tag:theconversation.com,2011:/us/topics/pornographie-52705/articlespornographie – The Conversation2024-01-25T15:49:10Ztag:theconversation.com,2011:article/2211892024-01-25T15:49:10Z2024-01-25T15:49:10ZLe Canada doit mettre en œuvre des mesures de sécurité pour protéger les enfants en ligne<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569360/original/file-20240109-19-9s4t5o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le nombre de cas de cyberprédation a été multiplié par dix au cours des cinq dernières années au Canada.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La récente législation sur la vérification de l’âge sur les sites proposant du contenu pour adultes a donné lieu à une situation intéressante au Parlement canadien. Le 13 décembre dernier, le <a href="https://www.parl.ca/legisinfo/en/bill/44-1/s-210">projet de loi S-210</a>, soit la Loi limitant l’accès en ligne des jeunes au matériel sexuellement explicite, a en effet été adopté en deuxième lecture à la Chambre des communes à l’issue d’un <a href="https://www.ourcommons.ca/Members/en/votes/44/1/609">vote de 189 voix contre 133</a>.</p>
<p>Étonnamment, la plupart des députés libéraux ont voté contre, car le gouvernement travaille sur son propre <a href="https://www.canada.ca/en/canadian-heritage/campaigns/harmful-online-content.html">projet de loi sur les préjudices en ligne</a>. Ce projet de loi a été promis pour la première fois en 2019, mais n’a pas encore été déposé en raison des <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/online-protection-act-1.7042880">complications plus vastes</a> qu’il soulève.</p>
<p>Avec le plein appui des conservateurs, du NPD, du Bloc Québécois et de certains députés libéraux, le projet de loi S-210 a pu faire l’objet d’un examen en comité. Il a par ailleurs été adopté par le Sénat au printemps 2023.</p>
<p>Le projet de loi S-210 prévoit qu’avant d’accéder à des sites proposant du contenu pour adultes, toute personne doive obligatoirement passer par un processus de vérification de l’âge afin de prouver qu’elle est adulte. La vérification de l’âge est déjà obligatoire pour accéder aux sites de jeux de hasard et à ceux qui vendent des produits tels que l’alcool, le tabac et le cannabis.</p>
<h2>Protéger les mineurs</h2>
<p>Une législation semblable au projet de loi S-210 a été adoptée ou mise en œuvre avec succès dans diverses parties du monde, dont <a href="https://euconsent.eu/">l’Union européenne</a>, le <a href="https://www.internetmatters.org/resources/uk-age-verification-law-for-pornography-sites-explained-parent-guide/">Royaume-Uni</a> et <a href="https://www.nytimes.com/2023/04/30/business/louisiana-kids-age-porn-law.html">plusieurs États</a> américains.</p>
<p>Pourtant, les législateurs canadiens sont divisés quant au projet de loi S-210. Les détracteurs du projet de loi ont en effet émis de <a href="https://www.cbc.ca/news/politics/porn-site-age-verification-proposed-bill-1.7060841">vives inquiétudes</a> au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.</p>
<p>Mes recherches doctorales portent sur les systèmes anonymes de vérification de l’âge visant à protéger la vie privée des personnes utilisatrices. Je collabore aussi volontairement avec le Conseil de gouvernance numérique du Canada à l’élaboration de <a href="https://dgc-cgn.org/standards/find-a-standard/">normes techniques pour les technologies de vérification de l’âge</a>.</p>
<p>Toute discussion sur la protection de la vie privée et la sécurité dans le cadre de la vérification de l’âge en ligne doit tenir compte de certains facteurs clés.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="un jeune garçon fixe l’écran d’un ordinateur portable dans l’obscurité" src="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568639/original/file-20240110-27-bcyhld.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les partisans du projet de loi S-210 affirment qu’il protégera les enfants, tandis que ses détracteurs ont émis de vives inquiétudes au sujet de la protection de la vie privée et de la liberté d’expression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Vérification de l’âge en ligne</h2>
<p>Bien qu’il existe <a href="https://avpassociation.com/avmethods/">différents mécanismes</a> de vérification de l’âge en ligne, les méthodes les plus populaires sont la comparaison de pièces d’identité, la reconnaissance faciale et la vérification par un tiers.</p>
<p>La comparaison de pièces d’identité est une méthode courante de vérification de l’âge dans le cadre des transactions en personne. Par exemple, on doit présenter une pièce d’identité délivrée par le gouvernement, comme un permis de conduire ou une carte d’assurance maladie, lorsqu’on achète de l’alcool en magasin. De même, lors d’une transaction en ligne, une personne peut téléverser une image de sa pièce d’identité.</p>
<p>La technologie de <a href="https://www.britannica.com/technology/OCR">reconnaissance optique de caractères</a> permet ensuite d’extraire les données du document, en particulier la date de naissance. En outre, une <a href="https://www.incognia.com/the-authentication-reference/what-is-liveness-detection">vérification de légitimité</a> peut être effectuée en comparant la photo du document avec une photo instantanée de la personne afin d’en garantir l’authenticité.</p>
<p>Une personne peut également prouver son âge par l’intermédiaire d’un tiers autorisé, tels que sa société de carte de crédit ou sa banque. Cette méthode s’appuie sur les relations existantes avec ces entités de confiance et sur les informations qu’elles détiennent pour confirmer l’âge de la personne.</p>
<p>La vérification de l’âge basée sur la biométrie est un domaine émergent depuis une dizaine d’années, grâce à l’intelligence artificielle. Les chercheurs examinent <a href="https://doi.org/10.1109/MS.2020.3044872">différentes données biométriques</a> pour estimer l’âge, notamment les <a href="https://www.yoti.com/blog/yoti-myface-liveness-white-paper/">images faciales et les vidéos</a>, la <a href="https://doi.org/10.1109/ICPCSN58827.2023.00082">parole</a>, les <a href="https://doi.org/10.1109/ICACC-202152719.2021.9708286">empreintes digitales</a>, les <a href="https://doi.org/10.1109/RTSI55261.2022.9905194">signaux cardiaques</a> et <a href="https://doi.org/10.1049/ic.2013.0258">l’iris</a>.</p>
<p>Durant l’analyse faciale, une personne est invitée à fournir un égoportrait en direct sous la forme d’une image ou d’une vidéo, qui est ensuite analysée par des outils d’intelligence artificielle afin d’estimer son âge. Cette méthode a été <a href="https://iapp.org/news/a/how-facial-age-estimation-technology-can-help-protect-childrens-privacy-for-coppa-and-beyond/">testée de manière exhaustive</a> et est à présent déployée dans différents pays par diverses entités, notamment <a href="https://www.telegraph.co.uk/business/2023/12/15/google-develops-selfie-scanning-block-children-porn/">Google</a> et <a href="https://www.bbc.com/news/technology-63544332">Meta</a>.</p>
<h2>Une option moins invasive</h2>
<p>Lorsque plusieurs options sont disponibles, une personne peut choisir celles avec lesquelles elle se sent le plus à l’aise. Le projet euCONSENT est un réseau fondé par la Commission européenne pour protéger les enfants en ligne. Ce réseau a récemment mené un <a href="https://euconsent.eu/a-summary-of-the-achievements-and-lessons-learned-of-the-euconsent-project-and-what-comes-next/">projet pilote approfondi</a> sur la vérification de l’âge en ligne auprès de 2 000 enfants et adultes dans cinq pays européens.</p>
<p>Les réactions des personnes participantes ont montré que l’estimation faciale était le premier choix, préféré par 68 % d’entre elles. Les répondants la considéraient en effet comme une option facile, rapide et moins invasive. La vérification par un tiers (par l’intermédiaire d’une société de carte de crédit) était l’option la moins populaire, préférée par seulement 3 % des participants.</p>
<p>Les données personnelles des utilisateurs (pièces d’identité, images faciales ou renseignements bancaires) doivent être protégées par l’application de règlements stricts, semblables aux politiques de l’Union européenne en matière de <a href="https://gdpr-info.eu/">réglementation générale sur la protection des données</a>.</p>
<p>Le projet de loi S-210 propose de mettre en œuvre des méthodes fiables de vérification de l’âge qui collecteront les informations personnelles des utilisateurs uniquement aux fins de vérification, après quoi les données seront immédiatement détruites.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="le visage d’un homme est numérisé par son téléphone cellulaire" src="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568643/original/file-20240110-17-nwjjlf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=398&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’analyse faciale peut permettre de déterminer l’âge d’un utilisateur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Des RPV qui posent des défis</h2>
<p>Les <a href="https://www.pcmag.com/how-to/what-is-a-vpn-and-why-you-need-one">réseaux privés virtuels</a> (RPV) sont souvent utilisés pour échapper à la vérification de l’âge. Les personnes utilisatrices font transiter le trafic Internet par des serveurs situés dans différents endroits, ce qui donne l’impression qu’elles accèdent au contenu à partir d’une région où il n’y a pas de restrictions d’âge.</p>
<p>Ce problème peut être résolu par les <a href="https://www.apnic.net/ip-geolocation-service-providers/">services de géolocalisation IP</a>, qui comparent la localisation déclarée d’une personne avec son adresse IP réelle, ce qui permet d’identifier toute divergence.</p>
<h2>Protéger les enfants</h2>
<p>Outre la préparation technologique, la sensibilisation de la société s’avère également cruciale pour garantir l’adoption appropriée de mesures de vérification de l’âge, ce qui nous ramène aux aspects législatifs.</p>
<p>Le nombre de cas de cyberprédation <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/social-media-online-child-luring-reports-spike-canada-1.6739824">a été multiplié par dix</a> au cours des cinq dernières années au Canada. Des incidents tragiques sont survenus où des enfants se sont suicidés après avoir été victimes d’abus en ligne. En octobre dernier, un <a href="https://urldefense.com/v3/__https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/police-link-suicide-of-12-year-old-prince-george-b-c-boy-to-online-sexual-extortion-1.7041185__;!MtWvt2UVEQ!DF5HkrmBKV19KkIeKL-ea2wsl0zQDjXailbkNU8v_hglKA5S_bli3hS-fFnKq-jM1tMU5hYhryCzTQawM4J5fnd%24">garçon de 12 ans s’est suicidé en Colombie-Britannique</a> après avoir été victime de sextorsion virtuelle.</p>
<p>La question est donc la suivante : combien de temps devrons-nous attendre avant que des mesures ne soient mises en place pour protéger les enfants ? Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu d’aller de l’avant et de sécuriser les espaces en ligne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221189/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Azfar Adib a reçu des financements de MITACS.</span></em></p>La cyberprédation des enfants est en forte hausse au pays. Le Canada ne peut plus se permettre de rester à la traîne. Le moment est venu de sécuriser les espaces en ligne.Azfar Adib, Public Scholar & PhD Candidate, Electrical and Computer Engineering, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2204372024-01-25T14:53:19Z2024-01-25T14:53:19ZCulture pornographique et télé-réalité : quand l’inceste envahit nos écrans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/570917/original/file-20240123-27-4v3kbw.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C10%2C997%2C570&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Kelle embrasse son fils Joey, image de promotion de l’émission MILF Manor, 2023. </span> <span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span></figcaption></figure><p>Dans l’émission de télé-réalité <em>Loft Story</em>, la désormais célèbre « scène de la piscine », dans laquelle il y aurait eu un rapport sexuel filmé entre Loana et Jean-Édouard, fait les gros titres en 2001. À ce moment-là, la polémique que suscite l’émission est symptomatique d’une panique morale plus large qui accompagne l’émergence de la télé-réalité en France : un genre télévisuel que certains appellent alors la « télé-poubelle » ou autrement dit en anglais la « trash TV ».</p>
<p>Plus de vingt ans après <em>Loft Story</em>, l’émission <em>Frenchie shore</em> diffusée fin 2023 sur la plate-forme de streaming payante Paramount+ et sur MTV fait à son tour scandale. Alors qu’elle donne à voir de manière bien plus explicite des personnes assumant « baiser devant les caméras » pour reprendre les mots d’Ouryel, une candidate de l’émission, <em>Frenchie Shore</em> montrerait alors, selon une journaliste de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TrjrU1MVIXI"><em>C l’hebdo</em></a>, une « image assez particulière de la sexualité ».</p>
<p>Si certains sonnent alors le retour de « la vraie télé-réalité » avec <em>Frenchie Shore</em>, considérée comme l’émission la plus « trashissime » jamais diffusée en France, ce genre d’émissions n’est pourtant pas nouveau. On pense à <em>L’île de la tentation</em> (diffusée à partir de 2002 sur TF1), <em>Opération séduction aux Caraïbes</em> (2002), <em>Secret Story</em> (première diffusion en 2007), <em>Les Anges de la télé-réalité</em> (diffusée pendant 10 ans à partir de 2007 également), <em>Les Marseillais</em> (de 2012 à 2022) ou encore <em>Adam recherche Eve</em>, une émission de <em>dating</em> diffusée en 2015 sur la chaîne C8, dans laquelle des hommes et des femmes se rencontrent totalement nus sur une île déserte.</p>
<h2>Les bikinis shows : sexualité et nudité au programme</h2>
<p>En fait, l’émission <em>Frenchie Shore</em>, dans laquelle de jeunes gens passent des vacances plutôt torrides dans une villa au Cap d’Adge, pourrait être classée du côté de ce que l’industrie appelle en anglais les bikinis shows : des émissions aux couleurs saturées, qui reposent sur un casting de jeunes adultes, hommes et femmes aux plastiques standardisées. </p>
<p>Notons par ailleurs que la plate-forme de streaming Netflix a elle aussi investi dans les <em>bikinis shows</em>, en diffusant par exemple depuis 2020 l’émission <em>Séduction haute tension</em> (<em>Too Hot to Handle</em> en anglais), dans laquelle les téléspectateurs assistent aux ébats sexuels des participantes et participants qui doivent pourtant rester chastes (sous peine de voir leur cagnotte collective diminuer à chaque transgression). Connue pour être désormais l’émission « la plus chaude » de Netflix, cette émission de télé-réalité américaine a depuis été déclinée dans plusieurs versions, comme en Allemagne ou au Brésil par exemple.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_oKqMhOuCrU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En ce qui concerne <em>Frenchie Shore</em>, le producteur de l’émission précise que « ce n’est pas de la pornographie ». Pour ne pas franchir ce qui semblerait être les limites communément admises de ce qu’est ou non un contenu pornographique, les producteurs font usage de stratégies variées : floutages des parties génitales, images filmées en caméra infrarouges, <em>smiley</em> cachant des actes sexuels telles que des fellations ou des pénétrations, etc. Par ces procédés, les émissions de télé-réalité jouent de fait avec les limites de la pornographie, et en France, dans un contexte de nouvelle légifération entourant l’accessibilité des contenus pornographiques, l’émission <em>Frenchie Shore</em> fait sensation. Si l’émission ne peut être qualifié de « contenu pornographique » en tant que tel, elle permet néanmoins de poser la question des circulations entre télé-réalité et pornographie.</p>
<p>Subrepticement, l’émergence des thématiques incestueuses dans la télé-réalité permet d’approfondir la nature de ces liens et leurs conditions d’existence : d’autres émissions, cette fois-ci américaines mais disponibles aussi en France, s’emparent en effet plus manifestement des codes de la pornographie mainstream, en s’appuyant notamment sur la trend pornographique de l’érotisation de l’inceste, et méritent que l’on y prête une plus grande attention.</p>
<h2>« Dans la famille sexy », je demande… la mère et le fils !</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=417&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570921/original/file-20240123-19-l5gcw6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=524&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Joey et sa mère, « ça va être une période effrayante » en parlant de l’émission de télé-réalité <em>MILF Manor</em> (2023).</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>En 2023, les émissions américaines <em>MILF Manor</em> (diffusé sur TLC en 2023) puis <em>Dated and Related</em> (en français <em>Dans la famille sexy</em> diffusée sur Netflix la même année) s’inscrivent dans la dynastie des bikinis shows, mais avec un twist narratif inédit : la co-présence de frères et sœurs (parfois jumeaux) ou de mères et de leurs fils dans les villas faisant office d’espaces de séduction clos.</p>
<p>Ainsi, <em>MILF Manor</em> filme huit femmes âgées de 44 à 60 ans cherchant à rencontrer des hommes plus jeunes qu’elles et à entamer une relation avec l’un d’entre eux. Mais « surprise », les huit jeunes hommes qui les rejoignent dans la villa ne sont autres que leurs fils respectifs, âgés de 20 à 30 ans environ. Dans l’émission <em>Dated and Related</em>, présentée par la plate-forme comme son émission la plus « gênante », des duos composés de frères et de sœurs ou de cousines et de cousins se rencontrent et cherchent à relationner sous l’œil plus ou moins complaisant de leurs collatéraux, dans une villa située dans les hauteurs de Cannes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=314&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570923/original/file-20240123-15-xe6e6m.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=395&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les sœurs jumelles Diana et Nina dans l’émission Dated and Related (<em>Dans la famille sexy</em> en français) 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Netflix</span></span>
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<p>À première vue, <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> pourraient appartenir à la lignée des émissions portées sur l’investissement de membres de la parenté dans la planification et le jugement de relations conjugales ou matrimoniales d’un·e des leurs (comme dans <em>Qui veut épouser mon fils ?</em> ou encore par exemple <em>Ma mère, ton père, l’amour et moi</em>, diffusée récemment sur TF1). Mais contrairement à ces émissions, l’enjeu entre les candidats appartenant à la même famille n’est pas l’intégration par la conjugalité d’un nouveau membre dans leur famille.</p>
<p>Les émissions <em>MILF Manor</em> et <em>Dated and Related</em> portent en effet sur la vie affective et sexuelle des candidates et candidats et s’inscrivent de cette façon dans le genre des bikinis shows et se distinguent par plusieurs aspects des émissions engageant les membres d’une même famille. D’abord, elles mettent en scène des corps standardisés et hypersexualisés propres aux codes de la pornographie mainstream.</p>
<p>Ensuite, le fait que les duos « mères/fils » dans <em>MILF Manor</em>, ou les duos de sœurs, de cousins, etc. dans <em>Dated and Related</em> soient simultanément à la recherche d’un partenaire dans le même espace clos est une mécanique narrative inédite dans la télé-réalité. Ainsi, dans ces deux émissions, les membres de la famille commentent les désirs des uns et des autres ou ce que chacun décide de faire avec son corps, dans sa vie intime : des sujets qui les invitent à se sexualiser mutuellement, ce qui est généralement esquivé dans les <em>dating shows</em> impliquant les familles des candidat·e·s.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=354&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/570922/original/file-20240123-19-mgvtb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=445&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le défi massage dans <em>MILF Manor</em>, lors duquel les fils massent chacune des mamans à l’aveugle, 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TLC</span></span>
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<p>Par ailleurs, <em>MILF Manor</em> joue de manière plus flagrante sur l’ambiguïté produite par la co-présence de celles et ceux présentés tout au long de l’émission comme les « moms » et les « sons » (en français « les mamans » et les « fils »). En effet, les duos mère-fils partagent une même chambre, ce qui ne les empêche pas d’avoir simultanément des invité·e·s dans leurs lits respectifs. Une confusion des générations est constamment mise en scène, des « moms » étant successivement amenées à « esquiver » d’autres MILFS pour s’acoquiner avec les « sons » sans se faire prendre, puis à exprimer une réprobation toute maternelle quant aux choix de fréquentations de leurs fils.</p>
<p>L’humour et le scandale reposent ainsi sur le risque érotisé de l’inceste et la suggestion de son existence, puisque les « défis » consistent par exemple, pour les mères, à reconnaître le torse de leur fils, les yeux bandés, en palpant un à un les garçons. En retour, les « sons » seront notamment invités à réaliser des massages sensuels, les yeux bandés, sur les dos nus de chacune des « moms ». Tous auront également à reconnaître un maximum de sous-vêtements sales appartenant à leur mère/fils pour obtenir une victoire.</p>
<h2>L’inceste : une nouvelle trend de la télé-réalité ?</h2>
<p>C’est avant tout dans l’industrie pornographique que l’inceste est devenu omniprésent au fil des dernières années, comme l’explique Ovidie dans <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-culture-de-l-inceste-collectif/9782021502053"><em>La culture de l’inceste</em></a> à travers un article sur la « step-mom » (belle-mère), « le tag le plus recherché au monde » sur les sites pornographiques.</p>
<p>Dans la pornographie, elle explique que l’inceste est montré comme fun et consenti. Outre les scénarios incestueux, il arrive également que des acteur·rices apparenté·e·s tournent ensemble dans des vidéos, tandis que des pages X (Twitter), Instagram ou Onlyfans proposent leur lot de contenus érotiques amateurs mettant en scènes des frères, des sœurs, des jumeaux. Les émissions <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em> capitalisent de fait sur cette tendance pornographique pour capter l’attention du public.</p>
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<p>Cela étant, la pirouette narrative de l’émission consiste au montage à accompagner systématiquement ces moments d’érotisation de l’inceste par les commentaires de candidat·e·s exprimant soit du dégoût, soit de l’excitation, mettant ainsi en exergue l’ambiguïté attendue dans la réception de ces scènes. Il s’agit donc de suggérer l’éventualité de la transgression (ici incestueuse), sans que celle-ci ne soit jamais actualisée, pour reprendre l’analyse de la chercheuse Divina Frau-Meigs dans un <a href="https://core.ac.uk/download/pdf/15502322.pdf">article</a> qu’elle consacre aux liens entre télé-réalité et pornographie en 2003.</p>
<p>Si s’appuyer sur la culture de l’inceste dans la télé-réalité semble relativement nouveau, dans la pornographie, cette tendance est en revanche loin d’être marginale. Les journalistes de <em>Cash Investigation</em> (France TV, 2023) expliquent <a href="https://www.france.tv/france-2/cash-investigation/5247165-porno-un-business-impitoyable.html">par exemple</a> que des sites pornographiques s’obligent en fait à « défaire » les liens de parenté dans leurs titres (en ajoutant par exemple « step » devant « brother and sister » ou devant « moms ») pour que les vidéos soient diffusables et ne soient pas qualifiées d’incestueuses. La popularité de l’inceste dans la pornographie souligne ainsi une contradiction entre les discours publics de rejet et de dégoût en réaction à l’inceste (et donc aux émissions citées), et entre l’excitation générée par la consommation de contenus en privé.</p>
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<h2>Décloisonner certains imaginaires pornographiques</h2>
<p>Il est important de souligner que la télé-réalité fait l’objet d’une forte dévaluation sociale, ici en montrant notamment dans <em>Frenchie Shore</em> des formes de sexualités jugées socialement inacceptables car considérées « trop vulgaires » et « débridées ». En fait, cette émission, comme beaucoup d’autres avant elle, brouille les frontières du public et de l’intime et s’inscrit dans un mouvement plus général de publicisation de l’intime, alors au cœur du « modèle néolibéral » (comme le note plus précisément Divina Frau-Meigs). Cela dit, la nouveauté dans <em>Frenchie Shore</em>, c’est qu’en plaçant la sexualité au cœur de son dispositif télévisuel de manière explicite, elle pousse le brouillage à son paroxysme, rendant alors quasi-visibles des choses qui demeurent habituellement cachées, sauf dans le cadre de la production pornographique. De la même manière, ce qui suscite l’indignation dans <em>Dated and Related</em> et <em>MILF Manor</em>, c’est que des éléments de l’intimité des candidat·e·s sont exposés et commentés par des membres de leur famille.</p>
<p>Quoi qu’en disent plusieurs journalistes et internautes, notons que ces émissions de télé-réalité ne traduisent pas un intérêt nouveau pour l’inceste. À ce titre, il est important de rappeler que l’érotisation des relations incestueuses est un procédé récurrent des productions culturelles (comme le démontre Iris Brey dans <em>La culture de l’inceste</em>), qui nourrissent la culture de l’inceste et en occultent le véritable phénomène social : les violences sexuelles intrafamiliales commises sur les enfants, dont nous savons aujourd’hui qu’elles concernent un <a href="https://facealinceste.fr/blog/publication/comment-nous-arrivons-au-chiffre-de-1-francais-sur-10-victime-d-inceste">enfant sur dix</a> et qu’elles relèvent de l’exercice d’une domination.</p>
<p>Finalement, la question n’est donc pas de savoir si ce type d’émissions se place ou non à la limite de la pornographie, mais d’analyser la manière dont la télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique. Filmer des actes sexuels ou érotiser l’inceste s’inscrit dans la continuité de circulations et d’emprunts qui s’opèrent entre le genre de la télé-réalité et la pornographie. </p>
<p>Alors que ces représentations ne semblent guère entaillées par une période de lutte renouvelée contre les violences sexuelles intrafamiliales, la place d’un inceste illusoire, car « fun » et « consenti », dans ce genre de contenus qui troublent la notion de réalité, doit être questionnée de manière critique. Cela, dans un contexte où les productions culturelles montrant la violente réalité de l’inceste demeurent rares. La réception de certaines d’entre elles, tel que <em>Triste Tigre</em> de Neige Sinno qui a remporté les prix Femina et le Goncourt des lycéens en 2023, atteste d’ailleurs d’un intérêt renouvelé pour ces récits restituant les réalités subies par les victimes. Ainsi, la question de l’inceste ne cesse de mettre la société face à ses propres contradictions.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220437/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La télé-réalité décloisonne certains imaginaires pornographiques et les propulse dans la sphère publique.Aziliz Kondracki, Doctorante en anthropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Corentin Legras, Doctorant en athropologie, École des Hautes Études en Sciences Sociales (EHESS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2071422023-08-28T16:54:09Z2023-08-28T16:54:09ZPornographie : quels impacts sur la sexualité adolescente ?<p>Dès 2003, Gérard Bonnet, professeur en psychologie et psychanalyste, posait la pornographie comme un <a href="https://www.decitre.fr/livres/defi-a-la-pudeur-9782226136732.html">« défi à la pudeur »</a>. Elle s’impose aujourd’hui plus largement comme un « défi pour la construction de la sexualité adolescente ».</p>
<p>Jusqu’à très récemment, en France, ce sujet n’a pas été véritablement pris au sérieux. Et même si le gouvernement actuel s’est exprimé pour déplorer l’accès des jeunes aux contenus pornographiques, s’il a manifesté son intention de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2023/06/06/le-gouvernement-face-au-probleme-de-la-verification-de-l-age-sur-les-sites-pornographiques_6176344_4408996.html">mieux le réguler</a>, si ce n’est l’empêcher, le projet n’a pour l’heure débouché sur une aucune mesure concrète. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-question-de-lacces-des-mineurs-aux-sites-pornographiques-bientot-resolue-201483">La question de l’accès des mineurs aux sites pornographiques bientôt résolue ?</a>
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<p>D’un usage prohibé à la libération sexuelle, la pornographie semble, dans notre environnement numérique contemporain, ne plus connaître aucune limite. Sur la Toile, les sites pornographiques fleurissent, et sont d’ailleurs les plus représentés (et les plus consultés) avec des centaines de millions de pages, qui ne manquent pas de s’insinuer dans des recherches anodines à travers les <em>fenêtres pop-up</em>. De sorte que, sans même le rechercher, l’<em>œil</em> semble irrémédiablement contraint à voir des images pornographiques…</p>
<p>L’essor des nouvelles technologies a donc offert à la pornographie un support de diffusion exponentielle, accessible à tous… y compris (et même surtout) aux enfants et aux adolescents sachant toujours mieux que les adultes manier ces outils. </p>
<p>Différentes enquêtes menées en France estiment qu’environ la moitié des adolescents, filles et garçons, auraient été confrontés à des images pornographiques <a href="https://bibliotheques.paris.fr/cinema/doc/SYRACUSE/107629/alice-au-pays-du-porno-ados-leurs-nouveaux-imaginaires-sexuels?_lg=fr-FR">avant l’âge de 13 ans</a>, que 63 % des garçons et 37 % des filles, âgés entre 15 et 17 ans, <a href="http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2018/01/15-07-Rapport-final.pdf">consultent régulièrement des sites pornographiques</a>. Plus récemment encore, que 30 % des internautes consultant ces sites sont des mineurs, et que quotidiennement, un <a href="https://www.arcom.fr/nos-ressources/etudes-et-donnees/mediatheque/frequentation-des-sites-adultes-par-les-mineurs">mineur sur dix consultent ce type de contenus</a> – tout particulièrement à partir de leur téléphone portable (smartphone) personnel (pour les trois-quarts d’entre eux).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pornographie-en-ligne-une-consommation-massive-un-risque-pour-les-jeunes-et-une-urgence-a-reguler-163735">Pornographie en ligne : une consommation massive, un risque pour les jeunes et une urgence à réguler</a>
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<p>En somme, Internet a « démocratisé » (l’usage de) la pornographie, rendant son accès facile, immédiat, permanent et sans véritable réglementation. Elle n’appelle plus aucun effort du voir, dans ce qu’il sous-tend de transgressif, de plaisir, de culpabilité ou de honte. De la sidération au dégoût en passant par la <em>compulsion du voir</em>, les adolescents ont à composer avec la cyberpornographie dans leurs espaces d’expérience, de rencontre… et ses retentissements sur leurs bouleversements pubertaires.</p>
<h2>Représentations de la sexualité et de la femme</h2>
<p>Les recherches, essentiellement nord-américaines, menées auprès des adolescents depuis les années 2000, interrogent l’influence de la pornographie sur leurs représentations de la sexualité et de la femme, comme sur leurs pratiques sexuelles. Il apparaît que la confrontation aux codes pornographiques amènerait les adolescents – tant les filles que les garçons – à davantage considérer la femme comme « un objet sexuel », et à modifier le rapport à leur corps, dès lors investi sur un mode anxiogène.</p>
<p>Ainsi les adolescents, utilisant la cyberpornographie comme source principale d’information, mentionnent l’impact de ce support dans leurs activités sexuelles, adoptant des pratiques plus diversifiées, en miroir aux modèles véhiculés. Mais, dans le même temps, ils peuvent reconnaître certains effets négatifs associés. Cette reconnaissance aurait un effet modérateur, de sorte que la consommation de pornographie pourrait s’inscrire dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961715000094#:%7E:text=Il%20en%20ressort%20que%20les,de%20leurs%20pairs%20non%2Dconsommateurs.">« processus développemental adolescentaire »</a>, répondant à une quête de repères en matière de sexualité. </p>
<p>Cette quête est d’ailleurs avancée par certains adolescents eux-mêmes : il s’agit d’<em>aller voir</em>, par curiosité, avant le premier rapport sexuel. Cette curiosité est animée par l’éveil de la sexualité adolescente. L’envahissement pulsionnel à ce moment et la nécessité de décharge qui en découle altèrent tout discours critique sur la nature des images et les représentations ainsi constituées. </p>
<p>Cependant, ce positionnement se renverse avec le passage à une relation affective et sexuelle avec un ou une partenaire « dans la vraie vie ». Dès lors, le visionnage de porno diminue, des sentiments de futilité ou de honte émergent… ainsi que l’expérimentation que <a href="http://www.gip-recherche-justice.fr/wp-content/uploads/2018/01/15-07-Rapport-final.pdf">« la pornographie n’est pas la réalité »</a>.</p>
<h2>La pornographie : un court-circuit de l’activité fantasmatique</h2>
<p>En somme, les dérives psychopathologiques ou addictives apparaissent marginales, elles concernent les adolescents les plus fragiles, dont l’imaginaire demeure captif de cette iconographie. D’ailleurs, à ce jour, le lien entre consommation de pornographie et agressions sexuelles à l’adolescence n’est pas établi. Néanmoins, c’est dans notre pratique auprès d’adolescents présentant une <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2008-7-page-675.htm"><em>sexualité préoccupante</em></a>, voire auteurs de violences sexuelles, que cette question s’est imposée. Ces jeunes mentionnent fréquemment un contact répété, massif avec la pornographie. </p>
<p>Si bien évidemment, tous les adolescents qui visionnent ce type d’images ne s’engagent pas dans ce type d’agir, le fait que la pornographie s’intègre dans les usages numériques courants des jeunes ayant des comportements problématiques invite à interroger l’impact de la <a href="https://www.puf.com/content/La_violence_du_voir">« violence du voir »</a> cyberpornographique sur la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1158136017300713">construction de la sexualité adolescente</a>. </p>
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<p>Nous avons fait l’hypothèse que la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-psychologie-clinique-2016-1-page-205.htm">consommation de pornographie</a> à l’adolescence procéderait comme un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961713002286">court-circuit de l’activité fantasmatique</a>. Alors que l’imaginaire, et donc la pensée, occupe une grande place dans l’élaboration des relations amoureuses et sexuelles, la pornographie les réduit aux sexes (visibles, réels) et à un acte-exploit(ation) dégagé des enjeux affectifs, annihilant toute potentialité de rêverie. </p>
<p>D’ailleurs dans sa forme la plus commune (scènes, « clips »), il n’y a même plus de scénario – ni même de scénarisation possible ? – là où l’image écrase toute projection, tout mouvement fantasmatique. Sous prétexte de tout montrer, la pornographie démantèle la sexualité (limitée à l’acte, à des pratiques hyper spécifiques) et le processus d’unification du corps, dès lors restreint à l’organe.</p>
<h2>Un potentiel traumatique</h2>
<p>Ces caractéristiques amènent à envisager le potentiel traumatique des images pornographiques (massivité de l’excitation provoquée, effraction, sidération…) ; d’autant plus que le sujet y est confronté précocement. Dans ces cas, la rencontre avec le sexe, avec la brutalité du sexe précède toute compréhension de la sexualité (adulte), risquant d’engager des fixations, des clivages… bref un vécu traumatique. Notons également que les contextes dans lesquels nous avons observé des consommations problématiques sont souvent marqués par des expériences traumatiques antérieures (relatives à la sexualité ou non).</p>
<p>Enfin, dans le même temps et dans une perspective dynamique, le recours à la pornographie à l’adolescence pourrait se comprendre comme une tentative d’intégrer (psychiquement) la sexualité adulte. L’iconographie pornographique constituerait à l’adolescence une surface de projection de l’énigme du sexuel, une manière, certes fragile, de mettre au-dehors l’étrangeté et la violence du phénomène pubertaire.</p>
<p>En ce sens, comme toutes images, la <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/bienfaits-des-images_9782738112033.php">pornographie n’est <em>ni bonne, ni mauvaise</em></a>. Elle se présente pour nombre d’adolescents comme une source intarissable d’informations, un guide des « bonnes pratiques » en matière de sexualité. Suivant cette perspective, <a href="https://www.inpress.fr/livre/la-violence-de-limage/">comme l’a montré François Marty (2008) à propos des images violentes</a>, les images pornographiques permettraient aux adolescents de contenir le débordement pulsionnel, lui offrir une première forme de représentation, voire le symboliser. </p>
<p>Cependant, en alimentant à la fois l’excitation et son soulagement, tout en faisant l’impasse sur le fantasme et la relation, la pornographie risque d’assujettir les adolescents les plus fragiles (tels que nous les rencontrons en consultation). C’est d’ailleurs l’un des enjeux de notre proposition thérapeutique : mettre des mots sur l’excitation provoquée par le sexe et les images du sexe. </p>
<p>Car c’est l’absence de parole autour de ces « figures-choc » et des sensations générées par la pornographie qui peut s’avérer pernicieuse. Là où l’écrasement de l’imaginaire risque d’entraîner un clivage entre affectivité et sexualité ; entre le Moi superficiel de l’adolescent apparemment satisfait dans ses besoins et son Moi profond insatisfait dans ses désirs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207142/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Barbara Smaniotto ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec Internet, la part d’adolescents confrontés à des contenus pornographiques a fortement progressé. En quoi peut-elle alors impacter la construction de leur sexualité ?Barbara Smaniotto, Maître de Conférences-HDR en Psychopathologie et Psychologie Clinique, CRPPC, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014832023-04-12T21:46:35Z2023-04-12T21:46:35ZLa question de l’accès des mineurs aux sites pornographiques bientôt résolue ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/515530/original/file-20230315-28-28rfgs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Contrôler l'accès des mineurs aux sites pornographiques tout en respectant l'anonymat des données : une solution pourrait enfin avoir été trouvée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/Wsk3dxGJphc">Charles Deluvio / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>La France devrait bientôt être dotée d’un outil permettant d’éviter l’accès des mineurs aux <a href="https://www.youtube.com/watch?v=lgD4T5gQtbY">sites pornographiques</a>. Selon Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé de la transition numérique et des Télécommunications, il sera ainsi possible de <a href="https://siecledigital.fr/2023/02/07/le-gouvernement-elabore-une-attestation-numerique-pour-acceder-aux-sites-pornographiques/">« faire respecter la loi une bonne fois pour toutes »</a>.</p>
<p>L’application mise en test depuis le mois de mars 2023 est l’aboutissement de travaux de recherches qui ont donné naissance à un système de contrôle de l’âge de l’internaute à la fois fiable et sécurisé – la majorité de l’utilisateur étant attestée par un tiers de confiance. Ce mécanisme permettra d’obtenir un certificat numérique de majorité qui devra être exigé par les sites pornographiques pour permettre l’accès au contenu.</p>
<p>Cette technique correspond aux exigences de la CNIL puisque, comme elle en avait exprimé la nécessité, l’application connaîtra l’identité du demandeur mais ignorera la nature des sites visités et le site sera assuré de la majorité de l’utilisateur mais ignorera son identité.</p>
<p>La mise en place définitive du système nécessitera encore de recueillir l’avis du Conseil d’État et de l’Union européenne. Selon le ministre, ces étapes pourraient être franchies en <a href="https://siecledigital.fr/2023/02/07/le-gouvernement-elabore-une-attestation-numerique-pour-acceder-aux-sites-pornographiques/">septembre prochain</a>. Une fois cette application opérationnelle, les sites concernés seront contraints de respecter les règles françaises de protection des mineurs.</p>
<p>La protection ne sera pas assurée à 100 % puisque les sites ne seront obligés d’exiger la preuve de majorité qu’auprès de leurs clients français et qu’il suffira donc d’utiliser un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9seau_priv%C3%A9_virtuel">réseau privé virtuel</a> (VPN) pour contourner le contrôle. En effet, le VPN permet de chiffrer les données, en particulier <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Adresse_IP">l’adresse IP</a> qui permet de localiser la machine. L’utilisation du VPN permet de choisir la localisation qui sera « vue » par le site consulté, qui <a href="https://www.bfmtv.com/tech/bons-plans/quelle-est-l-utilite-d-utiliser-un-vpn-le-top-5-des-raisons_AB-202210070185.html">détermine à son tour le contenu pouvant être mis à disposition</a> et la réglementation à adopter.</p>
<p>Néanmoins, si la nouvelle application n’apporte pas une protection totale aux mineurs, elle constituera une réelle évolution au regard de la difficulté de sa mise en place.</p>
<h2>Une protection nécessaire</h2>
<p>Depuis son entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> mars 1994, le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042193612/">Code pénal</a> réprime le fait de permettre à des mineurs d’accéder à des contenus pornographiques ou violents. De <a href="https://theconversation.com/incidences-de-la-pornographie-sur-les-comportements-ou-en-est-la-recherche-117133">nombreuses raisons</a> viennent motiver cette restriction. On peut notamment évoquer la corrélation établie entre le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/figure/10.1080/10720162.2012.660431?scroll=top&needAccess=true&role=tab">visionnage de scènes de pornographie violente et l’accroissement des comportements sexuels agressifs</a>, ou le fait que 90 % des scènes de pornographie les plus regardées contiennent des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20980228/">violences à l’encontre des femmes</a>.</p>
<p>L’avènement d’Internet et son utilisation par un public de plus en plus jeune a fortement fait croître le <a href="https://theconversation.com/pornographie-en-ligne-une-consommation-massive-un-risque-pour-les-jeunes-et-une-urgence-a-reguler-163735">risque</a> qu’un mineur accède, volontairement ou fortuitement, à ce type de contenu. En France, le premier contact avec la pornographie se fait en général <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0522_proposition-resolution#">aux alentours de 13 ans</a>. Un <a href="http://www.senat.fr/rap/r22-103/r22-1031.pdf">rapport</a> de la délégation aux droits des femmes relatif à l’industrie de la pornographie estime que deux tiers des enfants de moins de 15 ans et un tiers de ceux de moins de 12 ans ont déjà été exposés à des images pornographiques, volontairement ou involontairement.</p>
<p>En 2020, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000042176687">loi</a> est venue préciser que le simple fait de demander à la personne si elle a plus de 18 ans ne permet pas de s’exonérer de sa responsabilité pénale. En 2021, le législateur a confié à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique <a href="https://www.arcom.fr/larcom">(ARCOM)</a> la possibilité de mettre en demeure les sites Internet ne respectant pas les exigences légales et de saisir la justice afin d’obtenir le blocage des sites.</p>
<h2>Bloquer les sites ?</h2>
<p>Devant l’inertie des principaux <a href="https://theconversation.com/la-sexualite-au-temps-du-confinement-le-site-pornhub-est-il-le-modele-de-lavenir-135891">sites pornographiques</a>, l’ARCOM a utilisé la voie de la mise en demeure. Faute de résultat tangible, il a fini par saisir le Président du Tribunal judiciaire de Paris afin d’<a href="https://www.arcom.fr/larcom/presse/acces-des-mineurs-aux-sites-pornographiques-saisine-du-president-du-tribunal-judiciaire-de-paris">obtenir le blocage de ces sites</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TgA2h3kiEaQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le blocage du site consiste à contraindre les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) à rediriger l’internaute vers une page indiquant les raisons du blocage (lorsque l’internaute clique sur un résultat de recherche menant vers le site bloqué). Il s’agit de la sanction qui précède le déréférencement, qui consiste à purement et simplement supprimer les résultats de recherche renvoyant au site visé par la mesure.</p>
<p>Cette offensive judiciaire de l’ARCOM n’a pas eu le résultat escompté. D’une part, la juridiction parisienne n’a pas prononcé le blocage des sites. Celle-ci a recommandé le recours à une médiation (mécanisme extra-judiciaire qui ne garantit pas d’aboutir à une solution, puisque chacune des parties peut l’interrompre à tout moment).</p>
<p>D’autre part, l’une des sociétés visées a déposé une <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/metiers/droit-et-justice/acces-des-mineurs-a-la-pornographie-saisi-par-la-societe-editrice-de-pornhub-le-tribunal-judiciaire-de-paris-en-appelle-a-la-cour-de-cassation_5397370.html">question prioritaire de constitutionnalité</a> (QPC) que la Cour de cassation n’a <a href="https://www.courdecassation.fr/en/decision/63b7c9ce6b63637c907b7638">pas transmise au Conseil constitutionnel</a>. Les contenus pornographiques proposés par les plates-formes visées par l’ARCOM restent donc toujours facilement accessibles aux mineurs.</p>
<h2>Un meilleur contrôle est techniquement possible</h2>
<p>L’argument principal avancé par les plates-formes est d’ordre technique. Elles n’auraient pas à disposition de moyens fiables de vérifier l’âge de l’internaute. Elles reprochent au législateur d’exiger le contrôle, sans préciser les moyens à mettre en œuvre.</p>
<p>Pourtant des <a href="https://www.cnil.fr/verification-de-lage-en-ligne-trouver-lequilibre-entre-protection-des-mineurs-et-respect-de-la-vie">moyens techniques de contrôle existent</a> et permettraient de s’assurer, de manière plus ou moins fiable, de la majorité de l’internaute désirant accéder a du contenu pornographique.</p>
<p>Le Royaume-Uni avait opté pour une technique de contrôle à l’opposé des nouvelles technologies puisqu’il consistait à retirer un code dans un commerce. La complexité du système et une grande réticence des utilisateurs ont conduit à <a href="https://www.lefigaro.fr/secteur/high-tech/le-royaume-uni-ne-controlera-finalement-pas-l-identite-des-usagers-de-sites-pornographiques-20191017">l’abandon de cette solution</a>
. La transmission de données liées à une carte bancaire peut permettre au site de vérifier l’âge du titulaire de cette dernière – mais pas de manière certaine celui de l’internaute.</p>
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<p>La vérification de la pièce d’identité, à l’aide d’un scan, peut également permettre de vérifier l’âge de la personne mais, encore une fois, sans être certain que le document appartient bien à l’utilisateur du site.</p>
<p>Les progrès de l’intelligence artificielle peuvent aussi être une source de solution. En effet, à partir d’un <em>selfie</em>, un logiciel d’intelligence artificielle (IA) peut parfaitement estimer l’âge du sujet. Afin de prendre en compte la marge d’erreur, estimée à cinq ans, le logiciel vérifie que le sujet a plus de 23 ans. C’est cette <a href="https://www.euractiv.fr/section/economie/news/lorganisme-allemand-de-protection-de-la-jeunesse-approuve-lia-comme-outil-de-verification-de-lage/">solution qui est retenue en Allemagne</a>.</p>
<p>Plusieurs raisons sont invoquées pour ne pas mettre en œuvre ces moyens de contrôle : la dégradation de l’expérience utilisateurs due au ralentissement de l’accès au service, la complexité technique, la fiabilité trop relative du contrôle au regard de la complexité de sa mise en œuvre, etc. Mais ce sont surtout les risques inhérents à la mise en place de ces moyens de contrôle qui sont avancés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/regarder-du-porno-est-il-mauvais-pour-la-sante-cinq-experts-repondent-150485">Regarder du porno est-il mauvais pour la santé ? Cinq experts répondent</a>
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<h2>Un transfert de données trop sensibles ?</h2>
<p>Les moyens de contrôle évoqués nécessitent un transfert de données, plus ou moins sensibles, vers le service afin de s’assurer de la majorité de l’utilisateur.</p>
<p>Dès lors, il existe un risque d’appropriation et d’utilisation frauduleuse de ces données. L’utilisation d’une carte bancaire génère par exemple le risque d’une utilisation frauduleuse du moyen de paiement.</p>
<p>Plus largement, la transmission de données permettant l’identification de l’utilisateur engendre le risque de voir ces données tomber dans des mains malhonnêtes. Un chantage reposant sur la menace de révéler publiquement la fréquentation de sites pornographiques pourrait être exercé.</p>
<p>La CNIL elle-même, en juillet 2022, rappelait son attachement à la nécessité d’empêcher l’accès des mineurs à ces sites, tout en mettant l’accent sur les <a href="https://www.cnil.fr/fr/controle-de-lage-sur-les-sites-web-la-cnil-invite-developper-des-solutions-plus-efficaces-et">« risques additionnels »</a> liés à certaines de ces méthodes de contrôle de l’âge.</p>
<p>La nouvelle application semble être en mesure de répondre aux différentes exigences de sécurité tout en limitant l’accès des mineurs à la pornographie.</p>
<p>On notera que, dans la même volonté d’accroître la protection des mineurs, une proposition de loi, votée en première lecture, <a href="https://twitter.com/jnbarrot/status/1627664605177692160">prévoit l’obligation pour les réseaux sociaux de vérifier l’âge des utilisateurs et l’installation obligatoire d’un logiciel de contrôle parental sur tous les appareils</a> vendus en France.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201483/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Claude Planque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une application permettant d’obtenir un certificat numérique de majorité vient d’être lancée par le gouvernement. La solution pour contrôler l’accès des mineurs aux sites pornographiques ?Jean-Claude Planque, Docteur en droit privé et sciences criminelles, Maître de Conférences Habilité à Diriger des recherches à l'Université de Lille, Ex Codirecteur de l'Institut de criminologie de Lille, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1637352021-07-08T17:46:36Z2021-07-08T17:46:36ZPornographie en ligne : une consommation massive, un risque pour les jeunes et une urgence à réguler<p>Le phénomène est massif, la consommation de la pornographie en ligne de plus en plus répandue, tandis qu’un Gafa du porno domine l’offre mondiale. Faut-il en parler ? Faut-il s’en émouvoir ? En parler, sans doute, même si les effets sont très mal établis, faute d’études scientifiques suffisantes.</p>
<p>S’en émouvoir sûrement si on est parent d’adolescents ou féministe, notamment. J’ai longtemps hésité avant de traiter ce sujet. Il ne fait pas sérieux pour un économiste, sans être amusant pour autant. Mais pour la société il est important car Internet a changé l’échelle du marché de la pornographie : elle relève désormais de la consommation de masse.</p>
<p>Une <a href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0013/220414/online-nation-2021-report.pdf">publication récente</a> du régulateur britannique des communications m’a convaincu qu’il était temps de me jeter à l’eau. Dans son enquête annuelle sur la consommation en ligne, l’Ofcom a estimé que 49 % de la population adulte du Royaume-Uni avait visité un site pornographique en septembre 2020, soit 26 millions de visiteurs uniques, soit encore un peu moins qu’Instagram mais un peu plus que Twitter.</p>
<p>Vous ne vous attendiez sans doute pas à des chiffres si élevés. Moi non plus ! Mais c’est le crédit qu’on peut leur accorder qui m’a surtout décidé. Le régulateur britannique est connu pour publier des données fiables qui reposent sur des méthodes rigoureuses. Ce qui n’est pas le cas de la plupart des chiffres qui circulent sur l’industrie du porno.</p>
<h2>Bizarreries dans les comptages</h2>
<p>Les cent milliards de dollars pour son chiffre d’affaires mondial, souvent avancés ces dernières années, offrent un bon exemple. Repris un peu partout, aussi bien <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/internet/sexflix-le-netflix-du-porno-prend-position-en-france-en-septembre-491428.html">dans la presse</a> que <a href="https://www.nyulawreview.org/issues/volume-94-number-6/the-second-digital-disruption-streaming-and-the-dawn-of-data-drive-creativity/">dans les revues académiques</a>, ce montant n’est aucunement digne de foi. Il est l’arrondi qui résulte de la somme de données par pays ramassées ici ou là il y a déjà plus de 15 ans par un site grand public d’agrégation d’information sur la consommation.</p>
<p>Ce comptage contient <a href="https://www.letagparfait.com/fr/2018/09/10/les-defappeurs-non-le-porno-ne-genere-pas-100-milliards-de-par-an/">plein de bizarreries</a> : le chiffre d’affaires réalisé aux États-Unis vient après celui de la Corée et du Japon ; le marché français occupe la 17<sup>e</sup> position, loin derrière les Philippines où pourtant la pornographie était à l’époque interdite et sévèrement réprimée. Pour ce pays, le chiffre utilisé est en réalité le montant estimé du marché noir, tous produits et services confondus ! Mieux vaut admettre que l’on ne connaît pas le chiffre d’affaires de la pornographie en ligne.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409267/original/file-20210701-21-gjjzdg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Fréquentation du site Pornhub au Royaume-Uni, par groupe d’âge.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ofcom.org.uk/__data/assets/pdf_file/0013/220414/online-nation-2021-report.pdf">Ofcom (septembre 2020).</a></span>
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<p>L’étude de l’Ofcom nous apprend aussi, cette fois sans surprise, que les hommes sont archi-majoritaires (4/5 des consommateurs en nombre de visiteurs uniques) sur Pornhub, le site leader du secteur, et que la proportion de consommateurs par classes d’âge atteint son plus haut pour les jeunes adultes, 55 % pour les 18-24 ans, puis décroît progressivement jusqu’à 23 % pour les 55 et +.</p>
<p>Elle offre également un point de comparaison presque rassurant : le chiffre d’une minute de consommation de porno par jour en moyenne par adulte sur septembre 2020 pour 3 heures et demie quotidiennes passées en ligne ce même mois. Nos amis britanniques pour lesquels nous commencions à sérieusement nous inquiéter accordent d’abord leur attention à Facebook et YouTube ou même Netflix. Pareil que les Européens et les Américains.</p>
<p>Nous ne leur ferons pas l’injure de penser qu’ils diffèrent fondamentalement des autres Occidentaux en matière de consommation pornographique. Dans ce domaine, il n’y a pas de raison qu’ils soient – et se sentent – supérieurs aux non Britanniques.</p>
<p>Mais pour avoir une idée chiffrée de la consommation mondiale, l’Autorité de régulation des communications du Royaume-Uni ne nous est d’aucun secours. Il nous faut alors faire crédit au site planétaire le plus populaire, Pornhub. Sa <a href="https://www.pornhub.com/insights/tech-review">revue annuelle 2020</a> fait état d’une fréquentation mondiale de 130 millions de visites par jour.</p>
<p>Facebook est connu pour surestimer ses audiences afin de récolter plus de recettes publicitaires. Pornhub, moins surveillé et moins transparent encore, est pareillement incité à gonfler sa fréquentation. On peut cependant retenir un ordre de grandeur de quelques dizaines de milliards de visites par an.</p>
<p>Pour l’audience tous sites confondus, elle n’est pas connue mais devrait être de plus d’une centaine de milliards. En effet, Pornhub est, à ma connaissance, le seul site qui communique des données publiques d’audience. Or, d’après l’étude de l’Ofcom, la part de marché de Pornhub en nombre de visites est de 22 %. Si l’on considère que l’audience mondiale de ce site est de 30 milliards de visites et si on lui applique une part de 20 %, on obtient donc une audience de 150 milliards.</p>
<p>On peut aussi sans doute se fier à l’évolution dans le temps de la fréquentation de Pornhub – un triplement de l’audience depuis 2013, première année de publication de ses données –, pour affirmer que la consommation mondiale de la pornographie connaît une forte croissance.</p>
<p>La pandémie du SARS-CoV-2, et son cortège de confinements, l’a encore accélérée. « Pornography is booming during lockdowns » (la pornographie est en plein essor pendant les confinements), comme l’affirme une <a href="https://www.economist.com/international/2020/05/10/pornography-is-booming-during-the-covid-19-lockdowns">courte enquête</a> de <em>The Economist</em>. Pas besoin d’explication pour le comprendre.</p>
<h2>Une industrie peu profitable</h2>
<p>Pour faire bref, la consommation de pornographie est désormais un phénomène de masse. Comment en est-on en arrivé là ? Une courte explication suffit : l’accès au porno est incroyablement libre, massivement gratuit et formidablement discret. Pas besoin de s’enregistrer, de donner une adresse électronique, ni de dépenser le moindre centime pour accéder à des millions de vidéos.</p>
<p>Pas non plus l’obligation de cacher sa revue obscène entre des journaux et des magazines ordinaires ni de porter des lunettes noires et un chapeau comme en sortant d’un cinéma de X ou d’un peep-show : les sites porno sont principalement consultés à partir du téléphone mobile, l’objet le plus personnel qui soit d’aujourd’hui.</p>
<p>En réalité, ce n’est pas Pornhub qui est moins transparent que Facebook mais MindGeek, la société qui en est propriétaire. Véritable Gafa du porno – quoique qu’installée au Québec et enregistrée au Luxembourg –, MindGeek possède également d’autres sites parmi les plus fréquentés au monde, gratuits ou payants, des studios de production, une régie publicitaire électronique, des programmes en propre de collecte et de traitement de données, et des jeux pour adultes.</p>
<p>Comme ses consœurs du Far West américain, elle est donc à la fois intégrée horizontalement (plusieurs activités du même secteur) et verticalement (plusieurs activités de l’amont à l’aval), ce qui lui confère une puissance inégalée dans l’industrie du porno.</p>
<p>Mais est-elle aussi profitable ? Non, loin s’en faut. L’industrie du porno n’est pas un Eldorado. Cela tient à des sources de recettes très contraintes et à un argent cher. L’accès au marché de la publicité est restreint. Les annonceurs ne se précipitent pas pour que leurs marques apparaissent sur Pornhub ou ailleurs. Unilever y a un temps vanté ses produits de toilette pour homme <a href="https://www.bordeaux.business/pornhub-business-comme-autre/">avant de faire machine arrière</a>.</p>
<p>La pornographie conserve une trop mauvaise image dans l’opinion pour y associer son nom et les associations militantes anti-porno sont promptes à dénoncer les marques. Le modèle d’affaires fondé sur la publicité généraliste, celui de Facebook ou Google par exemple, est barré pour la pornographie. Elle est condamnée à l’endogamie : annonceurs du X pour diffuseurs de X.</p>
<p>Pornhub et les autres grandes plates-formes s’y retrouvent car elles sont avant tout des intermédiaires. Elles mettent en relation, d’une part, des studios et des sites qui cherchent des clients payants et, d’autre part, des consommateurs de pornographie. Les premiers fournissent des vidéos en accès gratuit et les seconds, des fois, s’y abonnent ou payent des séances et vidéos à la demande. Au passage la plate-forme se rémunère principalement en se faisant payer la diffusion du gratuit sur leur site ou en percevant une commission sur l’abonnement ou la prestation payante en ligne.</p>
<p>Quant à la vente de données à l’extérieur, il ne faut pas non plus y compter pour apporter des compléments de recettes. Elle reviendrait à faciliter et se faire complice de pratiques de chantage à grande échelle. Trop risqué. Au bilan, les recettes des plates-formes de X restent très modestes. Idem pour MindGeek : selon le Financial Times, son chiffre d’affaires atteignait <a href="https://www.ft.com/content/b50dc0a4-54a3-4ef6-88e0-3187511a67a2">moins d’un demi-milliard de dollars</a> en 2018.</p>
<p>L’argent est cher pour deux raisons. D’abord, les paiements sont très coûteux. Les Visa et autres MasterCard prélèvent aux marchands de porno en ligne des commissions <a href="https://w3qc.org/are-adult-websites-still-a-profitable-business/">trois à dix fois plus élevées</a> que d’ordinaire. Elles reflètent un risque lié aux fraudes, aux paiements bloqués et aux annulations qui connaissent des taux records. De nombreux opérateurs de paiement, comme American Express ou Paypal, refusent leurs solutions de paiement aux plates-formes pornographiques en invoquant ces risques.</p>
<p>Ensuite, lever de l’argent n’est pas facile et les taux d’intérêt demandés par les investisseurs qui acceptent de financer cette industrie sulfureuse sont élevés. MindGeek n’a rien à voir avec Tesla ou Amazon qui ont pu réaliser leur croissance rapide en brûlant du cash apporté par des capital-risqueurs et des actionnaires trop heureux d’en être. Selon le Financial Times encore, MindGeek, très endetté, paye à ses créanciers des taux d’intérêt de 20 % et son profit représente moins de 10 % de son chiffre d’affaires.</p>
<p>Les entrepreneurs du porno en ligne peuvent toutefois devenir riches, à l’instar de György Gattyán, fondateur d’un site de webcam pour adultes sur les rives du Danube, mais devenir alors au mieux <a href="https://www.economist.com/international/2015/09/26/naked-capitalism">l’homme le plus fortuné en Hongrie</a>, pas des États-Unis.</p>
<h2>Addiction entretenue</h2>
<p>L’accès facile et gratuit à quelques plates-formes globales qui concentrent des millions de vidéos et la consommation massive qu’il permet soulève toute une série de problèmes qui paraissent évidents, mais dont il est difficile d’apprécier quantitativement l’étendue et d’évaluer objectivement les conséquences.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1098&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1098&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1098&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1380&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1380&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409312/original/file-20210701-21-3jup1h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1380&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le bilan de l’année 2019 du site Pornhub.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pornhub.com/insights/2019-year-in-review">Rapport annuel (2019).</a></span>
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<p>Il en va bien sûr de l’addiction. Le fond de la bouteille d’alcool ou la dernière cigarette du paquet instaurent une limite que le visionnage sur les sites de pornographie ne connaît pas. Il y a toujours une nouvelle vidéo gratuite à portée de clic et les sites payants offrent un accès illimité aux abonnés à leur catalogue d’anciens et de nouveautés, à l’instar des plates-formes de diffusion de musique ou de films et séries.</p>
<p>En 2019, le seul site de Pornhub a proposé plus d’un million d’heures de nouveau contenu. Son rapport annuel affiche avec fierté qu’il faudrait 169 ans à une personne pour les visionner non-stop. Les scènes en direct à travers des webcams sont les uniques services qui obligent à remettre de l’argent pour continuer de satisfaire sa consommation.</p>
<p>L’addiction reste bien sûr aussi entretenue par une collecte et un traitement de données qui permettent de cerner les préférences et les goûts particuliers des consommateurs et, à partir de là, mieux fabriquer des contenus qui continuent de capter leur attention. Le savoir-faire de MindGeek en matière de données est parfois <a href="https://finance.yahoo.com/news/porn-sites-collect-more-user-130045307.html">comparé à celui des plus grands</a> à l’instar de Netflix et Hulu.</p>
<p>L’ampleur du phénomène d’addiction à la pornographie en ligne et son degré de gravité restent cependant difficiles à apprécier. À défaut de statistiques, observons simplement que les centres de traitement des addictions ont désormais ouvert des consultations spécialisées pour les accros du porno.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/409311/original/file-20210701-19-1rkmp6h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=280&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Visionnage de contenus pornographiques en ligne par les adolescents.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/doc_num.php?explnum_id=4543">Ifop (2017).</a></span>
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<p>Un autre phénomène plus préoccupant, car nul doute qu’il soit plus massif, a trait à la consommation des adolescents (10-18 ans selon l’Organisation mondiale de la santé). D’après une enquête de l’Ifop menée en 2017 auprès d’un échantillon représentatif d’un millier d’entre eux, <a href="https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/index.php?lvl=notice_display&id=447723">plus de la moitié a déjà surfé sur un site pornographique</a>, dont 7 % déclarent se connecter « souvent » et 25 % « parfois ». Plus précisément, environ un tiers des garçons au moins une fois par mois dont 1 sur 10 tous les jours ou presque.</p>
<p>La première fois se situe en moyenne à 14 ans. La consommation de pornographie est donc également massive chez les adolescents. Je vous ai assommé de chiffres car, si vous êtes parent d’ado, il y a de fortes chances que vous sous-estimiez le phénomène : les parents sont <a href="https://www.actions-addictions.org/wp-content/uploads/2014/08/Sondage-synthese-version-finale-5-juin-2018.pdf">trois fois moins nombreux</a> à penser que leur progéniture consomme du porno qu’il n’y a d’enfants qui déclarent aux sondeurs consommer du porno.</p>
<p>Il n’y a pas de doute que cette consommation désormais banale exerce une influence sur la sexualité des adolescents. Selon l’Ifop toujours, près de la moitié des garçons et des filles ayant déjà eu un rapport sexuel ont essayé de reproduire des scènes ou des pratiques qu’ils ou qu’elles ont vu.</p>
<p>Il y assez peu de voix pour décerner une valeur éducative aux sites pornographiques et défendre l’idée que leur influence puisse alors être positive chez les adolescents. C’est faire en effet abstraction de l’image tronquée et déformée véhiculée par les vidéos pornographiques : aucune place au romantisme et à l’amour, absence de préliminaires et de signes d’affection, hommes hyperpuissants, femmes ramenées au rang d’objet, toujours consentantes donc sans qu’il soit besoin de le leur demander, brutalité et violence très souvent la règle, etc.</p>
<p>La science économique a mis en évidence et a même théorisé l’importance du mimétisme dans les marchés financiers, mais elle ne s’est pas aventurée à étudier le phénomène dans le cas qui nous intéresse ici. Il m’est donc difficile de me prononcer sur l’ampleur des effets négatifs de la consommation des adolescents. À ma connaissance, mais elle reste sommaire, mes collègues de sciences humaines n’ont pas l’air d’être beaucoup plus avancés sur la question. Elle me semble donc rester encore aujourd’hui sans réponse solide.</p>
<p>Il n’y a en revanche pas débat sur les ravages pour les enfants et les adolescents filmés. Bien que la pédopornographie soit quasi-universellement condamnée et poursuivie, elle ne se cantonne pas à l’Internet clandestin. Une <a href="https://www.nytimes.com/2020/12/04/opinion/sunday/pornhub-rape-trafficking.html">enquête</a> du New York Times a montré en 2020 qu’il était parfaitement possible de rechercher et de trouver sur Pornhub des vidéos impliquant des moins de 18 ans et que le site hébergeait, entre autres atrocités, des séquences filmées de viol et de frappe d’enfants.</p>
<p>Le Gafa du porno a rapidement réagi en supprimant plusieurs millions de vidéos de son catalogue, les vidéos qui avaient été téléchargées par des personnes privées ou des professionnels sur ses serveurs sans qu’aucun contrôle et filtrage n’ai jamais été exercé.</p>
<p>Il reste cependant difficile de savoir quelles mesures de vérification ont été prises depuis, ainsi que leur efficacité. L’article du New York Times avançait le chiffre de 80 modérateurs de contenu dans le monde pour l’ensemble des sites de MindGeek. Ils sont 15 000 chez Facebook. Facebook qui s’était vu reproché par un professeur des écoles d’avoir fermé son compte après qu’il y eut affiché une <a href="https://www.telerama.fr/medias/facebook-vs-lorigine-du-monde-la-justice-considere-quil-y-a-eu-faute,-mais-ne-condamne-pas,n5528912.php">reproduction de <em>L’origine du monde</em> de Gustave Courbet</a>. Le Tribunal de grande instance de Paris saisi par l’affaire a donné tort à l’entreprise californienne. N’y aurait-il pas des combats et priorités plus urgentes ?</p>
<h2>Comment réguler ?</h2>
<p>Arrêtons-là la liste déprimante des effets négatifs de la pornographie en ligne (sans prétendre, hélas, les avoir tous cités) pour s’interroger sur les mesures de politique publique à prendre, en d’autres termes sur la régulation à mettre en œuvre.</p>
<p>Cette partie ne sera cependant pas très longue. Avant de savoir s’il convient de réglementer pour résoudre tel ou tel problème, il est en effet nécessaire d’en connaître l’ampleur. Une réglementation qui peut être coûteuse à mettre en œuvre et à faire respecter n’est justifiée que devant l’étendue et la gravité des effets à corriger et à éliminer.</p>
<p>Or, comme nous l’avons vu, ils sont très mal connus et mesurés. Il y a une surabondance de croyances et peu de connaissances avérées. Pour certains, à l’instar d’un journaliste américain qui se vante d’<a href="https://www.psychologytoday.com/ca/blog/all-about-sex/200904/does-pornography-cause-social-harm">écrire sur la sexualité depuis 36 ans</a>, la pornographie ne cause aucun dommage social, ce qui réglerait alors la question.</p>
<p>Viennent à l’appui de sa thèse des pseudo-travaux qui montreraient, contrairement aux clichés, une moindre consommation de pornographie chez les violeurs ou les maris qui divorcent. Pour d’autres, la pornographie est à bannir car elle crée des <a href="https://nofap.com">désordres physiques quasi irréversibles</a> et est une des principales causes des violences contre les femmes. Là encore, les arguments reposent sur des croyances plutôt que sur des résultats d’études bien menées et des liens de causalité établis.</p>
<p>Mais comment pourrait-il en être autrement quand elles manquent en nombre mais aussi et surtout en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0272735820301136">qualité</a> ? On ne sait finalement <a href="https://theconversation.com/incidences-de-la-pornographie-sur-les-comportements-ou-en-est-la-recherche-117133">pas grand-chose</a>.</p>
<p>En attendant de disposer de connaissances suffisantes, le principe de précaution pourrait justifier l’intervention publique. Mais pour éviter de trop mal faire, il serait nécessaire d’étudier, de comparer et d’évaluer les réglementations qui existent déjà. Mais, là encore, les travaux manquent.</p>
<p>Prenons les mesures pour limiter l’accès des plates-formes pornographiques aux adolescents. Il y en a de toutes sortes, l’obligation de déclarer être âgé de plus de dix-huit ans, le blocage des sites, le contrôle parental, la sensibilisation des parents, etc. Mais on ne sait pas ce qui marche, et lorsque cela ne marche pas, à l’exemple de l’initiative du Royaume-Uni abandonnée après plusieurs années d’un système de vérification de l’âge, on ne sait pas pourquoi…</p>
<p>Il existe de nombreuses études de synthèse et recherches sur les meilleures façons de réguler les réseaux électriques et de télécommunications, je n’ai rien trouvé sur la régulation de la pornographie en ligne. Mais ai-je peut-être insuffisamment cherché ?</p>
<p>Voilà, je me suis lancé et j’espère que ce n’était pas inutile d’apporter ces informations. Je pourrais conclure logiquement en appelant mes collègues économistes et de sciences humaines à plus s’intéresser à ce sujet, en particulier ceux qui travaillent déjà sur la drogue, la prostitution ou le jeu d’argent et donc connaisseurs de phénomènes analogues et des régulations pour les limiter. Mais je ne le ferai pas car je suis moi-même décidé à ne pas lui consacrer plus de temps. Trop déprimant, peu gratifiant et pas du tout amusant.</p>
<hr>
<p><em>François Lévêque vient de publier chez Odile Jacob « <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-lere-des-entreprises-hyperpuissantes-touche-t-elle-a-sa-fin-157831">Les entreprises hyperpuissantes</a> – Géants et Titans, la fin du modèle global ? »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163735/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Lévêque ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les phénomènes d’addiction ou les impacts négatifs sur la sexualité des adolescents semblent difficiles à endiguer tant l’offre en ligne est aujourd’hui pléthorique et facile d’accès.François Lévêque, Professeur d’économie, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1584722021-04-18T15:01:39Z2021-04-18T15:01:39ZPornographie en ligne : des risques préoccupants pour les adolescents<p>L’adolescence est une période de <a href="https://www-cairn-info.bases-doc.univ-lorraine.fr/enjeux-du-developpement-de-l-enfant-et-de-l-adoles--9782749239033.htm">bouleversements</a> et de maturations physiques, biologiques et psychiques. Pour les jeunes, Internet va alors sembler un lieu privilégié pour chercher des informations et partager des questionnements, les confrontant seuls aux dangers et aux risques de cette utilisation.</p>
<p>Un adolescent sur cinq serait <a href="https://doi.org/10.1111/jcpp.12197">concerné par un de ces risques</a> : cyberharcèlement, contact avec des inconnus, utilisation de sexting et usage de la pornographie.</p>
<p>La confrontation avec la pornographie en ligne est un risque qui questionne. En effet, le nombre de sites de cet ordre s’est multiplié de manière exponentielle : en 2007, il existait déjà plus de <a href="http://www.ministryoftruth.me.uk/wp-content/uploads/2014/03/IFR2007.pdf">4 millions de sites d’ordre pornographique</a> sur Internet et, souvent, il suffit de valider « être majeur » ou « avoir plus de 18 ans » pour y accéder. <a href="https://www.arcom.fr/nos-ressources/etudes-et-donnees/mediatheque/frequentation-des-sites-adultes-par-les-mineurs">La part de mineurs qui les consulte a progressé de 9 points en seulement 5 ans</a>, passant de 19% fin 2017 à 28% fin 2022, révèle une étude de l'Arcom (Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique) publiée en mai 2023. <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/un-mineur-sur-trois-regarde-du-porno-au-moins-une-fois-par-mois-alerte-une-etude-de-l-arcom-20230525">2,3 millions de mineurs seraient ainsi exposés à des images pornographiques pendant plus de 50 minutes en moyenne chaque mois</a>.</p>
<p>L’usage de la pornographie en ligne par les jeunes à un moment crucial de leur développement, amène à s’interroger sur les conséquences d’un point de vue comportemental, sexuel et psychologique. </p>
<p>Quels sont les facteurs qui peuvent expliquer que certains adolescents sont plus vulnérables que d’autres ?</p>
<h2>Plus d’adolescents exposés que d’adolescentes</h2>
<p>La confrontation à du contenu pornographique en ligne peut être accidentelle, résultant notamment de fenêtres « pop-up » qui s’ouvrent lors de recherche d’informations sur la santé ou sur des thèmes pouvant avoir ou non un caractère sexuel ou de mails non désirés. <a href="https://doi.org/10.1016/j.jadohealth.2018.03.012">Une étude de 2017</a> a estimé qu’un adolescent sur cinq aurait été ainsi exposé à du matériel pornographique de manière accidentelle.</p>
<p>Une autre étude en France a montré que 58 % des garçons et 45 % des filles avaient vu leur première image pornographique <a href="https://doi.org/10.1016/j.sexol.2017.09.003">avant l’âge de 13 ans</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394733/original/file-20210413-13-h3k082.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La confrontation à du contenu pornographique peut être accidentelle, due notamment à l’ouverture de fenêtres « pop-up ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/frightened-little-child-laptop-room-danger-1415598014">Shutterstock</a></span>
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<p>L’exposition peut également être intentionnelle : les études estiment que plus de la moitié des adolescents consultent régulièrement des sites pornographiques en ligne. Ces consultations volontaires relèvent principalement de trois raisons : la recherche d’informations d’ordre sexuel, la mise en connexion avec quelqu’un, et le divertissement ou l’excitation sexuelle.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1080/00224499.2016.1143441">les chercheurs Jochen Peter et Patti Valkenburg</a> ont pu noter en 2016 que les adolescents concernés étaient plus souvent des garçons, dans un stade de puberté précoce, à la recherche de sensations et qui rencontraient des difficultés relationnelles dans leur famille.</p>
<h2>Phénomène d’habituation</h2>
<p>Il est difficile de déterminer les causes ou conséquences de la consultation de ce type de contenu en ligne tant les facteurs peuvent se recouper avec les conséquences. Par exemple, l’usage de la pornographie en ligne peut rentrer en conflit avec le développement psychosexuel et prédire l’incertitude sexuelle notamment chez les filles, mais aussi déclencher des symptômes dépressifs si l’exposition intentionnelle est trop précoce.</p>
<p>L’utilisation du matériel pornographique en ligne est liée à des comportements qualifiés d’instrumentaux ou de récréatifs, c’est-à-dire des comportements sexuels qui valorisent davantage la satisfaction du plaisir physique personnel que l’aspect affectif dans la relation.</p>
<p>La fréquence de son usage affecte les croyances sur le rôle des genres dans les relations sexuelles, mettant en avant des croyances stéréotypées : la notion de femme-objet sexuel dans un rôle de passivité et de soumission, et la notion de masculinité avec l’image de la domination et de l’agression.</p>
<p>Les études ont pu montrer que progressivement, avec l’âge et la fréquence de l’utilisation, un phénomène d’habituation se met en place amenant à explorer d’autres thèmes sexuels, voire à caractère de violence. Ainsi, il a été retrouvé un lien entre les usagers réguliers et <a href="https://doi.org/10.1002/ab.21854">l’utilisation de la contrainte et de l’abus</a> dans les relations sexuelles.</p>
<p>La consommation de substances psychoactives ou d’alcool a été retrouvée significativement liée à l’usage de la pornographie en ligne mais aussi à la pratique du sexting. Les substances psychoactives agissent sur la sensation de désinhibition en l’accentuant, et permettent d’atténuer le ressenti des émotions comme la honte ou la culpabilité. Un phénomène d’association se met alors en place : l’usage de la pornographie en ligne ou de sexting se retrouve progressivement associé à la consommation de substances ou d’alcool, créant ainsi un [conditionnement].</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/394767/original/file-20210413-23-tbuc82.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’usage de la pornographie en ligne peut déclencher des symptômes dépressifs si l’exposition intentionnelle est trop précoce..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/teenager-girl-suffering-internet-cyber-bullying-1262259604">Shutterstock</a></span>
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<p>Les résultats scolaires semblent impactés par l’usage du matériel pornographique en ligne. Or, il reste difficile de dissocier l’usage de l’écran de l’usage de la pornographie en ligne. L’impact sur les performances scolaires serait sans doute directement lié à un <a href="https://doi.org/10.1177/0272431614548069">usage excessif des écrans</a>, qui lui-même aurait un impact sur le sommeil, les capacités d’apprentissages, d’attention et de mémorisation.</p>
<h2>Facteurs de risques</h2>
<p>Les études ont pu montrer que des facteurs prédisposaient à l’usage de la pornographie en ligne. Les adolescents présentant ces facteurs développent un usage plus important du matériel pornographique en ligne.</p>
<p>D’abord, plus l’usage d’Internet est important et plus il augmente le risque d’être confronté de manière accidentelle à des sites d’ordre pornographique. Cette augmentation va attiser la curiosité sexuelle, favoriser le développement de l’usage intentionnel et diminuer l’autorégulation. Une connexion plus rapide, un accès privé, l’usage de réseaux sociaux et de faibles règles parentales <a href="https://doi.org/10.1111/hcre.12098">majorent</a> cet effet.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1358705556731625474"}"></div></p>
<p>L’adolescence est une période où le regard des pairs revêt une importance non négligeable. Faire partie d’un groupe, être reconnu et accepté par ses pairs sont des besoins qui vont influencer la prise de décision et les comportements des adolescents. Les études ont pu montrer que les adolescents perçoivent une norme sexuelle à travers le discours des pairs, norme à laquelle ils vont tenter de se conformer.</p>
<p>L’influence des pairs sera d’autant plus grande si l’adolescent ne dispose pas de facteur de protection et s’il est un utilisateur de réseaux sociaux, ceux-ci <a href="https://doi.org/10.1080/00224499.2019.1623163">altérant</a> la perception des pairs.</p>
<p>Le développement psychosexuel englobe plusieurs notions : le stade de puberté, l’identité sexuelle et le niveau de permissivité sexuelle. Les études ont montré que les adolescents utilisent le matériel pornographique en ligne en fonction de leur stade de puberté : ceux dont le développement pubertaire semble complet sont des utilisateurs plus fréquents comparativement à ceux se situant en début de leur développement pubertaire.</p>
<p>Le niveau de permissivité sexuelle (attitudes sexuelles en dehors de toute relation engagée ou amoureuse) semble prédire l’utilisation du matériel pornographique en ligne. Le niveau de permissivité sera d’autant plus important que l’adolescent n’aura pas intégré de <a href="https://doi.org/10.1007/s11482-018-9604-5">normes sociales</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-dangers-du-web-pour-les-jeunes-fake-news-ou-vrais-risques-87119">Les dangers du web pour les jeunes : fake news ou vrais risques ?</a>
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<p>Les résultats des études du lien entre comorbidités psychiatriques et l’utilisation du matériel pornographique en ligne révèlent que les symptômes dépressifs, une faible estime de soi et de satisfaction de la vie <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10964-015-0326-9">seraient prédictifs</a> de l’usage de la pornographie en ligne. De même, la recherche de sensations qui est un trait de personnalité retrouvé dans les comportements avec prise de risque (tels que l’usage de substance, les sports à risque…) semble aussi prédire cet usage.</p>
<p>L’influence de ces facteurs prédisposant à l’usage du matériel pornographique sera moindre ou au contraire accentuée selon la présence ou l’absence d’un facteur protecteur. Par exemple, le rôle des parents est primordial : des parents qui exercent un contrôle psychologique important vont accentuer l’influence des pairs alors que des parents qui privilégient la discussion vont avoir un effet inverse.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-adolescents-face-aux-ecrans-faut-il-repenser-le-discours-de-prevention-129675">Les adolescents face aux écrans : faut-il repenser le discours de prévention ?</a>
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<p>De même, les facteurs interagissent entre eux renforçant ainsi leur impact. Par exemple, un adolescent présentant des symptômes dépressifs avec une faible estime de soi et des difficultés à s’affirmer va avoir plus facilement tendance à s’isoler, à renforcer l’usage des écrans et dans ce cas être plus vulnérable aux sollicitations sexuelles sur Internet.</p>
<h2>Facteurs de protection</h2>
<p>Deux facteurs de protection de l’usage de la pornographie en ligne ont été identifiés : le dialogue sur l’usage de la pornographie en ligne dans le cadre familial, et la pratique d’une religion.</p>
<p>Les professionnels de l’adolescence et l’entourage des adolescents partagent souvent l’inquiétude de savoir si le fait d’évoquer la problématique de la pornographie en ligne serait incitateur ou protecteur. Dans les études, il est montré qu’évoquer cet usage aurait un <a href="https://doi.org/10.1080/00224499.2018.1501549">effet protecteur</a>. Cette ouverture au dialogue permet aux adolescents de se sentir écoutés, pris en compte. La discussion et les échanges permettent de faire passer des informations.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/VGHZhIFQrVE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Adolescents : que faut-il leur dire face au porno ? (RFI, « 7 milliards de voisins », juin 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>En revanche, la mise en place de pare-feu ou d’interdictions par les parents auraient un effet incitateur : braver l’interdit. Un fonctionnement familial ouvert au dialogue va protéger l’adolescent de <a href="https://doi.org/10.1007/s10508-017-1097-z">cet usage</a>.</p>
<p>La pratique d’une religion ou les croyances religieuses aurait un rôle protecteur en facilitant non seulement l’intégration des normes sociales, mais aussi la réflexion, l’autorégulation personnelle, et le contrôle social. L’adolescent se voit alors en mesure de questionner ce qu’il voit en <a href="https://doi.org/10.1016/j.adolescence.2016.03.017">faisant des liens</a> avec des notions de respect, de réalité et aussi de partage.</p>
<p>Pour conclure, la consultation du matériel pornographique en ligne dans la période de l’adolescence est un phénomène de plus en plus précoce et important. Derrière la banalisation, peuvent se cacher des problématiques en plein développement. Prévenir l’usage permet de développer l’esprit critique des adolescents. Un programme de prévention adapté doit prendre en compte l’ensemble de ces facteurs afin d’accroître les facteurs de protection et de diminuer les facteurs à risque.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/158472/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sandrine Charnier travaille pour la Maison des Addictions de Nancy (CSAPA) du CPN (Centre Psychothérapique de Nancy)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Joëlle Lebreuilly et Martine Batt ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>58 % des garçons et 45 % des filles auraient vu leur première image pornographique avant l’âge de 13 ans. Quels en sont les risques et comment mieux en protéger les adolescents ?Sandrine Charnier, Doctorante en psychologie- Psychologue clinicienne - Psychothérapeute -, Université de LorraineJoëlle Lebreuilly, Maîtresse de conférences en psychologie, Université de LorraineMartine Batt, Professeur des universités, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1504852020-11-19T23:17:49Z2020-11-19T23:17:49ZRegarder du porno est-il mauvais pour la santé ? Cinq experts répondent<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/370470/original/file-20201119-18-18ikcrk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=89%2C26%2C5897%2C3967&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les sites « pour adultes » ont fait beaucoup parler d’eux pendant le premier confinement.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Pendant le confinement dû au coronavirus, le taux de visionnage de films pornographiques aurait grimpé en flèche, certains sites « pour adultes » entretenant le buzz en proposant un accès gratuit à leurs contenus pendant la durée de l’isolement.</p>
<p>Peut-être vous êtes-vous demandé à cette occasion si la consommation de contenus pornographiques pouvait avoir des effets délétères sur la santé ?</p>
<p>Nous avons posé la question à cinq experts.</p>
<hr>
<h2>Trois experts sur cinq ont répondu oui</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=99&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/345928/original/file-20200707-27837-n0addf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=125&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les principales préoccupations des experts interrogés portent sur le fait que la pornographie engendre des attentes irréalistes, qu’elle met en scène la violence sexiste et qu’elle peut comporter un risque de dépendance.</p>
<p>Certains experts ont cependant aussi suggéré que ces préjudices potentiels peuvent être désamorcés grâce à une éducation à la sexualité appropriée, et que dans certains cas, la pornographie peut jouer un rôle positif, notamment pour les jeunes LGBTIQ+ qui peinent à trouver des informations sur la sexualité par des voies classiques.</p>
<p>Voici leurs réponses détaillées :</p>
<p><iframe id="tc-infographic-548" class="tc-infographic" height="400px" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/548/bfde445540a866080ea944fe0eada641197b6ad6/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150485/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Si certains experts s’inquiètent des attentes irréalistes que peut créer le porno, de sa violence sexiste, et de son potentiel addictif, d’autres pensent que l’éducation peut contrer ces méfaits.Lionel Cavicchioli, Chef de rubrique Santé + Médecine, The Conversation FranceLiam Petterson, Deputy Politics Editor, The Conversation AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1421152020-07-09T17:00:31Z2020-07-09T17:00:31ZPetit guide du sexe à Pompéi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345869/original/file-20200706-21-5b82or.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C65%2C1721%2C1049&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pose du « cheval érotique », fresque du lupanar de Pompéi.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/13/Pompeii_-_Lupanar_-_Erotic_Scene_-_MAN.jpg">Wikimedia</a></span></figcaption></figure><p>La magnifique exposition parisienne consacrée à Pompéi (au Grand Palais, du 1<sup>er</sup> juillet au 27 septembre 2020) est destinée à tous publics.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1038&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1038&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1038&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1304&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1304&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346593/original/file-20200709-30-1tlidl0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1304&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Baiser (Galatée et Polyphème), fresque de Pompéi. Musée Archéologique, Naples.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Erotic_art_in_Pompeii_and_Herculaneum#/media/File:Polyphemus_and_Galatea_kissing,_Pompeii.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Difficile dans ces conditions de mettre en valeur l’art pornographique romain qui constitue pourtant l’une des richesses du célèbre site archéologique.</p>
<p>Le sexe était omniprésent à Pompéi. Rares étaient les demeures qui ne possédaient pas leur peinture érotique, sans compter les nombreuses tavernes, les thermes publics ou encore les bordels, abondamment décorés d’images très explicites. Voici un petit catalogue des principales poses représentées. Attention, cette visite s’adresse à un public averti !</p>
<h2>La pose du « cheval érotique »</h2>
<p>Commençons par quelques préliminaires. Pour les Romains, il n’y avait rien de mieux que quelques baisers suaves. Ils embrassaient fréquemment les prostituées sur la bouche.</p>
<p>Ensuite, l’une des poses les plus représentées est le « cheval érotique » ou <em>equus eroticus</em>, en latin. La femme chevauche l’homme confortablement étendu sous elle. Il existe plusieurs versions de cette pose : la femme est agenouillée ou bien accroupie, en équilibre sur ses jambes ; ce qui facilite les mouvements de son bas-ventre.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=689&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346594/original/file-20200709-38-a3ges2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=866&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Cheval érotique », relief en marbre provenant de Pompéi. Musée archéologique, Naples.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d8/Museo_Nazionale_Napoli_Gabinetto_Segreto_Relief_From_Pompeji.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elle peut ainsi danser sur le sexe en érection qu’elle guide dans un mouvement pendulaire. Pour ne pas tomber en avant, elle prend parfois appui sur la tête de son partenaire. Autre variante : elle tourne le dos à l’homme et place ses mains sur ses genoux afin de bien conserver l’équilibre durant ses va-et-vient.</p>
<h2>Cunnilingus</h2>
<p>Le cunnilingus était considéré comme dégradant s’il était pratiqué par un homme important. « Lèche-vagin » était d’ailleurs, à l’époque, l’une des pires insultes pour un citoyen romain. Certaines riches Romaines se faisaient lécher par leurs esclaves, comme le raconte le poète latin Martial (<em>Epigrammes</em> IX), sans doute à l’insu de leurs maris, ou une fois devenues veuves.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=824&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1035&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1035&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346596/original/file-20200709-50-159qgvb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1035&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cunnilingus, fresque des thermes suburbains de Pompéi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/13/Pompeii_-_Terme_Suburbane_-_Apodyterium_-_Scene_IV.jpg/512px-Pompeii_-_Terme_Suburbane_-_Apodyterium_-_Scene_IV.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Sur une mosaïque des thermes de la Trinacrie, à Ostie, le port de Rome, on peut lire une bien étonnante inscription latine : <em>statio cunnulingiorum</em> ; c’est-à-dire « le coin des lécheurs de vagins ». S’agissait-il d’une expression humoristique seulement destinée à faire rire les clients, ou bien désignait-elle très sérieusement la pièce <a href="http://www.ostia-antica.org/regio3/16/16-7.htm">où des prostitués vendaient à des femmes les services de leur langue ?</a></p>
<h2>Fellation</h2>
<p>« Une épouse légitime et née libre n’avait pas à pratiquer la fellation », <a href="https://theconversation.com/dans-la-valise-des-chercheurs-sexe-matrones-et-prostituees-de-la-rome-antique-99562">rappelle l’historienne Virginie Girod dans son livre sur la sexualité des Romaines</a>.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=836&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=836&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=836&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346597/original/file-20200709-46-1wtat5f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1050&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Fellation, fresque des thermes suburbains, Pompéi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/8f/Pompeii_-_Terme_Suburbane_-_Apodyterium_-_Scene_III.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour ce type de plaisir, les maîtres exploitaient leurs esclaves, filles ou garçons. La fellatrice comme le fellateur appartenaient à une condition sociale inférieure à leur partenaire, selon les codes de l’époque.</p>
<p>Les pauvres, voire les esclaves eux-mêmes, devaient se contenter des « louves », c’est-à-dire des prostituées qui œuvraient dans les lupanars et les tavernes. Des graffiti, laissés sur les murs de ces lieux de prostitution, témoignent du succès de certaines « suceuses » ou, au contraire, de l’insatisfaction de clients s’estimant mal servis. « Sabina, tu fais des fellations, mais tu ne les fais pas bien », se plaint un homme déçu. Les graffitis nous renseignent aussi sur les tarifs particulièrement bas de ces prestations considérées comme banales : 2 as (c’est-à-dire deux pièces de bronze seulement) pour une fellation rapide dans l’arrière-boutique d’une taverne. Le même prix qu’un repas pris sur le pouce ! <a href="https://www.pourlascience.fr/sd/archeologie/dossier-pompei-la-prostitution-omnipresente-5758.php">Sans doute l’équivalent aujourd’hui de 6 ou 8 euros</a>.</p>
<h2>Levrette et sodomie</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=545&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=684&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=684&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346598/original/file-20200709-46-1yk4hug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=684&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sodomie ou levrette, fresque du lupanar, Pompéi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/ad/Pompeii_brothel_2.jpg">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une relation plus longue était bien sûr plus chère. Il fallait louer une petite chambre, parfois une minuscule cellule ne disposant <a href="https://theconversation.com/the-grim-reality-of-the-brothels-of-pompeii-88853">que d’un matelas posé sur une couche en briques</a>.</p>
<p>Les fresques de Pompéi ne permettent pas toujours de bien voir si le client pénètre le vagin ou l’anus de sa partenaire. Levrette ou sodomie ? En général, le coït vaginal était pratiqué dans le cadre conjugal, le but du mariage étant de faire des enfants. Les prostituées, elles, devaient privilégier la sodomie. Elles évitaient ainsi de tomber enceintes et de se retrouver indisponibles pendant de longs mois.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346599/original/file-20200709-58-up2y6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Pompeii Casa del Ristorante.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a7/Pompeii_-_Casa_del_Ristorante_2.jpg">Wikipedia</a></span>
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<p>Les fresques pompéiennes nous offrent de nombreuses variantes de ces coïts. L’homme à genoux pénètre la femme à quatre pattes devant lui. D’une main ferme, il maintient la croupe ou le dos de sa partenaire. Il lève un bras pour manifester son plaisir. La femme peut être passive ou active, bougeant les fesses pour guider le coït.</p>
<p>Sur une peinture, un jeune homme debout pénètre une femme allongée sur le dos, les jambes en l’air. Notez que, cette fois, c’est elle qui paraît éprouver un certain plaisir, si l’on en croit son bras droit relevé.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=507&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346605/original/file-20200709-18-1viir0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=637&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Coït vaginal ou sodomie, fresque de Pompéi. Musée Archéologique, Naples.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://zh.wikipedia.org/wiki/File:Pompeii_-_Erotic_Scene_2_-_MAN.jpg">Wikipedia</a></span>
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<h2>Une pornographie prophylactique et humoristique</h2>
<p>Le terme « pornographie » est d’origine grecque. Il est composé de <em>graphein</em> (« écrire » ou « dessiner ») et de <em>porné</em>-, « prostituée ». D’un point de vue étymologique, est pornographique la représentation d’esclaves sexuels ou de prostitués des deux sexes, en action, ou soumis à des pénétrations. Exactement ce que représentent de nombreuses fresques de Pompéi.</p>
<p>Comme l’ont souligné quelques historiens, <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/2004/08/12/le-plaisir-dans-la-liberte_375324_1819218.html">ces scènes jouaient un rôle prophylactique</a>. Il s’agissait de provoquer chez le spectateur un rire ressenti comme bénéfique et susceptible d’écarter le malheur.</p>
<p>Dans les vestiaires des thermes dits « suburbains » (car ils se trouvent au sud de la ville), les peintures pouvaient aussi servir de point de repère. Le client gardait facilement en tête le type de coït figuré à l’endroit où il avait déposé ses vêtements. <a href="http://denaturarerum.fr/le-sexe-de-lart-antique-cyril-dumas/">Une pornographie mnémotechnique en quelque sorte</a>.</p>
<p>Mais l’art servait aussi à l’expression de la morale sexuelle du moment. En matière de sexe, les Romains distinguaient le licite et l’illicite. La sexualité était liée à des règles très strictes qui imposaient des comportements déterminés par le statut social de chaque individu.</p>
<p>Le citoyen romain dominant devait jouer un rôle perçu comme viril, sans quoi il était condamné par ses pairs. Les rapports sexuels impliquaient des relations de pouvoir entre dominants (citoyens romains, parfois riches maîtresses de maison) et dominés (esclaves, prostitués des deux sexes), même si l’opposition entre passivité et activité n’est pas pertinente. En effet, une prostituée, femme dominée par excellence, pouvait se montrer très active physiquement, notamment lorsqu’elle chevauchait son client.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=825&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/346600/original/file-20200709-26-1wkb6ub.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1036&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Triolisme, fresque des thermes suburbains, Pompéi.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Pompeii_-_Terme_Suburbane_-_Apodyterium_-_Scene_VI.jpg">Wikipedia</a></span>
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</figure>
<p>Une scène de triolisme visible dans les thermes suburbains pourrait revêtir une signification morale. On voit un homme sodomisé par un autre homme, alors qu’il est lui-même en train de pénétrer une femme à quatre pattes devant lui. Peut-être s’agit-il de l’épouse, surprise en flagrant délit d’adultère par son mari qui se venge ainsi en sodomisant l’amant de sa femme ?</p>
<p>Interpréter les fresques de Pompéi comme des représentations d’une sexualité épanouie et sans complexe serait un contresens. On n’y trouve pas l’éloge de l’amour libre mais des <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-fabrique-de-l-histoire/histoire-de-la-sexualite-44">pratiques dictées par une morale sexuelle contraignante</a>.</p>
<p>Le plaisir partagé entre deux amants consentants n’est guère mis à l’honneur. L’art érotique vante surtout la satisfaction, vue comme légitime, d’individus dominants qui exploitent les jouets sexuels vivants, mis à leur disposition par la prostitution et l’esclavage.</p>
<p>Toutes ces fresques n’en demeurent pas moins fascinantes, à la fois d’un point de vue esthétique et comme autant de témoignages du passé. Elles inspirent encore le présent, comme l’a montré, en 2013, une étonnante exposition au <em>Contemporary Art Museum</em> de Casoria, <a href="https://casoriacontemporaryartmuseum.com/it/eroticam-gabinetto-segreto-ii/">pas très loin des ruines de Pompéi</a>.</p>
<hr>
<p><em>Christian-Georges Schwentzel a publié <a href="https://www.payot-rivages.fr/payot/livre/le-nombril-daphrodite-9782228924795">« Le Nombril d’Aphrodite, une histoire érotique de l’Antiquité »</a>, aux éditions Payot.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142115/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À Pompéi, les tavernes, les bains publics et les bordels étaient décorés de peintures pornographiques. Attention, ce petit guide du sexe pompéien s’adresse à des lecteurs avertis !Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1420792020-07-08T21:46:16Z2020-07-08T21:46:16ZVibromasseur, bondage, sado-masochisme… de la libération à la « pornification » de la sexualité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/345763/original/file-20200706-3947-l0nmly.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C1185%2C801&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’ici 2024, le marché mondial du bien-être sexuel devrait atteindre 39&nbsp;milliards de dollars.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Alexkoral / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les filles et les femmes sont-elles plus libérées sexuellement que jamais ? C’est ce que suggère le <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=GFsvDwAAQBAJ">succès</a> de certains produits : des vibromasseurs aux accessoires de bondage, le marché sexualisé a transformé les pratiques sexuelles transgressives en affaires domestiques quotidiennes.</p>
<p>Mais cette liberté sexuelle est-elle vraiment libératrice ? Ou transforme-t-elle les femmes d’objets sexuels de désir masculin en sujets sexuels à part entière ?</p>
<p>Telles sont les questions que nous avons cherchées à explorer dans notre <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470593120926240">étude</a> sur la vie sexuelle et intime des jeunes femmes, à travers une série d’entretiens approfondis. Au cours de ces entretiens, qui se sont déroulés dans un état du sud des États-Unis, nous avons été frappées par la façon dont les relations sexuelles et intimes des femmes reflètent les tendances à la « pornification », notamment en ce qui concerne les relations soumission/domination.</p>
<h2>De <em>Sex and the City</em> à <em>365 jours</em></h2>
<p>Les dernières décennies ont vu l’émergence d’une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1363460718781342">industrie érotique orientée vers les femmes</a>, avec des boutiques érotiques sensibles à la mode, un marché pour les créateurs de jouets sexuels de marque et une attirance sur les pratiques sexuelles risquées et taboues dans la culture populaire, les manuels de sexe, les blogs ou les podcasts.</p>
<p>D’ici 2024, le marché mondial du bien-être sexuel (jouets sexuels, lubrifiants, lingerie exotique, etc.) devrait atteindre <a href="https://www.reportbuyer.com/product/5151520/sexual-wellness-market-global-outlook-and-forecast-2019-2024.html">39 milliards de dollars</a>. Ce chiffre est renforcé par l’industrie de la pornographie en ligne, dont la valeur est actuellement estimée à <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2018/dec/30/internet-porn-says-more-about-ourselves-than-technology">15 milliards de dollars</a>.</p>
<p>Ensemble, ces tendances reflètent cette <a href="https://www.nytimes.com/2005/09/11/books/review/pornified-dirty-minds.html">« pornification » de la culture</a>, par laquelle les thèmes et récits pornographiques s’intègrent dans les textes populaires, mettant en évidence et normalisant certains types de sexualité.</p>
<p>Les exemples contemporains de pornographie remontent aux années 1990, après la première de HBO’s <em>Sex and the City</em> (1998-2004), qui a normalisé le sexe occasionnel et popularisé les jouets sexuels, comme le vibrateur haut de gamme Rabbit, pour <a href="http://shura.shu.ac.uk/2763/">toute une génération de femmes</a>. C’est l’un des premiers cas où le sexe a été réimaginé comme étant libérateur, quelque chose que les femmes font pour se faire plaisir à elles plutôt qu’à leurs homologues masculins.</p>
<p>La commercialisation consécutive, des cours de pole dance aux talons aiguilles, plates-formes de rencontre et guides sexuels du kamasutra, a depuis refondu la sexualité de manière à célébrer ostensiblement l’autonomie, la féminité et le <a href="https://www.researchgate.net/publication/274704981_Technologies_of_Sexiness_Sex_Identity_and_Consumer_Culture">pouvoir sexuel des femmes</a>. En 2011, le premier épisode des <em>Cinquante nuances de Grey</em> (<em>Fifty Shades of Grey</em>) trilogie érotique popularisant le BDSM – une abréviation condensée de bondage et discipline, domination et soumission, sadisme et masochisme – a fait son apparition pour devenir le livre le <a href="https://www.nbcnews.com/pop-culture/books/fifty-shades-grey-was-best-selling-book-decade-n1105731">plus vendu</a> de la décennie.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/344500/original/file-20200629-155353-16oxa5s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>Fifty Shades of Grey</em>, the best-selling book of the decade.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Radu Bercan/Shutterstock</span></span>
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<p>Les films successifs ont généré un total de <a href="https://www.forbes.com/sites/scottmendelson/2018/02/24/box-office-fifty-shades-freed-tops-300-million-pushing-fifty-shades-trilogy-to-1-25-billion/">1,25 milliards de dollars de recettes</a>. Le phénomène <em>Fifty Shades</em> a porté le porno chic vers de nouveaux sommets, en revisitant le sexe violent comme une forme de jeu sexuel érotique. Par la suite, les médias ont capitalisé sur cette tendance, comme en témoigne le populaire drame Netflix <em>365 jours</em>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/WY2VLk27yPM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Bande-annonce du film «365 jours » (Ensworld, 2020).</span></figcaption>
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<p>Peu à peu, les fantasmes nés dans le porno ont commencé à s’infiltrer dans les médias et le marché, faisant éclore un nouveau mode de féminité organisé autour de l’entrepreneuriat sexuel.</p>
<h2>Investir dans son émancipation sexuelle</h2>
<p>L’entrepreneuriat sexuel résume la façon dont, au cours des dernières décennies, le sexe et les relations intimes ont été soumis aux <a href="https://kclpure.kcl.ac.uk/portal/en/publications/spicing-it-up-sexual-entrepreneurs-and-the-sex-inspectors(5e24045c-a4dc-49e3-ae84-0e0220c48402).html">logiques de marché</a> du consumérisme, de l’investissement et de l’entreprise.</p>
<p>Par exemple, il est devenu courant d’<a href="https://www.nytimes.com/2012/05/27/books/review/the-outsourced-self-by-arlie-russell-hochschild.html">externaliser</a> les questions d’amour à des plates-formes de rencontre, des thérapeutes de couple et des organisateurs de mariage. On s’attend de plus en plus l’incarnation de sexualités sûres d’elles-mêmes et averties, mais aussi qu’elles soient habiles dans une variété de comportements et de pratiques.</p>
<p>Pour les femmes, cela signifie que la virginité, l’innocence et la vertu, en tant que monnaie dominante de la désirabilité féminine, sont passées <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1750481309343870">au second plan de l’émancipation sexuelle</a>. Pour parvenir à cet état d’émancipation sexuelle, les femmes sont appelées à travailler, à investir et à gérer leur vie sexuelle de manière permanente, souvent par le biais de la consommation.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/345781/original/file-20200706-4008-1q9i5ko.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les thérapeutes de couple, un moyen d’externaliser les questions relatives à l’amour et au sexe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mangostock/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une variante du postféminisme soutient cette notion d’entrepreneuriat sexuel. Le postféminisme – concept relativement fourre-tout – met en effet en avant des objectifs comme l’émancipation, la confiance et la libération sexuelle. Or, ce postféminisme en est venu à <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/13634607110140050804">dicter la manière</a> dont les femmes gèrent leur vie physique, psychique et sexuelle.</p>
<p>Par exemple, les messages invitant les femmes à « aimer leur corps » et à « avoir confiance », comme en témoigne par exemple dans son livre <a href="https://leanin.org/about/fr"><em>Lean In</em></a>, Sheryl Sandberg, femme d’affaires américaine passée par Google et Facebook, ont cultivé une culture qui appelle les femmes à <a href="https://www.researchgate.net/publication/276125880_Notes_on_the_Perfect_Competitive_Femininity_in_Neoliberal_Times">rechercher continuellement la perfection</a> dans toutes les sphères de la vie.</p>
<p>Mais comment cela se traduit-il dans les relations intimes et les expériences sexuelles vécues par les femmes ?</p>
<h2>Sentiment d’équité</h2>
<p>Au cours de nos <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470593120926240">recherches</a>, il est apparu clairement que les femmes exercent un pouvoir considérable dans leurs relations intimes. Cette domination – bien que subtile – se manifeste souvent dans les domaines domestiques ou relationnels, par opposition aux domaines financiers et économiques plus larges, où les femmes restent <a href="https://www.dukeupress.edu/gendering-the-recession">désavantagées de manière disproportionnée</a>.</p>
<p>Par exemple, les femmes dans les relations peuvent dicter le calendrier social du couple ou les choix de mode du couple, mais s’en remettent à leur partenaire lorsqu’elles sont confrontées à des décisions financières importantes, comme un déménagement ou l’achat d’une maison.</p>
<p>Cette autorité déclarée permet aux femmes d’atteindre un sentiment d’équité dans leurs relations intimes qui n’a pas toujours l’effet escompté. Les femmes utilisent notamment le sexe oral comme un moyen de contrôler leurs relations et leur corps. Celles qui perçoivent leur corps, en particulier leur vagin, comme dégoûtant ou honteux exigent de leur partenaire qu’il évite le cunnilingus, mais se livrent perfidement à une fellation. En retour, les femmes se sentent en droit d’avoir des exigences réciproques, souvent sous la forme de cadeaux, de sorties nocturnes ou de l’assurance d’une relation exclusive.</p>
<p>Le plus troublant est que, dans certains cas, les femmes exercent ce pouvoir de manière rétroactive pour mettre fin à des situations qui les privent de leur autonomie. En particulier, dans le cas des agressions sexuelles, les femmes reformulent, nient ou même assument la responsabilité d’expériences sexuelles non désirées.</p>
<p>Ces expériences sont redéfinies parce que les femmes en <a href="https://www.indiebound.org/book/9780062413512">minimisent la gravité</a>, ou pire, parce qu’elles ont le sentiment d’avoir été complices d’une manière ou d’une autre et qu’elles auraient pu les empêcher de se produire.</p>
<h2>Asservissement narcissique</h2>
<p>Ce sentiment de pouvoir prend cependant une autre signification derrière des portes closes, où les femmes sont plus susceptibles d’adopter un positionnement sexuel soumis de manière à reérotiser les relations traditionnelles de pouvoir.</p>
<p>Dans l’ensemble, les femmes encadrent leurs expériences sexuelles dans un discours « faites-vous plaisir », par lequel elles <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1750481309343870">intériorisent les désirs des hommes</a> de les comprendre authentiquement comme les leurs.</p>
<p>Les femmes se livrent souvent à des pratiques sexuelles taboues et douloureuses, comme le BDSM ou le sexe anal, afin d’offrir à leurs partenaires une position de supériorité. Ce renoncement au contrôle – associé à une réaction sexuelle exagérée (pensez au faux orgasme de Meg Ryan dans <em>Quand Harry rencontre Sally</em>) qui accompagne leurs orgasmes (réels ou faux) – permet aux femmes d’accroître leur désirabilité auprès des hommes.</p>
<p>Les femmes, semble-t-il, peuvent tirer une satisfaction sexuelle – non pas d’une expérience sexuelle incarnée – mais de leur propre <a href="https://asu.pure.elsevier.com/en/publications/sexuality-on-the-market-an-irigarayan-analysis-of-female-desire-a">asservissement narcissique</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/b0OeM6UUAoI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’orgasme simulé de Meg Ryan dans le film <em>Quand Harry rencontre Sally</em> (1989).</span></figcaption>
</figure>
<p>En ce qui concerne les orgasmes, les femmes tiennent en haute estime les orgasmes des hommes. En fait, selon une personne interrogée, « le sexe ne fonctionne que si “il” a des orgasmes ». L’orgasme féminin ne suscite guère d’inquiétude, si ce n’est pour sa capacité à stimuler l’ego des hommes ou à les rassurer de manière générale.</p>
<p>Pire encore, les femmes qui ne peuvent pas jouir rapidement et efficacement sont (auto)pathologisées comme étant « difficiles » ou même « détruites », selon certaines personnes interrogées. Bien sûr, il existe aujourd’hui d’innombrables solutions commerciales liées au sexe (<a href="https://www.newsweek.com/smart-sex-toy-vibrator-technology-orgasms-650732">vibromasseurs</a> promettant des orgasmes plus faciles) commercialisées auprès des femmes comme étant « féministes », « bienveillantes » et même <a href="https://www.nytimes.com/2017/07/01/fashion/a-wearable-vibrator-for-couples.html">« thérapeutiques »</a>.</p>
<p>Ces résultats montrent comment la pornification de la culture semble dicter le désir sexuel. Poussées par une avalanche de « sexpertise » offerte par des chroniqueurs célèbres et de l’érotisme dit féministe promettant la libération sexuelle, les femmes adhèrent à des scénarios culturels ancrés dans la culture populaire et à la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/0092623X.2012.687654">pornographie hétérosexuelle ciblant les hommes</a>.</p>
<p>Dans ce monde imaginaire, les femmes sont censées être dominantes dans la rue, mais soumises sous les draps. Mais en réalité, même si les femmes se sentent habilitées, la pornification de la culture sert des idéaux patriarcaux anachroniques qui maintiennent les hommes au sommet.</p>
<hr>
<p><em>Cette contribution est tirée de l’article de recherche « <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1470593120926240">(Wo)men On Top ?</a> Postfeminist Contradictions in Young Women’s Sexual Narratives » publié dans la revue « Marketing Theory ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142079/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’émergence d’une nouvelle industrie érotique à destination de la clientèle féminine conduit les femmes à intérioriser les désirs des hommes.Alexandra S. Rome, Assistant Professor of Marketing, ICN Business SchoolAliette Lambert, Lecturer in Marketing, University of ExeterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1358912020-05-06T15:06:18Z2020-05-06T15:06:18ZLa sexualité au temps du confinement : le site Pornhub est-il le modèle de l’avenir ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333118/original/file-20200506-49538-zxsmgc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'actrice porno Ginger Banks est présente sur le stand de Pornhub, lors de l'AVN Adult Entertainment Expo, le 24 janvier 2018, à Las Vegas. Le géant montréalais Pornhub a rendu gratuit son abonnement durant la pandémie. </span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/John Locher</span></span></figcaption></figure><p>S’il est encore trop tôt pour définir les moments clés de la pandémie actuelle, l’un d’entre eux a peut-être eu lieu le 14 mars 2020, lorsque le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pornhub">géant de l’industrie pornographique Pornhub</a>, dont le siège social est à Montréal, a choisi de rendre son accès gratuit aux citoyens italiens jusqu’à la fin du mois <a href="https://nightlife.ca/2020/03/25/pornhub-premium-est-desormais-gratuit-pour-tout-le-monde-sur-la-planete/">avant d’étendre cette offre à tous sur la planète</a>.</p>
<p>Au-delà de son caractère anodin, que peut nous révéler cette décision sur la sexualité de l’avenir ? Et quelles sont les réelles intentions de Pornhub ?</p>
<p>Loin d’être une question privée, le sexualité s’inscrit dans une perspective économique. Au XIX<sup>e</sup> siècle, le modèle puritain prescrit par exemple une sexualité limitée à la reproduction qui <a href="https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1978_num_58_4_4460_t1_0472_0000_2">correspond à l’éthique de l’effort exigé à l’usine</a>. Les années 60 s’accompagnent quant à elles de nouveaux slogans comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Il_est_interdit_d%27interdire_!">« Il est interdit d’interdire »</a> ou « <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Faites_l%27amour,_pas_la_guerre">Faites l’amour, pas la guerre</a> » revendiquant une jouissance sexuelle davantage en accord <a href="https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2004-1-page-184.htm">avec la jouissance des biens matériels de la société de consommation</a>.</p>
<p>Paradoxalement, cette « libération » du sexe se paie d’un gigantesque processus de normalisation porté par la psychologie. Nombre de rapports par semaine, choix des partenaires, positions à expérimenter ou à privilégier : le sexe n’étant plus tabou, les dernières barrières qui le protégeaient du social sautent. La sexualité est montrée et affichée. Dès lors, la norme prend une place de plus en plus importante dans les pratiques.</p>
<p>Mes recherches en cours portent sur le lien entre le néolibéralisme et l’émergence de nouvelles spiritualités (développement personnel, méditation, yoga) dans les sociétés occidentales.</p>
<h2>Porno et performance</h2>
<p>La sortie du film <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gorge_profonde_(film)"><em>Gorge profonde</em> en 1972</a> constitue à ce titre un tournant dans la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Pjk0jWuzI2E">culture de masse</a>. Le titre du film paraît en effet lier le sexe à un nouveau code en vigueur, celui de l’échec ou de la réussite (le terme renvoyant avant tout à une sorte d’exploit). À partir de ce moment, la pornographie ne cessera de renvoyer à un idéal sportif, hygiéniste, taillé aux normes industrielles de la performance.</p>
<p>La complicité entre pornographie et capitalisme n’ira qu’en augmentant au fil du temps. Des pratiques comme le sexe de groupe et les masturbations multiples déploient en fait la même logique d’accumulation – des partenaires, des éjaculations – que celle du capital.</p>
<p>Sous la forme <a href="https://usbeketrica.com/article/rentree-litteraire-ou-nous-menera-la-societe-de-transparence">d’une transparence généralisée</a>, l’objectif de la pornographie est donc avant tout de rendre les corps visibles. Cette visibilité permet de gérer, de corriger et aussi de sanctionner plus facilement les comportements individuels, comme dans une aire ouverte où l’individu est d’autant plus docile qu’il se sait surveillé.</p>
<h2>L’explosion de la pornographie</h2>
<p>Encore cantonnée aux magazines et aux films jusqu’aux années 2000, la pornographie connaît un développement sans précédent grâce à Internet. Portée par des entreprises comme Youporn ou Pornhub, l’industrie pornographique génère <a href="https://www.journaldugeek.com/2010/06/02/quelques-chiffres-pour-le-porn-sur-internet/">jusqu’à 35 % du contenu téléchargé sur la toile</a>.</p>
<p>Les chiffres ne mentent pas : plusieurs dizaines de milliers de nouveaux films tournés chaque année pour un chiffre d’affaires estimé à <a href="https://www.scienceshumaines.com/la-pornographie-influence-t-elle-nos-pratiques_fr_36595.html">50 milliards $ par an tous secteurs cumulés</a>. L’ex-actrice Ovidie résume : « En dix ans, l’humanité a regardé l’équivalent de <a href="https://start.lesechos.fr/societe/culture-tendances/le-porno-une-industrie-en-pleine-mutation-1175320">1,2 million d’années de porno »</a>.</p>
<p>Si on ajoute le fait que des versions dénudées du selfie et la diffusion de contenus sexuellement explicites sans le consentement de la personne concernée ressemblent de plus en plus à une <a href="https://www.huffingtonpost.fr/entry/nudes-dick-pics-sextos-sondage-francais_fr_5e4bfa03c5b65f25da4f480f">étape obligatoire de socialisation pour les jeunes</a>, la pornographie prend la forme d’une industrie massive du corps humain. Aujourd’hui, le sexe tend même à se calquer sur le modèle des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G%C3%A9ants_du_Web">géants du web, les GAFA</a>, qui passe désormais par <a href="https://journals.openedition.org/nrt/6408">l’exploitation massive de données</a>.</p>
<p>On peut donc penser que la décision de Pornhub relève moins d’une belle initiative que d’un changement structurel indispensable à une meilleure rentabilité.</p>
<h2>Cibler les désirs</h2>
<p>Une bonne illustration de ce nouveau modèle revient en fait <a href="https://www.imdb.com/title/tt0470752/">au film <em>Ex Machina</em></a>, qui peut se lire comme une métaphore de la sexualité à l’ère du confinement.</p>
<p>Le film raconte l’histoire d’un jeune codeur informatique (Caleb) amené à participer à un test afin de déterminer si un robot du nom d’Ava est doué ou non de conscience. Le spectateur apprend au cours de l’histoire que le riche patron de l’entreprise de logiciels à l’origine de l’expérience s’est basé sur la collecte de données de Caleb pour élaborer Ava en fonction de son historique de recherches pornographiques.</p>
<p>En fait, tout l’intérêt du film réside dans cette interrogation : à quoi ressemblerait une sexualité au temps du <em>digital labour</em>, c’est-à-dire la mise au travail d’internautes. Comme l’explique le sociologue Dominique Cardon, le <em>digital labour</em> est un <a href="https://journals.openedition.org/lectures/19584">travail qui se présente souvent sous la forme d’un divertissement inoffensif et gratuit</a>. On peut y inclure le visionnement de vidéos, ou les chats qui ont pour point commun de renseigner sur les goûts de l’utilisateur et de générer à son insu des « traces qui seront valorisées et monétisées par l’industrie numérique ».</p>
<p>En offrant la « gratuité » aux internautes, Pornhub ne fait rien d’autre que remplacer l’abonnement par une exploitation optimale des données qui pourrait devenir à terme son modèle privilégié.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333121/original/file-20200506-49542-bxvi16.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’actrice, auteure et musicienne Bella Thorne assiste à la première de JT LeRoy à ArcLight Hollywood à Los Angeles, le 24 avril 2019. Elle fait ses débuts comme réalisatrice sur Pornhub.</span>
<span class="attribution"><span class="source">by Richard Shotwell/Invision/AP</span></span>
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</figure>
<p>Au XXI<sup>e</sup> siècle, la sexualité pourrait bien ressembler à ce désir individuel pris dans les mailles d’un circuit économique dopé au ciblage et à la personnalisation, à l’image du plan final du film <em>Ex Machina</em> montrant Caleb enfermé dans une cage de verre d’où il ne parviendra jamais à sortir. « Quand c’est gratuit, c’est vous le produit », nous apprend le marketing.</p>
<h2>Des algorithmes efficaces</h2>
<p>Le développement d’algorithmes de plus en plus efficaces est susceptible d’enfermer l’internaute dans une bulle de filtres. Celle-ci lui montre seulement ce qu’il connait déjà, son futur étant prédit <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/sp/2015-sp03078/1043642ar">« par le passé de ceux qui lui ressemblent »</a>.</p>
<p>À l’enfermement physique s’ajouterait donc celui, plus cognitif, de l’imagination. L’utilisateur se retrouverait en quelque sorte « confiné » dans une boucle continue le renvoyant à ses propres préférences. À cela viendrait sans doute s’ajouter la menace de la dépendance. Pour mieux le dire, cette sexualité numérique et « gratuite » porterait donc le germe d’une sexualité narcissique et repliée sur elle-même.</p>
<p>La distanciation physique et sociale n’est pas uniquement la conséquence de la crise actuelle, mais l’extension logique – et dramatique – du programme de réformes néolibérales enclenché par Ronald Reagan et Margaret Thatcher dans les années 80. À l’époque, le mot d’ordre était déjà le suivant : <a href="https://www.theguardian.com/politics/2013/apr/08/margaret-thatcher-quotes">« la société n’existe pas »</a>.</p>
<h2>Penser une autre pornographie</h2>
<p>La pornographie n’est pourtant pas vouée à faire l’objet d’une marchandisation des acteurs et des spectateurs. Elle a longtemps possédé un rôle pédagogique, philosophique et artistique qu’on peut aussi bien retrouver dans les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Litt%C3%A9rature_et_sexualit%C3%A9">discours de Platon que dans le traité du Kamasutra ou encore la poésie de Baudelaire</a>. Tout l’enjeu reste de trouver le moyen d’en faire un outil d’émancipation plutôt que de contrôle.</p>
<p>Cette réappropriation peut bien sûr passer par la réduction de la consommation individuelle, mais aussi par la réappropriation des outils technologiques. Certains réseaux sociaux, (<a href="https://www.lesinrocks.com/2014/05/07/web/actualite/fuckbook-pornostagram-pinsex-version-x-reseaux-sociaux/">Pinsex, Fuckbook ou Uplust</a>) permettent aux utilisateurs d’échanger et partager directement leurs propres photos ou vidéos. Il s’agit peut-être d’un premier pas encourageant dans l’émancipation vis-à-vis des grandes multinationales.</p>
<p>Elle pourrait plus simplement passer par un retour à l’érotisme, comme le proposait le critique culturel Mark Fisher. « Peut-on penser à une pornographie sponsorisée par Dior ou Chanel, dont les fantaisies seraient mises en scène de façon aussi artistique que la <a href="http://k-punk.abstractdynamics.org/archives/008304.html">séance photo la plus glamour</a> ? » Contre la réalité hyper augmentée du modèle Pornhub, qui va de pair avec le culte de la performance, des <a href="https://www.jeuneafrique.com/mag/732436/culture/etre-noir-dans-le-porno-des-acteurs-temoignent-sur-les-stereotypes-raciaux/">stéréotypes raciaux et du benchmarking humain</a>, l’imagination, la fantaisie et la libre circulation du désir paraissent somme toute des demandes relativement modestes.</p>
<p>Après la répression, la plus grande menace pesant sur la sexualité, c’est la privatisation. Et s’il s’agit d’une vision un peu sombre de l’avenir, c’est parce que la crise récente a montré que la catastrophe n’était pas seulement un genre réservé à la science-fiction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135891/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dimitri M'Bama ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En offrant la « gratuité » aux internautes, Pornhub ne fait rien d'autre que remplacer l'abonnement par une exploitation optimale des données qui pourrait devenir à terme son modèle privilégié.Dimitri M'Bama, Doctorant en science politique à l'Université de Montréal, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1331092020-03-10T18:44:21Z2020-03-10T18:44:21ZFact check : les chiffres de la dernière campagne Durex sont-ils objectifs ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319655/original/file-20200310-61148-1bx6dnl.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C2048%2C1526&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La dernière campagne Durex, dans le métro.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/JadouPatatas/status/1229803102041255937/photo/1">Twitter / Jenko</a></span></figcaption></figure><p>À la mi-février, on a vu fleurir dans le métro et sur les réseaux sociaux une campagne Durex fondée sur le slogan : « cassons les codes ». Jadis accusée de véhiculer une <a href="https://www.thedrum.com/news/2020/02/14/durex-emerges-activist-against-sexual-taboos-and-stigmas-brand-overhaul">vision immorale de la sexualité</a> et <a href="http://leplus.nouvelobs.com/contribution/326068-preservatifs-et-pub-trash-le-spot-durex-censure-au-super-bowl.html">parfois même censurée</a>, la marque veut se ranger aujourd’hui du côté des pourfendeurs d’une sexualité irréaliste, avec une ambition pédagogique qui s’inscrit dans la lignée du <a href="https://lareclame.fr/millesoixantequatre/news/ce-que-netflix-nous-apprend-sur-le-brand-content-avec-sex-education">succès de la série Netflix <em>Sex Education</em></a>.</p>
<p>La nouvelle campagne, qui utilise l’aspect visuel des <a href="https://www.arteradio.com/son/61662795/collages_feministes">« collages », empruntés aux activistes féministes</a>, a été globalement appréciée par les <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/liberation-sexuelle-repositionnement-durex/">parties prenantes (agences de communication, experts)</a>. Cependant, les chiffres avancés dans les accroches des différents visuels poussent à s’interroger sur leur objectivité. On pouvait lire ainsi : « 71 % des hommes utilisent la pornographie comme modèle pour leur vie sexuelle » et dans d’autres visuels, « 2 personnes sur 3 ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle ».</p>
<h2>« 71 % des hommes utilisent la pornographie comme modèle pour leur vie sexuelle »</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=605&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318967/original/file-20200305-106553-bh03br.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=760&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une accroche de la nouvelle communication Durex.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JadouPatatas/Twitter</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette statistique proviendrait d’une étude mondiale menée par Durex en 2017. De nombreux articles de presse en ligne – <a href="https://www.ladn.eu/mondes-creatifs/liberation-sexuelle-repositionnement-durex/">francophones</a> et <a href="https://www.campaignlive.co.uk/article/durex-challenges-sexual-norms-major-brand-relaunch-valentines-day/1674071">anglophones</a> – citent cette étude, mais le rapport complet reste introuvable sur le web. Le site de Durex USA évoque une <a href="https://www.durexusa.com/pages/global-research">enquête sur le bien-être sexuel menée en 2006/2007</a>. La plate-forme Durex Network fait mention d’une unité de recherche (Durex Network Research Unit (DNRU) fondée en 2005 qui <a href="http://www.durexnetwork.org/en-gb/research/">étudie chaque année les comportements sexuels</a> mais n’a produit que cinq rapports datés de <a href="http://www.durexnetwork.org/en-gb/research/faceofglobalsex/pages/home.aspx">2005, 2007, 2008, 2009 et 2010</a>, et aucun de ces documents ne fait allusion à l’influence de la pornographie. Enfin, le site Durex France ne donne aucune information concernant les <a href="https://www.durex.fr/">chiffres de cette étude</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319062/original/file-20200306-118960-1jp58ve.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La version britannique d’une communication Durex.</span>
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</figure>
<p>L’origine de ce chiffre paraît donc incertaine. Une statistique non justifiée et non explicitée n’est scientifiquement pas acceptable. Par ailleurs, la formulation des slogans est imprécise. L’étude est-elle basée sur des <a href="https://www.hitwise.com/en/2016/01/25/inferred-declared-observed-demystifying-common-data-types/">données déclarées par les répondants ?</a> Dans ce cas, cela devrait apparaître dans la formulation avec par exemple : 71 % des hommes déclarent… Ou sur des données observées chez les répondants ? Mais cela paraît difficilement observable et le cas échéant, il faudrait aussi le préciser. Le manque d’information sur l’étude invite à douter de son sérieux et de ses résultats, et dénote une absence de données scientifiquement fondées.</p>
<p>Pire, la version anglophone de cette campagne publicitaire indique « 71 % of young guys go online for inspiration in the bedroom » (« En matière de sexualité, 71 % des jeunes hommes cherchent l’inspiration sur le web »). On voit bien qu’il s’agit de deux façons de mettre en avant un même chiffre, mais qui impliquent un sens différent en fonction de la langue utilisée. La première concerne les hommes en général – qui prendraient la pornographie pour modèle – alors que la seconde se concentre sur les jeunes hommes, catégorie on ne peut plus floue, qui eux se contenteraient de s’en inspirer.</p>
<h2>Influence de la pornographie sur les comportements sexuels : ce que l’on sait</h2>
<p>Des centaines d’articles ont été publiés sur la thématique de l’<a href="https://scholar.google.com/scholar?hl=en&as_sdt=0%2C5&q=pornography+sexual+behavior&btnG=">influence de la pornographie sur les comportements sexuels</a>, avec des perspectives de recherche variées. La pornographie semble influencer les comportements mais d’une manière beaucoup plus nuancée que ce que laissent supposer les chiffres avancés dans la campagne Durex.</p>
<p>Une chercheuse en sociologie, Stacy Gorman, à consacré sa thèse de doctorat à cette thématique en analysant l’impact de la pornographie sur <a href="https://scholarworks.gsu.edu/cgi/viewcontent.cgi?referer=https://scholar.google.com/&httpsredir=1&article=1073&context=sociology_diss">les comportements, les attitudes et les relations</a>. À partir des résultats issus d’un échantillon représentatif de la population américaine, il apparaît que la pornographie influence beaucoup moins les comportements sexuels que ne le laisse supposer la campagne Durex.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=188&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319098/original/file-20200306-118885-ppjqjt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=236&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résultats de l’étude sur l’impact de la pornographie sur les comportements sexuels issus de la thèse Stacy Gorman.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au regard de cette étude, 4,5 % des femmes et 5,7 % des hommes affirment souvent essayer ce qu’ils visionnent dans les contenus pornographiques. Et uniquement 1 % d’entre eux disent vouloir toujours essayer. Nous sommes ici bien loin de l’accroche de Durex qui d’ailleurs ne distingue pas l’influence de la consommation pornographique selon le genre.</p>
<h2>« 2 personnes sur 3 ne sont pas satisfaites de leur vie sexuelle »</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/318997/original/file-20200306-106594-eprizl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un message de la nouvelle communication Durex dans le métro parisien.</span>
<span class="attribution"><span class="source">delf2paname/Twitter</span></span>
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</figure>
<p>Comme pour la première statistique, nous n’avons aucune information sur le protocole de recherche mis en place pour obtenir cette donnée. Comment la satisfaction sexuelle a-t-elle été mesurée ? Sur la base d’une question affirmative ? Sur la déclaration du nombre d’orgasmes au cours d’une période donnée ? Ou à partir d’autres critères ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319000/original/file-20200306-106568-dx5fwk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">D’autres résultats de l’étude Durex.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>À ce jour, l’étude la plus importante sur le thème de la satisfaction sexuelle est sûrement la <a href="http://www.natsal.ac.uk/home.aspx">National Surveys of Sexual Attitudes and Lifestyles</a> (NATSAL). Menée pour la première fois en 1990, elle est reconduite tous les 10 ans depuis. Cette étude interroge un échantillon représentatif de la population britannique sur ses attitudes et ses habitudes sexuelles. À ce jour, plus de <a href="http://www.natsal.ac.uk/about.aspx">45 000 personnes y ont participé</a> et les résultats ont donné lieu à de <a href="http://www.natsal.ac.uk/natsal-3/publications.aspx">nombreuses publications scientifiques</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Mfsq-Hd7srE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Synthèse des résultats de l’étude NATSAL publié dans plusieurs articles de recherche.</span></figcaption>
</figure>
<p>Les <a href="http://www.natsal.ac.uk/media/2102/natsal-infographic.pdf">résultats de la dernière enquête en date de 2012</a> montrent que plus de 60 % des personnes ont déclaré avoir eu des relations sexuelles récemment et que plus de 60 % des personnes ont déclaré être satisfaites de leur vie sexuelle. On apprend également que les personnes en mauvaise santé étaient moins susceptibles d’avoir eu des rapports sexuels récemment et moins susceptibles de se dire satisfaites. Ceci se vérifie même après avoir pris en compte l’âge et le fait que les personnes soient en couple ou non.</p>
<p>Ce chiffre contredit celui de l’étude de Durex, qui a également été exploitée dans la version anglaise de sa campagne de publicité. Bien que les chiffres aient pu changer entre 2012 et 2017, il y a peu de chances que la tendance s’inverse, passant d’une majorité à une minorité de personnes se disant satisfaites, en seulement 5 ans.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/319063/original/file-20200306-118956-1ryhds.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La version britannique d’une communication Durex.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les chiffres de la campagne Durex s’apparentent bien à des accroches communicationnelles et non aux résultats d’une étude scientifique sérieuse. Sélectionner des résultats issus de sondages maison où d’études scientifiques indépendantes est une pratique courante en marketing. Cependant, le protocole et le rapport de recherche sur lequel se fondent la campagne devraient être disponibles pour tou·te·s sur le modèle de la <a href="https://www.unilever.com/Images/dove-girls-beauty-confidence-report-infographic_tcm244-511240_en.pdf">marque Dove avec son étude</a> sur la <a href="https://www.prnewswire.com/news-releases/girls-on-beauty-new-dove-research-finds-low-beauty-confidence-driving-8-in-10-girls-to-opt-out-of-future-opportunities-649549253.html">beauté et la confiance en soi</a>.</p>
<p>Durex souhaite se positionner comme une marque émancipatrice des stéréotypes sexuels. Mais en utilisant des statistiques chocs, là où la réalité est beaucoup plus nuancée, ne serait-elle pas en train d’en créer de nouveaux ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133109/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri est financé par le Ministère de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l'Innovation.</span></em></p>Les statistiques choc avancés par Durex relèvent-elles plus de la communication que de la science ?Samy Mansouri, Doctorant en Sciences de Gestion, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1280472019-12-05T18:08:25Z2019-12-05T18:08:25ZLa pornographie modifierait le cerveau… Découvrez comment<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/305464/original/file-20191205-39018-17rtfr1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C1309%2C3270%2C1941&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les effets de la pornographie sont catastrophiques pour la santé mentale et la vie sexuelle de son large public, avec de graves conséquences comme la dépression ou la dysfonction érectile.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La pornographie semble avoir existé depuis qu’on a des traces de l’humanité et s’est transformée avec l’arrivée de chaque nouveau média. Des centaines de fresques et de sculptures sexuellement explicites ont été découvertes dans les ruines du mont Vésuve à Pompéi.</p>
<p>Depuis l’avènement d’Internet, l’utilisation de la pornographie a atteint des sommets vertigineux. Pornhub, le plus grand site porno gratuit au monde, a reçu <a href="https://www.pornhub.com/insights/2018-year-in-review">plus de 33,5 milliards de visites au cours de l’année 2018</a>.</p>
<p>La science commence à peine à révéler les <a href="http://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2014.93">répercussions neurologiques de la consommation de pornographie</a>. Mais il est clair déjà que ses effets sont catastrophiques pour la santé mentale et la vie sexuelle de son large public. Avec de <a href="https://www.mdpi.com/2076-328X/6/3/17">graves conséquences</a> comme la dépression ou la dysfonction érectile, la pornographie semble transformer notre câblage neuronal.</p>
<p>Dans mon laboratoire, nous étudions le câblage neuronal lié au processus d’apprentissage et de mémoire. Les propriétés des vidéos pornos en font un déclencheur puissant pour la plasticité, la capacité du cerveau à changer et à s’adapter en fonction de l’expérience. Étant donné l’accessibilité et l’anonymat que permet la consommation de pornographie en ligne, cela nous rend plus vulnérables que jamais à ses effets hyperstimulants.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bjnXXN67plg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Une émission de BBC 3 sur les effets de la dépendance à la pornographie.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Impacts de la consommation de pornographie</h2>
<p>À long terme, la <a href="https://www.yourbrainonporn.com/rebooting-porn-use-faqs/research-confirms-sharp-rise-in-youthful-sexual-dysfunctions/">pornographie semble créer des dysfonctionnements sexuels</a>, en particulier l’incapacité à atteindre l’érection ou l’orgasme avec un partenaire réel. La <a href="https://doi.org/10.1007/s10508-016-0770-y">qualité de la relation conjugale</a> et de l’<a href="https://guilfordjournals.com/doi/10.1521/jscp.2012.31.4.410">engagement envers un conjoint</a> semble également compromise.</p>
<p>Pour tenter d’expliquer ces effets, des scientifiques ont établi des parallèles entre la <a href="https://www.mdpi.com/2076-328X/5/3/388">consommation de pornographie et la toxicomanie</a>. Par son évolution, le cerveau est programmé pour répondre à la stimulation sexuelle par une poussée de dopamine. Ce neurotransmetteur, le plus souvent associé à l’anticipation de la récompense, sert aussi à inscrire les souvenirs et l’information dans le cerveau. Ainsi, lorsque le corps a besoin de quelque chose, comme de la nourriture ou du sexe, le cerveau se rappelle où il peut aller pour retrouver le même plaisir.</p>
<p>Au lieu de se tourner vers leur conjoint pour la gratification ou l’épanouissement sexuel, ceux qui ont l’habitude de consommer de la pornographie cherchent instinctivement leur téléphone ou leur ordinateur quand le désir se pointe. De plus, des explosions anormalement fortes de récompense et de plaisir provoquent une accoutumance exceptionnellement forte du cerveau. Norman Doidge, psychiatre, explique :</p>
<blockquote>
<p><a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/291041/the-brain-that-changes-itself-by-norman-doidge-md/">« La pornographie satisfait à toutes les conditions préalables au changement neuroplastique.. »</a> Lorsque les pornographes se vantent de repousser les limites en introduisant de nouveaux thèmes plus extrêmes, ils ne disent pas qu’ils doivent le faire parce que leurs clients développent une tolérance au contenu</p>
</blockquote>
<p>Les scènes pornographiques, comme les substances qui créent une dépendance, sont des déclencheurs hyperstimulants qui entraînent des <a href="https://www.nature.com/articles/npp2009110">niveaux anormalement élevés de sécrétion de dopamine</a>. Cela peut endommager le système de récompense de la dopamine et le rendre insensible aux sources naturelles de plaisir. C’est pourquoi les consommateurs sont de moins en moins excités par un partenaire réel.</p>
<h2>Au-delà de la dysfonction</h2>
<p>La désensibilisation de nos circuits de récompense prépare le terrain pour que les dysfonctionnements sexuels se développent, mais les répercussions ne s’arrêtent pas là. Des études montrent que des <a href="https://europepmc.org/article/med/15573884">changements dans la transmission de la dopamine</a> peuvent entraîner la dépression et l’anxiété. En accord avec cette observation, les <a href="https://www.jsm.jsexmed.org/article/S1743-6095(15)33435-4/fulltext">consommateurs de pornographie signalent des symptômes dépressifs plus forts, une moins bonne qualité de vie et une moins bonne santé mentale</a> que ceux qui n’en consomment pas, révèle une étude du <em>Journal of Sexual Medecine</em>.</p>
<p>L’autre découverte importante de cette étude est que les consommateurs compulsifs de porno veulent et ont besoin de plus en plus de porno, et ce, même s’ils n’aiment pas vraiment cela. Cette déconnexion entre ce qu’on veut et ce qu’on aime est une caractéristique du dérèglement du circuit de récompense.</p>
<p>Dans une enquête similaire, des chercheurs de l’institut Max-Planck de Berlin, en Allemagne, ont découvert que l’utilisation accrue de la pornographie était corrélée à une <a href="https://doi.org/10.1001/jamapsychiatry.2014.93">activité cérébrale réduite</a> en réponse à des images pornographiques classiques. Cela explique pourquoi les utilisateurs ont tendance à passer à des formes de plus en plus extrêmes de pornographie.</p>
<p>Des données sur Pornhub révèlent que les rapports sexuels classiques sont de moins en moins intéressants pour les utilisateurs qui se tournent vers des thèmes comme l’inceste et la violence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C5714%2C3951&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C5714%2C3951&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=418&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303576/original/file-20191125-74576-145uk2i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=525&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les amateurs de pornographie choisissent des styles de plus en plus violents de pornographie, ce qui peut être causé par l’effet désensibilisant d’une consommation régulière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La perpétuation de la violence sexuelle en ligne est particulièrement troublante, car les <a href="https://doi.org/10.1111/jcom.12201">taux d’incidents réels peuvent augmenter en conséquence</a>. Des scientifiques attribuent cet effet à l’action des neurones miroirs. Ces cellules cérébrales portent bien leur nom parce qu’elles réagissent lorsque l’individu accomplit une action, mais aussi en observant la même action accomplie par quelqu’un d’autre.</p>
<p>Les régions du cerveau activées quand quelqu’un regarde de la pornographie sont les mêmes que lorsque la personne a des relations sexuelles. Marco Iacoboni, professeur de psychiatrie à l’Université de Californie à Los Angeles, émet l’hypothèse que ces systèmes ont le potentiel de répandre un comportement violent : <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK207238/">« Le mécanisme miroir dans le cerveau suggère également que nous sommes automatiquement influencés par ce que nous observons, proposant ainsi un mécanisme neurobiologique plausible pour la contagion du comportement violent. »</a></p>
<p>L’association suggérée entre la pornographie, les neurones miroirs et l’augmentation des taux de violence sexuelle, bien que spéculative, constitue un sérieux avertissement. Si une forte consommation de pornographie ne pousse pas forcément à des extrêmes dangereux, il est probable qu’elle modifie néanmoins le comportement.</p>
<h2>Développement moral</h2>
<p>La consommation de porno a été corrélée à l’<a href="https://www.cqv.qc.ca/la_neuroscience_a_prouve_que_la_pornographie_rend_les_cerveaux_des_hommes_plus_enfantins">érosion du cortex préfrontal</a> – la région du cerveau qui abrite des fonctions exécutives comme la moralité, la volonté et le contrôle des impulsions.</p>
<p>Pour mieux comprendre le rôle de cette structure dans le comportement, il est important de savoir qu’elle reste sous-développée durant l’enfance. C’est pourquoi les enfants luttent pour réguler leurs émotions et leurs impulsions. Les lésions du cortex préfrontal à l’âge adulte sont appelées hypofrontalité <a href="https://www.yourbrainonporn.com/fr/tools-for-change-recovery-from-porn-addiction/rebooting-basics-start-here/unwiring-rewiring-your-brain-sensitization-and-hypofrontality/">et prédisposent l’individu à agir de façon compulsive et à prendre de mauvaises décisions</a>.</p>
<p>Il est quelque peu paradoxal que le divertissement pour adultes puisse ramener notre cerveau à un état plus juvénile. Ce qui l’est encore plus toutefois, c’est que si la pornographie promet de satisfaire et de procurer une gratification sexuelle, elle produit en réalité le contraire.</p>
<p>[<em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires</em>. <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/128047/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>R m N ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les effets de la pornographie sont catastrophiques pour la santé mentale et la vie sexuelle de son large public, avec de graves conséquences comme la dépression ou la dysfonction érectile.R m N, PhD Student, Neuroscience, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1157922019-10-31T14:33:31Z2019-10-31T14:33:31ZCe qu'il faut comprendre de l'affaire Hansel et Gretel <figure><img src="https://images.theconversation.com/files/299481/original/file-20191030-17901-sx90y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Yvan Godbout, auteur du roman Hansel et Gretel, doit faire face à la justice pour avoir décrit le viol d'une mineure.</span> <span class="attribution"><span class="source">Yves Légaré/compte FB d'Yvan Godbout</span></span></figcaption></figure><p>Début novembre, ce qu'on appelle désormais <a href="https://www.journaldequebec.com/2018/04/27/roman-controverse-remis-en-vente-malgre-lenquete">l'affaire <em>Hansel et Gretel</em></a> pourrait connaître un tournant décisif. </p>
<p>Sous les dehors techniques d’une question de procédure, c’est une question fondamentale qui sera soulevée au Palais de justice de Montréal et qui ne laissera probablement pas indifférent. On pourrait la formuler en ces termes : la description du viol d’une mineure dans un roman d’horreur est-elle un crime ? </p>
<p>Il ne s’agit pas de savoir si une telle description est de bon goût, moralement acceptable, ni même si elle banalise un crime, mais de déterminer si elle est <em>si évidemment et si directement dangereuse</em> qu’il faille condamner à des peines de prison son auteur et son éditeur.</p>
<p>Si les spécialistes de la littérature, dont je suis, aiment à dire que la littérature est efficace, qu'elle est un moyen d'action sur le monde, ils trouveront probablement dans un cas d'espèce comme celui de l'affaire <em>Hansel et Gretel</em> de quoi nuancer ou préciser leur propos.</p>
<h2>De la prison pour un roman</h2>
<p><em>Hansel et Gretel</em> paraît aux Éditions AdA en septembre 2017 sous la signature d’Yvan Godbout. Comme les dix autres volumes de la série « Contes interdits » publiés cette même année, le roman propose une réécriture horrifiante d’un conte bien célèbre. </p>
<p>Dans les premières pages du roman qui en compte 251, l’auteur consacre une page à la description du viol d’une enfant de neuf ans par son père. La scène est brève mais explicite. Elle indigne <a href="https://www.985fm.ca/nouvelles/faits-divers/71975/une-plainte-deposee-a-la-police-pour-le-passage-explicite-d-un-roman-a-succes-quebecois">une lectrice qui porte plainte à la police</a>. Un an plus tard, le 14 mars 2019, l’auteur et son éditeur, Nycolas Doucet, sont arrêtés, puis, le 15 avril, ils <a href="https://www.lapresse.ca/arts/livres/201903/19/01-5218753-evocation-de-viol-des-milliers-de-signatures-en-appui-a-yvan-godbout.php">sont formellement accusés de « production et distribution de pornographie juvénile</a> ». Les exemplaires de <em>Hansel et Gretel</em> sont retirés des librairies. L’auteur et l’éditeur se trouvent, depuis, dans l’attente d’un procès, à l’issue duquel ils encourent entre une et quatorze années d’emprisonnement.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299486/original/file-20191030-17873-yh3mij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L'auteur de <em>Hansel et Gretel</em>, Yvan Godbout, encourt entre une et 14 années d'emprisonnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Page Facebook d'Yvan Godbout</span></span>
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</figure>
<h2>Un appui massif</h2>
<p>Si elle se déroule désormais dans une relative indifférence, l’affaire a d’abord soulevé de vives réactions, largement en faveur de l’auteur et de l’éditeur. Une <a href="https://www.change.org/p/laisser-tomber-les-charges-de-culpabilit%C3%A9-contre-yvan-godbout-et-les-%C3%A9ditions-ada">pétition</a> a recueilli plus de 12 000 signatures et plusieurs acteurs du milieu artistique ont dénoncé la situation, à l'instar de l’humoriste Mike Ward, sur sa page <a href="https://hollywoodpq.com/pornographie-juvenile-mike-ward-prend-la-defense-de-lauteur-yvan-godbout/">Facebook</a> le 19 mars 2019, et surtout de l’<a href="https://www.uneq.qc.ca/2019/03/20/yvan-godbout/">Union des écrivaines et des écrivains québécois (UNEQ)</a> et de l’<a href="https://www.anel.qc.ca/communique/un-cas-de-censure-evident-reaction-de-lanel-sur-laffaire-des-contes-interdits-des-editions-ada/">Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)</a>. </p>
<p>Le milieu politique a aussi réagi. Le député de la circonscription où sont situées les éditions AdA, Stéphane Bergeron, a profité de la <a href="http://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/commissions/ci-41-1/journal-debats/CI-180424.html#10h30">comparution du patron de la Sûreté du Québec en commission parlementaire</a> pour le sommer de s’expliquer sur cette « chasse aux sorcières » et pour l’interroger sur le divorce entre les normes du public et celles de la Sûreté : « Cet ouvrage qui est mis à l'index par la Sûreté du Québec est en nomination pour un prix littéraire. Comment est-ce qu’on explique qu’une situation comme celle-là ait pu se produire au Québec ? »</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=927&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/299487/original/file-20191030-17878-b2mj2n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1165&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un exemplaire de <em>Hansel et Gretel</em>.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Éditions AdA</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’article 163.1 (1) du Code criminel</h2>
<p>Comment en est-on arrivé là, en effet? </p>
<p>Il a fallu, avant toute chose, que quelqu’un porte plainte. Il faut noter à cet égard que la plaignante est à la fois enseignante et diplômée en criminologie : l’<a href="https://www.985fm.ca/nouvelles/faits-divers/71975/une-plainte-deposee-a-la-police-pour-le-passage-explicite-d-un-roman-a-succes-quebecois">interview</a> qu’elle accorde à la radio en janvier 2018 montre qu’elle connaît la doctrine en matière de pornographie juvénile bien mieux que le lecteur moyen. Il a ensuite fallu que la police, la Sûreté du Québec puis le Directeur des poursuites criminelles et pénales jugent successivement qu’il y avait matière à enquêter et à poursuivre. </p>
<p>Que dit la loi et est-elle si éloignée du sens commun, qu’évoque Stéphane Bergeron? Selon l’<a href="https://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/c-46/section-163.1-20030101.html#wb-cont">article 163.1 (1)</a> du Code criminel, est qualifié de pornographie juvénile, pour le régime de l’écrit, « tout écrit dont la caractéristique dominante est la description, dans un but sexuel, d’une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans » ou encore « tout écrit […] qui préconise ou conseille une activité sexuelle avec une personne âgée de moins de dix-huit ans ». </p>
<p>On remarquera que le caractère fictionnel de la scène, souvent invoqué par ses défenseurs, n’est pas un critère pertinent pour le droit. À l’inverse, un autre argument souvent porté au soutien de <em>Hansel et Gretel</em> est pris en compte, celui de sa vocation artistique : comme l’a souligné la journaliste judiciaire <a href="https://ici.radio-canada.ca/premiere/emissions/plus-on-est-de-fous-plus-on-lit/episodes/445771/audio-fil-du-mercredi-16-octobre-2019">Isabelle Richer</a>, il existe plusieurs moyens de défense prévus par la loi dont celui d’un but légitime lié aux arts [163.1 (6)]. </p>
<p>En d’autres termes, pour savoir si la description de <em>Hansel et Gretel</em> entre dans la définition de pornographie juvénile selon la loi canadienne, il faut se demander si elle préconise une activité sexuelle avec un mineur et si elle a un but sexuel ou plutôt artistique. Ce sont des questions sur lesquels chaque lecteur peut bien avoir son avis, mais que désormais seul un juge peut trancher. </p>
<h2>Une affaire sans précédent</h2>
<p>Quelle que soit la tournure qu'elle prendra, l’affaire <em>Hansel et Gretel</em> vient mettre fin à plusieurs décennies d’une relation largement pacifiée entre la littérature et la justice. Elle est sans précédent au Canada, mais pas tout à fait sans équivalent ailleurs : la France a déjà connu plusieurs affaires comparables au cours des vingt dernières années, et certains <a href="https://www.ldh-france.org/sujet/observatoire-de-la-liberte-de-creation/">observateurs</a> y dénoncent une judiciarisation de la création qui tranche en effet avec l'apaisement qui prévalait ici.</p>
<p>La plus retentissante est l’affaire <em>Rose-Bonbon</em> (Gallimard, 2002), du nom d'un roman qui met en scène un pédophile passant à l’acte de manière répétée. Des associations de défense de l’enfance avaient demandé au parquet de Paris d’engager des poursuites pour « diffusion de la représentation d’un mineur dans une situation à caractère pornographique », au titre de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=50B1CD95648A12597D11A60A84A5E5E7.tplgfr36s_1?idArticle=LEGIARTI000006418093&cidTexte=LEGITEXT000006070719&dateTexte=20060405">article 227-23</a> du code pénal. Elles demandaient aussi au ministre de l’intérieur de faire interdire cette publication « présentant un danger pour la jeunesse en raison de [son] caractère licencieux ou pornographique », en s’appuyant sur l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006068067&dateTexte=20100817">article 14</a> de la loi du 16 juillet 1949 sur la protection de la jeunesse. </p>
<p>L’affaire a eu le temps de soulever de <a href="https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2003-1-page-55.htm">« vives protestations de la plupart des éditeurs et journalistes français »</a>, mais tourna court : le parquet a décidé d’un classement sans suite, parce que « les faits n’étaient pas suffisamment caractérisés ». Quant au ministre, il a renoncé à interdire le livre et appelé plutôt à une réflexion sur la loi du 16 juillet 1949. </p>
<p>Or cette affaire a, par la suite, <a href="http://www.legipresse.com/011-42753-Reflexions-sur-l-impunite-de-l-ecrivain-et-de-l-artiste.html">fait jurisprudence en France</a>. Il reste à voir ce qu'il adviendra, ici, de l'auteur et de l'éditeur de <em>Hansel et Gretel</em>. </p>
<p>[ <em>Ne manquez aucun de nos articles écrits par nos experts universitaires.</em> <a href="https://theconversation.com/ca-fr/newsletters?utm_source=TCCA-FR&utm_medium=inline-link&utm_campaign=newsletter-text&utm_content=expert">Abonnez-vous à notre infolettre hebdomadaire</a>. ]</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115792/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathilde Barraband a reçu des financements du CRSH et FRQSC</span></em></p>La description du viol d’une mineure dans un roman d’horreur est-elle un crime ? La responsabilité de l'écrivain en question au Palais de justice de Montréal.Mathilde Barraband, Professeure de littérature, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1171332019-05-22T18:45:46Z2019-05-22T18:45:46ZIncidences de la pornographie sur les comportements : où en est la recherche ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/275705/original/file-20190521-23817-oqpf29.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C17%2C3834%2C2138&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelle est l'indidence de la consommation de pornographie sur les comportements? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/jpfI1kEyEqg">Unsplash / Gabriel Matula </a></span></figcaption></figure><p>Un quart des recherches sur le web sont des <a href="https://www.lemonde.fr/technologies/article/2012/09/28/un-moteur-de-recherche-pour-les-sites-en-xxx_1767292_651865.html">requêtes à caractère pornographique</a>. Chaque seconde, 372 personnes recherchent des contenus pour adultes sur les moteurs de recherche, 28 258 internautes en visionnent et <a href="https://www.webroot.com/us/en/resources/tips-articles/Internet-pornography-by-the-numbers">3 075 dollars y sont ainsi dépensés</a>.</p>
<p>L’origine étymologique de la pornographie provient du grec <em>pornographos</em> (<em>porne</em>, prostituée, et <em>graphein</em>, écrire). Le mot <em>pornographie</em> est apparu pour la première fois dans l’Oxford English Dictionary en 1857, la même année où l’Angleterre a adopté une loi interdisant la vente et la distribution de contenus sexuels considérés comme obscènes. Même s’il n’existe pas de définition universellement acceptée de la pornographie chez les universitaires, la plupart des chercheurs et des chercheuses convergent vers une certaine approche de la pornographie qui serait un ensemble de contenus qui tend à représenter plus ou moins explicitement des relations sexuelles avec l’intention <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-17341-2_23">d’éveiller et d’exciter sexuellement les spectateur·rice·s</a>.</p>
<h2>Une industrie lucrative en forte croissance</h2>
<p>L’industrie du sexe représente aujourd’hui un marché mondial de <a href="http://www.slate.fr/story/134117/porno-uberisation">100 milliards de dollars</a> alors qu’elle était estimée à <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-319-17341-2_23">60 milliards de dollars en 2015</a>. Comme dans de nombreux secteurs d’activité, la pornographie « s’ubérise ». Le marché du sexe se décentralise et se précarise avec la concurrence des acteur·rice·s porno qui travaillent au cachet dans des conditions moins avantageuses en termes de <a href="http://www.slate.fr/story/134117/porno-uberisation">protection, de rémunération et de contrôle de l’image</a>.</p>
<p>De plus le marché des webcams « hot » s’est développé où les acteur·rice·s, souvent amateur·rice·s, peuvent opérer depuis leurs domiciles en diffusant des contenus audiovisuels en direct via des plates-formes spécialisées telles que <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/LiveJasmin">Livejasmin</a>. Cette plate-forme propose plus de 2 000 modèles en ligne pour 32 millions de visiteurs uniques mensuel générant un total de <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/les-marges-folles-des-peep-shows-en-ligne-1064427">350 millions de chiffre d’affaires annuel</a>. De plus, ubérisation oblige, ces plates-formes n’emploient pas leurs modèles et sont souvent basées dans des paradis fiscaux. Livejasmin opère depuis le Luxembourg, tout comme le conglomérat <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/MindGeek">Mindgeek</a> propriétaire d’une vingtaine de sites pornographiques dont trois leaders du marché : Pornhub, Redtube et Youporn.</p>
<h2>Un business-model basé sur l’addiction</h2>
<p>Il est prouvé que le visionnage de contenus pornographiques génère de l’addiction tout comme les drogues en <a href="https://www.bbc.com/news/health-28252612">activant les mêmes zones du cerveau</a>. En utilisant le levier du désir sexuel, les sites pour adultes génèrent de l’addiction via un modèle <a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/freemium/">freemium</a> dans le but de convertir les utilisateur·rice·s utilisant la version gratuite en client·e·s addicts, beaucoup plus rémunérateur·rice·s. Par exemple, les premières minutes d’un show de webcam « hot » sont souvent gratuites mais <a href="https://www.capital.fr/economie-politique/les-marges-folles-des-peep-shows-en-ligne-1064427">il faut payer pour continuer le visionnage</a>.</p>
<p>Ces sites segmentent leur offre en créant plusieurs propositions de valeur pour leur clientèle. Ainsi, les prix peuvent aller de 1 à 4 euros la minute en fonction de l’exclusivité du « show » et des outils de communication disponibles avec le modèle. Cette même technique est appliquée sur les sites de vidéos pornographiques où les internautes devront opter pour un abonnement <a href="https://www.definitions-marketing.com/definition/service-premium/">Premium</a> afin d’accéder à un contenu plus riche (plus de catégories) et de qualité (haute définition et 4K par exemple). Des sites tels que <a href="https://www.nofap.com/">NoFap</a> ou <a href="https://fightthenewdrug.org/">FightTheNewDrug</a> ont ainsi vu le jour pour aider les porno-dépendants à gérer leur addiction.</p>
<h2>Une consommation décriée encore taboue</h2>
<p>La pornographie a longtemps été décriée par les associations conservatrices qui la désignent comme origine de tous les maux liés à la sexualité des individus. Les contenus pornographiques sont souvent présentés comme cause des viols, de la pédophilie et des déviances sexuelles diverses, sur fond de <a href="http://www.libertepolitique.com/Actualite/Decryptage/7-raisons-de-renvoyer-le-porno-au-caniveau">morale et les diktats religieux</a>. D’ailleurs, ce méli-mélo lie insidieusement crimes et délits punis par la loi avec les paraphilies qui ont été déclassifiées des troubles mentaux dans la 5<sup>e</sup> version du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Paraphilie#DSM-III_et_DSM-IV-TR">« Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders »</a> (DSM), ou manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Ainsi, l’exhibitionnisme, le voyeurisme, le sadisme ou le masochisme sexuel ne sont plus considérés comme des troubles mentaux lorsque les pratiques sont légales et consenties. Elles sont qualifiées de troubles mentaux paraphiliques uniquement lorsqu’elles altèrent le fonctionnement social et génèrent des souffrances cliniquement significatives.</p>
<p>Cependant, selon une étude de l’<a href="https://www.ifop.com/publication/la-pornographie-dans-le-couple-la-fin-dun-tabou/">IFOP de 2014</a>, les mentalités évoluent notamment chez les couples où la consommation de contenus pornographiques est de moins en moins taboue, 55 % des couples interrogés dans l'étude assumant visionner de la pornographie ensemble. De plus cette consommation n’est plus uniquement passive, ainsi près de la moitié des répondants affirme avoir essayé de reproduire une scène ou des positions vues dans des films pornographiques.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=384&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275691/original/file-20190521-23845-1e9v66s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un sujet largement tabou.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kristina Flour/Unsplash</span></span>
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<h2>Les effets de la pornographie sur les croyances et attitudes : des études contradictoires</h2>
<p>L’influence de la consommation de contenus pornographiques sur la psychologie et les comportements qui en découlent ont été largement étudiés <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00224499.2011.628132">depuis les années 1970</a>. Les résultats de recherches ne sont pas unanimes quant à la relation de cause à effet entre la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1359178909000445">consommation de contenus à caractère pornographique et les comportements sexuels « déviants »</a> au sens légal et social du terme (harcèlement sexuel, agression sexuelle, viol et outrage à la pudeur). Cette divergence d’opinions se retrouve aussi bien dans les études scientifiques qualitatives qui analysent le discours de répondants sélectionnés que dans les études scientifiques quantitatives qui se penchent sur les comportements et attitudes des individus.</p>
<p>Pour le cas des adultes, certaines recherches affirment que la consommation de contenus pornographique augmente le risque des <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ab.20250">comportements sexuels déviants répréhsensibles</a> mais la relation pourrait être modérée c’est-à-dire accentuée ou atténuée par le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10532528.2000.10559784">type de pornographie et le degré de brutalité sexuelle représentée</a>. Plusieurs concepts tentent d’expliquer cette relation dont le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780122788055500109">modèle de confluence</a>.</p>
<p>En effet, la plupart des contenus pornographiques sont encore basés sur la déshumanisation et l’objectification des relations sexuelles et dans la majeure partie des cas <a href="https://www.binge.audio/jacquie-michel-et-les-autres/">sur la coercition des femmes</a>. Même si des segments spécifiques de la production pornographique mettent en scène la domination féminine sur le sexe masculin ou simplement des relations égalitaires et dans lesquelles les <a href="https://www.franceinter.fr/sexualite/pornographie-feministe-militer-pour-les-femmes-et-le-plaisir">jeux de domination sont partagés</a>, dans la majeure partie des films les femmes apparaissent soumises. Cela est d’autant plus appuyé par des témoignages (inscrits dans le script) avant la scène - où les actrices se languissent du futur rapport sexuel - puis témoignent, après l’acte, de leur « contentement ». </p>
<p>Ainsi, les individus prédisposés à des comportements sexuels répréhensibles seraient plus impactés par la pornographie qui désinhiberait leurs pulsions et rendrait le passage à l’acte à des comportements sexuels déviants moins psychologiquement contraignant. Cela par confluence, par indifférenciation entre le monde mis en scène dans ces films où toutes les actrices semblent prendre plaisir aux relations sexuelles souvent brutales et le monde réel où <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11199-011-0082-6">ces pratiques sont très faiblement répandues</a>. Le consentement des partenaires sexuels est une des lignes rouges qui permet de départager pratiques sexuelles saines et <a href="https://stop-violences-femmes.gouv.fr/violences-sexuelles-312.html">violences sexuelles répréhensibles</a>.</p>
<p>Le parallèle peut être fait avec les jeux vidéo violents accusés d’impacter les comportements des individus en créant un <a href="https://www.capital.fr/polemik/la-violence-dans-les-jeux-videos-rend-elle-agressif-1234881">manque de discernement, une confluence entre la fiction et la réalité</a>, comme cela fut dit suite au <a href="https://www.france24.com/fr/20190517-billet-retour-columbine-fusillade-tuerie-masse-etats-unis-controle-armes-feu">massacre de Columbine aux États-Unis</a> où deux lycéens tuèrent dix élèves et un professeur avant de se donner la mort le 20 avril 1999. Cependant, le lien de cause à effet n’est pas scientifiquement prouvé et les <a href="https://www.liberation.fr/planete/2006/07/08/dans-la-tete-des-lyceens-tueurs-de-columbine_45534">profils psychologiques</a> des individus concernés fournissent des pistes de réflexion quant aux prédispositions de ces individus. Ainsi les jeux vidéo comme la pornographie ne seraient que des déclencheurs de comportements violents déjà latents.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275692/original/file-20190521-23820-1cy97uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La pornographie joue souvent sur la déshumanisation.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Emiliano Vittoriosi/Unsplash</span></span>
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<p>D’autres chercheurs sont plus rassurants et présentent des résultats où la causalité entre la consommation pornographique et les comportements sexuels déviants <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1359178909000445">n’est pas prouvée</a>. En effet, la plupart des adultes qui visionnent régulièrement de la pornographie n’ont pas de comportements sexuels répréhensibles, de même que ceux qui se livrent à des actes de violence sexuelle n’ont pas forcément d’antécédents de consommation pornographique régulière. En raison de la divergence des recherches scientifiques, les chercheurs et les chercheuses recommandent de ne pas supposer de la causalité entre <a href="https://psycnet.apa.org/record/2017-24005-007">consommation pornographique et comportements sexuels déviants</a>.</p>
<p>Cependant, l’exposition accrue à la pornographie semble impacter les attitudes sexuelles des individus et plus spécifiquement des adolescents qui adoptent des comportements plus risqués comme l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/car.1092">absence de moyens de protection aux maladies sexuellement transmissibles</a>. En effet, même si la pornographie n’est pas récente, les nouvelles générations y sont beaucoup exposées en partie à cause d’une sexualisation croissante de la culture moderne par le biais des principaux médias et par la facilité d’accès et l’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/car.1092">absence de contrôle de ces contenus pornographique en ligne</a>.</p>
<p>Le principal danger réside dans la jeunesse des primo-visiteurs, moins sexuellement éduqués et donc plus vulnérables aux contenus pornographiques. Selon une étude de l’IFOP de 2017, la moitié des adolescents âgés de 15 à 17 ans <a href="https://www.ifop.com/publication/les-adolescents-et-le-porno-vers-une-generation-youporn/">ont déjà surfé sur des sites pornographiques</a>. Cette immersion précoce, sans éducation sexuelle préalable et sans barrières inquiète fortement l’opinion publique dans la mesure où les jeunes peuvent prendre les pratiques représentées dans les scènes pornographiques comme <a href="https://www.pourquoidocteur.fr/Articles/Question-d-actu/7173-Pornographie-l-impact-sur-les-adolescents">exemples à suivre</a>. Face à cela, de nouvelles réalisatrices telles que la Suédoise Erika Lust ou la Française Lucie Blush qui se revendiquent féministes, réalisent des contenus plus éthiques et moins caricaturaux en prônant une <a href="https://www.europe1.fr/societe/comment-la-pornographie-influence-la-sexualite-des-jeunes-3675983">pornographie égalitairement respectueuse</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117133/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samy Mansouri ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il est prouvé que le visionnage de contenus pornographiques génère de l’addiction. Mais que sait-on de son incidence (ou de sa non-incidence) sur les comportements sexuels ?Samy Mansouri, Enseignant-chercheur, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1088672019-01-08T15:26:30Z2019-01-08T15:26:30ZPourquoi l'interdiction de contenu adulte sur Tumblr est mauvaise pour les jeunes LGBTQ<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251560/original/file-20181219-45408-dhj91l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’interdiction du contenu pour adultes sur Tumblr, une perte pour les jeunes LGBTQ.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://scroll.in/magazine/820758/tamil-muslim-queer-a-new-webcomic-is-making-waves-on-tumblr">Akshay Varaham</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le 17 décembre 2018, Tumblr ne tolère plus <a href="https://tumblr.zendesk.com/hc/fr/articles/231885248-Contenus-de-nature-d%C3%A9licate">la publication de contenu pour adultes, ou dit «de nature délicate» par la plateforme</a>. Cette mesure cible, selon la définition fournie par la plateforme, les billets montrant « des organes génitaux humains ou des mamelons féminins, ou encore tout contenu – y compris photos, vidéos et images – qui illustre des actes sexuels. »</p>
<p>Auparavant, les politiques clémentes de la plateforme se distinguaient nettement de celles de Facebook et d’Instagram, lesquels imposent des directives de modération de contenu plus strictes.</p>
<p>La mise à jour fait suite <a href="https://www.theverge.com/2018/11/20/18104366/tumblr-ios-app-child-pornography-removed-from-app-store">au retrait de Tumblr de la boutique d’applications Apple</a> après la découverte de pornographie juvénile sur la plateforme. Elle s’inscrit en outre dans de vastes changements consécutifs à <a>l’acquisition de Yahoo, société mère de Tumblr, par Verizon</a>.</p>
<p>La chercheuse Katrin Tiidenberg s’est intéressée à l’expression personnelle sur Tumblr. À son avis, cette nouvelle politique vise peut-être <a>davantage à préserver les ventes de publicité qu’à protéger les utilisateurs</a>. Quels que soient les motifs de Tumblr, la mise à jour aura un profond impact sur les jeunes LGBTQ (lesbiennes, gais, bisexuels, transgenres et queer) qui recouraient à Tumblr et à sa communauté pour se découvrir et recevoir du soutien.</p>
<h2>Des espaces en ligne plus « sécuritaires »</h2>
<p>Comme les identités LGBTQ ont souvent été stigmatisées, Internet a joué un rôle déterminant pour aider les personnes de divers genres et identités sexuelles à en apprendre sur elles-mêmes et à se retrouver entre elles. Tumblr leur a offert un espace sécuritaire grâce à <a>ses nombreuses fonctionnalités clés</a> par exemple le compte avec pseudonyme et le partage de billets) et aux communautés que la plateforme attire.</p>
<p>Sans surprise, d’après un vaste sondage australien, <a>les jeunes LGBTQ utilisent Tumblr beaucoup plus souvent</a> que le reste de la population. Aux dires de bon nombre de répondants, le contenu diffusé sur Tumblr a élargi leur compréhension de la sexualité et du genre et les a aidés à s’accepter tels qu’ils sont.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249094/original/file-20181205-186076-jhdl73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le logo de Tumblr est affiché à la bourse Nasdaq, à New York, en juillet 2013.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Mark Lennihan)</span></span>
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</figure>
<p><a>Par rapport aux autres plateformes populaires</a>, Tumblr a servi d’exutoire essentiel aux jeunes LGBTQ. Alexander Cho, boursier postdoctoral à l’Université de la Californie à Irvine, a d’ailleurs publié un chapitre de livre sur l’<a>écosystème queer</a>. Ils préfèrent donc Tumblr pour partager du contenu plus intime et personnel.</p>
<p>Les personnes LGBTQ ont également trouvé en Tumblr un puissant outil d’autoreprésentation. En effet, grâce à des <a>méthodes de mots-clics</a> sophistiquées, les transgenres partagent de l’art et des histoires, et s’<a>engagent dans des échanges</a> qui remettent en question les normes cisgenres.</p>
<p>Le chercheur Tim Highfield et moi-même avons examiné comment le <a>partage d’images queer en format GIF</a> – courtes séquences diffusées en boucle – permet aux jeunes LGBTQ de s’impliquer dans les communautés partisanes de Tumblr, et comment il illustre non sans un certain humour la culture queer dans son intégrité. Cette vaste représentation des identités LGBTQ pourrait en outre contribuer à décourager le harcèlement homophobe. En effet, certaines des <a>femmes queer que j’ai interrogées</a> perçoivent moins de discrimination sur Tumblr.</p>
<h2>Quel rapport avec le porno?</h2>
<p>Le porno compte parmi les nombreux moyens d’expression auxquels ont recours les utilisateurs LGBTQ. Il leur permet de souder différentes identités non conventionnelles et de survivre dans un monde où l’hétérosexualité est omniprésente dans les médias sociaux et la radiodiffusion.</p>
<p>Tout le contenu LGBTQ ne montre pas nécessairement des organes génitaux, des « mamelons féminins » ou des actes sexuels, mais tous les billets contenant ces éléments ne constituent pas non plus forcément de la pornographie telle qu’on se l’imagine. La plupart des billets à caractère sexuel qui circulent sur Tumblr entre utilisateurs LGBTQ proposent des représentations de la sexualité qui sont souvent occultées ou marginalisées.</p>
<p>Celles-ci peuvent prendre la forme de « fan art », d’égoportraits ou d’extraits vidéo remixés d’étreintes sensuelles. Ces moyens d’expression permettent aux personnes LGBTQ de se voir comme des êtes sexuels, prise de conscience essentielle chez les jeunes dont l’identité sexuelle et de genre est en mûrissement.</p>
<p>Que vous jugiez souhaitable ou non l’accessibilité de ce genre de contenu aux adolescents, la nouvelle politique de Tumblr s’applique à tous, peu importe l’âge. Auparavant, les utilisateurs pouvaient volontairement catégoriser leurs billets comme étant « NSFW » (« Not Safe for Work », ou « non approprié pour le travail ») s’ils contenaient de la nudité occasionnelle, et « Adult » (« adulte ») s’ils comportaient beaucoup de nudité. Ces fonctionnalités offraient <a>une sorte de barrière</a> pour empêcher les jeunes utilisateurs d’accéder au contenu.</p>
<p>Or, désormais, même les adultes n’auront plus accès au « contenu pour adultes ». Ainsi, les jeunes de plus de 18 ans, qui vivent peut-être des transitions formatrices comme le fait d’entreprendre des études postsecondaires ou de quitter le nid familial, ne pourront plus accéder à des médias susceptibles de les aider à découvrir leur identité et à se sentir épaulés dans cette exploration.</p>
<h2>Les plateformes commerciales façonnent la culture</h2>
<p>Les politiques de modération de contenu strictes ont généralement un effet néfaste sur les utilisateurs déjà marginalisés. Dans le cadre de travaux que j’ai menés avec Jean Burgess et Nicolas Suzor, j’ai constaté que <a>certaines femmes queer trouvaient la modération de contenu sur Instagram trop stricte.</a></p>
<p>Instagram demande à ses utilisateurs de signaler tout contenu jugé indésirable et y répond par des mécanismes automatisés. Ainsi, selon les caprices d’autres usagers, les femmes queer peuvent voir leur contenu retiré, et certains mots-clics, par exemple #lesbienne, interdits. La mise à jour de Tumblr repose sur un mélange semblable de signalements par les utilisateurs et d’outils de détection de contenu automatisés.</p>
<p>Plusieurs spécialistes ont commencé à examiner d’un point de vue critique comment les <a>décisions des plateformes façonnent nos normes sociales et culturelles</a>.</p>
<p>Au Canada, <a href="https://www.ppforum.ca/publications/poisoning-democracy-what-can-be-done-about-harmful-speech-online/">Chris Tenove, Heidi Tworek et Fenwick McKelvey</a> ont souligné que la modération de contenu n’est pas normalisée et ne fait l’objet d’aucune surveillance à l’échelle fédérale. C’est donc souvent sans aucune transparence ni responsabilité que les plateformes imposent des catégories de modération de contenu, telles que « Contenu pour adultes ».</p>
<p>« Internet ne manque pas de sites qui proposent du contenu pour adultes », a affirmé à ce sujet le <a>PDG de Tumblr, Jeff D’Onofrio</a>. « Nous leur laissons ce créneau afin de concentrer nos efforts sur la création de l’environnement le plus accueillant possible pour notre communauté. »</p>
<p>Ainsi, avec ce changement, les jeunes qui veulent trouver du contenu à caractère sexuel devront de toute évidence chercher ailleurs. Certains d’entre eux se tourneront peut-être vers des sites pornographiques, mais ceux-ci ne sont pas conçus pour refléter une diversité d’identités sexuelles et de genre.</p>
<p>Les jeunes qui consultent ces sites ont plus de chances d’y trouver des représentations stigmatisées, stéréotypées et dégradantes des femmes et des transgenres. Même les sites pornographiques axés sur la communauté LGBTQ ne forment pas une base aussi propice que Tumblr à l’établissement de réseaux communautaires complexes.</p>
<p>Or, ces types de communautés aident les jeunes à donner un sens au contenu sexuel et à établir des liens avec leur évolution personnelle. La décision de Tumblr prive donc les jeunes LGBTQ d’un média où ils pouvaient élargir leurs horizons en matière d’identité sexuelle et recevoir le soutien de pairs par le partage de contenu.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108867/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefanie Duguay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décision de Tumblr prive les jeunes LGBTQ d’un média où ils pouvaient élargir leurs horizons en matière d’identité sexuelle et recevoir le soutien de pairs par le partage de contenu.Stefanie Duguay, Assistant Professor, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1031322018-09-18T23:17:56Z2018-09-18T23:17:56Z« Les imaginaires sexuels coloniaux ont façonné les mentalités des sociétés occidentales »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237111/original/file-20180919-158219-ewhgtn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C3550%2C2758&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Scène de mœurs, dit Le rapt de la négresse, peinture signée Christiaen van Couwenbergh
[Delft, Pays-Bas], huile sur toile, 105x128 cm, 1632. Cette œuvre représentant le viol d’une femme noire choqua ses contemporains, non pas par sa violence, mais par la représentation d’une relation sexuelle interraciale, jugée déplacée à l’époque.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mazanto/32079972243">Flickr/Christiaen van Couwenbergh (1604-1667), </a></span></figcaption></figure><p>Traversant six siècles d’histoire (de 1420 à nos jours) au creuset de tous les empires coloniaux, depuis les conquistadors, en passant par les systèmes esclavagistes et jusqu’à la période postcoloniale, notre ouvrage <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Sexe__race___colonies-9782348036002.html"><em>Sexe, race et colonies. La domination des corps du XVᵉ à nos jours</em></a> explore le rôle central du sexe dans les rapports de pouvoir.</p>
<p>Il interroge aussi la manière dont les pays esclavagistes et colonisateurs ont (ré)inventé l’« Autre » pour mieux le dominer, prendre possession de son corps comme de son territoire, tout en décryptant l’incroyable production visuelle qui a fabriqué le regard exotique et les fantasmes de l’Occident : autant d’images qui reflètent la domination raciale et sexuelle.</p>
<p>La compréhension de leur contexte de production, l’appréciation de leur diffusion, de leur réception, de leur importance dans l’histoire visuelle, visent à décentrer les regards et à déconstruire ce qui a été si minutieusement et massivement fabriqué. Projet inédit tant par son ambition éditoriale, que par sa volonté de rassembler une pluralité de regards et d’approches critiques, l’objectif de ce livre est de dresser un panorama de ce passé oublié et ignoré, jusqu’à ses héritages contemporains, en suivant pas à pas le long récit de la domination des corps.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=390&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236671/original/file-20180917-158240-1gg140u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=490&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Concours de beautés Bambari, Moyen-Congo, actuelle Centrafrique, photographie, tirage albuminé, 1912.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sexe, race et colonies</span></span>
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<p>Sexualité, domination et colonisation. Trois termes qui se croisent et s’enchevêtrent en effet tout au long des six siècles de pratiques et de représentations qui composent ce livre. Or, si l’histoire des sexualités aux colonies est un sujet de recherche depuis plus de trente ans, il reste méconnu dans son ampleur. Pourtant, la domination sexuelle, dans les espaces colonisés comme dans les États-Unis de la ségrégation, fut un long processus d’asservissement produisant des imaginaires complexes qui, <a href="http://www.bibliomonde.com/livre/harem-colonial-images-sous-erotisme-5743.html">entre exotisme et érotisme</a>, se nourrissent d’une véritable <a href="https://www.amazon.fr/Femmes-dAfrique-Nord-postales-1885-1930/dp/2358480207">fascination/répulsion</a> pour les corps racisés.</p>
<p>Ceci explique pourquoi, les multiples héritages contemporains de cette histoire conditionnent, encore largement, les relations entre populations occidentales du Nord et celles des ex-colonisées du Sud. Car, si les imaginaires sexuels coloniaux ont façonné les mentalités des sociétés occidentales, ils ont aussi bien sûr, déterminé celles des dominé·e·s. Un travail de déconstruction devient, donc, aujourd’hui plus que jamais, nécessaire, en s’attachant notamment aux images produites tout au long de cette histoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1091&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1091&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236678/original/file-20180917-158231-1ye7yp0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1091&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">« Comme il vous plaira. Vierges noires de Djibouti », couverture du magazine <em>Voilà</em>, 16 janvier 1932.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sexe, race et colonies</span></span>
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<h2>La colonie, territoire de la domination sexuelle</h2>
<p>La sexualité aux colonies n’est bridée par aucun tabou, y compris celui de l’enfance : les images proposées exhibant souvent des jeunes filles non-pubères (ainsi, bien que plus rarement, que des jeunes garçons) dans des mises en scène fortement sexualisées. La violence des fantasmes projetés sur les populations colonisées est donc sans limites, puisque le corps de l’« Autre » est lui-même placé en dehors du champ licite des normes, plus proche de l’animal et du monstre que de l’humain, plus en affinité avec la nature qu’avec la culture.</p>
<p>Ceci explique pourquoi le corps de l’« Autre » est pensé simultanément comme symbole d’innocence et de dépravations multiples : un corps qui excite autant qu’il effraie. Dans ce contexte, les femmes « indigènes » sont revêtues d’une innocence sexuelle qui les conduit avec constance au « péché » ou à une « dépravation sexuelle atavique » liée à leur « race », confortant la position conquérante et dominante et du maître et du colonisateur.</p>
<p>L’existence de ces femmes « Autres » toujours vues comme faciles, lascives, lubriques, perverses et donc forcément insatiables permet aussi de construire, en miroir, l’image de l’épouse blanche idéale, pudique et chaste, réduite à une sexualité purement reproductive.</p>
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<span class="caption">Hula Girls, Hawaï, photographie de studio, tirage argentique, 1943.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sexe, race et colonies</span></span>
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</figure>
<p>La liberté sexuelle des hommes blancs aux colonies ne saurait, en effet, être transférée aux femmes issues des métropoles coloniales. Celles-ci y sont, a contrario, plus surveillées encore, du fait qu’elles doivent nécessairement incarner l’exemplarité sexuelle et morale de la colonie, à laquelle les hommes blancs dérogent en général. Ainsi, le « gigantesque lupanar » figuré par la domination esclavagiste et coloniale permet-il aux colonisateurs de se penser et de se vivre en maîtres dans des espaces où leurs possibilités sexuelles sont maximisées au regard des normes et des interdits de leurs propres sociétés tout en excluant leurs femmes de ce même droit. Ceci explique pourquoi les pratiques sexuelles, amoureuses et conjugales dérogent, presque partout, aux règles, aux décrets et aux lois édictées par ceux-là même qui les transgressent allégrement et continûment.</p>
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<span class="caption">Femmes vendues au poids, couverture du magazine <em>Détective</em>, n° 473, novembre 1937.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sexe, race et colonies</span></span>
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</figure>
<p>Cette liberté sexuelle du maître et/ou du colonisateur se heurte pourtant, paradoxalement, aux préceptes moraux, aux interdits raciaux, au refus des femmes blanches d’accepter la cohabitation, jugée humiliante et déshonorante par la plupart d’entre elles, avec d’autres femmes et d’autres familles ; et, in fine, à la peur croissante, dès la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle, d’un métissage qui fait écho à l’idée de dégénérescence et de disparition de la « race » blanche. Cette nouvelle configuration moralisatrice, hygiéniste et prophylactique complexe va conduire néanmoins à un appel croissant, quoique tardif, aux femmes blanches pour peupler les empires, assurer des descendances sans métissage et moraliser les mœurs coloniales. Ces véritables campagnes de recrutements d’épouses – ou de prostituées pour les maisons de tolérance – vont souvent s’effectuer, dans un premier temps, dans les marges des sociétés européennes – orphelinats, hospices, asiles, prisons, bordels… – parmi des catégories de femmes stigmatisées, telles les délinquantes, les filles-mères ou les prostituées : les métropoles coloniales se débarrassant ainsi d’éléments supposément « asociaux » et/ou « immoraux ».</p>
<p>De surcroît, partout dans les espaces colonisés, la question raciale est au cœur de la construction des sexualités puisqu’elle y est le pivot central de l’organisation politique, économique et sociale, particulièrement dans les configurations esclavagistes des Caraïbes, du Brésil ou des États-Unis. Sur cet ensemble de questions concernant toutes les aires géographiques et tous les empires coloniaux, et ce quelle que soit l’époque, les écrivains et les artistes ont laissé leurs empreintes tout en participant à la construction du regard des métropolitains sur les « Autres ».</p>
<h2>Une immense production d’images</h2>
<p>Très tôt, comme le montrent les œuvres rassemblées dans cet ouvrage (plus de 1 200 documents reproduits et majoritairement inédits), les artistes dépeignent les sociétés coloniales et, malgré les interdits, évoquent les métissages tout en éclairant les hiérarchies sociales indexées sur le taux de mélanine des différentes populations. Fondées sur des préjugés, notamment religieux, ces hiérarchies ont alors légitimé la domination raciale de l’époque moderne formant ainsi le premier substrat d’un racisme qui s’incarnait à la fois dans la couleur de peau et dans le statut socio-économique. Les premières images produites, du début du XV<sup>e</sup> siècle jusqu’à la fin du XVII<sup>e</sup> siècle, invitent aussi au rêve et témoignent, très majoritairement, d’une admiration et d’une fascination pour les peuples « exotiques » et leur corporalité.</p>
<p>Cependant, la généralisation de l’esclavage entre l’Afrique et les Amériques, les relations conflictuelles dans l’espace méditerranéen, la montée en puissance des empires coloniaux et l’émergence du racisme scientifique vont progressivement effacer ce « temps de la sidération » au bénéfice de représentations de plus en plus souvent dévalorisantes. Au tournant des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles, s’opère, en effet, une mutation décisive de sens qui va transformer le « préjugé de couleur » en raciologie. Sexualité, prostitution, homosexualité et « race » s’entremêlent donc inexorablement durant cette période, qui commence en 1830-1840, traverse tout le XIX<sup>e</sup> siècle et s’achève autour de 1920.</p>
<p>Des artistes de tous les pays vont dans ce cadre bâtir, dans tous les domaines artistiques possibles (dessin, gravure, peinture…), une vision du monde qui bouleverse les représentations de ces Ailleurs, jusqu’à la rupture majeure consécutive à l’émergence de nouveaux supports visuels tels la photographie, les affiches illustrées et les objets du quotidien bon marché, diffusant très largement, désormais, le goût orientalisant, africaniste ou japonisant, tout en exotisant, érotisant et/ou pornographiant l’« Autre » à outrance.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=922&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=922&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=922&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1158&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1158&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236679/original/file-20180917-158225-sc557k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1158&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« Scène érotique entre deux hommes dans un décor orientalisant », photographie, tirage albuminé, c. 1880.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sexe, race et colonies</span></span>
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</figure>
<p>La démocratisation du porno colonial, à la charnière des XIX<sup>e</sup> et XX<sup>e</sup> siècles, figure, en effet, les colonies comme des « empires du vice », thème présent également dans la fiction romanesque ou pseudo-scientifique, comme en témoigne le célèbre livre du docteur Jacobus, <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8579911?rk=21459;2"><em>L’Art d’aimer aux colonies</em></a> (1893). Très vite, l’industrie cinématographique, qui s’impose comme le grand média de masse de la période tant en Europe qu’aux États-Unis, va utiliser le potentiel érotique des colonies mettant en images de manière récurrente des hommes blancs présentés comme les maîtres incontestés des espaces colonisés, les « protecteurs » des femmes blanches, et les « séducteurs » et les « libérateurs » des femmes « indigènes », mais aussi de mythiques « femmes fatales » orientales ou asiatiques.</p>
<h2>Le siècle de la « beauté métisse »</h2>
<p>Enfin, le XX<sup>e</sup> siècle accouche d’un nouveau paradigme en forme d’utopie qui trouve son expression en de nombreuses images reflétées sur des supports multiples : celui d’une « beauté métisse ». Mais partout, de l’Asie du Sud-Est aux Indes, de l’Afrique subsaharienne au Maghreb, des Antilles à la Polynésie, ces mutations s’accompagnent de vifs questionnements, tel celui concernant la place à donner aux enfants métis : ceux-ci devenant les « enfants perdus » de sociétés encore très majoritairement fracturées par les <em>color lines</em>, légales ou non. Ces nouveaux enjeux, enclenchés par la Grande Guerre, sont ensuite démultipliés par la Seconde Guerre mondiale sur fond de crise migratoire en Europe et aux États-Unis et de contestations anticoloniales de plus en plus vives dans les empires coloniaux.</p>
<p>Cette dernière phase de l’histoire coloniale, enclenchée après 1945, est une période marquée par le <a href="http://www.cnrseditions.fr/histoire/7345-guerre-d-algerie.html">déploiement frénétique des violences sexuelles</a>, notamment contre les femmes colonisées, au sein des populations civiles : comme s’il fallait marquer et violenter les corps des colonisés et, ainsi, les punir de leur désir de se débarrasser de leurs oppresseurs. Comme s’il fallait, aussi, détruire ces femmes indigènes devenues les icônes graphiques des mouvements de libération (et de leurs alliés du moment en Chine, en URSS, en Corée ou en Inde) et des combattantes actives militairement et politiquement dans toutes les luttes anticoloniales.</p>
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<figcaption><span class="caption">Viols pendant la guerre d’Algérie, INA, 2009.</span></figcaption>
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<p>Ainsi, la pratique du viol, au sein du corps expéditionnaire français, durant la guerre d’Indochine (1946-1954) et la guerre d’Algérie (1954-1962) est-elle désormais bien renseignée, comme celle des derniers lynchages – souvent accompagnés d’émasculations – aux États-Unis dans les années 1950. Ailleurs, en Afrique, c’est dans l’Empire britannique que cette violence se révèle à l’occasion de la révolte des Mau-Mau au Kenya entre 1952 et 1960, où des centaines de cas de violences sexuelles sur les femmes (dont des viols) et sur les hommes (dont des castrations) sont recensés.</p>
<p>Ces moments d’ultra-violence sexuelle entrent aussi en résonance avec certains conflits contemporains postcoloniaux, comme le montre l’usage du viol par les troupes étatsuniennes et leurs alliés durant la guerre du Vietnam, de 1955 à 1975, mais aussi par les Soviétiques pendant la première guerre d’Afghanistan, entre 1979 et 1989 et, plus récemment encore, par les troupes alliées en Irak, les Russes en Tchétchénie ou les Peace Corps de l’ONU en République démocratique du Congo.</p>
<h2>Héritages et mutations postcoloniales</h2>
<p>À partir des années 1970, de nombreux artistes vont engager un travail de déconstruction des stéréotypes coloniaux en prenant comme objet central le corps – tels l’artiste français Jean‑Paul Goude ou l’un des papes de la Pop anglaise Peter Thomas Blake, mais aussi l’ancien membre du Black Panther Party, Emory Douglas –, les institutions sexualisées (harem ou bordel) ou bien la violence sexuelle et le viol. Ainsi, Coco Fusco et Guillermo Gómez-Peña, au travers de leur célèbre installation <em>The Couple in the Cage</em> (1993), ou bien encore le Sud-Africain Brett Bailey, avec <em>Exhibit B</em> (2014), cherchent-ils à déconstruire la puissance des représentations de la domination sexuelle coloniale.</p>
<p>Dans le même ordre d’idées, la Vénus hottentote va, elle aussi, se retrouver au cœur de toute une série d’œuvres postcoloniales, telles <em>Venus Baartman</em> de Tracey Rose, <em>Venus</em> de Suzan-Lori Parks, <em>On t’appelle Vénus</em> de Chantal Loïal, <em>Hottentot Venus 2000</em> de Renee Cox, dénonçant son calvaire mais tentant de la restituer dans sa dignité, comme dans le film d’Abdellatif Kechiche, <em>Vénus noire</em>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Bande annonce de <em>Vénus noire</em>, Abdellatif Kechiche, 2010.</span></figcaption>
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<p>Sur tous les continents, des artistes vont porter un œil critique sur ce passé : tous souhaitant dépasser les héritages coloniaux en analysant les effets que les images s’y référant produisent encore aujourd’hui sur les individus et les sociétés.</p>
<h2>Tourisme sexuel</h2>
<p>Dans un tout autre registre, ces mêmes héritages se perpétuent aussi dans les pays des Suds avec le tourisme sexuel. Celui-ci s’est développé avant les indépendances puis lors des conflits de décolonisation et/ou issus de la Guerre froide (en Asie notamment), et constitue désormais une véritable économie globalisée. De très nombreux pays anciennement colonisés se sont ensuite « spécialisés » dans l’offre sexuelle à destination des Occidentaux, mais aussi des nouveaux pays industrialisés, tels la Chine, la Turquie ou les Émirats du Golfe. Héritier de la prostitution coloniale – et des quartiers réservés comme celui de Bousbir au Maroc ou des bordels destinés à l’armée états-unienne en Thaïlande et aux Philippines… – le tourisme sexuel véhicule toujours les mêmes fantasmes et mobilise les <a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-geographique-2012-2-page-16.html">mêmes imaginaires érotiques et pornographiques éculés</a>.</p>
<p>Notons cependant que les migrations Sud/Nord peuvent aussi provoquer des événements où la violence sexuelle extrême est convoquée à l’image des événements de <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2016/01/13/agressions-du-nouvel-an-a-cologne-ce-ne-sera-plus-jamais-comme-avant_4846335_3214.html?">Cologne, en Allemagne, en 2016</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/dEnejqmcMJo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les Hauts-Parleurs, 2017. À Saly, sur la petite côte du Sénégal, pas loin de Dakar, des jeunes filles à peine sorties de l’adolescence, rivalisent d’ingéniosité pour offrir leurs services aux touristes, dans l’espoir d’un avenir meilleur.</span></figcaption>
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<p>De nombreux exemples interrogent en tout cas ce « droit global » des hommes à s’accaparer, y compris par la violence sexiste et raciste, toutes les femmes : celles considérées, par eux, comme étant les possessions des « Autres », mais aussi évidemment celles appartenant à leur propre famille, groupe, culture, nation, « race »… Angela Davis le <a href="https://archive.org/stream/WomenRaceClassAngelaDavis/Women%2C%20Race%2C%20%26%20Class%20-%20Angela%20Y.%20Davis_djvu.txt">soulignait déjà</a>, dans le contexte de l’émergence du mouvement des Black Panthers aux États-Unis dans les années 1970 :</p>
<blockquote>
<p>« Ils pensaient – et certains continuent à le penser – que le fait d’être un homme noir leur donnait des droits sur les femmes noires. »</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=641&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236707/original/file-20180917-158228-17npefa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=805&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Couverture de l’ouvrage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Sexe__race___colonies-9782348036002.html">éditions La Découverte</a></span>
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<p>Pourtant, dans la nouvelle réalité qui est la nôtre en ce XXI<sup>e</sup> siècle naissant, si des structures de domination perdurent incontestablement, d’autres processus inverses se déploient simultanément. Les migrations postcoloniales, au moins dans l’ensemble des anciennes métropoles coloniales, ont ainsi provoqué, presque mécaniquement, la multiplication des unions mixtes et leur acceptation progressive.</p>
<p>Dans la foulée, ce processus a donné corps à un cosmopolitisme globalisé. Que la simple existence de ceux-ci ait déclenché, tout au long de cette longue histoire, des réactions xénophobes plus ou moins constantes ne doit pas faire oublier que la figure des métis.ses est devenue, dans le même temps, un modèle esthétique de référence dans les cultures médiatiques mondiales. Un modèle contesté et/ou récusé, partout, par les suprémacistes de tout bord et les intégristes de toutes religions qui rejettent migrations et minorités au travers de « replis communautaires » polymorphes et accompagnés, le plus souvent, de forts conservatismes culturels et sociétaux, notamment en termes de mœurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/236686/original/file-20180917-158219-iq5e1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La figure des métis.ses est devenue un modèle esthétique de référence dans les cultures médiatiques mondiales.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/42231620@N07/3984452983">abductit/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Quant aux femmes « Autres » toujours catégorisées en types à l’image des « Beurettes » en France, des « Congolaises » en Belgique, des « Pakistanaises » au Royaume-Uni, elles restent assujetties, aussi bien pratiquement que symboliquement, aux rôles prédéfinis par les héritages patriarcaux et/ou coloniaux.</p>
<p>On comprend désormais que la réduction des femmes et des hommes « Autres » à leur sexe/sexualité, principe fondateur de la doxa coloniale depuis l’origine, mais aussi des modèles sociaux de nos cultures désormais globalisées, est loin d’avoir totalement disparu. Et, pourtant, dans le même temps, le métissage est aussi devenu l’horizon d’une utopie censée préfigurer, pour certain·e·s en tout cas, l’éclosion d’une véritable société mondialisée, postraciale et égalitaire, par un effet boomerang que les colonisateurs n’avaient certes pas imaginé quand ils ont, pour la première fois, foulé les terres de l’Amérique, de l’Afrique, de l’Asie et de l’Océanie…</p>
<hr>
<p><em>Extraits de l’introduction de l’ouvrage collectif <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Sexe__race___colonies-9782348036002.html">Sexe, race et colonies. La domination des corps du XVᵉ à nos jours</a>, publié sous la direction de Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Christelle Taraud et Dominic Thomas par les éditions La Découverte et disponible en librairie à partir du 27 septembre 2018 (544 pages, 1 200 illustrations, une centaine d’auteurs/auteures ; préface de Jacques Martial et Achille Mbembe, une postface de Leïla Slimani).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103132/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Blanchard est membre du Groupe de recherche Achac .</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christelle Taraud, Dominic Thomas, Gilles Boëtsch et Nicolas Bancel ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Comment les pays esclavagistes et colonisateurs ont-ils (ré)inventé l’« Autre » pour mieux le dominer, posséder son corps comme son territoire ? Extraits du livre « Sexe, race et colonies ».Pascal Blanchard, Historien, spécialiste du « fait colonial » et des immigrations (Laboratoire Communication et Politique), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Christelle Taraud, Historienne, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneDominic Thomas, Letessier Professor of French Studies, University of California, Los AngelesGilles Boëtsch, Anthropobiologiste, directeur de recherches émérite, CNRS, UMI3189 ESS Dakar, Université Cheikh Anta Diop de DakarNicolas Bancel, Historien, Université de LausanneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1024482018-09-17T22:36:07Z2018-09-17T22:36:07ZPodcast : L’homme qui avait mal à la tête en regardant du porno<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236627/original/file-20180917-158246-1eghxvq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C35%2C1192%2C865&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">On dit (pas) merci qui ? </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/woman-wearing-gray-sweater-dress-218679/">Pexels</a></span></figcaption></figure><p>Regarder une vidéo pornographique peut parfois donner excessivement mal à la tête.</p>
<p>Voici l’histoire d’un homme de 40 ans, marié, père de cinq enfants, heureux en couple et sans antécédents médicaux particuliers venant un jour consulter à l’hôpital pour de violents maux de tête apparu depuis un an et ne se manifestant que dans une situation bien particulière. Chaque fois que cet homme regarde un film pornographique, au bout d’une dizaine de minutes, c’est un mal de tête terrible qui survient. Une douleur battante dont l’intensité ne fait que croître, particulièrement au sommet du crâne, au niveau du cou et des tempes. Heureusement, la cause de son mal finira par être identifiée par ses médecins.</p>
<p>En moins de 10 minutes, grâce à cet épisode, découvrez l’étrange origine de ces biens mystérieux maux de tête.</p>
<hr>
<p><em>Un podcast en partenariat avec <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">La tête dans le cerveau</a> dont toutes les références scientifiques sont à retrouver sur <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/2100">Cerveau en Argot</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102448/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Rodo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si certaines vidéos sont interdites aux mineurs, elles devraient également alerter sur les risques de douleurs impromptues !Christophe Rodo, Jeune chercheur ATER terminant une thèse en neurosciences à Aix-Marseille Université, au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, de l’Institut de Neurosciences des Systèmes et de l’Institut des Sciences du Mouvement, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1018392018-08-21T20:55:56Z2018-08-21T20:55:56ZQui a peur de l’éducation à la sexualité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/232771/original/file-20180820-30611-1mkrut9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C17%2C3971%2C2358&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">« Zizi sexuel l'expo » (mettant en scène Titeuf, personnage créé par Zep) à la Cité des sciences et de l'industrie, avait connu un beau succès en 2007 puis en 2015...et avait relancé les débats sur l'éducation à la sexualité. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/daffyduke/8163426605">DaffyDuke/Flickr</a></span></figcaption></figure><p>Les menstruations, la masturbation, l’homosexualité, autant de sujets qui peuvent faire frémir les pédagogues les moins téméraires d’entre nous. Autant de sujets dont on présume – <a href="https://www.researchgate.net/profile/Melody_Morton_Ninomiya/publication/265526983_Sexual_health_education_in_Newfoundland_and_Labrador_schools_Junior_high_school_teachers%E2%80%99_experiences_coverage_of_topics_comfort_levels_and_views_about_professional_practice/links/54118e580cf29e4a23296c70.pdf">souvent à tort</a> – qu’ils seront introduits dans des séances scolaires d’éducation à la sexualité.</p>
<p>La déclaration récente de la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/08/16/non-les-cours-d-education-sexuelle-ne-sont-pas-une-mesure-de-la-loi-schiappa_5343091_4355770.html">Marlène Schiappa</a> sur les trois séances annuelles d’éducation à la sexualité dans les écoles, les collèges et les lycées – une loi mise en place depuis 2001 – a fait du bruit.</p>
<p></p>
<p>Pourtant, l’histoire nous a montré que les résistances adultes à l’éducation à la sexualité scolaire sont bien ancrées dans les mœurs, les mentalités et les comportements, en <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=CDGE_049_0155">France</a> ou <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/14681811.2017.1301904">ailleurs</a>.</p>
<p>Or, les arguments de ces adultes réfractaires à l’éducation à la sexualité à l’école relèvent d’une frilosité morale et ne tiennent pas la route, pour peu qu’on les confronte aux données empiriques disponibles depuis plusieurs décennies. Ne reculant devant rien en cette saison estivale, c’est à partir de tweets verbalisant les craintes les plus fréquentes que nous proposons d’analyser les deux principales appréhensions des adultes, érigées en autant d’arguments.</p>
<h2>Argument n°1 : Les enfants sont trop jeunes/purs pour qu’on leur parle de sexualité</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=404&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232839/original/file-20180821-149469-xor9kt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=507&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/gdefournas/status/1023990430394998784">Twitter</a></span>
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<p>Ce type d’argument, souvent doublé d’une référence de bon ton à la pédophilie ou à la petite enfance, suggère qu’aborder des notions liées à la sexualité dès la petite enfance contribuerait à la corruption des enfants, qui seraient jusqu’alors « purs » parce que non exposés à la sexualité. C’est d’ailleurs la <a href="http://www.liberation.fr/checknews/2018/08/14/est-ce-que-la-loi-schiappa-prevoit-des-cours-d-education-sexuelle-a-partir-de-4-ans_1672446">mention de l’introduction de séances d’éducation à la sexualité « dès l’âge de 4 ans »</a> qui a engendré la récente levée de boucliers autour de la (ré)intégration de ces séances à l’école et le battage médiatique qui s’en est suivi.</p>
<p>Dans les faits, ce discours sur la menace que ferait planer l’éducation à la sexualité sur la pureté enfantine ne tient pas la route pour au moins deux raisons. D’une part, parce que les <a href="http://unesdoc.unesco.org/images/0026/002607/260770e.pdf">programmes d’éducation à la sexualité sont développés de manière à s’adapter à l’âge des élèves</a>, en débutant par parler des familles et des amitiés, en enchaînant avec la violence et le consentement, et en n’introduisant que progressivement les véritables notions relevant véritablement du corps, des pratiques sexuelles et de la prise de risque qu’elles peuvent engendrer. Les notions abordées en bas âge ne relèvent donc pas de la sexualité, mais du bon vivre ensemble.</p>
<p>D’autre part – n’en déplaise à celles et ceux qui préféreraient qu’il en soit autrement – parce que les enfants ont déjà une « sexualité » par la masturbation et l’auto-découverte de leur corps et de ses zones érogènes, <a href="http://doc.rero.ch/record/260969/files/Heuberger_S.pdf">souvent dès l’âge de 3 ans</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232773/original/file-20180820-30602-aqz438.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">‘Jeux d’enfants’ (Bolivie) : l’enfance est vécue par certain·es comme une période sacrée qui ne devrait pas être « souillée » par la sexualité, perçue comme négative.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/fotof/15054017881">Christophe Sertelet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
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<p>Bref, l’enfance innocente et ignorante, brutalement confrontée à une sexualité génitale adulte trop avancée (qu’elle s’incarne dans les contenus scolaires ou dans les avances sexuelles d’un « pédophile » tant craint) n’existe… pour l’essentiel, que dans les fictions d’adulte.</p>
<p>La donne serait la même pour ce qui est des adolescent·es. <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=GIoUCgAAQBAJ&oi=fnd&pg=PP7&dq=Sinikka+Elliott+2012&ots=k1wQgjt6b3&sig=VQmvUWcrUFTZcQzz7K1hxNoYoaA#v=onepage&q=Sinikka%20Elliott%202012&f=false">Dans son étude des perceptions entretenues par les parents face à la sexualité de leurs enfants</a>, la chercheuse Sinikka Elliott rappelle que les parents sont en mesure de maintenir leur illusion de l’innocence sexuelle de leurs adolescent·es, tant et aussi longtemps qu’ils puissent imputer à d’autres jeunes de leur entourage – essentiellement, selon elle, des jeunes racialisé·es – le rôle d’influence corruptrice en matière de sexualité.</p>
<p>Bref, on constate que bien des adultes désirent tant maintenir cette apparence de pureté qu’ils et elles n’hésitent pas à mettre en place des stratégies favorisant le maintien de ces illusions.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/nc8P_sDGPAs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Archives de l’INA, reportage sur les ouvrages traitant d’éducation sexuelle en 1978.</span></figcaption>
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<h2>La sexualité n’est pas de la responsabilité de l’école</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=244&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/232838/original/file-20180821-149475-1d7w347.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=307&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Tweet du 30 juillet 2018.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://twitter.com/gdefournas/status/1023990430394998784">Twitter</a></span>
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<p>Cet argument suggère que l’on puisse distinguer <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2010-2-page-155.html">deux modes de gestion de la sexualité</a> : l’un à caractère privé, se déployant à partir de la relation privilégiée unissant un enfant à son/ses parents, suggère qu’il ne soit pas de la responsabilité de l’école d’aborder les questions de sexualité.</p>
<p>L’autre, à caractère public, mobiliserait plutôt le bien commun et la citoyenneté sexuelle pour faire intervenir des éducateurs extérieurs à la cellule familiale et exposer les élèves, sans égard aux préférences parentales, à des contenus équivalents en matière de sexualité.</p>
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<figcaption><span class="caption">Dans le film <em>American Pie</em> (1999), l’éducation à la sexualité se fait aussi bien dans la cour de l’école… qu’à la maison.</span></figcaption>
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<p>Dans les faits, toutefois, cette scission entre privé et public ne se joue pas si franchement. Il est ainsi faux d’affirmer que la vie familiale puisse être étanche à tout contenu en matière de sexualité pour peu que les parents ne les désirent ou ne les valident pas. Ainsi, une étude canadienne a montré que, si 95 % des parents considéraient que l’école et la famille devaient se partager la responsabilité de l’éducation sexuelle, la <a href="http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.469.6590&rep=rep1&type=pdf">majorité d’entre eux rapportait ne pas avoir abordé de façon assez détaillée les sujets qu’ils avaient par ailleurs déclaré estimer importants</a>.</p>
<p>Il n’y a qu’à prendre connaissance des habitudes adolescentes en matière de consommation de pornographie sur Internet. Ainsi, dans une enquête datant de 2017, <a href="https://www.ifop.com/publication/les-adolescents-et-le-porno-vers-une-generation-youporn/">51 % des jeunes Français·es de 15-17 ans déclarent avoir déjà surfé sur un site pornographique</a>. Il va sans dire que le désir parental de contrôler l’accès de leur progéniture à des informations liées à la sexualité ne passe pas l’épreuve de l’accessibilité fournie par les outils numériques.</p>
<p>Par ailleurs, clamer que « la sexualité ne relève pas de la responsabilité de l’école » présume à tort que celle-ci n’est pas déjà omniprésente dans les établissements scolaires. Or, pour peu que l’on porte attention à ce qui s’y joue, l’école est plutôt un lieu où les élèves apprennent – au contact de leurs pairs <a href="https://journals.openedition.org/gss/3365">comme des adultes</a> – une panoplie de leçons à caractère sexuel, c’est-à-dire concernant les comportements attendus d’eux et d’elles en <a href="https://journals.openedition.org/gss/2350">matière de sexualité</a> ou d’<a href="http://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1363460705053337">interactions genrées</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le film <em>Tomboy</em> (Céline Sciamma, 2012) montre bien les échanges des enfants autour de la sexualité et du genre.</span></figcaption>
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<p>Bals, rumeurs, insultes, exemples donnés en classe, formulaires plus ou moins inclusifs des différents types de familles, voilà autant de messages qui enseignent la « bonne » sexualité, et qui passent plus souvent qu’autrement sous le nez des parents dont l’attention semble uniquement concentrée sur les séances formelles d’éducation à la sexualité.</p>
<p>Bref, l’hypocrisie est de considérer que la sexualité se trouve confinée aux trois séances annuelles prévues par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=CE62DBEC19CA2807B6775B3B82252FE6.tpdjo11v_2?cidTexte=JORFTEXT000000222631&dateTexte=&oldAction=rechJO&categorieLien=id">Loi du 4 juillet 2001</a>, alors que les manifestations de la sexualité se retrouvent partout dans nos établissements éducatifs, et pas seulement cloîtrées dans un cours, quelques heures par année.</p>
<h2>La panique morale adulte</h2>
<p>Selon le sociologue Michel Bozon, les inquiétudes adultes autour de la sexualité à laquelle sont exposés ou participent les jeunes relèvent d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-agora-debats-jeunesses-2012-1-page-121.htm">« panique morale »</a> engendrée par le sentiment de ne pas (de ne plus ?) pouvoir contrôler la sexualité des jeunes.</p>
<p>C’est ainsi la croissante autonomie des jeunes en matière de sexualité qui déplairait aux adultes. Il ne s’agit pas de suggérer que les parents n’ont pas leur place quand vient le temps de parler sexualité avec leurs enfants, mais bien de constater que les débats autour de la « menace » de l’éducation à la sexualité créent une représentation négative de la sexualité.</p>
<p>Ils la positionnent en effet comme une chose menaçante, arrivant presque « malgré soi », et dont il faut impérativement être protégé. Si cela va de pair avec tout un langage autour du « risque » de la sexualité (comportements à risque, réduction des méfaits, prise de risque, etc.), ce discours dépossède les jeunes de leur capacité de faire des choix éclairés en matière de sexualité et de relations amoureuses.</p>
<p>C’est ce discours qui risque de créer le spectre tant craint par les parents : celui d’adolescent·es immatures, dangereux et potentiellement hors de contrôle en matière de sexualité. S’il existe une véritable menace à l’intégrité sexuelle des enfants, ce n’est donc pas dans l’éducation à la sexualité scolaire qu’elle se trouve, mais dans la mollesse de projets de loi comme celui contre les violences sexuelles et sexistes, pour lequel une <a href="https://www.lejdd.fr/politique/tribune-loi-schiappa-la-protection-de-lenfance-en-berne-3736100">(autre) tempête s’abat</a> sur Marlène Schiappa.</p>
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<figcaption><span class="caption">Il reste toujours la méthode Anne-Sophie de la Coquillette alias Florence Foresti (2015).</span></figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/101839/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gabrielle Richard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire a montré que les résistances adultes à l’éducation à la sexualité scolaire sont bien ancrées dans les mœurs, les mentalités et les comportements. Décryptage des arguments.Gabrielle Richard, Sociologue du genre, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/995622018-07-19T22:23:09Z2018-07-19T22:23:09ZDans la valise des chercheurs : sexe, matrones et prostituées de la Rome antique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/228445/original/file-20180719-142405-xeubit.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C17%2C1949%2C1320&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une peinture de Pompéi. Ier siècle apr. J.-C. Couple en action, la femme a gardé son soutien-gorge.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.stephanecompoint.com/41,,,11033,fr_FR.html">Stephanecompoint</a></span></figcaption></figure><p>Dans son essai, <em>Les Femmes et le sexe dans la Rome antique</em> (Tallandier 2013), Virginie Girod, docteur en Histoire ancienne, nous offre un vivant panorama de la sexualité féminine à l’époque romaine. L’ouvrage est d’autant plus précieux que l’Antiquité sexuelle a envahi notre imaginaire, au moins depuis le XIX<sup>e</sup> siècle, à travers la peinture, puis au cinéma et, aujourd’hui encore, dans la BD et les téléfilms. On associe souvent l’Empire romain à des images sulfureuses et orgiaques.</p>
<p>Mais qu’en était-il en réalité ? <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/les-bons-plaisirs-1re-partie/le-plaisir-sexuel-feminin-dans-la-rome-antique">Virginie Girod</a> tente de répondre à cette question, sans pour autant dénigrer les fantasmes qui, dès l’Antiquité, se sont cristallisés sur la sexualité féminine. L’enquête est menée sur deux fronts qui constituent les deux faces du même sujet : l’historienne questionne la réalité quotidienne des femmes, nous guidant jusque dans leur intimité ; elle nous montre aussi comment les auteurs romains, tous masculins, ont construit, à travers leurs œuvres, une certaine image de la féminité correspondant à leurs désirs.</p>
<p>L’ouvrage est abondamment documenté. Virginie Girod exploite toutes les sources disponibles : de la littérature aux objets de la vie quotidienne, en passant par les œuvres d’art. L’ensemble est très agréablement écrit et facilement accessible. C’est une vaste fresque constituée de trois grands tableaux : « La morale sexuelle féminine » brosse les portraits de Romaines mythiques ; « Corps féminins et sexualité » affronte sans tabou les pratiques sexuelles ; « mère et putain » distingue les deux principales catégories de femmes dans la société patriarcale romaine.</p>
<h2>Les Romains étaient-ils des obsédés sexuels ?</h2>
<p>C’est ce qu’on pourrait croire, quand on contemple avec nos repères contemporains les nombreuses peintures érotiques découvertes à Pompéi. Longtemps, ces œuvres, comme d’autres objets jugés licencieux, ont été conservées à l’abri d’un cabinet particulier du Musée de Naples, dont l’accès était interdit aux femmes et aux enfants.</p>
<p>Mais cette pornographie antique, nous explique Virginie Girod, n’était pas ressentie comme obscène : « l’obscénité, sous la forme d’images ou de mots, pouvait revêtir des sens bien différents dans l’Antiquité. Ce qui est perçu comme obscène aujourd’hui pouvait alors avoir une valeur prophylactique ou cathartique », écrit l’historienne. En fait, l’obscénité n’existe pas en elle-même : c’est d’abord un regard, une représentation sociale. Par exemple, <em>Les Fleurs du Mal</em> de Baudelaire furent considérées comme impudiques lors de leur publication, avant de devenir un chef d’œuvre de la littérature française. À en juger à partir des nombreuses peintures retrouvées à Pompéi, on pourrait naïvement penser que la ville n’était qu’un vaste bordel. On y trouvait, certes, un lupanar décoré de tableaux pornographiques, mais beaucoup de demeures, plus ou moins riches, exposaient aussi des peintures lascives aux yeux de tous, résidents et invités. Il n’y avait pas de cabinet secret dans les demeures pompéiennes. Ce sont les auteurs chrétiens, comme Tertullien, qui bouleversèrent la vision de l’érotisme, transformant la célébration de la vie en une offense à la pudeur. « Sous la pression du christianisme, le corps érotique allait être de plus en plus dissimulé et dénigré ».</p>
<h2>Romaines au pluriel : matrones et prostituées</h2>
<p>La société romaine était fondamentalement inégalitaire. Aujourd’hui, les lois sont les mêmes pour tous. À Rome, tout dépendait du statut juridique de chaque individu : droits, devoirs et comportements différaient radicalement selon qu’une femme était épouse de citoyen ou esclave. Entre ces deux pôles gravitaient encore d’autres statuts plus ambigus, comme celui des affranchies, c’est-à-dire des esclaves auxquelles on avait rendu leur liberté, mais qui restaient tout de même soumises à leurs anciens maîtres.</p>
<p>Les femmes mariées, appelées matrones, devaient posséder trois qualités essentielles, précise Virginie Girod : la chasteté, la fidélité et la fécondité. Il ne s’agissait nullement d’abstinence sexuelle ; mais l’épouse, femme d’intérieur, devait se dévouer exclusivement à son mari. Lorsqu’elle sortait de la maison, elle se couvrait de vêtements amples qui dissimulaient ses formes, afin de bien afficher son indisponibilité sexuelle. La fertilité était vue comme la plus grande qualité physique des matrones ; les Romains admirant tout particulièrement celles qui avaient accouché plus de dix ou douze fois.</p>
<p>À l’inverse, les prostituées prenaient en charge la sexualité récréative et non reproductive. Elles étaient vues comme des objets sexuels. Elles avaient recours à divers accessoires afin d’augmenter leur potentiel érotique. La nudité intégrale ne semble pas avoir beaucoup excité les Romains qui préféraient les corps féminins ornés de bijoux ou cerclés de chaînes en or mesurant parfois plusieurs mètres de long. Ils aimaient aussi faire l’amour avec des filles uniquement vêtues d’un soutien-gorge. Il s’agissait sans doute de dissimuler des seins tombants ou trop volumineux, à une époque où les hommes appréciaient les petites poitrines dressées. Suivant une autre hypothèse, la pièce de tissu pouvait aussi exciter le partenaire masculin, en suggérant un déshabillage toujours en cours ; le soutien-gorge constituant une sorte de « dernier rempart », écrit l’historienne.</p>
<h2>Des pratiques sexuelles codifiées</h2>
<p>Les Romains, comme les Grecs, distinguaient deux types de partenaires érotiques : l’homme dominant qui pénètre sexuellement et la personne dominée qui est pénétrée, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un jeune homme. Mais, contrairement à ce qu’on a parfois écrit, il ne s’agissait pas d’une opposition entre activité et passivité. Le dominant pouvait être passif et le dominé actif, comme la femme qui chevauche son amant selon une position nommée « cheval érotique ». Il est clair que la cavalière, pourtant vue comme dominée, était loin d’être inactive durant sa chevauchée.</p>
<p>Virginie Girod consacre un chapitre très détaillé aux pratiques sexuelles qu’elle évoque sans fausse pudeur. On y apprend que les Romains adoraient les baisers, plus ou moins suaves. Ils embrassaient fréquemment les prostituées sur la bouche en guise de préliminaires.</p>
<p>Le coït vaginal relevait surtout de la sexualité en couple, le but principal du mariage étant la procréation. Mais les prostituées ouvraient aussi leurs vagins à leurs clients, au risque, lorsqu’elles tombaient enceintes, de se retrouver temporairement indisponibles. Sodomie et fellation permettaient d’échapper à ces conséquences.</p>
<p>« Une épouse légitime et née libre n’avait pas à pratiquer la fellation ». Cette tâche était réservée aux prostitués et esclaves des deux sexes. Le <em>fellator</em> comme la <em>fellatrix</em> étaient socialement méprisés ; c’est pourquoi ces deux termes servaient d’insultes. Virginie Girod cite d’étonnants graffiti retrouvés à Pompéi, comme « Secundilla fellatrix » (« Secundilla la fellatrice »). Un équivalent de ce qu’on peut encore lire, de nos jours, dans les toilettes publiques. Plus surprenant encore : « Sabina fellas, non belle faces » (« Sabina tu fais des fellations, mais tu ne les fais pas bien »).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=410&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/228449/original/file-20180719-142414-1o41tjy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cunnilingus pratiqué par un homme ; le corps de la femme est orné d’une chaîne en or croisée sous la poitrine.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Peinture de Pompéi.</span></span>
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<h2>« Lèche-vagin »: l’insulte suprême</h2>
<p>Si la fellation est vue comme dégradante, le cunnilingus est considéré comme pire encore, la personne qui le pratique se trouvant dans la position d’un chien. « Lèche-vagin » était l’une des pires insultes qu’on pouvait entendre à Rome.</p>
<p>Le poète latin Martial (<em>Epigrammes</em> IX), plaint un serviteur obligé de lécher sa patronne ; il en vomissait tous les matins. Certaines riches Romaines possédaient aussi des jouets sexuels vivants : elles s’achetaient de beaux esclaves qu’elles castraient afin de bénéficier du plaisir sexuel sans risquer de tomber enceintes, comme le raconte Juvénal (<em>Satires</em> VI).</p>
<p>On n’en dira pas plus. L’immense mérite du livre de Virginie Girod est de mettre en lumière, dans un style simple et agréable à lire, une histoire romaine intime et confidentielle souvent méconnue. Lecteur pudibond abstiens-toi.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christian-Georges Schwentzel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans son essai, « Les Femmes et le sexe dans la Rome antique », Virginie Girod nous offre un vivant panorama de la sexualité féminine à l’époque romaine.Christian-Georges Schwentzel, Professeur d'histoire ancienne, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/953242018-04-19T21:06:19Z2018-04-19T21:06:19ZComment l’orgasme des animaux interroge notre rapport à leur sensibilité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/215610/original/file-20180419-164001-76pk7n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C19%2C1198%2C858&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pan s’accouplant avec une chèvre, statue de la Villa des Papyrus, Herculaneum, 1752.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Zoophilia#/media/File:Pan_goat_MAN_Napoli_Inv27709_n01.jpg">Marie-Lan Nguyen/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été copublié <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/10058">avec le blog</a> de la <a href="https://blogterrain.hypotheses.org/9489">revue Terrain n°67</a>, où une version longue est parue sous le titre <a href="http://journals.openedition.org/terrain/16404">“Jouir comme des bêtes”</a></em>.</p>
<hr>
<p>Ces dix dernières années, des <a href="https://www.theguardian.com/world/datablog/2017/jun/21/bestiality-animal-sex-laws-zoosexual-community">lois antibestialité</a> ont été adoptées dans de nombreux États américains et dans plusieurs pays européens, dont certains, comme la Suède, ont réinstauré des décrets médiévaux abolis <a href="http://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/S/bo3615470.html">il y a plus d’un demi-siècle</a>. La justification principale de cette nouvelle vague de lois est que tout contact sexuel avec des animaux constitue un abus, étant donné qu’ils ne peuvent pas consentir à des rapports de cette nature avec un être humain.</p>
<p>Le décalage conséquent, bien qu’il passe d’ordinaire inaperçu, entre la révulsion que nous inspire la bestialité et notre acceptation de l’abattage, de l’euthanasie et des expériences pratiquées sur les animaux donnent à penser qu’en reconsidérant notre conception de la sexualité et de la jouissance animales, nous pourrions mieux comprendre les moteurs de la compassion envers les animaux.</p>
<p>Mais les animaux jouissent-ils vraiment ? Comment en être sûr ? Cela a-t-il de l’importance, et pour qui ?</p>
<p>Avant de commencer cette étude, je n’avais, comme la plupart des gens, jamais vu de film porno montrant des rapports sexuels entre humains et animaux. Cependant, j’avais déjà fait des recherches et donné des cours sur la <a href="http://www.engagingvulnerability.se/don-kulick/">pornographie</a> à la fac. J’avais également lu la plupart des travaux universitaires sur le sujet. Je savais donc que la pornographie, comme n’importe quel autre genre, est régie par des conventions particulières.</p>
<p>Ce qui m’intéressait dans la pornographie zoophile, c’était de comprendre comment le plaisir des animaux y était représenté. Les conventions sont-elles les mêmes dans ce type de productions que dans les autres films ? La jouissance d’un chien ou d’un cheval est-elle représentée par ce que l’industrie du porno appelle un « money shot » c’est-à-dire un gros plan sur un pénis en train d’éjaculer (c’est en général de cette façon que se termine une scène) ? Et comment montre-t-on le plaisir d’une femelle ?</p>
<p>En visionnant plus de 40 heures de scènes de bestialité (ce que je ne souhaiterais pas même à mon pire ennemi) j’ai découvert que, bien que la pornographie soit un genre très ancré dans la représentation du plaisir sexuel, la pornographie zoophile n’est en aucun cas une source fiable en matière de représentations du plaisir sexuel ou de l’orgasme animal.</p>
<p>Avant tout, il nous faut revenir à la représentation anthropocentrique de la sexualité des animaux.</p>
<h2>Érotisme animal</h2>
<p>Il existe d’innombrables représentations de la sexualité animale dans la culture occidentale contemporaine. Elles prennent souvent une forme attendrissante et romantique, comme <em>la Belle et le Clochard</em> de Walt Disney partageant chastement une assiettée de spaghetti, ou les descriptions sentimentales de l’accouplement hétérosexuel de papas et mamans Pingouin. Mais les choses sont parfois montrées de façon plus crue, comme dans la <a href="http://www.fantagraphics.com/fritzthecat/"><em>BD Fritz le chat</em> de Robert Crumb</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/212167/original/file-20180327-109169-1ome5i9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"><em>La Belle et le Clochard</em> (Walt Disney), l’une des images anthropocentriques les plus célèbres de l’attirance animale.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/cozinhandofantasias/12909527393">Cozinhando Fantasias/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les rapports sexuels des animaux sont aussi régulièrement filmés dans les documentaires, où l’accouplement est présenté comme un spectacle tantôt amusant, tantôt violent.</p>
<p>En général, lorsque la saison des amours est évoquée, les spectateurs sont amenés à s’identifier au mâle. On explique qu’il doit surmonter un défi pour parvenir à s’accoupler : se battre avec d’autres mâles, ou séduire des femelles exigeantes grâce à des cadeaux, un plumage extravagant, des bois impressionnants, des pas de danse agiles, etc.</p>
<p>Les documentaires qui dépeignent le comportement sexuel des animaux ont ainsi tendance à mettre l’accent sur les épreuves surmontées par les mâles plutôt que sur les actes ou les désirs des femelles.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/tgfJOQTEQmg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">L’accouplement est souvent réduit à la sexualité des mâles et à un divertissement pour les humains.</span></figcaption>
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<p>L’attention portée à la jouissance des mâles dans les documentaires se reflète dans la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Theriogenology">thériogénologie</a>, science de la reproduction animale. Cette <em>scientia sexualis</em> des animaux génère de très nombreuses études consacrées à l’insémination artificielle, publiées dans des revues comme <em>Veterinary Clinics of North America Equine Practice</em>.</p>
<p>Elles parlent de « libido » animale (pour les animaux mâles en tout cas) et donnent des instructions détaillées sur la <a href="http://www.theriojournal.com/article/0093-691X(89)90539-6/pdf">façon de stimuler les mâles pour les faire éjaculer</a>.</p>
<p>On nous apprend par exemple que la température adéquate des linges humides qui doivent être utilisés pour stimuler manuellement le gland d’un étalon est d’environ 45 °C. En revanche, il n’y a aucune indication sur la façon de stimuler une jument avant de l’inséminer artificiellement. Il semble que les femelles inséminées n’aient droit, en guise de stimuli, qu’à un cathéter, une seringue et une injection.</p>
<p>Du bain béni pour les chercheurs.ses spécialistes des études féministes.</p>
<h2>Des animaux et des hommes</h2>
<p>Pendant mes recherches, j’ai découvert deux choses : la vision populaire de la bestialité concerne les hommes et des animaux. Mais son versant érotique met en scène les femmes.</p>
<p>Le premier aspect est plutôt « amusant ». Pensez à toutes les histoires de zoophilie qui circulent, comme la légende urbaine, très populaire dans les années 1980, concernant <a href="http://www.mtv.com/news/2816409/richard-gere-gerbil/">Richard Gere et sa gerbille</a> (que l’acteur aurait mise dans un préservatif avant de se l’insérer dans le rectum) ou la séquence de <em>Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe (sans jamais oser le demander)</em> de Woody Allen (1972), relatant l’histoire d’un médecin, joué par Gene Wilder, qui tombe amoureux d’une brebis nommée Daisy.</p>
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<figcaption><span class="caption">La scène de la brebis, avec Gene Wilder, 1972.</span></figcaption>
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<p>Ce genre de rumeurs traduit peut-être le fait que la bestialité semble être majoritairement une affaire d’hommes. Du moins, si l’<a href="http://ajph.aphapublications.org/doi/abs/10.2105/AJPH.93.6.894">on en croit Alfred Kinsey</a>, qui a demandé à 20 000 Américains à quelle fréquence ils avaient des rapports sexuels avec des animaux. Le professeur en a conclu que 8 % d’hommes et 3,5 % de femmes avaient déjà eu une expérience sexuelle de ce type.</p>
<p>Ces représentations dessinent en creux un autre espace, culturel celui-là, peuplé d’images érotiques de femmes et d’animaux bien plus transgressives.</p>
<h2>Rabaisser les femmes, dominer les bêtes</h2>
<p>Sur les peintures et les illustrations, contrairement à la vision la plus commune de la bestialité, ce sont des femmes qui sont représentées en train de s’accoupler avec des animaux. Prenons par exemple Léda et le cygne ou Le Rêve de la femme du pêcheur, célèbre <em>shunga</em> (estampe japonaise sur bois) qui montre une pieuvre en train de faire un cunnilingus à une femme extatique.</p>
<p>Il se trouve que les actes sexuels entre femmes et animaux sont aussi très majoritaires dans le porno zoophile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211975/original/file-20180326-159081-w3favj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hokusai, <em>Le Rêve de la femme du pêcheur</em> (Tako to ama), 1814, recadré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_R%C3%AAve_de_la_femme_du_p%C3%AAcheur#/media/File:Tako_to_ama_retouched.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Ce type de pornographie a commencé à être produit à des fins commerciales dans les années 1970. Pour la plupart, ces premiers films ont été réalisés au Danemark, dans un contexte de libération sexuelle, avec l’idée qu’une sexualité libérée pouvait inclure <a href="http://www.berghahnbooks.com/title/DonnanTransgressive">toutes sortes de rapports</a> : entre femmes, entre hommes, entre jeunes et vieux, valides et invalides, humains et animaux.</p>
<p>Vers la fin des années 1980, la production de porno zoophile s’est délocalisée au Brésil, où se tourne encore aujourd’hui la majorité des films commercialisés, et en Europe de l’Est. Ces pornos se distinguent par la manière plus ou moins dégradante dont ils traitent les femmes, même si les productions d’Europe de l’Est sont beaucoup plus ouvertement abusives.</p>
<p>S’il ne fait aucun doute que ces films sont dégradants pour les femmes, les animaux sont traités de façon tout aussi révoltante par les acteurs des deux sexes.</p>
<p>J’insiste sur ce point : la pornographie ne montre pas le plaisir sexuel des animaux, car ils n’en prennent aucun.</p>
<h2>Abus et contrainte</h2>
<p>Même si toutes sortes d’espèces apparaissent dans ces films, depuis nos amis de la ferme, les poulets et les chèvres, jusqu’à des spécimens plus exotiques comme les anacondas ou les anguilles, les bêtes les plus communément représentées sont, sans surprise, les chiens et les chevaux.</p>
<p>Les équidés peuvent être de simples poneys ou de grands étalons adultes. Les chiens sont de taille moyenne ou grands ; les dobermans et les dalmatiens semblent compter parmi les races les plus populaires, sans doute parce qu’ils ont le poil ras, ce qui permet de mieux distinguer leurs parties génitales. Les dogues allemands, contrairement aux idées reçues, ne sont que rarement utilisés : plus l’animal est grand, plus il est difficile à contrôler.</p>
<p>La question du contrôle est un point central de la pornographie zoophile. Quand ils sont excités sexuellement, les animaux ont tendance à se montrer remuants. Mais cette mobilité est un problème lorsqu’il s’agit de tourner une longue scène de sexe, comme l’exigent les conventions du genre. Ainsi, la plupart des scènes nécessitent deux personnes : l’une maintient l’animal pour s’assurer qu’il ne quitte pas le champ de la caméra, ne rue pas et ne mord personne, tandis que l’autre effectue un acte sexuel avec lui.</p>
<p>À de rares exceptions près, les animaux des pornos zoophiles sont entravés ou drogués : les chiens ont les pattes attachées et sont mis sous sédatifs de façon à rester étendus sur le dos pendant un long moment pendant que des femmes leur sucent le pénis ou les chevauchent ; les chèvres sont tirées brutalement par la barbiche et forcées d’enfoncer leur museau dans l’entrejambe d’une femme ; les chevaux sont enchaînés au sol pour les empêcher de bouger et de ruer.</p>
<p>Pour toutes ces raisons, les pornos zoophiles ne font jamais de gros plans sur une queue frétillante ou une langue pendante, ni de « money shots », parce qu’un animal drogué et stressé ne peut évidemment pas jouir.</p>
<h2>En quoi est-ce important ?</h2>
<p>Pour en revenir à la question initiale de l’importance, on pourrait se contenter de hausser les épaules et de répondre qu’un phénomène comme la pornographie zoophile doit être condamné, et non faire l’objet de spéculations philosophiques ou éthiques.</p>
<p>Je suis d’accord sur le fait que ce type de pornographie mérite d’être fermement condamné. Mais je pense également qu’en rester là serait une erreur, car cela nous dissuade d’envisager l’érotisme animal et la jouissance des animaux sous l’angle du nombre croissant d’écrits humanistes et philosophiques sur les rapports interespèces.</p>
<p>Je n’aurais jamais imaginé trouver des représentations du plaisir sexuel animal dans les travaux d’universitaires respectés. Et pourtant :</p>
<blockquote>
<p>« Madame Cayenne Pepper colonise encore toutes mes cellules […]. Je parie que si l’on observait nos ADN respectifs, on constaterait des échanges massifs de gènes […]. Car les baisers qu’elle prodigue sont irrésistibles. Sa langue rapide et agile de berger australien a imbibé les tissus de mes amygdales […], nous avons eu des conversations interdites, des relations orales […], nous nous entraînons l’une l’autre dans des formes de communication que nous comprenons à peine. »</p>
</blockquote>
<p>Ceci n’est pas un extrait de blog zoophile : c’est ce qu’écrit la professeure américaine Donna Haraway à propos de sa chienne dans son <a href="http://www.lyber-eclat.net/livres/manifeste-des-especes-de-compagnie/"><em>Manifeste des espèces de compagnie</em></a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DqMW9-G2gCo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La chercheuse Donna Haraway évoque les rapports interespèces.</span></figcaption>
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<p>Jacques Derrida lui-même, dans un célèbre passage de son volumineux <a href="http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=2807"><em>L’Animal que donc je suis</em></a> (2002), se tient nu devant son chat et nous dit :</p>
<blockquote>
<p>« [Si] le chat m’observe nu de face, en face-à-face, et si je suis nu face aux yeux du chat qui me regarde de pied en cap, dirais-je, juste pour voir, sans se priver de plonger sa vue, pour voir, en vue de voir, en direction du sexe. Pour voir, sans aller y voir, sans y toucher encore, et sans y mordre, bien que cette menace reste au bout des lèvres ou de la langue. Il se passe là quelque chose qui ne devrait pas avoir lieu. »</p>
</blockquote>
<p>Il s’avère que les rapports oraux de Donna Haraway avec sa chienne et les réflexions de Jacques Derrida sur la relation entre son sexe nu et les yeux, les lèvres et la langue de son chat sont symptomatiques d’un intérêt sans précédent des chercheurs pour les animaux et la frontière entre les espèces.</p>
<h2>S’intéresser aux animaux est une nécessité</h2>
<p>Le fait que tant d’universitaires accordent de l’attention aux animaux et qu’un nombre surprenant écrivent sur le sujet de façon clairement érotique est signifiant.</p>
<p>Le lien sans doute inattendu entre la jouissance animale et <a href="http://journals.openedition.org/terrain/16189#bibliography">cette discussion</a> réside dans le fait que, comme le montre la vague récente de lois interdisant la bestialité, l’idée d’une sexualité interespèces semble susciter chez les gens un sentiment de compassion et d’horreur face à l’exploitation animale qui est réprimée, incomprise ou niée lorsqu’il s’agit de les tuer.</p>
<p>Les chercheurs font un travail essentiel en critiquant l’intolérable souffrance institutionnalisée que les humains font subir aux animaux à grande échelle, et en défendant l’idée que les animaux et les êtres humains partagent un univers éthique.</p>
<p>Explorer la façon dont les animaux jouissent et dont leur sexualité est perçue, imaginée, théorisée et pratiquée peut apporter quelque chose à leur travail en nous en apprenant davantage sur la configuration et les limites de cet univers.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr/en/">Fast for Word</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95324/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laure Assaf est membre de la rédaction de Terrain (et blog Terrain).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Don Kulick ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les animaux jouissent-ils ? Comment en être sûr ? Cela a-t-il de l’importance, et pour qui ?Don Kulick, Distinguished University Professor of Anthropology, Uppsala UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/653072016-09-13T10:00:00Z2016-09-13T10:00:00ZLes violences à enfant sont aussi psychologiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/137651/original/image-20160913-4972-1khdsxo.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Extrait du documentaire « Enfants maltraités, un silence à briser ».
</span> <span class="attribution"><span class="source">Bonne compagnie/France 5</span></span></figcaption></figure><p>Ce soir sur France 5, l’<a href="http://www.france5.fr/emissions/le-monde-en-face/diffusions/13-09-2016_504239">émission « Le monde en face »</a> aborde un thème manifestement toujours tabou dans notre société : la violence à enfant. Le reportage « Enfants maltraités : un silence à briser » cherche à alerter les professionnels comme le grand public, sur la réalité des mauvais traitements régulièrement infligés aux plus jeunes. En France, ils peuvent conduire, encore aujourd’hui, à la mort : chaque jour, deux enfants décéderaient de maltraitance, le plus souvent du fait de leurs parents.</p>
<p>La diffusion de cette émission à 20h45, heure de grande écoute, est un choix courageux, car le sujet « n’est pas vendeur », « il plombe l’ambiance », comme le souligne l’un des intervenants.
Le reportage (<a href="http://pluzz.francetv.fr/">visible en replay</a> pendant une semaine) présente le quotidien de l’Unité Médico-Judiciaire (UMJ) de Paris, <a href="http://www.institutdevictimologie.fr/trouble-psychotraumatique/umj_63.html">qui reçoit les enfants victimes de sévices</a>, pour leur évaluation en vue d’éventuelles poursuites judiciaires. Ces sévices vont de coups de torchon cinglants infligés par un chef cuisinier à son apprenti, aux violences incestueuses au sein des familles, en passant par les bébés secoués, les enfants roués de coups par leurs parents, ou encore les agressions sexuelles perpétrées par des tiers.</p>
<p>Le film ose aborder des aspects de ces violences rarement mis en lumière, par exemple celles exercées par des femmes, ou dans les beaux quartiers. Dans l’histoire de l’adolescent maltraité par sa mère au point d’avoir dû être suturé, la famille habite un appartement de 200 m2 dans le très chic XVI<sup>e</sup> arrondissement de Paris. Le père aussi est victime de sa femme – c’est d’ailleurs par ce biais que la situation de l’enfant est repérée. Ce cas montre que la violence familiale touche tous les milieux, qu’elle ne se limite pas aux classes sociales les plus défavorisées comme il est souvent confortable de le croire. Il rappelle aussi que la maltraitance n’est pas l’apanage des hommes, que les mères peuvent s’y livrer sur leurs propres enfants, ainsi que sur leurs conjoints, idées souvent très difficiles à admettre.</p>
<h2>La violence psychique laisse plus de traces</h2>
<p>Ce qui est cependant surprenant dans ce reportage, c’est l’absence de mention de la violence psychologique que peuvent subir les enfants. Ne sont abordés que des exemples de mauvais traitements physiques, même lorsqu’il s’agit d’humiliations infligées par les parents, illustrées ici par l’évocation d’enfants enfermés dans des placards, laissés sur le paillasson, etc. Pourtant, toutes les études sur la violence à enfant menées par la recherche scientifique internationale ont montré que la violence physique seule est rarissime. Elle est toujours accompagnée de <a href="https://www.oveo.org/la-maltraitance-emotionnelle/">violence psychique</a>, et c’est cette dernière qui <a href="http://www.lexpress.fr/styles/enfant/catherine-gueguen-les-paroles-humiliantes-detruisent-des-neurones-chez-les-enfants_1678176.html">laisse le plus de traces</a> à moyen et à long terme.</p>
<p>En 1983 s’est tenue aux États-Unis la première conférence internationale sur ce thème (International Conference on Psychological Abuse of the Child). Elle a conduit à l’élaboration d’une définition précise de la violence psychologique à enfant et de ses différentes catégories, ayant permis depuis des milliers de recherches scientifiques internationales sur le sujet. On peut les retrouver dans les imposants ouvrages de synthèse régulièrement mis à jour par l’association américaine des professionnels de la maltraitance à enfant (American Professional Society on the Abuse of Children (APSAC)), le dernier paru en 2010. Ces éléments figurent aussi dans l’ouvrage de Pierre Coslin et Brigitte Tison <em>Les professionnels face à l’enfance en danger : lorsque la méconnaissance fait mal</em> (Masson, 2010).</p>
<h2>Une loi sur la violence psychologique dans le couple</h2>
<p>Ces recherches s’appuient essentiellement sur la <a href="http://www.etab.ac-caen.fr/apiedu/maternelle/docs/IENmaternelle-theorieattachement.pdf">théorie de l’attachement</a>, développée par le psychiatre britannique, John Bowlby, dès les années 1950. Il a montré à quel point la violence psychologique à enfant est à l’origine de troubles ultérieurs chez l’adulte. Il en a détaillé précisément les modalités, notamment dans des conférences publiées en français en 2011 telles que <em>Violences dans la famille</em> et <em>Savoir ce que l’on n’est pas censé savoir et ressentir ce que l’on n’est pas censé ressentir</em>. L’impasse du reportage de France 5 sur la violence psychologique en tant que maltraitance à enfant est d’autant plus étonnante que son impact délétère a été reconnu en France chez l’adulte, donnant lieu en 2010 <a href="http://www.lexpress.fr/actualite/societe/un-delit-de-violence-psychologique-dans-le-couple_851457.html">à une loi la condamnant au sein du couple</a>.</p>
<p>Dans ce reportage, on nous présente encore l’histoire d’une adolescente, agressée sexuellement pendant trois ans par un adulte d’un centre de vacances où elle séjournait en famille. Elle n’a rien dit à ses proches – trop difficile, trop douloureux, dit-elle. Suit un commentaire de l’infirmière de l’Unité assurant que si un enfant n’arrive pas à parler de ce qui lui arrive à ses parents, cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas à l’écoute. Pourtant, la jeune fille est par ailleurs suivie en thérapie individuelle et familiale et c’est là que, questionnée par sa thérapeute, elle a fini par livrer des bribes de l’affaire.</p>
<p>Les principes de l’attachement montrent que si un enfant ne peut pas parler de ce qui le touche, de ce qui le perturbe émotionnellement, c’est parce qu’il n’est pas assuré de l’écoute et de la compréhension de ses parents. Il a appris à ne pas leur faire confiance sur ce point : il a subi des violences psychologiques le contraignant à taire son vécu le plus intime. Et c’est typiquement ce genre de perturbation relationnelle qui est traité en thérapie familiale.</p>
<h2>Un cas de résilience, vraiment ?</h2>
<p>En clôture du reportage, trois frères de huit à treize ans sont reçus par la psychologue chargée du suivi des victimes. Leur père est violent. Il s’en prend à eux et à leur mère, qu’il a bien failli tuer. L’aîné se sent mal, il pleure et fait des cauchemars. Le petit ne comprend pas ces réactions. Lui, il dort très, très bien, dit-il. Il ne pleure pas non plus apparemment. La relation avec son père est anormale, mais avec sa mère tout va bien, ajoute-t-il.</p>
<p>La psychologue est heureuse de présenter des cas de résilience, d’enfants qui s’en sortent bien malgré les circonstances. Mais comment peut-elle en juger à si court terme ? Et de qui parle-t-elle, du petit garçon qui ne manifeste aucun symptôme de mal-être ou de celui qui pleure et n’arrive pas à dormir ? Et quid du troisième que l’on entend à peine ? Elle évoque les mécanismes de défense qu’elle voit avec intérêt se déployer sous ses yeux : pleurer et avoir peur peut-il être considéré comme défensif en ces circonstances ? N’est-ce pas une juste réponse, parfaitement authentique et adaptée, au drame vécu par ces enfants ?</p>
<p>Par contre, le petit bonhomme qui semble aller si bien est lui en train de bloquer ses émotions légitimes, mécanisme délétère à moyen et long terme, tant pour sa santé psychique que physique. C’est ce que montrent clairement les recherches sur les conséquences de la violence familiale, comme les études ACE (Adverse Childhood Experience), relayées par une haute autorité américaine de santé, le CDC (Center for Disease Control). Par ailleurs, sa relation avec sa mère est-elle si positive, qui le maintient dans un climat de violence extrême, en étant apparemment incapable de quitter son conjoint violent ? John Bowlby insiste sur cet aspect dans ses divers textes, il souligne l’importance pour l’enfant de reconnaître sa colère envers le parent ouvertement maltraitant, mais aussi envers l’autre, défaillant dans son devoir de protection.</p>
<h2>Convaincue de mensonge</h2>
<p>Pour conclure sur cette occultation de la violence psychologique à enfant : dans le reportage, une petite fille de sept ans accuse son frère de quinze ans d’attouchements sexuels. Elle est convaincue de mensonge par la police, sa mère a démontré que les faits ne peuvent s’être produits à la date indiquée par l’enfant. La fillette est jugée comme étant en manque de repères, livrée à elle-même. Conclusion des autorités : il n’y a pas maltraitance.</p>
<p>Or, il est indiqué que son grand frère lui fait régulièrement visionner des films porno. Selon les catégories de l’APSAC, cette petite fille est victime d’au moins deux types de violence à enfant : la négligence (elle est livrée à elle-même) et ce qu’ils nomment la « corruption », par la pornographie à laquelle elle est exposée, inappropriée à son stade de développement.</p>
<p>Que dire aussi de cette accusation de mensonge pour une question de date sur laquelle l’enfant a pu s’être trompée ? Que peut-on imaginer des relations réelles entre cette fillette et son grand frère, manifestement pas très protecteur, amateur de porno et partageant sa chambre ? Plus grave encore : pour avoir, en apparence, menti sur les agissements de son frère, cette petite fille a désormais un dossier judiciaire qui la suit, rendant sa parole plus que douteuse à l’avenir.</p>
<p>Dans le reportage, un intervenant-formateur insiste auprès des professionnels de l’enfance pour qu’ils n’aient pas peur de dénoncer les actes de maltraitance car ils ne seront pas poursuivis si leurs accusations sont non fondées. Or, dans des circonstances similaires, la victime se retrouve ici attaquée ou du moins « fichée ». Si des enfants ou des adolescents maltraités regardent l’émission, comment vont-ils recevoir ce message ? Un tel exemple ne risque-t-il pas de les terrifier davantage et de les murer à jamais dans le silence par rapport aux violences qu’ils subissent ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/65307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yvane Wiart ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Sur France 5, un documentaire rompt l’omerta sur un sujet difficile, les enfants maltraités. Mais il fait l’impasse sur les violences psychologiques, plus délétères que les sévices physiques.Yvane Wiart, Docteure en psychologie, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.