des Hommes qu’il a dégradés ou a-t-il métissé la race des Orques avec celle des Hommes ? Ce serait là un noir méfait ! »</p>
</blockquote>
<p>Tout laisse supposer que ces manipulations sont le résultat d’une quelconque magie. Néanmoins, à l’aune des connaissances scientifiques actuelles, on peut imaginer comment Saruman a pu concevoir ces créatures en faisant appel à des techniques de génétique. Et l’association de Saruman à des technologies modernes n’est pas aussi absurde qu’il n’y paraît…</p>
<h2>L’esprit de rouages de Saruman</h2>
<p>Assez paradoxalement, bien que Saruman soit l’archétype du magicien, personnage normalement éloigné de la technologie moderne, il est décrit comme le symbole des effets négatifs de l’industrialisation. Tolkien était très attaché à la nature.<em>Le Seigneur des anneaux</em> célèbre, à bien des égards, une nature préservée, la végétation, sa beauté, sa contemplation.</p>
<p>Les elfes, créatures quasi parfaites, vivent en harmonie totale avec la nature. Les biographes de Tolkien sont unanimes : il détestait les conséquences de l’industrialisation sur les paysages ruraux de l’Angleterre. On raconte qu’il fut bouleversé de ne presque rien reconnaître des lieux de son enfance, à côté de Birmingham, lorsqu’il y passe dans les années 1930 (il est alors quadragénaire).</p>
<p>Dans son œuvre, le mal est associé à la destruction de la nature et Saruman est justement celui qui la saccage, fait abattre les arbres et édifier des usines à la place. Barbebois dit de Saruman qu’il a :</p>
<blockquote>
<p>« un esprit de métal et de rouages, et il ne se soucie pas des choses qui poussent, sauf dans la mesure où elles lui servent sur le moment ».</p>
</blockquote>
<p>Et un peu plus loin :</p>
<blockquote>
<p>« [La] vallée paraît extrêmement loin en contrebas. La contemplant, je vis qu’alors qu’autrefois elle était verte et belle, elle était à présent remplie de puits et de forges. »</p>
</blockquote>
<p>La Comté des hobbits est décrite au début du <em>Seigneur des anneaux</em> comme un paysage rural idyllique, loin de l’agitation du monde, mais à la fin de l’œuvre, quand Frodo et ses amis rentrent chez eux, sans savoir que Saruman s’y est réfugié, ils découvrent un paysage de désolation :</p>
<blockquote>
<p>« Il y avait autrefois une avenue d’arbres. Ils avaient tous disparu. Et, regardant avec consternation le long de la route en direction de Cul-de-Sac, ils virent au loin une haute cheminée de briques. Elle déversait une fumée noire dans l’air du soir. » (« Les Deux Tours »)</p>
</blockquote>
<h2>Un savant fou avant l’heure ?</h2>
<p>Saruman est donc très proche de l’archétype du savant fou qui manipule la science dans un but personnel, sans se préoccuper des conséquences négatives de ses actes. Dans la littérature ou au cinéma, ces personnages sont souvent caractérisés par leur arrogance, leur volonté de jouer à être Dieu, la poursuite de leurs expériences sans aucun souci éthique, leur manque de respect pour la nature, leur existence solitaire en dehors, parfois, de la présence d’un assistant. C’est bien le portrait de Saruman.</p>
<p>Au cinéma, c’est Fritz Lang qui crée, en 1927 dans son film <em>Metropolis</em>, le prototype du savant fou avec le personnage de Rotwang. Dans le film, une mégapole est divisée en une ville haute, où vivent les privilégiés, et une ville basse, où les ouvriers travaillent dans des conditions très dures. Cet ordre des choses est menacé par une idylle, aussi sollicite-t-on Rotwang pour qu’il y remédie. Pour ce faire, il construit un robot imitant la jeune ouvrière (dont George Lucas s’inspirera pour C-3PO dans <em>Star Wars</em>) qui sème le chaos et menace de détruire la ville. On retrouve des caractéristiques de Rotwang chez Saruman : un esprit maléfique, une obsession pour les buts qu’ils se sont fixés sans considération pour la vie des autres et un attrait pour les machines.</p>
<p>Les savants fous se rencontrent aussi chez les généticiens. Ils manipulent les gènes en bafouant les lois de la nature, par exemple dans <em>Le Meilleur des mondes</em>, roman d’anticipation d’Aldous Huxley paru en 1932. Dans ce classique de la littérature de science-fiction, le directeur du Centre d’incubation et de conditionnement de Londres ne peut manquer d’évoquer Saruman : grand, mince, arrogant, avec un ton légèrement menaçant dans la voix, parlant sans émotion des traitements rudes que subissent les embryons et évoquant avec enthousiasme les grandes quantités de clones produits.</p>
<h2>Les manipulations génétiques de Saruman</h2>
<p>Comment Saruman a-t-il produit ses orques modifiés ? D’abord, comme le supposent les membres de la Communauté de l’Anneau à l’aide de croisements génétiques entre orques et humains. Lorsque l’on croise des animaux appartenant à des espèces différentes, des mécanismes biologiques rendent la fécondation ou le développement embryonnaire inopérant. Toutefois, avec des espèces suffisamment proches génétiquement, on obtient des hybrides interspécifiques. Ces hybrides présentent des caractères intermédiaires entre les deux espèces.</p>
<p>De plus, selon que l’on croise le mâle d’une espèce avec la femelle d’une autre, ou l’inverse, le résultat ne sera pas le même. Ainsi, le croisement d’un cheval avec une ânesse donnera un bardot tandis qu’un croisement entre un âne et une jument donnera un mulet. De même, chez les félins, le croisement entre un lion et une tigresse donnera un ligre tandis que le croisement entre une lionne et un tigre donnera un tigron. De nombreuses hybridations sont donc possibles dans le monde animal à condition que les animaux restent au sein d’un même genre (Panthera, Equus, Ursus…), ce qui assure une proximité génétique suffisante. Les hybrides sont le plus souvent stériles, bien qu’une petite proportion d’entre eux puisse se reproduire. Le tigron femelle, par exemple, est fertile à 100 %, mais ne peut se reproduire qu’avec un tigre.</p>
<p>Dans <em>Le Seigneur des anneaux</em>, les croisements entre orques et humains seraient donc possibles en supposant une proximité génétique que leur aspect humanoïde laisse accepter. De plus, le sens du croisement ainsi que la race d’orque utilisée (nous avons vu que les Uruk-hai se distinguent des orques de base) conduiront à une diversité d’êtres que pourra exploiter Saruman. Ainsi, les guerriers Uruk-hai possèdent la force des orques et la résistance au soleil des humains, alors que les espions de Saruman sont plus proches de la physionomie humaine, ce qui leur permet de passer plus inaperçu.</p>
<p>Reste une difficulté pour Saruman : produire suffisamment de semi-orques pour réussir une armée rassemblant des milliers d’individus, même si une partie de son armée est aussi constituée d’humains à la peau brune de la Dunlande. L’hybridation interspécifique passe obligatoirement par la reproduction sexuée, même si le mage pourrait gagner du temps en effectuant des fécondations in vitro puis en implantant les embryons hybrides dans des femelles orques ou humaines. Cela lui permettrait de produire tout au plus quelques soldats et espions comme ceux qui constituent la troupe ayant enlevé Merry et Pippin. Pour produire une armée comme celle qui attaque la Gorge de Helm, il faudrait donc une production d’embryons à l’échelle industrielle. On pense immanquablement à la production des clones en grande quantité dans <em>Le Meilleur des mondes</em>. La tour de l’Isengard serait donc un laboratoire de génétique dans lequel des embryons d’orques sont générés à la chaîne en fonction des besoins du magicien. Tolkien garde un silence prudent sur les méthodes de Saruman, même si la magie rend bien des services dans ce genre de situation. Peter Jackson, dans l’adaptation cinématographique de l’œuvre, donne sa propre vision de la naissance des Uruk-hai. Le chef des orques de Saruman sort de terre à partir d’une matrice de boue visqueuse, ce qui laisse supposer une origine surnaturelle à ses soldats.</p>
<p>Pour ses manipulations, Saruman peut aussi faire appel à d’autres techniques issues du génie génétique : par exemple, il peut injecter des cellules souches humaines à l’intérieur d’un embryon d’orque, ce qui donnera à ce dernier des caractéristiques humaines. Il s’agit alors organismes chimériques. Ces techniques sont utilisées depuis longtemps, dès 1969, la création d’embryons chimériques caille-poulet a permis des avancées cruciales dans les connaissances en biologie cellulaire.</p>
<h2>Des orques OGM</h2>
<p>Pour donner à ses orques les caractéristiques qui l’intéressent (force, résistance, aspect humain…), Saruman a aussi la possibilité de créer des organismes génétiquement modifiés (OGM). Il suffit pour cela d’injecter un fragment d’ADN contenant le gène (ou les gènes) d’intérêt à l’intérieur d’un embryon. Pour assurer l’intégration de cette séquence d’ADN, celle-ci est couplée avec de l’ADN de virus qui a la particularité de pouvoir s’insérer au sein du génome d’un hôte.</p>
<p>C’est ainsi que le premier animal génétiquement modifié (une souris) a été créé en 1982. Depuis, les procédés se sont améliorés grâce à la technique des ciseaux génétiques (CRISPR-Cas 9). On a réussi à créer des vaches produisant du lait à teneur réduite en lactose ou riche en caséine. Récemment, des chèvres transgéniques ont été conçues pour produire, dans leur lait, la protéine constituant les fils de soie des araignées afin de fabriquer des sutures chirurgicales, du fil à pêche et même des vêtements ! Des porcs ont été rendus résistants à la peste porcine grâce à une manipulation génétique et des saumons ont été génétiquement modifiés pour grossir plus vite. Plus étrange encore, des animaux (poissons, souris, lapins et même moutons) ont été rendus fluorescents.</p>
<p>Les lois de bioéthique interdisent la commercialisation de tels animaux transgéniques. On ne verra pas de sitôt un poulet devenir fluorescent quand qu’il est cuit ! Saruman en revanche, n’est pas limité et peut potentiellement produire tous les orques génétiquement modifiés qu’il peut imaginer.</p>
<p>Parmi les gènes susceptibles d’intéresser le magicien, citons celui de la myostatine dont des mutations peuvent se traduire par une masse musculaire accrue. On connaît ainsi des races de bovins (le blanc bleu belge) et de chiens (le lévrier whippet) dotés d’importantes masses musculaires à cause de mutations dans ce gène. Les lévriers whippet mutés sont appréciés pour les courses, car ils sont les plus rapides. D’autres hormones pourraient servir au dopage génétique des orques, comme celles de l’érythropoïétine (l’EPO des cyclistes), du facteur de croissance de l’endothélium vasculaire (une protéine déclenchant formation de vaisseaux sanguins) ou encore de l’IGF-1 (qui agit sur la masse musculaire). Ces gènes sont aujourd’hui surveillés par l’Agence mondiale antidopage qui cherche un moyen pour détecter la présence d’ADN supplémentaire dans le corps des athlètes.</p>
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<span class="caption">Couverture de « Tolkien et les sciences » éditions Belin.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>L’extrême sensibilité à la lumière qui touche la race des orques rappelle les symptômes du Xeroderma pigmentosum, une maladie génétique causée par des mutations sur les gènes d’enzymes de réparation de l’ADN. On appelle les enfants touchés par cette maladie les « enfants de la Lune », car ils ne peuvent être exposés aux rayons UV de la lumière du jour. Saruman a peut-être tenté d’introduire des versions fonctionnelles des gènes impliqués pour concevoir ses guerriers Uruk-hai qui peuvent supporter le soleil. Ce qui est valable avec les orques l’est aussi avec les wargs, sortes de loups géants que chevauchent les orques. Peter Jackson, dans ses films, les fait ressembler à un mélange de hyènes et de loups avec une taille bien supérieure. Ici encore, on peut imaginer que Saruman n’a pas hésité à modifier le patrimoine génétique de créatures plus modestes (probablement des canidés) pour en faire de redoutables machines de guerre. Et il partage un dernier point commun avec nombre de savants fous : il est tué par son esclave, Gríma « Langue-de-Serpent ».</p>
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<p><em>Ce chapitre a été écrit par Sidney Delgado et Virginie Delgado-Bréüs.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/126046/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sidney Delgado est l'auteur, avec Virginie Delgado-Bréüs, du chapitre "Les OGM 'Orques Génétiquement Modifiés" de Saruman extrait de l'ouvrage collectif "Tolkien et les sciences".</span></em></p>Un biologiste et une linguiste nous font découvrir les « orques génétiquement modifiées » de Saruman.Sidney Delgado, Docteur en Biologie de l'évolution, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1147792019-05-23T22:13:25Z2019-05-23T22:13:25ZCatégoriser le vivant : l’Europe face à CRISPR<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/276046/original/file-20190523-187143-iou3m3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=33%2C2%2C1274%2C783&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">CRISPR en action.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://search.creativecommons.org/photos/3d7892c4-1b1b-41d8-b6d9-a2e7d0e91d4e">Kurzgesagt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Qu’est-ce que le « vivant » ? Comment est défini un « organisme » ? À partir de quel type d’intervention devient-il « génétiquement modifié » ? Pour bon nombre d’entre nous, le réflexe serait d’aller chercher des réponses dans les manuels de biologie de niveau collège. Mais cela ne fera naître que de nouvelles questions.</p>
<p>Premièrement celle de savoir qui définit ces termes : qui décide de ce qu’est ou n’est pas un OGM ? Qui a créé les critères qui établissent la distinction entre les deux catégories ? Qui les interprète ? Pour les citoyens européens, ce sont les institutions de l’Union européenne qui s’en chargent. Or les récents progrès scientifiques viennent remettre en question leur méthode de définition du vivant.</p>
<p>Les principales définitions sont données par la directive 2001/18/CE du 12 mars 2001. Celle-ci fait d’un organisme « toute entité biologique capable de se reproduire ou de transférer du matériel génétique ». L’OGM est quant à lui « un organisme, à l’exception des êtres humains, dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle. » <a href="https://theconversation.com/que-savons-nous-de-lulu-et-nana-les-premiers-bebes-crispr-107969">Lulu et Nana</a>, les deux jumelles chinoises nées suite à une intervention CRISPR, seront donc contentes d’apprendre qu’elles n’ont jamais été des « bébés OGM », n’en déplaise à certains acteurs politiques qui s’appuient sur ce syntagme.</p>
<p>Ce texte prévoit une autre exception notable : les produits de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mutag%C3%A9n%C3%A8se">« mutagénèse »</a>, du moins telle qu’elle était pratiquée au moment de l’entrée en vigueur de la directive. À l’époque, les nouvelles nucléases, enzymes permettant d’éditer le génome en ciblant précisément l’ADN et en provoquant sa recombinaison, n’étaient pas sur le marché. L’arrivée des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Doigt_de_zinc">doigts-de-zinc</a>, des nucléases TALE puis de type CRISPR a complètement changé la donne.</p>
<h2>La mutagénèse « dirigée » : être ou ne pas être un OGM</h2>
<p>Retour fin 2014. La Confédération paysanne, bientôt suivie par d’autres associations, envoie une lettre au premier ministre français. Elle demande à l’administration de poser un moratoire sur la culture des plantes issues de nouvelles techniques de mutagénèse, qui sous-tendent notamment l’usage de nucléases. Les services du premier ministre ne répondent pas, et dans ce contexte, le silence de l’administration vaut refus. Les associations décident alors d’attaquer ce refus implicite devant les juridictions administratives, jusqu’au Conseil d’État.</p>
<p>La juridiction administrative suprême se retrouve face à une situation qui la place à la limite de sa compétence. La disposition attaquée se trouve aux articles L-531 et suivants du code de l’environnement. Il s’agit donc de vérifier la légalité d’une décision administrative au vu de lois transposant elles-mêmes une directive européenne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/276070/original/file-20190523-187172-jenkcg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La CJUE au Luxembourg.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Levrier</span></span>
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<p>La question qui se pose est donc celle de l’interprétation de la directive de 2001 au vu des nouvelles techniques d’édition du génome. Pas seulement en France, évidemment, mais partout en Europe. Avoir recours à une nucléase pour modifier une plante, est-ce créer un OGM ou pas ? La question est « de nature à faire naître un doute dans un esprit éclairé », c’est-à-dire qu’en l’occurrence elle « soulève une difficulté sérieuse d’interprétation ». C’est pourquoi le Conseil d’État a décidé de renvoyer la question à la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cour_de_justice_de_l%E2%80%99Union_europ%C3%A9enne">Cour de Justice de l’Union européenne</a> (CJUE).</p>
<h2>Dialogue des juges</h2>
<p>Le concept de dialogue des juges est forgé par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Genevois">Bruno Genevois</a> dans ses conclusions à l’arrêt Cohn-Bendit : « à l’échelon de la Communauté européenne, il ne doit y avoir, ni gouvernement des juges, ni guerre des juges. Il doit y avoir place pour le dialogue des juges ». Ce dialogue prend ici la forme du renvoi préjudiciel : le Conseil d’État demande à la CJUE d’interpréter le droit de l’Union au vu du cas d’espèce qui lui est soumis. Cet avis sera rendu en deux temps.</p>
<p>Le premier à rendre ses conclusions est l’avocat général de la CJUE. L’avis publié en janvier 2018 conclut que l’expression « mutagénèse » qui se trouve dans la directive englobe ces nouvelles techniques. Il ouvre cependant un nouveau front : la directive ne proposant pas de régime pour cette catégorie précise (la catégorie « mutagénèse »), les États pourraient pallier le vide juridique en prenant leurs propres réglementations au niveau national.</p>
<p>Finalement, la Cour de Justice rendra un arrêt le 25 juillet 2018 en allant à l’opposé des conclusions de l’avocat général. Le raisonnement tenu est simple : les produits de la mutagénèse dirigée sont des OGM parce que la modification du génome de l’organisme ne s’effectue pas de manière « naturelle » ou « traditionnelle ». La catégorie « mutaganèse dirigée » est donc distincte de la catégorie « mutagénèse », laquelle reste exemptée du régime des OGM. Elle confirme en passant l’intuition de l’avocat général : les États peuvent réglementer les produits de la mutagénèse au niveau national pour pallier le vide juridique. Mais cela ne concerne donc que la mutagénèse classique, dans la mesure où les produits des nucléases et autres « nouvelles techniques » ne sont pas exemptées du régime des OGM.</p>
<h2>Faut-il retourner à la case départ avec une nouvelle directive ?</h2>
<p>Les scientifiques-conseils de la Commission européenne, le <a href="https://ec.europa.eu/research/sam/index.cfm">Scientific Advice Mechanism</a> (SAM), ont à leur tour rendu un avis en novembre 2018 sur la question. Ils précisent plusieurs points. Pour eux, l’enjeu sanitaire ne se situe pas tant au niveau de la modification du génome de l’organisme, mais de sa tolérance aux herbicides, dont l’usage décuplé fait peser une lourde tension sur l’écosystème. Ensuite, ils considèrent que ce sont « les propriétés du produit final en lui-même qui doivent être examinées, peu importe la technique utilisée pour générer ce produit ».</p>
<p>Cette dernière considération est avant tout une perspective pragmatique : l’usage de nucléases ne laisse pas de traces, difficile donc pour une agence de régulation de vérifier si une espèce mise sur le marché vient de mutagénèse « classique » ou de l’usage de nucléases. De facto, le régime actuel est devenu bancal, et l’arrêt de la CJUE n’est pas une solution à moyen terme. Des sociétés comme Calyxt, filiale de l’entreprise française Cellectis, proposent déjà des espèces modifiées par nucléases TALE. La course à la modification des plantes par CRISPR continue, et les scientifiques ont récemment franchi une nouvelle <a href="https://www.nature.com/articles/s41587-019-0038-x">étape</a>.</p>
<p>Parmi les défis que devront relever les nouvelles équipes qui arriveront cette année dans le jeu institutionnel européen, redéfinir les catégories de ce qu’est le vivant dans l’Union européenne ne sera pas le moindre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/114779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche dans le cadre du projet ComingGen n°ANR 18-CE38-0007-01.</span></em></p>Qui décide de ce qu’est ou n’est pas un OGM ? Redéfinir les catégories de ce qu’est le vivant dans l’Union européenne est un défi majeur.Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1162402019-04-29T20:20:02Z2019-04-29T20:20:02ZLa léghémoglobine, cet ingrédient qui fait passer le steak végétal pour de la viande rouge<p>Les humains mangent des animaux qui mangent des végétaux. En supprimant cette étape intermédiaire pour manger directement des végétaux, nous pouvons diminuer notre empreinte carbone, réduire la superficie des terres agricoles, éliminer les risques sanitaires liés à la consommation de viande rouge et nous libérer d’une partie des dilemmes éthiques relatifs au bien-être animal.</p>
<p>Pour beaucoup de gens toutefois, reste un obstacle de taille : la viande, c’est bon. Très bon, même. Par contraste, un burger végétarien… a un goût de burger végétarien. Il ne satisfait pas l’envie carnivore dans la mesure où il n’a ni l’apparence, ni l’odeur, ni le goût, ni le côté saignant du bœuf.</p>
<p><a href="https://impossiblefoods.com/">Impossible Foods</a>, une entreprise californienne, propose de surmonter cet obstacle en ajoutant à son burger végétalien un extrait de plante doté de propriétés que les gens associent habituellement à la viande rouge ; il s’agit de donner au steak végétarien les caractéristiques du bœuf. L’Impossible Burger est vendu dans des restaurants californiens depuis 2016. Ses créateurs visent à présent le marché nord-américain en s’associant avec Burger King pour créer l’<a href="https://impossiblefoods.com/burgerking/">Impossible Whopper</a>. Ce sandwich est actuellement commercialisé à titre expérimental à Saint Louis, dans le Missouri. S’il y rencontre un succès suffisant, il sera proposé à la vente dans tout le pays.</p>
<p>En quoi consiste exactement cette mystérieuse substance ? Le burger qui en contient est-il encore vegan ? Est-elle fabriquée à base d’OGM ? Empêche-t-elle le produit de recevoir le label bio ?</p>
<p>Je suis biologiste moléculaire et étudie la façon dont les plantes et les bactéries interagissent et s’adaptent à leur environnement ; je m’intéresse également à l’impact potentiel de ces interactions sur la santé humaine. Et c’est bien ce savoir qui a été mis en application d’une manière que je n’avais pas envisagée pour créer l’Impossible Burger…</p>
<h2>La « léghémoglobine », qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>Ce sandwich contient un ingrédient extrait du soja : la léghémoglobine. Il s’agit d’une protéine liée chimiquement à une molécule non-protéique, l’hème, qui donne à la léghémoglobine <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC177968/">sa couleur rouge vif</a>. En fait, l’hème contient du fer, qui est aussi à l’origine de la couleur du sang et de la viande rouge. D’un point de vue évolutionnaire, la léghémoglobine se rapproche de la myoglobine animale, que l’on trouve dans les muscles, et de l’hémoglobine du sang. Elle sert à réguler l’approvisionnement des cellules en oxygène.</p>
<p>La léghémoglobine donne à l’Impossible Burger l’apparence, l’odeur à la cuisson et la saveur du bœuf. J’ai fait appel à un collègue scientifique de Saint Louis pour goûter l’Impossible Whopper, et il n’a pas pu le distinguer de la version contenant de la viande. Il a toutefois nuancé ce constat en indiquant que les ingrédients contenus dans cette préparation contribuaient peut-être à masquer la différence.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268224/original/file-20190408-2901-1xkdicv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=521&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Coupe transversale d’un nodule de racine de soja. La couleur rouge est due à la léghémoglobine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.microscopemaster.com/rhizobium.html#gallery[pageGallery]/0/">CSIRO</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>À ce stade émerge une première question : pourquoi les plants de soja ne sont-ils pas rouges ? On trouve également de la léghémoglobine dans de nombreuses légumineuses, d’où son nom. Elle est particulièrement abondante dans certaines structures spécifiques, les nodules, qui se développent sur les racines. Si vous fendez un de ces nodules avec l’ongle, vous verrez que l’intérieur est <a href="https://www.agronomy.org/science-news/fixing-soybeans-need-nitrogen">rouge vif, à cause de la léghémoglobine</a>. Les nodules du soja se forment en réaction à la présence de la bactérie symbiotique <em>Bradyrhizobium japonicum</em>.</p>
<p>J’imagine que le <a href="https://impossiblefoods.com/heme">site Internet</a> d’Impossible Foods montre du soja dépourvu de nodules parce que la plupart des gens sont dégoûtés par les bactéries, même si la <em>Bradyrhizobium</em> est bénéfique pour l’homme.</p>
<p>Dans <a href="https://medicine.buffalo.edu/faculty/profile.html?ubit=mrobrian">mon groupe de recherche</a>, nous nous intéressons à la relation symbiotique entre le soja et son alliée bactérienne, <em>Bradyrhizobium japonicum</em>, dans le but de réduire l’empreinte carbone de l’espèce humaine, mais pas en créant de délicieux burgers sans protéines animales.</p>
<p>En effet, les bactéries présentes dans les nodules des racines absorbent l’azote de l’air et le transforment en nutriment dont la plante se sert pour se développer. On appelle ce processus la fixation biologique de l’azote. La symbiose entre plantes et bactéries permet de se passer d’engrais chimiques azotés, qui consomment énormément d’énergie fossile et polluent l’eau.</p>
<p>Certains groupes de recherche étudient la possibilité d’étendre cette symbiose à des cultures comme le maïs ou le blé en <a href="https://doi.org/10.1128/AEM.01055-16">les modifiant génétiquement</a> pour obtenir les bénéfices de la fixation de l’azote dont seules certaines plantes, y compris les légumineuses, sont pour l’instant capables.</p>
<p>Je suis heureusement surpris et quelque peu amusé de constater que des termes de jargon aussi hermétiques qu’hème et léghémoglobine sont passés dans le langage courant et se retrouvent jusque sur l’emballage d’un sandwich !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268177/original/file-20190408-2905-1exxbes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les nodules racinaires se trouvent sur les racines des légumineuses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/nodules-soybean-346114349?src=MiMFs-Cw09sJ7EU3JaG86Q-1-7">Kelly Marken/Shutterstock</a></span>
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<h2>Bio ou pas bio ?</h2>
<p>La léghémoglobine est l’ingrédient phare de l’Impossible Burger, mais c’est aussi un additif dont les consommateurs avertis veulent s’assurer qu’il est bio, sans OGM ou encore vegan.</p>
<p>La léghémoglobine utilisée dans les burgers provient d’une levure génétiquement modifiée qui contient la séquence ADN permettant au soja de fabriquer la protéine. Or introduire le gène du soja dans la levure en fait un OGM. Selon la Food and Drug Administration, l’organisme américain chargé du contrôle des produits alimentaires, la <a href="https://www.fda.gov/downloads/Food/IngredientsPackagingLabeling/GRAS/NoticeInventory/UCM620362.pdf">léghémoglobine de soja</a> est « généralement considérée sans danger ». Néanmoins, le département de l’Agriculture <a href="https://www.ams.usda.gov/publications/content/can-gmos-be-used-organic-products">interdit d’accorder le label « biologique »</a> aux aliments contenant des OGM. Il est ironique de constater qu’une innovation qui pourrait être respectueuse de l’environnement et participer au développement durable est aussi rapidement mise au placard par des organisations qui déclarent partager ces objectifs.</p>
<p>Tous les vegans n’approuvent pas ce nouveau burger. Certains affirment qu’un produit contenant des OGM ne peut être vegan pour diverses raisons, dont les <a href="https://www.nongmoproject.org/blog/tag/vegan/">expériences menées sur des animaux</a> pour évaluer les effets de la léghémoglobine sur la santé. De mon point de vue, ce principe moral peut être contesté, car il ne prend pas en compte le bétail épargné. D’autres vegans voient dans les <a href="http://www.vegangmo.com/vegan-gmo-mission">OGM la solution à des problèmes</a> qui leur tiennent à cœur.</p>
<p>À en juger par son site Internet, <a href="https://impossiblefoods.com/heme">Impossible Foods</a> est pleinement conscient des différents groupes de consommateurs dont l’opinion sera déterminante pour le succès de son produit. Le site inclut un lien vers une publication décrivant la façon dont les <a href="https://medium.com/impossible-foods/how-gmos-can-save-civilization-and-probably-already-have-6e6366cb893">OGM vont nous permettre de sauver la planète</a>. Mais l’entreprise affirme aussi qu’elle utilise de l’hème « directement issu de plantes ». C’est faux. En réalité, cette molécule provient de la levure.</p>
<p>La commercialisation de la léghémoglobine est une conséquence imprévue de l’intérêt des chercheurs pour ce fascinant processus biologique. Les bénéfices potentiels d’une découverte scientifique ne sont souvent pas envisagés sur le moment. Que l’Impossible Burger soit ou non un succès commercial à grande échelle, la technologie alimentaire continuera d’évoluer pour s’adapter aux besoins de l’humanité, comme elle l’a toujours fait depuis les débuts de l’agriculture, il y a 10 000 ans.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr/">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116240/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mark R. O’Brian a reçu des financements du National Institutes of Health.
</span></em></p>Proposer un burger végétal dont l’apparence, le goût et l’odeur ressemblent à s’y méprendre à du bœuf, tel est le défi qu’entend relever la start-up Impossible Foods.Mark R. O'Brian, Professor and Chair of Biochemistry, Jacobs School of Medicine and Biomedical Sciences, University at BuffaloLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1120392019-03-06T18:50:01Z2019-03-06T18:50:01ZDe la controverse scientifique au débat de société<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/262449/original/file-20190306-100790-1r4dumo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C12%2C4288%2C2830&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les bibliothèques universitaires sont remplies de controverses. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/PdDBTrkGYLo">Photo by Alex Block on Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la fin des années 1980, les chercheurs s’intéressaient à la régulation du cycle cellulaire : comment et grâce à quelles molécules les cellules grossissent, dupliquent leurs constituants et se divisent. Ils avaient déjà de nombreuses données sur la duplication de l’ADN, mais à peu près aucune sur la duplication d’un constituant essentiel à la division de la cellule, le <a href="http://science.sciencemag.org/content/335/6067/422.long">centrosome</a>, constitué de deux cylindres de protéines : les centrioles, et d’un matériel fibrillaire et granulaire autour (figure ci-dessous).</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262438/original/file-20190306-100793-c504kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un centrosome, constitué de deux cylindres protéiques (en coupe en microscopie électronique). Chaque centriole mesure 0,5 micromètre de longueur.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cet organite cellulaire, conservé au cours de l’évolution, <a href="https://ac.els-cdn.com/0014482784904427/1-s2.0-0014482784904427-main.pdf?_tid=cd037697-02c2-447b-bb89-ebb47afa3f2e&acdnat=1550831906_6654ab1978e1955bf42abb5b0dca4dc7">se duplique comme l’ADN</a> une fois par cycle, les deux centrosomes formant ainsi les pôles de la cellule en division.</p>
<p>L’analogie du mode de duplication du centrosome avec la duplication de l’ADN d’une part, et la présence d’ADN dans les mitochondries et les chloroplastes, d’autre part, avait conduit des chercheurs à imaginer un <em>ADN centriolaire</em> spécifique localisé au centre des centrioles, et capable de produire les messagers moléculaires responsables de la construction d’un centrosome à chaque cycle.</p>
<p>Ainsi, en 1989, faisant la couverture de la plus importante revue scientifique de biologie, <em>Cell</em>, <a href="https://ac.els-cdn.com/0092867489908751/1-s2.0-0092867489908751-main.pdf?_tid=410b27a7-c9a8-4b4b-a10d-2a176b4210fb&acdnat=1550831979_c8a1aee525c09c25643b02172fa6627f">John Hall et ses collègues</a> publiaient des résultats montrant la présence d’ADN dans les centrioles/corps basaux d’une algue biflagellée.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=789&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=789&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=789&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=992&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=992&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262437/original/file-20190306-100799-11y8qpx.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=992&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Couverture de la revue.</span>
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<p>La petite communauté était en émoi. Quelques mois plus tard, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/2386994">deux séries de travaux</a> montraient qu’aucun ADN n’était présent au sein de ces structures. Les marquages spécifiques de l’ADN, montrés en microscopie à fluorescence, pouvaient correspondre à des « artefacts », des mirages dus la plupart du temps à des protocoles expérimentaux légèrement biaisés ou des interprétations un peu rapides.</p>
<p>Bien évidemment, si l’environnement de quelques chercheurs jeunes et moins jeunes de l’époque avait été agité, provoquant excitation, échanges et débats, le grand public n’avait pas eu vent de l’affaire. Il s’agissait d’une simple et pure controverse scientifique qui restait cantonnée aux laboratoires de recherche spécialisés et qui s’éteindrait rapidement avant la fin du vingtième siècle. À ma connaissance, aucun chercheur aujourd’hui n’aurait l’outrecuidance de parler d’ADN centriolaire !</p>
<p>Les controverses scientifiques concernent le plus souvent les recherches expérimentales. En sciences humaines, on peut ne pas être d’accord sur un argument, sur une hypothèse ou sur une démonstration.</p>
<p>En sciences biologiques, et c’est ce qui fait la spécificité et probablement la véracité ne serait-ce que passagère des sciences expérimentales, c’est que les arguments sont basés sur des résultats d’expériences (les fameuses « manips ») qui elles-mêmes font l’objet de protocoles précis et normalement reproductibles.</p>
<p>Pourtant, nous l’avons vu dans l’exemple plus haut, des chercheurs qualifiés, de bonne foi (je ne parle pas ici de falsification) obtiennent des résultats différents.</p>
<h2>De la controverse scientifique au débat sociétal</h2>
<p>À ce stade, aucune conséquence sociétale n’est envisageable. Les débats ne concernent qu’une poignée de chercheurs dans le monde ! L’appellation et la portée de la controverse changent dès lors qu’elle touche plus largement le monde scientifique et pas seulement un petit groupe de spécialistes, et que les médias, le cas échéant, s’emparent de la problématique. Elle ne reste plus alors purement scientifique, elle s’orne assez rapidement d’arguments sociétaux, souvent liés à des grands thèmes comme l’environnement ou la santé humaine.</p>
<p>On parle alors de controverses socio-techniques ou controverses publiques. On peut citer, en se référant uniquement à des controverses récentes, les OGM (organismes génétiquement modifiés), les ondes électromagnétiques ou les nanotechnologies. Une controverse n’est pas un simple débat, elle naît parce que plusieurs protagonistes interviennent sur le sujet : des chercheurs, des journalistes, des membres d’associations, des politiques, etc. Si elle s’établit, elle met en jeu des questions scientifiques ou technoscientifiques relayées par des questions économiques, éthiques ou juridiques.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/262448/original/file-20190306-100775-1ivmj86.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Akshay Chauhan/Unsplash.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/De4KxjbWvzQ">Photo by Akshay Chauhan on Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ce n’est pas non plus l’équivalent d’une crise. L’histoire de la vache folle, par exemple, dénommée justement « crise de la vache folle » n’a pas pour objet initial une question scientifique dont le résultat ne serait pas partagé par tous. Et de fait, lors de cette crise, la santé publique a été sans cesse évoquée à travers u <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2015-3-page-69.htm">ne controverse</a> qui « met en question les rapports entre action publique, responsabilité politique, expertise biomédicale, intérêts économiques et capacité d’influence du secteur pharmaceutique ».</p>
<h2>Pourquoi étudier les controverses ?</h2>
<p>Étudier les controverses historiques et les controverses actuelles a un intérêt majeur : comprendre que les enjeux scientifiques sont complexes et qu’ils ne relèvent pas simplement d’une suite de résultats linéaires. Une controverse peut être génératrice de débats ou de polémiques mais elle ne se simplifie pas à l’une ou à l’autre. La science est un champ d’observation et de recherches, et pour les sciences expérimentales, une méthodologie expérimentale qui apporte des éléments tangibles aux hypothèses (qui les corroborent ou les infirment).</p>
<p>Malheureusement, la science elle-même est parfois confondue avec les applications technologiques qui en découlent, des résultats scientifiques et des nouvelles connaissances servant à créer de nouvelles applications. En conséquence, le public est perplexe vis-à-vis aussi bien des sciences que des technologies. Et même, comme le formule <a href="https://www.telerama.fr/idees/climat-pesticides-ogm-les-scientifiques-font-le-buzz-ok-dom,136680.php">Jean‑Michel Besnier</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La science est devenue un objet de consommation qui doit nous rendre le service qu’on en attend. C’est-à-dire nous guérir, nous empêcher de vieillir et de mourir, nous permettre de faire naître des enfants correctement. »</p>
</blockquote>
<p>Dans les années 1980, une autre controverse scientifique a diffusé dans les médias car la portée des résultats pouvait changer radicalement le socle scientifique sur lequel repose la plupart de nos données en physique, en chimie et en biologie : il s’agit de la mémoire de l’eau qui, en 1988, a entraîné des réactions vives et parfois passionnelles. Une substance diluée dans des proportions telles qu’il ne restait plus dans l’éprouvette que des molécules d’eau avait encore la capacité de déclencher une réponse cellulaire. Ces résultats étaient aussi étonnants que déroutants. <a href="https://www.nature.com/articles/333816a0">Publiés dans la célèbre revue <em>Nature</em></a>, ils furent mis à mal par la grande majorité des chercheurs de l’époque et, depuis 30 ans, ces activités biologiques à très grandes dilutions n’ont plus défrayé la chronique, à l’exception de quelques équipes qui malgré tout continuent à travailler sur le sujet. Ce qui représente une pierre supplémentaire dans le jardin de l’homéopathie, dont le principe repose sur l’action de substances chimiques… à très grandes dilutions.</p>
<p>Les sujets controversés tels que les OGM, les ondes électromagnétiques ou les nanotechnologies ont le plus souvent une répercussion possible, directe ou indirecte, sur la santé humaine. C’est sur cet aspect que les critiques et les médias s’appuient pour partager des arguments avec le plus grand nombre, à l’occasion d’émissions de radio, de télévision, de presse écrite, etc. De fait, ces sujets influencent les <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid24888-cid78720/la-strategie-nationale-de-la-recherche-definit-les-grandes-priorites-de-la-recherche-francaise.html">actions des décideurs politiques</a>, décident peut-être des priorités et peuvent en conséquence restreindre le champ des sujets de recherche ou des thèmes de recherche, au moins dans les domaines expérimentaux.</p>
<p>Comme le rappelait récemment le biologiste <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/12/15/eric-karsenti-biologiste-au-long-cours_4832341_1650684.html">Eric Karsenti</a> :</p>
<blockquote>
<p>« La créativité vient du flou […] Il faut avoir de l’intuition pour faire de la recherche. »</p>
</blockquote>
<p>Sous-entendu, la recherche ne peut pas être téléguidée par des modes ou des enjeux politiques. Mais c’est une autre histoire, polémiste celle-là !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112039/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Tournier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Connaissez-vous bien les différences entre les termes de controverse, polémique et débat ? On vous explique tout, exemples à l’appui.Frédéric Tournier, Maître de conférences, Responsable du Master Journalisme, culture et communication scientifiques, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1060342018-12-21T00:00:54Z2018-12-21T00:00:54ZLes inquiétants scénarios de la biologie végétale high-tech aux États-Unis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/250201/original/file-20181212-76965-75vdke.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le projet de recherche Insect Allies se focalise sur des plantes d’intérêt agricole comme le maïs.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/scientist-examining-quality-harvested-corn-seed-1211260645">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Modifier génétiquement des plantes par l’action d’insectes porteurs de virus génétiquement modifiés… Loin d’être le scénario d’un film catastrophe, c’est bel et bien le projet de <a href="http://www.fbo.gov/utils/view?id=40638c9e7d45ed8310f9d4f4671b4a7b">Insect Allies</a>, un programme de recherche conduit en ce moment aux États-Unis</p>
<p>Lancé par l’Agence de recherche de l’armée américaine <a href="https://www.darpa.mil/">(Darpa)</a> en novembre 2016, ce programme scientifique de quatre ans est subventionné à hauteur de 27 millions de dollars (la Darpa dispose d’un budget annuel de l’ordre de 2,9 milliards de dollars).</p>
<p>À ce jour, 3 consortiums – formés d’universités et d’instituts de recherches états-uniens – ont déjà annoncé être les récipiendaires de tels contrats de recherche afin de développer des systèmes de dispersion de virus génétiquement modifiés. L’objectif : rendre possible la modification génétique de plantes par des virus modifiés transmis par des insectes et cela en plein champ, au cours même de la saison de culture.</p>
<p>La Darpa est coutumière de ce type de projets exploratoires – que ce soit dans le domaine de l’informatique, de la physique et maintenant dans celui de la biologie. Au cours des années 1960-1970, elle a ainsi développé le réseau Arpanet, que l’on peut considérer comme l’ancêtre d’Internet. Aujourd’hui, elle cherche à développer des projets relatifs au développement d’exosquelettes humains, à la compréhension du fonctionnement des circuits neuronaux et de la mémoire, ou encore au développement de systèmes artificiels d’olfaction capables de détecter des odeurs, comme des armes chimiques par exemple.</p>
<p>Si ces programmes à haut risque présentent un indéniable potentiel scientifique, technologique et souvent économique, Insect Allies s’avère extrêmement préoccupant. C’est ce que nous avons voulu montrer dans <a href="http://science.sciencemag.org/content/362/6410/35">notre article paru</a> le 5 octobre dernier dans la revue <em>Science</em>.</p>
<p>D’un point de vue biologique, on se place ici dans le cadre de modifications génétiques qui ne se transmettent plus « verticalement » – c’est-à-dire de l’organisme parent à son ou ses descendants – comme dans le cas des OGM déjà utilisés en agriculture et créés en laboratoire, mais via un transfert « horizontal » – c’est-à-dire entre individus non nécessairement apparentés et, dans le cas présent, via un insecte vecteur.</p>
<p>Les implications biologiques, sociales, légales, économiques, mais aussi réglementaires d’un tel projet sont très profondes.</p>
<h2>Déploiement à la demande</h2>
<p>C’est principalement dans le domaine de la recherche agricole que la Darpa envisage les retombées de son programme Insect Allies.</p>
<p>Le recours à ces virus – appelés HEGAAs pour <a href="http://web.evolbio.mpg.de/HEGAAs/"><em>Horizontal Environmental Genetic Alteration Agents</em></a> – et leur dispersion dans l’environnement via différentes espèces d’insectes (pucerons, mouches blanches, cicadelles) pourraient permettre de rendre une plante résistante à un pathogène ou plus résiliente face à des conditions climatiques défavorables (sécheresse, gel, inondations, par exemple).</p>
<p>L’originalité de l’approche réside principalement dans le fait que le déploiement d’un tel outil pourrait se faire à la demande, sans besoin d’anticiper les conditions environnementales éventuellement rencontrées au cours d’une saison.</p>
<p>On modifie génétiquement des plantes annuelles (c’est-à-dire une plante dont le cycle de vie, de la germination à la production de graines, ne dure qu’une année), les rendant OGM par la même occasion – et ce même s’il s’agissait de variétés conventionnelles lors du semis – afin de leur apporter le caractère souhaité.</p>
<p>À noter que les travaux sur des espèces utilisées à des fins de recherche, comme les espèces modèles en biologie végétale <em>Arabidopsis thaliana</em> ou encore le tabac, ne sont pas éligibles dans ce programme et qu’ils doivent nécessairement porter sur des plantes ayant un intérêt agricole, comme le riz, la blé, la pomme de terre, le <a href="https://www.eurekalert.org/pub_releases/2017-07/bti-brd072717.php">maïs</a> ou encore la <a href="https://news.psu.edu/story/495037/2017/11/20/research/penn-state-team-receives-7m-award-enlist-insects-allies-food">tomate</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=281&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250199/original/file-20181212-76983-t3omeo.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=352&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Comment les virus HEGAAs se dispersent dans l’environnement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://web.evolbio.mpg.de/HEGAAs/available-illustrations.html">Derek Caetano-Anolles</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un silence inquiétant</h2>
<p>Comment le recours à de telles techniques peut-il être compatible avec les pratiques agricoles habituelles ainsi qu’avec les normes de commerce et de régulation internationales concernant les organismes génétiquement modifiés ?</p>
<p>Sur ces points, la Darpa est assez peu diserte. Il n’y a d’ailleurs pas non plus de débat autour de ces questions, le programme Insect Allies restant très peu connu, y compris chez les experts et les décisionnaires.</p>
<p>Quant à l’autre raison invoquée pour justifier ce programme – soit l’utilisation de cette technique afin de contrer <a href="https://www.darpa.mil/program/insect-allies">« des menaces non spécifiées introduites par des acteurs étatiques et non étatiques »</a> –, elle a vraiment de quoi inquiéter. C’est très clair : ce recours à des virus génétiquement modifiés peut être aussi envisagé comme un outil à vocation défensive dans l’optique de protéger des cultures.</p>
<p>Mais alors, quid de l’exigence d’avoir recours à des insectes pour la dispersion du virus ? Difficile là encore de ne pas sourciller…</p>
<p>Le recours aux insectes est en effet contraignant : il exige la mise en place d’élevages de masse, mais aussi de mesures complémentaires de confinement, une fois ceux-ci relâchés. Que ce soit dans un cadre de la protection agricole ou en réponse à une attaque menaçant l’agriculture états-unienne ou la sécurité alimentaire des États-Unis, on peut supposer que des équipements classiques de pulvérisations seraient bien plus rapides à mobiliser.</p>
<p>Pourquoi dès lors avoir recours à des insectes pour protéger les cultures si cela reste très compliqué et que des méthodes plus simples existent déjà ?</p>
<p>On ne peut s’empêcher ici de penser que ce recours aux HEGAAS vise en priorité des fins offensives, et que ce programme témoigne d’une volonté de développer des armes biologiques.</p>
<h2>Ouvrir le débat au plus vite</h2>
<p>Si cette supposition se révélait exacte, il y aurait là une violation de la <a href="https://www.un.org/disarmament/fr/amd/armes-biologiques/">Convention sur l’interdiction des armes biologiques</a>. Cette dernière, signée en 1972, compte aujourd’hui 180 États membres, dont les États-Unis. Elle interdit le développement, la production et le stockage et l’utilisation d’armes biologiques. Il apparaît évident qu’utiliser des insectes pour propager des virus infectieux pourrait enfreindre l’<a href="https://www.unog.ch/80256EDD006B8954/(httpAssets)/FAE599236E2A9DA9C125718800485329/$file/BWC-text-French.pdf">article premier</a> de la convention, ceux-ci pouvant en effet être considérés comme des « vecteurs destinés à l’emploi de tels agents ou de toxines à des fins hostiles ou dans des conflits armés ».</p>
<p>Aujourd’hui, le manque de justifications solides pour ce programme et ses intentions pacifiques sont un bien mauvais signal. Cela pourrait en effet conduire d’autres pays à développer leurs propres armes biologiques.</p>
<p>Face à l’échéancier relativement court (4 ans) du programme Insect Allies, à ses réalisations prévues et à sa dualité (ce programme pouvant être aussi bien utilisé défensivement qu’offensivement), il semble urgent qu’un débat constructif s’engage rapidement pour considérer les aspects scientifiques, sociaux, légaux de ce type de recherche. Et établir une réglementation qui ne soit pas obsolète à chaque innovation…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Boëte ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Développé outre-Atlantique, le programme Insect Allies fait craindre la mise au point d’armes biologiques.Christophe Boëte, Chargé de recherche, ISEM, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1080132018-12-02T20:40:54Z2018-12-02T20:40:54ZCRISPR : construire des normes pour rattraper la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/248282/original/file-20181202-194941-1pq1phu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La Chine fait partie des Etats qui peuvent faire évoluer leur position vis-à-vis de l'édition du génome très rapidement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/remkotanis/8165953012/in/photolist-drADkj-2cntifm-oeZbgb-gCs3xS-drACRj-drACJm-naBDJU-owN14x-acgz9w-dTs9mE-jzv3K5-6CugUE-bffzjP-oEmstg-267wj8N-8Ps2vb-dVwhpV-ba15h6-pV8GVy-SNKSsf-drAEHC-TZV7T9-e3qJZ2-pH9W6M-7a7zy9-drAEPA-jsGuSW-jppFxW-d9Umbe-dxJ12d-imDGgY-a5jtbm-Vd8Z9S-dXqbsw-owczFF-n1nQva-dxt6Pn-ownFjt-i2z2X2-i2wDoj-VkVYd7-drAAV7-9dCNBf-fP6QMy-gb7jCe-2aUszhq-a8FufC-q1Trt2-oeSTK8-epchFx">Flickr/Remko Tanis</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/un-scientifique-chinois-a-t-il-fait-naitre-les-premiers-bebes-crispr-107619">naissance de Lulu et Nana</a>, si elle est définitivement confirmée et bien de la nature décrite par le chercheur chinois qui a organisé leur conception, ouvre un large champ de possibilités pour le futur. Les technologies biomédicales reposant sur les <a href="https://www.france-science.org/Les-nucleases-de-fabuleux-outils.html">nucléases</a> qui ont permis cette prouesse, dont CRISPR-Cas9 mais aussi les TALEn et les « Doigts de Zinc », ont un très large domaine d’intervention. Être capable d’intervenir de façon précise sur l’ADN ou l’ARN, éléments fondamentaux et constitutifs du vivant, c’est changer notre rapport au corps, aux soins et à la santé.</p>
<p>Cette transformation se fera dans les esprits avant d’être déployée par la puissance publique. Non pas que les États soient contre l’innovation médicale : ils sont bien souvent les premiers à en être demandeurs, en particulier lorsque ces techniques permettent de combattre les affections de longue durée (ALD), coûteuses pour les systèmes de santé. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale, <a href="http://www.securite-sociale.fr/-LFSS-2019-">PLFSS 2019</a>, actuellement en discussion au Sénat, prévoit ainsi dans son article 29 de compléter le dispositif d’expérimentation ouvert en 2018 pour « l’innovation du système de santé ». Près de 370 projets auraient déjà été déposés, et l’élargissement doit ouvrir la porte au soutien de projets encore plus ambitieux. Pour autant, le cadre actuel des recherches sur l’embryon en France ne permettra pas d’y faire naître les prochaines thérapies géniques <em>in vitro</em>, à moins que la révision de la loi de bioéthique devant intervenir au cours de l’année 2019 ne change radicalement la donne.</p>
<p>Les modifications génétiques sur le vivant ne sont pas pour autant un objet politique non identifié. Des décennies de débats sur les OGM (organismes génétiquement modifiés, désignant dans le langage courant des produits agricoles dont certains gènes ont été insérés par des techniques de génie génétique) ont structuré un fort clivage sur ces questions.</p>
<p>L’arrivée des OGM constitue en effet la première rupture qui a politisé l’intervention sur le génome. La promotion organisée, beaucoup plus ancienne, de certains caractères phénotypiques, n’avait pas fait de tels débats. La banane et la pastèque, parmi bien d’autres, ont fait les frais d’une sélection peut-être plus utile à notre stratégie évolutive qu’à la leur. Les technologies et infrastructures biologiques et politiques capables d’intervenir sur les gènes ne sont donc pas nouvelles en elles-mêmes.</p>
<p>C’est le niveau de leur intervention qui est en train de changer quand on passe de la sélection à la précision, du plasmide à la nucléase, du maïs au grand primate. La technologie de gouvernement des modifications du vivant doit évoluer en conséquence.</p>
<h2>Ambiguïté chinoise</h2>
<p>Certains pays sont en avance sur d’autres sur ces sujets. Alors que les Européens ont toujours été précautionneux, la Chine avance à grands pas. Elle n’y a pas toujours été ouverte. Mais un signal important a été donné en 2013, lorsque Xi Jinping, président chinois, a livré lors d’un discours de politique agricole sa propre expérience du début des années 1960, époque de disette qui est restée traumatique dans l’histoire politique de la RPC.</p>
<p>C’est un sujet politique sensible : la Chine posséderait dans ses greniers une « réserve stratégique » de grain pour les cas d’urgence deux fois plus importante que ce qui serait considéré comme suffisant par les autres pays (six mois au lieu de trois).</p>
<p>En 2015, <a href="https://www.economist.com/china/2016/04/23/gene-policy-transfer">3,7 millions d’hectares de cultures transgéniques</a> (dont beaucoup de coton) étaient cultivés sur le sol chinois. La culture du maïs transgénique, parfois importé des États-Unis, reste problématique. La structure institutionnelle chinoise, portée par une conception de la séparation des pouvoirs étrangère à la nôtre et qui laisse peu de place à certaines formes de contestation sociale, permet parfois d’avancer vite sur des sujets considérés comme stratégiques.</p>
<p>Le passage de la modification génétique à l’humain sera peut-être d’autant plus facile que la forte présence de l’État dans la reproduction est déjà intériorisée pour une bonne partie de la société chinoise. Des années de politique de l’enfant unique ont fait de la notion de « planning familial » une mécanique d’invasion de l’intimité procréatrice.</p>
<p>La modification de cette politique en 2016 n’a pas entraîné de rebond massif de natalité : l’idée de l’enfant unique « qualitatif », bénéficiant de la totalité de l’investissement familial dans son éducation, dans sa santé et dans la réalisation de son potentiel futur, semble fermement ancrée dans toute une partie de la société, notamment urbaine. Dans ce cadre, faire en sorte que l’enfant à naître soit issu d’un embryon dont on aura sélectionné, modifié ou promu certains variants ne serait qu’un maillon de plus dans une longue chaîne. Le généticien Georges Church aurait commencé la liste des gènes à explorer, parmi lesquels se trouve CCR5 (Lulu serait homozygote sur le variant delta 32 de ce gène, ce qui lui conférerait une immunité innée à un certain type de VIH).</p>
<p>Dans un tel contexte, si d’autres nations incorporent dans leurs schémas de planning familial ces nouvelles technologies de procréation, il nous sera difficile de rester en arrière par rapport à une certaine idée que l’on peut se faire de l’évolution. Ce serait même insupportable pour des parents porteurs de variants pouvant provoquer des <a href="https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/quatre_pages/4p_maladies_monogeniques_juin2011.pdf">maladies monogéniques</a> graves de devoir se résoudre à prendre le risque de faire naître des enfants malades alors que la technologie pouvant les faire naître en meilleure santé existe dans d’autres pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108013/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p>Les États ont déjà légiféré pour s’adapter à la création des plantes OGM. Comment vont-ils réagir à des humains génétiquement modifiés ?Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1076192018-11-26T10:45:12Z2018-11-26T10:45:12ZUn scientifique chinois a-t-il fait naître les premiers bébés CRISPR ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/247246/original/file-20181126-140540-calk72.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Embryons avec huit cellules. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nature.com/articles/nature23305">DOI:10.1038/nature23305</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« La Chine a la réputation d’aller vite – parfois trop vite – avec CRISPR. »<br>
<a href="https://www.nature.com/news/chinese-scientists-to-pioneer-first-human-crispr-trial-1.20302">Tetsuya Ishii</a>, spécialiste de la bioéthique à l’université de Hokkaido.</p>
</blockquote>
<p>Selon les <a href="https://www.technologyreview.com/s/612458/exclusive-chinese-scientists-are-creating-crispr-babies/">informations du <em>MIT Technology Review</em></a>, une équipe chinoise serait sur le point de révéler avoir réimplanté des embryons humains modifiés par <a href="https://www.france-science.org/Les-nucleases-de-fabuleux-outils.html">nucléases</a>, en l’occurrence de type CRISPR. L’annonce pourrait en être faite demain, au deuxième sommet international sur l’édition du génome humain, à Hong Kong. De quoi s’agit-il ? D’un <a href="http://www.chictr.org.cn/showprojen.aspx?proj=32758">essai clinique</a> visant à modifier le gène CCR5, dans le but d’immuniser une personne contre le virus du sida, le VIH.</p>
<p>L'annonce a provoqué le trouble, c'est le moins que l'on puisse dire. <a href="http://sustc.edu.cn/en/info_focus/2871">Dans un communiqué</a>, l'université Southern University of Science and Technology qui emploie le chercheur Jiankui He responsable de l'expérimention le dénonce : l'Université n'était pas au courant; les recherches se sont déroulées hors du campus et il s'agit, pour les responsable de l'institution d'une affaire d'inconduite scientifique qui ne restera pas sans réactions. Il semblerait aussi que l'Académie des sciences se retire du sommet sur le génome humain.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1067025363132387330"}"></div></p>
<h2>Des fœtus à l’immunité transformée</h2>
<p>Ce n’est <a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs10815-016-0710-8">pas la première fois</a> qu’une équipe chinoise utilise la <a href="https://theconversation.com/crispr-cas9-comment-modifier-les-genomes-va-changer-la-societe-66320">technologie d’édition des génomes CRISPR-Cas9</a> pour cibler ce gène particulier. En effet, certaines personnes ayant un profil génétique particulier (on dit qu’elles sont homozygotes sur l’allèle CCR5 Delta 32), génèrent des globules blancs (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Leucocyte">leucocytes</a>) dont la surface n’est pas atteignable par certains virus, dont celui du sida. L’enjeu de ces recherches est donc de faire naître des enfants disposant d’une immunité innée à ces maladies.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aZ5oHoypaJM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Technologie CRISPR : attention aux idées reçues.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette nouvelle fracassante est une brusque accélération dans une controverse à la fois économique et éthique qui oppose la Chine à l’Occident au sujet d’une technologie qui va sans aucun doute révolutionner l’agriculture, la médecine, et peut-être l’espèce humaine. Le débat s’est échappé des laboratoires depuis plusieurs années. Le <em>New York Times</em> <a href="https://www.nytimes.com/2015/06/30/science/a-scientific-ethical-divide-between-china-and-west.html.">titre ainsi</a> dès 2015 : « Un fossé éthique scientifique entre la Chine et l’Occident » et cite Yi Huso, du Centre pour la Bioéthique de l’Université chinoise de Hong Kong : « Les gens disent qu’ils ne peuvent pas arrêter le train de la génétique en Chine parce qu’il va trop vite ».</p>
<p>Au-delà des fantasmes, que peut-on dire aujourd’hui de précis ? Il ne faut tout d’abord pas projeter de stéréotypes sur l’exemple chinois. L’<a href="https://doi.org/10.1155/2013/934567">utilisation des embryons surnuméraires</a> en Chine n’est pas plus libérale en Chine qu’aux États-Unis, voire qu’en France. En moyenne, 83 % des couples chinois ayant recours à la FIV décident de garder les embryons entre 0 et 3 ans après avoir eu des enfants, là où 62 % des couples américains gardent leurs embryons entre 0 et 5 ans après un accouchement. En France, l’Agence de Biomédecine <a href="https://www.agence-biomedecine.fr/IMG/pdf/rapport_complet_lbe_2017_vde_f_12-01-2018.pdf">rappelle</a> qu’en 2015 sur 220 000 embryons congelés, 20 000 embryons surnuméraires étaient proposés par les couples à la recherche, dont moins de 10 % avaient effectivement été utilisés.</p>
<h2>Course au génome</h2>
<p>La technologie CRISPR appliquée à ces embryons a entraîné une course technologique au « genome editing » entre grandes puissances scientifiques. Carl June, professeur d’immunothérapie à l’Université de Pennsylvanie, la compare à la rivalité entre les États-Unis au temps de la conquête de l’espace au milieu des années 1950 : « Je pense que cela va déclencher un <em>Spoutnik 2.0</em>, un duel biomédical sur le progrès entre la Chine et les États-Unis, ce qui est important parce que la compétition améliore généralement le produit final ».</p>
<p>Ces progrès ne se font pas <em>deus ex machina</em>. La Chine investit en effet massivement dans le secteur des sciences de la vie depuis plus de 20 ans. Le Neuvième Plan Quinquennal (1996-2001) <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/15583678">mentionne</a> déjà l’importance des biotechnologies. Le plan actuel (<a href="http://www.gov.cn/zhengce/content/2016-08/08/content_5098072.htm">Treizième Plan Quinquennal</a>) est encore beaucoup plus explicite. Il contient une section dédiée au développement des biotechnologies efficaces et avancées (发展先进高效生物技术) et liste parmi les secteurs clefs les « technologies d’édition du génome » (基因编辑技术) comme moyens de « placer la Chine à la frontière de l’innovation en biotechnologie et de devenir tête de file dans la compétition internationale dans ce secteur » (提升我国生物技术前沿领域原创水平,抢占国际生物技术竞争制高点).</p>
<p>La recherche sur l’embryon est encadrée en Chine par un <a href="http://www.most.gov.cn/fggw/zfwj/zfwj2003/200512/t20051214_54948.htm">texte</a>, les « règles éthiques pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines », publié en 2003 par les ministères des Sciences, Technologies et de la Santé. L’article 3.9 interdit en théorie la réimplantation d’un embryon génétiquement modifié dans un but reproductif. Si ses termes sont largement inspirés des standards internationaux, l’article 11 précise que l’interprétation de ce texte se fait par les administrations des ministères en charge, et qu’elle précède sa mise en œuvre. La valeur de ce texte dans la hiérarchie des normes est difficile à situer, notamment du fait du système institutionnel qui entre en jeu pour toutes ces questions.</p>
<p>En théorie, trois acteurs sont importants dans le système politique de recherche et d’application en matière biomédicale en Chine : le ministère des Sciences et Technologies, le ministère de la santé, et l’agence de sécurité sanitaire (chargée de l’alimentation, des médicaments et des cosmétiques). En réalité cependant, d’autres acteurs ont une présence forte. Les régions sont chargées d’interpréter et de faire respecter les « recommandations » émises par les ministères, parfois avec des variations assez importantes, comme cela a été le cas avec les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00694096/document">cellules souches</a>. L’Académie nationale chinoise de médecine est aussi une institution puissante, qui dispose d’un maillage d’hôpitaux, de facultés et de laboratoires sur tout le territoire chinois.</p>
<p>Un facteur de taille vient aussi ajouter à cette complexité, celui de la recherche militaire. Les facultés de médecine et hôpitaux militaires sont gérés par la section santé du département général de la logistique de l’Armée Populaire de Libération (APL). Ce département serait quasi-souverain pour interpréter et mettre en œuvre les recommandations nationales formulées par les ministères. Cette latitude, et la capacité de l’APL à travailler avec le secteur privé sur des enjeux de frontière technologique, <a href="https://www.wsj.com/articles/china-unhampered-by-rules-races-ahead-in-gene-editing-trials-1516562360">s’est déjà révélé</a> avec l’usage de CRISPR <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ex_vivo">ex vivo</a> dans le cadre d’essais cliniques.</p>
<p>Le <em>Wall Street Journal</em> a ainsi révélé en janvier 2018 que 86 patients ont subi une intervention par nucléase CRISPR. Le Dr. Wu, président du centre de cancérologie de l’hôpital de Hangzhou et interviewé par le WSJ pour cette enquête, explique que ses patients sont atteints de cancers en phase terminale : CRISPR est « à double tranchant […] si nous n’essayons pas, nous ne saurons jamais ». Mais cette intervention n’était, toujours selon cet article, pas la première. Une startup chinoise, Anhui Kedgene Bioetchnology, aurait convaincu l’hôpital de l’Armée Populaire de Libération numéro 105, dans le Hefei, de tenter des thérapies anticancéreuses ex-vivo basées sur CRISPR.</p>
<p>Dans le monde occidental, c’est le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Nuffield_Council_on_Bioethics">Nuffield Council on Bioethics</a> qui a le mieux pris la mesure des enjeux institutionnels et politiques de l’édition du génome humain <em>in-vitro</em>. Son dernier rapport sur la question s’accompagne d’une <a href="http://nuffieldbioethics.org/wp-content/uploads/Background-paper-GEHR.pdf">publication</a> dédiée à la gouvernance de ces enjeux en Chine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=546&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/247220/original/file-20181126-140531-2f0292.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=686&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Analyse topographique des participations au chapitre « Examens génétiques et médecine génomique » de la plateforme en ligne mise en place par le Comité National Consultatif d’Éthique français en 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Guillaume Levrier</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En France, ce sujet se situe en creux des Etats généraux de la bioéthique, un des neufs chapitres mentionnant les « ciseaux génétiques ». L’analyse préliminaire des résultats de la consultation organisée en ligne par le Conseil consultatif national d’éthique semble montrer que la société française est encore très clivée sur ces sujets. Si les différents sondages peinent à rendre compte de l’existence d’un consensus sur des questions dont les enjeux sont trop peu vulgarisés pour être clairement débattus, cette consultation indique que des groupes sociaux très structurés se sont emparés de ces questions et se préparent à livrer bataille sur le plan politique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/107619/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Levrier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p>Une équipe chinoise devrait annoncer demain l’implantation d’embryons humains au génome édité par la technologie CRISPR. Premiers bébés génétiquement modifiés.Guillaume Levrier, Doctorant - CEVIPOF (Centre de recherches politiques de Sciences Po), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/841012017-10-15T19:51:13Z2017-10-15T19:51:13ZLe coton génétiquement modifié a profité à l’Inde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189412/original/file-20171009-6960-7rhmpl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Moissonnage industriel d'un champ de coton </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.depositphotos.com/44297871/stock-photo-cotton-fields.html">Casadaphoto</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le coton, matière première agricole non alimentaire, est fort consommateur d’eau et de produits chimiques. En effet, sa production dépend de la vigueur de la plante et de l’intégrité du fruit : une capsule où se forment les graines qui sont récoltées avec leurs excroissances de fibres de cellulose.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189809/original/file-20171011-9737-ud5354.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Larves du ver du cotonnier <em>Spodoptera litura</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Amy Carmichael, Queensland University of Technology/Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27253265">nombreux insectes se nourrissent du cotonnier</a> mais les ravageurs les plus importants sont des <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/lepidopteres/">lépidoptères</a> comme le ver du cotonnier <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Spodoptera_litura"><em>Spodoptera litura</em></a> qui attaque les feuilles et les fruits et la noctuelle de la tomate <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Noctuelle_de_la_tomate"><em>Helicoverpa armigera</em></a> ou le ver rose du cotonnier <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Pink_bollworm"><em>Pectinophora gossypiella</em></a> dont les chenilles perforent les fruits.</p>
<p>Aussi, il y a une trentaine d’années, cette culture était la plus grosse consommatrice d’insecticides : 25 % de la production mondiale de matières actives alors que le cotonnier, avec 34 millions d’hectares (ha) en 1992-1993 n’occupait que 2,5 % environ des surfaces cultivées.</p>
<h2>Insectes résistants, producteurs au bord du gouffre</h2>
<p>Les applications de fortes doses d’insecticides hautement toxiques n’ont pas suffi à obtenir des récoltes correctes : de lourdes infestations d’insectes nuisibles ont fait baisser les rendements mondiaux. Des précipitations irrégulières ont aggravé le problème. <a href="https://www.researchgate.net/profile/Michael_Cohen10/publication/242369619_The_Use_of_Genetically-Modified_Crops_in_Developing_Countries/links/53f205300cf2bc0c40e6fc3d/The-Use-of-Genetically-Modified-Crops-in-Developing-Countries.pdf">Les conséquences ont été dramatiques</a>, notamment en Inde : les cultivateurs de cotonnier extrêmement endettés des États d’<a href="http://www.epw.in/journal/1998/13/special-articles/suicides-cotton-farmers-andhra-pradesh-exploratory-study.html">Andra Pradesh</a> et du Warangal sont victimes en 1997 et 1998, d’une <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00220388.2010.492863">vague tragique de suicides</a>, respectivement 400 et 600 morts.</p>
<p>Les insecticides érodent la marge des producteurs, les ravageurs sont devenus résistants aux traitements, alors que leurs prédateurs naturels insectes continuent d’être éliminés, privant même les fermiers d’un certain niveau de contrôle biologique naturel. Alors que les cotonniers transgéniques <em>Bt</em> ne sont pas encore cultivés, certains anticipent déjà la campagne médiatique qui attribuera les suicides ultérieurs des paysans indiens à la culture des OGM, campagne menée en particulier par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vandana_Shiva">Vandana Shiva</a>, opposante charismatique aux technologies.</p>
<h2>Cotonniers transgéniques</h2>
<p>La bactérie du sol <em>Bacillus thuringiensis</em> fut découverte au début du XX<sup>e</sup> siècle suite à des ravages qu’elle produisit dans des élevages de ver à soie au Japon. Il existe de nombreuses souches qui produisent différentes protéines (protéines Bt), toxiques spécifiquement pour des lépidoptères, d’autres pour des coléoptères, d’autres pour des diptères. Des préparations de spores obtenues par culture de ces bactéries et riches en protéines Bt sont commercialisées et utilisées en lutte biologique contre les chenilles depuis les années 1960.</p>
<p>La modification génétique du coton a consisté en l’insertion dans le génome des cotonniers des gènes responsables de la production des protéines Bt. Ils ont été cultivés en Inde pour la première fois en 2002, sur une surface réduite de 50 000 ha, alors que la surface totale dévolue à cette culture était de 8,4 millions d’ha. La culture des cotonniers Bt progressa <a href="https://www.isaaa.org/resources/publications/biotech_crop_profiles/bt_cotton_in_india-a_country_profile/download/Bt_Cotton_in_India-A_Country_Profile.pdf">très rapidement</a> : 100 000 ha en 2003, 500 000 en 2004, 1,3 million en 2005, 3,8 millions en 2006, 6,5 millions en 2007…</p>
<p>En 2011-2012, 7,2 millions de fermiers cultivaient des cotonniers Bt sur 91 % de la surface totale de 12,2 millions d’ha. Le taux d’adoption était de 96 % en 2016. Les autres grands pays producteurs de coton ont également choisi le coton génétiquement modifié, avec 95 % des surfaces en Chine ; 97 % au Pakistan ; 93 % aux États-Unis en variétés Bt en 2016. <a href="http://www.isaaa.org/resources/publications/briefs/43/download/isaaa-brief-43-2011.pdf">La proportion mondiale dépasse les 60 %</a>.</p>
<h2>Plus d’OGM, moins de pesticides</h2>
<p>L’introduction du cotonnier Bt a conduit à une progression simultanée de l’utilisation des variétés hybrides, elles-mêmes améliorées pour le rendement et dans lesquelles les gènes Bt furent introduits. Depuis 2002, 1 128 variétés hybrides de cotonnier Bt ont été développées par <a href="http://dx.doi.org/10.5772/63798">49 compagnies</a> privées, essentiellement indiennes. En conséquence la production nationale qui était de 1,6 Mt en 2002 sur 8,4 M ha avec un rendement moyen de 190 kg/ha, est passée à 4,9 Mt en 2009 sur 9,4 M ha et était de 5,7 Mt en 2016 sur 11,2 M ha soit un rendement moyen de 509 kg/ha, en deçà du rendement moyen mondial qui est de 715 kg/ha. L’huile de coton extraite des graines devient de ce fait une production relativement importante pour le pays, passant de 0,46 M tonnes en 2002 à 1,5 Mt en 2016, soit près de 20 % de la production oléagineuse nationale qui est de de 8 Mt, toutes espèces confondues.</p>
<p>Si les surfaces nationales ont augmenté, la surface exploitée par chaque agriculteur est restée faible : en 2009, 2,64 ha en moyenne pour Le Penjab, avec un rendement de 564 kg/ha et 0,52 ha pour le Tamil Nadu, avec un rendement de 780 kg/ha. La moyenne nationale est de 1,5 ha. Ces faibles surfaces individuelles expliquent que la production nationale repose sur près de 8 millions de fermiers.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/189820/original/file-20171011-9777-1bcxokm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Récolte manuelle du coton en Inde dans l'État d'Andhra Pradesh.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Cotton_picking_in_India.jpg">Claude Renault/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À mesure que les surfaces en cotonnier Bt ont progressé pour se généraliser, l’utilisation d’insecticides a suivi un chemin inverse : de 1,54 kg/ha en 2002, elle n’était plus que de 0,53 kg/ha en 2006, pour remonter depuis à 0,99 kg/ha en 2013 avec la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27253265">recrudescence d'autres familles d'insectes</a> comme les aleurodes, les cicadelles (jassid du coton) et les thrips, insensibles à la protéine Bt, et dans le même temps soumis à une moindre pression des insecticides. <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0167779916000032">Certains pays</a>, moins soumis aux attaques des insectes ravageurs, n’ont pas de raisons d’utiliser pour le moment des variétés de cotonnier Bt.</p>
<p>Bien que les cultures génétiquement modifiées aient fait l’objet d’un débat, l’introduction des variétés Bt en Inde, a contribué à faire évoluer les pratiques et les technologies, a permis de multiplier par plus de 3,5 la production entre 2002 et 2016. Importateur depuis 1998, le pays devient exportateur net à partir de 2005 et exporte 1,9 Mt en 2011. Selon les <a href="http://dx.doi.org/10.1787/agr_outlook-2016-14-fr">projections de la FAO</a> les rendements devraient progresser de 1,6 % par an jusqu’en 2025 et la superficie consacrée à cette culture augmenter encore. L’Inde s’arroge désormais la plus grande part des gains attendus jusqu’en 2025 de la production mondiale de coton : alors en première place, elle devrait fournir à elle seule et avec 8,2 Mt, 30 % de cette production.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/84101/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Georges Pelletier est membre de l' Association Française des Biotechnologies Végétales (AFBV)
Directeur de recherche honoraire de l'Institut National de Recherche Agronomique (INRA)
Membre de l'Académie des sciences
Membre de l'Académie d'Agriculture de France</span></em></p>L’introduction de cotonniers génétiquement modifiés résistant aux insectes ravageurs, bien que contestée, a permis à l’Inde de réduire sa consommation d’insecticides et d’augmenter sa production.Georges Pelletier, Directeur de Recherche honoraire en génétique végétale, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/852342017-10-06T13:07:29Z2017-10-06T13:07:29ZPodcast : La biologie de synthèse, science 2.0<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/189020/original/file-20171005-9797-17angeh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">ADN.</span> <span class="attribution"><span class="source">Lolita8fotos/FlickR</span></span></figcaption></figure><p><strong>Deshmukh Gopaul</strong>, directeur de recherches à l'institut Pasteur, s'occupe du programme <a href="http://igem.org/Main_Page">IGEM</a>, un concours international d'outils génétiquement modifiés organisé par le <a href="http://web.mit.edu/">MIT</a>. Il explique la biologie de synthèse comme un assemblage où les gènes remplacent les briques de jeu. </p>
<ul>
<li><em>Jouer à débattre</em> sur la biologie de synthèse avec Deshmukh Gopaul, le 9 octobre de 14h30 à 17h à la BNF (Paris). Une séance organisée avec l’association <a href="http://www.arbre-des-connaissances-apsr.org/">L’Arbre des connaissances</a> dans le cadre de la Fête de la science du 7 au 15 octobre.</li>
</ul>
<p>Retrouvez toutes les informations sur <a href="https://www.fetedelascience.fr/pid34623-cid119621/debats-des-jeunes-jeu-debat-tu-debats.html">Jouer à débattre</a> sur le site de la Fête de la Science.</p>
<hr>
<p><em>Réalisation : <strong>Hervé Marchon</strong>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/85234/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deshmukh Gopaul a reçu des financements de ANR, Région Ile de France, CNRS, INSERM, Synenergene. Participation au concours iGEM sur la biologie de synthèse. Participation aux discussions sur l'amélioration de l'enseignement supérieur GTEnseignement de la SFBBM+SFG+SFM.</span></em></p>Deshmukh Gopaul, directeur de recherches à l’institut Pasteur, explique la biologie de synthèse comme un assemblage où les gènes remplacent les briques.Deshmukh Gopaul, Directeur de recherches, Institut PasteurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/757852017-04-13T19:43:22Z2017-04-13T19:43:22ZClimat, vaccins, OGM… les Français acceptent la science quand ça leur plaît<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/164717/original/image-20170410-31886-1rhf23g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sans un réel effort pour faire preuve d'esprit critique, on aura facilement tendance à considérer la science comme un buffet, où l'on peut se servir selon ses préférences.</span> <span class="attribution"><span class="source">Tony Derbomez</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Le <a href="http://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/03/28/trump-signe-un-decret-abrogeant-des-mesures-d-obama-sur-le-climat_5102223_4853715.html">récent décret</a> du président Trump n’a fait que confirmer les craintes des scientifiques et de la société civile sur sa politique climatique. Son investiture avait d’ailleurs suscité de vives réactions, qui ont notamment pris corps à travers l’organisation d’une <a href="https://www.marchforscience.com/satellite-marches">Marche pour la science</a>, prévue le 22 avril un peu partout dans le monde, y compris en France.</p>
<p>Les Français sont souvent prompts à pointer du doigt les Américains au sujet de leur relation tumultueuse avec la science, en particulier en ce qui concerne le changement climatique et l’évolution des espèces. Et pour cause, ils sont <a href="http://climatecommunication.yale.edu/visualizations-data/ycom-us-2016/">à peine plus d’une moitié</a> à attribuer le changement climatique aux activités humaines et <a href="http://www.pewforum.org/2015/11/03/chapter-4-social-and-political-attitudes/">seulement un tiers</a> à considérer que les êtres vivants ont évolué par sélection naturelle. </p>
<p>D’où viennent de <a href="http://www.pewinternet.org/2015/01/29/public-and-scientists-views-on-science-and-society/">tels décalages</a> entre la perception du public et l’opinion de la communauté scientifique ? On pourra invoquer entre autres l’attachement des Américains au libéralisme économique pour le rejet des sciences du climat, ou à certaines croyances religieuses concernant la théorie de l’évolution. Cependant, l’influence des convictions personnelles dans l’acceptation de la science est toujours plus facile à identifier chez les autres. Car si nous faisons mieux que les Américains dans notre manière d’appréhender climat et évolution, sur d’autres questions au carrefour entre science et société, nous sommes bel et bien les derniers de la classe.</p>
<h2>Déni de science au pays de Descartes</h2>
<p>En France aussi, des croyances en nette contradiction avec les connaissances scientifiques sont très répandues. Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235239641630398X">enquête récente</a> sur la perception de la vaccination dans 67 pays indique que c’est en France que la méfiance est la plus élevée, et de loin. Étant donné l’<a href="http://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=369">absence</a> <a href="http://ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Vaccination-contre-les-infections-a-HPV-et-risque-de-maladies-auto-immunes-une-etude-Cnamts-ANSM-rassurante-Point-d-information">de</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140673699012398">fondement</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X05003506">scientifique</a> derrière les craintes souvent évoquées, constater un niveau de confiance si faible est frappant. On pourra également citer la <a href="http://www.leem.org/sites/default/files/100questions_Leem_Fiche-18.pdf">popularité</a> de l’homéopathie dans l’Hexagone en dépit de <a href="http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(05)%2067177-2/abstract">ses échecs cuisants</a> et <a href="https://www.mja.com.au/journal/2010/192/8/homeopathy-what-does-best-evidence-tell-us">systématiques</a> lors des essais cliniques, ou encore l’influence toujours vivace de la psychanalyse malgré les incertitudes sur <a href="https://books.google.fr/books?id=IENmxiVBaSoC&printsec=frontcover&hl=fr&source=gbs_ge_summary_r&cad=0#v=onepage&q&f=false">son statut épistémologique</a> et <a href="http://www.ipubli.inserm.fr/handle/10608/57">son efficacité thérapeutique</a>. Ceci dit, la bête noire des Français reste la question de l’innocuité des OGM dans l’alimentation.</p>
<p>Dans ce cas extrême, un véritable <a href="http://barometre.irsn.fr/wp-content/uploads/2017/07/IRSN_barometre_2017.pdf">consensus populaire</a> s’est formé, en opposition manifeste avec le <a href="http://www.pewinternet.org/2015/07/23/an-elaboration-of-aaas-scientists-views/">consensus scientifique</a> selon lequel les OGM commercialisés ne semblent pas poser de risque spécifique pour la santé humaine et animale. Ce consensus international, appuyé par <a href="http://pubs.acs.org/doi/full/10.1021/jf400135r">une</a> <a href="https://www.animalsciencepublications.org/publications/jas/abstracts/92/10/4255">grande</a> <a href="http://www.tandfonline.com/doi/full/10.3109/10408444.2013.842956">quantité</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691508000884">de</a> <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.3109/07388551.2013.823595">publications</a> <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0278691511006399">scientifiques</a>, est illustré par les déclarations <a href="https://academic.oup.com/toxsci/article/71/1/2/1639537/The-Safety-of-Genetically-Modified-Foods-Produced">de</a> <a href="http://www.aaas.org/sites/default/files/AAAS_GM_statement.pdf">nombreuses</a> <a href="http://www.academie-medecine.fr/ogm-et-sante-rapport-bi-academique-academie-nationale-de-medecine-academie-nationale-de-pharmacie/">sociétés</a> <a href="http://www.fbae.org/2009/FBAE/website/special-topics_are_there_health_hazards.html">savantes</a>, <a href="http://www.who.int/foodsafety/areas_work/food-technology/faq-genetically-modified-food/fr/">institutions</a> <a href="https://www.efsa.europa.eu/fr/press/news/afc030710">publiques</a> et <a href="http://supportprecisionagriculture.org/view-signatures_rjr.html">personnalités scientifiques</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=394&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/217322/original/file-20180502-153884-1fiqw0e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=495&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Au sujet des OGM, l’écart entre l’opinion des Français et celle de la communauté des chercheurs spécialistes est considérable.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Chez nous aussi, des préjugés favorisent l’acceptation ou le rejet de la science. Notre jugement est notamment biaisé par une méfiance plus ou moins justifiée à l’égard des grands industriels. Naturellement, la réalité du changement climatique fait bon ménage avec ces préjugés. À l’inverse, pour préserver nos convictions face au consensus scientifique sur les OGM – dont beaucoup ignorent l’existence – on ira jusqu’à s’approcher d’une forme de <a href="http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0075637">pensée conspirationniste</a> en voyant ce consensus comme une fabrication du lobby des semenciers OGM. À ce stade, on pourra rappeler que le lobby largement plus puissant des combustibles fossiles est lui <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/11/4/048002">manifestement incapable</a> d’affecter le consensus sur le climat, sans même parler de l’inverser.</p>
<h2>Tendances naturelles de l’humain</h2>
<p>En France comme aux États-Unis, de vives controverses sociétales persistent donc sur des questions ne faisant pourtant plus débat au sein de la communauté scientifique. On pourra s’en étonner, étant donnée la facilité avec laquelle on accède de nos jours à l’information scientifique, ne serait-ce que par les médias traditionnels. Hélas, ces derniers échouent souvent à rendre compte de la nuance propre au discours scientifique, en exagérant ou détournant les conclusions <a href="https://theconversation.com/dapres-une-etude-cet-imparable-argument-dautorite-74413">d’études isolées</a>, quand ils ne contribuent pas tout simplement à propager des idées fausses. Sur les réseaux sociaux, devenus une <a href="http://reutersinstitute.politics.ox.ac.uk/sites/default/files/Digital-News-Report-2016.pdf">source majeure d’information</a>, le succès d’un contenu ne dépend que de son attrait, ce qui ne dit rien de sa qualité. Dans ce déluge d’informations, on aura <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Biais_de_confirmation">naturellement tendance</a> à accepter et retenir ce qui flatte nos a priori, et à rejeter ou oublier ce qui les dérange. Mécaniquement, on constate une <a href="http://www.pnas.org/content/114/12/3035">ségrégation des utilisateurs</a> en groupes de personnes partageant les mêmes idées et qui ne sont exposés qu’à des contenus qui les confortent.</p>
<p>Au-delà des questions scientifiques, chacun peut en somme se fabriquer une « réalité » sur-mesure. C’est bien ce que décrit la fameuse notion de <em>post-vérité</em>, dont les mécanismes reposent sur <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/psychologie/biais-cognitifs">des travers humains</a> qui n’ont rien de nouveau, mais dont l’effet trouve aujourd’hui une ampleur <a href="https://theconversation.com/conversation-avec-gerald-bronner-ce-nest-pas-la-post-verite-qui-nous-menace-mais-lextension-de-notre-credulite-73089">sans précédent</a> du fait de la révolution du marché des idées portée par Internet.</p>
<h2>Remettre la science au cœur des débats</h2>
<p>Le souci, c’est que dans la mesure où la réalité scientifique n’a évidemment rien à faire de nos convictions personnelles, il y a un vrai coût à considérer la science comme un buffet où l’on pourrait choisir uniquement ce qui nous intéresse. Le recul de la couverture vaccinale expose la population à la réapparition de maladies <a href="http://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2203906">comme la rougeole</a>, avec décès évitables à la clé. De même, l’interdiction inconditionnelle des OGM décourage la recherche et ferme la porte à toutes les applications potentielles de la technologie, même si c’est pour <a href="http://ajcn.nutrition.org/content/89/6/1776.short">améliorer la qualité nutritive</a> des aliments, les rendre <a href="http://www.nature.com/nbt/journal/v33/n1/full/nbt0115-12.html?WT">moins</a> <a href="http://advances.sciencemag.org/content/3/3/e1602382">toxiques</a>, réduire l’usage <a href="http://www.nature.com/nature/journal/v487/n7407/abs/nature11153.html">d’insecticides</a> ou <a href="http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1467-7652.2008.00351.x/abstract;jsessionid=70A242E85DFB5E639D8E094EA2B13D6B.f03t04">d’engrais</a>, mieux protéger les récoltes <a href="http://www.plantcell.org/content/23/1/412.short">des aléas climatiques</a>, etc.</p>
<p>Qu’ils soient de nature environnementale, sanitaire ou socio-économique, les problèmes auxquels l’humanité doit faire face sont trop graves et urgents pour perdre du temps et des ressources avec des mesures contre-productives. La science est le seul outil permettant d’identifier ces problèmes, leurs causes et les solutions potentielles. Dans une démocratie, il est donc essentiel que la meilleure information scientifique disponible constitue le point de départ du débat public et soit partagée par tous les citoyens : on peut débattre de la façon de lutter (ou non) contre le changement climatique, mais on n’a pas à débattre de son existence.</p>
<p>La chose <a href="http://www.assemblee-nationale.fr/14/propositions/pion4417.asp">est bien comprise</a> au niveau du parlement, et malgré la complexité de la tâche, des pistes d’amélioration peuvent être envisagées. Par l’enseignement de la méthode scientifique, de l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007%2Fs11191-017-9878-2">esprit critique</a> et de l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=__DVwG9oiuU&t=374s">usage des médias</a>, l’école constitue naturellement un premier levier d’action. L’implication du monde académique dans la discussion citoyenne, un <a href="https://theconversation.com/fr/charter">des objectifs</a> de The Conversation France, apparaît profitable, et l’initiative de Marche pour la science a le mérite de provoquer une <a href="http://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2017/04/06/marche-pour-science-reflete-peur-scientifique-face-public">discussion nécessaire</a> sur l’épineuse question des modalités de cette implication. Par ailleurs, une <a href="https://theconversation.com/how-to-stop-the-media-reporting-science-fiction-as-fact-10252">amélioration</a> du traitement médiatique de l’information scientifique est également cruciale. Sur la toile, Google et Facebook commencent à prendre <a href="http://www.latribune.fr/technos-medias/Internet/fake-news-Facebook-et-google-lancent-de-nouveaux-outils-en-france-636552.html">des mesures</a> pour lutter contre la désinformation, et on recense une <a href="http://laelith.fr/Zet/Galaxie-Sceptique-Francophone/">multitude</a> de ressources francophones, des <a href="http://www.scepticisme-scientifique.com/">podcasts</a>, <a href="https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais">chaînes</a> <a href="https://www.youtube.com/user/fauxsceptique">YouTube</a> et <a href="http://www.sceptiques.qc.ca/blogs">blogs</a> (dont le <a href="https://sciencepop.fr/">mien</a>) visant à promouvoir l’esprit critique.</p>
<p>À la veille de l’élection présidentielle, on remarquera avec intérêt que les candidats ont été <a href="https://theconversation.com/les-presidentielles-et-la-science-nous-interpellons-les-candidats-74633">invités à se prononcer</a> sur les questions de société à dimension scientifique, trop peu présentes dans les débats. Étant donnés les enjeux, il reste à espérer que la France soit à la hauteur de l’héritage de l’esprit des Lumières auquel elle est tant attachée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75785/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Théo Mathurin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les convictions personnelles influent sur notre perception des questions scientifiques. En fonction des cas, elles peuvent entraîner l’acceptation ou le rejet du consensus scientifique.Théo Mathurin, Docteur en physique des matériaux et nanotechnologie, École Centrale de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/740542017-03-07T20:52:10Z2017-03-07T20:52:10ZAgriculture : les programmes à trous des prétendants à l’Élysée<p>L’édition 2017 du <a href="https://www.salon-agriculture.com/">Salon de l’agriculture</a> vient de fermer ses portes. Plus de 600 000 visiteurs auront défilé cette année dans les allées de « la plus grande ferme de France » et, parmi eux, nombre d’hommes politiques.</p>
<p>Le Salon est l’occasion de prendre le pouls du monde agricole, qui affiche un bulletin de santé contrasté. Car si la France est la première agriculture de l’Union européenne, de nombreux indicateurs <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">inquiètent</a>. Près de la moitié des paysans hexagonaux gagnent, par exemple, moins de 350 euros par mois d’après la <a href="http://www.msa.fr/lfr/presse/dossier-rentree-crise-agricole">MSA</a> et 2016 aura été une année noire avec plus de 730 suicides d’agriculteurs, révélant un malaise profond de la profession.</p>
<p>Le poids de l’agriculture dans l’économie française est de moins en moins important (3,7 % du PIB contre 6 % en 1980), mais ce secteur conserve une importance économique <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/tendances/video-la-france-agricole-expliquee-en-deux-minutes_317865.html">majeure</a>, faisant vivre de nombreux territoires ruraux et conservant une <a href="https://theconversation.com/un-an-apres-agriculture-et-paysage-des-liens-a-geometrie-variable-54615">forte valeur symbolique</a>. La France compte aujourd’hui 1,4 million de salariés et non-salariés travaillant dans ce secteur.</p>
<p>À l’issue du Salon, que retenir des annonces et promesses des candidats à la présidentielle pour l’agriculture et les agriculteurs français ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Salon de l’agriculture : étape obligatoire pour les politiques (CNews, 2017).</span></figcaption>
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<h2>Points d’accord sur les normes, les circuits courts et la PAC</h2>
<p>La plupart des candidats s’accordent sur le trop grand nombre de <a href="http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/02/26/31003-20160226ARTFIG00356-tyrannie-des-normes-les-agriculteurs-disent-foutez-nous-la-paix.php">normes</a> dans le secteur. L’agriculture est en effet l’une des activités les plus encadrées et les plus réglementées par des normes à la fois européennes, nationales, voire locales. Ces dernières génèrent un mille-feuille réglementaire qui complique la tâche des agriculteurs, certains paysans devant passer beaucoup de temps à remplir des déclarations ou des dossiers de subventions.</p>
<p>François Fillon propose ainsi de simplifier ce système en faisant de l’<a href="https://www.fillon2017.fr/wp-content/uploads/2016/09/D10675-AGRICULTURE-12-PAGES-A4.pdf">agriculteur un entrepreneur à part entière</a>, pour éviter le « carcan des normes ». Marine Le Pen souhaite également une simplification (<a href="https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf">proposition 128 de son programme</a>) ; quant à Emmanuel Macron, il propose un <a href="http://www.lafranceagricole.fr/actualites/gestion-et-droit/presidentielle-macron-expose-son-programme-agricole-1,1,99787849.html">droit à l’erreur</a>, évitant à l’agriculteur d’être sanctionné par l’administration dès la première erreur. À gauche, Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon ne donnent pas d’indications à ce sujet.</p>
<p>Autre point de convergence : le soutien aux <a href="http://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/agriculture/crise-des-eleveurs/agriculteurs-le-circuit-court-une-solution-a-la-crise_1338065.html">circuits courts</a>, pour faciliter le contact et les <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-une-question-de-positionnement-strategique-54364">échanges directs</a> entre producteurs et consommateurs, mais aussi « contourner » l’ultra-domination de la grande distribution dans les filières agricoles.</p>
<p>Marine Le Pen entend ainsi les soutenir par le biais de la commande publique ; Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron souhaitent l’imposer dans la restauration collective (scolaire notamment). Benoît Hamon l’associe quant à lui à la notion d’autonomie alimentaire.</p>
<p>Dernier point de convergence : le souhait de voir évoluer, plus ou moins drastiquement, la Politique agricole commune (PAC). Marine Le Pen veut la transformer en « Politique agricole française ». Benoît Hamon souhaite la « verdir » en réorientant une partie des sommes (400 millions d’euros) vers l’agro-écologie et l’agriculture bio. Jean-Luc Mélenchon souhaite une refonte ; enfin, François Fillon et Emmanuel Macron, souhaite plutôt l’infléchir autour de la gestion des risques pour le premier et d’un mécanisme de garantie des prix ou du chiffre d’affaires pour le second.</p>
<h2>Leurs solutions au malaise agricole</h2>
<p>Si le constat du désarroi profond des agriculteurs est largement partagé par les principaux candidats à la présidentielle, leurs solutions pour y remédier divergent.</p>
<p>Pour Marine Le Pen, il s’agit d’adopter la préférence nationale en soutenant les produits agricoles français <a href="https://www.marine2017.fr/wp-content/uploads/2017/02/projet-presidentiel-marine-le-pen.pdf">par la commande publique</a>. Du côté de François Fillon, on insiste plutôt sur l’amélioration du pouvoir de négociation des agriculteurs en s’appuyant sur différentes propositions touchant les étapes de la filière agricole : renforcement des organisations de producteurs, encadrement des produits d’appel et des négociations avec la grande distribution, renforcement des circuits courts. Ce dernier avance également des propositions visant à renforcer la transparence des prix et des provenances. Le programme de François Fillon vise à jouer par petites touches sur les différents stades des filières agricoles.</p>
<p>Du côté d’Emmanuel Macron, on évoque le renforcement des organisations de producteurs (OP), mais également un programme d’investissement sur 5 ans. Sa proposition la plus innovante, annoncée lors du Salon, aura été de suggérer l’organisation d’un Grenelle de l’alimentation mettant aux prises les différents acteurs des filières agricoles et agro-alimentaires.</p>
<p>Benoît Hamon évoque certes les <a href="https://Twitter.com/benoithamon/status/837252616421801984/photo/1?ref_src=twsrc%5Etfw">problématiques de filière</a>, mais présente surtout les propositions les plus « vertes » afin de soutenir les filières agricoles : « verdir » la PAC (400 millions d’euros réservés aux agriculteurs adoptant l’agro-écologie) ; favoriser les reprises et installations bio et agro-écologiques ainsi que les <a href="https://theconversation.com/lagriculture-urbaine-quest-ce-que-cest-55900">cultures maraîchères aux abords des villes</a> ; établir un plan d’investissement de 5 milliards pour soutenir les circuits courts, l’agro-écologie et l’agriculture bio.</p>
<p>Sur le plan de la santé publique, François Fillon se prononce pour la suppression du <a href="https://www.fillon2017.fr/projet/agriculture/">principe de précaution</a> en matière agricole et un soutien aux technologies agricoles telles que les OGM ou les manipulations génétiques, tandis que d’autres candidats y semblent nettement opposés comme Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen. Concernant l’agriculture biologique, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon soutiennent fortement ce secteur alors que Marine Le Pen ne l’évoque même pas.</p>
<h2>Ce qu’ils ont oublié</h2>
<p>Tous les candidats font – délibérément ? – l’impasse sur des réformes aussi essentielles que polémiques :</p>
<ul>
<li><strong>Réformer en profondeur les filières agricoles</strong> pour une meilleure répartition de la valeur. Ainsi, dans la filière lait, sur une brique vendue environ 1 euro en grande surface, seulement 27 centimes revient à l’agriculteur alors que celui-ci supporte l’essentiel des risques et des investissements. <a href="https://theconversation.com/sept-questions-pour-comprendre-la-crise-laitiere-64505">La crise laitière</a> de 2016 a montré que ce prix se situait largement en dessous des coûts de production. Il en est ainsi dans la plupart des filières agricoles.</li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">« Envoyé spécial » : éleveurs laitiers, ils produisent pour du beurre (Guillaume Cahour, 2017).</span></figcaption>
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<p>Deux raisons essentielles expliquent ce décrochage. Il y a d’une part l’indexation sur des cours mondiaux, alors que les coûts de production d’autres pays sont inférieurs. On note d’autre part un très fort déséquilibre du rapport de forces entre les différents acteurs des filières agricoles. Les industriels et la grande distribution disposent de pouvoirs de négociation bien supérieurs à ceux des producteurs, même réunis en OP ou en coopérative. Dès lors, ils peuvent « imposer » à leur guise une baisse continue des prix, fragilisant en amont des filières agricoles.</p>
<p>Sur ce point, bien peu de candidats dévoilent leur plan. Tout au plus certains (Fillon, Macron, Melenchon) évoquent le souhait de rééquilibrer les négociations et les rapports de forces entre agriculteurs, industriels et grande distribution.</p>
<ul>
<li><strong>Réguler les prix et les cours</strong>. Cette question constitue un véritable serpent de mer. La fin de la PAC et la libéralisation des marchés agricoles a exposé les agriculteurs à la volatilité des prix, alors que leurs coûts et leurs marges ne sont pas élastiques. Nombre de paysans se retrouvent en difficulté, n’ayant pas les moyens ni les outils de faire face à cette volatilité. Seuls François Fillon et Emmanuel Macron semblent faire des propositions en ce sens. Le premier évoque la question de l’intégration de la gestion des risques dans la PAC. Le second souhaite instaurer une garantie sur les prix ou le chiffre d’affaires des agriculteurs.</li>
</ul>
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<figcaption><span class="caption">Intervention du député européen Michel Dantin au sujet de la volatilité des prix sur les marchés agricoles (Michel Dantin, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<ul>
<li>*<em>Réformer les chambres d’agricultures, le <a href="http://www.safer.fr/missions-safer.asp">SAFER</a> et les <a href="http://www.terresdeurope.net/CDOA.asp">CDOA</a> *</em>. Une large partie du monde agricole est impactée par ces trois institutions qui régulent des pans entiers de l’activité des agriculteurs. Benoît Hamon est le seul candidat à avoir pointé du doigt ces institutions, très mal connues du grand public, qui possèdent une influence déterminante dans l’activité des paysans et le devenir de leurs exploitations. Une réforme de ces institutions est pourtant nécessaire tant elles sont gangrénées par les luttes de pouvoir, notamment syndicales, et les intérêts partisans.</li>
</ul>
<h2>La financiarisation rampante de l’agriculture</h2>
<p>Un dernier point omis des candidats concerne la nécessaire limitation de la spéculation foncière et l’accaparement des terres agricoles. Un drame silencieux est en train de se jouer dans les campagnes françaises : de nombreux investisseurs, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=kEPFmRiDdYA">français comme étrangers</a>, investissent en <a href="http://www.lanouvellerepublique.fr/Indre-et-Loire/Actualite/Economie-social/n/Contenus/Articles/2017/01/25/La-Touraine-menacee-par-la-speculation-fonciere-2979511">rachetant des terres agricoles</a>, non pour les exploiter mais pour seulement investir sur du foncier ou profiter de déductions fiscales. L’irruption de ces nouveaux acteurs pousse mécaniquement la valeur des terres agricoles à la hausse. De plus, les agriculteurs sont peu à peu privés des terres supplémentaires, ce qui les conduit à acheter plus de matières premières et les empêche de bénéficier des subventions conditionnées aux surfaces exploitées.</p>
<p>Il s’agit là d’une financiarisation rampante de l’agriculture. Le modèle, parfois idéalisé, de la petite exploitation familiale est clairement en voie de disparition tandis que se profile la montée en puissance d’entreprises agricoles exploitant les terres comme elles pourraient exploiter d’autres actifs financiers. Il s’agit, d’une manière plus globale, de ne pas laisser se développer une agriculture à plusieurs vitesses, laissant de côté des centaines d’exploitations n’ayant pas eu les moyens ou l’opportunité de réaliser les mutations nécessaires.</p>
<p>Bien évidemment, la liste des questions non abordées par les candidats n’est pas exhaustive, tant les chantiers agricoles sont nombreux et variés. Passé l’emballement « médiatique » du Salon de l’agriculture, il reste cependant aux futurs responsables politiques à s’atteler à construire une véritable politique agricole, respectueuse de la <a href="https://theconversation.com/modeles-economiques-de-lagriculture-francaise-les-gagnants-et-les-perdants-73717">diversité de ses modèles économiques</a> et soucieuse d’inscrire durablement l’agriculture française dans une dynamique à la fois performante et durable. Ce n’est pas le moindre des défis qui attend le (la) futur(e) président(e) de la République.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/74054/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bertrand Valiorgue a reçu des financements de UCA Fondation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Hollandts a reçu des financements de UCA Fondation.</span></em></p>Réforme des filières et des institutions agricoles, régulation des prix et limitation de la spéculation financière : les candidats ont pour l’instant fait l’impasse sur ces dossiers essentiels.Bertrand Valiorgue, Maître de conférences en stratégie et gouvernance des entreprises - Ecole Universitaire de Management de Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Xavier Hollandts, Professeur de Stratégie et Entrepreneuriat, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/703622016-12-30T09:07:32Z2016-12-30T09:07:32ZScience et société : des valeurs sous tension<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/151394/original/image-20161222-17291-1c2zc52.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Cheltenham Science Festival.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ukfamelab/14355468351">FameLab UK/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous vous proposons cet article en partenariat avec l’émission de vulgarisation scientifique quotidienne <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre">« La Tête au carré »</a>, présentée et produite par Mathieu Vidard sur France Inter. L’auteur de ce texte, Romain Pierronnet, évoquera ses recherches dans l’émission du 30 décembre 2016 – présentée par Daniel Fievet – en compagnie d’Aline Richard, éditrice science et technologie pour The Conversation France.</em> <em><a href="https://www.franceinter.fr/emissions/la-tete-au-carre/la-tete-au-carre-30-decembre-2016">Réécoutez leur intervention dans le podcast de l'émission, à 45’</a></em></p>
<hr>
<p>Dangerosité des vaccins, des OGM, des pesticides… Autant de sujets polémiques qui questionnent le rapport entre connaissance et démocratie. Le sujet est intéressant, et a par exemple été traité sous l’angle des croyances par le <a href="https://www.puf.com/content/La_d%C3%A9mocratie_des_cr%C3%A9dules">sociologue Gérald Bronner</a>. Cette question fait aussi l’objet du développement de la démarche sceptique et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Z%C3%A9t%C3%A9tique">zététique</a> sur Internet (par exemple avec la chaîne YouTube de la <a href="https://www.youtube.com/user/TroncheEnBiais">“Tronche en biais”</a> ou le <a href="https://cortecs.org/">site du CORTECS</a>), de sorte à déconstruire les nombreuses théories fumeuses qui circulent sur le web, ainsi qu’à montrer aux citoyens pourquoi nous sommes toutes et tous susceptibles d’être séduits par ces théories qui n’en sont pas, en fait…</p>
<p>Pour analyser ces évolutions, on peut s’intéresser à une question voisine : en quoi la production de la science a-t-elle elle-même évolué depuis les dernières décennies ? Pour y répondre, on peut lire le sociologue <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Robert_King_Merton">Robert K. Merton</a> (prix Nobel qui deviendra également père d’un autre prix Nobel). Il a cherché à distinguer les principales valeurs qui structurent le champ scientifique, qu’il a résumées dans <em>The Normative Structure of Science</em> sous l’acronyme <em>CUDOS</em> pour décrire cet « ethos de la science » :</p>
<p><strong>C : Communism</strong> – « Communisme », au sens où le chercheur participe à la production d’une connaissance constitutive du bien commun, en s’intégrant à une communauté scientifique qui valide et reconnaît sa contribution. Les résultats doivent être communicables ne serait-ce que parce qu’ils doivent être critiquables.</p>
<p><strong>U : Universalism</strong> – « Universalisme », car pour ce faire, les chercheurs s’appuient sur des méthodes et des concepts admis comme constitutifs d’une vérité scientifiquement éprouvée. Ces pratiques sont universelles au sens où elles sont à la fois partagées et indépendantes des caractéristiques sociales individuelles (convictions, origines…) des chercheurs.</p>
<p><strong>D : Disinterestedness</strong> – « Désintéressement », puisque la pratique de la science impose qu’elle soit encadrée et contrôlée au plan éthique afin d’échapper à des conflits d’intérêts liés à des enjeux personnels, pourraient en menacer l’objectivité.</p>
<p><strong>OS : Organized skepticism</strong> – « Scepticisme organisé », dès lors que la construction de la connaissance passe par des mécanismes de collégialité, à l’image du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89valuation_par_les_pairs">peer reviewing</a> consistant à soumettre son travail à la critique exigeante et constructive de ses pairs chercheurs.</p>
<p>Une telle description de l’ethos scientifique est proposée par Merton en 1942, fortement influencé par son travail de thèse portant sur les transformations du monde scientifique dans l’Angleterre du XVII<sup>e</sup> siècle. Mais, en cette fin 2016, qu’en est-il désormais en France, et dans le monde ? Tentons une relecture.</p>
<p><strong>C</strong> : si la communauté (les communautés) scientifique existe toujours, les débats autour de l’<em>open science</em> à l’heure de l’économie de la connaissance et des impératifs de protection industrielle (brevets, etc.) montrent que cette norme mertonienne est soumise à tensions.</p>
<p><strong>U</strong> : si l’exigence du recours à des méthodologies robustes demeure évidemment fondamentale pour la pratique de la science, elle peut entrer en tension avec la libre circulation de l’information sur Internet. Les critères de « scientificité » de la vérité, telle que conçue par les chercheurs, ne sont pas forcément ceux retenus par la population en général. Les démocraties ont certes oeuvré au développement de l’accès à la connaissance et à l’éducation, mais peut-on affirmer pour autant que les citoyens adhèrent aux mêmes modes d’appropriation de l’information ? À en juger par les débats auxquels chacun peut assister, on voit bien que du chemin reste à faire et que l’un des enjeux du dialogue entre science et société réside dans la prise en compte de ces différences de conception quant à la fabrication des représentations de la vérité. À défaut, le réveil pourrait être douloureux : il suffit de penser à certaines des prises de position du « Président élu » aux États-Unis… et à l’écho qu’elles ont pu rencontrer.</p>
<p><strong>D</strong> : la population est de plus en plus vigilante et méfiante quant à la mobilisation de résultats scientifiques qui seraient suspectés d’avoir été co-financés par des entreprises qui pourraient en tirer partie, surtout que le financement public de la recherche stagne. C’est là sans doute une vigilance saine. Mais il est bon de rappeler que le champ scientifique demeure lui aussi traversé par ses propres mécanismes de concurrence : légitimité, primauté des découvertes, recherche de financements publics sur projets, <em>publish or perish</em>, etc. (d’ailleurs, nul besoin qu’une étude soit financée par des fonds privés pour que sa validité soit mise en doute).</p>
<p><strong>OS</strong> : le scepticisme scientifique est toujours organisé, mais sans doute perturbé. On lit parfois du numérique qu’il facilite le plagiat et la fraude, mais il ouvre aussi à de nouvelles formes de <em>peer reviewing</em> et de production collaborative de connaissance, en ligne, à l’image de la plateforme <a href="https://osf.io/">Open Science Framework</a>. Le numérique est à ce titre un <em>pharmakon</em> pour la recherche : tantôt poison, tantôt remède ! On peut aussi penser au blog <a href="http://retractionwatch.com/">Retraction Watch</a>, qui traque et commente les rétractations d’articles scientifiques dont la validité a été sérieusement remise en cause. En outre, des mouvements se développent de promotion des <a href="http://www.sciences-participatives.com/">sciences participatives</a>. Leurs promoteurs y voient une façon d’enrichir la manière de produire des connaissances nouvelles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/151396/original/image-20161222-17312-ijw3om.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sciences participatives au Tallahassee Science Festival.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/flseagrant/29646040936">Florida Sea Grant/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette lecture « mertonienne » des transformations du champ scientifique permet par extension de comprendre certaines des tensions qui apparaissent aujourd’hui dans les rapports entre sciences et sociétés. C’est aussi la fameuse question de la légitimité des « experts » qui est posée, prétexte à rappeler tout l’intérêt qu’il y aurait à intégrer davantage de docteurs, qui maîtrisent les codes et pratiques du monde scientifique, dans le secteur public et dans le monde politique. On relèvera en particulier que chacune des composantes du CUDOS est remise en question par la transformation digitale, ne serait-ce qu’au travers de son impact sur notre conception de l’espace et du temps. Pour la recherche, viendra ainsi peut-être le temps de la <a href="http://slow-science.org/"><em>slow science</em></a>.</p>
<p>Ces tensions ne renvoient donc pas seulement à des aspects technologiques, mais aussi à des enjeux démocratiques : alors que se développent les aspirations des citoyens de participer à la fabrication de l’action publique, on voit émerger le concept de <a href="https://theconversation.com/le-choc-trump-pourquoi-nous-sommes-apres-la-verite-69151">« post-vérité »</a> qui interroge les différentes normes qui « font le vrai », entre celles du « citoyen lambda », celles du « chercheur », celles du « politique » (quand ils ne sont pas tous les trois confondus).</p>
<p>La libre circulation de l’information ne saurait suffire au développement d’une « société de la connaissance » : ces différences nous rappellent l’enjeu majeur que constitue l’éducation pour former des individus doués de libre arbitre et sachant employer les outils de la raison et du discernement. Vaste programme, qui commence par soi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70362/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romain Pierronnet a reçu des financements de Agence Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT).
Il élu en charge du Numérique à la ville de Nancy et à la métropole du Grand Nancy.</span></em></p>OGM, statines, vaccins… Autant d’objets de dialogue compliqué entre science et société. Comment l’expliquer, et quels enjeux en tirer ?Romain Pierronnet, Doctorant en sciences de gestion, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/628452016-07-22T04:46:24Z2016-07-22T04:46:24ZDes Nobel contre Greenpeace : la dernière polémique OGM décryptée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/131391/original/image-20160721-32600-gu1rz8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le riz doré, une céréale génétiquement modifiée qui vise à réduire les carences en vitamine A. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ricephotos/9404577635/in/album-72157626241604366/">IRRI/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>Quelle mouche a bien pu piquer une centaine de prix Nobel pour qu’ils s’en prennent si violemment à Greenpeace ?</p>
<p>Dans une <a href="http://supportprecisionagriculture.org/nobel-laureate-gmo-letter_rjr.html">lettre</a> publiée début juillet sur le <a href="http://supportprecisionagriculture.org/">site</a> « Support GMOs and Golden Rice », les prestigieux signataires accusent en effet l’ONG de contribuer à la mortalité indirecte de centaines de milliers d’individus dans le monde en s’opposant aux cultures OGM, et tout particulièrement au « riz doré », cette céréale OGM enrichi en vitamine A :</p>
<blockquote>
<p>« Nous appelons Greenpeace à cesser sa campagne contre le riz doré […]. Combien de pauvres gens dans le monde doivent mourir avant que nous considérions cela comme un “crime contre l’humanité” ? »</p>
</blockquote>
<h2>Un engagement surprenant</h2>
<p>Pour les signataires de la lettre, aucun élément scientifique ni aucune étude solide ne pourrait corroborer l’hypothèse de la dangerosité des OGM pour la santé humaine ou l’environnement.</p>
<p>Si certains acteurs médiatiques se sont contentés de reprendre sans nuance le communiqué, d’autres ont mené l’enquête pour essayer de <a href="http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/07/04/criminel-greenpeace_4962972_3244.html">comprendre les raisons</a> de cette prise de position pour le moins surprenante des prix Nobel, mais également pour <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/07/01/greenpeace-repond-a-l-appel-des-prix-nobel-pro-ogm_1463183">expliciter les tenants et les aboutissants</a> de cette stratégie de dénonciation.</p>
<p>Il est vrai qu’on s’attendrait plutôt à voir la communauté des Nobel saluer l’action de Greenpeace en faveur de l’environnement, de la biodiversité, voire de la défense des <a href="https://www.powerfoule.org/campaigns/panamapapers/lanceurs-d-alerte/prot%C3%A9geons-nos-lanceurs-dalerte">lanceurs d’alertes</a> issus, entre autres, de la communauté scientifique.</p>
<p>Quels sont les mécanismes déployés pour arriver à convaincre plus d’une centaine d’éminents spécialistes de s’engager dans cette campagne contre l’ONG ?</p>
<p>Derrière cette mobilisation, apparaît en outre une stratégie très nette de promotion des OGM et des nouvelles techniques de « biotechnologies végétales », notamment les fameux <a href="http://www.huffingtonpost.fr/2016/01/24/crispr-cas9-revolution-genetique-licornes-embryon_n_9052064.html">« ciseaux à ADN » CRISPR-Cas9</a>.</p>
<p>Quels sont les acteurs à la manœuvre ? Quels objectifs poursuivent-ils dans cette promotion du <a href="http://www.lesechos.fr/20/02/2002/LesEchos/18598-142-ECH_le-riz-dore--une-veritable-innovation--.htm">« riz doré »</a> ?</p>
<h2>Argument d’autorité…</h2>
<p>De prime abord, on peut être surpris par le nombre important de <a href="http://supportprecisionagriculture.org/view-signatures_rjr.html">signataires</a> de cette lettre, et tout autant par les disciplines de ces chercheurs.</p>
<p>Si l’on retrouve une grande majorité de récipiendaires en chimie ou en médecine, qui pourraient légitimement attester de l’innocuité des OGM, il est plus surprenant de voir des prix Nobel de physique, d’économie ou encore de paix et de littérature parmi les signataires.</p>
<p>Il s’agit là d’une stratégie bien classique d’argument d’autorité : peu importe que le signataire d’une pétition soit spécialiste de la discipline ou du sujet, seul compte son « aura ».</p>
<p>Ici, le nombre de prix Nobel signataires confère cette aura et joue comme argument d’autorité, quand bien même il est peu probable qu’un chercheur en physique soit spécialiste de questions de biodiversité ou de génétique des plantes.</p>
<h2>…et argument moral</h2>
<p>La subtilité de la lettre réside dans le fait qu’un certain nombre d’arguments présentés n’appuient pas les enjeux scientifiques sanitaires ou environnementaux, mais bien une question d’ordre moral.</p>
<p>Le point fort de la rhétorique déployée par les auteurs consiste à désigner positivement les OGM comme des techniques « d’agriculture de précision », à même de sauver des centaines de milliers de personnes souffrant de carences en vitamine A.</p>
<p>Ce faisant, Greenpeace passe pour une ONG à la fois rétrograde et néo-luddiste, opposée aux progrès techniques et scientifiques par dogmatisme ; l’ONG est présentée comme moralement irresponsable, voire indirectement responsable de la mort de ceux qui n’ont actuellement pas accès à une alimentation suffisamment riche en vitamine A.</p>
<p>Plus encore, la phrase-choc qui conclut la lettre : « Combien de pauvres dans le monde devront mourir avant que nous considérions cela comme un “crime contre l’humanité” ? » est une <a href="https://corpus.revues.org/1775">formule</a>, un raccourci idéologique, qui circule activement sur les réseaux pro-OGM – comme le montre un <a href="http://up-magazine.info/index.php/planete/securite-alimentaire/5992-ogm-greenpeace-attaque-par-des-nobel-enquete-sur-un-jeu-de-dupes">récent article</a> de Gérard Ayache dans <em>Up Magazine</em> – activement promue par l’ancien cofondateur de Greenpeace, Patrick Moore, désormais lobbyste pro-OGM et signataire de la pétition dans sa version « publique ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"749825442790670336"}"></div></p>
<p>Comme le souligne Gérard Ayache, c’est cette même formule qu’on lisait déjà dans la <a href="http://www.allowgoldenricenow.org/">campagne</a> organisée par le sulfureux lobbyiste en faveur du riz doré.</p>
<h2>Un exercice de communication masquée</h2>
<p>Si les mécanismes de cette lettre semblent clairement destinés à condamner l’action de l’ONG en jouant sur les arguments d’autorité et moraux, on peut tout autant analyser les différentes stratégies de communication et d’influence qui se déploient ici.</p>
<p>En faisant passer Greenpeace pour la méchante ONG qui cherche à affamer les pauvres en les privant de précieux OGM, les promoteurs de la lettre et de la pétition qui l’accompagnent semblent déployer des ressorts classiques de la communication d’influence, voire de communication « masquée », qui procède bien souvent par « la <a href="http://www.tlibaert.info/wp-content/uploads/2014/08/RICSP_Libaert_Allard_2014.pdf">dissimulation des émetteurs</a> ainsi que la transformation des messages ».</p>
<p>L’accusation directe et la dénomination positive des OGM comme « agriculture de précision » trahissent une volonté de renverser la perspective où Goliath se retrouve dans la position de la victime et David dans la posture de l’agresseur.</p>
<p>On peine cependant à croire que les différents acteurs intéressés à la production d’OGM et à leur mise sur le marché soient en position de victime face à l’ONG. D’autre part, si le site qui héberge la lettre cherche manifestement à susciter un soutien populaire en demandant aux internautes de signer à leur tour une pétition, l’engouement du public reste pour l’heure limité avec moins de 5 000 signatures.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"748924120465801216"}"></div></p>
<p>Un des points les plus troubles de cette campagne réside cependant dans les enjeux flous défendus par la lettre. Sous prétexte de promouvoir le riz doré enrichi en vitamine A – dont l’<a href="http://irri.org/blogs/item/clarifying-recent-news-about-golden-rice">efficacité</a> est loin d’être prouvée, ce que rappelle par ailleurs Greenpeace dans <a href="http://agriculture.greenpeace.fr/riz-dore-tout-ce-qui-brille-nest-pas-or">sa réponse</a> – le texte signé insiste à de nombreuses reprises sur la nécessité d’empêcher Greenpeace d’interdire l’accès aux « semences améliorées par les biotechnologies » et de permettre le développement de « l’alimentation améliorée par les biotechnologies en général ».</p>
<p>C’est bien là où le bât blesse : ce rappel incessant à permettre le développement des OGM en général semble réduire l’appel des Nobel à un cheval de Troie élaboré par des lobbyistes pour favoriser le marché des semences modifiés.</p>
<p>On distingue, en effet, quatre grande catégories de plantes OGM : les plantes résistantes à un herbicide dites « HT » (<em>herbicide tolerant</em>) ; les plantes produisant leur propre insecticide, dites « BT » – du nom de la bactérie <em>Bacillus thuringiensis</em> utilisée ; les plantes combinant des caractéristiques, par exemple « BT/HT » et, enfin, des plantes avec des caractéristiques leur permettant de mieux résister à la sécheresse ou d’être utilisées par l’industrie (biocarburant, amidon modifié, etc.).</p>
<p>Le riz doré appartient à cette dernière catégorie de semences modifiées, alors que l’écrasante majorité – près de <a href="http://www.isaaa.org/resources/publications/briefs/46/download/isaaa-brief-46-2013.pdf">75 %</a> si l’on compte les plantes BT/HT – des OGM commercialisés dans le monde sont des plantes HT, résistantes à un herbicide, et invitant les agriculteurs à utiliser des pesticides - souvent ceux commercialisés par le fabricant de semences… On est loin de la lutte contre les carences en vitamine A, mais bien dans la stratégie commerciale. Le riz doré peut ainsi être perçu comme la face positive et visible d’une stratégie de communication masquée qui vise à faire accepter globalement les OGM à travers le monde.</p>
<p>Cette lettre soulève ainsi de nombreuses interrogations sur les enjeux et l’intérêt de ce type de campagne de communication masquée qui fonctionne par l’invective et dont les arguments se limitent au soutien flou de prestigieux signataires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/62845/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Allard-Huver ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Greenpeace accusée de « crime contre l’humanité » par un groupe de prix Nobel qui lui reproche son opposition au riz doré. Que cache cette nouvelle polémique autour des OGM ?François Allard-Huver, Maître de conférences, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/545802016-02-12T05:46:19Z2016-02-12T05:46:19ZLes leçons à tirer de la fin du coton transgénique au Burkina Faso<p>L’épineuse question des cultures génétiquement modifiés (GM) refait surface. S’adressant au Sommet économique de Davos, <a href="http://www.wsj.com/video/bill-gates-gmos-will-end-starvation-in-africa/3085A8D1-BB58-4CAA-9394-E567033434A4.html">Bill Gates</a> a récemment déclaré que les cultures GM constituaient une arme essentielle pour lutter contre la faim et la pauvreté en Afrique.</p>
<p>Mais Bill Gates n’a pas évoqué une nouvelle d’importance, à savoir que le Burkina Faso – le plus important pays africain en termes de cultures GM – a récemment entamé <a href="http://afraf.oxfordjournals.org/content/early/2016/01/04/afraf.adv063.extract">sa sortie</a> du coton BT. Il s’agit là de la semence transgénique la <a href="http://isaaa.org/resources/publications/briefs/49/executivesummary/default.asp">plus utilisée</a> par les agriculteurs pauvres du continent.</p>
<p>Pour quelles raisons le Burkina Faso, un pays confronté à la faim et à la pauvreté, a-t-il tourné le dos à ce que Gates présente comme un instrument incontournable du développement ?</p>
<h2>Un des premiers pays à adopter les OGM</h2>
<p>En 2003, le Burkina fut le premier pays à tester la culture du coton BT, en partenariat avec la firme Monsanto. BT fait référence à une toxine, le <em>Bacillus thuringiensis</em>, qui permet d’éliminer le ver rose, un ravageur des cotonniers extrêmement nuisible et répandu. Monsanto introduisit le gène insecticide dans les variétés locales de coton du Burkina, lesquelles furent mises à disposition des agriculteurs à partir de 2008.</p>
<p>Cette adoption de semences transgéniques fit les gros titres. Le Burkina Faso est non seulement l’un des plus <a href="http://en.starafrica.com/news/burkina-faso-is-africas-leading-cotton-producer.html">gros producteurs</a> africains de coton, mais cette culture est également considérée comme la <a href="http://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/03066150.2013.824425?journalCode=fjps20#.VrI-GTYrI6g">locomotive du développement</a> agricole dans le pays.</p>
<p>L’introduction du coton BT a permis une <a href="http://www.reuters.com/article/burkina-cotton-production-idUSL5N0B0G2W20130131">augmentation</a> significative de la production de coton ; en 2014, le Burkina réunissait le plus grand nombre de producteurs d’OGM de tout le continent : plus de <a href="https://www.isaaa.org/resources/publications/biotech_country_facts_and_trends/download/Facts%20and%20Trends%20-%20Burkina%20Faso.pdf">140 000</a> petits exploitants agricoles cultivaient alors le coton BT.</p>
<p>Cette <em>success story</em> a été largement <a href="http://www.brookings.edu/%7E/media/Research/Files/Reports/2014/foresight-africa-2014/06-foresight-african-agriculture-juma-gordon.pdf?la=en">célébrée</a> comme un exemple de la façon dont les cultures GM peuvent aider les agriculteurs les plus fragiles. Nombre d’entre eux ont adopté cette technologie, et pour de bonnes raisons. <a href="http://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-642-55262-5_11">Des études</a> ont bien montré que le coton BT avait permis d’accroître les rendements et les profits. Le gain était en moyenne de 50 % – et cela même en dépit du <a href="http://pdj.sagepub.com/content/11/1/63.short">coût</a> très élévé de ces semences.</p>
<p>Les exploitants des cultures de coton GM utilisent en outre beaucoup <a href="http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0016718513000456">moins de pesticides</a> : le nombre d’épandages est ainsi passé de 6 à 2, réduisant drastiquement l’exposition des agriculteurs à des produits chimiques dangereux et leur épargnant aussi un temps précieux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/110289/original/image-20160204-2993-q5ufek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le coton BT souffre de sa qualité médiocre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Comment expliquer le retournement ?</h2>
<p>Le coton BT n’a cependant pas été une aubaine pour tout le monde.</p>
<p>La <a href="http://afraf.oxfordjournals.org/content/115/458/161.short">qualité médiocre</a> des fibres de ce coton transgénique a en effet infligé de sévères pertes aux compagnies cotonnières du pays, conduisant à un arrêt total de production de coton BT pour les deux années à venir. Les responsables des entreprises concernées et de Monsanto évoquent deux principaux problèmes relatifs à la qualité des fibres de ce coton transgénique :</p>
<ol>
<li>Les variétés de Monsanto donnent des fibres plus courtes et de moins bonne qualité, ce qui entraîne une baisse de la valeur de la production sur les marchés internationaux.</li>
<li>Même si les rendements sont plus important, la quantité de coton récoltable mécaniquement à, elle, diminué.
En d’autres termes, le coton BT possède moins de fibres ces dernières sont de moins bonne qualité.</li>
</ol>
<p>Pour les exploitants agricoles, qui bénéficient d’un prix garanti de la part des compagnies cotonnières, cette qualité moindre des fibres n’a rien de vraiment dissuasif. Mais pour ces mêmes compagnies, il s’agit d’une situation catastrophique. La combinaison de moins de coton récoltable mécaniquement et d’une qualité amoindrie a considérablement entamé leurs profits.</p>
<p>Les compagnies cotonnières, qui ont la main sur les semences et les intrants qu’ils distribuent aux agriculteurs, ont ainsi été en mesure d’arrêter la culture du coton BT, au grand dam de nombreux exploitants.</p>
<h2>Des débats complexes</h2>
<p>L’exemple burkinabé montre bien toute la complexité des débats autour des avantages des cultures GM pour les agriculteurs pauvres. Dans ce cas précis, la technologie a rempli son cahier des charges : permettre aux récoltes de résister aux nuisibles, réduire le recours aux pesticides et accroître les rendements. Nombre d’agriculteurs apprécient ces services et sont demandeurs. </p>
<p>Mais l’impact inexpliqué sur la longueur des fibres du coton BT pousse les compagnies à tourner le dos à cette technologie. Si le coton BT veut poursuivre sa <em>success story</em> au Burkina, il faudra que Monsanto règle ce problème.</p>
<p>Ce retournement de situation pose une autre question : quid du développement des cultures GM sur le continent africain ? D’autres semences transgéniques vont-elles avoir des effets aussi inattendus que néfastes ? Les institutions et les entreprises en charge de leur développement seront-elles en mesure d’agir en toute transparence ?</p>
<p>Le cas du Burkina Faso montre bien les périls qui existent à vouloir aborder de manière simpliste la question du développement agricole. En se focalisant sur un seul aspect – ici, la résistance à un ravageur –, des conséquences surprenantes et douloureuses pour d’autres aspects – la qualité du coton – peuvent se faire jour.</p>
<p>À Davos, Gates déclara encore que les « Africains choisiront de nourrir leurs populations », ce qui plaide pour une diffusion des semences transgéniques. Mais, après des années d’utilisation, le Burkina Faso vient d’apporter un cinglant démenti à cette façon d’envisager le futur du continent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/54580/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthew Schnurr receives funding from the Social Sciences and Humanities Research Council of Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Brian Dowd-Uribe ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arrêt de l’utilisation du coton BT au Burkina Faso repose la question du développement agricole en Afrique.Brian Dowd-Uribe, Assistant Professor, International Studies Department, University of San FranciscoMatthew Schnurr, Associate Professor Department of International Development Studies, Dalhousie UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/528372016-01-07T05:37:58Z2016-01-07T05:37:58ZPourquoi les OGM végétaux font-ils peur et pas les gènes-médicaments ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/107387/original/image-20160106-14922-wwm7jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/adn-h%C3%A9lice-courbe-la-science-869109/">Pete Linforth/Pixabay</a></span></figcaption></figure><p>Dans l’animalerie des petits êtres que les chercheurs ont l’habitude de décrire et de transformer en laboratoire, les composés issus des manipulations du vivant tiennent une place à part. Cette singularité prend sa source dans la diversité des productions biologiques rendues possibles par les techniques de transformation de l’ADN, regroupées sous le vocable de génie génétique. Trois exemples, parmi d’autres : les hormones de croissance prescrites pour les enfants atteints de nanisme ; les thérapies géniques (où l’on introduit du matériel génétique dans les cellules d’un malade en vue de le soigner) et les plantes transgéniques.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107431/original/image-20160106-14922-1gruncn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La recherche biotechnologique est active mondialement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/laboratoire-scientifiques-recherche-385349/">Pixabay</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une particularité des productions du génie génétique provient de leur capacité à faire régulièrement la manchette des journaux. L’application des outils de la biologie moléculaire sur les plantes et les animaux suscite plus spécifiquement la controverse. Mais tous ces outils ne sont pas traités de la même façon : pourquoi certaines biotechnologies entraînent elles facilement l’adhésion, tandis que d’autres provoquent d’emblée de la défiance ? Faut-il aller chercher la réponse dans les mythes modernes du bien-manger (de la nourriture bio aux restrictions sur le gluten ou le lactose), du corps sain (sportif, mince, équilibré et durable) ou bien dans la structure complexe des relations de confiance/défiance entre les pouvoirs publics, la recherche et l’opinion publique ?</p>
<p>La réponse que je donne ici n’exclut pas ces dimensions anthropologiques et politiques, mais mon attention porte sur le binôme risque avéré/risque perçu. Je pose l’hypothèse que la politisation de controverses autour de l’usage d’une technologie est plus probable quand les risques perçus concernent l’échelle populationnelle même si les risques avérés sont négligeables.</p>
<h2>Une perception différente du risque</h2>
<p>L’interprétation traditionnellement donnée à la forte médiatisation du génie génétique repose sur l’idée que l’opinion publique serait plutôt récalcitrante à consentir aux essais et à la commercialisation de ces technologies fondées sur les propriétés du monde vivant.</p>
<p>Cette vision doit être fortement nuancée. Prenons un exemple pour expliquer la cacophonie médiatique dont ces outils font l’objet : le génie génétique est à l’origine de la production d’une substance, l’antithrombine recombinante, qui vise à empêcher la formation de caillots sanguins. C’est la même technologie qui rend possible la production de plantes transgéniques dotées d’une résistance à un pesticide. Dans le premier cas, il s’agit d’une protéine humaine d’intérêt médical synthétisée par des chèvres génétiquement modifiées produisant du lait ; dans le second, on transfert un gène dans les cellules végétales, organisme hôte, dans l’objectif de faire exprimer un nouveau trait d’intérêt agronomique par la plante.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/107430/original/image-20160106-14922-1q4uj4h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le riz doré, génétiquement modifié pour être enrichi en vitamine A.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/ricephotos/9296690867">IRRI Photos/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<p>Bien entendu, ces mécanismes ne sont pas toujours faciles à comprendre pour les non-spécialistes. Curieusement, les biotechnologies à portée médicale provoquent peu de rejets et apparaissent relativement moins controversées que leurs homologues à finalité agricole. Le sondage <a href="http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_341_fr.pdf">Eurobaromètre 2010</a> sur les biotechnologies indique que près de trois Européens sur cinq approuvent la recherche transgénique à finalité médicale sur les animaux et les thérapies géniques humaines, tandis que seulement 3 sur 10 considèrent qu’une pomme ayant intégré un gène étranger ne présente pas de risque… À cet égard, le public européen est très suspicieux à l’égard des aliments génétiquement modifiés (61 %). Cette attitude amène l’association française pour l’information scientifique à questionner légitimement ce paradoxe à propos de l’affaire du <a href="http://www.museum.agropolis.fr/pages/savoirs/biotechno_agricole/Biotechno_rapport.pdf">riz doré</a>, un OGM enrichi en vitamine A : Un OGM pouvant sauver des vies serait-il politiquement incorrect ?</p>
<h2>Nature du risque perçu et confiance politique.</h2>
<p>Les technologies se rapportant à l’environnement et à la santé sont distinguables au niveau de la nature même de leurs risques. Ainsi, le domaine environnemental renvoie à des situations qui affectent collectivement et de façon simultanée le quotidien d’une société ou d’un corps professionnel. Les préoccupations sur la qualité de l’eau, la pollution par les moteurs diesel ou le risque lié à l’exposition à l’amiante nous concernent tous simultanément.</p>
<p>Tout message de communication à propos de ces technologies implique alors d’opérer « holistiquement » sur des perceptions collectives, ce qui n’est pas dénué d’effets sur la nature du risque perçu. En effet, si un individu a deux collègues de travail qui développent un cancer de la plèvre lié à la présence d’amiante, il a statistiquement intérêt à consulter son médecin et à militer pour que son environnement professionnel réponde à des conditions optimales de salubrité. C’est pourquoi ces types d’enjeux se prêtent plus facilement à une politisation radicale avec le désir pour certains, de devenir des acteurs agissants de la concertation.</p>
<p>Cette nature du risque est à contraster avec celle des biotechnologies médicales qui se rapporte préférentiellement, aux yeux des citoyens, à la seule sphère privée d’un individu ou tout au plus, à l’univers familial. Les procréations médicalement assistées ou les techniques d’accompagnement de la fin de vie nous concernent tous, mais pas simultanément et ni de façon interdépendante.</p>
<p>Si une personne est amenée à consommer de la viande rouge en grande quantité, augmentant ainsi son risque de survenue de cancer – ou si sa fin de vie est difficile, il n’y a absolument pas de corrélation statistique entre sa situation clinique personnelle et la probabilité pour son voisinage d’être confrontée à sa situation. En termes de communication, le ciblage est ici individualiste, parce que ces technologies se rapportent aux seuls choix individuels.</p>
<p>Il peut y avoir une <a href="http://www.scienceshumaines.com/l-intime-saisi-par-le-droit_fr_35642.html">« politisation de l’intime »</a>, notamment autour des questions de la contraception, de la procréation et de la fin de vie, mais ces sujets rentrent difficilement dans les clivages politiques classiques. Leur irréductibilité provient en grande partie du fait qu’ils rencontrent des enjeux particuliers à la sphère privée, ce qui les intègre derechef dans le champ non moins controversé de la bioéthique. Les attitudes politiques sont ici plus ambivalentes, marquées par un désir de plus grande liberté pour des questions qui relèvent de la sphère privée tout en souhaitant que cette liberté soit socialement certifiée. Ces luttes passent fréquemment par le jeu des associations.</p>
<h2>Une communication scientifique liée aux attitudes politiques</h2>
<p>Dans le champ du génie génétique, la question de la communication n’est pas univoque. Même si les technologies de modification génétique sont parfois comparables entre elles au niveau des procédés et des risques avérés, le risque perçu par le citoyen peut différer selon le secteur social considéré. Cette notion de risque perçu est donc une variable déterminante dans la compréhension des comportements politiques et les phénomènes de politisation.</p>
<p>En ce sens, la controverse autour des OGM est emblématique puisque le risque avéré des technologies de modification génétique se prête difficilement à la généralisation des produits obtenus et leur singularité ne les rend pas a priori plus menaçants que d’autres produits qui n’auraient pas subi cette préparation. Un OGM ne serait pas plus dangereux que le <a href="http://www.huffingtonpost.fr/virginie-tournay/un-ogm-estil-plus-dangere_b_4382329.html">sourire du flamant rose</a>, pour faire écho au célèbre ouvrage de Stephen Jay Gould.</p>
<p>Pour autant, la question environnementale apparaît difficilement détachable d’un impératif démocratique en raison de la nature du risque perçu. Si les produits du génie génétique ne présentent pas plus de risques avérés que les variants naturels, cela ne suffit pas à bloquer la politisation autour de leur dangerosité. C’est pourquoi, depuis plus de vingt ans, les Européens accordent majoritairement leur confiance à la profession médicale en ce qui concerne l’introduction de gènes humains dans les animaux à des fins thérapeutiques, tandis qu’ils se réfèrent plutôt aux organisations de consommateurs et de protection de l’environnement lorsqu’il est question de culture en plein air des plantes génétiquement modifiés (Eurobaromètre 1996). Comment mieux communiquer de telle sorte que les attitudes politiques soient davantage déterminées par les risques avérés plutôt que par les risques perçus ?</p>
<h2>Renouveler nos catégories de désignation des biotechnologies.</h2>
<p>Comme le rappelle à juste titre le dernier rapport de l’<a href="http://www.academie-sciences.fr/fr/">Académie des sciences</a>, l’enjeu principal de l’expertise technico-scientifique consiste à fournir une évaluation <em>ex-ante</em> adaptée aux modalités décisionnelles des pouvoirs publics, c’est-à-dire traduisible dans la pratique réglementaire. Pour autant, expliciter davantage les propriétés scientifiques d’une biotechnologie dénuée de risques avérés n’est pas toujours suffisant pour calmer les inquiétudes. Communiquer autour des risques suppose de porter attention aux déterminants des risques perçus.</p>
<p>Certains de ces déterminants sont sémantiques. Ainsi, le terme « génétiquement modifié » est un marqueur sociojuridique qui ne désigne pas une catégorie d’organismes naturellement fondée sur un plan biologique. Il ne constitue même pas une réalité juridique comparable en Europe et en Amérique du Nord. L’écart existant entre le monde vivant et les constructions culturelles que nous utilisons pour décrire ces organismes est susceptible d’engendrer des malentendus dans la communication publique autour des risques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/52837/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Tournay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le débat polarisé autour des OGM, il est curieux que les plantes fassent l’objet d’un rejet massif alors que les produits biotechnologiques à usage médical sont mieux acceptés. Explication.Virginie Tournay, Chargée de recherche CNRS au CEVIPOF, Centre de recherches politiques de Sciences Po., Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/505382015-11-12T05:44:56Z2015-11-12T05:44:56ZClimat et OGM : hostilité de principe contre questionnement critique (3)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101629/original/image-20151111-9400-8xu1uj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Manifestation pour le climat, 2011.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/esdanitoff/6448493645/in/photostream/">Michel van Reysen/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Dans un précédent article, nous mettions en relief les failles du raisonnement des climatosceptiques, d’une part, des adversaires des OGM d’autre part, et nous osions nous poser la question de les qualifier de la même manière d’opposants à la science. Si l’on regarde les choses en détail, cette impression va (heureusement) s’estomper. Le consensus d’experts sur le réchauffement climatique est, dit-on, robuste ; cela signifie qu’il y a plusieurs manières de le tester, à commencer par le simple <a href="http://www.sciencemag.org/content/306/5702/1686.full">examen</a> d’un millier de résumés d’articles comme l’historienne des sciences Naomi Oreskes l’a fait dans la revue <em>Science</em> dès 2004. L’une d’elles est très instructive.</p>
<p>Dans une <a href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es501998e">étude récente</a>, Verheggen et ses collègues ont étudié la distribution des opinions sur le réchauffement climatique, en fonction, en gros, de la force de l’expertise des experts. Cette intensité se mesure par le nombre d’articles que l’on a soi-même publiés sur le changement climatique ; il s’agit donc de se demander dans quelle mesure, plus on publie sur ce thème, plus on soutient une certaine opinion. La conclusion ? La confiance dans l’idée que le climat se réchauffe en conséquence de l’activité humaine augmente proportionnellement au nombre d’articles publiés sur la question. En gros, plus on sait (le nombre de publications est un indicateur raisonnable de cela), plus on confirme la thèse du changement climatique (voir la figure ci-dessous).</p>
<p>Ce travail met en relief un second aspect très important de l’éthos de la recherche : l’expert n’est expert que sur une toute petite zone de la réalité ; pour le reste, il est comme à peu près tout le monde. Aussi dès lors qu’il y a consensus d’experts, on peut toujours tenter une mesure plus fine de ce consensus en regardant le détail de sa distribution.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101602/original/image-20151111-9379-10h5gha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Ceux, parmi les chercheurs, qui mettent le plus en garde contre les changements climatiques sont aussi ceux qui ont publié le plus sur le sujet.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://pubs.acs.org/doi/abs/10.1021/es501998e">Verheggen, B. et al.</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi le climatosceptique peut bien jouer certains experts contre le consensus du GIEC ; l’ennui, c’est que ce ne sont pas les meilleurs dans le domaine du climat. On retrouve là un aspect essentiel de l’antiscience, patent pour tout ce qui touche à l’évolution (ou aux théories du complot) : jouer « ses » experts contre les experts. C’est ainsi que la plupart des scientifiques soutenant le créationnisme ou l’<em>intelligent design</em> sont souvent des chimistes, rarement des biologistes, et jamais des biologistes de l’évolution (ce sont des généticiens ou des biologistes moléculaires, qui n’ont pas de raison d’être aussi des spécialistes de la sélection naturelle ou de la systématique).</p>
<p>La manoeuvre est souvent payante, car l’opinion, en général, se soucie peu de ces nuances : Claude Allègre, géologue, sera spontanément mis sur le même pied qu’un paléoclimatologue du GIEC, alors que seul le second est un expert du climat… De fait, géologues et météorologues fournissent le plus gros contingent de climatosceptiques parmi les scientifiques, alors que ces disciplines ne concernent pas directement le climat, son estimation, ses projections, ses causes (la météorologie se joue sur une échelle de temps beaucoup plus courte, et l’échelle est toujours un paramètre scientifique fondamental : comment pourrait-on extrapoler de la vie d’une fourmi à l’histoire de la vie sur Terre ?).</p>
<h2>Risques pour la biodiversité</h2>
<p>Qu’en est-il alors du militant anti-OGM ? Doit-il lui aussi jouer la carte de pseudo-experts pour contester un vrai consensus scientifique ? Il nous faut ici préciser la question, car les risques potentiels des OGM sont multiples et ne relèvent pas tous du même champ d’expertise. Il y a certes les risques à long terme sur la santé humaine, via l’ingestion d’aliments OGM, ou bien via l’usage d’OGM pour nourrir les animaux d’élevage. Mais il existe aussi des risques essentiels pour les écosystèmes.</p>
<p>Les plants génétiquement modifiés, de fait, peuvent constituer une menace pour la biodiversité : l’existence généralisée de flux de gènes entre les diverses cultures, les qualités de résistance des OGM, et une caractéristique économique des semences GM (elles sont brevetées, ce qui veut dire que leur présence, même involontaire, sur une culture quelconque implique de payer la semence et de l’utiliser massivement), impliquent, pris tous ensemble, la possibilité de voir la biodiversité se réduire. Un appauvrissement que l’agriculture traditionnelle savait éviter par diverses pratiques de croisement, alternance, jachère, etc.</p>
<p>Ce risque a été bien montré par les évolutionnistes et les écologues, et présenté en France avec force aux pouvoirs publics et à l’opinion publique par des biologistes comme <a href="http://www.les-ernest.fr/la-biodiversite/">Pierre Henri Gouyon</a>, du Museum d’Histoire Naturelle. La compétence pour modéliser et analyser un tel risque ne relève en effet pas de la médecine, de la génétique ou bien de la biologie moléculaire, qui sont les disciplines concernées par l’évaluation du risque alimentaire. Comme l’historien des sciences Christophe Bonneuil l’a <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/hal-00140594/document">montré</a>, il existe en France entre deux pans disciplinaires de la biologie une fracture quant à leur appréhension et leur opinion sur les OGM : là où l’écologie et la biologie de l’évolution freinent des quatre fers, à propos de ces considérations relatives à la biodiversité, les biologistes moléculaires ont tendance à encourager les OGM.</p>
<p>Cette fracture est d’ailleurs visible à l’échelle internationale : les 255 pages d’un des rapports majeurs sur l’évaluation des risques des OGM, parrainé par l’Institute of Medicine et le National Research Council of the National Academies des États-Unis en 2004 et intitulé <a href="http://nas-sites.org/teachers/files/2012/05/ge_foods_final.pdf">Safety of Genetically Engineered Foods : Approaches to Assessing Unintended Health Effects</a> ne contiennent aucune mention des mots « écologie », « biodiversité » – contre une cinquantaine d’occurrence du terme « moléculaire » !</p>
<p>Qu’est-ce à dire ? En fait, l’opposant aux OGM, dès qu’il insiste sur le problème écologique posé par ces organismes, ne s’inscrit pas dans une logique de déni de l’expertise scientifique en tant que telle : au contraire, il peut s’appuyer, précisément, sur une autre expertise scientifique que celle qui est présentée comme dominante sur ce sujet précis par la plupart des instances publiques (en particulier aux USA).</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101605/original/image-20151111-9393-1u4cf9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cultures de soja génétiquement modifié aux États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Soybean#/media/File:Multicolor_soybeans_in_Hale_Township.jpg">Nyttend/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, le problème écologique peut évidemment devenir un problème de santé publique, puisqu’une perte massive de biodiversité expose à des risques accrus de famine. Il est en effet plus probable de perdre toutes ses sources de nourriture si on cultive très peu de variétés que si on dispose de beaucoup d’entre elles. Ce simple fait autorise à juger très contestable l’absence totale de considérations écologiques dans le rapport que je viens de citer sur les risques pour la santé.</p>
<p>Par voie de conséquence, on mesure combien les défenseurs des OGM ont intérêt à porter le débat sur le thème des risques médicaux : ils pourront ainsi plus facilement faire passer leurs adversaires pour des adversaires de la raison scientifique, et les mettre dans le même sac que des conspirationnistes, des créationnistes ou des… climatosceptiques. Celui qui souhaite questionner l’usage des OGM doit donc plutôt mener la controverse sur le terrain écologique… Quitte à ensuite se lancer dans une analyse sociologique, en questionnant les corrélations possibles entre provenance des fonds de recherche et avis sur les OGM…</p>
<p>Pour conclure, la défiance envers les experts, si elle peut difficilement être justifiée, n’est en tout cas pas tout d’un bloc. Il y a une différence de nature entre, premièrement, contester par principe l’expert, parce qu’il représente des intérêts capitalistes (comme disent certains opposants à la vaccination), ou bien est le serviteur d’une frange d’intellectuels gauchistes coalisés (comme disent les républicains), ou encore représente la croyance aveugle en une rationalité occidentale au fondement suspect (comme diraient des partisans de la médecine dite védantique) ; et, deuxièmement, contester ce que dit un expert du champ A au sujet du champ X, inclus dans le champ A, en s’appuyant soi-même sur des experts du champ B, incluant lui aussi le champ X… </p>
<p>Il y a, entre ces attitudes – celle du climatosceptique et celle de l’écologiste opposant aux OGM – toute la distance entre une hostilité de principe envers la science et un questionnement critique sur les usages de la science et de la technologie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50538/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Huneman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le troisième volet de sa contribution sur climatoscepticisme et opposition aux OGM, Philippe Huneman montre comment la défiance envers les experts n’est pas une posture tout d’un bloc.Philippe Huneman, Directeur de recherche l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/504952015-11-10T22:14:04Z2015-11-10T22:14:04ZClimatosceptiques et opposants aux OGM : erreurs sur les méthodes (2)<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/101469/original/image-20151110-21214-mr6chf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/maile/1745480">Mai Le/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Nous nous posions la question, dans un <a href="https://theconversation.com/anti-science-ogm-et-climat-les-sceptiques-ne-sont-pas-les-memes-1-50328">précédent texte</a>, de savoir si la méfiance envers l’expertise scientifique, partagée par les climatosceptiques et les opposants aux OGM, était un argument suffisant pour mettre ces deux groupes dans le même sac. </p>
<p>Évoquons tout d’abord les controverses autour du climat. Il y a un accord de la plupart des scientifiques sur la réalité du changement climatique et sur son caractère massivement anthropogénique. Bien entendu, différents scénarios prévisionnels existent, dont la fiabilité dépend des assertions qui les sous-tendent, et que les scientifiques discutent précisément entre eux. L’extrême diversité des questions de recherche qu’embrasse le vocable « changement climatique » laisse évidemment place à de nombreuses controverses sur la validité de tel ou tel modèle de l’évolution des températures du globe depuis le Cénozoïque, ou bien sur la fonction mathématique représentant au mieux la fonte annuelle de la banquise, et ainsi de suite.</p>
<p>Cependant, il y a bel et bien consensus, au-delà des experts du GIEC, sur le schéma suivant : l’activité humaine depuis la révolution industrielle est causalement impliquée dans un changement général du régime du climat, lequel inclut une hausse de la température globale, une augmentation de la variance des températures et de la probabilité de précipitations extrêmes. Comme le conclut <a href="http://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/8/2/024024/meta">une étude</a> évaluant 11 944 articles sur le climat entre 1991 et 2011, « le nombre d’articles qui rejettent le consensus sur le réchauffement climatique anthropogène est, en proportion de la recherche publiée, petit jusqu’à disparaître » (<em>vanishingly small</em>).</p>
<h2>Sélection naturelle</h2>
<p>Un parallèle avec la biologie évolutive est ici éclairant : si les biologistes de l’évolution discutent sans relâche depuis des décennies de la pertinence du modèle darwinien d’évolution, du rôle respectif de certains processus évolutifs, de la forme générale de l’évolution, reste que tous admettent ceci : les espèces actuelles descendent toutes d’espèces anciennes qui remontent ultimement à une origine unique, et la sélection naturelle a été l’une des causes majeures de cette évolution. </p>
<p>De la même façon, le fait du changement climatique et le rôle du facteur humain ne font pas question pour les scientifiques, mais il s’agit pour eux de comprendre l’allure de ce changement et de préciser les mécanismes par lesquels les facteurs humains et non-humains ont eu un impact sur lui – sur ces deux points, il y a évidemment débats, la controverse étant la signature de la recherche vivante. Il y a toutefois dans ce second cas une considération supplémentaire que ne connaissent pas les biologistes de l’évolution : concernant le changement climatique, il s’agit avant tout de donner des indications pour aider les décideurs, et les humains en général, à éviter une catastrophe attendue…</p>
<p>« Ce n’est qu’une théorie », disent les détracteurs du changement climatique comme les créationnistes, en parlant de la science qu’ils contestent ; ils croient opposer théorie et faits, alors que, justement, dans les deux cas, il s’agit de la meilleure théorie que nous ayons pour expliquer certains faits (changement climatique d’un côté, diversité et adaptation des organismes de l’autre).</p>
<p>L’opposant aux OGM, lui, oppose rarement théories et faits ; mais il s’inscrit aussi contre un consensus d’expert. Prenons par exemple les risques que les OGM feraient porter sur la santé humaine. Ces 15 dernières années, aucun cas de maladie ou décès imputables aux OGM n’a été enregistré, alors qu’aux USA, des <a href="http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2408621/">millions de gens</a> consomment des aliments à base d’OGM. Au niveau des recherches menées depuis 20 ans, même constat : pas d’effet pathologique des aliments génétiquement modifiés sur la santé humaine, souligne <a href="http://www.medscape.com/viewarticle/766051">un rapport</a> de l’Association Américaine de Médecine. L’Union européenne a conclu pour sa part en 2010 que 500 études menées par des groupes de chercheurs indépendants n’ont pas trouvé de risque supplémentaire propre aux OGM par rapport aux aliments traditionnels.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/101470/original/image-20151110-21184-z1dldb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les rats de l’affaire Séralini.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jepoirrier/422469518/in/set-72157594329856603/">Jean-Etienne Minh-Duy Poirrier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ici, les opposants aux OGM s’arrêteraient de lire pour contester la valeur de ces expertises. Ils estiment en effet que les chercheurs qui les ont produites ne sont pas du tout indépendants des fabricants d’OGM, comme le soulignait Gilles-Eric Séralini lors de la controverse que son travail sur le maïs NK603 suscita. Et puis, soulignent-ils, on connaît bien les liens reliant les associations médicales professionnelles aux groupes pharmaceutiques ou agroalimentaires, qui au mieux frôlent le conflit d’intérêt, et au pire, s’avèrent de la pure corruption. « Et d’abord, quelle était la méthodologie de ces études ? Était-elle incontestable ? », questionnent-ils.</p>
<p>J’aurais tendance à les suivre. Sauf qu’à bien y regarder, le climatosceptique avance exactement les mêmes arguments : les expertises sont biaisées et les experts du GIEC s’entendent entre eux pour maquiller des données ou pratiquer l’omission volontaire (donc, déni du postulat d’indépendance des groupes de recherche). Là où les militants écologistes mettent en doute la méthodologie des recherches sur les OGM, les climatosceptiques renvoient, eux aussi, aux innombrables sites qui contestent les détails des calculs par lesquels nous retraçons les courbes de température du globe depuis 100 000 ans… Tous deux récusent donc l’autorité des experts – à tort ou à raison.</p>
<p>Et, sur le fond, tous deux auraient tort : pour contester une expertise scientifique, il faut être soi-même un expert, afin de comprendre la méthode et le bien-fondé des conclusions. C’est le principe même de l’évaluation par les pairs, qui conduit à l’acceptation ou le rejet de la publication d’un article dans une revue scientifique : seuls des pratiquants de la même discipline peuvent évaluer un travail de recherche dans leur domaine. Dire a priori qu’il est mal fait alors qu’on n’y connaît rien, c’est donc précisément mettre en doute l’idée même de l’expertise, à savoir qu’il existe une compétence spécifique pour aborder de manière scientifique un morceau de la réalité, en construisant des modèles adéquats, en sachant recueillir les donnés pour valider et calibrer ces modèles, et ultimement, en sachant reconnaître la portée et les limites des modèles en question.</p>
<h2>Expertise non respectée</h2>
<p>Autrement dit, dénoncer a priori la méthodologie utilisée dans des études qui convergent sur un consensus d’experts, au motif que ces experts sont accusés d’être a priori biaisés, c’est commettre le sophisme consistant à inverser le principe et la conséquence : si un autre expert peut démontrer que les expertises en question sont méthodologiquement invalides ou du moins très contestables, alors le fait du consensus va apparaître suspect, et on pourra ensuite se tourner vers une sociologie démystificatrice pour comprendre pourquoi ces chercheurs se sont ainsi comportés. Mais à l’inverse, on peut difficilement alléguer le soupçon d’un biais quelconque (au motif que nous paraît suspect l’avis en question – innocuité des OGM, réchauffement climatique anthropogène…) pour ensuite accuser la méthodologie… Procéder ainsi, c’est très exactement ne pas respecter l’expertise – l’un des piliers du travail scientifique et de l’<a href="http://rsa.revues.org/661">ethos de la recherche</a> – et donc faire preuve d’anti-science.</p>
<p>Pour développer : le soupçon plus ou moins étayé d’un conflit d’intérêt peut motiver subjectivement la recherche de failles empiriques ou méthodologiques dans une étude ; mais logiquement parlant, elle ne s’y substitue pas. Certes, il est probable que sans un tel soupçon – par exemple, le fait que des auteurs d’une étude financés par un groupe agroalimentaire n’ont pas intérêt à ce que leur étude conclue à la dangerosité du produit étudié – personne n’aurait analysé de manière critique l’étude en question, mais le soupçon lui-même n’est pas un argument recevable. De la même manière, si une dénonciation conduit quelqu’un à être convoqué par un juge d’instruction, la dénonciation elle-même ne prouve rien. C’est le travail du juge qui va mettre au jour l’existence de délits – ou pas. Par ailleurs, s’il y a davantage que du soupçon, si des faits de collusion ou de corruption sont établis, alors l’étude en question est invalidée ou retirée, mais c’est un autre cas de figure que ce qui m’occupe ici.</p>
<p>Alors, faut-il alors mettre le climatosceptique et l’anti-OGM dans le même camp de l’antiscience ? Ce serait une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui abhorrent autant les climatosceptiques que Monsanto – c’est-à-dire une bonne partie des sympathisants de l’écologie politique. Nous aborderons ce point dans un troisième article.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/50495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Huneman ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contester l'expertise scientifique, en mettant en avant ses biais… Voilà qui réunit adversaires des OGM et climatosceptiques. Mais l'argumentation est fallacieuse.Philippe Huneman, Directeur de recherche l'Institut d'histoire et de philosophie des sciences et des techniques, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.