tag:theconversation.com,2011:/us/topics/permaculture-46788/articlespermaculture – The Conversation2022-09-27T20:01:31Ztag:theconversation.com,2011:article/1868822022-09-27T20:01:31Z2022-09-27T20:01:31ZLe biocontrôle pour remplacer les pesticides : de la difficulté de changer les usages<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/479350/original/file-20220816-5388-5ffk8h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=98%2C57%2C5316%2C3473&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La coccinelle est un exemple emblématique de macroorganisme pour lutter contre les pucerons ou les cochenilles</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/harmonia-axyridis-most-commonly-known-harlequin-1460876276">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Nous savons aujourd’hui que nous ne pouvons pas faire face aux problèmes environnementaux <a href="https://theconversation.com/lagriculture-francaise-a-la-croisee-des-chemins-91100">sans révision de nos modèles agricoles</a>.</p>
<p>L’agriculture affecte les grandes variables, comme le climat à travers la production de méthane ou la biodiversité à travers l’affectation de surfaces de terre considérables à des systèmes de monoculture. L’épandage à grande échelle de produits issus de la chimie de synthèse contribue bien sûr également à <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">fragiliser l’habitabilité</a> de notre planète. <a href="https://theconversation.com/pesticides-et-biodiversite-les-liaisons-dangereuses-182815">En polluant les sols, les eaux et l’air</a>.</p>
<p>Depuis 2008, les <a href="https://agriculture.gouv.fr/le-plan-ecophyto-quest-ce-que-cest">plans Ecophyto</a> successifs ont visé la réduction de l’utilisation des produits chimiques dans le domaine agricole. Malgré cette intervention de l’État, l’usage de ces produits reste stable voire augmente. Des alternatives existent pourtant, <a href="https://www.researchgate.net/publication/227328058_Eilenberg_J_Hajek_A_Lomer_C_Suggestions_for_unifying_the_terminology_in_biological_control_BioControl">sous le nom de « lutte biologique »</a> ou <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole">« de biocontrôle »</a>.</p>
<p>La création du consortium « biocontrôle » entre l’État et des entreprises du secteur a mis ce thème en valeur ; les techniques et les produits se diffusent cependant lentement, bien que les besoins des agriculteurs soient criants, que l’urgence à agir au plan écologique ne soit plus discutée et que la transformation des modes de production de nos économies soit en question.</p>
<h2>Le biocontrôle, qu’est-ce que c’est ?</h2>
<p>La lutte biologique utilise des organismes vivants dits « auxiliaires de culture » pour répondre au besoin de limiter les populations de bioagresseurs des cultures – les insectes qui mangent les grains, piquent les fruits, attaquent le bois et les feuilles, etc. Parmi les solutions de biocontrôle, il en existe à base de microorganismes, de bactéries ou de virus, qui agissent sur des maladies des plantes.</p>
<p>Une seconde catégorie est faite de macroorganismes, notamment sous forme d’utilisation d’insectes ou de petits organismes vivants (par exemple, la coccinelle contre les pucerons). La lutte biologique peut consister à introduire de nouveaux organismes ou bien à développer ou maintenir la présence de populations déjà existantes d’auxiliaires de culture. En plus de ces catégories, le <a href="https://agriculture.gouv.fr/quest-ce-que-le-biocontrole">biocontrôle en France tel que défini par le consortium biocontrôle y ajoute les substances minérales</a>.</p>
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<p>S’il existe une boite à outils alternative aux produits phytosanitaires et aux engrais de synthèse, ces innovations ont du mal à se diffuser du fait de leur nature et des transformations de pratiques qu’elles supposent.</p>
<h2>Les usages agricoles dominants en question</h2>
<p>Les produits conventionnels chimiques ont une efficacité rapide, fondée sur l’éradication des insectes ravageurs des cultures. En contrepartie, ils ont aussi des <a href="https://www.inrae.fr/actualites/biodiversite-services-rendus-nature-que-sait-limpact-pesticides">effets non désirés sur d’autres entités naturelles</a>. À l’inverse, le biocontrôle propose des solutions variées et très ciblées, compatibles avec les enjeux écologiques, mais une efficacité aux délais plus longs. Il s’agit donc de deux paradigmes différents de protection des cultures.</p>
<p>Avec le biocontrôle, il s’agit de réguler les populations indésirables plutôt que de les éradiquer, d’observer ces populations dans les champs plus que de suivre un calendrier de traitement défini à l’avance, et l’efficacité est observée sur le long terme et non juste après le traitement. Le biocontrôle marche par ailleurs mieux s’il est coordonné <a href="https://www.quae.com/produit/1605/9782759230778/biocontrole">avec des efforts sur le territoire de vie des ravageurs</a> – or les institutions pour systématiser cela n’existent pas actuellement.</p>
<p>Passer de l’un à l’autre peut donc être déstabilisant pour les agriculteurs habitués depuis l’après-guerre à l’utilisation d’intrants chimiques. Certaines solutions de biocontrôle sont cohérentes avec les usages agricoles majoritaires tandis que d’autres impliquent des modifications des pratiques.</p>
<h2>Microorganismes : une prise en main assez facile</h2>
<p>Des solutions de biocontrôle à partir de microorganismes ou de phéromones peuvent en effet être formulées sous des formes similaires que ceux des produits phytosanitaires de synthèse donc utilisés de la même manière – épandage sous forme liquide par exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/moins-de-phytosanitaires-dans-les-vignes-cest-possible-57989">Moins de phytosanitaires dans les vignes, c’est possible</a>
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<p>Dans ce cas, les agriculteurs peuvent les intégrer dans leurs itinéraires de culture avec des modifications mineures de leurs habitudes de travail. L’utilisation conjointe avec des produits phytosanitaires de synthèse n’est cependant pas optimale, ces derniers ayant en général un effet délétère sur les microorganismes présents dans les solutions de biocontrôle. Il est donc important de penser l’utilisation alternée des solutions de lutte biologique et de produits phytosanitaires de synthèse.</p>
<p>Du point de vue économique, ce sont aujourd’hui les produits à base de microorganismes qui voient leur diffusion la plus rapide, mais ils ne répondent que partiellement aux problèmes agronomiques.</p>
<h2>Macroorganismes : transformer les itinéraires techniques</h2>
<p>L’autre grande méthode de biocontrôle, ce sont les macroorganismes, dont le représentant emblématique est la coccinelle pour lutter contre les pucerons ou les cochenilles. On dit d’eux qu’ils sont des « auxiliaires de cultures » : ils sont différents des produits conventionnels chimiques tant dans les modes d’action que dans les modes d’utilisation.</p>
<p>Les recours aux auxiliaires de cultures et aux produits phytosanitaires de synthèse ne sont presque jamais compatibles entre eux, les seconds ayant un effet délétère sur les premiers. Ce type de biocontrôle implique donc des réflexions de long terme, d’introduire des logiques favorisant les équilibres naturels et un recours aux produits phytosanitaires de synthèse ultra minoritaire.</p>
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<figcaption><span class="caption">INRAE : les insectes auxiliaires pour aider les agriculteurs dans la lutte biologique (France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur, 28 mai 2022).</span></figcaption>
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<p>Au-delà de la question des itinéraires techniques, la production et l’acheminement des auxiliaires de culture impliquent aussi d’autres modes de pensée ; les insectes ne peuvent être stockés, les délais d’acheminement ne peuvent être trop longs, les distances entre sites de production et d’épandage sont contraintes pour que les insectes soient « en forme » à l’arrivée sur les lieux d’épandage. Ces contraintes requièrent de gérer différemment les approvisionnements et la mise en œuvre des auxiliaires sur le lieu d’utilisation.</p>
<h2>Développement d’une agriculture plus durable</h2>
<p>Si parmi les produits de biocontrôle certains peuvent déjà être intégrés dans les itinéraires techniques des agriculteurs, ils ne rendent pas les mêmes services que ceux des produits phytosanitaires chimiques – régulation plutôt qu’éradication des populations de ravageurs, efficacité de long plutôt que de court terme. Ils ne suffiraient donc pas à développer une agriculture agroécologique.</p>
<p>Il faudrait intégrer au fur et à mesure la totalité des solutions de biocontrôle en s’éloignant progressivement des pratiques habituelles des agriculteurs. Cela impliquerait des transformations dans les itinéraires techniques agricoles et ces nouvelles solutions devront aussi être associées à d’autres méthodes agroécologiques <a href="https://theconversation.com/pesticides-les-alternatives-existent-mais-les-acteurs-sont-ils-prets-a-se-remettre-en-cause-146648">afin de rendre l’agriculture cohérente avec les enjeux environnementaux</a>.</p>
<p>Cette différence d’usage est l’un des paramètres qui entrent dans la moindre diffusion de ces techniques : elle invite à repenser les habitudes des agriculteurs, des coopératives d’intrants et des conseillers techniques, mais pas uniquement. Il s’agit aussi de changements systémiques impliquant différents niveaux des chaînes de valeurs et des chaînes logistiques liées à la production alimentaire et donc au système agri-alimentaire dans son ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186882/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aura Parmentier Cajaiba a reçu des financements dans le cadre de participations à des projets de recherche publique financés par le dispositif Ecophyto et FranceAgrimer.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Manuel Boutet a reçu des financements dans le cadre de participations à des projets de recherche publique financés par les dispositifs Ecophyto.</span></em></p>Le biocontrôle offre des alternatives aux pesticides chimiques, ils impliquent cependant des changements à plusieurs niveaux du système agro-alimentaire.Aura Parmentier Cajaiba, Maitre de conférences, management et organisation, Université Côte d’AzurManuel Boutet, Maître de conférences, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/865902018-04-24T19:08:38Z2018-04-24T19:08:38ZAux origines de la permaculture<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216315/original/file-20180425-175038-u2t9da.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les permaculteurs inscrivent leur démarche dans une approche globale des systèmes agricoles. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bert_m_b/2643101969/in/photolist-52yA8B-7gbycN-8tLtaf-52CWwN-4B7Leg-eBD5nW-81g9zU-5DUL1k-52yZAD-eBCLxU-eBCygQ-eBBh6K-eBDp7K-eBGBdy-eBCENJ-eBCRjo-52CP8o-eBC6iW-eBCPSo-eBCYHd-52Ddrj-5DZ3ou-81gEDQ-d2pLRq-81cFUR-81cS7t-d85YpC-oC2ALg-52yXuc-bToHwD-4hFF8J-5aoEB5-81d4Mc-bzVtqe-8B9MF2-53crzU-81cPai-5DZ2S7-bn2kqy-5DUL9k-d7TTUQ-5DZ3ab-5C8Yvj-57T6st-pHMpHH-52CS7h-763fbB-4AX2SM-5HKr7G-5FJ4fu">Brian Boucheron/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte est publié en partenariat avec la revue numérique <a href="http://lapenseeecologique.com/">« La pensée écologique »</a>, dirigée par <a href="https://theconversation.com/profiles/dominique-bourg-411343">Dominique Bourg</a>. Il s’agit d’un extrait d’un texte consacré à la permaculture</em></p>
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<p>Née en Australie dans les années 1970, la permaculture s’est diffusée dans le monde entier. Si son audience est longtemps restée confidentielle, elle suscite désormais un intérêt croissant.</p>
<p>Dans les pays développés, elle touche un public éduqué de plus en plus inquiet des impacts d’un modèle économique fondé sur la surconsommation d’énergie et de ressources naturelles. Dans les pays en développement, elle est considérée comme une voie fructueuse pour les agricultures familiales refusant de se glisser dans le modèle technique que la révolution verte a cherché à leur imposer. L’expansion de son public s’est accompagnée d’une extension de son champ d’application.</p>
<h2>Retour à la terre</h2>
<p>En 1978, le <a href="https://www.permaculturedesign.fr/livre-permaculture-perma-culture-tome-1-bill-mollison-david-holmgren/">texte fondateur de la permaculture</a> la définissait comme visant à constituer « un système intégré et évolutif d’espèces animales et végétales pérennes utiles à l’homme ». En 2002, la <a href="https://www.permaculturedesign.fr/livre-permaculture-incontournable-sur-les-principes-de-permaculture/">définition</a> englobait plus largement les aménagements humains, tout en maintenant une dimension agricole : « Des paysages conçus consciemment qui imitent les modèles et les relations trouvés dans la nature, tout en produisant une abondance de nourriture, de matériaux et d’énergie pour répondre aux besoins locaux ».</p>
<blockquote>
<p>« Pour ceux d’entre nous qui ont connu l’agitation de la fin des années 1960, il semblait ne pas y avoir d’issue favorable […] Les griefs concernaient l’aventurisme militaire, la bombe, l’exploitation sauvage des terres, l’arrogance des grands pollueurs et le manque de prise en compte des besoins humains fondamentaux. »</p>
</blockquote>
<p>Cette citation de Bill Mollison, créateur de la permaculture et co-auteur avec David Holmgren de l’ouvrage fondateur <em>Permaculture One</em> paru en 1978, en situe les origines. Elle s’ancre dans le courant critique qui surgit à la fin des années 1960 avec les mouvements de la contre-culture nord-américaine et la naissance de l’écologie politique : critique d’un désastre écologique devenu patent, de la foi absolue dans les vertus d’une croissance dévoratrice de ressources, de la surconsommation énergétique, de l’individualisme consumériste, du développement inégal, du militarisme et de l’impérialisme, de l’oppression des minorités et des femmes, de la soumission aux normes politiques et morales édictées par les élites économiques.</p>
<p>Certains des mouvements sociaux nourris de ces critiques entendaient imposer des propositions écologiques et sociales en conduisant un combat politique assez « classique ». D’autres recherchaient des solutions pratiques pour construire ici et maintenant un « autre monde » dont le maître-mot serait <em>autosuffisance</em>, qu’elle soit énergétique, matérielle, alimentaire ou institutionnelle. Les projets de « retour à la terre » des années 1970 s’inscrivaient dans cette logique.</p>
<h2>Critique de la modernité</h2>
<p>Face à l’hégémonie du modèle socio-économique dominant, il s’agissait de se retirer du monde en s’installant dans des espaces isolés ou abandonnés par le développement industriel, où la pratique de l’agriculture permettrait de reconstruire un lien prémoderne avec la <a href="https://theconversation.com/pour-une-nouvelle-approche-de-lidee-de-nature-49821">nature</a>. L’inspiration romantique (Thoreau, Tolstoï) de ce mouvement était évidente, tout comme sa dimension apocalyptique : ce monde qui, dans son irrépressible avidité, semblait vouloir détruire irrémédiablement son environnement naturel, était condamné à plus ou moins brève échéance. Ceux qui auraient construit des lieux préservés, fondés sur le renoncement à une vision utilitariste et dominatrice de la nature, deviendraient les garants du salut de l’humanité menacée.</p>
<p>Eschatologie écologique, refus de l’anthropocentrisme, revendication d’une vision holiste du monde s’opposant à un réductionnisme utilitariste, ancrage concret au sein de la nature : ces positions sont celles des premiers permaculteurs. Leur parenté avec l’écologie profonde (<a href="https://theconversation.com/lecosophie-quest-ce-que-cest-49824">Arne Naess</a>) est évidente. Ils considèrent cependant que l’Humanité n’est pas contraire à la Nature par essence.</p>
<p>C’est la modernité occidentale qui est condamnable pour avoir créé une barrière artificielle étanche entre le monde naturel fait d’objets inanimés régis par des lois accessibles à la connaissance rationnelle et le monde des hommes, fait de sujets animés non réductibles à de telles lois naturelles.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"988723674525159424"}"></div></p>
<h2>Réincorporer l’humain dans la nature</h2>
<p>La permaculture s’oppose à cette posture philosophique qui a permis l’industrialisation du monde et la réduction de la nature à un ensemble de ressources dont le progrès technique permet de maximiser l’exploitation. Elle se déclare ainsi résolument « anti-moderne » (voire <a href="https://www.researchgate.net/publication/322839548_Permaculture">post-moderne</a>) en postulant la nécessité de réincorporer l’humain dans la nature. Elle ne rejette pas en bloc la technique mais considère que celle-ci doit être l’instrument de cette réincorporation.</p>
<p>L’idée de « pacte avec la nature » est au cœur de la permaculture, comme en témoigne cet extrait d’une interview de Bill Mollison réalisée par Alan Atkisson en 1991 : « La permaculture exhorte à une coopération totale avec chaque autre et toute autre chose, animée ou inanimée ».</p>
<p>Cette coopération entre humains et non-humains est la condition d’une transformation globale des sociétés permettant de mettre concrètement en œuvre quatre principes éthiques fondamentaux : prendre soin de la Terre, prendre soin des humains, fixer des limites à la consommation et redistribuer les surplus.</p>
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<p><em>Découvrez l’<a href="http://lapenseeecologique.com/permaculture-point-de-vue-2/">intégralité du texte</a> de François Léger, Rafter Sass Ferguson et Kevin Morel sur la permaculture sur le site de <a href="http://lapenseeecologique.com/">« La pensée écologique »</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86590/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Une partie de cette réflexion s’est nourrie d’une thèse financée par la région Île-de-France (DIM ASTREA).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Léger ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La permaculture a plus de 30 ans. Entre autosuffisance et respect de l’environnement, cette méthode fait de plus en plus d’adeptes. Retour aux origines de ce mouvement.François Léger, Enseignant-chercheur en agroécologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayKevin Morel, Docteur en sciences agronomiques, chercheur en agroécologie, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/869012017-12-20T20:31:51Z2017-12-20T20:31:51ZAgriculture biologique : les microfermes peuvent tirer leur épingle du jeu<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/195189/original/file-20171117-7573-1k4yp29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ferme biologique de 1,5 hectares en Bretagne où une jeune maraîchère cultive 8000 m² de légumes vendus en circuits courts. </span> <span class="attribution"><span class="source">Kevin Morel</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est republié dans le cadre du séminaire <a href="https://www.dim-astrea.fr/Accueil/Actualites/Seminaire-DIM-ASTREA-PSDR">« Agro-écologie et systèmes alimentaires durables en Ile-de-France : Quels acquis et quels besoins pour la recherche ? »</a>, organisé par la Région IdF, l’INRA, l’Irstea et AgroParisTech et dont The Conversation France est partenaire. Cet événement aura lieu le mercredi 10 octobre 2018 à Paris.</em></p>
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<p>Tout laisser, acheter un petit lopin de terre à la campagne et se lancer dans l’agriculture biologique, c’est le rêve que sont prêts à vivre de nombreux jeunes adultes aux parcours très divers.</p>
<p>Ce rêve est-il réalisable et peut-on en vivre ? C’est la question à laquelle ont voulu répondre une <a href="https://www6.versailles-grignon.inra.fr/sadapt">équipe de chercheurs</a> dans un <a href="https://www.researchgate.net/publication/320242790_Small_can_be_beautiful_for_organic_market_gardens_an_exploration_of_the_economic_viability_of_French_microfarms_using_MERLIN">article</a> publié en novembre 2017 dans la revue scientifique <em>Agricultural Systems</em>.</p>
<p>Principal enseignement de l’étude : les « microfermes » biologiques peu mécanisées peuvent avoir, sur une surface agricole inférieure, un meilleur taux de viabilité que des fermes maraîchères plus mécanisées.</p>
<h2>Moins d’1,5 hectare</h2>
<p>En Europe et en Amérique du Nord, l’<a href="http://37.235.92.116/IMG/pdf/AGRIFRA07c-2.pdf">industrialisation de l’agriculture</a> s’est appuyée sur l’exploitation de surfaces de plus en plus importantes pour amortir l’augmentation du coût des nouvelles technologies et des intrants (fertilisants, pesticides, machinisme). Cette industrialisation s’accompagne d’une <a href="http://docs.eclm.fr/pdf_livre/369LesPaysansDuXXIeSiecle.pdf">perte de diversité des cultures</a>, d’une dépendance aux marchés globaux et d’une déconnexion de la production des besoins locaux.</p>
<p>C’est dans ce contexte que l’on observe une popularité croissance des microfermes maraîchères biologiques en France depuis 5 ans (bien que des fermes maraîchères sur de petits espaces aient toujours existé). Ces fermes présentent donc une faible surface (moins de 1,5 hectare, en dessous donc des <a href="http://www.agrobio-bretagne.org/wp-content/uploads/2010/09/Installation.pdf">recommandations officielles</a>), sont très diversifiées (plus de 30 cultures différentes par ferme) et pratiquent une commercialisation en circuits courts (vente directe aux consommateurs avec un intermédiaire maximum).</p>
<p>Elles répondent à un souci de préservation de l’environnement, de stimulation des dynamiques locales via les circuits courts, et de création d’emploi au niveau local.</p>
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<figcaption><span class="caption">La microferme, une question de surface, mais pas seulement (AgroParisTech, novembre 2016).</span></figcaption>
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<h2>Sortir des standards de l’agriculture</h2>
<p>Les microfermes attirent une nouvelle génération, non issue du milieu agricole. Ces nouveaux arrivants ont ainsi été à l’initiative de <a href="http://agreste.agriculture.gouv.fr/IMG/pdf/Gaf16p027-028.pdf">30 % des 5000 installations agricoles aidées</a> en France pour 2014 (sur environ 13 000 nouvelles installations au total).</p>
<p>Cherchant à sortir des standards de l’agriculture classique, ils souhaitent avant tout agir pour un monde meilleur et se reconnecter à la nature. 63 % de ces néo-paysans sont attirés par l’agriculture biologique, 58 % par les circuits courts et 23 % par le <a href="http://www.lafranceagricole.fr/r/Publie/FA/p1/Infographies/Web/2013-05-23/72591_1.pdf">maraîchage</a>. Cette agriculture est d’autant plus attractive qu’elle requiert peu d’investissements matériels et fonciers.</p>
<p>Pour mieux comprendre le phénomène des microfermes, nous avons choisi de comparer 18 stratégies différentes à l’œuvre dans ces espaces avec pour variables les techniques de production, la commercialisation et l’investissement. Mille simulations ont été réalisées pour chaque scénario grâce au modèle Merlin (Microfarms : an Exploratory Research on Labour and Income), développé à partir des données collectées dans 20 microfermes du nord de la France.</p>
<h2>Trois modèles sur le banc d’essai</h2>
<p>D’un point de vue technique, trois grands modèles de microfermes ont été considérés, avec des préoccupations écologiques et une recherche d’optimisation de l’espace croissantes :</p>
<p><strong>Le système classique</strong> qui consiste à reproduire en maraîchage biologique diversifié (de 30 à 50 espèces différentes dans une exploitation) les logiques des fermes industrielles pour la mécanisation (tracteur pour la plupart des tâches culturales) et l’utilisation d’intrants du commerce. Ce modèle technique permet de limiter le temps de travail par unité de surface, mais ses coûts de production élevés le rendent moins viable économiquement que les deux autres systèmes quand il est appliqué à une petite surface. En effet, la faible surface ne permet pas de produire suffisamment pour amortir ses charges (mais ce système peut être cohérent et pertinent sur des surfaces plus élevées). De plus, même si la mécanisation des exploitations signifie moins de travail pour les agriculteurs, l’espace laissé aux machines fait perdre de la densité aux cultures, favorise le développement des mauvaises herbes et requiert des interventions de désherbage plus fréquentes.</p>
<p><strong>Le système bio-intensif</strong> qui, en plus de diversifier les cultures, limite sa dépendance aux intrants industriels par des pratiques écologiques (engrais verts, compostage, paillage, etc.) et limite l’emploi de la mécanisation uniquement au travail du sol. Dans les hypothèses de l’étude, il s’agit du système le plus productif et le plus viable de tous. Il donne en effet les meilleurs rendements par heure de travail avec de faibles coûts de production. Soit une plus grande marge pour le producteur.</p>
<p><strong>Le système manuel</strong> s’inspire de la permaculture et limite au maximum l’utilisation des produits pétroliers (pas d’intrant du commerce ni de mécanisation) par des pratiques écologiques. Dans ce système, la contrepartie est l’augmentation du travail manuel et donc une plus faible productivité par heure de travail. Cependant, comme pour le système bio-intensif, l’économie des coûts technologiques permet une plus importante viabilité que dans le système classique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"910873376700411909"}"></div></p>
<p>Les bons résultats des systèmes manuel et bio-intensif pourraient même s’améliorer avec l’expérience de l’agriculteur et la mise en place de stratégies différenciées en fonction des cultures. Par exemple, il pourrait être judicieux d’utiliser une agriculture manuelle pour des cultures à haute valeur ajoutée (par exemple les jeunes pousses de salade) et une agriculture plus mécanisée pour les produits à faible valeur ajoutée sur de grands espaces (par exemple les pommes de terre).</p>
<h2>Et en ville ?</h2>
<p>Un investissement initial minimal est nécessaire pour augmenter les chances de viabilité d’une microferme. Ainsi, d’après l’étude, les jeunes fermiers qui choisissent de construire eux-mêmes leurs équipements à partir de matériaux recyclés diminuent la viabilité de leur exploitation les premières années : le temps consacré à l’autoconstruction pourrait plutôt être consacré à leur exploitation.</p>
<p>À chaque paysan de trouver un sage compromis entre l’autoconstruction (qui peut répondre à une volonté d’autonomie et de recyclage) et le recours à un minimum d’investissement (emprunts) pour s’équiper de manière satisfaisante.</p>
<p>Les microfermes sont un sujet d’intérêt grandissant pour les villes où les espaces disponibles sont limités. Quand le maraîchage classique nécessite au moins 15 000 m<sup>2</sup> pour faire vivre un agriculteur, les microfermes n’ont besoin que de 2000 à 8000 m<sup>2</sup>. Une économie d’espace de 10 000 m<sup>2</sup> en moyenne, qui peuvent être dédiés à d’autres productions complémentaires au maraîchage (fruitiers, miel, petit élevage), à des engrais verts ou à la <a href="https://www.researchgate.net/publication/320242790_Small_can_be_beautiful_for_organic_market_gardens_an_exploration_of_the_economic_viability_of_French_microfarms_using_MERLIN">biodiversité</a>.</p>
<p>Les possibilités de réussite des microfermes en milieu urbain restent cependant à explorer, car la ville peut apporter un grand nombre de contraintes supplémentaires (pollution des sols, contrainte foncière, vols).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"933973637237002240"}"></div></p>
<h2>Soutenir ces nouveaux agriculteurs</h2>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/320242790_Small_can_be_beautiful_for_organic_market_gardens_an_exploration_of_the_economic_viability_of_French_microfarms_using_MERLIN">Ce travail de recherche</a> montre donc qu’il est possible d’atteindre un certain niveau de viabilité sur des surfaces inférieures à ce qui était recommandé en utilisant des pratiques alternatives.</p>
<p>Néanmoins, si les microfermes présentent de réels atouts, atteindre un revenu satisfaisant reste un vrai défi comme dans n’importe quelle ferme, et ce surtout pendant la phase d’installation ! Les difficultés sont réelles et la situation des microfermes maraîchères biologiques ne doit pas être idéalisée. D’ailleurs, elles font l’objet de vives controverses : si pour certains, elles incarnent l’émergence d’une nouvelle agriculture plus durable, pour d’autres, elles restent des initiatives anecdotiques et utopiques qui n’auront que peu d’impact sur le paysage agricole français. Des recherches sur le terrain sont actuellement en cours pour mieux documenter ce débat.</p>
<p>Dans tous les cas, les microfermes permettent à un nombre croissant de jeunes agriculteurs, non issus du milieu agricole, de se lancer en agriculture, ce qui recrée des dynamiques dans les territoires et peut participer à un changement des mentalités. Pour que ce changement puisse avoir un impact à plus grande échelle, il est nécessaire qu’un dialogue sans préjugés mutuels puisse s’établir entre ces néo-paysans et les agriculteurs en place.</p>
<p>Et il serait aussi nécessaire de s’interroger sur des changements politiques plus profonds qui permettraient à de jeunes agriculteurs de s’installer sur des surfaces plus importantes avec d’autres productions (céréales, élevage) en favorisant l’accès au foncier et à l’investissement (emprunts), pour que les nouveaux installés n’aient pas à se contenter des miettes de foncier comme c’est encore trop souvent le cas.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/86901/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kevin Morel a reçu des financements de la région Île-de-France (DIM ASTREA). Cette recherche a été menée à l’UMR SADAPT (INRA, AgroParisTech, Université Paris-Saclay).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Léger et Magali San Cristobal ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les microfermes rencontrent un succès grandissant en France, attirant de jeunes agriculteurs non issus du milieu agricole. Mais sont-elles rentables ?Kevin Morel, Docteur en sciences agronomiques, chercheur en agroécologie, Université catholique de Louvain (UCLouvain)François Léger, Enseignant-chercheur en agroécologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayMagali San Cristobal, Directrice de recherche en biostatistiques, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.