tag:theconversation.com,2011:/us/topics/recherche-animale-56115/articlesrecherche animale – The Conversation2022-11-14T16:59:41Ztag:theconversation.com,2011:article/1928832022-11-14T16:59:41Z2022-11-14T16:59:41ZUne nouvelle piste de recherche pour faciliter l’administration des chimiothérapies<p>En 2040, le cancer pourrait toucher <a href="https://publications.iarc.fr/613">30,2 millions de personnes</a> dans le monde et donc devenir la principale cause de décès prématuré (entre 30 et 69 ans) dans la plupart des pays, selon le Centre international de recherche sur le cancer. Quant à l’OMS, elle prévoit une augmentation de <a href="https://www.who.int/news-room/detail/04-02-2020-who-outlines-steps-to-save-7-million-lives-from-cancer">60 % des cas de cancer</a> au cours de deux prochaines décennies, particulièrement dans les pays émergents.</p>
<p>Les traitements de ce fléau reposent généralement sur la chirurgie, la radiothérapie et/ou un traitement systémique comme la chimiothérapie. Principalement administrées par voie intraveineuse (IV), les chimiothérapies sont des traitements lourds et contraignants qui nécessitent des hospitalisations, généralement toutes les une à trois semaines pendant plusieurs heures.</p>
<p>Cette voie d’administration génère aussi beaucoup d’inconfort pour les patients et un besoin important en personnels qualifiés car elle nécessite l’utilisation d’une voie veineuse centrale avec la pose d’une chambre implantable (petit boîtier placé sous la peau branché à un cathéter lui-même placé dans une grosse veine, généralement la veine cave supérieure), ou d’une perfusion veineuse périphérique (cathéter généralement implanté dans la veine du bras).</p>
<p>Un dernier point et non des moindres, est le coût financier engendré par cette logistique complexe ; une dépense qui ne fera qu’augmenter avec le vieillissement de la population, mettant ainsi à rude épreuve nos systèmes de santé.</p>
<h2>Vers une administration sous-cutanée ?</h2>
<p>C’est ce constat qui nous a amenés à réfléchir à une alternative à l’administration des chimiothérapies par voie intraveineuse. Une solution qui se voudrait à la fois plus simple à pratiquer et plus confortable pour le patient, mais tout aussi efficace pour traiter la maladie.</p>
<p>La voie orale représente intuitivement la voie d’administration idéale, notamment en raison de sa simplicité (ingestion de gélules). Mais, survivre au tractus gastro-intestinal et traverser la barrière intestinale sont des obstacles majeurs à franchir pour un médicament administré de la sorte, ce qui conduit généralement à une biodisponibilité (proportion d’un principe actif qui atteint la circulation sanguine) relativement faible et variable. De plus, des problèmes d’observance (respect des prescriptions d’un médecin par le patient) font qu’elle n’est que très peu utilisée pour le traitement du cancer où un dosage précis du médicament est nécessaire.</p>
<p>La voie sous-cutanée présente quant à elle des caractéristiques très avantageuses par rapport à la voie intraveineuse. Elle est en effet facilement praticable car le geste est simple à réaliser et peut être administrée sans hospitalisation, à domicile, voire par le patient lui-même. On peut par exemple faire le parallèle avec les personnes atteintes de diabéte qui s’auto-administrent leur insuline au moyen d’une petite pompe portative.</p>
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<p>Elle est cependant impraticable à ce jour avec la plupart des principes actifs anticancéreux. Ces molécules sont en effet le plus souvent soit irritantes, soit vésicantes (elles peuvent provoquer des lésions). Par ailleurs, du fait de leur faible solubilité dans l’eau, elles vont avoir tendance à stagner au niveau du tissu sous-cutanée après administration et à provoquer des ulcérations (plaies cutanées souvent profondes), voire des nécroses (mort des tissus) de la peau à cause de leur forte toxicité.</p>
<p>Il n’y a en effet à l’heure actuelle que <a href="https://ar.iiarjournals.org/content/34/4/1579">neuf principes actifs</a> anticancéreux approuvés pour l’administration sous-cutanée et aucun d’entre eux n’est irritant ou vésicant, ce qui met en lumière l’impasse concernant l’administration sous-cutanée de ce type de principes actifs anticancéreux.</p>
<h2>Une solution basée sur la nanomédecine</h2>
<p>L’application des nanotechnologies à la médecine, plus connue sous le nom de nanomédecine, offre depuis quelques décennies tout un arsenal de vecteurs nanoparticulaires (liposomes, nanoparticules organiques/inorganiques, etc.) capables de véhiculer des molécules de principe actif dans l’organisme afin d’en améliorer l’efficacité thérapeutique et d’en diminuer les effets secondaires.</p>
<p>Cependant, aucun d’entre eux n’a pour l’heure permis d’administrer des principes actifs anticancéreux vésicants ou irritants. Ces vecteurs reposant la plupart du temps sur une encapsulation dite physique des molécules de principe actif (la molécule est simplement emprisonnée dans le vecteur et peut donc diffuser pour s’en échapper), il est probable qu’un relargage précoce du principe actif ait pu être observé dans le tissu sous-cutanée et ait induit des toxicités locales rédhibitoires.</p>
<p>Notre difficulté était donc de trouver un moyen d’injecter la chimiothérapie en sous-cutané, sans induire de toxicité au niveau de la peau, puis de lui permettre de migrer du tissu sous-cutané jusqu’à la circulation sanguine où elle pourrait exercer son action. L’idée que nous avons eue pour satisfaire ces critères fut de lier le principe actif à un polymère biocompatible très hydrophile, pour faire ce que l’on appelle une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0223523401012533">prodrogue</a> polymère.</p>
<p>Dans ce cas, non seulement la toxicité du principe actif est temporairement neutralisée (le polymère est couplé sur un groupe fonctionnel du principe actif nécessaire à son activité), mais il se retrouve également solubilisé par le polymère du fait de sa forte affinité avec l’eau, ce qui va permettre à l’ensemble de migrer dans le tissu sous-cutanée et d’atteindre la circulation sanguine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=335&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494695/original/file-20221110-19-dvznv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma du principe de la nouvelle méthode d’administration des chimiothérapies.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Julien Nicolas</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Afin de valider notre stratégie, nous l’avons appliquée au paclitaxel, un principe actif vésicant et très hydrophobe, qui est en fait le principe actif utilisé dans la formulation du Taxol, une chimiothérapie couramment utilisée pour le traitement de nombreux types de cancers. Parmi les polymères hydrophiles couramment utilisés en nanomédecine, le poly(éthylène glycol) est très certainement le plus connu et le plus utilisé (c’est ce même polymère que l’on retrouve dans les compositions des vaccins anti-Covid Moderna et Pfizer). Cependant, nous nous sommes rendu compte que le polyacrylamide, un polymère biocompatible déjà utilisé en cosmétologie dans le comblement de rides, était un bien meilleur choix car il permettait de mieux solubiliser le paclitaxel une fois le greffage effectué.</p>
<p>Nous avons ensuite procédé au développement pré-clinique de cette prodrogue en s’assurant notamment, chez la souris, qu’elle n’induisait pas de toxicité au niveau de la peau et du tissu sous-cutané autour du site d’injection, et qu’elle était capable de migrer du tissu sous-cutané vers la circulation sanguine. Du fait de la forte hydrophilie du polyacrylamide et de son caractère « furtif » (capacité à avoir un temps de résidence prolongé dans la circulation générale), nous avons également remarqué que le paclitaxel était libéré progressivement du polymère, par coupure enzymatique de la liaison avec le polymère, qui lui est éliminé par filtration rénale. </p>
<p>La prodrogue fait alors office de réservoir de paclitaxel, ce qui permet une exposition prolongée à la chimiothérapie tout en diminuant les effets secondaires (liés à la toxicité intrinsèque du paclitaxel). <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/jacs.2c04944">Dans notre étude</a>, nous avons pu obtenir une efficacité anticancéreuse similaire à celle du Taxol administré en IV à dose équivalente en paclitaxel, et avons également pu augmenter la dose en prodrogue et ainsi obtenir une bien meilleure efficacité que le Taxol qui lui était déjà administré à sa dose maximale.</p>
<p>Cette étude, réalisée à l’Institut Galien Paris-Saclay (CNRS/Université Paris-Saclay), en collaboration avec le CEA Paris-Saclay et LabOniris, nous a encouragés à fonder avec trois collègues, Nicolas Tsapis, Alexandre Bordat et Tanguy Boissenot, la start-up <a href="https://imescia.com/">Imescia</a> qui a pour double objectif, d’une part de chercher des partenaires industriels qui ont des difficultés pour administrer leurs molécules et qui souhaiteraient les administrer en sous-cutanée grâce à notre technologie, et d’autre part d’amener un premier traitement en essai clinique dès 2024. </p>
<p>Pour cela Imescia cherche actuellement 2,5 millions d’euros. L’idée globale est d’appliquer cette stratégie à une très large gamme de principes actifs anticancéreux (sans se restreindre aux petites molécules) et ainsi transposer de manière sûre et efficace des chimiothérapies IV vers des chimiothérapies SC. Nous espérons que cette nouvelle plate-forme d’administration puisse représenter une étape importante vers une chimiothérapie simplifiée permettant la prise en charge des patients à domicile, voire à une auto-administration des traitements.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192883/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Nicolas a reçu des financements du Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR), de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR) et du Conseil Européen de la Recherche (ERC). Il est également co-fondateur de la société Imescia et membre du Groupe Français des Polymères (GFP) et de l'American Chemical Society (ACS).
</span></em></p>L’administration de chimiothérapie en voie intraveineuse pose de nombreux problèmes pour les patients. Une étude chez la souris pourrait faciliter la vie des patients dans le futur.Julien Nicolas, Directeur de recherche au CNRS, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1902152022-09-16T11:50:57Z2022-09-16T11:50:57ZQuatre façons de savoir si votre chat vous aime, selon la science<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/483346/original/file-20220907-9639-19g6q1.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=50%2C25%2C5515%2C3707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Même les propriétaires de chats les plus dévoués se demandent un jour ou l’autre, peut-être en se réveillant en sueur au milieu de la nuit, si leur chat les aime vraiment. Ceux qui préfèrent les chiens affirment que <a href="https://discovery.ucl.ac.uk/id/eprint/10065598/1/Martin_Anthropological%20Archaeology.pdf">ces animaux sont depuis longtemps</a> les meilleurs amis des humains.</p>
<p>Les recherches montrent toutefois que la réputation de froideur et de réserve des chats n’est pas méritée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-caresser-un-chat-selon-la-science-120936">Comment caresser un chat, selon la science</a>
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<p>En raison de leur histoire évolutive, les chats domestiques sont, par nature, plus indépendants que les chiens. Leurs ancêtres sauvages ne vivaient pas en groupes comme le font les canidés. Cependant, au cours du processus de domestication, les chats ont développé la capacité <a href="https://bvajournals.onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1136/vr.f7278?saml_referr%20er">d’établir des relations sociales</a> non seulement avec d’autres chats, mais aussi avec des humains.</p>
<p>S’ils <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0135109">ne dépendent pas des humains</a> pour se sentir en sécurité comme c’est le cas des chiens, de nombreux chats montrent de l’affection envers leurs gardiens et semblent apprécier la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0376635716303424">compagnie de ceux-ci</a>. Leur <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/089279302786992702">attachement</a> aux humains est en partie influencé par les expériences qu’ils ont vécues <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/dev.22281">lorsqu’ils étaient chatons</a>.</p>
<p>Les chats se comportent envers les humains de la même manière qu’envers leurs amis félins. Ainsi, pour savoir si votre animal se sent lié à vous, il suffit d’observer son comportement.</p>
<h2>1. Une affaire d’odeurs</h2>
<p>La capacité de communiquer avec d’autres chats sur de longues distances et lorsqu’ils ne sont pas présents physiquement était un avantage pour <a href="https://eprints.soton.ac.uk/463206/">leurs ancêtres sauvages</a>. Les chats de compagnie ont conservé ce « super sens » et recourent souvent à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0304376283901177">cette forme de communication</a>.</p>
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<img alt="Un propriétaire caresse un chat qui se frotte contre ses jambes" src="https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480789/original/file-20220824-16-go3875.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Votre chat se frotte-t-il la tête ou le flanc contre vos jambes ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/domestic-life-pet-cat-welcome-his-1334629826">(Shutterstock)</a></span>
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<p>Les chats <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0195561602001286?via%3Dihub">utilisent notamment l’odeur</a> pour identifier les membres de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15123163/">leur groupe social ou de leur famille</a>, avec qui ils partagent un même profil olfactif. Les chats ont des glandes odorantes sur les flancs, la tête et autour des oreilles, et ils se frottent souvent la tête contre des personnes et des objets qui leur sont <a href="https://www.mdpi.com/2076-2615/12/3/298">familiers et réconfortants</a>.</p>
<p>Votre chat se frotte-t-il la tête ou le flanc contre vos jambes ? La sensation de douceur contre vos mollets est un signe que votre chat <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1098612X18771203">vous considère comme un ami</a> et c’est un immense compliment.</p>
<p>Si un chat s’avance vers vous la queue dressée, c’est bon signe.</p>
<h2>2. Comment vous accueille-t-il ?</h2>
<p>La façon dont votre chat vous accueille constitue l’un des signes les plus évidents de l’affection qu’il vous porte. Lorsque les chats rencontrent des membres de leur groupe social, ils émettent des signaux qui démontrent leur amitié et leur désir de se rapprocher. Ils en font tout autant avec les humains.</p>
<p>Une queue dressée indique une intention amicale (l’équivalent félin d’un signe de la main), preuve de <a href="https://www.mdpi.com/2076-2615/12/3/298">familiarité, de confiance et d’affection</a>. Certains chats placent leur queue en forme de point d’interrogation pour <a href="https://www.renaud-bray.com/Livres_Produit.aspx?id=1537162&def=Vie+secr%c3%a8te+des+chats(La)%2cBRADSHAW%2c+JOHN%2c9782897520618">accueillir quelqu’un qu’ils apprécient</a> ou pour signifier qu’ils veulent jouer.</p>
<p>Les chats <a href="https://www.abebooks.co.uk/Decoding-Cat-Ultimate-Experts-Explain-Common/30968807683/bd?cm_mmc=ggl-_-UK_Shopp_Tradestandard-_-product_id=UK9780358566045USED-_-keyword=&gclid=Cj0KCQjw0oyYBhDGARIsAMZEuMuskXOKgchnNG49CDt_BzmuGgtqOwdEcnMJwRsvwx6neqqRevj8zGYaAkEKEALw_wcB">entrelacent parfois leurs queues</a> en signe d’amitié, et l’équivalent de cette pratique <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168159114002779">avec les humains</a> consiste à enrouler leur queue autour de votre mollet.</p>
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<img alt="Chaton avec sa queue en l’air" src="https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480787/original/file-20220824-24-e1wia3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Si un chat s’avance vers vous la queue dressée, c’est bon signe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/kitty-tail-225201952">(Shutterstock)</a></span>
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<p>Le fait de rouler sur le dos et d’exposer son ventre vulnérable est un autre geste qui montre qu’un chat a une confiance absolue en vous. Cependant, les chats préfèrent être caressés au niveau de la tête et du cou. Alors, dans cette position, le chat ne souhaite généralement pas qu’on lui frotte le ventre.</p>
<p>Les tentatives de flatter le ventre d’un chat entraîneront souvent un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1016/j.jfms.2009.09.011">repli précipité, voire des coups de griffes</a>. Le pépiement ou roucoulement est un son mélodieux que les chats émettent lorsqu’ils disent bonjour aux individus qu’ils préfèrent. Donc, si votre chat vous accueille ainsi, sachez qu’il est heureux de vous voir.</p>
<p>Lorsque votre chat vous frappe à l’arrière du genou, cela peut aussi être le signe qu’il ressent un lien extrêmement fort avec vous. Version féline du « tope là », le coup de tête est généralement réservé aux amis félins les plus proches et aux humains en qui ils ont le plus confiance.</p>
<h2>3. Clignements d’yeux</h2>
<p>Il se peut que votre chat vous signale secrètement son affection par la façon dont il vous regarde. Lorsque les chats rencontrent des humains ou des chats inconnus, ils les saluent généralement en gardant les yeux grands ouverts. Mais ils ont plus tendance à cligner lentement des yeux devant des chats avec qui ils ont une bonne relation.</p>
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<img alt="Le chat montre son ventre" src="https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480791/original/file-20220824-16-xwjqpt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le fait de rouler sur le dos et d’exposer son ventre vulnérable est un autre geste qui montre qu’un chat a une confiance absolue en vous.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/beautiful-shorthaired-young-cat-sleeping-belly-1802886784">(Shutterstock)</a></span>
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<p>Selon différentes recherches, les clignements lents sont associés à un état émotif positif et peuvent être un signe de confiance, de <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-020-73426-0">satisfaction et d’affection</a>, comme le sourire chez l’humain. Si vous souhaitez lui rendre le compliment, clignez des yeux et votre chat vous répondra peut-être de la même manière. C’est une bonne façon de créer des liens avec des chats qui n’aiment pas qu’on les touche.</p>
<h2>4. Les rapprochements</h2>
<p>Les chats sont très protecteurs de leur espace personnel et <a href="https://reader.elsevier.com/reader/sd/pii/S0168159199000301?token=B1C25B7B05%204DBACC04EA0BD9C2361E3EE796A686A4EDB45E6FA4BFB13A8FF623947CE59732A3%20C0CEE2498B38B69F739D&originRegion=eu-west-%201&originCreation=20220822094911">n’aiment pas que des intrus l’envahissent</a>. Si un chat vous permet de vous approcher de lui, c’est sans doute le signe d’un lien étroit, en particulier lorsque le contact est fréquent ou prolongé.</p>
<p>Lorsqu’un chat s’installe sur vos genoux pour une sieste, c’est qu’il vous fait vraiment confiance.</p>
<p>Le toilettage ne se faisant qu’entre chats entretenant une relation chaleureuse, le fait de vous lécher la main ou le visage peut constituer une preuve d’affection, même si sa langue n’est pas des plus douces.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190215/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emily Blackwell a reçu des financements de Cats Protection et du Waltham Petcare Science Institute.</span></em></p>La science propose quelques indices pour savoir si votre chat ressent pour vous plus que de l’amour intéressé.Emily Blackwell, Senior Lecturer in Animal Behaviour and Welfare, University of BristolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1813962022-04-26T13:33:37Z2022-04-26T13:33:37ZDes cellules humaines pour remplacer les rats de laboratoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/459797/original/file-20220426-22-qa3ni3.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=12%2C79%2C1008%2C787&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En prélevant un petit morceau de peau, il est possible de laisser pousser les cellules qui s’y trouvent dans une boîte pétri et de les transformer en neurones en environ un mois.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Camille Pernegre)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Pour évaluer si un composé est prometteur pour traiter une maladie, il est usuel de l’étudier d’abord chez l’animal. Cela permet de voir si le composé a des chances de guérir la maladie. Cependant, les modèles animaux récapitulent rarement tous les aspects d’une maladie. L’alternative est de représenter cette maladie à partir de cultures cellulaires. Si au premier abord, la boîte de Petri semble bien différente d’une personne atteinte d’une maladie, la réalité pourrait être bien différente lorsqu’on les regarde de plus près.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-types-doublis-sont-les-plus-lies-a-la-maladie-dalzheimer-162905">Quels types d’oublis sont les plus liés à la maladie d’Alzheimer ?</a>
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<p>L’Alzheimer a été guérie plus de <a href="https://alz-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/trc2.12179">400 fois en laboratoire</a>. Comment, alors, pouvons-nous toujours considérer l’Alzheimer comme incurable ? Simplement parce qu’elle a seulement été guérie <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4594046/#fn34">chez l’animal</a>. Or, une souris ne développe pas naturellement l’Alzheimer ; il faut la provoquer. Pour cela, nous utilisons nos maigres connaissances sur ce qui déclenche l’Alzheimer et reproduisons le tout chez la souris. Bref, ces souris n’ont pas l’Alzheimer : elles sont plutôt atteintes de notre conception imparfaite de l’Alzheimer.</p>
<p>En tant que doctorant en psychologie, j’ai complété un stage de recherche au CHUM dans le laboratoire de la professeure Nicole Leclerc avec pour objectif de développer de nouveaux modèles pour étudier l’Alzheimer tout en se délestant de nos théories limitées.</p>
<p>Dans le milieu scientifique moderne, un nouveau composé non testé <a href="https://www.fda.gov/patients/drug-development-process/step-2-preclinical-research">ne peut pas être utilisé pour traiter une maladie humaine</a> puisque cela constitue un risque inacceptable. Il faut donc utiliser un modèle de maladie, qui reproduit nos observations de celle-ci chez l’humain, afin de vérifier si le nouveau composé est prometteur. Les modèles de maladies permettent de développer des traitements et des outils diagnostiques. Ils nous donnent également la possibilité de mieux comprendre les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7329115/">processus derrière la maladie étudiée</a>. Les modèles sont ainsi un outil incontournable en science biomédicale.</p>
<h2>Des modèles de maladie du futur</h2>
<p>Étudier une maladie deviendrait plus simple si nous pouvions directement observer et agir sur les cellules qui cessent de fonctionner correctement. Dans le cas de l’Alzheimer, il est impossible de prélever une tranche de cerveau d’une personne vivante afin d’expérimenter sur les neurones qui s’y trouvent. Toutefois, je travaille sur le développement d’une technique qui pourra s’y rapprocher énormément. En prélevant un petit bout de peau du patient, je peux laisser pousser les cellules qui s’y trouvent dans une boîte de Petri et les transformer en neurones en environ un mois.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Main d’un homme portant des gants en caoutchouc bleus et tenant un échantillon liquide bleu dans une boîte de pétri dans un laboratoire de chimie" src="https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/459169/original/file-20220421-23-qo7498.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Si au premier abord, la boîte de Petri semble bien différente d’une personne atteinte d’une maladie, la réalité pourrait être bien différente lorsqu’on les regarde de plus près.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La méthode profite du fait que toutes les cellules qui composent le corps d’une personne ont le même code génétique : l’ADN. Ce qui différencie une cellule de peau d’un neurone est simplement les gènes qu’exprime la cellule. Ainsi, je suis en mesure de forcer la cellule de peau à exprimer des gènes typiquement neuronaux pour qu’elle se transforme graduellement en neurone. Ces neurones retiennent les signatures du vieillissement, ce qui est crucial pour étudier les maladies liées au vieillissement. Les avantages sont clairs : on peut produire une colonie de neurones humains provenant d’une personne ayant l’Alzheimer. Les neurones de personnes Alzheimer développeront alors des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1934590921001612">caractéristiques de l’Alzheimer</a>, ce qui permettra d’étudier la maladie bien plus facilement.</p>
<p>Le neurone ne fonctionne cependant pas en vase clos, d’autres types de cellules interagissent avec lui. Pour améliorer une culture neuronale, on peut donc pousser le concept encore plus loin en produisant des <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fcell.2020.579659/full">organoïdes</a>. Ce sont des cultures cellulaires comprenant plusieurs types de cellules. Un organoïde de cerveau pourrait donc recréer plus fidèlement le fonctionnement cérébral, et donc être un meilleur modèle de maladies du système nerveux.</p>
<h2>Des modèles de maladies polyvalents</h2>
<p>Si on découvre qu’une cellule présente un fonctionnement anormal chez une personne atteinte de la maladie, on cherchera à comprendre pourquoi elle se comporte ainsi. En observant un modèle de cette maladie, nous pourrons découvrir si ce fonctionnement anormal est similaire à celui observé dans le cerveau des patients. Si c’est le cas, nous pourrons tenter de modifier le fonctionnement de cette cellule chez notre modèle et voir si cela a un effet bénéfique.</p>
<p>Les modèles ont donc comme première fonction de permettre d’étudier plus facilement une maladie. Un bon modèle doit ainsi la représenter de la manière la plus fiable possible. Lorsqu’un modèle est considéré comme suffisamment représentatif de la maladie, il peut être utilisé en études précliniques afin de vérifier si le composé a le potentiel de la soigner sans être nocif. Lorsque la maladie est bien reproduite par le modèle, on peut supposer qu’un traitement qui fonctionne sur celui-ci a des chances de fonctionner chez des personnes atteintes de la maladie. Les cultures cellulaires et organoïdes provenant de patients sont particulièrement prometteuses à cause de cette représentativité. Même si nous ne connaissons pas toutes les caractéristiques d’une maladie, il y a des chances que ces portions inconnues puissent être reproduites dans ces modèles.</p>
<p>Comme elles viennent de véritables patients, ces modèles du futur pourraient avoir une troisième utilité unique : la <a href="https://cellregeneration.springeropen.com/articles/10.1186/s13619-020-00059-z">médecine personnalisée</a>. Tous les patients atteints d’une même maladie sont hétérogènes et donc ne répondent pas de la même manière à un traitement. Lorsque plusieurs types de thérapies existent, il faut s’en remettre aux essais-erreurs pour identifier celle qui convient le mieux à chaque patient.</p>
<p>En 2021, l’équipe de Kimberly K. Leslie à l’université d’Iowa a démontré que les organoïdes pouvaient remédier à ce problème en <a href="https://www.mdpi.com/2072-6694/13/12/2901">prédisant la réponse d’extraits de cancers gynécologiques à différents traitements</a>. La même année, une autre équipe de Singapour et de Hong-kong a démontré qu’on pouvait utiliser les organoïdes pour <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fonc.2021.622244/full">prédire la réponse de tumeurs naso-pharyngées à la radiothérapie et en ajuster la dose</a>. Grâce à cette méthode, il sera donc possible de sélectionner le traitement le plus prometteur pour un individu en un temps beaucoup plus court. Cependant, elle n’a été testée que chez des modèles animaux et des extraits cellulaires. La faisabilité chez l’humain demeure donc à prouver.</p>
<h2>Des modèles à suivre, mais pas au pied de la lettre</h2>
<p>Un traitement qui fonctionne chez un modèle de maladie ne fonctionnera pas nécessairement chez l’humain. C’est précisément pour cela que l’Alzheimer, ou du moins, sa reconstruction en laboratoire dans un modèle animal, a été « guérie » plus de 400 fois sans jamais fonctionner chez l’humain. De la même façon, il est possible que des composés pouvant réellement ralentir la progression de l’Alzheimer aient été testés, mais qu’ils n’aient pas réussi à guérir ces animaux. Pour des maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer, créer un modèle représentatif est particulièrement complexe puisque la maladie n’a pas une seule cause. Nous connaissons des <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/chapterhtml/2022/bk9781839162305-00001?isbn=978-1-83916-230-5&sercode=bk">centaines de processus qui seraient déréglés dans l’Alzheimer</a>, impliquant notamment les systèmes nerveux, cardiovasculaire, et immunitaire.</p>
<p>Il n’est pas encore possible de reproduire ces interactions en culture cellulaire. C’est pourquoi même si les modèles du futur permettront de mieux représenter la maladie, et peut-être de découvrir des traitements, il ne faut jamais oublier qu’ils seront toujours imparfaits. La guérison d’un modèle n’équivaudra donc jamais exactement à la guérison d’une maladie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181396/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Étienne Aumont a reçu du financement de la part des Instituts de Recherche en Santé du Canada (IRSC). </span></em></p>Les cultures cellulaires semblent prometteuses pour représenter les maladies. La boîte de Petri ne diffère pas autant d’une personne malade que l’on pourrait croire.Étienne Aumont, Étudiant au doctorat en psychologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801922022-04-10T20:12:53Z2022-04-10T20:12:53ZDes souris, des vaches, des odeurs et des hommes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455062/original/file-20220329-2839-1istwvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=18%2C0%2C2048%2C1361&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les vaches recherchent plus les odeurs d'humains non-stressés que stressés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/27702659@N00/6258240517/">Oli/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Les animaux, dotés d’organes sensoriels différents des nôtres, ne perçoivent pas le monde de la même façon que nous. Si notre sensorialité est à dominante audiovisuelle, l’olfaction prévaut autant que la vision et l’audition chez la plupart des autres mammifères. Afin de vivre au mieux avec les animaux qui nous entourent, que ce soit nos animaux de compagnie ou ceux d’élevage, il est nécessaire de comprendre les bases sensorielles de la relation homme-animal.
Pour cela se pose la question de la contagion des émotions de l’homme vers l’animal, mais également de l’animal vers l’homme, afin de respecter voire d’améliorer leur bien-être, mais également le nôtre.</p>
<p>La question du bien-être des animaux a pris une importance croissante et se trouve au cœur des <a href="https://www.cabdirect.org/cabdirect/abstract/20203102977">préoccupations sur l’avenir de l’élevage</a>. En 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) propose une <a href="https://www.anses.fr/fr/content/avis-de-lanses-relatif-au-%C2%AB%C2%A0bien-%C3%AAtre-animal-contexte-d%C3%A9finition-et-%C3%A9valuation-%C2%BB">définition du bien-être animal</a> :</p>
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<p>« Le bien-être d’un animal est l’état mental et physique positif lié à la satisfaction de ses besoins physiologiques et comportementaux, ainsi que de ses attentes. Cet état varie en fonction de la perception de la situation par l’animal. »</p>
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<p>L’ANSES souligne également que « les actions humaines positives envers l’animal (la bientraitance) sont un préalable indispensable au bien-être des animaux ». La relation homme-animal est donc une <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fvets.2020.590867/full">composante clé du bien-être animal</a>, mais aussi de celui de l’éleveur. En effet, une relation basée sur des rapports calmes et avec des animaux non stressés permet la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/0168159194901317">diminution des risques d’accident</a>. L’éleveur est de ce fait moins stressé au quotidien, et un cercle vertueux s’établit. L’évaluation de cette relation passe nécessairement par la prise en compte de la perception sensorielle que l’animal a de l’humain.</p>
<h2>L’olfaction, un sens d’importance chez les mammifères</h2>
<p>De façon surprenante, l’influence des indices olfactifs humains sur les animaux d’élevage a été jusqu’ici peu considérée, bien que l’olfaction soit une modalité sensorielle dominante chez les mammifères. De ce fait, le rôle de l’olfaction est potentiellement massif, et ce dès les premiers temps du développement. Elle soutient et facilite la mise en place des premières interactions sociales et des relations d’attachement sélectif. Chez les ovins, par exemple, les agneaux nouveau-nés <a href="https://doi.org/10.1163/156853995X00603">recherchent les odeurs acquises <em>in-utero</em></a> par rapport à des odeurs nouvelles.</p>
<p>Les animaux d’élevage et de laboratoire sont également capables de percevoir les émotions d’autres congénères via des signaux olfactifs, induisant des <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02623245/document">modifications comportementales et physiologiques</a>. Par exemple, les vaches vont mettre plus de temps à manger dans un seau ou à explorer un nouvel objet si elles sont mises en présence d’odeurs d’urine de congénères stressés.</p>
<p>Enfin, dans une relation de proie-prédateur, les animaux sont capables d’identifier olfactivement des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763405000588">animaux d’espèce différente</a>. Par exemple, les rongeurs (les proies) qui sont mis en présence de fèces de chats ou de renards (leurs prédateurs) vont montrer des comportements de peur, comme le « freezing » (le fait d’être pétrifié et de ne plus bouger) ou un évitement de ces fèces, mais également sécréter des hormones de stress comme le cortisol.</p>
<p>Ces études montrent l’importance de la communication olfactive entre les espèces animales (que ce soit au sein de la même espèce ou entre espèces animales), mais généralement pas avec l’homme. Cependant, l’importance de l’olfaction dans les interactions entre l’homme et l’animal commence elle aussi à émerger.</p>
<h2>La communication olfactive entre humains et animaux domestiques</h2>
<p>Des animaux de compagnie ou de loisirs tels que le chien ou le cheval peuvent discriminer des odeurs corporelles humaines « émotionnelles », c’est-à-dire échantillonnées chez des émetteurs exposés à un état émotionnel donné (peur ou joie). En présence d’odeurs humaines de peur, des <a href="https://europepmc.org/article/med/28988316">Labradors et des Golden retrievers</a> ont montré des comportements de peur : ils avaient une fréquence cardiaque plus rapide et restaient plus près de leur maître. À l’inverse, en présence d’odeurs humaines de joie, leur fréquence cardiaque était plus lente et ils montraient des comportements joyeux envers des personnes inconnues en les approchant et en interagissant avec elles. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S016815912030160X">chevaux</a>, de leur côté, sont plus vigilants (ils lèvent leur tête plus souvent et plus longtemps) en présence d’odeurs humaines de peur qu’en présence d’odeurs de joie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="2 chiots labrador blancs assis dans l'herbe" src="https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455063/original/file-20220329-3198-dumwzc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chiens réagissent aux pleurs d'un bébé humain en augmentant leur propre niveau de stress : on parle de contagion émotionnelle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/crazycups/3942368675/">Crazybananas/flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>De façon intéressante, ces études ont montré que la perception de ces odeurs émotionnelles activait chez les animaux receveurs une réponse congruente avec l’état émotionnel de l’émetteur humain, selon une forme de contagion émotionnelle <a href="https://doi.org/10.1177/1745691616676599">similaire à celle observée entre humains</a>. Par exemple, lorsque nous entendons des pleurs d’enfant, notre sécrétion de cortisol (hormone du stress) augmente : c’est un signe d’empathie, et l’émotion de tristesse ou de peur est transmise de l’enfant vers l’adulte qui l’entend. Mais elle est <a href="https://www.researchgate.net/profile/Min-Hooi-Yong-2/publication/269181701_Emotional_contagion_Dogs_and_humans_show_a_similar_physiological_response_to_human_infant_crying/links/5e8ffd69a6fdcca789063930/Emotional-contagion-Dogs-and-humans-show-a-similar-physiological-response-to-human-infant-crying.pdf">également transmise au chien</a>, qui va lui aussi augmenter son niveau de cortisol.</p>
<h2>Qu’en est-il des animaux d’élevage ou de laboratoire ?</h2>
<p>Ces différents résultats suggèrent ainsi que l’olfaction pourrait influencer l’établissement et la qualité de la relation homme-animal, et ainsi impacter le bien-être des deux partis. La question de mes travaux de recherche est donc la suivante : « La relation homme-animal étant un facteur clé du bien-être animal et humain, les animaux d’élevage et de laboratoire sont-ils capables de percevoir les émotions humaines via des signaux olfactifs ? »</p>
<p>Une de mes premières études a eu pour objectif de tester si une odeur d’humain stressé modifie le comportement d’animaux d’élevage (comme la vache) et de laboratoire (comme la souris). Deux odeurs de sueur ont été collectées sur 25 étudiants d’école d’ingénieur (14 femmes, 11 hommes, âgés de 19 à 23 ans) : une odeur de « stress » après un partiel et une odeur de « non-stress » après des cours. Deux expérimentations de discrimination de ces odeurs ont été conduites : l’une sur 20 souris mâles en conditions contrôlées et l’autre sur 10 vaches en ferme.</p>
<p>Les souris ont déféqué plus en présence de l’odeur de stress et les vaches ont passé plus de temps à sentir l’odeur de non-stress. L’augmentation de la défécation peut être considérée comme un marqueur de stress chez l’animal, mais aussi chez l’homme (par exemple, nous pouvons avoir envie d’uriner plus fréquemment avant une évaluation ou un entretien). À l’inverse, le fait d’interagir plus longtemps avec un objet (le sentir, le toucher ou le manipuler) peut être considéré comme un marqueur d’intérêt et non de stress chez l’animal.</p>
<p>Ainsi, les souris et les vaches semblent percevoir et réagir différemment <a href="https://europepmc.org/article/med/33839953">aux odeurs d’émotions humaines</a>. Les souris semblent montrer plutôt une réponse de peur à l’odeur de stress humain. Les vaches, quant à elles, semblent montrer une préférence pour l’odeur de non-stress, mais sans chercher à éviter ou fuir l’odeur de stress. Ces résultats préliminaires peuvent indiquer des niveaux différents d’attachement entre les animaux et leur éleveur, mais aussi des pratiques d’élevage et de manipulations différentes.</p>
<p>Les études doivent se poursuivre chez ces animaux afin de déterminer les odeurs émotionnelles humaines apaisantes afin d’améliorer la relation homme-animal et leur bien-être. On pourrait imaginer d’utiliser des odeurs humaines de joie pour apaiser les animaux lors d’évènements stressants avec des humains qu’ils ne connaissent pas, par exemple lors des transports ou au moment de l’abattage. Une sélection génétique d’animaux pourrait également être envisagée, en sélectionnant les animaux les moins réactifs à l’odeur de stress humain.</p>
<p>Nos prochains travaux s’attacheront à tester différentes odeurs émotionnelles humaines (comme la joie et le stress) chez les ovins. Les moutons sont en effet des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0168159112001220">animaux d’élevage accessibles, généralement curieux et expressifs</a>. La conduite d’une troupe ovine implique également de nombreuses manipulations au contact de l’homme (mise bas, identification, pesée, tonte, parage d’onglons), ce qui expose les animaux aux indices olfactifs humains, qu’ils peuvent probablement aussi détecter à distance. Le modèle ovin est donc particulièrement intéressant pour pousser plus loin nos études.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180192/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexandra Destrez a reçu des financements de l'ANR France Relance, de l'Institut Agro Dijon et de l'UMR CSGA pour ses travaux de recherches. </span></em></p>La relation homme-animal passe aussi par l'odorat. Sentir des odeurs venant d'humains stressés ou non-stressés induit des changements comportementaux chez les vaches et les souris.Alexandra Destrez, Maître de conférences en éthologie développementale et psychologie cognitive, Institut Agro DijonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1769292022-03-15T18:36:26Z2022-03-15T18:36:26ZTuer pour la science ? Une nouvelle expérience de Milgram<p>Les effets destructeurs de la soumission à l’autorité ont été illustrés il y a soixante ans à travers les <a href="https://calmann-levy.fr/livre/soumission-lautorite-9782702104576">fameuses recherches de Stanley Milgram</a>. Celles-ci ont montré que deux tiers des personnes qui participaient à un protocole expérimental sur l’apprentissage faisaient subir des chocs électriques potentiellement mortels à une victime humaine (qui simulait la douleur).</p>
<p>D’abord menées à Yale puis publiées en 1974 dans <em>Soumission à l’autorité</em>, ces recherches ont été <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3976349/">confirmées</a> dans une dizaine de laboratoires en Allemagne, Pologne ou Afrique du Sud.</p>
<p>Cependant, l’explication du puissant et inquiétant phénomène d’obéissance destructrice proposée par Milgram a été critiquée. Il pensait en effet que face à une autorité, les individus renonçaient temporairement à leurs convictions, devenant de simples « exécutants-robots » ayant abdiqué leur responsabilité morale. Cette idée est fascinante <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1745691612448482">mais a été largement mise en cause</a>.</p>
<p>Par exemple, quand on demande aux participants après l’expérience s’ils se sentent personnellement responsables de leurs actes, ils répondent par l’affirmative. De plus, si l’autorité se montre plus directive pour les contraindre à administrer les chocs, cela crée plus de résistance que d’adhésion. En observant attentivement les participants durant l’expérience, on décèle qu’ils <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15534510.2017.1314980">cherchent souvent à tricher</a> pour aider la victime. Enfin, l’analyse de leurs paroles pendant l’expérience montre qu’ils s’opposent souvent verbalement à l’autorité ou cherchent à négocier <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.2044-8309.2011.02070.x">leur implication</a>.</p>
<p>Plusieurs <a href="https://theconversation.com/soumission-a-lautorite-lobeissance-nest-pas-ce-que-stanley-milgram-croyait-164341">recherches récentes</a> font largement douter de la pertinence de l’explication de Milgram et semblent incompatibles avec l’idée que les individus deviendraient les exécutants aveugles d’ordres émanant de l’autorité. Et si, dans l’expérience de Milgram, les bénéfices supposés de la recherche et le crédit accordé à la science (de loin la plus influente autorité culturelle de notre époque) éclairaient le comportement des individus ?</p>
<h2>La victime : un robot</h2>
<p>Pour tester l’impact de l’engagement pour la science sur le comportement, une situation expérimentale inédite a été imaginée. Cette fois-ci, les participants, près de 750 personnes, ne devaient pas électrocuter un autre humain mais sacrifier un animal de laboratoire.</p>
<p>Il s’agissait d’un cyprin doré, un grand poisson rouge et blanc de 50 centimètres de long qui nageait dans un aquarium de 3000 litres. C’était en réalité un robot biomimétique très réaliste, mais les participants l’ignoraient (ceux ayant eu des doutes sur l’expérience, environ 15 % de l’échantillon, ont été retirés des analyses).</p>
<p>Les participants devaient administrer un produit toxique au poisson afin de déterminer sa nocivité dans le cadre du développement d’un nouveau médicament. Ils apprenaient que les effets de la substance pourraient être douloureux et que cela tuerait progressivement le poisson. Pour réaliser la tâche, ils devaient appuyer successivement sur 12 boutons qui déclenchaient des injections toxiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451551/original/file-20220311-18-r1c4gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le dispositif utilisé pour injecter le produit toxique dans l’aquarium.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La probabilité de mort du poisson apparaissait sous les boutons dans l’ordre suivant : 0 % de probabilité de mort (bouton 1), 33 % (bouton 3), 50 % (bouton 6), 75 % (bouton 9) et 100 % (bouton 12). La vidéo de 50 secondes ci-dessous offre un aperçu visuel du dispositif.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451548/original/file-20220311-28-pj4ujg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=371&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le dispositif numérique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Les participants étaient également informés que l’activité cardiaque du poisson serait directement mesurée par un capteur implanté. Elle était traduite par des sinusoïdes sur l’écran et des bips sonores de plus en plus erratiques qui reflétaient la détresse cardiaque du poisson.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451553/original/file-20220311-21-ee1vt3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un participant face à l’interface. Il devait cliquer avec une souris sur chaque bouton, du jaune clair au rouge.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Injecter un produit toxique</h2>
<p>Après une présélection permettant de garantir la diversité sociologique des participants, un rendez-vous était proposé à chaque participant. On l’informait qu’il serait rémunéré quoi qu’il fasse durant l’expérience. Au total, plus de 750 personnes sont successivement venues au laboratoire.</p>
<p>Un professeur vêtu d’une blouse blanche leur exposait les buts et modalités de l’étude : pour évaluer la toxicité d’un puissant stimulant cognitif destiné aux personnes âgées souffrant de troubles de la mémoire, on procédait à un test sur des poissons. Ils avaient été conditionnés pour réagir à certains stimuli (lumières, émission de bulles), et l’on voulait donc mesurer l’effet de la molécule sur l’amélioration de leur performance (qui se traduirait par leur passage plus fréquent dans un périmètre précis de l’aquarium, suite aux stimuli) en déterminant à partir de quels seuils ses effets seraient nocifs. Ce produit provoquerait des souffrances et finalement la mort de l’animal. Il était également indiqué que durant l’expérience, on examinerait comment des personnes ayant une formation en biologie ou des personnes néophytes catégoriseraient le comportement du poisson.</p>
<p>Un bref aperçu filmé de la salle d’expérience avec le poisson est présenté ci-dessous.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/exNHKprKNwI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Aperçu filmé de la salle d’expérience.</span></figcaption>
</figure>
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<figcaption><span class="caption">Témoignages de participants après l'expérience.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Que feriez-vous dans cette situation ?</h2>
<p>Lorsque l’on présente pour la première fois l’expérience de Milgram à quelqu’un, la réaction la plus courante est de s’étonner que deux tiers des participants se soient soumis.</p>
<p>Lorsque Milgram a interrogé des psychiatres, des professeurs de sociologie, des adultes issus de la classe moyenne ou des étudiants, personne n’envisageait d’aller au-delà des toutes premières décharges. Peut-on observer ce phénomène de minimisation dans notre nouveau protocole ? 1623 personnes âgées de 18 à 65 ans à qui l’on a exposé en détail l’expérience ont dû estimer jusqu’à quel niveau d’injection elles pensaient qu’elles seraient personnellement allées (de 0 à 12) ainsi que jusqu’où, selon elles, des personnes de leur âge et de leur sexe iraient dans la même situation. Les résultats ont montré que seulement 12 % pensaient qu’elles seraient allées au terme de l’expérience. Près de 30 % des personnes affirmaient qu’elles n’auraient injecté aucune dose de produit toxique, alors que 93 % des participants pensaient que les autres personnes administreraient au moins une dose. Ce <a href="https://psycnet.apa.org/record/2019-72095-001">phénomène d’autovalorisation</a>, bien connu en psychologie et appelé « effet supérieur au moyen » consiste à considérer que l’on est plus intelligent, plus fidèle à ses valeurs ou moins influençable que la plupart des gens.</p>
<h2>Combien de participants sacrifient réellement l’animal ?</h2>
<p>Les résultats comportementaux ont indiqué que la majorité des participants (53 %) ont tué le poisson, allant ainsi jusqu’à la douzième (et dernière) dose. Tandis que près de 20 % ont catégoriquement refusé de commencer, de 1 % à 4 % environ ont administré entre une et onze injections. Comme le montre le graphique ci-dessous, l’écart entre le comportement observé et le comportement prédit saute aux yeux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452267/original/file-20220315-25-13yxsfy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=446&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pourcentage d’injections prédites par des personnes extérieures et d’injections réellement administrées par les participants au laboratoire, dans Bègue-Shankland (2022).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Bègue-Shankland, extrait de _Face aux animaux_</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des facteurs individuels permettaient de prédire en partie les comportements observés. Par exemple, les femmes administraient significativement moins de doses que les hommes. C’était aussi le cas des personnes végétariennes. A l’inverse, plus le score d’empathie des participants <a href="https://psycnet.apa.org/record/1983-22418-001">était élevé</a>, moins ils administraient de doses toxiques. Cependant, le lien était limité <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-019-56006-9">(les êtres aquatiques ne suscitent pas beaucoup l’empathie humaine)</a>.</p>
<p>Sans surprise, les personnes qui adhéraient à l’idée que les animaux avaient moins de valeur que les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29517258/">humains</a> administraient un plus grand nombre de doses toxiques au poisson.</p>
<p>Enfin, plus les participants trouvaient nécessaire l’idée d’une hiérarchie entre les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26479362/">groupes humains</a>, plus la quantité administrée était élevée, comme si la discrimination que les humains appliquent souvent entre leurs groupes préférés et les autres inspirait également une déconsidération du groupe « autre » par excellence qu’est celui des non-humains.</p>
<p>Comme l’ont indiqués les témoignages des participants (détaillés dans un ouvrage consacré <a href="https://livre.fnac.com/a16495272/Laurent-Begue-Shankland-Face-aux-animaux">à cette étude</a>) et aux relations humains-animaux, l’expérience était très impliquante et les confrontait à un douloureux dilemme moral.</p>
<h2>Effet du soutien à la science sur le comportement</h2>
<p>Pour mesurer l’effet du soutien à la science sur le comportement, on a remis aux participants une fiche visant à amorcer une disposition soit favorable soit défavorable à la science. Cette méthode consiste à infuser subtilement une idée de manière à déterminer son lien avec le comportement mis en œuvre ensuite par l’individu.</p>
<p>Dans la condition « pro-science », les participants devaient mentionner par écrit trois choses importantes selon eux à propos de la science, puis trois choses qu’ils aimaient au sujet de la science et enfin trois choses qu’ils avaient en commun avec les scientifiques. À l’inverse, dans la condition « critique de la science », ils devaient écrire trois choses qui leur posaient problème au sujet de la science, trois choses qu’ils n’aimaient pas, et trois choses qui les différenciaient des scientifiques. La comparaison des comportements des personnes de ces deux groupes a confirmé que les personnes mises aléatoirement dans le groupe « pro-science » administraient significativement plus de doses du produit toxique dans l’aquarium que celles du groupe <a href="https://www.researchgate.net/publication/353572755_Pro-scientific_Mindset_and_the_Lethal_Use_of_Animals_in_Biomedical_Experimentation">« critique de la science »</a>.</p>
<h2>L’obéissance n’est pas aveugle</h2>
<p>Le simple fait que l’induction d’un état d’esprit proscientifique intensifie le comportement destructeur envers un animal confirme que l’obéissance n’est pas aussi aveugle que l’affirmait Milgram. Les gens se plient à l’autorité quand le comportement qui leur est demandé a vraiment du sens pour eux.</p>
<p>La science est aujourd’hui l’influence culturelle la plus importante, en <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/les-francais-et-la-science-une-relation-ambivalente">France</a> comme dans le monde anglo-européen.</p>
<p>Bien que la pertinence et l’utilité de l’expérimentation animale soient de plus en plus discutées (par exemple, une récente synthèse publiée dans la <a href="https://www.science.org/content/article/more-half-high-impact-cancer-lab-studies-could-not-be-replicated-controversial-analysis">revue scientifique <em>Nature</em> indiquait</a> que la moitié des études animales sur le cancer n’étaient pas confirmées), la majorité des participants de notre expérience ont surmonté leurs réticences, neutralisé leur empathie et sacrifié des animaux en les faisant souffrir, espérant ainsi servir la science et la médecine.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur vient de publier <a href="https://livre.fnac.com/a16495272/Laurent-Begue-Shankland-Face-aux-animaux">« Face aux animaux »</a>, éditions Odile Jacob.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176929/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kevin Vezirian ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une nouvelle étude démontre l’impact de l’autorité de la science sur le comportement d’individus devant tuer un animal dans un but scientifique.Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA). Dernier ouvrage : Face aux animaux. Nos émotions, nos préjugés, nos ambivalences. Odile Jacob, 2022, Université Grenoble Alpes (UGA)Kevin Vezirian, Doctorant en psychologie, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743152022-02-02T18:38:07Z2022-02-02T18:38:07ZL’animal n’est pas un objet, mais un agent moral<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/444082/original/file-20220202-17-1uk6saz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3692%2C2757&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'animal comme agent moral.</span> <span class="attribution"><span class="source"> Sam Carter/Unsplash</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>L’utilisation de l’animal dans nos sociétés se voit aujourd’hui bouleversée. De nombreuses personnalités ou associations critiquent la manière dont l’humain traite ses semblables non humains, que ce soit dans l’industrie agroalimentaire, les divertissements ou la recherche scientifique. Pour diminuer le nombre d’animaux dans la recherche ainsi que leur stress, beaucoup de progrès ont été et sont toujours réalisés. Malgré cela, de nombreuses désapprobations sont encore soulevées par les associations et les scientifiques.</p>
<p>Certes, la réglementation encadre l’utilisation scientifique de l’animal, mais la légitimité de certaines recherches peut encore être remise en cause. Aussi, la question de la responsabilité des chercheurs se pose quant au respect de la fameuse règle des <a href="https://www.recherche-animale.org/decouvrir-la-recherche-animale/lethique-de-la-recherche/3-r">« 3R »</a> : « remplacer » lorsque possible l’animal par des tissus ou des modélisations numériques, « réduire » au maximum leur nombre et « raffiner », soit œuvrer au mieux pour leur bien-être. Ce constat n’est pas restreint à la recherche, mais s’étend à toute utilisation animale.</p>
<p>Le principe des 3R peut tout à fait s’appliquer à l’industrie de la fourrure, du divertissement ou de l’alimentation. Il s’agit de revoir la légitimité de l’humain à utiliser l’animal en particulier quand des alternatives existent, remplaçant son utilisation (par la fourrure synthétique ou de la viande cellulaire) et diminuant sa souffrance (avec des animaux élevés en plein air par exemple).</p>
<h2>Les animaux présentent différents degrés de conscience</h2>
<p>En effet, plusieurs recherches montrent aujourd’hui que de nombreuses espèces animales que nous utilisons tous les jours dans nos vies sont capables de ressentir la douleur, mais aussi d’être conscientes de cette douleur et d’agir en conséquence pour la diminuer et se placer dans des conditions plus optimales de bien-être. <a href="https://www.babelio.com/auteur/Pierre-Le-Neindre/488773">Pierre Le Neindre</a>, responsable scientifique de l’expertise scientifique collective sur la conscience animale de l’INRAE, et ses collaborateurs publient en 2018 un livre scientifique intitulé <a href="https://www.quae-open.com/produit/97/9782759228713/la-conscience-des-animaux">La conscience des animaux</a> et qui explique très bien les différents niveaux de conscience et quelles espèces les possèdent.</p>
<p>Pour simplifier, il existe trois niveaux de conscience. La conscience d’accès est la conscience de son environnement et le fait d’agir en fonction de cet environnement. En fait, la plupart des espèces ayant un système nerveux central et capable d’apprentissage possèdent cette conscience d’accès. Les spongiaires, les cnidaires ou les cténaires, par exemple, ne la possèdent pas. Un robot aspirateur nettoyant votre maison en faisant attention aux meubles ou bordures possède une conscience d’accès.</p>
<p>La conscience phénoménale caractérise le ressenti ou le vécu permettant de s’adapter aux situations et faisant intervenir les émotions et d’autres capacités cognitives comme la mémoire épisodique ou la métacognition, c’est-à-dire « je sais ce que je sais » ou « je sais ce que je ne sais pas ». Par exemple, nous pouvons apprendre à un animal à reconnaître la couleur bleue et la couleur rouge en tapant sur un écran tactile. Quand il sait reconnaître ces couleurs, vient la phase de test : à droite se trouve par exemple la couleur bleue, à gauche la couleur rouge et au milieu la couleur test. Si la couleur test est rouge, alors le sujet appuie à gauche de l’écran tactile. Une troisième phase peut être présentée avec un bouton joker qui signifie « je ne sais pas ». Si la couleur présentée est connue de l’animal (soit rouge ou bleue), alors il n’appuiera pas sur le bouton joker mais à droite ou à gauche de l’écran. Il indique qu’il sait ce qu’il sait. Par contre si la couleur présentée est du violet, ou du vert, alors le sujet appuiera sur le bouton joker indiquant qu’il sait ce qu’il ne sait pas.</p>
<p>De tels <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0149763420304735">tests dits de jugements cognitifs</a> ont ainsi pu montrer que des poules, des pigeons, des rats ou encore des singes étaient capables de dire s’ils étaient sûrs ou non de leur réponse et donc de leur savoir. Ces tests ont été effectués sur des couleurs, comme présentés au-dessus, mais aussi sur des formes (carrés, ronds, octogones, etc.), des sons de fréquence différente ou des cachettes spatiales.</p>
<p>Enfin, la conscience de soi est la capacité de se placer dans son environnement social, de savoir que l’on existe et que nous pouvons agir sur nos conspécifiques. Cette conscience fait intervenir le concept de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Th%C3%A9orie_de_l%27esprit">théorie de l’esprit</a> permettant d’attribuer des niveaux d’intentionnalité aux autres animaux, allant du suivi du regard aux croyances. L’<a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aaf8110">attribution de croyances</a> a été par exemple prouvée chez les grands singes ou les éléphants, comme les notions d’empathie ou de moralité si chères au primatologue Frans de Waal.</p>
<h2>Les animaux sont des acteurs de leur environnement et de leur société</h2>
<p>Les différentes recherches en éthologie montrent donc qu’il est urgent de ne plus considérer l’animal non humain comme un objet. Aujourd’hui, le Code rural et le code civil considèrent l’animal comme un être sensible, lui donnant le statut de patient moral. Mais il est nécessaire d’aller plus loin et lui donner le statut d’agent moral.</p>
<p>L’<a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03299505/">agentivité</a> est la capacité d’un individu, appelé acteur, à agir dans et sur un environnement donné. Cette définition peut cependant devenir plus étroite si la subjectivité du sujet, animal ou humain, est considérée, c’est-à-dire au minimum sa conscience phénoménale. <a href="https://journals.lub.lu.se/pa/article/view/19024">Blattner et ses collaborateurs</a> affirment qu’il faut passer du temps avec les animaux, apprendre d’eux et avec eux, et être prêts à réagir et adapter notre processus d’étude par le biais de nos relations avec eux. Ainsi, les animaux ne devraient plus être considérés comme de simples objets de connaissances ou de matières premières, mais comme de véritables producteurs de connaissances et à ce titre, de véritables collaborateurs.</p>
<p>A fortiori, cela demande que nous nous rendions compréhensibles pour les animaux. Une telle coopération n’apparaît possible aujourd’hui que pour certaines espèces animales, comme les primates, les cétacés, certains oiseaux, dont les perroquets ou les corvidés, les carnivores sociaux ou encore les céphalopodes. Cependant, nous ne devons pas hésiter à étendre ce cercle, car d’autres espèces animales sont sûrement capables de comprendre nos intentions de chercheurs. En effet, lorsque nous laissons trop peu de place aux actions libres et propres des animaux, les capacités véritables dont ils sont capables sont obscurcies. Par exemple, semblant encore irréelle il y a quelques années, l’utilisation de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/zoo.21458">tablettes tactiles</a> par des macaques, ou de <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2021.631755/full?ref=9gag">joysticks</a> chez des rats et des cochons est de plus en plus utilisée pour comprendre la cognition animale.</p>
<h2>Les animaux sont des acteurs des sociétés humaines</h2>
<p>Plusieurs chercheurs tels <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vinciane_Despret">Vinciane Despret</a> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Baptiste_Morizot">Baptiste Morizot</a> ont écrit des essais afin de montrer que l’animal pouvait être utile à nos sociétés. Reprenant ce concept d’agentivité animale, de nombreux auteurs ont imaginé des fictions dans lesquels l’animal, de la fourmi (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Fourmis_%28Werber%29">Les fourmis</a> de Bernard Werber), au chien (<a href="https://www.babelio.com/livres/Panafieu-Leveil-tome-1/915712">L’éveil</a> de Jean-Baptiste de Panafieu) au chimpanzé (<a href="https://www.babelio.com/livres/Garcia-Memoires-de-la-jungle/178433">Mémoires de la jungle</a> de Tristian Garcia), devient un personnage principal instigateur des enjeux de l’histoire. </p>
<p>Le but de l’auteur est bien de sortir l’homme de son anthropocentrisme et de lui donner les éléments d’une nouvelle façon de penser, plus ouverte et avec moins de barrières comme le propose Frans de Waal dans <a href="https://www.actes-sud.fr/node/63830">Sommes-nous trop bêtes pour comprendre l’intelligence des animaux ?</a>. Dans le polar <a href="https://www.babelio.com/livres/Sueur-Kamikaze-Saru--Le-singe-cobaye/1360116"><em>Kamikaze Saru. Le singe cobaye</em></a>, j’essaie de faire comprendre l’éthologie et l’agentivité des macaques japonais : trois animalistes (membres d’association de protection animale) et des dizaines de singes meurent dans l’explosion d’un laboratoire.</p>
<p>Au fil de leur enquête, les inspecteurs découvrent la complexité de la recherche animale. Qui croire dans cette guerre éthique, chercheurs ou animalistes ? Jusqu’où peut-on justifier l’utilisation d’animaux intelligents quand il s’agit de sauver des vies ? Dans cette fiction comme dans le réel, l’animal est un acteur dans nos sociétés. Et il est temps de le considérer comme tel.</p>
<p>Dans les années 60, les économistes ont inventé le terme de capital humain pour mesurer l’ensemble des connaissances, aptitudes, expériences, talents, et qualités accumulées par une personne. Selon le concept d’agentivité animale, la notion de capital animal se voit ainsi étendue du simple matériel (l’alimentation et le vestimentaire) à celui de social, de culturel, et d’écologique. En effet, de nombreux animaux aident les humains d’un point de vue social, directement en lui tenant compagnie et indirectement en créant des connexions. D’un point de vue culturel, de nombreuses connaissances sont apprises et utiles à l’homme en observant les animaux, ce qui est couramment appelé biomimétisme ou bioinspiration. Finalement, les espèces animales ont chacun un rôle écologique nécessaire au fonctionnement des écosystèmes. Adopter ainsi une ontologie plus animiste pourrait aider l’humain à s’inscrire dans un développement durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174315/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cédric Sueur est membre de l’Institut Universitaire de France, membre du conseil scientifique de Reworld Media et de la fondation LFDA. Il est l'auteur de l'ouvrage "Kamikaze Saru : le singe cobaye" mentionné dans l'article.</span></em></p>Aujourd’hui, la loi française considère l’animal comme un être sensible, mais il est nécessaire d’aller plus loin.Cédric Sueur, Maître de conférences en éthologie, primatologie et éthique animale, CNRS, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1707502022-01-26T19:21:37Z2022-01-26T19:21:37ZVivisection : une définition commune pour apaiser le débat ?<p>La vivisection est une pratique utilisée en recherche animale qui soulève des controverses. Des associations de défense des animaux se saisissent de cette pratique pour critiquer des expériences menées dans des laboratoires.</p>
<p>Que signifie ce terme exactement ? Peut-on en donner une définition commune pour éviter les amalgames et apaiser le débat entre scientifiques et associations ?</p>
<p>Qu’est-ce que la <em>vivisection</em> ? Ce terme est d’abord utilisé par <a href="https://www.gutenberg.org/ebooks/16234?msg=welcome_stranger">Claude Bernard</a>, médecin et physiologiste qui le définit comme « disséquer sur le vif, pour mettre à découvert et voir fonctionner les parties intérieures ou cachées de l’organisme ».</p>
<p>Cette définition a depuis évolué en plusieurs définitions plus ou moins longues dont les sens varient.</p>
<p>Du latin <em>vivus</em>, vivant, et <em>section</em>, ce terme est défini par le dictionnaire <a href="https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/vivisection/82322">Larousse</a> comme une </p>
<blockquote>
<p>« Dissection expérimentale pratiquée sur un animal vivant. (Les recherches médicales en physiologie et en thérapeutique de même que certaines techniques chirurgicales passent par un stade indispensable d’expérimentation animale qui peut comporter des gestes de vivisection, avant leur application à l’homme. La suppression de la douleur par anesthésie et les conditions de vie des animaux sont contrôlées de manière stricte.) »</p>
</blockquote>
<p>Sur <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vivisection#cite_note-Directive_86/609/CEE_Art.2-1">Wikipedia</a>, la vivisection est une « dissection opérée sur un animal vertébré » avec comme source la directive 86/609/CEE de l’Union européenne qui donne le cadre de l’utilisation d’animaux en recherche scientifique sans utiliser le mot <em>vivisection</em>.</p>
<p>Ces définitions sont cohérentes sur le fait que la vivisection est une opération chirurgicale réalisée sur un animal vivant dans un but expérimental. Le terme <em>invasif</em> apparaît parfois sans apporter d’élément nouveau puisque toute intervention chirurgicale est intrinsèquement invasive.</p>
<p>D’autres définitions existent, avec parfois comme ici sur un <a href="https://sciencesnaturelles.ch/animal-experimentation-explained/animals_in_experiments/animal_suffering/vivisection">site suisse</a>, l’apparition d’un élément non négligeable : « ouverture du corps d’un animal sans anesthésie ».</p>
<p>Actuellement, les pratiques pouvant être identifiées comme de la vivisection sont réalisées dans leur grande majorité sous anesthésie, cette définition n’est donc pas correcte. L’article 14 de la <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32010L0063&from=EN">directive européenne</a> indique en effet ceci : « Les États membres veillent à ce que, sauf si cela n’est pas approprié, toutes les procédures soient menées sous anesthésie générale ou locale et en recourant à des analgésiques ou à une autre méthode appropriée, afin de s’assurer que la douleur, la souffrance et l’angoisse soient limitées au minimum ».</p>
<h2>Limiter la douleur des animaux</h2>
<p>Il est donc obligatoire de limiter la douleur subie par les animaux par l’utilisation d’anesthésiques et analgésiques, sauf si cela n’est pas approprié. Pour comprendre dans quels cas cela n’est pas approprié, il est possible de consulter les résumés non techniques des demandes d’autorisations de projet accordées par le ministère de la Recherche (pour exemple, le projet n°6006 qui a pour but de tester de potentiels nouveaux antalgiques). <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027040793">Ces autorisations</a>, délivrées après avis favorable d’un comité d’éthique, sont nécessaires pour réaliser toute expérimentation animale (les animaux concernés sont les animaux vertébrés non humains, y compris les formes larvaires autonomes et les formes fœtales de mammifères à partir du dernier tiers de leur développement normal, ainsi que les céphalopodes vivants.).</p>
<p>De manière générale, l’anesthésie/analgésie est donc obligatoire en expérimentation animale.</p>
<p>Si l’on devait trouver un synonyme à ce terme de <em>vivisection</em>, le terme <em>chirurgie expérimentale</em> semblerait le plus approprié. C’est ce terme qui est couramment utilisé dans les laboratoires pratiquant de l’expérimentation animale.</p>
<p>Le terme <em>expérimentation animale</em> est régulièrement utilisé comme synonyme de vivisection. Ce point peut être facilement contredit puisque de nombreuses pratiques d’expérimentation animale n’utilisent pas d’actes invasifs. On peut ici parler des études comportementales réalisées par des personnes formées à l’éthologie (étude du comportement) qui réalisent de l’expérimentation animale. Les techniques d’imagerie, qui se développent énormément, peuvent maintenant être appliquées à de petits animaux comme les rongeurs qui sont beaucoup utilisés en expérimentation animale. L’utilisation de techniques de dissection mais pas de vivisection est également courante.</p>
<p>L’expérimentation animale est controversée, il est possible de trouver des <a href="http://www.stopvivisection.eu/fr/content/quest-ce-que-la-vivisection-questions-et-r%C3%A9ponses">sites Internet</a> sur lesquels il est indiqué : « l’expérimentation animale représente le moyen idéal pour donner de l’essor à une carrière et pouvoir publier dans les revues scientifiques ».</p>
<p>Il est important de rappeler que la recherche scientifique n’est pas exclusivement liée à l’expérimentation animale et donc à la physiologie/biologie. Ce type d’assertion peut être vexante pour un mathématicien, physicien, chimiste, sociologue, anthropologue…</p>
<p>Un autre point freine le dialogue entre les associations contre l’expérimentation animale et les chercheurs qui la pratiquent. On trouve régulièrement sur les <a href="https://www.notre-planete.info/actualites/755-reduire_essais_animaux_entreprises">sites Internet</a> des associations des phrases sur la cruauté des chercheurs, qui aimeraient faire souffrir volontairement les animaux (pour exemple : « les tests pratiqués sont peu connus, volontairement gardés secrets et dénotent parfois un sadisme et un mépris pour la vie imposés par des pseudo-scientifiques sans scrupules »). Il n’est jamais anodin de réaliser les actes invasifs qui sont nécessaires pour une étude, cela peut être moralement difficile. Cependant, si les expérimentateurs décident de faire ces gestes, c’est parce qu’ils comprennent la portée de leur expérience, qu’ils croient en son utilité et qu’ils ont justifié cette utilité à un comité d’éthique et au ministère de la Recherche qui l’a reconnue.</p>
<h2>Renouer le dialogue</h2>
<p>Un exemple pour montrer que ce dialogue reste possible. Pour la formation des étudiants en pharmacie à l’université de Caen, des souris sont utilisées afin de montrer les effets de l’administration de molécules psychotropes sur le comportement des animaux, mais aussi afin d’apprendre la méthode scientifique permettant de valider des hypothèses à partir d’observations. Pour respecter la règle des 3R (réduire, raffiner, remplacer), le nombre d’animaux utilisés dans ce cadre a été drastiquement diminué au cours des années, pour passer de près de 2 500 par an à 60 par an.</p>
<p>Mais il s’agit encore de 60 animaux qui sont utilisés uniquement pour ces travaux pratiques et qui ne peuvent pas être réutilisés dans une autre expérience. Ils sont donc théoriquement voués à être mis à mort. Dans la réglementation, la mise à mort (et non <em>euthanasie</em> puisque ce terme sous-entend l’accord de l’individu en question) est obligatoire dès lors que les animaux ne sont plus utilisés. En effet, il est considéré comme plus éthique de mettre à mort les animaux plutôt que de les garder captifs dans un environnement de laboratoire dont l’enrichissement est pauvre.</p>
<p>Depuis quelques années, l’enseignante qui réalise cette formation donne ces animaux à une association de protection animale qui permet de les réhabiliter. Ces rongeurs sont donnés ensuite à des particuliers ou conservés au sein de l’association, une seconde vie pour les souris ! Il faut bien se rendre compte que cela n’est pas possible pour tous les animaux, et notamment les animaux OGM (organisme génétiquement modifié, utiles par exemple pour comprendre le rôle de certains gènes dans les symptômes observés chez des patients atteints de maladie psychiatrique) qui, s’ils s’échappent, risquent de se reproduire et disperser les modifications génétiques dont ils sont porteurs.</p>
<p>Des organisations luttant contre l’expérimentation animale utilisent largement le terme <em>vivisection</em>, qui apparaît parfois dans les noms de certaines actions ou associations, mais sans en donner une définition exacte. Ce terme <em>choc</em> permet d’interpeller les consciences plus aisément.</p>
<p>Ces organisations ont une grande utilité pour mettre en avant les mauvaises pratiques, faire évoluer les consciences et <em>in fine</em> la législation. C’est notamment grâce à leur ferveur que l’expérimentation animale est de mieux en mieux encadrée avec toujours comme grands principes les fameux 3R. C’est également grâce à elles que de nouvelles méthodes, dites alternatives, apparaissent (comme l’expérimentation <em>in vitro</em> et <em>in silico</em>) pour que l’expérimentation animale <em>in vivo</em> tende à disparaître. Sur un sujet qui dévie un peu, c’est aussi grâce à ces associations de défense animale que les animaux d’élevage sont mieux considérés et que leur bien être commence à être pris en compte.</p>
<p>Selon moi, pour améliorer l’impact des associations anti–expérimentation animale, il est nécessaire de poser les problèmes sur un vocabulaire commun pour éviter les quiproquos qui gênent la communication entre les organisations luttant contre l’expérimentation animale et les chercheurs ayant besoin de l’expérimentation animale pour comprendre et soigner le vivant. Pour y parvenir, un effort doit être fait des deux côtés. Les chercheurs ont encore trop tendance à éviter de parler de leurs pratiques de peur de voir leur travail ou leur laboratoire remis en cause.</p>
<p>Avec la <a href="https://www.recherche-animale.org/sites/default/files/charte_transparence_animaux_pour_la_science_en_france_-_23juin21-_fr.pdf">nouvelle charte</a> signée par de grands organismes de recherche, la transparence est maintenant de mise et il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour respecter ces nouvelles directives. Du côté des associations luttant contre l’expérimentation animale, les termes corrects doivent être utilisés pour permettre un réel dialogue entre les deux milieux. Si ces deux communautés réussissent à communiquer, la nécessité de l’expérimentation animale sera mieux comprise et mieux acceptée, des efforts seront faits pour réduire l’utilisation des animaux et aller vers un consensus sur les normes d’éthiques et de bien-être animal.</p>
<p>La vivisection n’est donc pas synonyme d’expérimentation animale. Les chercheurs et les défenseurs des droits des animaux ont le même but : se passer de l’expérimentation animale. Actuellement, cet objectif paraît hors d’atteinte mais une réduction des animaux utilisés et une amélioration de leur bien être est possible.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170750/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Solenn Percelay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il n’est pas toujours évident de faire discuter les associations de défense des animaux et les scientifiques pratiquant des expérimentations animales. Tentons de les faire communiquer.Solenn Percelay, Docteure en neurosciences, Université de Caen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1671392021-10-26T18:28:07Z2021-10-26T18:28:07ZDébat : Pourquoi l’Europe veut interdire l’expérimentation animale et avec quelles conséquences ?<p>Le 16 septembre 2021, le Parlement européen a approuvé à une quasi-unanimité une <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20210910IPR11926/appel-a-un-plan-d-action-mettant-fin-a-l-utilisation-d-animaux-dans-la-recherche">résolution</a> en faveur de mesures visant à accélérer le passage à une innovation sans recours aux animaux dans la recherche, les tests réglementaires et l’enseignement. Autrement dit, ce texte appelle à mettre fin à l’expérimentation animale dans l’Union européenne.</p>
<p>L’objectif n’est pas nouveau. En 2010, la directive européenne 2010/63/UE, destinée à encadrer l’expérimentation animale en Europe, fixait déjà comme objectif ultime le « remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants […] dès que ce sera possible sur un plan scientifique ».</p>
<p>Dans la résolution de 2021, les parlementaires font le constat que le nombre total d’animaux utilisés à des fins scientifiques en Europe a peu évolué depuis l’entrée en vigueur de la directive de 2010, alors qu’ils estiment que les méthodes alternatives se sont développées. En conséquence, selon eux, le recours à l’expérimentation animale pourrait être remplacé par d’autres approches en sciences du vivant, et ce, sans affecter l’innovation scientifique ni mettre en danger la santé humaine. Il suffirait pour atteindre cet objectif ambitieux d’imposer des contraintes réglementaires accrues sur l’expérimentation animale et de mieux financer le développement des dites méthodes.</p>
<p>Mais est-ce réellement le cas ? Le fait que l’Europe soit la seule à s’engager dans cette voie, ainsi que l’opposition systématique des scientifiques à ce projet, suggère que la situation est loin d’être aussi simple.</p>
<h2>Pourquoi cette remise en question de l’intérêt de l’expérimentation animale ?</h2>
<p>En se fixant l’objectif de <a href="https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2021-0387_FR.html">mettre un terme à l’expérimentation animale</a>, le Parlement affirme répondre à une demande des citoyens européens qui auraient « régulièrement fait montre de leur soutien à l’arrêt de l’utilisation des animaux à des fins scientifiques ».</p>
<p>En 2015, la Commission européenne avait dû faire face à une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Initiative_citoyenne_europ%C3%A9enne">initiative citoyenne européenne</a> baptisée <a href="http://www.stopvivisection.eu/en">« Stop vivisection »</a> qui demandait l’abrogation de la directive 2010/63/UE et la fin de l’expérimentation animale. Les promoteurs de « Stop vivisection » argumentaient que l’expérimentation animale avait un caractère « non éthique » et qu’il existait « des principes scientifiques solides qui invalident le modèle animal pour prédire la réponse humaine ».</p>
<p>L’initiative ayant reçu plus d’un million de signature, la Commission européenne l’avait étudiée, comme le prévoient les dispositions du Traité de Lisbonne. Sa décision avait fait l’objet d’un <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/IP_15_5094">communiqué publié le 3 juin 2015</a> dans lequel on pouvait notamment lire que si la Commission « trouve aussi qu’il convient de supprimer progressivement l’expérimentation animale en Europe, son angle d’approche pour la réalisation de cet objectif diffère de celui proposé par l’initiative citoyenne en question ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/experimentation-animale-peut-on-sen-passer-89413">Expérimentation animale, peut-on s’en passer ?</a>
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<p>La Commission a donc rejeté l’initiative « Stop vivisection ». Toutefois, sa déclaration a validé implicitement les critiques de celle-ci concernant l’intérêt scientifique de l’expérimentation animale. Le problème est que l’argumentation soutenant cette initiative relève de la désinformation et du révisionnisme historique.</p>
<h2>L’information sur l’expérimentation animale est biaisée</h2>
<p>Le nom même de l’initiative « Stop vivisection » prête à confusion. <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vivisection">La vivisection</a> est une « dissection opérée sur un animal vertébré vivant ». Or, dans les faits, peu d’expérimentations animales impliquent une dissection. Et quand c’est le cas, cette dernière est réalisée sous anesthésie, comme n’importe quelle opération chirurgicale sur un humain.</p>
<p>Sur Internet, les premiers résultats des requêtes concernant l’expérimentation animale redirigent majoritairement les lecteurs vers des sites l’assimilant, là aussi, à de <a href="https://www.fondationassistanceauxanimaux.org/combat-experimentation-animale/">la vivisection</a>. Les animaux subissant des expériences en laboratoire y sont généralement présentés comme étant en souffrance extrême. En outre, il s’agit souvent d’animaux de compagnie ou de primates. Dans les deux cas, cela ne traduit pas la réalité.</p>
<p>En 2019, un rapport sur les statistiques relatives à <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0016&#page=11">l’utilisation d’animaux à des fins scientifiques dans les États membres de l’Union européenne</a> avait établi que sur la période 2015-2017, 51 % des expériences étaient associées à un niveau de douleur léger, 32 % à une douleur modérée et seulement 11 % à une douleur sévère. Le rapport mentionne également que les expérimentations <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52020DC0016&#page=7">ont porté principalement sur des rongeurs</a> (souris et rats, 73 % des animaux utilisés), des lapins (9 %) et des poissons (13 %). Les chats, chiens et primates ne représentaient au total que 0,3 % des animaux utilisés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/trVyQ-GmiPs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Conférence « L’expérimentation animale en question » donnée à l’Académie Royale de Médecine de Belgique le 18 mai 2018 par Éric Muraille et Alban de Kerchove d’Exaerde (Université Libre de Bruxelles).</span></figcaption>
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<p>Sur les sites qui la combattent, l’expérimentation animale est par ailleurs généralement associée aux tests de toxicologie réglementaires. Or, là encore, la réalité est quelque peu différente : en 2019, 69 % des animaux utilisés l’ont été en recherche fondamentale et appliquée, principalement en immunologie, cancérologie et neurophysiologie. Seuls 23 % des animaux ont été utilisés pour des tests réglementaires, la majorité desquels visait à tester des médicaments humains (61 %) et vétérinaires (15 %). Rappelons que les tests de produits cosmétiques sont quant à eux interdits depuis 2009.</p>
<h2>Des arguments dénués de fondement scientifique</h2>
<p>Le <a href="https://stop-vivisection.be/index.php/2020/10/07/lettre-ouverte-du-medecin-veterinaire-andre-menache-a-alban-de-kerchove-experimentateur-sur-animaux-ulb-et-directeur-du-fnrs/">principal argument</a> des promoteurs de l’initiative « Stop vivisection » est qu’« un principe de base dans les sciences du vivant est qu’aucune espèce animale n’est un modèle biologique pour une autre ».</p>
<p>Il ne serait de ce fait pas possible d’extrapoler les résultats obtenus dans des modèles animaux à l’espèce humaine. S’appuyer sur de tels résultats comporterait le risque de tester sur l’humain des substances dangereuses (qui seraient toxiques pour lui, mais pas pour les animaux), tout en rejetant des médicaments potentiellement utiles (parce qu’ils n’auraient pas d’effet sur les animaux). L’expérimentation animale constituerait de ce fait un gaspillage d’argent et de temps.</p>
<p>Toujours <a href="http://www.stopvivisection.eu/en/content/what-animal-testing-questions-and-answers">selon les promoteurs de cette initiative</a>, il serait également faux d’affirmer que l’expérimentation animale aurait permis de faire de nombreuses découvertes scientifiques, d’augmenter nos connaissances et serait indispensable au développement de nouvelles thérapies. Si elle est encore pratiquée, ce serait uniquement en raison d’une « inertie mentale qui a toujours retardé toute forme de renouveau culturel et d’autre part à cause des intérêts économiques et professionnels qui s’y rattachent ». En l’éliminant, nous nous débarrasserions « d’un grand obstacle au progrès scientifique et au traitement de nombreux problèmes de santé humaine graves ».</p>
<p>Ces affirmations sont difficilement compatibles avec l’analyse de la littérature scientifique, et avec le fait que l’expérimentation animale est aujourd’hui pratiquée au sein de toutes les universités du monde, par des dizaines de milliers de scientifiques. Son importance en recherche est reconnue par l’ensemble des académies, des institutions et des associations scientifiques, telles que, par exemple, l’<a href="https://www.eara.eu/40-raisons-en-faveur-de-lutilisatio?lang=fr">Association européenne de recherche animale</a> (EARA), la <a href="https://fbresearch.org/medical-advances/animal-research-achievements/">Fondation pour la recherche biomédicale</a> (FBR) et les <a href="https://grants.nih.gov/grants/policy/air/why_are_animals.htm">Instituts américains de la santé</a> (NIH).</p>
<p>L’explication de cette unanimité tient en une phrase : les arguments dénigrant l’intérêt, en sciences du vivant, de l’expérimentation animale sont faux, ou à tout le moins très éloignés de la réalité, alors que les arguments en sa faveur sont légion.</p>
<h2>À quoi sert vraiment l’expérimentation animale ?</h2>
<p>Loin d’être inexistants, les apports de l’expérimentation animale en matière de technologies médicales sont innombrables : <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2787-6">vaccination</a>, <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2016.00333/full">greffes de tissus</a>, techniques de <a href="https://www.dovepress.com/animal-models-of-contraception-utility-and-limitations-peer-reviewed-fulltext-article-OAJC">contraception</a>, de <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-1-4613-1005-1_12">fécondation <em>in vitro</em></a>, thérapies permettant de traiter le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1464-5491.2005.01499.x">diabète</a>, les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jcb.24881">allergies</a>, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S156899721830048X?via%3Dihub">maladies auto-immunes</a>, les <a href="https://www.nature.com/articles/s41593-018-0236-8">maladies neurodégénératives</a> et les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26241945/">cancers</a> ont toutes bénéficié d’expérimentations menées sur des modèles animaux. Ce qui bat en brèche l’argument selon lequel aucune espèce animale ne serait un modèle biologique pour une autre.</p>
<p>Car si cet argument est partiellement vrai lorsqu’il s’agit de <a href="https://academic.oup.com/emph/article/2016/1/170/2802638">prédire la toxicité d’une molécule ou l’effet d’un traitement</a>, pour des tests réglementaires notamment, il est totalement faux en ce qui concerne la valeur explicative de l’expérimentation animale en recherche. Les mécanismes fondamentaux (division cellulaire, métabolisme, etc.) sont en effet hautement conservés au sein du vivant.</p>
<p>C’est ce qui explique que les études de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gregor_Mendel">Grégor Mendel</a> sur les petits pois et de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Hunt_Morgan">Thomas Hunt Morgan</a> sur la mouche du vinaigre (<em>Drosophila melanogaster</em>) ont permis d’établir les lois l’hérédité et d’identifier le support de l’information génétique pour l’ensemble des organismes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Eukaryota">eucaryotes</a> (dont les cellules possèdent un noyau renfermant leur ADN), dont fait partie l’espèce humaine.</p>
<p>De même, les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9cepteur_de_type_Toll">récepteurs de type « Toll »</a>, qui permettent au système immunitaire de reconnaître les agents pathogènes, ont eux aussi été identifiés chez la drosophile. Cette <a href="https://www.nature.com/articles/nri3446">découverte a permis de développer de nouveaux adjuvants</a> pour les vaccins (non seulement humains, mais aussi animaux), et a grandement amélioré notre compréhension du fonctionnement du système immunitaire.</p>
<p>La distance évolutive ne constitue donc nullement un obstacle en recherche fondamentale. Au contraire, les différences entre deux espèces, quand on en observe, nous renseignent sur leur histoire évolutive.</p>
<p>Par ailleurs, en recherche appliquée, les animaux fournissent des modèles permettant de mieux comprendre les maladies humaines. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/26578600/">Plus de 1 300 maladies humaines</a> disposent d’un ou de plusieurs modèles expérimentaux chez la souris. Un exemple concret ? Le rôle de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Interleukine_5">interleukine-5</a> dans l’asthme a été <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8551223/">identifié</a> à l’aide de souris rendues génétiquement déficientes pour le gène codant pour cette protéine. Ce qui a permis de développer un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28395936/">traitement</a> améliorant significativement l’état des patients asthmatiques.</p>
<p>Enfin, l’animal peut être un sujet d’étude en soi, et non un simple modèle, comme en médecine vétérinaire ou en écologie. Si, par exemple, on analyse en laboratoire <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0147651321005662 ?via %3Dihub">l’impact de polluants sur la truite arc-en-ciel</a>, c’est bien pour connaître leurs effets sur cet animal, et non sur l’humain.</p>
<h2>Les problèmes éthiques sont pris en considération</h2>
<p>Le fait d’utiliser des animaux pour l’expérimentation scientifique pose des problèmes éthiques réels et importants. C’est la raison pour laquelle, dès 2010, la directive 2010/63/UE a largement intégré la vision antispéciste développée par le philosophe utilitariste <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Singer">Peter Singer</a> dans son livre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Lib %C3 %A9ration_animale"><em>La Libération animale</em></a>.</p>
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<img alt="Philosophe Peter Singer" src="https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=683&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=683&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=683&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428590/original/file-20211026-27-5c7p92.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Peter Singer professant à Oxford.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Singer">Todd Huffman/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le texte reconnaît en effet en l’animal un être sensible, dont les intérêts doivent être pris en considération. Il exige que le nombre d’animaux utilisés en expérimentation soit réduit autant que possible et que toute souffrance soit déclarée et justifiée. Cette directive impose également au chercheur de démontrer l’intérêt potentiel de sa recherche ainsi que l’impossibilité de se passer d’expérimentation animale pour la mener à bien. Ainsi, l’expérimentation animale constitue le seul cas d’usage d’animaux en Europe qui doit légalement être justifié éthiquement, au cas par cas, devant une commission d’experts validée par une autorité nationale.</p>
<p>Soulignons enfin que la recherche scientifique ne concerne qu’une infime fraction des animaux exploités ou impactés par nos sociétés. En Belgique, par exemple, <a href="http://bienetreanimal.wallonie.be/home/animaux/autres-animaux/animaux-dexperience.html">535 829 animaux</a> ont été utilisé en expérimentation en 2016. Mais, durant la même année, <a href="https://statbel.fgov.be/fr/nouvelles/abattages-en-2016-augmentation-pour-les-bovins-et-les-poulets-diminution-pour-les-porcs">plus de 300 millions d’animaux</a> ont été abattus dans les abattoirs belges, soit plus d’un million par jour. Et que dire de l’impact des activités humaines sur la faune sauvage ? La circulation routière aurait, à elle seule, causé la mort de <a href="https://www.sudinfo.be/art/1789057/article/2017-02-15/les-routes-belges-fatales-a-109-millions-d-animaux-en-2016">10,9 millions d’animaux</a>.</p>
<p>Pourquoi, alors, une telle focalisation des militants de la cause animale sur l’expérimentation animale, en dépit de son encadrement légal très contraignant et de son évident intérêt pour la société ?</p>
<h2>Une politisation des enjeux menant à la construction d’une polémique scientifique</h2>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1369848616301091">Une mise en perspective historique</a> révèle que, pour certains militants, l’animal soumis à l’expérimentation incarnerait « le faible » cruellement exploité « par le fort ». L’expérimentation animale serait également le signe d’un affranchissement des scientifiques de la morale commune. S’y opposer reviendrait donc à lutter non pas uniquement pour le « bien être animal », mais s’inscrirait aussi politiquement dans la continuité des luttes sociales contre le racisme, le sexisme et l’oppression en général.</p>
<p>Cependant, <a href="http://documents.irevues.inist.fr/bitstream/handle/2042/47967/AVF_2008_5_393.pdf">plusieurs sondages</a> indiquent que le public accepte majoritairement l’expérimentation animale <a href="https://www.ipsos.com/ipsos-mori/en-uk/views-animal-experimentation">à condition que celle-ci contribue à l’amélioration de la santé humaine et qu’aucune autre alternative n’existe</a>. Une majorité de citoyens semblent donc favorable à une morale utilitariste, qui ne fait pas de l’expérimentation animale un tabou.</p>
<p>Cette situation explique probablement le choix stratégique de certains opposants à l’expérimentation animale de discréditer cette méthode via des <a href="https://antidote-europe.eu/">associations</a> se présentant comme des <a href="https://www.aerzte-gegen-tierversuche.de/en/">comités d’experts scientifiques indépendants</a>, qui ne s’opposeraient à l’expérimentation animale que <a href="https://antidote-europe.eu/pourquoi/">« pour des raisons strictement scientifiques »</a>.</p>
<p>Faute d’études sur le sujet, il est difficile d’évaluer l’impact de la communication de ces structures, très actives sur Internet et dans les médias, sur la perception de l’expérimentation animale par les décideurs politiques. Néanmoins, l’attitude des administrations publiques et des politiques envers l’expérimentation animale <a href="https://www.levif.be/vivifiant/sciences/hold-up-sur-la-recherche-biomedicale-en-wallonie-carte-blanche/">semble parfois soumise à leur influence</a>, forçant les chercheurs à réagir publiquement face à ce qu’ils considèrent comme une <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2015/06/03/oui-les-modeles-animaux-sont-necessaires-a-la-recherche_4631488_1650684.html">tentative de désinformation</a>.</p>
<p>Parmi les arguments les plus souvent mis en avant revient le fait qu’il serait possible de s’affranchir de l’expérimentation animale. Qu’en est-il réellement ?</p>
<h2>Les limites de l’approche réductionniste</h2>
<p>Les systèmes vivants sont des systèmes hautement complexes. À titre d’exemple, on estime qu’un être humain de 70 kg est composé d’environ 10 000 milliards de cellules, dans chacune desquelles s’expriment jusqu’à plus de 20 000 gènes. Ces cellules interagissent en outre avec une flore microbienne symbiotique, composée elle-même de plus 10 000 milliards de cellules bactériennes appartenant à plus de 1 000 espèces différentes. Le tout, au sein d’un environnement complexe et dynamique.</p>
<p>Cette immense complexité constitue un obstacle majeur pour la reproductibilité des expériences visant à comprendre les mécanismes du vivant, et pour l’interprétation de leurs résultats. En conséquence, l’expérimentateur choisit généralement de réduire la complexité du système étudié en isolant certains éléments afin de mieux analyser leurs interactions en milieu contrôlé. Cette approche, dite <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R %C3 %A9ductionnisme">réductionniste</a>, est en grande partie arbitraire. Elle dépend beaucoup de ce que nous connaissons et comprenons du système et, en conséquence, évolue sans cesse.</p>
<p>On distingue trois principaux niveaux de complexité dans les modèles expérimentaux. Les plus complexes, et donc les plus proches des systèmes naturels, sont les modèles <em>in vivo</em>, qui impliquent des animaux vivants. Viennent ensuite les modèles <em>in vitro</em>, plus simples, qui ne comportent que des cellules isolées ou organisées en tissus. Enfin, les modèles <em>in silico</em>, les moins complexes, sont des modèles mathématiques.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424295/original/file-20211002-17-15jc9av.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’approche réductionniste en science du vivant : comparaison des différents types de modèles expérimentaux.</span>
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<p>Une des limites bien connues de l’approche réductionniste est qu’elle ne permet pas de rendre compte de certains phénomènes dits <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/ %C3 %89mergence">« phénomènes émergents »</a>, expression désignant les comportements qui apparaissent à partir d’un certain niveau de complexité et sont absents à un niveau inférieur. Le développement d’une mémoire immunitaire suite à une infection ou une vaccination est un exemple d’un tel phénomène, qui ne peut être étudié que sur des organismes vivants.</p>
<p>Les modèles <em>in vivo</em>, <em>in vitro</em> et <em>in silico</em> sont <a href="https://theconversation.com/experimentation-animale-peut-on-sen-passer-89413">considérés comme complémentaires</a>. Par exemple, l’approche <em>in silico</em> s’appuie souvent sur des données provenant d’études <em>in vitro</em> et <em>in vivo</em> pour déterminer, parmi les nombreuses interactions d’un système, celles qui doivent être incluses dans le modèle mathématique. Les prédictions obtenues par ce dernier sont ensuite validées <em>in vitro</em> ou <em>in vivo</em>.</p>
<p>Durant la dernière décennie, de nouveaux types de modèles expérimentaux ont été développés : les « organoïdes » et les « organes sur puce ». Ceux-ci présentent un niveau de complexité intermédiaire entre les cellules isolées en culture et les organismes vivants. Les organoïdes sont composés de cellules souches qu’on laisse s’autoorganiser en tissus au sein d’un gel, tandis que les organes sur puce sont des systèmes miniaturisés conçus en s’inspirant de l’architecture d’un organe pour mimer ses fonctions physiologiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-compagnons-biologiques-un-atout-pour-la-medecine-du-futur-109304">Les « compagnons biologiques », un atout pour la médecine du futur</a>
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<p>Si ces modèles représentent des avancées technologiques majeures et aident à mieux comprendre le fonctionnement de nos tissus et organes, ils <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.aaf9414 ?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori :rid :crossref.org&rfr_dat=cr_pub %20 %200pubmed">ne doivent cependant pas être considérés</a> comme des « copies <em>in vitro</em> » de ceux-ci, et <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2020/02/10/jurgen-knoblich-nous-devons-etre-tres-attentifs-a-ne-pas-humaniser-les-cerebroides_6029102_1650684.html">encore moins comme des substituts possibles</a> aux modèles animaux en recherche.</p>
<p>Ils sont en effet beaucoup trop simples pour refléter la complexité de l’environnement physiologique des cellules <em>in vivo</em>, la diversité des types cellulaires présents dans un tissu ainsi que l’interconnexion des organes entre eux. Ils ne permettent pas non plus de reconstituer les interactions complexes entre l’organisme et son environnement, par exemple l’impact d’un stress psychologique ou d’une modification de la composition de la flore microbienne sur le développement et le comportement d’un organisme.</p>
<h2>Un choix lourd de conséquences</h2>
<p>L’expérimentation animale pose d’évidents problèmes moraux. Mais son importance en recherche biomédicale <a href="https://www.nature.com/articles/470452a">ne fait aucun doute dans la communauté scientifique</a>. Il faut donc veiller à ne pas laisser travestir une polémique morale en polémique scientifique.</p>
<p>Il est certes possible de réduire progressivement l’usage d’animaux pour les tests réglementaires en ayant recours à des méthodes <em>in vitro</em> ou <em>in silico</em>. Cependant, ces méthodes ne constituent pas actuellement des alternatives à l’expérimentation animale en recherche et il est peu vraisemblable qu’elles en constituent une un jour, tant la différence de complexité entre un organisme vivant et un modèle <em>in vitro</em> est abyssale.</p>
<p>On peut dès lors légitimement se demander sur quelles bases scientifiques s’appuie le Parlement européen pour prétendre que l’on pourrait interdire l’expérimentation animale sans affecter négativement la recherche biomédicale ou notre capacité à définir des normes environnementales respectueuses des écosystèmes, et donc, à terme, la santé publique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167139/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), Belgique</span></em></p>Comprendre le fonctionnement des êtres vivants, pour mettre au point des thérapies par exemple, est une gageure. Pour y parvenir, pourrait-on d’ores et déjà se passer de l’expérimentation animale ?Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Maître de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1678602021-10-20T19:24:07Z2021-10-20T19:24:07ZLes animaux peuvent-ils avoir une culture ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/425961/original/file-20211012-27-1v5xmhy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3810%2C2829&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">«&nbsp;Les Experts&nbsp;», Alexandre-Gabriel Decamps, 1837.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Metropolitan Museum of Art</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/418707/original/file-20210831-15-1io1ckg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science, qui a lieu du 1<sup>er</sup> au 11 octobre 2021 en métropole et du 5 au 22 novembre 2021 en outre-mer et à l’international, et dont The Conversation France est partenaire. Cette édition a pour thème : « Eureka ! L’émotion de la découverte ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
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<p>La culture, en voilà une considération centrale dans nos vies d’humains. On l’a senti en période de pandémie : quand nous sommes tous contraints de rester chez nous, la culture est en danger, et elle nous manque. Mais au fait, c’est quoi la culture ? Chez les scientifiques, la question fait débat. La définition varie surtout selon un parti pris : celui selon lequel la culture serait une affaire spécifiquement humaine, ou au contraire un phénomène social existant chez différentes espèces. Qu’en est-il ?</p>
<h2>Extension du domaine de la culture</h2>
<p>Ces dernières années, les <a href="https://lemagdesanimaux.ouest-france.fr/dossier-736-ethologie.html">éthologues</a> et autres spécialistes du comportement animal ont mis en évidence de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/pierre-sigler/animaux-culture-sociologie_b_6499768.html">nombreuses situations</a> qui s’apparentent fortement à de la transmission culturelle. Par exemple, les chimpanzés <a href="https://www.liberation.fr/plus/speciaux-cahier-ete/le-jour-ou-jane-goodall-a-vu-un-singe-fabriquer-un-outil-20210729_3GTGC7NZ7FDTXBGLQNXKW6O6I4/">fabriquent des outils</a> pour pêcher des insectes au fond des fourmilières ou pour casser des noix. Les techniques employées, qui varient d’un groupe à l’autre, semblent se transmettre de la mère aux petits.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/0Lk8Ra7PWdw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment la culture se transmet chez les singes (CNRS, 18 octobre 2018).</span></figcaption>
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<p>Ou encore, chez les baleines et chez de nombreuses espèces d’oiseaux, on a rapporté <a href="https://www.franceinter.fr/sciences/les-baleines-aussi-ont-des-langues-regionales">l’existence de dialectes</a>, c’est-à-dire de chants locaux dont les variations se transmettent de génération en génération (souvent de père en fils, cette fois-ci). Le parallèle avec l’existence de nos traditions culinaires et de nos divers langues/dialectes est très tentant.</p>
<p>D’où le constat suivant : bien que la culture humaine soit sûrement singulière pour de nombreuses raisons, il semblerait que ses bases soient partagées avec d’autres espèces.</p>
<p>Quand on prend le problème sous l’angle de l’évolution, cette hypothèse n’est finalement pas si choquante : il existe une forte continuité du vivant, et la socialité (la vie en groupe), socle de la culture, <a href="https://sciencepost.fr/decouverte-comportement-social-mammiferes/">préexiste non seulement à l’espèce humaine</a> mais se retrouve <a href="https://www.cairn.info/les-societes-animales--9782804128616-page-53.htm">chez de nombreuses espèces</a> qui partagent actuellement la planète avec nous. Envisager la culture chez les animaux nous permet d’ailleurs de mieux nous poser la question : mais au fait, c’est quoi la culture ? Quels sont ses mécanismes fondamentaux ?</p>
<h2>La culture, c’est comme la confiture… ça attire les mouches</h2>
<p>Pour l’heure, je propose qu’on parle de culture quand il existe des comportements qui se transmettent de génération en génération par apprentissage social (le fait d’apprendre grâce aux autres), formant ce qu’on appelle communément des traditions. Ces dernières peuvent différer entre plusieurs populations d’une même espèce, et se maintenir sur un plus ou moins grand nombre de générations.</p>
<p>Vue comme cela, la culture a plus de prétendants qu’on ne le croit. Certains vont même jusqu’à étudier une potentielle transmission culturelle… chez les insectes ! Et notamment chez les drosophiles, ces petites mouches de 2-3 mm que vous voyez virevolter autour de vos fruits trop mûrs à la belle saison.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/425950/original/file-20211012-17-d8vxv7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cette drosophile prend-elle part à des processus de transmission culturelle ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Pierre Anquet/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Quand j’ai moi-même découvert ces <a href="https://www.science.org/doi/abs/10.1126/science.aat1590">études</a> et leurs <a href="https://decortiquescience.wordpress.com/2021/07/04/culture-in-insects-why-you-should-think-twice-before-swatting-a-fly/">résultats</a>, je suis un peu tombée de ma chaise, sous le coup d’un mélange de curiosité, de scepticisme prudent et d’émerveillement. Rien de cassé, rassurez-vous, si ce ne sont mes préjugés sur la culture. Et comme les remises en question sur notre vision du monde m’enthousiasment, j’ai décidé de rejoindre <a href="https://edb.cnrs.fr/recherche/equipe-prada/">l’équipe</a> pour réaliser une <a href="http://www.theses.fr/s295022">thèse</a> sur le sujet.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<h2>Les drosophiles, conformistes et capables de traditions ?</h2>
<p>Le comportement culturel que nous étudions chez la drosophile, c’est le choix du partenaire reproducteur. On pourrait résumer ainsi : l’amour chez les mouches, est-ce une affaire de culture ?</p>
<p>On sait que les mouches observent et copient les préférences de leurs voisines : « Si ma voisine aime les partenaires poudrés en vert, moi aussi. Si elle préfère ceux poudrés en rose, alors je les choisis aussi. » Au sein d’un groupe, elles sont même capables de détecter et de copier la préférence majoritaire : on dit qu’elles sont conformistes. Je pense que la drosophile dessinée par <a href="https://www.fetedelascience.fr/sciences-en-bulles-eureka">Peb & Fox</a> vous expliquera mieux que moi !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=608&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=608&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=608&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=764&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=764&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427314/original/file-20211019-15-fijahp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=764&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Peb et Fox -- Sciences en Bulles</span></span>
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<p>À partir de ces découvertes, couplées à d’autres résultats sur les capacités d’apprentissage social chez les mouches, <a href="https://www.cnrs.fr/fr/la-drosophile-est-capable-de-transmettre-ses-preferences-sexuelles-de-maniere-culturelle">mon équipe a émis une hypothèse</a> : les drosophiles semblent posséder les capacités cognitives nécessaires pour que des traditions culturelles puissent émerger. Des modèles informatiques, qui nous permettent d’intégrer ces capacités cognitives et de les extrapoler à l’échelle de populations de mouches virtuelles, appuient cette prédiction. Ils confirment notamment un point déjà soulevé par les études sur la culture humaine : la capacité à se conformer semble un mécanisme central pour qu’une culture puisse exister.</p>
<p>Conjecture osée ? Peut-être. Car pour l’instant, la culture a surtout été étudiée chez des animaux un peu plus… réputés pour leur intelligence ? Mais c’est là toute la beauté du sujet, selon moi : allons flirter avec les frontières de nos connaissances, de nos théories… rien de tel pour mettre à l’épreuve nos concepts encore un peu confus, comme c’est le cas de la culture.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=589&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=589&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=589&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=740&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=740&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/427310/original/file-20211019-15-eui6wt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=740&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="source">Peb et Fox -- Sciences en Bulles</span></span>
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<p>Quoi qu’il en soit, il s’agit maintenant de tester cette hypothèse. Mon travail de thèse s’inscrit dans cette démarche. Nous disposons de deux armes : les expériences et les modèles théoriques.</p>
<p>Les expériences nous permettront par exemple de vérifier si la préférence sociale pour tel ou tel type de partenaires peut se transmettre d’une génération de mouches à la suivante, cette hérédité culturelle étant centrale dans l’établissement de traditions.</p>
<p>Les modèles, quant à eux, nous sont utiles pour mener des études à des échelles inaccessibles au laboratoire : ils nous permettent d’étudier la dynamique culturelle pour des populations entières, sur des dizaines de milliers de générations, ou plus. Ce sont de puissants outils théoriques pour dézoomer et généraliser, et ils nous aideront à mieux comprendre les conditions requises à l’émergence d’une culture, que ce soit chez la drosophile ou au-delà !</p>
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<span class="attribution"><span class="source">Peb et Fox -- Sciences en Bulles</span></span>
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<h2>Les leçons d’humilité de la mouche</h2>
<p>J’aurais beaucoup aimé vous en dire plus et donner une réponse claire à ces questions sur la culture chez les mouches, mais sachez que la recherche est parfois semée d’embûches : tout ne se passe pas toujours comme prévu ni aussi vite que prévu, entre les problèmes techniques à régler, les pandémies à surmonter et le ratio des cent questions nouvelles pour une question résolue. Pour l’émotion de la découverte, il faudra patienter.</p>
<p>Enfin… tout dépend de ce qu’on entend par « découverte ». Je me contente pour l’instant de l’émotion de la découverte du sujet et de ses implications, des petites avancées, des idées quotidiennes, des ouvertures d’esprit.</p>
<p>Travailler sur la culture chez les animaux, c’est déjà pas mal d’émotions en soi. Je pense à la prise de recul que cela impose vis-à-vis de notre propre espèce : si d’autres animaux sont possiblement doués d’une forme de culture, alors nous sommes peut-être moins uniques que ce que nous aimons penser.</p>
<p>Quand j’imagine que même les mouches, qui nous semblent si insignifiantes et éloignées de nous, font peut-être partie du lot, je ne peux m’empêcher de ressentir une forme d’humilité. Ainsi que de la curiosité, face à toutes les questions encore ouvertes. Comment et pourquoi les capacités d’apprentissage social, dont le conformisme, sont-elles apparues au cours de l’évolution ? Comment la transmission culturelle interagit-elle avec l’hérédité purement génétique ? Quelle est sa place dans le processus d’évolution des espèces ?</p>
<hr>
<p><em>Conseils de livres pour aller plus loin :</em></p>
<p><em><a href="https://laboutique.edpsciences.fr/produit/145/9782759809073/Les%20animaux%20ont-ils%20une%20culture%20">« Les animaux ont-ils une culture ? »</a> par Damien Jayat.</em></p>
<p><em><a href="https://www.humensciences.com/livre/L%E2%80%99heredite-comme-on-ne-vous-l%E2%80%99a-jamais-racontee/79">« L’hérédité comme on ne vous l’a jamais racontée »</a> par Étienne Danchin.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/167860/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Déborah Federico ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De premières études sur les mouches drosophiles montrent qu’elles choisissent leur partenaire en répliquant les préférences de leurs congénères. À partir de là, peut-on parler de culture animale ?Déborah Federico, Doctorante, Université de Toulouse III – Paul SabatierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1643412021-07-29T17:14:02Z2021-07-29T17:14:02ZSoumission à l’autorité : l’obéissance n’est pas ce que Stanley Milgram croyait<p>Durant les années 60, Stanley Milgram a mené des études marquantes sur la <a href="https://livre.fnac.com/a27094/Stanley-Milgram-Soumission-a-l-autorite">soumission à l’autorité</a> qui font aujourd’hui partie du <a href="https://psycnet.apa.org/record/2008-19206-002">patrimoine</a> des sciences humaines. Le psychologue de Yale avait recruté des volontaires pour une étude sur l’apprentissage. À leur arrivée au laboratoire, ceux-ci rencontraient un scientifique et un homme qu’ils croyaient être un simple participant et qui endosserait le rôle d’apprenant. Lorsqu’il commettait une erreur durant un test d’association de mots, le sujet devait lui administrer une décharge électrique au moyen d’un générateur de chocs allant jusqu’à 450 volts par sauts de 15 volts, et s’il hésitait, le scientifique présent lui demandait imperturbablement de poursuivre l’expérience. </p>
<p>Les résultats ont montré que la majorité des participants administraient les chocs maximaux à l’apprenant malgré ses supplications (simulées) pour que l’expérience cesse. Pour expliquer ces résultats, Milgram a affirmé que les individus soumis à l’autorité se comportaient comme de simples agents <a href="https://thepsychologist.bps.org.uk/why-almost-everything-you-know-about-milgram-wrong">déresponsabilisés</a> qui exécutaient aveuglément les ordres. Cependant, cette théorie de l’« état agentique » est aujourd’hui contestée. L’application de l’expérience de Milgram à la pratique de l’expérimentation animale permet d’introduire une nouvelle lecture de la soumission à l’autorité.</p>
<h2>Electrocuter un chiot</h2>
<p>L’idée d’une translation du protocole de Milgram à des victimes non humaines n’a pas tardé à germer. En 1975, une année seulement après la parution du livre <a href="https://livre.fnac.com/a27094/Stanley-Milgram-Soumission-a-l-autorite"><em>Soumission à l’autorité</em></a>, le philosophe Peter Singer évoquait directement les travaux de Milgram :</p>
<blockquote>
<p>« si les participants agissent ainsi quand ils croient infliger de la douleur à un être humain, n’est-il pas bien plus facile encore pour les étudiants d’étouffer leurs scrupules initiaux quand un professeur leur enjoint de conduire des expériences sur des animaux ? »</p>
</blockquote>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/lhO2RGarWgs?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Peter Singer.</span></figcaption>
</figure>
<p>Comme en écho à cette question, un chercheur de l’université de Berkeley et son collègue ont réalisé en 1972 une <a href="https://psycnet.apa.org/record/1972-24881-001">étude</a> qui se voulait être une réponse à l’une des critiques couramment adressée à Milgram. Il avait été suggéré en effet que durant les expériences, les participants pouvaient avoir simplement administré les chocs électriques sans penser que la victime les recevrait vraiment. Pour cela, les chercheurs n’ont pas hésité à fabriquer un abominable protocole dans lequel un « chiot au poil soyeux » dont les pattes touchaient une grille métallique recevait des décharges électriques bien réelles et qui augmentaient à chaque erreur durant une tâche de discrimination perceptive.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=433&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411665/original/file-20210716-21-d16j7b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=544&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une expérimentation brutale impliquant des chiots a montré que trois quarts des participants terminaient l’expérience.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/chiens-chiots-jouer-deux-groupe-1210323/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>L’intensité des chocs était telle qu’aux dernières séquences de l’expérience, le chiot « aboyait et hurlait de manière continue ». Les résultats de cette étude inqualifiable ont confirmé ceux de Milgram : les trois quarts des participants terminaient l’expérience.</p>
<h2>Les suites de Milgram</h2>
<p>Soixante ans exactement après les premières recherches menées à Yale, dans quelle mesure le phénomène de soumission à l’autorité mis en évidence à travers le protocole de Milgram est-il robuste ? Comment l’expliquer, et qu’en tirer pour comprendre l’expérimentation sur des humains ou des animaux ?</p>
<p>En ce qui concerne la solidité des travaux consacrés à la soumission à l’autorité impliquant des victimes humaines, au-delà des 20 variations expérimentales publiées par Milgram lui-même et impliquant un millier de participants, une vingtaine de réplications ont été menées dans 10 pays différents avec des <a href="https://psycnet.apa.org/record/1979-25817-001">adultes et parfois même des enfants</a>. Dans la grande majorité des études, plus des deux tiers des participants administraient les chocs maximaux, et lorsque les pressions situationnelles variaient, le taux de soumission suivait en conséquence.</p>
<p>Comme cela a été évoqué plus haut, la possibilité que les participants aient tout simplement joué le rôle que l’on attendait d’eux sans vraiment <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/5724532/">croire</a> en la réalité de l’expérience a été soulevée. Cependant, <a href="https://spssi.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/josi.12069">l’exhumation récente</a> des archives laissées à Yale par Milgram infirme pour l’essentiel cette hypothèse. Elle démontre qu’au contraire bon nombre d’entre eux manifestaient un intense soulagement lorsqu’ils apprenaient que l’expérience était une pure simulation, se souciaient authentiquement de l’état de santé de la victime et surtout argumentaient dans certains cas avec la figure d’autorité plutôt que de se soumettre aveuglément à ses injonctions.</p>
<p>L’un des participants <a href="https://www.apa.org/ed/precollege/psychology-teacher-network/activities-books/behind-shock-machine">indiqua</a> même à la journaliste Gina Perry avoir consulté la rubrique nécrologique de la ville où s’était déroulée l’expérience pendant au moins deux semaines afin de s’assurer s’il n’avait pas contribué à un décès. Milgram avait indiqué qu’à quelques exceptions près, ses participants étaient convaincus de la réalité de la situation expérimentale : 84 % d’entre eux pensaient en effet que la victime recevait les chocs électriques.</p>
<p>Si la communauté scientifique considère aujourd’hui que le phénomène mis en évidence par Milgram <a href="https://www.psychologicalscience.org/publications/observer/obsonline/the-obedience-experiments-at-50.html">est bien établi</a>, plusieurs chercheurs considèrent toutefois que l’explication qu’il en a défendue n’est pas adéquate.</p>
<h2>La soumission à l’autorité n’est pas ce que Milgram croyait</h2>
<p>Dans <em>Soumission à l’autorité</em>, Stanley Milgram développe en effet le concept d’« état agentique » et en fait la clé de voûte de son analyse de l’obéissance.</p>
<p>Il écrit ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« un individu est en état agentique quand il se définit de façon telle qu’il accepte le contrôle total d’une personne possédant un statut plus élevé. Dans ce cas, il ne s’estime plus responsable de ses actes. Il voit en lui un simple instrument destiné à exécuter les volontés d’autrui. » (1974, p. 167)</p>
</blockquote>
<p>Par cette « abdication idéologique » (sic), l’individu abandonnerait donc temporairement ses critères moraux habituels face à une figure d’autorité.</p>
<p>Le premier inconvénient de cette analyse, c’est qu’elle semble très circulaire : « si l’individu est soumis à l’autorité, c’est parce qu’il se déresponsabilise ».</p>
<p>Ensuite, elle ne permet pas de comprendre pourquoi l’on observe de telles variations de la soumission dans des conditions expérimentales où l’autorité est pourtant bien présente, ou encore pour quelle raison c’est lorsque les interventions du scientifique sont les plus directives et « autoritaires » dans leur formulation que la soumission est la moins élevée.</p>
<p>Enfin, l’analyse proposée par Milgram n’éclaire pas les comportements de rébellion feutrée. L’enregistrement des paroles des participants durant les expériences montre en effet que ceux-ci n’étaient pas passivement soumis, mais négociaient <a href="https://spssi.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/josi.12069">leur implication</a>, essayant même parfois d’aider subtilement la victime pour ne pas devoir lui administrer de chocs.</p>
<h2>Le jeu de la mort</h2>
<p>Dans une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/15534510.2017.1314980">étude</a> publiée en 2017 et menée en France suite de l’adaptation par Jean‑Léon Beauvois et son équipe du protocole de Milgram à la télévision, nous avons pu observer que dès qu’il n’était plus possible de douter du caractère douloureux des chocs, le quart des participants cherchait à aider discrètement la victime qu’ils avaient devant eux, par exemple en insistant par leur ton sur les bonnes réponses lorsqu’ils lisaient les options possibles lors du test.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/KNV3b5MYVAE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le jeu de la mort (Christophe Nick, documentaire, 2004).</span></figcaption>
</figure>
<p>Pour Milgram, le caractère graduel de la séquence des chocs contribuait aussi à intensifier l’obéissance. Invoquant la théorie de la dissonance cognitive, des chercheurs ont suggéré que les participants subissaient un phénomène d’engrenage : il était difficile pour eux de stopper l’expérience une fois commencée, car y mettre fin aurait été un désaveu de leur conduite antérieure. <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/014616728174028">Une idée très proche</a> a été exprimée par un chercheur qui se demandait si les effets observés par Milgram seraient les mêmes si les participants devaient directement actionner le bouton de 450 volts sans passer par les étapes précédentes.</p>
<h2>La douleur consentie pour la science ?</h2>
<p>Deux études récemment menées en Pologne par <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01973533.2016.1214836">Dariusz Dolinski</a> à l’université de Varsovie ont permis de mettre à l’épreuve cette hypothèse en comparant un protocole progressif standard à un protocole où dès la première erreur de l’apprenant, les sujets devaient lui administrer 150 volts (étude 1) ou 225 volts (étude 2).</p>
<p>A la grande surprise des chercheurs, les résultats ont complètement infirmé l’idée d’un effet d’engrenage. La mise en cause de l’hypothèse d’un état agentique et l’impossibilité de s’appuyer sur une explication fondée sur la progressivité des chocs met en cause les explications courantes de la soumission à l’autorité.</p>
<h2>Repenser l’obéissance raisonnée</h2>
<p>Dans le cas de l’expérimentation animale, c’est la connaissance scientifique et ses applications notamment biomédicales qui justifient le désagrément ou la souffrance des animaux utilisés. N’est-ce pas ce que Claude Bernard, fondateur de la médecine expérimentale et illustre vivisectionniste, reconnaissait en écrivant dans son <a href="https://www.irphe.fr/%7Eclanet/otherpaperfile/articles/Bernard/bernard_introduction_etude_medecine_experimentale.pdf"><em>Introduction à la médecine expérimentale</em></a> ?</p>
<blockquote>
<p>« Le physiologiste n’est pas un homme du monde, c’est un savant, c’est un homme qui est saisi et absorbé par une idée scientifique qu’il poursuit : il n’entend pas les cris des animaux, il ne voit plus le sang qui coule, il ne voit que son idée et n’aperçoit que des organismes qui lui cachent des problèmes qu’il veut découvrir. »</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/411864/original/file-20210719-15-y2tgmd.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Claude Bernard dans son laboratoire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Claude_Bernard_dans_son_laboratoire_-_La_le%C3%A7on_de_Claude_Bernard_CIPC0015.jpg">Lhermitte, Léon/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La science, bien qu’elle incite selon les mots de Claude Bernard lui-même, à une « non soumission à l’autorité », n’est pas exempte dans sa pratique institutionnelle de phénomènes conformistes et représente un principe d’autorité évident.</p>
<p>Lorsque, dans l’une de ses expériences, Milgram demandait à un homme d’apparence ordinaire de communiquer les ordres aux participants, seulement 20 % de ces derniers administraient les chocs les plus élevés. Si l’expérience était réalisée dans un lieu de faible prestige comme l’était le bâtiment commercial d’une petite ville, le taux de soumission n’était que de 47,7 %, soit près de 20 % de moins que lorsque celle-ci se tenait à Yale.</p>
<p>Ces exemples introduisent la question de la légitimité accordée à l’autorité, et à travers elle, à la science. Les analyses qualitatives des entretiens avec les participants des expériences de Milgram montrent que l’identification aux buts scientifiques constituait une composante majeure de l’expérience.</p>
<p>L’image qui se dégage accorde ainsi aux participants de Milgram une relative rationalité qui leur a longtemps été récusée. Loin d’être, comme il l’a écrit, un « exécutant-robot » de l’action, l’individu apparaît plutôt comme un acteur qui, investi d’un but culturel supérieur, servir la science, non seulement consent, mais s’engage activement dans les comportements que l’on attend de lui.</p>
<p>La valeur attribuée au but de l’expérience est donc une cause décisive du comportement, et non simplement l’autorité qui est physiquement présente dans le laboratoire. A travers le soutien à l’expérimentation animale, c’est la valeur et les promesses de la science qui sont souvent affirmées. Malgré des signes de scepticisme perceptibles dans le public, la science s’impose aujourd’hui comme la <a href="https://www.routledge.com/The-Cultural-Authority-of-Science-Comparing-across-Europe-Asia-Africa/Bauer-Pansegrau-Shukla/p/book/9780367487027">première autorité culturelle</a> dans le monde anglo-européen.</p>
<h2>De nouveaux travaux expérimentaux</h2>
<p>L’individu confronté à un choix d’utilisation animale au laboratoire devra résoudre un dilemme opposant deux buts : servir des finalités scientifiques telles qu’il les comprend (notons ici que les véritables bénéfices scientifiques de l’expérimentation animale restent <a href="https://www.bmj.com/content/328/7438/514">très discutés</a> par les chercheurs eux-mêmes), et éviter de blesser des êtres vivants, exigence qui constitue un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780124072367000024?via%3Dihub">véritable fondement moral universel</a>.</p>
<p>Des travaux expérimentaux en cours à l’Université de Grenoble opèrent une translation directe du protocole de Milgram en introduisant une victime animale (en réalité un robot biomimétique) que les participants doivent progressivement sacrifier dans le cadre d’un protocole pharmacologique.</p>
<p>Impliquant plus de 750 participants de toutes les couches de la société et réalisées pendant une durée de 3 ans, ces recherches à paraître dans la revue <a href="https://journals.sagepub.com/home/psp">Personality and Social Psychology Bulletin</a> permettent d’apporter des éclairages inédits au phénomène d’obéissance. Ils démontrent notamment que l’autorité culturelle de la science est une donnée-clé pour comprendre le sacrifice d’un animal et feront l’objet d’une présentation ultérieure. Avec les évolutions contemporaines de la considération accordée aux animaux, conséquences de l’évolution des connaissances scientifiques les concernant, on peut s’interroger sur la forme que prendra à l’avenir le dilemme moral qui oppose les intérêts des 125 millions d’animaux utilisés annuellement pour la recherche dans le monde à ceux des humains poursuivant des buts scientifiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164341/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Bègue-Shankland a reçu des financements de l'Institut Universitaire de France.</span></em></p>L’application de l’expérience de Milgram à l’expérimentation animale permet de repenser l’explication de la soumission à l’autorité.Laurent Bègue-Shankland, Professeur de psychologie sociale, membre de l’Institut universitaire de France (IUF), directeur de la MSH Alpes (CNRS/UGA), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1571862021-04-02T14:11:53Z2021-04-02T14:11:53ZAnimaux, végétaux, robots : envers qui avons-nous des devoirs moraux ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/391797/original/file-20210325-17-1ywfort.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=264%2C10%2C3125%2C2376&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon cette approche éthique, seuls les êtres capables de souffrance ou de plaisir constituent la communauté des patients moraux.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Personne ne contestera que nous avons des devoirs envers les nouveau-nés, même si eux n’en ont pas envers nous. Entre autres choses, nous ne devons pas les secouer ou les laisser sans surveillance. Personne ne pense en revanche que nous ayons des devoirs envers les cailloux. Mais qu’en est-il des animaux, des plantes, des écosystèmes, et des robots ?</p>
<p>Si ces entités n’ont pas de devoirs envers nous, en avons-nous envers elles ? Bref, pouvons-nous faire du tort à un géranium ou mal agir envers Siri ?</p>
<p>Les philosophes appellent les entités envers lesquelles nous avons des devoirs des « patients moraux ». Ainsi, les bébés sont des patients moraux, mais pas les cailloux. La question de la « patience morale » est importante à l’heure où le débat fait rage sur le statut des animaux, où <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2021-02-23/cote-nord/un-nouveau-statut-juridique-pour-mieux-proteger-la-riviere-magpie.php">l’on accorde la personnalité juridique à des rivières</a> et où émergent des intelligences artificielles inédites.</p>
<p>En tant que chercheurs en philosophie au <a href="http://www.lecre.umontreal.ca/">Centre de recherche en éthique</a> et membres du <a href="http://www.greea.ca/">Groupe de recherche en éthique environnementale et animale</a> et de la rédaction de la revue contre le spécisme <a href="https://lamorce.co/">L’Amorce</a>, nous avons été amenés à nous intéresser au critère de la patience morale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=365&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393207/original/file-20210401-19-f39wiv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=459&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La rivière Magpie, sur la Côte-Nord, a obtenu le statut de « personnalité juridique » en vue de sa protection. Il s’agit d’une première au Canada.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Boreal River</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Bien que les animaux soient souvent traités comme de simples choses, la plupart des philosophes admettent que nous avons des obligations envers tous les êtres <em>sentients</em> (ou sensibles), c’est-à-dire capables d’expériences plaisantes ou déplaisantes. Dès lors qu’un être est sentient, il fait l’expérience consciente du monde. Il éprouve des sensations comme la faim et la satiété, ressent des émotions comme la peur et l’amusement, jouit et souffre.</p>
<p>On nomme <em>sentientisme</em> la thèse selon laquelle une entité est un patient moral si et seulement si elle est sentiente. Dans cette optique, tous les vertébrés et certains autres animaux sont des patients moraux, mais nous ne devons rien aux plantes et aux écosystèmes. Nous avons des devoirs <em>les concernant</em> parce que notre bien-être dépend de leur existence. Mais nous n’avons pas de devoirs <em>envers eux</em>. Leur valeur morale n’est qu’instrumentale, en ce sens qu’ils contribuent au bien-être des patients moraux.</p>
<h2>L’argument sentientiste</h2>
<p>Comme c’est courant en philosophie analytique, on peut décomposer le principal argument en faveur du sentientisme en deux prémisses et une conclusion. Qu’il s’agisse d’un nouveau-né, d’une plante, d’un animal, d’une rivière ou d’un robot, l’argument est le suivant :</p>
<ol>
<li><p>Une entité est un patient moral si et seulement s’il est possible de lui faire du bien ou du mal.</p></li>
<li><p>Or il est possible de faire du bien ou du mal à une entité si et seulement si elle est sentiente.</p></li>
<li><p>Donc une entité est un patient moral si et seulement si elle est sentiente.</p></li>
</ol>
<p>La première prémisse est très plausible. Quel devoir pourrions-nous bien avoir envers une entité à qui on ne peut ni bénéficier ni nuire ? Inversement, dès lors qu’il est possible de bénéficier ou nuire à une entité, il semble que nous devions tenir compte de ses intérêts : le fait qu’un acte lui ferait du bien nous fournit une raison de l’accomplir ; le fait qu’un acte lui ferait du mal nous fournit une raison de nous en abstenir.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-animaux-ces-etres-doues-de-sentience-82777">Les animaux, ces êtres doués de « sentience »</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>La deuxième prémisse est, elle aussi, vraisemblable. On voit mal comment nous pourrions faire du bien ou du mal à une entité incapable de la moindre expérience positive ou négative. On affirme parfois qu’il est bon pour un moteur d’être huilé ou pour une plante d’être arrosée. Mais cet usage de la formule « bon pour » a quelque chose de métaphorique. Peu de gens pensent vraiment qu’il est dans l’intérêt du moteur lui-même d’être huilé. De même, considérant que les plantes ne sont pas sentientes, peut-on vraiment leur attribuer quelque intérêt que ce soit ?</p>
<p>Inversement, dès lors qu’une entité est capable d’expériences conscientes, il est possible de lui faire du bien ou du mal. En tant que telle, une expérience plaisante est bonne pour elle, et une expérience déplaisante, mauvaise.</p>
<h2>Un critère anthropocentriste ?</h2>
<p>Selon une objection commune, le sentientisme serait anthropocentriste. N’est-il pas suspect que cette théorie accorde une importance particulière à une caractéristique possédée par les êtres humains, ensemble auquel appartiennent justement ses défenseurs ?</p>
<p>Il serait certes anthropocentriste, pour déterminer qui sont les patients moraux, d’opter pour le critère de la sentience <em>parce que</em> les êtres humains sont sentients. Ce n’est toutefois pas ce que font les sentientistes, qui retiennent au contraire ce critère parce qu’ils acceptent l’argument ci-dessus. Il se trouve que les humains sont sentients, mais cela <em>n’explique pas</em> le choix des tenants de cette approche.</p>
<p>Que ce critère soit satisfait par les humains, c’est une évidence. Nous sommes des patients moraux. Le bon critère de la patience morale rendra nécessairement compte de ce fait incontestable. Inutile d’être anthropocentriste pour affirmer cela.</p>
<h2>Une affaire de degré</h2>
<p>Selon une deuxième objection, le sentientisme échoue parce que la patience morale est une propriété binaire, de l’ordre du tout ou rien, tandis que la sentience est graduelle, de l’ordre du plus ou moins. Soit on est un patient moral soit on n’en est pas un. En revanche, certains individus – par exemple, les cochons – seraient plus sentients que d’autres – par exemple, les fourmis. Comment, dès lors, ces propriétés pourraient-elles aller de pair ?</p>
<p>En vérité, <a href="https://lamorce.co/animal-sentient-un-entretien-avec-stevan-harnad/">il est tout sauf clair que l’on puisse être plus ou moins sentient</a>. On peut certes avoir des expériences conscientes plus ou moins diverses et intenses, mais peut-on être plus ou moins capable d’expériences conscientes ? Pour les besoins de l’argument, admettons néanmoins que l’on puisse parler de degrés de sentience.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/393211/original/file-20210401-15-4evvfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les robots prennent de plus en plus l'allure d'humains, mais sont-ils pour autant des êtres dotés d'émotions, envers qui nous aurions des devoirs moraux? La question reste ouverte. Sur la photo : le robot russe Sophia présenté lors de la conférence Open Innovations, à Moscou, le 16 octobre 2017.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>S’ensuit-il que la sentience n’est pas une propriété binaire ? L’examen d’un cas analogue suffira à démontrer le contraire. Vous pouvez avoir plus ou moins d’argent dans votre poche. Pour autant, soit vous avez de l’argent, soit vous n’en avez pas. Même si les fourmis étaient moins sentientes que les cochons, il n’en demeurerait pas moins qu’elles sont sentientes.</p>
<p>Certaines entités sont sentientes dans une certaine mesure au moins ; d’autres ne le sont pas du tout. Selon le sentientisme, les premières, et les premières seulement, sont des patients moraux.</p>
<h2>Problème d’applicabilité</h2>
<p>Comme chacun sait, la science a ses limites. En l’état actuel des connaissances, on ne saurait repérer avec certitude les êtres sentients. Faut-il en conclure que le sentientisme est insatisfaisant ? Cette troisième objection n’est pas plus convaincante.</p>
<p>Certes, la science actuelle ne nous permet pas de savoir précisément qui est sentient et qui ne l’est pas. Le sentientisme implique alors qu’il n’est pas possible de tracer le cercle de la patience morale avec précision. Mais ce n’est pas parce qu’un critère est difficile à appliquer qu’il faut le rejeter. En droit de la famille, par exemple, les juges ont bien raison de recourir au critère de l’intérêt de l’enfant même s’il est souvent difficile, et parfois impossible, de le déterminer.</p>
<p>Ceci étant dit, il est bien établi scientifiquement que les <a href="https://www.animal-ethics.org/la-sentience/sentience-des-animaux/quels-etres-sont-conscients/">mammifères, les oiseaux, les poissons, les reptiles et les amphibiens sont sentients</a>. Et l’on peut raisonnablement affirmer que les <a href="https://www.animal-ethics.org/la-sentience/sentience-des-animaux/quels-sont-les-etres-depourvus-de-conscience/">plantes et les animaux dépourvus de système nerveux central ne le sont pas</a>.</p>
<p>La question ne reste donc ouverte que pour les animaux pourvus d’un système nerveux simple, tels que les insectes et les mollusques. Et pour les intelligences artificielles du futur.</p>
<p>Que penser en définitive ? Selon l’approche sentientiste, seuls les êtres capables de souffrance ou de plaisir constituent la communauté des patients moraux. Celle-ci, on l’aura compris, n’inclut donc pas les rivières et autres écosystèmes. Cela ne nous dispense pas de les protéger, ne serait-ce que parce qu’ils abritent des êtres sentients comme les truites, les humains et les mésanges.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157186/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Jaquet a reçu des financements du Fonds National Suisse pour la Recherche Scientifique et du Centre de Recherche en Éthique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Martin Gibert a reçu des financements du FRQSC (Fond de recherche société et culture Québec). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Valéry Giroux a reçu des financements du CRSH et du FRQ. Elle est membre du Oxford Centre for Animal Ethics. </span></em></p>La plupart des philosophes admettent que nous avons des obligations envers tous les êtres « sentients », c’est-à-dire capables d’expériences plaisantes ou déplaisantes.François Jaquet, Chercheur postdoctoral en philosophie morale, Université de MontréalMartin Gibert, Chercheur en éthique de l'intelligence artificielle, Université de MontréalValéry Giroux, LLM et PhD en philosophie, chercheuse en éthique animale, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1183792019-06-25T13:53:12Z2019-06-25T13:53:12ZIl faut repenser le combat contre la maladie d'Alzheimer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280577/original/file-20190620-149839-1bxuv49.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des centaines d’essais cliniques ont été menés depuis 10 ans pour trouver un traitement contre l’Alzheimer. Ils ont tous échoué.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’Alzheimer est la forme de démence la plus répandue. Et malgré tous les efforts, aucun traitement n'a encore été trouvé. Pour y arriver, les chercheurs devront mieux comprendre la maladie et repenser leur approche en matière de développement de traitements.</p>
<p>L'idée de voir un être cher décliner et perdre ses souvenirs les plus importants peut être dévastatrice. C’est toutefois une réalité pour un nombre croissant de Canadiens. Un groupe d'experts sur la santé de la population, convoqué en 2015 par la Société Alzheimer du Canada, estime que près d’<a href="https://alzheimer.ca/sites/default/files/files/national/statistics/prevalenceandcostsofdementia_fr.pdf">un million de Canadiens en seront atteints en 2031</a> (en France, <a href="https://www.frm.org/recherches-maladies-neurologiques/maladie-d-alzheimer">900 000 personnes sont touchées</a>, et ce chiffre pourrait atteindre 1,2 million en 2030). </p>
<p>C’est ce qui motive le financement massif des essais cliniques, à la recherche d’un moyen de stopper la maladie. Malgré tous ces efforts, aucun nouveau traitement n’a été approuvé depuis plus de quinze ans. </p>
<p>Je suis étudiant de première année au doctorat en psychologie à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) dans le laboratoire de Marc-André Bédard. J'utilise l'imagerie nucléaire pour mieux comprendre les changements dans la transmission de l'acétylcholine chez les personnes en début de maladie d'Alzheimer. L’acétylcholine est un neurotransmetteur, c’est-à-dire un composé chimique permettant la transmission de l’information (d'un neurone à un autre neurone, ou à une cellule musculaire, à une glande…).</p>
<p>Les principaux médicaments prescrits contre l'Alzheimer ont un mode d’action fondé sur la dégénérescence de neurones responsables de la transmission de l’acétylcholine à travers le cerveau. </p>
<p>Les neurones qui le transmettent se trouvent dans le noyau basal de Meynert, un petit noyau situé à l’avant du cerveau. La mort de ces neurones serait à l’origine des troubles d’attention et de mémoire retrouvés dans la maladie d'Alzheimer. Ces médicaments aident à compenser pour la perte de ces neurones en augmentant la transmission d’acétylcholine, <a href="https://www.cochrane.org/fr/CD001190/le-donepezil-pour-les-personnes-atteintes-de-demence-due-la-maladie-dalzheimer">mais ils n’ont que peu d'impact sur l’évolution de la maladie</a>.</p>
<h2>Une hypothèse critiquée</h2>
<p>Actuellement, la recherche de traitements pouvant ralentir ou arrêter l’évolution de la maladie d'Alzheimer est principalement basée sur l’hypothèse de la « cascade amyloïde ». D’après cette hypothèse, la maladie débute lorsque le corps ne nettoie pas la protéine amyloïde correctement. Cela provoque son agrégation en plaques microscopiques dans le cerveau. </p>
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<span class="caption">L'hypothèse de l'accumulation de plaques amyloïdes pour expliquer les causes de la maladie d'Alzheimer est de plus en plus critiquée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Ces plaques s’accumulent pendant des décennies, avant même que les premiers symptômes de l'Alzheimer n'apparaissent. Elles causeraient à leur tour la dysfonction d'une autre protéine, la protéine tau. Ces protéines forment alors des enchevêtrements neurofibrilaires à l’intérieur des neurones et causent leur mort. Cependant, de plus en plus de chercheurs <a href="https://actaneurocomms.biomedcentral.com/articles/10.1186/s40478-014-0135-5">critiquent cette hypothèse.</a> </p>
<p>Par exemple, environ une personne âgée sur cinq présente une accumulation importante de plaques et pourtant ne développera jamais la maladie. Il existe même des cas où des enchevêtrements de tau ont été retrouvés en l’absence de plaques, ce qui remet en question la séquence d’événements prédite par l’hypothèse. En outre, des traitements ayant été développés pour nettoyer ou empêcher l'agrégation de l’amyloïde n'ont eu aucun effet sur l'évolution de l'Alzheimer. Les plaques pourraient donc être la conséquence de changements étant survenus plus tôt.</p>
<h2>Reproduire l'Alzheimer chez les rongeurs</h2>
<p>Avant d’utiliser un nouveau médicament sur des êtres humains, il faut d'abord le tester sur des animaux, afin de vérifier s'il est efficace et sécuritaire. Les animaux utilisés, habituellement des rongeurs, doivent développer une pathologie similaire à celle que l'on retrouve chez l’être humain. </p>
<p>Dans le cas de l'Alzheimer, il faut provoquer la maladie par des manipulations génétiques, afin de créer un modèle animal de la maladie. Les principaux modèles animaux de la maladie d'Alzheimer sont développés en manipulant des gènes causant l’accumulation de plaques. Les rongeurs concernés présentent des troubles de mémoire et d'attention rappelant l'Alzheimer.</p>
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<span class="caption">Pour améliorer la recherche, il faut trouver de meilleurs modèles animaux pour mieux représenter les mécanismes de l'Alzheimer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les expérimentations animales reposent sur la prémisse que les effets des traitements sur les modèles animaux sont similaires aux effets sur l’être humain. Toutefois, <a href="https://www.ebiomedicine.com/article/S2352-3964(18)30577-2/fulltext">les modèles animaux de la maladie d'Alzheimer recréent la cascade amyloïde</a>, qui est imparfaite. </p>
<p>Comme les causes et les symptômes ne sont pas parfaitement recréés, un traitement qui fonctionne chez les rongeurs peut ne pas fonctionner chez l’être humain. Cela signifie aussi que des médicaments qui pourraient être efficaces chez l’être humain peuvent ne pas être efficaces sur les animaux. </p>
<p>Pour améliorer la recherche, il faut donc trouver de meilleurs modèles animaux afin de mieux représenter les mécanismes de l'Alzheimer. Cela passe par une meilleure compréhension de la maladie.</p>
<h2>Les défis de la recherche clinique</h2>
<p>Le choix de patients lors des essais cliniques peut également poser problème. Les patients en stade léger ont déjà perdu une majorité des neurones du noyau basal. Cela empêche la récupération complète des fonctions, même si le traitement fonctionne. C'est pourquoi les essais récents ont été faits sur des patients atteints d'Alzheimer pré-symptomatique. Ces personnes ont de grandes chances de développer la maladie et en portent des signes tels que des plaques, <a href="https://doi.org/10.1002/ana.21509">même si on ne peut détecter aucun symptôme.</a> </p>
<p>Ces recherches ont des coûts exorbitants. Elles impliquent en effet de suivre et traiter quelque milliers de participants pendant environ deux ans afin de détecter une différence dans les chances de développer la maladie d'Alzheimer.</p>
<h2>La prévention : le meilleur remède</h2>
<p>Les méthodes de prévention de la maladie d'Alzheimer suscitent de plus en plus l'intérêt des chercheurs. Parmi celles-ci, l'activité physique pourrait contribuer à ralentir, voire prévenir l'apparition de la maladie grâce à ses effets antioxydants. </p>
<p>Cette oxydation affecte surtout les neurones, tels que les neurones du noyau basal, qui communiquent avec de grandes régions du cerveau.</p>
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<span class="caption">Des activités légères comme la marche amélioreraient la santé du cerveau et réduirait les risques de développer la maladie d'Alzheimer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Pratiquer une activité physique intense peut s'avérer impossible pour bien des personnes âgées. Mais <a href="https://neurosciencenews.com/brain-aging-physical-activity-12018/">Nicole L. Spartano et ses collègues de l'université de Boston</a> ont découvert que ce n'était pas nécessaire. Chaque heure d'activité physique légère (comme la marche) améliorerait en effet la santé du cerveau, et réduirait potentiellement les risques de développer la maladie d'Alzheimer.</p>
<p>Jusqu'à présent, la recherche d'un remède miracle contre l'Alzheimer a échoué, malgré des efforts énormes de la part des chercheurs. Pour surmonter ce défi, les chercheurs doivent repenser leur approche de développement de traitements. D'ici là, la prévention, grâce à l'adoption d'un mode de vie sain, est la meilleure arme pour combattre cette terrible maladie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118379/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Étienne Aumont a reçu des financements du Fonds de Recherche du Québec en Santé. </span></em></p>Des centaines d’essais cliniques ont été menés depuis 10 ans pour trouver un traitement contre l’Alzheimer. Ils ont tous échoué. La prévention reste le meilleur moyen connu pour combattre la maladie.Étienne Aumont, Étudiant en neurosciences, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1094152019-01-10T18:55:51Z2019-01-10T18:55:51ZCrapauds, poissons et vers nématodes, la drôle de ménagerie de la station spatiale<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/252702/original/file-20190107-32145-kw6r1a.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un aquarium pour héberger les poissons Medaka dans la station spatiale.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nasa</span></span></figcaption></figure><p>On les appelle les « organismes modèles » : mouches, souris, poissons-zèbre, grenouilles ou vers nématodes, autant d’animaux qui sont utilisés par les chercheurs pour des expérimentations, notamment en raison de la simplicité de leurs organisations biologiques par rapport à celles des humains. C’est crucial pour la biologie fondamentale et les études en santé humaine, et cela peut se faire sur Terre mais aussi dans l’espace. Témoin, la toute récente mission NASA « Worm in space », lancée en décembre 2018, qui a envoyé dans l’espace 360 000 vers ronds <em>Caenorhabditis elegans</em> !</p>
<p><a href="https://ntrs.nasa.gov/archive/nasa/casi.ntrs.nasa.gov/19890009025.pdf">L’expérimentation animale dans l’espace</a> n’est pas chose nouvelle. Un recensement des missions conduites par la NASA depuis 1965 jusqu’à 2011 fait état de pas moins de 382 expériences conduites sur diverses plateformes : <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Gemini_(vaisseau_spatial)">capsule Gemini</a>, satellites d’expérimentations biologiques, navettes de la NASA, <a href="https://cadmos.cnes.fr/fr/web/CNES-fr/8802-mir.php">plateforme NASA/MIR</a> et plus récemment, au sein de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Station_spatiale_internationale">station spatiale internationale ISS</a>, en orbite basse terrestre depuis les années 2000.</p>
<p>Il s’agit de mieux comprendre les effets de l’environnement spatial sur les systèmes vivants, et sur l’humain en particulier. Les astronautes, en effet, subissent des changements physiologiques progressifs qui s’accentuent au fur et à mesure de leur séjour. Ils peuvent se traduire par un risque augmenté de plusieurs pathologies : entre autres, des fractures, une déficience visuelle, une pression intra-crânienne, de l’anémie, de l’atrophie musculaire, un syndrome d’irradiation aiguë ou une altération du système immunitaire. L’utilisation d’organismes modèles soumis aux mêmes contraintes que les astronautes permet notamment de prévenir l’émergence de ces problèmes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253005/original/file-20190109-32136-z6ovn8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quatre astronautes dans la station spatiale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
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<p>Des organismes modèles ont également été utilisés très tôt dans des missions spatiales pour définir les comportements fondamentaux du vivant. Un exemple : comment la force gravitationnelle de la terre peut-elle influencer les organismes vivants et leur développement depuis la fécondation ? Répondre à cette question a nécessité de nombreux organismes modèles (plantes, insectes, poissons, batraciens, petits mammifères) et pas moins d’une cinquantaine d’expériences menées dans l’espace.</p>
<h2>Un crapaud fertile</h2>
<p>Dès 1965, des œufs de grenouille et des larves de la mouche du vinaigre ou Drosophile (<em>Drosophila melanogaster</em>) embarqués avec la mission Gemini révélaient un développement normal en absence de gravité. Le développement embryonnaire a été également testé dans l’espace au cours d’une expérience célèbre de 1992 (<a href="https://www.nasa.gov/mission_pages/shuttle/shuttlemissions/archives/sts-47.html">frog embryology experiment, Space Shuttle Spacelab Japan mission STS47</a>) réalisée avec un crapaud dénommé Xénope (<em>Xenopus laevis</em>) et qui a montré que la gravité terrestre n’était pas requise pour l’ovulation, la fertilisation, le développement embryonnaire ou la formation de têtards capables de nager.</p>
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<span class="caption">Cage à rats pour les expérimentations spatiales.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
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<p>Des expériences sur d’autres modèles ont démontré que les processus les plus importants de la reproduction et du développement étaient indépendants du degré de la force gravitationnelle. L’une d’entre elles, réalisée en 1979 au cours de la <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Kosmos_1129">mission russe Cosmos 1129</a> a démontré la capacité de rates gestantes a mener des grossesses normales. Toutefois, des expériences ultérieures sur des tout jeunes rats ont révélé des déficits sensori-moteurs et démontré des réductions de croissance de neurones moteurs indiquant ainsi l’existence d’une période de sensibilité à la force gravitationnelle du système sensori-moteur au cours du développement post-embryonnaire.</p>
<p>Des expériences très importantes ont également été réalisées dans le domaine de la microbiologie et de l’infectiologie. Lorsque l’on connaît l’importance croissance accordée à notre <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Microbiome">microbiome</a>, dont le poids avoisine les 2 kg, on se sent très vite concernés par les éventuelles modifications qui pourraient advenir à nos commensaux microbiens dans l’espace !</p>
<h2>Virulences dans l’espace</h2>
<p>En 2006 et 2007, des bactéries comme <em>Salmonella enterica typhimurium</em> (agent infectieux de la salmonellose), <em>Pseudomonas aeruginosa</em> (infections nosocomiales), <em>Candida albicans</em> (champignon responsable de la candidose) ou encore <em>Streptococcus pneumoniae</em> (responsable des pneumonies) envoyées dans l’espace ont révélé l’<a href="https://www.indy100.com/article/bacteria-get-dangerously-weird-in-space-7380481">apparition de virulences</a> que n’avaient pas développées les cultures témoins sur Terre. L’analyse de ces bactéries a révélé qu’elles devaient l’apparition de leur virulence dans l’espace à un gène unique (Hfq), démontrant <em>de facto</em> l’intérêt immédiat de cette découverte pour préparer les astronautes à leur voyage mais également pour mieux connaître ces agents bactériens infectieux de plus en plus résistants aux traitements et responsables de nombreux morts chaque année sur Terre.</p>
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<span class="caption">Une salmonelle. Un séjour dans l’espace la rend plus dangereuse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span></span>
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</figure>
<p>Autre sujet important : les muscles des astronautes évoluent rapidement dans l’espace sous l’effet de la microgravité. Des expériences d’évaluation de l’évolution musculaire de rats dans l’espace ont été conduites dès 1965 par la NASA. Ces expériences ont démontré une diminution rapide de la force de contraction musculaire, une augmentation de la vitesse de contraction musculaire (vélocité), une diminution de la résistance avec une augmentation de la fatigue musculaire et un raccourcissement de la longueur des fibres musculaires. Ce dernier phénomène a été associé chez le rat comme chez l’humain à la posture fœtale adoptée dans l’espace qui entraîne une lente atrophie des muscles.</p>
<p>Les modifications de la physiologie musculaire observées chez les rats au cours de vols spatiaux ont été vérifiées chez l’humain et ont permis de définir tout un ensemble d’exercices (marche et footing sur tapis de course) à réaliser obligatoirement tous les jours pendant 2h30 par les astronautes afin de ralentir ces évolutions qui affectent les muscles, parfois très rapidement, au début du séjour spatial.</p>
<p>La liste ci-dessous donne des exemples d’observations réalisées sur les organismes modèles au cours de missions spatiales en relation avec la santé humaine :</p>
<ul>
<li><p>Poulet, gecko, caille, souris, rat pour des observations sur la physiologie des os dans l’espace ;</p></li>
<li><p>Mouche du vinaigre (Drosophile), cellules humaines en cultures, souris, rat pour des observations sur les réactions du système immunitaire vis-à-vis de la microgravité ;</p></li>
<li><p>Bactéries, champignons, cellules humaines en culture, levure pour des observations sur la croissance des microbes et leur virulence ;</p></li>
<li><p>Poulet, souris, nématode, rat pour des observations sur la physiologie musculaire dans l’espace.</p></li>
<li><p>Cricket, poisson, caille, souris, triton, rat, crapaud, escargot pour des observations sur la neurophysiologie.</p></li>
</ul>
<h2>« Worm in space »</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=604&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253012/original/file-20190109-32139-t6hliz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=759&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Worm in space.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span></span>
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<p>La <a href="https://www.nasa.gov/audience/foreducators/9-12/features/F_Worms_in_Space.html">mission « Worm in space »</a> de ce mois de décembre 2018 met en lumière le nématode <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Caenorhabditis_elegans"><em>Caenorhabditis elegans</em></a>. Ce vers rond, non parasite, d’un millimètre de long peut se rencontrer sur la plupart des continents et s’alimente de bactéries dans les champignons, les végétaux ou les fruits en décomposition.</p>
<p>Pas moins de trois découvertes majeures de la biologie moderne ont été déjà réalisées grâce à son observation méticuleuse, <a href="https://www.jle.com/en/revues/bdc/e-docs/prix_nobel_de_physiologie_et_medecine_2002_du_nematode_a_la_mort_cellulaire_programmee_70189/article.phtml">notamment les mécanismes de l’apoptose (mort programmée des cellules), et la survenue de cancers</a> suite à des anomalies de ce processus. Les nématodes sont un modèle de choix pour étudier le fonctionnement du processus de l’apoptose dans l’espace afin de prévenir les risques de pathologies cancéreuses pour les astronomes. Elles sont associées d’une part à l’exposition aux rayonnements dangereux de l’espace et, d’autre part, à des modifications possibles du fonctionnement normal de l’apoptose chargé d’éliminer les cellules modifiées par les rayons.</p>
<p>Ce petit ver n’en est pas à son premier vol dans l’espace. Au cours de la mission STS-42, menée en 1992 sur la navette Discovery, les nématodes arrivaient à s’accoupler et à se reproduire sur deux générations sans aucun problème apparent. Mais quelques années après, la mission STS-76 menée en 1996 à bord de la navette Atlantis a révélé tout autre chose ! Un taux anormal de mutations a été observé chez les nématodes indiquant pour la première fois un effet direct des rayons cosmiques sur le vivant.</p>
<h2>Les vers survivent à la catastrophe de Columbia</h2>
<p>À l’issue de ces expériences, il a été proposé d’utiliser les nématodes dans l’espace comme dosimètres permettant de renseigner les astronautes sur les risques de mutations liées aux rayons cosmiques. Les nématodes étaient également à bord de la navette Columbia le 1<sup>er</sup> février 2003 pour la mission STS-107. Un accident tragique survenu au cours de la mission a provoqué une explosion qui a pulvérisé l’appareil et provoqué la mort de ses sept occupants. Mais des scientifiques ont réussi à retrouver, dans des débris de Columbia retombés au Texas, un étui de 4 kg contenant les nématodes de l’expédition scientifique. Ils avaient survécu. Protégés dans leur boîte, ils s’étaient déjà reproduits sur plusieurs générations.</p>
<p>Revenons à la mission « Worm in space ». Le lundi 3 décembre, la capsule Soyouz MS-11 a rejoint la station spatiale internationale avec trois astronautes et à son bord près de 360 000 nématodes <em>Caenorhabditis elegans</em>. Cette expérience est dédiée à l’étude de la perte musculaire de 40 % qui affecte les astronautes lors de missions longues. Ce déficit est comparable à la perte musculaire que l’on peut observer chez un homme âgé de 40 à 80 ans au cours d’un processus naturel que l’on appelle sarcopénie.</p>
<h2>Les muscles du nématode</h2>
<p>Installés dans des sacs spéciaux avec leur nourriture artificielle, les nématodes vont y rester six jours et demi à l’issue desquels ils seront congelés pour ensuite revenir sur Terre pour analyse en 2019. Plusieurs expériences vont être menées. L’une d’elles consiste à étudier un groupe contrôle de nématodes normaux contre un autre groupe de nématodes chez lesquels on a modifié des gènes importants pour le fonctionnement normal de l’insuline. Cette hormone est connue pour être liée aux mécanismes de la sénescence et du vieillissement via son effet sur l’utilisation du glucose par les tissus et en particulier les muscles. L’utilisation de <em>Caenorhabditis elegans</em> modifiés génétiquement et comportant des variations dans l’utilisation du glucose aidera à mieux définir l’implication de l’insuline dans le processus de sarcopénie. Cette étude est destinée à mieux comprendre pourquoi les muscles de l’homme s’affaiblissent quand il vieillit en relation avec le rôle de l’insuline.</p>
<figure> <img src="https://media.giphy.com/media/1Ai7Ts1k9WaDBzH8Tj/giphy.gif"><figcaption>Le vers modèle C. elegans ([Goldstein Lab](http://labs.bio.unc.edu/Goldstein/movies.html))</figcaption></figure>
<p>Une autre expérience va consister à définir si l’expression de certains gènes sont modifiés chez <em>C. Elegans</em> par un séjour en microgravité. Il a été observé, au cours de missions précédentes, que 150 gènes du nématode étaient diminués dans leur expression au cours d’un séjour dans l’espace. Cet ensemble de 150 gènes identifiés va être à nouveau étudié au cours de cette mission afin d’observer si certaines drogues peuvent prévenir ou ralentir la perte musculaire au cours des séjours spatiaux. Une expérience complémentaire va permettre d’observer le fonctionnement des motoneurones du nématode qui lui servent à déclencher la contraction de ses muscles.</p>
<p>D’autres perspectives sont ouvertes. On songe par exemple à la mise au point de systèmes automatiques permettant d’envoyer des nématodes sur d’autres planètes pour étudier leur devenir au cours de multiples générations. <a href="https://www.nasa.gov/sites/default/files/atoms/files/nasa-sp-2015-625.pdf">L’idée générale de ces expérimentations spatiales</a> est de mieux comprendre comment l’humain vit dans l’espace pour préparer des missions sur Mars. Et, sur Terre, de mieux comprendre le fonctionnement du corps humain grâce à l’observation des processus biologiques intervenants dans cet environnement hostile qu’est le cosmos.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Galas a reçu des financements du CNRS et de l'Université de Montpellier.</span></em></p>360 000 vers nématodes ont été embarqués à bord d’une fusée, direction la station spatiale. Expérimenter sur les animaux en microgravité permet d’en savoir plus sur le vivant en conditions extrêmes.Simon Galas, Professeur de Génétique et de Biologie moléculaire de l'Aging, CNRS - Faculté de Pharmacie, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1027462018-12-17T20:55:47Z2018-12-17T20:55:47ZLe porc, nouvel allié des chercheurs en immunologie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/251004/original/file-20181217-185255-1gvmlvs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C5176%2C3437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Déjà largement mis à contribution en recherche biomédicale, le porc entre dans les laboratoires d'immunologie.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>De la <a href="http://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhm/hsm/HSMx1972x006x003/HSMx1972x006x003x0133.pdf">découverte de l’insuline</a> à la mise au point de <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/rosie-maurel-15-janvier-1968-1eres-greffes-du-coeur-greffes-de-la-vie_1974891.html">techniques chirurgicales</a>, les animaux ont permis de faire grandement progresser la recherche biomédicale et la santé humaine.</p>
<p>Les avancées technologiques permettent aujourd’hui de se passer d’eux lorsqu’il s’agit de mener des recherches sur les molécules et les cellules, voire éventuellement sur certains organes. Néanmoins, les scientifiques ne sont toujours pas capables de prédire, à partir de recherches menées <em>in vitro</em>, le fonctionnement d’un organisme complet.</p>
<p>Dès lors qu’ils souhaitent décrypter des fonctions physiologiques complexes, des interactions entre organes, ou mener des essais précliniques pour tester de nouveaux médicaments, il leur faut donc, encore, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/peut-se-passer-des-modeles-animaux">recourir aux essais sur des animaux modèles</a>.</p>
<p>C’est notamment le cas en immunologie, discipline visant à comprendre la réponse immunitaire, une réaction de défense complexe à laquelle participent différents organes. Depuis quelques années, les chercheurs qui l’étudient ont trouvé un nouvel allié surprenant : le porc.</p>
<h2>Le porc, un animal modèle pour l’Homme</h2>
<p>Avant toute chose, il est important de souligner qu’en France, les procédures d’expérimentation animale <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70597/www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid70597/l-utilisation-des-animaux-a-des-fins-scientifiques.html">sont très encadrées</a> et sont toujours validées par un comité d’éthique.</p>
<p>Pour étudier la réponse immunitaire, les chercheurs ont le plus souvent recours à la souris. De petite taille et facile à élever, cet animal modèle a en outre l’avantage d’être peu onéreux. Toutefois, bien que l’immunité de la souris et de l’Homme partagent de nombreux points communs, leurs physiologies ne sont pas totalement identiques. La transposition des thérapies mises au point chez la souris à des essais cliniques chez l’Homme se traduit par de nombreux échecs, soulignant l’intérêt de recourir à des modèles animaux complémentaires.</p>
<p>Les singes et grands singes (regroupés sous l’appellation « primates non humains »), sont de ce point de vue le modèle le plus pertinent, étant donnée leur proximité évolutive avec l’Homme. Toutefois, leur incorporation dans des programmes de recherche soulève des interrogations au niveau éthique, <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/peut-se-passer-des-modeles-animaux#article-contenu1">et elle est limitée au maximum</a>. En France, l’expérimentation sur les grands singes humanoïdes (orang-outang, chimpanzé, gorille) <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000027037840&dateTexte=&categorieLien=id">est interdite par le décret n° 2013-118 du 1ᵉʳ février 2013</a>. Par ailleurs, si travailler avec des animaux, quels qu’ils soient, n’est jamais anodin, les essais sur les primates peuvent s’avérer particulièrement éprouvants pour les expérimentateurs.</p>
<p>Depuis quelques années, le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966842X11001958?via%3Dihub">porc</a> est considéré comme un modèle animal présentant de nombreux avantages. Les chercheurs peuvent notamment récupérer dans les abattoirs certains tissus non utilisés en boucherie (par exemple les poumons), ce qui limite le nombre d’animaux à inclure dans les procédures d’expérimentation. Surtout, le porc possède certaines caractéristiques physiologiques, anatomiques et génétiques proches de celles de l’être humain. C’est en particulier le cas de ses fonctions cardiaques, pulmonaires et rénales, qui sont bien plus proches des nôtres que ne le sont celles de la souris.</p>
<p>En 2012, l’<a href="https://bmcgenomics.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2164-14-332#Sec1">annotation du génome du porc</a> a permis d’identifier plus de 1000 gènes associés à la réponse immunitaire. Certaines familles de gènes impliquées dans l’inflammation et la reconnaissance des pathogènes présentent davantage de conservation entre l’Homme et le porc qu’entre l’Homme et la souris.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/experimentation-animale-peut-on-sen-passer-89413">Expérimentation animale, peut-on s’en passer ?</a>
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<h2>Un animal largement utilisé en chirurgie</h2>
<p>Le porc n’était pas tout à fait un inconnu dans le domaine de la recherche médicale. Les chirurgiens l’utilisent notamment depuis longtemps pour s’entraîner à la pose de cathéters, s’exercer aux procédures endoscopiques ou à soigner des traumatismes complexes. Le développement de ces techniques a conduit à utiliser le porc comme modèle préclinique, pour tester notamment les dispositifs implantables tels que les pacemakers. Les stents, qui permettent entre autres de maintenir ouvertes des artères athérosclérosées, ont aussi largement bénéficié des connaissances acquises grâce aux porcs de laboratoire.</p>
<p>La taille des organes du porc, similaire à celle des organes humains, ou le fait que la distribution du sang par son artère coronaire soit très similaire à celle de l’Homme, rendent aussi son utilisation très pertinente dans le cadre de la transplantation d’organes. Le porc pourrait devenir un donneur potentiel pour de nombreux organes (on parle alors de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-018-0765-z">xénogreffes</a>, puisque le donneur et le receveur appartiennent à deux espèces différentes). Très récemment, une <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/12/11/le-porc-potentiel-donneur-d-organe_5395566_1650684.html">transplantation cardiaque</a> de porc a été réalisée sur des babouins et ces derniers ont vécu plus de six mois après cette greffe.</p>
<p>Il existe toutefois encore plusieurs freins à l’utilisation de xénogreffes. Celles-ci s’accompagnent en effet de risques de rejets plus importants, ainsi que de la possibilité de transmission de <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-retrovirus-249/">rétrovirus</a> (des virus qui intègrent leurs gènes dans celui de leur hôte) d’une espèce à l’autre. Les nouvelles technologies d’édition du génome telles que <a href="https://www.lemonde.fr/festival/article/2016/07/19/crispr-le-big-bang-de-la-genetique_4971697_4415198.html">CRISPR-Cas9</a> pourraient permettre de limiter ce dernier risque en éliminant les portions d’ADN concernées. Ainsi, en 2017, des chercheurs ont réussi à éliminer le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/28798043">virus endogène porcin (PERV)</a> grâce à cette technique, ce qui constitue un grand pas vers la mise en application de xénogreffes du porc à l’Homme.</p>
<h2>Mieux comprendre les maladies humaines grâce au porc</h2>
<p>L’expression <a href="https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/microbiote-intestinal-flore-intestinale">« microbiote intestinal »</a> désigne l’ensemble des bactéries présentes dans notre intestin. Au nombre de plusieurs milliards, elles ont une influence sur notre santé, et peuvent parfois être impliquées dans certaines maladies. De nombreux chercheurs travaillent notamment à la compréhension de l’impact du microbiote sur le <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/definitions/medecine-syndrome-metabolique-8915/">syndrome métabolique</a>, la <a href="http://alz.org/aaic/releases_2018/AAIC18-Tues-gut-liver-brain-axis.asp">maladie d’Alzheimer</a> ou encore l’<a href="https://theconversation.com/origines-de-lasthme-ce-que-lon-sait-ce-que-lon-suspecte-102356">autisme</a>.</p>
<p>Là aussi, le porc ayant un régime alimentaire omnivore comme l’être humain, il pourrait s’avérer un allié de taille. En effet, des travaux menés en 2016 ont établi l’existence d’une importante ressemblance entre les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27643971">microbiotes de ces deux espèces</a>.</p>
<p>Récemment, l’intérêt du porc dans l’étude des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29175001">maladies sexuellement transmissibles humaines</a> a été souligné. En 2012, le modèle porcin a été validé pour étudier les infections dues aux bactéries <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20847123"><em>Chlamydia trachomatis</em></a>, responsables de l’infection sexuellement transmissible <a href="https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2879454/fr/ist-la-has-recommande-un-depistage-systematique-de-l-infection-a-chlamydia-trachomatis-chez-les-jeunes-femmes">la plus fréquente en France chez les 18-25 ans</a>. Enfin, le porc peut constituer un excellent modèle pour certaines maladies respiratoires, infectieuses <a href="http://www.nature.com/articles/mi2015105">comme la grippe</a>, ou génétiques <a href="http://www.physiology.org/doi/full/10.1152/ajplung.90203.2008">comme la mucoviscidose</a>.</p>
<p>Néanmoins, le porc n’est pas un modèle idéal pour l’ensemble des maladies : nos recherches ont notamment montré que certaines de ses particularités immunologiques doivent être prises en compte lorsqu’on le choisit.</p>
<h2>Des différences à ne pas négliger</h2>
<p>Dans le poumon de porc, des cellules immunitaires sont présentes en permanence dans les vaisseaux sanguins. Nommées <a href="https://www.nature.com/articles/s41598-018-28234-y">« macrophages intravasculaires pulmonaires »</a>, elles produisent des protéines (nommées cytokines) qui vont favoriser l’inflammation. Or chez l’Homme, ces cellules ne se développent qu’en condition inflammatoire ou lors de certaines pathologies. Des études supplémentaires seront nécessaires pour élucider leur rôle, mais il est déjà certain que la présence de ces macrophages est à prendre en compte lorsque le porc est utilisé comme modèle d’étude de maladies respiratoires.</p>
<p>D’autres différences concernent des organes clés de la réponse immunitaire : les <a href="http://acces.ens-lyon.fr/acces/thematiques/immunite-et-vaccination/thematiques/reponse-immunitaire/comprendre/ganglions-lymphatiques">ganglions lymphatiques</a>. C’est au sein de ceux-ci que les cellules du système immunitaire vont être éduquées à combattre les envahisseurs. Chez la plupart des mammifères, la circulation de la lymphe dans les ganglions se fait de la périphérie de l’organe vers son centre. Or chez le porc, elle se fait de l’intérieur de l’organe vers la périphérie. Les conséquences de cette inversion sur la réponse immunitaire doivent être étudiées, car elles ne sont pas encore connues.</p>
<p>Nos travaux ont en outre révélé l’existence de trois populations de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=DY2dvYpqXXY">macrophages ganglionnaires</a> chez le porc. Cette découverte pourrait s’avérer importante, car les cellules du système immunitaire sont mobiles, et présentes dans tous les organes de l’animal. Leur description précise et détaillée est essentielle si l’on souhaite utiliser un animal comme modèle expérimental.</p>
<p>Il n'existe pas d'animal modèle idéal, néanmoins depuis une dizaine d’années de nombreux travaux ont fait progresser les connaissances sur le système immunitaire du porc. Ces avancées, couplées aux nouvelles technologies telles que l’édition du génome par CRISPR-Cas9, permettront de faire évoluer ce modèle pour améliorer, <em>in fine</em>, la santé humaine.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/102746/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Élise Bordet a reçu des financements pour ses recherches de la part de la communauté européenne sous forme de bourse de thèse. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>François Meurens a reçu des financements de la Région Pays de la Loire (RFI Food for tomorrow-Cap aliment), programme co-financé par l'Europe. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Bertho travaille à l'INRA. Il a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche (ANR), de la Communauté Européenne. Il est membre de la Société française d'Immunologie et du Club Francophone des Cellules Dendritiques. </span></em></p>Si les progrès technologiques permettent de plus en plus de se passer des tests sur les animaux, ceux-ci sont encore nécessaires. En immunologie, les chercheurs ont trouvé un nouvel allié : le porc.Élise Bordet, Ingénieur agronome et doctorante en immunologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayFrançois Meurens, Professeur Immuno-Virologie (DMV-PhD) - Oniris (École nationale vétérinaire, agroalimentaire et de l'alimentation de Nantes-Atlantique), UMR 1300, InraeNicolas Bertho, Chargé de Recherche, InraeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/988912018-07-01T20:34:53Z2018-07-01T20:34:53ZPourquoi nous cherchons une maison de retraite pour les singes de laboratoire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/225179/original/file-20180627-112628-p72npd.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=117%2C7%2C1032%2C553&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Macaca mulatta dans une réserve à Porto Rico</span> <span class="attribution"><span class="source">Wikipedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p><em>Nous republions cet article dans le cadre de la 7e édition de <a href="http://www.reportersdespoirs.org/la-semaine-des-solutions">l’opération la France des Solutions</a> dont The Conversation est partenaire. Du 14 au 20 octobre retrouvez des solutions dans 50 médias dans toute la France !</em></p>
<p>Lui, c’est Rufio, un vieux beau aux yeux verts et au nez camus. Avec l’âge, la télé est devenue son activité préférée et l’embonpoint s’est installé. Pourtant, son charme nonchalant me fait encore craquer chaque fois que je le vois. Elle, c’est Cannelle, sa compagne. Tout l’opposé. Une véritable boule d’énergie au caractère bien trempé, avec qui rien n’est jamais gagné. Chaque jour, il faut l’amadouer. Chaque jour, il faut recommencer. Lui a 15 ans, elle 19. Ce ne sont pas des adolescents. C’est un couple de macaques rhésus de mon laboratoire de recherche.</p>
<p>Chez les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Macaque_rh%C3%A9sus">macaques rhésus</a>, la durée de vie est en général de 25 ans, mais les trentenaires ne sont pas rares dans les centres de primatologie de par le monde. Sous l’œil vigilant des vétérinaires de l’Université du Maryland, une <em>Jeanne Calment</em> a atteint l’âge vénérable de 40 ans, malgré un diabète contracté à l’âge déjà respectable de 29 ans !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225167/original/file-20180627-112634-zyy2y6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Cannelle, toujours sur la brèche, jauge l’inconnu venu la photographier.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CNRS</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225168/original/file-20180627-112620-1rfe3y2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paparazzi ou pas, Rufio, lui, reste scotché à sa télé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CNRS</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Rufio et Cannelle ont fait leur travail : ils ont été les partenaires de mes recherches pendant plusieurs années. Maintenant, mon vœu, c’est de leur trouver une maison de retraite. Un endroit où ils perdraient le confort de notre laboratoire (avec sa température à 22-24°C et son humidité à 40 % toute l’année), mais où ils auraient l’occasion de retrouver un espace extérieur. Ils pourraient y redécouvrir le froid, la neige, la pluie, le soleil et le vent qu’ils ont connu pendant leurs quatre premières années dans le centre de primatologie français où ils sont nés. Leurs congénères sauvages sont d’ardents conquérants qui ont colonisé toute l’Asie, déserts, montagnes et villes compris !</p>
<h2>Un modèle indispensable</h2>
<p>Le macaque rhésus est intelligent, émotif et social, comme l’humain. C’est cette proximité même qui en fait un partenaire essentiel dans nombre de domaines de recherche : pour évaluer l’efficacité et la non-toxicité de certains médicaments (en dernier recours, quand aucun rat ou souris ne peut les remplacer), pour développer des vaccins, ou encore pour comprendre notre cerveau et ses maladies. Et c’est notamment cette proximité qui nous impose de les traiter avec le plus grand respect et justifie la stricte réglementation imposée à la recherche sur le primate en Europe et en France. C’est aussi pour cette raison que les primates ne représentent que 0,18 % des animaux utilisés à des fins scientifiques contre 60 % de souris.</p>
<p>Parlons clairement du sujet le plus délicat qui soit : pour que la recherche puisse se faire, il est nécessaire de pratiquer des analyses post-mortem d’un organe, le cerveau, pour ma part, puisque je suis neuroscientifique. Dans ce cas, une euthanasie humaine et sans douleur doit être pratiquée, comme celle mise en œuvre par le vétérinaire pour nos animaux de compagnie. Nécessaire scientifiquement, elle est réalisée après autorisation du département du Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation chargé de la protection des animaux en recherche. Quand il est possible de s’en passer, on le fait, et de plus en plus souvent. Dans la recherche sur le cerveau, par exemple, les avancées des méthodes et procédures permettent de travailler avec les animaux jusqu’à la fin du projet de recherche (qui dure en général 5 ans) sans nécessité d’avoir recours à l’euthanasie.</p>
<p>Rentrons dans les détails pour comprendre pourquoi, et dans quelles conditions, on réalise ces investigations. Un neurone fait 10 à 30 microns de diamètre : il est impossible de le voir par simple imagerie médicale. L’IRM fonctionnelle (IRMf), une technique non invasive que l’on utilise pour voir le cerveau humain, arrive – au mieux – à voir des cubes de 2 à 4 millimètres cubes, qui contiennent chacun des millions de neurones. Par conséquent, tout ou presque de ce que vous avez lu ou entendu à propos de nos neurones, a été découvert chez l’animal, et pour les primates, chez le singe macaque.</p>
<p>Le cerveau n’a pas de récepteur à la douleur : on peut donc y introduire de très fines électrodes, et l’activité des neurones est étudiée alors même que l’animal est en train de voir, d’agir, ou d’apprendre. Impressionnant ! Mais cela ne fait pas mal. Cette technique est comparable à celle utilisée chez certains patients épileptiques : avant d’enlever la zone malade de leur cerveau, les chirurgiens explorent les fonctions des zones environnantes avec des électrodes, tout en gardant le patient éveillé. C’est fondamental pour éviter de détruire des zones importantes comme celles de la parole, impossible à trouver si le patient dort. Le même principe est utilisé chez le singe : seul moyen de « voir » les signaux électriques que les neurones utilisent pour communiquer entre eux. Dans certaines de ces études de neurophysiologie, il n’est pas nécessaire d’examiner le cerveau à la fin de l’étude. Les électrodes sont retirées sans léser le cerveau. L’animal retrouve alors son état normal, prêt pour une retraite bien méritée.</p>
<p>Dans d’autres études, comme celles auxquelles Rufio et Cannelle ont participé, pas besoin de savoir ce que fait le neurone : le niveau de résolution de l’IRMf humaine est suffisant. Un implant est donc simplement mis sur le crâne pendant la durée des examens pour éviter les photos « bougées » du cerveau. À la fin du projet, il est retiré, sans séquelle. Encore un candidat à la retraite.</p>
<h2>Organiser la retraite</h2>
<p>Mais pourquoi, dans ces conditions, n’avons-nous pas déjà de maison de retraite pour macaques, au moins une ? Les raisons sont diverses. D’abord, il est difficile pour des chercheurs de contacter des parcs zoologiques. Certaines personnes nous traitent de « tortionnaires », aussi, les responsables de parcs animaliers ne sont pas prêts à accueillir les retraités des laboratoires : ils pourraient être stigmatisés par ceux-là même pour qui défendre les animaux implique forcément de vilipender les chercheurs.</p>
<p>Quant à nos amis macaques, ils ne nous aident pas. Contrairement aux chevaux, chats, chiens, ou rongeurs de laboratoire qui peuvent être adoptés par tout un chacun, les macaques rhésus sont tout aussi intelligents que despotiques. Chacun sa place dans une hiérarchie stricte, et tout manquement peut être puni de violents coups et vilaines morsures. Exit donc l’accueil en famille pour Rufio et Cannelle. Ils appartiennent à la faune sauvage. Il faut du bon grillage, des soigneurs formés et prudents, et des vétérinaires compétents.</p>
<p>Certains chercheurs ont osé demander… et certains responsables de parc ont déjà accepté d’accueillir des macaques de laboratoire. Sans flonflon ni publicité. Je leur rends hommage ici. Le défi, aujourd’hui, c’est d’aller plus loin et de monter de vraies maisons de retraite. Une au moins pour commencer, disons pour une demi-douzaine de couples comme Rufio et Cannelle. Avec pignon sur rue, et l’aide de tous, des chercheurs au grand public. C’est le projet que mûrit depuis des années déjà le <a href="http://graal-defenseanimale.org/">Groupement de réflexion et d’action pour l’animal</a> (Graal).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/225172/original/file-20180627-112628-73fahd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1067&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Poster du Graal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Grall</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Depuis 20 ans, le Graal et Marie-Françoise Lheureux, sa présidente-fondatrice, trouvent des adoptants pour des chevaux, chats, chiens, ou rongeurs de laboratoire. L’association a même déjà placé avec succès plus de cinquante de nos ombrageux macaques. Pour le projet de maisons de retraite pour macaques de laboratoire, le Graal a le soutien du <a href="https://www.recherche-animale.org/">Groupe interprofessionnel de réflexion et de communication sur la recherche</a> (Gircor). Le Gircor est l’association chargée par les établissements de recherche biomédicale comme le CNRS et l’Inserm pour lesquels je travaille, d’informer le public sur la réalité de la recherche animale et de promouvoir le bien-être des animaux partenaires de la recherche.</p>
<p>Graal et Gircor travaillent aujourd’hui avec Patrick Violas qui a créé La Tanière, un parc animalier qui va bientôt ouvrir ses portes dans la région de Chartres. Patrick Violas est prêt à relever le défi d’accueillir la première maison de retraite pour macaques de laboratoire. Et au moins un autre projet est en gestation. Le Rêve Macaca, un sanctuaire pour macaques retraités, que Lucie Fehrnbach Gélin et Christophe Durand planifient dans la région de Reims. Ces initiatives me donnent bon espoir. Ils vont l’avoir leur maison de retraite, Rufio et Cannelle ! Et bien d’autres après eux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98891/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martine Meunier a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p>Faire des recherches avec des macaques et leur organiser une vie de retraite après le laboratoire : un pari ambitieux pour les chercheurs et pour la société tout entière.Martine Meunier, Directeure de Recherche, Equipe ImpAct, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, CNRS, Université Claude Bernard Lyon 1, Université Jean Monnet, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/894132018-01-11T20:47:11Z2018-01-11T20:47:11ZExpérimentation animale, peut-on s’en passer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/201378/original/file-20180109-36034-xahea8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Rat de laboratoire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://de.wikipedia.org/wiki/Tierversuch#/media/File:Wistar_rat.jpg">Janet Stephens/Wikipedia</a></span></figcaption></figure><p>Le débat est récurrent, et parfois très violent : le recours aux modèles animaux en recherche biologique et médicale soulève de nombreux questionnements de la société. De même, les acteurs de cette recherche s’interrogent. S’il existe d’autres méthodes dites alternatives, pourquoi avoir encore recours aux modèles animaux ? Les principales questions qui se posent à ce sujet sont les suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Les humains ont-ils le droit d’utiliser les animaux en recherche ?</p></li>
<li><p>Les animaux sont-ils indispensables et/ou utiles aux progrès de la médecine ?</p></li>
<li><p>Les animaux souffrent-ils ?</p></li>
</ul>
<p>Le développement de la pratique du recours aux animaux en recherche biomédicale a été marqué au XIX<sup>e</sup> siècle par Claude Bernard, médecin et physiologiste, fervent défenseur de la méthode expérimentale. Dans l’<a href="http://www.gutenberg.org/ebooks/16234?msg=welcome_stranger">« Introduction à l’étude de la médecine expérimentale »</a> publiée en 1865, il écrivait : </p>
<blockquote>
<p>« On ne pourra arriver à connaître les lois et les propriétés de la matière vivante qu’en disloquant les organismes vivants pour s’introduire dans leur milieu intérieur. Il faut donc nécessairement, après avoir disséqué sur le mort, disséquer sur le vif, pour mettre à découvert et voir fonctionner les parties intérieures ou cachées de l’organisme ; c’est à ces sortes d’opérations qu’on donne le nom de vivisections, et sans ce mode d’investigation il n’y a pas de physiologie ou de médecine scientifique possible. »</p>
</blockquote>
<p>Il affirmait ainsi la nécessité d’expérimenter sur les animaux vivants. Néanmoins, il se posait la question du droit à le faire : </p>
<blockquote>
<p>« A-t-on le droit de faire des expériences et des vivisections sur les animaux ? Quant à moi je pense qu’on a ce droit d’une manière entière et absolue… … il est essentiellement moral de faire sur un animal des expériences, quoique douloureuses pour lui, dès qu’elles peuvent être utiles pour l’homme. »</p>
</blockquote>
<p>Pour lui, ce qui ne serait pas moral, ce serait de ne pas chercher à améliorer la médecine des hommes quel qu’en soit le prix à payer par les animaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201377/original/file-20180109-36028-chsnxt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Claude Bernard et ses élèves.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Claude_Bernard_and_his_pupils._Oil_painting_after_Wellcome_L0006244.jpg#/media/File:Claude_Bernard_and_his_pupils._Oil_painting_after_L%C3%A9on-Augus_Wellcome_V0017769.jpg">Peinture de Léon Lhermitte</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>« Êtres sensibles »</h2>
<p>Le contexte actuel est bien différent de celui de Claude Bernard et les relations entre notre espèce et les autres animaux ne sont pas comparables. Quelques éléments récents témoignent de cette évolution.</p>
<ul>
<li><p>En 2016, la notion d’animal « être sensible », déjà dans le Code rural depuis 1976, apparaît dans le code civil.</p></li>
<li><p>En mai 2017, une expertise collective INRA et EFSA portant sur « La conscience animale » est publiée.</p></li>
<li><p>En juin 2017, l’Union européenne a lancé une plateforme sur le bien-être animal.</p></li>
</ul>
<p>La période récente a vu les opposants à l’utilisation des animaux en recherche faire entendre leurs voix. Leurs motivations sont diverses. La première d’entre elles est philosophique : toute utilisation des animaux par les humains, que ce soit pour se nourrir, se vêtir, ou faire des recherches scientifiques est à bannir. En effet, l’espèce humaine est une espèce parmi les autres et n’a aucun droit de disposer des animaux pour ses besoins. Le développement du mouvement vegan est l’expression la plus accentuée de cette philosophie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201381/original/file-20180109-36025-1lb2umb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Manifestation pour la cause animale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">bones64/Pixabay</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Un autre type de motivation est l’affirmation qu’il est impossible de transposer des faits biologiques de l’animal à l’humain. Dans un <a href="http://www.parismatch.com/Actu/Societe/Experimentation-animale-une-barbarie-injustifiee-animaux-cobayes-749126.">article de <em>Paris Match</em></a> de 2015, Claude Reiss, ancien directeur de recherche au CNRS et cofondateur du comité <a href="http://antidote-europe.org/">Antidote Europe</a> dont les objectifs sont d’informer à propos des « dégâts de l’expérimentation animale sur la santé humaine et sur l’environnement, et de promouvoir les méthodes substitutives » explique : « L’expérimentation animale est la préhistoire de la science. Utiliser des animaux comme modèles biologiques de l’être humain est un non-sens. Une espèce ne peut pas prédire l’effet d’une substance ou d’un médicament sur une autre espèce : c’est une loi de la biologie. Le chimpanzé, dont le génome présente 98,5 % d’homologie avec celui de l’homme, est insensible au virus du sida. »</p>
<p>Hormis ces positions radicales, qu’elles défendent l’expérimentation animale à tout prix ou qu’elles la rejettent complètement, des questions continuent à se poser, tant du côté du public, que des chercheurs. Un élément de réponse est la législation. La qualité d’« êtres sensibles » introduite dans le Code civil français en 2016 était en réalité déjà opérante depuis la Loi sur la Protection de la nature (1976). Article L214-1 du Code rural : « Tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce. » De ce fait, il n’est plus possible de se donner seulement des droits, il faut aussi assumer des devoirs envers les animaux.</p>
<h2>Règlementation européenne</h2>
<p>La réglementation actuelle repose sur la <a href="http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32010L0063&from=EN">Directive européenne 2010/63/UE</a> concernant les animaux utilisés à des fins scientifiques : datant de 2010, elle a été transposée en droit français en 2013. Elle s’applique aux vertébrés et aux céphalopodes. Elle encadre les pratiques, pour l’essentiel :</p>
<ul>
<li><p>Les conditions d’élevage et d’hébergement des animaux doivent obéir à des normes.</p></li>
<li><p>Les personnes qui expérimentent doivent avoir une compétence adéquate.</p></li>
<li><p>Les projets de recherche doivent être autorisés par le ministère chargé de la recherche après avis favorable d’un comité d’éthique, lui-même enregistré auprès du ministère.</p></li>
</ul>
<p>Le préambule de la directive européenne précise les objectifs de cette réglementation en 46 considérants. Le considérant 11 affirme la volonté de protection des animaux utilisés en recherche : </p>
<blockquote>
<p>« Il y a lieu d’envisager systématiquement les principes de remplacement, de réduction et de raffinement lors de la mise en œuvre de la présente directive. »</p>
</blockquote>
<p>Ces principes éthiques ont été énoncés par <a href="http://altweb.jhsph.edu/pubs/books/humane_exp/het-toc">W.M.S. Russell and R.L. Burch</a> en 1959 pour limiter les souffrances subies par les animaux tout au long de leur vie. On les désigne par « les 3R » : Reduction – Refinement – Replacement :</p>
<ul>
<li><p>La réduction est la diminution du nombre des animaux utilisés.</p></li>
<li><p>Le raffinement désigne l’amélioration à la fois des conditions de vie des animaux (logement, enrichissement du milieu permettant d’exprimer des comportements propres à chaque espèce…) et des conditions d’utilisation (recours à l’imagerie plutôt qu’à des méthodes invasives, utilisation raisonnée de l’analgésie et de l’anesthésie, mise en œuvre de grilles d’évaluation de l’état des animaux et définition de points limites…).</p></li>
<li><p>Le remplacement est le recours à des méthodes alternatives.</p></li>
</ul>
<p>Le considérant 10 de la directive européenne affirme que le recours à l’utilisation d’animaux en recherche est « nécessaire pour protéger la santé humaine et animale ainsi que l’environnement ». Cependant il pose également que « la présente directive représente une étape importante vers la réalisation de l’objectif final que constitue le remplacement total des procédures appliquées à des animaux vivants à des fins scientifiques et éducatives, dès que ce sera possible sur un plan scientifique. » Cette annonce de la disparition de la pratique de l’expérimentation animale dans le futur a soulevé des espoirs forts chez les opposants à l’expérimentation animale.</p>
<p>C’est probablement un des éléments qui a déclenché l’<a href="http://stopvivisection.eu/fr/">Initiative Citoyenne Européenne (ICE) Stop Vivisection</a> qui a été présentée à la Commission européenne en 2015. La demande portait sur l’abrogation de la directive pour la remplacer par un texte visant à renoncer progressivement à la pratique de l’expérimentation animale et rendant obligatoire l’utilisation – dans la recherche biomédicale et toxicologique – de données directement pertinentes pour l’espèce humaine.</p>
<p>La réponse de la Commission européenne a été d’une part de ne pas accepter d’abroger la directive ; d’autre part de s’engager à poursuivre des efforts pour l’application des <em>3R</em>, en particulier en organisant une conférence pour progresser vers l’objectif de la suppression progressive de l’expérimentation animale.</p>
<p>En décembre 2016, une Conférence scientifique <a href="http://ec.europa.eu/environment/chemicals/lab_animals/3r/pdf/scientific_conference/non_animal_approaches_conference_report.pdf">« Non-animal approaches, the way forward »</a> a donc été organisée à Bruxelles. Le programme portait d’une part sur des méthodes permettant de limiter la souffrance animale et d’autre part sur des méthodes alternatives. Mais cela n’a pas répondu à l’attente du mouvement Stop vivisection qui a organisé en parallèle une contre-conférence dont l’objectif principal était d’argumenter sur l’inutilité voire la nocivité des essais faits avec les animaux. Par la suite, comme cela était prévu, la Commission européenne a réexaminé la directive : la majorité l’a considéréee comme efficace et nécessaire et aucun amendement n’a été proposé.</p>
<h2>Incompréhensions de part et d’autre</h2>
<p>Toute cette affaire montre à quel point il existe une incompréhension entre les opposants à l’expérimentation animale et la communauté des chercheurs. Il est sans doute simpliste de penser qu’il y a d’une part des arguments subjectifs reposant sur la volonté de protéger les animaux et d’autre part des arguments scientifiques reposant sur la volonté de progresser en biologie et biomédecine.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/201376/original/file-20180109-36022-1y1nsh8.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Novossibirsk, un monument aux rongeurs de laboratoire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Monument_to_lab_mouse-1.JPG">Irina Gelbukh/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>De nombreux arguments scientifiques montrent que l’arrêt de l’expérimentation animale conduirait à un appauvrissement des travaux de recherche en biologie et médecine. Une grande partie des Prix Nobel de ces domaines ont été attribués pour des découvertes pour lesquelles le recours aux modèles animaux avait apporté des éléments décisifs, y compris pour les prix les plus récents.</p>
<p>Par ailleurs, il est difficile d’imaginer comment, sans aucun recours à des animaux vivants, par des méthodes <em>in vitro</em> ou des modèles mathématiques, on pourrait étudier les systèmes très complexes impliqués dans de nombreuses fonctions physiologiques et dans de nombreuses pathologies. On peut citer les recherches sur les maladies neurodégénératives, l’étude des processus tumoraux, les rôles et interrelations du microbiote intestinal… Les exemples sont nombreux. Précisons aussi que dans tous ces domaines de recherche, certains essais se font avec des animaux, mais d’autres font appel à des méthodes alternatives.</p>
<p>La question de la transposition de résultats scientifiques d’une espèce animale à une autre doit toujours être une préoccupation. Les vétérinaires savent bien que les maladies des animaux qu’ils ont à traiter ou leurs réactions aux traitements peuvent différer d’une espèce à une autre. Cependant, de très nombreuses similitudes existent et la connaissance des génomes montre la proximité entre certaines espèces animales et l’espèce humaine.</p>
<h2>Suivi des animaux</h2>
<p>Concrètement, <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/pid29417/utilisation-des-animaux-a-des-fins-scientifiques.html">comment se passe</a> une expérimentation sur les animaux ? On l’a dit, le projet doit être autorisé par le ministère chargé de la recherche après avis favorable d’un comité d’éthique qui veille à ce que l’objectif scientifique et les méthodes choisies soient valides, qu’il n’existe pas de méthodes alternatives permettant de ne pas utiliser d’animaux vivants, que toutes les mesures soient prises pour limiter toute souffrance des animaux.</p>
<p>Lors du déroulement, en plus de la responsabilité propre des chercheurs concernés, tout le personnel technique participe au suivi des animaux afin de garantir que leurs conditions de vie soient les meilleures possible. D’ailleurs, dans chaque établissement, une ou plusieurs personnes sont désignées comme responsables du bien-être des animaux. Toutes ces mesures sont indispensables pour que le respect dû aux animaux de laboratoire soit réel, mais aussi elles participent à la qualité des essais et améliorent l’acceptabilité des procédures par l’ensemble des personnels au contact des animaux.</p>
<p>En conclusion, le choix n’est pas entre modèles animaux <em>ou</em> méthodes alternatives mais plutôt dans la complémentarité en posant que le recours aux animaux ne se fera que lorsqu’il n’existe aucune autre possibilité. Pour les chercheurs et les personnels impliqués, la recherche animale est source de <a href="http://www.larecherche.fr/lanimal-de-lobjet-au-mod%C3%A8le">questionnements</a> et parfois de souffrance. S’il semble bien impossible de se passer des modèles animaux à court et moyen terme, le respect des animaux doit, au-delà de l’application de la réglementation, être au centre des réflexions éthiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/89413/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hélène Combrisson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les partisans et opposants de l’expérimentation animale s’affrontent durement. Retour sur les arguments des uns et des autres, les aspects juridiques et la reconnaissance des droits des animaux.Hélène Combrisson, Professeur émérite en physiologie et pharmacologie à l’école vétérinaire d'Alfort, comité d'éthique de l'Inserm, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/759472017-04-25T19:26:58Z2017-04-25T19:26:58ZComment la cause animale a investi les tribunaux<p>La tenue en mars 2017 du procès de l’<a href="http://www.la-croix.com/France/Justice/Douze-mois-prison-avec-sursis-requis-proces-abattoirs-Vigan-2017-03-24-1200834484">abattoir du Vigan</a> au tribunal correctionnel d’Alès (Gard) – dont <a href="http://www.lepoint.fr/societe/abattoir-du-vigan-verdict-attendu-en-fin-de-matinee-28-04-2017-2123291_23.php">la décision</a> a été rendue le 28 avril dernier – a mis en lumière le rôle que jouent les associations de défense des animaux dans l’engagement de procédures judiciaires.</p>
<p>Ce rôle était ici indirect : l’association L. 214 a rendu publics des faits sans saisir elle-même la justice. C’est le ministère public qui, après la mise en ligne des vidéos par l’association, a décidé l’engagement de poursuites – la couverture médiatique de ces vidéos n’ayant pu qu’inciter à le faire – à l’encontre des auteurs d’actes de maltraitance au sein de l’abattoir. L’association n’a ainsi pas porté plainte mais ses révélations ont suscité le déclenchement des poursuites.</p>
<h2>Du pénal aux juridictions administratives</h2>
<p>Il arrive que le rôle contentieux des organisations de défense des animaux prenne un tour plus direct. Elles saisissent alors elles-mêmes la justice pour y défendre leurs idées et leurs valeurs.</p>
<p>Pendant longtemps, ce mode d’action s’est limité à la matière pénale, les associations de défense animale se constituant partie civile lors de procès relatifs à des actes de maltraitance ou de cruauté.</p>
<p>Il s’est par la suite étendu à la contestation d’arrêtés ministériels et préfectoraux fixant les périodes de chasse. On ne compte plus, à cet égard, le nombre d’arrêtés annulés ou suspendus par la juridiction administrative à l’initiative de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008172907">LPO</a>, de l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008203596">Association pour la protection des animaux sauvages</a> ou de l’association <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000008207421">Vie et nature pour une écologie radicale</a>.</p>
<p>Encore <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do;jsessionid=1F60EC79A73A685B1CA60A211C18F4D3.tpdila22v_3?oldAction=rechExpJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000034078403&fastReqId=562558548&fastPos=754">très récemment</a>, un recours formé par la LPO a conduit à la suspension de la décision de la ministre de l’Environnement ordonnant à l’administration chargée de la police de la chasse de ne pas verbaliser les chasseurs tirant les oies cendrées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"828889100598013952"}"></div></p>
<h2>En France, des recours de plus en plus fréquents</h2>
<p>La nouveauté de ces dernières années tient à ce que le recours au juge comme moyen d’action militante tend à devenir plus fréquent et plus visible que par le passé.</p>
<p>Cet engouement pour la procédure contentieuse s’accompagne en outre d’un double changement. D’une part, il ne se limite plus aux animaux de compagnie et aux animaux sauvages mais concerne aussi les animaux de ferme. D’autre part, la saisine du tribunal ne vise plus seulement à défendre les animaux mais, plus largement, à faire évoluer le droit et la société en leur faveur.</p>
<p>Un tel mouvement est clairement à l’œuvre en France. Des actions en justice ont par exemple été menées contre les projets de fermes géantes, notamment devant le tribunal administratif de Limoges.</p>
<p>Sur recours du collectif <a href="https://l-pea.org/a-propos/">LPEA</a> (Lumière sur les pratiques d’élevage et d’abattage), le <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/07/29/97001-20160729FILWWW00251-creuse-une-ferme-des-mille-veaux-suspendue.php">tribunal</a> « a enjoint au préfet de la Creuse de constater la caducité » de l’arrêté autorisant l’exploitation d’une ferme des « mille veaux ».</p>
<p>De même, la décision d’inscrire la corrida au titre du patrimoine culturel immatériel (PCI) de la France a-t-elle été contestée devant les juridictions administratives par différentes organisations de défense des animaux : la Fondation Franz Weber, l’association « Robin des bois », les associations « Comité radicalement anti-corrida Europe » (CRAC) et « Droit des animaux ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"606450745559416832"}"></div></p>
<p>Le juge n’a pas eu à statuer sur leur demande, l’inscription de la corrida au PCI ayant entre-temps été abrogée (voir l’arrêt de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000030712623">cour administrative d’appel de Paris</a>, confirmé par le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?idTexte=CETATEXT000032940956">Conseil d’État</a>).</p>
<p>En revanche, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par le CRAC a elle été jugée par le Conseil constitutionnel dans une décision du <a href="http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2012/2012-271-qpc/decision-n-2012-271-qpc-du-21-septembre-2012.115564.html">21 septembre 2012</a>. Cette décision, en déclarant l’exception pénale en matière de corrida conforme à la Constitution, montre d’ailleurs l’effet boomerang que peut avoir une action contentieuse.</p>
<p>Le CRAC critiquait en l’espèce la constitutionnalité de la corrida, plus exactement le fait qu’elle soit interdite en tant qu’acte de cruauté dans presque toute la France mais autorisée malgré ce caractère dans les localités de traditions tauromachiques. Toutefois, le juge n’a pas seulement refusé de faire droit à sa demande ; il a donné à la corrida une onction de constitutionnalité en indiquant qu’elle était conforme à la Constitution. Difficile de faire pire scénario comme résultat d’une action en justice, qu’un gain donné à ses adversaires…</p>
<h2>Les États-Unis en première ligne</h2>
<p>Le même phénomène d’un droit et d’une justice saisis par les associations se retrouvent à l’étranger.</p>
<p>En Israël, par exemple, Noah (la Fédération israélienne des organisations de protection des animaux) a obtenu de la Cour suprême l’interdiction de la production du foie gras dans une <a href="http://versa.cardozo.yu.edu/opinions/">décision du 11 août 2013</a>. Les juges ont considéré que le gavage des oies et des canards était contraire aux dispositions de la loi sur la protection des animaux interdisant la torture, la cruauté et la maltraitance envers les animaux. Ils ont, en conséquence, annulé le règlement administratif qui autorisait ce procédé.</p>
<p>Aux États-Unis, de multiples actions ont également été menées devant les cours. Nombre d’entre elles, introduites au nom et pour le compte d’animaux détenus en captivité, ont eu pour objet d’obtenir leur libération.</p>
<p>Les organisations PETA et Next Friends ont ainsi demandé que plusieurs orques détenus par SeaWorld, en Californie, soient reconnus comme devant bénéficier du 13<sup>e</sup> Amendement à la Constitution américaine interdisant l’esclavage et le placement en servitude. Un juge de district de San Diego a rejeté leur recours par une décision du <a href="http://law.justia.com/cases/federal/district-courts/california/casdce/3:2011cv02476/367426/32/">2 février 2012</a>.</p>
<p>La démarche la plus aboutie dans ce processus est sans conteste celle de Steven Wise. Ce professeur de droit américain s’est entouré d’une équipe composée de juristes, de psychologues et de sociologues afin de déterminer la « <em>case</em> » qui pourrait convaincre un tribunal d’étendre aux animaux le droit d’utiliser la procédure d’<em>habeas corpus</em> (procédure qui, rappelons-le, permet à quiconque de saisir un juge en vue de vérifier qu’il ne se trouve pas indûment privé de liberté).</p>
<p>À la recherche de cette affaire idoine, son équipe s’efforce de trouver l’animal, les circonstances et le juge qui seraient le plus favorables à un changement de jurisprudence. Cette démarche n’a pour l’heure pas été couronnée de succès, tant elle est audacieuse ; elle retient néanmoins l’attention par son caractère professionnel et rationalisé (voir les explications fournies par le groupement dans l’espace <a href="https://www.nonhumanrightsproject.org/litigation/">« litigation »</a> du Nonhuman Rights Project).</p>
<p>Elle illustre en outre parfaitement ce mouvement, à l’œuvre un peu partout, de judiciarisation de la cause animale.</p>
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<figcaption><span class="caption">Conférence TED de Steven Wise sur les droits des animaux (2015).</span></figcaption>
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<h2>Des actions efficaces appelées à se développer</h2>
<p>Pour les organisations animalistes, le recours au juge est complémentaire à d’autres formes d’action plus classiques que sont l’information du public, le lobbying, l’appel au boycott ou l’organisation de manifestations. Nul doute qu’il est appelé à poursuivre son développement, tant il est de nature à produire un résultat efficace.</p>
<p>Il permet en effet, ni plus ni moins, de changer le droit, et souvent de façon durable. Un procédé préjudiciable aux animaux est autorisé (le gavage, la chasse) ; par l’intervention du juge, il devient interdit. Le droit change ainsi par le recours au tribunal, sans passer par la voie législative ni l’action administrative.</p>
<p>De façon plus spécifique (et ancienne), l’utilisation de la voie judiciaire participe à l’effectivité des dispositions pénales incriminant les actes de cruauté ou de maltraitance. Les associations assurent en effet une mission de vigilance sur les personnes utilisant des animaux, tels les exploitants agricoles et les laboratoires. En ayant le pouvoir, à tout moment, de porter plainte ou de se constituer partie civile, elles les obligent à un respect scrupuleux de la réglementation.</p>
<p>On relèvera, pour terminer, que la possibilité de saisir le juge pour assurer la défense d’animaux n’est plus seulement le fait d’individus ou de groupements. De telles actions peuvent aussi être mises en œuvre par un État mettant en cause les pratiques commises par un autre État. Ceci s’est produit, à une reprise au moins, à propos de la chasse à la baleine. L’Australie a en effet saisi la Cour internationale de justice en 2010 pour faire constater que le Japon violait le moratoire de 1982 l’ayant interdit. Dans une décision rendue le <a href="http://www.icj-cij.org/docket/files/148/18163.pdf">31 mars 2014</a>, la Cour a reconnu la violation du moratoire et rappelé au Japon ses obligations.</p>
<p>Ce précédent a toutefois vocation à demeurer isolé car, d’un point de vue diplomatique, il demeure délicat pour un État d’attaquer en justice un autre État. La judiciarisation de la cause animale demeurera l’affaire de groupements privés et non d’acteurs étatiques.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/75947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Le Bot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage de la judiciarisation croissante de la cause animale en France.Olivier Le Bot, Professeur de droit public, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.