tag:theconversation.com,2011:/us/topics/politique-energetique-49015/articlespolitique énergétique – The Conversation2023-10-03T16:36:28Ztag:theconversation.com,2011:article/2146032023-10-03T16:36:28Z2023-10-03T16:36:28ZLes grands impensés du plan écologique d’Emmanuel Macron<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550962/original/file-20230928-17-h1b0t3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Emmanuel Macron devant un parterre de tournesols, aux côtés du Premier ministre du Luxembourg Xavier Bettel.</span> <span class="attribution"><span class="source"> EU2017EE Estonian Presidency/Raul Mee</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Le 25 septembre dernier, à l’issue d’un conseil de <a href="https://theconversation.com/planification-ecologique-la-necessaire-concertation-democratique-pour-une-mise-en-oeuvre-juste-et-efficace-182699">planification écologique</a>, Emmanuel Macron twittait : « Nous avons un plan. Il est déjà à l’œuvre », accompagné d’une <a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/1706351887623086376">vidéo</a> cherchant à démontrer le sérieux et la constance de l’engagement du président en faveur de l’écologie depuis 2017.</p>
<p>Mais est-ce vraiment le cas ? Tout indique que non, la faute à une <a href="https://theconversation.com/quelle-place-pour-lecologie-populaire-dans-la-planification-ecologique-204830">vision technocratique des enjeux</a>, qui cherche à optimiser le modèle, sans le changer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1706351887623086376"}"></div></p>
<h2>Une montée en puissance depuis deux mandats</h2>
<p>Le programme de 2017 n’a pas brillé par son volet écologique. Le changement climatique est certes évoqué, de même que la sortie du charbon, la transition écologique et la rénovation des logements, mais <a href="https://www.elections-presidentielles.com/wp-content/uploads/2017/03/Programme-Emmanuel-Macron.pdf">sans beaucoup plus de précisions sur la façon d’y parvenir</a>.</p>
<p>Le programme de 2022 <a href="https://www.lemonde.fr/election-presidentielle-2022/article/2022/03/18/le-programme-d-emmanuel-macron-a-la-presidentielle-2022_6118070_6059010.html">est plus offensif</a>. Tout d’abord, un constat : les transports représentent 30 % de nos émissions, l’agriculture 19 %, comme l’industrie, le bâtiment 18 %, l’énergie 10 % et les déchets 3 %. À partir de là, un programme : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, au moyen d’un déploiement « massif » d’énergies renouvelables et de six voire quatorze nouveaux réacteurs EPR ; proposer une offre de voitures électriques françaises en leasing ; accentuer la rénovation énergétique et notamment le remplacement des chaudières.</p>
<p>Le premier conseil de planification écologique, le 28 janvier 2023, <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2023/01/28/premier-conseil-de-planification-ecologique">s’est montré plus didactique</a>. Le président se félicite que les émissions ont baissé deux fois plus vite entre 2019 et 2022, par rapport aux tendances antérieures, suggérant par là que l’action du gouvernement est très positive. Mais attention : pour atteindre la neutralité carbone, le rythme doit encore doubler, soit être quatre fois plus rapide qu’avant 2019.</p>
<p>À cette occasion, le programme est affiné. En matière de transports, la mesure la plus efficace – et la plus rentable – serait l’électrification des véhicules particuliers ; et ensuite le financement des infrastructures ferroviaires, notamment de type RER. Dans le domaine agricole, la voie serait celle d’une réduction des intrants, aider les jeunes à s’installer avec de nouvelles méthodes, et planter un milliard d’arbres. Dans le domaine du bâtiment, l’effort concerne plus particulièrement les acteurs collectifs, publics et privés. Enfin, on apprend que les 50 sites les plus polluants sont en voie de décarbonation, et que l’industrie a déjà beaucoup réduit ses émissions depuis 1990, certes pour partie parce que la France s’est tertiarisée.</p>
<p>Avec deux leçons :</p>
<ul>
<li><p>les émissions du transport <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/publications/secten/2023/Citepa_Secten_ed2023_v1.pdf">ne baissent pas, elles augmentent</a></p></li>
<li><p>Le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/dp-plan-sobriete.pdf">plan de sobriété</a>, dévoilé par le gouvernement en octobre 2022, a donné de bons résultats.</p></li>
</ul>
<h2>L’écologie du « il n’y a plus qu’à »</h2>
<p>À entendre l’exécutif, en janvier, les pistes seraient identifiées, et maintenant tout ne serait plus affaire que « d’exécution ». Constatant qu’« on n’y est pas encore », et que le chemin pour y arriver sera « très dur », le président se veut rassurant : si on innove, si on met de la bonne volonté, de la transparence et de l’accompagnement, nous y arriverons.</p>
<p>Le plan est formalisé le 23 juillet 2023 dans le plan <a href="https://www.gouvernement.fr/france-nation-verte">France nation verte</a>. Pas de grand changement, mais quelques évolutions :</p>
<ul>
<li><p>Sur le volet transport, la voiture électrique légère est mise en avant, ainsi que le vélo, le transport en commun et le covoiturage.</p></li>
<li><p>Dans le bâtiment, il s’agit d’une sortie du fioul par les pompes à chaleur.</p></li>
<li><p>Dans l’industrie, la voie est l’efficacité énergétique, l’énergie biomasse et la séquestration de carbone.</p></li>
<li><p>Le plan réitère les objectifs en matière de nucléaire, annonce un doublement des renouvelables d’ici 2030 (solaire et éolien), ainsi qu’un triplement de la chaleur livrée par réseau.</p></li>
<li><p>Et il ajoute des objectifs en matière de biodiversité et d’usage de l’eau.</p></li>
</ul>
<p>Le second conseil du 25 septembre conserve ces orientations. L’inflexion industrielle est renforcée. Les batteries, voitures et même matières premières (lithium) seront françaises. La France portera également en Europe la voie d’une sortie du charbon, d’une écologie créatrice de valeur économique, de souveraineté.</p>
<p>Le <a href="https://www.budget.gouv.fr/documentation/documents-budgetaires/exercice-2024/le-projet-de-loi-de-finances-et-les-documents-annexes-pour-2024">projet de budget 2024 va dans le même sens</a>, tout en étant plus difficile à décrypter, en raison des jeux usuels entre catégories budgétaires, telle ou telle activité pouvant être brutalement considérée comme « verte », suivant le sens qu’on veut lui donner. L’effort sur la rénovation sera accru, et enfin le nucléaire bénéficiera 1,5 milliard supplémentaire de soutiens.</p>
<h2>La planification écologique à l’épreuve des promesses</h2>
<p>Comment jauger de l’ambition ? Le point de départ très optimiste d’Emmanuel Macron est déjà à relativiser. La baisse « deux fois plus rapide » vantée par le président entre 2019 et 2022 n’était en réalité qu’un retour à la trajectoire initialement affichée par le gouvernement Hollande, dont Emmanuel Macron était ministre, comme le rappelle la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/SNBC-2%20synthe%CC%80se%20VF.pdf">Stratégie nationale bas carbone</a>. Elle a aussi été bien aidée, avons-nous dit, par la pandémie de Covid, ainsi que par des hivers particulièrement doux et la guerre en Ukraine, comme le relève le <a href="https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/">Réseau Action Climat</a>.</p>
<p>Ce plan garantit-il de vraiment mettre les bouchées doubles sur les réductions d’émissions, comme il le faudrait pour atteindre la neutralité carbone ? Il est permis d’en douter. En effet, dans le fond, il mise surtout sur la décarbonation des énergies et l’efficacité énergétique dans les bâtiments, ainsi que la réorientation des usages de la biomasse des particuliers vers l’industrie.</p>
<p>Sur le premier volet, la « sortie du charbon » tant mise en avant par le président fait sourire. Il y a belle lurette que la France importe du pétrole et du gaz, <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/questions-et-reponses-energies/energie-primaire-et-energie-finale-en-france-quelle-difference">qui représentent 65 % de l’énergie finale consommée</a>. Le charbon, c’est 3 %. La sortie est donc déjà faite. Mais les fossiles représentent toujours la part du lion.</p>
<h2>L’avantage des renouvelables sur le nucléaire</h2>
<p>Il faut donc décarboner au plus vite. Or le déploiement des nouvelles centrales nucléaires prendra du temps, s’il a lieu (voir par exemple les <a href="https://www.connaissancedesenergies.org/afp/rappels-sur-lepr-fleuron-du-nucleaire-francais-aux-deboires-multiples-211216">déboires des EPR</a> : il ne sera pas au rendez-vous avant plusieurs années, alors que la cible à atteindre est dans sept ans.</p>
<p>Le choix du nucléaire, outre les risques induits (risque d’accident, question des déchets…), est aussi celui de la lenteur. Le déploiement des <a href="https://theconversation.com/comment-expliquer-les-retards-de-la-france-en-matiere-denergies-renouvelables-202815">renouvelables</a> est potentiellement plus rapide, car les acteurs mobilisables sont beaucoup plus nombreux, puisque ce sont tous ceux qui disposent d’un peu de surface : églises, parkings, agriculteurs, supermarchés, toits… Se baser sur les renouvelables favoriserait en outre une forme de « pédagogie de la sobriété » de par son <a href="https://basta.media/90-kg-de-pain-sans-subir-la-hausse-des-couts-de-l-energie-pourquoi-le-modele-du-four-solaire-se-diffuse-inflation">appropriation par les usagers</a>.</p>
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<p>Mais le plan ne va pas dans ce sens. Le Réseau Action Climat relève le <a href="https://reseauactionclimat.org/ou-en-est-la-france-dans-ses-objectifs-climatiques-et-energetiques-edition-2023/">retard de la France en la matière</a>. Et de fait, la production de renouvelables n’a augmenté <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energies-renouvelables-2021/1-les-energies-renouvelables-en-france">que d’un tiers depuis 1990</a>.</p>
<p>Dans le bâtiment aussi, les leviers à activer restent flous. La rénovation énergétique reste très en deçà de ce qui serait nécessaire : <a href="https://lenergeek.com/2023/07/18/transition-energetique-en-france-7-milliards-de-budget-supplementaire-en-2024/">entre 50 et 100 000 par an au lieu de 350 à 400 000</a>. Il est dit qu’il faut mobiliser les acteurs privés et publics, mais rien n’est clairement dit à leur sujet, sinon qu’ils sont plutôt à la traîne. Il reste donc les promesses de pompe à chaleur.</p>
<p>Les mesures prises dans le transport sont quant à elles totalement dépendantes de la mise en œuvre de la sobriété. Plus de transport conduit à <a href="https://www.citego.org/bdf_fiche-document-1122_fr.html">plus d’étalement urbain, toutes choses égales par ailleurs</a> ; de même que le télétravail tant vanté : les télétravailleurs réguliers habitent <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/315/teletravail-modes-de-vie-2020-rapport-partie_1.pdf">plus loin de leur travail que les autres</a>. La seule manière de garantir l’atteinte des objectifs serait qu’ils soient entièrement appropriés par la population. Or, ce n’est pas le cas : les Français sont <a href="https://aoc.media/opinion/2023/09/27/planification-ecologique-le-cadrage-restrictif-tragique-du-president-macron/">confortés dans le culte de « la bagnole »</a>, que le plan se contente d’électrifier.</p>
<h2>Un plan qui élude 50 % des émissions</h2>
<p>Enfin, le plan d’Emmanuel Macron se réfère exclusivement aux émissions nationales de gaz à effet de serre, tout comme la <a href="https://theconversation.com/la-planification-ecologique-existe-deja-en-france-mais-doit-devenir-operationnelle-183670">Stratégie nationale bas carbone</a>. Or le mode de vie français a des implications plus vastes. En achetant des ordinateurs en Chine, par exemple, la France provoque des émissions hors de son territoire.</p>
<p>Or, si les émissions nationales étaient de 403 MtCO2e en 2022, l’empreinte carbone, ou émissions « nettes », qui tient compte des importations et exportations, s’élevait à environ 623 MtCO2e, soit 50 % de plus. Et comme la part extraterritoriale a nettement augmenté, l’empreinte carbone en a fait autant, puisqu’elle n’était encore « que » de 575 MtCO2e en 2021…</p>
<p>Ne pas se soucier de l’empreinte carbone, plus largement, c’est ne pas réellement se soucier d’un changement dans les modes de vie. Le plan du gouvernement vise seulement à les décarboner et en améliorer l’efficacité globale, pas réellement à en restreindre l’expansion – et le cas du numérique est à cet égard exemplaire. Tel est le paradigme de la « croissance verte », monde dans lequel <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20150107.OBS9413/macron-il-faut-des-jeunes-francais-qui-aient-envie-de-devenir-milliardaires.html">chacun peut et doit chercher à devenir milliardaire</a>, tout en protégeant la planète.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214603/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabrice Flipo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le plan écologique présenté par le président français souffre de plusieurs impensés, comme la mobilisation de la société (sobriété) et la part des émissions liées à nos activités à l’étranger.Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1935932022-12-01T17:24:25Z2022-12-01T17:24:25ZLa Lituanie, un modèle pour la sécurité énergétique européenne ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/493518/original/file-20221104-15-deex2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C8%2C5455%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’unité flottante de stockage et de regazéification du GNL «&nbsp;Indépendance&nbsp;», utilisée comme terminal d’importation du GNL en Lituanie, photographiée dans le port de Klaipeda le 23&nbsp;août 2023.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/lithuania-klaipeda-20220823-floating-lng-storage-2193682525">Karolis Kavolelis/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le 19 octobre, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/speech_22_6262">annonçait</a> que l’UE avait réussi, depuis février dernier, à remplacer les deux tiers de ses importations de gaz russe en se tournant vers d’autres fournisseurs. Cette réduction semblait improbable quelques mois plus tôt, quand l’invasion de l’Ukraine venait, pour l’UE, de transformer Moscou de partenaire commercial en menace militaire. La sécurité énergétique du continent était alors brutalement devenue une problématique quasi existentielle.</p>
<p>Huit mois plus tard, l’UE a donc considérablement réduit sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie. Pourtant, il reste du travail sur le long terme. Pour se dégager totalement de sa dépendance à l’égard de l’énergie russe, l’Union pourrait tirer des leçons de l’expérience d’un de ses membres, la Lituanie – un pays qui, depuis la proclamation en 1990 de son <a href="https://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BMEve/168">indépendance vis-à-vis de l’URSS</a>, a su s’adapter à un contexte géopolitique complexe pour assurer sa sécurité énergétique.</p>
<p>Le cas lituanien est en effet porteur de trois leçons majeures.</p>
<h2>Ne pas renoncer au nucléaire</h2>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre1-2011-1-page-225.htm">chemin de la Lituanie vers l’indépendance énergétique</a> n’a pas été facile.</p>
<p>Avant son <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/europe/rap-info/i0776.pdf">adhésion à l’UE</a> le 1<sup>er</sup> mai 2004, le nucléaire était le premier pilier de son mix énergétique : Vilnius générait de cette façon 77 % de sa production d’électricité. Mais le pays a dû <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/nucleaire-la-centrale-lituanienne-s-est-arretee.N123794">fermer les deux réacteurs de sa centrale nucléaire d’Ignalina</a> comme condition préalable à son entrée dans l’Union, car la centrale était de la même technologie (<a href="https://www.irsn.fr/FR/connaissances/Installations_nucleaires/Les-accidents-nucleaires/accident-tchernobyl-1986/consequences-industrie-nucleaire/Pages/3-Les_reacteurs_RBMK.aspx#.Y4cph-zMKi4">RBMK</a>) que Tchernobyl.</p>
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<p>Par une urgente nécessité, le nucléaire a donc été remplacé par le gaz naturel et le pétrole russes. En 2011, ces deux sources constituaient <a href="https://enmin.lrv.lt/uploads/enmin/documents/files/National_energy_independence_strategy_2018.pdf">75 % du mix énergétique national</a> (le reste venant notamment du charbon, des produits pétroliers, de l’énergie hydraulique et de la biomasse). Le pays se retrouvait donc profondément dépendant des importations d’hydrocarbures en provenance de Russie.</p>
<p>Suite à l’invasion de l’Ukraine, l’UE, largement dépendante de la Russie pour son approvisionnement énergétique, s’est à son tour tournée (ou retournée) vers le nucléaire.</p>
<p>L’Allemagne a décidé en octobre de <a href="https://www.la-croix.com/Monde/Nucleaire-lAllemagne-prolonger-fonctionnement-trois-dernieres-centrales-2022-10-17-1201238187">maintenir en activité ses trois centrales nucléaires restantes</a>, au moins jusqu’en 2023. En <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/la-pologne-bascule-dans-le-nucleaire-et-choisit-l-americain-westinghouse-plutot-qu-edf-pour-la-construction-938805.html">Pologne</a> et aux <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/les-pays-bas-veulent-construire-deux-nouvelles-centrales-nucleaires.N1169757">Pays-Bas</a>, les décisions ont été prises de construire respectivement trois et deux nouvelles centrales nucléaires, en plus d’un réacteur de recherche en Pologne <a href="https://www.ncbj.gov.pl/en/o-nas/maria-research-reactor">(Maria, 30 MW)</a> et d’un réacteur nucléaire <a href="https://www.energymonitor.ai/sectors/power/the-netherlands-opens-the-door-to-new-nuclear-with-e5bn">(Borssele, 482 MW)</a> déjà existant aux Pays-Bas.</p>
<p>Le retour en vogue du nucléase est une tendance de fond, à laquelle le gouvernement français actuel semble <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/journal-de-8-h/journal-de-08h00-clara-lecocq-reale-du-mercredi-02-novembre-2022-8746660">décidé à contribuer</a>. Aujourd’hui, le nucléaire génère un <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/web/products-eurostat-news/-/ddn-20220111-1">quart de l’électricité en Europe</a> – une part qui, <a href="https://www.nucnet.org/news/european-commission-announces-2050-energy-plan-with-nuclear-onboard">selon la Commission</a>, est censée passer à 12-15 % à l’horizon de 2050, malgré les nouveaux projets. En effet, de nombreux anciens réacteurs <a href="https://www.iea.org/fuels-and-technologies/nuclear">doivent être fermés</a>.</p>
<h2>La diversification des fournisseurs</h2>
<p>Mettre fin à la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie est un objectif explicite, inscrit dans la <a href="https://www.odyssee-mure.eu/publications/efficiency-trends-policies-profiles/lithuania.html">stratégie nationale d’indépendance énergétique</a> (NEIS) de la Lituanie, ce qui explique que le pays n’ait pas été pris de court quand, au printemps dernier, la Russie a commencé à bloquer ses exportations de gaz vers l’Union européenne, en permettant à Vilnius, qui s’y préparait depuis des années, de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/la-lituanie-premier-pays-europeen-a-se-passer-du-gaz-russe-20220403">renoncer au gaz russe</a>.</p>
<p>En réalité, le pays avait pris conscience de l’urgence de rompre les liens énergétiques avec Moscou dès 1993, lorsque les <a href="https://www.lituanus.org/2007/07_2_03%20Giedraitis.html">approvisionnements en pétrole russe avaient été interrompus</a> – pour non-paiement, selon Moscou et pour faire pression politique, selon les pays baltes. Le gouvernement d’alors enclencha la diversification de ses fournisseurs de pétrole, une tendance renforcée depuis 2006, quand la Russie a désactivé la branche de l’oléoduc « Droujba » (Amitié). En juin 2022, Vilnius a totalement <a href="https://enmin.lrv.lt/en/news/no-more-russian-oil-gas-and-electricity-imports-in-lithuania-from-sunday">cessé d’importer du pétrole de Russie</a>. Aujourd’hui, le pétrole lituanien <a href="https://enmin.lrv.lt/en/news/no-more-russian-oil-gas-and-electricity-imports-in-lithuania-from-sunday;https://www.ena.lt/">provient</a> d’Arabie saoudite, du Kazakhstan, du Royaume-Uni, des États-Unis et de Norvège.</p>
<p>Le deuxième élément important de la stratégie énergétique lituanienne a été la densification, au fil des ans, des interconnexions électriques avec la Pologne (par le biais du réseau de transport d’électricité <a href="https://www.epsog.lt/en/projects/litpol-link-the-power-link-between-lithuania-and-poland">LitPolLink</a> et du futur <a href="https://harmonylink.eu/">HarmonyLink</a>) et avec la Scandinavie (via <a href="https://www.nkt.com/references/nordbalt-the-baltic-sea">NordBalt, actif depuis 2016</a>). En 2019, la Russie et la Biélorussie représentaient encore près de la moitié des importations de la Lituanie en électricité. Depuis 2022, toutes les importations d’électricité <a href="https://www.litgrid.eu/index.php?lang=2">proviennent</a> de Suède (70 % des importations) ou de Lettonie (30 % des importations).</p>
<p>Le troisième élément de la cette stratégie a été la réduction, ces dix dernières années, des importations de gaz naturel russe, permise grâce à la construction d’un <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualites/1/actualite-economique/un-terminal-gazier-lituanien-brise-le-monopole-de-moscou-dans-les-pays-baltes_1613045.html">terminal GNL dédié</a>. L’ouverture du terminal portuaire de Klaipeda en 2014 a permis de diversifier les fournisseurs de gaz. Alors qu’en 2011, la totalité du gaz naturel provenait de Russie, ces importations avaient chuté de 60 % en 2019, et <a href="https://www.energymonitor.ai/tech/networks-grids/lithuania-ditches-russian-gas">sont tombées à zéro en mai 2022</a>, après que le gouvernement a investi dans davantage de capacités de <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/comment-la-lituanie-s-est-affranchie-du-gaz-russe-20220413">stockage flottant</a> et d’importation de GNL, notamment depuis les États-Unis et de la Norvège, pour qui la Lituanie est la destination d’exportation la plus importante, malgré la taille réduite du pays.</p>
<h2>Faire les bons choix technologiques</h2>
<p>En plus de la diversification des fournisseurs, la Lituanie a investi dans la diversification des technologies.</p>
<p>En pratique, le gouvernement a réduit la part du gaz naturel dans le mix énergétique du pays en <a href="https://www.oecd.org/fr/pays/lituanie/la-lituanie-efficace-dans-le-domaine-des-energies-renouvelables-et-du-recyclage-doit-faire-mieux-en-matiere-de-transports-d-agriculture-et-de-reduction-des-emissions-indique-l-ocde.htm">investissant dans les énergies renouvelables</a> et en augmentant la <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/grace-a-biomasse-lituanie-se-passe-hydrocarbures-russe/00103884#:%7E:text=Le%20chauffage%20urbain%20est%20particuli%C3%A8rement,provient%20de%20la%20biomasse%20foresti%C3%A8re.">part de la biomasse dans le chauffage urbain</a>.</p>
<p>Les problèmes de l’intermittence de l’approvisionnement rencontrés avec certaines sources d’énergie renouvelable ont été limités par ces choix technologiques. Ainsi, grâce à l’utilisation de la biomasse, la Lituanie a réussi à réduire la part du gaz russe dans son système de chauffage de 80 % en 2010 à zéro en 2022.</p>
<h2>Une voix qui commence à porter en Europe et en France</h2>
<p>La Lituanie est un excellent élève en matière de sécurité énergétique. Le pays reste un îlot de stabilité en Europe de l’Est et se positionne comme un <a href="https://innovationorigins.com/en/investment-in-renewables-will-help-lithuania-go-green-but-agriculture-must-become-more-sustainable/">pôle d’investissement</a> émergent, malgré un contexte géo-économique complexe.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/kaliningrad-au-coeur-de-la-confrontation-russie-otan-185790">Kaliningrad au cœur de la confrontation Russie-OTAN</a>
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<p>Sur les questions énergétiques, les partenaires européens doivent tirer les enseignements de la situation lituanienne.</p>
<p>Il semble que la Lituanie reste un interlocuteur privilégié du gouvernement français. Cela a été réaffirmé début octobre, lorsque la première ministre lituanienne <a href="https://lt.ambafrance.org/Deplacement-de-la-Premiere-ministre-Ingrida-Simonyt %C4 %97-en-France-10-et-11">Ingrida Simonyte a rencontré son homologue Élisabeth Borne</a> lors d’une réunion de travail à Matignon, où la sécurité énergétique a été abordée parmi d’autres sujets prioritaires. La rencontre s’est déroulée en marge du <a href="https://www.medefinternational.fr/actions/premiere-ministre-ministre-de-leconomie-et-de-linnovation/">forum d’affaires franco-lituanien</a>, organisé à Paris par le Medef International pour promouvoir le dynamisme de l’écosystème économique lituanien. Signe que ce petit pays de quelque 3,5 millions d’habitants intéresse aussi bien les politiques que les milieux d’affaires.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193593/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anastasiya Shapochkina est présidente d'Eastern Circles, un think tank français qui travaille sur les enjeux énergétiques dans les pays de l'Europe de l'Est. Elle est maître de conférences à Sciences Po Paris
</span></em></p>La Lituanie, longtemps totalement dépendante de la Russie pour son énergie, a entièrement rompu avec Moscou. Dans quelle mesure les autres pays de l’UE peuvent-ils s’inspirer de cet exemple ?Anastasiya Shapochkina, Présidente d'Eastern Circles et Maître de conférences en géopolitique, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801892022-04-04T18:39:00Z2022-04-04T18:39:00ZComment la guerre en Ukraine fait bouger les lignes dans le Golfe<p>Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, l’UE et les États-Unis ont pris diverses mesures visant à <a href="https://www.lefigaro.fr/economie/joe-biden-en-coordination-avec-le-g7-et-l-union-europeenne-s-apprete-a-exclure-la-russie-du-regime-normal-des-relations-commerciales-20220311">isoler</a> Moscou sur la scène internationale.</p>
<p>De nombreux pays, à l’exemple de la <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/la-chine-refuse-d-etre-affectee-par-les-sanctions-contre-la-russie-20220315">Chine</a>, ont refusé de prendre part à cette stratégie. À la surprise générale, on retrouve parmi ces récalcitrants deux alliés traditionnels de Washington dans le Golfe persique : l’<a href="https://www.institut-ega.org/l/les-relations-entre-les-etats-unis-et-l-arabie-saoudite-recalibrage-ou-reequilibrage-avec-joe-biden">Arabie saoudite</a> et les <a href="https://www.state.gov/u-s-security-cooperation-with-the-united-arab-emirates/">Émirats arabes unis</a>.</p>
<p>Alors que la troisième puissance du Golfe, le <a href="https://www.trtworld.com/opinion/russian-ukrainian-conflict-what-does-it-mean-to-qatar-55415">Qatar</a>, adopte, sur ce dossier, une position plus proche de Washington – ce qui peut s’expliquer par le renforcement de son partenariat stratégique avec les États-Unis et sa qualification en février dernier par l’administration Biden d’<a href="https://news-24.fr/biden-designe-le-qatar-comme-un-allie-majeur-hors-otan/">« allié majeur non-OTAN »</a> –, Riyad et Abou Dabi se montrent très réticents à suivre les Américains. La situation illustre leur convergence d’intérêts avec la Russie et leur volonté de diversifier leurs partenariats afin de renforcer leur autonomie stratégique.</p>
<h2>Abandon de la posture stratégique traditionnelle</h2>
<p>La première divergence entre Washington et Abou Dabi <a href="https://www.lesechos.fr/monde/afrique-moyen-orient/au-conseil-de-securite-de-lonu-le-non-alignement-strategique-des-emirats-arabes-unis-1389911">s’est manifestée lors du vote du Conseil de sécurité des Nations unies</a>, le 25 février dernier, sur le projet américain et albanais de résolution relatif à l’Ukraine et condamnant la Russie.</p>
<p>Les Émirats ont résisté, dans un premier temps, à la pression de Washington en s’abstenant lors du vote. S’ils ont fini par se rallier à cette résolution, le 2 mars, ils ont tenu à <a href="https://www.dw.com/en/russia-ukraine-whose-side-are-middle-eastern-countries-really-on/a-61003595">calibrer leurs déclarations</a> de façon à éviter de condamner nommément la Russie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1509081761791291393"}"></div></p>
<p>Les tensions entre Washington et ses deux alliés du Golfe ont néanmoins fini par s’exacerber lorsque les dirigeants de l’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis, Mohammed ben Salmane et Mohammed ben Zayed al Nahyane, ont tous deux <a href="https://www.wsj.com/articles/saudi-emirati-leaders-decline-calls-with-biden-during-ukraine-crisis-11646779430">décliné une proposition</a> de s’entretenir avec Joe Biden au sujet d’une augmentation de la production de pétrole pour compenser les hausses de prix mondiales du brut qui profitent à Moscou.</p>
<p>Plus significatif encore, le ministre émirati des Affaires étrangères, Abdullah ben Zayed al Nahyane, a déclaré le 17 mars dernier, lors de son passage à Moscou, que les Émirats souhaitaient <a href="https://www.reuters.com/world/uae-keen-cooperate-energy-security-with-russia-minister-2022-03-17/">coopérer avec la Russie pour améliorer la sécurité énergétique mondiale</a>. Quant à l’Arabie saoudite, elle entend préserver sa relation avec Moscou et Pékin, et aurait d’ores et déjà entamé des <a href="https://www.wsj.com/articles/saudi-arabia-considers-accepting-yuan-instead-of-dollars-for-chinese-oil-sales-11647351541">pourparlers avec la Chine pour abandonner le dollar américain</a> au profit du yuan dans les transactions pétrolières, ce qui irait dans le sens de la dédollarisation souhaitée par le Kremlin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1509271017344180231"}"></div></p>
<p>Pour le journaliste américain <a href="https://www.washingtonpost.com/opinions/2022/03/10/why-the-west-cant-let-putin-win-in-ukraine/">Fareed Zakaria</a>, ce sont là des indicateurs de l’érosion accélérée du leadership des États-Unis. Son constat est implacable :</p>
<blockquote>
<p>« La Pax Americana des trois dernières décennies est terminée. Vous pouvez en voir les signes partout. Considérez le fait que les dirigeants des Émirats arabes unis et de l’Arabie saoudite – deux pays qui dépendent de Washington pour leur sécurité depuis des décennies – ont refusé de prendre les appels téléphoniques du président américain ! »</p>
</blockquote>
<p>Il apparaît aujourd’hui clairement que les deux partenaires traditionnels des États-Unis dans le Golfe n’ont ni intérêt ni désir de durcir leurs positions à l’égard de la Russie. La recherche d’une autonomie stratégique est stimulée à la fois par la politique régionale de l’administration Biden et par la prise en compte de la transformation des rapports de force globaux.</p>
<h2>Multiplication des différends</h2>
<p>Les désaccords entre Washington et Abou Dabi ont surgi après le départ de Donald Trump. La nouvelle administration a, en effet, dès son entrée en fonctions, <a href="https://thecradle.co/Article/columns/8096">gelé un accord de 23 milliards de dollars</a> portant sur l’achat par les Émirats de 50 avions de chasse F-35, de 18 drones Reaper et d’autres munitions de pointe. Les antagonismes se sont cristallisés autour de la coopération économique entre les Émirats et la Chine, les États-Unis conditionnant la livraison du matériel militaire au respect des exigences de sécurité américaines.</p>
<p>Pour Washington, le contrat passé entre Abou Dabi et le géant chinois Huawei pour la fourniture des services de réseau 5G <a href="https://thepressfree.com/chasseurs-f-35-reseaux-5g-et-comment-les-emirats-arabes-unis-tentent-dequilibrer-les-relations-entre-les-etats-unis-et-la-chine/">« compromet les communications et le partage de renseignement »</a>. En décembre dernier, les Émirats ont fini par <a href="https://www.latribune.fr/depeches/reuters/KBN2IT1Q6/les-emirats-menacent-de-denoncer-un-contrat-de-f-35.html">suspendre les pourparlers avec Washington portant sur l’achat de F35</a> et signer un contrat avec Paris pour l’acquisition de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/12/21/la-vente-de-80-rafale-aux-emirats-arabes-unis-un-contrat-aux-multiples-retombees_6106868_3232.html">80 Rafale</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1508478467419090950"}"></div></p>
<p>En outre, la relation américano-émiratie pâtit de leur <a href="https://www.iris-france.org/165563-la-relation-des-etats-unis-avec-les-pays-du-golfe-passe-par-une-phase-delicate/">divergence d’approche sur le dossier syrien</a>, Abou Dabi <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/bachar-el-assad-aux-emirats-premiere-visite-dans-un-pays-arabe-depuis-le-debut-du-conflit-en-syrie-20220318">plaidant</a> pour une normalisation des rapports avec le régime Assad et pour la réintégration de celui-ci au sein de la Ligue arabe.</p>
<p>La relation Washington-Riyad est également empreinte d’une méfiance réciproque. En mars 2021, Joe Biden a promis de faire de l’Arabie saoudite un <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/faire-de-l-arabie-saoudite-un-etat-paria-la-promesse-intenable-de-joe-biden_2145905.html">« État paria »</a> – déclaration qui illustre l’épreuve de force engagée autour de l’affaire Khashoggi – tout en affichant sa volonté de négocier et parvenir à un accord avec son rival iranien.</p>
<p>Mais c’est principalement la question des garanties sécuritaires offertes par Washington à ses alliés du Golfe qui est responsable de la dégradation des relations. La protection américaine, pierre angulaire de l’alliance, a été mise à mal. Les attaques répétées des Houthis sur le territoire saoudien et plus récemment <a href="https://www.arabnews.fr/node/196811/monde-arabe">contre les Émirats arabes unis</a> et la <a href="https://fr.timesofisrael.com/israel-pousse-biden-a-placer-les-houthis-sur-la-liste-des-groupes-terroristes/">faible réaction de Washington</a> ont conforté ces États dans la conviction qu’ils ne peuvent plus compter sur leur allié pour garantir leur sécurité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483064650707222539"}"></div></p>
<p>Enfin, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/armee-et-securite/retrait-dafghanistan-l-armee-americaine-admet-un-echec-strategique_4788383.html">retrait chaotique d’Afghanistan</a> et la volonté annoncée de Washington de réduire ses engagements militaires au Moyen-Orient ont achevé de convaincre Riyad et Abou Dabi de l’importance de renforcer leur autonomie stratégique dans un contexte de plus en plus volatil. Cette orientation explique la diversification des alliances et le <a href="https://www.dw.com/en/russia-ukraine-whose-side-are-middle-eastern-countries-really-on/a-61003595">souci de ménager les rapports avec la Russie</a> en dépit de la crise majeure qui oppose aujourd’hui celle-ci aux pays occidentaux.</p>
<h2>Le rééquilibrage stratégique : la marque d’une nouvelle ère</h2>
<p>L’Arabie saoudite et les Émirats sont conscients qu’ils doivent se préparer à un Moyen-Orient différent, et que leur intérêt réside aujourd’hui dans un rééquilibrage des relations. Afin d’accroître leur autonomie diplomatique comme économique, ils ont refusé de suivre les sanctions prises par les pays de l’OTAN et de l’UE contre la Russie. Les intérêts vitaux qui lient Moscou et Riyad au sein de l’alliance OPEP+ et le partenariat stratégique qu’ont développé les Émirats avec la Russie depuis 2018 expliquent la réticence de ces pays à condamner ouvertement l’invasion de l’Ukraine.</p>
<p>L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont, en effet, <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20220310-from-puppets-to-players-ukraine-war-reveals-shift-for-us-s-gulf-allies?ref=wa">réitéré leur engagement envers l’alliance pétrolière OPEP+</a> – instance réunissant les 13 membres de l’OPEP et 10 exportateurs de pétrole non membres de l’OPEP, et présidée par Riyad et Moscou – et ce, en dépit des sanctions américaines croissantes qui ont abouti le 8 mars dernier à une interdiction d’importation de pétrole et de gaz naturel russe aux États-Unis.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/kS1GAGIiVUo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La rencontre du 17 mars à Moscou entre le ministre émirati des Affaires étrangères et son homologue russe a confirmé la volonté des deux pays de <a href="http://wam.ae/fr/details/1395303030949">densifier la coopération bilatérale</a>, notamment en matière de sécurité énergétique et alimentaire. Le chef de la diplomatie émiratie aurait à cette occasion <a href="https://thecradle.co/Article/columns/8096">déclaré</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Il est toujours important pour nous de garder le cap et de nous assurer que les relations entre la Russie et les EAU progressent. Il ne fait aucun doute que nous visons le développement systématique de ces relations et la diversification des domaines de la coopération bilatérale afin qu’elle réponde aux intérêts tant de nos citoyens que des institutions étatiques. »</p>
</blockquote>
<p>Une déclaration qui rappelle la primauté des considérations économiques dans l’approche de la politique étrangère émiratie et l’importance des objectifs à long terme pour adapter leur posture à un système international en pleine mutation.</p>
<h2>La fin du soft power de Washington ?</h2>
<p>Jusqu’en 2011 – année à partir de laquelle les orientations stratégiques américaines ont reflété un désengagement relatif des États-Unis du Moyen-Orient et une redéfinition des priorités stratégiques en Asie-Pacifique –, l’hégémonie américaine s’appuyait à la fois sur la contrainte liée à la puissance et sur une capacité d’attraction qui a permis la construction d’alliances et de larges coalitions.</p>
<p>Les réactions de nombreux pays du monde, notamment des Émirats et de l’Arabie saoudite, à la guerre en Ukraine révèlent aujourd’hui l’affaiblissement significatif du soft power des États-Unis, qui ne parviennent plus à mobiliser des alliés traditionnels, lesquels contestent leur rôle d’« hégémon bienveillant ».</p>
<p>Ce changement apparaît comme un indicateur clair de l’évolution vers l’« ordre mondial alternatif » annoncé dans un récent <a href="https://www.economist.com/weeklyedition/2022-03-19">article</a> de <em>The Economist</em>, qui concluait que la République populaire de Chine allait tirer profit de la guerre en Ukraine pour précipiter le déclin irrémédiable de l’Amérique…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180189/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lina Kennouche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis, alliés de longue date de Washington, ne s’empressent guère de suivre les pays occidentaux dans leur volonté d’isoler la Russie.Lina Kennouche, Docteur en géopolitique, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801112022-03-28T18:30:14Z2022-03-28T18:30:14ZPrésidence française de l’UE et sommet du 25 mars : l’éveil de l’Europe à la souveraineté<p>Le <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/25/european-council-conclusions-24-25-march-2022/">Conseil européen des 24 et 25 mars 2022</a> a été consacré, pour l’essentiel, à la souveraineté des Européens, c’est-à-dire à leur capacité à ne dépendre que d’eux-mêmes et à être indépendants.</p>
<p>La vulnérabilité éprouvée par l’UE face au Covid avait <a href="https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/souverainete-europeenne-comment-bruxelles-defend-les-interets-economiques-des-etats-membres-899050.html">commencé d’en faire un sujet de préoccupation</a>. L’invasion de l’Ukraine par la Russie achève d’en faire, pour les Européens, un objectif politique global.</p>
<h2>Réglementer le numérique</h2>
<p>Premièrement, le Conseil européen a <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/03/25/council-and-european-parliament-reach-agreement-on-the-digital-markets-act/">confirmé</a> que la loi sur le marché digital (DMA) était prête à être adoptée.</p>
<p>Finalisée avec célérité sous la houlette des commissaires Vestager et Breton depuis une année, son adoption était une priorité de la présidence française de l’UE (PFUE). Dans le domaine des données numériques (datas), l’Europe non seulement <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/concurrence-l-ue-trouve-un-accord-pour-encadrer-les-geants-du-numerique-20220325">s’affranchit des GAFAM</a> (et de leurs homologues chinois et russes) mais aussi fixe les règles du jeu : en ne laissant plus le champ libre aux porteurs d’accès (« gate keepers ») et en les encadrant strictement, l’UE consolide la protection des données (<a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/reglement-general-sur-protection-des-donnees-rgpd">loi RGPD de 2018</a>), crée les conditions du pluralisme et du libre choix dans ce domaine, et tend à empêcher l’écrasement de l’innovation par un oligopole.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1507114731215237122"}"></div></p>
<p>Il s’agit rien moins que de chercher à donner à l’espace numérique les caractères d’un espace public, en n’y laissant pas aux firmes qui l’ont construit de facto – les GAFAM – le monopole de l’exercice du pouvoir.</p>
<h2>Maintenir la pression sur Moscou</h2>
<p>Deuxièmement, les 24 et 25 mars 2022, les dirigeants de l’UE ont confirmé le cap de leur <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/sanctions/restrictive-measures-ukraine-crisis/">politique de sanctions</a> contre la Russie et sur leurs livraisons d’armes à l’Ukraine. Ce faisant, ils confirment ce qu’ils réalisent depuis le 28 février : leur capacité à faire face ensemble à un État dont la politique impérialiste et belliciste constitue une menace pour eux, et à se mobiliser aux côtés d’un pays très proche avec lequel ils ont contracté un <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2017/07/11/ukraine-association-agreement/">accord d’association</a> en 2017.</p>
<p>Par les sanctions contre la Russie et les livraisons d’armes à l’Ukraine, les Européens agissent pour peser sur le cours des événements en employant, sinon la force militaire, les leviers de la contrainte et du rapport de force.</p>
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<p>L’histoire dira si cette politique d’« intervention sans intervention » produira les effets escomptés – stopper l’invasion de l’Ukraine par la Russie, préserver l’intégrité territoriale de l’Ukraine et favoriser la fierté des Européens – ou si (par analogie avec la guerre d’Espagne) elle ne permettra pas d’atteindre ces objectifs et se soldera donc par un échec qui pèsera durablement sur la mémoire collective et le moral des Européens.</p>
<h2>La boussole stratégique et la question du rapport à l’OTAN</h2>
<p>Troisièmement, les dirigeants de l’UE ont adopté leur « <a href="https://www.defense.gouv.fr/actualites/europe-defense-boussole-strategique-adoptee">boussole stratégique</a> » : fruit de deux ans d’élaboration, cette doctrine a été pilotée par le vice-président Josep Borrell et son <a href="https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage_fr">Service européen d’action extérieure</a> (le SEAE est pour l’UE l’équivalent d’un ministère des Affaires étrangères).</p>
<p>Ce <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/securite-et-defense-qu-est-ce-que-la-boussole-strategique-de-l-union-europeenne/">document</a> vise à définir les intérêts vitaux et stratégiques de l’UE en tant que telle ainsi que les dispositifs industriels et militaires à même d’en garantir plusieurs de façon autonome par rapport aux États-Unis. Paris avait fait de ce pas supplémentaire dans la longue marche vers l’Europe de la défense une <a href="https://presidence-francaise.consilium.europa.eu/fr/actualites/conference-de-presse-une-boussole-strategique-pour-renforcer-la-securite-et-la-defense-de-l-ue-au-cours-de-la-prochaine-decennie">priorité</a> de sa PFUE. La donne géopolitique de la fin de la décennie 2010 donnait en effet un <a href="https://theconversation.com/latout-de-la-puissance-militaire-francaise-dans-lue-173814">poids croissant</a> aux arguments comme à l’expérience de la France.</p>
<p>L’invasion de l’Ukraine a eu deux conséquences contradictoires sur ce projet.</p>
<p>La guerre déclenchée par la Russie a éprouvé la vigueur de l’OTAN et de l’engagement américain sur le territoire européen. Par le passé, l’une comme l’autre ont convaincu la très grande majorité des pays européens du caractère accessoire d’une défense européenne. Et ce d’autant plus facilement que l’industrie de défense est, en Europe, fragmentée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/lindustrie-de-defense-en-europe-la-cooperation-ou-le-declassement-151454">L’industrie de défense en Europe : la coopération ou le déclassement ?</a>
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<hr>
<p>En effet, les appareils d’État nationaux promeuvent leurs <a href="https://www.cairn.info/revue-defense-nationale-2020-7-page-61.htm">champions</a> industriels de défense au nom de l’indépendance, des intérêts stratégiques, de l’emploi et de la balance commerciale. Dans le même temps, ces capacités et ces savoir-faire convergent dans plusieurs projets européens civils ou de défense, comme la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/air-defense/airbus-defense-and-space-veut-revenir-dans-la-course-1360771">branche militaire d’Airbus</a>, le système de navigation par satellite <a href="https://www.esa.int/Space_in_Member_States/France/Qu_est-ce_que_Galileo">Galileo</a>, les lanceurs de <a href="https://www.esa.int/">l’Agence spatiale européenne (ESA)</a>, le <a href="https://www.touteleurope.eu/l-ue-dans-le-monde/qu-est-ce-que-le-fonds-europeen-de-defense/">fonds européen de défense</a> (FED), et le projet d’avion <a href="http://www.opex360.com/2022/01/28/scaf-un-accord-entre-dassault-aviation-et-airbus-sur-le-futur-avion-de-combat-est-il-possible/">Système de combat aérien du futur (Scaf)</a>.</p>
<p>Les membres les plus récents de l’UE, qui ont été assujettis à l’empire soviétique, préfèrent d’autant plus l’OTAN et les États-Unis pour être défendus qu’ils ne sont que marginalement concernés par les problématiques industrielles de défense. L’effet Biden ayant effacé l’effet Trump, les Européens sont-ils repartis pour <a href="https://www.lepoint.fr/politique/emmanuel-berretta/arnaud-danjean-la-defense-europeenne-est-un-complement-de-l-otan-25-03-2022-2469553_1897.php">confier à l’OTAN l’exclusivité de la défense du territoire de l’UE</a> comme c’est le cas depuis 1949 ?</p>
<p>Dans le même temps, toutefois, l’agression russe a convaincu les <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2022/02/28/le-jour-ou-la-politique-etrangere-allemande-a-change/">Allemands</a> du caractère prioritaire pour les Européens de se doter de capacités de défense et de politiques militaires ; une <a href="https://theconversation.com/guerre-en-ukraine-vers-une-defense-europeenne-178261">Europe de la défense</a> promue par le couple franco-allemand et dorénavant soutenue par la quasi-totalité de l’UE 15 devrait s’édifier plus vite et plus profondément qu’une Europe de la défense portée traditionnellement par la France seule avec le soutien de la Grèce et de l’Espagne. L’histoire est en train de s’écrire…</p>
<h2>Garantir la souveraineté alimentaire de l’Union</h2>
<p>Quatrièmement, le Conseil européen a pris des décisions de politique agricole qui s’inscrivent dans la continuité de l’une des toutes premières missions et raisons d’être de la construction européenne : la souveraineté alimentaire – lors du <a href="https://www.touteleurope.eu/histoire/histoire-de-la-politique-agricole-commune/">lancement de la PAC (1958-1962)</a>, on l’appelait indépendance agricole.</p>
<p>Dans les faits, l’UE étant une <a href="https://agriculture.gouv.fr/infographie-lunion-europeenne-1re-puissance-agricole-mondiale">puissance agricole exportatrice mondiale</a>, sa souveraineté alimentaire n’est pas du tout menacée par la guerre ; mais celle-ci <a href="https://www.euractiv.fr/section/agriculture-alimentation/news/hausse-des-prix-des-produits-agricoles-les-ministres-et-les-legislateurs-de-lue-sinquietent/">renchérit</a> considérablement le prix des intrants agricoles utilisés en Europe, et pourrait provoquer pénuries et instabilité au voisinage de l’UE dans plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-impacts-de-la-guerre-en-ukraine-sur-les-marches-agricoles-et-la-securite-alimentaire-178628">Les impacts de la guerre en Ukraine sur les marchés agricoles et la sécurité alimentaire</a>
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<p>Les dirigeants européens ont <a href="https://www.eupoliticalreport.eu/eu-to-increase-food-production/">décidé</a> de favoriser une augmentation de la production agricole européenne à des fins exportatrices. Cela perpétue un levier d’influence dans l’espace mondial et fera contrepoids dans la balance commerciale de l’UE à l’augmentation de sa facture d’énergie. Mais cette décision <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/agriculture/isr-rse/la-guerre-en-ukraine-relance-l-agriculture-productiviste-en-europe-mettant-a-mal-le-green-deal-150674.html">fait douter</a> de la détermination des dirigeants européens à basculer vers une agriculture durable, à en faire un modèle dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, et de leur <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2022/03/22/la-guerre-en-ukraine-fragilise-la-transition-europeenne-vers-une-agriculture-plus-verte_6118569_3234.html">capacité à rester fermes</a> face aux corporations du secteur agricole qui bataillent dur contre le Pacte vert adopté en 2019 et la politique dite de la Ferme à l’assiette (<a href="https://ec.europa.eu/food/horizontal-topics/farm-fork-strategy_fr">Farm to fork</a>).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506883735643463684"}"></div></p>
<h2>Régler le problème de la dépendance énergétique à l’égard de Moscou</h2>
<p>Le Conseil européen et la Commission ont enfin acté leur prise de conscience du principal talon d’Achille des Européens : leur dépendance énergétique. Il est désormais clair pour tous – y compris ceux qui en Allemagne en doutaient – que cette dépendance énergétique est une vulnérabilité géopolitique : 43,6 % du gaz, 25 % du pétrole et 46 % du charbon importés par l’UE sont <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/europe/manifestations-en-ukraine/guerre-en-ukraine-quelles-sont-les-matieres-premieres-que-la-france-importe-de-russie_4990518.html">achetés à la Russie</a>. Par cécité, facilité, idéalisme ou avidité (l’ex-chancelier allemand <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-descente-aux-enfers-de-gerhard-schroder-l-ami-de-poutine-07-03-2022-2467226_24.php">Gerhard Schröder</a> incarnant les quatre à lui tout seul), cette proportion n’a fait qu’augmenter au cours des vingt dernières années !</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-la-dependance-des-etats-europeens-vis-a-vis-du-gaz-russe-178843">Comprendre la dépendance des États européens vis-à-vis du gaz russe</a>
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<p>Les objectifs fixés lors du sommet du 25 mars visent dans l’urgence à <a href="https://www.la-croix.com/Monde/LEurope-cherche-reduire-dependance-lenergie-russe-2022-03-26-1201207066">réduire</a> puis à éteindre cette dépendance vis-à-vis de la Russie… et à lui substituer une dépendance diversifiée à d’autres producteurs d’énergie fossile. Les moyens envisagés, comme les <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/gaz-la-commission-europeenne-aura-mandat-pour-un-achat-commun-et-faire-baisser-les-prix-1432188">achats groupés</a>, laissent <a href="https://www.lopinion.fr/international/lachat-commun-de-gaz-resultat-a-minima-du-sommet-europeen-sur-lenergie">dubitatifs</a> les professionnels du secteur. Les citoyens européens payent clairement ici les pots cassés de quarante années de nationalisme industriel et de chacun pour soi dans le secteur énergétique de tous les gouvernements qui se sont succédé dans la totalité des pays de l’UE depuis le choc pétrolier de 1973.</p>
<p>Les dirigeants européens ont également évoqué leur volonté de <a href="https://www.challenges.fr/top-news/l-ue-s-entend-sur-des-achats-communs-de-produits-energetiques-dit-macron_806486">réformer</a> en profondeur le mécanisme de fixation des prix de marché de l’électricité pour faire face à leur <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/01/comprendre-d-ou-vient-la-hausse-de-4-de-l-electricite-et-pourquoi-elle-aurait-du-etre-bien-plus-elevee_6111808_4355770.html">envolée</a>.</p>
<p>Le pourront-ils dans l’urgence, et pour quels résultats ? On connaît depuis des années les effets pervers du <a href="https://institutdelors.eu/publications/flambee-des-prix-de-lenergie-en-europe/">« marché européen de l’électricité »</a> : au motif d’éviter les black-out, le prix de celle-ci y est en dernière instance <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/energie/flambee-des-prix-de-l-energie-comment-fonctionne-le-marche-europeen-de-l-electricite-c7c2eb58-283e-11ec-991c-dac596d5a249">indexé</a> sur le prix du gaz ou du charbon utilisés en bout de chaîne de la production électrique ; les producteurs historiques dominants (EDF et ses équivalents), capables d’exporter leur production sur celui-ci, n’ont pas intérêt au changement Toutefois, mieux vaut tard que jamais, d’autant que les politiques de transition énergétique de l’UE vont d’ores et déjà dans ce sens.</p>
<p>Le sommet européen des 24 et 25 mars pourrait bien rester dans l’histoire comme celui de l’éveil de l’Europe à sa souveraineté. Dans cette hypothèse, la postérité pourrait en attribuer le mérite à la présidence française de l’UE et à Emmanuel Macron, qui <a href="https://www.euractiv.fr/section/election-presidentielle-2022/news/la-souverainete-au-c%C5%93ur-de-la-vision-pour-leurope-demmanuel-macron/">poursuit cet objectif</a> depuis 2017. Mais l’histoire et les générations futures retiendront aussi à quel point certaines politiques, lestées par des réflexes nationaux et corporatistes, ont retardé et contrarié cet éveil durant un demi-siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le dernier Conseil de l’UE fera date : sur le numérique, l’énergie, l’agriculture, la défense et la guerre en Ukraine, les Européens ont su parler d’une seule voix.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1588102021-04-12T20:34:38Z2021-04-12T20:34:38ZGazoduc Nord Stream 2 : une course contre la montre<p>Alors que l’achèvement du <a href="https://www.nord-stream2.com/?page=factsfigures">gazoduc Nord Stream 2</a> semble plus proche mais aussi plus incertain que jamais, ce <a href="https://fr.euronews.com/2021/01/26/nord-stream-2-le-gazoduc-de-la-discorde-au-sein-de-l-union-europeenne">projet controversé</a> depuis ses prémices continue de nuire aux relations transatlantiques, russo-européennes, intra-européennes et à alimenter le débat politique en Allemagne. S’il ne reste que quelques kilomètres de tube à poser au fond de la mer Baltique, la pression ne faiblit pas, bien au contraire.</p>
<p>Pour l’Allemagne, ce gazoduc qui va la relier à la Russie par un tube sous-marin qui doit venir longer Nord Stream 1 en doublant ses capacités (55 mds de m<sup>3</sup> de gaz par an) vise à l’aider à accomplir la <a href="https://www.lemondedelenergie.com/transition-allemagne-gaz-co2/2020/11/09/">transition énergétique radicale</a> dans laquelle le pays s’est engagé. Il doit également lui permettre d’asseoir son rôle de hub gazier en Europe puisque, avec une potentialité de 110 Mds de m<sup>3</sup> de gaz russe par an arrivant sur les côtes près de Greifswald, le pays va s’arroger un pouvoir considérable en termes de redistribution en Europe. Pour la Russie, Nord Stream 2 serait avant tout une affaire de prestige. </p>
<p>C’est du moins ce qu’affirme l’expert russe <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/affaires-etrangeres/affaires-etrangeres-emission-du-samedi-06-mars-2021">Mikhaïl Kroutikhine</a>, qui estime que l’objectif initial de Vladimir Poutine – permettre à la Russie d’éliminer totalement l’Ukraine du jeu du transit gazier russo-européen – a été fortement entamé par la pression américaine : par leurs sanctions, les États-Unis ont en effet forcé Moscou, fin 2019, à négocier avec Kiev un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/accord-trouve-entre-la-russie-et-l-ukraine-sur-le-transit-du-gaz-20191220">nouveau contrat de transit</a> pour les cinq années suivantes.</p>
<h2>Les derniers kilomètres</h2>
<p>Alors que près de 40 % du gaz naturel importé par les pays de l’Union européenne (en provenance de pays hors-UE) en 2019 comme en 2020 <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/pdfscache/46126.pdf">sont provenus de Russie</a>, le calcul des capacités des tubes traversant le continent européen pour acheminer ce gaz montre l’inutilité de Nord Stream 2 : à supposer que tous les tubes reliant la Russie à l’Europe soient en service, leur capacité cumulée excède les besoins d’une Europe par ailleurs en pleine transition énergétique (montée en puissance des énergies renouvelables, accès au gaz naturel liquéfié par bateau, potentialités de l’hydrogène, etc.)</p>
<p>Pourtant, dans la zone économique exclusive (ZEE) danoise, les navires russes Fortuna et Akademik Tcherski s’affairent ces jours-ci de manière à gagner du temps. Le 31 mars, un total de 2 339 km de tube avait été immergé sur les 2 460 prévus, soit 95 % du gazoduc sous-marin. Il reste à installer 93 km de tube dans les eaux danoises et 28 dans les eaux allemandes. À ce rythme, la pose devrait s’achever fin 2021.</p>
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<p>Personne, en revanche, ne s’aventurerait aujourd’hui à parier sur la date, très incertaine, de mise en service du gazoduc : certains experts, prudents, évoquent une vaste plage située <a href="https://www.neweurope.eu/article/berlin-moscow-await-next-us-steps-on-nord-stream-2/">entre l’hiver prochain et celui de 2023-2024</a>. En réalité, la question reste encore à ce jour celle de l’achèvement du gazoduc.</p>
<h2>La menace venue de Washington</h2>
<p>Durant son mandat, Donald Trump a porté de sérieux coups au projet, menaçant à plusieurs reprises de <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/21/nord-stream-2-trump-signe-la-loi-imposant-des-sanctions-contre-le-gazoduc-qui-doit-relier-la-russie-et-l-allemagne_6023691_3234.html">sanctions</a> les entreprises impliquées dans sa réalisation (financement, construction mais aussi certification…). Ces ultimatums répétés se sont, un temps, révélés suffisants pour faire reculer lesdites entreprises, qu’il s’agisse des sociétés initialement parties prenantes au projet (et qui sont finalement devenues simples partenaires financiers), de celles possédant les navires aptes à poser le tube au fond de la mer (et qui se sont retirées), ou de la société norvégienne de certification (qui a discrètement renoncé à remplir son contrat).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1345633079944237056"}"></div></p>
<p>La stratégie américaine a eu pour effet de retarder l’avancée du projet. Mais rien de plus, les tenants de la construction du gazoduc faisant preuve d’inventivité pour poursuivre leur objectif. Ainsi, le navire russe Akademik Tcherski a été sommé par le Kremlin de quitter les eaux du Pacifique pour <a href="https://www.lecourrierderussie.com/2020/05/nord-stream-2-gazprom-navigue-a-vue-en-baltique/">rejoindre urgemment la Baltique</a> et remplacer au pied levé le navire de pose suisse qui venait d’abandonner le terrain. De même, dans le Land de Mecklembourg-Poméranie occidentale, certains ont pu <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/nord-stream-2-l-allemagne-prepare-contournement-sanctions-americaines-233264">s’étonner</a>, récemment, de la création d’une prétendue fondation visant à protéger l’environnement mais de toute évidence dédiée à éviter aux entreprises allemandes de faire les frais des sanctions tout en s’achetant à bon compte une aura écologique.</p>
<p>Donald Trump est surtout parvenu à mettre en défaut la philosophie de l’Union européenne, prise au piège de ses propres contradictions : en dénonçant l’inconséquence d’une UE qui, par ce projet, renforçait sa dépendance vis-à-vis d’un gaz russe dont elle affirmait simultanément vouloir se détacher, le président américain a en effet placé l’Europe en porte-à-faux : difficile de prétendre appliquer une politique commune du gaz qui, législation communautaire à l’appui, prône la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/economy/20170911STO83502/infographie-l-approvisionnement-en-gaz-de-l-union-europeenne">diversification des sources d’approvisionnement</a>, tout en doublant un gazoduc qui est déjà en capacité d’acheminer plus d’un tiers du gaz russe consommé par l’UE, c’est-à-dire en reniant ses propres engagements (diversification des voies et des fournisseurs). Le plus gênant étant évidemment que cette contradiction communautaire soit pointée par un acteur tiers, même s’il ne fait de doute pour personne que l’activisme de Washington est également mû par son désir d’accroître la part du gaz naturel liquéfié (GNL) états-unien dans le mix européen.</p>
<p>Sous l’impulsion de Joe Biden, la nouvelle administration n’a pas changé de discours, le gazoduc germano-russe réussissant à souder la classe politique américaine dans une rare unanimité bipartisane. En mars, le secrétaire d’État Antony Blinken a qualifié le projet de <a href="https://www.state.gov/nord-stream-2-and-potential-sanctionable-activity/">« mauvais accord »</a> et prévenu que toute entité impliquée devait abandonner les travaux sous peine de sanctions immédiates, tandis que deux sénateurs républicains publiaient un <a href="https://foreignpolicy.com/2021/03/29/biden-russia-putin-germany-nord-stream-2-sanctions-congress/">appel</a> exhortant le nouveau président à cesser de « traîner les pieds » et à passer à l’action.</p>
<p>Ces rodomontades semblent toutefois avoir atteint leurs limites. Aujourd’hui, le temps est compté, pour chacun : le sprint final oppose la compagnie Nord Stream 2 – qui tente d’accélérer les travaux – et l’administration américaine – qui est consciente que chaque jour passé rend ses menaces plus inopérantes.</p>
<h2>La diplomatie en action</h2>
<p>Dénoncées avec véhémence par l’UE, les <a href="https://foreignpolicy.com/2021/04/09/sanctions-wont-stop-nord-stream-2-diplomacy-will/">sanctions extra-territoriales américaines</a> sont en effet préjudiciables à tous, y compris aux États-Unis qui ont besoin d’entretenir une relation commerciale équilibrée avec l’Europe.</p>
<p>L’usage de la menace semble en outre avoir trouvé ses limites : les entreprises qui continuent à œuvrer à la finalisation du tube aujourd’hui sont parfaitement informées de ce qu’elles risquent et ont évalué le coût financier de telles pénalités si celles-ci venaient à être appliquées. Qui plus est, ces sanctions extra-territoriales pourraient s’avérer contre-productives, en braquant l’Europe face aux États-Unis : la <a href="https://www.lemondedelenergie.com/washington-sanctions-nord-stream-2/2021/03/18/">menace de Washington</a> a tendance à souder une opinion publique allemande pourtant divisée, tout comme les pays membres et la Commission européenne face à des États-Unis qu’ils dénoncent unanimement comme prêts à violer le droit international ainsi que la souveraineté économique et énergétique européenne : ces sanctions unilatérales viendraient, dit-on, affecter des entreprises européennes agissant en toute légalité et légitimité sur le continent européen.</p>
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<p>Dès lors, est-il possible de faire le pari d’une approche plus transactionnelle, basée sur un compromis diplomatique entre Européens et Américains ? Un tel accord pourrait se baser sur un engagement de l’Allemagne à soutenir le maintien, après l’extinction du contrat qui lie encore la Russie et l’Ukraine pour le transit de gaz vers l’Europe, d’un flux de gaz transitant par ce pays et qui resterait significatif pour le budget ukrainien. Afin de satisfaire Washington, il pourrait également s’appuyer sur un engagement européen, y compris allemand, à acheter du gaz naturel liquéfié américain. C’est ainsi que Berlin envisagerait de se doter de deux terminaux de GNL afin d’accueillir du gaz liquéfié américain qui, à l’heure actuelle, reste pourtant plus coûteux que le gaz russe transporté par tube.</p>
<p>Pour le moment, si personne ne rejette une éventuelle négociation, chacun souhaite rester en position de force. Si Peter Beyer, membre de la CDU d’Angela Merkel et coordinateur pour l’Allemagne des relations transatlantiques, a par exemple récemment suggéré un arrêt temporaire de la pose du tube pour laisser le temps à l’administration allemande de relancer les relations avec Washington, il est peu probable qu’il soit écouté : pour ne pas affaiblir sa position dans la négociation qui s’annonce, Berlin a tout intérêt à voir achever rapidement un tube qu’il sera alors plus compliqué de saborder : la question serait alors non plus celle de sa réalisation mais de la date de sa mise en service.</p>
<h2>Retarder plutôt que saborder</h2>
<p>Si le projet n’était qu’économique, comme le soutient Berlin depuis des années, la menace des sanctions aurait fait bien plus que le retarder. Or, son caractère géopolitique lui a permis de résister à ce chantage, grâce au soutien indéfectible de Moscou et de Berlin.</p>
<p>Aujourd’hui, le temps est maître du destin de Nord Stream 2 et son devenir a toutes les chances de se jouer à l’automne prochain. L’Allemagne connaîtra en effet en septembre des élections décisives, qui vont mettre fin au règne d’une Angela Merkel qui, de fait, n’a jamais tenté d’entraver le tube : après avoir longtemps affirmé que ce projet était strictement économique, elle a certes reconnu, tardivement et après une entrevue avec le président ukrainien, qu’il comportait aussi une dimension géopolitique ; plus récemment, au plus fort de l’affaire Navalny, soigné en Allemagne après avoir été empoisonné en Russie, elle a même fait savoir qu’<a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/affaire-navalny-angela-merkel-nexclut-plus-de-renoncer-au-gazoduc-nordstream-2-1240120">elle n’excluait plus un renoncement au gazoduc</a> ; mais elle n’est jamais allée plus loin. </p>
<p>Les Verts allemands, en revanche, y sont très opposés et leur possible entrée dans la prochaine coalition gouvernementale pourrait bouleverser l’engagement de Berlin vis-à-vis du tube. Washington serait donc avisé d’attendre ce scrutin qui pourrait porter le coup fatal à Nord Stream 2 sans besoin d’une intervention extérieure radicale ; et de continuer à retarder son achèvement. Si le tube est posé d’ici l’automne, il est en effet peu probable que même une opposition verte puisse empêcher le gaz de couler, à terme.</p>
<p>La problématique de Nord Stream 2 se déplacerait alors sur un enjeu purement communautaire : quelle que soit la date de la mise en service du gazoduc, le traitement de sa prolongation terrestre à travers l’Allemagne ne manquera pas d’être scrutée. Le gazoduc Ostseepipeline-Anbindungsleitung (<a href="https://www.opal-gastransport.de/netzinformationen/ostsee-pipeline-anbindungsleitung">OPAL</a>), prolongation de Nord Stream 1, a en effet bénéficié d’une exemption au regard de la législation communautaire qui prévoit pourtant que tout gazoduc traversant son territoire doit réserver un accès aux tiers et assurer la transparence des prix. Toutes obligations qui ont été strictement appliquées au projet de <a href="https://www.diploweb.com/Turkish-Stream-la-bataille-ne-fait.html">gazoduc South Stream</a>, <em>via</em> la mer Noire, au point de lui être fatales. Or, l’Allemagne semble déjà tentée de faire bénéficier <a href="https://www.spglobal.com/platts/en/market-insights/latest-news/natural-gas/033021-nord-stream-2-onshore-gas-link-eugal-to-reach-full-capacity-april-1-tso">EUGAL</a>, le tube jumeau d’OPAL, du même traitement de faveur. L’histoire mouvementée de Nord Stream est loin d’arriver à son terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158810/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Bayou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La finalisation de Nord Stream 2, qui permettra à la Russie de doubler la quantité de gaz qu’elle achemine à l’UE, semble proche. Mais dans ce dossier géopolitique complexe, tout est encore possible.Céline Bayou, Chercheuse associée au Centre de recherche Europes-Eurasie (CREE), Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1517832020-12-17T19:36:19Z2020-12-17T19:36:19ZLe Caucase, chaînon majeur du projet chinois des Routes de la soie<p>Troublante cécité des médias : le récent conflit entre <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/tout-comprendre-au-conflit-entre-l-armenie-et-l-azerbaidjan-dans-le-haut-karabakh_2135653.html">l’Arménie et l’Azerbaïdjan</a> au Haut Karabagh n’aura guère été suivi d’une réflexion stratégique sur les enjeux pétroliers de la région, pas plus que sur la « diplomatie des tubes » – une diplomatie à laquelle la <a href="https://www.huffingtonpost.fr/didier-chaudet/la-chine-dans-le-caucase--du-sud_b_7672574.html">Chine</a> n’est évidemment pas étrangère.</p>
<p>Par les alliances de revers qui s’y nouent et par les tactiques de contournement qui y sont mises en œuvre, le Caucase est révélateur des tensions qui opposent les puissances régionales et mondiales. Cette région de transit est aujourd’hui non seulement la chasse gardée de la Russie mais aussi une zone tampon. Les États limitrophes actuels (Turquie, Iran…) cherchent à y accroître leur influence, si ce n’est en prendre le contrôle dans une logique impériale. L’Union européenne – qui a longtemps espéré, en vain, voir la construction du <a href="https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-l-orient-2011-1-page-47.htm">gazoduc Nabucco</a> – en a été évincée. En revanche, la Chine, qui espère intégrer à terme Ankara et Téhéran à ses projets eurasiens, ne cesse de gagner du poids en Azerbaïdjan et dans l’ensemble du Caucase.</p>
<h2>Le « Grand jeu » au pays de l’or noir</h2>
<p>Si le Caucase est associé dans l’imaginaire russe à <a href="https://www.fayard.fr/histoire/la-russie-et-la-tentation-de-lorient-9782213638126">l’esprit d’aventure</a>, ses puits de pétrole, essentiellement présents dans la région de Bakou (la capitale de l’Azerbaïdjan), ont été l’un des grands enjeux de la Seconde Guerre mondiale et, spécialement, de la bataille stratégique de Stalingrad, cette ville en <a href="https://historyimages.blogspot.com/2012/03/hitlers-drive-to-caucasus.html">contrôlant l’accès</a>. Avec la découverte, en 1999, des <a href="https://www.euro-petrole.com/azerbaidjan-le-champ-de-shah-deniz-entre-en-production-n-f-931">nouveaux gisements de Shah Deniz, en mer Caspienne</a>, cet enjeu n’a pas perdu de son acuité.</p>
<p>Objet de toutes les convoitises, l’Azerbaïdjan, indépendant depuis la fin de l’URSS en 1991, est dirigé par un régime clanique autoritaire, les Aliev (Geïdar Aliev a été président de 1993 à sa mort en 2003 ; son fils Ilham Aliev, qui lui a succédé, est toujours au pouvoir aujourd’hui). Chiite, majoritairement turcophone, sa population (quelque 10 millions de personnes) fait l’objet d’une attention soutenue de l’Iran et la Turquie, si bien que le pays est dans une certaine mesure le théâtre de <a href="https://www.cnrseditions.fr/catalogue/sciences-politiques-et-sociologie/renouveau-de-lislam/">leurs oppositions religieuses</a> et de leur concurrence politique. Même si l’on vante souvent, à Bakou, au nom du panturquisme, le principe d’« une nation, deux États », dans les faits l’Azerbaïdjan n’est pas totalement aligné sur Ankara et tente de jouer un subtil jeu de bascule avec l’ensemble de ses voisins.</p>
<p>En 2008, la guerre livrée par Moscou à la Géorgie a donné un coup d’arrêt définitif au circuit emprunté par le gazoduc Nabucco, ce qui a renforcé le rôle de la Turquie comme hub inter-régional. Dans ce cadre, l’Azerbaïdjan et la Turquie mettent en commun leurs ambitions énergétiques pour proposer leur propre projet de transport appelé <a href="http://www.petrole-et-gaz.fr/le-gazoduc-transanatolien-tanap-pret-pour-son-premier-transport-de-gaz-14200/">TANAP</a>, un gazoduc qui acheminera le gaz azerbaïdjanais vers l’Europe via la Turquie.</p>
<p>Soutenu par les <a href="https://www.persee.fr/doc/polit_0032-342x_2004_num_69_1_1277">États-Unis</a>, qui y voient une façon de contourner à la fois la Russie et l’Iran, ce gazoduc trans-anatolien reprend les bases de Nabucco en s’appuyant sur les fondations du trajet Bakou-Tbilissi-Erzurum déjà existant et propose à son tour un flux d’environ 30 milliards de mètres cubes de gaz naturel par an. Relié au <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/un-nouveau-gazoduc-pour-approvisionner-leurope-depuis-le-caucase-1269018">gazoduc trans-adriatique TAP</a>, qui va de la frontière gréco-turque à l’Italie en passant par l’Albanie (et achemine 10 milliards de mètres cubes par an), ce projet forme dès lors le dénommé <a href="https://dgap.org/en/research/publications/southern-gas-corridor-and-south-caucasus">Southern Gas Corridor</a>. Il entérine depuis le mois d’octobre dernier la volonté de l’UE de réduire sa dépendance au gaz naturel russe.</p>
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<p>Problème : en raison des différents projets menés depuis bientôt trente ans, les réserves énergétiques de l’Azerbaïdjan <a href="https://www.lesclesdumoyenorient.com/L-Azerbaidjan-pays-pivot-des-enjeux-energetiques-dans-le-Caucase-2-2.html">pourraient se tarir plus vite que prévu</a>. Bakou pourrait alors s’appuyer à long terme sur les réserves du Turkménistan, autre pays de la Caspienne. Mais les réserves de ce pays sont aujourd’hui monopolisées par la <a href="https://www.oxfordenergy.org/wpcms/wp-content/uploads/2018/07/Lets-not-exaggerate-Southern-Gas-Corridor-prospects-to-2030-NG-135.pdf">Chine et l’Inde</a>, toujours plus avides d’énergie. Misant sur la <a href="https://www.lepoint.fr/economie/convention-sur-le-statut-de-la-mer-caspienne-signee-par-ses-cinq-pays-riverains-13-08-2018-2243169_28.php">récente législation internationale relative au statut particulier de la mer Caspienne</a> (2018), censée faciliter le partage territorial de cette étendue d’eau pour relancer l’idée d’un gazoduc transcaspien reliant ses infrastructures aux gisements turkmènes, l’Azerbaïdjan sera probablement obligé d’acheter du gaz russe pour respecter ses engagements de livraison aux Européens, en attendant que l’hypothèse de ce projet se confirme. La situation est donc des plus complexes, y compris sur le plan des rapports de forces puisque l’Azerbaïdjan est équipé en <a href="https://oilprice.com/Energy/Energy-General/Whats-Behind-The-Azerbaijan-Armenia-Conflict.html">armements américains et israéliens mais aussi, dans une moindre mesure ; russes</a>, et tente par ailleurs d’établir une coopération à géométrie variable avec tous ces acteurs.</p>
<p>Il existe tout d’abord une <a href="https://www.nato.int/cps/fr/natohq/topics_49111.htm">coopération avec l’OTAN</a>, laquelle a mollement appelé la Turquie à plus de réserve dans son soutien militaire à l’Azerbaïdjan contre l’Arménie. Mais la participation de l’Azerbaïdjan aux <a href="https://www.rfi.fr/fr/europe/20200921-caucase-2020-grandes-man%C5%93uvres-militaires-le-sud-la-russie">exercices militaires « Caucase 2020 »</a>, lancés à l’initiative de Moscou, dans le fil des participations passées (Zapad en 2017, Vostok en 2018 et Tsentr en 2019), est d’une tout autre ampleur. Nombre de pays de l’espace eurasiatique <a href="http://www.observateurcontinental.fr/?module=articles&action=view&id=2009">y ont pris part</a>, notamment la Chine, ainsi que l’Iran, le Pakistan ou le Myanmar. Plus de 12 000 soldats ont été engagés dans ces manœuvres se déroulant parallèlement à celles – plus modestes (900 hommes à peine) – entreprises plus au nord <a href="https://www.lepoint.fr/monde/la-russie-rassemble-ses-allies-avec-des-manoeuvres-militaires-tous-azimuts-24-09-2020-2393480_24.php">entre Russes et Bélarusses</a>. Pékin enverra notamment plusieurs avions de transport Y-20, ceux qui ont participé à des opérations logistiques pour des livraisons de matériel aussi bien en Chine qu’auprès de certains de ses voisins.</p>
<p>Ces exercices confirment l’importance que ces différents acteurs de l’Eurasie accordent à leur interaction stratégique dans une région située au carrefour de l’Occident et de l’Orient, où se rencontrent cinq voisinages contestés – européen, russe, turc, iranien, centrasiatique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1308454462445494272"}"></div></p>
<p>Pour la Chine, le Caucase est l’un des maillons essentiels de la <a href="https://www.revuepolitique.fr/guerre-et-paix-au-caucase-du-sud/">« ceinture » des nouvelles routes de la Soie</a>. L’intérêt porté par Pékin à cette région est assez périphérique jusqu’au début des années 1990 et la chute de l’URSS. Par la suite, dans le prolongement de <a href="https://jeunes-ihedn.org/wp-content/uploads/2018/06/SENGAGERPARLAPLUME_2_web.pdf">sa poussée diplomatique et commerciale en Asie centrale</a>, et dans le cadre de la redéfinition de ses relations avec la Russie, la Chine développera une influence tous azimuts dans l’ensemble des pays du Caucase reprenant le même modus operandi que <a href="https://www.cairn.info/la-politique-internationale-de-la-chine--9782724618051.htm">dans les pays en développement</a> : investissements dans les infrastructures et l’extraction des ressources naturelles, proximité avec les élites politiques et les milieux d’affaires, mais aussi rapprochement avec les milieux de la sécurité et de la défense.</p>
<p>Au sein de <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/organisation-de-cooperation-de-shanghai-ocs">l’Organisation de coopération de Shanghai</a>, dominée par la Chine, les États du Caucase se voient conférer le statut de « partenaires de discussion ». Pékin y a développé, depuis plus de quinze ans, divers programmes de formation et d’échanges académiques et militaires (formations universitaires, officiers des diverses armées, etc.). En outre, les réseaux de diasporas (issus des régions de Wenzhou et du sud de la Chine) sont présents dans des secteurs aussi variés que <a href="https://www.ifri.org/fr/publications/notes-de-lifri/russieneivisions/chine-pays-deurope-orientale-caucase-sud-un-entrisme">l’immobilier, la restauration, la confection ou dans le secteur agricole</a>. En 2019, afin de renforcer les liens économiques, <a href="http://french.peopledaily.com.cn/Chine/n3/2019/0524/c31354-9581105.html">l’Arménie et la Chine prévoyaient de supprimer les obligations de visa pour leurs ressortissants réciproques</a>. La crise du coronavirus et la fermeture de la Chine ont temporairement mis fin à cette idée.</p>
<p>Dans le sillon du vecteur diplomatique et commercial du projet <em>Belt and Road Initiative</em>, la Géorgie a accueilli un <a href="https://fr.euronews.com/2017/12/05/la-georgie-se-voit-en-maillon-essentiel-des-routes-de-la-soie">forum sur les « nouvelles routes de la soie » en 2017</a>, rassemblant plusieurs milliers de personnes autour des thèmes de zones franches, de construction portuaire et d’infrastructures de transport, de la place de la Géorgie dans le Caucase et en Eurasie, etc.</p>
<h2>Mort cérébrale du Groupe de Minsk et échappatoire chinoise</h2>
<p>Les manifestations de puissance de la Turquie ne cessent de rappeler que la doctrine « zéro problème avec les voisins » prônée par l’ancien ministre des Affaires étrangères Ahmet Davutoglu a vécu. Les confrontations avec ses partenaires de l’OTAN, dont la France, sont désormais la règle. L’écrasement de l’Arménie au Haut-Karabagh est non seulement une victoire de la Turquie (guerre de haute intensité, usage massif de drones turcs, de mercenaires syriens et des troupes azerbaïdjanaises en supériorité numérique face à l’armée arménienne) mais aussi une réponse cinglante de Recep Tayyip Erdogan à l’incapacité de l’Occident et du Groupe de Minsk à trouver une solution à cette crise. Leur volonté, depuis près de trente ans, de maintenir le statu quo au Haut-Karabagh, dans un environnement stratégique par ailleurs changeant, n’est évidemment plus tenable. Dont acte : la Chine pourrait, à terme, transformer la région par des plans d’investissements massifs (ou plutôt des prêts) que la Russie n’est pas en mesure de proposer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1314252291357265920"}"></div></p>
<p>Ainsi, des <a href="https://www.huffingtonpost.fr/didier-chaudet/la-chine-et-le-caucase-du-nord-consolidation-des-liens-sino-russes_b_7672400.html">infrastructures touristiques en Ingouchie</a> (2015) à la signature d’un traité de <a href="https://www.asie21.com/produit/chine-caucase-georgie-la-troisieme-voie-est-chinoise/">libre-échange avec la Géorgie</a> (2016), la Chine crée une dynamique caucasienne à laquelle l’Azerbaïdjan adhère en augmentant <a href="https://tradingeconomics.com/azerbaijan/exports/china/crude-oil-petroleum-bituminous-minerals">ses exportations de pétrole</a> à destination de Pékin. L’intensification des échanges sino-azerbaïdjanais confirme <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3099044/chinese-investment-azerbaijan-win-win-both-countries">l’intérêt des autorités de Bakou pour le projet des « Nouvelles Routes de la soie</a> ». Vu de Pékin, le Caucase et l’Azerbaïdjan en son centre apparaissent comme le dernier chaînon manquant d’une stratégie eurasiatique globale déployée par la RPC. L’isthme caucasien est non seulement le plus sûr <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/11/18/la-chine-fait-son-entree-dans-le-caucase-du-sud_5216778_3232.html">raccourci entre l’Asie et l’Europe</a> ; c’est également une zone dont le contrôle sécurise l’avancée de la Chine en Asie centrale mais aussi en Iran, où elle a signé en juin dernier des accords commerciaux de 400 milliards (étalés sur plusieurs années), suivis d’accords militaires. En cela, la région est le théâtre des rivalités entre les puissances du XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/151783/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est Délégué général du FDBDA.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine renforce progressivement son influence dans les pays du Caucase. Cette zone en proie à de nombreuses turbulences est en effet un élément essentiel du projet des Nouvelles routes de la soie.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1388312020-05-24T17:05:08Z2020-05-24T17:05:08ZQuels secteurs stratégiques pour l’avenir de la France ?<p>La question est obsédante, et devient urgente. Avant même l’arrêt de la pandémie du Covid-19, dans une phase de démarrage du chômage de masse et pour ne pas risquer un blocage mortel, comment remettre la machine économique en marche ? La crise sanitaire nous interroge. Elle a mis en évidence la <a href="https://theconversation.com/coronavirus-un-revelateur-de-la-fragilite-du-systeme-logistique-mondial-132780">fragilité de l’économie française et sa dépendance</a> à l’égard de pays producteurs de biens ou de produits intermédiaires cruciaux.</p>
<p>Il convient d’identifier des secteurs stratégiques, essentiels pour nous protéger des effets dangereux des crises futures, et éviter des chocs profonds, susceptibles de déstabiliser notre économie, mais aussi toute la société.</p>
<p>Certains prétendent que ces secteurs devraient tenir compte avant toute chose des <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/ces-grandes-entreprises-qui-veulent-mettre-la-transition-ecologique-au-coeur-de-la-relance-economique.N961006">impacts environnementaux</a>. Mais cette position est-elle tenable dans un contexte de recul des produits intérieurs bruts (PIB), de montée du chômage, de risque d’explosions sociales, d’accroissement de la pauvreté, de la misère et de l’exclusion ?</p>
<p>Quels pourraient être les secteurs stratégiques, ceux qui, si nous faisons l’effort nécessaire, nous permettront de ne pas être démunis face à une nouvelle pandémie ou à un évènement encore plus grave ? Les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000021044693&categorieLien=id">commissions mises en place</a> au cours des années ont peiné à les définir, mais la crise redessine les contours et les urgences.</p>
<p>Pourtant il est possible, avec une grosse dose de volontarisme, d’identifier trois catégories de secteurs stratégiques.</p>
<h2>Les secteurs vitaux</h2>
<p>Ce sont les activités essentielles à la satisfaction des besoins vitaux de la population. Des moyens supplémentaires doivent être mis en place pour les protéger et les développer. Elles sont au nombre de deux seulement, la santé et l’alimentation. Leur relocalisation nous protégera, tout autant qu’elle limitera les longs trajets polluants et consommateurs d’énergies fossiles.</p>
<p>La crise du coronavirus a prouvé tout l’intérêt du secteur de la santé. La <a href="https://theconversation.com/la-france-en-penurie-de-masques-aux-origines-des-decisions-detat-134371">non disponibilité de masques</a>, de gel hydroalcoolique, de respirateurs, ou de tests, mais plus encore l’impossibilité d’en produire rapidement, font l’objet de toutes les critiques et de toutes les inquiétudes.</p>
<p>La <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/orl/covid-19-des-tensions-d-approvisionnement-se-font-sentir-pour-certains-medicaments_143176">pénurie de médicaments</a> fait aussi courir un grand danger, la plupart des molécules étant fabriquées en Chine ou en Inde, des antibiotiques aux médicaments les plus banals comme le paracétamol.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1255240194351140868"}"></div></p>
<p>Il apparaît donc essentiel de <a href="https://theconversation.com/medicaments-a-quelles-conditions-pourra-t-on-relocaliser-la-production-des-principes-actifs-135643">relocaliser une partie de ces productions</a> sur le territoire national pour un accès direct et permanent et préserver ainsi la possibilité d’augmentation rapide des capacités de production.</p>
<p>L’autre activité vitale est l’alimentation, et donc les industries et activités agricoles assurant sa fabrication et sa livraison. Il s’agit de nourrir la population française et d’éviter les famines et restrictions alimentaires qui commencent déjà en <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-le-spectre-de-la-famine-en-inde_3970491.html">Inde</a> ou, plus près de nous, au <a href="https://www.courrierinternational.com/article/crise-au-portugal-un-nombre-croissant-de-familles-au-bord-de-la-famine">Portugal</a>.</p>
<p>Une grande partie des produits consommés par les ménages français ont suivi des chaînes de valeurs internationales qui sillonnent de nombreux pays. Au vu des risques de coupure des transports, <a href="https://theconversation.com/lurgence-de-systemes-alimentaires-territorialises-136445">re-territorialiser une partie des productions agricoles</a> permettrait de préserver la souveraineté alimentaire de la nation.</p>
<p>Sans exclure un commerce avec les autres pays, en particulier européens, il apparaît nécessaire de <a href="https://www.researchgate.net/publication/279200831_Torre_A_Pham_HV_2015_Des_usines_des_champs_et_des_villes_maillage_territorial_et_polarisation_regionale_in_Rastoin_J-L_Bouquery_J-M_eds_Les_industries_agroalimentaires_en_France_La_Documentation_Franc">construire et de favoriser les systèmes agricoles</a>, circuits courts, usines de transformation et de conditionnement ou les chaînes logistiques pour nourrir la population.</p>
<h2>Les secteurs entraînants</h2>
<p>Le deuxième groupe d’activités stratégiques concerne les industries possédant un contenu en emploi conséquent ou qui entraînent des emplois indirects ou induits, par leurs activités de sous-traitance ou leurs achats.</p>
<p>Le premier secteur est évidemment le tourisme, qui génère plus de trois millions d’emplois directs ou liés, en particulier à la suite de la désindustrialisation massive et aux délocalisations de l’économie française.</p>
<p>Cette activité, à la base d’un projet économique <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprises-et-histoire-2007-2-page-93.htm?contenu=resume">mais aussi d’aménagement du territoire</a>, est très fortement menacée en raison des restrictions de déplacements des personnes, qui vont entraîner une diminution des emplois, des licenciements massifs, ainsi que la mise à pied de millions de travailleurs saisonniers. N’oublions pas qu’elle est également terriblement exigeante en termes de pollution des airs ou des mers, ainsi qu’en matière de consommation énergétique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-tourisme-de-masse-est-il-soluble-dans-le-tourisme-durable-102860">Le tourisme de masse est-il soluble dans le tourisme durable ?</a>
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<p>Au-delà, nous avons l’opportunité de renouer avec une véritable politique industrielle, de définir et protéger des industries essentielles au maintien et au développement d’une activité économique qui ne repose pas sur les seuls services.</p>
<p>Les tableaux d’entrées-sorties de l’Insee, qui analysent chacun des secteurs en fonction de l’origine et de la destination de sa production, nous permettent d’identifier les activités qui génèrent le plus de productions et d’emplois induits et exercent des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00220387708421663">effets d’entraînement</a> sur l’ensemble de la structure productive nationale, comme cela a été fait récemment <a href="https://doi.org/10.1590/0101-31572016v36n03a02">pour le Brésil</a> par exemple.</p>
<p>On cite souvent le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP), qui demande la mise en œuvre de nombreuses industries liées, en amont comme en aval, « quand le bâtiment va tout va ».</p>
<p>La production automobile, la chimie, l’industrie alimentaire, constituent également des candidats sérieux, et pourraient contribuer à une réindustrialisation graduelle de l’espace économique national.</p>
<p>Une mission d’étude devrait permettre de repérer les secteurs entraînants et de les aider par une politique volontariste de l’État. Elle aurait deux intérêts : pérenniser les emplois ou les développer, et diminuer notre dépendance toxique au tout tourisme ou au tout service.</p>
<h2>Le maintien de la cohérence territoriale</h2>
<p>Enfin, un autre objectif reste de ne pas creuser les inégalités entre territoires, en favorisant Paris au profit du « désert » français, ou les métropoles par rapport aux campagnes, et donc d’introduire une <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01535310">dimension locale</a>, afin d’éviter un trop fort déséquilibre régional et des concentrations trop massives d’activités portant atteinte à l’environnement.</p>
<p>La spécialisation intelligente de l’Union européenne, qui identifie des domaines d’activités compétitives, nous montre la voie.</p>
<p>À chaque région de faire un choix d’activités où elle excelle ou se montre compétitive, des technologies de pointe comme les microprocesseurs aux productions traditionnelles comme la viticulture, en passant par la production automobile.</p>
<p>C’est un réseau d’activités complémentaires qui doit être promu, afin d’éviter de créer des cathédrales dans le désert, coupées de leur environnement local.</p>
<p>Les aides se répercuteront sur la structure régionale, en <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00343404.2013.799769">bénéficiant aux activités et industries liées locales</a>. La Normandie vient ainsi de décider de renforcer son industrie pharmaceutique, pour des raisons stratégiques et pour favoriser la croissance du tissu local d’entreprises.</p>
<p>L’Île-de-France de son côté souhaite redonner une importance à son activité de production agricole dans le but de nourrir une partie de sa population et de limiter l’étalement urbain incontrôlé.</p>
<p>Seul le retour d’une vraie politique industrielle et d’aménagement du territoire, avec des objectifs clairs, permettra donc de remettre en marche la machine de production de biens et de produits manufacturés.</p>
<p>C’est également un levier qui nous protégera de manière efficace des atteintes sociales et économiques les plus violentes des <a href="https://theconversation.com/quoi-quil-en-coute-la-relance-economique-porte-le-risque-de-futures-crises-pandemiques-135435">futures crises et pandémies</a>, tout en maintenant une balance environnementale satisfaisante à défaut d’être idéale.</p>
<p>Cela suppose du volontarisme, une vision claire et l’identification de cibles concrètes. Tout le contraire de l’<a href="https://theconversation.com/lhelicoptere-monetaire-le-dernier-recours-des-politiques-economiques-134672">argent hélicoptère</a> ou des milliards accordés sans contrepartie certaine à de grandes sociétés dans des secteurs en perdition ou premiers pollueurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/138831/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>André Torre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La politique industrielle et d’aménagement du territoire pour relancer l’économie doit favoriser les secteurs vitaux (santé, alimentaire), « entraînants » (automobile, chimie) et régionalisés.André Torre, Directeur de recherche en économie à l'INRA, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1064072018-11-13T23:09:10Z2018-11-13T23:09:10ZLes réseaux de gaz intelligents sauveront-ils le gaz ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/245274/original/file-20181113-194500-z8nx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C10%2C1194%2C668&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le gaz d’origine renouvelable représente 1 % de la consommation totale de gaz en France. </span> <span class="attribution"><span class="source">EnvironmentGuru</span></span></figcaption></figure><p>À travers la programmation pluriannuelle de l’énergie (<a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/programmations-pluriannuelles-lenergie-ppe">PPE</a>) – qui devrait être présentée d’ici décembre 2018 – la France s’apprête à fixer des choix déterminants en matière de politique énergétique pour la période 2018-2028. L’objectif principal la PPE visant à <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">atteindre la neutralité carbone</a> à l’horizon 2050.</p>
<p>Outre la <a href="https://bit.ly/2AWXYut">place de l’énergie nucléaire</a>, l’une des thématiques centrales qui a animé les débats publics de la PPE en 2018 portait sur le rôle du gaz et la complémentarité des énergies.</p>
<h2>La pertinence du gaz remise en cause</h2>
<p>Actuellement, la <a href="https://bit.ly/2zOwENd">consommation d’énergie primaire</a> en France est composée à 40 % de production nucléaire, 29 % de pétrole, 16 % de gaz naturel, 11 % d’énergies renouvelables (hydraulique, photovoltaïque, éolien, biomasse, etc.) et 4 % de charbon. Il existe donc un fort potentiel – plus de 49 % – d’énergie primaire à décarboner.</p>
<p>Le gaz a longtemps été vu comme l’énergie fossile qui permettrait d’accompagner la <a href="https://www.tse-fr.eu/tse-mag-finance">transition</a> vers un système énergétique décarboné. Mais son extraction reste délicate : <a href="https://www.lesechos.fr/13/01/2017/LesEchos/22361-038-ECH_hollande---le-retour-de-la---malediction---du-gaz.htm">aux Pays-Bas</a>, des tremblements de terre causés par cette extraction ont incité les autorités à réduire leur dépendance à cette énergie. Le gouvernement néerlandais envisage d’arrêter d’<a href="https://www.rvo.nl/onderwerpen/duurzaam-ondernemen/duurzame-energie-opwekken/aardgasvrij">utiliser du gaz naturel d’ici à 2050</a>.</p>
<p>Or le gaz naturel, carboné, représente aujourd’hui 99 % du gaz consommé en France : sa pertinence pour accompagner la transition vers un système énergétique décarboné est donc remise en question. Les acteurs du secteur gaziers misent donc sur la diffusion du gaz vert, renouvelable, qui représente actuellement moins de 1 % de la consommation sur le territoire français.</p>
<p>Pour Dominique Auverlot et Étienne Beeker, experts de <a href="http://www.strategie.gouv.fr/">France Stratégie</a>, le recours au gaz dans le mix énergétique français doit être questionné, soulignent-ils dans leur dernière <a href="http://www.strategie.gouv.fr/publications/place-gaz-transition-energetique">note d’analyse</a>. Ils préconisent d’en restreindre au maximum l’usage.</p>
<p>Pour le secteur gazier français, la publication de la PPE est donc très attendue : elle pourrait annoncer le déclin de l’utilisation de cette énergie ou son maintien dans le bouquet énergétique français.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1049182787713097728"}"></div></p>
<h2>L’avenir du gaz, les réseaux intelligents ?</h2>
<p>Pour légitimer le gaz comme vecteur majeur de la transition énergétique, le secteur gazier tente de se réinventer pour devenir plus « propre ». De même que pour l’électricité, le gaz cherche à se structurer en un « réseau intelligent » (ou <em>smart grid</em>) : soit un réseau de distribution d’énergie qui favorise la circulation d’informations entre les fournisseurs et les consommateurs pour une gestion plus efficace.</p>
<p>Le concept de réseaux de gaz intelligents a initialement été <a href="https://www.lemondedelenergie.com/essor-smart-gas-grid/2017/12/05/">mis en avant par GRDF et GRTGaz</a> en 2017. Il est désormais accepté par la plupart des acteurs du secteur, qui s’accordent sur ses grandes caractéristiques.</p>
<p>Dans ce réseau, le gaz est d’abord produit localement, à partir de ressources renouvelables. Une récente étude de l’<a href="https://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050">Ademe</a> suggère par exemple qu’il est théoriquement possible d’obtenir un gaz 100 % renouvelable à l’horizon 2050.</p>
<p>Selon cette étude, le mix de gaz serait composé à 30 % de méthanisation – transformation de déchets organiques en biogaz ; à 40 % de pyrogazéification – gaz créé à partir du bois ; enfin, à 30 % de conversion des surplus d’électricité.</p>
<p>Ce réseau intelligent offre par ailleurs aux autres acteurs du secteur de l’énergie (électrique notamment) une complémentarité pour faciliter l’intégration des énergies renouvelables intermittentes.</p>
<p>Les réseaux de gaz intelligents intégreront enfin de nouvelles technologies – avec les compteurs de gaz communicants Gazpar, cousins des compteurs électriques Linky – qui doivent permettre au gestionnaire de réseau de le piloter efficacement et de réduire ses coûts d’exploitation et de maintenance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZTcPCsHcP1o?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<h2>Réduire de 80 % les émissions</h2>
<p>Pour devenir réalité, les réseaux de gaz intelligents <a href="https://www.xerfi.com/presentationetude/Le-marche-des-reseaux-intelligents-en-France_7SCO40/teaser">requièrent d’importants investissements</a>] ; l’ampleur de leur mise en œuvre dépendra aussi de l’évolution du contexte réglementaire et du montant des subventions qui leur seront accordées.</p>
<p>Pour s’assurer le soutien des régulateurs, les gaziers avancent trois grands arguments.</p>
<p>D’une part, passer d’un gaz naturel à un gaz issu de sources d’énergie renouvelable et produit localement : cela permettrait de réduire fortement les importations énergétiques (provenant de Norvège, Russie, Pays-Bas et Algérie) et aurait un effet très positif sur la balance commerciale et l’indépendance énergétique de la France.</p>
<p>D’un point de vue environnemental, les émissions de gaz à effet de serre seraient réduites jusqu’à 80 %. Selon l’étude de l’<a href="https://www.ademe.fr/mix-gaz-100-renouvelable-2050">Ademe</a>, la substitution du gaz naturel par du biométhane réduirait les émissions de 188 grammes de CO<sub>2</sub> pour chaque KWh produit.</p>
<p>D’autre part, le gaz serait complémentaire de l’électricité pour faciliter la décarbonation du mix énergétique : passer à un mix 100 % électrique avec une électricité produite de plus en plus intermittente – l’éolien et le solaire étant tributaires de la météo – est un pari hasardeux, tant sur le plan technique qu’économique.</p>
<p>Le gaz propose une solution de stockage inter-saisonnier qui viendrait en soutien du réseau électrique lorsque celui-ci est tendu.</p>
<p>En été, grâce à une consommation d’énergie plus faible et au déploiement des énergies renouvelables, il y aura probablement des périodes de production excédentaire d’électricité renouvelable – photovoltaïque et éolien. Cet excédent ne pourra pas être injecté sur le réseau électrique, déjà saturé : sa transformation en gaz, injecté ensuite dans les réseaux, permettra donc de valoriser des excédents d’électricité. En hiver, ce stock de gaz pourra venir en soutien du réseau électrique au moment des pics de consommation.</p>
<p>Enfin, le gaz fournirait des services à d’autres secteurs : dans l’agriculture, la production de biomasse pour le gaz vert offrirait une source de revenus supplémentaire aux agriculteurs. Dans le transport, le déploiement du gaz naturel vert permettrait de décarboner le parc de véhicules routiers de marchandises, pour lequel le tout électrique ne semble pas pertinent en raison de sa faible autonomie.</p>
<h2>Complémentarité entre les réseaux énergétiques</h2>
<p>Selon les acteurs gaziers, un réseau 100 % électrique souffrirait de son incapacité à stocker de l’énergie en grandes quantités, de manière économiquement viable. Ils estiment que le secteur électrique aura besoin de la flexibilité d’autres énergies stockables, comme le gaz.</p>
<p>Les gaziers appellent à prioriser les énergies en fonction des usages. Plutôt que de viser le tout électrique, ils préconisent de dédier cette énergie aux nouvelles utilisations, tels que la mobilité électrique, et de privilégier l’utilisation du gaz pour le chauffage ou le transport de marchandises.</p>
<p>Il est toutefois fort probable que certains fournisseurs d’électricité soient réticents : la stratégie d’EDF, par exemple, repose sur une <a href="https://www.edf.fr/mix-energetique">complémentarité nucléaire – énergie renouvelable</a> au sein de laquelle le gaz renouvelable n’a pas sa place.</p>
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<h2>Un modèle économique à définir</h2>
<p>Du point de vue technologique, la complémentarité des réseaux est faisable, mais le modèle économique reste encore à définir.</p>
<p>Les gaziers mettent en avant les bienfaits de la complémentarité et les différents services rendus – stockage, investissements évités sur le réseau électrique, décarbonation du secteur du transport de marchandise – par les réseaux de gaz intelligents qui, pris séparément, ne sont pas profitables.</p>
<p>Le gaz renouvelable aurait en effet un coût – production, réseau et stockage – compris entre 105 et 150€/MWh en fonction de la méthode de production ; c’est bien supérieur à celui du gaz naturel, mais comparable à celui d’une électricité <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/france-independante-mix-gaz-renouvelable-010503-synthese.pdf">100 % renouvelable – 120 à 130€/MWh</a> –, et à celui des nouvelles centrales nucléaires. L’électricité produite par les <a href="https://www.gov.uk/government/collections/hinkley-point-c">deux EPR d’Hinkley Point C</a> en Grande Bretagne sera vendue à <a href="https://www.gov.uk/government/collections/hinkley-point-c">92,5 £/MWh</a> soit environ 110 €/Mwh.</p>
<p>Outre ce coût de production, d’autres données économiques sont à considérer : la capacité de stockage des réseaux de gaz intelligents, la production de méthane synthétique et les investissements dédiés à l’extension du réseau électrique ou à la construction de nouvelles centrales qui seraient évités.</p>
<p>Il reste néanmoins à savoir qui paiera pour ces services rendus de flexibilité et de stockage du gaz. Les consommateurs ou les acteurs du monde électrique ? On ne connaît aujourd’hui pas la réponse.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106407/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Longtemps vu comme l’énergie fossile qui permettrait d’accompagner la transition vers un système énergétique décarboné, la place du gaz est aujourd’hui questionnée.Carine Sebi, Assistant Professor - Economics, Grenoble École de Management (GEM)Anne-Lorène Vernay, Chargée de cours en stratégie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1018652018-08-31T00:23:20Z2018-08-31T00:23:20ZLe marché des panneaux solaires, pas encore tout à fait vert<p>Si dans l’inconscient collectif, une énergie renouvelable – produite, par exemple, grâce à la biomasse, aux biofuels, aux éoliennes ou aux panneaux solaires – est forcément verte, qu’en est-il dans les faits ? Car pour une énergie authentiquement verte, son cycle de vie entier doit être pris en compte et notamment le recyclage des matières premières. Or ce domaine est encore en voie de structuration, comme l’illustre le secteur des panneaux solaires.</p>
<p><a href="https://www.wedemain.fr/Fabrication-recyclage-quel-est-le-veritable-impact-ecologique-des-panneaux-solaires_a2960.html">Selon PV Cycle</a>, organisme public chargé du recyclage des panneaux solaires, il est possible de recycler 100 % des modèles aux silicium cristallin, majoritaires sur le marché mondial du photovoltaïque. Encore faut-il avoir les infrastructures pour…</p>
<h2>La transition vers l’économie circulaire</h2>
<p>En 2015, la Commission européenne a lancé un <a href="https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/circular-economy-factsheet-general_en.pdf">plan d’action</a> pour soutenir la transition des pays de l’UE vers une économie circulaire ; ce plan propose un large éventail de mesures pour maintenir le plus longtemps possible la valeur des produits, des matériaux et des ressources tout en minimisant la production de déchets.</p>
<p><a href="https://www.ellenmacarthurfoundation.org/fr/economie-circulaire/concept">L’économie circulaire</a> s’inspire du fonctionnement des écosystèmes naturels et se compose de boucles vertueuses : elle cherche à préserver la valeur et la qualité intrinsèque des produits, des composants et des matériaux à chaque étape de leur utilisation. Il s’agit de préserver et de développer le capital naturel, d’optimiser le rendement des ressources et de minimiser les risques systémiques par la gestion des stocks et des flux de ressources.</p>
<p>L’économie circulaire est étroitement liée au concept <a href="https://us.macmillan.com/books/9780865475878">« cradle to cradle »</a> (« du berceau au berceau », pour désigner la possibilité du recyclage permanent) qui cherche à éliminer les déchets en mettant chaque élément d’un produit dans un cycle biologique sans fin (basé sur la décomposition) ou un cycle technique sans fin (basé sur le recyclage). Pour que le concept fonctionne, il est nécessaire qu’après un cycle de vie, la qualité du matériau reste identique.</p>
<p>Or l’analyse du cycle de vie des énergies renouvelables met en lumière des impacts environnementaux loin d’être toujours positifs.</p>
<p>En 2016, l’Union européenne a posé les contours de sa politique énergétique pour les 10 prochaines années. Il s’agit d’accroître l’éco-efficience et d’augmenter le taux d’énergies renouvelables dans le mix énergétique.</p>
<p>Où en est aujourd’hui l’écosystème des panneaux solaires compte tenu de ces deux grands objectifs européens ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Comprendre le principe de l’économie circulaire. (Fondation pour la Nature et l’Homme/YouTube, 2016).</span></figcaption>
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<h2>Le cycle de vie des panneaux solaires</h2>
<p>Une installation photovoltaïque se compose de panneaux solaires, d’un onduleur et d’un compteur. C’est en 1839 qu’Antoine Becquerel découvre l’effet photovoltaïque. Ce dernier est basé sur le comportement des matériaux semi-conducteurs lorsqu’ils reçoivent un rayonnement solaire. Les photons des rayons du soleil transmettent leur énergie aux électrons du silicium contenu dans les panneaux qui vont générer un courant électrique. Grâce à l’onduleur, l’électricité́ obtenue est transformée en courant alternatif compatible avec le réseau électrique.</p>
<p>La conception, notamment celle des matériaux liés à l’effet photovoltaïque, de la plupart des panneaux solaires installés est ainsi faite qu’une substitution par de <a href="https://www.greenmatch.co.uk/blog/2017/10/the-opportunities-of-solar-panel-recycling">nouveaux panneaux solaires</a> est obligatoire après un certain temps d’utilisation.</p>
<p>C’est bien le cycle de vie complet des panneaux qu’il faut prendre en compte. Si l’énergie solaire peut en effet paraître propre au niveau de son fonctionnement, qu’en est-il de la fabrication des panneaux et de leur fin de vie ?</p>
<p>Le principal impact environnemental des panneaux concerne la consommation d’énergie et de ressources lors de leur fabrication. En moyenne, il faut entre 2 à 3 ans aux panneaux pour produire l’énergie qu’il a fallu pour les fabriquer. Les premiers panneaux mis sur le marché étaient garantis 10 ans puis cette garantie est passée à 25 ans quand aujourd’hui Tesla garantit ses tuiles solaires <a href="https://www.tesla.com/fr_FR/solarroof">sans durée limitée</a>. </p>
<p>Des <a href="https://www.rts.ch/info/sciences-tech/environnement/8685083-la-duree-de-vie-des-panneaux-solaires-serait-deux-fois-plus-longue-que-prevu.html">études</a> montrent que les premiers panneaux ont une durée de vie plus longue que prévue, soit environ 40 ans. Certains panneaux seront laissés en place, d’autres seront remplacés mais, quel que soit le cas de figure, les déchets iront croissant. </p>
<p>Les premiers panneaux solaires installés à la fin des années 1980-1990 vont commencer à ne plus être utilisés, avec un pic concernant leur retrait attendu dès 2020. En moyenne, 85 % des composants des panneaux sont recyclables (ADEME, 2016). Il est donc essentiel de développer des solutions pour leur traitement et recyclage.</p>
<h2>Des avancées concrètes pour recycler</h2>
<p>Aujourd’hui, certains fabricants ont déjà bien avancé sur ces aspects.</p>
<p>Une première avancée s’appuie sur la notion de service en lieu et place du produit. Le constructeur ne vend plus un produit, ici un panneau solaire, <a href="http://www.service-sens.com/ne-vendez-plus-vos-produits-vendez-lusage/">mais une solution</a>. Le fabricant reste ainsi propriétaire du produit et peut donc gérer la fin de vie du panneau solaire. L’optimisation du cycle de vie du panneau est ainsi facilitée.</p>
<p>Si l’on se concentre sur cette fin de vie des panneaux, plusieurs innovations sont à noter. Veolia a par exemple inauguré en juillet 2018 sa <a href="https://www.actu-environnement.com/ae/news/video-pv-cycle-recyclage-panneaux-photovoltaique-rousset-veolia-31588.php4">première usine de recyclage</a> de panneaux solaires en France et envisage un taux de recyclage de 98 %.</p>
<p>La France n’est pas le pays produisant le plus de <a href="http://www.irena.org/publications/2017/Jun/Renewable-Energy-Benefits-Leveraging-Local-Capacity-for-Solar-PV">déchets dus à l’énergie solaire</a>. La Chine, les États-Unis, le Japon, l’Inde et l’Allemagne se taillent la part du lion et produiront environ 70 millions de tonnes de déchets d’ici à 2050. De nombreuses usines de recyclage devront donc voir le jour.</p>
<p>Encore d’autres initiatives : le producteur de panneaux photovoltaïques First Solar met en place une <a href="http://www.firstsolar.com/-/media/First-Solar/Sustainability-Documents/FSO163-Sustainability-Sheet_FR.ashx">filière de collecte et de recyclage</a>. Il recycle notamment le caoutchouc pour des semelles de chaussures ou le verre en verre recyclé. Un signal fort est enfin donné par la division SunPower de Total. L’entreprise vend désormais des <a href="https://www.sunpower.fr/entreprise/responsabilit%C3%A9-sociale-entreprise/certification-argent-c2c/">panneaux solaires certifiés</a> « Cradle-to-Cradle Silver ».</p>
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<figcaption><span class="caption">Rousset, une première dans le recyclage des panneaux photovoltaïques. (Veolia/YouTube, 2018).</span></figcaption>
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<h2>Incontournable écoconception</h2>
<p>Si les énergies renouvelables bénéficient aujourd’hui d’une image positive, qu’en sera-t-il quand la première grande vague d’éoliennes et de panneaux solaires devront sortir du réseau ? Il s’agit d’un immense défi car une quantité importante des matériaux rares et de haute qualité utilisés pour les panneaux solaires ne peuvent, par exemple, pas être recyclés de manière rentable.</p>
<p>De plus, le marché des panneaux solaires est encore inscrit dans un modèle linéaire. Les cellules multicouches – qui ne sont pas conçues pour le démontage – ne peuvent pas être facilement séparées et constituent un problème pour le recyclage. Les panneaux se retrouvent dans un broyeur produisant une qualité de matériau inférieure.</p>
<p>Le secteur de l’énergie solaire doit ainsi intensifier ses efforts pour travailler sur <a href="https://www.straitstimes.com/singapore/sunny-outlook-for-solar-panel-recycling">tous les aspects du cycle de vie</a> des panneaux solaires, et ne pas se focaliser sur la seule performance. <a href="https://www.editions-ellipses.fr/popup_image.php?pID=12334">L’écoconception</a> pour faciliter le recyclage devient incontournable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/101865/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Joerg Hofstetter is affiliated with the International Forum on Sustainable Value Chains (ISVC). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anicia Jaegler ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Comme pour toutes les autres sources d’énergie, l’impact environnemental des panneaux solaires doit aussi inclure leur production, le traitement des déchets et les effets consécutifs à ces déchets.Anicia Jaegler, Professeure, Kedge Business SchoolJoerg S. Hofstetter, Associate professor, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/907712018-02-01T05:37:46Z2018-02-01T05:37:46ZPolitique énergétique : ce que les experts préconisent pour les cinq ans à venir<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/203540/original/file-20180126-100905-1h8hwkv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le panel soutient la priorité vers la décarbonation de l’énergie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File%3ARenewable_energy_park.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>La nomination de Nicolas Hulot comme ministre de la transition écologique et solidaire a créé de fortes attentes concernant les engagements d’Emmanuel Macron dans la lutte contre le changement climatique. En septembre dernier, Nicolas Hulot a présenté <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/2017.07.06%20-%20Plan%20Climat_0.pdf">les grandes lignes de son programme</a>. </p>
<p>Il prévoit de se focaliser sur l’efficacité énergétique des bâtiments, le lancement d’appels d’offres pour la production centralisée et décentralisée d’énergies renouvelables en visant une neutralité carbone d’ici 2050, tout en luttant contre la précarité énergétique. Pour réduire les émissions du secteur de l’énergie, le ministre prévoit d’étendre et d’augmenter le prix du carbone ainsi qu'une sortie de la production d’électricité à partir du charbon, en maintenant néanmoins une dépendance de la France au nucléaire. Dans cette perspective, l’interdiction de la production d’hydrocarbures en France d’ici à 2040 <a href="http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl17-021.html">a été adoptée</a> en décembre 2017.</p>
<p>En lien avec ce contexte, Grenoble École de Management a demandé à son panel du Baromètre du marché de l’énergie, d’identifier quelles devraient être les trois priorités de l’administration Macron en matière de politique énergétique.</p>
<iframe src="https://e.infogram.com/0ec85a84-1d35-4e25-9002-23b7eb2899cf?src=embed" title="Baromètre de l'énergie, politique énergétique" width="100%" height="480" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none;" allowfullscreen="allowfullscreen"></iframe>
<h2>L’efficacité énergétique d’abord</h2>
<p>Ayant pu répondre selon une liste de dix mesures, le panel se montre très majoritairement d’accord sur la priorité qui doit être accordée à l’efficacité énergétique. De plus, les experts ne s’opposent pas à l’interdiction de l’exploitation des énergies fossiles domestiques. Dans une moindre mesure, le panel soutient la priorité vers la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/decarbonation-26227">décarbonation</a> de l’énergie et la décentralisation de la production.</p>
<p>Le panel présente une faible préoccupation pour les questions de sécurité d’approvisionnement et un faible enthousiasme pour la défense du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nucleaire-21417?page=2">nucléaire</a> français. Concernant les besoins de réglementation pour réduire la part du nucléaire, accélérer la transformation digitale du secteur de l’énergie et garantir une énergie compétitive, les experts ont des visions très variées.</p>
<h2>Transition énergétique propre et sûre : augmentation du sentiment d’urgence</h2>
<p>Il y a un an, durant les élections présidentielles, <a href="https://theconversation.com/quelle-politique-energetique-pour-la-france-les-experts-preconisent-76185">nous avions posé les mêmes questions</a>. La distribution des réponses est très proche de celle de l’époque. Les trois priorités qui sortent renforcées sont : efficacité énergétique, réduction des émissions de carbone et décentralisation, alors que la baisse de la production nucléaire et l’exploitation d’énergies fossiles locales reculent.</p>
<p>Les préoccupations concernant la sécurité d’approvisionnement augmentent légèrement, possiblement en lien avec les révélations récentes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/cyber-attaques-36559">cyberattaques</a> et de cyberguerre. Cela conduit à une augmentation du sentiment d’urgence pour la mise en place d’une transition propre et sûre, et réduit les contraintes sur le coût de l’énergie.</p>
<p>L’on retiendra un renforcement du consensus des experts sur les priorités énergétiques. La part des experts qui mettent en priorité l’efficacité énergétique est ainsi passée de 61% en <a href="https://www.grenoble-em.com/rapport-2-ete-2014-septembre-2014">2014</a> à 74% en <a href="https://www.grenoble-em.com/actualite-barometre-du-marche-de-lenergie-hiver-2016">2016</a> et 80% aujourd’hui.</p>
<hr>
<p><em>Le Baromètre du marché de l’énergie conduit par Grenoble École de Management interroge (de façon anonyme) une centaine de spécialistes sur ce que devraient être les priorités de la politique énergétique des cinq prochaines années. Ces résultats sont basés sur une enquête menée en décembre 2017 et comprenant 84 participants qualifiés dans le secteur de l’énergie opérant dans l’industrie, la science, et l’administration publique en France. L'intégralité de l'étude est <a href="https://www.grenoble-em.com/actualite-barometre-du-marche-de-lenergie-hiver-2017">à retrouver ici</a>.</em></p>
<p><em>La datavisualisation de cet article a été réalisée par Diane Frances.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/90771/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier CATEURA a reçu entre 2003 et 2006 des financements publics de l'ANRT (Association Nationale Recherche Technologie) et privés de Electrabel (Engie) dans le cadre d'une Convention CIFRE (Thèse de doctorat) . Par ailleurs, il est membre-auditeur de l'IHEDN (Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mark Olsthoorn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Améliorer l'efficacité énergétique, diminuer les émissions de gaz à effet de serre et faciliter la décentralisation du secteur électrique sont les trois priorités les plus pertinentes.Mark Olsthoorn, Postdoctoral researcher in energy economics, Grenoble École de Management (GEM)Olivier Cateura, Professeur Associé en Management Stratégique et Management de l'Energie, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.