tag:theconversation.com,2011:/us/topics/peripheries-67156/articlespériphéries – The Conversation2023-11-28T17:12:08Ztag:theconversation.com,2011:article/2171142023-11-28T17:12:08Z2023-11-28T17:12:08ZLa France « moche » ne l’est pas pour tout le monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562182/original/file-20231128-17-a9hl16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C39%2C3200%2C2404&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La galerie marchande du centre commercial de Noyelle-Godault.</span> <span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Au premier jour d’une <a href="https://ittecop.fr/fr/tous-les-projets/recherches-2012/item/34-plateformes">recherche sociologique</a> menée pour le ministère de l’Écologie, programme ITTECOP (Infrastructure de transport, territoires, écosystèmes et paysages), entre 2012 et 2017 sur la zone commerciale de Noyelle-Godault tout près d’Hénin-Beaumont, je prends la sortie 26 de l’autoroute à A1 en direction de Lille. <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">La France des zones commerciales soi-disant « moches »</a> est là, devant moi.</p>
<p>Autant le dire tout de suite, ces formes urbaines <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/geographie-a-la-carte/faut-il-embellir-la-france-moche-2696299">souvent décriées</a> sont non seulement appréciées par la majorité de ceux qui les fréquentent, mais elles sont même plébiscitées, surtout par les familles, par les jeunes aussi. Elles sont support de leur quotidien, de leurs loisirs et de leurs pratiques culturelles. Elles font repère pour leur identité.</p>
<p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXI<sup>e</sup> siècle. Dans bon nombre de villes moyennes, ils ont remplacé les centres anciens moribonds aux commerces abandonnés. Même si on note une baisse de leur fréquentation, ils représentent encore plus de 60 % de l’approvisionnement alimentaire. Surtout, ils structurent un mode de vie.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-finir-avec-la-france-moche-peut-on-changer-notre-perception-des-zones-commerciales-214334">En finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Cette France contemporaine s’étale donc devant moi plus qu’elle ne se dresse puisque les bâtiments ne dépassent pas la hauteur d’un immeuble de trois étages. Autour des mastodontes de la consommation (Auchan, Ikea, Décathlon) s’alignent des dizaines d’enseignes plus petites, mais tout aussi tape-à-l’œil.</p>
<p>Des lieux de loisirs sont là également : restaurants, hôtels, cinémas, espaces de paintball et même un circuit de karting. Une architecture commerciale qui se présente comme une accumulation de cubes métalliques et de rectilinéaires colorés. Une architecture dictée dans un langage mathématique, celui des mètres carrés commerciaux, tout en perpendiculaires : la carte devenue territoire pour paraphraser Houellebecq. Au milieu de ces hangars maquillés, « des milliers d’automobiles en stationnement étincèlent sur un vaste étang de goudron », <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-tour-du-monde-des-idees/abattoir-5-de-kurt-vonnegut-cinquantieme-anniversaire-2468283">pour reprendre les mots de Kurt Vonnegut</a>.</p>
<h2>La vie en habitacle ou l’appauvrissement des sens</h2>
<p>Durant les 5 années de cette enquête menée au laboratoire Habiter le Monde, nous avons pu appréhender les caractéristiques de ce mode de vie et des valeurs périurbaines, notamment ici, esthétiques, qui le structurent.</p>
<p>Ces zones commerciales sont nées au XX<sup>e</sup> siècle du mouvement de spécialisation des espaces de la ville, le « zonage » disent les urbanistes. Alors que la ville industrielle du XIX<sup>e</sup> siècle <a href="https://www.mediatheques.strasbourg.eu/Conservatoire/doc/IGUANA_2/126867/la-ville-phenomene-economique-jean-remy">concentre sur un même espace</a> l’habitat, l’approvisionnement, le travail, la pensée fonctionnaliste en urbanisme fait éclater ces fonctions, les sépare et les localise <a href="https://www.cairn.info/les-methodes-de-l-urbanisme--9782130813446-page-7.htm">chacune dans des zones distantes</a>. La voiture individuelle fera le lien entre ces espaces séparés désormais par des distances que l’on ne peut plus faire à pied.</p>
<p>Autour d’Hénin-Beaumont, <a href="https://whc.unesco.org/fr/list/1360/gallery/">dans l’ancien Bassin-Minier</a>, la vie est donc une vie automobile, indispensable pour aller faire ses courses, chercher ses enfants à l’école, promener son chien dans le parc aménagé d’un ancien terril, assister à un concert au 9/9bis, se rendre au cinéma dans la zone commerciale.</p>
<p>La vie périurbaine est une vie en habitacle à air conditionné, coupée des éléments climatiques. <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1998_num_78_1_2164">Christophe Gibout</a> note d’ailleurs que la voiture acquiert également dans ce contexte, « le caractère d’un référent symbolique de la modernité urbaine et de l’achèvement d’une liberté individuelle de circulation ». Une vie en habitacle à propos de laquelle Richard Sennett problématise <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’appauvrissement des sens</a>. Dans ces espaces dispersés parcourus en automobile, l’expérience du corps s’affaiblirait, réduisant les sensations du mouvement, du toucher. Lorsqu’on passe de l’air conditionné de la voiture à celui de la galerie marchande, le contact est furtif avec l’environnement « réel ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562185/original/file-20231128-17-giiv17.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Esthétique hollywoodienne</h2>
<p>Comme on me le déclarait de nombreuses fois en substance, on aime venir au centre commercial pour accéder à une modernité clinquante, féérique, multicolore et proprement aseptisée. Un décor entièrement factice, une anthropisation maximale de l’espace, rehaussé de lumière. Des millions de leds resplendissent sur fond de tôle ondulée. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, cette modernité occidentale, se construit sur un référent diffusé dans les séries et les cinémas produites principalement « outre-Atlantique ».</p>
<p>Au-delà des magasins en effet, la zone dans son ensemble a de faux airs américains, et se présente comme un décor de cinéma : « diners » et fast-foods, restaurants à la mise en scène spectaculaire constitués de véritables wagons suspendus à trois mètres du sol, « shopping promenade », comme autant d’échos réels aux flux culturels diffusés dans les productions audiovisuelles américaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562184/original/file-20231128-23-gaax09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’imaginaire américain est omniprésent.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors ; aller au centre commercial c’est vivre la fiction, vivre dans le décor hollywoodien devenu réalité locale, selon une continuité médiatico-spatiale pourrait-on dire. L’espace est facile d’accès, on y entre gratuitement ; pour autant, les loisirs y sont payants et formatés.</p>
<p>Autour des espaces de la grande distribution, l’attractivité joue des représentations d’une modernité consumériste séduisante où les grandes enseignes de l’agroalimentaire vantent souvent leur caractère « authentique », « traditionnel », « naturel », comme un pied de nez au centre-ville patrimonialisé, perçu par les personnes que j’interviewe, selon leurs termes, comme « désuet » et « mort », duquel les habitants se détournent.</p>
<h2>Animation constante</h2>
<p>Le centre commercial au contraire est une zone urbaine où il se passe toujours quelque chose. L’événement caractéristique des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux1-2009-4-page-17.htm*">mondes urbains</a> se joue désormais pour beaucoup sur les parkings du centre commercial, dans les galeries marchandes, au rythme des animations des fêtes devenues commerciales qui animent le décor : Noël, Halloween en tête, Pâques, le Carnaval dans le Nord, la Saint-Valentin, etc.</p>
<p>Chaque fois des décors différents, des animations différentes. Des événements superficiels ? Peut-être, mais les enfants comme les parents que je rencontre, apprécient ces décors toujours féériques, l’ambiance tranquille. Ici, tout semble sécurisé, dans la galerie marchande, « on peut laisser courir les enfants » me dit-on. Chaque chose est à sa place, ça sent même « le propre », le néo-hygiénisme règne. Les relations sociales sont apaisées, une armée de vigiles et de caméras sont là pour y veiller. Dans un monde social souvent perçu à travers le prisme médiatique de l’insécurité, le centre commercial représente <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1992_num_55_1_1689_t1_0202_0000_2">l’espace pacifié des rapports sociaux</a> dans un cadre structuré par la consommation de masse et l’imaginaire de l’abondance.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562183/original/file-20231128-15-n5w3pk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">légende.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabrice Raffin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Du politique et de la consommation</h2>
<p>Il reste une différence notable entre ces centralités commerciales et le centre-ville : c’est l’absence du « politique » et de ses symboles. La galerie marchande n’est pas l’espace de la dispute démocratique et la mairie est restée dans le centre ancien. Les terrasses des cafés standardisés, protégées des intempéries dans la galerie marchande, ont <a href="https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-77.htm">peu à voir avec l’espace de mise en publicité cher à Habermas</a>, espace de la dispute démocratique. L’être urbain y est surtout identifié en consommateur.</p>
<p>Dès lors, l’appartenance urbaine et les enjeux démocratiques semblent lointains, comme restés dans le centre-ville. Le politique mis à l’écart, le commun, la « communauté locale », se joueraient-ils exclusivement dans l’accès à la consommation ? Quoi qu’il en soit, l’espace commercial, le plus souvent, n’est pas perçu comme « moche » par celles et ceux qui l’occupent, le fréquentent, et ce faisant, le consomment et le produisent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Raffin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans la pratique et dans l’imaginaire, ces zones commerciales sont les centres urbains de ce début de XXIᵉ siècle.Fabrice Raffin, Maître de Conférence à l'Université de Picardie Jules Verne et chercheur au laboratoire Habiter le Monde, Université de Picardie Jules Verne (UPJV)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143342023-09-26T19:10:53Z2023-09-26T19:10:53ZEn finir avec la « France moche » : peut-on changer notre perception des zones commerciales ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550201/original/file-20230926-25-1l1pk3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5176%2C3872&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Héritage des trente glorieuses, les zones commerciales en périphérie des villes souffrent d'une mauvaise image. </span> <span class="attribution"><span class="source">Elodie Bitsindou</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Le 11 septembre 2023, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, et la ministre déléguée chargée des Petites et moyennes entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, Olivia Grégoire, ont annoncé un <a href="https://www.gouvernement.fr/upload/media/content/0001/07/2dc90efc2c1a0e97572bf027240fac63e4dc9d75.pdf">programme national de transformation des zones commerciales</a>.</p>
<p>Souvent situées en entrée de ville, ces zones demeurent des pôles de consommation majeurs. 72 % des dépenses des Français sont effectuées dans ces zones, a annoncé Bercy, un chiffre, semble-t-il, tiré d’une <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283665">étude de l’Insee publiée en 2014</a>.</p>
<p>Face à la crise écologique, l’arrêt de la construction de nouvelles zones et l’adaptation de l’existant (<a href="https://www.gouvernement.fr/actualite/lancement-du-programme-de-transformation-des-zones-commerciales">1 500 zones commerciales couvrant cinq fois la taille de Paris</a> sont nécessaires. Mais si ces zones sont associées à un mode de vie jugé obsolète par les professionnels de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire, celui du règne de l’automobile et de la surconsommation, elles sont un héritage des Trente Glorieuses et abritent à ce titre une mémoire collective.</p>
<p>Un questionnement sur l’identité de ces lieux permettrait d’avancer sur certaines des difficultés auxquelles les projets devront faire face : création de valeur hors du secteur commercial, et nécessité de faire évoluer l’image de ces zones pour convaincre de se loger sur ce foncier hautement rentable, mais souffrant d’un mépris culturel.</p>
<h2>« La France moche » : un point de vue subjectif</h2>
<p>Depuis l’annonce du gouvernement, l’expression « France moche » a <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/tribunes/a-quoi-bon-embellir-la-france-moche-20230920_RUJYQZAV6JANXNY7ZPXOIFXNWA/">refait son apparition dans le débat public</a>. Vue pour la première fois <a href="https://www.telerama.fr/monde/comment-la-france-est-devenue-moche,52457.php">dans les pages de Télérama en 2010</a>, la formule pointe les formes de l’étalement urbain : infrastructures routières, zones commerciales, lotissements.</p>
<p>Ses détracteurs y perçoivent laideur, banalité, ennui et mal-être. Leurs habitants sont perçus comme des exilés. Or, un tiers de la population réside aujourd’hui dans ces territoires, selon une mosaïque socio-économique et des mobilités résidentielles diverses. En outre, la <a href="https://www.eyrolles.com/BTP/Livre/la-ville-franchisee-9782903539757/">« ville franchisée » décrite par le sociologue David Mangin</a> en 2003 est une réalité qui concerne aujourd’hui aussi bien les périphéries que les villes historiques. <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/histoires-economiques/histoires-economiques-du-lundi-24-janvier-2022-8956659">L’abondance de la publicité</a> sous toutes ses formes dans les quartiers centraux de la capitale en constitue un parfait exemple.</p>
<p>À rebours de ce rejet, nombre d’auteurs nous invitent à considérer ces espaces sous un angle nouveau. En 2011, Éric Chauvier s’opposait à ces critiques en publiant l’essai <a href="https://www.editions-allia.com/fr/livre/489/contre-telerama"><em>Contre Télérama</em></a>. L’écrivaine Annie Ernaux, de son côté, a rendu compte de son expérience sensible des hypermarchés dans l’opus <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/regarde-les-lumieres-mon-amour-annie-ernaux/9782370210371"><em>Regarde les lumières mon amour</em></a>. Elle a depuis obtenu le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=zGdHgAvc-OA">prix Nobel de littérature</a>.</p>
<p>C’est par la médiation de l’art, nous apprend le <a href="https://editions.flammarion.com/nus-et-paysages/9782700734133">philosophe Alain Roger</a>, que nous pouvons apprécier un paysage. Les artistes, en particulier les photographes, nous ont offert quantité de matière pour apprendre à percevoir cette dimension des zones commerciales. Comme <a href="https://archive.org/details/RobertVenturiStevenIzenourDeniseScottBrownLearningFromLasVegasTheForgottenSymbol">Robert Venturi et Denise Scott Brown</a> prirent conscience des qualités visuelles et culturelles des boulevards commerciaux de Las Vegas, pouvons-nous aussi changer de regard sur les zones commerciales en périphérie des villes françaises ?</p>
<h2>Quand la production artistique rencontre l’aménagement du territoire</h2>
<p>L’intérêt des photographes français pour les espaces périurbains se manifeste pour la première fois à l’occasion de la <a href="https://missionphotodatar.anct.gouv.fr/accueil">Mission photographique de la DATAR</a> (Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale). Créée en 1963, la DATAR avait pour objectif de superviser la politique nationale d’aménagement du territoire. En 1984, Bernard Latarjet et François Hers lancent la Mission avec l’objectif de « représenter le paysage français des années 80 » et de recréer « une culture du paysage ».</p>
<p>Parmi les participants, des tendances se dégagent. Ils capturent la transformation des bords de mer, des zones rurales et provinciales ; témoignent des effets de l’urbanisation diffuse ; saisissent une ruralité perdue, ou du moins, irrémédiablement transformée ; explorent les infrastructures et les paysages en mouvement ; et montrent les hommes et les femmes qui investissent ces espaces.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=796&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550207/original/file-20230926-23-py161m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1000&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Espaces commerciaux, Midi.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Albert Giordan, Mission photographique de la Datar</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dévoilées au public pour la première fois à la fin de l’année 1985, les photographies de la DATAR furent <a href="https://www.ina.fr/recherche?q=Territoires+photographiques&espace=1&sort=pertinence&order=desc">largement diffusées dans les médias</a>. Cependant, l’opinion du philosophe Michel Guerrin selon laquelle <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1986/01/13/miracle-on-a-retrouve-des-paysages-en-france_2938819_1819218.html">« Miracle ! On a retrouvé des paysages en France ! »</a>, reste une exception. Le public de l’époque ne perçut pas tant une volonté de renouvellement des paysages que le témoignage de leur altération.</p>
<p>Ces images forment le récit d’une France subissant de profondes transformations : celui d’un territoire conquis par les flux de circulation et d’énergies ; où nature (jamais sauvage) habitat et industrie se superposent et s’entremêlent ; où le fonctionnalisme de l’État aménageur des Trente Glorieuses coexiste avec la prolifération de l’habitat individuel ; où l’espace public est peuplé d’images et de signes.</p>
<h2>Nouveaux récits</h2>
<p>Sur le modèle de la DATAR, des commandes photographiques et missions indépendantes – <a href="https://www.archive-arn.fr/">tels l’ARN, Atlas des régions naturelles</a> – montrent des portraits de paysages où la dimension sensible n’occulte jamais les réalités urbaines.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550208/original/file-20230926-19-w4cu54.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Montchanin. Atlas des Région Naturelles (ARN).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Nelly Monnier et Éric Tabuchi</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Initiée par le Forum vies mobiles (un institut de recherche sur la mobilité), <a href="https://www.citedesartsparis.net/fr/exposition-les-vies-quon-mene-cite-x-tendance-floue-x-forum-vies-mobiles">« Les vies qu’on mène »</a> cherche à capturer la diversité des modes de vie contemporains en France. Les séries photographiques sont des récits, suivant des individus de tous horizons, dans des territoires variés. Elles examinent notamment le rôle essentiel de l’automobile dans la vie quotidienne, principal moyen de déplacement, outil de travail ou objet de fierté, et exposent <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782367441627-les-vies-qu-on-mene-tendance-floue-nicolas-mathieu/">« notre dépendance aux énergies carbonées »</a>. Exposées à la Cité internationale des arts en 2022, ces images dialoguent avec les statistiques, soulignant qu’actuellement, 70 % des déplacements en France se font en voiture, et que 85 % des foyers étaient motorisés en 2018.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=748&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550209/original/file-20230926-29-w4cu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=940&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série « Sur la piste des derniers hommes sauvages « , 2015.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Antoine Séguin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une autre initiative indépendante, lancée en 2020, <a href="http://www.francesterritoireliquide.fr/">« France(s) territoire liquide »</a> se distingue par son ambition de reprendre le flambeau de la DATAR, tout en se libérant des contraintes de commande. Il s’agit d’explorer un territoire en mutation, dans ses différentes dimensions, matérielles comme émotionnelles. Loin d’être documentaire, cette mission privilégie la narration, en mettant en scène les habitants des zones périurbaines avec une puissance évocatrice saisissante.</p>
<h2>Une esthétique du contraste</h2>
<p>Il est difficile d’établir une liste exhaustive des photographes qui ont pris les périurbains comme sujets.</p>
<p>À l’image de Raymond Depardon, qui participa à la Mission DATAR en <a href="https://www.imageandnarrative.be/index.php/imagenarrative/article/view/203">capturant les effets de l’étalement urbain sur le monde rural</a>, puis publia son recueil <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-france-de-raymond-depardon-raymond-depardon/9782021009941"><em>La France de Raymond Depardon</em></a> près de vingt ans plus tard, les photographes se sont engagés dans une réflexion sur la <a href="https://editions.flammarion.com/la-france-peripherique/9782081312579">« France périphérique »</a>.</p>
<p>Leurs choix de sujets et de cadrage influencent notre perception de ces espaces. Leur regard n’est jamais neutre : ils sont animés par la nostalgie, le second degré, ou influencés par les représentations cinématographiques. Les zones commerciales y sont mises en narration et leurs qualités visuelles, riches de contrastes, sont sublimées par leur travail.</p>
<p><a href="https://www.galignani.fr/livre/9782916774008-hexagone-t-1-le-paysage-fabrique-jurgen-nefzger/">« Hexagone : le paysage fabriqué »</a> de Jurgen Nefzger montre des paysages périurbains dotés de points de repères et de monumentalité. Les chefs-d’œuvre de l’architecture post-moderne, structurent l’espace au même titre que les fameux pastiches d’architecture vernaculaire délivrés partout à l’identique par les chaînes de restauration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550210/original/file-20230926-23-r93gm5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Autoroute du soleil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Raphaël Bourelly</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="http://www.julienrochephotography.com/gallery/paradise-lost/">« Paradise Lost »</a> de Julien Roche joue sur la répétition, tandis qu’avec <a href="https://antoineseguin.com/Sur-la-piste-des-derniers-hommes-sauvages">« Sur la piste des derniers hommes sauvages »</a>, Antoine Séguin s’appuie sur les différences d’échelles entre <em>l’Homo périurbanus</em> et son environnement.</p>
<p><a href="https://xavierlours.bigcartel.com/product/rodeo">« Rodéo 3 »</a> de Xavier Lours s’attarde sur la vie nocturne de <a href="https://www.revue-urbanites.fr/vu-rodeo/">Plan-de-Campagne</a>, créée en 1960 dans la périphérie de Marseille, la plus grande zone commerciale de France, dans le viseur des photographes depuis la mission DATAR.</p>
<p>Quant à la série <a href="http://www.raphaelbourelly.com/autoroute.html">« Autoroute du soleil »</a> de Raphaël Bourelly, elle met à l’honneur néons et jeux de lumière.</p>
<p>Signe de l’intérêt institutionnel pour les zones commerciales en tant que paysages, ces quatre projets photographiques ont été récompensés dans le cadre du concours <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/IMG/pdf/puca-27042021allegecorrige.pdf">« Regards sur les zones d’activité économique »</a> sponsorisé <a href="https://www.urbanisme-puca.gouv.fr/">par le PUCA</a> (Plan Urbanisme Construction Architecture) – un service interministériel créé en 1998 afin de faire progresser les connaissances sur les territoires et les villes et éclairer l’action publique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=449&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/550212/original/file-20230926-15-bm5p19.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Série Hyperlife, 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Stéphanie Lacombe</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La photographe Stéphanie Lacombe, de son côté, opère un changement d’échelle et de focale, en montrant moins les paysages des zones commerciales que l’appropriation dont elles font l’objet par les individus. Sa série <a href="https://lacombestephanie91e7.myportfolio.com/hyper-life">« Hyperlife »</a>, au nom évocateur – ces lieux que l’on qualifie de « France moche » sont aussi et surtout des lieux « hypervivants » – donne à voir les liens de sociabilité qui se jouent sur le parking de l’Intermarché de Saint-Erme (Hauts-de-France). Dans une intéressante subversion des fonctions, qui valorise différemment l’espace et le valide comme lieu de vie à part entière, le travail de la photographe a été exposé sur le parking en question.</p>
<p>À travers ce corpus, les zones commerciales ne sont plus simplement perçues comme des espaces fonctionnels ou des centres de consommation, mais se révèlent comme des lieux où se superposent des échelles, des lisières et des interstices. À partir de ces représentations, il est crucial de reconnaître et de préserver les pratiques préexistantes qui ne s’inscrivent pas dans une grille de lecture consumériste, plutôt que de les effacer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214334/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elodie Bitsindou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comment faire évoluer l’image des zones commerciales, qui souffrent d’une forme de mépris culturel ?Elodie Bitsindou, Doctorante en histoire de l'architecture contemporaine, Centre Chastel, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2131102023-09-13T19:52:41Z2023-09-13T19:52:41ZComment le ressentiment nourrit le vote RN dans les zones rurales<p>La dernière élection présidentielle a réactivé des discussions sur l’existence de fondements géographiques à la fracture politique entre les Français. Il y aurait selon <a href="https://www.lepoint.fr/editos-du-point/jerome-fourquet-l-etat-de-la-france-d-apres-05-05-2022-2474389_32.php">certains acteurs du débat public</a>, une opposition entre la France des grandes métropoles d’un côté et la <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/france-espaces-ruraux-periurbains/cadrage">France de la périurbanité</a> et de la ruralité de l’autre.</p>
<p>Cette problématique est au cœur des réflexions de nombreux partis politiques aujourd’hui, <a href="https://www.liberation.fr/politique/pourquoi-la-gauche-na-pas-le-rural-au-beau-fixe-20230806_B6DRIUHD4RDGZHT3N4RWW4OPZM/?redirected=1">notamment au sein de la gauche</a>, comme en témoigne la <a href="https://www.lefigaro.fr/politique/la-france-des-beaufs-le-ps-epingle-par-darmanin-pour-l-intitule-d-une-table-ronde-de-son-universite-d-ete-20230825">polémique suscitée</a> par l’intitulé de l’une des tables rondes organisées par le Parti socialiste (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=NYQ3ppOFbiw">« La France périurbaine est-elle la France des beaufs ? »</a>).</p>
<p>De <a href="https://metropolitiques.eu/Une-opposition-politique-entre-les-grandes-agglomerations-et-le-reste-du.html">nombreuses études universitaires</a> montrent que le niveau de soutien pour le Rassemblement national (RN) est plus fort dans les territoires ruraux et périurbains que dans les grandes agglomérations, tandis qu’à l’inverse le niveau de soutien à LFI est bien plus faible sur ces territoires.</p>
<p>S’il existe un certain consensus sur ce constat descriptif – même si certains chercheurs dénoncent le caractère trop généralisant de ces catégories ou <a href="https://metropolitiques.eu/L-illusion-du-vote-bobo.html">nuancent l’ampleur</a> de la division –, il y a dissensus sur l’explication qu’on peut avancer pour rendre compte de ce phénomène. <a href="https://theconversation.com/zones-rurales-contre-zones-urbaines-deux-france-sopposent-elles-vraiment-dans-les-urnes-189609">Nous indiquions dans un précédent article</a> que ce soutien aux partis d’extrême droite n’était certainement pas réductible à la situation économique et sociale sur les territoires. Cet article pose que l’opposition entre les territoires ruraux et urbains comporte une dimension psychologique importante.</p>
<h2>La conscience rurale</h2>
<p>Les recherches en science politique à l’international mettent de plus en plus en évidence des facteurs de nature psychologique pour expliquer le comportement politique différencié des populations rurales. C’est le cas notamment des travaux qui mobilisent la grille d’analyse établie par la politiste Katherine Cramer pour saisir l’ascension politique d’un gouverneur <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/P/bo22879533.html">républicain populiste dans le Wisconsin</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/547726/original/file-20230912-4237-qa221i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’homme politique Scott Walker victorieux des élections primaires de septembre 2010 au Wisconsin, le 14 septembre 2010. Sa campagne très populiste a été documentée par la politiste Katherine Cramer.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b9/Scott_Walker_primary_victory_2010.jpg/1024px-Scott_Walker_primary_victory_2010.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elle montre, en rendant compte des conversations entre les habitants, qu’il existe une véritable <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/american-political-science-review/article/abs/putting-inequality-in-its-place-rural-consciousness-and-the-power-of-perspective/A603EA36286F837AEB4F0CF250D4595A#">conscience rurale</a> basée sur l’identification sociale à un lieu de vie et un ressentiment vis-à-vis des habitants des zones urbaines qui revêt trois facettes.</p>
<p>Tout d’abord politique : les ruraux ont le sentiment que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte par les dirigeants politiques et qu’ils sont insuffisamment représentés. Puis économique : ils ont l’impression d’être les derniers à bénéficier des ressources publiques. Enfin, culturelle : l’idée que leur mode de vie est radicalement différent de celui des urbains et qu’il est méprisé.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Bien que le contexte américain soit différent à bien des égards, les concepts de Katherine Cramer nous semblent pertinents pour éclaircir le cas français pour deux raisons. D’une part, parce que les écarts de comportement électoral entre les ruraux et les urbains ne peuvent se résumer à la <a href="https://metropolitiques.eu/Une-opposition-politique-entre-les-grandes-agglomerations-et-le-reste-du.html">composition économique et sociale des territoires</a>. D’autre part, parce que des <a href="https://www.cairn.info/les-gars-du-coin--9782707160126.htm">travaux sociologiques</a> indiquent qu’il existe dans la <a href="https://theconversation.com/coq-maurice-et-autres-bruits-de-la-campagne-une-vision-fantasmee-de-la-ruralite-127241">ruralité</a> une forte identification au lieu de vie liée à l’appartenance des habitants à des réseaux d’interconnaissances localisés et qui se <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ceux_qui_restent-9782348044472">définissent en partie en opposition à d’autres groupes géographiques</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-r-comme-ruralite-159848">« Les mots de la science » : R comme ruralité</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Un ressentiment géographique plus fort chez les ruraux</h2>
<p>Notre enquête par questionnaire pour le projet européen <a href="https://www.rudefrance.eu/">« Rural Urban Divide in Europe »</a> (RUDE) menée en France sur 4000 répondants en octobre 2022 fait apparaître un fossé géographique au niveau du ressentiment que les individus éprouvent vis-à-vis d’habitants d’autres zones géographiques.</p>
<p>La différence de niveau de ressentiment entre les ruraux et les urbains est particulièrement marquée en ce qui concerne le pouvoir politique. En effet, comme le montre la figure 1, 72 % des ruraux se sentent méprisés par les élites, contre près de moitié moins chez les urbains.</p>
<p>En outre, ce clivage est plus accentué encore sur la question de la représentation politique, puisque seulement 36 % des urbains pensent qu’il y a trop de députés ruraux qui ne représentent par les intérêts des habitants des zones urbaines, tandis qu’à l’inverse, 82 % des ruraux considèrent qu’il y a trop de députés issus des zones urbaines et qui ne représentent pas les intérêts des habitants qui vivent dans les zones rurales. Il est intéressant de noter que ce ressenti ne correspond pas à la représentativité effective des députés à l’Assemblée nationale où les <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/7353">zones rurales sont plutôt surreprésentées</a>.</p>
<h2>La perception de l’allocation des ressources publiques creuse le fossé</h2>
<p>Toutefois, c’est la mesure du niveau de ressentiment vis-à-vis de l’allocation des ressources publiques qui constitue le fossé le plus important entre ruraux et urbains. Les habitants des zones rurales ont le sentiment, assez marqué, d’être moins bien dotés en ressources publiques par rapport aux autres zones géographiques. 85 % des ruraux pensent que le gouvernement dépense trop d’argent pour le développement des zones urbaines, alors que le développement des zones rurales serait laissé de côté. En revanche, seulement 23 % des urbains sont d’accord avec l’affirmation inverse, confirmant ainsi l’existence d’un sentiment particulièrement prononcé chez les ruraux d’être abandonnés par les pouvoirs publics.</p>
<p>Là aussi, ce ressenti contraste fortement avec la réalité objective. <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-etat-a-toujours-soutenu-ses-territoires-laurent-davezies/9782021451535">Les travaux de l’économiste Laurent Davezie</a> ont montré à plusieurs reprises que non seulement l’État investissait fortement dans ces territoires, mais qu’il y avait une forme de redistribution fiscale des habitants des grandes agglomérations vers les territoires ruraux. Enfin, ce clivage s’observe également concernant le ressentiment vis-à-vis des différences de mode de vie et valeurs selon les zones géographiques.</p>
<p>Pour le dire autrement, les habitants des zones rurales s’estiment en décalage et se sentent méprisés : 65 % des ruraux pensent que les personnes issues des zones urbaines ne respectent pas assez le mode de vie des personnes issues des zones rurales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fractures-territoriales-et-sociales-portrait-dune-france-en-morceaux-112154">Fractures territoriales et sociales : portrait d’une France en morceaux</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Un ressentiment géographique aux conséquences politiques lourdes</h2>
<p>L’ensemble de ces résultats rejoignent ceux du <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ceux_qui_restent-9782348044472">sociologue Benoît Coquard</a> qui concluait son enquête auprès de jeunes ruraux de l’Est en considérant qu’ils estimaient « ne pas compter aux yeux du pays, ou de ceux qui les gouvernent ». Il semble assez évident que ce ressentiment géographique asymétrique puisse influencer le vote des habitants de la ruralité.</p>
<p>D’autres données issues de l’enquête RUDE, présentées ci-dessous (cf. figure 2), nous donnent un aperçu de ces conséquences politiques. Les ruraux sont d’autant plus enclins à voter pour le « Rassemblement national » à une élection prochaine qu’ils éprouvent du ressentiment vis-à-vis des urbains.</p>
<p>En effet, le score du Rassemblement national est déjà plus élevé de 10 points de pourcentage chez les ruraux par rapport à la moyenne, mais de plus de 22 points chez les ruraux qui éprouvent un ressentiment géographique. Ainsi, s’il y avait une élection prochainement, les ruraux avec du ressentiment géographique voteraient deux fois moins que la moyenne nationale pour le parti « Renaissance », mais deux fois plus pour le « Rassemblement national ».</p>
<h2>Plusieurs constats</h2>
<p>Ces résultats nous invitent à poser plusieurs constats. Tout d’abord, il convient de souligner l’importance du contexte géographique pour rendre compte des représentations politiques des individus. Ensuite, de constater l’existence, à l’instar des États-Unis, d’une certaine forme de « conscience rurale », fondée sur une « politique du ressentiment ». Enfin, ces résultats conduisent à mettre en avant un écart important entre la réalité des inégalités territoriales et la perception qu’en ont les individus.</p>
<p>Les représentations qu’ont les individus des territoires où ils vivent, en comparaison avec les autres, jouent un rôle essentiel. Or, il est probable qu’elles soient en partie façonnées par les discours médiatiques et politiques. À cet égard, le RN <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/803581/vote-des-villes-vote-des-champs-quen-est-il-exactement/">a réussi à convaincre une partie des électeurs ruraux</a> qu’il était le parti d’une ruralité abandonnée et méprisée.</p>
<p>Face à cela, il convient pour les autres forces politiques de prendre en compte cette forme de « conscience rurale », fondée sur le ressentiment, pour construire un autre discours, qui ne soit ni misérabiliste, ni condescendant, et qui fasse sens vis-à-vis des représentations des habitants des zones rurales.</p>
<hr>
<p><em>Cet article a été co-rédigé avec Blaise Mouton, étudiant en Master à Sciences Po Grenoble.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Brookes a reçu des financements de l'ANR "The rural-urban divide in Europe – RUDE" coordonnée par l'agence européenne NORFACE.</span></em></p>Les habitants des zones rurales se sentent méprisés sur les plans politiques, économique et culturel, une impression qui nourrit un vote de ressentiment.Kevin Brookes, Post-doctorant à Sciences Po Grenoble - Laboratoire PACTE, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122872023-09-08T08:44:41Z2023-09-08T08:44:41ZAux frontières de Paris, apprendre de la Zone et de ses conflits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545727/original/file-20230831-23-juguw6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5120%2C3395&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au fil des nuages, Place Jacques Duclos, Montreuil.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/9621377068/in/album-72157644984085889">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Après les <a href="https://theconversation.com/emeutes-au-dela-des-eclats-le-reflet-de-vies-brutalisees-209239">émeutes urbaines</a> de fin juin-début juillet 2023, le Conseil de la Métropole du Grand Paris a adopté une résolution qui doit « permettre aux quartiers en difficulté de retrouver une dynamique positive de développement ».</p>
<p>Cette résolution fait partie des 12 orientations du Schéma de cohérence territoriale – le <a href="https://www.metropolegrandparis.fr/fr/actualites/la-metropole-du-grand-paris-adopte-definitivement-963-son-schema-de-coherence">SCoT</a> –, voté le 13 juillet 2023 avec pour ambition de constituer « la colonne vertébrale de la Métropole pour les 15 années à venir ».</p>
<p>Comment cette nouvelle dynamique est-elle censée se réaliser au niveau des « quartiers en difficulté » ? Par un plan d’urbanisme surplombant et un ensemble de décisions politiques qui, depuis les hauteurs de l’expertise, se projetteraient au sol des banlieues ? Après le <a href="https://theconversation.com/medine-dans-lactualite-comment-le-rap-fait-parler-les-politiques-163022">rappeur Médine</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=6sfVkZYIyik">ses différents collectifs</a> qui ont scandé « c’est nous le Grand Paris », les juristes Xavier Matharan et Serge Pugeault ont exprimé autrement leur volonté d’élargir le droit de participer pleinement à la ville. Aussi viennent-ils d’en appeler à la formation <a href="https://www.lejournaldugrandparis.fr/pour-une-assemblee-constituante-au-secours-du-grand-paris/">d’une assemblée constituante</a> pour réussir <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/le-pari-du-grand-paris/">« le pari du Grand Paris »</a> ; une réussite qui suppose d’inviter toutes les catégories de la population – dont celles des banlieues – à prendre part aux décisions.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FqoEG9TxOg0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Médine, Le Grand Paris 2.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les recherches que j’ai menées seul et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/12063312231155353">avec d’autres collègues</a> m’ont appris que ces questions comme ces confrontations entre centre-ville et périphéries ont toutes un point de jonction qui mène à l’histoire largement oubliée de la « Zone ». Si cette dernière ne doit pas être confondue avec la banlieue, son histoire n’en reste pas moins celle des frontières urbaines et des conflits autour <a href="https://metropolitiques.eu/50-ans-apres-actualites-du-droit-a-la-ville-d-Henri-Lefebvre.html">d’un droit à la ville</a> dénié aux marginalisés. Hier comme aujourd’hui, ils restent le plus souvent mis au ban d’un projet métropolitain qui les traite en <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation/">« sauvages de la civilisation »</a>.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>La Zone, territoire « sauvage »</h2>
<p>« C’est la zone ! » Voilà ce que l’on dit en français courant d’un endroit dont on veut souligner la marginalité ou le dénuement. Peu savent cependant que, du milieu du XIX<sup>e</sup> au milieu du XX<sup>e</sup> siècle, la Zone a été le toponyme d’un territoire annulaire qui se situait en lieu et place de l’actuelle autoroute du périphérique urbain : le « périph’ », dont les 50 ans viennent <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-le-periph-apres-tout">d’être fêtés</a> et qui continue de tracer une frontière entre Paris intramuros et la <a href="https://www.pavillon-arsenal.com/fr/edition-e-boutique/collections/19-x-30/11957-des-fortifs-au-perif.html">banlieue</a>.</p>
<p>C’est pendant la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle que la Zone a pris forme au pied des fortifications de Paris, dont elle a usurpé (on dirait aujourd’hui « squatté ») une bande de terre initialement réservée <a href="http://www.editionsdelasorbonne.fr/fr/livre/?GCOI=28405100256560">aux manœuvres militaires</a>.</p>
<p>Au tournant du XX<sup>e</sup> siècle, ses roulottes, wagons désaffectés et autres baraquements de fortune abritaient une majorité de travailleuses et de travailleurs pauvres, ainsi qu’une minorité de « petits malfrats » exclus du centre bourgeois, comme de la banlieue ouvrière. La morphologie sociale des habitants de la Zone – les « zonières » et les « zoniers » – correspondait à celle du lumpenprolétariat tel que Karl Marx <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782710324140-les-luttes-de-classes-en-france-1848-1850-le-18-brumaire-de-louis-bonaparte-karl-marx">l’a décrit</a>, non sans mépris, lorsqu’il analysait les luttes de classes en France.</p>
<p>Dans les représentations savantes comme dans les représentations populaires, la Zone agrégeait toutes sortes de <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/les-sauvages-de-la-civilisation/">« sauvages de la civilisation »</a>, dont les chroniqueurs du fantastique social – journalistes, nouvellistes ou chansonniers – ont exploité la prétendue « dangerosité ».</p>
<p>Avant Victor Hugo qui a repris l’expression dans <a href="https://gallica.bnf.fr/essentiels/hugo/miserables"><em>Les Misérables</em></a>, Alfred Delvau <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2045247.image">a dédié quelques pensées</a> à ces soi-disant « sauvages de Paris » composés de celles ou ceux – chiffonniers, truands, voleuses et prostituées – qu’aucune cause à part la leur ne pouvait rallier</p>
<p>S’il paraissait donc irrécupérable, ce peuple <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/les-bas-fonds-dominique-kalifa/9782020967624">« des bas-fonds »</a> semblait aussi ingouvernable que rétif à toute forme d’autorité, ou de vie un tant soit peu instituée par autre chose que les codes de son propre monde.</p>
<p>Ces disqualifications du « bas peuple » parisien sont une constante des traits appliqués <a href="https://www.cairn.info/revue-ethnologie-francaise-2018-2-page-329.htm?ref=doi">à la description</a> des visages et du quotidien de la Zone. En 1907, Stéphane Courgey – un médecin hygiéniste d’Ivry-sur-Seine – a par exemple <a href="https://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1907_num_8_1_7018">fustigé</a> ces « ramassis de cabanes, de voitures de nomades usées, de wagons déclassés » ; selon lui « une curiosité mais aussi une honte de Paris ».</p>
<p>En 1932, dans son <em>Voyage au bout de la nuit</em>, Céline a brossé <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070213047-voyage-au-bout-de-la-nuit-louis-ferdinand-celine/">avec le même dégoût</a> le portrait des venelles comme celui des personnages de ce « village qui n’arrive jamais à se dégager tout à fait de la boue ».</p>
<h2>Des zoniers aux zonards</h2>
<p>La Zone a toutefois subsisté aux portes de la capitale pendant plus d’un siècle, à cheval entre le milieu du XIX<sup>e</sup> et celui du XX<sup>e</sup>, avant que son démantèlement ne l’efface comme une <a href="http://www.lenouvelattila.fr/paris-insolite/#auteur">« tache de graisse »</a> – l’expression est de l’écrivain Jean-Paul Clébert – dont les dernières auréoles ont été bitumées.</p>
<p>Après les grands chantiers parisiens dirigés par le baron Haussmann au cours de la décennie 1850 – et dont la Mairie de Paris fête cette année les <a href="https://www.paris.fr/pages/haussmann-l-homme-qui-a-transforme-paris-23091">170 ans</a> –, d’autres travaux ont réalisé ce recouvrement. Achevés il y a tout juste 50 ans, ils ont tracé <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/la-zone-l-ancetre-du-peripherique-parisien-2123331">l’autoroute</a> du périphérique urbain en lieu et place de la Zone.</p>
<p>À sa manière, elle a tout de même résisté à cet effacement physique par les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/non-lieux-marc-auge/9782020125260">« non-lieux »</a> – autant d’espaces dédiés au seul passage, comme les périphériques urbains, les supermarchés, les gares et autres transports en commun – caractéristiques d’une modernité qui s’est accélérée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545728/original/file-20230831-17-n7bhi3.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Périf.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/christian_bachellier/3281913517/in/photolist-611ExP-Qt9jyo-cgVK4U-PGQfiL-ChTeFb-uh6bM-2m5p8Gb-8U6Mee-dwzC5Y-4MVuy5-iFdd6L-7PhHR5-aTLLt6-23JdAFH-6TjcGF-2nuV7kR-9YEf1-2m6o8i8-xtGT2m-SAWjBm-2jgrhMk-6if1kF-2jgrhFt-7Qezse-DRQyF6-Fz23zm-9Typn6-8H9PUd-84p241-7MKv5s-5Waycs-eUMPLq-6o7qdy-4PoDi4-awF4Xw-6XbEZc-2jgonv1-2iYZDZW-82BsNW-PJNDm6-7KpjqW-2jgsxLn-9zC4Pc-G6wR5W-252hTMg-TqPYju-Fz1SmL-3UTrBP-qSu4ax-2j88X2a">Christian Bachellier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est aussi à compter de ce moment que, dans le langage courant, la Zone s’est déplacée, puis reconstituée autour d’une signification aussi nouvelle que dérivée de l’ancienne. Au cours des années 1970, ses usages populaires l’ont redéfinie en nom des marges répandu bien au-delà de ses premières localisations parisiennes.</p>
<p>Tandis que c’en était fini du territoire annulaire des zoniers, les « zonards » se sont peu à peu imposés dans les manières de désigner celles ou ceux qui continuaient de porter les stigmates d’une Zone <a href="https://journals.openedition.org/terrain/17600">désormais dématérialisée</a>.</p>
<p>Comme d’autres signifiants ambivalents, « zonard » n’a pris tout son sens qu’au travers des usages qui en ont été faits : d’un côté l’assignation stigmatisante tenant de l’insulte faite au « marginal » que l’on disqualifie et, de l’autre, le retournement du stigmate opéré par celles ou ceux qui en sont affublés et décident de s’en revendiquer. Ces nouvelles façons de vivre, de choisir ou d’être assigné à la Zone ont été incarnées par les rockers, les <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_generation_des_blousons_noirs-9782707139931">« blousons noirs »</a> et les bikers photographiés dans les marges parisiennes <a href="https://www.lamanufacturedelivres.com/livre/blousons-noirs">par Yan Morvan</a> ou Esaias Baitel, dont l’expérience a fait l’objet du documentaire <a href="https://www.itamaralcalay.net/four-years-of-night">Four years of night</a>. À leur suite, les <a href="https://archives.zonemondiale.fr/products/arno-rudeboy-nyark-nyark-livre">punks français</a> se sont également approprié ce signifiant des marges, dont une mémoire aussi vive que transgressive est conservée par le label les <a href="https://archives.zonemondiale.fr/products/rebelles-remi_pepin">Archives de la Zone Mondiale</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ms1ppzaib4g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Four Years of Night, trailer, 2012.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Des chemins alternatifs</h2>
<p>Au tournant des années 1990 et 2000, les routards, teufeurs et autres techno travellers français ont ajouté leurs subcultures aux usages d’une Zone qui, de leur point de vue, désigne les <a href="https://www.puf.com/content/Zonards_Une_famille_de_rue">chemins alternatifs</a> que tracent ces groupes plus ou moins nomades dans le dos des pouvoirs, des règles et, parfois, des lois de la société instituée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=421&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/545492/original/file-20230830-29-q3zfuf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Sur la route », Photographie d'Emy, extraite du documentaire Zone 54, Amandine Turri Hoelken.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://amandineturrihoelken.fr/">Avec l’aimable autorisation d’Amandine Turri Hoelken</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La Zone (ré) apparaît aussi dans le lexique des banlieues, dont elle désigne non pas l’ensemble, mais les espaces troubles et leurs styles de vie les plus marginaux. Si elle n’est en aucun cas une bannière sous laquelle se rassembleraient les groupes qui vivent selon le <a href="https://wwnorton.com/books/Code-of-the-Street/">« code de la rue »</a> – un ensemble de règles non-écrites qui forment une loi substitutive à celle que la société a instituée –, la Zone exprime autant qu’ elle situe leurs territoires et leurs expériences dans les dédales des banlieues.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/yBv8gz7QZLY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Iencli, Vald x Sofiane.</span></figcaption>
</figure>
<p>Parce qu’ils captent toutes les attentions, ces styles de vie et leurs personnages produisent sur la banlieue un effet de « zonification ». Comme dans le cas de la Zone historique, il oriente les perceptions et conduit le plus grand nombre à ne voir là que des espaces d’abandon peuplés de minorités rétives, ou coupables de toutes sortes de transgressions. Ce stéréotype est renforcé par les politiques qui pointent du doigt les « zones de non-droit » et tiennent, à l’exemple du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, des <a href="https://www.bfmtv.com/politique/gerald-darmanin-il-y-a-des-quartiers-qui-sont-reconquis_VN-202308250384.html">discours</a> de « reconquête » des quartiers prétendument « perdus » par la République.</p>
<h2>Un mot de passe</h2>
<p>Porter un tel regard sur les espaces périphériques pose une question qui, d’hier à aujourd’hui, conserve toute son actualité : celle de la (dis) qualification des marges, dont la Zone est un mot de passe.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/M-gmLjEefi8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">SDM feat Booba, « La Zone ».</span></figcaption>
</figure>
<p>Il a beau s’exprimer différemment au fil du temps, cet « ensauvagement » ne cesse de réapparaître, avec ses appels au contrôle social qu’il faudrait exercer sur celles et ceux qui semblent toujours y échapper – parce qu’on ne les comprend pas plus qu’on ne les entend.</p>
<p>À partir d’une analyse des histoires comme des regards qui ont produit les récits de la Zone – et des différentes générations de « sauvages de la civilisation » qu’elle aurait abrités –, on peut continuer d’interroger les diverses façons de désigner, mépriser ou dominer les populations marginalisées.</p>
<p>On peut aussi étudier la violence qu’on leur prête, souvent pour mieux cacher <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0896920519880948?journalCode=crsb">celle qu’on leur fait</a>. Le boulevard périphérique dont Paris a fêté les 50 ans en avril 2023 aurait-il donc recouvert à jamais les traces de celles et ceux qui ont vécu là, en marge de la société instituée ? Peut-être pas tout à fait, ou pas tant que la Zone continuera de se faire entendre…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Beauchez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les projets visant à renouveler les rapports entre centres-ville et périphéries oublient souvent un pan crucial de l’histoire parisienne et de ses conflits : celle de la « Zone ».Jérôme Beauchez, Sociologue et anthropologue, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2124782023-09-08T08:44:40Z2023-09-08T08:44:40ZZones commerciales périphériques : de l’eldorado économique au péril territorial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545501/original/file-20230830-25-se5vjb.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C2%2C940%2C530&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le parc des Senteurs 3 : un nouvel ensemble commercial en cours d'aménagement.</span> <span class="attribution"><span class="source">S. Deprez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, Olivia Grégoire, annonçait en octobre dernier un plan de transformation des zones commerciales <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Le-gouvernement-lance-plan-transformer-commerces-2022-10-30-1201240014">doté de 24 millions d’euros en 2023</a>, avec pour principale ligne directrice la transformation des plus touchées par la vacance. Ce sujet du <a href="https://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1982_num_91_506_20129">commerce périphérique</a> et de son évolution fait ainsi l’objet de projets ambitieux et nécessaires, également à l’agenda politique de cette rentrée, mais qui appellent des changements bien plus profonds que nous avons mis en évidence dans de précédents <a href="http://www.riurba.review/Revue/l-avenir-des-zones-commerciales-71/">travaux</a>.</p>
<p>Prenons un exemple concret, en Seine-Maritime. Au cœur de l’été normand, les engins de construction réalisent les derniers aménagements du Parc des Senteurs 3, un énième ensemble commercial qui, sur 8 500 m<sup>2</sup>, accueillera dans quelques mois cinq nouvelles enseignes, sises dans la commune de Pissy-Pôville. </p>
<p>Ce projet fut en première intention refusé (avis défavorable n°2018-01 du 27 mars 2018) par la Commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) en raison d’une vacance commerciale forte dans la zone voisine où de nombreux locaux attendent depuis longtemps d’accueillir de nouvelles activités et du non-recours aux énergies renouvelables. Il a finalement été accepté en seconde lecture et motivé par les réponses du requérant sur le volet environnemental (avis favorable n°2019-09 du 23 juillet 2019).</p>
<p>Ce volte-face résume à bien des égards toute la réalité du moment où, à travers des démarches plus « vertueuses » – un mur végétalisé sur un bâtiment, des panneaux photovoltaïques sur son toit, des bornes de recharges électriques, des arceaux pour les vélos, le tri des déchets… –, le « développement durable » est mobilisé pour légitimer la non-remise en question du modèle commercial à la française dont on observe à la fois l’essoufflement et les dérives.</p>
<h2>Illustration d’un mal français</h2>
<p>Cet équipement – la troisième réalisation du même promoteur après l’ouverture des parcs éponymes 1 et 2 en 2009 et 2015 – marque un nouveau temps d’un long processus de mise en commerce initié il y a 40 ans maintenant, avec l’inauguration de l’hypermarché Carrefour et de sa galerie marchande dans la commune voisine de Barentin. Autour de lui s’est développée pas à pas une vaste zone commerciale où se juxtaposent, sans cohérence d’ensemble, les différents modèles d’implantation.</p>
<p>On pense ainsi aux parcs <em>solos</em> dans les années 1970, aux parcs d’aménagement commercial de la décennie suivante et au plus récents <em>retail park</em>. Tous ont marqué avec la même brutalité, partout sur le territoire, les entrées de villes comme les périphéries urbaines et alimenté une <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/letalement-urbain-une-heresie-130807">consommation effrénée</a> de terres agricoles pour développer une offre toujours plus dense et diversifiée et créer les parking pour accueillir les clients. À titre d’exemple l’Île-de-France compte à elle seule <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/faciliter-la-mutation-du-foncier-commercial-vers-une-ville-mixte/">3 400 hectares de surface commerciale</a> : 48 % de l’emprise seraient occupés par le bâti, 28 % par des parkings et les 24 % restants par des « espaces libres, artificialisés, essentiellement dédiés aux circulations ».</p>
<h2>Un colosse au pied d’argile</h2>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TIPtceGULZM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">4 septembre 1990 A Rennes, le centre commercial Alma s’agrandit avec la création d’une tour de verre, Alma CITY. Le journaliste Loïc MATHIEU en fait un billet d’humeur, regrettant l’ancienne épicerie de village qui disparaît derrière les centres commerciaux, signe de l’évolution des mentalités et de la consommation (Institut National de l’Audiovisuel/INA).</span></figcaption>
</figure>
<p>On a longtemps cru le modèle pérenne et difficile à contester. On le sait désormais fragilisé et vulnérable. Les inquiétudes transparaissent dans le discours alarmiste des professionnels du secteur.</p>
<blockquote>
<p>« Jamais la mise en place d’une politique publique du commerce n’a été aussi urgente et impérative. Il n’est plus possible d’attendre. Il faut à la fois stopper l’hémorragie, éviter une décommercialisation suite à la multiplication de fermetures de points de vente, les défaillances de réseaux et la vacance commerciale. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546934/original/file-20230907-21-3s7bq7.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=487&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Évolution du taux de vacance commerciale par type de pôle marchand en France entre 2013 et 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Panel Institut pour la Ville et le Commerce 220 agglomérations, données Codata retraitées, ORF</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les termes sont du directeur de la fédération pour la promotion du commerce spécialisé (<a href="https://www.procos.org/images/procos/presse/2023/Conf_2023/procos_cp_080223.pdf">PROCOS</a>) pour rappeler les difficultés du commerce spécialisé, omniprésent dans les zones périphériques. Et les prévisions de l’<a href="https://www.orf.asso.fr/">Observatoire régional du foncier d’Île-de-France</a> ne sont guère plus rassurantes : « Si cette dynamique nationale se poursuit, la vacance pourrait atteindre les 11 % en 2025 et 13 % en 2030 ».</p>
<h2>Surproduction immobilière : spéculation financière et déni territorial</h2>
<p>On observe pourtant une reprise rapide post-Covid de la production de mètres carrés dans l’immobilier commercial : s’il reste encore inférieur de 40 % à son niveau pré-pandémique de 2019 et se décline sous des projets plus petits, le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/immobilier-commercial-des-projets-toujours-plus-petits.2254286">volume global des surfaces (922 570 m²) augmente de 50 % sur un an</a>.</p>
<p><a href="https://www.eyrolles.com/Entreprise/Livre/les-mutations-de-l-immobilier-9782746713420/">La financiarisation de l’immobilier commercial</a> dans lequel chaque point de vente constitue un actif dans un portefeuille constitue le principal moteur de cette fuite en avant dans la production de surfaces de vente. Elle a porté un découplage croissant entre l’évolution des surfaces de commerce et <a href="https://theses.hal.science/tel-01529216">l’évolution de la consommation des territoires</a> bien identifié par Pascal Madry et alimenté, par effet rebond, dans un contexte de tassement des ventes et de recomposition des activités commerciales, le phénomène de vacance.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Au gré de cessations d’activités, de rachats ou de repositionnements stratégiques des promoteurs et des franchises apparaissent et s’effacent ainsi des enseignes, se ferment et s’ouvrent de nouveaux points de vente sans que l’arrière-plan territorial ne dépasse la présence d’un marché rémunérateur. Ainsi les territoires sont-ils devenus de simples terrains de jeu, sans aucune attention ou presque sur les effets de leur implantation puis de leur départ sur l’économie locale et moins encore l’environnement.</p>
<h2>Gabegie et dérives environnementales</h2>
<p>On n’oublie en effet trop rapidement qu’à chaque nouveau mètre carré construit sont associées des consommations plurielles : de foncier, avec tous les effets de l’imperméabilisation des <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-est-si-important-de-preserver-la-sante-de-nos-sols-175934">sols</a> sur la <a href="https://theconversation.com/la-biodiversite-des-sols-nous-protege-protegeons-la-aussi-88538">gestion des eaux</a>, la faune, la flore et les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-de-la-vie-dans-nos-sols-urbains-104649">équilibres naturels</a> ; de matériaux, souvent non renouvelables, pour bâtir et aménager les parkings ; d’énergie pour chauffer, éclairer et climatiser des locaux ; de carburants aussi, par les véhicules des clients et ceux des professionnels pour approvisionner les points de vente ou évacuer les déchets.</p>
<p>Et d’autres consommations seront engagées demain pour le démantèlement des équipements sans occupation et la requalification de ces espaces pour évoluer vers d’autres usages.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-y-a-t-il-un-bon-urbanisme-48772">Inondations : y a-t-il un bon urbanisme ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Penser l’urbanisme par la consommation : une nouvelle approche</h2>
<p>Aussi faut-il retenir de l’exemple des zones périphériques des enseignements bien plus profonds qui amènent à réinterroger les approches, les conceptions et les façons d’agir en matière d’urbanisme. Il invite à poser la consommation comme fil directeur et élément transverse dans les réflexions sur la <a href="https://www.univ-lehavre.fr/spip.php?article3920">fabrique des territoires et le projet urbain</a>.</p>
<p>La consommation est à la fois pratique et réponse à la satisfaction d’un besoin (ici l’approvisionnement et l’équipement des personnes et foyers, ailleurs des carburants ou de tout bien) ; fonctionnelle (électricité et flux divers dans un commerce, un logement ou tout autre équipement) ; matérielle au sens des éléments produits et mobilisés pour la construction des infrastructures et autres artefacts puis leur effacement. Elle concerne enfin aussi les ressources, foncières et naturelles, renouvelables ou non ainsi qu’un ensemble d’autres facteurs.</p>
<p>À cette croisée entre consommations et urbanisme prennent corps les fondements possibles d’une dialectique nouvelle, que j’appelle le consurbanisme, pour poser un regard original sur les divers processus d’urbanisation passés et présents et proposer une grille de lecture des futurs projets dans un contexte de dépassement des limites planétaires. Les trajectoires du moment dans certains secteurs – la création effrénée d’entrepôts logistiques par exemple – en rappellent avec force toute l’urgence.</p>
<p>Mais il nous faudra aussi réinterroger fondamentalement la <a href="https://www.blast-info.fr/emissions/2022/peut-on-sortir-de-la-societe-dhyperconsommation-CXL6iTDhQ5yJEJkfsPo_Lw">société de l’hyperconsommation</a> qui porte et alimente tous ces processus. Les échanges dans le cadre du <a href="https://www.eventbrite.fr/e/billets-colloque-du-cercle-de-lobsoco-672633132807?aff=eemailordconf&utm_campaign=order_confirm&ref=eemailordconf&utm_medium=email&utm_source=eventbrite&utm_term=viewevent">prochain colloque du cercle de l’ObSoCo</a> nous y aideront sans nul doute.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212478/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Deprez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle des zones commerciales s’essoufle et nécessite d’être repensé en profondeur pour allier consommation et urbanisme de façon plus vertueuse.Samuel Deprez, Maître de conférences habilité à diriger des recherches en aménagement de l'espace et urbanisme, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1763352022-02-22T18:37:31Z2022-02-22T18:37:31ZDébat : Retrouver le chemin vers les « petits pays renouvelables »<p>Zones agricoles, aires périurbaines, friches industrielles, massifs forestiers… Quels destins post-carbone pour les territoires les moins peuplés ? À l’heure des choix de société, les enjeux territoriaux et urbains doivent être au cœur du débat public.</p>
<p>Il faut aujourd’hui souligner la nécessité de <a href="https://www.eceee.org/library/conference_proceedings/eceee_Summer_Studies/2011/4-transport-and-mobility-how-to-deliver-energy-efficiency160/dense-cities-in-2050-the-energy-option/">flécher des investissements vers ces territoires</a> et de piloter la transition par des métriques locales.</p>
<p>Au-delà de leurs vocations agricoles, ces « pays » – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_des_r%C3%A9gions_naturelles_de_France">au sens des régions naturelles</a> – sont nos « bassins versants écologiques », nos indispensables puits carbone +1,5 °C-compatibles.</p>
<h2>Brève histoire des bassins versants écologiques</h2>
<p>Avant l’impasse thermo-industrielle, nos campagnes étaient autonomes vis-à-vis des flux liés aux activités humaines. Le métabolisme était local et fortement circulaire. L’énergie était renouvelable : biomasse, avec parfois des moulins à vent ou à eau.</p>
<p>Souvent excédentaires en production par rapport à leurs besoins propres (énergie, alimentation, matières organiques, etc.), ces pays constituaient les <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10113-011-0275-0">corolles d’abondance des villes et des bourgs</a>.</p>
<p>Avant les révolutions industrielles, avant l’ère extractiviste, ces régions étaient autant de « petits pays renouvelables », au sens de leur capacité à équilibrer besoins et productions. Il faut retrouver ce chemin : faire décroître la pression écologique des densités et, en parallèle, renforcer le potentiel de ces bassins versants, en articulant leurs proximités et en renforçant leurs symbioses.</p>
<p>Voilà la clé pour (re)composer le puzzle de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/ou_atterrir_-9782707197009">« l’atterrissage »</a> planétaire.</p>
<h2>Les zones peu denses, nouveau défi politique</h2>
<p>Les habitants des zones peu denses réclament de l’attention, comme en a témoigné la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/gilets-jaunes-62467">crise des « gilets jaunes »</a>, et d’être réintégrés au cœur du pacte social.</p>
<p>Un nouveau récit reste à bâtir, de nouvelles fiertés à inventer, mettant fin au déclassement social, associé parfois à un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=srDH_zxjyRw">imaginaire de « France moche »</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1214621724119093248"}"></div></p>
<p>Zones égarées <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Diagonale_du_vide">dans la « diagonale du vide »</a>, franges périurbaines isolées, la réparation du monde passera par la reconfiguration de ces pays. Plus que de <em>smart cities</em>, les projets politiques doivent se concentrer sur les bourgs et les zones pavillonnaires : ils sont de formidables leviers de transitions, des espaces de libertés et d’expérimentations.</p>
<p>Redécouvrons leur potentiel pour nourrir les densités : pour une alimentation soutenable, pour tous nos intrants (eau, énergie, matières…) et pour nos exutoires (réabsorption du CO<sub>2</sub>, déchets…).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3DPyKQ829II?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film de Marie-Monique Robin « Qu’est-ce qu’on attend ? » (Bandes-annonces, 2020).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour l’énergie, une <a href="https://www.dailymotion.com/video/x81l1pe">esthétique des renouvelables</a> est à inventer, anticipant le « surgissement » de ces infrastructures – selon le récent rapport de RTE, <em>Futurs énergétiques 2050</em>, on devrait de 14 000 à 35 000 mats pour l’éolien terrestre et de 0,1 à 0,3 % du territoire pour le photovoltaïque, selon les différents scénarios – et dépasser les polémiques de l’impact paysager. Nos campagnes et nos franges méritent une nouvelle ambition esthétique.</p>
<p>Pour illustrer cette nouvelle géographie post-carbone, <em>matriochkas</em> du local au global, <a href="https://bit.ly/3rq0a7D">j’illustre</a> dans le graphique ci-dessous <a href="https://ecosociete.org/livres/manuel-de-transition">l’empreinte écologique d’Hopkins</a>, à l’échelle d’une commune de 5000 habitants.</p>
<p>Le récit de ce territoire spatialise la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ville_en_transition">convergence entre besoins et productions, entre évolution des usages et celui des sols</a>. Ces « petits pays renouvelables » constituent la clé du changement ; la mise en œuvre de cette nouvelle fierté réclame de nouveaux instruments.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=601&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/443692/original/file-20220201-28-1q6vhlv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=755&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Dynamique des bassins versants écologiques d’Hopkins pour une ville de 5000 habitants, d’une aire communale de 25km², insérée dans son territoire et à proximité des autres villes et villages. Au fur et à mesure de la transition, les bassins versants écologiques ne se superposent plus et redeviennent à terme excédentaires.</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Spatialiser les aides à la transition</h2>
<p>En zones peu denses, la dépendance à l’automobile va de pair avec des tissus résidentiels souvent énergivores. Cette conjugaison mobilité-bâtiment alourdit le budget des ménages et grève les émissions CO<sub>2</sub>, qui peuvent aisément atteindre <a href="https://issuu.com/raphael_menard/docs/200801_energie_mati_re_architecture_raphael_menard">4000 euros par an</a> (en prenant pour base 15 000 km par an avec une voiture thermique et une maison de 100 m<sup>2</sup> chauffée au fioul et mal isolée).</p>
<p>Une politique publique spécifique et cohérente permettrait de conjuguer efficacité du bâti, transition des mobilités et reconfiguration des sols (dont la désartificialisation). Des crédits d’impôt vers la rénovation des existants, des incitations spécifiques pour les toits solaires, des primes à la conversion ou de « retrofit électrique » (consistant à modifier des fonctions technologiques dans des systèmes vieillissants) vers des mobilités peu émettrices.</p>
<p>Ce fléchage serait évalué lors de la déclaration fiscale, selon la localisation du domicile principal ; un dispositif similaire pourrait être dévolu à la fiscalité des entreprises – par exemple, poids des charges de mobilité pour une entreprise d’artisanat dans le milieu rural, comme pour les agriculteurs et le matériel agricole thermique.</p>
<p>Le croisement entre le revenu du ménage (et pourquoi pas aussi pour les entreprises !) et cette taxonomie « éco-géographique » déclencherait des dispositifs type bonus-malus et/ou de crédit d’impôt.</p>
<p>Avec volontarisme, et sous dix ans, les dépenses pourraient être divisées par cinq et les émissions de gaz à effet de serre au moins d’autant : <a href="https://issuu.com/raphael_menard/docs/200801_energie_mati_re_architecture_raphael_menard">700 euros par an de dépenses, contre 4000 auparavant, et le passage de 12 tonnes de CO₂ par an à moins d’une tonne</a>, suite à la rénovation thermique de l’habitat et à la transition mobilitaire.</p>
<p>Ces mesures seraient couplées à l’arrêt de toute artificialisation avec une prime au m<sup>2</sup> renaturé, et au renforcement du potentiel de séquestration carbone. Ces « petits pays renouvelables » engageraient de nouvelles dynamiques locales et la relocalisation des bassins d’emploi.</p>
<h2>Une nouvelle cartographie</h2>
<p>Cette mise en œuvre suppose pilotage et de nouveau outils, comme le suivi cadastral des densités d’émission et de séquestration carbone. L’estimation de la densité d’émissions pour les ménages et les entreprises serait basée sur la collecte des informations de la déclaration fiscale, en comprenant quelques valeurs complémentaires à renseigner comme les dépenses et la nature des achats annuels d’énergie pour le bâti et la mobilité notamment.</p>
<p>Associée au mode d’occupation des sols, cette cartographie apporterait une métrique du métabolisme des territoires. Ce nouveau type de cadastre – notamment <a href="https://www.arep.fr/">développé par AREP</a> sous l’acronyme EMC2B (énergie, matière, carbone, climat et biodiversité) – serait accessible à tous et permettrait de suivre à toute échelle de temps et d’espace le changement de régime écologique.</p>
<p>Plus largement, cette documentation consoliderait la trajectoire de la France, futur (petit) pays (re)devenu renouvelable, illustrant une méthode déclinable à bien d’autres.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176335/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Ménard dirige l’AREP (filiale de SNCF Gares & Connexions). </span></em></p>Zones agricoles, aires périurbaines, friches industrielles, massifs forestiers… La réparation du monde passera par la reconfiguration de ces espaces géographiques et sociopolitiques.Raphaël Ménard, Enseignant à l’École d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est, président d’AREP, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1692112021-10-22T16:07:37Z2021-10-22T16:07:37ZL’automobile est toujours là, et encore pour longtemps<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/427556/original/file-20211020-15-orvug2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C9%2C3224%2C1822&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Porsches installées sur le rassemblement dominical du parking public des Moulins à Villeneuve d'Ascq, fin 2018.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gaëtan Mougin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Peut-on se passer de voiture ? À l’heure où certains candidats à l’élection présidentielle mobilisent de nouveau cet objet du quotidien dans leurs discours (sortir de la dépendance à l’automobile, augmenter la taxe au carburant ou au contraire la baisser, favoriser l’achat de voitures d’occasion, etc., etc.), les enquêtes ethnographiques montrent à quel point l’automobile occupe encore une place de choix dans notre quotidien.</p>
<p>Et comment pourrait-il en être autrement quand on sait qu’à partir du moment où l’on sort des grandes aires urbaines densifiées, elle s’impose de fait comme le moyen de transport le plus adapté. En réalité, l’automobile continuera encore longtemps à nous accompagner dans nos cheminements quotidiens et même dans nos parcours de vie ; d’autant plus qu’elle est à n’en pas douter autre chose qu’un simple moyen de transport pour certains (beaucoup ?) de nos contemporains.</p>
<p>Parce qu’on habite son automobile, qu’on lui parle, qu’on y passe des moments décisifs à jamais inscrits dans notre psyché, qu’on l’associe à des moments singuliers, il est possible, à partir d’entretiens de recherche patients, de rendre compte d’un attachement certain à cet objet épais de ce qu’on projette sur lui.</p>
<h2>Le premier espace habité pour beaucoup</h2>
<p>Cela est par exemple vrai pour les jeunes qui n’ont pas encore quitté le domicile familial, la voiture représente le <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-un_sociologue_au_volant_le_rapport_de_l_individu_a_sa_voiture_en_milieu_urbain_herve_marchal-9782360850532-43563.html">tout premier espace habité</a> qu’ils possèdent et qu’ils peuvent aménager à leur guise.</p>
<p>Elle signe une étape importante du processus qui consiste à devenir adulte, en s’aménageant des espaces et des moments qui échappent complètement à la surveillance parentale. Ce fut particulièrement le cas d’un jeune homme d’une vingtaine d’années, Tony, qui vivait encore chez ses parents, et avec qui nous avons pris la route à <a href="https://hal-univ-bourgogne.archives-ouvertes.fr/hal-03286852/document">plusieurs reprises</a>. Son automobile disposait d’une multitude d’espaces destinés à accueillir des affaires personnelles.</p>
<p>Son coffre était compartimenté en différents espaces permettant de stocker ici des denrées alimentaires, là quelques vêtements, une petite glacière servait de bar à alcool à l’arrière gauche tandis que le siège arrière droit servait d’établi pour ses outils destinés au bricolage automobile. La boite à gants, enfin, accueillait un ensemble de petits effets très personnels suggérant que sa voiture devenait de temps à autre la scène d’activités intimes : on y trouvait notamment du tabac, des friandises et des préservatifs. Pour Tony, l’automobile est ainsi le seul espace qu’il maîtrise totalement, pour lequel il décide qui rentre ou non, et qui lui permet à la fois de voguer à son gré entre ses amis et différents lieux festifs ou de travail.</p>
<p>Si les trajets en voiture semblent relever, au premier abord, d’une ineptie en ville, il n’en reste pas moins qu’elle demeure généralement chez les plus jeunes le meilleur moyen de se déplacer au-dehors et pour de plus longs trajets. Moyen de transport populaire d’autrefois, le train devient de moins en moins accessible, notamment du fait que ses tarifs basés sur l’offre et la demande font exploser le coût de leurs trajets de début et fin de semaine.</p>
<p>Parallèlement, l’offre de covoiturage permet à la fois aux conducteurs de réduire le coût de leurs trajets et à leurs passagers d’accéder à leurs déplacements. En ce sens, le covoiturage présenté comme solution écologique participe sans aucun doute à intensifier les flux routiers voire, pour certain, des incitations à acquérir un véhicule.</p>
<h2>Une image viriliste</h2>
<p>Une fois cela dit, comment ne pas faire remarquer que le marketing automobile a réussi le tour de force de solidifier une image viriliste de cet objet technique tout en suivant le processus d’accès des <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2014-2-page-119.htm">femmes</a> à l’autonomie.</p>
<p>La voiture demeure en effet un outil privilégié de construction de l’identité masculine, notamment parce qu’elle confère aux jeunes hommes une autonomie qui devient un outil de séduction. Elle est aussi une manière de se mesurer aux autres hommes, par sa dimension socialement distinctive toujours intense, mais aussi au travers de confrontations de leur capacité à piloter.</p>
<p>L’observation des « runs », courses urbaines ayant généralement lieu la nuit, permet d’observer aussi bien des rivalités qu’une camaraderie masculine. Elle renvoie enfin aux hommes leur capacité à conduire leur famille, et ce dans toutes les <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/17327">acceptions possibles</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/rrqhQbgtVfI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Publicité Audi.</span></figcaption>
</figure>
<p>D’ailleurs, soulignons dans cette veine combien les mondes de la collection et du loisir automobile révèlent particulièrement cette inclination masculine pour la passion : elle se transmet généralement de père en fils et les quelques femmes qui prennent part à ces activités ne cessent de rappeler leur spécificité d’être des « femmes dans un milieu d’hommes » (Sandrine, 45 ans, membre du Mustang Club de France) ou encore des « garçons manqués » (Sandra, 40 ans, passionnée de VW Coccinelle).</p>
<h2>L’espoir de « s’en sortir »</h2>
<p>Par ailleurs, il faut également noter que les populations les plus fragiles subissent une forte injonction à la mobilité pour l’accès à l’emploi, dans la mesure où l’acquisition d’une automobile, généralement d’occasion et à prix modeste, représente un espoir certain de « s’en sortir ». Avec la hausse des prix du foncier dans les centres urbains, les individus les moins bien dotés se trouvent bien souvent relégués dans les zones périurbaines ou rurales qui demeurent par ailleurs mal desservies par les transports collectifs.</p>
<p>En ce sens, les ménages qui ne possèdent pas d’automobile sont contraints à mettre en œuvre un ensemble de <a href="https://esprit.presse.fr/article/jacques-donzelot/la-ville-a-trois-vitesses-relegation-periurbanisation-gentrification-7903">stratégies d’accessibilité</a> ; (relocalisations résidentielles, utilisation des transports en commun, réduction spatiale des relations sociales et des accès aux services, aux commerces locaux et aux emplois…), stratégies se révèlant <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/26697">particulièrement coûteuses</a> en temps et en renoncements.</p>
<p>Être privé d’automobile peut être le privilège des franges supérieures urbaines, mais à l’autre bout du spectre, c’est vivre concrètement une dépossession matérielle propre à une <a href="https://journals.openedition.org/revss/6082">situation de déclassement social</a>. En ce sens, toute injonction à la transition écologique par l’abandon de l’automobile peut être vécue comme une écologie punitive, une violence sociale de la part des mieux dotés, volontiers renvoyés à leur centralisme parisien.</p>
<p>Il n’est d’ailleurs pas anodin de rappeler que c’est une augmentation du prix de l’essence qui a mis le feu aux poudres et a fait éclater la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/44111">crise des « gilets jaunes »</a>. Loin de tout fétichisme, l’attachement à l’automobile relève avant tout ici d’une volonté de conserver espoir et dignité.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427571/original/file-20211020-14-1u7cbk8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Photographie prise lors du rassemblement automobile des Moulins, Villeneuve d’Ascq, un dimanche de novembre 2018.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gaëtan Mangin, blogterrain.hypotheses.org</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela étant précisé, comment ne pas rappeler qu’en France, notamment, de plus en plus se dessinent les contours d’un urbanisme dual soucieux, d’une part, de rendre la tranquillité oubliée des centres-villes en limitant le plus possible la circulation, le stationnement et la vitesse des automobiles, et d’autre part, d’aménager l’espace (aires de stationnement, rocades, autoroutes…) en fonction de l’omniprésence de l’automobile dans la vie de celles et de ceux qui ne vivent pas au sein des villes-centre et qui peuvent consacrer, pour les plus modestes d’entre eux, jusqu’à 20 % de leur budget rien que pour le carburant. Car en campagne la chose est entendue, la voiture s’impose :</p>
<blockquote>
<p>« C’est toujours trop loin. Vous savez, sept kilomètres en parcours vallonné… En règle générale je vais me déplacer à pied pour faire des courses, on rentre à la maison avec un sac à dos plein de trucs, mais ça devient dur, dur, hein… Prendre la voiture, c’est vite fait […] le vélo, c’est bien en urbain et périurbain. Mais ici, dans la cambrousse… et pis vous savez, moi j’ai… de mon domicile à ici, c’est la départementale 977, vous avez des 35 tonnes toutes les trente secondes ! » (homme, 62 ans, chômeur de longue durée)</p>
</blockquote>
<hr>
<p><em>Cet article a été publié dans le prolongement d’une version plus longue publiée sur Carnets de Terrain – Le blog de la revue Terrain, <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/17327">« Jouir de sa bagnole. L’automobile de collection comme soupape existentielle »</a> Gaëtan Magin effectue sa thèse sous la direction d’Hervé Marchal.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169211/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gaëtan Mangin est membre du LivingLab Territorial pour la Transition Sociale et Écologique hébergé par la Maison des Sciences de l'Homme de Dijon qui perçoit des financements de la part de la DREAL (ministère de la Transition écologique et solidaire et ministère de la Cohésion des territoires), du PUCA (Ministère de la Transition et Ministère de la culture) et de la Région Bourgogne Franche-Comté.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marchal a reçu des financements de Région Bourgogne-Franche-Comté. </span></em></p>Parce qu’on habite son automobile, qu’on lui parle, qu’on y passe des moments décisifs, il est possible de rendre compte d’un attachement certain à cet objet épais de ce qu’on projette sur lui.Gaëtan Mangin, Doctorant en sociologie, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)Hervé Marchal, Professeur des universités en sociologie, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1689022021-10-13T11:56:09Z2021-10-13T11:56:09ZLe casse-tête de la dépendance automobile en zones peu denses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424770/original/file-20211005-13-zoepjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1201&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les alternatives à l'automobile demeurent encore trop peu appliquées ou pensées notamment dans les zones rurales et périphériques. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/rue-confiture-ville-trafic-vue-3738298/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La dépendance automobile des populations vivant et se déplaçant hors des zones denses urbaines constitue un <a href="http://heran.univ-lille1.fr/wp-content/uploads/De%CC%81pendance-auto-2001.pdf">phénomène</a> bien connu et analysé <a href="https://www.amazon.fr/d%C3%A9pendance-automobile-Gabriel-Dupuy/dp/2717838716%5D(https://www.amazon.fr/d%C3%A9pendance-automobile-Gabriel-Dupuy/dp/2717838716)">par les chercheurs</a>. Est-ce pour autant un réel problème ? Sur cet aspect déjà les points de vue divergent.</p>
<p>Pour les uns, la voiture n’est pas vraiment nocive dans ces territoires et il convient de ne pas en contraindre l’usage, voire de l’encourager. Pour les autres, les nuisances qu’elle génère y sont autrement plus fortes si l’on veut bien approfondir le sujet.</p>
<p>L’essor de la voiture a permis à nombre de ménages d’échapper à la fatigue de la marche et du pédalage, de ne plus dépendre de transports publics contraignants, de gagner en liberté de mouvement, d’accéder à une plus grande diversité de destinations et de s’offrir une habitation plus spacieuse, avec jardin.</p>
<p>Le bouleversement des modes de vie qui en a résulté a cependant son revers : dépendre désormais d’un véhicule motorisé <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/voiture-moyenne-2020-plus-petite-mais-aussi-plus-chere-10675391.html">d’environ 1,25 tonne</a> pour presque tous ses déplacements, ce qui n’a pas que des avantages, pour soi comme pour la planète.</p>
<h2>Quand la dépendance devient contrainte</h2>
<p>Concrètement, la dépendance automobile concerne avant tout les « zones peu denses », soit les petites villes de moins de 10 000 habitants et le milieu rural, selon une définition possible, où vivent 8,9 millions de ménages et 21,4 millions d’habitants, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2017650?sommaire=2017660">(soit le tiers de la population française)</a>. Plus des trois quarts des déplacements s’y font en voiture. Plus de la moitié des ménages y ont deux voitures ou plus. Cette dépendance est également assez forte dans les villes moyennes et en périphérie des grandes villes où vit un autre tiers de la population.</p>
<p>Dès que les conditions de déplacement en voiture se resserrent, la dépendance devient contrainte. Les mesures réduisant la vitesse des véhicules (multiplication des radars, baisse de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur central, généralisation des zones 30…) ou augmentant le coût des déplacements en voiture (hausse du prix du carburant, introduction d’une taxe poids lourds ou d’une taxe carbone…) entraînent de vives réactions dans la population la plus concernée, comme on l’a vu avec le mouvement des <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-3-page-223.htm?contenu=article">« bonnets rouges »</a> en 2014 ou celui des <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-une-fracture-nord-sud-126962">« gilets jaunes »</a> en 2018.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">Les radars de la colère</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Des alternatives peu efficaces</h2>
<p>En zone dense, les alternatives à l’automobile – marche, vélo, transports publics… – sont bien engagées et donnent de bons résultats. Mais en zone moins dense, elles <a href="http://www.senat.fr/rap/r20-313/r20-3131.pdf">patinent</a>).</p>
<p>Les transports publics ne peuvent être déployés partout ou à un coût exorbitant. Les quelques lignes finalement acceptées doivent alors souvent être rejointes en voiture ou en deux-roues, ce qui n’est guère attractif. Le covoiturage de courte et moyenne distance a beaucoup de mal à séduire à cause des contraintes d’organisation et de la difficulté <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2018/10/Rapport_Cerema_covoiturage_courte-distance_final.pdf">à monétiser le service</a>. L’<a href="https://www.rezopouce.fr/">autostop organisé</a>, en général gratuit, ne rend qu’un service ponctuel. Le transport à la demande est très coûteux et ne peut être qu’une solution marginale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’insécurité routière continue de dissuader les déplacements à pied ou à vélo dans les zones peu denses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/paysage-neige-la-glace-gel-v%C3%A9lo-1798695/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le vélo n’est plus compétitif au-delà de 5 à 10 km. Il est vrai toutefois que les petits déplacements restent assez nombreux dans les territoires peu peuplés, puisque près de la moitié des déplacements y font <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2017/12/note_zonespeudenses_modesactifs_cle6cdcc1.pdf">moins de 5 km (presque les deux tiers en milieu urbain)</a>. Même le télétravail incite, en fait, les gens à habiter plus loin de leur lieu de travail ou à accepter un emploi plus éloigné de leur résidence et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02569500/document">ne réduit en rien l’usage de la voiture</a>.</p>
<p>Si bien que beaucoup s’interrogent : faut-il vraiment chercher à sortir de cette <a href="https://www.amazon.fr/Vive-route-r%C3%A9publique-Fran%C3%A7ois-Orfeuil/dp/2815914514">dépendance automobile ?</a> « Pourquoi embêter les automobilistes ? », traduisent les élus et les citoyens les plus concernés.</p>
<h2>Des nuisances non négligeables en zone peu dense</h2>
<p>Pour nombre de chercheurs, l’affaire est entendue : la voiture ne provoque pas vraiment de nuisances en <a href="https://www.amazon.fr/Anachronismes-urbains-Jean-Marc-Offner/dp/2724625250">zone peu dense</a>. Les émissions de gaz à effet de serre et de polluants diminuent grâce au resserrement des normes européennes. Avec l’essor des voitures électriques et l’amélioration de leurs performances, la question sera même bientôt réglée, espère-t-on.</p>
<p>Le bruit reste pourtant une gêne : les logements en bordure de route ou proche d’une autoroute subissent une <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/quelles-decotes-pour-un-logement-imparfait-_6f221c22-4a45-11e5-9e7a-1d316c7224aa/">décote sensible</a> et ce n’est pas la voiture électrique qui règlera ce problème car le bruit des pneus sur la chaussée puis le bruit aérodynamique dominent <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01425060/">au-delà de 50 km/h</a>.</p>
<p>Même si la mortalité routière <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/10/securite-routiere-en-1972-la-france-a-tombeau-ouvert_6045767_3224.html">a été divisée</a> par 5 en France depuis les années 1970, l’insécurité routière continue de dissuader les déplacements à pied ou à vélo dans les zones peu denses.</p>
<p>Un phénomène renforcé par les infrastructures de transport qui morcellent le territoire et imposent des détours. De plus, la consommation d’espace exigée par les véhicules individuels motorisés engendre une circulation dans la moindre ruelle, un stationnement généralisé sur toutes les places et même sur les trottoirs (quand il y en a). Résultat : les personnes vulnérables (enfants, seniors, handicapés…) doivent le plus souvent être accompagnées en voiture par des proches <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0761898098900528">pour leurs déplacements</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Rx-OCCNhx8k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Webinaire sur les mobilités, quelles solutions en milieu rural ? (Laboratoire de la mobilité inclusive, 2021).</span></figcaption>
</figure>
<p>À plus long terme, il faudra bien se rendre compte que la voiture n’est pas une solution durable. Son efficacité énergétique est déplorable, puisqu’en moyenne, elle transporte à 93 % son propre poids et pour le reste seulement des personnes et des charges. Les ressources de la planète ne seront jamais suffisantes pour faire face à un tel gaspillage : même si le taux de recyclage des véhicules hors d’usage s’améliore, les <a href="https://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2016-2-page-45.htm">matériaux</a> et composants récupérés sont généralement dégradés.</p>
<p>On ne sait pas encore précisément quelles seront les ressources qui viendront à manquer en premier : le cuivre pour les circuits électriques, le néodyme pour les aimants permanents des moteurs électriques, le cobalt pour la production de batteries ou d’autres encore ? Il est certain, en revanche, que le prix des voitures et de l’énergie aura de plus en plus tendance à augmenter.</p>
<h2>Vers des véhicules plus frugaux</h2>
<p>Pour réduire toutes ces nuisances et conserver une mobilité à la fois individuelle, accessible et bon marché, une solution particulièrement efficace mais encore peu explorée, consistera à s’orienter vers d’autres véhicules beaucoup moins lourds (moins de 500 kg) et moins rapides (maximum 50 km/h), plus spécialisés et suffisants pour la grande majorité des usages et notamment des déplacements domicile-travail actuels.</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">« véhicules intermédiaires »</a> entre le vélo classique et la voiture, qu’elle soit thermique, hybride ou électrique, sont très divers : vélos électriques (VAE ou speed pedelec), vélos spéciaux (cargocycles, vélomobiles, vélo-voitures…), microvoitures (sorte de quads électriques), deux-roues motorisés protégés, voiturettes ou mini-voitures. Des pionniers les testent, y compris en zone rurale de montagne.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/PTyTVpxV7hQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">In’VD (Innovation véhicule doux), une association qui a pour but de chercher des solutions en matière de déplacements non polluants (Seize9, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pourtant, l’utilisation de tels modes est aujourd’hui considérée comme une régression intolérable et paraît même impensable, tant le standard de la voiture individuelle et le mode de vie qui va avec sont intériorisés dans tous les milieux sociaux.</p>
<p>En façonnant nos imaginaires, par leur <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Tribune/industrie-automobile-rois-pub-234076.htm">campagnes publicitaires massives</a>, les constructeurs automobiles y veillent.</p>
<p>L’accès à des véhicules toujours plus sophistiqués correspondrait, nous disent-ils, aux aspirations de la société. Il est au contraire probable qu’avec le renouvellement des générations et la montée des périls environnementaux, les gens souhaitent explorer progressivement d’autres façons de se déplacer et de vivre, fondées sur un ralentissement général, une frugalité choisie, des mobilités plus actives et plus de <a href="https://www.lafabriqueecologique.fr/vers-des-technologies-sobres-et-resilientes-pourquoi-et-comment-developper-linnovation-low-tech/">proximité</a>.</p>
<p>En découlera un rapprochement des différents lieux de vie (domicile, travail, services…) et des relations moins lointaines mais plus approfondies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les zones dites peu denses, plus des trois quarts des déplacements se font en voiture. Comment remédier à cette dépendance automobile ?Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1378272020-05-13T18:57:01Z2020-05-13T18:57:01ZSolidaires car autonomes : loin des grandes villes, la promesse d’une autre vie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/334634/original/file-20200513-156679-oldrsr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=187%2C187%2C20645%2C15406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ballots de foin. Le travail de la terre et les solidarités locales ouvrent de nouveaux horizons, notamment en temps de crise.</span> <span class="attribution"><span class="source">Isabelle Favre</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>Lors de toute crise, la solidarité et l’entraide réapparaissent comme facteurs premiers d’interdépendance sociale et de « résilience » humaine.</p>
<p>C’est le cas aujourd’hui avec la pandémie du Covid-19. Or, les lieux et les <a href="https://theconversation.com/la-crise-du-covid-19-laube-dune-nouvelle-ere-pour-les-territoires-136861">territoires</a> jouent un rôle plus que déterminant dans l’émergence d’élans de solidarité. Il existe en fait, géographiquement, des potentiels différenciés de solidarité et d’entraide. Ils s’expriment en termes sociaux par une proximité bouleversée par le confinement, en termes économiques par les échanges également modifiés, ou encore écologiques, par le bien-être clairement altéré.</p>
<p>Or, par les contraintes engendrées, ce confinement lie étroitement l’ancrage spatial des formes de solidarité et d’entraide à l’autonomie. La racine grecque de l’autonomie, <em>nomos</em>, vient du verbe <em>nemô</em> qui signifie distribuer tout autant que partager.</p>
<p>Ici, les grands espaces périphériques, éloignés des grandes agglomérations et de leurs banlieues de plus en plus étendues, largement extérieurs aux tumultes métropolitains, et siège du mouvement des « gilets jaunes », semblent afficher dans leur diversité quelques singularités. Et si solidarité et entraide incitaient, par l’autonomie, à reconsidérer nos règles écologiques de vie, et ce faisant à inverser les priorités politiques entre les centres urbains choyés et les fameuses périphéries ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-une-fracture-nord-sud-126962">« Gilets jaunes » : une fracture nord-sud ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Le confinement comme perte d’autonomie</h2>
<p>Qu’il s’agisse du refuge possible dans des lieux au grand air, ou, à l’inverse de l’exiguïté et de la vétusté des logements, les mesures de confinement ont mis à nu les constats sans appel d’inégalité selon les <a href="https://politiquedulogement.com/2018/07/menages-pauvres-du-mal-logement-au-mal-habitat">groupes sociaux</a>.</p>
<p>Dans le contexte actuel, l’autonomie revêt une dimension psychologique et sociale singulière : satisfaire par soi-même quelques besoins vitaux permet de recouvrer un peu de sentiments de capacité et de liberté. Or, nous ne sommes pas tou.te.s égaux en la matière.</p>
<p>Les territoires et les lieux de vie déterminent largement les potentialités de l’autonomie, y compris les formes d’entraide et de solidarité pouvant en découler, du voisinage au quartier, de la place de marché au bourg villageois. Tout cela au croisement des appartenances de classe et de leurs habitudes coopératives, des fonctionnements institutionnels de l’aide, voire des <a href="https://www.humanite.fr/solidarites-et-conflit-687846">solidarités organiques</a> que l’on est amené à redécouvrir en ces temps confinés.</p>
<h2>Les métropoles contre l’autonomie vitale</h2>
<p>Dans ce registre spatial, force est d’admettre que les villes, singulièrement les plus grandes, présentent quelques traits à ce jour éclairés d’une lumière vive par l’enfermement.</p>
<p>Si le confinement est la réponse autoritaire à la densité des peuplements – donc aux risques de la contagion par la promiscuité – la dépendance des citadins aux dispositifs techniques et supports économiques pour satisfaire aux besoins premiers saute également aux yeux. D’où certainement des réflexions réenclenchées il y a peu : rapprocher les emplois pour moins se déplacer, ou encore promouvoir des systèmes alimentaires territorialisés <a href="https://theconversation.com/lurgence-de-systemes-alimentaires-territorialises-136445">pour moins importer</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334633/original/file-20200513-156651-qra1e5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">S’asseoir et observer. Pour écouter, pour sentir, pour vivre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Isabelle Favre</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces réflexions sur la relocalisation impliquent certes la mondialisation économique, mais plus encore son visage géographique premier : les <a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/les-metropoles-barbares-demondialiser-la-ville-desurbaniser-la-terre">métropoles</a>.</p>
<p>Par exemple, avec des densités croissantes et une artificialité grandissante, les 100 plus grandes villes françaises n’ont que trois à cinq jours d’autonomie alimentaire, à la différence d’il y a encore <a href="https://theconversation.com/nourrir-paris-en-temps-de-crise-et-apres-135971">quelques dizaines d’années</a>.</p>
<p>À Sheffield, en Angleterre, cultiver à des fins vivrières la totalité des espaces de terre, privés et publics, jardins et parcs, friches et pieds d’arbres, ne permettrait de nourrir au mieux que <a href="https://anthropocenemagazine.org/2020/04/researchers-calculated-how-much-food-urban-green-spaces-could-produce/">30 % de la population</a>. À suivre les nombreux tenants de la grande ville et défenseurs de la mondialité urbaine, nous gagnerions en convivialité et en urbanité par la densité. Mais au détriment d’un besoin vital de terres pour des cultures.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/94bzP8-Ra6w?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une mise en garde contre l’agriculture « urbaine » comme seule solution (Vox Pop, Arte).</span></figcaption>
</figure>
<p>En fait, la métropolisation a réduit l’autonomie de chacun·e au profit de comportements dont on peut interroger les vertus écologiques. Nous y avons troqué le vivant contre les commodités du mouvement incessant, du divertissement permanent ou encore des connexions continues. Le <em>New York Times</em> <a href="https://www.nytimes.com/2020/03/17/world/europe/coronavirus-city-life.html">questionne d’ailleurs</a>, en lien à la pandémie, l’adaptation des styles de vie urbains. On parle même aux États-Unis de la <a href="https://www.msn.com/en-us/news/us/the-great-american-migration-of-2020-on-the-move-to-escape-the-coronavirus/ar-BB11QAma">« Great American Migration of 2020 »</a>.</p>
<p>S’interroger sur de tels styles de vie, voilà certainement un <a href="https://aoc.media/opinion/2020/03/29/imaginer-les-gestes-barrieres-contre-le-retour-a-la-production-davant-crise/">geste barrière signifiant</a>.</p>
<p>Dès lors s’agirait-il de recouvrer de l’autonomie en faisant peut-être autrement solidarité. Et cette proposition dépasse le seul registre de la dépendance institutionnelle (aide sociale, dispositifs de soins…), de l’organisation municipale des gestes « civiques » (distribution de masques et d’attestations…) et du maintien des <a href="https://www.bippop.com/">liens sociaux</a> : livraison de courses, portage de repas, soutiens psychologiques par téléphone.</p>
<h2>Une nouvelle géographie de la solidarité</h2>
<p>Dans l’auto-organisation de la solidarité face à la pandémie du Covid-19, les grandes périphéries interviennent particulièrement. En effet, la solidarité s’y déploie là aussi de manière spontanée ou en appui de structures existantes.</p>
<p>On pense ainsi au réseau des <em>voisineurs</em> de <a href="https://www.famillesrurales.org/1407/covid-19-familles-rurales-se-mobilise">« Familles rurales »</a>, largement mobilisé actuellement.</p>
<p>Les périphéries se distinguent par de nombreuses initiatives reposant sur les circuits courts pour assurer, aux habitants, des produits de qualité plus écologiques et, aux agriculteurs et paysans, un réseau de vente quand les marchés sont fermés ou contraints. Ainsi se dessine une nouvelle géographie de la solidarité.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/OUtlo_z80Js?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Depuis 2012, l’association Familles rurales du Tarn fait vivre une friperie ambulante, qui se pose régulièrement dans sept communes tarnaises.</span></figcaption>
</figure>
<p>Des cartes émergent qui traduisent cette mise en proximité des mondes paysans et habitants, à l’exemple de la carte de la <a href="https://presselib.com/les-4-chambres-dagriculture-du-bassin-de-ladour-sont-a-la-manoeuvre-pour-permettre-aux-consommateurs-de-sapprovisionner-en-produits-fermiers-frais-locaux-et-de-qualite/?cn-reloaded=1">Confédération paysanne mettant en relation des producteurs avec des surplus et des magasins</a> ou encore celle de points de vente de produits locaux à l’échelle nationale par la <a href="https://communaute.panierlocal.org/infos-covid-19/">Fédération nationale d’Agriculture biologique</a> (CNAVB).</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=263&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333454/original/file-20200507-49579-kx51r3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=330&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Carte de distribution des paniers fournie par la Fédération nationale d’Agriculture biologique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://communaute.panierlocal.org/infos-covid-19/">FNAB</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les périphéries viennent aussi en appui des territoires plus denses, comme en attestent les paniers de produits locaux à l’adresse des <a href="https://www.lefonddeshirondelles.org/">quartiers populaires</a> ou l’appel de collectifs à augmenter les cultures d’automne en perspective de la disette économique <a href="https://coopalterterri42.wordpress.com/2020/04/24/produisons-patates-et-courges-en-quantite-pour-celles-et-ceux-qui-auront-faim-a-lautomne/">pour les plus démunis</a>. Avec la rupture de certains réseaux d’approvisionnement, la fragilité des territoires les plus denses s’est imposée comme perspective de réorganisation socioterritoriale.</p>
<h2>Des périphéries loin des clichés</h2>
<p>Loin de l’imaginaire de périphéries isolées par la pauvreté ou l’égoïsme généralisé, la solidarité des périphéries vers les territoires denses constitue une réalité pérenne, par exemple avec des ateliers itinérants de transformation de <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/conserverie-itinerante-et-solidaire-pour-consommer-des-legumes-locaux-26">surplus agricoles à destination des quartiers populaires</a>.</p>
<p>Ces pratiques de solidarité à différentes échelles sont facilitées par un terreau social et écologique, propre aux périphéries. L’entraide dans les campagnes – notamment par des pratiques informelles quotidiennes (partage de récoltes, troc de produits, échanges de services…) – a fondé de nombreux <a href="https://presses-universitaires.univ-amu.fr/utopies-culturelles-contemporaines">imaginaires sociaux</a> qui, par delà la disqualification moderne de l’isolement ou de la relégation, perdurent.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=907&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334135/original/file-20200511-31175-1pfy9xu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1140&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Dessin d’un adhérent de l’association « Les jardins de Lucie » (Communay).</span>
<span class="attribution"><span class="source">A. Durbec</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Jusqu’à nourrir depuis quelques années nombre de choix résidentiels et reconversions socioprofessionnelles des urbains vers les territoires ruraux ou <a href="https://reporterre.net/Les-neo-paysans">simplement suburbains</a>.</p>
<h2>La culture de la terre comme droit solidaire</h2>
<p>Prenant appui sur des revendications d’assez longue date de ralentissement voire <a href="https://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=29721">dé-consommation</a>, des styles de vie s’y construisent essentiellement autour d’une aspiration partagée, celle du « retour » à la terre, qui se traduit par une acception singulière de la solidarité : s’entraider dans une <a href="https://theconversation.com/contre-la-metropole-barbare-les-francais-es-a-la-recherche-d-espaces-pirates-133376">quête solidaire d’autonomie</a>.</p>
<p>Du potager familial à l’occupation agraire de terres vouées à l’artificialisation, en passant par la reconversion paysanne, les <a href="http://jardinsdelucie.reseaucocagne.asso.fr/">fermes sociales</a> et les <a href="https://bluebees.fr/fr/project/662-ferme-la-martiniere">fermes collectives</a>… la culture de la terre s’impose comme une activité personnellement et socialement partagée.</p>
<p>C’est par exemple ce que nous dit le <a href="https://www.nddl-poursuivre-ensemble.fr/la-zad-de-notre-dame-des-landes">carnet de bord</a> de zadistes de Notre-Dame-des-Landes en cette période de confinement :</p>
<blockquote>
<p>« La Zad se porte plutôt bien en ces temps de confinement. Nous faisons partie de celles et ceux qui bénéficient d’espace autour d’elles.eux et les formes de vie collective que nous avons choisies nous préservent de l’isolement, facilitent les solidarités, tout en n’empêchant pas les attentions particulières aux personnes plus fragiles. Les activités agricoles, qui n’ont pas vocation à s’arrêter, se déploient avec le printemps, ainsi qu’un certain nombre de travaux sur les lieux de vies et espaces communs, là aussi avec les précautions nécessaires vis-à-vis de la diffusion de la pandémie. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, plus encore qu’un <a href="https://www.jssj.org/article/le-droit-au-village/">« droit au village »</a> qui viendrait à rebours d’un « droit » à des grandes villes de moins en moins vivables, se dessine l’idée d’un « droit à la terre », c’est-à-dire d’un droit à faire valoir des conditions de réalisation de pratiques culturales. Et tout ceci n’est pas sans écho avec les revendications pour une meilleure répartition des terres (à laquelle <a href="https://terredeliens.org/">Terres de Liens</a> par exemple contribue amplement) et une reconnaissance de certaines pratiques en rupture avec les logiques productivistes soutenues par les grandes institutions agricoles ou pharmacoles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334142/original/file-20200511-49589-auw4o3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Balade en forêt de Rohanne (ZAD – NDDL), 2018. La Zad promeut des modes de vie en accord avec le respect des terres.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nddl/8526278222">Non À L’aéroport NDDL/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si l’accès à un foncier cultivable est pensé comme un droit, se pose alors la question de sa possibilité durable pour tou.te.s, par des pratiques culturales (et d’aménagement) respectueuses des écosystèmes. Le partage de savoir-faire visant l’autonomie apparaît alors comme la première forme d’entraide pour l’accès à des ressources vivrières, cultivées ou sauvages.</p>
<h2>L’entraide par le partage de savoir-faire</h2>
<p>En atteste la multiplication depuis quelques années des formations accélérées à la permaculture et ses différentes <a href="https://www.formationsbio.com/microferme">techniques</a> proposées par des <a href="https://www.permaterra.fr">fermes expérimentales ou ordinaires</a>, revêtant une forme plus dématérialisée ces derniers mois de manière spontanée. On pense ainsi aux débats sur la plate-forme <a href="https://covid-entraide.fr/">Covid-Entraide</a> sur les techniques permacoles ou à l’accès <a href="https://colibris-universite.org/mooc-permaculture/?I11Bienvenue">au MOOC des Colibris sur la permaculture</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1253666835515531264"}"></div></p>
<p>Les réseaux sont dorénavant <a href="https://permaculture-upp.org/">constitués</a>, les expériences maillent tout le <a href="http://www.lagraineindocile.fr">territoire national</a>, comme à <a href="http://fraternitesouvrieres.over-blog.com/">l’étranger</a>, et donnent lieu à une <a href="https://librairie-permaculturelle.fr/">littérature abondante</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Nuxc0TCn9rc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Si nous faisions la révolution et du potager ?: la chaîne YouTube permaculture agro-écologie compte 255,000 abonnés.</span></figcaption>
</figure>
<p>À cet égard, la création en 2019 d’une <a href="https://reseaudesterritorialistes.fr/2020/04/17/luniversite-rurale-des-cevennes/">Université Rurale des Cévennes</a> constitue un exemple éloquent des capacités d’organisation territoriale périphérique d’une entraide structurée autour de pratiques culturales, notamment pour accueillir les <a href="https://www.midilibre.fr/2019/12/10/creation-dune-universite-rurale-en-cevennes,8593187.php">déçus des fonctionnements urbains</a>. Elle a réuni pour son lancement plus d’une soixantaine de participants, très anciennement installés ou fraîchement arrivés dans les Cévennes.</p>
<h2>Vers une économie endogène des solidarités écologiques</h2>
<p>Ce sont en fait de véritables systèmes économiques locaux qui naissent de l’autonomie et de l’entraide permises par l’accès à la terre. Reposant sur des instruments de commercialisation intégrant circuits courts, vente directe, stages, monnaies complémentaires… cette économie se traduit par une attention remarquée à l’écologie des milieux, mais aussi au partage informel à usage ponctuel.</p>
<p>C’est le cas bien connu des Associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) qui existent grâce à l’engagement de consommateurs sur la durée pour acheter et établir des contacts personnalisés avec chaque producteur (visite de la ferme, connaissance des aléas de l’exploitation et appui ponctuel).</p>
<p>Plus encore, telle personne prêtera son séchoir de plantes chaque année à un producteur de légumes, tel autre utilisera un système d’échange local comme une grainothèque ou certains privilégierons la propriété partagée : moulin, atelier de transformation, four à pain communal ou encore des ateliers collectifs de <a href="http://www.ateliersdetransformationcollectifs.fr">transformation agricole</a>…</p>
<p>Ces pratiques dépassent ainsi les seuls cadres de la culture de la terre, pour s’ouvrir non seulement à la culture de soi, mais aussi à <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_d__mocratie_aux_champs-9782359251012.html">l’organisation du rapport vital aux autres</a> (humains, animaux, végétaux).</p>
<p>Cette économie endogène est alors loin de signifier une fermeture sociale de ces territoires, comme en atteste l’engouement pour des pratiques apportant de l’aide aux paysans de manière informelle ou formelle, tel le <em>woofing</em> <a href="https://wwoof.fr/">bénévolat dans les fermes</a>, ou encore par des chantiers participatifs (récolte de gros légumes, plantation de haies…).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zdauNn_lEKM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Centrale villageoise dans le Vercors.</span></figcaption>
</figure>
<p>Plus largement, nous avons affaire à une économie des modes de vie se traduisant par une diversité des pratiques d’entraide par la terre : production d’énergie (produits dérivés de l’agro-foresterie, centrale villageoise…), comportements de limitation des besoins en ressources (auto-construction, réusage), en consommation (sobriété, frugalité, simplicité…) ou en équipements (phyto-épuration naturelle plutôt qu’en équipement lourd…).</p>
<p>Non sans liens étroits avec les écrits d’Ivan Illich <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-convivialite-ivan-illich/9782757842119">sur les outils conviviaux</a> et d’André Gorz sur les <a href="https://www.puf.com/content/ %C3 %89loge_du_suffisant">besoins qualitatifs</a>.</p>
<h2>L’expérience de la terre comme puissance d’autonomie</h2>
<p>Dans une grande créativité, toutes ces initiatives ont en fait en commun des manières de « faire », par soi-même, dans le souci de soi et de celui des milieux vivants, qui invitent à notre « reliance » aux cultures locales et paysannes. Ces dernières ont été <a href="https://www.lechappee.org/collections/pour-en-finir-avec/le-sacrifice-des-paysans">largement malmenées puis oubliées</a> comme modalités renouvelées de l’occupation de la terre, avec ce qu’elles peuvent apporter en <em>matière</em> d’autonomie et de coopération pour <a href="https://journals.openedition.org/lectures/6339">« s’engager dans cette époque obscure »</a>.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=575&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=575&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=575&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=723&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=723&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/334136/original/file-20200511-49569-1wmomd0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=723&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Extrait de la brochure « L’agriculture paysanne expliquée aux urbains », Confédération paysanne, FADEAR et Envie de paysans !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Claire Robert</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela, on l’a vu, concerne nos façons de demeurer, de recouvrer une relation socialement et écologiquement tenable (<a href="https://journals.openedition.org/critiquedart/19306">Augustin Berque</a>, <em>Recouvrance. Retour à la terre et cosmicité en Asie orientale</em>, Bastia, éditions éoliennes : à paraître), loin de l’artificialisation des sols ou des cultures de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=PScQo8_uZxA">l’urbain</a> densifié.</p>
<p>La solidarité passe bien par un réarmement de la puissance de chacun·e à faire entraide par l’autonomie, en reconsidérant assez fondamentalement l’expérience directe, à la fois sensitive et intellective, des formes de vie… périphériques.</p>
<blockquote>
<p>« On est dans un système où il faut de plus en plus courir, après l’argent, après le travail. C’est pas positif. Il faut se calmer. On ne peut pas observer en courant. Il faut s’asseoir et observer. Pour écouter, pour sentir, pour vivre. Et quand je me tourne et que je vois ce que je vois, là je vis. »</p>
</blockquote>
<p>Cet agriculteur interviewé dans le film <a href="https://reseau-agriville.com/film-recherche/"><em>À l’ombre des champs</em></a>(2020) réalisé sur les pratiques de l’agroforesterie, rappelle <a href="http://www.ensfea.fr/wp-content/uploads/2020/04/CP_agroforesterie-paysage.pdf">l’engagement des corps dans l’expérience de la terre</a>.</p>
<p>Les paysans évoquent souvent une pause dans leur travail, pour regarder le résultat de leur activité, pour prêter attention à la campagne environnante, repères sonores tels que des chants d’oiseaux ou bonne aubaine pour une cueillette de champignons. Moments de liberté dans un travail qu’ils organisent eux-mêmes dans sa variété, au fil des saisons. Loin des tumultes métropolitains.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/QkhfjuW7eFk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film-recherche <em>À l’ombre des champs</em>, réalisé par Olivier Bories, Jean‑Pascal Fontorbes, 2020 (UMR CNRS 5193 LISST Dynamiques rurales, ENSFEA).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/137827/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans le contexte actuel, satisfaire par soi-même quelques besoins vitaux permet de recouvrer un peu de sentiments de capacité et de liberté. Les espaces loin des villes le permettent.Guillaume Faburel, Professeur, chercheur à l'UMR Triangle, Université Lumière Lyon 2 Isabelle Favre, Doctorante, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Mathilde Girault, Docteure en études urbaines, Collegium de Lyon – RFIEALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1293962020-01-12T22:53:14Z2020-01-12T22:53:14ZBurkina Faso : l’État et le terrorisme intérieur<p>Ces dernières années, le Burkina Faso est devenu le théâtre d’attaques régulières menées par des groupes armés terroristes issus des pays voisins. Mais l’on retrouve également de tels groupes au sein même du pays, en raison de la radicalisation de plus en plus inquiétante des jeunes dans certaines localités. La partie septentrionale du Burkina Faso, frontalière du Mali et du Niger, est la zone la plus touchée par les attaques, en particulier la province du Soum où la crise est plus marquée et où la <a href="https://news.un.org/fr/story/2019/09/1052702">situation sécuritaire ne cesse de se dégrader</a>.</p>
<h2>Ansarul Islam et GSIM, le terrorisme endogène</h2>
<p><a href="https://www.jeuneafrique.com/384583/politique/burkina-onze-militaires-tues-attaque-jihadiste-nord/">En 2016, l’attaque du poste militaire de Nassoumbou</a>, qui avait fait 12 morts parmi les forces de défense et de sécurité burkinabées, avait été revendiquée par <a href="http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/04/11/comment-est-ne-ansaroul-islam-premier-groupe-djihadiste-de-l-histoire-du-burkina-faso_5109520_3212.html">« Ansarul Islam »</a>. Ce nouveau groupe armé terroriste burkinabè avait été créé par <a href="http://www.jeuneafrique.com/390558/politique/limam-ibrahim-dicko-nouvelle-terreur-nord-burkina/">Malam Ibrahim Dicko</a>, un prêcheur originaire du Soum. Cette attaque a constitué le point de départ de l’« endogénéisation » de la menace terroriste et a produit un choc considérable au sein de la population, qui a pris conscience que la crise au nord du pays avait également des <a href="https://www.crisisgroup.org/fr/africa/west-africa/burkina-faso/254-social-roots-jihadist-violence-burkina-fasos-north">racines sociales endogènes</a>.</p>
<p>Ansarul Islam a d’abord été un mouvement de révolte, se voulant le porte-voix des <a href="https://www.observatoirepharos.com/pays/burkina-faso/la-communaute-peule-au-sahel-nomades-au-coeur-des-amalgames-fr/">« esclaves peuls », les Rimaibés</a>, avant de devenir un mouvement de contestation de l’ordre social exprimant les voix de la majorité silencieuse des populations du nord, qui <a href="https://www.crisisgroup.org/fr/africa/west-africa/burkina-faso/254-social-roots-jihadist-violence-burkina-fasos-north">ne détiennent ni pouvoir politique, ni autorité religieuse</a>.</p>
<p>Contrairement à l’attitude adoptée par certains mouvements djihadistes au Mali, Ansarul Islam n’a pas tenté de prendre le contrôle d’une partie du territoire au Burkina ; il a plutôt cherché, et réussi, à faire basculer toute la province dans la violence généralisée en utilisant une rhétorique basée sur la lutte contre les inégalités sociales, les injustices, la mal-gouvernance de l’élite politique, etc. Son discours a fini par obtenir un certain écho parmi les populations de ces zones. Il s’attaque principalement aux forces de sécurité mais également aux représentants civils de l’État, ainsi qu’à ses symboles.</p>
<p>Ansarul Islam n’a pas l’apanage de la violence dans le nord. En effet, depuis 2016, le pays est menacé par des groupes terroristes venus du Mali et qui ont trouvé dans la région du Sahel burkinabè un terreau propice pour se développer. Même si ces groupes terroristes utilisent toujours le Mali comme base arrière, ils s’appuient en grande majorité sur des citoyens locaux du Burkina Faso.</p>
<p>Dans cette partie du Burkina, citons tout particulièrement le <a href="https://www.jeuneafrique.com/852343/politique/sahel-la-france-annonce-la-mort-dun-important-chef-jihadiste-marocain/">Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans</a> (GSIM), qui a pour mode opératoire les enlèvements, les attaques contre les symboles de l’État et la pose d’engins explosifs improvisés. C’est autour de cette organisation que gravitent Ansarul Islam (ce qui reste de ce groupe après le <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/455496/politique/burkina-faso-derniers-jours-dibrahim-malam-dicko/">décès de Malam Dicko</a> en 2017) et des petits groupuscules de trafiquants et délinquants qui écumaient et contrôlaient l’économie grise avant l’arrivée des groupes terroristes (certaines parties du Sahel étaient des sanctuaires de trafiquants de drogue et de cigarettes bien avant l’arrivée du GSIM). Évoluant sur le même terrain, le GSIM et ces petits groupes qui se sont par la suite radicalisés ont vu l’intérêt de collaborer.</p>
<p>Ainsi, les petits groupes peuvent continuer tranquillement leurs trafics et activités criminelles sous la protection du GSIM et, surtout, avec son appui logistique et technique. Ils en ont bénéficié pour mener des assauts complexes contre les positions des forces de défense et de sécurité. Ils déstabilisent ainsi la région par des attaques, des enlèvements et le harcèlement de l’État. Notons que ces groupes armés terroristes sont essentiellement implantés dans les zones rurales. Comment l’expliquer ? Et pourquoi arrivent-ils à atteindre leurs objectifs sans trop de difficulté ?</p>
<h2>Les succès des terroristes dans les zones rurales</h2>
<p>D’abord, c’est dans les zones rurales que l’absence de l’État est très marquée. Les groupes criminels se sont donc focalisés sur ces régions. La particularité des groupes extrémistes au Burkina, c’est qu’ils ne s’installent pas dans les zones qu’ils ont conquises. Ils ont adopté un style de gouvernance à distance en profitant de la faiblesse de l’État.</p>
<p>Ensuite, c’est aussi dans les zones rurales que les populations ont une vision négative et négative de l’État et du pouvoir central. En effet, les abus et exactions des forces de l’ordre (armée, gendarmerie et police) contre les citoyens et l’impunité juridique sont des causes sous-jacentes de la montée de la violence. Certaines populations rurales vont jusqu’à dire, comme cet habitant de Madjoari (est du Burkina) en décembre 2018 :</p>
<blockquote>
<p>« Nous n’avons plus besoin de l’État. C’est l’État qui a radicalisé tous ces jeunes qui ont été chassés de leur terre, affamés et même tués. La situation actuelle est la réponse à toutes ces exactions commises par l’État. »</p>
</blockquote>
<p>Plus l’environnement est corrompu, plus il est facile pour les groupes extrémistes violents de se présenter comme une alternative vertueuse en se déchaînant contre l’immoralité des élites au pouvoir. Les fonctionnaires et forces de sécurité sont plus souvent perçus comme des corps étrangers cherchant plutôt à s’enrichir que comme des agents chargés de fournir les services, comme l’indique ce même interlocuteur :</p>
<blockquote>
<p>« Nous ne constatons aucune réponse sécuritaire de la part de l’État. Il n’y a que le poste de douane qui fonctionne ici. Que ça soit la police ou la gendarmerie, nous ne les voyons que les jours de marché, et seulement pour réclamer quelque chose aux pauvres commerçants. »</p>
</blockquote>
<p>La combinaison de la pauvreté, du manque de services publics, de l’inefficacité des forces de sécurité et de l’instabilité dans les pays voisins a contribué à la <a href="https://www.mercycorps.org/sites/default/files/VRAI%20Niger%20Final%20Report.pdf">radicalisation croissante des populations civiles au Burkina Faso</a>.</p>
<p>De plus, les traitements cruels et dégradants et la torture infligés aux individus aux mains des forces de défense et de sécurité peuvent faire naître un désir de vengeance. D’ailleurs, le titre du <a href="https://www.hrw.org/fr/report/2018/05/21/le-jour-nous-avons-peur-de-larmee-et-la-nuit-des-djihadistes/abus-commis-par-des">premier rapport de Human Rights Watch</a> sur le Burkina Faso en date du 21 mai 2018 en dit long sur le type de relations qui existent entre les populations et les forces de défense et de sécurité. Plus les méthodes sont brutales et généralisées, plus l’attraction qu’exercent les activités extrémistes violentes est puissante et plus le <a href="https://www.hrw.org/fr/news/2019/03/22/burkina-faso-des-atrocites-commises-par-les-islamistes-armes-et-par-les-forces-de">soutien des communautés locales aux groupes extrémistes violents est marqué</a>.</p>
<p>Le constat est donc net : d’une part l’absence de l’État offre un terreau fertile pour les groupes terroristes, et d’autre part sa présence dans certaines localités affectées facilite l’implantation des groupes extrémistes et contribue à faire basculer les populations de ces zones. En effet, les autorités – qu’elles soient traditionnelles, comme les chefs coutumiers, ou publiques, comme les agents de l’eau et des forêts – auxquelles les gouvernements de la région ont tendance à confier la gestion des terres se sont souvent livrées à des abus de pouvoir. Pour s’opposer à la prolifération du terrorisme, les autorités doivent donc commencer par modifier en profondeur le rapport qui existe entre l’État et ses représentants dans les zones les plus fragiles…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/129396/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mahamoudou Savadogo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La prolifération des groupes armés terroristes issus des périphéries du Burkina Faso s’explique, en grande partie, par la déliquescence d’un État perçu, très souvent, comme illégitime.Mahamoudou Savadogo, Chercheur sur les questions de l'extrémisme violent, Université Gaston BergerLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1236632019-09-24T19:01:17Z2019-09-24T19:01:17ZPourquoi les immigrés et leurs descendants votent-ils pour la droite dure israélienne ?<p>Benyamin Nétanyahou n’a pas réussi à reconquérir son poste de premier ministre. Quelques jours après les élections du 17 septembre 2019 qui n’ont vu aucun vote démarquer les candidats, l’incertitude demeure à Jérusalem. Les consultations débutent afin d’établir qui, de Benny Gantz (parti « Bleu-Blanc ») ou de Benyamin Nétanyahou (Likoud), devra former un <a href="http://www.leparisien.fr/international/israel-les-partis-arabes-choisissent-benny-gantz-contre-benyamin-netanyahou-22-09-2019-8157615.php">gouvernement de coalition</a>. Reste que les votes vers la droite dure ont été particulièrement importants cette année encore, dépassant largement la moyenne nationale dans les villes situées en périphérie du pays, à l’instar des législatives de mars 2015 et d’avril 2019.</p>
<p>Les habitants de ces villes périphériques constituent la frange la plus démunie de l’État d’Israël. Les districts nord et sud sont surtout constitués de populations immigrées et enregistrent un taux de pauvreté deux fois supérieur à ceux du centre, <a href="https://www.btl.gov.il/English%20Homepage/Publications/Poverty_Report/Documents/oni2016-e.pdf">17 % d’entre eux vivent en dessous du seuil de pauvreté</a>. Ils composent pourtant le groupe d’électeurs les plus fidèles à la droite, et à Nétanyahou en particulier. Comment expliquer ce phénomène qui perdure depuis les années 1980 et qui présente de nombreux paradoxes ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=778&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293350/original/file-20190920-50973-1n1k53o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=978&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les villes de développement en Israël (carte réalisée par l’auteure en 2019).</span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le développement des villes périphériques</h2>
<p>L’histoire de ces villes remonte au <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/15268">« plan Sharon »</a> mis en œuvre dès 1950. Le plan prévoit l’établissement, entre 1949 et 1965, de trente villes dites « de développement » (<em>Ayarot pituach</em> en hébreu), aujourd’hui souvent appelées « villes périphériques » (<em>Arei periferia</em> en hébreu).</p>
<p>Définies comme des centres urbains moyens qui desserviront les campagnes alentour, ces villes répondront au double objectif de fournir des nouveaux logements pour les milliers d’immigrés juifs qui arrivent chaque année en Israël ; et de renforcer la frontière dans les régions éloignées du centre du pays.</p>
<p>Alors qu’un million d’immigrés juifs arrivent en Israël entre 1948 et 1960, ceux <a href="https://www.cbs.gov.il/en/publications/Pages/2016/Statistical-Abstract-of-Israel-2016-No-67.aspx">originaires d’Asie (Iran, Irak, Yémen, Inde… etc.) puis d’Afrique du Nord</a> (Maroc, Tunisie, etc.) sont principalement <a href="http://www.jstor.org/stable/3598297">dirigés</a> vers ces <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1086/451876?journalCode=edcc">régions périphériques</a>. Leurs enfants forment encore aujourd’hui le plus large groupe de résidents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293354/original/file-20190920-50979-1ufhmjs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Logements de type HLM à Kiryat Gat (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo prise par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293353/original/file-20190920-50928-1llf2v8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Maisons construites dans les années 1990 à Arad, Israël (2015).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Photo prise par l’auteure</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils sont rejoints entre 1989 et 2000 par <a href="https://www.persee.fr/doc/ingeo_0020-0093_2003_num_67_2_2884">200 000 des 850 000 immigrés de l’ex-URSS</a> qui arrivent en Israël.</p>
<p>Alors que je réalise mon <a href="http://www.theses.fr/2017POIT5007">travail de doctorat</a> entre 2014 et 2017, et même si les flux se sont réduits, 27 % des immigrés entrant en Israël s’installent encore dans une ville dite « de développement » à leur arrivée (statistiques de l’immigration entre 2000 et 2015 du <a href="https://www.cbs.gov.il/en/publications/Pages/2016/Statistical-Abstract-of-Israel-2016-No-67.aspx">Bureau central des statistiques en 2016</a>).</p>
<p>Or ce sont dans ces villes que les <a href="https://votes22.bechirot.gov.il/cityresults">votes</a> pour la droite dure israélienne sont les plus importants depuis des années. Lors des élections du 17 septembre 2019, le parti Likoud y atteint des scores de 38,8 % (25 % au niveau national), Shas – le parti de la droite religieuse séfarade qui représente les Israéliens originaires du Proche-Orient et d’Afrique du Nord –, 12 % (7,6 % au niveau national) et Yisrael Beitenu – parti ultra-national laïc qui représente traditionnellement les Israéliens de l’immigration russophone –, 11,7 % (7,1 % au niveau national).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293355/original/file-20190920-50979-1yi5l4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un panneau électoral du Likoud avec Benyamin Nétanyahou, prise par l’auteure à Kiryat Gat, Israël en 2015.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces tendances peuvent s’expliquer par la situation fragile de ces villes, l’attitude condescendante des habitants des villes du centre comme Tel-Aviv, l’absence relative de représentants politiques du centre et de la gauche, et surtout, leur histoire, en marge du récit national.</p>
<h2>Des villes vulnérables</h2>
<p>Ces cités sont maintenues en périphérie du pays, et ce dans tous les sens du terme.</p>
<p>Leur situation frontalière les rend <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-precarite-en-israel-face-cachee-du-boom-economique-11-09-2019-2335021_24.php">vulnérables</a> aux différentes guerres menées entre Israël et ses voisins (le Liban et Gaza en particulier). Quant à la situation économique, marginale dès les premières années de l’état, elle s’est encore détériorée avec l’adoption d’une économie de marché et le retrait de l’état à partir des années 1980. L’indice socio-économique de ces villes est faible (même si la situation varie d’une ville à l’autre) ; le salaire moyen est 20 % sous la moyenne nationale et représente pour certaines villes la moitié du salaire moyen à Tel-Aviv ; le chômage est plus important d’environ 3 points ; et la proportion de logements sociaux est élevée.</p>
<p>Néanmoins, comme l’affirment les <a href="https://doi.org/10.3751/68.2.14">politologues Aviad Rubin, Doron Navot et As’ad Ghanem</a>, à propos des élections législatives de 2013, les candidats qui emportent les élections générales ces dernières années sont issus de partis qui consacre l’économie libre de marché, la baisse des allocations, l’affaiblissement des syndicats, et en général, l’effritement de l’état – autant de politiques qui pénalisent les périphéries. Alors que les gouvernements Nétanyahou n’ont pas mis en place beaucoup de mesures concrètes pour ces villes, ce dernier continue à s’identifier comme une <a href="https://www.ynetnews.com/articles/0,7340,L-5492706,00.html">« victime des élites »</a>, au même titre que ses électeurs.</p>
<p>Quelles sont les raisons qui poussent les nouveaux venus, ainsi que les enfants et petits-enfants d’immigrés résidents des villes périphériques, premières victimes de ces changements, à soutenir un agenda politique néo-libéral d’une part ; et va-t-en guerre d’autre part ?</p>
<h2>Un soutien massif pour le Likoud</h2>
<p>A l’issue des élections du 9 avril 2019, malgré les scandales de corruption qui pèsent sur le candidat sortant Nétanyahou, son parti le Likoud, obtient une faible majorité (<a href="https://votes21.bechirot.gov.il/nationalresults">1,140,370 votes devançant les 1,125,881 votes de son opposant Gantz, du parti Bleu Blanc</a>).</p>
<p>L’analyse des résultats montre alors que les électeurs des villes périphériques (soit 17 % de l’électorat) soutiennent massivement le Likoud et la droite en général. En comptant seulement les votes de ces 30 villes, le Likoud obtient 39 % des votes (au lieu de 27 % au niveau national).</p>
<p>Deux types de commentaires accompagnent ces résultats. Beaucoup supposent que les électeurs des périphéries votent pour l’homme qui leur assurerait leur sécurité, ce que M. Nétanyahou représente en effet pour eux, comme le révèle une enquête du <a href="https://www.nytimes.com/2018/03/17/world/middleeast/benjamin-netanyahu-israel-likud.html"><em>New York Times</em></a> réalisée avant les élections d’avril 2019 à Kiryat Malachi et Sderot, villes situées près de la bande de Gaza.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1147&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1147&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1147&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1442&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1442&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293048/original/file-20190918-187967-14jkjh6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1442&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Montage photo ayant circulé sur les réseaux sociaux en avril 2019. En haut, les résultats pour le Likoud (43,5 %) et le parti Bleu Blanc (9,2 %) dans la ville de Sderot. En bas, les résidents de Sderot en proie aux tirs venant de la bande de Gaza, alors que M. Nétanyahou (Bibi) dort.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais, et de façon plus affligeante, subsiste l’idée que les enfants de ces immigrés établis aux frontières votent pour le Likoud sans réfléchir et qu’ils seraient « idiots ». Si un tel discours est <a href="https://www.timesofisrael.com/why-the-left-keeps-failing-in-the-pro-likud-periphery-home-to-25-of-israelis/">dénoncé</a>, il perdure néanmoins au sein d’une certaine société israélienne.</p>
<p>Ainsi, sur les réseaux sociaux, des électeurs du centre ou de la gauche suggèrent d’arrêter de protéger les habitants des villes proches de Gaza. Cette image par exemple, qui a circulé sur Facebook après les élections d’avril 2019, s’accompagnait régulièrement de messages tels que « doit-on continuer à envoyer des militaires à Sderot ? »</p>
<p>A quelques jours des élections de ce début septembre 2019, la gauche et le centre ont changé de tactique : au lieu de se positionner comme la seule alternative à M. Nétanyahou, ils ont appelé les électeurs à voter pour la démocratie.</p>
<p>Malgré cette rhétorique – relativement nouvelle – destinée à contrer les <a href="https://www.haaretz.com/.premium-bibi-the-race-baiter-1.5338448">campagnes agressives</a> de Nétanyahou, les résidents des villes périphériques demeurent fidèles à la droite dure.</p>
<h2>Un vote en réaction à « la bulle » de Tel-Aviv</h2>
<p>Les facteurs qui semblent inciter les immigrés et enfants d’immigrés installés dans les villes périphériques à voter pour la droite israélienne ne sont pas, selon mon travail de doctorat, liés à leur manque d’adhérence à la démocratie, à leur obsession sécuritaire, et certainement pas à leur manque de perspicacité.</p>
<p>Beaucoup des résidents des villes périphériques perçoivent la gauche et le centre israélien comme représentants les intérêts de l’élite économique et culturelle, qu’ils projettent sur la ville de Tel-Aviv – la <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/business/.premium-a-tel-aviv-state-of-mind-1.5393919">« bulle »</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293665/original/file-20190923-54804-1pkeb0g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Sonia Getzel Shapira, café branché de Tel-Aviv, où vit une « bulle » culturelle et économique (ici en 2010).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Edward Kaprov/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ils souhaitent – et ce de longue date – obtenir une reconnaissance de leur participation à l’établissement de l’état, pour lequel ils considèrent avoir payé le prix fort. Cette reconnaissance est surtout symbolique. Comme l’un des participants à mon enquête explique :</p>
<blockquote>
<p>« on ne peut pas vivre dans une région qui a une histoire aussi riche, sans avoir de relation avec cette histoire, ou sans avoir une place dans le scénario. Et les jeunes ont grandi comme ça [dans les villes périphériques] : ils n’ont pas grandi avec l’impression que papi ou mamie avait fait quelque chose de spécial. […] C’est ce qui entraîne le sentiment d’être un oublié de l’histoire ».</p>
</blockquote>
<h2>Se distancier des Palestiniens</h2>
<p>Ces revendications sont de plus en plus audibles, précisément grâce au support de la droite. A titre d’exemple, la ministre de la culture et membre du Likoud <a href="https://972mag.com/i-love-miri-regev/122368/">Miri Regev</a> fait de la réhabilitation de la culture juive orientale son cheval de bataille (bien qu’<a href="https://www.haaretz.com/opinion/.premium-miri-regev-doesnt-represent-us-1.5442993">elle ne fasse pas l’unanimité</a>). En général, il existe un consensus dans le monde universitaire israélien et au-delà, que l’<a href="http://www.sussex-academic.com/sa/titles/jewish_studies/Yiftachel.htm">identité « orientale »</a>, soit des juifs immigrés du monde arabe,</p>
<blockquote>
<p>« est produite dans les périphéries sociales et économiques, non pas comme une orientation culturelle distincte, mais comme un sens diffus d’origine commune et de solidarité, alimenté par une marginalité et une souffrance persistence ».</p>
</blockquote>
<p>En d’autres termes, les habitants des villes périphériques, dont une grande partie sont issus de l’immigration juive des pays arabes voisins, veulent se distancier des Palestiniens en affirmant leur loyauté au projet politique israélien.</p>
<p>Cette identité périphérique a été récupérée, d’abord par les mouvements sociaux orientaux dans les années 1970 et 1980 (comme celui <a href="https://doi.org/10.2307/2676561">des Black Panthers israéliens</a> ou du Mizrahi Democratic Rainbow), puis par la <a href="https://www.files.ethz.ch/isn/165676/75f23928107a1d852cbd6cd5dc607934.pdf">droite israélienne</a>, qui a « créé un sentiment de menace, en intensifiant le sentiment de vivre près d’une frontière exposée ».</p>
<p>Alors que les immigrés originaires d’Asie et d’Afrique et leurs enfants tournent le dos aux partis de la gauche qui ont oeuvré à leur installation dans les années 1950, et qu’ils considèrent comme les responsables de la ségrégation dont ils ont été victimes, la droite dure israélienne s’est faite leur porte-parole symbolique.</p>
<h2>Les partis de la droite dure présents dans les conseils municipaux</h2>
<p>Les partis de la droite dure israélienne profitent également d’un ancrage local bien établi. Les maires et conseillers municipaux de ces villes sont principalement des soutiens du Likoud, du parti religieux séfarade Shas ou encore du parti ultra-nationaliste russophone Yisrael Beitenu – ces deux derniers partis étant directement des partis représentant des immigrés.</p>
<p>Mardi 17 septembre au soir, M. Lieberman du parti Yisrael Beitenu, a remercié les maires et les conseillers municipaux membres de son parti pour leur soutien. En effet, j’ai eu l’occasion de <a href="https://journals.openedition.org/e-migrinter/1670">filmer la campagne de ce parti lors des élections de 2015</a>, et de me rendre compte de l’importance du rôle des élus locaux (voir l’extrait vidéo ci-dessous).</p>
<figure>
<iframe src="https://player.vimeo.com/video/361272265" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
</figure>
<p>L’absence de la gauche et du centre dans les villes périphériques ne se limite pas aux campagnes électorales. Les conseils municipaux comptent peu de conseillers qui soutiennent les partis de gauche, à l’exception de conseillers des partis dits « arabes » dans les quelques villes qui comptent des résidents Palestiniens, telles Acre. Ainsi, la plupart des électeurs de ces métropoles ont rarement rencontré un politicien du centre ou de gauche.</p>
<p>Dans un pays où la culture politique privilégie la proximité, les candidats qui rencontrent les électeurs des périphéries ou qui sont eux-mêmes originaires de ces villes – comme Mme Levy-Abukassis dans l’extrait vidéo ci-dessus, originaire de Beit She’an, ancienne numéro 2 d’Yisrael Beitenu et aujourd’hui au parti travailliste – sont plus populaires.</p>
<p>D’ailleurs, lors de la semaine électorale du 17 septembre, le parti Bleu Blanc ou les partis de gauche n’ont plus tenté de gagner des votes dans les villes périphériques, mais de convaincre les résidents de Tel-Aviv d’aller voter plutôt que d’aller à la plage – comme le publie le quotidien <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/elections/.premium-israel-election-2019-facebook-blocks-netanyahu-s-messaging-after-law-violation-1.7857100">Haaretz en ligne le 17 septembre 2019</a>.</p>
<h2>Reproduire une identité de « juifs européens »</h2>
<p>En général, les différents entretiens que j’ai pu récoltés lors de mon travail de terrain ont confirmé que les habitants des villes périphériques et leurs représentants locaux ne cherchent pas à produire une identité israélienne plus ouverte, <a href="https://www.cairn.info/revue-espaces-et-societes-2018-1-page-93.htm">notamment aux Palestiniens</a>. Au contraire, ils se rallient plutôt au discours de Nétanyahou et de ses partenaires qui promeuvent une identité juive européenne au détriment des Palestiniens d’Israël, marquant ainsi leur appartenance au groupe dominant, tout en se distanciant de leur identité arabe.</p>
<p>Quant aux immigrés de l’ex-URSS arrivés après 1989, et alors que la majorité dominante émettent des doutes quant à leur véritable identité juive, le <a href="https://muse.jhu.edu/article/545048/pdf">ralliement à la droite dure</a>, du Likoud et d’Yisrael Beitenu, est peut-être un moyen de réitérer leur loyauté.</p>
<p>Ce processus paradoxal intervient donc en dépit de la marginalisation que tous ces résidents subissent. Ces prochaines semaines, les différents partis entament un processus de négociation pour former le gouvernement. Si le bloc de droite y parvient, prendra-t-il vraiment au sérieux les inégalités structurelles qui pèsent sur les immigrés et enfants d’immigrés des villes périphériques ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/123663/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pour réaliser sa recherche en Israël, Amandine Desille a reçu des financements du septième programme-cadre de l’Union européenne (7ePC/2007-2013) en vertu de la convention de subvention n° 316796. </span></em></p>Les immigrés et descendants d’immigrés résidents des villes périphériques parmi les plus pauvres de l’état sont les principaux supporters de la droite dure, et de Nétanyahou en particulier.Amandine Desille, Post doctorante, géographe, Universidade de Lisboa Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1127102019-03-29T00:51:00Z2019-03-29T00:51:00ZLe commerce de centre-ville n’a pas dit son dernier mot…<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261426/original/file-20190228-106371-tfni3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C10%2C967%2C655&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La problématique du commerce de centre-ville nécessite un regard pluriel (Ici, Honfleur dans le Calvados). </span> <span class="attribution"><span class="source">RossHelen / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Et c’est pour ça que je suis assez optimiste quant à l’avenir des centres-villes, c’est que si on sait jouer de tous ces atouts-là et ces cartes-là, on a quelque chose à faire. […] Ici, on peut vous parler pendant des heures des commerçants qui sont géniaux qu’on a détectés dans toute la France… ». C’est ainsi que Jean‑Pierre Lehmann, président de l’association <a href="https://www.fncv.org">Vitrines de France</a>, conclut une interview d’une 1H30 sur le commerce de centre-ville menée dans le cadre de la rédaction de l’ouvrage collectif « (R)évolution du commerce de centre-ville : de l’état des lieux à la résilience ».</p>
<p>Cet optimisme et cet appel à l’entrepreneuriat peuvent apparaître quelque peu en décalage avec le discours ambiant plutôt pessimiste et alarmiste sur le commerce de centre-ville. À titre d’illustration, mentionnons quelques titres d’articles de presse traitant de cette thématique <a href="https://www.lesechos.fr/05/07/2017/LesEchos/22480-103-ECH_declin-des-commerces-de-centre-ville---les-acteurs-reclament-un-plan-marshall.htm">« Déclin des commerces de centre-ville : les acteurs réclament un plan Marshall »</a> (<em>Les Echos</em> du 5 juillet 2017), <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2016/10/20/le-declin-commercial-des-centres-villes-s-aggrave_5017351_3234.html">« Le déclin commercial des centres-villes s’aggrave »</a> (<em>Le Monde</em> du 20 octobre 2016), <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/524921/centres-villes-en-declin-le-malheur-des-villes-moyennes/">« Centres-villes en déclin : la malédiction des villes moyennes »</a> (<em>La Gazette des Communes</em> du 22 septembre 2017), <a href="http://www.lavoixdunord.fr/118667/article/2017-02-14/le-declin-du-commerce-de-centre-ville-est-il-une-fatalite">« Le déclin du commerce de centre-ville est-il une fatalité ? »</a> (<em>La Voix du Nord</em> du 14 février 2017), etc. Et même le <em>New York Times</em> qui titrait, en février 2017, <a href="https://www.nytimes.com/2017/03/07/world/europe/france-albi.html">« En France, le déclin des villes de province est celui d’un marqueur de son identité »</a>. Le consommateur est aussi inquiet d’observer ce déclin, en effet, selon ce 3<sup>e</sup> baromètre des centres-villes de l’institut CSA (2018). 68 % des Français interrogés se disent ainsi préoccupés par la situation en centre-ville et cette proportion grimpe à 80 % dans les villes de 50 000 à 100 000 habitants.</p>
<h2>Le commerce, entre complexité et hétérogénéité</h2>
<p>Comme le rappellent les auteurs, « en France, le développement économique et l’explosion démographique qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont représenté un terreau fertile au développement de nouveaux formats de commerce, dans le secteur alimentaire avec le supermarché, l’hypermarché et le hard discount, et dans le secteur non alimentaire, avec l’émergence des grandes surfaces spécialisées. L’émergence de ces formats proposant une offre commerciale peu différenciée et des prix attractifs a pris forme dans les périphéries des villes ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261419/original/file-20190228-106362-1qy3nz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vue aérienne de Cap Sud, zone commerciale de Moulins dans l’Allier.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/205301680">Jean‑Louis Zimmermann/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261420/original/file-20190228-106353-1eq47sa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La zone commerciale du Coudoulet, à proximité d’Orange dans le Vaucluse.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/1817157212">Jean‑Louis Zimmermann/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir des années 1990, leur développement a provoqué un déséquilibre entre commerce de périphérie et commerce de centre-ville qui s’est encore accentué avec l’avènement du format drive et du commerce électronique dans le milieu des années 2000. Mutations des modes de vie, mutations des centres-villes et de leur aménagement, mutations de la consommation, etc. La problématique du commerce de centre-ville est donc complexe et nécessite un regard pluriel. Géographes, chercheurs en marketing, sociologues se sont ainsi intéressés à la problématique du commerce de centre-ville.</p>
<h2>Nœud de flux</h2>
<p>En première approche, si cette question peut apparaître triviale, la problématique abordée ici conduit les auteurs à s’interroger sur les contours du centre-ville : « Le Petit Larousse donne comme définition du centre-ville : quartier central d’une ville, le plus animé ou le plus ancien. Sont ainsi soulignées les caractéristiques essentielles du centre-ville : la centralité résultant d’une histoire, le territoire environnant qui est attiré et les flux réciproques entre centre et territoire. </p>
<p>Le centre-ville est parcouru par les principaux axes de liaisons internes et externes de la commune qui s’y rejoignent. Il se caractérise comme un nœud de flux. Dans la littérature académique, cette conception spatiale du commerce de centre-ville s’inscrit dans les travaux pionniers délimitant la notion de centralité et d’attractivité d’une ville. Ce premier modèle a contribué à de nombreuses recherches et prolongements dans le champ du marketing et a ainsi été complété par d’autres variables, comme le choix du lieu d’achat en fonction des critères du chaland dans une ville ».</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261427/original/file-20190228-106338-s7njdq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=408&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Après-midi lèche-vitrine dans les rues de Sète, dans l’Hérault.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre-Olivier/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261421/original/file-20190228-106338-1xjkzs2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une rue commerçante à Beauvais, dans l’Oise.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jeanlouis_zimmermann/3756480358">Jean‑Louis Zimmermann/Flickr</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La problématique du commerce de centre-ville n’est pas seulement économique et ne peut se résumer à la longue et inévitable évolution d’une forme ou d’un format de distribution. Repensez aux différentes fois où vous vous rendez au centre-ville et indéniablement, vous tomberez sur les termes : achat de produit, retrait de colis à des points relais, virée shopping entre amis, lèche-vitrine pour préparer les soldes, achats de Noël, déjeuner dans un restaurant traditionnel, soirée au cinéma, après-midi culturelle au musée, démarches administratives – le centre-ville est ainsi un lieu d’échanges de biens et de services, un lieu d’expériences multiples – bref, un lieu de vie ! La multiplicité de ces activités pose subséquemment des questions économiques, écologiques, sociales, territoriales et humaines. Quel visage souhaite-t-on pour nos villes, nos bourgs et nos villages ? Quelles relations avec les entreprises ? Quel mode de vie souhaitons-nous ?</p>
<p>Pourtant, malgré la gravité de la situation, peu de travaux de recherche portent sur cette thématique. Sans doute parce que les causes sont multiples et doivent mobiliser les sciences de gestion, la géographie, la sociologie, etc.</p>
<h2>Des lieux d’échange ouverts, attractifs et vivants</h2>
<p>Quel avenir peut-on alors envisager ? Pour les auteurs, « le commerce de centre-ville ou de centre-bourg est susceptible de connaître des évolutions contrastées, notamment selon ses capacités d’adaptation exprimées en trois scénarios : un déclin généralisé, une domination par des enseignes d’envergure nationale (spécialisées ou de la grande distribution), une articulation entre des enseignes motrices et des commerçants indépendants localement organisés. Les ressources territoriales en présence, les stratégies mises en place et le volontarisme des acteurs publics apparaissent alors comme déterminants dans la trajectoire qu’il suivra. Ces évolutions supposent une action volontariste et coordonnée des acteurs dans le sens de l’appropriation par les commerçants des outils numériques, de l’expérimentation et de l’innovation.</p>
<p>Les interviews menées soulignent également « l’importance d’une construction collective du commerce de centre-ville ou du centre-bourg et même plus globalement, du vivre ensemble. Réconcilier les dynamiques du commerce avec la ville durable : tel est l’enjeu d’une réorientation de la politique d’une ville. Sa finalité doit transcender les différences de sensibilités et les oppositions entre les divers types de commerce ou d’opérateurs commerciaux qui sauront développer leur activité selon les nouvelles règles du jeu. Il s’agit de susciter une organisation urbaine plus cohérente autour de centralités confortées avec des lieux d’échange ouverts, attractifs et vivants qui sont, au cœur des villes et des quartiers, indispensables tant au maintien d’une cohésion sociale capable de surmonter les risques de division qu’à l’émergence d’une société́ dynamique et conviviale ». Le centre-ville apparaît donc moins condamné au déclin qu’on pourrait le croire…</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261657/original/file-20190301-110119-187vh6p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Ce texte est extrait de l’ouvrage collectif de recherche « (R)évolution du commerce de centre-ville : de l’état des lieux à la résilience », publié en mars 2019 aux <a href="http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100406460">Presses universitaires de Nancy, Editions universitaires de Lorraine</a>. Cet ouvrage, préfacé par le professeur Marc Filser, a été coordonné par Hélène Yildiz, Sandrine Heitz-Spahn et Béatrice Siadou-Martin. Les différents contributeurs sont, par ordre alphabétique : Mathias Boquet, Franck Cochoy, Anaïs Daniau, Samuel Deprez, Jean‑Pierre Douard, Inès Gugen-Gicquel, Michèle Heitz, Sandrine Heitz-Spahn, Karine Picot-Coupey, Béatrice Siadou-Martin, Géraldine Thévenot, Régine Vanheems, Hélène Yildiz. Ces travaux visent à apporter des éléments de réflexion et de réponse sur l’état actuel du commerce de centre-ville, ses évolutions, ou encore sur ses formes de résilience.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112710/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cet ouvrage prend sa source dans un projet intitulé «MADinLOR : Made in Lorraine : construire une offre attractive et valorisable du patrimoine lorrain », financé par le fonds régional Grand Est Alsace Champagne-Ardenne Lorraine.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sandrine Heitz-Spahn a obtenu des financements du fonds régional Grand Est Alsace Champagne-Ardenne Lorraine.</span></em></p>Son déclin n’est pas inéluctable, à condition de repenser le centre-ville au-delà de sa dimension économique, soulignent les auteurs du livre « évolution du commerce de centre-ville ».Hélène Yildiz, Maître de Conférences HDR Sciences de Gestion, Université de LorraineBéatrice Siadou-Martin, Professeur des universités en sciences de gestion, Université de LorraineSandrine Heitz-Spahn, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1137242019-03-26T21:34:26Z2019-03-26T21:34:26ZDe Marseille aux « gilets jaunes » : l’échec de la politique du logement<p>C'est à Marseille que le président de la République Emmanuel Macron doit poser les jalons de sa campagne politique. La ville, qui ferait l<a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/ecoles-trafic-de-drogue-transports-emmanuel-macron-trois-jours-a-marseille-pour-presenter-un-plan-d-urgence-pour-la-ville_4754995.html">‘objet d'un plan d'urgence</a>, a particulièrement été touchée par des phénomènes de grave délinquance (trafic de drogue et assassinats), de précarité et d'insalubrité. En novembre 2018, trois immeubles <a href="https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/effondrement-d-immeubles-a-marseille/immeubles-effondres-a-marseille-pourquoi-la-mairie-se-retrouve-au-centre-des-critiques_3037311.html">s'effondraient</a> en plein début de crise des « gilets jaunes ». Les revendications de ces derniers, exigeant un meilleur pouvoir d’achat et des conditions de vie plus dignes, témoigne – <a href="https://theconversation.com/fr/search?utf8=%E2%9C%93&q=gilets+jaunes">entre autres demandes</a> – de l’absence d’une vraie politique du logement en France.</p>
<p>Or, faut-il réellement « construire pour répondre aux besoins » ? <a href="https://droit-finances.commentcamarche.com/faq/67605-loi-elan-loi-logement-2018-details-du-texte">La loi Elan</a> récemment adoptée, poursuit cette illusion. Cette idée, soutenue par une « coalition de croissance », selon l’<a href="https://books.google.fr/books/about/Urban_Fortunes.html?id=XtIMclQwMY4C&redir_esc=y">expression des sociologues John R. Logan et Harvey Luskin Molotch</a>, est le principal obstacle à une autre politique du logement.</p>
<p>Selon cette idée, le rythme d’accroissement de 1 % par an soit <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3269496">350 à 400 000 nouveaux logements</a> répond à peine à la création annuelle de nouveaux ménages <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1280856">(par unions, séparations et migrations)</a>. Le marché n’offre aucun débouché à la demande de ceux qui en ont le plus besoin, les 4 millions de mal-logés. Pouvoirs publics, associations, bailleurs sociaux et promoteurs, tous s’accordent qu’il faut construire. Et l’industrie du BTP qui emploie plus <a href="https://www.metiers-btp.fr/les-chiffres/les-chiffres-cles/les-salaries.html">d’un million de personnes</a>, n’est pas en reste pour soutenir cette politique.</p>
<p>Cette idée persiste depuis au moins le début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>Toujours plus construire : une idée historique</h2>
<p>En France, le discours sur le faible taux de construction au regard des besoins démographiques est récurrent. On le trouve en 1920 <a href="https://francearchives.fr/facomponent/4da93876dc0077bbc7cfdc1042fb6732c2504e11">dans les écrits du ministre Henri Sellier</a> ainsi qu’en 1950 dans ceux des mouvements <a href="https://www.cairn.info/politiques-publiques-2--9782724611489-page-113.htm?contenu=resume">sociaux de l’époque</a>.</p>
<p>Aujourd’hui les mêmes arguments, valides à l’époque, sont repris mais confondent la crise de pénurie d’alors et notre crise actuelle de répartition.</p>
<p>Or, l’encouragement à la construction bénéficie pour les trois quarts à l’accession à la propriété qui progresse fortement : entre 1978 et 2013, 106 % d’accroissement, contre 86 % pour le locatif social et 3 % pour le locatif privé.</p>
<p>Il répond aux discours, récurrents depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, des valeurs morales de la <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2011/09/14/pourquoi-la-france-de-proprietaires-de-nicolas-sarkozy-n-a-pas-vu-le-jour_1571732_823448.html">« France des propriétaires »</a> pour reprendre l’expression du président Sarkozy.</p>
<h2>Tous propriétaires mais où et à quel prix ?</h2>
<p>Dans ce cadre, la baisse des taux d’intérêt et l’allongement de la durée des prêts ont permis aux ménages modestes d’accéder à la propriété. Ainsi, alors que l’accession à la propriété est en 2018 le fait majoritaire de couples âgés et installés, des jeunes couples à revenus modestes rejoignent ses rangs dans le <a href="https://journals.openedition.org/lectures/17528">périurbain lointain</a>.</p>
<p>En novembre 2018, ces clientèles, issues d’une périurbanisation forcenée et de territoires en marge des métropoles, se retrouvent en gilet jaune le long des routes de France. Leur éloignement des centres urbains et de l’emploi frappe lourdement leurs frais de déplacement.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KSQuHagsgww?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Anne Lambert, interviewée autour de son ouvrage sur la périurbanisation.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le parc immobilier privé à l’abandon</h2>
<p>Alors que l’habitat périurbain, qui a bénéficié du soutien de l’État éloigne les petites classes moyennes, une population très modeste, souvent jeune et immigrée, tente de se loger dans le parc locatif privé des centres villes, <a href="https://www.fondation-abbe-pierre.fr/nos-actions/comprendre-et-interpeller/24e-rapport-sur-letat-du-mal-logement-en-france-2019">construit avant-guerre et mal entretenu</a>.</p>
<p>Ce parc immobilier est détenu très majoritairement par des « petits propriétaires » ne possédant pas plus de deux logements. Il se reproduit très peu, ce qui a des implications sur les prix, crée de la rareté et a des effets sur la qualité. Pour répondre à ce contexte qui peut dériver vers des loyers excessifs et l’insalubrité, comme on l’a vu à Marseille, les politiques mettent en œuvre depuis trente ans des dispositifs incitatifs en faveur de la réhabilitation peu efficients ainsi qu’une <a href="http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/loi-elan-dispositif-experimental-d-encadrement-du-niveau-des-loyers">régulation timide des loyers</a>.</p>
<p>Elles développent trop timidement l’<a href="https://www.anil.org/votre-projet/vous-etes-proprietaire/bailleur/lintermediation-locative/">intermédiation locative</a> qui consiste à mettre en relation des associations soutenues par les municipalités et agrées par la Préfecture, et les bailleurs privés qui acceptent, de louer temporairement leur logement à des ménages en difficulté par l’intermédiaire de ces associations : en <a href="http://www.cohesion-territoires.gouv.fr/l-intermediation-locative">Ile de France 5 000 logements seulement sont ainsi mis à disposition chaque année</a>.</p>
<p>Les politiques actuelles soutiennent en revanche l’investissement locatif qui correspond depuis vingt ans à <a href="https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2018-04/20180410-refere-S2017-4080-depenses-fiscales-investissement-locatif-menages-reponse-PM.pdf">2 milliards</a> annuels de défiscalisation mais n’a pas permis de construire des logements adaptés <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100663920">aux besoins des marchés locaux</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/gJSxQ6ogBxk?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Documentaire sur les logements vacants en France, janvier 2018.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Le logement social doit-il seul résoudre la crise du logement ?</h2>
<p>Faute de pouvoir offrir à tous un logement décent, l’État encourage le logement social à construire pour répondre au mal-logement.</p>
<p>En 2000, l’article 55 imposant un objectif de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 1 500 habitants a été très incitatif pour accroître les 4,2 millions de <a href="https://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/164000332.pdf">logements sociaux existants</a>.</p>
<p>Cependant, le gouvernement, qui demande aujourd’hui au logement social de répondre plus précisément à la « crise », le presse aussi de mobiliser ses fonds propres.</p>
<p>Or, si seulement un quart des logements sociaux financés ces dernières années sont destinés aux plus pauvres, l’appauvrissement du revenu des locataires du logement social, sous les effets de la crise économique et des recompositions familiales devient une constante.</p>
<p>Les organismes gestionnaires, qui se confrontent à la croissance des impayés et à la faiblesse des mécanismes correctifs, sont quasiment les seuls à accueillir les demandes urgentes des ménages défavorisés notamment les bénéficiaires des dispositifs <a href="http://www.hclpd.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_bilan_2008-2016_webok-2.pdf">« droit au logement opposable »</a> (DALO).</p>
<p>Les familles monoparentales, les ménages âgés et les jeunes adultes restés chez leurs parents exigent une autre politique qui élargisse les possibles.</p>
<h2>Un « choc de l’offre » irréaliste</h2>
<p>Ce tour rapide nous permet de développer trois arguments. Le <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/logement-les-principales-mesures-du-choc-de-l-offre-voulu-par-macron_46267a7e-9deb-11e7-92ac-12feebdecf20/?pagination=2">« choc de l’offre »</a> prôné par le président de la République est trop simple.</p>
<p>La recette classique qui consiste à mettre autant de marchandises sur le marché qu’il est nécessaire pour diminuer la rareté et le prix n’est pas réalisable sur un marché segmenté comme l’immobilier.</p>
<p>Loin de satisfaire la demande, ce système a fabriqué de la vulnérabilité résidentielle. Le chiffre de 4 millions de mal-logés n’a guère baissé depuis dix ans. En raison de l’élévation des prix dans les zones où les prix immobiliers sont élevés, les ménages sont de plus en plus cloisonnés dans leur type d’habitat : ils <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3319539">déménagent de moins en moins</a> et le <a href="https://www.fondation-abbe-pierre.fr/documents/pdf/synthese_rapport_2018_surpeuplement_un_probleme_de_taille.pdf">surpeuplement augmente</a>.</p>
<p>Les loueurs de chambres, qui compensent des loyers trop chers, les jeunes <a href="https://politiquedulogement.com/dictionnaire-du-logement/d/decohabitation/">décohabitants</a> pour lesquels la colocation est devenue quasi obligatoire, les familles fragilisées dans les logements sociaux, les ménages éloignés de leurs emplois : tous vivent quotidiennement des relations sociales mettant en difficulté leur volonté d’habiter.</p>
<h2>Pour une autre politique du logement</h2>
<p>La tragédie de Marseille est une conséquence exemplaire de la politique de construction à outrance de l’État qui a délaissé les vieux quartiers et dévoré les marges périurbaines des métropoles.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-d-histoire-du-dix-neuvieme-siecle-2000-1-page-0.htm">Malgré 200 ans de législation</a> sur les logements insalubres, l’État peine autant à réguler les loyers dans les zones tendues qu’à limiter l’urbanisation incohérente.</p>
<p>Son impuissance, malgré les déclarations compassionnelles, invite à une autre politique de soutien aux collectivités locales et aux habitants.</p>
<p>Pourquoi l’intermédiation locative qui permet d’aider des organismes à accueillir des mal-logés et sans domicile dans le parc privé n’est pas plus soutenue ? Pourquoi ne mobilisons-nous pas les trois millions de logements vacants dont une large part est constitué d’habitats invendus et non loués ? Où en est le projet de valoriser l’habitat ancien « patrimonial », mais souvent vacant et insalubre, des petites villes en marge des métropoles ?</p>
<p>Les évènements disruptifs que nous vivons témoignent de la nécessité d’une vraie politique du logement à la fois sociale, écologique et patrimoniale et non seulement d’une politique de construction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113724/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yankel Fijaljow a récemment publié 'Sociologie des villes, La Découverte' en 2017, 5ème édition.</span></em></p>Faut-il réellement construire pour répondre aux besoins du mal-logement en France ?Yankel Fijalkow, Professeur, sociologue et urbaniste, Laboratoire LAVUE UMR 7218 CNRS, École nationale supérieure d’architecture de Paris Val de Seine (ENSAPVS) – USPCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.