tag:theconversation.com,2011:/us/topics/qualite-de-vie-48280/articlesqualité de vie – The Conversation2024-02-01T18:59:23Ztag:theconversation.com,2011:article/2213902024-02-01T18:59:23Z2024-02-01T18:59:23ZLes classements des villes sur leur qualité de vie nous informent souvent mal sur leur développement durable<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569946/original/file-20240108-27-dzn9ni.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C0%2C2751%2C1553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les palmarès des villes se concentrent souvent sur les facteurs économiques et de développement et négligent la durabilité et l'environnement.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, des indices sont publiés afin de classer les villes du monde selon leur <a href="https://www.theglobeandmail.com/investing/article-most-livable-cities-canada-2023/">habitabilité</a>, leur <a href="https://www.arcadis.com/en/knowledge-hub/perspectives/global/sustainable-cities-index">durabilité</a>, leur <a href="https://innovation-cities.com/worlds-most-innovative-cities-2022-2023-city-rankings/26453/">innovation</a> et leur qualité de vie en général. Les grandes villes canadiennes comme Vancouver, Calgary et Toronto sont <a href="https://www.cicnews.com/2023/12/3-canadian-cities-ranked-among-the-most-liveable-in-the-world-1241721.html">souvent</a> en <a href="https://www.cicnews.com/2023/12/3-canadian-cities-ranked-among-the-most-liveable-in-the-world-1241721.html">tête de ces listes</a>, en dépit de leur <a href="https://www.vancouverisawesome.com/local-news/vancouver-ranks-3rd-most-expensive-city-in-north-america-5490661">coût élevé de la vie</a>.</p>
<p>Le classement des <a href="https://macleans.ca/canadas-best-communities-in-2021-full-ranking/">meilleures collectivités du Canada</a> établi par le magazine <em>Maclean’s</em> évalue 415 collectivités en fonction de divers indicateurs, notamment la prospérité économique, l’accessibilité du logement, la fiscalité, la mobilité durable, la sécurité publique ainsi que l’accès aux services de santé et aux activités culturelles et de loisirs.</p>
<p>Ces indicateurs et indices de qualité de vie peuvent être utiles pour comparer les villes ou choisir un lieu de résidence. Néanmoins, si les villes basent leurs politiques sur de tels critères, cela pourrait conduire à un développement non durable.</p>
<h2>Différences entre durabilité et qualité de vie</h2>
<p>Une <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolind.2020.106879">étude récente</a> a mis en lumière les critères environnementaux et socio-économiques couramment utilisés, en utilisant des indicateurs tels que les espaces verts, le recyclage, l’utilisation des transports publics, le taux de chômage et le taux de criminalité.</p>
<p>Une autre récente <a href="https://www.espon.eu/programme/projects/espon-2020/applied-research/quality-of-life">étude internationale</a> réalisée par l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Observatoire_en_r%C3%A9seau_de_l%27am%C3%A9nagement_du_territoire_europ%C3%A9en#:%7E:text=L%27Observatoire%20en%20r%C3%A9seau%20de,de%20la%20politique%20r%C3%A9gionale%20europ%C3%A9enne.">Observatoire en réseau de l’aménagement du territoire européen</a> a évalué les villes selon des critères comme l’emploi, le logement, l’accès aux soins de santé et la sécurité. Les indicateurs comprenaient, entre autres, le coût de la vie, le revenu des ménages et la qualité des services publics.</p>
<p>Beaucoup des indicateurs de ces classements sont utilisés pour mesurer à la fois le développement durable et la qualité de vie dans une ville. Cette convergence peut s’expliquer par la <a href="https://www.iisd.org/articles/deep-dive/pathways-sustainable-cities">base commune de ces deux concepts</a> : il s’agit essentiellement de la manière dont une ville satisfait les besoins essentiels de ses habitants, que ce soit en matière de logement, de transport, de santé, d’éducation et de loisir.</p>
<p>La capacité à satisfaire ces besoins dépend fortement de facteurs économiques, comme le revenu, la richesse et le coût de la vie, qui jouent un rôle clé dans l’évaluation de la durabilité et de la qualité de vie des villes. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un couple de personnes âgées se promenant dans un parc avec un vélo" src="https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568733/original/file-20240110-21-uisy1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le développement visant à améliorer la vie urbaine peut parfois se faire au détriment de la durabilité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Malgré ces points communs, des <a href="https://researcharchive.lincoln.ac.nz/server/api/core/bitstreams/81da68e3-f4cb-4b2c-a67b-506d41bd84e4/content">contradictions</a> apparaissent. Des initiatives visant à améliorer la vie urbaine — l’expansion des infrastructures par exemple — peuvent parfois se faire au détriment de l’environnement, ce qui va à l’encontre des principes du développement durable.</p>
<p>En outre, l’accent mis sur la durabilité ne garantit pas nécessairement l’amélioration des conditions de vie. En effet, la durabilité peut requérir la réduction de la consommation de certains biens et services, une diminution de la taille des logements pour densifier les quartiers, ou l’instauration de taxes pour diminuer la pollution. </p>
<p>Ces mesures, quoique bénéfiques pour l’environnement, peuvent réduire le confort individuel et augmenter le coût de la vie, impactant ainsi la qualité de vie des habitants.</p>
<h2>Les caractéristiques des villes durables et agréables à vivre</h2>
<p>Nous avons récemment mené une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264275123004201">étude visant à répondre à la question suivante</a> : quelles sont les caractéristiques des villes les plus performantes en termes de qualité de vie et de durabilité ?</p>
<p>Pour répondre à cette question, nous avons analysé les similitudes et les différences entre les facteurs qui sous-tendent les classements en matière de durabilité et de qualité de vie pour 171 villes canadiennes de plus de 25 000 habitants.</p>
<p>Nos résultats révèlent une corrélation positive et statistiquement significative entre la qualité de vie urbaine et les indicateurs de développement durable dans les villes canadiennes. Cependant, des contradictions importantes existent concernant la durabilité des modes de vie dans les trois principales dimensions du développement durable : économique, sociale et environnementale.</p>
<p>Par exemple, Wood Buffalo, en Alberta, se classe dans les 20 % des villes les plus performantes en matière de durabilité, principalement en raison de ses revenus élevés et de sa population instruite, malgré une faible performance environnementale. En revanche, elle se situe dans les 20 % inférieurs pour la qualité de vie à cause du coût élevé de la vie et du manque d’équipements culturels. </p>
<p>Kamloops, en Colombie-Britannique, a obtenu de bons résultats en matière de qualité de vie, grâce à son abordabilité, la qualité de l’éducation et des soins de santé, et sa richesse culturelle. En revanche, elle se situe dans les 20 % inférieurs pour la durabilité, en raison des défis liés à la gestion des déchets, de l’énergie et de l’écologisation.</p>
<p>Les évaluations de la qualité de vie sont principalement basées sur des dimensions économiques et prennent en compte des indicateurs tels que le taux de chômage et le revenu moyen. Certains indicateurs concernent également la dimension sociale du développement durable, notamment la criminalité, l’accessibilité du logement, la santé et les arts. </p>
<p>Toutefois, certains aspects sociaux fondamentaux du développement durable, comme la répartition de la richesse et l’éducation, ne sont pas abordés directement.</p>
<p>La dimension environnementale est également largement négligée, à l’exception de la mobilité durable (par exemple, combien de personnes utilisent les transports publics). Il y a également absence de mesures directes des émissions de gaz à effet de serre, de la qualité des espaces verts ou de la qualité de l’eau d’une ville.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un trottoir de ville très fréquenté" src="https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568734/original/file-20240110-21-au3gwa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les indices de qualité de vie peuvent être utiles pour comparer les villes. Toutefois, si les villes fondent leur politique sur de telles mesures, cela pourrait conduire à un développement non durable.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Les villes devraient donner la priorité à la durabilité</h2>
<p>Ces différences entre la qualité de vie et le développement durable sont préoccupantes pour deux raisons principales. Tout d’abord, comme les gens peuvent utiliser ces classements pour décider où vivre, les villes bien classées, mais dont la durabilité est faible peuvent paraître attrayantes. </p>
<p>Deuxièmement, comme les villes cherchent généralement à attirer des résidents, elles peuvent être tentées de prendre des décisions basées sur des variables qui améliorent leur classement en matière de qualité de vie au détriment du développement durable. </p>
<p>Les villes les mieux classées sont susceptibles de maintenir le statu quo en ce qui concerne leur stratégie de développement afin de rester en tête de liste. En outre, les villes moins bien classées sont susceptibles d’imiter les façons de faire des villes les plus performantes.</p>
<p>Toutefois, ces objectifs ne sont pas toujours compatibles avec la durabilité urbaine, qui prend en compte des préoccupations environnementales et collectives plus larges, telles que la préservation de la qualité de l’environnement et la réduction de la pression sur les ressources naturelles et les espaces verts.</p>
<p>Cela signifie que la qualité de vie n’est pas durable si elle ne tient pas compte des impacts environnementaux tels que la gestion des déchets et l’utilisation de la voiture. Il en va de même pour la répartition de la richesse. </p>
<p>Donner la priorité à la durabilité, même si cela signifie un classement inférieur en termes de qualité de vie à court terme, garantit que les villes resteront viables. Intégrer des mesures de durabilité dans les politiques publiques, telles que l’amélioration des transports publics et la conservation d’espaces verts, est essentiel pour répondre aux besoins actuels et anticiper les défis futurs, garantissant ainsi un bien-être à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221390/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les indicateurs qui mesurent la qualité de vie d’une ville dans les palmarès ne disent pas tout, notamment en ce a trait à son développement durable.Georges A. Tanguay, Professeur titulaire, Université du Québec à Montréal (UQAM)Juste Rajaonson, Professeur agrégé, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2178662023-11-20T10:50:15Z2023-11-20T10:50:15ZDes applications pour améliorer la qualité de vie au travail ? Prenez garde aux écueils !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/559890/original/file-20231116-26-r8nl42.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C7395%2C4140&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Wittyfit, Moodwork, Supermood ou encore Zestmeup proposent aux entreprises un accompagnement pour améliorer la qualité de vie au travail.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La dégradation de la santé des travailleurs en France est devenue au fil des années un sujet préoccupant. De nombreuses études font état d’un <a href="https://www.fr.adp.com/a-propos-adp/communiques-de-presse/stress-au-travail-salarie-francais.aspx">accroissement des risques psychosociaux</a>, avec une détérioration d’indicateurs comme le niveau de stress, la détresse psychologique ou encore l’épuisement professionnel.</p>
<p>Face à ces risques, les entreprises tentent parfois de reprendre la main sur la prévention de la <a href="https://theconversation.com/topics/sante-au-travail-132582">santé au travail</a> au moyen d’outils technologiques. Mano Mano, spécialiste du bricolage et du jardinage en ligne, <a href="https://www.lesechos.fr/thema/articles/comment-manomano-veille-sur-la-sante-mentale-de-ses-salaries-grace-a-mokacare-1868082">recourt par exemple à Moka.care</a> pour accompagner ses effectifs éparpillés et prendre soin de leur santé mentale.</p>
<p>Ces applications visant à l’amélioration de la <a href="https://theconversation.com/topics/qualite-de-vie-48280">qualité de vie</a> et des conditions de travail connaissent depuis quelques années un important développement. Elles se nomment Wittyfit, Moodwork, Supermood ou encore Zestmeup. Relativement peu connues encore, ces start-up se caractérisent par une forte dynamique de croissance et certaines, comme Moodwork, revendiquaient déjà <a href="https://www.lemondeinformatique.fr/actualites/lire-qualite-de-vie-au-travail-moodwork-leve-2meteuro-pour-accelerer-en-europe-77256.html">plus de 150 000 salariés accompagnés en 2020</a>.</p>
<p>Au-delà de leur promesse néanmoins, l’utilisation de ces outils comporte également le risque d’être exploités à des fins moins vertueuses, tombant malgré eux dans une logique d’individualisation des problèmes invisibilisant les enjeux organisationnels, ou bien en se trouvant pris dans des jeux de pouvoir dans lesquels leurs résultats se voient détournés.</p>
<h2>Des technologies prometteuses</h2>
<p>Nos <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2023-1-page-44.htm">travaux</a> ont montré que le contexte de la crise sanitaire a accentué, en même temps qu’une recherche du <em>care</em> en entreprise, la recherche d’outils de gestion du bien-être des équipes à distance. La numérisation d’aspects autrefois considérés comme subjectifs, tels que le bien-être, l’engagement et la satisfaction des employés, suscite un intérêt croissant. Fini le questionnaire papier traité à la main pour évaluer le bien-être des employés, ces technologies de l’information et de la communication (TIC) automatisent désormais la collecte, le traitement et la visualisation des données RH. Elles offrent tous les avantages (instantanéité, facilité d’usage, ergonomie, à coût réduit) et les fonctionnalités de services et de prestations adaptables à des plates-formes numériques.</p>
<p>De nouveaux indicateurs sont ainsi mis au service des gestionnaires des ressources humaines, des managers ou encore de leurs équipes sur la prévention de sa santé, ainsi qu’un ensemble de services : accès à un psychologue, fiches-conseils, webinaires, formations… Ces start-up de la « Happy technology » mettent en avant une meilleure santé mentale et le bonheur au travail. Elles cherchent à transformer la perception des risques psychosociaux en promouvant un bien-être au travail.</p>
<p>Les médias en ligne regorgent ainsi d’articles décrivant ces applications comme permettant aux employés de reprendre le contrôle sur leur bien-être au travail ou d’offrir au dirigeant la capacité de piloter le capital humain. Ces technologies sont présentées comme des outils émancipateurs et collaboratifs, modifiant la relation entre différents acteurs.</p>
<p>Elles sont aussi associées à une possible prise de pouvoir des utilisateurs sur leur santé et aussi, partiellement, sur l’organisation grâce à la capacité d’expression offerte. Les équipes obtiennent un outil qui doit libérer la parole au service de l’amélioration globale de la qualité de vie au travail. L’outil doit permettre de rassembler autour d’un sujet bien souvent clivant en permettant de mettre en accord un ensemble d’acteurs internes (dirigeant, syndicats…) ou externes à l’organisation (médecin du travail…).</p>
<p>Nous identifions toutefois deux risques majeurs en matière de prévention de la santé au travail.</p>
<h2>Déresponsabilisation de l’organisation</h2>
<p>Ces applications adoptent des approches variées pour aborder les risques psychosociaux au sein des entreprises. Certaines se concentrent sur l’adaptation de l’individu au travail, principalement à un niveau de prévention proche du curatif. C’est par exemple proposer une cellule d’écoute psychologique. D’autres visent à adapter le travail à l’individu, avec une approche plus primaire, où l’on cherchera davantage à agir sur l’organisation du travail dont l’employeur est le principal responsable. Elles proposent par exemple des diagnostics pour favoriser le dialogue social sur la prévention.</p>
<p>Le choix de tel ou tel d’outil de mesure en santé au travail n’est pas neutre et peut refléter les valeurs et choix stratégiques de l’organisation. Certains obstacles à l’intervention organisationnelle, liés souvent à un manque de volonté commune pour agir sur l’organisation du travail, favorisent une approche individualisante, parfois insuffisante.</p>
<hr>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Les applications encouragent en effet souvent les employés à effectuer un autosuivi de leur santé mentale. Cependant, cette approche psychologisante peut parfois négliger les aspects organisationnels des risques psychosociaux. Un psychologue nous explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« J’en vois qui me disent : “j’ai essayé la relaxation pour être mieux au travail mais je n’y arrive pas… ”. Ils culpabilisent alors encore plus de ne pas réussir à accéder à ce bien-être-là, comme s’ils en étaient responsables. »</p>
</blockquote>
<p>Bien que l’efficacité d’une approche centrée sur l’individu puisse avoir tout son sens, elle porte le risque de glisser vers une déresponsabilisation de l’organisation. Quand la gestion des données de santé s’en remet à l’organisation toutefois, d’autres écueils peuvent se faire montre.</p>
<h2>Des applications prises dans des jeux de pouvoir</h2>
<p>Les applications génèrent en effet et distribuent des informations entre différents acteurs, avec des statuts spécifiques. Cependant, comme l’ont bien identifié nos travaux, quand chaque acteur, tant interne qu’externe à l’organisation, tente de maximiser son influence, leurs intérêts divergents se reflètent alors dans la prévention de la santé au travail. La <a href="https://www.cairn.info/la-boite-a-outils-du-management--9782100795789-page-116.htm">maîtrise de l’information</a> constituant une source de pouvoir, les utilisateurs adaptent l’outil à leurs besoins, renforçant ainsi leur propre influence. Cela répond au questionnement de ce responsable RH :</p>
<blockquote>
<p>« Le problème que l’on a pu constater avec la plate-forme est que, au départ, les associés ne souhaitaient pas que l’on communique les résultats… On a un peu manqué de transparence. Et, pour notre part, on ne comprenait pas pourquoi, parce que les résultats étaient plutôt satisfaisants… »</p>
</blockquote>
<p>Cette appropriation centrée sur l’influence permet à l’utilisateur de consolider sa position au sein de l’organisation.</p>
<p>Les dirigeants peuvent en outre être réticents à partager des informations qui pourraient compromettre leur position. La peur de l’ampleur des problèmes potentiels peut les freiner ou les inciter à filtrer les données en fonction de leurs intérêts. « Quelle transparence et quelle véritable intention derrière l’utilisation des applications de qualité de vie au travail ? », peut-on se demander.</p>
<p>Pour se parer contre ces dérives possibles et aborder efficacement les risques psychosociaux au travail, il est essentiel de trouver un équilibre entre la responsabilisation individuelle et la transformation organisationnelle, en reconnaissant le rôle actif de l’individu et la capacité du groupe de travail à influencer son organisation. En outre dans cette lutte d’influence qui laisse planer des incertitudes quant à la véritable portée des actions entreprises, nous recommandons également qu’un mode de gouvernance transparent soit maintenu pour ne pas réduire les bénéfices potentiels de l’usage de ces technologies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217866/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Utiliser des applications pour agir sur la QVCT peut conduire les individus à culpabiliser plus que de raison, ou bien les dirigeants à les instrumentaliser à des fins personnelles.Nikolaz Le Vaillant, Doctorant en sciences de gestion, Université Bretagne SudMarc Dumas, Professeur en management et gestion des ressources humaines, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2064262023-06-05T09:52:49Z2023-06-05T09:52:49ZQualité de vie au travail et incertitude : pourquoi ne rechercher que des solutions individuelles ?<p>À côté, en complément ou en compensation (c’est selon) de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reforme-des-retraites-82342">réforme des retraites</a>, le gouvernement a voulu lancer une réflexion générale sur le <a href="https://theconversation.com/topics/travail-20134">travail</a>. Le président de la République a notamment annoncé la mise en place d’un <a href="https://www.tf1info.fr/politique/video-reforme-des-retraites-pacte-de-la-vie-au-travail-conditions-de-travail-salaires-les-propositions-de-emmanuel-macron-2254395.html">« pacte de la vie au travail »</a> qui sera dessiné « d’ici la fin de l’année » avec les partenaires sociaux. En parallèle, et pour le nourrir, les <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/dossiers-de-presse/article/conseil-national-de-la-refondation-assises-du-travail">Assises du travail</a> ont été lancées. Le rapport sur lequel elles ont débouché le 24 avril invite notamment à « gagner la bataille de la confiance par une révolution des pratiques managériales et en associant davantage les travailleurs » ou encore à « préserver la santé physique et mentale des travailleurs, un enjeu de performance et de responsabilité pour les organisations ».</p>
<p>Ce que montrent nos <a href="https://www.researchgate.net/profile/Anthony-Clain/publication/351385309_L%E2%80%99impact_du_leadership_participatif_sur_la_reduction_de_l%E2%80%99incertitude_et_la_satisfaction_des_besoins_psychologiques_des_conseillers_de_Pole_Emploi/links/6320879e873eca0c0084cd4c/Limpact-du-leadership-participatif-sur-la-reduction-de-lincertitude-et-la-satisfaction-des-besoins-psychologiques-des-conseillers-de-Pole-Emploi.pdf">recherches récentes</a>, menées avec un regard de psychologue, est que ces deux notions sont bien liées : des modes de gestions participatifs permettent bien d’améliorer la <a href="https://theconversation.com/topics/qualite-de-vie-48280">qualité de vie</a> au travail. Nous le montrons notamment en ce qui concerne la manière dont on peut aborder des contextes incertains, parfois source de <a href="https://theconversation.com/topics/stress-20136">stress</a> et d’anxiété.</p>
<h2>Incertitude, stress et anxiété</h2>
<p>Cela relève d’un truisme : le monde est de plus en plus incertain : tensions sociales, guerre en Ukraine, augmentation générale des prix, crise énergétique scénarios alarmants sur les potentielles sècheresses… Le monde bouge et véhicule avec lui un lot de changements <a href="https://theconversation.com/decider-dans-lincertitude-et-si-vous-vous-mettiez-a-la-retroprospective-136446">sans véritablement savoir ce qu’ils changeront</a>.</p>
<p>Par-delà le monde politique, c’est aussi dans les organisations de travail que cette incertitude est bien souvent perçue. Trop souvent, le <a href="https://theconversation.com/managers-et-si-vous-arretiez-de-dire-des-choses-qui-ne-servent-a-rien-202866">jargonnage</a> d’initié confinant parfois à la pure <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/langue-de-bois-en-entreprise-comment-maitriser-les-bases-de-la-novlangue-921479">novlangue orwellienne</a> dissimule à peine cette réalité. À l’heure où l’on parle de « flexibilisation », ou de « mutualisation », un chapeau général nommé « incertitude » pourrait tout aussi être utilisé. Du reste, la recherche croissante de sens au travail, les difficultés de recrutement de la génération Z, ou le (prétendu ?) phénomène de la grande démission sont peut-être dus (ou au moins liés) à cette profonde incertitude.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1650542270368677891"}"></div></p>
<p>Commençons par définir les termes. L’incertitude c’est tout d’abord le fait de ne pas pouvoir mettre en relation un élément avec un ou plusieurs autre(s). Cette « perception d’inconsistance » (tel est le <a href="https://citeseerx.ist.psu.edu/document?repid=rep1&type=pdf&doi=9d4d3222e57cc6d2697e618e4867b6ea91068700">terme que l’on reprend</a> pour poser les bases de notre <a href="https://theses.hal.science/tel-04020109/document">définition</a>) entraîne un état émotionnel aversif qui déclenche enfin le besoin de résoudre ce conflit.</p>
<p>Un salarié peut, par exemple, constater qu’il ne dispose pas des informations nécessaires pour satisfaire les demandes de son manager. Cela entraîne chez lui un état émotionnel négatif, se traduisant généralement par une <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2007-3-page-289.htm">augmentation du stress et une anxiété accrue</a>. Il lui semble alors impératif de réguler la situation, un peu comme une alarme qui continue à sonner tant que personne ne la coupe.</p>
<p>Il existe bien sûr des <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2Ft00995-000">différences psychologiques entre les individus</a>. Pour filer la métaphore de l’alarme, certains sont psychologiquement plus disposés à subir cette alarme que d’autres qui préféreront la faire taire au plus vite.</p>
<p>Il existe par ailleurs <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277953617301703">trois grandes sources d’incertitude</a>. Il y a ce qui relève de la probabilité, c’est-à-dire le caractère aléatoire ou non déterminé d’une information, ce qui relève de l’ambiguïté, c’est-à-dire d’un manque de fiabilité de l’information, et enfin de la complexité, c’est-à-dire de difficulté à comprendre l’information.</p>
<h2>L’incertitude, un nouveau risque psychosocial ?</h2>
<p>L’incertitude n’implique donc pas directement stress ou anxiété : c’est tout un processus qui y peut y conduire. Certaines différences psychologiques (ou certains états d’esprit) peuvent rendre l’expérience de l’incertitude peu anxiogène, voire carrément stimulante.</p>
<p>Néanmoins, considérer l’incertitude comme un <a href="https://hal.science/hal-01907551/document">risque psychosocial</a> (RPS) aurait l’avantage de rendre plus tangible le potentiel délétère qu’elle représente. Et par là même, sensibiliser davantage les organisations à ce risque que courent leurs salariés. De fait, comme le précise le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/sante-au-travail/prevention-des-risques-pour-la-sante-au-travail/article/risques-psychosociaux#:%7E:text=Les%20risques%20psychosociaux%20sont%20d%C3%A9finis,et%20aux%20relations%20de%20travail.">ministère du Travail</a> :</p>
<blockquote>
<p>« la prévention des risques psychosociaux s’inscrit dans l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGISCTA000006178066">obligation générale</a> de protection de la santé physique et mentale des travailleurs. »</p>
</blockquote>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521343/original/file-20230417-974-5x3idt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>La question de la régulation de l’incertitude reste de plus un angle mort des politiques de qualité de vie au travail déployées un peu partout. Certains <a href="https://link.springer.com/content/pdf/10.1007/s11205-004-5368-4.pdf">outils diagnostics</a> ont, certes, parfois intégré cette dimension mais cela ne signifie pas pour autant que cette question bénéficie du traitement qu’elle devrait recevoir, eu égard à sa prévalence dans nos vies quotidiennes.</p>
<h2>Face à l’incertitude, des pratiques participatives</h2>
<p>Comment donc réguler l’incertitude ? Ou dit autrement, comment la ramener à un niveau psychologiquement tolérable pour les individus ? Différentes solutions ont été proposées.</p>
<p>Beaucoup actionnent des leviers individuels. Il s’agirait, par exemple, de <a href="https://theconversation.com/cinq-conseils-pour-survivre-dans-un-monde-de-plus-en-plus-incertain-125766">développer un état d’esprit</a> plus favorable à l’accueil de l’incertitude, de se reposer sur la planification, ou bien sur le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2007-3-page-235.htm">développement de puissantes ressources psychosociales</a>. Bien que souvent pratiques car « clés en main », ces propositions laissent tout de même perplexe : proposer des solutions individuelles revient à faire <a href="https://journals.openedition.org/pistes/3086">porter la responsabilité à l’individu</a> de phénomènes qu’il ne contrôle pas initialement. C’est alors bien souvent oublier qu’il existe aussi des solutions managériales.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/528265/original/file-20230525-27-qaured.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<p>Spoiler, la mise en place d’une grande <a href="https://theconversation.com/sois-heureux-et-tais-toi-101778">« happycratie »</a> inclusive ne sera pas suffisante. Dans une <a href="https://www.researchgate.net/profile/Anthony-Clain/publication/351385309_L%E2%80%99impact_du_leadership_participatif_sur_la_reduction_de_l%E2%80%99incertitude_et_la_satisfaction_des_besoins_psychologiques_des_conseillers_de_Pole_Emploi/links/6320879e873eca0c0084cd4c/Limpact-du-leadership-participatif-sur-la-reduction-de-lincertitude-et-la-satisfaction-des-besoins-psychologiques-des-conseillers-de-Pole-Emploi.pdf">étude récente</a>, nous avons néanmoins testé les perspectives offertes par une solution collective.</p>
<p>Nous avons tenté de mesurer l’impact des pratiques participatives véhiculées au sein d’une organisation sur l’incertitude (plus précisément quand elle prend la forme de l’ambiguïté) et la qualité de vie au travail perçues. Il s’agissait d’un public de conseillers en évolution professionnelle. La présence d’émotions (positives/négatives) et la satisfaction/frustration des besoins psychologiques ont servi d’indicateurs de la qualité de vie au travail.</p>
<p>Nos résultats indiquent un impact positif de ces pratiques participatives. Il semble s’expliquer en partie par la capacité de celles-ci à réguler l’incertitude. Dit autrement : c’est parce que ces pratiques participatives contribuent à réduire l’incertitude qu’elles permettent d’améliorer (en partie) la qualité de vie au travail. Les pratiques directives, elles, ne fonctionnent tout simplement pas pour réguler l’incertitude. Pire, elles présentent un impact négatif sur la qualité de vie au travail.</p>
<h2>En pratique : partager, faciliter et impliquer</h2>
<p>« Oui mais ça marche pas partout. Chez les pompiers par exemple… » « Donc on gère les crises en prenant juste le temps d’impliquer tout le monde ? » « Et dans une situation où des vies sont en jeu ? A l’armée ou en temps de guerre… » : les objections peuvent être nombreuses et, bien évidemment, il ne s’agit pas de dire que les situations de crise peuvent et doivent être gérées de manière participative.</p>
<p>Néanmoins, dans le cadre du travail tertiaire, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277675?sommaire=4318291">75 % des emplois en France</a> tout de même, cela peut fonctionner de cette manière. En pratique, trois mots d’ordre peuvent nous aiguiller : partager, faciliter et impliquer.</p>
<p>Partager un maximum l’information plutôt que de la concentrer reste fondamental et permet de limiter le développement des <a href="https://www.researchgate.net/profile/Elmie-Nekmat/publication/334797790_Effects_of_online_rumors_on_attribution_of_crisis_responsibility_and_attitude_toward_organization_during_crisis_uncertainty/links/5d47a696a6fdcc370a7c52e9/Effects-of-online-rumors-on-attribution-of-crisis-responsibility-and-attitude-toward-organization-during-crisis-uncertainty.pdf">rumeurs en temps d’incertitude</a> (rumeurs qui sont bien souvent des explications naïves d’évènements ou processus complexes, augmentant l’illusion de contrôle personnel de leurs auteurs).</p>
<p>Faciliter le développement des compétences de ses salariés permet de les faire gagner en maturité professionnelle, de se sentir mieux armé face à l’incertitude, et donc de moins percevoir un contexte comme incertain. Enfin, les impliquer le plus possible dans le processus de prise de décision, même si ce n’est pas toujours évident, reste le <a href="https://theses.hal.science/tel-04020109/document">levier principal de régulation de l’incertitude</a>. Des solutions simples peuvent être mobilisées : ouvrir à la discussion, inviter plutôt qu’imposer, déléguer plutôt que centraliser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206426/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anthony Clain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour ramener l’incertitude à un niveau psychologiquement acceptable pour les individus, les organisations mettent souvent en place des dispositifs individuels. Mais est-ce bien la bonne échelle ?Anthony Clain, Docteur en Psychologie Sociale - Chercheur Associé, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2016362023-03-30T11:52:09Z2023-03-30T11:52:09ZAMM : voici pourquoi il serait injustifié de rejeter les demandes anticipées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517969/original/file-20230328-3398-p1o4pt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=60%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le 16 février, la ministre déléguée à la Santé et aux Aînés, Sonia Bélanger, a déposé le <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-11-43-1.html">projet de Loi</a> modifiant la Loi concernant les soins de fin de vie et d’autres dispositions législatives. </p>
<p>S’il est adopté par l’Assemblée nationale, le PL 11 fera du Québec l’une des rares sociétés du monde (avec la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Colombie) à autoriser les demandes anticipées d’aide médicale à mourir (AMM), en prévision de l’inaptitude.</p>
<p>Alors que le plus récent rapport du <a href="https://www.parl.ca/DocumentViewer/fr/44-1/AMAD/rapport-2">Comité mixte spécial</a> sur l’AMM du Parlement canadien appuie les demandes anticipées et que la <a href="https://alzheimer.ca/sites/default/files/documents/SAC-Declaration-Rapport-AMM-17-fev-2023.pdf">Société Alzheimer du Canada</a> accueille le projet de loi 11 avec soulagement, d’autres voix expriment leur inquiétude face à l’idée que l’on puisse recevoir l’aide médicale à mourir, alors même qu’on ne peut plus réitérer sa volonté.</p>
<p>Nous sommes professeur·e·s de philosophie morale et politique. Ayant respectivement coprésidé, et assisté comme analyste-experte et rédactrice, le <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-002437/">Groupe d’experts</a> sur l’aide médicale à mourir et la question de l’inaptitude mandaté par Québec, nous avons eu l’occasion d’entendre de nombreux témoignages, aussi bien en faveur qu’en défaveur de la mise en place d’un tel régime, et d’étudier les risques qui y sont associés.</p>
<p>Selon nous, les préoccupations raisonnables que peut susciter la mise en œuvre d’un régime de demandes anticipées ne doivent pas conduire à son rejet catégorique, mais plutôt à son encadrement rigoureux.</p>
<h2>Ce que la loi permet formellement</h2>
<p>Depuis 2015 au Québec, et 2016 dans l’ensemble du Canada, les adultes aptes au consentement, qui vivent avec une maladie grave et incurable entraînant des souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables, peuvent formuler une demande d’aide médicale à mourir.</p>
<p>Depuis mars 2021, la nouvelle <a href="https://www.canada.ca/fr/ministere-justice/nouvelles/2021/03/la-nouvelle-loi-sur-laide-medicale-a-mourir-est-entree-en-vigueur.html">loi fédérale</a> n’exige plus que la mort de la personne soit raisonnablement prévisible pour qu’elle puisse bénéficier de l’AMM. Au Québec, en 2022, selon la <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/depot-du-rapport-annuel-2021-2022-de-la-commission-sur-les-soins-de-fin-de-vie-le-quebec-continue-de-bien-faire-les-choses-en-matiere-daide-medicale-a-mourir-44654">Commission sur les soins de fin de vie</a> 66 % des personnes ayant reçu ce soin en 2022 étaient atteintes de cancer, 7 % de maladies cardiaques ou vasculaires, 7 % de maladies pulmonaires, et 10 % de maladies neurodégénératives ou neurologiques qui n’affectent pas l’aptitude au consentement.</p>
<h2>Ce qui, en pratique, est réellement possible</h2>
<p>Pour l’heure, bien que les personnes qui vivent avec le diagnostic d’une maladie neurocognitive dégénérative (comme la maladie d’Alzheimer, par exemple) peuvent, en vertu de la loi et formellement, formuler une demande d’AMM, il est probable qu’une forte proportion d'entre elles ne puisse pas, en pratique, la recevoir - à moins d’une interprétation très souple et généreuse des autres critères d’admissibilité par les médecins traitants. </p>
<p>En effet, la condition des personnes qui vivent les premiers stades d’évolution de leur maladie ne satisfait pas, la plupart du temps, l’ensemble des critères d’éligibilité (sous une interprétation stricte de ceux-ci, du moins). D’abord, elles n’expérimentent généralement pas encore un déclin avancé de leurs capacités ni de souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables. </p>
<p>Ni éligibles à l’AMM alors qu’elles sont encore autonomes et aptes au consentement, ni éligibles une fois inaptes, elles sont de facto exclues de l’accès à l’aide médicale à mourir. </p>
<p>Alors que tous les citoyens, sans distinction, devraient jouir des mêmes droits, (non seulement formellement, mais en pratique), l’accès à l’aide médicale à mourir se trouve actuellement différencié selon la nature de la maladie qui les affecte et des capacités qu’elle compromet. Il s’agit d’un facteur moralement aussi hasardeux qu’arbitraire.</p>
<h2>La demande anticipée afin de faire valoir son droit à l’autodétermination</h2>
<p>Interdire les demandes anticipées reviendrait à abandonner ces personnes à leur souffrance et à leur sort lorsqu’elles seront arrivées aux derniers stades de leur maladie, leur donnant comme seul recours possible la signature d’un refus de traitement anticipé. </p>
<p>Nous croyons que le fait de vivre avec une maladie neurocognitive dégénérative ne devrait pas nous priver du droit de choisir une fin de vie exempte de souffrances insoutenables et conforme à nos valeurs. Pour les personnes qui souffrent de maladies menant à l’inaptitude, la demande anticipée représente le seul moyen de faire valoir leur droit fondamental à l’autodétermination.</p>
<p>Les personnes vivant avec de la démence ou une dégradation de leurs capacités cognitives étant toutefois particulièrement vulnérabilisées, il convient de prendre au sérieux les risques que pourrait représenter un régime de demandes anticipées. C’est en gardant ces risques en tête que nous pouvons mieux penser les conditions essentielles qui devraient être réunies pour que leur autorité soit reconnue.</p>
<h2>Se projeter dans un avenir inconnu</h2>
<p>L’une des principales difficultés lors des demandes anticipées d’AMM découle de l’effort d’imagination et d’abstraction requis de la part de la personne qui les rédige. Il faut qu’elle anticipe les différentes maladies qu’elle pourrait vivre, ainsi que la manière dont elle réagira, dans un futur hypothétique, face à ces épreuves.</p>
<p>Rédiger une directive anticipée d’aide médicale à mourir, suggèrent ses opposants, revient à avancer à tâtons, dans l’obscurité la plus totale, tout en prenant un risque dont l’issue ne peut être que fatale.</p>
<p>Pourtant, bien que ce risque « d’anticiper le mauvais choix » puisse sembler déterminant, il est possible d’y répondre en exigeant que la rédaction de la demande ne se fasse justement pas à l’aveuglette, mais à la suite de la réception d’un diagnostic de maladie grave et incurable. Ayant reçu son diagnostic, la personne sera accompagnée et guidée par le personnel médical et soignant, ainsi que ses proches. Elle pourra avoir une bonne compréhension de sa maladie et de son évolution probable, et sera mise au fait des autres options cliniques qui s’offrent à elles.</p>
<h2>Difficile d’anticiper l’expérience vécue de la maladie</h2>
<p>L’ajout de la condition de connaissance préalable du diagnostic répond donc à une partie du problème. Mais les détracteurs des demandes anticipées pourraient signaler d’autres difficultés potentielles. </p>
<p>En effet, même s’il était possible de rédiger une demande anticipée d’AMM en ayant une bonne compréhension de l’évolution probable de notre maladie, nos capacités d’anticiper l’expérience vécue de la maladie, au jour le jour, dans sa chair, demeureraient peu fiables. Nous pourrions nous imaginer préférer mourir, plutôt que de vivre une telle transfiguration de notre personnalité et dégradation de nos capacités physiologiques et cognitives. Or, il n’est pas impossible que, le moment venu, nous nous soyons relativement bien adaptés à notre condition médicale (comme en attestent certains cas de personnes vivant une démence dite « heureuse », au moins, à certains stades modérés de la maladie).</p>
<p>En effet, des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/10390038/">études de psychologie</a> sociale (dont certaines sont rappelées dans cette <a href="https://www.psychologytoday.com/ca/blog/disability-is-diversity/202209/the-disability-paradox">lettre ouverte</a>, suggèrent que lorsqu’il s’agit d’anticiper un déclin progressif de nos capacités physiques (mais nous pourrions étendre cette réflexion aux déclins physiologiques et cognitifs), notre réflexe premier est de focaliser notre attention sur les pertes entraînées par la maladie et le handicap. </p>
<p>On ne peut d’ailleurs pas progresser dans la réflexion sur l’aide médicale à mourir en faisant fi du capacitisme, de l’âgisme et du sanisme (la discrimination fondée sur les capacités, l’âge et la santé mentale) qui façonnent historiquement nos institutions et législations. Ils pèsent sur notre culture sociétale et influencent nos choix : les préjugés et les stéréotypes négatifs couramment associés au déclin cognitif et à la dépendance risquent en effet de teinter négativement notre appréhension d’un futur en situation de maladie et d’inaptitude.</p>
<h2>Le critère de souffrance demeure fondamental</h2>
<p>Ces considérations sont fondamentales, mais nous croyons qu’elles ne vont pas à l’encontre des demandes anticipées. Elles ne remettent pas en question les autres critères d’admissibilité à ce soin, parmi lesquels se trouvent les souffrances physiques ou psychiques constantes et insupportables.</p>
<p>On peut reconnaître l’importance que revêt, pour certaines personnes, la possibilité de rédiger une demande anticipée d’AMM sans pour autant sacrifier l’attention qui devra être portée à leur manière de vivre l’épreuve de leur maladie, le temps venu. S’il se trouve que la personne qui avait enregistré une demande anticipée d’AMM se soit bien adaptée à sa condition, qu’elle n’expérimente pas la souffrance insupportable qu’elle anticipait et jouit encore d’une certaine qualité de vie, elle n’obtiendra tout simplement pas l’aide médicale à mourir, qui vise ultimement le soulagement des souffrances. </p>
<p>On est loin de <a href="https://www.ledevoir.com/societe/sante/498871/aide-a-mourir-le-college-des-medecins-inconfortable-avec-les-directives-medicales-anticipees">« la mort à la carte »</a> ou de « la mort sur demande » qui a été dénoncée à quelques reprises dans les médias au cours des dernières années.</p>
<p>La demande anticipée d’aide médicale à mourir, tout comme le refus de traitement, demeure jusqu’ici le meilleur moyen d’assurer que les choix qui seront pris à notre sujet lorsque nous n’aurons plus la capacité ou la conscience de les faire, traduisent le plus fidèlement possible les valeurs qui nous définissaient.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201636/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Naïma Hamrouni a reçu du financement du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (Chaire de recherche du Canada en éthique féministe).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jocelyn Maclure a reçu du financement de la Chaire Jarislowsky sur la nature humaine et la technologie.</span></em></p>Les préoccupations raisonnables que peut susciter la mise en œuvre d’un régime de demandes anticipées ne doivent pas conduire à son rejet catégorique, mais plutôt à son encadrement rigoureux.Naïma Hamrouni, Professeure agrégée de philosophie et titulaire de la Chaire de recherche du Canada en éthique féministe, Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR)Jocelyn Maclure, Full Professor of Philosophy, McGill UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1749072022-01-16T17:18:01Z2022-01-16T17:18:01ZVidéo : « Et si… on arrêtait de travailler »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/440961/original/file-20220116-24-k7qa1c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1917%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Capture d'écran de la vidéo « Et si... on arrêtait de travailler »</span> <span class="attribution"><span class="source">Le blob, l’extra-média</span></span></figcaption></figure><p>Perte de sens, bullshit jobs, uberisation… Le plein emploi serait un mythe à déconstruire, selon le sociologue Raphaël Liogier, qui préfèrerait voir l’humain s’épanouir dans l’activité plutôt que dans le productivisme. Mais parmi les organisations humaines, y a-t-il plus fort que le travail pour structurer sa personnalité et son rapport aux autres, interroge Frédérique Debout, psychologue et chercheuse ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UwgYQK5aBZo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Et si… on arrêtait de travailler/Le blob, l’extra-média.</span></figcaption>
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<p><em>Réalisation : Anthony Barthélémy. Coordination éditoriale : Yseult Berger, Benoît Tonson. Production : Universcience, en partenariat avec The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174907/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Dans cette nouvelle vidéo, un sociologue et une psychologue s’interrogent sur la nature même du travail, faut-il l’abolir ou plutôt le changer ?Frédérique Debout, Maîtresse de conférences en psychopathologie et psychodynamique du travail, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Raphaël Liogier, professeur en Sociologie, Sciences Po AixLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1624102021-06-10T13:59:43Z2021-06-10T13:59:43ZComment améliorer la santé et la qualité de vie des résidents de CHSLD : les faire bouger<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/405499/original/file-20210609-28624-1evpxio.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6362%2C4243&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Réduire la sédentarité dans les CHSLD et résidences pour aînés pourrait améliorer la qualité de vie des personnes âgées.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Rester assis durant de trop longues périodes <a href="https://doi.org/10.1123/jpah.2013-0311">est un facteur de risque connu de maladies et de handicaps</a>. Pourtant, lorsque les personnes âgées commencent à perdre leur indépendance — en devenant moins fonctionnelles physiquement ou en montrant des signes de déficience cognitive — elles emménagent dans des résidences qui leur permettent de <a href="https://doi.org/10.1111/ajag.12589">rester assises pendant 85 % de leur temps d’éveil</a>.</p>
<p>Avec le vieillissement de la population des baby-boomers, les <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/91-215-x/2018002/sec2-fra.htm">personnes âgées de plus de 65 ans commencent à être plus nombreuses que les jeunes de moins de 14 ans</a>. Il n’est pas surprenant que les <a href="https://smallbusiness.chron.com/much-assisted-living-industry-grown-69391.html">admissions dans les établissements de soins de longue durée augmentent chaque année</a>. Les gens <a href="https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/ageing-and-health">vivent également plus longtemps</a>, et il est donc important de veiller à ce que ces années supplémentaires soient passées le plus en santé possible.</p>
<p>De nouvelles recherches indiquent que la réduction du temps passé assis pourrait préserver, voire améliorer, la <a href="https://doi.org/10.1038/s41398-020-0810-1">qualité de vie</a>, les <a href="https://dx.doi.org/10.22540%2FJFSF-03-026">habilités physiques</a> et les <a href="https://doi.org/10.1136/bjsports-2015-095551">fonctions cognitives</a> des gens vivant dans ces établissements.</p>
<p>Cette étude a été réalisée avant la <a href="https://theconversation.com/we-need-inquiries-into-why-coronavirus-is-ravaging-long-term-care-homes-138688">crise majeure provoquée par la pandémie de Covid-19 dans les CHSLD</a>. Maintenant que l’attention se porte sur les moyens <a href="https://theconversation.com/after-covid-19s-tragic-toll-canada-must-improve-quality-of-life-in-long-term-care-homes-139763">d’améliorer les soins et la qualité de vie dans les résidences de soins pour personnes âgées</a>, un changement positif serait de réduire les comportements sédentaires.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/deja-fragilisees-les-residences-pour-aines-etaient-elles-pretes-a-affronter-la-pandemie-135008">Déjà fragilisées, les résidences pour aînés étaient-elles prêtes à affronter la pandémie ?</a>
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<h2>Bougez plus, asseyez-vous moins !</h2>
<p><a href="https://www.ehpl.uwo.ca">Notre laboratoire de psychologie de l’exercice et de la santé</a> étudie comment la réduction des comportements sédentaires (position assise) et leur remplacement par de courtes périodes d’activité physique d’intensité légère (marche) peuvent améliorer plusieurs aspects de la santé. D’après l’une de nos <a href="https://doi.org/10.1123/japa.2019-0440">études les plus récentes</a>, la proportion du temps d’éveil des résidents passée en position assise devrait être le nouvel élément décisif dans le choix d’une résidence.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Quatre personnes âgées assises" src="https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404730/original/file-20210607-80132-151kfto.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Dans certains établissements de soins de longue durée, les résidents passent jusqu’à 85 % de leur temps d’éveil assis.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Il est bien établi <a href="https://doi.org/10.3233/jad-160665">que l’activité physique peut contribuer à réduire le risque de déclin cognitif</a> tout en <a href="https://www.archives-pmr.org/article/S0003-9993(16)30895-4/fulltext">préservant la mobilité physique</a>. Ce que l’on sait moins, c’est que <a href="https://dx.doi.org/10.1097%2FJES.0b013e3181e373a2">rester assis trop longtemps est un problème distinct du manque d’activité physique</a>. De précédents travaux dans ce domaine ont indiqué que le <a href="https://doi.org/10.1016/j.trci.2017.04.001">fait d’être trop assis pourrait accélérer le déclin cognitif</a>.</p>
<h2>Pourquoi l’exercice seulement n’est pas suffisant</h2>
<p><a href="https://doi.org/10.1186/s12966-017-0525-8">L’inactivité physique</a> est définie comme le fait de ne pas pratiquer les 150 minutes d’activité physique modérée à intense recommandées chaque semaine. La position assise, également appelée <a href="https://doi.org/10.1186/s12966-017-0525-8">comportement sédentaire</a>, consomme très peu d’énergie. Le fait de rester assis trop longtemps, indépendamment de l’inactivité physique, a été <a href="https://doi.org/10.1249/mss.0000000000001935">associé à un risque accru</a> de diabète, de maladies cardiovasculaires, de cancer et de mortalité toutes causes confondues — en d’autres termes, de décès précoce.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bouger-plus-et-sasseoir-moins-pour-une-meilleure-sante-mentale-114255">Bouger plus et s'asseoir moins pour une meilleure santé mentale</a>
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<p>Le comportement sédentaire est de plus en plus reconnu comme un facteur de risque pour la santé. Elle a récemment été ajoutée aux <a href="https://csepguidelines.ca/fr/adults-65/">Directives canadiennes en matière de mouvements sur 24 heures pour les adultes de 65 ans et plus</a> de la Société canadienne de physiologie de l’exercice (qui préconise une réduction des comportements sédentaires quotidiens).</p>
<p>Cela crée un double problème pour les personnes âgées résidant dans des CHSLD et résidences pour personnes en perte d’autonomie. Tout d’abord, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/82-003-x/2011001/article/11396-eng.pdf">elles sont celles qui respectent le moins les directives en matière d’activité physique</a>. De plus, elles constituent également la <a href="http://dx.doi.org/10.1136/bjsports-2016-097209">population la plus sédentaire</a>.</p>
<h2>Moins s’asseoir, plus marcher</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Le personnel soignant aide les personnes âgées à marcher" src="https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404733/original/file-20210607-13-1ediwwx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Réduire le temps passé assis et le remplacer par de la marche a amélioré les capacités cognitives, physiques et la qualité de vie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
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<p><a href="https://doi.org/10.1123/japa.2019-0440">Dans notre étude</a>, nous avons examiné ce qui arriverait à des adultes âgés souffrant de troubles cognitifs légers à modérés si nous remplacions simplement 10 minutes de position assise après chaque repas par 10 minutes de marche légère. En comparant deux groupes — l’un qui a réduit son temps assis et l’autre qui ne l’a pas fait — nous avons pu étudier les effets de ce comportement sur les fonctions cognitives, physiques ainsi que sur la qualité de vie globale des résidents.</p>
<p>Nous avons ainsi montré qu’il était possible de réduire le temps passé assis et de le remplacer par un niveau d’activité physique adéquat pour ce type de population. Ensuite, les résultats indiquent que non seulement le groupe d’intervention a pu réduire le temps passé assis, mais qu’il a également amélioré de manière significative ses fonctions cognitives, physiques ainsi que sa qualité de vie par rapport à l’autre groupe.</p>
<p>Ce résultat est important, car il démontre qu’il suffit de peu de mouvements pour améliorer les choses. Le message important à retenir est que les gens doivent se lever le plus souvent possible. De précédentes études ont montré d’autres résultats positifs pour la santé lorsqu’on se lève <a href="https://doi.org/10.2337/dc11-1931">à toutes les 20 minutes pour seulement deux à trois minutes</a> d’activité légère.</p>
<h2>Des communautés plus actives</h2>
<p>Et si les CHSLD devenaient des communautés plus actives, où les résidents seraient moins sédentaires ? Cela pourrait leur permettre de gagner en indépendance et surtout, de moins la perdre. Comme la <a href="https://doi.org/10.1377/hlthaff.2013.1255">majorité des résidents de ces établissements souffrent d’une forme de déficience cognitive</a>, nombreux sont ceux qui font la transition vers ces résidences afin de pouvoir bénéficier <a href="https://www.ahcancal.org/Assisted-Living/Consumer-Resources/Pages/default.aspx">d’une supervision 24 heures sur 24, de services de soins personnalisés et d’activités sociales)</a>.</p>
<p>Lors de notre étude, nous avons utilisé l’alarme d’une montre de sport afin de créer des vibrations douces qui rappelaient aux participants que c’était le moment de se lever et de bouger. Il y aurait d’autres moyens de le faire. Cela pourrait les protéger d’un déclin hâtif et améliorer leur qualité à leur vie de quelques années.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162410/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kirsten Dillon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Afin d’améliorer les soins et la qualité de vie dans les résidences de soins pour personnes âgées, il faudrait réduire les comportements sédentaires.Kirsten Dillon, PhD Student, Western UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1437022020-08-09T18:01:43Z2020-08-09T18:01:43ZPour les femmes, la flexibilité des horaires de travail se paye au prix fort<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/350580/original/file-20200731-19-14alj7w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=946%2C57%2C5484%2C4026&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une plus grande autonomie accordée aux femmes cadres s’accompagne d’un renforcement du contrôle de leur performance au travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/business-woman-child-stroller-talking-600w-716058649.jpg">Kaspars Grinvalds / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>L’inégale répartition entre les hommes et les femmes dans la prise en charge des tâches domestiques et familiales constitue la caractéristique toujours actuelle de l’environnement extra-professionnel des femmes.</p>
<p>Les femmes actives font face à une « double journée » de travail, c’est-à-dire qu’elles cumulent dans une même journée obligations professionnelles et familiales/domestiques. Or de nombreux travaux francophones ont montré la difficulté à articuler travail professionnel et travail domestique pour les femmes.</p>
<p>En cela, les horaires flexibles peuvent être considérés a priori comme un moyen de mieux organiser le « temps de travail » des femmes (c’est-à-dire la somme des temps de travail professionnel et domestique) et ainsi leur difficulté à concilier vie professionnelle et vie privée.</p>
<p>En effet, selon un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/001979390405700301">travail de recherche</a> publié en 2004 « dans les pays à faible taux de natalité et à population active vieillissante, les gouvernements ont souvent recours aux politiques publiques pour augmenter les congés personnels et parentaux, ainsi que pour adapter les horaires de travail afin d’encourager les femmes à intégrer et développer le marché du travail et de les aider à concilier vie professionnelle et futures responsabilités familiales afin de ne pas décourager les naissances ».</p>
<p>Nous avons réalisé une étude à l’aide d’un panel constitué à partir de la fusion des enquêtes nationales <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/enquetes/article/conditions-de-travail-edition-2013">Conditions de travail 2013</a> et <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/dares-etudes-et-statistiques/enquetes/article/risques-psycho-sociaux-rps-edition-2015-2016">Conditions de travail-Risques psycho-sociaux 2016</a> visant à examiner de plus près la portée et les limites de cette solution.</p>
<p>Nos travaux nous ont permis de mettre en avant les <a href="https://doi.org/10.3917/grh.192.0009#xd_co_f=MmVkYTM0MDllNTJjZTA3OTJiMjE1OTQzNjI4MTY5NjI=%7E">effets pervers des horaires flexibles</a> à savoir le renforcement des inégalités femmes-hommes se traduisant notamment par des modes d’évaluation de la performance au travail différenciés et une intensification du travail pour les femmes.</p>
<p>À noter que par horaires flexibles, nous entendons la possibilité pour le salarié de choisir librement ses heures d’arrivée et de départ du travail ou, du moins, la possibilité de choisir ses heures au sein de plage horaire mobile.</p>
<h2>Un système controversé</h2>
<p>Trois constats nous ont incités à nous intéresser à ce sujet.</p>
<p>Tout d’abord, la volonté de la Commission européenne d’<a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2338.2008.00506.x">encourager le développement des horaires flexibles</a> perçus comme un moyen de résorber la difficile conciliation entre vie privée et vie professionnelle des salariées.</p>
<p>Il nous paraissait intéressant d’examiner de plus près la portée et les limites de cette solution, alors même qu’une <a href="https://www.researchgate.net/publication/227411456_Changing_gender_domination_in_a_Big_Four_accounting_firm_Flexibility_performance_and_client_service_in_practice">étude</a> dans le secteur des grands cabinets d’audit comptable publiée en 2010, montraient que les horaires flexibles, à l’inverse de l’effet recherché, renforçaient les inégalités entre les hommes et les femmes en accentuant les obstacles à la progression des carrières féminines.</p>
<p>Les horaires flexibles se transforment parfois en un <a href="https://www.librarysearch.manchester.ac.uk/discovery/fulldisplay?vid=44MAN_INST:MU_NUI&search_scope=MyInst_and_CI&tab=Everything&docid=alma997203234401631&lang=en&context=L&adaptor=Local%20Search%20Engine&isFrbr=true&query=sub,exact,SOCIETY,AND&mode=advanced">stigmate</a> différenciant les salariés engagés dans leur travail de <a href="https://www.researchgate.net/publication/227411456_Changing_gender_domination_in_a_Big_Four_accounting_firm_Flexibility_performance_and_client_service_in_practice">ceux qui ne le sont pas</a>.</p>
<p>D’autre part, des travaux montraient que les horaires flexibles avaient pour pendant une <a href="https://www.researchgate.net/publication/254300425_For_Better_Or_for_Worse_An_Analysis_of_How_Flexible_Working_Practices_Influence_Employees%27_Perceptions_of_Job_Quality">intensification du travail</a>. Nous voulions explorer un peu plus ce potentiel effet pervers des horaires flexibles.</p>
<p>Enfin, dans la continuité des <a href="https://www.cairn.info/cadres-la-grande-rupture--9782707134721-page-269.htm">analyses sur la carrière des femmes dirigeantes</a>, il nous paraissait crucial d’englober dans notre analyse sur le travail des femmes, l’ensemble des régulations à l’œuvre dans la société, et notamment l’articulation entre les différents temps de vie.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284865782363693057"}"></div></p>
<p>Pour notre part, souhaitant explorer plus en profondeur les effets ambigus des horaires flexibles sur les femmes, nous avons donc testé l’influence de trois types d’horaires flexibles :</p>
<ul>
<li><p><strong>Les horaires fixes</strong> : possibilité de choisir entre plusieurs horaires fixes proposés par l’entreprise ou l’administration ;</p></li>
<li><p><strong>Les horaires à la carte</strong> : possibilité pour le salarié de choisir entre plusieurs horaires parmi des plages mobiles ;</p></li>
<li><p><strong>Les horaires libres</strong> : possibilité pour le salarié de déterminer lui-même ses horaires de travail.</p></li>
</ul>
<p>À partir du panel, nous montrons que les horaires flexibles améliorent la conciliation travail-famille des femmes non-cadres, autrement dit les horaires de travail s’accordent mieux avec les engagements sociaux et familiaux en dehors du travail de la salariée.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350607/original/file-20200731-17-1k9od6k.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>À l’inverse, loin d’améliorer la conciliation travail-famille des femmes cadres, les horaires flexibles la dégradent.</p>
<h2>Des contreparties imposées</h2>
<p>Plus de flexibilité implique en effet la mise en place de contreparties en matière de gestion du travail pour les salariés bénéficiant de ces horaires flexibles. Pour les femmes salariées, l’autonomie dans l’organisation de leur temps de travail provoque une moindre progression de carrière ainsi que l’exposition à un ensemble de pratiques de gestion du travail fondé sur l’évaluation de la performance (inspirées par le courant du <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2018.00586/full">High-performance work system</a>).</p>
<p>Plusieurs explications sont envisagées pour décrypter ces résultats.</p>
<p>La première est celle d’un effet à double tranchant des horaires flexibles confirmé par nos analyses. En effet, les femmes cadres bénéficiant d’horaires à la carte voient leur travail s’intensifier, contrairement aux hommes cadres.</p>
<p>Cette intensification du travail s’explique en partie par la contrepartie importante imposée aux femmes cadres bénéficiant d’horaires à la carte sans qu’il en soit ainsi pour les hommes cadres : la mise en place d’une gestion du travail axée sur un contrôle indirect de la performance via l’imposition d’une évaluation régulière et d’une direction par objectifs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=409&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/350608/original/file-20200731-17-s74q5a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=514&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Une autre explication réside dans l’idée que les horaires flexibles proposés aux femmes ont accru les attentes que pouvaient avoir leurs conjoints vis-à-vis de leurs responsabilités familiales et domestiques, ce qui a conduit à accroître le conflit entre vie privée et vie professionnelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/emploi-teletravail-et-conditions-de-travail-les-femmes-ont-perdu-a-tous-les-niveaux-pendant-le-covid-19-141230">Emploi, télétravail et conditions de travail : les femmes ont perdu à tous les niveaux pendant le Covid-19</a>
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<p>Nos résultats confortent en partie cette explication. Ils montrent, en effet, que le fait de bénéficier d’horaires flexibles diminue le temps de travail domestique des hommes cadres alors qu’il n’a aucun effet significatif sur ce celui des femmes cadres.</p>
<p>Ainsi, par un sentiment de culpabilité, les femmes ne vont pas s’autoriser à utiliser les marges de manœuvre offertes par les horaires flexibles dans la gestion de leur agenda personnel pour s’accorder un temps supplémentaire à leurs loisirs.</p>
<p>Par ailleurs, les horaires flexibles, à l’inverse du but recherché, renforceraient les inégalités entre les hommes et les femmes en accentuant les obstacles à la progression des carrières féminines. Les horaires flexibles ont notamment pour effet de stigmatiser les femmes optant pour plus de flexibilité quant à leur niveau d’engagement dans l’entreprise.</p>
<p>De plus, nos résultats montrent que le fait de bénéficier d’horaires à la carte affecte la satisfaction des femmes non cadres concernant leurs perspectives de promotion.</p>
<p>Nous concluons que l’autonomie concédée au salarié par l’employeur dans l’organisation de son temps de travail a pour contrepartie un contrôle indirect plus fort exercé à travers l’imposition d’une évaluation régulière, d’une direction par objectifs et d’une rémunération à la performance.</p>
<p>Ce contrôle est particulièrement fort pour les femmes cadres. En bénéficiant d’horaires flexibles, contrairement aux hommes cadres, elles sont finalement soumises à une « double peine » : non seulement les horaires flexibles ne permettent pas d’améliorer leur conciliation entre vie privée et vie professionnelle mais, dans le même temps, ils contribuent à intensifier leur travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/143702/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gregor Bouville ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Ce système accentue au contraire les obstacles à la progression des carrières féminines en contribuant notamment à intensifier la charge de travail des femmes cadres.Gregor Bouville, Maître de Conférences Habilité à Diriger des Recherches, Sciences de Gestion, Dauphine Recherche Management-Equipe Management & Organisation, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1426232020-07-20T18:21:47Z2020-07-20T18:21:47ZLa crise sanitaire brouille encore plus la mesure de la productivité<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/347665/original/file-20200715-21-mouds5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5976%2C3963&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En généralisant le travail à distance, les entreprises ont reporté le poids du facteur capital (connexion Internet, formation aux outils, etc.) sur leurs salarié·e·s.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://image.shutterstock.com/image-photo/woman-holding-business-report-working-600w-1710815632.jpg">Jacob Lund / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le confinement a bousculé notre rapport au travail. Les salarié·e·s pouvant continuer leurs activités ont dû, souvent dans la précipitation, adopter le télétravail et réorganiser aussi bien leurs taches professionnelles que l’articulation de ces dernières à leur vie personnelle.</p>
<p>Quel en est le bilan ? Si <a href="https://newsroom.malakoffhumanis.com/actualites/malakoff-humanis-decrypte-limpact-de-la-crise-sur-lorganisation-du-travail-et-la-sante-des-salaries-a-travers-les-resultats-de-ses-etudes-teletravail1-et-absenteisme2-realisees-en-mai-2020-40ce-63a59.html">84 % des salarié·e·s</a> voudraient continuer partiellement le télétravail, cette expérience a été diversement appréciée. Certain·e·s n’en retirent que des bénéfices alors que pour d’autres, cette pratique a été vécue comme un traumatisme.</p>
<p>Plus précisément, cette réorganisation du travail a amené à remettre en cause sa propre productivité. Les salarié·e·s ont alors exprimé deux positions apparemment contraires. Un grand nombre d’employé·e·s fraîchement métamorphosé·e·s en télétravailleur·se·s ont le sentiment de travailler plus, d’être plus productifs ou productives, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire.</p>
<p>Pour le meilleur, car le télétravail permettrait une plus grande concentration (moins de parasitages, de sollicitations, etc.) et une meilleure qualité de vie (moins de temps de transport, la possibilité de se rapprocher des enfants, etc.).</p>
<p>Pour le pire, car le télétravail tend à rallonger les temps de travail et le confinement a été synonyme d’un <a href="https://www.anact.fr/1ers-resultats-du-questionnaire-teletravail-et-confinement-propose-par-le-reseau-anact-aract">surplus d’activités</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1279883108347756545"}"></div></p>
<p>En revanche, pour une bonne partie des salarié·e·s, le télétravail se conjugue mal avec certaines contraintes. Bien entendu, le confinement a mis en exergue les <a href="https://theconversation.com/emploi-teletravail-et-conditions-de-travail-les-femmes-ont-perdu-a-tous-les-niveaux-pendant-le-covid-19-141230">inégalités patrimoniales et familiales</a> passées sous silence jusque-là comme les problèmes de logement, du nombre d’enfants en bas âge ou du nombre d’ordinateurs disponibles par foyer.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347669/original/file-20200715-17-1puh8.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/30315/579.population.societes.juillet.2020.covid.travail.france.fr.pdf">Institut national d’études démographiques</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le sentiment de ne pas pouvoir faire son travail se fonde sur des préoccupations concrètes. Le lieu de vie transformé en lieu de travail devient un obstacle à la bonne réalisation des tâches et peut faire baisser leur productivité.</p>
<p>Cette période de confinement nous ramène ainsi à des questions fondamentales des sciences économiques : que produisons-nous et comment ? Quelle est l’efficacité des processus productifs ? Car au-delà de la perception de chacun·e, le télétravail pousse à réévaluer les mesures de la productivité et l’articulation entre le travail des êtres humains et les outils qu’ils utilisent.</p>
<h2>La productivité, une donnée quantitative</h2>
<p>L’enjeu de la productivité est ancien pour les économistes. Déjà en 1768, l’économiste français Anne Robert Jacques Turgot s’interrogeait sur sa dynamique et son éventuelle diminution. Globalement, la productivité fait état du rendement des facteurs de production que sont le travail et le capital (machines, logiciels ou autres investissements).</p>
<p>Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), elle se définit comme un <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1452#:%7E:text=En%20%C3%A9conomie%2C%20la%20productivit%C3%A9%20est,et%2Fou%20les%20services%20produits.&text=Une%20mesure%20couramment%20utilis%C3%A9e%20est%20celle%20de%20productivit%C3%A9%20apparente%20du%20travail">rapport</a> entre la production d’un bien et les ressources mises en œuvre. Elle est calculée le plus souvent sur une période donnée (une heure, une journée) et a une portée quantitative uniquement.</p>
<p>Dans l’automobile par exemple, on obtient ainsi le nombre de voitures produites par heure et par personne. Pour un pays, la productivité se rapporte au ratio entre le produit intérieur brut (PIB) et le nombre d’heures travaillées.</p>
<p>Pourtant, la productivité se fait discrète dans les économies des pays avancés. Depuis les années 1970, les gains en la matière marquent le pas (expliquant pour certains le ralentissement de la croissance économique) et les nouvelles technologies ne semblent pas en générer davantage. L’économiste américain <a href="http://www.standupeconomist.com/pdf/misc/solow-computer-productivity.pdf">Robert Solow</a> s’en été étonné en 1987, avec sa fameuse citation « on voit des ordinateurs partout, sauf dans les statistiques de productivité » !</p>
<p>En France, le gouvernement a mis en place un Conseil national de productivité (CNP) en 2018 afin de tenter d’en identifier les déterminants, mais la question reste toujours en suspens. Comment obtenir des gains de productivité – surtout dans un pays où la productivité horaire par salarié·e a longtemps été <a href="http://www.oecd.org/fr/economie/etudes/France-2019-OCDE-etude-economique-synthese.pdf">parmi les plus fortes du monde</a> ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=301&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/347673/original/file-20200715-21-wi7nx3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=378&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Niveau et croissance de la productivité française (en rouge) par rapport à des économies comparables.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.oecd.org/fr/economie/etudes/France-2019-OCDE-etude-economique-synthese.pdf">OCDE</a></span>
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<p>Paradoxalement, c’est en période de crise que la productivité semble s’améliorer. D’une part, les entreprises fragiles disparaissent, améliorant la moyenne d’un secteur, et d’autre part, les salarié·e·s deviennent davantage mobilisé·e·s.</p>
<p>Or, alors que la productivité globale de l’entreprise progresse, peut-on en imputer uniquement le mérite aux salarié·e·s et au facteur travail ? L’usage étendu des technologies de l’information et de la communication (TIC), et donc le recours à plus de capital, ne contribue-t-il pas cette amélioration ?</p>
<h2>Comment comparer l’incomparable ?</h2>
<p>Les ressentis contradictoires des salarié·e·s s’expliquent aussi bien par la diversité des situations personnelles que par la complexité des mécanismes à l’œuvre.</p>
<p>Peut-on comparer notre productivité habituelle à celle de notre nouvelle situation de télétravail ? En effet, la nature du travail est fondamentale. Agriculture ou industrie ont souffert d’une chute de la productivité, car elles ne peuvent pas maintenir une activité à distance, et si l’activité persiste, les mesures sanitaires alourdissent les processus et l’organisation du travail.</p>
<p>Mais finalement, ne peut-on pas également se poser la question de la nature du travail en général, y compris pour les services ? Un·e enseignant·e ou un·e attaché·e commercial·e font-ils le même métier en distanciel et en présentiel ?</p>
<p>La nature de leur production est alors en jeu et peut expliquer les dissonances ressenties par les employé·e·s. Alors, on peut considérer que le service est maintenu, mais il est « différent » ; certains vont même parler de version « dégradée » du service rendu. En fait, les salarié·e·s produisent autrement un service différent.</p>
<p>Sont-ils plus productif·ve·s ? Cette adaptation est un effort en plus de l’activité habituelle, mais vouloir apprécier la productivité « avant » et « après » semble difficile puisque dans ce cas, la nature du métier a été modifiée rendant inopérantes les comparaisons.</p>
<p>Dans d’autres cas, la nature du travail change peu. C’est plutôt la façon de travailler et le contexte de travail qui sont remaniés. Dit autrement, la combinaison des facteurs de production – travail et capital – évolue.</p>
<p>De fait, les salarié·e·s étendent leur usage des TIC ; ils ou elles mobilisent de nouvelles compétences afin de s’approprier les outils. Le facteur capital – l’ordinateur, la plate-forme de visioconférence, les outils de partage de fichiers, etc.– est plus présent dans la production du service.</p>
<h2>Une reconfiguration des facteurs de production</h2>
<p>Or, au-delà des ressentis individuels, mesurer la productivité s’avère un exercice complexe à établir dans un cadre formel. Comment évalue-t-on les facteurs de production mobilisés et donc leur productivité ?</p>
<p>Le comptable, comme Solow, aurait du mal à trouver la productivité. Souvent, les outils relatifs au télétravail (messageries professionnelles, visioconférences, etc.) sont déjà présents au sein de l’entreprise et répertoriés au niveau des bilans… Seul le taux d’utilisation change.</p>
<p>En outre, les entreprises ont reporté le poids du facteur capital sur leurs salarié·e·s : les coûts liés au lieu de l’activité, à la connexion Internet, à la formation aux outils, etc. sont maintenant assumés par l’employé·e. Par ailleurs, l’absence physique de l’organisation (matérielle, managériale, etc.) a certainement un impact sur la productivité de l’individu positivement ou négativement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/teletravail-les-employeurs-envahissent-nos-maisons-et-nous-refilent-les-couts-141097">Télétravail : les employeurs envahissent nos maisons et nous refilent les coûts</a>
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<p>Établir une hausse ou une baisse de la productivité dans un tel contexte semble un pari risqué. En revanche, les employé·e·s ont fait et font encore des <a href="https://www.anact.fr/1ers-resultats-du-questionnaire-teletravail-et-confinement-propose-par-le-reseau-anact-aract">efforts pour leur entreprise</a>. Mais en dehors de l’engagement conjoncturel et des gains de productivité temporaires dans certaines activités, il ressort que le passage au télétravail remet en jeu les compétences mobilisées, les <a href="https://www.liberation.fr/debats/2020/06/02/teletravail-l-enfer-sans-les-autres_1790067">relations sociales</a> telles qu’elles se tissent au travail et une nouvelle articulation entre travail et capital.</p>
<p>S’il est incontestable que la crise a transformé le vécu du travail, les gains de productivité liés au passage au télétravail restent encore à déterminer. Travaille-t-on plus ou mieux grâce à la crise du Covid-19 ? Et surtout pour quel sentiment d’accomplissement ? Pour quelle utilité sociale ? Alors que les cas d’épuisement professionnel (burn-out) <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/documents/notice/14/rap-info/i4487">ont augmenté</a> ces dernières années, ces questions méritent d’être examinées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/142623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Déjà contestée, la mesure de l’efficacité se complique en raison du passage au télétravail qui a provoqué une transformation des facteurs de production travail et capital.Virginie Monvoisin, Associate professor, Grenoble École de Management (GEM)Fiona Ottaviani, Enseignante-chercheuse en économie - Grenoble Ecole de Management, F-38000 Grenoble, France - Chaire Paix économique, Mindfulness, Bien-être au travail - Chaire Territoires en Transition - Chercheuse associée au CREG - Université Grenoble Alpes, Grenoble École de Management (GEM)Sandrine Ansart, Professeur associé, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1337322020-03-25T19:23:47Z2020-03-25T19:23:47ZSomnolence, perte de vigilance, fatigue mentale : les apnées du sommeil gâchent peut-être votre quotidien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/323009/original/file-20200325-168918-10xyww8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5176%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La somnolence diurne peut être un symptôme d’apnée du sommeil.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/y8OPPvo_5mU">Abbie Bernet / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Le sommeil joue un rôle important <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/sommeil">dans de nombreux processus</a> biologiques : récupération physique, régulation de la température corporelle, réparation des tissus, contrôle immunitaire… Des études menées ces dernières décennies ont aussi révélé qu’il est également fondamental pour notre fonctionnement cérébral.</p>
<p>Corollaire : si la qualité ou la durée du sommeil sont altérées, son efficacité réparatrice diminue. Or, cette situation concerne de nombreuses personnes, soit parce qu’elles se couchent tard et sont forcées de se lever très tôt, soit parce que leur sommeil est perturbé en raison d’un environnement inadapté, bruyant, ou encore parce qu’elles souffrent d’une maladie donnant lieu à de nombreux micro-éveils dont le résultat est une fragmentation du sommeil.</p>
<p>Parmi les troubles du sommeil altérant de manière significative la qualité du sommeil, le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil est l’un des plus fréquents. Il affecte près de 2 % des femmes et 4 % des hommes, perturbant leur sommeil et dégradant non seulement leur qualité de vie, mais aussi leur santé. Il accroît également leur fatigue mentale, engendrant de vraies difficultés au quotidien.</p>
<p>Le port, durant la nuit, d’un masque à pression positive continue peut améliorer la situation. Mais des interrogations demeurent, et encore faut-il suivre correctement le traitement. Explications.</p>
<h2>Qu’est-ce que le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil</h2>
<p>Le syndrome d’apnées-hypopnées obstructives du sommeil (SAHOS) affecte la respiration au cours du sommeil, soit par des arrêts temporaires de la respiration (apnées) ou par une diminution marquée du débit d’air entrant (hypopnées).</p>
<p>Souvent, la reprise de la respiration après une apnée s’accompagne d’un étouffement et de mouvements, ce qui entraîne des réactions d’éveil de courte durée et un fractionnement du sommeil qui altère son pouvoir réparateur. Ces courts réveils ne sont généralement pas ressentis, mais le dormeur peut parfois se réveiller en sursaut avec une pénible sensation d’étouffement. Dans le cadre des hypopnées, la mauvaise oxygénation du cerveau l’empêche de fonctionner normalement et d’atteindre le sommeil lent profond récupérateur.</p>
<p>Un SAHOS est diagnostiqué lorsqu’il y a plus de cinq évènements respiratoires (apnées et/ou hypopnées) par heure de sommeil. La gravité de l’atteinte est liée à la fréquence des évènements respiratoires, qui peuvent se produire des centaines de fois au cours d’une nuit de sommeil.</p>
<h2>Le SAHOS est propice au développement de maladies chroniques</h2>
<p>Peu de personnes apnéiques se rendent compte qu’elles ronflent ou s’éveillent la nuit en suffoquant. Généralement, elles s’habituent, dans une certaine mesure, à leur somnolence en journée, à laquelle elles attribuent d’autres origines : excès de travail, stress, etc. De ce fait, ces symptômes ne sont généralement pas évoqués spontanément par les patients mais sont le plus souvent rapportés par un partenaire dont le propre sommeil est perturbé par ces activités anormales et qui va pousser à une consultation médicale.</p>
<p>La personne souffrant de SAHOS peut présenter à la fois des symptômes nocturnes, tels qu’un ronflement important ou des arrêts respiratoires suivis d’un brusque appel d’air (comme une personne qui sort de l’eau après avoir nagé en apnée), et des symptômes diurnes, qui peuvent se traduire par une forte somnolence, des pertes de vigilance et une fatigue importante.</p>
<p>Établir un diagnostic de SAHOS est d’autant plus important que ce syndrome a des effets délétères sur la santé. Les apnées limitent en effet les apports en oxygène, qui deviennent insuffisants par rapport aux besoins des tissus de l’organisme (on parle d’hypoxies). Elles sont aussi à l’origine d’excès de CO<sub>2</sub> (ou hypercapnies) intermittents dans le sang. Cette situation favorise le développement ou l’aggravation de maladies chroniques telles que l’hypertension artérielle, le diabète de type 2, l’obésité morbide, les maladies cardio-vasculaires et les dysfonctions érectiles.</p>
<p>Le SAHOS a également une influence négative sur la qualité de vie, non seulement en termes de productivité, de niveau d’activité et de vigilance. La somnolence est par exemple un facteur de risque majeur : sur la route, un conducteur apnéique présente un risque jusqu’à 15 fois plus élevé d’avoir un accident de la circulation ! En outre, ce syndrome affecte aussi les capacités d’interactions sociales.</p>
<p>Enfin, la sphère mentale est également affectée : les personnes souffrant d’un SAHOS présentent souvent des déficits cognitifs. Si leur intelligence en tant que telle est épargnée, lesdits déficits peuvent avoir une incidence dans plusieurs domaines, en particulier les capacités d’attention soutenue, de mémoire verbale et les fonctions exécutives qui permettent de s’adapter de manière dynamique à des situations nouvelles.</p>
<p>Tous ces déficits semblent être d’autant plus marqués que la pathologie est sévère, bien qu’il y ait de larges différences d’une personne à l’autre dans la vulnérabilité aux altérations du sommeil.</p>
<h2>La pression positive continue, un traitement efficace</h2>
<p>Le SAHOS demeure sous-diagnostiqué, alors qu’il peut être facilement repéré, et les symptômes traités par le port d’un masque à pression positive continue. Ce type de masque dégage les voies aériennes supérieures en maintenant une pression d’air élevée dans le circuit respiratoire pendant le sommeil. L’oxygénation du cerveau en sommeil en est améliorée, ce qui limite les micro-éveils, permettant d’atteindre l’état de sommeil lent profond nécessaire à la récupération.</p>
<p>Pour être efficace, un masque à pression positive continue doit être utilisé de manière régulière, au moins 4 heures par nuit. Malheureusement, un pourcentage significatif de patients considère que ces appareillages sont inconfortables. Ils limitent donc, voire abandonnent, leur utilisation. Une des conséquences de cette faible adhérence au traitement est que les effets de la pression positive continue sur la sphère cognitive restent controversés.</p>
<p>En effet, bien que plusieurs études aient démontré que l’utilisation de ce type de masque a des conséquences bénéfiques sur les fonctions cognitives des patients atteints de SAHOS, l’amélioration observée semble souvent n’être que partielle, même après des périodes soutenues d’utilisation de ce traitement. Ceci pourrait être dû au fait que les patients ne portent pas assez longtemps leur masque : un utilisateur optimal, qui le garde plus de six heures par nuit présente 7,9 fois plus de chance de normaliser sa mémoire verbale après trois mois de traitement qu’un faible utilisateur qui ne le porte que deux heures par nuit.</p>
<h2>SAHOS et fatigue mentale</h2>
<p>La fatigue mentale ou cognitive se manifeste par un déclin des performances à la suite d’une activité mentale soutenue ainsi que par une baisse de l’attention et de la concentration, avec un sentiment de manque d’énergie. À la différence de la somnolence, qui ne peut se résoudre qu’après avoir dormi, dans le cas de la fatigue mentale le fait de changer d’activité permet de restaurer le niveau d’énergie et la capacité à effectuer une tâche différente.</p>
<p>À ce stade, les études s’accordent autour de l’idée que l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0987705316301204">hypoxie et la fragmentation</a> sont deux facteurs déterminants à l’origine des déficits observés, mais leurs contributions spécifiques et les mécanismes par lesquels ils influent sur les fonctions cognitives restent à établir.</p>
<p>C’est l’objet de nos recherches, qui visent à mieux comprendre l’impact de la fragmentation du sommeil non seulement sur la fatigue, mais aussi sur nos capacités cognitives, et à élucider les bases cérébrales sous-jacentes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/peut-on-rattraper-le-sommeil-en-retard-cinq-experts-repondent-102667">Peut-on rattraper le sommeil en retard ? Cinq experts répondent</a>
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<h2>Mimer la fragmentation du sommeil</h2>
<p>Un aspect original de notre projet est d’étudier la réversibilité de ces phénomènes, c’est-à-dire de chercher à mettre en évidence en quelle mesure la restauration d’un sommeil de bonne qualité va améliorer la performance cognitive, diminuer les symptômes de fatigue cognitive, et modifier l’activité cérébrale associée.</p>
<p>Pour atteindre cet objectif, nous testons d’une part des patients souffrant de SAHOS avant et après l’initiation d’un traitement par pression positive continue, et d’autre part des participants sans troubles du sommeil mais que nous testons soit après avoir dormi normalement, soit après avoir passé plusieurs nuits pendant lesquelles leur sommeil a été artificiellement fragmenté.</p>
<p>Concrètement, nous mimons la fragmentation dont souffrent les patients apnéiques en « micro-réveillant » les participants sains via une stimulation auditive, toutes les 90 à 120 secondes, pendant trois nuits consécutives. En journée, patients et participants sains se livrent à une tâche spécifique que nous avons mise au point dans notre laboratoire, destinée à induire de la fatigue cognitive. Elle consiste à traiter le plus rapidement possible, sans erreur, des chiffres et des lettres en alternance pendant 16 minutes, sans interruption.</p>
<p>La survenue de fatigue mentale est évaluée à la fois par la détérioration de la performance au cours des 16 minutes que dure l’exercice, et en demandant aux participants d’évaluer leur niveau de fatigue. Les modifications de leur activité cérébrale sont également étudiées par imagerie cérébrale et électroencéphalographie. Les participants en bonne santé sont aussi testés après trois nuits de sommeil normal, ce qui permet de partiellement simuler la restauration de la qualité du sommeil à la suite d’une utilisation régulière du traitement par pression positive continue. Parallèlement, les patients apnéiques sont testés non seulement avant l’introduction de ce traitement, mais également après trois mois et un an d’utilisation quotidienne et suffisante.</p>
<p>Nos résultats préliminaires chez des volontaires sains au sommeil expérimentalement perturbé suggèrent que cette fragmentation entraîne bien une baisse de la performance cognitive, et l’analyse des données d’activité cérébrale et de fatigue est en cours. Nous avions déjà montré dans une étude précédente, une restauration des capacités d’apprentissage verbal à la suite de l’utilisation de la pression positive continue chez des patients apnéiques.</p>
<p>Ces travaux devraient permettre de mieux comprendre comment survient la fatigue mentale, et de trancher, une fois pour toutes, quant à l’influence du traitement par pression positive continue sur sa réversibilité. Avec en ligne de mire l’espoir qu’une fois clairement informés, les patients observeront leur traitement avec une plus grande rigueur…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133732/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Oumaïma Benkirane ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’apnée du sommeil est un trouble répandu mais sous-diagnostiqué, dont l’impact sur la qualité de vie est important : somnolence, fatigue mentale, risque de maladies chroniques… Explications.Oumaïma Benkirane, Doctorante, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1159432019-05-13T19:15:01Z2019-05-13T19:15:01ZPourquoi les femmes sont sous-représentées dans l’entrepreneuriat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/270715/original/file-20190424-121254-gokkoo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C23%2C985%2C642&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le phénomène des « mompreneurs » relève tout le potentiel d’innovation des mères de famille.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Diego Cervo/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En France, alors que la parité est aujourd’hui <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3303378?sommaire=3353488">globalement acquise dans la population active</a>, le nombre de femmes entrepreneurs continue de stagner depuis une trentaine d’années, avec un <a href="https://www.bpifrance.fr/A-la-une/Actualites/Entrepreneuriat-feminin-les-chiffres-cles-22473">tiers des créations d’entreprise</a>. Pourtant, cela fait maintenant près de 20 ans que s’imaginent et se déploient de multiples <a href="https://www.economie.gouv.fr/entreprises/femmes-entrepreneures-aides">démarches</a> pour soutenir les femmes, notamment par le biais de <a href="https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/dossiers/egalite-professionnelle/entrepreneuriat-des-femmes/">mesures nationales</a>, de <a href="https://www.vie-publique.fr/politiques-publiques/droits-femmes/index/">politiques publiques</a> et familiales proactives et incitatives.</p>
<p>Pour mieux comprendre cette réalité entrepreneuriale, nous avons réalisé une <a href="https://www.inderscienceonline.com/doi/abs/10.1504/IJESB.2017.081034">étude sur une cohorte de près de 50 000 entrepreneurs</a>, âgés en moyenne de 43 ans et répartis sur la France entière.</p>
<h2>Au-delà des chiffres, une situation préoccupante</h2>
<p>Les premiers résultats descriptifs valident la part des femmes entrepreneurs à 31 %. Mais ils montrent également la difficulté d’être mère et entrepreneur : tandis que 57 % des entrepreneurs ont des enfants, seuls 18 % sont des mères. Il semble que l’égalité hommes-femmes <a href="https://www.cairn.info/revue-nouvelles-questions-feministes-2004-3-page-26.htm">face aux contraintes du « care »</a> (le soutien à autrui) demeure une utopie !</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/267788570" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Les femmes entrepreneurs en France », vidéo FNEGE Médias (mai 2018).</span></figcaption>
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<p>De fait, la France promeut encore un <a href="https://www.cairn.info/entre-famille-et-travail--9782707157515-page-167.htm">modèle de la famille</a> dans laquelle la femme endosse le rôle de la « femme au foyer active », dans lequel elle assume des activités domestiques et professionnelles. Le soutien à la maternité mis en place pour favoriser l’emploi des femmes tend à maintenir des barrières subtiles enracinées dans <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/lideal-femmes-devraient-rester-a-maison/00077848">des stéréotypes et des rôles sociaux traditionnels</a>.</p>
<h2>La maternité, un élément à charge</h2>
<p>Dans le contexte institutionnel national et régional français, nous avons testé l’impact de la maternité sur les trois éléments centraux pour la réussite entrepreneuriale que sont les accès au marché et à la monnaie (au financement), ainsi que les compétences en management.</p>
<p>Par rapport à l’accès au marché, les mères restent cantonnées à des activités historiquement à prédominance féminine. Elles se restreignent en effet généralement à deux grandes catégories statistiques, « vente, transports et restauration » et « autres services », dans laquelle sont notamment classés les activités liées <a href="https://www.infogreffe.fr/informations-et-dossiers-entreprises/actualites/les-femmes-et-l-entrepreneuriat.html">au commerce du soin à autrui</a>.</p>
<p>Notre étude relève également que les mères intègrent peu le secteur de l’innovation. Pourtant, être femme a un impact positif fort en termes de produits et/ou de services innovants. Plus intéressant encore, être mère renforce même l’innovation dans le produit et le service, comme l’illustre le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/mi/2013-v17-n3-mi0805/1018270ar/abstract/">phénomène des mampreneurs</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=336&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270716/original/file-20190424-121245-101iyrz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=423&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En France, un tiers des entrepreneurs sont des femmes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fnege-medias.fr/les-femmes-entrepreneurs-en-france-2/">FNEGE Médias</a></span>
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<p>Concernant la monnaie, les femmes sont réputées avoir un <a href="http://www.fbf.fr/fr/files/9BUKGC/entreprenariat_feminin_2018.pdf">accès réduit au financement bancaire</a>. Or, elles sont systématiquement moins confrontées à des difficultés de remboursement que les hommes, bien que leur part d’emprunt pour l’investissement initial ne soit pas plus important. Concernant le management, du fait <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2016-1-page-19.htm">du plafond de verre</a>, les mères sont notoirement peu présentes dans des postes de management (à l’exception des RH et de la communication), secteurs davantage féminisés dans les entreprises). Pourtant, les femmes entrepreneurs évoquent systématiquement moins de difficultés de gestion que les hommes, tout en utilisant beaucoup moins de services payants externes. Les mères souffrent donc avant tout d’un manque d’expérience dans des postes à <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/fr/employment/pallier-la-penurie-d-entrepreneurs-2015/le-travail-independant-et-l-entrepreneuriat-chez-les-femmes_9789264249936-5-fr">responsabilités managériales</a> malgré leurs compétences de gestionnaire.</p>
<p>Il existe donc bien de réelles différences significatives entre les hommes, les femmes et les mères pour chacun des trois éléments centraux de la réussite entrepreneuriale.</p>
<h2>Et au-delà ?</h2>
<p>Notre étude confirme que, malgré un changement positif du contexte institutionnel pour les femmes et leur propre évolution professionnelle, les secteurs d’activités et les capacités d’innovation demeurent genrés. Le choix du métier et la façon de le développer reposent toujours sur un construit social plus que sur des caractéristiques individuelles.</p>
<p>Néanmoins, ce construit se transforme à l’initiative même de ses acteurs. Détournées du secteur innovant centré sur la sphère « économique », les femmes osent une approche alternative plus globale, en améliorant la sphère « sociale ». Ce faisant, elles proposent une nouvelle perspective à l’entrepreneuriat.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270717/original/file-20190424-121258-1680ou.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les secteurs d’activités et les capacités d’innovation demeurent genrés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Valery Sidelnykov/Shutterstock</span></span>
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<p>Nous préconisons en conséquence d’accentuer les politiques de soutien, en les combinant aux autres politiques familiales afin d’aider les femmes à prendre confiance et à ne pas s’autolimiter.</p>
<p>De même, il est important d’instaurer de profonds changements dans le monde entrepreneurial en éliminant les barrières artificielles créées par les mesures classiques de la performance et de la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2015-1-page-93.htm">réussite</a>. Il s’agit d’en créer de nouvelles, englobant un plus large éventail de réalités, notamment celles des femmes et des mères, car parier sur les qualités des femmes pourrait certainement bénéficier à l’entrepreneuriat féminin, à l’entrepreneuriat en général et au reste de la société.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115943/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Certaines représentations genrées limitent encore leur capacité à déployer leurs talents en matière de création d’entreprise.Katia Richomme-Huet, Professeur en entrepreneuriat, Kedge Business SchoolVirginie Vial, Professeure d'économie, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1152412019-04-11T22:49:44Z2019-04-11T22:49:44ZQualité de vie au travail : bienvenue dans l’ère du « greatwashing »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/268545/original/file-20190410-2927-19uk8w3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1000%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La table de baby-foot, un objet culte devenu le symbole du bonheur des salariés au travail. </span> <span class="attribution"><span class="source">Yellowj / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Ce mardi 3 avril a été publié le palmarès 2019 « Best Workplaces » établi par l’institut américain <a href="https://www.greatplacetowork.fr/palmares-certifications/palmares-2019/">Great Place to Work</a>, qui distingue les entreprises les plus investies dans la qualité de vie au travail (QVT).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268558/original/file-20190410-2931-1ngmfxp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le cabinet EY arrive en tête du classement « Best Workplaces France 2019 » dans la catégorie des entreprises de plus de 5 000 salariés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Casimiro PT/Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>On peut être surpris de trouver dans les premières places de la liste qui concerne la France des entreprises comme EY, anciennement Ernst&Young, ou d’autres cabinets de conseil, les métiers de l’audit et de l’expertise étant <a href="https://theconversation.com/regard-sur-les-elites-economiques-les-consultants-et-la-meritocratie-110118">réputés très stressants</a>. On peut encore s’étonner de la présence de Deliveroo. En effet, même si l’enquête ne porte que sur les salariés du siège, le spécialiste de la livraison à domicile est plus fréquemment cité dans les médias pour des procès de requalification de ses contrats que pour ses conditions de travail avantageuses.</p>
<p>Alors que nous enseigne ce classement aux résultats contre-intuitifs ? Doit-on y voir des phénomènes spécifiques en matière de QVT dans ces secteurs ? Une véritable prise de conscience du <em>top management</em> qui aurait mis en place des politiques de santé au travail à succès ou alors… une dimension d’affichage plus « stratégique » ?</p>
<h2>Le thermomètre plutôt que le malade</h2>
<p>L’employeur est <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idSectionTA=LEGISCTA000006178066&cidTexte=LEGITEXT000006072050&dateTexte=20090528">tenu par la loi</a> de tout mettre en œuvre pour préserver la santé physique et mentale de ses salariés. Ainsi a-t-on cherché à préserver celui-ci du stress ou des risques psychosociaux (RPS). Selon l’<a href="https://osha.europa.eu/fr">Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail</a>, le stress au travail survient :</p>
<blockquote>
<p>« Lorsqu’il y a un déséquilibre entre la perception qu’une personne a des contraintes que lui imposent son environnement et ses propres ressources pour y faire face. »</p>
</blockquote>
<p>En ce qui concerne les RPS, le <a href="https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_SRPST_definitif_rectifie_11_05_10.pdf">Collège d’expertise</a> présidé par Michel Gollac et Marceline Bodier (2011) retient la définition suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Les risques pour la santé mentale, physique et sociale, engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental ».</p>
</blockquote>
<p>Contrairement à l’approche RPS, plus globale, l’approche en termes de stress présente plusieurs avantages opérationnels, permettant notamment la mise en œuvre de systèmes d’évaluation et de prévention simples et ciblés sur l’individu. De plus, l’approche stress a permis aux organisations de s’acquitter en partie de leurs nouvelles obligations en termes de santé et sécurité au travail, tout en ignorant, volontairement ou non, les <a href="https://theconversation.com/mesurer-la-souffrance-au-travail-des-sirenes-hurlantes-au-mur-du-silence-83751#comment_1403139">origines organisationnelles des RPS</a>.</p>
<p>Cette approche a également entraîné des <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/tel-00860996/">pratiques de prévention</a> davantage centrées sur le thermomètre plutôt que sur le malade (par exemple les trois axes du <a href="https://www.atousante.com/risques-professionnels/stress-professionnel-questionnaire-karasek/">modèle de Karasek</a>, fréquemment utilisé : les marges de manœuvre accordées aux salariés, la pression psychologique et le soutien social dont ils bénéficient). Ce sont finalement les <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01422873/">dispositifs les plus rapides à mettre en œuvre</a> mais les moins efficaces en termes de prévention sur le long terme qui sont déployés, permettant ainsi aux organisations de répondre « facilement » à l’obligation de préservation de la santé mentale.</p>
<h2>Abandon de la dimension organisationnelle</h2>
<p>Selon l’<a href="https://www.anact.fr/accord-national-interprofessionnel-du-19-juin-2013-relatif-la-qualite-de-vie-au-travail">accord national interprofessionnel</a> (ANI) du 19 juin 2013, la QVT peut être définie comme :</p>
<blockquote>
<p>« Un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué ».</p>
</blockquote>
<p>Selon l’<a href="http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=DC%2012">INRS</a>, la notion de bien-être au travail dépasse le cadre de la santé mentale et l’absence de pathologie associée. Elle s’appuie sur le ressenti de l’individu sur son environnement de travail, la satisfaction et l’épanouissement qu’il peut en retirer. Ces approches « positives » sont donc <em>win-win</em> : les salariés sont plus heureux au travail et l’entreprise est plus performante. Elles facilitent ainsi le dialogue social autour de concepts moins marqués émotionnellement que les risques et le mal-être au travail. Elles ont enfin pour avantage de rendre potentiellement gérable l’obligation de prévention de la santé mentale des salariés : on peut notamment fixer des objectifs aux managers en termes de QVT, bien-être ou bonheur au travail de ses subordonnés…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268562/original/file-20190410-2935-18rmqqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les dispositifs de prévention sont centrés sur l’individu, délaissant la dimension organisationnelle des éventuels problèmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">GaudiLab/Shutterstock</span></span>
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<p>En y regardant de plus près, les limites et les biais sont nombreux. Tout d’abord, la principale évolution est sémantique. Outre le côté « verre à moitié plein », le concept de bonheur au travail regroupe un ensemble de composantes très disparates (stress, bien-être, risques, quête de sens, etc.), un peu à la manière d’un produit financier complexe à l’époque de la crise des <em>subprimes</em>, les éléments positifs servant de paravents aux éléments plus négatifs. Les dispositifs et outils d’identification et de pilotage des risques sont sensiblement restés les mêmes, mais cette approche <em>package</em> sous-entend qu’il existe des mécanismes de compensation entre mal-être et bien-être, ce qui est loin d’être avéré.</p>
<p>Ainsi, entre les <em>chief happiness officers</em>, les baby-foots, les cours de sophrologie ou les coachs de gestion d’emploi du temps, cette « quête du bonheur » pourrait paradoxalement aggraver les choses ! D’un côté, elle se focalise beaucoup sur l’individu en tant qu’humain (et non en tant que professionnel dans une activité organisée), abandonnant largement la dimension organisationnelle dans les facteurs explicatifs. Et, de l’autre, elle pousse les salariés à une forme d’injonction au bonheur, car tout a été fait pour les rendre « heureux ».</p>
<p>On notera au passage que cette idéologie repose sur une approche standardisée du bonheur, chacun devant éprouver le même plaisir à jouer au baby-foot avec ses collègues. Cela peut paradoxalement avoir pour effet d’additionner une nouvelle souffrance à la souffrance existante, faisant basculer un peu plus l’origine du problème du côté des salariés. Pour le dire autrement, à partir du moment où l’organisation peut justifier s’être acquittée de sa mission de préservation de la santé mentale des salariés en mettant en place tout le nécessaire pour son bien-être, elle rend celui-ci potentiellement responsable de son propre malheur.</p>
<h2>L’ère du « greatwashing » est arrivée</h2>
<p>Si la définition du Collège d’expertise ne recouvrait que partiellement les RPS et leur complexité, la QVT ou le bien-être en ont accentué la part d’invisibilité dans l’entreprise. Les organisations peuvent, grâce à cette lecture en creux des RPS (le bien-être au travail sous-entend l’absence de mal-être), répondre plus simplement à la double attente juridique et médiatique actuelle. Mais elles peuvent, en plus, utiliser ces concepts positifs comme un outil <em>corporate</em> pour expliquer comment il fait bon vivre dans l’entreprise et combien les <a href="https://start.lesechos.fr/rejoindre-une-entreprise/actu-recrutement/salaries-heureux-au-travail-les-secrets-des-champions-12181.php">salariés sont heureux</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=750&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/268564/original/file-20190410-2918-o4h7t0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=943&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La QVT peut devenir un outil au service de la communication corporate des entreprises.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Le Moal/Shutterstock</span></span>
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<p>Dans les faits, il semble que l’on assiste pour certaines entreprises davantage à un travail de communication et d’affichage marketing qu’à un moyen de mieux prévenir les pathologies de la santé psychosociale des salariés : les entreprises n’ont jamais autant communiqué sur les actions qu’elles entreprennent pour avoir des salariés heureux, tandis que dans le même temps l’augmentation inquiétante des arrêts de travail se poursuit.</p>
<p>D’ailleurs, on remarquera que, pour le classement « Best Workplaces », les entreprises sondées complètent elles-mêmes un dossier qui décrit l’ensemble de ses pratiques managériales pour favoriser la QVT. Ces données, déclaratives, sont ensuite évaluées par les experts qui établissent la liste, ce qui laisse penser que sont récompensées avant tout les entreprises qui communiquent le mieux sur leurs pratiques. Or, en la matière, les cabinets de conseil ont forcément des discours rodés, puisqu’une partie de leur activité consiste justement à offrir des prestations d’amélioration de la QVT chez leurs clients et prospects ! Voilà qui peut expliquer, en partie au moins, les résultats contre-intuitifs précités…</p>
<p>Nous proposons ainsi de nommer « greatwashing » ce découplage progressif entre réalités internes et affichage externe de la santé au travail par l’entreprise, pour faire notamment référence au <a href="https://theconversation.com/ces-arbres-qui-cachent-des-forets-de-greenwashing-105744"><em>greenwashing</em></a> des entreprises orientant leur communication vers un positionnement écologique. Même si les dispositifs mis en place peuvent avoir leur intérêt, ils restent cependant d’un effet très limité, car ils ne s’attaquent qu’aux conséquences du risque, mais pas réellement aux risques et encore moins aux facteurs de risque plus en amont.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1060073263878078464"}"></div></p>
<p>Dans le processus toujours en cours de construction de la prise en compte de la santé mentale des salariés, les instruments (et les volontés ?) semblent encore manquer, ne serait-ce que pour rendre compte pleinement des situations réelles de travail. Difficile donc de faire la part des choses entre affichage ou résolution réelle des problèmes du travail. Pour 2019, l’entreprise Great Place to Work a d’ailleurs délivré 85 médailles à 222 entreprises participantes, ce qui représente plus de 38 % de lauréats. Il ferait donc bon travailler dans presque quatre entreprises sur dix. Est-ce vraiment crédible ? En tous cas, ce pourcentage reste supérieur, à titre de comparaison, aux <a href="https://www.huffingtonpost.fr/fabrizio-bucella/faut-il-se-fier-aux-medailles-des-concours-de-vin_a_21714014/">30 % maximum</a> de médailles autorisées dans les concours des vins en France…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/115241/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Des entreprises où il est réputé stressant de travailler, comme les cabinets de conseil, figurent en tête du classement « Best Workplaces 2019 ». Comment expliquer ces résultats contre-intuitifs ?Jean-Christophe Vuattoux, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université de PoitiersTarik Chakor, Maître de conférences en sciences de gestion - Université Savoie Mont Blanc, Membre de la chaire Management et Santé au travail, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1085152019-01-16T21:07:48Z2019-01-16T21:07:48ZNon, les enseignants ne vont pas si mal<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254092/original/file-20190116-163277-11fxh0c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=24%2C0%2C5062%2C3342&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Bien que des disparités existent, les enseignants sont globalement satisfaits de leur métier.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Deux mois et demi après la diffusion du hashtag <a href="https://www.liberation.fr/france/2018/10/22/pasdevagues_1687138">#pasdevagues</a>, lancé en octobre par les enseignants pour dénoncer le manque de soutien de leur hiérarchie face aux violences scolaires, le mouvement des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/01/10/mouvement-des-stylos-rouges-pourquoi-les-profs-se-mobilisent-sur-le-point-d-indice_5407369_4355770.html">stylos rouges</a> monte en puissance. Ses sympathisants réclament entre autres choses un <a href="http://stylosrouges-officiel.fr/wp-content/uploads/2019/01/Stylos-Rouges-Manifeste-v3.1.pdf">dégel du point d’indice et la fin des suppressions de postes</a>.</p>
<p>Ces événements, tout comme les faits divers survenant régulièrement dans les établissements d’enseignement, renvoient une certaine image, parfois extrême, du métier d’enseignant. Mais celle-ci est-elle représentative de ce que vit la majorité d’entre eux ? Pour se faire une idée fiable de la réalité, il importe de pouvoir s’appuyer sur des données représentatives de l’ensemble des enseignants.</p>
<p>Ce fut l’objet de l’enquête nationale <a href="https://www.fondationmgen.fr/wp-content/uploads/2017/02/Rapport_descriptif_QVE_VF_newlogoFili-1.pdf">« Qualité de vie des enseignants »</a> réalisée en 2013 par la Fondation d’entreprise MGEN pour la santé publique, en partenariat avec le ministère de l’Éducation nationale. Après cinq ans d’investigation, sept articles scientifiques ont été publiés à partir de ces données, d’autres sont en cours.</p>
<p>La présente synthèse dresse un état des lieux tout en nuances de la qualité de vie des enseignants et déconstruit certains clichés associés à la profession. Au final, le tableau n’est pas forcément si noir qu’on pourrait le croire.</p>
<h2>L’enquête « Qualité de vie des enseignants »</h2>
<p>En 2013, 5 000 enseignants ont été sélectionnés par tirage au sort dans l’annuaire des personnels de l’Éducation nationale. Ils ont été destinataires d’un questionnaire détaillé s’intéressant à leur environnement de travail, leur bien-être professionnel et leur qualité de vie.</p>
<p>Comme en témoigne le taux de participation, de l’ordre de 55 %, l’enquête a été très bien accueillie. Les réponses obtenues ont ensuite été enrichies par des données administratives et pondérées, afin d’être extrapolables à l’ensemble des enseignants en France.</p>
<p>Si un biais résiduel lié à la santé peut persister même après redressement (d’une manière générale, les personnes qui rencontrent des problèmes de santé sont moins susceptibles de répondre aux enquêtes), il semble ici limité puisqu’il a été constaté dans les bases de données administratives que répondants et non-répondants avaient des recours et des durées des congés maladie très similaires.</p>
<p>En tant qu’étude transversale, cette enquête permet de dresser un état des lieux à un moment donné et d’établir des corrélations. En revanche, elle ne permet pas de statuer sur la causalité des liens entre facteurs professionnels et indicateurs de santé.</p>
<h2>Des enseignants plutôt satisfaits</h2>
<p>Selon les résultats de l’enquête, globalement, les enseignants font face : s’ils sont près de 60 % à reconnaître que l’exercice du métier est de plus en plus difficile, 82 % se déclarent satisfaits ou très satisfaits de leur expérience professionnelle.</p>
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<p>Les enseignants portent une appréciation globalement positive sur leur qualité de vie : 65 % la jugent bonne ou très bonne contre 8 % mauvaise ou très mauvaise (la part restante la jugeant « ni bonne ni mauvaise »). Ils estiment également satisfaisantes leur santé générale, leur mobilité physique, leur capacité de concentration et leur santé psychologique. Enfin, ils évaluent très positivement leurs relations interpersonnelles, que ce soit dans la sphère privée ou professionnelle, ainsi que leur cadre de vie : lieu de résidence, accès aux soins médicaux, transports.</p>
<p>La satisfaction apparaît toutefois plus mitigée vis-à-vis de l’équilibre financier par rapport aux besoins, des possibilités d’activité de loisirs, de la qualité du sommeil et du sentiment de sécurité dans la vie quotidienne.</p>
<p>Ces tendances générales doivent par ailleurs être nuancées en fonction de certains facteurs professionnels, en premier lieu le niveau d’enseignement, le type d’établissement et l’ancienneté. En effet, et c’est un enseignement important de l’étude, derrière l’apparente homogénéité de la profession, les conditions d’exercice et le vécu des enseignants sont très divers. Ainsi, le quotidien d’un instituteur d’une classe multiniveaux dans une petite école montagnarde sera assez différent de celui d’un professeur de sport d’un collège de banlieue ou d’un enseignant-chercheur à l’université.</p>
<h2>La voix, talon d’Achille des enseignants</h2>
<p>Si enseigner ne requiert pas une condition physique de marathonien, un organe est néanmoins particulièrement sollicité en classe : les cordes vocales. Pour les enseignants, la voix est un outil de travail incontournable et dès qu’elle dysfonctionne, toutes les sphères de la vie quotidienne, tant professionnelles que privées, sont touchées. C’est ce qu’a mis en lumière un <a href="https://www.em-consulte.com/article/1060593/troubles-de-la-voix-chez-les-enseignants-francais%c2%a0">volet spécifique de l’enquête</a> consacré aux troubles vocaux.</p>
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<p>Les troubles de la voix chez les enseignants sont loin d’être rares, et surtout, ils ne sont jamais anodins. Au moment de l’enquête, 13 % des enseignants se plaignaient d’un handicap vocal modéré à sévère, 16 % avaient été dans l’incapacité de faire cours au moins une fois dans l’année, et 23 % avaient déjà consulté un professionnel de santé pour un problème de voix.</p>
<p>Plus le contexte socio-environnemental était défavorable (environnement de vie jugé non sain, établissement d’enseignement implanté dans un quartier socialement défavorisé), plus la plainte vocale était fréquente. En outre, les troubles vocaux étaient quasi systématiquement associés à une moindre satisfaction du vécu professionnel et de la qualité de vie.</p>
<h2>Un métier moins solitaire qu’il n’y paraît</h2>
<p>Un enseignant seul, sur une estrade devant un tableau, face à sa classe. Voici souvent l’image qui vient à l’esprit lorsqu’on évoque le métier d’enseignant.</p>
<p>Pourtant les liens sociaux noués par les enseignants dans le cadre professionnel, avec les élèves, les familles, les collègues, les personnels de direction, etc. sont nombreux et riches. Une large majorité des enseignants porte une appréciation positive sur ces interactions. Une étude révèle d’ailleurs que le soutien social au travail est important pour les enseignants, et notamment celui reçu de la hiérarchie, <a href="https://doi.org/10.1007/s00420-019-01431-6">afin de lutter contre la symptomatologie d’épuisement professionnel</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/254076/original/file-20190116-163271-1tylaqz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le métier d'enseignant est moins solitaire qu'il n'y paraît.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/en/cellular-education-classroom-1352613/">giovannaco/Pixabay</a></span>
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<h2>Enseigner en fin de carrière n’est pas plus facile</h2>
<p>Dans le volet de l’étude consacré aux <a href="http://www.em-consulte.com/article/1169377/bien-etre-au-travail-et-qualite-de-vie-des-enseign">différences de ressenti des enseignants en fonction de leur ancienneté</a>, un affaiblissement du bien-être, en particulier professionnel, a été mis en évidence chez les enseignants en fin de carrière (ancienneté supérieure ou égale à 30 ans). Et ce, alors même que leurs conditions de travail sont a priori plus favorables, puisque ces enseignants interviennent plus souvent dans des niveaux d’enseignement élevés et face à un public favorisé.</p>
<p>Par exemple, 77 % des enseignants en fin de carrière considéraient l’exercice du métier de plus en plus difficile, contre 20 % en début de carrière (ancienneté inférieure ou égale à 5 ans). Les enseignants en fin de carrière, qui sont aussi les plus âgés étant donnée la grande linéarité de l’évolution professionnelle dans ce secteur, étaient aussi moins satisfaits de leur santé physique.</p>
<p>Plus préoccupant était le fait qu’ils soient aussi moins satisfaits de leur santé psychologique et de leurs liens sociaux. Par ailleurs, l’étude a relevé un point de vigilance pour les enseignants en début de carrière : alors qu’ils manquent d’expérience et ont besoin de plus de temps pour préparer leur cours, ils évoluent dans un environnement moins favorable tant au niveau professionnel que résidentiel.</p>
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<h2>La violence scolaire vue par les enseignants</h2>
<p>L’enquête a permis d’objectiver le phénomène de violence scolaire <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_92/07/6/depp-2016-EF-92-Violence-a-ecole-violence-au-travail-le-cas-des-enseignants_686076.pdf">du point de vue des enseignants</a>, en adoptant une approche inclusive de la violence. La violence physique et verbale, mais également celle d’ordre psychologique, ont été prises en compte.</p>
<p>Durant l’année scolaire, 17 % des enseignants avaient été victimes de comportements hostiles et 40 % avaient été témoins de tels agissements sur leur lieu de travail. Une analyse fine, y compris textuelle, des faits de violence décrits par les enseignants victimes a mis en lumière que la seule violence « scolaire » (typiquement, de la part d’un élève dans le second degré ou de la part d’un parent en maternelle) n’est pas la seule à peser sur le bien-être des enseignants. La violence « interne », inhérente au monde professionnel, est également problématique. C’est notamment le cas des relations conflictuelles avec les collègues ou des tensions avec la hiérarchie.</p>
<p>Avoir été victime de violence était étroitement associé à des indicateurs de santé défavorables : symptômes d’épuisement professionnel, moindre qualité de vie, troubles de la voix et absence au travail.</p>
<h2>Des arrêts de travail qui concernent plus d’un enseignant sur trois</h2>
<p>À partir de la description des épisodes d’arrêt de travail vécus par les enseignants au cours de l’année scolaire, un <a href="http://www.em-consulte.com/article/1198986/alerte">module de l’enquête</a> a permis d’étudier les congés maladie des enseignants en tant qu’indicateur de santé.</p>
<p>Plus d’un enseignant sur trois (36 %) rapportait avoir eu au moins un jour de congés maladie depuis le début de l’année scolaire. Les maladies des voies respiratoires et troubles ORL (bronchite, asthme, grippe…) représentaient le principal motif médical du recours aux congés maladie (37 %). Cependant, lorsqu’on raisonnait en nombre de jours d’absence et non d’épisodes, c’étaient les affections de l’appareil locomoteur (affection des os et des articulations, lésion traumatique) et les affections neurologiques et psychiques (migraine, maux de tête, fatigue, surmenage) qui pesaient le plus, avec respectivement 27 % et 25 % des jours d’absence. Les maladies des voies respiratoires et troubles ORL, donnant lieu à des congés plus courts, ne représentaient plus que 14 % des jours.</p>
<p>L’étude des facteurs associés aux congés maladie a mis en évidence des contextes catalyseurs d’absence : demande psychologique au travail élevée, insécurité, contexte socio-environnemental défavorable.</p>
<p>Le taux de recours aux congés maladie des enseignants apparaît supérieur de plusieurs points à celui des salariés du privé, alors même que, du fait des vacances scolaires, leur nombre de semaines travaillées est moindre et que certains bénéficient d’emploi du temps concentré sur quatre jours ou moins. Il est toutefois difficile de comparer les chiffres relatifs aux absences au travail d’une étude à l’autre, car les périmètres diffèrent (les « raisons de santé » pouvant inclure ou non, la maternité, la maladie d’un enfant, etc.), tout comme les périodes d’observation (l’année, le trimestre, la semaine passée…).</p>
<p>Il est intéressant de souligner que les durées moyennes annuelles des arrêts pour raisons de santé rapportée à l’ensemble de la profession enseignante ou des salariés du privé sont comparables (environ 15 à 18 jours par actif). Ce constat illustre l’hypothèse – qui reste à approfondir – que les salariés bien couverts vis-à-vis des congés maladie (comme les enseignants) hésiteraient moins à prendre des arrêts courts et que, selon une problématique analogue à`celle du renoncement aux soins, ce recours les protégerait dans une certaine mesure vis-à-vis des congés plus longs.</p>
<h2>Les inégalités hommes/femmes existent aussi dans l’enseignement</h2>
<p>L’enseignement est un secteur fortement féminisé. Toutefois, il existe un net gradient selon lequel plus le niveau d’enseignement augmente, plus les hommes sont représentés. Dans l’enquête, ce gradient était fidèlement reproduit, tout comme les <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_96/68/8/DEPP-EF96-2018-article-11-bien-etre-travail-enseignants-differences-hommes-femmes_905688.pdf">différences de conditions d’exercice entre hommes et femmes</a> dans le premier degré, second degré et supérieur. Par exemple, les enseignantes exerçaient plus souvent à temps partiel et étaient moins souvent déchargées d’heures d’enseignement que leurs homologues masculins ; ceux-ci enseignaient plus fréquemment des disciplines scientifiques ou techniques dans le secondaire et le supérieur, etc.</p>
<p>Concernant le bien-être professionnel, les différences sexuées étaient moins marquées, sauf dans le secondaire où les enseignantes apparaissaient globalement un peu plus satisfaites de leur expérience professionnelle que les hommes.</p>
<p>Finalement, si les enseignantes et les enseignants pouvaient exercer selon des modalités sensiblement différentes d’un point de vue statistique, leur bien-être professionnel apparaissait, à quelques exceptions près, comparable.</p>
<h2>Quelques comparatifs supplémentaires</h2>
<p>D’autres travaux plus spécifiques se sont focalisés tour à tour sur les différences de vécu professionnel des enseignants du public et du privé ; de lycée professionnel et de lycée général et technologique ; en éducation prioritaire ou non. Il en est ressorti des résultats nuancés.</p>
<p>Pour ce qui est de la comparaison public/privé, le <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_88-89/57/7/depp-2015-EF-88-89-satisfaction-professionnelle-enseignants-secondaire_510577.pdf">ressenti professionnel des enseignants du secondaire privé sous contrat</a>, évalué au moyen de cinq indicateurs, apparaissait plus positif que dans le public, et cet écart subsistait même à condition de travail comparable (en termes d’origine sociale des élèves par exemple). En particulier, il était observé dans le privé un taux de satisfaction professionnelle plus élevé et de meilleurs indicateurs de santé émotionnelle et de climat relationnel.</p>
<p>Dans l’étude comparant les ressentis des enseignants de lycée professionnel et de lycée général et technologique, les premiers rapportaient une satisfaction professionnelle un peu moins bonne que leurs homologues de lycée général et technologique, les <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/revue_93/38/6/EF-93-article-04_763386.pdf">différences restant toutefois globalement ténues</a>.</p>
<p>Enfin, une analyse en cours de publication sur l’éducation prioritaire a montré que le bien-être des enseignants qui y exercent ne différait pas foncièrement des autres. Par contre, l’étude a confirmé des différences de profils et de conditions d’exercice, en particulier, les enseignants en éducation prioritaire étaient sensiblement plus jeunes et donc moins expérimentés que les autres enseignants.</p>
<h2>Des enseignants globalement en bonne santé et satisfaits</h2>
<p>En conclusion, la synthèse des résultats de l’enquête « Qualité de vie des enseignants » révèle que ceux-ci sont globalement en bonne santé et satisfaits de leur vécu professionnel, quelques nuances étant toutefois à apporter quant à leur inquiétude largement partagée vis-à-vis du futur. Par ailleurs, derrière son apparente homogénéité, la profession cache une grande diversité de contenu et de conditions d’exercice, qui peut expliquer une variabilité dans le bien-être des enseignants.</p>
<p>L’ensemble des résultats ouvrent des pistes de promotion de la qualité de vie des enseignants, notamment via le renforcement du soutien social au niveau de l’équipe éducative ou l’amélioration du cadre psychosocial et environnemental. Afin d’approfondir ces pistes, des projets de recherche de long terme, dans la continuité de cette enquête, sont d’ores et déjà initiés, en partenariat avec l’Inserm ou le ministère de l’Éducation nationale.</p>
<hr>
<p><em>Marie-Noël Vercambre-Jacquot tient à remercier Nathalie Billaudeau, Fabien Gilbert, Pascale Lapie-Legouis et Sofia Temam qui ont activement participé au dépouillement de l’enquête « Qualité de vie des enseignants ».</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Noël Vercambre-Jacquot travaille pour la Fondation d'entreprise MGEN pour la Santé Publique</span></em></p>En France, près d’un million d’enseignants — soit 4 % de la population active — œuvrent au quotidien auprès des élèves et des étudiants, dans le secteur public ou privé. Comment se sentent-ils ?Marie-Noël Vercambre-Jacquot, Chercheur épidémiologiste, Fondation MGEN pour la santé publiqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1092322019-01-01T23:29:50Z2019-01-01T23:29:50ZLa qualité du travail, clé de la santé et de la performance des travailleurs<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252169/original/file-20181230-47298-1f5f98k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C0%2C3190%2C2117&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le travail bien fait.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/152892/">Photo on Foter.com</a></span></figcaption></figure><p>« Comme c’est l’usage à cette période, nous vous souhaitons une bonne santé pour l’année qui vient, que favorisera un travail de qualité permettant d’être performant. Car rien n’est plus pathogène que la « performance empêchée » ou une organisation qui n’est pas à l’écoute de ses collaborateurs ».</p>
<p>Du 13 au 20 septembre 2018 a eu lieu à <a href="http://www.ccic-cerisy.asso.fr/travail18.html">Cerisy</a> un colloque consacré au <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/projet/colloque-le-travail-en-mouvement/">Travail en mouvement</a>. Une <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/blog/colloque-cerisy-autonomie-responsabilisation-participation/">table ronde</a> a réuni Yves Clot, professeur émérite de psychologie du travail au CNAM, Jean‑Yves Bonnefond, chercheur dans son équipe, et Bertrand Ballarin, ancien responsable des relations sociales de Michelin et initiateur de la démarche « responsabilisation » du groupe, pour parler d’autonomie et de participation des salariés au sein de nouvelles formes d’organisation du travail.</p>
<p>Les enquêtes de la DARES sont formelles : 35 % des salariés de l’industrie et 36 % de ceux de la fonction publique déclarent ne pas ressentir de fierté dans leur travail et ne se reconnaissent pas dans le travail qu’ils effectuent. La notion de travail « bien fait » et son contraire, l’<a href="https://journals.openedition.org/lectures/1064">impossibilité d’y parvenir</a>, représentent, selon Yves Clot, l’une des questions centrales du travail aujourd’hui. Elles impactent significativement la santé des travailleurs et la perception de leurs conditions de travail. Les salariés réclament de plus en plus d’être parties prenantes des décisions qui concernent leur travail. Lorsque ce « pouvoir d’agir » est empêché, les pathologies apparaissent.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un travail « bien fait » ?</h2>
<p>Or, il n’existe pas dans les entreprises de cadre institutionnalisé pour discuter de ce qu’est un travail « bien fait » ; cela reste le privilège de l’employeur qui détient un pouvoir discrétionnaire sur l’activité de travail dans le cadre du contrat de subordination qu’est le salariat. C’est pourquoi Yves Clot milite depuis longtemps pour la création d’instances de délibération où l’on puisse discuter de la qualité du travail – un concept radicalement différent et autrement plus fondamental que la « qualité de vie au travail » (baby-foot, masseurs, crèches et <em>chief happiness officer</em>) dont il est tant question.</p>
<p>Ces espaces de « dispute professionnelle », comme il aime à les appeler, présupposent une acceptation des « conflits de critères » sur ce qu’est un travail bien fait. La discussion sur la qualité du travail devient alors le chaînon manquant entre santé psycho-physique des travailleurs et performance au sein d’une entreprise « délibérée » bien plus que « libérée ». Car comme le rappelle Yves Clot, « l’autonomie, ce n’est pas la liberté de faire ce que l’on veut, mais celle de co-construire la prescription ».</p>
<h2>Renault Flins institutionnalise la « coopération conflictuelle »</h2>
<p>Comment construire de telles instances de « coopération conflictuelle » dans l’entreprise ? Une expérimentation a été menée à l’usine Renault de Flins par l’équipe de psychologie du travail du CNAM. En deux ans, le dispositif « DQT » – pour Dialogue sur la Qualité du Travail – a été généralisé au sein de cette usine. À la demande de Patrick Pélata, alors directeur général de Renault, l’aventure commence en 2012 à l’unité d’habillage des portes de Flins, raconte Jean‑Yves Bonnefond qui fut au cœur de cette expérimentation. Des situations de travail sur chaîne sont filmées, puis discutées entre les opérateurs, discussions qui sont à leur tour filmées.</p>
<p>Ce matériau filmé est alors présenté et discuté au sein d’un comité de suivi, composé de la direction de l’usine, direction générale et représentants des salariés. Une prise de conscience s’opère : le comité de suivi constate que le renoncement à parler des opérateurs est source de performance gâchée, d’atteinte à la santé, d’absentéisme et de sentiment de défiance. Mandat est alors donné par la direction générale de poursuivre l’expérimentation par un dialogue entre opérateurs et encadrement. Aujourd’hui, 120 opérateurs référents ont été élus par leurs pairs dans toute l’usine. Ils peuvent sortir de la ligne pour remonter aux chefs d’ateliers les problèmes rencontrés dans le travail quotidien et proposer les solutions qu’ils ont imaginées pour y faire face.</p>
<h2>Michelin : « pas de bien-être sans bien-faire »</h2>
<p>Autre exemple : Michelin. À partir de 2004, Michelin déploie son nouveau système <em>lean</em>, le Michelin Manufacturing Way (MMW). C’est une grande réussite avec une standardisation complète des routines, tableaux visuels, chantiers de progrès entre toutes les usines du monde, et 30 % de gains de productivité à la clé. Mais cinq ans plus tard, un constat s’impose : l’état psychologique de la population ouvrière et des agents de maîtrise s’est dégradé, et ces derniers le font bruyamment savoir. « L’âme Michelin s’en est trouvée désagréablement chatouillée » explique Bertrand Ballarin qui fut à l’origine de la démarche de changement. Sans renoncer au MMW, décision est prise de tester immédiatement un nouveau système de responsabilisation des opérateurs et un changement du mode de management sur 38 îlots de fabrication dans plusieurs usines – un îlot, dirigé par un agent de maîtrise, comprend environ 45 personnes divisées en plusieurs équipes de 8 à 12 opérateurs qui se relaient dans l’usine.</p>
<p>Pour Michelin, il s’agit de « travailler » sur la qualité du travail pour redonner aux opérateurs la maîtrise de ce qu’ils font et in fine de fusionner performance et autonomie. Entre les termes autonomie, responsabilité et liberté, l’entreprise a cependant choisi « responsabilisation », ce qui indique que la montée en responsabilité est un processus « accompagné ». Comme l’indique Bertrand Ballarin, la responsabilité, c’est la combinaison de l’<em>empowerment</em> (pouvoir d’agir) et de l’<em>accountability</em> (le fait de rendre des comptes). Si la responsabilité est par nature individuelle car elle ne se dilue pas, le collectif est mobilisé de façon à ne pas laisser l’individu isolé face à sa responsabilité. C’est aussi l’une des raisons pour lesquelles Michelin n’a pas renoncé au management intermédiaire dont le rôle a cependant évolué. L’opérateur se réapproprie de la liberté dans la mise en œuvre des règles et dans la résolution des problèmes via un transfert de compétences, par exemple en maintenance, réglage, sécurité ou qualité. Aux compétences nécessaires pour tenir le poste vient s’ajouter un nouveau domaine d’expertise dont l’opérateur devient référent, ce qui permet aussi de lutter contre la déqualification des métiers.</p>
<p>En définitive, conclut Bertrand Ballarin avec beaucoup d’honnêteté, il ne s’agit pas de renoncer à l’organisation scientifique du travail, ni au principe d’autorité, mais de tempérer et « détartrer » les règles et processus. Une fois la démarche généralisée, le taux d’engagement des cols bleus est passé chez Michelin de 67 à 82 % entre 2013 et 2016, dépassant celui des cols blancs, ce qui est inédit dans une entreprise manufacturière.</p>
<h2>Il ne suffit pas d’écouter, il faut instituer le conflit</h2>
<p>Il ne faudrait cependant pas croire que ces nouvelles formes d’organisation du travail se limitent à « libérer la parole des salariés » ou « à développer les capacités d’écoute des managers ». Conditions sans doute nécessaires, mais certainement insuffisantes. « Il ne suffit pas d’écouter, insiste Yves Clot, il faut instituer le conflit ; il faut former les managers à promouvoir la qualité du travail plutôt qu’à écouter. Les managers sous-estiment souvent les objectifs de performance souhaités par les salariés. Il y a un problème d’efficacité plus que d’écoute ou alors d’écoute pour l’efficacité. C’est parce que les managers ne permettent pas le meilleur fonctionnement de l’organisation que les opérateurs ont du mal-être au travail ».</p>
<hr>
<p><em>L’original de cet article, préparé avec <a href="https://www.cahierandco.com/">Marie-Laure Cahier</a>, a été publié dans le numéro d’octobre de la revue <a href="https://www.andrh.fr/revue-personnel/1/la-revue-personnel-de-landrh"><em>Personnel</em></a> de l’<a href="https://www.andrh.fr/presentation/1/presentation">ANDRH</a>, qui nous a aimablement autorisé à le reproduire ici.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109232/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<h4 class="border">Disclosure</h4><p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil reçoit des financements de la Fondation Mines Paristech, reconnue d'utilité publique, qui soutient la recherche et l'enseignement de l'Ecole des mines de Paris, membre de l'Université Paris Sciences et Lettres. Thierry Weil conseille La Fabrique de l'industrie, laboratoire d'idée laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie.</span></em></p>Nous vous souhaitons une bonne santé pour 2019. Une bonne dispute sur que ce qu'est “un travail bien” fait pourra y contribuer !Thierry Weil, Chaire Futurs de l'industrie et du travail (CERNA, I3, CNRS), Membre de l’Académie des technologies, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068762018-11-27T20:28:03Z2018-11-27T20:28:03ZCabinets de conseil en management : comment gagner la bataille du recrutement des jeunes diplômés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246438/original/file-20181120-161621-bn9h72.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C34%2C5639%2C3656&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelque 4 000 étudiants de grandes écoles et d’universités rejoignent chaque année les cabinets de conseil en management. </span> <span class="attribution"><span class="source">Wavebreakmedia/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Une intense concurrence fait rage pour attirer et fidéliser les meilleurs profils dans les cabinets de conseil en management. Avec une croissance à deux chiffres amplifiée par la digitalisation, l’industrie embauche chaque année un contingent de <a href="https://consultinfrance.fr/a-la-une/letude-de-marche-referente-conseil-strategie-management-disponible/">plus de 10 000 personnes</a>. Parmi ces nouveaux consultants, pas moins de 4 000 étudiants de grandes écoles et d’universités, ce qui place le secteur au rang de <a href="https://news.efinancialcareers.com/fr-fr/309061/le-secteur-du-conseil-est-le-premier-recruteur-aupres-des-jeunes-diplomes-et-entend-bien-le-rester">premier recruteur de jeunes diplômés</a> en France !</p>
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<figcaption><span class="caption">Interview de Rémi Legrand, Président de Consultin’France, 2018.</span></figcaption>
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<p>Les chiffres sont impressionnants mais ne rendent pas compte de la complexité des enjeux liés au recrutement des jeunes diplômés dans le secteur. Au-delà des volumes, se pose aussi la question vitale de la sélectivité, et donc de l’attractivité des cabinets de conseil…</p>
<h2>Un jeu d’équilibriste entre volumes et sélectivité</h2>
<p>Les cabinets de conseil s’appuient sur des business models perméables à leur environnement, impliquant une gestion extrêmement périlleuse des recrutements : forte sensibilité à la demande, marges reposant sur le <em>staffing</em> (dotation en personnel) de jeunes recrues, <em>turnover</em> élevé (renouvellement du personnel) lié à un management vertical (logique <a href="https://www.consultor.fr/devenir-consultant/gestion-de-carriere-consultant-strategie/235-les-grades-des-cabinets-de-conseil-en-strategie-de-consultant-junior-a-partner.html"><em>up or out</em></a>), obligation de résultat et nécessité d’innover. À chaque opportunité de mission, les managers jouent les équilibristes : les équipes de consultants doivent être bien dimensionnées et, de surcroît, très performantes. À l’échelle du cabinet, les recrutements répondent donc à une double injonction : volumes et sélectivité.</p>
<p>De plus, l’<a href="https://www.digischool.fr/metiers/1er-emploi/entreprise-ideale-jeunes-internationale-conviviale-attractive-28211.html">évolution des attentes</a> des étudiants fragilise l’attractivité des grands cabinets : qualité de vie au travail, équilibre entre vie privée et vie professionnelle, convivialité, esprit d’équipe, etc. Si les marques prestigieuses constituent des accélérateurs de carrières, le costume de l’<a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/06/20693-la-cage-doree-des-consultants-des-grands-cabinets/"><em>insecure overachiever</em></a> (le surperformant angoissé) et l’intense <a href="https://www.puf.com/content/Au_c%C5%93ur_des_cabinets_daudit_et_de_conseil">compétition interne</a> qu’implique la logique <em>up or out</em> sont devenus trop inconfortables. Aux volumes et à la sélectivité, s’ajoute la problématique de l’attractivité des cabinets de conseil, qui se bousculent pour obtenir le label <a href="https://www.greatplacetowork.fr/"><em>Great Place to Work</em></a> (entreprise où il fait bon travailler).</p>
<p>Le recrutement de jeunes diplômés est tout aussi critique pour les <a href="https://news.efinancialcareers.com/fr-fr/271896/les-profils-recherches-en-2017-par-les-cabinets-conseil-de-taille-moyenne">cabinets de conseil intermédiaires</a>. Avec des taux de croissance très élevés (15 % à 30 %), de précieux recrutements sont nécessaires pour accompagner le développement de leurs activités et le maintien de la confiance de leurs clients historiques. Les opérations de recrutement y sont délicates car elles doivent intégrer un ensemble de particularités : spécialisation, faible notoriété, forte identité, mobilité des consultants, ligne hiérarchique vulnérable au <em>turnover</em>, phénomènes de plafond de verre, etc.</p>
<p>Malgré le triptyque « volume-sélectivité-attractivité », les cabinets de conseil continuent d’investir dans des <a href="https://start.lesechos.fr/rejoindre-une-entreprise/conseils-candidature/comment-survivre-au-marathon-des-entretiens-en-cabinet-de-conseil-8283.php">processus de recrutement fastidieux</a>, impersonnels, voire anxiogènes. Certaines pratiques institutionnalisées manquent même cruellement d’éthique : <a href="https://www.challenges.fr/emploi/carriere/cv-comment-se-faire-recruter-par-les-robots_462123"><em>screening</em> de CV</a> (filtrage des CV par un algorithme), <a href="https://www.welcometothejungle.co/articles/consulting-screening-candidats-integrer-un-cabinet-sans-ecoles-cibles">écoles non ciblées</a> (du fait de leur place dans les <a href="http://orientation.blog.lemonde.fr/2018/05/28/classement-des-classements-des-ecoles-de-commerce-2018/">classements d’écoles de management</a>), manque d’écoute des candidats, etc. Dans ce contexte, comment les cabinets de conseil peuvent-ils tirer leur épingle du jeu dans le recrutement de jeunes diplômés ? Parmi les réponses possibles, nous avançons celle du renforcement des relations avec les grandes écoles et les universités, et suggérons qu’elles prennent la forme d’une proposition de valeur adressée aux futurs jeunes diplômés !</p>
<h2>Une proposition de valeur pour le consultant de demain</h2>
<p>Les cabinets de conseil développent des actions dédiées au recrutement des jeunes diplômés, mais elles se révèlent assez peu coordonnées et très autocentrées (notamment autour de <em>campus managers</em> qui relaient des informations générales, diffusent des offres, et favorisent la cooptation). Pour gagner en efficacité, ces actions devraient davantage être conçues comme une offre structurée répondant aux préoccupations des étudiants : être renseignés sur les métiers, développer des compétences professionnelles, et intégrer une entreprise innovante.</p>
<p><strong>Les moments d’information et d’échange</strong></p>
<p>Les actions d’information et d’échanges menées au sein des campus permettent aux cabinets d’exposer leur vision du métier, leur positionnement, ou leurs besoins en termes de profils. Des informations plus spécifiques peuvent être partagées sur la politique RH, le déroulement des missions ou des projets internes. Les formats sont variés et peuvent être à l’initiative du cabinet : tables rondes, <em>social events</em>, retours d’expérience, <em>afterworks</em>, sessions de <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/speed-recruiting-quelques-minutes-pour-convaincre_1324116.html"><em>speed recruiting</em></a>, études de cas ou mises en situation. Ces rencontres peuvent être complétées par la diffusion d’offres de stage ciblées ou l’inscription aux forums entreprises organisés par les établissements. Faciles à mettre en place, ces actions constituent un bon début pour le développement de relations plus riches.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2x4V2hOP4Ig?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Forum Consulting ESSCA, octobre 2018.</span></figcaption>
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<p><strong>Les interventions pédagogiques</strong></p>
<p>Les interventions dans le programme consistent à transmettre des compétences et des savoirs ancrés dans la pratique : concepts, méthodologies et <a href="https://www.forbes.fr/management/les-15-soft-skills-a-maitriser-en-entreprise/"><em>soft skills</em></a>. Elles peuvent prendre trois formes : modules de cours complets, interventions ponctuelles sur des <em>hot topics</em> (sujets « chauds »), ou <em>coaching</em> de projets tels que des <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/reseau-social-d-entreprise/1140093-hackathon-les-cles-pour-comprendre-un-phenomene-qui-prend-de-l-ampleur/"><em>hackathons</em></a>. Ces engagements supposent une forte mobilisation des consultants : travail conséquent de préparation (conception des syllabus, des matériels pédagogiques et des modalités d’évaluation), suivi des étudiants, et correction des livrables et des examens. La programmation de ces interventions doit être anticipée et définie en fonction des rythmes d’apprentissage. Elles sont toutefois indispensables pour créer une relation de confiance avec les étudiants, apprécier leur niveau, et repérer des futures recrues.</p>
<p><strong>La contribution à des projets de recherche</strong></p>
<p>La contribution des cabinets de conseil à des projets de recherche constitue l’engagement le plus fort. Elle peut prendre des formes variées, comme le financement de <a href="https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/presse/2018/nouvelle-chaire-escp-europe-et-deloitte-sur-leconomie-circulaire.html">chaires de recherche sur un thème porteur</a>, l’accompagnement de thèse en <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22130/les-cifre.html">contrat CIFRE</a>, la contribution à un prix du meilleur <a href="https://www.digischool.fr/etudes-sup/master/pourquoi-faire-un-memoire-de-maste-36783.html">mémoire de Master</a>, ou l’ouverture de <a href="https://journals.openedition.org/edc/653">terrains de recherche</a>. Cela permet de nouer des relations privilégiées avec différentes directions (direction de la recherche et de centres de recherche, direction des programmes, direction des relations entreprises, de l’orientation et de l’insertion professionnelle, etc.), de bénéficier d’un rayonnement scientifique auprès de leurs parties prenantes (clients, partenaires, actuels et futurs collaborateurs, médias), et d’avoir un accès direct aux résultats de recherche pour nourrir leurs pratiques (innovation de business models, innovations managériales, processus de recrutement innovants). Plus largement, ces actions permettent aux cabinets de conseil de renforcer leur ancrage territorial et de prendre part à l’animation des activités qui concourent à la formation des managers de demain.</p>
<p>La capacité des cabinets à coordonner ces actions au sein d’une seule et même proposition de valeur est essentielle. Renforcer l’articulation de ces actions permet d’en décupler l’impact et de créer des synergies. Par exemple, les résultats de recherche peuvent être diffusés dans le cadre d’enseignements et d’évènements. De la même manière, les rencontres permettent de mieux cerner les attentes des étudiants, et ainsi de calibrer un discours, une démarche pédagogique ou une pratique d’embauche.</p>
<p>Les cabinets de conseil en management constituent un débouché de taille pour les jeunes diplômés. L’offre est pléthorique et confère aux étudiants une rente de situation leur permettant, bien souvent, de choisir leur emploi parmi plusieurs options, intensifiant plus encore la concurrence entre cabinets. Au-delà des préconisations, ce contexte représente une formidable occasion pour les acteurs du conseil de repenser leurs politiques de recrutement. Une avancée utile avant que ne soient lancés, un jour peut-être, les premiers « États Généraux du Conseil en Management », où chercheurs et consultants seraient conviés à forger une image ambitieuse du consultant du XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Maucuer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la guerre des talents, les cabinets de conseil doivent innover dans leurs pratiques de recrutement. Notamment en se rapprochant davantage des universités et des grandes écoles.Raphaël Maucuer, Associate professor, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1061062018-11-06T21:05:33Z2018-11-06T21:05:33ZArrêts de travail et « ras-le-bol » managérial<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243678/original/file-20181102-83629-16grsq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C5%2C905%2C640&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon étude pour l’Institut Sapiens, l’absentéisme coûterait plus de 100 milliards d’euros par an en France.</span> <span class="attribution"><span class="source">Huntstock/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit par Henri Savall, professeur émérite à l’IAE de Lyon et président-fondateur de l’<a href="https://iseor-formations.com">ISEOR</a>. Il s’appuie sur des éléments de l’étude sur l’origine et le coût de l’absentéisme en France pour l’<a href="https://www.institutsapiens.fr">Institut Sapiens</a>.</em></p>
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<p>Le baromètre Ayming-AG2R La Mondiale a révélé en septembre 2018 une <a href="http://presse.ayming.com/communique/176960/10eme-Barometre-de-l-Absenteisme-de-l-Engagement-Ayming">hausse régulière de l’absentéisme</a> salarié en France. Ainsi, pour l’année 2017, il a atteint 4,72 % des heures de travail, un chiffre en augmentation par rapport à 2016 et 2015. Par ailleurs, l’étude Sofaxis publiée en novembre 2017 montre que l’absentéisme a augmenté beaucoup plus (+28 %) dans le <a href="http://www.leparisien.fr/economie/absenteisme-au-travail-l-etude-qui-revele-la-realite-dans-le-prive-et-dans-le-public-22-11-2017-7407225.php">secteur public</a> que privé depuis 2007, atteignant 8,34 %, soit supérieur de trois quarts à celui du secteur privé.</p>
<p>La recherche-intervention de l’ISEOR (<a href="http://ns3040652.ip-164-132-163.eu/SiteIseor/default4.asp">Institut de socio-économie des entreprises et des organisations</a>), qui porte sur l’identification des dysfonctionnements et des coûts cachés liés aux arrêts de travail, réalisée à partir de l’observation approfondie de 2 000 entreprises et organisations depuis 1974, de taille et de secteur très variés, converge avec les résultats des études citées supra.</p>
<h2>Coût caché</h2>
<p>Elle permet, en sus, de préciser les causes des arrêts de travail, leurs impacts économiques et des solutions pour les réduire. En premier lieu, le coût caché de l’absentéisme lié aux arrêts de travail, « caché » car celui-ci
n’est jamais comptabilisé ou précisément identifié, ni dans les comptes de résultat, ni dans les budgets, est gigantesque.</p>
<p>Dans une étude pour l’Institut Sapiens, il apparaît qu’à l’échelle de la population active employée en France, l’absentéisme coûterait plus de 100 milliards d’euros par an (107,9 milliards soit 4,7 % du PIB), qui manquent aux entreprises, à l’État et, en bout de course, à la croissance française. En ordre de grandeur, c’est l’équivalent de 16 % des salaires versés annuellement en France. Nos recherches montrent qu’une fraction des arrêts de travail est incompressible, « normale », pourrait-on dire.</p>
<p>Cet absentéisme incompressible se situerait, en France, autour d’un tiers du taux complet d’absentéisme. Par exemple, des épidémies de grippes sont d’inévitables facteurs d’absentéisme dans les organisations. Prendre des mesures contre cet absentéisme aux causes exogènes est inutile pour les organisations. Néanmoins, celles-ci peuvent agir pour mieux réguler ses conséquences dysfonctionnelles endogènes.</p>
<h2>Défauts de management</h2>
<p>Les arrêts de travail évitables, quant à eux, ont pour cause, dans le privé comme dans le public, dans 99 % des cas, des défauts de management des personnes. Dans ce cas, les absences sont de convenance (pour des raisons liées à la vie privée par exemple), ou d’origine psychologique (burn-out par exemple) ou bien physique (troubles musculo-squelettiques par exemple). Les autres causes résiduelles de l’absentéisme, qui concernent moins de 1 %, des cas sont malheureusement celles le plus souvent médiatisées à savoir, dans un cas, un comportement déviant des dirigeants et des managers avec leurs équipes et, dans l’autre, un comportement chronique d’oisiveté de certains salariés.</p>
<p>Nos observations montrent que les modes de management répandus en France, dans les TPE comme les grandes entreprises, le public comme le privé, restent, en effet, consciemment ou non, infectés par l’utilisation anachronique actuelle des vieux modèles de Frederick Taylor, Henri Fayol et Max Weber, fondés sur une conception, d’un autre âge, centrée sur les procédures, dépersonnalisée et excessivement spécialisée du travail. Ce n’est donc pas un hasard si les pays qui connaissent un nombre d’arrêts du travail nettement plus faible qu’en France, à système social à peu près comparable, sont ceux qui se sont éloignés des vieux modèles managériaux, par exemple les Pays-Bas, la Suède ou le Canada.</p>
<p>Au plan général, les ouvrages <em>La comédie (in)humaine. Comment les entreprises font fuir les meilleurs</em> de l’économiste Nicolas Bozou et de la philosophe Julia de Funès, ou encore <em>Bullshit Jobs : A Theory</em> du sociologue américain David Graeber, confirment, du reste, l’existence de dysfonctionnements managériaux source d’une augmentation des arrêts de travail.</p>
<h2>Recherche de l’équilibre acceptable</h2>
<p>Dans le détail, nos recherches montrent que les dysfonctionnements managériaux, sources d’arrêts du travail, s’enracinent tout particulièrement dans six domaines qui sont les leviers de la qualité de vie au travail : les conditions de travail, l’organisation du travail, le triptyque communication-coordination-concertation, la gestion du temps, la formation intégrée et la mise en œuvre stratégique (tout particulièrement les politiques de rémunération et de carrière).</p>
<p>C’est sur ces six domaines qu’il faut donc agir, dans la proximité avec les collaborateurs, au sein de chaque entreprise ou organisation, afin d’améliorer la qualité de vie au travail et réduire, ainsi, les arrêts de travail. Comment ? Par des « négociations » périodiques, au travers d’un dialogue fréquent entre dirigeants ou managers et leurs équipes, portant sur un équilibre acceptable entre les objectifs de résultats et les ressources allouées dans les six domaines
cités, de l’amélioration des conditions de vie professionnelle.</p>
<p>Concernant le sur-absentéisme du secteur public, nos recherches montrent, au regard du privé, qu’il a des causes similaires, mais qu’il est exacerbé par des lacunes plus importantes dans les modes de management, en raison d’une conception wébéro-tayloriste plus poussée de l’organisation et des rigidités supplémentaires induites par un statut de la fonction publique mal interprété.</p>
<h2>Amélioration de la qualité du management de proximité</h2>
<p>Selon nous, l’augmentation des arrêts de travail en France est, probablement, aujourd’hui, le signe d’un « ras-le-bol » managérial qui demande une véritable transition dans les entreprises et les organisations. En effet, la réduction des arrêts de travail évitables permettrait, entre autres progrès socio-économiques, une meilleure croissance et l’autofinancement d’augmentations substantielles des salaires. Pour impulser une telle transition, l’action des pouvoirs publics devrait consister à aider tout ce qui peut favoriser et stimuler l’amélioration de la qualité du management de proximité dans les organisations, par les dirigeants et les managers.</p>
<p>Notons que, pour le secteur public, ce « bon » management n’est pas une copie dudit management privé, de type <a href="https://www.cairn.info/revue-gestion-et-management-public-2012-2-page-1.htm">« New public management »</a> tel qu’il a pu être mis en œuvre dans certaines administrations, collectivités et hôpitaux avec des <a href="https://journals.openedition.org/regulation/11293">échecs cuisants</a> notoires. Par exemple, les pouvoirs publics devraient mettre en œuvre des incitations à des enseignements et des formations pertinentes en la matière et adaptées aux enjeux du XXI<sup>e</sup> siècle et des mutations en cours. Ou bien une fiscalité incitative, en reversant une fraction des sursalaires économisés par la sécurité sociale aux entreprises et organisations ayant baissé le niveau d’arrêts du travail par une amélioration de leur management de proximité. Ou encore des <a href="https://twitter.com/p_a_raphan/status/1048274051846885376">amendements législatifs</a> pertinents, comme celui du député Pierre-Alain Raphan à la loi Pacte, prévoyant un accompagnement des entreprises par BPI France pour des innovations managériales alliant performances économiques et satisfactions sociales.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Cappelletti est membre du think tech Institut Sapiens</span></em></p>Les défauts de management sont à l’origine de presque tous les arrêts de travail évitables, et ces derniers sont en constante augmentation en France. Que se passe-t-il ?Laurent Cappelletti, Professeur titulaire de chaire Comptabilité Contrôle de Gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1035412018-09-19T19:31:08Z2018-09-19T19:31:08ZBien-être et qualité de vie au travail : rien n’est jamais acquis<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/237078/original/file-20180919-158237-emo0pa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C1000%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les entreprises vont devoir tenir compte des effets de l'usage des technologies sur la santé de leurs collaborateurs.</span> <span class="attribution"><span class="source">Wavebreakmedia / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La question du bien-être et de la qualité de vie au travail (QVT) n’a jamais été autant d’actualité. Le monde académique s’est pleinement saisi de cette problématique. À titre d’exemple, <a href="http://aom.org">Academy of Management</a>, la référence en matière de conférences académiques sur le management, a choisi cette année le thème du rôle des organisations dans l’amélioration de la vie des individus. Quant aux entreprises, elles sont confrontées aux nouvelles attentes de leurs collaborateurs : sens, autonomie, reconnaissance et même bonheur. Ceci explique, en partie, pourquoi nous assistons à l’émergence et à la diffusion de pratiques managériales et organisationnelles visant l’amélioration des conditions de travail des salariés.</p>
<p>Plusieurs champs d’action sont possibles, avec des niveaux d’efficacité plus ou moins importants. On observe par exemple un intérêt croissant pour la santé physique des salariés à travers la promotion de programmes de nutrition ou de pratiques saines (sports, lutte contre les consommations addictives). D’autres vont davantage travailler sur l’amélioration des conditions de travail (la possibilité d’avoir des horaires flexibles, la promotion du télétravail ou encore des politiques de conciliation travail – famille entre autres). Enfin, les derniers champs d’action sont ceux dont on sait qu’ils ont le plus d’effets sur la santé, la satisfaction et la perception de bien-être : ce sont les actions qui portent sur le contenu du travail lui-même, en particulier les processus d’évaluation, de récompense ou de reconnaissance. Tous ces éléments sont clairement identifiés, dans les travaux académiques, comme des éléments positifs moteurs du bien-être et de la QVT. Et, indéniablement, les pratiques changent et évoluent dans les entreprises.</p>
<p>Toutefois, le bien-être au travail est un processus de construction et d’amélioration continue. Entreprises, managers et collaborateurs ont donc de nouveaux enjeux à considérer si on aspire à rendre ces sujets pérennes dans la vie des organisations.</p>
<p>Nous avons identifié quatre enjeux en particulier à considérer pour le développement futur de la santé et du bien-être au travail.</p>
<h2>Les effets du digital sur la santé physique et mentale</h2>
<p>Les outils connectés, les écrans, les supports de digitalisation sont omniprésents dans nos contextes de travail et leur usage n’ira que croissant. En parallèle de cet essor, les résultats de recherches commencent à affluer sur les effets des technologies sur la <a href="http://www.inrs.fr/risques/travail-ecran/risques-sante.html">santé physique et mentale</a> des personnes. Ils soulignent par exemple les <a href="https://www.ladepeche.fr/article/2017/08/31/2636670-smartphones-tablettes-ordinateurs-vers-une-generation-de-myopes.html">conséquences néfastes sur la vue</a>. On sait également que la station assise en continue contribue à générer d’importants problèmes de dos. L’activité devant écran génère donc elle aussi ses propres <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/carriere/vie-professionnelle/sante-au-travail/sante-le-fleau-des-troubles-musculosquelettiques_2821151.html">troubles musculosquelettiques</a>. De même, pour l’instant, on ne sait encore que peu de choses sur les effets des ondes électromagnétiques à long terme.</p>
<p>Les organisations vont donc devoir tenir compte de ces effets sur la santé de leurs collaborateurs, en vertu de leur <a href="https://www.droit-travail-france.fr/sante-au-travail---un-risque-difficile-a-gerer-pour-l---employeur_ad940.html">obligation de sécurité de résultat</a>.</p>
<h2>L’effet inattendu d’être une entreprise où il fait « trop bon » travailler</h2>
<p>Dans ces environnements de travail où il fait si bon travailler, on observe aussi des effets inattendus à ne pas négliger. Par exemple, les individus qui se trouvent si bien dans leur entreprise vont avoir tendance à y rester plus longtemps et à s’y investir toujours plus. Comme l’avait souligné la sociologue américaine Arlie Hochschild dans son célèbre livre, le <a href="https://archive.nytimes.com/www.nytimes.com/books/first/h/hochschild-time.html">travail devient la maison et la maison devient le travail</a>. Cette situation conduit les personnes à développer des comportements d’addictions au travail, ce qui favorise la survenue de situations d’épuisement professionnel.</p>
<p>En conséquence, les managers ont un rôle à jouer dans la façon dont ils peuvent freiner le surinvestissement de certains de leurs collaborateurs. Ils ont également une responsabilité en matière d’exemplarité : un manager qui lui-même ne démontre pas un intérêt pour son équilibre vie professionnelle – vie personnelle en restant systématiquement tard au bureau va envoyer un message négatif à ses équipes.</p>
<h2>La délicate question du partage de la valeur créée</h2>
<p><a href="https://www.researchgate.net/publication/255483372_The_Objective_Benefits_of_Subjective_Well-Being">Nombre d’études</a> mettent en avant cette relation positive entre bien-être et valeur ajoutée créée en termes de performance globale. Dès lors, ces meilleurs résultats économiques et financiers interrogent sur le partage de cette valeur ajoutée. Comment considérer avec justice et équité la redistribution des profits générés par ces nouvelles organisations du travail fondées sur un engagement plus important des collaborateurs ? On sait aujourd’hui que la <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/1748-8583.12139">perception de justice</a> est un facteur important de satisfaction des collaborateurs. En parallèle des politiques de bien-être, il s’agit donc de considérer des éléments fondamentaux des politiques de gestion des ressources humaines comme, entre autres, la rémunération.</p>
<h2>Bien-être au travail et pérennité dans la vie de l’entreprise</h2>
<p>Autre enjeu essentiel : l’engagement en matière de QVT dans la durée. Si les projets visant au bien-être reposent sur quelques personnes seulement, le risque est grand de voir la dynamique s’éteindre avec le départ de ces personnes. De même, lorsque l’entreprise connaît une forte croissance et augmente ses effectifs, elle doit s’efforcer de conserver les bonnes pratiques organisationnelles, notamment en matière de proximité entre les managers et les collaborateurs. Par ailleurs, l’image de « bon » employeur a contribué à attirer des talents qui ont participé au succès de l’entreprise. Il s’agit donc de grandir tout en conservant cette QVT qui différencie l’entreprise en tant qu’employeur.</p>
<p>Tous ces enjeux illustrent bien que la QVT se situe dans une perspective d’amélioration continue, mais aussi dans une démarche prospective. C’est essentiel : les entreprises qui réussiront à inscrire ce sujet dans leur ADN et à le rendre pérenne dans leurs pratiques quotidiennes s’inscriront en effet, dans leur futur, comme des employeurs de choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103541/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stéphanie Chasserio a reçu des financements de l'INRS pour son projet sur la qualité de vie au travail.
</span></em></p>Dans les entreprises, les pratiques ont commencé à évoluer. Mais déjà, de nouveaux enjeux apparaissent : effets du digital sur la santé, partage de la valeur, et même… excès de bien-être au travail.Stephanie Chasserio, Professeure de management, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/878942018-01-04T20:02:02Z2018-01-04T20:02:02ZLa qualité de vie, une dimension de plus en plus cruciale pour les villes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/200774/original/file-20180104-26151-9mwydj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Au café Sperl, haut lieu de l’art de vivre viennois. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/kotomi-jewelry/17701869661/in/photolist-sYfH8k-9hToYm-9hQiMg-9hToFm-4ZqGh1-9hTpcd-4ZqGgu-4ZqGgL-9hQifr-kRmqS2-cUDAmh-4Zo2oK-eboQAj-kRnDbE-kRkGbH-5MBHzg-7Q7ofQ-7MgKeT-oYx8Bj-9vgJf9-dzL1E3-Uiy3rn-sFMcBp-s2eZNE-3FTosZ-diHJ33-4dN1wY-aYrKu4-Fdxuks-e8fd-7AwCg-sYg6jK-sFMpqV-sFLUEi-sFDCBQ-sFCRfN-sYfD48-s2eB5o-sFMgxk-sY1M9q-s2eno5-sFE7NE-sFFpBE-xNaqL-9mw4Bj-tTyFSd-kRmohc-5P5XR-7VkqKY-LKRRV">Kotomi/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=282&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/227138/original/file-20180711-27030-14gt88i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">DR.</span>
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<p><em>Cet article est republié dans le cadre de l’initiative « Quelle est votre Europe ? » dont The Conversation France est partenaire. Retrouvez toutes les informations, débats et les événements de votre région sur le site <a href="https://bit.ly/2qJ1aUH">quelleestvotreeurope.fr</a></em></p>
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<p>Pour la 8<sup>e</sup> année consécutive, Vienne est arrivée en tête du <a href="https://www.mercer.fr/newsroom/enquete-qualite-vie-mercer-2017.html">classement Mercer</a>, un cabinet de conseil en ressources humaines qui s’intéresse à la qualité de vie en ville. Pour cette 19<sup>e</sup> édition du classement, l’enquête a été conduite dans 231 métropoles mondiales.</p>
<p>Mais que recouvre concrètement cette notion de « qualité de vie » ?</p>
<p>Elle intéresse en effet plusieurs disciplines, touchant à la santé, au bien-être au travail, à l’environnement et concerne aussi les sciences humaines et sociales. Dans ce domaine, il faut souligner ici l’apport majeur des travaux de l’économiste et philosophe indien <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/amartya-sen">Amartya Sen</a>, prix Nobel 1998 pour ses recherches sur l’« économie du bien-être ».</p>
<p>Si Amartya Sen reconnaît le revenu et la consommation comme critères de la qualité de vie, il fait de la possibilité et de la liberté des individus à mobiliser les opportunités qui s’offrent à eux concernant la vie qu’ils souhaitent mener une priorité. C’est cette idée qui se trouve au cœur de son concept de <a href="https://www.scienceshumaines.com/capabilites_fr_29433.html">« capabilité »</a>.</p>
<p>Autre apport important, celui du débat autour de la nécessité de trouver de <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/economie-et-finance/richesse-des-nations-et-bien-etre-des-individus_9782738124609.php">nouveaux indicateurs</a> – autres que le PIB – pour mesurer la richesse et le bien-être. Citons à ce propos l’instauration récente par l’<a href="http://www.oecdbetterlifeindex.org/fr/">OCDE</a> d’un indicateur de qualité de vie à l’échelle des États (2011) et des régions (2014). Ces initiatives constituent une nouvelle étape vers des mesures territorialisées et objectives.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"715508562429132802"}"></div></p>
<h2>De multiples critères</h2>
<p>La plupart des classements portant sur la qualité de vie prennent en compte l’emploi, le logement, l’environnement, les transports, la culture et les services urbains.</p>
<p>Les variables choisies rejoignent en partie les travaux d’Amartya Sen : un territoire doit être en mesure d’offrir à la fois une « capacité d’être » (la liberté de se loger aisément, de se maintenir en bonne santé, de bénéficier de la sécurité et d’un cadre de vie agréable) et une « capacité d’agir » (la liberté de se déplacer, d’accéder à l’éducation, au marché du travail et à des loisirs variés).</p>
<p>La qualité de vie recouvre ainsi plusieurs aspects : l’environnement naturel (climat, état de l’environnement naturel, etc.), l’environnement bâti (type et état du bâtiment, etc.), l’environnement sociopolitique (vie communautaire, participation citoyenne, etc.), l’environnement économique local (revenu, chômage, etc.), l’environnement culturel et des loisirs (musées, restaurants, etc.), l’environnement des politiques publiques (sécurité, santé, éducation, etc.).</p>
<p>Cette <a href="http://bit.ly/2ESaoDw">« qualité de vie »</a>, nous pourrions donc la définir comme l’ajustement entre des ressources offertes par l’environnement à un individu et les besoins exprimés par celui-ci. Cet ajustement est conditionné par les capacités et les libertés des individus au sein de leur environnement.</p>
<h2>Attirer entreprises et habitants</h2>
<p>La mondialisation – et la libéralisation du commerce international qui y est associée – a intensifié ces dernières décennies la concurrence entre les villes. Cette concurrence s’est souvent concrétisée par la recherche d’une plus grande compétitivité économique, au détriment de la promotion de facteurs liés à la qualité de vie tant du point de vue environnemental que social.</p>
<p>Mais dans un contexte de mobilité accrue du capital, cette qualité est aujourd’hui considérée comme un élément favorisant l’attractivité des villes. Les investissements consentis aujourd’hui par les métropoles au service du marketing urbain et de l’amélioration du bien-être des résidents en témoignent.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://lc.cx/gAmo">études</a> ont ainsi montré comment la qualité de vie et le niveau de durabilité d’une ville pouvaient influencer la décision, pour une entreprise par exemple, de s’y installer ou non. Accroître le niveau de satisfaction des habitants constitue aujourd’hui une vraie stratégie pour attirer ces nouveaux investissements et les futurs résidents.</p>
<h2>Les villes européennes bien placées</h2>
<p>En tête de liste du dernier classement Mercer, rendu public en mars 2017, Vienne (Autriche) s’impose devant Zurich (Suisse) et Auckland (Nouvelle-Zélande). C’est en Europe que la concentration des villes à la qualité de vie élevée est la plus forte.</p>
<p>Pour établir son classement, le cabinet Mercer s’appuie sur les 10 critères suivants : l’environnement sociopolitique (stabilité politique, crime, respect de la loi…) ; l’environnement économique (contrôle des changes, services bancaires…) ; l’environnement socioculturel (accessibilité et censure des médias, restrictions aux libertés individuelles…) ; la situation médicale et sanitaire (fournitures et services médicaux, maladies infectieuses, gestion des déchets et des eaux usées, pollution atmosphérique…) ; écoles et éducation (niveaux et disponibilité des écoles internationales…) ; services publics et transports (électricité, eau, transports en commun, engorgement du trafic…) ; divertissements (restaurants, théâtres, cinémas, sports et loisirs…) ; biens de consommation (disponibilité des aliments, articles de consommation quotidienne, voitures…) ; logement (locations, appareils ménagers, mobilier, services d’entretien…) ; environnement naturel (climat, historique des catastrophes naturelles…).</p>
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<span class="caption">Le classement Mercer 2017.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.imercer.com/content/common/mobility/mercer_qualityofliving_2017_global.png">Mercer</a></span>
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<p>La particularité de ce dernier classement Mercer réside dans la prise en compte de l’offre en matière d’infrastructures urbaines ; ces dernières jouent en effet un rôle important dans l’établissement de nouvelles firmes multinationales et de nouveaux travailleurs. De nouveaux critères – accessibilité en transports, congestion automobile, fiabilité de l’électricité, disponibilité en eau potable, téléphonie – y sont liés. Sur cet aspect précis, c’est Singapour qui occupe la première place, suivie par Frankfort et Munich. Bagdad et Port-au-Prince figurent en queue de ce classement.</p>
<p>Dans ce nouveau cadre concurrentiel entre les espaces urbains mondiaux, où les pouvoirs publics doivent désormais attirer les capitaux, la question du bien-être en ville est et sera essentielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/87894/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sebastien Bourdin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un monde de plus en plus urbanisé, la concurrence entre les villes s’accroît pour attirer investisseurs et résidents. Un nouveau paysage où la qualité de vie est devenue essentielle.Sebastien Bourdin, Enseignant-chercheur en géographie-économie, Laboratoire Métis, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.