tag:theconversation.com,2011:/us/topics/psychotropes-56706/articlespsychotropes – The Conversation2023-09-19T13:50:50Ztag:theconversation.com,2011:article/2012572023-09-19T13:50:50Z2023-09-19T13:50:50ZContre la dépression, l’exercice peut être plus efficace que les thérapies ou la médication<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/518032/original/file-20230328-14-6q6w90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1276&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’exercice physique peut s'avérer plus efficace contre la dépression que les médicaments ou la thérapie cognitivo-comportementale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Anupam Mahapatra)</span></span></figcaption></figure><p>Les problèmes de santé mentale, dont la dépression ou l’anxiété, affectent des millions de personnes à travers le monde. Depuis la Covid-19, les personnes disant avoir une excellente ou une très bonne santé mentale a diminué au Canada, passant de 55 % en juillet 2020 à 68 % en 2019. De manière générale, la pandémie <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33794717/">a exacerbé la détresse psychologique</a> dans le monde. </p>
<p>Les troubles de santé mentale <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140673615003906">coûtent cher tant à l’individu qu’à la société</a>. </p>
<p>Si les traitements traditionnels tels que la thérapie et la médication peuvent être efficaces, notre <a href="https://bjsm.bmj.com/content/early/2023/02/16/bjsports-2022-106195?rss=1">nouvelle recherche</a> souligne l’importance de l’exercice physique dans la prise en charge des problèmes de santé mentale.</p>
<p>Publiée dans le <a href="https://bjsm.bmj.com/content/early/2023/02/16/bjsports-2022-106195?rss=1"><em>British Journal of Sports Medicine</em></a>, notre étude a recensé plus d’un millier d’essais cliniques portant sur les effets de l’activité physique sur la dépression, l’anxiété et la détresse psychologique. Elle a montré que l’exercice physique est un moyen efficace de traiter les problèmes de santé mentale.</p>
<h2>Plus dur, plus rapide, plus fort</h2>
<p>Nous avons recensé 97 articles, qui portaient sur 1 039 essais cliniques comptant 128 119 participants. Nous avons constaté qu’une activité physique de 150 minutes par semaine (marche rapide, haltérophilie, yoga, etc.) réduit considérablement la dépression, l’anxiété et la détresse psychologique.</p>
<p>Les améliorations les plus importantes (telles que déclarées par les participants) ont été observées chez les personnes souffrant de dépression. Mais des bénéfices évidents ont aussi été observés pour toutes les populations, en santé ou pas.</p>
<p>Nous avons constaté que plus l’intensité de l’exercice est élevée (marcher à un rythme soutenu, par exemple), plus il est bénéfique. De plus, les bénéfices de la pratique de l’exercice physique s’accroissent après six à douze semaines. L’amélioration de la santé mentale profite d’une pratique à long terme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1627380770233876480"}"></div></p>
<h2>Quel est le degré d’efficacité ?</h2>
<p>Nos résultats suggèrent que l’exercice physique est environ 1,5 fois plus efficace que la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4804177/">médicamention</a> ou la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29451967/">thérapie cognitivo-comportementale</a> pour combattre la dépression et l’anxiété. </p>
<p>En outre, l’exercice physique est moins <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/epidemiology-and-psychiatric-sciences/article/excess-costs-of-depression-a-systematic-review-and-metaanalysis/8F8EE6D5D23F62C56A302EAB378F7B4D">coûteux</a> que la médication, il provoque moins d’<a href="https://www.healthdirect.gov.au/antidepressant-medicines#side-effects">effets secondaires</a> et offre au contraire des gains supplémentaires pour la <a href="https://bmcpublichealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2458-13-813">santé physique</a> : contrôle du poids, santé cardiovasculaire, osseuse et cognitive. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512772/original/file-20230228-4453-nl8frz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’exercice est moins coûteux que les médicaments et présente moins d’effets secondaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://images.unsplash.com/photo-1580058572462-98e2c0e0e2f0?ixlib=rb-4.0.3&ixid=MnwxMjA3fDB8MHxwaG90by1wYWdlfHx8fGVufDB8fHx8&auto=format&fit=crop&w=1742&q=80">Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<h2>Pourquoi ça marche</h2>
<p>L’exercice physique aurait un impact à court et à long terme sur la santé mentale pour de multiples raisons. Tout d’abord, des endorphines et de la dopamine sont libérées dans le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5928534/">cerveau</a> tout juste après la séance d’exercices. </p>
<p>À court terme, cela contribue à améliorer l’humeur et à atténuer le <a href="https://psycnet.apa.org/record/2006-10949-005">stress</a>. À long terme, la libération de neurotransmetteurs <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31586447/">favorise les changements dans le cerveau</a> qui contribuent à l’humeur et à la cognition. Cela fait diminuer l’inflammation et renforce la fonction immunitaire. </p>
<p>L’exercice régulier peut permettre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1087079218301023">d’améliorer le sommeil</a>, qui joue un rôle essentiel dans la dépression et l’anxiété. Il permet de développer une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0134804">meilleure estime de soi et un sentiment d’accomplissement</a>, bénéfiques pour les personnes qui luttent contre la dépression. </p>
<p>Les résultats corroborent donc le rôle crucial de l’exercice dans la gestion de la dépression, de l’anxiété et de la détresse psychologique. </p>
<p>Certaines directives cliniques reconnaissent déjà le rôle de l’exercice — par exemple, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33353391/">directives cliniques australiennes et néo-zélandaises</a>, qui suggèrent des médicaments, une psychothérapie et des changements dans le mode de vie, telle la pratique d’exercices.</p>
<p>Les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0004867412466595">médicaments</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33353391/">psychothérapie</a> demeurent plus souvent prescrits que l’exercice physique. Cela peut s’expliquer par le fait que l’exercice est difficile à prescrire et à contrôler en milieu clinique. De plus, les patients peuvent être réticents, parce qu’ils manquent d’énergie ou de motivation.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/netflix-psychiatrist-phil-stutz-says-85-of-early-therapy-gains-are-down-to-lifestyle-changes-is-he-right-195567">Netflix psychiatrist Phil Stutz says 85% of early therapy gains are down to lifestyle changes. Is he right?</a>
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<h2>Ne faites pas cavalier seul</h2>
<p>Il est important de noter que si l’exercice physique peut être un outil efficace pour recouvrer ou maintenir la santé mentale, les personnes souffrant de problèmes de santé mentale devraient travailler avec un professionnel de la santé pour élaborer un plan de traitement complet — plutôt que de se lancer seules dans un nouveau programme d’exercice. </p>
<p>Un plan de traitement peut inclure une combinaison d’approches liées au style de vie, telles que l’exercice régulier, une alimentation équilibrée et la socialisation, ainsi que des traitements tels que la psychothérapie et les médicaments. </p>
<p>L’exercice physique est un outil puissant et accessible pour gérer les problèmes de santé mentale — et le mieux, c’est qu’il est gratuit et qu’il s’accompagne de nombreux autres avantages pour la santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201257/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ben Singh reçoit un financement de la Société internationale du comportement, de la nutrition et de l'activité physique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carol Maher reçoit des fonds du Medical Research Future Fund, le National Health and Medical Research Council, la National Heart Foundation, le SA Department for Education, le SA Department for Innovation and Skills, Healthway, le Hunter New England Local Health District, le Central Adelaide Local Health Network et LeapForward.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jacinta Brinsley ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faire de l’exercice physique 150 minutes par semaine serait environ 1,5 fois plus efficace contre la dépression que les médicaments ou la thérapie cognitivo-comportementale.Ben Singh, Research fellow, University of South AustraliaCarol Maher, Professor, Medical Research Future Fund Emerging Leader, University of South AustraliaJacinta Brinsley, Postdoctoral research fellow, University of South AustraliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2094312023-07-23T15:17:00Z2023-07-23T15:17:00ZCocaïne, ecstasy, hallucinogènes… Quels sont les comportements des jeunes face aux drogues illicites ?<p>Beaucoup de clichés circulent autour de la consommation de drogues chez les jeunes, ils consommeraient de plus en plus tôt et en plus grande quantité que leurs aînés, mais qu’en est-il vraiment ? Pour le savoir, nous menons <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/tendances/les-drogues-17-ans-analyse-de-lenquete-escapad-2022-tendances-155-mars-2022/">l’enquête sur la santé et les consommations</a> lors de la Journée d’appel et de préparation à la défense (ESCAPAD). Cette dernière est conduite depuis l’an 2000 par l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) en collaboration avec la Direction du service national et de la jeunesse (DSNJ). Menée pour la première fois en 2000, elle a été réalisée neuf fois et nos derniers résultats datent de 2022.</p>
<p>Elle porte principalement sur les consommations de substances, mais d’autres thématiques de santé, selon les années, sont abordées dans le questionnaire comme les conduites addictives sans substance (jeux d’argent et de hasard, par exemple), la santé mentale, le handicap ou les comportements alimentaires. </p>
<p>ESCAPAD interroge tous les adolescents convoqués à la journée défense et citoyenneté (JDC) durant une période de 15 jours. En 2022, 23 701 adolescents présents, âgés de 17,4 ans en moyenne, ont ainsi reçu un questionnaire autoadministré anonyme entre le 21 et 25 mars 2022. L’échantillonnage aléatoire, un taux de participation de 84 % (présents vs convoqués) ou encore un taux de réponse supérieur à 95 % (présents vs questionnaires valides) garantissent la bonne représentativité de l’échantillon de répondants. L’enquête permet ainsi d’estimer, entre autres données épidémiologiques, les niveaux de consommation de drogues licites ou illicites parmi les jeunes Français âgés de17 ans et d’en suivre les évolutions sur deux décennies. </p>
<h2>Niveaux d'expérimentation</h2>
<p>La première substance illicite expérimentée durant l’adolescence est le cannabis, en 2022, 29,9 % des adolescents de 17 ans en avaient déjà consommé au moins une fois dans leur vie. En comparaison, les niveaux d’expérimentation des autres produits illicites comme la cocaïne, l’ecstasy (ou MDMA), l’héroïne… sont bien moindres et inférieurs à 2 %, niveau d’expérimentation le plus élevé observé en 2022 pour l’ecstasy. </p>
<iframe title="Evolution de l'expérimentation des drogues illicites" aria-label="Interactive line chart" id="datawrapper-chart-rF216" src="https://datawrapper.dwcdn.net/rF216/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="421" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Ces niveaux marquent tous une baisse importante par rapport à 2017. Derrière l’ecstasy, la cocaïne (hors freebase/crack) est la deuxième substance expérimentée avec 1,4 % des adolescents de 17 ans, viennent ensuite les drogues hallucinogènes (LSD, champignons, kétamine) autour de 1 %, l’expérimentation de l’héroïne et du crack demeurant résiduelle avec des niveaux inférieurs à 1 %. Au final, avoir déjà consommé au moins une des huit substances questionnées concerne, en 2022, 3,9 % des jeunes Français de 17 ans.</p>
<p>Il convient de préciser que l’expérimentation de ces produits survient plus tardivement que celles de l’alcool, du tabac et du cannabis, soit au-delà de 16 ans en moyenne.</p>
<p>L’expérimentation de ces substances s’est accrue de manière continue jusqu’en 2014, avant d’amorcer une baisse qui s’est poursuivie jusqu’à aujourd’hui. Derrière cette évolution généralisée de baisse se cachent des dynamiques propres à chaque substance. Par exemple, si les niveaux pour la cocaïne ont progressé régulièrement avant de baisser, ceux de l’usage d’ecstasy (ou MDMA) ont connu des variations erratiques au cours des deux dernières décennies. Ces variations sont difficiles à expliquer, mais peuvent être liées à des phénomènes de mode qui peuvent à l’adolescence être parfois éphémères.</p>
<h2>Statut scolaire</h2>
<p>À l’instar de la consommation d’alcool ou de cannabis, ces expérimentations de produits illicites (autres que le cannabis) restent un peu plus le fait des garçons même si, compte tenu des niveaux, il est difficile de conclure que les comportements entre filles et garçons puissent diverger ou converger. Les usages de LSD et de champignons hallucinogènes s’avèrent cependant légèrement plus marqués par le genre. </p>
<iframe title="Expérimentation des drogues illicites chez les filles et les garçons " aria-label="Split Bars" id="datawrapper-chart-ZB8Bh" src="https://datawrapper.dwcdn.net/ZB8Bh/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="569" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Elles sont, par ailleurs, très fortement associées au statut scolaire, les jeunes sortis du système scolaire (adolescents déscolarisés, en service civique ou, plus rarement, en emploi) sont les plus nombreux à consommer au moins un autre illicite (11,3 % d’expérimentation), devant les apprentis (6,9 %) et les lycéens (3,5 %). Ces différences peuvent, pour partie, s’expliquer à la fois par une autonomie financière (même si elle reste limitée) ou un moindre contrôle parental. Il convient de noter que la relation entre usages de substances et sortie précoce du système scolaire ne relève pas d’une causalité à sens unique : si l’effet de ces substances sur les performances scolaires à l’adolescence <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/josh.12723">est bien établi</a>, les problèmes conduisant à une <a href="https://www.jstor.org/stable/2657556">sortie précoce du système scolaire</a> apparaissent généralement bien avant les premiers usages de substances psychoactives illicites (après 16 ans), et en constituent même un déterminant.</p>
<iframe title="Expérimentation des drogues illicites selon la situation scolaire" aria-label="Split Bars" id="datawrapper-chart-IgVK1" src="https://datawrapper.dwcdn.net/IgVK1/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="width: 0; min-width: 100%!important; border: none;" height="324" data-external="1" width="100%"></iframe>
<p>Cette photographie en 2022 des usages de substances psychoactives illicites parmi les adolescents de 17 ans traduit une évolution favorable en termes de santé publique. Si les tendances observées sont le fruit des dynamiques à l’œuvre depuis une dizaine d’années, il convient de ne pas oublier qu’elles interviennent après deux années singulières, marquées par la crise sanitaire liée au Covid-19 et plusieurs confinements de la population qui ont perturbé fortement les sociabilités juvéniles. Cela pourrait avoir contribué au recul observé entre 2017 et 2022 des expérimentations, qui se déroulent majoritairement dans des contextes de sociabilité et festifs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stanislas Spilka ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>D’après une étude réalisée sur plus de 23 000 adolescents de 17 ans, la consommation de drogues illicites autres que le cannabis est en baisse et à de faibles niveaux..Stanislas Spilka, Responsable unité DATA, Observatoire français des drogues et tendances addictivesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2081602023-06-21T18:40:10Z2023-06-21T18:40:10ZPodcast : Jeunes et cannabis, au-delà des caricatures<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533021/original/file-20230620-23-bbais9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C62%2C7000%2C4285&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Que sait-on des habitudes de consommation des jeunes en matière de cannabis ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/7d7P6b2xz5Y">Unsplash / Elsa Olofsson</a></span></figcaption></figure><figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512627/original/file-20230228-16-n5rwwk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p><em>Découvrez le nouveau podcast de The Conversation France : « L’échappée Sciences ». Deux fois par mois, un sujet original traité par une interview de scientifique et une chronique de l’un·e de nos journalistes.</em></p>
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<p><iframe id="tc-infographic-819" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/819/ead8432336c6ce4f706df8b24a22c635bc3dd209/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Alors que l’expérimentation du cannabis thérapeutique suit son cours en France, encadrée par l’ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), cette plante demeure au centre de débats parfois houleux dans notre pays. La consommation de cannabis par les jeunes, en particulier, fait encore l’objet de nombreux fantasmes.</p>
<p>Quels risques, à court et long terme, font courir les usages problématiques ? Sont-ils en progression ? Pourquoi la prévention envers les plus jeunes est-elle particulièrement importante ? Que sait-on des liens entre cannabis et schizophrénie ? La consommation de cannabis mène-t-elle à des drogues plus dures ? Alors que la prohibition montrait ses limites, certains pays ont choisi la voie de la légalisation : avec quelles conséquences ?</p>
<p>Sociologue et spécialiste des pratiques sociales des usagers de drogues à l’Inserm, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, Marie Jauffret-Roustide revient sur les idées reçues, et nous présente l’état des connaissances sur ce sujet sensible.</p>
<p>Loin de l’image d’Épinal d’adolescents des quartiers populaires fumant des « joints » de plus en plus tôt, de plus en plus nombreux, déscolarisés et repliés sur eux-mêmes, la recherche scientifique dépeint un tableau tout en nuance des habitudes de consommation des jeunes. Et ouvre des pistes pour mettre en place des politiques de santé publique mieux adaptées, à même d’aider ceux qui en ont réellement besoin.</p>
<p>Dans sa chronique, Émilie Rauscher explore le goût de notre espèce pour les substances psychotropes. Opium et cannabis dans l’Antiquité, tabac et coca au XVI<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles, éther au XIX<sup>e</sup>… Les contextes et les modes de consommation ont beaucoup varié au fil des époques, tout comme les substances expérimentées, sans grande préoccupation pour les conséquences sanitaires. Puis est venu le temps des premières alertes lancées par les médecins. Qui ont abouti à des interdictions… Parfois tardives, lorsque les recommandations de santé publique allaient à l’encontre de certains intérêts économiques. Une époque révolue… Vraiment ?</p>
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<p><em>Animation et conception, Lionel Cavicchioli et Emilie Rauscher. Réalisation, Romain Pollet. Musique du générique : « Chill Trap » de Aries Beats. Extrait, « Je fume pu d’shit », Stupeflip. Écrit et composé par Julien Barthélémy, 2003 Etic System.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208160/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Jauffret-Roustide a été désignée par l'Inserm pour évaluer la salle de consommation à moindre risque à Paris. Elle mène également actuellement une recherche sur les trajectoires des usagers de crack en Ile-de-France. Ces deux recherches ont reçu un soutien financier de la Mildeca, de l'Agence régionale de santé Ile-de-France et de la Ville de Paris. Son salaire de chercheure n'est subventionné par aucune des institutions citées ci-dessus dans la mesure où elle a un poste statutaire de chercheure à l'Inserm et est à ce titre fonctionnaire de l'État. L'Inserm est un organisme indépendant qui a la liberté de produire des connaissances scientifiques et peut donc à ce titre mener une évaluation critique des politiques publiques menées dans le champ de la santé.</span></em></p>S’agissant du cannabis, que dit la recherche scientifique des habitudes de consommation des plus jeunes ? Des risques encourus ? De l’efficacité des réglementations actuelles ? Les réponses en podcast.Marie Jauffret-Roustide, Chargée de recherche, sociologue et politiste, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2020322023-03-21T18:00:20Z2023-03-21T18:00:20ZSanté mentale et soins psychiques de l’enfant : les impasses du « tout biologique »<p>Le récent rapport publié par le Haut Conseil de la Famille, de l’Enfance et de l’Âge <a href="https://www.hcfea.fr/">(HCFEA)</a> alerte sur la <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">souffrance psychique des enfants et des adolescents</a>, ainsi que sur le déficit chronique de moyens alloués aux dispositifs de soin, d’éducation et d’intervention sociale en France. Nous avons détaillé dans notre précédent article <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">l’augmentation continue et inappropriée de la consommation de médicaments psychotropes en population pédiatrique en France</a>.</p>
<p>Nous analysons ici l’idée ancienne qu’un trouble mental peut être causé par une anomalie cérébrale. Et que, étant d’origine biologique, ce dysfonctionnement peut être solutionné par un traitement chimique, électrique ou mécanique. Une approche favorisée de longue date, mais dont les résultats demeurent limités. Car, de fait, des anomalies sont « associées » à des troubles mentaux… le problème porte sur leur causalité.</p>
<p>Ces prescriptions, souvent en dehors des consensus scientifiques internationaux et des dispositifs réglementaires (Autorisations de mise sur le marché et recommandations des agences de santé), viennent en contradiction avec les propos de l’OMS qui alertait, en 2022 encore, sur le fait que, « partout dans le monde […], les pratiques actuelles placent les psychotropes au centre de la réponse thérapeutique, alors que les <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">interventions psychosociales et psychologiques et le soutien par les pairs</a> sont aussi des pistes à explorer, qui devraient être proposées ».</p>
<p>L’organisation internationale adopte sur le sujet une position forte, affirmant que « pour réussir à définir une approche de santé mentale intégrée, centrée sur la personne, axée sur son rétablissement et fondée sur ses droits, les pays doivent changer et ouvrir les mentalités, corriger les attitudes de stigmatisation et éliminer les pratiques coercitives ». Pour cela, ajoute-t-elle, « il faut absolument que les systèmes et les services de santé mentale élargissent leur horizon <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-06-2022-who-highlights-urgent-need-to-transform-mental-health-and-mental-health-care">au-delà du modèle biomédical</a> ».</p>
<h2>Les impasses de la psychiatrie biologique</h2>
<p>La « psychiatrie biologique » est la transcription directe de ce paradigme biomédical.</p>
<p>Cette approche porte une conception biologique de la souffrance psychique : elle cherche des marqueurs (principalement neurobiologiques et génétiques) susceptibles de fonder les diagnostics psychiatriques et d’ouvrir la voie à des traitements essentiellement médicamenteux. L’organisation onusienne rappelle qu’elle a « dominé la recherche en santé mentale […] au cours des dernières décennies ». La recherche, mais aussi les politiques françaises ces vingt dernières années.</p>
<p>Si les institutions de santé internationales déplorent l’envahissement, et singulièrement chez les enfants, des approches biomédicales et leurs conséquences en termes de surprescription de psychotropes, ce n’est pas par dogmatisme. C’est parce qu’un état des lieux actualisé des résultats de la recherche témoigne, expérimentalement et empiriquement, des impasses des modèles inspirés par la psychiatrie biologique.</p>
<p>Les travaux en neurobiologie et génétique des troubles mentaux se sont multipliés de façon exponentielle ces quarante dernières années, soutenus par l’amélioration des technologies d’imagerie cérébrale et de séquençage génétique. Deux directions principales ont été explorées : la recherche d’une causalité organique des troubles mentaux d’une part, la mise au point de traitement médicamenteux d’autre part.</p>
<p>Malheureusement, leurs apports à la psychiatrie clinique demeurent limités et contradictoires.</p>
<p>La quasi-totalité des hypothèses de recherche sur les causes neurologiques et génétiques des troubles mentaux – a fortiori chez l’enfant – a été <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0895435605000235">réfutée par les études dites princeps (de référence) et des méta-analyses ultérieures</a>. Dans le meilleur des cas, divers paramètres ont pu être associés à des augmentations marginales des risques de présenter un trouble ou un autre, mais dans des conditions telles qu’elles ne permettent aucune conclusion solide. Elles n’ont donc guère d’intérêt pour les praticiens ou les patients.</p>
<p>Ainsi, malgré plusieurs décennies de recherches intensives :</p>
<ul>
<li><p>Aucun marqueur ni aucun test biologique n’a été validé pour contribuer au diagnostic des troubles mentaux ;</p></li>
<li><p>Aucune nouvelle classe de médicaments psychotropes n’a été découverte depuis 50 ans, au point que l’industrie pharmaceutique a quasiment cessé depuis 2010 ses recherches dans ce domaine. Les médicaments actuels ont été découverts dans les années 1950-1970 par sérendipité, ou en sont des dérivés obtenus en tentant d’en diminuer les effets indésirables. <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20941">Leur efficacité est par ailleurs considérée comme faible</a> par les dernières publications.</p></li>
</ul>
<p>Ces résultats s’appuient désormais sur une telle masse de travaux que l’idée de poursuivre sur les mêmes hypothèses neurobiologiques pose question. La probabilité de découvrir une cause biologique des troubles mentaux qui soutiendrait l’approche pharmacologique de la psychiatrie biologique ne cesse de diminuer à mesure que les études progressent.</p>
<p>Ce changement de perspective a commencé à <a href="https://esprit.presse.fr/article/gonon-francois/la-psychiatrie-biologique-une-bulle-speculative-36379">émerger dans le courant des années 2000-2010</a> et se trouve aujourd’hui largement soutenu par les spécialistes les plus renommés au niveau international.</p>
<p>Ainsi Steven Hyman, ancien directeur du <a href="https://www.nimh.nih.gov/">National Institute of Mental Health (NIMH</a>, l’institut américain de recherche en santé mentale), affirme par exemple que « même si les neurosciences ont progressé ces dernières décennies, les difficultés sont telles que la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29352030/">recherche des causes biologiques des troubles mentaux a largement échoué</a> ». De même, Thomas Insel, qui lui a succédé à la tête du prestigieux institut, admettait récemment que <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/22/us/thomas-insel-book.html">« les recherches en neuroscience n’ont, pour l’essentiel, toujours par bénéficié aux patients »</a>, et que « les questions soulevées par la recherche en psychiatrie biologique n’étaient <a href="https://www.penguinrandomhouse.com/books/670329/healing-by-thomas-insel-md/">pas le problème auquel étaient confrontés les patients</a> atteints de maladies mentales graves ».</p>
<p>Les plus prestigieuses revues scientifiques sont de plus en plus sur la même ligne. Le psychiatre Caleb Gardner (Cambridge) et le spécialiste en anthropologie médicale Arthur Kleinman (Harvard) écrivaient en <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1910603">2019 dans le New England Journal of Medicine</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Bien que les limitations des traitements biologiques soient largement reconnues par les experts en la matière, le message qui prévaut pour le grand public et le reste de la médecine, est encore que la solution aux troubles mentaux consiste à faire correspondre le bon diagnostic au bon médicament. Par conséquent, les diagnostics psychiatriques et les médicaments psychotropes prolifèrent sous la bannière de la médecine scientifique, bien qu’il n’existe aucune compréhension biologique approfondie des causes des troubles psychiatriques ou de leurs traitements. »</p>
</blockquote>
<p>De manière générale, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/1994-98904-000">problèmes posés par l’approche biomédicale</a> de la santé mentale sont <a href="https://academic.oup.com/book/24345">solidement documentés</a> et <a href="https://nyupress.org/9780814736975/let-them-eat-prozac/">depuis longtemps</a>, dans de <a href="https://www.ithaque-editions.com/product-page/l-esprit-malade">nombreux ouvrages</a> par des auteurs issus de multiples champs disciplinaires – <a href="https://www.cairn.info/le-cerveau-n-est-pas-ce-que-vous-pensez--9782706117794.htm">neurosciences</a>, <a href="https://samizdathealth.org/children-of-the-cure/">psychiatrie</a>, <a href="https://www.ithaque-editions.com/product-page/neuroscepticisme">sciences humaines</a>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1467-9566.2007.1078_4.x">histoire</a>, <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/psychologie/psychologie-generale/fatigue-detre-soi_9782738108593.php">sociologie</a> et <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/medecine/psychiatrie/mecanique-des-passions_9782738141491.php">sciences sociales</a>…</p>
<h2>Des effets de stigmatisation</h2>
<p>Contrairement aux bonnes intentions des campagnes de dé-stigmatisation, qui pensaient que permettre aux personnes présentant des troubles mentaux d’affirmer « c’est pas moi, c’est mon cerveau » leur serait socialement et thérapeutiquement bénéfique, plusieurs études internationales ont montré que cela <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30444641/">augmentait le rejet social, la dangerosité perçue et le pessimisme vis-à-vis des possibilités de guérison</a>. Les soignants adhérant à cette conception faisaient de plus montre de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30444641/">moins d’empathie vis-à-vis des patients</a>. Les patients, enfin, seraient aussi plus pessimistes quant à l’évolution de leurs symptômes et plus enclins à s’en remettre aux médicaments.</p>
<p><a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">S’agissant plus spécifiquement des enfants</a>, les conceptions biomédicales ont sans aucun doute contribué à <a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">l’augmentation de prescriptions des psychotropes</a>. Elles sont, en parallèle, globalement défavorables aux pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales, pourtant largement documentées comme efficaces et recommandées en première intention.</p>
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<h2>L’exemple de l’hyperactivité et de la dépression</h2>
<p>En appui de son analyse, le HCFEA s’est particulièrement intéressé à la question du Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), qui est considéré comme le diagnostic le plus fréquent chez les enfants d’âge scolaire, ainsi qu’à celle de la dépression, qui peut être appréhendée à plusieurs problématiques de santé mentale chez l’enfant et l’adolescent.</p>
<ul>
<li><strong>Pas de résultats significatifs pour l’hyperactivité</strong></li>
</ul>
<p>Les études en imagerie cérébrale publiées dans les années 1990 suggéraient que les avancées en neurobiologie permettraient sous peu de valider des outils diagnostiques. Trente ans plus tard, aucun test pour le TDAH n’a encore été reconnu.</p>
<p>Des centaines d’études en imagerie cérébrale structurale et fonctionnelle ont certes mis en évidence des différences corrélées au TDAH, mais aucune ne correspond à des modifications cérébrales structurelles, et moins encore à des lésions : le TDAH ne peut donc formellement pas être qualifié de maladie ou de trouble neurologique. De plus, elles sont quantitativement minimes, contradictoires, et ne présentent <a href="https://journals.lww.com/hrpjournal/fulltext/2020/11000/messaging_in_biological_psychiatry_.4.aspx">pas d’intérêt du point de vue des pratiques diagnostiques, thérapeutiques ni des politiques de santé</a>. D’autres travaux suggéraient un déficit de dopamine ou un dysfonctionnement des neurones dopaminergiques à l’origine du TDAH, mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18986716/">cette perspective a été testée et réfutée</a>.</p>
<p>De manière générale, les hypothèses concernant l’étiologie neurologique du TDAH sont aujourd’hui scientifiquement faibles et datées.</p>
<p>Les études initiales faisaient également état d’une étiologie génétique forte. Ces associations ou leur incidence causale ont été réfutées. Actuellement, le facteur de risque génétique le mieux établi et le plus significatif est l’association du TDAH avec un allèle du gène codant pour le récepteur D4 de la dopamine. Selon une méta-analyse, l’augmentation associée du risque n’est que de 1,33. Plus précisément, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19506906/">cet allèle est présent chez 23 % des enfants diagnostiqués TDAH et seulement 17 % des enfants contrôles</a>. Ce qui ne présente aucun intérêt clinique.</p>
<p>Une revue récente de plus de 300 études génétiques conclut que « les résultats provenant des études génétiques concernant le TDAH sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24863865/">encore inconsistants et ne permettent d’aboutir à aucune conclusion</a> ».</p>
<ul>
<li><strong>La dépression : ni neurologique, ni génétique</strong></li>
</ul>
<p>En 2022, l’équipe de Joanna Moncrieff, des spécialistes reconnus au niveau international pour leurs travaux sur la dépression et les psychotropes, a publié une étude témoignant de <a href="https://www.nature.com/articles/s41380-022-01661-0">l’inconsistance des conceptions biomédicales et des traitements médicamenteux concernant la dépression</a>.</p>
<p>Cette publication, alliant revues et méta-analyses et portant sur un panel incluant de très nombreux patients, visait à produire une synthèse des principaux travaux ayant étudié les liens entre sérotonine et dépression au cours des trois dernières décennies. Leur conclusion est sans appel : ils n’ont trouvé <a href="https://theconversation.com/depression-is-probably-not-caused-by-a-chemical-imbalance-in-the-brain-new-study-186672">aucune preuve convaincante que la dépression soit liée à des concentrations ou une activité de sérotonine plus faibles</a>.</p>
<p>La plupart des études n’ont trouvé aucune preuve d’une réduction de l’activité de la sérotonine chez les personnes souffrant de dépression par rapport à celles sans dépression. De plus, les études génétiques de haute qualité et de bonne puissance statistique écartent également toute association entre génotypes associés au système sérotoninergique et dépression.</p>
<h2>Quelles conséquences sur les pratiques diagnostiques, de soin, et les politiques de santé ?</h2>
<p>En l’état actuel des connaissances scientifiques, il n’existe aucun lien causal établi entre mécanismes biologiques, diagnostic et traitement dans le champ de la psychiatrie, a fortiori chez l’enfant. Un déficit de sérotonine ou de dopamine ne devrait donc plus servir à appuyer la prescription d’antidépresseurs ou de psychostimulants dans le cas de la dépression ou du TDAH. Ce qui est cohérent avec la faible efficacité des traitements biologiques constatée.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sante-mentale-et-soins-psychiques-de-lenfant-la-surmedication-depasse-toutes-les-bornes-scientifiques-201639">Santé mentale et soins psychiques de l’enfant : la surmédication dépasse toutes les bornes scientifiques</a>
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<img alt="Couverture du DSM" src="https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=955&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516385/original/file-20230320-1671-dzwi2d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’American Psychiatric Association a tenté de classifier les troubles mentaux dans son Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (première édition, 1952 ; aujourd’hui DSM-5).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders -- APA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De la même manière, il convient d’être prudent quant aux usages des catégories diagnostiques héritées des grandes nomenclatures comme le <a href="https://www.psychiatry.org/psychiatrists/practice/dsm">DSM, le Manuel Diagnostique et Statistique</a> de la puissante American Psychiatric Association, référence au niveau international. En l’absence d’étiologie biologique, les catégories diagnostiques décrites dans le DSM ne disposent d’<a href="https://www.cairn.info/revue-l-information-psychiatrique-2013-4-page-285.htm">aucune validité scientifique</a> : elles ne dénotent aucune entité naturelle identifiable qui pourrait être interprétée comme maladie. Il en va de même pour les diagnostics psychiatriques de la <a href="https://icd.who.int/browse10/2008/fr">CIM-10, la Classification internationale des maladies éditée par l’OMS</a>.</p>
<p>Cette absence de validité est manifeste dans la variabilité des diagnostics selon l’âge de l’enfant, la part élevée des comorbidités, et l’hétérogénéité des situations cliniques que les nomenclatures ne permettent pas de saisir finement – d’autant qu’en raison de leur épistémologie naturaliste, elles ont été <a href="https://www.cairn.info/actualites-sur-les-maladies-depressives--9782257207333-page-26.htm">construites pour être indépendantes des contextes d’occurrence des troubles</a>.</p>
<p>De plus, malgré ses évolutions, le DSM souffre toujours de problèmes de fiabilité : les décisions diagnostiques prises par deux médecins à propos du même patient sont trop souvent différentes, ce qui limite leur intérêt. Compte tenu de sa faiblesse sur le plan scientifique et considérant qu’il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20299556/">« avait été un obstacle pour la recherche »</a>, le NIMH, principal financeur de la recherche en santé mentale à l’échelle mondiale, s’en est désolidarisé.</p>
<p>Le problème n’est pas seulement épistémique mais aussi politique : depuis les années 2000, la France a misé sur l’idée que ces diagnostics pouvaient fonder des recommandations standardisées de bonnes pratiques. Le résultat est décevant. Trente années de politiques de santé mentale orientées par les approches biomédicales n’ont pas empêché un accroissement de la souffrance psychique des enfants et des adolescents, une augmentation des taux de suicide, un déficit chronique de l’offre de soin, une mise à mal des institutions et des équipes de soin et d’éducation, un effet ciseau entre la demande et l’offre de soin, des délais d’attente insupportables, une augmentation continue de la consommation de médicaments psychotropes…</p>
<p>Tenir compte des avancées de la recherche, c’est aussi considérer l’absence de résultats probants comme une évolution des connaissances scientifiques à part entière, à même de réorienter les politiques publiques et les pratiques de recherche.</p>
<p>Le modèle actuel de la psychiatrie biologique n’a pas tenu ses promesses, du fait notamment d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26934549/">application étriquée, voire dévoyée</a>,de l’approche <em>evidence-based</em> en médecine mentale – <a href="https://www.cairn.info/revue-topique-2013-2-page-23.htm">pratique fondée sur les preuves scientifiques</a> cherchant à appliquer les données issues de la recherche à l’expérience clinique du praticien.</p>
<p>S’il ne faut pas nécessairement en tenir rigueur à celles et ceux qui l’ont développé et soutenu, il faut désormais tenir compte de cet échec pour repenser les approches, les politiques et les dispositifs de soin, d’éducation ou d’intervention sociale. À cet égard, le rapport du HCFEA ne se limite pas à documenter le malaise et ses raisons : <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">il propose de nouvelles approches</a> et détaille les stratégies psychothérapeutiques, éducatives et sociales susceptibles de contribuer à l’accompagnement et au soin des enfants, ainsi qu’au soutien des familles.</p>
<p>C’est là que doivent désormais porter les efforts en termes de recherche et de politique publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202032/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p>La surmédication des enfants s’adosse à la « psychiatrie biologique », qui cherche des causes neurologiques ou génétiques aux troubles mentaux… Ce qui ne semble pas étayé scientifiquement. Analyse.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016392023-03-13T17:05:53Z2023-03-13T17:05:53ZSanté mentale et soins psychiques de l’enfant : la surmédication dépasse toutes les bornes scientifiques<p>Le <a href="https://www.hcfea.fr">Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge</a> (HCFEA), chargé par le Premier ministre d’apporter une expertise prospective et transversale sur les questions liées à la famille et à l’enfance, vient de publier un <a href="https://www.hcfea.fr/IMG/pdf/hcfea_sme_rapport_13032023.pdf">rapport sur la souffrance psychique des enfants et les moyens dont nous disposons pour y remédier</a>.</p>
<p>Ce travail s’inscrit dans un contexte particulièrement préoccupant, dans lequel on observe une aggravation des problèmes de santé mentale des jeunes, qui entraîne même une <a href="https://theconversation.com/suicide-des-adolescents-comment-prevenir-le-passage-a-lacte-162064">augmentation de la suicidalité</a>. La situation est arrivée à un point d’urgence tel que des collectifs soignants ont multiplié les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/07/08/en-france-en-2022-des-enfants-et-adolescents-meurent-de-souffrance-psychique-par-manque-de-soins-et-de-prise-en-compte-societale_6133925_3232.html">tribunes</a> et les <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/11/24/oui-par-manque-de-moyens-la-pedopsychiatrie-doit-depuis-des-annees-trier-les-enfants_6151352_3232.html">alertes</a>.</p>
<p>Les trois dernières années, marquées par des politiques de lutte contre le Covid qui ont eu un impact sévère sur les jeunes, ont certes contribué à aggraver le problème. Mais celui-ci ne s’y limite pas, loin de là.</p>
<h2>Une prise en charge qui n’est pas à la hauteur des enjeux</h2>
<p>La santé mentale est une problématique de santé publique de première importance chez l’enfant, en France comme dans les pays occidentaux. Lorsqu’ils surviennent précocement, les troubles mentaux et la souffrance psychique impactent toute une vie : le développement de l’enfant, ses émotions, son rapport à lui-même, au langage et au corps, ses liens familiaux, amicaux, amoureux, sociaux, son parcours scolaire et son devenir professionnel sont bouleversés…</p>
<p>On s’attendrait dès lors à ce que tout soit fait pour y remédier. Or, le rapport du HCFEA met au contraire en évidence une impasse en termes de prises en charge. Il alerte en particulier sur le fait que, faute de soins adaptés, la consommation de médicaments psychotropes augmente de façon exponentielle, bien au-delà des cadres réglementaires et des consensus scientifiques internationaux.</p>
<p>Pourtant, en France comme dans la plupart des pays européens, les soins de première intention recommandés par les autorités de santé (Haute Autorité de Santé (HAS), Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM)) pour les troubles mentaux chez l’enfant ne sont pas pharmacologiques. Sont en effet prioritairement recommandées :</p>
<ul>
<li><p>Les pratiques psychothérapeutiques : psychanalyse, pratiques psychodynamiques et cliniques, thérapies cognitives et comportementales, thérapies familiales et groupales…</p></li>
<li><p>Les pratiques éducatives,</p></li>
<li><p>Les pratiques de prévention et d’intervention sociale.</p></li>
</ul>
<p>Pour certains cas seulement, un traitement médicamenteux peut être prescrit en deuxième intention, en soutien de l’accompagnement psychologique, éducatif et social de l’enfant et de sa famille. Et même alors, les consensus internationaux sont réservés et insistent sur l’importance de la surveillance et le rôle des agences de santé et de sécurité du médicament.</p>
<p>Ces réserves s’expliquent par la rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements médicamenteux chez l’enfant, par l’existence d’effets indésirables importants et par une balance bénéfice/risque souvent défavorable – ce qui conduit à un nombre limité d’Autorisations de mise sur le marché (AMM) pour les psychotropes en population pédiatrique. Lorsqu’un tel médicament est autorisé chez l’enfant, sa prescription est assortie de recommandations strictes.</p>
<h2>Une hausse continue de la médication</h2>
<p>Pour autant, et en contradiction flagrante avec ces exigences scientifiques et réglementaires, les données rapportées par le HCFEA, extraites d’études de l’<a href="https://ansm.sante.fr/">ANSM (Agence nationale de sécurité du médicament)</a> et du <a href="https://www.epi-phare.fr/">groupement d’intérêt scientifique EPI-PHARE</a> spécialisé dans les études épidémiologiques des produits de santé, montrent une augmentation constante de la consommation de psychotropes chez l’enfant.</p>
<p>Pour la seule année 2021, la consommation chez l’enfant et l’adolescent a augmenté de :</p>
<ul>
<li><p>7,5 % pour les antipsychotiques,</p></li>
<li><p>16 % pour les anxiolytiques,</p></li>
<li><p>23 % pour les antidépresseurs,</p></li>
<li><p>224 % pour les hypnotiques.</p></li>
</ul>
<p>Plus largement, l’analyse de la consommation de 59 classes de médicaments psychotropes délivrés sur ordonnance en pharmacie chez les 0-19 ans pour l’ensemble des bénéficiaires du Régime Général montre que, pour chaque année entre 2018 et 2021, la consommation est supérieure à celle de l’année précédente et inférieure à celle l’année suivante. Ce qui suggère une augmentation continue de la consommation pour l’ensemble des médicaments.</p>
<p>Cette « surconsommation », qui est une « sur-médication », peut s’exprimer en termes de différence entre le nombre de délivrances observé et le nombre de délivrances attendu.</p>
<p>Cette augmentation concerne des dizaines de milliers d’enfants. Le nombre de délivrances de psychotropes en 2021 chez les 0-19 ans se chiffre en millions et il est aujourd’hui nettement plus élevé qu’en 2018, quelle que soit la sous-classe de médicament.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Pour l’année 2021, écart entre la consommation attendue et la consommation réelle de la consommation de psychotropes chez les jeunes de 0 à 19 ans" src="https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=272&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514785/original/file-20230311-3953-t58ci.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=342&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Délivrance de psychotropes observée (courbes bleues pleines) et attendue (pointillées) en 2021, par sous-classe de médicaments. Consommation de psychotropes chez les jeunes de 0 à 19 ans pendant l’épidémie de Covid-19, juillet 2022. Données extraites du système national des données de santé (SNDS).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Epi-phare -- GIS ANSM/CNAM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces niveaux d’augmentation sont sans commune mesure avec ceux observés au niveau de la population générale adulte. Ils sont 2 à 20 fois plus élevés, alors même que le nombre d’AMM en population pédiatrique est très limité pour les médicaments psychotropes. Cette observation suggère que les enfants sont plus exposés que les adultes à la souffrance psychique, mais surtout qu’ils sont exposés à une médication croissante, et en l’occurrence inadaptée.</p>
<p>Ces phénomènes sont aggravés par la crise Covid, mais ils lui sont antérieurs. <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/open-medic-base-complete-sur-les-depenses-de-medicaments-interregimes/">En effet, l’analyse des bases de données de santé sur la période 2014-2021 montre déjà une augmentation continue</a> :</p>
<ul>
<li><p>+9,48 % pour les dopaminergiques,</p></li>
<li><p>+27,7 % pour les anticholinergiques,</p></li>
<li><p>+48,54 % pour les antipsychotiques,</p></li>
<li><p>+62,58 % pour les antidépresseurs,</p></li>
<li><p>+78,07 % pour les psychostimulants,</p></li>
<li><p>+155,48 % pour les hypnotiques et sédatifs.</p></li>
</ul>
<p>Seule la consommation d’anxiolytiques a légèrement baissé (-3,46 %) sur la période. Dans les années 2000-2010, plusieurs travaux ont montré que cette dernière était particulièrement élevée en France, notamment en population pédiatrique. Des <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/c_937781/fr/prise-au-long-cours-d-hypnotiques-anxiolytiques">rapports</a> et <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2018-07/fiche_bum_benzodiazepines_anxiete_cd_27062018.pdf">recommandations des autorités de santé</a> demandèrent en conséquence une vigilance accrue quant à la prescription de ces molécules, en raison de leurs effets indésirables importants et de leur caractère addictogène. <a href="https://archiveansm.integra.fr/var/ansm_site/storage/original/application/28274caaaf04713f0c280862555db0c8.pdf">On peut penser que ces recommandations ont eu un effet sur la prescription, même si elle reste à un niveau élevé</a>. Mais il est possible qu’une partie de ces prescriptions se soient reportées sur les hypnotiques, qui partagent avec eux plusieurs propriétés pharmacologiques, et dont la consommation a très fortement augmenté sur la même période.</p>
<p>Le constat est identique si l’on raisonne en termes de prévalence de la consommation de psychotropes chez les 0-20 ans entre 2010 et 2021 (la prévalence étant la fréquence de survenue d’un phénomène de santé dans une population pour une période donnée) :</p>
<ul>
<li><p>De 2,01 % à 2,72 % pour les hypnotiques et les anxiolytiques, soit une augmentation d’environ 35 %,</p></li>
<li><p>De 0,28 % à 0,60 % pour les antipsychotiques, soit une augmentation d’environ 114 %,</p></li>
<li><p>De 0,23 % à 0,57 % pour les psychostimulants, soit une augmentation d’environ 148 %,</p></li>
<li><p>De 0,29 à 0,81 % pour les antidépresseurs et les normothymiques, soit une augmentation d’environ 179 %.</p></li>
</ul>
<p>Les données Openmédic 2021 suggèrent que plus de 5 % de la population pédiatrique pourrait être concernée. Et dans la mesure où ces taux de consommation intègrent les données des 0-3 ans et des 3-6 ans, pour lesquels les prescriptions de psychotropes restent rares, la prévalence chez les 6-17 ans pourrait en fait être nettement plus élevée. Elle doit faire l’objet d’une attention et d’une mobilisation urgente des pouvoirs publics et des autorités de santé.</p>
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<h2>Des prescriptions hors de toute validation scientifique</h2>
<p>En effet, le rapport HCFEA insiste sur le non-respect des Autorisations de mise sur le marché et sur la transgression des recommandations des agences de santé et des consensus scientifiques. Déjà en 2009, une étude prospective montrait que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929693X0900267X">68 % des prescriptions de psychotropes réalisées dans un hôpital pédiatrique parisien étaient hors AMM</a>. Ces prescriptions hors AMM touchaient 66 % des jeunes patients et concernaient essentiellement la prescription chez l’enfant de médicaments réservés à l’adulte.</p>
<p>À titre d’exemple, considérons le <a href="https://theconversation.com/trouble-de-lattention-tdah-la-dangereuse-explosion-du-traitement-medicamenteux-de-lenfant-178144">cas du méthylphénidate (Ritaline, Concerta…)</a> que <a href="https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Points-d-information-Points-d-information/Methylphenidatedonnees-d-utilisation-et-de-securite-d-emploi-en-FrancePoint-d-Information">le rapport du HCFEA documente de façon approfondie</a>. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S022296172200023X">Entre 2010 et 2019, la prescription de ce psychostimulant chez l’enfant a augmenté de 116 %</a>.</p>
<p>Cette augmentation de la consommation se double d’une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36299551/">transgression systématisée des AMM et des recommandations de prescription</a> :</p>
<ul>
<li><p>Prescriptions avant l’âge de 6 ans.</p></li>
<li><p>Durées de traitement longues, alors que les études et les agences de santé recommandent des prescriptions de court terme : 5,5 ans pour les enfants de 6 ans ayant débuté un traitement par méthylphénidate en 2011, et 7,1 ans pour les enfants de 6 ans hospitalisés avec un diagnostic de TDAH en 2011 – et des durées en augmentation entre 2011 et 2019. Les enfants les plus jeunes sont ceux pour lesquels les durées de prescription sont les plus longues.</p></li>
<li><p>Prescriptions hors diagnostic ou dans le cadre de diagnostics psychiatriques pour lesquels le médicament ne dispose pas d’AMM chez l’enfant.</p></li>
<li><p>Co-prescriptions d’autres psychotropes, souvent réservés à l’adulte et très éloignées de leur zone d’AMM. 22,8 % des enfants sous méthylphénidate en 2018 ont reçu au cours des 12 mois suivants au moins un autre psychotrope appartenant à diverses classes pharmacologiques : neuroleptiques (64,5 %), anxiolytiques (35,5 %), antidépresseurs (16,2 %), antiépileptiques (11 %), hypnotiques (4,8 %) et antiparkinsoniens (3 %). Les principales molécules prescrites sont la rispéridone (10,6 %) l’hydroxyzine (6 %), la cyamémazine (3,9 %), l’aripiprazole (2,7 %), la sertraline (1,4 %), l’acide valproique (1,1 %), et la fluoxétine (1 %). Parmi ces enfants, 63,5 % ont reçu deux traitements, 20,8 % ont reçu trois psychotropes, 8,5 % en ont reçu quatre et 6,9 % se sont vu prescrire au moins cinq psychotropes dans les 12 mois suivant la première prescription de méthylphénidate. Ces co-prescriptions ne font l’objet d’aucune étude ni validation scientifiques.</p></li>
<li><p>Non-respect des conditions réglementaires de prescription et de renouvellement par des médecins spécialistes ou des services spécialisés : les recommandations d’initiation obligatoire en milieu hospitalier en vigueur jusqu’en septembre 2021 n’étaient pas respectées dans près d’un quart des cas. De plus, le renouvellement annuel de la prescription de méthylphénidate doit se faire lors d’une consultation hospitalière visant, au-delà du traitement, le suivi de l’enfant et l’accompagnement des familles. Ceci n’a pas été respecté pour près d’un enfant sur deux en 2015, 2016 et 2017.</p></li>
<li><p>Substitution des pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales par des pratiques médicamenteuses : les bases de données de santé montrent qu’entre 2011 et 2019, sur l’ensemble des services hospitaliers prescripteurs, 84,2 % à 87,1 % des enfants traités n’ont pas bénéficié d’un suivi médical par le service hospitalier ayant initié le traitement. De plus, alors que la consommation de méthylphénidate n’a cessé de croître entre 2010 et 2019 (+116 %), le nombre de visites dans les Centres Médico-Psycho-Pédagogiques des enfants recevant cette prescription a été divisé par quatre dans sur la même période.</p></li>
<li><p>Détermination scolaire de la prescription : les enfants et les adolescents français présentent 54 % de risques supplémentaires en moyenne de se voir prescrire un traitement psychostimulant s’ils sont nés en décembre que s’ils sont nés en janvier. De manière systématique entre 2010 et 2019, le nombre d’initiations augmente au fil des mois de l’année, pour retomber brutalement le mois de janvier de l’année suivante. Ceci suggère que la prescription n’est pas dirigée par une évaluation diagnostique rigoureuse, mais qu’elle résulte d’une interprétation erronée de l’immaturité psychologique plus importante des enfants plus jeunes, et de leurs capacités d’attention logiquement moindres.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le graphe montre que les enfants les plus jeunes d’une classe sont les plus concernés par les prescriptions ; et que le niveau de prescription générale monte tous les ans" src="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Enfants et adolescents ayant reçu une prescription de méthylphénidate selon leur mois de naissance en France entre 2010 et 2019 (cohorte de 144 509 enfants) : les natifs de décembre ont plus de risque d’être traités. Et le nombre de prescriptions augmente d’année en année.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Ponnou et coll., in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2022)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Détermination sociale de la prescription : L’analyse des bases de données montre également l’impact des facteurs sociaux sur le risque de diagnostic d’hyperactivité et la médication. Ainsi, en 2019, 21,7 % des enfants recevant du méthylphénidate vivaient dans des familles bénéficiant de la CMU ou de la CMU-C, alors que, selon l’Insee, ces aides ne sont attribuées qu’à 7,8 % de la population française. Si l’on considère également les enfants consommateurs de méthylphénidate présentant un diagnostic de défavorisation sociale, le pourcentage d’enfants présentant des difficultés sociales parmi les consommateurs de méthylphénidate atteint 25,7 %.</li>
</ul>
<hr>
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<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/trouble-de-lattention-tdah-la-dangereuse-explosion-du-traitement-medicamenteux-de-lenfant-178144">Trouble de l'attention (TDAH) : la dangereuse explosion du traitement médicamenteux de l'enfant</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Envisager un changement complet d’approche ?</h2>
<p>Si l’on dispose encore de peu d’études solides sur l’efficacité des traitements pharmacologiques dans les troubles mentaux de l’enfant, il n’en va pas de même chez l’adulte. Ce qui manquait jusqu’à présent, ce n’était pas des données, mais des synthèses complètes et solides. Une récente publication dans <em>World Psychiatry</em> est venue y remédier.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wps.20941">Cette méga-analyse synthétise les résultats de 102 méta-analyses, rassemblant 3782 essais contrôlés randomisés et 650 514 patients</a> – et concerne les évaluations d’efficacité des traitements pharmacologiques publiées entre 2014 et 2021 pour les onze principaux troubles mentaux.</p>
<p>Les résultats montrent que <a href="https://www.cambridge.org/core/books/essential-guide-to-effect-sizes/72C26CA99366A19CAC4EF5B16AE3297F">la différence des résultats entre les groupes traités et les groupes contrôles (placebo et traitements habituels) est très faible</a>. C’est un résultat que l’on peut, au risque de l’euphémisation, considérer comme peu satisfaisant.</p>
<p>La représentation graphique du décalage des distributions en apporte une <a href="https://rpsychologist.com/cohend/">compréhension plus intuitive</a> :</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514789/original/file-20230311-22-an41bm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Entre groupes suivant un traitement par des psychotropes et contrôles (placebo…), il n’y a pas de différence forte de résultats.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Kristoffer Magnusson</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour les auteurs, ces résultats ne sont pas contingents. Investir davantage dans la même voie n’y changera rien : un plafond a été atteint dans l’efficacité des traitements pharmacologiques actuels. C’est la raison pour laquelle ils en appellent à un changement de paradigme dans la recherche en psychiatrie afin de pouvoir effectuer de nouveaux progrès.</p>
<p>Dans cette attente, il faut s’interroger sur la pertinence de laisser se poursuivre la lourde tendance à l’augmentation de la prescription des psychotropes chez l’enfant documentée ici, malgré une efficacité et une sûreté qui interrogent… D’autant que d’autres stratégies (psychothérapeutiques, éducatives, sociales), certes plus complexes, permettraient de mieux alléger leur souffrance psychique et d’en atténuer les conséquences si elles étaient véritablement mises en œuvre.</p>
<p>Une communication transparente s’impose sur la réalité de ce que peut vraiment faire un traitement pharmacologique. Leur surutilisation écarte souvent la possibilité de recourir à d’autres stratégies thérapeutiques, ce qui peut constituer une perte de chance inacceptable. Il est urgent d’aligner l’éthique, les données de la science, et la communication à destination des patients et du grand public dans ce domaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201639/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou est personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA. Il dirige plusieurs recherches pour lesquelles le CIRNEF et l'Université de Rouen Normandie ont perçu des financements d'organismes publics et de fondations mutualistes : Institut de Recherche Interdisciplinaire Homme et Société (IRIHS), Fondation EOVI - Fondation de l'Avenir, FEDER - Région Normandie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Xavier Briffault est, en tant que sociologue et épistémologue de la santé mentale, personnalité qualifiée au sein du Conseil de l'Enfance et de l'Adolescence du HCFEA.</span></em></p>Problématique majeure, la santé mentale de l’enfant est dans une situation dramatique en France. En témoignent les chiffres de la prescription de psychotropes, hors de toute préconisation scientifique.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisXavier Briffault, Chercheur en sciences sociales et épistémologie de la santé mentale au Centre de recherche médecine, sciences, santé, santé mentale, société (CERMES3), Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1952622022-11-27T15:57:25Z2022-11-27T15:57:25ZFake news, résultats peu fiables… Comment distinguer « bonne » et « mauvaise » recherche biomédicale ?<p>En science, les conceptions évoluent en permanence. Ainsi, la recherche sur les drogues psychédéliques a fait récemment un retour spectaculaire suite à un mélange d’assouplissement des attitudes sociétales, d’attrait pour les opportunités commerciales, de doutes sur la « guerre contre les drogues » et de désir de développer de nouveaux moyens de traiter certains problèmes de santé mentale.</p>
<p>Vous avez peut-être lu par exemple que de nouvelles études montraient que la <a href="https://theconversation.com/comment-la-ketamine-agit-elle-sur-les-croyances-depressives-192370">kétamine pouvait agir sur la dépression</a>, la <a href="https://ichgcp.net/fr/clinical-trials-registry/NCT05562973">psilocybine sur le syndrome de stress post-traumatique</a> ou encore le <a href="https://i-d.vice.com/en/article/akz5m4/can-microdosing-lsd-or-mushrooms-help-creativity-productivity-and-mental-health">microdosage de LSD sur la créativité</a>…</p>
<p>Beaucoup d’annonces, mais finalement quelle recherche mérite votre intérêt et, surtout, votre confiance ? Tout dépend notamment de ce que vous cherchez, mais il faut être conscient que toutes les études ne se valent pas, quelle que soit la discipline scientifique considérée. Comment les distinguer ?</p>
<p>Je suis médecin, spécialisé dans la recherche de nouveaux médicaments et des essais cliniques. En tant que tel, je m’intéresse à la question de savoir si les <a href="https://www.inserm.fr/actualite/therapies-psychedeliques-une-panacee/">« thérapies psychédéliques »</a> peuvent être une nouvelle forme de médecine. Cette question nécessite des preuves et cela passe notamment par des essais cliniques solides. C’est ce sur quoi je vais me concentrer ici, et voici les précautions à prendre avant de donner du crédit à une information que vous avez vu passer.</p>
<p>Bien sûr, la majorité des principes et précautions que je vais développer dans cet article s’appliquent à la recherche médicale de manière plus large – essais cliniques pour les <a href="https://theconversation.com/chloroquine-et-infections-virales-ce-quil-faut-savoir-135339">molécules efficaces contre le Covid</a>, etc.</p>
<h2>Attention à la revue dans laquelle l’article a été publié</h2>
<p>D’abord, vérifiez votre source. Une recherche solide est le plus souvent publiée dans des revues scientifiques examinées par des pairs (les <em>peer-reviewed scientific journals</em>). L’examen par les pairs signifie que des experts indépendants ont lu et critiqué anonymement l’article. Il s’agit d’une forme importante et minutieuse d’examen. Si l’article que vous lisez fait référence à une revue qui n’a pas recours à cette relecture, méfiez-vous.</p>
<p>De plus, certaines revues prétendent être de qualité et publier des articles examinés par des pairs… mais sont en fait juste des <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-019-03759-y">montages destinés à faire de l’argent</a> (car généralement les auteurs paient pour être publiés dans une revue vérifiée par des pairs), qui publient tout ce qu’ils reçoivent sans vérification véritable. On parle de <a href="https://coop-ist.cirad.fr/publier-et-diffuser/eviter-les-revues-et-editeurs-predateurs/1-qu-est-ce-qu-une-revue-predatrice-ou-un-editeur-potentiellement-predateur">« revues prédatrices »</a>, dont plus de 10 000 ont été recensées en 2021. (<em>Près d’un <a href="https://blog.cabells.com/2020/07/15/cabells-top-7-palpable-points-about-predatory-publishing-practices/">tiers des revues prédatrices sont actives dans le domaine de la santé</a>. Des guides sont publiés pour faciliter leur identification par les auteurs, ndlr</em>)</p>
<p>Les traquer, c’est un peu comme chercher à repérer un spam ou un mail frauduleux. Une date de création récente du journal, une mauvaise grammaire, des fautes d’orthographe et de formatage, des sites web de qualité inférieure et des déclarations trop belles pour être vraies sont autant de signes révélateurs d’une revue qui ne laisserait pas une vérité trop complexe ou nuancée s’opposer à de bons honoraires de publication…</p>
<p>En revanche, les revues de bonne qualité sont généralement établies depuis longtemps, sont indexées dans des bases de données scientifiques telles que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/">PubMed</a> et ont généralement de bons <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Facteur_d%27impact">« facteurs d’impact »</a> (le rapport entre le nombre de citations reçues par une revue dans une année et le nombre d’articles publiés par cette revue au cours des deux années précédentes). Indiqué sur la page d’accueil de la revue, le facteur d’impact n’est certes pas une mesure parfaite, mais elle est utile en tant que guide. Un chiffre plus élevé est plus rassurant. (<em>Les deux prestigieuses revues Nature et Science ont des facteurs d’impact de plus de 40, The Lancet de plus de 50 et The New England Journal of Medicine de plus de 70. Les revues spécialisées de haut niveau ont, pour des raisons mécaniques, des facteurs d’impact inférieurs à 5 – ce qui reste bien dans ce cas de figure, ndlr</em>)</p>
<p>Vous référer à un journal de bonne tenue, c’est avoir déjà fait la moitié du chemin.</p>
<h2>Vérifier qui écrit l’article</h2>
<p>Avant de vous lancer dans votre lecture, cherchez ensuite à savoir qui sont les auteurs, où ils travaillent, ce qu’ils déclarent et quelles sont leurs sources de financement (cela est généralement indiqué à la fin de l’article). Des auteurs reconnus dans leur domaine ont, souvent, une excellente réputation…</p>
<p>Mais ils ont aussi plus à perdre si leurs résultats ne correspondent pas à leurs théories préalablement publiées. Ils sont également plus susceptibles d’être des consultants rémunérés par des entreprises cherchant à commercialiser de nouveaux traitements par exemple. Les conflits d’intérêts doivent être signalés.</p>
<p>Et ce n’est pas parce qu’une étude provient d’une institution pionnière et de grande qualité que vous devez lui accorder une confiance aveugle. Les équipes pionnières peuvent même être biaisées, pour diverses raisons. Par exemple, pourquoi se seraient-elles lancées dans un domaine contesté si elles n’avaient pas, à la base, une idée déjà fortement orientée et positive ?</p>
<p>Cela dit, les institutions et équipes de recherche qui ont une bonne réputation obtiennent cette dernière parce que leurs pairs ont confiance en leurs méthodes et résultats. Donc, dans l’ensemble, optez pour des auteurs respectés dans leur domaine (et publiant dans leur domaine…), tout en gardant à l’esprit les autres facteurs entrant potentiellement en jeu.</p>
<h2>Quelle qualité pour les données publiées</h2>
<p>Maintenant, <a href="https://theconversation.com/petit-guide-pour-bien-lire-les-publications-scientifiques-151158">intéressez-vous à l’article lui-même</a>. Pour la recherche clinique, l’<a href="https://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8873376">essai multicentrique</a> (effectuée sur plusieurs centres, qui peuvent donc faire appel à des milliers de personnes, ce qui impose des protocoles bien calés), <a href="https://www.ligue-cancer.net/article/26170_quest-ce-quun-essai-randomise">randomisé</a> (l’intégration d’un patient à un groupe ou l’autre de l’essai se fait par tirage au sort) et contrôlé par placebo est roi.</p>
<p>Les premiers essais ont généralement lieu au sein d’une seule institution. C’est normal, mais ne dit encore rien sur l’efficacité du traitement en dehors de cette institution. Pour cela, il faut passer à l’essai multicentrique. Plus il y a de centres impliqués, mieux c’est.</p>
<p>Si le traitement fonctionne dans de nombreux centres, il y a déjà plus de raisons de penser qu’il fonctionnera aussi dans le monde « réel ». C’est ce qu’on appelle la « généralisation »… et c’est une étape encore sans certitude pour les psychédéliques notamment.</p>
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<p>Les études randomisées et contrôlées par placebo font référence à des participants répartis au hasard dans deux groupes ou plus, dont l’un est traité avec un placebo (pilule factice). Sans groupe de contrôle placebo avec lequel comparer, vous ne pouvez pas savoir si l’effet que vous observez dans le groupe ayant reçu le traitement n’aurait pas pu se produire tout seul.</p>
<p>De même, s’il n’y a pas de randomisation, tout effet observé peut être dû à quelque chose de commun à l’un des groupes et que les expérimentateurs n’ont pas vu.</p>
<p>Les premiers essais de psychédéliques n’étaient souvent ni randomisés ni contrôlés. Si bien que vous ne pouvez pas forcément conclure grand-chose de ces études pilotes. Elles montrent simplement que la recherche peut être effectuée. Pour l’heure, la majorité des recherches sur les psychédéliques ne sont ainsi pas (encore) à ce niveau.</p>
<h2>Quelle taille pour les essais</h2>
<p>Plus un essai compte de participants, nous l’avons évoqué précédemment, plus sa <a href="https://www.scribbr.com/statistics/statistical-power/">« puissance statistique »</a> est grande – et plus il est pertinent pour détecter un effet réel (ou son absence). Il faut souvent des centaines, voire des milliers de participants pour avoir une résultat significatif.</p>
<p>Cela coûte cher, c’est pourquoi de nombreux essais cliniques à grande échelle sont financés par des entreprises – c’est le seul moyen de réunir les fonds nécessaires. Mais ce n’est pas parce qu’un essai est « commercial » qu’il faut le négliger…</p>
<p>Oui, profit et soins de santé ne font pas bon ménage. Mais pour contrôler les risques, les essais commerciaux sont en fait beaucoup plus réglementés que les essais non commerciaux. Presque tous les médicaments que nous possédons aujourd’hui ont été homologués sur la base d’essais commerciaux.</p>
<h2>Quelle était l’hypothèse de départ de la recherche menée</h2>
<p>Tous les essais cliniques doivent avoir un « résultat primaire pré-enregistré ». Il peut s’agir d’un résultat de test sanguin, de neuro-imagerie ou d’une mesure de la dépression, etc. C’est autour de ce résultat que l’essai est conçu. Un essai sérieux doit donc <a href="https://www.academie-medecine.fr/lessai-clinique-controle-randomise/">avoir un objectif principal, qui est de confirmer ou d’infirmer une hypothèse préalable</a>.</p>
<p>Le préenregistrement s’effectue sur des sites web tels que <a href="https://clinicaltrials.gov/">clinicaltrials.gov</a> avant le début de l’essai. Si les chercheurs n’ont pas préenregistré leur hypothèse ou leurs méthodes d’analyse notamment, ils ont pu sélectionner a posteriori leurs résultats. Si vous <a href="https://www.wired.com/story/were-all-p-hacking-now/">triturez vos données suffisamment fort</a>, elles vous diront en effet presque toujours ce que vous voulez… C’est l’un des grands péchés de la recherche.</p>
<p>Si je tire à pile ou face encore et encore, je finirai par obtenir dix fois de suite le côté face, par hasard, et décider que c’est ce que je voulais avoir. C’est la même idée ici : plus je mets de mesures dans un essai, et plus je multiplie les façons d’analyser les données que je récolte, plus j’ai de chances d’obtenir un résultat « significatif » – en fait celui qui m’intéresse. D’où l’importance de toutes les règles posées pour bâtir et valider des protocoles de recherche, d’essais cliniques, etc. et ainsi permettre d’avoir les résultats les plus solides possibles.</p>
<p>Une dernière pensée avant de partir. Aucun essai clinique ni aucune recherche unique ne peut vous dire quoi que ce soit avec certitude : plus un résultat est reproduit par d’autres équipes, plus il devient crédible. C’est ainsi que la science et nos connaissances évoluent…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195262/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>James Rucker a reçu des financements du National Institute for Health Research, du Compass Pathfinder, Beckley PsyTech et de la Multidisciplinary Association for Psychedelic Studies.</span></em></p>Psychotropes, traitements anti-Covid, vaccins… Comment s’y retrouver dans les milliers d’études publiées sur des sujets délicats ? Petit guide pour faire le tri entre annonces parfois tonitruantes…James Rucker, Senior Clinical Lecturer & Consultant Psychiatrist, King's College LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1876842022-10-23T15:28:44Z2022-10-23T15:28:44ZNouvelles drogues : les cathinones de synthèse circulent de plus en plus en France<p>Méphédrone, 4-MEC, 3-MMC, 3-CMC, MDPV, α-PVP… Depuis la fin des années 1990 et le milieu des années 2000, le marché des drogues « récréatives » a vu déferler des dizaines de nouvelles substances aux noms barbares, les cathinones de synthèse.</p>
<p>Faisant partie des « nouveaux produits de synthèse », commercialisés notamment sur Internet sous les appellations « sels de bain », « engrais », « produits chimiques destinés à la recherche non consommable par l’être humain » et autres « designer drugs », tous ces composés ont en commun d’avoir été produits à partir d’une même molécule, la cathinone, par modification chimique.</p>
<p>Cette dernière n’est pas une nouvelle venue, puisqu’il s’agit d’un des principes psychoactifs du khat (<em><a href="https://www.mnhn.fr/fr/khat">Catha edulis</a></em> Forsk), une plante consommée dans les régions de la mer Rouge pour ses propriétés psychoactives depuis le X<sup>e</sup> siècle au moins, et probablement depuis l’Antiquité.</p>
<p>Substances stimulantes et empathogènes, disponibles sur Internet, les cathinones de synthèse sont source de nombreuses complications et d’addiction. Elles étaient consommées initialement dans les milieux de connaisseurs des substances psychotropes, notamment dans le cadre du chemsex pratiqué principalement par des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Cependant, depuis quelque temps ces nouveaux produits de synthèse <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26074740/">semblent avoir dépassé ce cadre</a>.</p>
<h2>Une consommation ancienne</h2>
<p>Consommer du khat est une coutume ancestrale dans les régions qui bordent la mer Rouge. <a href="https://uses.plantnet-project.org/fr/Catha_edulis_(PROTA)">Cet arbuste au feuillage persistant</a>, qui se couvre après la saison des pluies de grappes de minuscules fleurs blanches, est probablement originaire des hauts plateaux du sud-ouest de l’Éthiopie. Présent de l’Érythrée jusqu’à l’Afrique du Sud, le khat est cultivé dans la région de la corne de l’Afrique, autour du golfe d’Aden (est de l’Éthiopie, région du Somaliland, Yémen).</p>
<p>Ses propriétés stimulantes auraient été mises à profit dès l’Antiquité par les Égyptiens, qui l’auraient utilisé lors de cérémonies mystiques visant à faire atteindre à l’homme un rang divin. Les premières traces scientifiques de consommation du khat sont mentionnées au début du X<sup>e</sup> siècle par l’érudit persan Al Biruni. À partir du XIII<sup>e</sup> siècle, le <a href="https://www.ohioswallow.com/book/Leaf+of+Allah">khat était consommé au sud de la péninsule arabique</a> par les guerriers pour combattre la fatigue et avoir du courage, ainsi que par les marchands pour supporter l’ennui.</p>
<p>En France, le khat est interdit depuis l’arrêté du 20 février 1957 et figure sur la liste des stupéfiants fixée par l’arrêté du 19 juillet 1995.</p>
<h2>Du khat aux cathinones de synthèse</h2>
<p>Le khat a été décrit scientifiquement pour la première fois par le botaniste suédois, Peter Forskäl, durant son expédition en Égypte et au Yémen entre 1761 et 1763. Il recevra son nom officiel en 1775.</p>
<p>Dès 1887, le pharmacien, chimiste et botaniste suisse Friedrich August Flückiger et le pharmacien français Jules-Ernest Gérock isolent la substance psychoactive contenue dans les feuilles de khat et la nomment « katin ». En 1930, Wolfes identifie la nor-pseudoéphédrine, encore appelée « cathine », une substance que l’on trouve également dans une autre plante « l’éphédra ». En 1975, des recherches ont mené à la découverte d’une autre substance psychoactive, l’α-aminopropiophénone, aussi appelée cathinone.</p>
<p>La cathine et la cathinone sont responsables des principaux effets recherchés par les consommateurs de khat. Toutes deux figurent respectivement dans les tableaux I et III de la convention des Nations unies sur les substances psychotropes de 1971. La cathinone est la molécule la plus psychoactive, mais elle est labile et instable. Elle se transforme rapidement en cathine, dix fois moins active, et en nor-éphédrine.</p>
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<p>Les <a href="https://www.cairn.info/revue-psn-2018-1-page-33.htm">cathinones de synthèse commercialisées sont apparentées à la cathinone</a>, mais elles n’existent pas à l’état naturel : elles sont élaborées à partir de nombreuses réactions chimiques. Elles se présentent sous forme de poudre amorphe ou cristalline blanche ou brune, plus rarement sous forme de gélules, d’e-liquide, de comprimés.</p>
<p>Vendues principalement sur Internet sous l’appellation de sels de bain, de substances fertilisantes, de produits chimiques destinés à la recherche, elles portent également différents noms de rue et de soirée, comme miaou miaou, top cat, etc.</p>
<h2>Que recherche l’usager ?</h2>
<p><a href="https://www.edimark.fr/lettre-psychiatre/cathinones-synthese-chemsex-slam-phenomene-inquietant">Les cathinones de synthèses sont consommées de différentes façons</a> : par voie orale, parfois enroulées dans du papier à cigarettes (« bombing » ou « parachutes » comme avec la MDMA), intranasale (« sniff »), intraveineuse (« slam », une pratique répandue lors de <a href="https://theconversation.com/chemsex-les-dessous-de-lalliance-dangereuse-du-sexe-et-des-amphetamines-157804">fêtes chemsex</a>), intrarectale (« plug »). Les voies inhalée (fumée ou vapotage) ou intraoculaire (eyeballing) sont également rapportées.</p>
<p>Parmi les effets recherchés, citons une sensation d’euphorie, de bien être, une vigilance accrue, une accélération des pensées, une excitation motrice, de l’empathie, une augmentation du contact social, un accroissement de l’appréciation de la musique, de la stimulation et de la performance sexuelle, une conduite dopante (travail très augmenté).</p>
<p>Les cathinones de synthèse ont un réel potentiel addictif, avec un phénomène de tolérance pharmacologique qui pousse l’usager à augmenter les doses et un syndrome de manque. Celui-ci est caractérisé par une asthénie (fatigue), une anergie (dysfonctionnement du système immunitaire), une humeur triste, une perte de motivation et de plaisir ressenti (anhédonie), une anxiété, des troubles du sommeil, des troubles de la concentration, des palpitations et des maux de tête. Le craving (besoin irrépressible de consommer ces produits), l’anhédonie et l’anergie peuvent persister plusieurs semaines.</p>
<p>En plus de ces problèmes d’addiction, la consommation des cathinones de synthèse s’accompagne de nombreuses complications.</p>
<h2>Un cortège de complications</h2>
<p>Les complications qui peuvent survenir à la suite de la consommation de cathinones de synthèses sont nombreuses, et varient selon les usagers. Elles peuvent être à la fois physiques, psychiatriques, addictologiques et sociales.</p>
<p>Sur le plan physique, on constate chez certains consommateurs une asthénie, de la fièvre, des bouffées de chaleur, des sueurs, une sécheresse de la bouche, et parfois des cauchemars. Sur le plan neurologique, des maux de tête, des vertiges, des tremblements ou des crises convulsives sont possibles.</p>
<p>Les cathinones de synthèse sont par ailleurs toxiques sur le plan cardiovasculaire, pouvant provoquer tachycardie, hypertension artérielle, douleur thoracique, palpitations, dyspnée, ou myocardite. Il en est de même sur le plan ORL, avec des saignements de nez, des douleurs nasales ou oropharyngées, des lésions de la cloison nasale, des acouphènes, du bruxisme, ainsi que sur le plan digestif (douleurs abdominales, perte d’appétit, nausées, vomissements, atteinte du foie).</p>
<p>En outre, le partage du matériel de consommation (seringues, pailles) et les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33328844/">comportements sexuels à risque</a> qui peuvent survenir lors de la prise de ces substances accroissent les risques d’infections (VIH, infections sexuellement transmissibles, virus de l’hépatite B ou C) ou de survenue d’abcès aux points d’injection, de dommages veineux, d’anomalies de la coagulation, etc.</p>
<p>Sur le plan psychiatrique, en pratique clinique il a été fréquemment rapporté de l’anxiété, des crises d’angoisse prolongées, des hallucinations, de la paranoïa, une insomnie, des idées suicidaires, et des troubles cognitifs : problèmes de mémoire, d’attention, de concentration, de prise de décision. Un trouble délirant aigu, un épisode dépressif sont possibles. La consommation de ces substances peut aussi être à l’origine d’une décompensation de troubles psychiatriques préexistants.</p>
<p>Comme souligné dans le <a href="https://www.drogues.gouv.fr/nouveaux-produits-de-synthese-un-guide-actualise-et-une-appli-pour-une-meilleure-prise-en-charge">guide sur les nouvelles substances psychoactives</a>, de nombreux cas de décès ont été rapportés entre 2009 et 2019. 35 décès impliquant une ou plusieurs cathinones de synthèse sont rapportés par le réseau d’addictovigilance.</p>
<h2>Une consommation en augmentation chez les jeunes</h2>
<p>Chez les jeunes adultes âgés de 15 à 34 ans, l’usage de nouvelles substances psychoactives varie de 0,1 % en Lettonie à 5,1 % en Roumanie. Parmi les élèves, l’<a href="https://www.ofdt.fr/enquetes-et-dispositifs/projets-termines/espad/">enquête ESPAD 2019</a> a estimé que la consommation de nouvelles substances psychoactives au cours de la vie variait de 0,9 % à 6,6 %, avec une consommation de cathinones de synthèse au cours de la vie comprise entre 0,2 % et 2,5 %.</p>
<p>Les nouvelles drogues de synthèse sont passées <a href="https://www.leparisien.fr/societe/sante/cest-la-nouvelle-cocaine-alerte-sur-la-3-mmc-la-drogue-de-synthese-de-plus-en-plus-prisee-02-06-2022-UYGNKJ6VGJABJG7GZCKCK3KEOM.php">d’un milieu confidentiel à un milieu plus large</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/07/26/les-drogues-de-synthese-sont-passees-de-milieux-confidentiels-a-une-utilisation-plus-large_6136180_3224.html">comme en atteste la diffusion de la 3-MMC</a></p>
<p>En 2020, 38 passages aux urgences pour toxicité médicamenteuse aiguë dans 5 hôpitaux du réseau Euro-DEN Plus étaient liées à la 3-MMC. Des cathinones de synthèse étaient retrouvées dans plus de 50 % des 1166 seringues usagées analysées par le réseau ESCAPE de 7 villes européennes en 2020, notamment à Budapest et à Paris.</p>
<h2>Un trafic en forte hausse</h2>
<p>Fin 2021, l’Observatoire Européen des Drogues et Toxicomanie <a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/drogues-chiffres-cles/drogues-et-addictions-chiffres-cles-9e-edition-2022/">surveillait 162 cathinones de synthèse</a>, ce qui en faisait la seconde catégorie la plus importante de nouvelles substances psychoactives suivies par le système d’alerte précoce de l’Union européenne, après les cannabinoïdes de synthèse.</p>
<p>Estimées à 0,75 tonne en 2019, les saisies de ces substances ont augmenté pour atteindre 3,3 tonnes en 2020. D’importantes saisies ont continué à être signalées en 2021 et 2022. Ces augmentations sont essentiellement dues aux saisies à grande échelle de N-éthylhexdrone, de 3-MMC et de 3-CMC (la disponibilité de ces dernières a d’ailleurs augmenté depuis 2020).</p>
<p>La plupart des quantités importantes de cathinones de synthèse saisie en 2020 provenaient d’Inde et, avant cela, de Chine. D’autres pays semblent avoir des capacités de production de nouvelles substances psychoactives et de précurseurs à destination de l’Europe. En 2020, 15 sites de production de cathinone de synthèse ont été démantelés aux Pays-Bas et en Pologne. Les saisies de précurseurs qui permettent de les fabriquer ont aussi augmenté, passant de 438 kg en 2019 à 860 kg en 2020, en Allemagne et aux Pays-Bas.</p>
<p>Le chef de file des dérivés synthétiques est la méphédrone (4-MMC), détectée en 2008. En juin 2010, la France était le neuvième pays européen à interdire la méphédrone, après l’Angleterre où 25 décès ont été imputés à cette substance. Les autres substances les plus populaires sont la 3-MMC, la 3 ou 4-MEC, la méthylone, la MDPV. Comme autres cathinones, sont retrouvés, entre autres, la 3-FMC, la 4-FMC, la buphedrone, la butylone, la méthédrone, l’α-PVP, la naphyrone, la PPP. Il existe également des mélanges de cathinones de synthèse sous la dénomination commerciale NRG avec des chiffres 1, 2 ou 3…</p>
<p>Rappelons pour terminer qu’en France, toute molécule dérivée de la cathinone et répondant à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000026246525/">l’arrêté « stupéfiants » publié au Journal Officiel le 2 août 2012</a> est interdite. <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000033421413">L’alpha-PVP est considérée comme un stupéfiant</a>, ainsi que les substances comme la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000035780122">4-MEC, la pentédrone ou l’éthylone</a>.</p>
<hr>
<p><strong><em>Pour aller plus loin :</em></strong></p>
<p><em>- <a href="https://podcasts.audiomeans.fr/addiktion-98e77f1dfa06">Podcast Addiktion</a>, saison 1 ; Saison 2 à partir du 18 octobre</em></p>
<p><em>- Karila L. <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/na-quune-vie-9782213716664">« On n’a qu’une vie »</a>, Fayard.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187684/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Karila est membre de SOS ADDICTIONS, de la Fédération Française d'Addictologie
a reçu des honoraires des laboratoires ethypharm, zentiva pour de la formation médicale continue </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amine Benyamina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le khat est consommé traditionnellement sur les bords de la mer Rouge pour ses propriétés stimulantes. Depuis une vingtaine d’années, des drogues dérivées de son principe actif circulent en France.Laurent Karila, Professeur d’Addictologie et de Psychiatrie, Membre de l’Unité de Recherche PSYCOMADD, Université Paris-SaclayAmine Benyamina, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1923702022-10-18T16:45:24Z2022-10-18T16:45:24ZComment la kétamine agit-elle sur les « croyances dépressives » ?<p>Qu’est-ce qui détermine ce que nous croyons à propos du monde, de nous-mêmes, de notre passé, et de notre futur ? Les neurosciences cognitives suggèrent que nos « croyances » dépendent de l’activité de notre cerveau, et plus précisément de la manière dont il traite les <a href="https://theconversation.com/lesprit-est-il-une-machine-predictive-introduction-a-la-theorie-du-cerveau-bayesien-173707">informations sensorielles afin de donner du sens à notre environnement</a>.</p>
<p>Ces croyances (définies comme des estimations de probabilité) sont au cœur des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30483088/">processus prédictifs cérébraux</a> permettant à notre cerveau de prédire la structure probabiliste du monde qui nous entoure. Ces prédictions pourraient même être les briques fondamentales à partir desquelles sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36056173/">construits nos états mentaux</a>, comme les perceptions et les émotions.</p>
<p>Nombre de troubles psychiatriques, telles la dépression ou la schizophrénie, sont ainsi caractérisés par des croyances insolites dont on peine à <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4969668/">comprendre l’origine</a>. Or, si les systèmes cérébraux qui les sous-tendent étaient bien identifiés, ils pourraient constituer une cible majeure d’action thérapeutique pour soulager la souffrance associée à ces troubles.</p>
<h2>Mieux comprendre les mécanismes des croyances en psychiatrie</h2>
<p>C’est ce que suggère l’étude que nous venons de publier dans la revue <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2796906">JAMA psychiatry</a>. Avec mon équipe, nous avons exploré l’effet de la kétamine, un psychotrope dissociatif, sur les <a href="https://theconversation.com/lesprit-est-il-une-machine-predictive-introduction-a-la-theorie-du-cerveau-bayesien-173707">mécanismes de mise à jour de ces croyances</a> (comment nous les modifions suite aux informations reçues) chez des patients souffrant de dépression résistante aux traitements.</p>
<p>Alors que les antidépresseurs classiques mettent plusieurs semaines avant d’être efficaces, la kétamine, qui est une molécule antagoniste des récepteurs NMDA (N-méthyl-D-aspartate) présents sur les neurones, donne de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4416968/">premiers effets antidépresseurs</a> en quelques heures. Elle entraîne également pendant son administration une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/24679390/">expérience dissociative de dépersonnalisation</a> avec la sensation de sortir de son corps (ou « autoscopie »).</p>
<p>Cette rapidité d’action et ces effets dissociatifs a priori inattendus interrogent sur les processus impliqués dans son efficacité thérapeutique, et constituent un mystère à la frontière de la pharmacologie et des neurosciences.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<h2>Les biais cognitifs-affectifs dans la dépression</h2>
<p>En France, la dépression est le trouble psychiatrique le plus fréquent (20 % de la population touchée au moins une fois au cours de sa vie) et la première cause de suicide. Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34916079/">croyances dépressives</a> (pessimisme, dévaluation, rejet, vécu d’échecs) en constituent l’un des symptômes les plus spécifiques. Ces thématiques négatives sont dites « congruentes à l’humeur », leur contenu étant homogène avec la teinte affective du sujet.</p>
<p>Ces croyances sont cruciales car elles influencent la perception et les actions, provoquant un phénomène <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5241292/">d’autorenforcement négatif</a>. La croyance d’être « rejeté par ses pairs » favorise progressivement le repli sur soi-même, consolidant en retour la conviction d’être « sans valeur ». Lorsque la boucle s’est refermée sur elle-même, il est difficile de sortir de ce cycle infernal.</p>
<p>Depuis les recherches menées par le psychiatre <a href="https://www.lemonde.fr/disparitions/article/2021/11/02/mort-du-psychotherapeute-aaron-beck-pere-de-la-therapie-cognitive_6100618_3382.html">Aaron Beck</a>, un grand nombre de travaux ont suggéré que la manière dont les informations sont encodées dans les réseaux de croyance selon leur valence (leur caractère positif ou négatif) pourrait être impliquée dans la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0005796719301950">génération de ces croyances dépressives</a>.</p>
<p>Ces travaux novateurs ont en effet montré que nous avons tendance à encoder <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0960982211011912">préférentiellement les informations positives</a>. Ce phénomène, dénommé « biais affectif », est à l’origine de la génération de croyances <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4467896/">légèrement plus positives que la réalité</a> : nous avons ainsi tendance à croire que nous sommes plus intelligents, plus attrayants, meilleurs conducteurs ou meilleurs amants que la réalité statistique.</p>
<p>Dans la dépression, ce <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23672737/">biais disparaît, ou s’inverse</a> : les patients intègrent davantage les informations de valence négative, générant au fil du temps des croyances plus sombres à propos du monde, d’eux-mêmes ou du futur. Ce phénomène d’inversion du biais affectif pourrait d’ailleurs être l’une des clefs pour comprendre l’origine des croyances dépressives.</p>
<h2>Comment la kétamine agit sur les systèmes de croyances</h2>
<p>Nous avons lancé notre étude suite à une constatation clinique surprenante faite dans notre unité à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris). Les patients souffrant de dépression résistante et recevant de la kétamine à visée antidépressive rapportaient une sensation étrange : après le traitement, leurs perspectives sur le monde semblaient avoir changé <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0013700621002244">comme si leur point de vue s’était modifié</a>.</p>
<p>Les croyances négatives qui les accompagnaient depuis plusieurs mois semblaient s’estomper. Certains patients exprimaient même un sentiment d’étrangeté vis-à-vis de ces pensées, comme si elles avaient appartenu à quelqu’un d’autre. Plus intriguant encore, ces changements semblaient directement associés à l’efficacité antidépressive du traitement, sans que l’on ne comprenne la causalité de ce lien.</p>
<p>Confrontés aux récits de nos patients, nous avons suspecté un effet de la kétamine sur les mécanismes de mise à jour des croyances. C’est pour essayer de comprendre ce phénomène que nous avons réalisé une expérience destinée à évaluer <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2796906">l’effet de la kétamine sur la manière dont nous générons des croyances</a> – en l’occurrence une tâche réalisée avant et après le traitement.</p>
<p>Au cours de cette <a href="https://institutducerveau-icm.org/fr/actualite/ketamine-et-depression-un-mecanisme-de-lantidepresseur-devoile/">tâche expérimentale</a>, nous demandions aux sujets d’estimer leur probabilité de vivre 40 événements négatifs futurs (par exemple, se faire mordre par un chien ou avoir un accident de voiture) ainsi que d’autres estimations qui pouvaient avoir une influence sur les processus étudiés. Nous observions ensuite comment leurs estimations à propos de ces 40 événements négatifs étaient impactées, en fonction de la valence de ces informations.</p>
<p>Seulement quatre heures après l’administration de kétamine, nous avons constaté une <a href="https://institutducerveau-icm.org/fr/actualite/ketamine-et-depression-un-mecanisme-de-lantidepresseur-devoile/">diminution significative de l’intégration des informations négatives</a> dans la génération des croyances : le biais affectif en faveur des informations positives était rétabli chez les patients souffrant de dépression résistante. Plus surprenant encore, cet effet était directement associé à la réduction des symptômes dépressifs après une semaine, suggérant que ces changements cognitifs pourraient précéder l’amélioration clinique.</p>
<h2>Des perspectives de recherches futures</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Structure 3D d’un récepteur NMDA" src="https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=747&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=747&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=747&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=939&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=939&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/490120/original/file-20221017-6684-ujmh1q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=939&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les récepteurs NMDA des neurones, où se fixe la kétamine, ont un rôle important dans la plasticité cérébrale et les processus de prédiction.</span>
<span class="attribution"><span class="source">C22H31NO2</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des recherches supplémentaires sont encore nécessaires pour comprendre les processus cérébraux associés à ces changements, mais un grand nombre d’indices converge vers une implication de la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-021-27876-3">signalisation médiée par les récepteurs NMDA</a>. Ces récepteurs neuronaux sont justement impliqués dans la balance d’excitation-inhibition cérébrale, et ils semblent être déterminants pour les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/23177956/">processus prédictifs</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26726120/">plasticité cérébrale</a>.</p>
<p>L’action directe de la kétamine sur l’activité de ces récepteurs constituerait ainsi une voie pharmacologique directe de modulation des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32818386/">mécanismes prédictifs</a>, expliquant à la fois ses effets antidépresseurs d’action rapide et ses effets dissociatifs. En modulant la façon dont le cerveau utilise les briques sensorielles pour bâtir des croyances, la kétamine pourrait ainsi permettre de modifier les mécanismes à l’origine des croyances dépressives.</p>
<p>Ces hypothèses ouvrent de nombreuses perspectives pour développer des traitements ciblant ces processus cérébraux, ou combinant ces molécules avec des protocoles de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34876279/">psychothérapies augmentées</a> opérant spécifiquement sur les systèmes des croyances. Cet objectif est actuellement au cœur des débats en médecine dite psychédélique, notamment pour la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35360137/">psilocybine</a>, une molécule hallucinogène exerçant des effets antidépresseurs rapides comme la kétamine. Peut-être une voie d’avenir pour la réconciliation des approches pharmacologiques et psychothérapeutiques en psychiatrie ?</p>
<hr>
<p><strong>Pour en savoir plus :</strong>
<em>Cet article reprend des résultats de l'étude récemment publiée par Hugo Bottemanne dans la revue JAMA Psychiatry « <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/2796906">Evaluation of Early Ketamine Effects on Belief-Updating Biases in Patients With Treatment-Resistant Depression</a> »</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192370/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hugo Bottemanne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un Français sur cinq connaitra un jour un épisode dépressif. Malgré sa fréquence, ce trouble reste mal expliqué… et parfois impossible à traiter. La kétamine pourrait offrir une piste novatrice.Hugo Bottemanne, Psychiatre à la Pitié-Salpêtrière & chercheur à l'Institut du Cerveau - Sorbonne Université AP-HP, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1768762022-09-01T17:51:34Z2022-09-01T17:51:34Z« Gaz hilarant » : des usages détournés qui ne font plus rire<p>Tout le monde a déjà remarqué ces petites cartouches en inox qui jonchent depuis quelque temps certains lieux publics. Avant d’être vidées par leurs utilisateurs, elles contenaient un gaz, le protoxyde d’azote – « proto » pour les intimes – plus connu sous le nom de « gaz hilarant ».</p>
<p>Utilisé notamment dans l’industrie, l’agroalimentaire, la cuisine ou la médecine, le protoxyde d’azote a régulièrement droit, depuis quelques années, aux gros titres des journaux. Et pour cause : ses effets euphorisants à l’inhalation, rapides et fugaces, ont fait de ce gaz bon marché et facile à se procurer une drogue récréative hallucinogène très populaire.</p>
<p>Malheureusement, le succès grandissant de ces usages détournés du proto n’a rien de drôle : l’augmentation de la consommation s’est en effet accompagnée d’une multiplication des cas directs et indirects de décès, en particulier chez les jeunes. S’il ne faut pas diaboliser ou céder à l’alarmisme, il est néanmoins essentiel d’informer et de sensibiliser aux risques liés à l’inhalation de cette substance.</p>
<h2>Un gaz largement utilisé</h2>
<p>Le protoxyde d’azote (N<sub>2</sub>O) a été découvert en 1772 par le philosophe et chimiste anglais Joseph Priestley. En 1799, Humphrey Davis, un autre chimiste britannique, décrit les propriétés physiques et chimiques de ce gaz en l’expérimentant sur lui-même et sur des volontaires. Il met ainsi en avant les effets euphorisants et analgésiques de courte durée de cette substance.</p>
<p>Utilisé dès le XIX<sup>e</sup> siècle dans les cercles littéraires et scientifiques de la bourgeoisie anglaise, où il est synonyme d’inspiration et de création artistique, ou comme attraction dans les fêtes foraines en tant que gaz hilarant, <a href="https://www.em-consulte.com/article/1407582/quand-le-protoxyde-d-azote-ne-fait-plus-rire%C2%A0-epid">le protoxyde d’azote entre dans le domaine médical dès le milieu du XXᵉ siècle</a>, principalement en anesthésie et en analgésie (suppression de la douleur).</p>
<p>En France, le mélange d’oxygène et de protoxyde d’azote à visée médicale (connu sous le terme <a href="https://www.inrs.fr/risques/meopa/meopa-de-quoi-parle-t-on.html">MEOPA</a>) bénéficie d’une autorisation de mise sur le marché depuis 2001. En outre, depuis 2009, le MEOPA est autorisé à être utilisé hors des établissements hospitaliers.</p>
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<p>Le secteur médical n’est pas, loin de là, le seul à recourir au protoxyde d’azote, qui est utilisé également dans les industries électronique, pétrolière, aérospatiale et automobile (comme comburant pour moteur), ainsi qu’en agroalimentaire (comme gaz de conditionnement). Le N<sub>2</sub>O est aussi utilisé comme gaz propulseur dans les siphons et autres de bombes de crème chantilly.</p>
<p>Il est très aisé de se procurer du protoxyde d’azote, que l’on peut notamment acheter sous forme de bonbonnes dans les commerces de proximité ou sur Internet. Cette disponibilité facilite le détournement de ce produit et augmente le risque d’intoxication aigu. Ce qui pose un problème réglementaire, car cette substance a également des usages commerciaux autorisés.</p>
<h2>Une consommation en augmentation</h2>
<p>Si l’on se base sur la fréquence des passages aux urgences pour des problèmes liés au protoxyde d’azote recensés dans le rapport 2022 de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanie, <a href="https://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/14644/2022.2419_FR_03_wm.pdf">sa consommation chez les jeunes semble être en hausse</a>.</p>
<p>Cette augmentation avait déjà été signalée au cours des années précédentes par les hôpitaux du réseau Euro-DEN Plus à Amsterdam (15 en 2020, contre 1 en 2019) et à Anvers (44 en 2019 et 2020, contre 6 en 2017-2018). En 2020, les centres antipoison français avaient quant à eux déclaré 134 cas (contre 46 en 2019), tandis que les centres antipoison hollandais en déclaraient 144 (contre 128 en 2019).</p>
<p>En 2019, l’enquête Global Drug Survey, qui a fait le point sur la situation dans plus d’une trentaine d’États à travers le monde, a mis en évidence <a href="https://issuu.com/globaldrugsurvey/docs/gds2019">au moins un usage du protoxyde d’azote au cours de la vie chez 23,5 % des enquêtés</a>, ce qui place ce gaz en 13<sup>e</sup> position des substances les plus consommées. L’usage dans l’année concernait quant à lui 11,9 % des participants (ce qui classe ce gaz en 10<sup>e</sup> position, hors tabac, alcool et caféine).</p>
<p>L’enquête Crime Survey for England and Wales 2018-2019 a de son côté révélé que le protoxyde d’azote était la deuxième substance la plus utilisée après le cannabis chez les 16-24 ans, <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/832533/drug-misuse-2019-hosb2119.pdf">avec une prévalence de 8,7 %</a>.</p>
<h2>Un élargissement des contextes de consommation</h2>
<p>Depuis le début des années 2000, le protoxyde d’azote est consommé dans les soirées étudiantes, notamment en médecine et en pharmacie, du fait de la connaissance du produit par les participants. Une enquête quantitative réalisée en 2017 et 2018 auprès de 30 000 étudiants indique des niveaux d’usage de protoxyde d’azote relativement élevés : <a href="https://en.calameo.com/read/00577440177c65419464a">6,2 % des étudiants et 3 % des étudiantes en avaient consommé en 2018</a></p>
<p>Depuis 2017, l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) a signalé des usages de protoxyde d’azote s’étendant au-delà des espaces festifs alternatifs. La présence de capsules métalliques dans l’espace public est devenue plus fréquente, souvent à proximité de <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/ProtoxydeAzote200730.pdf">lieux fréquentés par des publics plus jeunes, comme les lycéens</a>.</p>
<h2>Quels sont les effets de l’inhalation de protoxyde d’azote ?</h2>
<p>Après avoir « cracké » la cartouche pour l’ouvrir, les utilisateurs inhalent le gaz <a href="https://www.vice.com/fr/article/xdmaez/gaz-hilarant-laurent-karila">par le biais d’un ballon</a>. Les principaux effets recherchés lors cet usage détourné du protoxyde d’azote sont une euphorie, un fou rire, la sensation d’ébriété, une désinhibition, une exaltation, des hallucinations, voire une dissociation.</p>
<p>Le pic d’effet est en général atteint au bout d’une minute et les effets se dissipent deux à trois minutes après inhalation, d’où des usages souvent répétés.</p>
<p>Effets fugaces, qui se font ressentir rapidement, prix modique, accessibilité aisée : le protoxyde d’azote est une substance qui attire les jeunes, qui pour toutes ces raisons ont l’impression que ce gaz n’est pas dangereux.</p>
<p>Pourtant, dès 1970, des chercheurs rapportaient dans The New England Journal of Medicine ce qui pourrait avoir été les <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJM197012312832717">premiers décès liés au protoxyde d’azote</a>. Depuis, plusieurs dizaines de cas graves ont été rapportés rien qu’au cours des deux dernières années. Des faits divers de décès qui se répètent fréquemment dans notre pays, car l’inhalation de protoxyde d’azote peut s’accompagner de complications.</p>
<h2>L’intoxication aiguë peut avoir de graves conséquences</h2>
<p>Il existe un certain nombre de complications possibles dans un contexte d’intoxication aiguë, <a href="https://www.20minutes.fr/sante/3338431-20220818-gaz-hilarant-peut-entrainer-sequelles-irreversibles-premieres-prises-selon-pr-laurent-karila#xtor=RSS-149">et ce dès la première prise</a>. Parmi les problèmes fréquemment rapportés citons : des vertiges, des maux de tête, des acouphènes, une diminution de la dextérité manuelle, des difficultés à parler, une confusion, une perte de conscience, une chute de sa hauteur, des brûlures par le froid (nez, lèvres, cordes vocales, arbre respiratoire), une asphyxie par manque d’oxygène.</p>
<p>Les utilisateurs peuvent aussi ressentir des troubles cardiaques (troubles du rythme, diminution de la fréquence cardiaque), des nausées, des vomissements, des douleurs abdominales, une diarrhée, un œdème pulmonaire, des crises d’angoisse aiguës.</p>
<p>Consommer du proto sur une courte période ne semble pas être à l’origine de complications neurologiques majeures, à moins qu’il y ait un déficit préexistant en vitamine B12, ou que la consommation se fasse dans un environnement faiblement ventilé. Toutefois, ce risque augmente significativement pour des consommations répétées et à intervalles rapprochés et (ou) à fortes doses (50 à 100 cartouches inhalées en moins de 3 heures ou plus de 70 cartouches par semaine).</p>
<p><a href="https://www.em-consulte.com/article/1407582/quand-le-protoxyde-d-azote-ne-fait-plus-rire%C2%A0-epid">En cas de consommation chronique, la toxicité est non négligeable</a>. Elle résulte principalement d’un manque d’oxygène au niveau du cerveau (hypoxie cérébrale) et d’une neurotoxicité par déficit en vitamine B12.</p>
<p>(<em>Le protoxyde d’azote oxyde de façon irréversible cette vitamine, ce qui aboutit à des carences. Or cette molécule intervient dans plusieurs processus essentiels parmi lesquels la formation et la maturation des globules rouges, la synthèse d’ADN - et donc la division cellulaire -, ou la fonction nerveuse notamment, ndlr</em>)</p>
<h2>Une neurotoxicité qui peut laisser des séquelles</h2>
<p>La neurotoxicité du protoxyde d’azote se traduit par des engourdissements, des picotements des extrémités des membres, et des troubles neurocognitifs potentiellement irréversibles, pouvant laisser des séquelles importantes : trouble de la communication tel que l’<a href="https://www.chuv.ch/fr/neuropsy/npr-home/patients-et-familles/associations-de-patients/laphasie-cest-quoi">aphasie</a>, ou troubles de la mémoire comme l’amnésie.</p>
<p>Des cas de faiblesse musculaire progressive des membres inférieurs et supérieurs, de perte de la sensibilité vibratoire et du sens des positions, de difficulté à la marche, d’incoordination des membres, de trouble de l’équilibre, ou de troubles sphinctériens touchant la vessie, l’intestin, ont aussi été décrits.</p>
<p>Des pathologies graves telles que des neuropathies (<em>atteintes du système nerveux périphérique, autrement dit les nerfs situés en dehors du cerveau et de la moelle épinière, ndlr</em>) existent également, tout comme des cas de myéloneuropathie (atteinte de la moelle épinière), ou de sclérose combinée subaiguë de la moelle épinière, affection qui constitue une véritable urgence neurologique.</p>
<p>Au niveau hématologique et cardiovasculaire, des atteintes telles qu’arythmie, syndrome coronarien, accident vasculaire cérébral ou embolie pulmonaire peuvent se produire. Les médecins ont aussi documenté des atteintes rénales (lithiase, infections urinaires), hépatiques, une hyperpigmentation de la peau localisée ou diffuse, des troubles de l’érection.</p>
<p>Enfin, sur le plan psychiatrique, des épisodes délirants avec hallucinations, des troubles de l’humeur, un risque suicidaire, de la paranoïa ont été constatés. Et précisons que l’addiction au protoxyde d’azote est bien évidemment possible…</p>
<h2>Comment limiter les risques ?</h2>
<p>S’abstenir de consommer du protoxyde d’azote est bien évidemment le conseil numéro 1. Mais en cas de consommation, l’observation de certains comportements permet de réduire les risques et les dommages potentiels. Avant tout, éviter de consommer seul, et ne pas consommer debout, car la perte d’équilibre peut faire chuter lourdement de sa hauteur et entraîner des blessures.</p>
<p>En ce qui concerne les inhalations, il faut toujours utiliser un ballon de baudruche. En effet, le proto est un gaz très froid, dont l’inhalation en sortie de cartouche, de siphon ou de détonateur peut provoquer des brûlures. Il est par ailleurs important de respirer de l’air entre les prises de gaz, afin d’éviter l’asphyxie, et de ne pas multiplier les prises, malgré l’effet fugace du produit. Dans le même ordre d’idée, il est déconseillé de consommer à intervalles rapprochés et (ou) à fortes doses.</p>
<p>Il ne faut pas mélanger le protoxyde d’azote avec d’autres produits (alcool, cannabis, ou autres drogues…), et il est bien entendu déconseillé de prendre sa voiture, son scooter, ou son vélo juste après une consommation.</p>
<p>Du point de vue pratique, il faut garder les cartouches éloignées de toute flamme. Et éviter de les jeter n’importe où (tout comme les ballons en caoutchouc ou en latex), car il s’agit d’une source de pollution.</p>
<p>Si des symptômes inhabituels surviennent après consommation, en cas d’urgence, prévenez les secours (15 ou 18). Et si l’une de vos connaissances ou vous-même connaissez des difficultés pour contrôler votre consommation, consultez votre médecin traitant ou une structure spécialisée dans la prise en charge des addictions : consultation jeunes consommateurs, CSAPA (Centres de Soin, d’Accompagnement et de Prévention en Addictologie), service hospitalier…</p>
<p>Pour conclure, rappelons que la loi n° 2021-695 du 1<sup>er</sup> juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d’azote <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043575111">interdit notamment de vendre ou d’offrir du protoxyde d’azote aux mineurs</a>, quel que soit le conditionnement, dans tous les commerces, les lieux publics et sur Internet. Il est également interdit de vendre et de distribuer tout produit spécifiquement destiné à faciliter l’extraction de protoxyde d’azote afin d'en obtenir des effets psychoactifs (tels que les « crackers »). Contrevenir à ces dispositions est passible de 3750 € d’amende. Le fait de provoquer un mineur à faire un usage détourné d’un produit de consommation courante pour en obtenir des effets psychoactifs est quant à lui un délit, puni de 15 000 € d’amende.</p>
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<p><em>Pour aller plus loin :<br>
● Karila L. <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/na-quune-vie-9782213716664">« On n’a qu’une vie »</a>, Fayard ;<br>
● <a href="https://podcasts.audiomeans.fr/addiktion-98e77f1dfa06">Podcast Addiktion</a>, saison 1 ;<br>
● Le site de <a href="http://www.drogues-info-service.fr">Drogues info service</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Karila est membre de la Fédération Française D'Addictologie, porte parole de SOS Addictions
A reçu des honoraires des laboratoires Zentiva et Ethypharm pour des conférences</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amine Benyamina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le gaz hilarant, ce n’est pas drôle ! Les jeunes l’expérimentent, le consomment jusqu’à l’excès en soirée, et certains en paient le prix fort, risquant parfois des séquelles irréversibles.Laurent Karila, Professeur d’Addictologie et de Psychiatrie, Membre de l’Unité de Recherche PSYCOMADD, Université Paris-SaclayAmine Benyamina, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HPLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1833932022-05-26T18:58:18Z2022-05-26T18:58:18ZBonnes feuilles : « Addicts. Comprendre les nouvelles addictions et s’en libérer »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/465002/original/file-20220524-16-kadbp9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=116%2C3%2C1798%2C894&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans cette scène du film « Le Loup de Wall Street », le trader Mark Hanna (Matthew McConaughey) explique à Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) que la cocaïne lui permet d’être plus affuté et plus rapide.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-127524/photos/detail/?cmediafile=21061129">« Le Loup de Wall Street », de Martin Scorcese / Metropolitan FilmExport</a></span></figcaption></figure><p><em>La consommation de cocaïne est en hausse depuis les années 1990. Ce psychostimulant est particulièrement prisé dans certains secteurs d’activité, où il est vu considéré par certains salariés comme un moyen de « doper » ses performances. Avec quelles conséquences ? Médecin psychiatre dans le service d’addictologie de l’hôpital Saint Antoine (AP-HP), à Paris, le Dr Jean-Victor Blanc répond à cette question dans son nouvel ouvrage « Addicts : comprendre les nouvelles addictions et s’en libérer », aux éditions Arkhé. En voici un extrait.</em></p>
<hr>
<h2>Se droguer plus pour travailler plus</h2>
<blockquote>
<p>« – Vous pouvez vous défoncer en journée et rester opérationnel ?<br>
– Comment faire autrement ? Cocaïne et putes, mon ami […]. Deuxième clé du succès dans ce trafic : ce bébé. La cocaïne. Ça booste entre les oreilles. On numérote plus vite. Et devine quoi ? C’est bon pour moi tout ça. »</p>
</blockquote>
<p>Dans <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GT9UfSqBz9o"><em>Le Loup de Wall Street</em></a>, de Martin Scorsese, Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) va appliquer scrupuleusement le conseil inaugural de son supérieur. Le film, inspiré d’une histoire vraie, suit la grandeur et la décadence d’un trader dans les années 1980. Le milieu de la finance y est mis en scène, dans un cocktail de masculinité toxique (concours de jetés de nains inclus) et de cocaïne. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=y0CVT5fmFZs">On sniffe la poudre blanche</a> pour se divertir, faire l’amour, travailler et supporter tout ça à une cadence infernale. Jordan mélange coke, alcool et médicaments détournés de leur usage. Il navigue dans un état second, au gré de ses arnaques et autres malversations financières, jusqu’au naufrage qui le laisse ruiné.</p>
<p>Le milieu du travail peut favoriser la consommation de drogues, de manière plus ou moins volontaire et fréquente. Ce qui paraît étonnant, dans cet univers, c’est l’usage « professionnel » que les courtiers font de cette substance, proche du dopage. « Tout le monde en prend pour tenir le rythme, sans ça je vais me laisser distancer » m’expliquait angoissée cette patiente qui débutait dans un prestigieux cabinet de conseil.</p>
<h2>L’usage de psychotropes au travail est contre-productif</h2>
<p>La drogue qui donnerait des ailes aux travailleurs est une idée reçue répandue, c’est ce qu’énonce d’ailleurs le N+1 de Jordan. C’est en réalité l’inverse qui advient. L’usage de substances au travail diminue la productivité, favorise l’absentéisme et les risques d’accidents. Et, dans un <em>material world</em>, on sait que cela coûte des centaines de milliards d’euros chaque année dans le monde. 16 milliards de dollars <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31792845/">partent ainsi annuellement en fumée</a> à cause de la baisse de productivité liée au <em>pot</em> (<em>cannabis, ndlr</em>) et autres drogues au Canada.</p>
<p>Il n’y a pas que les cols blancs et les mannequins qui font usage de stupéfiants pour travailler, bien au contraire. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16834510/">Aux États-Unis, 10 % des femmes et 30 % des hommes de moins de 30 ans ont déjà pris de la drogue sur leur lieu de travail</a> dans l’hôtellerie-restauration, la construction, les médias et les arts et spectacles. On manque de données précises sur le sujet en France, mais rien n’indique que la situation y soit très différente.</p>
<p>Plusieurs raisons expliquent la fréquence de cet usage dans certains secteurs. Pour les métiers physiques, les substances sont un moyen de tenir sur le court terme. La surcharge de travail, l’insécurité de l’emploi, la pénibilité, les horaires irréguliers et décalés sont autant de facteurs associés à la consommation sur le lieu du travail. Sont ainsi concernés 20 % des employés dans le secteur de l’hôtellerie/restauration et du bâtiment, la substance la plus consommée restant l’alcool.</p>
<p>Mais les stupéfiants n’ont évidemment rien de la potion magique qui permet aux ouvriers de finir le palais de Numérobis en un temps record dans Astérix et Cléopâtre. L’usage de l’alcool sur les chantiers est au contraire à l’origine de nombreux accidents. Il est pourtant <a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/eisxcpva.pdf#page=4">souvent sous-déclaré dans les enquêtes</a>, ce silence témoigne de la difficulté à aborder le sujet. Ces tabous ne profitent à personne et, pour les employés ayant un problème d’addiction, c’est la double peine.</p>
<p>Car, s’il est parfois permissif vis-à-vis de la consommation en elle-même, le monde du travail n’est pas tendre avec les collaborateurs dont le trouble se répercute sur la productivité. Dans la série « Succession », Kendall Roy (Jeremy Strong) est considéré comme peu fiable par les pontes du conglomérat familial. Tout fils de milliardaire qu’il soit, son problème avec la cocaïne semble le discréditer dans son projet d’occuper la tête tant convoitée de la compagnie.</p>
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<p>Se droguer pour travailler plus est toléré, mais les problèmes qui vont de pair avec la consommation sont, eux, priés de rester sur le seuil de l’entreprise. Ces injonctions contradictoires dictent des attitudes intenables et renforcent le mal-être des travailleurs souffrants d’addiction.</p>
<p>[…]</p>
<h2>Enjoy Cocaïna</h2>
<p>Ce puissant psychostimulant a vu sa popularité grimper en flèche depuis la chute des prix dans les années 1990. C’est aujourd’hui le deuxième produit illicite le plus consommé en France après le cannabis 89. La poudre blanche procure une sensation d’acuité intellectuelle, d’euphorie et d’indifférence à la fatigue. Le revers de la médaille, c’est la descente, une tristesse, une anxiété, une violente mésestime de soi et une profonde irritabilité lorsque les effets stimulants s’estompent. Cette séquence <em>up and down</em> peut induire une dépendance psychique, car la cocaïne suscite un fort effet de <em>craving</em> (<em>envie irrésistible de consommer, ndlr</em>).</p>
<p>Lorsqu’elle est consommée sous forme de crack, les effets sont encore plus intenses, rapides, mais aussi fugaces. Ce mode de consommation entraîne un rapprochement des prises, avec des conséquences dramatiques. Ces effets ont été fustigés, en connaissance de cause, par Keith Haring dans son œuvre Crack is Wack (« le crack c’est nul »). La formule fut reprise en interview par Whitney Houston quelques années plus tard. Elle semblait alors davantage vexée qu’on la suspecte de consommer un produit à l’image « cheap » que de consommer tout court. C’est dire si « l’épidémie du crack » a durablement marqué les esprits dans la communauté afro-américaine.</p>
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<span class="caption">La fresque de Keith Harring, « Crack is Wack ».</span>
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<p>Le magnifique film Moonlight met en scène ses ravages à travers l’histoire de Chiron dont la mère est dépendante du crack. Aujourd’hui, ce produit reste associé en France à une grande précarité, visible au quotidien dans les rues du quartier de Stalingrad à Paris. Le fait qu’il s’agisse de cocaïne de mauvaise qualité est souvent méconnu et l’idée (fausse) qu’on ne développe pas d’addiction à la cocaïne est encore très répandue.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/crack-que-faut-il-savoir-sur-cette-drogue-169338">« Crack » : que faut-il savoir sur cette drogue ?</a>
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<p>Les risques de la consommation pour la santé physique sont cardiologiques (infarctus cardiaques), neurologiques (accidents vasculaires cérébraux) et esthétique, la cloison nasale étant endommagée lors de la prise. La cocaïne peut aussi induire des épisodes délirants et des troubles du comportement parfois violents.</p>
<p>Lorsque les montagnes russes liées au stress professionnel se télescopent avec les fluctuations mentales provoquées par les psychotropes, le cocktail est dévastateur. Dans le film Netflix « Le Beau Rôle », Drew Barrymore interprète Candy Black, une actrice très populaire, qui déteste les comédies abêtissantes dans lesquelles elle joue. La star sniffe des quantités massives de cocaïne pour s’anesthésier l’esprit. Dans un état de fureur cocaïnique, elle se donne un jour tristement en spectacle en s’en prenant à sa partenaire de jeu. La scène est filmée à son insu et aussitôt diffusée sur les réseaux sociaux.</p>
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<p>Ce profil fort peu flatteur jeté en pâture au public qui l’adule pour ses rôles comiques, signe sa mort médiatique. C’est alors que sa doublure, Paula, lui propose de prendre sa place, tout d’abord en cure de désintoxication, puis dans sa vie publique. Paula y prend un plaisir fou, elle qui appelle de tous ses vœux la célébrité honnie par Candy Black.</p>
<p>Au-delà de la peinture des ravages de la cocaïne et de l’alcool dans le milieu du cinéma, l’un des principaux intérêts du film est d’être produit et interprété par Drew Barrymore. Son charme et son humour n’occultent en rien la vision cynique qui est donnée de l’industrie du divertissement, faisant peu cas de la santé mentale. L’actrice a d’ailleurs raconté combien, en lien avec son histoire personnelle, elle avait mis d’elle-même dans ce rôle.</p>
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<h2>Vers une nouvelle éthique du travail</h2>
<p>Au-delà des aspects liés à la pénibilité du travail, l’attitude de l’environnement professionnel vis-à-vis des produits va peser sur la consommation. Comme pour Jordan Belfort, la consommation peut être perçue comme un moyen d’identification dans l’entreprise. Si un N + 1 ou N + 2 incite à consommer, cela peut être perçu comme corporate de l’imiter. Les plus jeunes, ou les derniers arrivés, sont alors priés de suivre ces role models en acceptant ce qu’on leur propose.</p>
<p>Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’environnement est compétitif, comme celui de la série « Industry ». On y suit l’arrivée de jeunes stagiaires aux dents longues dans le monde impitoyable de la finance londonienne. Tous les coups sont permis, et les impétrants sont soumis au harcèlement et aux discriminations, le tout bien arrosé d’alcool et de drogues.</p>
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<p>Une culture d’entreprise valorisant les substances peut pousser les plus jeunes à la consommation et aggraver la vulnérabilité des plus fragiles. Comme dans la banque d’investissement d’Industry, c’est souvent le reflet d’une ambiance de travail toxique, pour tous les employés. Un environnement professionnel permissif vis-à-vis des drogues est vécu comme moins sûr, plus stressant et provoquant davantage de souffrance morale, même pour les abstinents.</p>
<p>Une amélioration globale des conditions de travail dans les secteurs les plus touchés permettrait de diminuer la consommation de produits. Il est révoltant qu’il soit indispensable de prendre des substances pour supporter des conditions de travail délétères. L’information et l’éducation des collaborateurs sur leur santé est donc primordiale. Pour les manageurs, repérer des signes de vulnérabilités et savoir comment réagir sans moraliser ni banaliser est aujourd’hui indispensable.</p>
<p>[…]</p>
<p><strong>LES RED FLAGS</strong> <em>(signaux d’alerte, ndlr)</em><strong> :</strong></p>
<ul>
<li><p>Avez-vous déjà consommé une substance psychoactive avant ou pendant votre journée de travail ?</p></li>
<li><p>Étiez-vous seul ?</p></li>
<li><p>Avez-vous déjà eu un problème (accident, trouble du comportement, absentéisme) sur votre lieu de travail en rapport avec la consommation de substances psychoactives ?</p></li>
<li><p>Avez-vous déjà été absent au travail parce que vous aviez trop consommé ?</p></li>
<li><p>Avez-vous déjà ressenti un besoin violent et irrépressible de prendre une substance pendant une journée de travail à la suite d’une contrariété ?</p></li>
</ul>
<h2>Le cas de Giacomo</h2>
<p>Giacomo est serveur dans un établissement huppé de la capitale. Lors de notre première consultation, il m’a raconté quel était son menu quotidien dans le « monde d’avant » : cocaïne en début de service pour être en forme, verres avec collègues et les habitués pendant le service et cannabis seul chez lui pour faire redescendre la pression. Après 10 ans de ce régime, il est exténué. C’est suite au premier confinement qu’il fait la démarche de consulter. Les habitudes qu’il avait prises et la dépendance qui en résultait ne pouvaient alors plus se fondre dans le décor branché du milieu dans lequel il travaillait. Il se retrouve seul dans son appartement parisien, sans excuse du type « coup de feu en cuisines ».</p>
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<img alt="Couverture de l’ouvrage « Addicts : comprendre les nouvelles addictions et s’en libérer », de Jean-Victor Blanc, aux éditions Arkhé" src="https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=869&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464058/original/file-20220518-3314-1wssqq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1093&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Nous avons alors établi une cartographie de ses consommations : les produits, les fréquences, et un classement en fonction de ceux qui posaient le plus de problèmes. Au chômage partiel, Giacomo prenait de la cocaïne le matin pour se « donner de la force », puis buvait de la bière tout au long de la journée pour se détendre et « ne pas penser à ses soucis ». Cette période de mise à l’arrêt forcée, propice à l’introspection, est particulièrement difficile pour lui, qui vivait auparavant dans un tourbillon de travail, de fêtes et de voyages.</p>
<p>L’enjeu du suivi est de progressivement arrêter la cocaïne et de diminuer l’alcool. Ceci fait, son amélioration psychique lui permet désormais d’envisager la suite de sa vie professionnelle. Il prend conscience qu’évoluer de nouveau dans la restauration, où les produits circulent beaucoup, peut poser problème. Il ne supporte plus ce stress, et ne veut plus se détruire la santé en consommant. Il s’engage actuellement dans une reconversion professionnelle dans le secteur de la santé, ce qui est courageux de sa part. Au-delà des efforts phénoménaux d’un patient pour ne pas consommer, des réaménagements supplémentaires sont parfois nécessaires à son rétablissement. Se réinventer ainsi est très exigeant, et me rend particulièrement admiratif.</p>
<hr>
<p><em><strong>Pour en savoir plus :</strong></em><br></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=881&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/512285/original/file-20230225-1996-vykri1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1107&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>● Blanc, JV. (2022) « Addicts : comprendre les nouvelles addictions et s’en libérer », collection Vox, éditions Arkhé ;<br>
● Blanc, JV. (2021) « Pop & psy : comment la pop culture nous aide à comprendre les troubles psychiques », éditions PLON ;<br>
● Cycle de conférences dans les <a href="https://www.mk2.com/evenements/7895-culture-pop-psychiatrie">cinéma Mk2 Beaubourg tous les mois</a> et <a href="https://www.lebrady.fr/">ciné club mensuel au Brady</a>._</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183393/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Victor Blanc est membre du conseil scientifique de la start up Kwit. </span></em></p>Dans l’imagerie populaire, la cocaïne est associée à la notion d’augmentation des performances, non seulement festives, mais aussi professionnelles. Mais la réalité est beaucoup moins reluisante.Jean-Victor Blanc, Psychiatre, praticien hospitalier, chargé de cours en faculté de médecine, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1781442022-03-01T20:12:30Z2022-03-01T20:12:30ZTrouble de l'attention (TDAH) : la dangereuse explosion du traitement médicamenteux de l'enfant<p>Le Trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est considéré comme le trouble mental le plus fréquent chez l’enfant et l’adolescent.</p>
<p>Or, dans la mesure où il n’existe aucun marqueur ni test biologique susceptible de contribuer au diagnostic, le TDAH est exclusivement défini sur la base de symptômes comportementaux : un déficit d’attention associé ou non à de l’impulsivité excessive et de l’hyperactivité. Pour cette raison, sa prévalence (fréquence de survenue d’un phénomène de santé dans une population pour une période donnée) varie considérablement d’un pays à l’autre : en 2012, il était d’environ 10 % aux États-Unis et inférieur à 1 % en Grande-Bretagne.</p>
<p>En France, l’industrie pharmaceutique a financé une étude publiée en 2011 concluant à une forte prévalence du TDAH (entre 3,5 et 5,6 % en 2008) alors même que la <a href="https://www.em-consulte.com/article/1385369/prevalence-diagnostic-et-medication-de-l-hyperacti">méthodologie et les données fournies pour étayer cette conclusion étaient très contestables</a>.</p>
<p>Les recommandations concernant le traitement du TDAH diffèrent aussi selon les pays et les régions. En France, et dans la majorité des pays européens, une approche éducative, sociale et psychothérapeutique est officiellement préférée. La médication y est, en principe, réservée aux <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(17)30167-0/fulltext">cas les plus sévères</a>.</p>
<h2>Le méthylphénidate, seul traitement autorisé</h2>
<p>Le méthylphénidate (MPH) est le seul traitement médicamenteux autorisé en France pour le Trouble déficitaire de l’attention. De manière générale, il est <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-psychanalyse-2002-2-page-433.htm">reconnu utile s’il favorise l’accès au travail de parole, de soin et d’éducation</a>. Réciproquement, il n’existe pas d’autre indication thérapeutique pour cette molécule.</p>
<p>Le MPH est commercialisé sous forme simple (<a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/ritaline-8866.html">Ritaline®</a>) ou sous forme retard (Ritaline-LP®, <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/concerta-23814.html">Concerta®</a>, <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/quasym-61574.html">Quasym®</a>, <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/medikinet-lm-87338.html">Medikinet®</a>). Il est indiqué chez l’enfant à partir de six ans <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/methylphenidate-donnees-dutilisation-et-de-securite-demploi-en-france">« lorsque les mesures correctives psychologiques, éducatives, sociales et familiales seules s’avèrent insuffisantes »</a> (ANSM, 2017).</p>
<p>De nombreuses études contre placebo ont prouvé son action pour diminuer les symptômes du TDAH… Mais elles sont de <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanpsy/article/PIIS2215-0366(18)30269-4/fulltext">court terme</a>. Les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31515165/">bénéfices d’un traitement au long cours restent toujours à démontrer</a>.</p>
<p><a href="https://academic.oup.com/jpepsy/article/32/6/643/1021192">Plusieurs enquêtes américaines</a> ayant suivi de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/205525">larges cohortes d’enfants</a> pendant des années montrent par ailleurs que le <a href="https://www.nature.com/articles/506146a#:%7E:text=Evidence%20is%20mounting%20that%20medication,difference%20to%20schoolwork%20or%20achievement.&text=Ben%20Harkless%20could%20not%20sit,rolling%20on%20an%20exercise%20ball.">traitement par psychostimulants (dont la Ritaline®)</a> ne présente <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4815037/">aucun bénéfice à long terme</a> <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0222961710000103">sur les risques d’échec scolaire</a>, de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/fullarticle/1691781">délinquance et de toxicomanie associés au TDAH</a>.</p>
<h2>Le méthylphénidate n’est pas une panacée</h2>
<p>Autre point : si les effets secondaires de court terme semblent mineurs, ceux de long terme sont largement inconnus.</p>
<p>L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mentionne ainsi une liste relativement importante d’effets indésirables comprenant notamment <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/methylphenidate-donnees-dutilisation-et-de-securite-demploi-en-france">nervosité, troubles du sommeil, céphalées, amaigrissement, risques d’aggravation de pathologies psychiatriques et de passages à l’acte violents ou suicidaires, risques de maladies cardiovasculaires et cérébrovasculaires</a> (pp. 18-22).</p>
<p>Pour ces raisons, et dans la mesure où le MPH est un psychostimulant classé stupéfiant (Vidal), sa prescription a toujours été soumise à un encadrement et à des conditions de délivrance stricts : prescription initiale et renouvellements annuels réalisés en milieu hospitalier par des médecins spécialistes (jusqu’au 13 septembre 2021), renouvellements mensuels sur ordonnance sécurisée, identification du pharmacien exécutant l’ordonnance.</p>
<p>Notre récente étude, réalisée dans les bases de données de la Sécurité sociale, pointe pourtant une <a href="https://www.em-consulte.com/article/1501479/la-prescription-de-methylphenidate-chez-l-enfant-e">augmentation inexorable de son emploi chez l’enfant et l’adolescent</a>, ainsi qu’une rupture systématique des obligations réglementaires de prescription.</p>
<h2>Hausse continue de la prescription de méthylphénidate chez l’enfant</h2>
<p>En effet, ce travail réalisé auprès de l’ensemble des enfants et des adolescents français (0-17 ans) ayant bénéficié d’au moins une prescription de MPH entre 2010 et 2019, montre que la consommation a plus que doublé ces dix dernières années : +56 % pour l’incidence (ici, nombre de nouvelles prescriptions par an entre 2010 et 2019), et +116 % pour la prévalence. Cette hausse s’inscrit dans un continuum puisque de précédents travaux faisaient déjà état d’une augmentation de +65 % entre 2003 et 2005, puis +135 % entre 2005 et 2011.</p>
<p>Un rapport de l’ANSM montre également qu’entre 2008 et 2014, la prévalence de la prescription pour les enfants de 6 à 11 ans a augmenté de +63 % et presque doublé chez les 12-17 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le graphe montre 3 courbes : une première (enfants de 3 à 5 ans) qui reste stable et basse ; deux autres, à la croissance parallèle (6-11 et 12-17 ans) entre 2010 et 2019" src="https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449158/original/file-20220301-15-ciyu54.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution du taux de prévalence de la prescription de MPH. Ce taux est exprimé en pourcentage de la population générale pour chaque tranche d’âge et chaque période.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Ponnou et coll., in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2022)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cette augmentation se double d’un allongement considérable des durées de traitement : la durée médiane de la consommation chez les enfants de 6 ans en 2011 était de 5,5 ans et jusqu’à plus de 8 ans pour 25 % d’entre eux. Plus préoccupant encore : les enfants les plus jeunes sont ceux pour lesquels les durées de traitement sont les plus longues.</p>
<p>Ces durées sont <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00228-007-0401-6">sans comparaison avec celles mises en exergue dans le courant des années 2000</a> : la durée médiane de prescription de MPH chez l’enfant en 2005 en France était alors de 10,2 mois.</p>
<h2>Des conditions de prescription bafouées</h2>
<p>En France, l’Autorisation de mise sur le marché (AMM) est accordée par l’ANSM après une procédure d’évaluation du bénéfice/risque du médicament. Cette autorisation peut être assortie de conditions et de recommandations de prescription, comme c’est le cas pour le méthylphénidate. Or l’analyse des bases de données de santé montre une multiplication du nombre de prescriptions hors des cadres réglementaires :</p>
<ul>
<li><p>Avant l’âge de 6 ans, contrairement aux indications de la mise sur le marché,</p></li>
<li><p>Avec des durées de traitement particulièrement longues et en constante augmentation. Les recommandations de prescription mentionnent clairement des usages de court terme et des réévaluations constantes des bénéfices du médicament,</p></li>
<li><p>Des premières prescriptions (25 %) et des renouvellements annuels (50 %) qui ne sont pas effectués par un spécialiste hospitalier, contrairement aux obligations réglementaires en vigueur jusqu’au 13 septembre 2021,</p></li>
<li><p>Avec un suivi médical et psychoéducatif des enfants qui ne semble pas toujours réalisé de manière satisfaisante : 84 % des enfants ne bénéficient d’aucune consultation médicale par le service hospitalier prescripteur dans les 13 mois suivant l’initiation. Entre 2010 et 2019, le nombre de consultations en centres médico-psychopédagogiques (CMPP) a été divisé par quatre tandis que la prévalence de la consommation de MPH a plus que doublé. Ces résultats suggèrent un risque de substitution des pratiques psychothérapeutiques et socio-éducatives par des prescriptions médicamenteuses.</p></li>
<li><p>Une prescription qui n’est pas nécessairement associée au diagnostic de TDAH, pourtant sa seule indication autorisée. A fortiori, lorsqu’un diagnostic psychiatrique est posé, il ne correspond pas toujours à l’indication thérapeutique définie par l’AMM. Or, le Résumé des caractéristiques du produit (RCP) précise que « les <a href="http://agence-prd.ansm.sante.fr/php/ecodex/rcp/R0141880.htm">psychostimulants ne sont pas destinés […] aux patients atteints d’autres pathologies psychiatriques primaires</a> ».</p></li>
<li><p>Un quart (22,8 %) des enfants et adolescents consommateurs de MPH reçoivent un ou plusieurs autres médicaments psychotropes dans l’année suivant la première prescription : neuroleptiques (64,5 %), anxiolytiques (35,5 %), antidépresseurs (16,2 %), antiépileptiques (11 %), hypnotiques (4,8 %) et antiparkinsoniens (3 %). Ces co-prescriptions sont souvent très éloignées de leur zone d’AMM et se situent hors des recommandations de la Haute autorité de santé (HAS). Or ces associations avec d’autres psychotropes – en particulier les antipsychotiques – présentent de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7994286/">sérieux risques pour la santé et devait être évitées</a>.</p></li>
</ul>
<h2>Effet des facteurs scolaires et sociaux</h2>
<p>L’étude montre également que le système scolaire contribue de manière significative à la prescription de psychostimulants : les enfants les plus jeunes de leur classe – nés en décembre plutôt qu’en janvier – présentent un risque accru de médication de +44 à +60 % (+54 % en moyenne au fil de la période 2010-2019).</p>
<p>Pourtant, il semble normal que les capacités d’attention des enfants les plus jeunes de leur classe soient potentiellement moins soutenues que celles de leurs camarades plus âgés, sans que cela n’engage de conclusion en termes de pathologie, de handicap ou de médication.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le graphe montre que les enfants les plus jeunes d’une classe sont les plus concernés par les prescriptions ; et que le niveau de prescription générale monte tous les ans" src="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=456&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449160/original/file-20220301-25-a0pizr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=573&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Enfants et adolescents ayant reçu une prescription de MPH selon leur mois de naissance en France entre 2010 et 2019 (cohorte de 144 509 enfants).</span>
<span class="attribution"><span class="source">S. Ponnou et coll., in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence (2022)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>De plus, les enfants issus des classes sociales les plus défavorisées ou présentant des conditions sociales défavorables ont un risque accru de médication.</p>
<p>En 2019, 21,7 % des enfants recevant du MPH vivaient dans des familles bénéficiant de la Couverture maladie universelle (CMU) ou d’un dispositif apparenté. Ceci alors que, selon l’Insee, ces aides n’étaient attribuées qu’à 7,8 % de la population française. La prescription est donc significativement plus fréquente chez les enfants des familles bénéficiaires de la CMU, et cette tendance a augmenté entre 2010 et 2019.</p>
<p>Si l’on considère également les enfants consommateurs de MPH disposant d'un diagnostic de <a href="https://www.em-consulte.com/article/1501479/la-prescription-de-methylphenidate-chez-l-enfant-e">défavorisation sociale</a> (touchés par exemple par des difficultés liées à l’éducation, à l’alphabétisation, à l’emploi et au chômage, à l’environnement physique, au logement, aux conditions économiques ou à l’environnement social, etc.), le pourcentage d’enfants avec des difficultés sociales atteint 25,7 %.</p>
<p>Ces éléments pointent un risque de médication de l’enfant selon son âge ou ses origines sociales. Ces discriminations s’ajoutent à des ruptures des réglementations de prescription qui forgent le pacte démocratique entre les citoyens et leur système de santé.</p>
<p>Face à cette situation, ni l’AMM, ni les recommandations ou les lettres de rappel de l’ANSM, ni les alertes des chercheurs ou des professionnels de santé ayant dénoncé ces abus depuis de longues années <a href="https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2004-1-page-42.htm">ne semblent pas avoir été entendues</a>.</p>
<h2>Quelles pratiques et quelles politiques de santé ?</h2>
<p>Ces enjeux sont d’autant plus vifs que le 13 septembre 2021, la HAS a décidé la fin de la Prescription initiale hospitalière (PIH) pour le MPH – une mesure qui avait pour fonction de garantir l’accompagnement des enfants et de leurs parents.</p>
<p>Cette décision augure une poursuite du phénomène, ainsi qu’une accentuation du non-respect des conditions de prescription. Or, les travaux scientifiques sont particulièrement <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22544019/">réservés quant à la prescription de médicaments psychotropes chez l’enfant et l’adolescent</a>, et insistent sur l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0929693X14004837">importance de la surveillance</a> et sur le rôle des agences de santé et de sécurité du médicament.</p>
<p>Ces réserves s’expliquent par la <a href="https://www.em-consulte.com/article/690835/panorama-de-la-prescription-et-de-la-consommation-">rareté d’études robustes sur l’efficacité des traitements</a>, des effets indésirables importants et une balance bénéfice/risque qui conduit à un nombre limité d’autorisations de mise sur le marché pour les psychotropes en population pédiatrique.</p>
<p>En revanche, les pratiques psychothérapeutiques, éducatives et sociales orientées par la parole font leurs preuves dans la clinique et sont recommandées en première intention en France dans le soin des enfants et des adolescents.</p>
<p>Quels bénéfices attendre d’une médicalisation croissante des comportements de l’enfant, et d’une dérégulation progressive de la prescription de psychostimulants voire de psychotropes : enfants, adolescents et famille peuvent-ils y trouver un meilleur soutien ? L’accueil des patients et les pratiques de soin peuvent-ils en être améliorés ? Le lien entre la population, les praticiens et les services de santé peut-il en sortir renforcé ?</p>
<p>Le modèle américain, qui fait référence en termes de médicalisation de la souffrance psychique, montre que <a href="https://esprit.presse.fr/article/gonon-francois/la-psychiatrie-biologique-une-bulle-speculative-36379">ce serait plutôt le contraire</a>.</p>
<p>Ces questions interrogent à la fois les capacités de régulation de la communauté médicale, des agences de santé et des pouvoirs publics. Mais elles touchent aussi à des choix de société : quelles pratiques et quel modèle de soin souhaitons-nous pour nos enfants et les prochaines générations ? Ces enjeux sensibles et complexes méritent a minima un débat scientifique, politique et citoyen éclairé et contradictoire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178144/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Ponnou a obtenu des financements au titre du CIRNEF (EA7454) et de l'Université de Rouen Normandie pour ses recherches dans les bases de données de santé. Ces financements proviennent de l'organisme mutualiste EOVI MCD Fondation et de l'Union Européenne. </span></em></p>C’est le trouble mental le plus fréquent de l’enfant et l’adolescent. Le TDAH est, officiellement, traité via une approche sociale, éducative… Dans les faits, la médication (Ritaline®, etc.) explose.Sébastien Ponnou, Psychanalyste, professeur des universités en sciences de l'éducation - CIRCEFT-CLEF, EA 4384, Université Paris 8 – Vincennes Saint-DenisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1719042022-02-10T16:05:54Z2022-02-10T16:05:54ZDrogues : Connaissez-vous le GBL, nouvel agent de soumission chimique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445657/original/file-20220210-25-oq1nwp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=70%2C0%2C1970%2C1294&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En soirée, toujours surveiller son verre…</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/MxfcoxycH_Y">Michael Discenza / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le mouvement <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/12/11/balancetonbar-ou-le-viol-sous-ghb_6105615_3224.html">#BalanceTonBar</a>, lancé en Belgique, prend de plus en plus d’ampleur en France et en Europe. Sous ce hashtag sont rassemblés quantité de témoignages de personnes violées après qu’une substance capable d’abolir le discernement a été versée dans leur boisson, généralement au cours de soirées dans des bars, des clubs ou des fêtes étudiantes.</p>
<p>Les agresseurs sexuels ont recours à divers composés pour droguer leurs victimes : alcool, anxiolytiques tels que les benzodiazépines (plus connues sous leurs appellations commerciales : Rivotril, Xanax, Rohypnol…), analgésiques comme la kétamine, voire les antihistaminiques. Mais l’une des substances fréquemment utilisées est l’acide gamma-hydroxybutyrique (gamma-hydroxy-butyrate ou GHB), aussi appelé « G » ou « ecstasy liquide ».</p>
<p>Interdit à la vente, cet agent de soumission chimique a été remplacé par une autre molécule, le gamma-butyrolactone (GBL), qui se transforme en GHB une fois ingérée. Mais dans les deux cas, les conséquences pour la santé peuvent être graves, au-delà de l’agression en elle-même.</p>
<h2>De la salle d’opération à la salle de musculation</h2>
<p>Le GHB a été synthétisé pour la première fois en 1874 par le chimiste russe Aleksandr Mikhaïlovitch Zaïtsev, mais ce n’est que dans les années 1960 que ses effets commenceront à être étudiés, par le chirurgien et neurobiologiste Henri Laborit. Le scientifique travaillait alors sur l’acide gamma-amino-butyrique (GABA) neurotransmetteur (messager chimique) présent dans le cerveau des mammifères, dont on sait aujourd’hui que l’une des fonctions est d’inhiber l’activité cérébrale.</p>
<p>Pour les besoins de leurs travaux, Laborit et ses collaborateurs produisent du GHB. Rapidement, les chercheurs s’aperçoivent que celui-ci modifie l’activité cérébrale, en raison de sa structure proche de celle du neurotransmetteur GABA. En 1963, Samuel P. Bessman et William N. Fishbein découvrent que le GHB est naturellement présent, en faible concentration, dans le cerveau.</p>
<p>Le GHB bénéficie alors d’un intérêt considérable de la part de la communauté médicale, car il présente des propriétés anesthésiques dénuées d’effets indésirables sévères. Son utilisation se répand à l’hôpital, mais ne dure qu’un temps : après un apport incontesté à l’anesthésie, il s’efface lentement de la scène opératoire, car ses propriétés analgésiques sont relativement faibles, et parce que des molécules plus efficaces sont mises au point.</p>
<p>Mais l’histoire du GHB ne s’arrête pas là. À partir des années 1980, pour contourner l’interdiction de vente au public des stéroïdes anabolisants, des laboratoires commencent à commercialiser le GHB. Vendu aux gens qui souhaitent maigrir pour ses pseudopropriétés de « brûleur de graisse », on vante aussi ses prétendues propriétés inductrices de l’hormone de croissance, hypnotiques, ou ses effets « anti-âge », qui seraient en lien avec ses propriétés antioxydantes.</p>
<p>Aux États-Unis et en Europe, le GHB devient alors un produit largement disponible dans les salles de sport, en parapharmacie ou par correspondance.</p>
<h2>De drogue de la fête à drogue de l’agression sexuelle</h2>
<p>Quelques années plus tard, un nouvel usage du GHB se développe, festif. Il accompagne la montée en puissance du courant musical électronique, surtout dans le milieu gay. Facile à administrer, doté de propriétés amnésiantes et de désinhibition sexuelle, dépresseur du système nerveux central… Les caractéristiques du GHB – potentialisées par les effets de l’alcool – en font un agent de soumission chimique idéal. Le public découvre alors son existence via les médias : le GHB fait alors les gros titres, c’est la « drogue du viol ».</p>
<p>Classé comme stupéfiant depuis 1999, le GHB est ajouté en mars 2001 au <a href="https://www.incb.org/documents/Psychotropics/conventions/convention_1971_fr.pdf">tableau IV de la Convention des Nations unies sur les substances psychotropes</a>. Les États membres de l’Union européenne se retrouvent alors dans l’obligation de contrôler cette molécule. Jusqu’alors très ouvert, le marché du GHB se retrouve restreint : la molécule n’est plus disponible légalement à la vente dans le commerce. Elle devient en outre très difficile à se procurer sur Internet, depuis son interdiction internationale.</p>
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<p>Mais ce n’est pas le cas d’un autre composé, le gamma-butyrolactone. Utilisée comme solvant industriel, cette molécule est un précurseur du GHB. Autrement dit, une fois absorbée, elle se transforme dans l’organisme principalement en GHB, sous l’effet du métabolisme. La prise de GBL entraîne donc les mêmes effets que celle du GHB.</p>
<p>À partir de 2006, l’usage détourné du GBL remplace progressivement celui du GHB : entre 2005 et 2011, plus de 200 cas d’<a href="https://www.ofdt.fr/BDD/publications/docs/Note_GHB-GBL.pdf">intoxication à la GBL</a> ont été identifiés en France par les réseaux de toxicovigilance et d’addictovigilance.</p>
<p>À l’heure actuelle, le GBL n’est pas classé comme stupéfiant, cependant la France a décidé d’interdire par <a href="http://dev4-afssaps-marche2017.integra.fr/S-informer/Communiques-Communiques-Points-presse/Interdiction-de-l-offre-et-de-la-cession-au-public-de-la-GBL-et-du-1-4-BD-Communique">arrêté du 2 septembre 2011</a> sa vente et sa cession au public (ainsi que celle du 1,4 butanediol (1,4-BD)1, qui entre aussi dans la fabrication du GHB).</p>
<h2>À quoi ressemblent ces substances ?</h2>
<p>Le GHB se présente le plus souvent sous forme liquide, mais existe aussi en poudre. Inodore, incolore, de goût amer, il est généralement bu avec de l’eau, mélangé à du sirop ou avec du jus de fruits.</p>
<p>Deux médicaments contiennent du GHB : le <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gamma-oh-200-mg-ml-sol-inj-iv-88358.html">Gamma-OH</a>, utilisé en complément de l’anesthésie générale et le <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/gammes/xyrem-28137.html">Xyrem</a>, indiqué dans le traitement de la <a href="https://www.inserm.fr/dossier/hypersomnies-et-narcolepsie/">narcolepsie</a>.</p>
<p>Le GBL se présente quant à lui sous la forme d’un liquide visqueux incolore. Il s’agit d’un produit chimique très acide, utilisé dans l’industrie comme solvant ou décapant pour les peintures, voire comme nettoyant pour parquet.</p>
<h2>Les produits et effets recherchés</h2>
<p>Il est important de noter que les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0755498209003273">effets du GHB sont dose-dépendants</a>.</p>
<p>Aux alentours de 0,5 g, le GHB agit comme l’alcool et les benzodiazépines : les personnes qui en absorbent expérimentent une sensation de chaleur, se relaxent, et se désinhibent.</p>
<p>Entre 1 et 2 g, vient l’ivresse, l’impression de bien-être, ainsi qu’une plus grande facilité de la communication. La capacité érectile est augmentée, tout comme la durée et la qualité des orgasmes. Les utilisateurs qui prennent du GHB cherchent à stimuler l’envie sexuelle, ainsi qu’à intensifier les sensations de l’acte. Mais à ces doses, la prise de GHB altère le niveau de conscience et entraîne une perte de contrôle. Ces effets se traduisent par une amnésie, une sensibilité accrue, voire une intolérance, à la lumière (photophobie), une perte de coordination des muscles des bras et des jambes (ataxie) et des vertiges.</p>
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<p>De 2 à 4 g, l’utilisateur tombe dans un coma léger. Au-delà de 4 g, c’est le coma profond, et le risque d’overdose, ou « G-Hole ». Ce coma profond non réactif est associé à une diminution du rythme cardiaque (bradycardie) et de la température corporelle (hypothermie), à des vomissements, à une détresse respiratoire et à des manifestations neurologiques.</p>
<p>La prise de GHB augmente également les effets négatifs des autres drogues psychostimulantes. Les effets du GHB débutent 15 à 30 minutes après l’usage et durent entre 2 et 4 heures. Le GBL a les mêmes effets psychoactifs que le GHB, mais ils surviennent plus rapidement, en 15 à 20 minutes, et durent un peu moins longtemps (1 à 2 heures environ).</p>
<p>Une des raisons du succès de ces drogues est l’absence de phénomène de « descente ». Entre 2014 et 2017, la proportion des cas de comas liés au GHB/GBL dans l’ensemble des cas de comas liés à l’usage de drogues (hors alcool) a doublé, passant de 13 % à 27 %.</p>
<h2>Risques et dommages liés au GHB/GBL</h2>
<p>De nombreux cas de décès en lien direct avec la prise de GHB ou de GBL ont été rapportés.</p>
<p>La grande majorité des ingestions volontaires de GBL concernent de jeunes adultes qui consomment ces produits non seulement dans des lieux festifs variés, mais aussi à domicile. Outre le fait que le GBL peut provoquer des irritations cutanées s’il entre en contact avec la peau, les conséquences de ces prises sont nombreuses.</p>
<p>Elles se traduisent notamment par des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7142256/">signes neurologiques</a> tels que des maux de tête, des troubles de la conscience, des vertiges, une diminution des réflexes, des troubles du langage, une perte de coordination, des mouvements anormaux, des crampes, une vision double, et des pupilles dilatées ou serrées.</p>
<p>Le système digestif est également touché, les consommateurs expérimentant une accélération de leur transit intestinal, des vomissements, et une inflammation de la muqueuse de l’estomac (gastrite). Ils ont également des difficultés respiratoires, et peuvent être victimes d’une hypertension artérielle transitoire et d’une diminution de leur rythme cardiaque (bradycardie).</p>
<p>Comme mentionné précédemment, le GHB (et donc le GBL) aggrave les effets sédatifs des autres drogues. Les cas de décès ont surtout été décrits suite à des polyintoxications impliquant par exemple l’alcool ou les benzodiazépines. Pour cette raison, il faut toujours rechercher des traces de prise d’autres drogues en cas d’intoxication au GBL/GHB.</p>
<p>La consommation de ces substances s’accompagne aussi de risques psychiatriques. Les personnes qui les ingèrent peuvent être victimes de crises d’angoisse aiguë, de troubles délirants aigus, de troubles cognitifs. Elles peuvent aussi développer des tendances dépressives, suicidaires ou paranoïaques, se comporter agressivement… Enfin, elles risquent l’addiction, laquelle s’accompagne d’un syndrome de sevrage pouvant aller jusqu’au delirium tremens.</p>
<p>Par ailleurs, l’ingestion de GBL comme celle de GHB exposent les consommateurs à de nombreux dangers. Elle augmente la prise de risque et donc la probabilité d’être victime d’agressions sexuelles ou de <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7732585/">contracter des infections sexuellement transmissibles</a>. Elle peut aussi résulter en une moindre observance des traitements antirétroviraux destinés à lutter contre le VIH. À ce propos, certains traitements médicamenteux (antirétroviraux, inhibiteurs des protéases) peuvent interagir avec le métabolisme du GBL et <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/18498049/">augmenter significativement sa concentration sanguine</a>, ce qui accroît le risque de surdosage.</p>
<h2>Comment réduire les risques et les complications ?</h2>
<p>La principale mesure pour réduire le risque de consommation involontaire de GBL et de GHB est de ne jamais laisser son verre sans surveillance lorsqu’on participe à une soirée.</p>
<p>Pour les personnes qui consomment volontairement ces substances, outre la gestion de l’addiction et du syndrome de sevrage, certaines <a href="https://www.aides.org/sites/default/files/Aides/bloc_telechargement/AIDES_GHB-GBL_web.pdf">mesures de réduction des risques</a> doivent être appliquées : ne jamais consommer seul, doser correctement le produit avec une seringue non sertie (sans aiguille) ou un doseur à GHB, espacer les prises d’un délai minimum de deux heures, ne pas mélanger ces substances à l’alcool ou à d’autres drogues. Et bien entendu, mettre en place les mesures de prévention sexuelle nécessaire, et s’être assuré (avant la prise…) du consentement sexuel de ses partenaires…</p>
<p>Rappelons que sur le plan médico-légal, le détournement du GHB à des fins récréatives est interdit et expose au risque de poursuites judiciaires. Il en est de même pour le GBL, produit légal, mais contrôlé. Les sanctions pénales prévues en cas de vente ou de cession au public de GBL ou de GHB sont de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171904/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Karila est membre de l'Association SOS ADDICTIONS, de la Fédération Française d'Addictologie et de la Société Française d'Addictologie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Authier exerce des fonctions d'expert externe pour des autorités sanitaires. Il est membre du Collège scientifique de l'OFDT et du Comité Scientifique Permanent Psychotropes, Stupéfiants et Addictions de l'ANSM. Il préside le Comité Scientifique de l'expérimentation du cannabis médical en France ainsi qu'un groupe de travail de la Haute Autorité de Santé (HAS) sur le bon usage des médicaments opioïdes et la prévention des surdoses.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Amine Benyamina ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Aphrodisiaque, capable d’annihiler la volonté et la mémoire, le GHB a été impliqué dans de nombreuses agressions sexuelles. Interdit, il a été remplacé par le GBL, tout aussi dangereux.Laurent Karila, Professeur d’Addictologie et de Psychiatrie, Membre de l’Unité de Recherche PSYCOMADD, Université Paris-SaclayAmine Benyamina, Amine Benyamina, professeur de psychiatrie et addictologie, président de la Fédération Française d'Addictologie, AP-HPNicolas Authier, Professeur des universités, médecin hospitalier, Inserm 1107, CHU Clermont-Ferrand, Fondation Institut Analgesia, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1734532021-12-23T19:58:39Z2021-12-23T19:58:39ZComment les amphétamines de synthèse se sont imposées<p>Dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/emmanuel-macron-au-figaro-je-me-bats-pour-le-droit-a-la-vie-paisible-20210418">entretien publié le 18 avril 2021</a>, le président de la République Emmanuel Macron appelait à «lancer un grand débat national sur la consommation de drogues». L'interview développait surtout le volet répressif de la politique en matière de lutte contre les drogues et l'efficacité des mesures envisagées a immédiatement fait l'objet de controverses.</p>
<p>Un consensus devrait pourtant se dégager du débat quant à la reconnaissance des addictions comme risque majeur pour la santé publique.</p>
<p>La consommation d'amphétamines (des psychotropes stimulants), documentée depuis plus d'un siècle, ne doit pas être écartée de cette prise de conscience. En effet, l’<a href="https://theconversation.com/sexe-et-amphetamine-ou-chemsex-les-dessous-dune-association-dangereuse-en-plein-essor-157804">émergence de nouvelles formes de toxicomanies associées aux amphétamines de la famille des cathinones</a> constitue désormais en France un phénomène préoccupant.</p>
<h2>Brève histoire (médicale) des amphétamines de synthèse</h2>
<p>La <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21365072/">première purification chimique d'une amphétamine</a> (l'éphédrine) est attribuée à Nagai Nagayoshi, un pharmacien japonais, et daterait de 1885. La <a href="https://www.researchgate.net/publication/6646370_The_origin_of_MDMA_Ecstasy_-_Separating_the_facts_from_the_myth">synthèse de l'ecstasy</a> (ou MDMA, pour 3,4-méthylènedioxy-N-méthylamphétamine) par les laboratoires Merck remonte quant à elle à 1912, et la première synthèse d'une cathinone (la β-kéto-amphétamine) à 1929.</p>
<p>Dans la première moitié du XX<sup>e</sup> siècle, les effets de ces molécules de synthèse ont captivé les chimistes et suscité l'intérêt du monde médical.</p>
<p>Leurs activités <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Sympathomim%C3%A9tique">sympathomimétique (stimulant)</a>, <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Anorexig%C3%A8ne">anorexigène (coupe-faim)</a> et <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Psychostimulant">psychostimulante (dopante)</a> ont conduit à la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3666194/">commercialisation des premiers médicaments à base d'amphétamine</a> : un bronchodilatateur avec la Benzédrine® en 1934 aux États-Unis (un sulfate d'amphétamine), un coupe-faim avec l'Obetrol® dès les années 1950 également aux États-Unis (une combinaison de sels d'amphétamine), et un énergisant avec le Pervitin® (une méthamphétamine) en Allemagne à la fin des années 1930.</p>
<p>Puissante méthamphétamine, cette dernière molécule sera délivrée en pharmacie sans ordonnance et largement distribuée aux troupes allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale. Grâce à son effet dopant de longue durée, elle aurait joué un rôle déterminant au début du conflit dans le succès de la stratégie de guerre éclair (<em>blitzkrieg</em>), en permettant aux <a href="https://books.google.fr/books/about/L_extase_totale.html?id=MLBmDwAAQBAJ">soldats de marcher et de se battre sans dormir pendant plusieurs jours</a>.</p>
<p>L'utilisation médicale des dérivés d'amphétamines s'est poursuivie après guerre. À la fin du XX<sup>e</sup> siècle, sont ainsi prescrits des psychostimulants pour lutter contre les déficits d'attention comme l'Ordinator® (qui cessera d'être commercialisé en 1997) ou encore des coupe-faim comme l'Isoméride® et le Mediator® (prescrits pour des troubles métaboliques et en particulier le diabète). Ils seront retirés du marché en 1997 et 2009, respectivement, en raison de graves effets indésirables entraînant plusieurs <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2021/03/29/scandale-du-mediator-les-laboratoires-servier-condamnes-a-2-7-millions-d-euros-d-amende_6074840_3224.html">condamnations des Laboratoires Servier</a>.</p>
<p>Aujourd'hui, demeurent disponibles mais avec d'importantes restrictions de prescription : le Zyban®, comme aide au sevrage tabagique, et la Ritaline® pour les troubles du déficit de l'attention chez l'enfant et la narcolepsie chez l'adulte. Cette dernière spécialité, dont le <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/evamed/CT-18471_CONCERTA_PIC_REEV_RI_AvisDef_CT18471.pdf">service médical rendu a été confirmé par la Haute Autorité de Santé</a>, est probablement celle ayant été la plus utile sur le plan médical à ce jour.</p>
<h2>Du rôle naturel aux premières consommations</h2>
<p>L'usage des amphétamines ne date pas de leur découverte par la chimie de synthèse. Ces composés existent à l’<a href="https://www.pourlascience.fr/sd/botanique/l-arsenal-immunitaire-des-plantes-6985.php">état naturel dans certaines plantes</a>. Ils y constituent des molécules de défense contre les herbivores, comme d'autres alcaloïdes végétaux.</p>
<p>Ainsi, l'éphédrine a été purifiée à partir d'un végétal utilisé dans la pharmacopée chinoise – <a href="https://www.vidal.fr/parapharmacie/complements-alimentaires/ephedrine-ma-huang.html"><em>Ephedra sinica</em></a>. Mais la plante la plus connue et la plus importante sur le plan sociétal et économique est le khat, de son nom latin <a href="https://www.mnhn.fr/fr/collections/ensembles-collections/collections-vivantes/jardin-botanique-val-rahmeh-menton/khat"><em>Catha edulis</em></a>, dont les feuilles fraîchement récoltées contiennent de la β-kéto-amphétamine ou cathinone (qui se dégrade rapidement après récolte).</p>
<p>Le khat serait originaire d'Éthiopie, où il pousse à l'état sauvage dans des zones tempérées situées à plus de 1500 mètres d'altitude et bénéficiant d'une bonne pluviométrie. Ces exigences de culture proches de celle du café arabica ont permis à la culture du khat de s'étendre à certaines zones de la péninsule Arabique, de l'Afrique de l'Est et de Madagascar.</p>
<p>La consommation de khat pourrait être antérieure à l'an 1000, bien qu'elle semble s'être intensifiée à partir du XV<sup>e</sup> siècle. Au Yémen, où environ 60% de la population en consomme (30% en Éthiopie et en Somalie), sa culture représente près de <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/7734">6% du produit intérieur brut et mobilise 14% de la population active</a>.</p>
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<img alt="Rameaux de khat saisis" src="https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=930&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=930&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=930&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436416/original/file-20211208-19-16wgk73.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1169&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les feuilles de khat doivent être consommées en grande quantité et rapidement, car la cathinone qu'elles contiennent se dégrade vite. Ce qui en complexifie l'usage.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DEA</span></span>
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<p>Pour le consommateur, l'accès aux effets psychotropes des cathinones n'est pas aisé. Il faut d'abord se procurer des rameaux fraîchement coupés puis mastiquer longuement ses feuilles amères pour en extraire le principe actif. Une botte de 500 grammes de rameaux, soit environ 150 g de feuilles, nécessite deux heures de mastication.</p>
<p><a href="https://www.bibliomed.org/?mno=14421">Consommer du khat</a> de façon traditionnelle demande donc du temps, mais aussi de l'argent – au détriment de la santé ou de l'éducation des enfants.</p>
<h2>De l'ecstasy aux cathinones de synthèse</h2>
<p>Comparativement au khat, les amphétamines de synthèse offrent des effets psychotropes décuplés, tout en étant plus simples à produire, transporter, conserver et consommer.</p>
<p>En France, les <a href="https://www.drogues.gouv.fr/comprendre/les-produits/amphetamines">amphétamines sont classées comme stupéfiants depuis 1967</a>. Le développement de leur utilisation comme drogue à partir des années 1990 est associé à l'avènement de la musique électronique et aux raves parties : l'ecstasy (MDMA) est alors utilisée comme drogue festive, pour son effet dopant et facilitateur de contacts humains.</p>
<p>Le tournant des années 2000 est quant à lui marqué par l'émergence du marché des drogues de synthèse sur Internet – ou nouveaux produits de synthèse (NPS). On y trouve les déclinaisons de différents de psychotropes, principalement : les <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Cannabino%C3%AFde">cannabinoïdes</a>, les amphétamines <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Opio%C3%AFde">opioïdes</a>, les <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/K%C3%A9tamine">kétamines</a> et, à partir des années 2010, les cathinones de synthèse – cousines bodybuildées de l'alcaloïde du khat.</p>
<p>Avec elles, les amphétamines vont sortir de l'usage occasionnel et marginal d'expérimentateurs peu nombreux pour toucher une large population, socialement bien intégrée et consommatrice régulière.</p>
<h2>Une drogue qui active le système de la récompense</h2>
<p>Pour comprendre le dangereux succès actuel des cathinones, il faut se pencher sur le mode d'action des amphétamines sur notre cerveau.</p>
<p>La structure des cathinones est proche de celle de la dopamine, un <a href="https://dictionnaire.acadpharm.org/w/Neurotransmetteur">neurotransmetteur</a> qui joue un rôle majeur dans le circuit de la récompense. Le système de renforcement/récompense est présent chez beaucoup d'animaux (poissons, oiseaux, mammifères) où il favorise des comportements essentiels à la perpétuation de l'espèce : manger, apprendre, se reproduire, avoir des relations sociales. Les cathinones agissent directement sur ce système.</p>
<p>Après ingestion, inhalation ou injection, les cathinones, de petite taille, passent facilement la barrière hémato-encéphalique qui protège le cerveau. Elles vont alors interagir avec les neurones à dopamine, en empêchant sa recapture et en favorisant sa libération. Les cathinones induisent par ces mécanismes une augmentation considérable de dopamine. Chez le rat, 40 minutes après l'administration d'une dose standard de cathinone, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21615721/">hausse du taux de dopamine est de l'ordre de 500%</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma décrivant le mode d'action des cathinones" src="https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/437184/original/file-20211213-25-1fgnj5d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les cathinones influent sur le système de la récompense en interagissant avec les neurones à dopamine, un neurotransmetteur qui intervient dans la sensation de plaisir.</span>
<span class="attribution"><span class="source">E. Tuaillon</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Cet afflux de dopamine va activer les circuits du système de la récompense. Ce sont ces effets stimulants et entactogènes (altérant le désir de contact physique) que vont rechercher les consommateurs dans un usage à visée sexuelle notamment.</p>
<p>En l'absence de nouvelle prise, la concentration de dopamine baisse rapidement et revient à la normale après environ 180 minutes. Un bref syndrome de sevrage (descente) est fréquemment rapporté par les consommateurs 24h à 48h après les prises, il se caractérise notamment par une fatigue et un sentiment négatif général (dysphorie).</p>
<p>L'usage des amphétamines au XX<sup>e</sup> siècle a ainsi été marqué non seulement par un accès plus aisé, grâce à la synthèse chimique, mais également par la tentation d'améliorer ses capacités physiologiques – le tout souvent dans un contexte festif.</p>
<p>À notre époque de réalité augmentée et de satisfactions immédiates, les cathinones sont devenues les porteuses d'une trompeuse promesse de satisfaire facilement nos désirs…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173453/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edouard TUAILLON est membre de la Société française de microbiologie.
Il a reçu des soutiens financiers, bourse de recherches subventions des organisations suivantes : l'Agence national de recherche sur le Sida et les hépatites virales (ANRS), l'Université et du CHU de Montpellier, des groupements Interrégionaux de Recherche Clinique et d'innovation, la fondation Pierre Fabre, les laboratoire Gilead et ViiV, les sociétés Biomérieux, Biocentric et DiaSorin</span></em></p>D'où viennent les amphétamines ? Quels ont été leurs usages, de médical à festif ? Comment agissent-elles ? Retour sur leur étonnant parcours pour comprendre leur impact en santé publique.Edouard TUAILLON, Professeur des Universités-Praticien Hospitalier. Domaines d'expertise : maladies infectieuses, virologie, santé sexuelle, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1593692021-05-09T18:11:34Z2021-05-09T18:11:34ZAlcool et autres substances : pourquoi leur dangerosité est-elle sous-estimée par les usagers ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/397060/original/file-20210426-17-15zem02.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/2GNBoMgKYEo">Alexander Popov / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>S’il vous était demandé de lister toutes les drogues connues, vous évoqueriez probablement la cocaïne, l’héroïne, l’ecstasy et peut-être même les champignons hallucinogènes ou la nicotine. Mais peu d’entre vous citeront l’alcool. Or l’alcool est bel et bien une drogue très répandue dans nos sociétés occidentales !</p>
<p>Au sens courant, une drogue est une substance psychotrope qui a des effets sur le système nerveux et entraîne des modifications de la perception, du comportement, de l’humeur, de la conscience, de la motivation ou du jugement. Et malheureusement, les répercussions du <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/troubles-mentaux/troubles-li%C3%A9s-%C3%A0-l%E2%80%99usage-de-substances/troubles-li%C3%A9s-%C3%A0-l-usage-de-substances">trouble lié à l’usage de substances</a> sont telles que la prévention et le traitement sont des axes majeurs identifiés par l’Organisation des Nations Unies dans son programme des <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/health/">objectifs de développement durable (cible 3.5)</a>.</p>
<p>Dès lors, il est légitime de se demander quels sont les facteurs qui impactent notre perception de la dangerosité d’une drogue : les dangers perçus par le public ont-ils un lien avec ceux mis en avant par les experts ?</p>
<h2>Des perceptions sans fondement scientifique</h2>
<p>L’opinion publique distingue généralement parmi les substances psychotropes des drogues « dures » et « douces ». Ces catégories sont censées refléter la dangerosité relative de leur consommation. En caricaturant un peu, on retrouve dans la première les substances illicites comme la cocaïne, l’héroïne et certains hallucinogènes, et dans la seconde les substances légales comme la caféine, le tabac, l’alcool. Enfin, certaines substances – à l’instar du cannabis ou de l’ecstasy – font l’objet de débats publics incessants et d’opinions contradictoires quant à leur classement.</p>
<p>Dans les faits, cette distinction très populaire entre drogues douces et dures ne repose sur aucune étude et ne reflète en rien la dangerosité réelle de ces différentes substances. En réalité, c’est l’usage et le contexte qui rendent une drogue plus ou moins dangereuse ou dommageable, et il semble plus opportun de parler d’un <a href="https://www.rmlg.ulg.ac.be/aboel.php?num_id=2415&langue=FR">usage « doux » ou « dur » d’une drogue</a>. Il y a donc bien une représentation sociale des drogues.</p>
<p>Cette représentation est d’une part déterminée par les contextes culturel et historique. Mais elle est aussi influencée par des enjeux économiques, plutôt que fondée sur une évaluation rigoureuse de la dangerosité relative des différentes substances. Or en dépit de cette absence de fondements rationnels, la distinction populaire entre drogues dures et douces influence considérablement les comportements de consommation, et en conséquence la santé publique.</p>
<h2>Un vocabulaire qui minimise la dangerosité</h2>
<p>L’usage d’un vocabulaire spécifique tend à minimiser la dangerosité et les répercussions de la consommation des substances les plus communes comme l’alcool ou la nicotine. On ne dira pas de vous que vous êtes un toxicomane si quotidiennement, vous buvez une bouteille de vin ou fumez un paquet de cigarettes. Et vous n’aurez pas l’impression de vous être drogué après avoir bu quelques bières à la terrasse d’un café. Tout au plus, vous penserez être saoul ou en état d’ébriété…</p>
<p>Ce vocabulaire spécifique adopté pour la consommation d’alcool ou de tabac a pour conséquence de modifier notre perception de la dépendance et de sa prise en charge. Ainsi, la consommation de drogues illicites est <a href="https://doi.org/10.1108/DAT-09-2013-0040">souvent considérée par le public</a> comme une question de traitement de patients par des experts. Alors que le tabagisme ou l’abus d’alcool est plutôt perçu comme une mauvaise habitude dont l’utilisateur est capable de se défaire par lui-même.</p>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1136/bmjopen-2017-021109">culture populaire</a> véhiculée par les médias, les livres, les films ou la télévision influence elle aussi la perception de la dangerosité des drogues. Par exemple, la place donnée dans les médias aux effets négatifs des opioïdes <a href="https://doi.org/10.1186/s13011-019-0243-0">peut amener à penser qu’ils sont plus dommageables que l’alcool ou la nicotine</a>, alors qu’il n’en est rien. Et ce, d’autant plus que la consommation régulière d’alcool est largement banalisée dans les films et les séries télévisées d’aujourd’hui – l’alcool ayant remplacé le tabac depuis une trentaine d’années pour évoquer les moments de détente et de convivialité.</p>
<h2>L’impact de la législation</h2>
<p>La perception de la dangerosité des drogues est également <a href="https://doi.org/10.1108/DAT-09-2013-0040">influencée</a> par la <a href="https://doi.org/10.1177/0091450916638578">législation en vigueur</a>. Selon les pays, certaines drogues sont considérées comme légales, quand d’autres sont tolérées ou interdites par la loi.</p>
<p>En Europe, on peut ainsi consommer alcool et nicotine (bien que les législations soient plus ou moins restrictives selon les pays), alors que la consommation, la détention, la production et la vente de cocaïne, d’ecstasy ou d’héroïne sont strictement interdites et passibles de poursuites pénales. Ajoutons que la législation peut évoluer. Au cours des dix dernières années, le cannabis a ainsi été légalisé au Canada, en Afrique du Sud, en Uruguay et dans certains États des États-Unis, mais aussi dépénalisé dans beaucoup d’autres pays.</p>
<p>Assez légitimement, tout un chacun tend à considérer que les drogues les plus dangereuses doivent être interdites, quand celles dont la dangerosité est limitée peuvent être autorisées (ou tolérées). Problème : on peut alors être porté à croire qu’une drogue autorisée n’est pas ou peu dangereuse. Or la réalité est toute autre…</p>
<h2>Vers une évaluation objective</h2>
<p>Plusieurs approches ont été développées pour mesurer et comparer la dangerosité réelle de différentes drogues.</p>
<p>Des chercheurs britanniques ont ainsi proposé à différents experts de la toxicomanie – des chimistes, des pharmacologues, des médecins, des psychiatres, des épidémiologistes, des policiers, etc. – d’évaluer la <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(10)61462-6">dangerosité de chaque drogue</a>, en s’appuyant sur plusieurs critères (risque d’overdose, de dépendance physique, de blessures corporelles ou de troubles intrafamiliaux). Une équipe suédoise s’est quant à elle focalisée sur la <a href="https://doi.org/10.1111/j.1360-0443.2006.01315.x">toxicité des drogues</a> pour établir ce classement. Enfin, des <a href="https://doi.org/10.1038/srep08126">chercheurs allemands proposent d’établir un rapport</a> entre le seuil toxicologique (la dose maximale estimée sans effet indésirable observé) et la quantité typiquement consommée par un utilisateur : plus ce ratio serait faible, plus le risque serait grand.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/397544/original/file-20210428-17-xjc6qj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Estimation de la dangerosité de différentes drogues pour le consommateur lui-même et pour les autres, d’après Nutt et al.(2010).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Bien que différentes, ces approches sont assez unanimes sur le classement des substances les plus communes. L’alcool se range dans la catégorie des drogues les plus dangereuses, avec l’héroïne et la cocaïne. Le tabac se situe quant à lui à des niveaux intermédiaires, et le cannabis fait partie des drogues les moins dangereuses.</p>
<p>Le <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(07)60464-4">classement des experts</a>, quel qu’il soit, n’est toutefois que <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0269881109106915">très faiblement corrélé</a> à la dangerosité perçue par l’opinion publique ou aux législations en vigueur dans les pays occidentaux. Alors même que l’opinion publique, comme nous l’avons déjà souligné, est largement influencée par les législations en vigueur. C’est le cas, notamment, pour des substances légales comme l’alcool, dont la dangerosité semble <a href="https://doi.org/10.1136/bmjopen-2017-021109">largement sous-estimée</a>.</p>
<p>Enfin, il faut noter que la perception du danger tend à diminuer chez les consommateurs d’une substance et <a href="https://doi.org/10.1177/1403494815576267">dépend de l’expérience</a> <a href="https://doi.org/10.1177/0091450916638578">qu’ils font du produit</a>.</p>
<h2>Faire changer les mentalités…</h2>
<p>L’abus de substances est un problème mondial de santé publique. Et il n’est pas traité à la hauteur des coûts sanitaires et sociaux engendrés – pour information, en Belgique, ils ont été évalués <a href="http://www.belspo.be/belspo/fedra/DR/DR65_Socost_sum_fr.pdf">à 1,19 % du produit intérieur brut</a>.</p>
<p>En outre, il est frappant de constater le peu de réactions publiques et politiques face à la mortalité attribuée à la consommation d’alcool : d’après l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/21-09-2018-harmful-use-of-alcohol-kills-more-than-3-million-people-each-year--most-of-them-men">Organisation mondiale de la santé</a>, elle est responsable chaque année de plus de 3 millions de décès.</p>
<p>La mise en place d’une politique sanitaire à la hauteur des défis posés par l’abus de substances psychotropes passe néanmoins par une évolution des représentations sociales liées aux différentes drogues. Or changer des mentalités ancrées dans un contexte culturel et historique est loin d’être un objectif facile à atteindre.</p>
<p>Pour y parvenir, il faut naturellement miser sur des campagnes de prévention. De ce point de vue, il y aurait tout intérêt à s’appuyer sur des initiatives comme l’<a href="https://www.globaldrugsurvey.com/">enquête mondiale sur les drogues</a>. S’appuyant sur des questionnaires anonymes proposés en ligne à quelque 130 000 participants dans une quarantaine de pays, <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(18)31075-4">l’édition de 2018</a> est en effet parvenue à plusieurs constats.</p>
<p>Notant que bon nombre de personnes, en particulier les jeunes femmes de moins de 25 ans, ignoraient tout des liens entre consommation d’alcool et augmentation du risque de cancer, cette enquête montre que 40 % des participants boiraient moins si on leur indiquait que cela diminue le risque de cancers. Les messages portant sur les calories, la santé cardiaque et la violence s’avèrent également pertinents. Mais à l’inverse, l’argument selon lequel l’alcool même à faible dose ne présente aucun atout pour la santé n’inspire pas confiance. Comme l’affirment les rapporteurs de l’enquête, ceci témoigne non seulement de l’influence du lobbying de l’alcool, mais aussi de l’importance de sensibiliser les gens à une consommation responsable.</p>
<p>On le voit, pour faire évoluer la perception de la dangerosité des drogues, étape indispensable vers un changement des comportements, des modifications de la législation sont peut-être nécessaires. Mais une telle évolution passe surtout par la mise en œuvre d’une politique d’information et de prévention cohérente. Avec, par exemple, des campagnes de prévention dans les écoles, des campagnes de sensibilisation auprès des automobilistes, des messages de sensibilisation sur les bouteilles d’alcool, etc.</p>
<hr>
<p><em>Nous remercions Michelle Heck qui a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159369/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jessica Simon a reçu des financements de l'Université de Liège</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Etienne Quertemont a reçu des financements de l'Université de Liège, du FNRS (Fonds National de la Recherche Scientifique, Belgique).</span></em></p>Cocaïne, héroïne, ecstasy sont en général perçues comme étant des drogues dangereuses. Mais pas l'alcool, qui en est pourtant bien une. Comment expliquer ces différentes perceptions ?Jessica Simon, Docteur en sciences psychologiques, Université de LiègeEtienne Quertemont, Doyen de la faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l'Education, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1363652020-04-22T07:51:43Z2020-04-22T07:51:43ZComment les animaux nous renseignent sur les risques d’addiction liés au confinement<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/328779/original/file-20200417-152591-8nvm6h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5455%2C3628&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les rats qui vivent dans des environnements plus riches développent moins de conduites addictives.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/2YBeaM09DVI">vaun0815 / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Nourriture, alcool, tabac, écrans : à l'heure du confinement, la crainte d’une exacerbation des conduites addictives va croissante. </p>
<p>Cette situation sans précédent est trop récente pour que nous puissions disposer de données scientifiques publiées afin d’évaluer son impact sur les comportements. Cependant, si les études conduites chez l’être humain manquent, ce n’est pas le cas de celles menées sur les animaux.Ces derniers ont en effet été très utilisés pour explorer le concept d’« environnement enrichi », autrement dit de cages équipées de jouets ou d’objets divers.</p>
<p>L’influence d’un tel environnement sur les animaux est-elle bénéfique, en particulier sur leur consommation de substances addictives ? Des conditions environnementales stimulantes et enrichies aident-elles à la prévention et au traitement des comportements addictifs ?</p>
<p>La réponse est oui, ce qui a des implications sur la conduite à tenir pendant le confinement.</p>
<h2>Un environnement enrichi atténue les phénomènes de dépendance chez le rat</h2>
<p>Pour comprendre comment sont menés ce genre de travaux, prenons l’exemple d’une étude ayant évalué l’effet d’un environnement enrichi sur l’usage d’un médicament psychoactif, le diazépam.</p>
<p>Le diazépam est une molécule appartenant à la classe des benzodiazépines. Utilisée dans la prise en charge symptomatique de l’anxiété et dans le sevrage d’alcool, elle peut induire une pharmacodépendance ainsi que des symptômes de sevrage à l’arrêt du traitement.</p>
<p>Dans cette étude, douze rats adultes ont été maintenus pendant quatre semaines dans un environnement de laboratoire classique, tandis que douze autres bénéficiaient d’un environnement enrichi. Ce dernier consistait en trois à quatre jouets synthétiques colorés, des tunnels et des roues d’exercice. Les tunnels et les roues ont été maintenus à l’identique toute la durée de l’étude, tandis que les autres jouets ont été remplacés deux fois par semaine.</p>
<p>Chaque groupe a ensuite été divisé en deux sous-groupes. Les membres de l’un des sous-groupes ont reçu une solution saline, tandis que ceux de l’autre sous-groupe ont reçu du diazépam (dosage 1 mg/kg) un jour sur deux pendant treize jours, soit 7 administrations au total). Pendant la période d’administration du diazépam, les rats ont passé des tests de préférence de place conditionnée. Ce type de test repose sur l’utilisation de deux compartiments séparés par un tunnel permettant d’aller de l’un à l’autre. Après une phase de conditionnement, il permet de mesurer le temps passé dans le compartiment associé à un stimulus donné (ici, la distribution de diazépam), ce qui indique l’appétence que l’animal montre pour ce stimulus.</p>
<p>Un test de préférence a été effectué afin d’évaluer la préférence au diazépam les 5<sup>e</sup>, 9<sup>e</sup> et 13<sup>e</sup> jours de l’expérience. Les chercheurs ont ainsi observé que l’administration de diazépam conduisait à une préférence progressive pour cette substance, ce qui caractérise une forme d’addiction chez les animaux. Cette préférence mettait cependant plus de temps à s’installer, et était nettement plus limitée, dans le groupe bénéficiant d’un environnement enrichi, par rapport au groupe contrôle.</p>
<p>Des altérations neurocomportementales évocatrices d’un phénomène de sevrage (activité locomotrice réduite, comportement de type dépressif, troubles de l’apprentissage et de la mémoire) ont également été observées 24 heures après l’arrêt du diazépam. Elles étaient toutefois ici aussi moins importantes pour les animaux élevés dans un environnement enrichi.</p>
<h2>Des effets sur une variété de comportements</h2>
<p>D’autres études menées chez des rongeurs ont montré que l’exposition à un environnement enrichi pouvait avoir des effets bénéfiques dans la prévention et/ou la prise en charge du trouble d’usage de méthamphétamine, de cocaïne, d’opiacés tels que l’héroïne et de nicotine.</p>
<p>Des auteurs ont également montré l’intérêt d’un environnement enrichi pour limiter les troubles cognitifs et neurocomportementaux chez des souris adultes après une période de consommation répétée d’alcool de type binge drinking, durant l’adolescence. Enfin, une dernière étude a révélé l’effet protecteur d’un environnement enrichi, pendant l’adolescence, vis-à-vis des comportements de consommation excessive d’alcool, d’anxiété, de recherche de nouveauté et de compulsion chez des souris adultes.</p>
<h2>La richesse de l’environnement limite l’attrait pour les substances psychoactives</h2>
<p>Les modèles animaux démontrent donc que plus un environnement est riche, stimulant, diversifié, et source d’intérêts multiples, plus l’attractivité d’une substance psychoactive va se trouver limitée. Ce constat global est en phase avec le modèle « biopsychosocial » qui domine le champ des addictions.</p>
<p>Ce modèle veut que le rapport aux comportements à risque d’addiction soit la résultante d’une équation permanente entre les facteurs intrinsèques d’un sujet (sa biologie, son histoire personnelle, résultante de son environnement passé), et l’environnement immédiat de celui-ci (la culture sociétale, la pression de groupes de pairs, etc.).</p>
<p>Ainsi, dans ce modèle, un environnement enrichi va limiter l’attirance et l’effet réconfortant de la nourriture, des écrans, ou des substances psychoactives. Au contraire, un environnement social appauvri, du stress, un manque d’activité ludique ou d’activité sociale, un accès restreint aux stimuli culturels, va exposer davantage l’individu aux effets addictifs de certains comportements. Eh oui, comme chez les rongeurs…</p>
<p>Moralité : durant le confinement, restons chez nous, mais gardons le plus possible des rythmes et rituels de vie variés, lisons, jouons, veillons à conserver une activité physique minimale, et échangeons avec les autres !</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec Addict’Aide, <a href="https://www.addictaide.fr/inscription-a-la-newsletter/">dont la newsletter permet de s’informer sur toutes les questions d’addiction</a>. Le portail Addict’Aide est soutenu par MGEN, groupe VYV.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136365/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les animaux ont été souvent utilisés pour étudier les comportements d’addiction. Certains de ces travaux nous donnent des pistes pour limiter le risque de pratiques addictives pendant le confinement.Benjamin Rolland, Psychiatre, addictologue, maître de conférences des universités - Praticien hospitalier, Inserm U1028 / CNRS UMR5292, responsable du SUAL (Service Universitaire d'Addictologie de Lyon), Université Claude Bernard Lyon 1Louise Carton, Psychiatre, Addictologue, Praticien Hospitalo-Universitaire en Pharmacologie Médicale, Inserm U1172 - Lille Neurosciences et Cognition, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1350952020-04-13T19:45:30Z2020-04-13T19:45:30ZPodcast : Quand une overdose plonge dans la psychose<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/324059/original/file-20200330-146712-1t07u42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/photo/woman-s-face-3319333/"> Elina Krima/pexels</a></span></figcaption></figure><p>Ashley est une jeune femme de 28 ans vivant non loin de Détroit, au nord-est des États-Unis proche de la frontière canadienne. Un jour, la jeune femme se présente aux portes du <em>Saint Mary Mercy Hospital</em>. Si Ashley se retrouve à demander l’aide aux médecins, c’est que depuis deux jours, elle vit un véritable enfer. Elle ne dort quasiment plus, est à la fois confuse et agitée, a du mal à ressentir des émotions et est prise d’hallucination. Une situation tout autant soudaine, qu’inquiétante.</p>
<p>Pour les médecins, la jeune femme souffre d’une crise psychotique aiguë. Mais les causes de cette crise sont assez inattendues.</p>
<p>Car, en réalité, Ashley, n’est pas une patiente inconnue de l’équipe médicale du Saint Mary Mercy Hospital. Bien que ce soit la première fois qu’elle éprouve un épisode psychotique, ce n’est pas sa toute première hospitalisation dans l’établissement. Un mois plus tôt, elle avait, en effet, été amenée en urgence à l’hôpital après avoir été retrouvée inconsciente. Arrivée en état de profonde détresse respiratoire, elle fut placée sous assistance en oxygène. Des tests sanguins et urinaires avaient alors révélé que cet état était dû à la consommation excessive d’un type de molécules, les benzodiazépines utilisées par Ashley comme drogue récréative de manière récurrente. À ce moment, aucune lésion cérébrale n’était présente, mais la situation évolua par la suite.</p>
<p>En un peu plus de 10 minutes, avec cet épisode, découvrez en détail les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/ccr3.2705">causes des symptômes</a> de cette femme qui flouent les frontières entre le psychologique et le biologique.</p>
<hr>
<p><em>Un podcast en partenariat avec <a href="https://soundcloud.com/latetedanslecerveau">La tête dans le cerveau</a> dont toutes les références scientifiques sont à retrouver sur <a href="https://cervenargo.hypotheses.org/3416">Cerveau en Argot</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135095/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Rodo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Découvrez l’histoire d’une jeune femme souffrant d’une crise psychotique aiguë dont les causes sont assez inattendues.Christophe Rodo, Jeune chercheur ATER terminant une thèse en neurosciences, au sein du Laboratoire de Neurosciences Cognitives, de l’Institut de Neurosciences des Systèmes et de l’Institut des Sciences du Mouvement, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1328912020-03-23T18:45:35Z2020-03-23T18:45:35ZPsychotropes : une nouvelle nomenclature pour mieux les prescrire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/319061/original/file-20200306-118913-1d1f6yb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/_jbClosDsD4">Hal Gatewood / Unsplash</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>La NBN (<em>neuroscience-based nomenclature</em>) est une nouvelle nomenclature des psychotropes, élaborée en tenant compte de leurs mécanismes d’action pharmacologique. Elle a été développée en concertation avec quatre collèges de psychopharmacologie. La deuxième version est parue en 2016 sous le format d’une <a href="https://nbn2r.com/">application gratuite téléchargeable</a>.</p>
<p>Cette nomenclature préconise d’abandonner les dénominations usuelles des classes thérapeutiques (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Antid%C3%A9presseur">antidépresseurs</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neuroleptique">neuroleptiques</a>, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anxiolytique">anxiolytiques</a>…) pour adopter une définition citant à la fois le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Neurotransmetteur">neurotransmetteur</a> cible (une dizaine : acétylcholine, dopamine, GABA, glutamate, histamine, mélatonine, noradrénaline, opiacé, orexine et sérotonine) et les mécanismes d’action de leur catégorie (bloqueur de canal, inhibiteur enzymatique, modulateur enzymatique, agoniste, inhibiteur de recapture…). Sera-t-elle adoptée ?</p>
<p>Prescrire (ou ne pas prescrire) est un moment privilégié de la pratique médicale. C’est un temps inéluctable, dans la conclusion de la consultation. Après l’interrogatoire, les échanges, les doléances, il s’agit de décider d’une intervention pharmacologique. Initiation d’un traitement, ajustement posologique, changement de classe, simple reconduction ou même non-prescription, quelque chose se passe dans la tête du médecin : un algorithme complexe et implicite avec son <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3341653/">heuristique</a>, faite d’automatismes, d’expérience, de subjectivité… et de trois types de savoirs.</p>
<h2>Trois types de savoirs</h2>
<p>« Qu’aurais-tu prescrit pour ce patient ? », « Pourquoi as-tu prescrit ce traitement ? », « Quelle aurait été l’alternative à ce médicament ? ». Un tel questionnement est plutôt le fait d’étudiants en médecine ou de jeunes internes. Qu’en est-il chez le psychiatre prescripteur ? Son raisonnement s’appuie globalement sur :</p>
<ul>
<li><p><strong>Les « guidelines » et la littérature :</strong> les cours universitaires de psychopharmacologie et les enseignements post-universitaires reprennent généralement l’ensemble des recommandations des sociétés savantes et de la littérature (revues systématiques et méta-analyses). Les « guidelines » et les consensus d’experts permettent de proposer des algorithmes et de combler le manque de preuves dans certains domaines. Et les autorisations de mise sur le marché constituent la traduction réglementaire d’une partie de la pratique thérapeutique basée sur les preuves.</p></li>
<li><p><strong>L’expérience thérapeutique :</strong> tous les médecins apprennent de leurs propres prescriptions, mais aussi de celles de leurs collègues et « superviseurs ». Retour sur expérience de la part du patient, échange de vécus entre les médecins, apprentissage par le compagnonnage au cours de l’internat mais également appropriation de « recettes » éprouvées par les « anciens » sont autant de sources enrichissant le savoir en matière de prescription.</p></li>
<li><p><strong>La neurobiologie :</strong> les corrélations entre perturbations neurobiologiques et troubles du comportement constituent le fondement théorique d’un modèle enrichi par plus de trois quarts de siècle de données précliniques, d’études pharmacologiques, d’imagerie fonctionnelle, d’essais cliniques, etc. Ce modèle neurobiologique a une très bonne valeur prédictive : des interventions pharmacologiques ciblées engendrent des modifications du comportement précises, dans des proportions et des délais connus et attendus. Et bien utilisé, comme il l’est dans la nomenclature NBN, il peut orienter la prescription. Par exemple, en cas <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5809801/">d’addiction à l’alcool</a>, on sait que la consommation excessive précédée d’une forte attente de plaisir témoigne d’une hyperréactivité des récepteurs mu du système opioïdergique. Alors que si elle vise à combler un manque, elle traduit une hyperactivité du système glutamatergique, qui doit être traitée autrement.</p></li>
</ul>
<h2>Minimiser la subjectivité</h2>
<p>Intuitivement, le psychiatre fait appel aux trois savoirs simultanément pour élaborer une prise en charge en fonction des « réponses » disponibles à la « question thérapeutique » posée par le patient. Mais il importe de contrôler et minimiser sa subjectivité. D’autant que la complexité des situations cliniques fait qu’il existe une multitude de questions thérapeutiques peu couvertes par les savoirs décrits plus haut. Et de ce point de vue, raisonner de façon systématique en s’appuyant sur la nomenclature NBN permet de rester cohérent.</p>
<p>De fait, comme toute prescription de médicaments, celle qui vise les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trouble_psychique">troubles psychiques</a> et les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Addiction">addictions</a> répond aux exigences de la médecine. D’où un cahier des charges imposant de prendre en compte la durée de la prescription, son indication (principale ou accessoire), le rapport bénéfices/risques, la qualité de la rémission et son délai, les éventuels facteurs de résistance, l’observance, la tolérance, les possibles interactions médicamenteuses, les dosages, ou encore les échéances de début de réponse, de rémission et de fin de traitement.</p>
<p>Un tel modèle renvoie le psychiatre prescripteur à une exigence d’évaluation et de suivi thérapeutiques, mais aussi à une réflexion sur les liens entre mécanismes neurobiologiques et tableau clinique. Et là encore, la nomenclature NBN retrouve son utilité et sa pertinence.</p>
<h2>Une prise en chargé personnalisée</h2>
<p>S’il une catégorie de médicaments cristallisant l’antipsychiatrie, c’est bien celle des « neuroleptiques ». Et pour cause : on les a d’abord définis par leurs principaux effets indésirables – à savoir les contractions musculaires, mouvements involontaires, tremblements et autres effets extrapyramidaux. Certains professionnels continuent ainsi d’utiliser le terme « neuroleptiques atypiques » pour désigner les molécules dont le profil de tolérance neurologique ne comporte plus (ou très peu) cet effet. Quant aux patients, leurs discours témoignent d’un manque de compréhension : « J’ai vu le psychiatre pour des crises de paniques et il m’a prescrit un antidépresseur ! » ; « Je souffre d’obsessions handicapantes et mon psychiatre m’a prescrit un neuroleptique à faible dose ! ».</p>
<p>En pratique, l’approche diagnostique du psychiatre consiste d’une part à identifier un ou plusieurs troubles (le plus souvent conformes à des systèmes de classification), et d’autre part à évaluer l’intensité des symptômes caractérisant le mode de fonctionnement psychologique inhérent à ces troubles (par exemple l’impulsivité, ou le risque de suicide) – ce qui permet d’adapter les soins à chacun. Ces symptômes d’intensité variable colorient les présentations cliniques et représentent de véritables cibles d’intervention thérapeutique. Or ils renvoient à des perturbations neurobiologiques distinctes, identifiables grâce à un raisonnement s’appuyant sur la nomenclature NBN.</p>
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<h2>Un meilleur rapport entre efficacité et tolérance</h2>
<p>Bien au-delà des querelles de psychiatres, la NBN augmente les chances de rémission du malade, en offrant un meilleur rapport entre efficacité et tolérance. S’agissant de l’efficacité, on la sait tributaire de la résistance thérapeutique – concept défini comme l’absence d’amélioration à deux molécules de familles différentes prises à doses et à durées optimales. Or cette dernière est estimée en moyenne à 30 % pour la dépression, et elle augmente avec le nombre d’épisodes de traitements antidépresseurs.</p>
<p>Plusieurs facteurs participent à cette résistance aux traitements – notamment, une évolution chronique de l’épisode malgré un traitement. Or en tenant compte des mécanismes neurobiologiques, la NBN permet de mieux l’appréhender et de trouver une solution pour le patient. On sait ainsi que la dépression témoigne du fonctionnement défaillant de trois neurotransmetteurs (sérotonine, noradrénaline et dopamine). En fonction du messager chimique, les symptômes seront différents. Ainsi quand la fonction sérotoninergique est altérée, la dépression se caractérise par de l’insomnie, une perte d’appétit, une tristesse, des pleurs et une anxiété. Alors que s’il y a une baisse du fonctionnement noradrénergique, on constate plutôt un ralentissement moteur, une perte d’énergie et l’absence d’expressions faciales.</p>
<p>Pour le psychiatre, il s’agit donc d’intégrer dans son algorithme le ou les neurotransmetteurs qu’il convient de cibler à un moment précis dans l’évolution du tableau clinique. Mais il faut aussi prendre en considération le mécanisme à utiliser – plusieurs leviers pharmacologiques permettant de corriger la baisse de fonctionnement d’un neurotransmetteur. Et naturellement, il importe également d’anticiper les effets indésirables et d’optimiser le traitement, en tenant compte de paramètres comme l’addiction, l’anxiété ou les troubles du sommeil que peuvent induire les médicaments psychotropes. In fine, toute cette démarche implique une maîtrise de la NBN.</p>
<h2>Symptômes résiduels : un nécessaire questionnement</h2>
<p>Les symptômes résiduels sont fréquents dans les troubles psychiatriques. Pouvant concerner toutes les dimensions du comportement, ils sont de faible intensité mais n’en ont pas moins une incidence significative, que ce soit sur le risque de rechute ou la qualité de vie. Or leur prise en charge pose un problème. Faut-il les accepter et ne pas les prendre en charge ? Ou bien s’agit-il au contraire de rendre le traitement plus agressif pour obtenir une meilleure rémission ?</p>
<p>Faute d’un tel questionnement avec le patient, on risque de nuire à ses espoirs de guérison. Et dans ces conditions, il est à craindre que les symptômes résiduels soient interprétés à l’extrême, ou encore que le modèle médical soit abandonné, avec toutes sortes d’aberrations thérapeutiques (sous-dosages, reconduites automatiques, sur-prescriptions, associations non synergiques et inefficaces…). Autant de complications que peut éviter un raisonnement orienté par la NBN, en permettant d’objectiver la réalité de ces situations d’« impasses thérapeutiques », et donc de diminuer la part de subjectivité dans la prescription. Et ce, d’autant plus que le choix du traitement se fera en concertation avec le patient.</p>
<h2>Un projet mené à deux</h2>
<p>La prescription devrait en effet résulter d’un choix fait à deux. Le psychiatre agirait alors comme un conseiller expliquant à son patient quels sont les cibles thérapeutiques, les moyens dont on dispose pour les atteindre, les options les plus efficaces, les délais nécessaires à leur réussite, mais aussi les risques liés à leur usage. Autrement dit, il s’agit d’un travail collaboratif pour élaborer à deux un traitement pharmacologique visant un seul but : la rémission. Le patient devient ainsi acteur de sa santé psychique. Mais pour qu’il puisse assumer ce rôle, il lui faut une information de qualité sur les mécanismes neurobiologiques expliquant ses symptômes.</p>
<p>Cette approche, soutenue par l’adoption de la NBN, permet de mettre du rationnel dans les prescriptions, mais aussi d’accepter les effets indésirables. Elle augmente ainsi l’adhérence et l’observance au traitement, tout en faisant comprendre les limites des médicaments. Il convient en effet de le rappeler : les interventions neurobiologiques ne sont pas uniquement médicamenteuses ! Les psychothérapies, par exemple, ont montré dans certaines indications une efficacité comparable à celle de médicaments, en lien avec une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4610611/">signature neurobiologique de rémission clinique</a>.</p>
<p>Ajoutons, pour terminer, que les documents se rapportant à des nouveaux traitements et provenant des laboratoires pharmaceutiques doivent rester pour le psychiatre une source d’information et non de formation. Or dans un algorithme déjà constitué et étayé par une pratique, un savoir et un raisonnement NBN, les médicaments promus par ces laboratoires peuvent naturellement trouver leur place. Mais à l’inverse, sans maîtrise de la NBN, on peut craindre que la subjectivité prenne le dessus dans l’algorithme de prescription. Avec, pour résultat, une adoption trop facile et sans recul de nouvelles molécules, ou à l’inverse un rejet épidermique à toute innovation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132891/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oussama KEBIR a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et de la Fondation de la Recherche sur le Cerveau (FRC). </span></em></p>Bannir les mots antidépresseurs, neuroleptiques, etc. Parler des neurotransmetteurs et des moyens utilisés pour les cibler. La nomenclature NBN espère améliorer ainsi la prescription en psychiatrie.Oussama Kebir, Psychiatre, Addictologue, Chercheur en psychiatrie moléculaire, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1211492019-08-29T19:09:41Z2019-08-29T19:09:41ZConnaissez-vous la naloxone, puissant antidote aux overdoses d’opioïdes ?<p>Si les overdoses aux opioïdes ont longtemps concerné les usagers de drogues, une autre catégorie de personnes est désormais aussi exposée à ce risque : les usagers de médicaments antidouleur. Ce sont d’ailleurs ces consommateurs qui sont à l’origine de la <a href="https://www.unodc.org/documents/scientific/Global_SMART_21_web_new.pdf">crise des opioïdes</a> aux États-Unis. Cette dernière n’en finit pas d’alimenter l’actualité internationale, qu’il s’agisse de recenser chaque mois le <a href="https://www.cdc.gov/drugoverdose/data/index.html">nombre de morts</a> ou de rendre compte <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/sciences/opioides-la-situation-en-france-n-a-rien-a-voir-avec-les-etats-unis_2095856.html">des procès</a> intentés aux <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-eco/crise-des-opiaces-purdue-pharma-pret-a-payer-10-a-12-milliards-de-dollars-20190827">laboratoires pharmaceutiques impliqués</a>.</p>
<p>Déjà dramatique, la situation s’est aggravée avec l’arrivée des cartels de la drogue. Succédant aux laboratoires pharmaceutiques, ils fournissent de façon illicite aux usagers des dérivés du fentanyl encore plus dangereux que les médicaments opioïdes initiaux.</p>
<p>Dans ce contexte, et alors que la Journée internationale de lutte contre les overdoses (<a href="https://www.overdoseday.com/"><em>Overdose Day</em></a>), jusqu’à présent peu relayée en France) se tient le 31 août, il est important de souligner le rôle essentiel que peut jouer la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Naloxone">naloxone</a> dans la lutte contre les overdoses par opioïdes. </p>
<p>Qu’en est-il de la mise à disposition dans notre pays de cet antidote, classé par l’OMS comme <a href="https://www.who.int/selection_medicines/en/">« médicament essentiel »</a> ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/antidouleurs-opio-des-vers-une-crise-sanitaire-en-france-101621">Antidouleurs opioïdes : vers une crise sanitaire en France ?</a>
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<h2>L’overdose, complication fatale d’un abus d’opioïde</h2>
<p>En Europe, les décès par overdose sont liés dans plus de 80 % des cas aux opioïdes (héroïne, oxycodone, tramadol et fentanyl) rapporte l’<a href="http://www.emcdda.europa.eu/news/2019/latest-update-on-drug-related-deaths-and-mortality-in-europe_en">observatoire européens des drogues et toxicomanies</a>. Les chiffres français ne sont pas très différents, puisque selon l’<a href="https://www.ofdt.fr/publications/collections/periodiques/lettre-tendances/deces-directement-lies-aux-drogues-tendances-133-juillet-2019/">Observatoire français des drogues et toxicomanies</a> (OFDT), les opioïdes sont impliqués dans 78 % des décès par overdose en France. Chez les usagers de drogues, la méthadone et l’héroïne sont les plus représentées dans ces surdosages. Chez les patients consommant des médicaments antidouleur, la molécule la plus souvent mise en cause est le <a href="https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/ca7b24a92a6796eebd35690e0c33ef7c.pdf">tramadol</a>.</p>
<p>Le surdosage en substance opioïde se traduit par une somnolence qui peut aller jusqu’au coma, associée à une diminution de la fréquence respiratoire voire un arrêt respiratoire et le décès de la personne. Face à ce risque, tous les individus ne sont pas égaux : certains profils y sont davantage prédisposés. C’est le cas des usagers de drogues opioïdes (notamment d’héroïne), en particulier lors des premières consommations ou au cours d’une rechute, après une période d’abstinence.</p>
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<figcaption><span class="caption">SAFE – naloxone.fr.</span></figcaption>
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<p>Les patients traités pour leur addiction à l’héroïne par un médicament de substitution, comme la méthadone ou la buprénorphine, sont aussi plus à risque d’overdose notamment lors de l’instauration de ces traitements ou en cas d’automédication.</p>
<p>Le risque d’overdose est aussi augmenté par la consommation parallèle (fréquente) d’autres drogues, telles que l’alcool, ou de médicaments psychotropes. En outre, l’arrivée sur le marché noir des substances opioïdes de synthèse beaucoup plus puissantes que l’héroïne (dérivées du fentanyl comme l’ocfentanyl ou le carfentanyl) est aussi à l’origine d’accidents de surdosage, par erreur de dosage.</p>
<p>Enfin, l'overdose guette aussi les patients souffrant de douleur chronique et exposés aux médicaments antidouleur opioïdes comme le tramadol ou l’oxycodone. Soit parce que leur douleur, mal contrôlée, entraîne une consommation excessive, soit parce qu’ils ont développé une addiction à ces médicaments et des comportements d’abus associés.</p>
<h2>La naloxone, antidote de l’overdose aux opioïdes</h2>
<p><a href="https://naloxone.fr/">La naloxone</a> est une substance qui présente une très forte affinité pour les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3444724/">récepteurs du cerveau</a> sur lesquels se fixent les substances opioïdes. Une fois administrée, elle prend la place de l’opioïde à l’origine du surdosage. Cependant, contrairement à lui, la naloxone n’active pas le récepteur sur lequel elle se fixe (on parle d’effet antagoniste).</p>
<p>Quelques minutes après son utilisation, les signes d’overdose régressent : on observe un retour à l’état de vigilance et la reprise d’une respiration efficace.</p>
<p>Problème : le corps élimine très rapidement la naloxone. De nouvelles administrations sont donc nécessaires en attendant que l’opioïde soit, lui aussi, purgé par l’organisme. Ce qui justifie d’attendre les secours, qui préconiseront le plus souvent une courte hospitalisation.</p>
<h2>Deux formes d’administration</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289981/original/file-20190828-184240-1qwzysx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une injection de prenoxad.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ethypharm</span></span>
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<p>Deux formes de naloxone sont actuellement disponibles en France. La première est à administration intranasale, le <a href="https://ansm.sante.fr/content/download/99507/1263051/version/1/file/Nalscue_Fiche-Pratique_23-12-2016.pdf">Nalscue</a>. <a href="https://www.20minutes.fr/sante/2344103-20180927-opioides-antidote-overdoses-nalscue-finalement-accessible-tous-pharmacie">Sa commercialisation devrait s’arrêter faute d’accord sur le prix</a>, mais le laboratoire qui la produit a néanmoins maintenu la possibilité, pour les structures médico-sociales ou hospitalières, de commander les kits de naloxone déjà fabriqués (qui se périmeront en décembre 2020).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/289982/original/file-20190828-184196-oga902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">spray nalscue.</span>
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<p>L’autre forme autorisée (<a href="https://www.prenoxad.fr/">Prenoxad</a>) est administrée par voie injectable intramusculaire. Elle devrait être disponible depuis le mois de juin 2019 dans toutes les pharmacies. Les patients peuvent l’obtenir sur ordonnance (dans ce cas elle est remboursée), ou l’acheter sans ordonnance.</p>
<p>D’autres spécialités pourraient être disponibles dans les prochains mois, sous couvert d’un accord sur le prix, dont un kit de naloxone intranasale venant d’obtenir son autorisation européenne de mise sur le marché, le <a href="https://www.ema.europa.eu/en/medicines/human/EPAR/nyxoid">Nyxoid</a>.</p>
<p>Cependant, pour avoir un impact sur le nombre et la gravité des overdoses aux opioïdes en France, la naloxone doit être un médicament bien plus facile d’accès que les opioïdes. Pour cette raison, les autorités sanitaires ont choisi de généraliser sa mise à disposition. </p>
<h2>Intérêt d’une diffusion sans ordonnance</h2>
<p>Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, le choix d’une mise à disposition générale (alors qu’elle était prévue initialement pour les usagers de drogues) devrait également permettre un accès large pour les patients traités par opioïdes. C’est pour cette raison que l’Agence a autorisé l’exonération de la prescription médicale obligatoire pour les spécialités à base de naloxone, afin qu’elles puissent être délivrées sans ordonnance dans toutes les pharmacies.</p>
<p>L’institution <a href="https://ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/340b9f75151945cf851676b9d51418d2.pdf">rappelle dans un rapport</a> qu’elle a suivi l’avis de la commission des stupéfiants et psychotropes de février 2015 favorable à la mise à disposition de la naloxone, forme nasale et injectable, accompagnée d’une formation des usagers, de leur entourage et des professionnels de santé.</p>
<p>Plus récemment, dans une <a href="https://www.linkedin.com/pulse/quelles-mesures-pour-r%C3%A9duire-les-overdoses-aux-de-opio%C3%AFdes-authier/">série de mesures</a> visant à réduire spécifiquement les overdoses aux médicaments de substitution aux opioïdes (méthadone et buprénorphine), cette même commission a aussi rappelé la nécessité d’élargir l’accès à la naloxone.</p>
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<figcaption><span class="caption">Fondation Institut Analgesia (OFMA).</span></figcaption>
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<p>Enfin, vendredi 30 août, le ministère des solidarités et de la santé a présenté officiellement sa <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/prevenir-et-agir-face-aux-surdoses-d-opioides-feuille-de-route-2019-2022">feuille de route 2019-2022 pour « prévenir et agir face aux surdoses d'opioïdes »</a>, par voie de communiqué de presse. L’un des cinq objectifs retenus dans ce document mis en ligne fin juillet est d’assurer une diffusion large de la naloxone prête à l’emploi via trois actions :</p>
<ul>
<li><p>soutenir l’élargissement du circuit de délivrance de la naloxone au réseau officinal et assurer la diffusion gratuite de la naloxone auprès des publics les plus à risque (dans les structures de soins en addictologie les services d’urgences, les unités sanitaires en milieu pénitentiaire et les centres de traitement et d’évaluation de la douleur) ;</p></li>
<li><p>doter en kits de naloxone les services de secours (pompiers, police) ;</p></li>
<li><p>développer une stratégie de déploiement ciblé de la naloxone impliquant les médecins de ville et les pharmaciens.</p></li>
</ul>
<p>Certaines de ces mesures rejoignent celles proposées par l’association France Patients Experts Addictions et le collectif associé. Parmi celles-ci figurent entre autres la facilitation de l’accès à la naloxone en levant les barrières de prix (distribution gratuite dans les structures, un prix accessible en pharmacie), la facilitation de l’accessibilité (distributeurs automatiques, la simplification de l’utilisation…), la formation les acteurs professionnels et profanes (pairs, entourage, services de secours à la personne, policiers…) au repérage des signes de l’overdose, etc.</p>
<p>La facilitation de l’accès à la naloxone vise à remplir deux objectifs. Il s’agit tout d’abord de sensibiliser les usagers d’opioïdes, illicites ou médicaments, au risque de surdosage. La plus grande vigilance censée résulter de cette prévention devrait être associée à une diminution de la fréquence des overdoses. Le second objectif est de réduire la mortalité par overdose en permettant une administration de l’antidote avant l’arrivée des secours. </p>
<p>Ce dispositif est original, car le médicament n’est pas forcément utilisé pour la personne à qui il a été délivré : son administration est faite par un tiers dans l’entourage du patient. Il pourrait notamment constituer une aide précieuse si une crise des opioïdes se développait dans notre pays.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/121149/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Authier est médecin psychiatre, professeur de pharmacologie médicale. Il est directeur de l'Observatoire Français des Médicaments Antalgiques, administrateur de la Fondation Institut Analgesia, membre du collège scientifique de l'OFDT et de SOS Addictions. Il est membre du Comité Permanent Stupéfiants Psychotropes Addictions de l'ANSM. Il a participé avant 2016 et sans rémunérations à des formations de professionnels de santé organisées par les laboratoires pharmaceutiques RB Pharmaceuticals et Indivior France.</span></em></p>Alors que la crise des opio̤ïdes menace l’Europe, la solution pourrait se trouver du côté de la naloxone, puissant antidote aux opiacées.Nicolas Authier, Médecin psychiatre et pharmacologue, professeur des universités-praticien hospitalier, Inserm 1107 / Université Clermont Auvergne, CA et CHU Clermont-Ferrand, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1154962019-06-20T21:24:39Z2019-06-20T21:24:39ZSur les chemins globalisés du khat, cette « amphétamine » de la Corne de l’Afrique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280210/original/file-20190619-171252-1cfbdph.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C15%2C3488%2C2313&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un mâcheur de qat (khat) à Sana'a, Yemen, janvier 2009.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/f/ff/Qat_man.jpg">Ferdinand Reus /Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Brest, France, 18 mars 2019 : Suite à “une information reçue”, de bon matin, les forces de l’ordre procèdent à une perquisition dans un logement du centre-ville. Un “trafiquant” est interpellé et placé en garde à vue, il reconnaît les faits : ces six derniers mois, il aurait acheté quatre kilos de feuilles de khat sur Internet puis les aurait revendues en petits sachets. Pour un bénéfice total de 150 euros ». (Le Télégramme, <a href="https://www.letelegramme.fr/finistere/brest/brest-stupefiants-un-petit-trafic-de-khat-demantele-18-03-2019-12235589.php">18 mars 2019</a>)</p>
</blockquote>
<h2>Prier, se détendre et couper la faim</h2>
<p>À l’<a href="https://link.springer.com/article/10.1007/BF02860690">origine mastiqué</a> par les érudits et dignitaires religieux musulmans des cités de l’est éthiopien, le khat a ensuite étendu sa treille dans les <a href="https://academic.oup.com/ahr/article-abstract/111/2/598/43388">campagnes</a> pour stimuler la prière des croyants mais aussi pour encourager au travail, couper la faim et offrir le temps, tout en mâchant, de discuter et <a href="https://www.persee.fr/doc/hom_0439-4216_1987_num_27_104_368921">se détendre</a>, entre hommes.</p>
<p>En suivant les routes de l’islam, l’arbre et ses feuilles cabotent de comptoir en comptoir sur les pistes du commerce caravanier vers <a href="https://academic.oup.com/ahr/article-abstract/111/2/598/43388">Djibouti, la Somalie</a> le <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/eef6/91e236224f7703f5296476d79ebc3a332070.pdf">Somaliland</a> (des pays consommateurs mais non producteurs) ou le <a href="https://brill.com/view/title/13754">Kenya</a>. En empruntant les voies maritimes, il s’implante aussi au <a href="http://www.theses.fr/1989AMIE0004">Yémen</a> puis aux Comores et <a href="https://www.routledge.com/Drug-Effects-Khat-in-Biocultural-and-Socioeconomic-Perspective-1st-Edition/Gezon/p/book/9781598744910">Madagascar</a> où il débarque au début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280203/original/file-20190619-171188-a9oexg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les chemins du khat, Éthiopie, 2001.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://smartshop.nazwa.pl/coffeshop/khat_in_etiopia.pdf">Lemessa Dessacha</a>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Depuis une trentaine d’années, le public de mâcheurs – qui se féminise – s’étend en suivant les diasporas de la Corne de l’Afrique. Ainsi, le bouquet euphorisant poursuit sa route toujours plus loin, toujours plus vite – aux États-Unis, en Europe, en Australie et plus tardivement en Chine – en composant désormais avec les différentes réglementations nationales en vigueur.</p>
<h2>Prohibitions</h2>
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<p>« 24 août 2015 : Golfe d’Oman, Sultanat d’Oman, 1 300 bouquets saisis par la douane ».</p>
</blockquote>
<p>Le comité de la pharmacodépendance de l’OMS n’inscrit cependant pas le <em>catha edulis</em> dans la <a href="https://www.unodc.org/unodc/fr/treaties/psychotropics.html">« Convention des Nations unies sur les psychotropes de 1971 »</a>.</p>
<p>En effet, seules deux des principales substances actives contenues dans les feuilles de khat, et non les feuilles elles-mêmes, sont visées par cette convention : la cathinone (inscrite au tableau I) et la cathine (tableau IV) – qui partagent les propriétés des amphétamines de synthèse mais dont les effets, « naturels », sont beaucoup plus faibles.</p>
<p>Il appartient donc à chaque État de <a href="https://rai.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1467-8322.12057">légiférer</a> : la France l’interdit en 1957, la Chine très récemment en 2014 alors que d’autres pays, comme l’Autriche, ne le prohibent pas.</p>
<p>Pourtant la consommation et le commerce des feuilles demeurent dans un réseau d’initiés. Des Éthiopiens, Somaliens, Kenyans et Yéménites, du Danemark au Minnesota comme dans le quartier londonien de Camden, mâchent pour adoucir l’exil.</p>
<p>D’autres <a href="https://diasporiclivesofobjects2012.files.wordpress.com/2012/01/khat-and-the-creaton-of-tradition-in-the-somali-diaspora.pdf">s’étourdissent</a> :</p>
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<p>« Pour les hommes, je te parle de nos pères, c’est le seul moyen de se reposer et de se relaxer […]. À Londres, le week-end, la seule chose qu’ils veulent c’est khatter, être entre eux, comme s’ils n’étaient pas là […] Pour eux, le khat c’est être un Somali, faire comme un Somali, même loin […] ». (A., Dire Dawa, Éthiopie, avril 2013)</p>
</blockquote>
<h2>Un nouvel ennemi à abattre</h2>
<p>Cette méfiance envers le khat répond à des <a href="http://www.drogues-info-service.fr/Tout-savoir-sur-les-drogues/Le-dico-des-drogues/Khat#.XKxZrqbgoW1">considérations sanitaires</a> : sur le long terme, la consommation de khat provoquerait, selon les études, insomnies, troubles de la sexualité, dénutrition, augmentation des risques de cancer de la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28834423">bouche et de la gorge</a>.</p>
<p>Mais les enjeux sécuritaires sont également forts. Il y a d’une part la <em>war on drugs</em> impulsée par les États-Unis – dont on sait qu’elle a fait <a href="https://www.cairn.info/revue-apres-demain-2017-4-page-44.htm">plus de morts que les drogues elles-mêmes</a>.</p>
<p>D’autre part la lutte mondiale contre le terrorisme se profile : l’argent du khat financerait des groupes terroristes en Somalie. Une liaison d’autant plus dangereuse qu’elle n’est pas étayée. La presse américaine ou britannique interrogent ainsi de façon souvent insidieuse, les <a href="http://www.huffingtonpost.co.uk/2012/04/04/somalia-british-khat-cafes-mafrishes_n_1402933.html">liens entre khat et terrorisme</a>. Le khat est donc cet ennemi supposé qui guette, dehors.</p>
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<p>« Des gangs somaliens ont terrorisé les gens à Lewiston, dans le Maine, où la population africaine a grimpé de plus de 600 pour cent, en un court laps de temps. L’immigration frauduleuse continue. La Sécurité intérieure ne fait rien […]. Quand je pense à ce khat qui y est envoyé, surtout en cette période où on célèbre l’anniversaire du 11 septembre 2001, je ne peux pas m’empêcher de me demander ce qui est importé d’autre que les honnêtes citoyens ne peuvent même pas imaginer ». (<em>Marietta Daily Journal</em>, 4 avril 2012)</p>
</blockquote>
<p>Mais le khat n’incarne-t-il pas – surtout ? – <a href="https://www.researchgate.net/publication/267381622_Khat_Is_It_More_Like_Coffee_or_Cocaine_Criminalizing_a_Commodity_Targeting_a_Community?">cet ennemi qui guette</a> du dedans ? En effet, nombre de [propos recueillis sur le khat] font ressac sur les <a href="https://www.thedailybeast.com/chinese-getting-hooked-on-the-middle-easts-favorite-drug">immigrés</a>, le bruit et l’odeur des hommes [« <a href="https://www.vanderbilt.edu/ctp/The_New_Jim_Crow.pdf">à la peau sombre »</a>).</p>
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<p>« Ici [à Xiaobei, quartier de Canton] les gens ont peur de la police […]. Si tu es noir, pour la police, c’est une certitude que tu vends de la drogue ou que tu en prends […]. La semaine dernière j’ai fêté mon anniversaire dans un club […] avec mes amis, des Éthiopiens surtout, la police a débarqué, ils nous ont tous forcés à pisser dans des tubes […] » (A., étudiant, Guangzhou, Chine, juillet 2018).</p>
</blockquote>
<h2>Expédier du khat, c’est jouer au billard en plusieurs bandes</h2>
<p>Pour déjouer les contrôles et atteindre la clientèle de mâcheurs, les commerçants de Dire Dawa doivent sans cesse <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/the-khat-controversy-9781845202514">redéployer leurs réseaux et trajectoires</a>. Ils expédient par avion vers des pays européens où le khat est autorisé et prévoient ensuite son acheminement avec chauffeur et voiture à travers les territoires de prohibition pour rallier les marchés de Londres ou d’Oslo… Expédier du khat, c’est jouer au billard en plusieurs bandes.</p>
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<p>« Il faut repérer des nouvelles destinations, répéter, c’est risqué, il faut changer tout le temps les itinéraires. On repère, on envoie un ou deux personnes en reconnaissance sur place, on leur envoie le colis dans leur hôtel, ils tournent, ou avec une boîte postale, on essaie, et ensuite on change […]. On a fait ça pour Guangzhou [Canton], ça a bien marché. » (D., Dire Dawa, Éthiopie, février 2015)</p>
</blockquote>
<p>Or, les délais d’acheminement doivent être très rapides, c’est-à-dire moins de 48 heures avant que ne flétrissent les effets stimulants des feuilles fraîches. À destination des États-Unis, les commerçants recourent aux services express de Fedex/UPS ou empruntent les liaisons aériennes, avec valises en soute, en aménageant une escale pour tromper la vigilance des douaniers face aux arrivages directs « from Ethiopia » d’emblée connotés « khat ».</p>
<h2>Lyophilisé et réhydraté au Coca-Cola</h2>
<p>Il est également possible d’affréter un container au départ du port de Djibouti. Avec détour, par Hanoï. Direction la Chine, pour noyer le khat dans le trafic qui met le cap sur les États-Unis. Plus modestement, et plus fréquemment, tout un chacun peut aussi prendre le chemin de la poste de Dire Dawa et envoyer son colis, toujours en ricochet.</p>
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<p>« Je ne connais pas le gars aux États-Unis mais il connaît un gars de Dire Dawa qui m’appelle […]. Moi, j’envoie d’abord au Kenya, j’ai un ami là-bas […] qui envoie en Chine […] c’est pour effacer les traces, Dire Dawa, ils savent que c’est le khat […] et de la Chine, le gars envoie aux États-Unis […]. Le gars des États-Unis connaît le gars de Chine et le gars de Dire Dawa […]. Moi, je connais que le gars au Kenya et celui de Dire Dawa […] ». (Conversation dans un salon de khat, Dire Dawa, Éthiopie, avril 2014)</p>
</blockquote>
<p>Dans ces deux derniers cas – container de 20 pieds ou boîtes à chaussures – la lenteur du transport impose alors de lyophiliser la marchandise : le khat est préalablement séché, réduit en poudre (étiqueté « henné » ou « thé ») et, à son arrivée, il est réhydraté au Coca-Cola.</p>
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<p>« On ne fait pas les colis pour devenir riche, c’est la famille là-bas qui a besoin aussi de cette rentrée d’argent. Ce sont les femmes là-bas, surtout, qui nous demandent d’envoyer le khat, elles le vendent et avec le bénéfice, elle nous aide ici, participent aux dépenses de la famille. » (Conversation dans un salon de khat, Dire Dawa, Éthiopie, avril 2013)</p>
</blockquote>
<p>Ces stratégies de contournement à l’international ont un coût financier et la probabilité accrue de tout perdre décourage de plus en plus et notamment ceux qui n’ont pas les moyens de prendre des risques. Il leur resterait alors le commerce transfrontalier et local. Quoique…</p>
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<figcaption><span class="caption">À Madagascar, les fermiers et paysans aussi cultivent le khat.</span></figcaption>
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<h2>En Éthiopie : une manne financière à contrôler</h2>
<p>Si le khat suit des chemins qui l’emportent au loin, rappelons toutefois que la première destination d’exportation des feuilles cultivées dans l’est éthiopien est le Somaliland, où 60 000 kilos sont exportés quotidiennement en toute légalité.</p>
<p>Une entreprise privée, la 571, gérée par un <a href="https://pdfs.semanticscholar.org/eef6/91e236224f7703f5296476d79ebc3a332070.pdf">couple éthio-somaliland</a>, exerce un monopole grâce, notamment, à sa flotte de livraison : 25 camions ISUZU FSR (contenance de 8 tonnes au moins) et deux Antonov basés sur le tarmac de Dire Dawa.</p>
<p>La seconde destination, tout aussi autorisée, est celle de Djibouti où chaque jour, 15 000 kilos y sont expédiés légalement. Aujourd’hui quatre grandes compagnies « privées » (mais non sans lien avec l’État parti) et une centaine de <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/the-khat-controversy-9781845202514/">licences attribuées</a> – majoritairement à des hommes – trustent la filière en partenariat avec une société relai djiboutienne (la SODJIK) qui réalise en moyenne, à la revente, un chiffre d’affaires annuel de <a href="http://documents.worldbank.org/curated/en/732701468247481705/pdf/628230FRENCH0P0KHAT0Banque0mondiale.pdf">32,8 millions de dollars</a>.</p>
<p>Cette « rationalisation » du secteur de l’exportation au début des années 2000 – à l’ère du « libéralisme politique » et de la « libéralisation économique » – permet à l’État éthiopien de contrôler une partie des revenus générés par le khat ; de faire émerger <a href="https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-afrique/20120101.RUE6779/la-reine-du-khat-femme-d-affaires-de-l-annee-en-ethiopie.html">ses propres figures de la réussite</a> ; de limiter la prolifération d’outsiders locaux qu’il lui serait plus difficile d’identifier, de taxer et de surveiller. Et ce d’autant plus que dans cette région orientale, mâcher ensemble dans l’intimité des salons serait associé, vue du Palais, au complot et à la contestation sociale.</p>
<p>De plus, favoriser quelques entreprises fidélisées permet à l’État de manœuvrer politiquement dans cette région où des fronts de libération ont contesté/contestent le pouvoir de l’autorité centrale. Ainsi l’un de mes informateurs me rapporte à propos d’un des gros distributeurs de khat de la ville :</p>
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<p>« Tu distribues le khat, tu fais de l’argent, tu deviens riche alors le gouvernement vient vers toi […]. Ils veulent […] que tu te présentes aux élections pour eux. C’est avec le khat qu’on gagne les élections ici à Dire Dawa et dans l’Ogaden ». (L., Dire Dawa, mars 2015).</p>
</blockquote>
<h2>Les femmes, ces aventurières quotidiennes du khat</h2>
<p>Si le secteur se réorganise, la contrebande aussi : de Dire Dawa au Somaliland, 30 000 kg transiteraient par jour, tandis que 3 000 kg passeraient en douce vers Djibouti. Si le contrôle de l’État n’est pas sans faille, si les trafics demeurent, ce sont en revanche ses acteurs qui changent peu à peu.</p>
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<p>« Il y avait une majorité de femmes sur les trains […], je dirai 80 % de femmes, surtout des femmes issas et oromos […] elles se faisaient taxer à chaque station, dès Dire Dawa, mais personne ne les empêchait de faire leur business, tout le monde y participait, on y gagnait tous […] sans la contrebande, Dire Dawa serait morte ». (J., Dire Dawa, février 2014)</p>
</blockquote>
<p>En effet, des années 1970 au début des années 2000, ce sont les <a href="https://www.slow-journalism.com/from-the-archive/queens-of-khat">femmes</a> qui embarquaient à bord des trains vers Djibouti avec du khat frais et redescendaient à Dire Dawa avec des produits de consommation courante (boîtes de sardines, vêtements) bravant la <a href="https://www.puf.com/content/Puissance_khat">répression policière et les abus de pouvoir des hommes</a>.</p>
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<p>« Il était impératif pour ces commerçantes de coopérer avec le personnel du chemin de fer […]. Oui, les gars les aidaient parce qu’ils avaient couché avec elles […]. » (H., Dire Dawa, avril 2013).</p>
</blockquote>
<p>Aux décisions politiques de réorganisation de la filière d’exportation (qui profitent à certains hommes, et bien moins aux femmes) s’ajoute celle de mettre fin à la circulation du train vers Djibouti.</p>
<p>Pour les commerçantes, ce coup de sifflet marque la fin du voyage et le repli sur les petits et grands marchés de khat locaux où, derrière leurs étals, elles exercent le monopole de la vente de proximité.</p>
<p>Pour l’’heure les femmes résistent d’autant mieux que les représentations sociales font encore rimer la vente du khat au féminin. Cette spécificité genrée de l’activité est volontiers justifiée par la division sexuelle du travail, par la soi-disant inadéquation féminine au ruminage, par les qualités essentialistes attribuées aux femmes mais, plus encore, par la corrélation entre l’effet que suscite la vendeuse et celui « sensuel » que procure le bouquet au mâcheur qui maintient les dames comme vendeuses et les messieurs comme clients.</p>
<p>Mais, pour combien de temps encore ce pré-carré ?</p>
<h2>Une autre mondialisation</h2>
<p>Tantôt fléau à éradiquer, tantôt or vert qui fait vivre une <a href="https://academic.oup.com/afraf/article-abstract/110/439/318/163936?redirectedFrom=fulltext">région entière</a>, le khat peut être lu comme une marchandise ambivalente qui change de statut, de valeur et de matérialité car ses circonvolutions à l’international l’exposent à l’altérité, aux différents bastions moraux. À la confrontation des normes. Aux rapports de pouvoir.</p>
<p>Ainsi, loin de <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/la-mondialisation-des-pauvres-armelle-choplin/9782021366525">Davos et de Wall Street</a>, il y a ces resquillages permanents de commerçants qui continuent d’alimenter les marchés internationaux ; il y a aussi ces consommateurs qui continuent à se repaître à travers le monde, quelles qu’en soient les conséquences – puisque devenir un citoyen modèle ne serait pas compatible avec le masticatoire ; il y a enfin ces anciennes contrebandières sédentarisées qui doivent composer avec une potentielle confiscation des hommes.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’ouverture d’une nouvelle ligne de train entre l’Éthiopie et Djibouti en 2018 bénéficiera-t-elle aussi aux vendeuses de khat ?</span></figcaption>
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<p>Suivre la marchandise khat propose donc de s’immerger dans une autre mondialisation, non pas celle des grandes entreprises transnationales, mais celle plus « discrète », celle dite <a href="http://cadis.ehess.fr/index.php?1950">« par le bas »</a>, pour en cerner certains des enjeux économiques et politiques. Entre l’intime et le monde, entre connexions et déconnexions, il convient d’entendre aussi ce que les hommes font du khat et ce que le khat, sur un marché globalisé, fait aux hommes. Et plus encore, aux femmes.</p>
<hr>
<p><em>L’auteure vient de publier <a href="https://www.puf.com/content/Puissance_khat"><em>Puissance khat, Vie politique d’une plante stimulante</em></a> aux éditions PUF.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115496/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Céline Lesourd ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Qu’est-ce que le khat ? Pourquoi et comment ce produit stimulant – souvent interdit – circule de la Corne de l’Afrique aux rues de Brest et jusqu’à Canton, en Chine ?Céline Lesourd, Anthropologue, CNRS (Centre Norbert Elias), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173892019-06-06T19:57:56Z2019-06-06T19:57:56ZIllusions et hallucinations visuelles : une porte sur la perception<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/277469/original/file-20190601-69063-57dj7h.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C2%2C907%2C496&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Hallucination ? </span> <span class="attribution"><span class="source">Ashley Bean/Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Soudain, votre voisin s’envole dans les airs tandis que la rivière remonte son cours et que des serpents se mettent à tourner… Les illusions visuelles, créations d’artistes ou de scientifiques sont très populaires auprès du public qui les diffuse largement sur les réseaux sociaux. Amusantes, elles nous en apprennent beaucoup sur le fonctionnement du cerveau. En particulier quand l’illusion devient hallucination visuelle, pour cause de maladie par exemple. Chercheur à l’Institut de Neurosciences de la Timone à Marseille, je m’y suis intéressé et voudrait ici vous expliquer comment et pourquoi une image peut tromper nos sens ou des objets voyager dans le temps. L’idée sous-jacente est celle d’une théorie de la vision envisagée comme un processus actif en relation directe avec le monde qui nous entoure.</p>
<h2>Illusion visuelle et hallucinations</h2>
<p>L’étymologie du mot illusion se réfère à la tromperie. On définit donc les illusions visuelles comme une stimulation de la vue qui induit une perception décalée par rapport à sa réalité physique. Dans l’illusion classique dite de Hering par exemple, deux lignes parallèles placés sur un faisceau de lignes convergentes semblent courbées comme si le centre de l’image avait gonflé par rapport à sa périphérie. Cette illusion perdure même si l’on prend une règle pour vérifier physiquement le parallélisme des lignes (ou simplement en enlevant les lignes fuyantes) : il n’est pas possible de ne <em>pas</em> la percevoir.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=452&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277048/original/file-20190529-192350-pn00rz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=568&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Illusion de Hering : deux lignes parallèles (en rouge) paraissent bombées quand elles sont placées sur un faisceau de lignes convergentes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WP :https://en.wikipedia.org/wiki/File:Hering_illusion.svg</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, dans cette grande variété d’illusions, statiques ou dynamiques, visuelles ou encore portant sur d’autres sens comme le toucher, se dégage une unité derrière une perception intuitive, partagée universellement : les illusions n’ont pas besoin de mode d’emploi !</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277056/original/file-20190529-192405-axymj3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">The dress.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_dress#/media/File:The_Dress_(viral_phenomenon).png">WP :NFCC/Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certaines illusions sont cependant sujettes à interprétations différentes. Ainsi, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cube_de_Necker">cube de Necker</a>. De même, celle dénommée <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_dress">#LaRobe</a>, très populaire sur les réseaux sociaux. Cette image a le pouvoir de diviser une population entre des perceptions alternatives : est-ce une robe blanche et or ou bien est-elle bleue avec des bandes noires ? Tout est parti d’une simple photo prise lors de la préparation d’une cérémonie de mariage : un vrai exemple de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%A9rendipit%C3%A9">sérendipité</a> ! Et alors vous, lectrices et lecteurs, quel serait votre choix ?</p>
<p>Même si le débat fait toujours rage, les explications scientifiques concernant cette robe convergent sur une perception de la couleur de la figure modifiée par le contexte du fond. Notre système visuel doit en effet pouvoir identifier la couleur d’un objet (par exemple pour évaluer la maturité d’un fruit) quelles que soient les conditions lumineuses, que ce soit avec la lumière crue du midi ou la lumière orangée du soir. Ici le fond est surexposé et rend cette interprétation ambiguë et deux interprétations sont possibles pour cette image comme illustré dans la figure ci-dessous : L’illumination ambiante vire-t-elle vers le jaune (la robe est alors perçue bleue) ou le contexte est plutôt bleuâtre (la robe est alors blanche et jaune) ? Je peux vous dévoiler que, sur un échantillon représentatif, une courte majorité perçoit la robe en bleue et noir.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=591&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277060/original/file-20190529-192405-1ew54uf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=742&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Couleur des robes : le contexte d’illumination ambiante permet de concilier les deux interprétations les plus communes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">WP :NFCC/Wikipedia</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un aspect remarquable de cette illusion est sa stabilité et, également, la difficulté de changer d’interprétation une fois une première interprétation formée. Cette illusion est à mes yeux d’autant plus intéressante qu’elle montre que pour chaque perception, il y a une interprétation de l’image par notre système visuel. Cela signifie qu’une fonction de notre cerveau est de pouvoir interpréter l’image projetée par le même objet physique de la façon la plus appropriée. Ainsi, des groupes humains peuvent avoir des façons contrastées de percevoir des objets physiques qui sont physiquement identiques. C’est là matière à un nouveau proverbe : oui, « l’illusion est humaine » !</p>
<p>Pour aller plus loin, il est intéressant de considérer cette image prise en 1971 par la sonde Viking d’une partie de la surface de la planète Mars (Figure <a href="https://laurentperrinet.github.io/2019-05_illusions-visuelles/">6</a>). L’image est relativement floue, elle contient des points noirs (des erreurs de mesure détectées), mais l’on distingue très clairement un visage de type humain comme une sculpture géante laissée là par une civilisation extraterrestre.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277061/original/file-20190529-192372-jyi918.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En 1971, la sonde Viking prend une surprenante image de la surface de Mars. Une sculpture extraterrestre géante ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.csicop.org/si/8512/face-on-mars.html%20site">Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quelque 20 ans plus tard, de nouvelles images réalisées par de nouvelles sondes spatiales montrent de nouveau une forme de visage. Mais une fois la résolution de l’image affinée, les détails du relief révèlent qu’il n’y a pas de sculpture de ce type mais seulement… un simple rocher. C’est un cas de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Par%C3%A9idolie">paréidolie</a> : quelque chose est perçu alors qu’il est physiquement absent. De la même façon, on peut voir un cheval courir dans les nuages, ou le visage du Christ dans un toast. Le constat est le même : le système visuel, non seulement interprète les images, mais surtout, il ne sait pas faire autrement que de générer une interprétation à partir d’images, et comme on vient de le voir même si elles ne font pas sens <em>a priori</em>. Ce genre d’illusion se rapproche donc d’une hallucination, qui elle peut être définie comme une perception sans objet.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=289&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277062/original/file-20190529-192372-n1ai1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=364&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À basse résolution, à gauche on distingue toujours un visage… Mais à droite, il disparaît à haute résolution. La sculpture est seulement une colline martienne : nous avions halluciné ce visage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cydonia_Mensae#/media/File:Mars_face.png">NASA/Wikipedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour résumer, les illusions visuelles nous révèlent des caractéristiques essentielles de notre perception visuelle. Malgré la diversité des formes des illusions visuelles et la diversité des explications, existe-t-il des points communs qui permettraient d’en avoir une compréhension unifiée ? Quelles pourraient être les liens profonds entre illusions visuelles et hallucinations ?</p>
<h2>Prédire pour mieux percevoir</h2>
<p>En particulier, l’anatomie de notre cerveau induit des délais temporels et notre travail de recherche nous a conduit à émettre l’hypothèse que le cerveau utilise les régularités statistiques du monde pour arriver d’une façon ou d’une autre à compenser ces délais et à <a href="https://laurentperrinet.github.io/publication/khoei-masson-perrinet-17/">« prédire le présent »</a>. Une telle hypothèse permet de formaliser un bon nombre d’illusions et en particulier l’illusion de Hering ci-dessus. En effet, les lignes fuyantes donnent une perspective et induisent un mouvement significatif, comme une marche vers le point de fuite. Les courbes horizontales de la figure de Hering sont le plus probablement interprétées comme perpendiculaires à l’axe de vision et à celui de la marche. Elles sont alors inconsciemment anticipées dans l’espace de l’œil de telle sorte à ce que leur position est prédite à l’instant présent, d’où la forme bombée caractéristique de la perception dans cette illusion. Une extension de cette hypothèse est que le cerveau construit constamment une image mentale de la scène visuelle par des processus prédictifs.</p>
<p>Cette théorie a été formalisée par le professeur Karl Friston sous le terme de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Principe_de_l%27%C3%A9nergie_libre">principe de l’énergie libre</a>. À ce jour, c’est l'un des rares paradigmes théoriques qui explique le fonctionnement du cerveau de façon unifiée. Nous avons contribué avec Rick Adams et Karl Friston à l’application de ce principe pour expliquer des différences entre des schizophrènes et des patients qui ne l’étaient pas. En nous focalisant sur les mouvements des yeux, nous avons démontré que ce paradigme permet d’expliquer les différences observées chez les schizophrènes dans les mouvements dits de poursuite lente. À terme, cette voie de recherche peut nous aider à une meilleure compréhension de ce désordre mental.</p>
<h2>Illusions et hallucinations</h2>
<p>À la différence des illusions visuelles, les hallucinations émergent sans stimulation sensorielle directe. Témoin, le mouvement induit dans l’image, ci-dessous, des serpents qui tournoient. Mais comment peut-on expliquer la formation d’images hallucinées, comme celle induite par la prise de drogue ou de psychotropes ? Peut-on alors identifier des mécanismes qui sont impliqués dans le cerveau, et définir une neuro-anatomie fonctionnelle qui puisse expliquer ces illusions et hallucinations ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=444&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277070/original/file-20190529-192383-zy01r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=558&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les serpents qui tournoient. Cette illusion crée par le professeur Akiyoshi Kitaoka induit des hallucinations de mouvements dans une image qui n’en contient pas.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.ritsumei.ac.jp/~akitaoka/index-e.html">Akiyoshi Kitaoka</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une hypothèse novatrice proposée par Paul Bressloff et ses collègues en 2002 est de voir l’origine de certaines illusions ou d’hallucinations dans l’interaction entre structures du cerveau avec la représentation de l’espace visuel sur la surface de notre cortex visuel primaire, la partie de notre cerveau qui représente les éléments les plus simples de l’image visuelle. Cette carte corticale représente notamment des bords élémentaires en privilégiant une résolution plus fine au centre du champ visuel. Ces auteurs ont analysé mathématiquement les états du système quand on perturbe certains paramètres du système, et notamment les interactions dans la carte corticale.</p>
<p>Ils ont alors montré un point essentiel : à partir d’un certain seuil de prise de drogue, des « hallucinations » peuvent émerger comme des structures stables dans la carte corticale. Étonnamment, ces états peuvent être visualisés en les reprojetant sur l’espace visuel et ils dessinent alors des spirales et des ensembles de lignes qui sont très proches des hallucinations telles qu’elles ont été rapportées après la prise de drogues diverses allant de la marijuana au peyotl ou à la mescaline, voir Figure <a href="https://laurentperrinet.github.io/2019-05_illusions-visuelles/">8</a>. Ce type de modélisation permet d’un côté d’expliquer la formation d’hallucinations, mais aussi de définir une « neuro-géométrie », c’est-à-dire un formalisme mathématique reliant neurosciences et la géométrie des relations existant entre des sous modules du cortex visuel primaire. On peut aussi imaginer alors des hallucinations plus complexes émerger de réseaux plus complexes qui représentent par exemple des superpositions de visages.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=344&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/277072/original/file-20190529-192405-103jryx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=433&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Modèles d’hallucination sous drogues : une modélisation mathématique permet de prédire leur forme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">P. Bressloff</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour conclure, les illusions et hallucinations nous ouvrent une porte sur les possibilités de la perception mais aussi sur une compréhension des mécanismes cérébraux qui les induisent. La modélisation, notamment celle que nous proposons, offre une opportunité nouvelle d’appréhender ces mécanismes. Les outils théoriques permettant de progresser dans cette voie de recherche existent mais ne sont pas pour le moment exploités à leur plein potentiel. Ils seront essentiels pour une meilleure compréhension des illusions visuelles, des hallucinations et de ce qui peut la provoquer, mais aussi du cerveau en général.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117389/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Perrinet a reçu des financements du CNRS, de l'Agence Nationale de la Recherche et de la Fondation pour la Recherche Médicale. </span></em></p>Les illusions et hallucinations nous informent sur les perceptions mais aussi sur la compréhension des mécanismes cérébraux.Laurent Perrinet, Chercheur CNRS en Neurosciences computationnelles, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1117192019-02-20T23:41:35Z2019-02-20T23:41:35ZCrise des opioïdes : comment l’Agence du médicament compte éviter l’emballement en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/259860/original/file-20190219-43291-193sn8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C0%2C5272%2C2937&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les prescriptions de tramadol ont augmenté de 68 % en 11 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’<a href="https://ansm.sante.fr/">Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé</a> (ANSM) vient de publier <a href="https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Antalgiques-opioides-l-ANSM-publie-un-etat-des-lieux-de-la-consommation-en-France-Point-d-Information">un rapport faisant l’état des lieux de la consommation des antalgiques opioïdes</a> et leurs usages problématiques en France. À l’origine d’une crise sanitaire majeure aux États-Unis, cette catégorie de médicaments regroupe tout ceux dont le principe actif agit sur les mêmes récepteurs cérébraux que la <a href="https://www.vidal.fr/substances/5636/morphine/">morphine</a> (<a href="https://www.vidal.fr/substances/15308/tramadol/">tramadol</a>, <a href="https://www.vidal.fr/substances/1039/codeine/">codéine</a>, <a href="https://eurekasante.vidal.fr/medicaments/s-active/recherche/substance-2560-Opium-poudre.html">poudre d’opium</a>, <a href="https://www.vidal.fr/substances/6329/oxycodone/">oxycodone</a>, <a href="https://www.vidal.fr/substances/1476/fentanyl/">fentanyl</a>, etc.). </p>
<p>Bien que correctement utilisés la plupart du temps, ces antidouleurs très puissants ont un potentiel d’abus élevé car ils entraînent une forte dépendance : le cerveau des utilisateurs s’y accoutume, ce qui nécessite d’accroître les doses pour conserver les mêmes effets. Cette tolérance induit des usages problématiques : certains patients pratiquant l'auto-médication augmentent leurs doses progressivement, et finissent par consommer <a href="https://theconversation.com/antidouleurs-opio-des-vers-une-crise-sanitaire-en-france-101621">plusieurs dizaines de comprimés par jour</a>, ce qui peut aboutir à des <a href="https://www.who.int/substance_abuse/information-sheet/fr/">overdoses mortelles par dépression respiratoire</a>. La réduction trop rapide des doses s'accompagne par ailleurs d'un <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/sujets-particuliers/drogues-%C3%A0-usage-r%C3%A9cr%C3%A9atif-et-substances-enivrantes/opio%C3%AFdes#v835699_fr">syndrome de sevrage</a>.</p>
<p>Aux États-Unis, les dommages sanitaires qu'occasionnent ces médicaments sont tels qu’on les tient en grande partie pour responsables de la grave crise des opioïdes qui frappe le pays. Selon les Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, les opioïdes sur prescription sont responsables de plus de <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/67/wr/mm675152e1.htm?s_cid=mm675152e1_w#T1_down">17 000 décès annuels</a> par overdose accidentelle, et plusieurs millions d’Américains seraient désormais dépendants à ces composés. À l’origine de cette situation dramatique, des prescriptions excessives et inadaptées de fentanyl et d’oxycodone, accompagnées d’une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ZhRrbS_l_Fk">promotion pharmaceutique</a> mal maîtrisée par les autorités sanitaires américaines.</p>
<p>Or, en France, les prescriptions d’antidouleurs opioïdes sont en augmentation. Actuellement, 17 % des Français reçoivent chaque année au moins une délivrance remboursée de ces médicaments. Conséquence : les premiers signaux d’une potentielle crise sanitaire commencent à poindre. Comment éviter que celle-ci ne devienne similaire à celle qui fait rage en ce moment de l’autre côté de l’Atlantique ?</p>
<h2>Des médicaments de plus en plus consommés</h2>
<p>Le constat de l’Agence du médicament est clair : les opioïdes dits « faibles » (codéine, tramadol, opium) sont particulièrement prescrits dans notre pays. Leur usage concerne environ 11 millions de Français. Si le retrait de l’association <a href="https://www.ansm.sante.fr/S-informer/Communiques-Communiques-Points-presse/Medicaments-contenant-du-dextropropoxyphene-Retrait-progressif-de-l-AMM-Communique">dextropropoxyphène/paracétamol en 2011</a> a fait reculer la consommation globale, celle des autres opioïdes faibles a fortement augmenté depuis (le tramadol est l’antalgique opioïde le plus consommé – +68 % entre 2006 et 2017). </p>
<p>Les opioïdes faibles sont aujourd’hui dix-huit fois plus utilisés que les opioïdes forts (morphine, oxycodone, fentanyl). Or, s’ils sont moins puissants, les risques de mauvais usage sont comparables. </p>
<p>Par ailleurs, en 2017, un million de Français ont reçu une délivrance d’un antalgique opioïde fort soit deux fois plus en 12 ans. La progression la plus forte concerne l’oxycodone : +738 % entre 2006 et 2017.</p>
<p>Oxycodone et fentanyl sont particulièrement concernés par les hausses de prescriptions d’opioïdes forts, or le mésusage de ces deux médicaments a été à l’origine de la crise des opioïdes aux États-Unis.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ThXiut3lJFE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Chouki Chenaf, médecin de santé publique et pharmacologue, présente l’évolution de l’usage des antalgiques opioïdes en France depuis 2004.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Intoxications, dépendances et overdoses en hausse</h2>
<p>Reprenant les travaux de l’<a href="http://www.ofma.fr/">Observatoire français des médicaments antalgiques</a> (OFMA), l’ANSM rapporte que le nombre d’hospitalisations consécutives à des overdoses d’antalgiques opioïdes obtenus sur prescription médicale a augmenté de 167 % entre 2000 et 2017. Entre 2000 et 2015, le nombre de décès liés à la consommation d’opioïdes a augmenté de 146 %, soit au moins au moins 4 décès par semaine.</p>
<p>De même, les déclarations de pharmacovigilance pour des intoxications aux antalgiques opioïdes ont augmenté de 198 % entre 2005 et 2016. Pour l’année 2016, les trois substances les plus impliquées dans ces intoxications étaient le tramadol, la morphine puis l’oxycodone.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/259497/original/file-20190218-56208-vfkz2s.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution des overdoses opioïdes en France.</span>
<span class="attribution"><span class="source">OFMA</span></span>
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</figure>
<p>L’analyse des données collectées par le <a href="http://www.addictovigilance.fr/">réseau français d’addictovigilance</a> indique que la part des cas liés aux antidouleurs opioïdes a plus que doublé entre 2006 et 2015. Le tramadol est le premier antalgique opioïde rapporté dans les notifications d’usage problématique, les <a href="http://www.addictovigilance.fr/noir-DTA-noir">décès liés aux antalgiques</a> et les <a href="http://www.addictovigilance.fr/osiap">falsifications d’ordonnances</a>.</p>
<p>Les cas rapportés par l’ANSM concernent toutes les substances opioïdes antalgiques. Ils touchent majoritairement des femmes qui consomment initialement un antalgique opioïde pour soulager une douleur, puis développent une dépendance primaire à leur traitement.</p>
<hr>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/antidouleurs-opio-des-vers-une-crise-sanitaire-en-france-101621">Antidouleurs opioïdes : vers une crise sanitaire en France ?</a>
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</p>
<hr>
<h2>Les mesures proposées pour prévenir une crise française</h2>
<p>S’appuyant sur une journée de la <a href="https://www.ansm.sante.fr/var/ansm_site/storage/original/application/7eeb7817c7212668cafbac08023063c8.pdf">commission des stupéfiants et psychotropes</a> tenue en mai 2017, l’ANSM propose dans son rapport une série de mesures destinées à améliorer le bon usage de ces médicaments.</p>
<p>Ces actions s’inscrivent dans une réflexion plus large d’un plan d’action national sur les surdosages liés à la consommation des opioïdes : antalgiques, médicaments de substitution (<a href="https://www.vidal.fr/substances/6305/methadone/">méthadone</a> et <a href="https://www.vidal.fr/substances/6272/buprenorphine/">buprénorphine</a> haut dosage) et illicites (tels que les <a href="http://ghparis10.aphp.fr/wp-content/blogs.dir/103/files/2017/09/Bulletin-addictovigilance-n5-fentanyloides.pdf">fentanyloïdes</a> de synthèse ou l’héroïne). Il s’agira notamment</p>
<ul>
<li><p><strong>de renforcer la formation des professionnels de santé</strong> sur la prescription et la délivrance des antalgiques opioïdes. Cela implique non seulement d’assurer un niveau de connaissance minimum lors de la formation initiale, pendant les études, mais aussi, compte tenu du nombre de prescriptions chaque année, de maintenir cette compétence pour les médecins en exercice.</p></li>
<li><p><strong>d’améliorer le parcours de soins</strong>. La dimension psychique de la douleur chronique devra être mieux prise en compte, afin de faciliter les prises en charge non médicamenteuses (psychothérapie, hypnothérapie, kinésithérapie, neurostimulation…). Le risque de mésusage devra également être systématiquement repéré <a href="http://www.ofma.fr/echelles/echelle-ort/">avant</a> et en <a href="http://www.ofma.fr/echelles/echelle-pomi/">cours de traitement</a>, tout comme les risques d’abus et de dépendance. La pertinence du traitement sera par ailleurs fréquemment réévaluée, pour envisager rapidement son arrêt en cas d’inefficacité. Enfin, une réflexion devra être menée sur les modèles de prescription des antidouleurs opioïdes dans le cadre des hospitalisations à domicile et de la chirurgie ambulatoire.</p></li>
<li><p><strong>d’améliorer la diffusion de l’information</strong> auprès des professionnels de santé et du public. L’ANSM s’appuie sur l’exemple <a href="http://www.ofma.fr/documents-bon-usage/">du document récemment édité par l’OFMA</a> afin de promouvoir le bon usage des antidouleurs auprès des usagers. Une meilleure diffusion des recommandations des sociétés savantes auprès des prescripteurs est également souhaitée, aussi bien à l’hôpital qu’en médecine de ville. En 2018, Le <a href="http://www.respadd.org/">réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions</a>, en partenariat avec l’OFMA, avait pour cela consacré <a href="http://www.respadd.org/save-the-date-23e-rencontres-du-respadd/">ses rencontres annuelles</a> à ce sujet (ce qui s’était concrétisé par la publication d’un <a href="http://www.respadd.org/wp-content/uploads/2018/10/Livret-opio%C3%AFdes.pdf">livret destiné aux prescripteurs</a>). L’ANSM encourage aussi un partage des connaissances et des compétences via le développement des échanges interdisciplinaires entre tous les professionnels de santé.</p></li>
<li><p><strong>de mieux prendre en compte les risques de mésusage</strong> : l’élaboration de recommandations sur le bon usage des opioïdes dits « faibles » est fortement encouragée. De même, une attention doit être portée aux comportements d’automédication familiale, pour mieux cibler les messages de réduction des risques auprès des usagers. Enfin, elle évoque le fait de prendre en compte le risque de dépendance et de mésusage dans l’évaluation par la <a href="https://www.has-sante.fr/">Haute Autorité de Santé</a> du <a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/r_1506267/fr/le-service-medical-rendu-smr-et-l-amelioration-du-service-medical-rendu-asmr">service médical rendu</a> par ces médicaments (celui-ci détermine notamment le taux de remboursement), ainsi que de l’<a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/r_1506267/fr/le-service-medical-rendu-smr-et-l-amelioration-du-service-medical-rendu-asmr">amélioration du service médical rendu</a> (laquelle conditionne la fixation du prix de vente).</p></li>
<li><p><strong>Mettre à disposition des patients la <a href="https://ansm.sante.fr/Activites/Surveillance-des-medicaments/Mesures-additionnelles-de-reduction-du-risque/Liste-des-MARR-en-cours/Naloxone">naloxone</a></strong>. Cet antidote des overdoses aux opioïdes était initialement destiné aux usagers de drogues opioïdes comme l’héroïne. L’ANSM prone un accès plus large à ce traitement d’urgence pour les patients traités par antidouleurs opioïdes.</p></li>
</ul>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/5RhdNPFljBQ?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment bien prendre son traitement antidouleur opioïde ?</span></figcaption>
</figure>
<h2>Éviter la crise en continuant à lutter contre la douleur</h2>
<p>Les signaux enregistrés par l’ANSM montrent qu’une crise des opioïdes française pourrait être en train d’émerger. Son ampleur est néanmoins encore loin de celle de la crise nord-américaine, et sa prévention doit donc être une priorité de santé publique. Comme le souligne Nathalie Richard, directrice adjointe au sein de l’ANSM</p>
<blockquote>
<p>« L’exemple tragique de la crise des opioïdes américaine incite la France à accroître sa vigilance et à mettre en place des mesures préventives »</p>
</blockquote>
<p>Pour parvenir à éviter l’emballement, les conditions de prescription, voire de délivrance, des médicaments opioïdes pourraient être rediscutées. Ainsi, le Professeur Frédéric Aubrun, président de la <a href="http://www.sfetd-douleur.org/">Société française d’étude et de traitement de la douleur</a>, propose de « limiter le nombre de comprimés délivrés notamment pour des douleurs aiguës ou post-opératoires, voire insérer un pictogramme informant sur le risque de dépendance ».</p>
<p>Il faut néanmoins que la nécessité absolue de soulager correctement la douleur, aiguë ou chronique, demeure au centre des préoccupations.</p>
<p>L’ANSM n’affirme pas autre chose, en rappelant que « l’amélioration de la prise en charge de la douleur constitue toujours une priorité de santé publique en France », et que « la mise à disposition et l’utilisation plus larges des médicaments antidouleurs opioïdes dans le traitement de la douleur ont grandement contribué à l’amélioration de cette prise en charge », notamment pour les malades soufrant du cancer ou dans des situations de douleurs post-opératoires.</p>
<p>Toutefois, comme le fait remarquer le Dr Jean‑Michel Delile, président de la <a href="https://www.federationaddiction.fr/">Fédération Addiction</a></p>
<blockquote>
<p>« Ces médicaments ont un rôle limité dans le traitement des douleurs chroniques non cancéreuses et présentent de réels risques de complications graves dont les surdosages. »</p>
</blockquote>
<p>D’autres options pharmaceutiques doivent donc être explorées. C’est le rôle de la recherche scientifique.</p>
<h2>Au-delà de la prévention, quelles innovations pharmaceutiques ?</h2>
<p>Trois équipes françaises consacrent actuellement leurs efforts à mettre au point des alternatives moins risquées aux antidouleurs opioïdes. Deux des pistes explorées impliquent des substances opioïdes fabriquées par notre organisme, les enképhalines, véritable morphine endogène.</p>
<p>Des travaux ont montré que cette dernière pouvait être atténuée si l’on <a href="http://www.pharmaleads.com/">empêchait la dégradation des enképhalines</a>. Des inhibiteurs de cette dégradation pourraient donc être utilisés comme antidouleurs. L’autre possibilité serait d’administrer les enképhalines sous forme de <a href="http://www.ofma.fr/opioide-morphine-enkephaline/">nanomédicaments</a>.</p>
<p>Enfin, une troisième stratégie, différente, consiste à développer de nouveaux candidats-médicaments destinés à activer spécifiquement l’un des récepteurs <a href="http://www.innopain.com/">impliqués dans l’efficacité de la morphine</a>, mais pas dans ses effets indésirables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111719/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Authier est directeur de l'Observatoire Français des Médicaments Antalgiques et administrateur de la Fondation Analgesia. Il est membre du Collège scientifique de l'Observatoire Français des Drogues et Toxicomanie et président de la Commission des stupéfiants et psychotropes de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé. Il a participé, dans les cinq dernières années, sans percevoir d'avantages ni rémunérations, à des formations de professionnels de santé organisées par les laboratoires pharmaceutiques RB Pharmaceuticals et Indivior France.</span></em></p>Alors que leur utilisation explose, l’ANSM propose des mesures pour favoriser le bon usage des antidouleurs opioïdes. Objectif : éviter une crise sanitaire comparable à celle qui sévit aux États-Unis.Nicolas Authier, Médecin psychiatre, professeur des universités-praticien hospitalier, U1107 Inserm/UCA, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1115672019-02-15T15:11:47Z2019-02-15T15:11:47ZComment éviter que vos animaux de compagnie ne s’empoisonnent au cannabis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/258607/original/file-20190212-174857-17dhgzw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chiens sont plus sensibles que les humains aux effets psychotropes du THC dans les produits du cannabis.</span> <span class="attribution"><span class="source">Ana Martin/ Unsplash</span>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Si vous vivez avec un animal de compagnie, il y a de fortes chances que vous le considérez comme faisant partie de la famille. On sait que les animaux domestiques, chiens, chats, oiseaux ou rongeurs, peuvent <a href="https://doi.org/10.3122/jabfm.2015.04.140254">avoir un effet bénéfique sur notre santé</a>.</p>
<p>Lorsque le cannabis a été légalisé dans certaines régions des États-Unis, il y a eu une hausse significative du nombre de <a href="https://europepmc.org/articles/pmc5623152">visites aux hôpitaux pour enfants</a> reliées au cannabis et d’appels aux <a href="https://www.petpoisonhelpline.com/pet-safety-tips/marijuana-toxicity-pets/">centres antipoison</a>. Les animaux de compagnie sont <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/23216842">aussi vulnérables</a>. Tout comme les humains de notre famille, ils sont sujets à devenir malades.</p>
<p>Travaillant comme chercheure, vétérinaire et travailleuse sociale à l’Université de Saskatchewan, nous formons équipe pour tenter d’empêcher que la situation ne se reproduise de notre côté de la frontière, au Canada.</p>
<h2>Les chiens sont attirés par le cannabis</h2>
<p>Les plus récentes estimations et données sur l’achat indiquent qu’une quantité appréciable de cannabis récréatif a été achetée <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/190109/dq190109b-eng.htm">depuis sa légalisation en octobre 2018</a>.</p>
<p>En plus de l’offre illégale disponible, cela augmente les probabilités d’intoxication des animaux domestiques au cannabis.</p>
<p>Par ailleurs, avec la <a href="https://www.canada.ca/en/health-canada/news/2018/12/backgrounder-consultation-on-the-strict-regulation-of-additional-cannabis-products.html">production et la vente de cannabis comestible qu’on prévoit </a> pour octobre 2019, le risque d’exposition sera encore plus important. </p>
<p>Les animaux domestiques peuvent aussi être exposés au cannabis médical.</p>
<p>À l’Université de Saskatchewan, nous étudions l’efficacité des chiens d’assistance comme <a href="https://crismprairies.ca/home-2/projects-2/the-impact-of-service-dogs-in-the-lives-of-veterans-who-problematically-use-opioids">soutien psychiatrique auprès des anciens combattants qui souffrent de stress post-traumatique (TSPT)</a>.</p>
<p>Du cannabis a été prescrit à un fort pourcentage chez les anciens combattants avec qui nous travaillons, et nous savons pertinemment que les chiens sont attirés par la substance. Garantir la sécurité de l’animal est essentiel aussi bien pour le chien que pour l’ancien combattant.</p>
<h2>Les chiens sont plus sensibles aux effets psychotropes</h2>
<p>L’intoxication se produit usuellement lorsque l’animal avale du cannabis récréatif ou médical, mais la fumée secondaire peut tout aussi bien l’affecter.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257618/original/file-20190206-174880-jwud4d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les signes d’empoisonnement peuvent inclure des mouvements désordonnés, la désorientation, l’hyperactivité, la dilatation des pupilles, la bave et l’incontinence urinaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La durée de l’intoxication au cannabis dépendra de divers facteurs, comme la quantité consommée, le taux de concentration de tétrahydrocannabinol (THC) et la taille de l’animal.</p>
<p>Quoique ce soit relativement rare, dans certains cas la toxicité du cannabis peut être fatale. Ceci est particulièrement préoccupant pour les chiens en raison de leur remarquable habileté à localiser les senteurs intéressantes, et parfois à en ingérer la source. Nous savons aussi que <a href="https://www.ncbi.nlms">les chiens sont plus sensibles que les humains aux effets psychotropes</a> altérant l’état de conscience du THC.</p>
<p>Suivre l’ABC de la sécurité touchant le cannabis auprès des animaux de compagnie protègera tous les membres de votre famille. Voici ce que vous devez savoir.</p>
<h2>Comment assurer la sécurité de vos animaux de compagnie</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=850&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254574/original/file-20190119-100288-ytl05x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1068&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cannabis Can.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>Entreposage approprié</strong> : Le cannabis, les produits du cannabis et les accessoires doivent tous être entreposés de façon sécuritaire hors de la portée des animaux de compagnie. Ceci comprend les sous-produits, comme les mégots, les filtres ou le liquide des pipes à eau. Un contenant vide de café de 900 grammes, avec couvercle sécurisé, peut bien faire l’affaire.</p>
<p><strong>Soyez informé des signes et symptômes</strong> : Ceci peut se traduire chez les animaux par des mouvements désordonnés, des pertes d’équilibre, la désorientation, l‘hyperactivité, la dilatation des pupilles, des couinements, des variations de température et du rythme cardiaque, la bave et la possibilité d’incontinence urinaire.</p>
<p>Dans les cas graves, <a href="https://doi.org/10.1053/j.tcam.2013.03.004">une crise, des tremblements et le coma peuvent s’en suivre</a>. Il est vraiment important de le dire à votre vétérinaire si vous croyez que votre animal a consommé du cannabis. Un diagnostic rapide peut lui sauver la vie et vous épargner des sous en frais vétérinaires.</p>
<p><strong>Recherchez du soutien au besoin</strong> : Si votre animal montre des signes d’empoisonnement, il est important de lui fournir des soins médicaux immédiats. Votre vétérinaire peut aider à surveiller et contrôler ses signes vitaux pour assurer sa sécurité. Un programme de traitement spécifique sera proposé par le vétérinaire traitant en fonction de l’état clinique du patient.</p>
<p>Les signes d’empoisonnement peuvent être immédiats ou se manifester des heures après l’exposition et ils peuvent être de courte durée ou se poursuivre durant plusieurs jours.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=443&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/257653/original/file-20190207-174857-10tngxq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=556&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le chanvre n’est approuvé pour aucun animal de compagnie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Unsplash/Raul Varzar)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<h2>Le chanvre n’est pas approuvé pour les animaux</h2>
<p>Plusieurs personnes ne sont pas conscientes que les produits du cannabis récréatif et médical peuvent être néfastes pour nos animaux de compagnie. Parce que le cannabis médical est prescrit, on croit souvent qu’il est principalement constitué de CBD (cannabidiol) non psychotrope, mais il peut contenir des teneurs élevées de THC. Il est aussi fréquent que les produits de cannabis médical prennent des formes concentrées, comme des huiles, de sorte qu’ils sont alors potentiellement plus nocifs s’ils sont ingérés par des animaux domestiques.</p>
<p>Les animaux de compagnie sont de plus en plus exposés aux produits du chanvre — spécifiquement en tant que remède pour des maux comme la douleur ou l’anxiété. <a href="http://vri.cz/docs/vetmed/61-3-111.pdf">Le chanvre a une très faible teneur de THC</a>, moins de 0,3 pour cent.</p>
<p>Même s’il y a une multitude d’histoires de gens qui l’utilisent pour les soins de santé de leur animal de compagnie, il est important de savoir qu’il y a peu de preuves scientifiques. L’Association canadienne des médecins vétérinaires note que l’utilisation de tout type de cannabis n’est pas approuvée pour les animaux et <a href="https://www.canadianveterinarians.net/documents/veterinarians-caution-medical-marijuana-exposure-in-pets">pourrait interagir avec d’autres médicaments et avoir des effets secondaires inconnus</a>. Il est <a href="https://wcvmtoday.usask.ca/articles/2018/keep-pot-away-from-pets.php">nécessaire de faire de la recherche dans ce domaine</a>.</p>
<p>Comme avec tous les êtres chers de la famille, il est essentiel de connaître les faits. Cela nous permet de faire des choix éclairés et de se comporter de façon responsable dans l’intérêt de nos animaux de compagnie.</p>
<p>Si un accident survient, après avoir reçu un traitement médical, la plupart des chiens se rétabliront. En se conformant à l’ABC de la sécurité touchant le cannabis auprès des animaux de compagnie, on peut prévenir toute souffrance inutile pour tous les membres de la famille.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111567/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Colleen Dell a reçu des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada et de l'Université de la Saskatchewan.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Erin Wasson et Kevin Cosford ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les animaux de compagnie sont vulnérables à la toxicité du cannabis - en ingérant des produits à base de cannabis et en inhalant de la fumée secondaire. Dans certains cas, cela peut être mortel.Colleen Dell, Professor and Research Chair in One Health & Wellness, University of SaskatchewanErin Wasson, Clinical Associate, Veterinary Social Work, University of SaskatchewanKevin Cosford, Assistant Professor, Department of Small Animal Clinical Sciences, University of SaskatchewanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1037412018-09-25T20:21:27Z2018-09-25T20:21:27ZDrogues psychédéliques : la tendance du microdosing de LSD<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237564/original/file-20180923-129871-1tow2j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Daniel Angele Unsplash</span> </figcaption></figure><p><em>Cette chronique est dans la droite ligne et se nourrit des recherches et rencontres publiées sur mon site <a href="https://www.cahiersdelimaginaire.com/votrelaboratoirecreatif-sylviegendreau/">Les cahiers de l’imaginaire</a>.</em></p>
<hr>
<p>Vous avez probablement entendu parler des microdoses de psilocybine qui augmentent la productivité et la créativité. Les startupers de la Silicon Valley en seraient friands, mais pas seulement. Il semblerait que cette tendance s’étend désormais dans plusieurs entreprises où les employés recherchent plus de bien-être au travail selon un article publié par trois chercheurs de l’Université Cambridge sur <a href="https://theconversation.com/lsd-microdosing-is-trending-in-silicon-valley-but-can-it-actually-make-you-more-creative-72747">The Conversation</a>.</p>
<h2>D’où vient cette tendance de consommer des microdoses ?</h2>
<p>En 2016, des participants se sont prêtés à une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29119217">expérience</a> menée par une équipe de chercheurs américains. Ils ont absorbé une substance psychoactive, la psilocybine, présente dans les champignons hallucinogènes utilisés depuis des siècles par de nombreuses sociétés traditionnelles.</p>
<p>Ses effets ont été peu étudiés de manière rigoureuse, mais les bénéfices escomptés sur le plan de la santé lui valent d’être l’objet d’une curiosité accrue de la part de la communauté scientifique.</p>
<p>Parmi ceux qui ont le plus contribué à populariser la consommation de microdoses, il y a le psychologue, James Fadiman, auteur, en 2012, de l’ouvrage <a href="http://www.psychedelicexplorersguide.com/"><em>The Psychedelic Explorer’s Guide : Safe, Therapeutic, and Sacred Journey</em></a> (qu’on pourrait traduire : <em>Le guide de l’explorateur psychédélique : un voyage sans risque, thérapeutique et sacré</em>) dans lequel il présente « comment des doses extrêmement faibles de LSD améliorent le fonctionnement cognitif, l’équilibre émotionnel et l’endurance physique. »</p>
<p>Comme le rapporte Nelly Lesage, dans <a href="https://www.numerama.com/sciences/411093-du-lsd-en-microdoses-pour-combattre-des-maladies-ou-en-est-la-recherche-scientifique.html">Numerama</a> : « En compagnie d’autres chercheurs, il a établi un protocole, afin de mieux comprendre les effets des microcodoses de substances psychédéliques sur l’organisme. Dans ce protocole, auquel les internautes peuvent choisir de participer via un <a href="https://sites.google.com/view/microdosingpsychedelics/protocol-and-sign-up-form">formulaire</a> en ligne, il explique qu’une microdose de LSD se situe entre 8 et 15 ml et entre 0,4 et 1,6 ml pour la psilocybine.</p>
<p>En 2017, James Fadiman a donné un aperçu des données récoltées, lors de la conférence internationale <a href="http://psychedelicscience.org/">Psychedelic Science</a> organisée en Californie, ce qui explique probablement pourquoi ce sujet et certaines pratiques sont devenus à ce point populaire depuis un certain temps.</p>
<p>Les volontaires reçoivent des instructions sur la manière de consommer la drogue, mais aucune directive sur la manière de s’en procurer – évidemment, puisque ces substances sont illégales. Avec cette étude, James Fadiman cherche à montrer que des microdoses de ces substances – entre 5 et 10 % des « doses récréatives normales » – pourraient améliorer la productivité et soulager les dépressions que les médicaments habituels ne parviennent pas à soigner. »</p>
<h2>Un scientifique expérimente devant la caméra !</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=297&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237576/original/file-20180923-129868-gpnd1r.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=374&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hamilton’s Pharmacopeia.</span>
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<p>Connaissez-vous Hamilton Morris ? Scientifique fou, petit génie de la chimie et psychonaute (selon l’expert en drogue Daniel Pinchbeck), Hamilton étudie la chimie et la pharmacologie des tryptamines à l’Université des Sciences à Philadelphie. Chercheur, mais aussi journaliste (<em>Harper’s Magazine</em>, <em>Vice</em> et <em>Playboy</em>), il se passionne pour les chimistes clandestins. Il est l’auteur de l’étonnante série télévisée américaine, <a href="https://www.viceland.com/en_us/show/hamiltons-pharmacopeia"><em>Hamilton’s Pharmacopeia</em></a>, une odyssée à travers l’histoire, la chimie et les impacts sociétaux des médicaments les plus extraordinaires au monde. Si vous comprenez l’anglais et que le sujet vous intéresse, il a accordé une <a href="https://tim.blog/2018/09/20/hamilton-morris/?utm_source=convertkit&utm_medium=convertkit&utm_campaign=ep337">interview</a> au blogger américain et auteur de best-sellers, Tim Ferris, la semaine dernière.</p>
<p>Dans toute expérience, la détermination de la dose est problématique. Ceux qui microdosent de manière incorrecte risquent de faire des voyages non désirés ou déplaisants. Il existe même des cas de symptômes de type psychotique chez certaines personnes vulnérables qui utilisent le LSD à des fins récréatives. Donc, attention, ce n’est pas parce que c’est tendance que l’on doive en consommer. Restez prudents, et lisez bien mon article jusqu’à la fin.</p>
<p>Hamilton explique cela en détail. Parmi les exemples qu’il donne, il a consacré un épisode entier sur les champignons où il explique que même issu d’une même souche, le champignon ne contient pas forcément les mêmes doses. En d’autres mots, ce domaine de recherche en est encore à ses balbutiements. Chaque drogue, selon ses ingrédients, a des effets différents. Certaines provoquent des expériences plus personnelles, d’autres plus universelles.</p>
<p>Il est donc important de poursuivre les recherches sur la sécurité et l’efficacité du microdosage de ces substances. Plus jeune, j’ai eu plusieurs amis qui n’ont pu surmonter leur addiction aux drogues. On peut glisser facilement, si on n’y prend pas garde. Les microdoses ne sont pas une panacée surtout si on ne sait pas exactement la quantité et les ingrédients que l’on consomme.</p>
<h2>À quoi ressemble une expérience supervisée ?</h2>
<p>Revenons à l’expérience des chercheurs américains.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/237577/original/file-20180923-117383-7apama.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Hans Reniers/Unsplash.</span>
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<p>Les séances durent huit heures. Les participants ferment leurs yeux et se concentrent sur leurs perceptions mentales. Leurs commentaires sont notés, immédiatement après la séance, et deux mois plus tard.</p>
<p>Plusieurs d’entre eux affirment que ce qu’ils ont vécu pendant ces séances ont marqué durablement leur vie.</p>
<p>La psilocybine provoque une gamme assez étendue de sensations, certaines positives, d’autres moins. Ses effets, semblables à d’autres drogues hallucinogènes comme le LSD (le diéthylamide de l’acide lysergique), la mescaline ou le DMT (diméthyltryptamine) sont multiples :</p>
<ul>
<li><p>Altérations de la perception (vue et audition).</p></li>
<li><p>Altérations de la cognition.</p></li>
<li><p>Altérations de la volonté.</p></li>
<li><p>Altérations de la capacité à réfléchir.</p></li>
<li><p>Altérations des humeurs.</p></li>
<li><p>Induction de phénomènes de dissociation.</p></li>
</ul>
<p>Les sensations éprouvées pendant les séances ont été considérées par la plupart des participants comme étant à la fois subjectives, personnelles et ayant eu un impact positif sur leurs attitudes et comportements.</p>
<p>La prise de psilocybine peut être considérée comme étant semblable à une expérience mystique. Toutefois, il arrive que les sensations éprouvées provoquent de la peur et de l’anxiété. Afin de minimiser ces effets négatifs, les séances se déroulent en présence d’un accompagnateur.</p>
<p>La dose de psilocybine a été mesurée avec soin. Elle correspond à environ 30 ml pour 70 kg du poids du participant.</p>
<h2>Quels sont les résultats ?</h2>
<ul>
<li><p>Augmentation de la pression sanguine et du rythme cardiaque qui se manifestent après 30 à 60 minutes.</p></li>
<li><p>Activité motrice spontanée.</p></li>
<li><p>Altération de la perception et de l’humeur (pseudo-hallucinations visuelles, illusions, synesthésie – la synesthésie est un phénomène neurologique non-pathologique lorsque deux ou plusieurs sens sont biassociés de manière plus ou moins durable. Par exemple, la synesthésie dite « graphèmes-couleurs » (qui représenterait 65 % des synesthésies) lorsque les lettres de l’alphabet ou les nombres sont perçus sous forme de couleurs), sensation de transcendance, joie ou anxiété.</p></li>
<li><p>Altération de la cognition : le sens de certains concepts, de certaines idées.</p></li>
<li><p>Expérience mystique : les deux tiers des participants interrogés affirment avoir vécu une expérience mystique.</p></li>
<li><p>Les effets, deux mois après l’ingestion, persistent. On note en particulier un renforcement des attitudes positives, une amélioration de l’humeur, de la sociabilité, du comportement. Deux répondants sur trois ont affirmé que la prise de psilocybine constituait l’une des expériences les plus significatives de leur vie.</p></li>
<li><p>La prise de psilocybine ne semble pas avoir de répercussions sur la personnalité des participants.</p></li>
<li><p>En début de session, les participants éprouvent une certaine anxiété face à une expérience nouvelle et déstabilisante. 30 % d’entre eux ont affirmé avoir ressenti de la peur. Ces sentiments se sont toutefois dissipés après la transe.</p></li>
</ul>
<p>Les résultats de l’expérience pointent vers plusieurs pistes intéressantes de recherche. Les sociétés modernes font face à des problèmes de santé croissants pour lesquels les médicaments actuels s’avèrent plus ou moins efficaces ou présentent des effets secondaires importants. C’est le cas de la dépression majeure.</p>
<p>Une étude britannique récente a été menée auprès d’une vingtaine de patients atteints de dépression majeure et sur lesquels les médicaments prescrits ne produisaient pas les effets escomptés.</p>
<p>Deux doses ont été administrées à des patients souffrant de dépression majeure. Une première dose de 10 ml et une seconde, une semaine plus tard, de 25 ml.</p>
<p>Le niveau de tolérance des patients à la psilocybine est bon et une diminution marquée des symptômes dépressifs a été notée pour les cinq premières semaines suivant le traitement. Les effets bénéfiques se sont maintenus lors de deux évaluations post-mortem, 3 mois et 6 mois après l’expérience.</p>
<p>Le niveau de réduction des symptômes dépressifs est fonction de la vivacité de l’expérience psychédélique vécue par les patients.</p>
<p>Un individu sous l’effet d’une substance hallucinogène est particulièrement sensible au contexte dans lequel la séance se déroule. Le contexte diffère selon les expériences antérieures vécues par le participant, ses appréhensions, la qualité du lien établi entre lui et l’accompagnateur, ou même la musique qu’il écoute pendant la séance.</p>
<p>Cette approche nécessite un accompagnement psychologique qui se déroule en trois temps : la phase de préparation, la phase de surveillance (monitoring) pendant la séance, et finalement la phase d’analyse des résultats et de discussion avec le patient.</p>
<h2>Comment s’inspirer de cette tendance sans consommer de microdoses ?</h2>
<p>Le modèle proposé pour tenter d’expliquer les mécanismes neurologiques à l’œuvre repose sur l’état dans lequel le cerveau se trouve pendant la transe induite par l’absorption de la psilocybine. Le cerveau, faisant alors preuve d’une grande plasticité, révise les biais cognitifs dans lesquels il était enfermé. Cette perspicacité, ce discernement provoque une diminution des symptômes dépressifs proportionnelle en quelque sorte au degré d’intensité de la transe.</p>
<p>Ces recherches aideront à faire évoluer les traitements pour les dépressions sévères, mais ce qu’il faut en retenir également, c’est comment ces expériences pourraient nous donner des idées pour obtenir des résultats similaires sans consommer de microdoses.</p>
<p>Dans un monde de plus en plus compétitif, il est tentant de trouver une solution rapide pour nous aider à réaliser mieux et plus rapidement. En tant que société, nous devrions examiner les raisons pour lesquelles des personnes en bonne santé choisissent de consommer des drogues en premier lieu. Le recours à des technologies qui améliorent les capacités cognitives pour faire face à des conditions de travail exigeantes qui peuvent au bout du compte affecter la santé et le bien-être des individus.</p>
<p>Ces améliorations des performances cérébrales et créatives ne doivent pas être un substitut à un environnement de travail sain. Toute entreprise ou organisation devrait mettre ce sujet à l’ordre du jour, à intervalles réguliers. Si ses employés ressentent le besoin de consommer des microdoses pour un mieux-être au travail, c’est qu’il y a un problème à résoudre à la source. Heureusement, il existe de nombreuses approches pour résoudre ce genre de problèmes. Presque chacune de mes chroniques présente une ou deux pistes de solutions en ce sens.</p>
<p>Il est primordial de réfléchir à la vie que nous souhaitons avoir. Une des premières conditions est de réfléchir à nos biais cognitifs. Pourquoi agissons-nous de telle manière ? Pourquoi certains événements ou personnes nous influencent-ils ? Si vous êtes malheureux, ne vous laissez surtout pas abattre, investissez sur vous, développez vos <em>soft skills</em>, recherchez les personnes avec lesquelles vous souhaitez vivre et travailler, prenez soin de votre santé émotionnelle. Rappelez-vous que vous pouvez toujours choisir des environnements qui vous conviennent davantage. Sans bonheur, il sera difficile d’avancer.</p>
<p>Développer sa créativité est un super allié pour obtenir les mêmes résultats sans microdoses. Prenez du recul sur votre vie, offrez-vous des rendez-vous avec vous-mêmes, imaginez comment vous pourriez transformer vos difficultés en nouveaux projets stimulants. C’est d’ailleurs l’<a href="https://www.cahiersdelimaginaire.com/cahier-d-exercices/de-sylvie-gendreau-exercice-94">exercice</a> que je vous propose cette semaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103741/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
D’où vient cette tendance de consommer des microdoses de LSD pour accroître sa créativité et sa productivité ?Sylvie Gendreau, Chargé de cours en créativité et innovation, Polytechnique MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/998712018-07-12T22:10:31Z2018-07-12T22:10:31ZL’ayahuasca, un psychotrope amazonien, pourrait soigner la dépression sévère<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/227411/original/file-20180712-27033-r9beft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C18%2C2041%2C1339&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La liane <i>Banisteriopsis caapi</i> entre dans la composition de l’ayahuasca, un breuvage aux effets psychotropes utilisé par certains peuples indigènes d’Amazonie à des fins spirituelles.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/JNw3ja">Apollo/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>« Leon » est un jeune Brésilien qui se bat depuis des années contre la dépression. Il tient un <a href="https://sobredepressao.wordpress.com">blog anonyme en portugais</a>, sur lequel il raconte ses difficultés à vivre au quotidien avec cette maladie mentale, qui touche environ <a href="http://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/depression">300 millions de personnes dans le monde</a> selon l’Organisation mondiale de la santé.</p>
<p>Il fait partie des quelque 30 % de patients dont la dépression résiste aux traitements. Les antidépresseurs existants, tels que les <a href="https://www.mayoclinic.org/diseases-conditions/depression/in-depth/ssris/art-20044825">inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine</a>, sont impuissants à soulager sa fatigue, son angoisse, sa mauvaise estime de lui-même et ses idées suicidaires.</p>
<p>Une nouvelle étude pourrait cependant lui redonner de l’espoir, ainsi qu’à tous ceux qui sont dans le même cas. Notre équipe scientifique brésilienne a en effet mené le premier essai clinique aléatoire contrôlé par placebo sur l’ayahuasca, une boisson psychotrope à base de plantes d’Amazonie.</p>
<p>Nos résultats, publiés récemment dans la revue spécialisée <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/psychological-medicine/article/rapid-antidepressant-effects-of-the-psychedelic-ayahuasca-in-treatmentresistant-depression-a-randomized-placebocontrolled-trial/E67A8A4BBE4F5F14DE8552DB9A0CBC97"><em>Psychological Medicine</em></a>, suggèrent que l’ayahuasca peut avoir un effet positif sur les formes de dépression résistantes aux traitements.</p>
<h2>La « liane des esprits »</h2>
<p>En langue <a href="http://www.inalco.fr/langue/quechua">quechua</a>, le mot ayahuasca signifie « liane des esprits ». Les peuples d’Amazonie, du Pérou, de Colombie et d’Équateur l’utilisent depuis des siècles <a href="https://theconversation.com/can-ayahuasca-the-sacred-plant-of-the-amazon-help-addiction-and-depression-67764">à des fins thérapeutiques et spirituelles</a>.</p>
<p>Les propriétés médicinales de ce breuvage viennent de deux plantes. La première est la liane <em>Banisteriopsis caapi</em>, qui pousse sur les rives des fleuves du Bassin amazonien et peut grimper jusqu’à la cime des arbres. Elle est bouillie avec les feuilles de l’arbuste <em>Psychotria viridis</em>, qui contiennent la molécule psychoactive DMT (<a href="http://www.drogues-info-service.fr/Vos-Questions-Nos-Reponses/Dimethyltryptamine#.W0c9YdIzYUE">Diméthyltryptamine</a>).</p>
<p>À partir des années 1930, des cultes religieux brésiliens se sont constitués <a href="https://www.jstor.org/stable/3710869">autour de l’usage de l’ayahuasca comme sacrement</a>. Dans les années 1980, cette consommation rituelle est devenue courante dans de nombreuses villes du Brésil et du monde entier.</p>
<p>Au Brésil, l’<a href="https://erowid.org/chemicals/ayahuasca/ayahuasca_law30.shtml">usage religieux de l’ayahuasca</a> est légal depuis 1987, année où l’agence fédérale de contrôle des drogues a conclu que les « adeptes de cultes religieux » avaient pu constater ses « remarquables » bienfaits. Certains buveurs d’ayahuasca disent <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02791072.2015.1094590">se sentir en paix avec eux-mêmes, Dieu et l’univers</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=440&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225162/original/file-20180627-112641-jkh5qz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=553&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le tourisme lié à l’ayahuasca se développe dans les pays qui en font un usage traditionnel ou religieux, comme le Pérou, la Colombie et le Brésil.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Martin Mejia</span></span>
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</figure>
<p>Pour les besoins de notre étude, menée à l’université fédérale de Rio Grande do Norte, les chercheurs ont sélectionné vingt-neuf patients dont la dépression résistait aux traitements, et qui ne présentaient par ailleurs aucun antécédent de troubles psychotiques tels que la schizophrénie, que l’ayahuasca aurait pu aggraver.</p>
<p>Ces personnes ont participé de façon aléatoire à une séance au cours de laquelle on leur a donné à boire de l’ayahuasca ou un placebo (un liquide brun au goût amer composé d’eau, de levure, d’acide citrique et d’un colorant à base de caramel). Du sulfate de zinc servait à reproduire deux effets secondaires bien connus de l’ayahuasca : la nausée et les vomissements.</p>
<p>Les séances ont eu lieu à l’<a href="http://www.ebserh.gov.br/web/huol-ufrn">hôpital</a>, mais dans un espace calme, décoré et meublé à la manière d’un salon confortable.</p>
<p>Les <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/experience-invisible-psychologie-ayahuasca">effets de l’ayahuasca</a>, qui incluent des hallucinations, des vomissements et une profonde introspection, durent environ quatre heures. Pendant ce laps de temps, les chercheurs ont fait écouter aux participants deux sélections musicales, l’une instrumentale et l’autre composée de <a href="https://open.spotify.com/user/lftofoli/playlist/6sRsIxM4oNEpCPSFDQxAJB">chansons en portugais</a>.</p>
<p>Les patients étaient placés sous la surveillance de deux membres de l’équipe, chargés d’aider ceux qui manifestaient de l’angoisse au cours de cette expérience physique et émotionnelle très intense.</p>
<p>Vingt-quatre heures après la séance, nous avons observé chez 50 % des participants une amélioration de leur état, se traduisant notamment par une diminution de l’anxiété et une amélioration de l’humeur.</p>
<p>Une semaine plus tard, 64 % des patients qui avaient consommé de l’ayahuasca avaient toujours l’impression de se sentir mieux. Seuls 27 % de ceux qui avaient pris le placebo ressentaient la même chose.</p>
<h2>La confirmation de résultats antérieurs</h2>
<p>Nos conclusions rejoignent celles d’un essai clinique mené au Brésil en 2015 sur l’usage potentiel de l’ayahuasca comme antidépresseur.</p>
<p>L’étude en question, supervisée par le Dr James Hallak de l’Université de São Paulo, avait également montré qu’une seule prise d’ayahuasca avait un effet antidépresseur rapide. Chacun des 17 participants avait vu ses symptômes dépressifs diminuer dans les heures suivant l’ingestion d’ayahuasca. L’effet avait duré 21 jours.</p>
<p>Cet essai avait <a href="https://www.nature.com/news/ayahuasca-psychedelic-tested-for-depression-1.17252">suscité un vif intérêt dans la communauté scientifique.</a>. Toutefois ces résultats prometteurs restaient d’une portée limitée, car l’étude ne comportait pas de groupe témoin sous placebo. Or lors d’essais cliniques avec des patients dépressifs, jusqu’à 45 % de ceux qui prennent le placebo peuvent constater une amélioration significative de leur état. Cet effet placebo est d’ailleurs tellement important que certains scientifiques se sont demandé si les antidépresseurs étaient vraiment efficaces…</p>
<p>Le Dr Hallak et d’autres chercheurs ayant participé à l’étude de l’Université de São Paulo en 2015 ont aussi travaillé sur notre essai.</p>
<h2>Quand la religion fait progresser la science</h2>
<p>Bien que préliminaires, les résultats de ces deux études s’ajoutent au nombre croissant d’indices qui semblent désigner les psychotropes tels que l’<a href="https://www.newyorker.com/magazine/2015/02/09/trip-treatment">ayahuasca, le LSD et certains champignons</a> comme des aides possibles pour les patients dont la dépression résiste aux traitements classiques.</p>
<p>Toutefois, ces substances sont illégales dans beaucoup de pays, y compris aux États-Unis, ce qui rend difficile l’évaluation de leurs vertus thérapeutiques. Même au Brésil, la consommation d’ayahuasca en tant qu’antidépresseur reste marginale et informelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=902&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225212/original/file-20180627-112620-plhx3n.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1134&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Préparation d’ayahuasca chez un particulier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Tófoli</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Leon, le blogueur brésilien, a découvert cette drogue sur Internet. Le jeune homme, qui cherchait « désespérément » une solution pour soigner sa maladie, a décidé de prendre part à une cérémonie du <a href="http://www.santodaime.org/">culte Santo Daime à Rio de Janeiro</a>. Le Santo Daime est l’un des nombreux groupes religieux brésiliens utilisant l’ayahuasca comme sacrement.</p>
<p>Ce mouvement ne recense pas ses fidèles, mais l’União do vegetal, aux croyances similaires, compte quelques 19 000 membres dans le monde entier.</p>
<p>Dans toute l’Amérique, ces groupes s’inspirent de l’usage traditionnel des psychotropes naturels par les populations indigènes. Les adeptes croient que l’effet psychoactif de plantes comme l’ayahuasca et le peyotl, ou de champignons contenant de la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2011/10/28/les-nouveaux-explorateurs-du-sentiment-mystique_1595137_3224.html">psilocybine</a>, permet à l’esprit d’accéder à une dimension métaphysique porteuse d’un sens existentiel profond.</p>
<p>Au Brésil, aux États-Unis, au <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/robust-public-funding-needed-for-psychedelic-drug-research-say-researchers-1.4305592">Canada</a> et ailleurs, des chercheurs commencent à soumettre ces substances à une évaluation médicale rigoureuse pour traduire ces connaissances spirituelles dans un langage scientifique.</p>
<h2>Le pouvoir de guérison de l’expérience psychédélique</h2>
<p>Sur son blog, Leon fait une description précise de <a href="https://sobredepressao.wordpress.com/2016/07/01/santo-daime-e-depressao/">son expérience de l’ayahuasca</a>.</p>
<p>Il dit avoir eu des visions, semblables à des rêves, qui lui offraient une incroyable perspective sur ses relations avec ses proches. À d’autres moments, il assure avoir éprouvé « un sentiment d’extase et une profonde sensation d’éveil à [sa] spiritualité intérieure ». Nous pensons que ces effets expliquent pourquoi l’ayahuasca influe sur l’état dépressif.</p>
<p>Les participants à notre étude ont répondu au <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/11295326">« Hallucinogen rating scale »</a>, un questionnaire qui permet de traduire ces expériences en chiffres. Ceux qui avaient pris de l’ayahuasca ont atteint des scores beaucoup plus élevés que ceux qui avaient bu le placebo. Par ailleurs, les patients qui avaient expérimenté les effets physiques, auditifs et visuels les plus intenses durant leur trip sous ayahuasca sont aussi ceux qui allaient le mieux au bout d’une semaine.</p>
<p>Certe, l’ayahuasca n’est pas la panacée. Certaines personnes peuvent trouver ses effets trop perturbants physiquement et psychologiquement pour accepter de s’en servir comme traitement. De plus, certains utilisateurs réguliers continuent à souffrir de dépression. Mais quoi qu’il en soit, notre étude démontre que cette plante sacrée d’Amazonie a le potentiel nécessaire pour traiter efficacement, et sans danger, les formes de dépression les plus résistantes.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Iris Le Guinio pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast for Word</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/99871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luís Fernando Tófoli fait partie du conseil consultatif de la Brazilian Platform for Drug Policy.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dráulio Barros de Araújo a reçu des financements du Brazilian National Council for Scientific and Technological Development et de la Fondation CAPES, un organisme de financement du ministère brésilien de l'Éducation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fernanda Palhano-Fontes a reçu des financements du Brazilian National Council for Scientific and Technological Development et de la Fondation CAPES, un organisme de financement du ministère brésilien de l'Éducation.</span></em></p>L’ayahuasca est un breuvage psychoactif utilisé pour la médication et les rituels spirituels autochtones. Aujourd’hui, des chercheurs brésiliens révèlent qu’il est aussi efficace contre la dépression.Luís Fernando Tófoli, Professor of Psychiatry, Universidade Estadual de Campinas (Unicamp)Dráulio Barros de Araújo, Professor, Brain Institute, Universidade Federal do Rio Grande do Norte (UFRN)Fernanda Palhano-Fontes, Universidade Federal do Rio Grande do Norte (UFRN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/642602016-09-07T18:36:50Z2016-09-07T18:36:50ZLes effets attendus d’une légalisation des drogues en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/136323/original/image-20160901-1027-1p7i85u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La plante du délit.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/4st4roth/1367225624/in/photolist-35PoxA-nGKk8x-4N4jUC-ryNanm-8raLmR-5DNAX2-8raLci-bB9N7R-djzLyZ-6qksrn-swezVy-nTQWp9-7g7EB6-f4B4E-bRHoFz-nTQRHB-BWbV-pN8JQy-8JgQ1m-svdeM-BWbS-obkffz-dTDDh7-od6CLk-obbKiG-od6GWz-obfAxf-obbw4q-nTQ3kG-o9hWUE-nTQhvA-gYgvWd-fvJ7-4uNTFz-oP9ZWV-nTRA9X-9woUFh-FQc1eR-5ASjyq-nTQMk7-ob1v3z-pN71mt-nTR6a4-nTQZ9Z-9GApoJ-mSEj9T-4N4jfd-4N4kBh-yo2qS-9mbivn#undefined">Jose Hernandez/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>La légalisation des drogues peut être définie comme la consécration juridique des libertés d’user, de produire et de faire commerce de produits psychotropes jusqu’alors illicites. Elle se distingue de la dépénalisation qui désigne un assouplissement de la sanction pénale pouvant aller jusqu’à sa suppression pure et simple. La dépénalisation signale un processus d’affaiblissement de la répression, mais elle reste inscrite dans une logique prohibitionniste. La légalisation requiert au contraire une abrogation de l’interdit.</p>
<p>La légalisation des drogues peut être organisée selon des modalités variées et plusieurs systèmes de régulation sont concevables. Une libéralisation totale de tous les stupéfiants, abandonnés à la loi de l’offre et de la demande, n’aurait assurément pas les mêmes effets que l’autorisation de certains d’entre eux, dans le cadre d’un monopole d’État encadré par de rigoureux dispositifs sanitaires.</p>
<p>À s’en tenir au cannabis, les rares expériences de légalisation mises en œuvre témoignent de la <a href="http://www.addictionsuisse.ch/fileadmin/user_upload/DocUpload/ZobelMarthaler_Rapport_regulation_cannabis_v3.pdf">variété des modèles envisageables</a>. Le législateur uruguayen, par exemple, requiert des consommateurs qu’ils s’enregistrent auprès des autorités et qu’ils s’approvisionnent alternativement dans les pharmacies fournies par l’État, dans des clubs associatifs, ou dans le cadre d’une autoproduction quantitativement limitée.</p>
<p>Au contraire, les lois du Colorado s’en remettent largement aux acteurs privés et tiennent l’État à distance du marché, si ce n’est pour en encadrer l’activité et en taxer les bénéfices. Dans les deux cas, la réforme mise en œuvre est trop récente pour en mesurer précisément les effets et pour les imputer au cadre réglementaire choisi. Mais il est déjà possible, en gardant à l’esprit l’incertitude qui caractérise tout exercice de prospective juridique, de spéculer sur les conséquences d’une sortie de la prohibition.</p>
<h2>Sur le plan juridique</h2>
<p>La légalisation des drogues aurait pour conséquence l’abrogation d’un certain nombre d’infractions à la législation sur les stupéfiants. Il en résulterait logiquement une réduction de la délinquance en raison de la fin de l’illégalité attachée à des comportements faisant aujourd’hui l’objet d’une incrimination pénale : on songe, par exemple, aux millions d’infractions d’usage de stupéfiants commises chaque année en France.</p>
<p>S’il est certain qu’une large partie des activités de production et de distribution de drogues serait dès lors mise en œuvre dans un cadre légal, conformément à la réglementation en vigueur, le maintien d’un marché illicite résiduel ne respectant pas les normes établies est probable.</p>
<p>Sans évoquer l’évidente explication par le prix des produits licites, son ampleur dépendrait largement des modalités du cadre juridique adopté, notamment du régime de sanctions prévues en cas d’infraction aux règles établies, et de la nature des contraintes réglementaires pesant sur les acteurs du marché légal – qu’ils soient producteurs, distributeurs ou consommateurs.</p>
<h2>Sur le plan économique</h2>
<p>Il est très délicat de mesurer le potentiel de croissance qu’induirait une légalisation des drogues. Si l’on peut espérer le développement de nouvelles filières d’emplois autour de l’industrie du cannabis, l’exercice prospectif est ici hautement spéculatif. S’agissant des finances publiques, il est en revanche acquis qu’une telle réforme serait la source de nouveaux revenus générés par la taxation des drogues désormais légales. L’ampleur des recettes pour l’État dépendrait largement des modalités de la légalisation et elle demeure à cet égard très incertaine, mais l’<a href="https://www.colorado.gov/pacific/revenue/colorado-marijuana-tax-data">exemple du Colorado</a> atteste du fort potentiel fiscal d’une sortie de la prohibition.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136330/original/image-20160901-1061-15w36lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans l’État du Colorado, les clubs ont pignon sur rue.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/deegephotos/6020555126/in/photolist-ab1VhA-gNkyHf-pnL7G4-gUfjcK-npos1j-H8AWAa-o2UsWK-7E1geK-nb3mq4-94Ur8G-nhpd94-ntkxHr-GqQVLs-psRRh7-9sUHYT-iDuz7H-it2xAt-pKiNBM-no7HwZ-2qQgHL-GMeLBv-nUD83y-91JAtF-njTuYs-nnzE6H-pqop8t-jG3tRg-8ZVn5X-7bCFJA-ojvREN-nq2Adi-zCg5d3-sabzWH-DhaCV5-niCZEk-psPoRX-nTJH8Z-GArEV6-iGpdbz-FvazBt-9uqMvN-bzU9f8-oozK6R-psSwVe-pqoogt-4j3zc5-koaoSf-pEJcTj-oRMpSE-fekrn8#undefined">Daniel Spiess/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Celle-ci aurait également pour conséquence une baisse des dépenses de répression – l’activité policière, judiciaire et pénitentiaire consacrée au traitement des drogues illicites perdant sa raison d’être. Une partie des ressources ainsi dégagées devrait nécessairement être réorientée vers les services de l’État en charge d’organiser le marché légal sous la forme soit d’une régie nationale, soit d’une police des acteurs privés en charge de la production et de la distribution des drogues.</p>
<p>L’incertitude demeure en revanche sur le <a href="http://www.ofdt.fr/publications/collections/notes/le-cout-social-des-drogues-en-france/">« coût externe » des drogues</a>, c’est-à-dire le montant des ressources gaspillées ou économisées du fait de la légalisation (pertes de production, perte de vies humaines, perte de qualité de vie, etc.), lequel dépendra largement des effets de la légalisation sur la santé des populations.</p>
<h2>Sur le plan sanitaire</h2>
<p>Il est acquis que la légalisation permettrait un développement plus vigoureux des politiques de réductions des risques liés à l’usage de drogues, lesquelles sont logiquement bridées par le principe prohibitionniste. On a vu comment l’interdit des drogues a pu, par le passé, ralentir l’introduction de programmes de distribution de matériel d’injection stérile et de produits de substitution, et comment il opère aujourd’hui comme un obstacle à l’<a href="http://www.laviedesidees.fr/Les-salles-de-consommation-a-moindre-risque.html">ouverture de salles de consommation à moindre risque</a>.</p>
<p>Si la loi consacre désormais l’idée d’une prévention « des dommages sociaux et psychologiques liés à la toxicomanie » (art. L3121-4 du Code de la santé publique), elle ne résout pas l’antinomie juridique au cœur des politiques antidrogue. Comment le droit peut-il conférer un statut légal à des dispositifs destinés à sécuriser les conditions de consommation de produits dont l’usage est par ailleurs interdit ? La légalisation permettrait de résoudre cette contradiction et favoriserait les programmes d’aide à destination de populations fragilisées qui hésitent aujourd’hui à entrer en contact avec les services sociaux à raison de l’illégalité de leurs pratiques de consommation.</p>
<p>Dans un autre registre, la création d’un marché légal des drogues donnerait lieu, sous une forme ou sous une autre, à l’institution de contrôles de qualité des produits distribués, éliminant de ce fait la circulation de drogues frelatées porteuses de risques importants pour la santé des consommateurs. Plus incertaine est la question des conséquences de la légalisation sur les niveaux d’usage.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=271&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/136332/original/image-20160901-1061-1jjl9yp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=340&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sur une péniche d’Amsterdam.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/bensutherland/30871461/in/photolist-3Je1z-8neFop-5rHRYo-GpweG-4XeWgC-5TW633-ome8j8-8nHeGD-ovMz21-rHnwE-4w79y2-8xVNEi-GXDmY-6W5yyd-278m9-4AqYjQ-dCYZu-4DvNqx-6vwDoH-6qREV5-5uTUCf-77Y5t2-5uahED-b994X-cZD3Ps-9VJ4M3-6sdmGF-LhJma-6Z9wzT-hGhq7-7thS3K-4cTaT8-2UpW9Z-GT7u-an4rXj-fripvw-9vUpTF-5rDtxn-782ZfN-rQthzb-q2gLyE-gnnXbh-5uwnaU-5fYnbH-q2gSz7-q2oU8V-qiEfa4-631RsK-6eZc93-5Joi73#undefined">Ben Sutherland/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Si l’on peut légitimement redouter une hausse de la consommation, celle-ci n’est pas du tout certaine. Les comparaisons internationales témoignent en effet de l’absence de corrélation entre la prévalence de l’usage et le régime juridique en vigueur : ainsi <a href="http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=2088246">aux Pays-Bas, la vente de cannabis en <em>coffee shops</em> ne semble pas donner lieu à une consommation accrue de ce produit</a>. À cet égard, on peut penser que les modalités de mise en œuvre de la légalisation – par exemple, l’interdiction de la publicité, l’interdiction de la vente aux mineurs, le développement de programmes d’éducation et de prévention – constituent des leviers susceptibles de contenir, voire de réduire les niveaux de consommation qu’une levée de la prohibition pourrait au contraire encourager.</p>
<h2>Sur le plan sécuritaire</h2>
<p>Quoique le <a href="http://www.emcdda.europa.eu/system/files/publications/470/Dif16FR_84994.pdf">lien entre criminalité et drogues illicites</a> soit bien établi d’un point de vue statistique, leur relation apparaît complexe et contre-intuitive. Il est ainsi établi que la répression des usagers-revendeurs et des trafiquants, et l’absence de régulation du marché, conséquences directes de la prohibition, expliquent une <a href="http://www.ijdp.org/article/S0955-3959(11)">part importante de la violence liée aux drogues</a>. Dans cette perspective, il est très probable que la légalisation contribuerait à une baisse du niveau général de la délinquance.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/jL--K3DWR_c?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La réglementation de la production et de la distribution de substances aujourd’hui illicites affaiblirait les acteurs de la criminalité organisée, qui tirent une grande partie de leurs revenus de ce commerce et l’organisent sur des territoires pour partie hors de contrôle. Elle réduirait d’autant les risques de <a href="http://www.france24.com/fr/20160523-stups-cannabis-drogue-indic-francois-thierry-chef-ocrtis-reseau-revelation-liberation">corruption des agents publics</a>. En outre, le retour dans le giron de l’économie légale des revenus des ventes de drogues permettrait de réduire les flux d’argent sale réintroduits dans le système bancaire, aujourd’hui utilisé pour blanchir une grande partie des profits illégaux générés par les trafiquants.</p>
<h2>Sur le plan politique</h2>
<p>Il convient de ne pas sous-estimer les vertus pacificatrices de la légalisation. La forme radicalisée de la prohibition qu’exprime la rhétorique de la « guerre à la drogue » et l’accent punitif qui caractérise l’actuelle politique de lutte contre la toxicomanie n’est pas sans conséquence sur le lien social. La gestion différentielle des illégalismes qui aboutit à des formes de discriminations socioethniques dans la répression contribue à attiser les tensions entre les institutions de maintien de l’ordre et certains segments de la population.</p>
<p>Par ailleurs, la normalité sociale de l’usage de stupéfiants, attestée par une consommation largement expérimentée et par le traitement complaisant que lui réservent les médias de masse, témoigne du profond décalage entre la norme juridique et les mœurs. Ce décalage, dont témoigne la cruelle absence d’effectivité de la règle, sape les fondements mêmes du droit.</p>
<p>Dans cette perspective, loin d’être le signe d’un renoncement de l’État à protéger sa population, une légalisation rigoureusement contrôlée apparaîtrait au contraire comme un <a href="http://www.laviedesidees.fr/Legaliser-les-drogues.html">engagement fort au service de la santé et de la sécurité de tous</a> dans le respect de la liberté de chacun.</p>
<p><em>Cet article est également publié dans la revue trimestrielle du Haut Conseil de la santé publique : « Actualité et dossier en santé publique » n° 95, juin 2016, 46-47.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/64260/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Renaud Colson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Régulièrement, l’hypothèse d’une légalisation du cannabis resurgit dans le débat politique. Quels seraient les effets d’une telle réforme législative ? Petit exercice de prospective.Renaud Colson, Maître de conférences à l’Université de Nantes (UMR CNRS Droit et Changement Social), Université de NantesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.