tag:theconversation.com,2011:/us/topics/referendum-dinitiaive-populaire-rip-64100/articlesréférendum d'initiaive populaire (RIP) – The Conversation2023-05-04T20:16:22Ztag:theconversation.com,2011:article/2050452023-05-04T20:16:22Z2023-05-04T20:16:22ZRéférendum d’initiative partagée : la réforme souhaitée par Emmanuel Macron fera-t-elle bouger les lignes ?<p>Le discours d'Emmanuel Macron quant à un possible assouplissement <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2023/10/04/emmanuel-macron-propose-de-reviser-la-constitution-sur-le-champ-du-referendum-et-sur-le-referendum-d-initiative-partage_6192402_823448.html">des conditions de mise en œuvre du référendum d’initiative partagée</a> pourra-t-il vraiment faire évoluer cette disposition et la portée politique de cet outil ? </p>
<p>Récemment, deux propositions de référendum d’initiative partagée (RIP) prévoyant de limiter l’âge de départ à la retraite à 62 ans (proposition n°959 du 20 mars 2023 et proposition n°530 du 13 avril 2023) avaient été rejetées par le Conseil constitutionnel (CC), une première fois le <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20234RIP.htm">14 avril</a> et une seconde fois le <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20235RIP.htm">3 mai 2023</a>.</p>
<p>Cela porte à cinq <a href="https://theconversation.com/le-referendum-dinitiative-partagee-un-instrument-democratique-neutralise-193869">les tentatives d’utilisation du RIP</a>, après la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/273802-cloture-du-referendum-dinitiative-partagee-sur-la-privatisation-dadp">l’exploitation des aérodromes de Paris</a> (2019), celle de programmation pour garantir un <a href="https://www.la-croix.com/France/Hopital-public-Conseil-constitutionnel-rejette-referendum-dinitiative-partagee-2021-08-06-1201169727">accès universel à un service public hospitalier de qualité</a> (2021) et celle sur la création <a href="https://www.liberation.fr/politique/taxation-des-superprofits-le-projet-de-referendum-de-la-nupes-retoque-20221025_EYLVVAMQZFBPFHQKXSAE4MVAPY/?redirected=1">d’une taxe sur les superprofits</a> (2022).</p>
<p>Le CC doit en effet assurer le contrôle préalable de la proposition référendaire prévue à l’article 11 de la constitution. À ce titre, le juge a vérifié que les deux propositions étaient soutenues respectivement par 252 et 253 parlementaires sachant que le minimum exigé est d’un cinquième des parlementaires (soit 185). De plus une proposition de référendum ne peut pas avoir pour objet d’abroger une loi promulguée il y a moins d’un an. Le CC s’est prononcé sur ce point en prenant en compte la <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/20191RIP.htm">date d’enregistrement de la proposition</a>, soit le 23 mars et le 13 avril. Or à cette date, la loi portant l’âge de départ à la retraite à 64 ans n’était pas promulguée : la condition était donc remplie.</p>
<p>Par les décisions du 14 avril et du 3 mai le CC a cependant fermé la possibilité d’organiser un RIP portant sur le maintien de l’âge de départ de la retraite, en confirmant l’interprétation restrictive de l’objet du référendum, tout en précisant que le pouvoir du peuple est encadré par la constitution et en contribuant à confiner le RIP dans un rôle d’instrument de l’opposition parlementaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-conseil-constitutionnel-a-deja-pris-des-decisions-plus-politiques-que-juridiques-lexemple-des-langues-dites-regionales-203771">Le Conseil Constitutionnel a déjà pris des décisions plus politiques que juridiques : l’exemple des langues dites régionales</a>
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<h2>Une interprétation restrictive de l’objet d’un référendum</h2>
<p>L’article 11 de la constitution prévoit que la question posée par la proposition doit porter « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent ». Or, si le plafonnement de l’âge de la retraite à 62 ans concernait évidemment le domaine de la <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/20212RIP.htm">politique sociale</a>, encore fallait-il que cette proposition constitue une « réforme ». Ce point précis n’avait pas été retenu dans la décision n°2022-3 RIP du 25 octobre 2022 justement en raison du défaut d’ampleur et de pérennité de la mesure objet de la proposition (taxe sur les superprofits).</p>
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<p>Il s’agissait donc de savoir si la règle en vigueur (âge de départ à la retraite fixé à 62 ans) était identique à celle proposée (l’âge de la retraite ne peut être supérieur à 62 ans). Sur ce point, le CC précise dans la décision du 14 avril :</p>
<blockquote>
<p>« la proposition de loi visant à affirmer que l’âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans n’emporte pas de changement de l’état du droit. »</p>
</blockquote>
<p>Cette affirmation nous paraît être un amalgame. En effet, il y a évidemment une différence entre fixer un âge et fixer un plafonnement à cet âge. En réalité le CC fait une confusion entre d’une part l’existence ou non d’une nouvelle règle (donc celle d’une « réforme ») et d’autre part la possibilité qu’une telle norme soit adoptée par référendum. Certes, le juge est habilité dans le cadre du contrôle qu’il opère à se prononcer sur ces deux questions. Mais leur objet est distinct.</p>
<p>Les deux propositions de référendum prévoyaient ainsi de fixer un plafond c’est-à-dire un âge maximum de départ à la retraite qui se serait imposé au législateur. Or, on sait que le législateur n’est pas compétent pour s’auto-limiter et que <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/1982/82142DC.htm">seule une norme constitutionnelle peut le faire</a>.</p>
<p>Donc, fixer un plafond revient à produire une interdiction contraire aux normes constitutionnelles. Le CC étant compétent pour <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028278925/">contrôler le respect de l’ensemble des normes constitutionnelles</a>, pouvait estimer que la proposition était non conforme parce qu’elle violait une norme constitutionnelle. Cependant ce n’est pas le parlement qui est amené in fine à se prononcer sur cette proposition, mais bien le peuple.</p>
<h2>Un pouvoir du peuple encadré par la constitution</h2>
<p>À ce stade la question devient beaucoup plus délicate. Il s’agit de se prononcer non plus sur le pouvoir du parlement de s’autolimiter mais sur celle du peuple de limiter le pouvoir du législateur.</p>
<p>Le CC devait donc se prononcer sur la nature du pouvoir dont dispose le peuple lorsqu’il adopte une proposition par référendum. Le CC a retenu ici une approche fonctionnelle du peuple en considérant que ce dernier, sollicité sur la base du RIP, remplace le parlement et a les mêmes pouvoirs et limites.</p>
<p>D’une part :</p>
<blockquote>
<p>« le législateur peut toujours modifier, compléter ou abroger des dispositions législatives antérieures, qu’elles résultent d’une loi votée par le Parlement ou d’une loi adoptée par voie de référendum » (donc en admettant que la proposition soit adoptée par référendum elle pourra être modifiée par le parlement, auquel elle ne s’impose nullement)</p>
</blockquote>
<p>D’autre part :</p>
<blockquote>
<p>« ni la circonstance que ses dispositions seraient adoptées par voie de référendum ni le fait qu’elles fixeraient un plafond contraignant pour le législateur ne permettent davantage de considérer que cette proposition de loi apporte un changement de l’état du droit » (nouvelle confusion entre le pouvoir du peuple et le caractère novateur de la proposition).</p>
</blockquote>
<p>C’est une évolution notable de la position antérieure du CC selon laquelle « les lois adoptées par le peuple à la suite d’un référendum, constituent l’expression directe de la souveraineté nationale » justifiant qu’elles ne soient pas contrôlées contrairement à <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/cons/id/CONSTEXT000017665198">celles produites émises par le parlement</a>.</p>
<p>Il est vrai que cette jurisprudence avait été émise avant la <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/268318-la-reforme-de-2008-sur-la-modernisation-des-institutions">révision de la constitution de 2008</a> introduisant le RIP et son contrôle.</p>
<h2>Un RIP confiné au rôle d’instrument de l’opposition parlementaire</h2>
<p>Par ailleurs, les décisions du 14 avril et du 3 mai 2023 participent à la tendance qui réduit le RIP <a href="https://theconversation.com/le-referendum-dinitiative-partagee-un-instrument-democratique-neutralise-193869">à une manœuvre parlementaire</a> dans le droit fil de la décision du CC du 25 octobre 2022.</p>
<p>La procédure de dépôt d’une proposition de référendum apparaît ainsi moins comme une tentative de mettre en œuvre un mécanisme de démocratie directe qu’un moyen supplémentaire pour l’opposition de faire entendre sa voix et de peser dans son rapport de force politique avec l’exécutif.</p>
<p>Ainsi, la proposition déposée pour empêcher la privatisation d’Aéroports de Paris n’avait recueilli qu’un million de soutiens populaires mais avait tout de même convaincu le gouvernement de renoncer à cette privatisation.</p>
<p>À la différence de la saisine du CC par la minorité parlementaire pour contrôler la constitutionnalité des lois (article 61 de la constitution), cette arme de guérilla parlementaire risque de mettre le Conseil constitutionnel à rude épreuve car il pourrait apparaître comme celui qui empêche la consultation populaire, alors que ce contrôle préalable est nécessaire puisque le CC refuse de contrôler une loi adoptée par référendum (décision n°62-20 DC du 6 novembre 1962 et n°92-313 DC du 23 septembre 1992).</p>
<h2>Prudence institutionnelle</h2>
<p>De son côté l’opposition parlementaire a perfectionné sa stratégie d’usage du RIP. On a ainsi pu constater l’intensification du recours à la proposition référendaire : après une première proposition enregistrée le 23 mars, une nouvelle demande a été déposée le 13 avril 2023 donnant lieu aux deux décisions du CC.</p>
<p>Or, la seconde proposition constituait sans nul doute une amélioration de la première (au moins sur le plan formel) et cette activité de perfectionnement de la demande se serait certainement poursuivie par le dépôt d’une troisième demande à la suite de la décision du CC si le président de la République n’avait pas promulgué dans la nuit du 14 au 15 avril la loi sur la réforme de l’âge de départ à la retraite validée partiellement par le CC.</p>
<p>Cette pratique partisane du RIP incite le juge constitutionnel à adopter une fonction d’arbitre institutionnel entre opposition et majorité, d’autant plus délicate que les membres du Conseil sont nommés par des autorités politiques et que le contexte de majorité relative peut pousser le juge à favoriser la stabilité institutionnelle par prudence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205045/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Fougerouse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les récentes tentatives d’utilisation du RIP pour s’opposer à des projets gouvernementaux ont toutes été rejetées, une tendance qui interroge le rôle politique de cet outil.Jean Fougerouse, Maitre de conférences en droit public, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2034312023-04-13T17:51:07Z2023-04-13T17:51:07ZÀ 65 ans, la Vᵉ République devrait-elle partir à la retraite ?<p>Le mouvement social et le gouvernement ont attendu chacun de leur côté les décisions du Conseil Constitutionnel le 14 avril sur la conformité du projet de la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).</p>
<p>L'institution des « neuf sages » a tranché, <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/2023849DC.htm">en validant l'essentiel du texte gouvernemental</a> sur la réforme des retraites avec report du départ à 64 ans. Elle a en revanche rejeté la proposition d’un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/288693-referendum-sur-les-retraites-le-conseil-constitutionnel-saisi">référendum d’initiative partagée</a> (RIP) soumis par <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/04/11/reforme-des-retraites-le-referendum-d-initiative-partagee-porte-bien-sur-la-politique-sociale-de-la-nation_6169048_3232.html">la gauche sur le sujet</a>.</p>
<p>Cette séquence mouvementée – <a href="https://theconversation.com/retraites-comment-la-reforme-incarne-le-bras-de-fer-entre-le-pouvoir-et-la-rue-198083">commencée au début de l’année 2023</a> – concentre les différentes critiques adressées depuis plusieurs années au fonctionnement de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Si bien qu’il est possible de se poser la question de son essoufflement et de sa capacité à apporter de réponses aux demandes sociales et citoyennes.</p>
<h2>Une Constitution étonnamment longue ?</h2>
<p>Rappelons que le 4 octobre 2023, la Constitution de la V<sup>e</sup> République aura 65 ans, <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/histoire-politique-de-la-iiie-republique_0-1069587_9782707131195.html">égalant en longévité celle de la IIIᵉ République</a>. Cette constitution a en effet correspondu à des besoins en 1958 (un État fort, un exécutif restauré et indépendant, une prospérité rétablie et redistribuable, la grandeur de la France retrouvée) tout en étant baignée d’un halo de soupçon initial, tant le 13 mai 1958 est resté gravé comme un coup d’État, sinon <a href="https://blogs.mediapart.fr/paul-allies/blog/180620/de-gaulle-et-le-coup-d-etat-du-13-mai-1958">comme un coup politique</a> du « premier des Français », le général de Gaulle.</p>
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<figcaption><span class="caption">1958–1969 : La présidence de Charles de Gaulle (Ina).</span></figcaption>
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<p>Le texte constitutionnel a su déployer une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/03/13/dominique-rousseau-constitutionnaliste-il-faut-arreter-le-bricolage-le-moment-est-venu-de-changer-de-constitution_6165217_3232.html">réelle adaptabilité</a> en digérant la disparition de son fondateur, la crise sociale de mai 68, les alternances de 1981 et 2012, les cohabitations, les états d’urgence, la crise sanitaire liée Covid – sans parler de l’évolution du champ politique partisan – et une plasticité certaine. Elle a ainsi su intégrer les <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/la-constitution/quand-la-constitution-a-t-elle-ete-modifiee">24 révisions</a> qui ont sensiblement modifié les équilibres initiaux et dont le présent locataire de l’Élysée a contribué à accentuer la <a href="https://theconversation.com/moi-president-e-regle-n-2-hyper-president-e-tout-le-temps-167410">pente présidentialiste</a>.</p>
<p>Cette dynamique s’inscrit également dans les <a href="https://theconversation.com/travailler-plus-longtemps-mais-dans-quel-etat-le-cas-des-eboueurs-198888">mutations socio-économiques d’ampleur</a> (transformations des rapports capital/travail, question écologique et insertion dans la mondialisation libérale). Si le mouvement social actuel s’oppose certes au gouvernement sur la question du recul de l’âge de départ à la retraite, il incarne aussi, comme d’autres mouvements sociaux avant lui (<a href="https://theconversation.com/nuit-debout-des-indignes-pas-comme-les-autres-59707">Nuits debout</a> ou les « gilets jaunes »), une <a href="https://theconversation.com/vivons-nous-une-ere-de-soulevements-200950">contestation plus large</a> du système politique français tout entier, postulant l’essoufflement de la V<sup>e</sup> République.</p>
<p>Cet essoufflement repose en effet sur une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/une-republique-a-bout-de-souffle-fabien-escalona/9782021530148">série d’observations établies</a> à partir des pratiques institutionnelles qui ont déjà été relevées par divers commentateurs de la vie politique française convoquant des analyses <a href="https://www.odilejacob.fr/catalogue/sciences-humaines/sciences-politiques/six-theses-pour-la-democratie-continue_9782738149985.php">juridiques</a>, <a href="https://www.editionspoints.com/ouvrage/misere-de-la-ve-republique-francois-bastien/9782757803950">politiques</a>, sociologiques, historiques. </p>
<p>Il semble pertinent de mettre en exergue quatre grands domaines qui caractérisent l’essoufflement du régime politique français.</p>
<h2>Un hyperprésident dans une tour d’ivoire</h2>
<p>Le premier point est d’évidence celui signalé par la posture du président de la République. Qu’il soit qualifié d’« hyper-président » ou de <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-le-president-qui-se-veut-jupiterien-77815">« Président jupitérien »</a>, ces signifiants soulignent la <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-est-il-un-president-anormal-85376">posture en surplomb</a> de l’hôte de l’Élysée, sorte de tour d’ivoire depuis laquelle il s’adresse avec <a href="https://www.liberation.fr/idees-et-debats/lhistorien-pierre-rosanvallon-il-y-a-chez-emmanuel-macron-une-arrogance-nourrie-dignorance-sociale-20230403_HEYZOLZ3XJDD7J57UYTVZ44DHM/">arrogance, morgue et parfois dédain</a> à la foule ou au peuple selon l’intérêt supposé.</p>
<p>Les conséquences de cet <a href="https://www.mediapart.fr/journal/politique/210323/macron-la-verticale-du-vide">exercice vertical du pouvoir</a> sont connues dans une forme de <a href="https://theconversation.com/emmanuel-macron-la-verticale-du-vide-202672">« diagonale du vide »</a> : distance, isolement, concentration du pouvoir, prise de décision seul ou en petits comités (le critiqué conseil de défense sanitaire), absence de transparence, et au final si opposition il y a, <a href="https://www.humanite.fr/societe/mobilisations-retraites/pour-le-syndicat-des-avocats-de-france-il-y-une-volonte-d-intimider-et-de-ficher-787589">autoritarisme, mesures sécuritaires et violences policières assumées</a>.</p>
<p>Une pente dangereuse qui s’est renforcée progressivement depuis les années 2010 à l’occasion des manifestations contre la loi travail en 2016 puis contre les « gilets jaunes » et enfin présentement en 2023.</p>
<h2>La technocratisation des institutions</h2>
<p>Le second domaine est à rechercher du côté de ce que l’on nomme pudiquement la « modernisation des institutions ». Elle se révèle être une bureaucratisation, une technocratisation sinon une forme « d’expertisation » comme le rappelle l’affaire des <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/emmanuel-macron/enquete-affaire-mckinsey-une-ancienne-cadre-decrit-des-prestations-qui-auraient-du-etre-facturees-et-declarees-dans-les-comptes-du-candidat-macron_5750162.html">cabinets privés d’audit récemment décriés</a> au soubassement de toute action publique, supposée être fondée sur l’efficacité, la compétence technique, la rapidité et la réponse adéquate avec ou sans évaluation.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’affaire McKinsey et son rôle dans l’élection présidentielle de 2017 (France Info).</span></figcaption>
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<p>Observée dès 1958, cette tendance assumée par tous les pouvoirs a contribué à la <a href="https://theconversation.com/reforme-des-retraites-par-quels-moyens-legislatifs-le-gouvernement-peut-il-la-faire-adopter-197929">relégation de la délibération parlementaire</a>, procédure démonétisée au point paroxysmique de la <a href="https://retraitesinconstitutionnelles.wordpress.com/2023/04/04/les-habits-inconstitutionnels-dune-reforme">présente réforme des retraites</a>.</p>
<h2>Un Parlement contraint et des contre-pouvoirs réduits</h2>
<p>Le troisième domaine renvoie aux moyens institutionnels et politiques de limiter les contre-pouvoirs. En premier lieu, les procédures et dispositifs du régime parlementaire rationalisé : cela signifie l’encadrement juridique des relations entre Parlement et gouvernement afin de permettre à ce dernier de gouverner en l’absence de majorité à l’Assemblée nationale.</p>
<p>Avec l’apparition du <a href="https://books.openedition.org/pum/8374?lang=fr">fait majoritaire parfait en 1962</a> (alignement des trois majorités), ces dispositifs constitutionnels (le plus connu étant le 49.3) sont devenus une arme pour le gouvernement afin de discipliner l’Assemblée nationale et passer en force en cas de besoin.</p>
<p>D’ailleurs il semble symptomatique de constater que c’est à partir de la décision gouvernementale d’utiliser l’article 49.3 que le basculement semble s’être produit avec un double mouvement complémentaire d’élargissement et de radicalisation.</p>
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<img alt="Immense manifestation du 23 mars 2023 en défense des retraites, à Paris, après l’usage du 49.3 par le gouvernement" src="https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520296/original/file-20230411-28-4d8k1u.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Immense manifestation du 23 mars 2023 en défense des retraites, à Paris, après l’usage du 49.3 par le gouvernement.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/52766726276/">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Lors de la présente séquence sociale, tous les autres moyens disponibles pour contraindre le Parlement ont ainsi été mobilisés par le gouvernement (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000006527525/2005-03-02">article 47.1</a> qui permet de saisir le Sénat pour examiner un projet de loi, article 44-3 ou technique dite du <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241038">vote bloqué</a>).</p>
<p>Même le Conseil Constitutionnel, instauré pour assurer la conformité des lois à la constitution, <a href="http://www.editionsamsterdam.fr/la-constitution-maltraitee/">semble maltraiter la Constitution</a> au point de révéler sa nature essentiellement politique en soutien à l’exécutif et non présenter les contours d’une véritable cour constitutionnelle.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/au-conseil-constitutionnel-les-anciens-presidents-de-la-republique-pourraient-ils-etre-les-remparts-des-droits-et-libertes-195377">Au Conseil constitutionnel, les anciens présidents de la République pourraient-ils être les remparts des droits et libertés ?</a>
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<h2>Des élus locaux déstabilisés</h2>
<p>D’autres contre-pouvoirs ont aussi vu leurs champs d’action réduits. Plusieurs recherches ont montré comment les collectivités territoriales ont été <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-science-politique-2020-1-page-75.htm">contraintes et soumises</a> à des décisions prises <a href="https://www.berger-levrault.com/fr/communique-de-presse/le-pilotage-des-politiques-publiques-locales-de-la-planification-a-levaluation/">par le pouvoir central</a>.</p>
<p>Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation ou le transfert de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/maires-demissionnaires-la-cote-d-or-se-trouve-dans-le-top-5-2749202.html">nombreuses compétences</a> vers les intercommunalités ont interrogé les élus locaux qui se sentent dépourvus de leviers d’action et questionnent <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/congres-des-maires-qu-attendent-les-elus-de-la-deambulation-d-emmanuel-macron">leur engagement politique</a>.</p>
<p>Ce travail de sape des contre-pouvoirs via les corps intermédiaires a également touché les partis politiques de gouvernement malmenés depuis 2017 (le PS, puis la droite). De même, les associations sont un peu partout en France obligées de <a href="https://lemouvementassociatif-pdl.org/contrat-engagement-republicain-qu-est-ce/">signer un contrat républicain</a> sous peine de ne plus obtenir de subventions publiques. Les syndicats ont été quant à eux dépréciés en tant que partenaire social, exception faite de la situation actuelle qui semble contribuer à un <a href="https://theconversation.com/la-fin-du-syndicalisme-vivant-106759">regain de militantisme</a>.</p>
<h2>Le peuple, ce « mineur constitutionnel »</h2>
<p>Enfin, le quatrième domaine porte sur le peuple, <a href="https://sciencespo.hal.science/hal-03095148/">ce « mineur » constitutionnel</a> qui est pourtant la matrice existentielle de tout régime politique démocratique. Si le texte constitutionnel y fait référence à de nombreuses reprises et la justice française est rendue en son nom, le peuple est maintenu en lisière de la décision politique alors qu’il est le souverain.</p>
<p>Certes, la souveraineté nationale conduit à déléguer aux représentants du peuple la tâche d’adopter la loi dans le respect de la Constitution, ce qui ne le mobilise qu’à intervalles réguliers (les élections nationales).</p>
<p>En dehors, il ne lui reste plus que les corps intermédiaires (malmenés) ou la rue pour revendiquer et s’exprimer. Son incapacité constitutionnelle à agir et décider par lui-même (le référendum étant initié par le président de la République ou par des parlementaires selon l’article 11), le confine à un rôle de spectateur, sinon d’abstentionniste. Les seconds tours de la présidentielle de 2022 (28,01 %) et des législatives de 2022, (53,77 %) ont atteint des <a href="https://theconversation.com/la-cause-cachee-de-la-montee-de-labstention-180152">scores d’abstention</a> parmi les plus élevés de la V<sup>e</sup> République.</p>
<h2>Une crise de légitimité démocratique profonde</h2>
<p>Par ailleurs, les enjeux écologiques, affichés pourtant <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/ecologie">comme prioritaires</a> par le quinquennat, semblent faire l’objet d’actes relativement <a href="https://reporterre.net/Macron-youtubeur-sur-l-ecologie-mais-creux-sur-les-reponses">timorés</a> face aux crises climatiques en cours, voire sont négligés alors même que les <a href="https://theconversation.com/barrages-et-reservoirs-leurs-effets-pervers-en-cas-de-secheresses-longues-111583">alertes se multiplient</a>.</p>
<p>Or, la Constitution n’offre aucune ressource pour aborder correctement et pleinement cette problématique. En témoigne la Convention citoyenne sur le Climat convoquée par le président de la République en 2019 mais dont les résultats ont été presque tous <a href="https://theconversation.com/comment-rendre-les-conventions-citoyennes-pour-le-climat-encore-plus-democratiques-201521">ignorés par le pouvoir</a>, à l’instar des <a href="https://theconversation.com/pouvoir-vivre-dignement-une-doleance-absente-de-la-campagne-presidentielle-180259">doléances</a> exprimées par les « gilets jaunes ». </p>
<p>Face à cette <a href="https://www.humanite.fr/en-debat/debats/retraites-quelle-issue-la-crise-sociale-et-politique-35-789747">crise démocratique</a> qui interroge la légitimité du régime actuel, et dans la perspective de régénérer les institutions, il semble que la question n’est pas tant de changer <em>la</em> constitution que <em>de</em> constitution, en pensant la transformation du texte constitutionnel à partir des besoins sociaux actuels tout autant que ceux de demain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Porteilla ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La séquence sociale et politique actuelle, dans son opposition au projet de réforme des retraites incarne aussi une contestation plus large du système politique français tout entier.Raphaël Porteilla, Maître de conférence en sciences politiques, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1938692022-11-30T17:54:51Z2022-11-30T17:54:51ZLe référendum d’initiative partagée, un instrument démocratique neutralisé<p>La proposition de <a href="https://theconversation.com/le-referendum-un-outil-a-ameliorer-132631">référendum d’initiative partagée</a> (RIP) sur la création d’une <a href="https://www.liberation.fr/politique/taxation-des-superprofits-le-projet-de-referendum-de-la-nupes-retoque-20221025_EYLVVAMQZFBPFHQKXSAE4MVAPY/?redirected=1">taxe sur les superprofits</a> soutenue par la Nupes a été rejetée par décision du Conseil constitutionnel le 25 octobre 2022. Il s’agit de la troisième tentative d’utilisation du RIP, après la proposition de loi visant à affirmer le caractère de service public national de <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/20191RIP.htm">l’exploitation des aérodromes de Paris</a> (2019) et celle de programmation pour garantir un <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2021-2-rip-du-6-ao%C3%BBt-2021-communique-de-presse">accès universel à un service public hospitalier de qualité</a> (2021).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/et-si-les-citoyens-participaient-aux-referendums-inities-par-le-president-187378">Et si les citoyens participaient aux référendums initiés par le président ?</a>
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<p>En fermant la possibilité d’organiser un RIP, la décision du Conseil constitutionnel confirme la tendance à la neutralisation de cet instrument démocratique et contribue à le cantonner dans un rôle d’arme de guérilla parlementaire.</p>
<h2>Le juge constitutionnel devait trancher</h2>
<p>La proposition d’une taxation des profits réalisés par les grandes entreprises à l’occasion de conjonctures défavorables (pandémie de Covid, guerre en Ukraine) remplissait la condition d’être soutenue par un cinquième des parlementaires (185) puisqu’elle a recueilli <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0270_proposition-loi">242 signatures</a>.</p>
<p>Dès lors, le Conseil constitutionnel doit contrôler le respect des dispositions de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/article_lc/LEGIARTI000019241004/">l’article 11 de la Constitution</a> par la proposition, ce qui impose notamment de vérifier que son objet entre dans les domaines fixés par ce même article. Or, par sa <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/20223RIP.htm">décision du 25 octobre</a>, le Conseil a estimé ce n’était pas le cas.</p>
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<p>Une proposition de RIP peut porter (depuis la réforme constitutionnelle de 1995) « sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions ».</p>
<p>Il est clair que la proposition défendue par la Nupes ne pouvait se rattacher qu’à « la politique économique de la nation ». Or, le juge constitutionnel devait se prononcer pour la première fois sur ce point, car dans les deux précédentes décisions rendues à propos d’un RIP, le juge avait reconnu que les propositions entraient dans le champ de l’article 11 puisqu’elles avaient porté sur un <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/20191RIP.htm">service public</a> et sur la <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2021-2-rip-du-6-ao%C3%BBt-2021-communique-de-presse">politique sociale</a>.</p>
<h2>Une interprétation restrictive du domaine du référendum</h2>
<p>Deux questions complémentaires devaient obtenir une réponse positive pour que la proposition entre dans le champ de l’article 11 : la proposition relevait-elle du domaine « économique » ? Constituait-elle une « réforme » relative à une « politique » ?</p>
<p>Contrairement aux constitutions <a href="https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-1999-2-page-73.htm">italienne</a> ou <a href="https://mjp.univ-perp.fr/constit/pt1976a.htm">portugaise</a>, une proposition de nature fiscale n’est pas exclue explicitement par la constitution française. Le juge constitutionnel n’a d’ailleurs pas écarté explicitement un tel type de proposition, pour autant qu’elle s’insère dans une réforme relative à une politique.</p>
<p>En revanche, le juge a estimé que la proposition ne constituait pas une « réforme » relative à une « politique » car elle se limitait à « abonder le budget de l’État par l’instauration… d’une mesure qui se borne à augmenter le niveau de l’imposition existante des bénéfices de certaines sociétés » et avait seulement un caractère temporaire (« jusqu’au 31 décembre 2025 »).</p>
<p>Plus largement, on peut considérer que le juge retient une interprétation restrictive du domaine du référendum, s’écartant du principe de l’article 3 de la constitution selon lequel « la souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum ».</p>
<h2>Une procédure ramenée au rôle d’arme de guérilla parlementaire</h2>
<p>La décision du 25 octobre 2022 contribue à cantonner la procédure de l’article 11 à une manœuvre parlementaire. Elle participe à installer la procédure de dépôt d’une proposition de référendum dans une logique d’opposition politique à l’exécutif.</p>
<p>Autrement dit, le dispositif mis en place à l’article 11 pourrait apparaître en pratique comme une compensation de la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2011-2-page-115.htm?contenu=article">faible capacité d’action de l’opposition parlementaire</a>. Et cette démarche a porté ses fruits de manière indirecte si l’on se réfère au précédent de la proposition déposée pour empêcher la <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/la-privatisation-d-aeroports-de-paris-reportee_2120612.html">privatisation d’Aéroports de Paris</a> : celle-ci n’a recueilli qu’un million de soutiens populaires mais a convaincu le gouvernement de renoncer à cette privatisation.</p>
<p>La tendance à utiliser la voie du RIP comme instrument de pression parlementaire par l’opposition est confortée par le nombre élevé de signatures exigées. En effet, même si le juge constitutionnel valide la proposition, il faut encore recueillir l’appui de 10 % du corps électoral (soit 4,7 millions de soutiens), qui devrait sans doute être revu à la baisse pour se rapprocher de la situation des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-droit-constitutionnel-2021-4-page-3.htm">pays qui pratiquent une initiative populaire du référendum</a>. D’ailleurs, si les signatures suffisantes sont recueillies, le parlement est saisi pour se prononcer sur la proposition et c’est seulement si les deux chambres n’ont pas examiné la proposition dans un <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000028278925/">délai de 6 mois</a> que le Président soumet la proposition au peuple.</p>
<p>Dès lors, la conception restrictive de l’objet du référendum par le Conseil participe à la neutralisation de cet outil – qui aurait pu être une façon de rééquilibrer les pouvoirs institutionnels, en tempérant le pouvoir exécutif et sa majorité et de revitaliser la démocratie – et tend à installer la procédure de l’article 11 dans un jeu purement institutionnel entre opposition et majorité.</p>
<h2>Le Conseil constitutionnel, soutien conjoncturel de la majorité ?</h2>
<p>Il est vrai que la réforme de la constitution en 1974 relative à la saisine du juge constitutionnel par 60 députés ou 60 sénateurs avait permis à l’opposition de</p>
<p>chercher dans le Conseil constitutionnel un <a href="https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/saisine-du-conseil-constitutionnel-pourquoi-giscard-a-t-il-donne-plus-de">arbitre ultime entre majorité et opposition</a>. Mais la démarche produit un effet objectif : le juge étant saisi, la loi est examinée par rapport à la constitution et l’opposition permet ainsi de vérifier la constitutionnalité des lois, dans l’intérêt général. Alors que dans le cadre de l’utilisation de l’article 11, il s’agit de plutôt d’une arme de guérilla parlementaire qui risque de mettre le Conseil constitutionnel à rude épreuve car il pourrait apparaître comme celui qui empêche la consultation populaire.</p>
<p>Certes le principe du contrôle est d’autant plus nécessaire que le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/cons/id/CONSTEXT000017665198#:%7E:text=dol%2C%20majeurs%20prot%C3%A9g%C3%A9s-,D%C3%A9cision%2062%2D20%20DC%20%2D%2006%20novembre%201962%20%2D%20Loi%20relative,octobre%201962%20%2D%20Incomp%C3%A9tence%20pour%20statuer">Conseil</a> se refuse à <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/les-decisions/decision-n-92-313-dc-du-23-septembre-1992-saisine-par-60-deputes#:%7E:text=par%2060%20d%C3%A9put%C3%A9s-,D%C3%A9cision%20n%C2%B0%2092%2D313%20DC%20du%2023,1992%20%2D%20Saisine%20par%2060%20d%C3%A9put%C3%A9s&text=SAISINE%20DEPUTES%20%3A,deuxi%C3%A8me%20alin%C3%A9a%2C%20de%20la%20Constitution.">exercer un contrôle sur les lois référendaires</a>. Cependant, une fermeture de l’accès au RIP fondée seulement sur le non-respect de son champ d’application nécessite d’être particulièrement motivée pour justifier la mise à l’écart du peuple et permettre aux auteurs de propositions de connaître le cadre dans lequel ces dernières seront acceptables.</p>
<p>Enfin, le rejet opéré par le Conseil constitutionnel est d’autant plus discutable que la probabilité d’obtenir les 4,7 millions de soutiens populaire paraît très faible. À moins que les plus critiques ne soutiennent que ce rejet est fondé sur l’idée que ces soutiens populaires auraient pu être réunis exceptionnellement dans un contexte de contestation sociale. Dans cette hypothèse, le juge constitutionnel s’écarterait de son rôle de filtrage des questions référendaires au profit d’une fonction d’arbitre institutionnel entre opposition et majorité : cette dernière étant relative, le juge constitutionnel serait-il été tenté de soutenir un système majoritaire issu du référendum de 1962 et mis à mal par les dernières élections législatives ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean Fougerouse ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le référendum d’initiative partagée (RIP) peut-il être un véritable outil démocratique ou est-il condamné à n’être qu’une arme de guérilla parlementaire ?Jean Fougerouse, Maitre de conférences en droit public, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1765932022-02-16T10:03:26Z2022-02-16T10:03:26ZLes consultations citoyennes peuvent-elles redéfinir la légitimité politique ?<p>Aurait-on vécu en France, d’autres crises économiques, sociales, sanitaires et environnementales si les citoyens avaient été consultés ?</p>
<p>Ces dernières années, on a pu constater la volonté de renforcer l’ancrage de la prise de décision publique sur les préférences citoyennes pour des raisons de transparence et d’efficacité de l’action publique.</p>
<p>Les décideurs politiques visent notamment à instaurer une gestion plus performante et plus démocratique au bénéfice des citoyens à l’exemple de la <a href="https://www.conventioncitoyennepourleclimat.fr/">Conférence citoyenne sur le climat</a> et le <a href="https://granddebat.fr/">« grand débat national »</a> sous l’égide de l’État pour faire suite à la <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/la-crise-des-gilets-jaunes-en-dix-dates-139738">crise des « gilets jaunes »</a>. Mais pas que, se sont aussi développés les <a href="https://www.cco-villeurbanne.org/a-propos/le-projet/">jurys citoyens</a>, les <a href="https://www.conseilscitoyens.fr/">conseils de citoyens</a>, les <a href="https://www.lotetgaronne.fr/fileadmin/mediatheque/Lot-et-Garonne/01-Documents/Actualites/05_2021/CCC-compte-rendu-et-annexes.pdf">conseils consultatifs de citoyens</a> et les <a href="https://caen.fr/conseils-de-quartiers">conseils de quartiers</a> dans les instances des collectivités territoriales. Ces outils permettent aux citoyens d’observer, d’amender, de proposer, de conseiller les décideurs politiques afin qu’ils puissent adapter les programmes d’action publique, juger des choix effectués et, des effets sur la collectivité.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quand-les-citoyens-evaluent-les-decisions-publiques-141749">Quand les citoyens évaluent les décisions publiques</a>
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<p>La crise sanitaire a fait émerger un écosystème citoyen au sein des collectivités territoriales autour d’un certain nombre d’outils de consultation : comité de citoyen de transparence aux <a href="https://www.martinique.gouv.fr/Actualites/Creation-d-un-comite-citoyen-de-transparence">Antilles</a> et, sur la métropole, la mise en place de <a href="https://www.tours.fr/services-infos-pratiques/726-comite-de-liaison-citoyen.htm">comité de liaison citoyen</a>, de <a href="https://www.grenoble.fr/1950-convention-citoyenne-covid-19.htm">convention citoyenne Covid-19</a>, de <a href="https://debats.bordeaux.fr/pages/commission-citoyenne-crise-sanitaire">commission citoyenne de crise sanitaire</a>. Ces différents outils ont pour objectif de faire participer les citoyens à la connaissance de la crise sanitaire et adapter et améliorer les décisions prises pour vivre avec la Covid-19.</p>
<p>Cette dynamique citoyenne s’est élargie au sein du gouvernement avec la création d’un <a href="https://www.franceinter.fr/societe/vaccination-covid-un-comite-de-citoyens-avec-qui-et-pour-quoi-faire">comité de citoyen sur la stratégie vaccinale</a>. Ces différentes instances citoyennes sont souvent à l’initiative des décideurs politiques en place.</p>
<h2>Des candidats à l’élection présidentielle encouragent le dialogue citoyen</h2>
<p>À ce jour, ce volontarisme politique s’observe principalement chez les candidats de gauche (<a href="https://melenchon2022.fr/programme/">Jean-Luc Mélenchon</a> ; <a href="https://www.2022avechidalgo.fr/notre_programme">Anne Hidalgo</a> ; <a href="https://www.fabienroussel2022.fr">Fabien Roussel</a> ; <a href="https://www.jadot2022.fr/programme">Yannick Jadot</a>) et d’extrême droite (<a href="https://mlafrance.fr/programme">Marine Le Pen</a>). Les autres candidats ne semblent pas s’y intéresser ou n’ont pas encore répondu dans ce sens.</p>
<p>Reste une question : celle du mode de prise en compte par ces candidats de ces consultations. En d’autres termes, faut-il muter d’une démocratie représentative à une démocratie directe ?</p>
<p>On pourrait ici faire référence au <a href="https://www.participation-et-democratie.fr/qu-est-ce-qu-un-jury-citoyen">Jury Citoyen</a> qui amène généralement la constitution d’un groupe de citoyens ordinaires (entre 15 et 25 personnes) tirés au sort et qui s’engage à être assidu tout au long d’un processus de délibération qui dure quelques jours. Les participants sont mis en situation d’apprentissage sous la coordination d’experts ou de représentants d’intérêts organisés : ils sont accompagnés jusqu’à la formulation de leur jugement. La décision finale, le « vote », résulte alors d’un débat public confrontant différents points de vue pour aboutir à un consensus.</p>
<p>Faut-il les rendre à l’avenir largement décisionnelles, c’est-à-dire inscrire la participation citoyenne dans la durée, par des échanges, des prises de position enchevêtrées mais aussi dissociées au fil du temps, en considérant l’avis, les besoins et les attentes des citoyens ? On pourrait ici faire référence aux <a href="https://conseilcitoyen-tg.fr/a-propos-du-conseil-citoyen">conseils citoyens</a> composés de deux collèges paritaires. Le premier concerne des habitants dits « citoyens ordinaires » tirés au sort ; le second est celui de représentants d’associations ou d’autres acteurs locaux (commerçants, professions libérales…).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/oqlOepv9KMI?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Ce maire varois propose une consultation citoyenne pour choisir qui parrainer à la présidentielle, BFMTV, 16 janvier 2022.</span></figcaption>
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<h2>Le RIC, un outil plébiscité par plusieurs candidats</h2>
<p>La crise des « gilets jaunes » et l’une de leur revendication les plus marquante, le Référendum d’Initiative Populaire (RIC) semblent avoir eu un effet chez de nombreux candidats.</p>
<p>Cet outil ressort pour approuver ou rejeter une politique mais souvent à la « sauce » des candidats : Référendum d’Initiative Populaire pour Marine Le Pen ; Référendum d’Initiative Citoyenne pour Jean-Luc Mélenchon, Anne Hidalgo et Yannick Jadot. Et pour <a href="https://d3n8a8pro7vhmx.cloudfront.net/fabienroussel2022/pages/217/attachments/original/1643038967/exe_la_france_des_jours_heureux_LIVRE_stc.pdf">Fabien Roussel</a>, un référendum pourra être déclenché lorsqu’un million de citoyens auront demandé à être consultés sur des questions relevant de l’organisation des pouvoirs publics, des changements constitutionnels, ou des traités internationaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-lurgence-democratique-commence-par-le-bas-109598">« Gilets jaunes » : l’urgence démocratique commence par le bas</a>
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<p>Toutefois, Anne Hidalgo, Yannick Jadot et Jean-Luc Mélenchon se démarquent en allant un peu plus loin dans l’institutionnalisation du partage de la décision avec les citoyens sur du long terme. Pour <a href="https://www.2022avechidalgo.fr/des_citoyens_acteurs_de_la_democratie_au_quotidien">Anne Hidalgo</a>, l’idée d’un Conseil de la Société Civile et une Conférence Départementale de la participation sera mise en place dans chaque département. <a href="https://www.lepoint.fr/politique/jadot-invite-la-societe-civile-dans-sa-campagne-via-un-conseil-de-la-democratie-30-10-2021-2449939_20.php">Yannick Jadot</a> a quant à lui, a invité la société civile à participer à sa campagne via un Conseil de la démocratie. Quant à la proposition de Jean-Luc Mélenchon, celle-ci semble aller encore plus loin, puisque son projet d’une nouvelle constitution, sous le contrôle des citoyens avec la création d’une <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/l-assemblee-constituante-voulue-par-jean-luc-melenchon-est-elle-possible-58777">Assemblée constituante</a>, participerait à la VI<sup>e</sup> République démocratique.</p>
<h2>Appel citoyen</h2>
<p>Dans ces différents contextes, les décisions ne seraient plus le fait d’un unique décideur tout puissant mais bien le fruit d’une concertation entre plusieurs parties prenantes ayant des intérêts différents.</p>
<p>Les citoyens, en observant et analysant l’action publique, en prodiguant des conseils et des recommandations aux autorités ayant une influence effective sur la décision publique œuvrent à la prise en compte des intérêts et des besoins des citoyens dans la gestion de tous types de crises. En contrepartie, ils sont informés, consultés et donc partie prenante de la décision publique.</p>
<p>Nous avons mené une <a href="https://blog.ecole-management-normandie.fr/fr/societe/consultation-citoyenne-a-vent-poupe-crise-sanitaire-de-2020/">étude</a> sur 315 personnes du 20 avril au 11 mai 2020, lors du premier confinement, sur la question de l’anticipation et de la gestion de la crise sanitaire dans ce cadre citoyen.</p>
<p>Les résultats montrent que les individus ont perçu un déficit d’information et de gestion collective durant la crise. Il ressort un besoin d’instauration d’instances citoyennes fondées sur la co-construction de l’action collective dans le domaine médical. Pour autant, cet écosystème citoyen montre que la démarche se déploie dans un schéma centraliste (les politiques restent les seuls décideurs), ce qui laisse peu de place aux citoyens dans le processus décisionnel.</p>
<h2>Crise de la légitimité politique</h2>
<p>On se retrouve ici confronté aux limites de l’exercice. Les décideurs politiques pensent avoir toute légitimité pour décider. Certains ne comprennent pas pourquoi les citoyens remettraient en cause leur mandat. Pour eux, le citoyen n’est pas reconnu comme <a href="https://www.publicsenat.fr/article/parlementaire/convention-citoyenne-les-senateurs-ecologistes-interpellent-gerard-larcher-qui">légitime pour codécider</a>.</p>
<p>Pourquoi, alors mettre en place des outils de participation citoyenne ? Les décideurs politiques cherchent-ils tout simplement à faire le « buzz » d’une véritable démocratie participative ? On constate que ces différentes instances citoyennes ne s’inscrivent pas durablement <a href="https://www.lejdc.fr/nevers-58000/actualites/les-conseils-citoyens-de-nevers-en-sommeil-les-raisons-d-un-echec_13738612/">dans le temps</a>.</p>
<p>Beaucoup d’entre elles sont en sommeil, certaines se sont éteintes d’elles-mêmes, d’autres vivotent, d’autres demeurent des <a href="https://www.europe1.fr/societe/cloture-de-la-convention-citoyenne-pour-le-climat-ses-membres-jugent-durement-lexecutif-4028239">effets d’annonce</a>. L’initiative alsacienne impulsée par les élus de sortir de la région Grand Est montre une volonté d’associer les citoyens à l’avenir de la région mais sera-t-elle suivi des faits ou est-ce un simple outil de communication ?</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/DDbLJAAoJNU?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Alsace : une consultation citoyenne pour sortir du Grand est, France 3.</span></figcaption>
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<p>Si les citoyens expriment un fort besoin de participer à la prise de décision publique, beaucoup d’entre eux pensent que les décideurs n’ont pas confiance en <a href="https://www.publicsenat.fr/article/politique/convention-citoyenne-les-elus-ne-peuvent-plus-revendiquer-le-monopole-de-la">leur parole</a>. Ce constat peut être un frein à la démocratie participative.</p>
<p>Quant aux décideurs politiques, ils ont peur de perdre leur légitimité politique, de se laisser déborder voire de ne pas savoir répondre aux choix citoyens. Par conséquent, la pertinence de la décision citoyenne résiderait dans « le vote » qui reste pour ces décideurs « le seul moment et/ou le seul outil » où les <a href="https://www.cairn.info/revue-participations-2019-2-page-217.htm">citoyens peuvent décider</a>.</p>
<h2>Un volontarisme politique contrasté</h2>
<p>Ce volontarisme politique pourrait procéder de la mauvaise utilisation voire de l’instrumentalisation de la démocratie participative par les décideurs.</p>
<p>Ces derniers peuvent en effet trouver dans la participation citoyenne l’opportunité de conforter leur image, de porter leurs options propres et leurs intérêts politiques, et se sentir dès lors nullement engagés par les positions citoyennes. Les politiques peuvent également <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-economie-2016-2-page-93.htm">courir des risques</a> quant à leur réélection en prenant des décisions finales fondées sur les seuls résultats de la consultation citoyenne.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/gestion-de-crise-mieux-integrer-la-reponse-des-citoyens-141741">Gestion de crise : mieux intégrer la réponse des citoyens</a>
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<p>Les décideurs politiques devraient s’adapter aux moyens dont ils disposent et aux garanties juridiques et éthiques pour faire de la consultation citoyenne un vrai outil effectif dans la décision publique. La consultation citoyenne aiderait à mieux considérer les élus et permettrait d’éviter des situations difficiles, telles les lacunes en matière d’information.</p>
<p>Les décisions, prises dans l’urgence et souvent improvisées pour faire face aux <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/12/04/faisons-de-cette-crise-sanitaire-l-occasion-de-renforcer-la-vitalite-de-notre-democratie_6062117_3232.html">crises majeures</a>, l’ont été sans consultation démocratique, avec des controverses récurrentes qui suscitent de la défiance voire du rejet, contrariant l’acceptabilité sociale et dès lors l’efficacité des mesures adoptées.</p>
<p>C’est donc la pertinence de la gouvernance des politiques publiques à l’œuvre, avant et pendant les crises, qui se trouve réinterrogée. Il convient de chercher à tirer tous les enseignements des problèmes rencontrés tant du point de vue de l’anticipation que de la gestion de crise pour chercher à préciser comment pourrait être refondée sur ces bases l’action collective. Ce fameux « effet miroir » où les citoyens vivant le quotidien peuvent aider les décideurs politiques à mieux connaître les attentes et les besoins citoyens.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176593/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Angélique Chassy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que les initiatives visant à consulter les citoyens se multiplient, une question se pose : faut-il muter la démocratie représentative vers une démocratie directe ?Angélique Chassy, Docteure en Sciences Economiques - EM-Normandie - Business School - Enseignante-Chercheure, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1308962020-02-11T19:38:06Z2020-02-11T19:38:06ZEt si les municipales étaient l’occasion de mettre en place un RIC ?<p>L’un des principaux points de revendication lors du mouvement des « gilets jaunes » a été le Référendum d’initiative citoyenne – le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/referendum-dinitiative-citoyenne-ric-64737">RIC</a>. Une revendication qui a été largement relayée par la presse nationale entre <a href="https://blogs.mediapart.fr/raul-magni-berton/blog/181219/la-presse-nationale-et-le-ric">décembre 2018 et mars 2019</a> mais qui, depuis, fait de moins en moins la une dans le débat public.</p>
<p>Avec l’essoufflement du mouvement des « gilets jaunes » et la mobilisation importante des derniers mois sur la réforme des retraites, l’appel à la démocratisation par le RIC a perdu sa force. En fait, le <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/04/26/macron-enterre-le-ric-et-confirme-la-proportionnelle-a-l-assemblee_5455257_823448.html">refus catégorique</a> de cette mesure de la part de la majorité en place semble avoir découragé ses soutiens.</p>
<p>Pourtant, le RIC local, et plus généralement la démocratisation de la vie locale, sera l’un des enjeux des prochaines élections municipales.</p>
<p>Cette revendication n’est certes plus dans la rue ni dans les médias, mais elle continue à faire son chemin dans des cercles plus restreints. Plusieurs associations visent à consulter les citoyens sur la forme que peut prendre un RIC, à l’image d’<a href="https://objectif-ric.org">Objectif RIC</a> ou de <a href="https://culture-ric.fr/">Culture RIC</a>.</p>
<p>Plusieurs référendums locaux organisés par les habitants ont été lancés, à <a href="https://www.lepoint.fr/politique/a-grenoble-un-ric-pour-empecher-la-demolition-de-logements-28-10-2019-2343796_20.php">Grenoble</a> entre le 14 et le 20 octobre 2019 ou à <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/11/11/a-saint-affrique-le-ric-a-l-epreuve-du-reel_1762805">Saint-Affrique dans l’Aveyron le 11 novembre</a>.</p>
<p>Enfin, depuis un an nous voyons émerger des think tanks, <a href="https://www.laliguecitoyenne.fr/">groupes de pression</a>, mobilisations locales visant à instaurer le RIC au niveau national et local. Des instituts se spécialisent également sur ce processus et sa mise en place concrète en France, comme l’<a href="https://irtd.fr/">Institut de recherche territoire démocratique</a> dont je suis membre.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1197877528184152073"}"></div></p>
<h2>Des initiatives à concrétiser lors des municipales</h2>
<p>Les élections municipales constitueront la première étape qui permet d’évaluer l’activité de ces groupes. Plusieurs personnes impliquées dans le mouvement des « gilets jaunes » ont choisi, au niveau municipal, soit de lancer une association pour faire pression sur les candidats, soit de créer des <a href="http://www.leparisien.fr/elections/municipales/municipales-citoyennete-le-mot-a-la-mode-chez-les-candidats-15-01-2020-8236332.php">listes citoyennes</a> indépendantes de tout parti politique, soit encore d’entrer dans des listes soutenues par des partis politiques à la condition d’exiger le RIC.</p>
<p>C’est le cas par exemple, de la <a href="https://www.lepoint.fr/politique/municipales-a-paris-simonnet-lfi-veut-rehumaniser-la-ville-contre-la-betonnisation-22-01-2020-2359227_20.php">France Insoumise</a>, d’<a href="https://ecologieparis.fr/2019/12/17/pas-decologie-sans-democratie/">Europe Écologie les Verts</a> ou du <a href="http://www.leparisien.fr/oise-60/beauvais-le-rn-fait-du-gringue-aux-gilets-jaunes-16-01-2020-8237343.php">Rassemblement national</a>.</p>
<p>Promouvoir le RIC au niveau local n’est pas un combat évident. La France est un pays très centralisé et bien peu de compétences sont déléguées, qu’il s’agisse du niveau local, et encore plus municipal. Cependant, promouvoir le RIC au niveau local est une stratégie qui vise avant tout à refaire vivre cette revendication, à la faire connaître aux citoyens et à l’exercer concrètement.</p>
<h2>Illégalité de la mesure</h2>
<p>Le principal problème lié à cette revendication au niveau municipal est que le RIC est, en tant que tel, illégal.</p>
<p>Plus généralement, les communes n’ont pas la prérogative qui consiste à décider comment elles vont prendre des décisions, puisque celle-ci revient à l’État et apparaît dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?cidTexte=LEGITEXT000006070633">Code général des collectivités territoriales</a>. D’après celui-ci, les deux instruments clefs du RIC – la pétition et le référendum – sont prévus, mais d’une façon qui n’est pas compatible avec le fonctionnement du RIC. Ce dernier prévoit qu’une pétition puisse déclencher automatiquement un référendum dont le résultat est contraignant pour les pouvoirs publics. Par conséquent, il s’agit d’une procédure où, à aucun moment, les représentants ont leur mot à dire.</p>
<p>Or, quatre dispositifs prévoient l’utilisation de la pétition ou du référendum.</p>
<h2>D’autres mesures déjà prévues</h2>
<p>Tout d’abord, il existe dans la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006527593&cidTexte=JORFTEXT000000571356&dateTexte=20030329">Constitution</a> la possibilité de lancer une pétition pour demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour d’une assemblée locale.</p>
<p>Il n’y a pas encore de texte d’application de ce dispositif, mais les communes peuvent y faire appel dans la mesure où il s’agit d’un droit constitutionnellement protégé. Cependant, ce droit ne permet pas de déclencher un référendum.</p>
<p>Il existe également la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=42E41C2E93CC2FF57C1DAEE0E8C38A00.tplgfr29s_3?idArticle=LEGIARTI000006389073&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20130304">consultation d’initiative populaire</a>, selon laquelle 20 % des inscrits peuvent déclencher un référendum à travers une pétition, mais ce référendum n’est pas contraignant pour les pouvoirs publics.</p>
<p>D’où son label « consultation », qui signifie qu’il est consultatif. Il faut également noter que le déclenchement du référendum n’est pas contraignant non plus, si bien qu’à chaque étape le conseil municipal peut arrêter le processus.</p>
<p>Par ailleurs si les consultations <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=AF793644428038654511E5F7F3853613.tplgfr25s_1?idArticle=LEGIARTI000006389072&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=2013030">à l’initiative de la collectivité territoriale</a> existent, elles ne prévoient ni d’initiative citoyenne, ni de référendum contraignant.</p>
<p>Enfin, si le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do?idArticle=LEGIARTI000006389035&idSectionTA=LEGISCTA000006192582&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=20200130">référendum local</a> lui est bien contraignant, il faut que la participation atteigne 50 %. Et, l’initiative de ce référendum revient au conseil municipal.</p>
<h2>Un guide pour le RIC</h2>
<p>Au-delà de ces dispositifs, aucune autre procédure ne peut être mise en place, sous peine d’être dénoncée par le préfet et annulée par le juge administratif. Le dernier cas en date remonte à 2018, quand la <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01996725/">municipalité de Grenoble</a> a vu son RIC – appelé Interpellation et votation citoyenne – <a href="https://www.cairn.info/revue-participations-2018-1-page-85.htm">annulé de cette façon</a>. Dès lors, il est préférable se contenter des dispositifs existants. La méthode la plus intuitive est de pousser les candidats à utiliser la consultation d’initiative populaire, comme le fait efficacement le <a href="https://clic-ric.org/comment-declencher-un-ric-local/">Comité de liaison pour l’initiative citoyenne</a>. Ce comité est devenu un véritable lobby pour promouvoir le RIC, en rassemblant les personnes morales qui défendent cette institution et en faisant pression sur les élus.</p>
<p>Cependant, il existe une alternative juridique pour mettre en place un RIC au niveau local bien plus efficace que la consultation. Les détails sont donnés dans le <a href="https://irtd.fr/project/ric-local/">« Guide pour mettre en place le Référendum d’initiative citoyenne dans une commune dès aujourd’hui »</a> en accès libre sur le site de l’Institut de recherche Territoire démocratique et auquel j’ai moi-même participé.</p>
<p>La préconisation de ce guide, écrit à l’origine pour la mise en place du RIC à Grenoble, a été reprise par plusieurs listes candidates aux élections municipales, dont deux des trois citées plus haut.</p>
<p>Il s’agit d’enchaîner trois dispositifs parfaitement légaux : le vœu, la pétition et le référendum local.</p>
<h2>Trois dispositifs cruciaux</h2>
<p>Tout d’abord, il faut que le conseil municipal formalise son intention politique d’octroyer ce nouveau droit aux citoyens à travers un acte écrit, mais non contraignant. Ceci peut se faire par <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006389895&cidTexte=LEGITEXT000006070633&dateTexte=19960224"><strong>le vœu</strong></a>.</p>
<p>Cela signifie que le conseil municipal demande au maire d’être saisi sur toute question faisant l’objet d’une pétition écrite par les citoyens et remise au conseil municipal ; c’est une subtilité légale qui permet d’engager le conseil municipal et le maire, tout en n’ayant pas de valeur légale. Il ne confère donc pas un « droit » mais un engagement à faire comme si ce droit existait.</p>
<p>Ainsi, le tribunal administratif de Paris a considéré en 2011 qu’un vœu du conseil de Paris tendant à ce que le maire le saisisse de certaines pétitions n’était pas <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/guide-pratique-de-la-democratie-participative_0-5948309_9782701320489.html">contraire au droit</a>. Cette étape consiste à rendre crédible le dispositif aux yeux des citoyens.</p>
<p>La deuxième étape consiste à utiliser le droit de <strong>pétition</strong> pour demander l’inscription d’une question à l’ordre du jour d’une assemblée locale inscrit dans la constitution. Il s’agit ici de mettre concrètement en œuvre le dispositif.</p>
<p>Puisque ce dispositif pétitionnaire n’est pas réglementé par la loi, chaque commune est libre de réglementer comme il le souhaite. Ainsi, elle peut s’engager à rendre compte de toute pétition qui atteint un seuil entre 1 % et 5 % (selon la taille de la commune), ou elle peut également accepter les signatures des résidents non nationaux. Il s’agit d’une procédure assez courante qui, si elle ne débouche pas habituellement sur un référendum, fait souvent l’objet de débats au sein des conseils municipaux, comme, par exemple, c’est le cas à <a href="https://participer.strasbourg.eu/petitions">Strasbourg</a>.</p>
<p>Finalement, l’engagement du conseil municipal consiste à mettre en place un <strong>référendum local</strong> sur tout objet de pétition qui atteint le seuil requis.</p>
<p>Le référendum local n’est contraignant que si le seuil de 50 % de participation est atteint. Si ce seuil n’est pas atteint, le conseil municipal est libre de suivre ou non le résultat majoritaire. Ce seuil est très exigent : il est non seulement très rarement atteint pour les référendums, mais aussi pour les élections locales. Il est donc important que le conseil municipal s’engage auprès des citoyens à suivre systématiquement l’avis majoritaire même si le seuil de participation n’est pas atteint.</p>
<h2>Est-ce que cela fonctionne ?</h2>
<p>Cette formulation a deux avantages et un inconvénient. Premièrement, elle combine trois dispositifs légaux, et est donc légale face au juge administratif (même s’il y a encore un risque dans l’interprétation du vœu). Deuxièmement, il permet de construire un RIC basé sur des seuils de signatures abordables et sur des institutions contraignantes.</p>
<p><a href="https://www.franceculture.fr/oeuvre/le-referendum-dinitiative-citoyenne-explique-a-tous-au-coeur-de-la-democratie-directe">Il a été démontré</a> que des seuils trop hauts conduisent à des dispositifs inopérants, et des dispositifs non contraignants découragent l’utilisation du RIC comme instrument de contestation, en lui enlevant ainsi sa première qualité.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SVcFrIue990?wmode=transparent&start=12" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>L’inconvénient majeur de ce dispositif – comme tous les autres qui peuvent être mis en place au niveau local à l’heure actuelle – est qu’il repose sur la bonne volonté des élus. Un inconvénient de taille, mais qui ne pourra pas être évité. Comme noté plus haut, le RIC local aura plus une valeur pédagogique et expérimentale qu’une valeur proprement institutionnelle.</p>
<p>Actuellement, des dispositifs démocratiques sont proposés par les différentes listes, même s’ils sont plus ou moins opérants. Une autre initiative de chercheurs – le <a href="https://irtd.fr/project/participometre">Participomètre</a> – vise à étudier et donner les moyens à tous d’évaluer l’aspect démocratique des programmes des candidats aux municipales.</p>
<p>Pour la première fois, les programmes peuvent être comparés dans chaque commune par les internautes comme les chercheurs. « Les résultats des évaluations sont publiés et mis en parallèle de ceux résultant de l’évaluation réalisée par les chercheurs » indique le site du Participomètre. Parmi les dispositifs évalués, le référendum d’initiative citoyenne aura une place de choix.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130896/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raul Magni-Berton est membre de Dauphiné démocratique et de l'Institut de recherche territoire démocratique, toutes deux associations qui promeuvent la démocratie directe et l'autonomie locale
</span></em></p>Le RIC local, et plus généralement la démocratisation de la vie locale, sera l’un des enjeux des prochaines élections municipales.Raul Magni-Berton, Professeur de sciences politiques, Sciences Po Grenoble, UMR Pacte, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1279472019-11-27T19:15:52Z2019-11-27T19:15:52ZBonnes feuilles : « Le peuple est-il apte à gouverner ? »<p><em>Les citoyens sont-ils vraiment capables de prendre de bonnes décisions en politique ? Peut-on s’en remettre à la volonté populaire pour gérer une nation ? Dans son dernier ouvrage <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100996600">La question du référendum</a>, paru ce 28 novembre aux Presses de Sciences Po, Laurence Morel décrypte les clichés et autres idées reçues qui brouillent ce concept de référendum, une revendication de nombreux citoyens. Elle analyse ainsi comment cet outil, à condition d’être conçu correctement, pourrait « mieux que tout autre procédé de démocratie participative, restaurer le lien de confiance des citoyens avec le système politique et rendre la démocratie plus consensuelle ». Extraits choisis par The Conversation.</em></p>
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<p>Si beaucoup peut être fait pour garantir un niveau d’information et de compréhension des enjeux élevé aux référendums, cela ne signifie pas pour autant que le problème de la compétence doive être surestimé. Le pessimisme élitiste mérite quelques remarques finales, en forme de questions. La première, classique, invite à un retour sur <a href="https://fr.wikisource.org/wiki/De_l%E2%80%99esprit_des_lois_(%C3%A9d._Nourse)/Livre_6">l’affirmation de Montesquieu</a> selon laquelle le peuple serait apte à choisir ses élus mais pas ses politiques :</p>
<blockquote>
<p>« Il y avait un grand vice dans la plupart des anciennes républiques : c’est que le peuple avait droit d’y prendre des résolutions actives, et qui demandent quelque exécution ; chose dont il est entièrement incapable. Il ne doit entrer dans le gouvernement que pour choisir ses représentants ; ce qui est très à sa portée. Car, s’il y a peu de gens qui connaissent le degré précis de la capacité des hommes, chacun est pourtant capable de savoir, en général, si celui qu’il choisit est plus éclairé que la plupart des autres. »</p>
</blockquote>
<p>Est-il vrai que le choix des gouvernants mobilise des compétences différentes, « inférieures », par rapport au choix des politiques, qui exigerait une expertise hors d’atteinte du citoyen ordinaire ?</p>
<h2>Savoir d’usage et bon sens</h2>
<p>Cette distinction est rejetée par les participationnistes, qui valorisent le <a href="https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2008-3-page-115.htm">« savoir d’usage »</a> et le « bon sens », détenus par tout citoyen, dans l’aptitude à gouverner.</p>
<p>Certains vont même jusqu’à affirmer le contraire : il serait plus facile de choisir entre des politiques qu’entre des individus, qui peuvent toujours feindre d’être ce qu’ils ne sont pas. Les théories de l’intelligence collective, depuis <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Politique_(Aristote)#La_d%C3%A9mocratie">Aristote</a>, affirment, quant à elles, que par l’effet du nombre et des interactions, les décisions d’un large groupe de citoyens ordinaires sont meilleures que celles d’un petit groupe de personnes individuellement beaucoup plus compétentes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=800&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304015/original/file-20191127-180279-dy5tid.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1005&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Portrait d’après un original en bronze de Lysippe, Aristote, Louvre.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Aristote">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
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<h2>La complexité du monde contemporain</h2>
<p>Une seconde question, plus actuelle, est celle de savoir si le « métier de citoyen », en théorie à la portée de tous, n’est pas mis à l’épreuve par la complexité du monde contemporain, que soulignait déjà <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-d-economie-politique-2004-2-page-29.htm">Schumpeter</a>, et face à laquelle l’élévation du niveau d’instruction serait impuissante. <a href="https://muse.jhu.edu/article/225499/summary">Dahl renchérit sur ce point</a> quelques décennies plus tard :</p>
<blockquote>
<p>« Le niveau moyen d’éducation (et partant, peut-on supposer, de la capacité à comprendre les questions politiques) s’est accru dans tous les pays démocratiques, et continuera probablement à croître. Malheureusement, cependant, la difficulté à comprendre les affaires publiques a également augmenté et pourrait avoir dépassé les gains résultant de l’élévation du niveau d’instruction. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi n’y aurait-il plus que des questions complexes, inaccessibles au commun des mortels. Pour autant, faut-il noter, la « crise de la compétence » frappe également les élus. Et l’élévation du niveau d’éducation, insuffisante face à la complexité du monde contemporain, n’en a pas moins réduit la distance cognitive entre ceux-ci et leurs électeurs.</p>
<p>Il y a donc moins de raisons qu’avant d’écarter ces derniers de la décision. En l’occurrence, qu’il s’agisse des citoyens ou des représentants, l’enjeu nous paraît être désormais de greffer l’expertise sur la décision.</p>
<h2>Un improbable gouvernement des experts</h2>
<p>Il va de soi que l’alternative qui consisterait à s’en remettre au « gouvernement des experts », ou à une improbable « épistocratie », n’en est pas une.</p>
<p>Dahl, qui a longuement réfléchi à ce problème, montrait bien que, contrairement aux philosophes de la Cité parfaite, les « spécialistes de politiques publiques », comme il les appelait, ne maîtrisent pas les fins (leur expertise concerne les moyens) et ne présentent aucune garantie éthique (a minima, ils ne sont jamais neutres).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ehoy-ezyv5U?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Leçons pour le XXIᵉ siècle de Yuval Noah Harari, chronique de Thibault Lieurade (Xerfi Canal).</span></figcaption>
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<p>Le penseur américain n’a pas pu s’exprimer sur l’intelligence artificielle (IA), à laquelle certains attribuent les qualités qui manquent aux experts et qui rendrait aujourd’hui la démocratie obsolète. L’IA permettrait d’atteindre une sorte de perfection à la fois des politiques publiques et de l’expression de la volonté populaire, car elle connaîtrait l’individu mieux qu’il ne se connaît lui-même. Mais on peut imaginer qu’il lui aurait préféré l’intelligence collective. Ne serait-ce que parce que les décisions du peuple (ou de ses représentants) ont l’avantage de la légitimité.</p>
<p>Aussi l’expertise ne doit-elle pas gouverner mais assister ceux qui gouvernent et fournir une simplification « savante » des problèmes, dont il n’est pas interdit de penser qu’elle est presque toujours possible.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=795&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304019/original/file-20191127-112539-1qjfkws.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=999&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Presses de Sciences Po, 2019.</span>
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<p>Autrement dit, la plupart des questions « complexes » peuvent être ramenées à des problèmes simples ou à des choix principaux. Cette simplification « savante » est même un enjeu fondamental de notre époque, face à la montée de la simplification « mensongère » de facture populiste. L’ère de l’expertise doit donc aussi être celle de la divulgation et de la dissémination de la recherche. Et l’implication des citoyens, aidés des experts ou de l’IA, dans les décisions collectives apparaît comme le moyen privilégié de créer une véritable « société de la connaissance », où existe encore la politique, c’est-à-dire la maîtrise du cours des choses.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127947/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Morel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Est-il vrai que le choix des gouvernants mobilise des compétences différentes, « inférieures », par rapport au choix des politiques, qui exigerait une expertise hors d’atteinte du citoyen ordinaire ?Laurence Morel, Maitre de conférences, science politique, chercheure associée au CEVIPOF, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1191352019-06-23T20:21:00Z2019-06-23T20:21:00ZRéforme des institutions : mais qu’allait faire Macron dans cette galère ?<p>Mais pourquoi s’était-il engagé dans cette manœuvre délicate ? Le président Macron avait mis l’accent, le 3 juillet 2017, sur cet objectif lors de son <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2018/07/03/discours-du-president-de-la-republique-devant-le-parlement-reuni-en-congres">discours-fleuve devant le Congrès</a> : je veux changer les institutions. Remodeler les règles de fonctionnement de la V<sup>e</sup> République, quoi de plus tentant pour un président qui voulait redonner sa stature au nouveau locataire de l’Élysée ? <a href="https://storage.googleapis.com/en-marche-fr/COMMUNICATION/Programme-Emmanuel-Macron.pdf">Il s’y était engagé durant la campagne</a>.</p>
<p>Mais depuis, ce projet de réforme l’encombre inutilement et le discours de politique générale de son premier ministre, le 12 juin dernier, s’il maintient un certain nombre d’éléments, vient liquider provisoirement l’opération :</p>
<blockquote>
<p>« Nous attendrons le moment propice et la manifestation de volonté du Sénat, qui peut-être ne viendra qu’après le renouvellement de la Haute Chambre en 2020 ».</p>
</blockquote>
<p>D’ici là…</p>
<h2>La bataille des effectifs parlementaires</h2>
<p>La réduction du nombre de parlementaires vise moins à réaliser des économies (peu à la mesure des enjeux) qu’à redéployer celles-ci en faveur d’un travail « de contrôle et d’évaluation des politiques publiques ». Un tel discours est cohérent avec celui voyant dans la haute administration l’origine de tous les maux.</p>
<p>Mais elle ne devrait pas améliorer l’efficacité des assemblées. Au contraire, si l’on considère que, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le centre de gravité est descendu dans les commissions de l’Assemblée nationale – à tel point <a href="https://www.cairn.info/revue-commentaire-2018-3-page-563.htm">que les postes de rapporteur sont désormais prisés</a> –, il est préférable que celles-ci demeurent bien garnies.</p>
<p>C’est d’ailleurs dans l’essor de ces commissions et le <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-3-page-71.htm">plein recours aux possibilités qui s’offrent</a> à elles que le vrai contrôle parlementaire peut s’exercer. Encore faudrait-il qu’elles se voient affecter de vrais moyens humains (à l’instar du parlement britannique ou du Congrès américain) et <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2017/11/18/amelie-de-montchalin-nous-n-avons-pas-les-moyens-d-une-veritable-evaluation_5216899_823448.html">qu’elle puisse contraindre l’administration</a> à fournir les données et <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2018-3-page-69.htm">ouvrir ses archives</a>. Or rien n’a été véritablement envisagé en ce sens.</p>
<p>Le président a depuis abaissé son projet de réduction du nombre de parlementaires de 30 à 25 %, mais les exigences de Gérard Larcher – qu’après la réforme le nombre de départements tombant à un député et un sénateur ne dépasse pas la vingtaine – <a href="https://www.liberation.fr/france/2019/06/04/reforme-constitutionnelle-la-majorite-fait-semblant-d-y-croire_1731695">limiteraient la baisse à 12 ou 13 %</a>. Difficile de compenser en réduisant davantage les effectifs des départements les plus peuplés, donc urbains sans risque de constitutionnalité (rupture d’égalité dans la représentation des citoyens).</p>
<p>Ajoutons que cette surreprésentation des territoires ruraux n’enthousiasme pas les responsables d’En marche, mouvement essentiellement urbain, alors que l’accroissement de la taille des circonscriptions (par réduction du nombre de députés élus au scrutin uninominal) tendrait à privilégier les mouvements politiques les plus importants.</p>
<p>Enfin, la France ne <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/04/04/reforme-des-institutions-les-parlementaires-francais-seront-parmi-les-moins-nombreux-d-europe_5280714_4355770.html">se caractérise pas par un nombre pléthorique de parlementaires</a> au regard de sa population et si l’on maintient le principe de la démocratie représentative, il faut garder un rapport raisonnable entre le député et le nombre de citoyens qui peuvent le saisir – ce que la <a href="https://spire.sciencespo.fr/hdl:/2441/5q2irsnng980qqdr3uuhp5cc04/resources/wp-75-ehrhard-rozenberg.pdf">réforme mettrait en danger</a>.</p>
<h2>La proportionnelle, une dose pour rien ?</h2>
<p>Le recours à la proportionnelle, quant à lui, a été plaidé par divers projets de réformes : le comité Balladur sur la modernisation des institutions en 2007, la commission Jospin sur la rénovation de la vie publique en 2012, et le groupe de travail de Claude Bartolone et Michel Winock sur l’avenir des institutions en 2015. Il est désiré par des partis nouant difficilement des alliances (Rassemblement national, France insoumise).</p>
<p>Le scrutin proportionnel reflète plus honnêtement la réalité des préférences politiques de nos concitoyens et <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2017/06/29/la-proportionnelle-pour-quoi-faire_5153129_3232.html">peut se traduire par un regain possible de participation</a>. Il a été <a href="https://en-marche.fr/articles/discours/meeting-macron-strasbourg-discours">présenté comme tel par le candidat Macron</a>.</p>
<p>Toutefois, une <a href="http://tnova.fr/system/contents/files/000/001/540/original/Terra-Nova_Modes-de-scrutin_190318.pdf?1521457070">étude du think tank Terra Nova</a> montre qu’en dessous d’une dose de 25 %, l’impact est assez secondaire sur la formation d’une majorité. Or, la dose proposée par le projet est de 15 %.</p>
<p>Enfin, notons la limitation (à trois) dans le temps du nombre des mandats de parlementaires et de présidents d’exécutif : les assouplissements en cours de préparation ont finalement permis d’établir un consensus avec le Sénat.</p>
<h2>La tentation de la procédure accélérée</h2>
<p>L’exécutif souhaite d’abord accélérer l’élaboration des textes en reprenant la maîtrise de l’agenda parlementaire, dont le partage avait été rééquilibré à son détriment par la réforme de 2008 (deux semaines sur quatre à l’initiative des députés). Le projet de loi redonne à l’exécutif une de ces deux semaines. Mais la <a href="https://www.cairn.info/revue-pouvoirs-2010-3-page-37.">pratique depuis 2008 voyait déjà cette semaine</a> concédée aux projets de loi gouvernementaux.</p>
<p>Ensuite, le recours plus systématique à la procédure accélérée (une seule lecture dans chaque chambre) ne fait que confirmer une dérive déjà constatée dans la pratique ces dernières années.</p>
<p>Enfin, pour accélérer le processus de navette à l’issue de la commission mixte paritaire, le gouvernement désirait pouvoir demander à l’Assemblée nationale de statuer définitivement sur le dernier texte qu’elle avait voté après une dernière lecture au Sénat.</p>
<p>Une telle modification, peu substantielle et confortée par l’<a href="https://www.conseil-etat.fr/ressources/avis-aux-pouvoirs-publics/derniers-avis-publies/projet-de-loi-constitutionnelle-pour-une-democratie-plus-representative-responsable-et-efficace">avis du Conseil d’État</a> sur le projet déposé en mai 2018, nécessite néanmoins une loi constitutionnelle, entérinée par un vote à la majorité dans les deux assemblées – et donc avec les voix de la droite sénatoriale –, puis par les 3/5<sup>e</sup> du Parlement réuni en Congrès ou par référendum.</p>
<h2>Le droit d’amendement préservé</h2>
<p>Le droit d’amendement, que le projet gouvernemental voulait sérieusement réduire, n’est en fait pas véritablement entamé. Il s’agissait d’empêcher que la multiplication abusive de ceux-ci ne masque une volonté d’obstruction. En fait, la mise en place du temps législatif programmé (TLP) à l’Assemblée nationale permet déjà de fixer à l’avance la durée de l’examen d’un texte en séance, évitant ainsi cet écueil.</p>
<p>Avec la réforme auraient été désormais irrecevables les « propositions ou amendements qui ne sont pas du domaine de la loi », qui sont « sans lien direct avec le texte » ou sont « dépourvus de portée normative ». Le gouvernement peut déjà largement déclarer l’irrecevabilité des amendements sans lien avec le texte en discussion.</p>
<p>Les deux autres items sont bienvenus, et la jurisprudence du <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/la-normativite-de-la-loi-une-exigence-democratique">Conseil constitutionnel censure les textes incantatoires</a>, et devrait, au fil des saisines, préciser ce concept encore flottant qu’est la normativité d’un texte.</p>
<h2>Le RIP plutôt que le RIC</h2>
<p>Dévoilé dans ses grandes lignes dans l’<a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/05/31/macron-relance-sa-reforme-constitutionnelle_5469737_823448.html">édition du Monde du 31 mai</a>, le projet de réforme des institutions, remanié après le grand débat national et confirmé dans le discours de politique générale du premier ministre prendrait acte de l’évolution de l’humeur et du contexte en renvoyant aux assemblées le soin de décider de l’évolution de leur procédure.</p>
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<p>Il aborderait, en revanche la question du référendum en renforçant les possibilités de recours au référendum d’origine présidentielle (article 11 C) et en assouplissant les modalités de déclenchement du référendum d’initiative partagée (excuse pour enterrer l’autrement plus dangereux référendum d’initiative citoyenne) : si celui-ci est facilité en abaissant le seuil de déclenchement tant du côté du nombre des citoyens que de parlementaires soutenant l’initiative, son effet serait encadré.</p>
<p>En effet, il ne pourra pas avoir pour objet l’abrogation d’une disposition promulguée « depuis moins de trois ans », au lieu d’un an dans la rédaction actuelle, ni d’« une disposition en cours de discussion au Parlement ». L’exécutif tire les leçons de la surprise créée par l’initiative de parlementaires de gauche et de droite désireux d’empêcher la privatisation d’Aéroports de Paris, dont le RIP <a href="https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2019/20191RIP.htm">a reçu le feu vert du Conseil constitutionnel</a>.</p>
<h2>Une réforme pas si urgente</h2>
<p>Le Président a également concédé un renforcement de la décentralisation (dont seul le droit à la différenciation dans l’application des normes et la spécificité corse nécessitent une révision constitutionnelle) et a précisé la <a href="https://theconversation.com/le-conseil-economique-social-et-environnemental-une-institution-meconnue-meprisee-et-precieuse-115093">transformation du CSE</a> comme une chambre de la démocratie participative pouvant recourir à des consultations de citoyens tirés au sort.</p>
<p>Dans son discours de politique générale, Édouard Philippe attribue implicitement le report de la réforme à la résistance du Sénat. Rien n’interdit pourtant de faire voter l’introduction de la proportionnelle par la loi ordinaire, ni la réduction du nombre de parlementaires par la loi organique. Pour cette dernière, un vote identique ne pouvant être acquis, il reviendrait à l’exécutif de prendre le risque de recourir au référendum, dont le sujet passionnerait peu, sauf à se transformer en plébiscite pour ou contre le gouvernement.</p>
<p>Au fond, le rythme élevé des réformes mené par l’actuel gouvernement semble prouver que… la réforme n’est pas si urgente. Car l’impensé des réformes permet de faire l’économie de l’élément clé : le fait majoritaire qui, si la discipline des partis perdure – et les députés d’En marche ont répondu aux attentes de l’exécutif en la matière – rend un peu vaine toute sophistication des procédures de contrôle parlementaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119135/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yannick Prost est secrétaire général de l'association «Services Publics».</span></em></p>Remodeler les règles de fonctionnement de la Vᵉ République, quoi de plus tentant pour un président qui voulait redonner sa stature au nouveau locataire de l’Élysée ?Yannick Prost, enseignant en relations internationales (Sciences Po) - responsable de l'unité d'enseignement "aire juridique et administrative'" (Master Lisi, UFR EILA, Université Paris VII Denis DIderot), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1170062019-05-13T19:10:52Z2019-05-13T19:10:52ZQuand le RIP dérape : brouillamini constitutionnel<blockquote>
<p>« Ah ! Ne me brouillez point avec la république. » Corneille, « Nicomède », II, 3</p>
</blockquote>
<p>Jeudi 9 mai, le temps se brouilla rue de Montpensier, où les neuf Sages chargés de garantir l’ordre constitutionnel ont pris une décision qui fera date politiquement tout autant que juridiquement.</p>
<p>Pour la seconde fois de son histoire, le Conseil constitutionnel se voit confronté au piège référendaire. Déjà, en novembre 1962, il avait été amené à se prononcer sur l’usage de l’article 11 de la Constitution du 4 octobre 1958, voie qu’avait choisie l’exécutif pour réviser le mode d’élection du président de la République en contournant le Parlement. Il s’était alors sorti du bourbier en se déclarant incompétent pour trancher d’une loi référendaire, s’appuyant sur la lettre constitutionnelle qui ne lui permettait d’être saisi qu’entre l’adoption d’une loi et sa promulgation !</p>
<p>Ironie de l’histoire, la décision n°2019-I RIP du 9 mai 2019 est rendue sur requête de parlementaires qui souhaitent d’eux-mêmes se dessaisir, au bénéfice d’un vote populaire, d’une question qu’ils ont débattue. Ne pouvant cette fois éluder leur compétence, les gardiens du Temple parviennent néanmoins à esquiver le fond du débat, en s’appuyant sur une lecture littérale de l’article 11 pour laisser s’engager la procédure.</p>
<p>Mais si, formellement, ils pensent sortir indemnes de l’impasse en s’en tenant à une position strictement technique, cela pourrait bien n’être que provisoire, tant leur décision ouvre la fenêtre sur un champ d’incertitudes, tout en jetant un voile pudique sur la nature réelle de l’exercice proposé par les 248 parlementaires signataires de la proposition de Loi référendaire.</p>
<h2>Arlequin serviteur de deux maîtres</h2>
<p>Certes, l’enjeu du débat n’est pas du niveau de 1962, mais dans un cas comme dans l’autre, le Conseil constitutionnel se trouve placé entre le marteau démocratique et l’enclume parlementaire. Gardien de l’ordre juridique, il doit avant tout veiller à l’équilibre institutionnel entre les pouvoirs constitués. Toutefois, la procédure législative référendaire met en jeu une autre dimension du système : le partage de l’exercice de la souveraineté entre les représentants et le peuple – l’article 3 de la Constitution disposant : « La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du referendum. »</p>
<p>Dans un système d’abord représentatif, la priorité dans l’exercice du pouvoir revient aux représentants élus, le référendum ne devant jouer qu’un rôle d’adjuvant exceptionnel. Se pose donc inévitablement la détermination des frontières hiérarchiques entre les deux niveaux. Voilà qui place le Conseil constitutionnel dans une position très inconfortable.</p>
<p>À la confluence de la démocratie directe et de la démocratie représentative, la réponse qu’il apportera ne peut qu’être un objet de débat : déclarer la demande constitutionnellement irrecevable ? C’est prendre le risque de se voir réduit au rôle de pâle serviteur du pouvoir exécutif. La déclarer conforme et en valider l’ouverture ? Ne sera-ce pas une manière de cautionner une initiative avant tout destinée à bloquer la majorité parlementaire et à fausser le système institutionnel ?</p>
<p>L’affaire est, de surcroît, rendue éruptive pour deux raisons : d’abord, parce qu’il s’agit de la première utilisation d’une procédure qui prenait la poussière dans les caves du Parlement. La décision du Conseil constitutionnel vaudra donc jurisprudence.</p>
<p>Ensuite, parce que le contexte politique actuel surexpose la question référendaire. On a entendu, de ronds-points en boulevards, de manifestations en réseaux sociaux, la perte de confiance dans les partis et les représentants élus se coaguler dans une exigence de prise en compte directe de la volonté populaire. Le RIC (référendum d’initiative citoyenne) se voit érigé en sésame de la reconquête par le peuple de sa souveraineté.</p>
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<p>Dès lors, le RIP (référendum d’initiative partagée) prend les couleurs attrayantes d’un compromis qui pourrait être acceptable tant pour les élus que pour les citoyens. Ce que n’a pas manqué de souligner le président de la République, lorsqu’il a proposé d’alléger considérablement les conditions du soutien des électeurs (1 million au lieu des 4 717 396 exigés actuellement).</p>
<h2>La lettre et/ou l’esprit du texte constitutionnel</h2>
<p>Ainsi, on comprend mieux la position adoptée par les Sages, peu pressés d’entrer dans un débat miné par le contexte politique, ni d’interférer avec les orientations présidentielles. Pour éviter l’accusation d’un jugement d’opportunité, ils s’en sont tenus à une interprétation strictement technique : en greffiers scrupuleux, ils ont vérifié que les conditions fixées par l’article 11 étaient respectées. Elles l’étaient. Vieille tactique bien connue sous la IV<sup>e</sup> République, où l’on disait que la meilleure manière de résoudre un problème c’était d’éviter de le poser ! Et pourtant, il y avait un sérieux problème : non pas sur la valeur du contenu de l’initiative, mais sur son fondement juridique constitutionnel lui-même.</p>
<p>Aussi bien dans les travaux préparatoires que dans le libellé de l’article 11, tout est fait pour circonscrire précisément le RIP à une procédure complémentaire et exceptionnelle palliant une éventuelle insuffisance du travail parlementaire. L’esprit clairement affiché de cette mesure est de permettre à des représentants, épaulés par des citoyens, de s’emparer d’une question que la majorité parlementaire s’abstiendrait d’aborder. Pas de contester une décision majoritaire prise dans le cadre d’un débat législatif ordinaire.</p>
<p>Rien n’autorise à conclure que la réforme de 2008 entendait établir une concurrence entre les deux voies. Au contraire : tout est dit pour qu’il ne s’agisse que d’une alternative à une inaction, pas une revanche de l’opposition sur la majorité gouvernementale, en guise de second tour législatif. Et le texte rejoint l’esprit, quand il exclut tout RIP tendant à abroger une disposition législative promulguée depuis moins d’un an. Ou quand il établit de lourdes conditions de recevabilité assorties de longs délais. Le Conseil constitutionnel lui-même a bien précisé, dans sa décision du 5 décembre 2013 sur la loi organique portant application de l’article 11, que cette procédure ne pouvait en aucun cas contourner les règles régissant le travail législatif ordinaire.</p>
<p>De plus, cette même loi organique prévoit que l’initiative n’est soumise à référendum que si, à l’expiration d’un délai de six mois, le Parlement ne s’est pas saisi de la proposition ! Voilà qui confirme la volonté du législateur de considérer le RIP uniquement comme une procédure de substitution en cas de défaillance parlementaire.</p>
<p>Tout invitait, donc, le Conseil constitutionnel à examiner les inévitables interférences entre le processus législatif en cours et l’initiative des 248 parlementaires. D’autant qu’il était lui-même directement interpellé : trois recours, en effet, ont été déposés contestant la conformité à la Constitution de la loi pour la croissance et la transformation des entreprises adoptée définitivement par le Parlement le 11 avril 2019. L’article 135 de celle-ci, celui qui a pour objet d’autoriser « le transfert au secteur privé de la majorité du capital social de la société Aéroport de Paris », est directement visé.</p>
<p>Or, la proposition de loi de RIP, déposée le 10 avril, tend à faire de cette gestion des aéroports de Paris « un service public national », donc à rendre impossible sa privatisation ! Soit le très exact contre-pied de la loi adoptée par le Parlement.</p>
<h2>Validation du détournement de procédure</h2>
<p>Une première évidence éclate au grand jour : la question de la gestion des infrastructures aéroportuaires n’est absolument pas omise par le Parlement. Au contraire, celui-ci est intervenu profondément sur cette matière et a adopté une position tranchée. L’initiative de RIP des parlementaires, qui appartiennent tous à l’opposition, n’a donc pas pour objet de pallier une carence, de combler un vide, mais de contredire une loi adoptée définitivement au moment de son examen par le Conseil constitutionnel, et de la vider de sa substance sur ce point précis.</p>
<p>Il s’agit clairement de contester l’action de la majorité parlementaire, la minorité utilisant le détour référendaire pour tenter de faire prévaloir un point de vue qu’elle n’a pu imposer dans la procédure normale. Les 130 députés et les 118 sénateurs signataires forment un large spectre de l’opposition des deux chambres : si la gauche y est majoritaire des deux tiers (161), la droite n’est pas absente avec 85 de ses membres. Baroque convergence, qui tire toute sa puissance de la résonance qu’elle établit avec une opinion publique prévenue contre ses représentants.</p>
<p>En validant ce qui a tous les caractères d’un détournement de procédure, le Conseil constitutionnel a ouvert une situation juridiquement confuse et politiquement incertaine. Juridiquement d’abord : sauf à ce qu’il déclare non conforme à la Constitution l’article 135 de la Loi PACTE, sa décision n’interdit pas au Président de le promulguer avec l’ensemble de la loi, quitte à suspendre sa mise en œuvre. Mais pendant toute la période de collecte des signatures, il y aura une loi promulguée depuis moins d’un an que le RIP aura pour unique objet de demander aux citoyens d’effacer, prenant de ce fait tous les caractères d’un référendum abrogatoire.</p>
<p>Plus insidieusement, mais aussi plus profondément, la validation de l’initiative de l’opposition contribue à saper un peu plus la mécanique de la démocratie représentative : en autorisant la minorité à jouer le vote populaire contre la majorité élue pour imposer son point de vue, on met l’autorité du Parlement en concurrence avec celle du peuple hors cycle électoral. Plus que celle du gouvernement, c’est la légitimité même du Parlement qui se voit entamée.</p>
<p>Politiquement, on mesure le risque d’instabilité, voire de paralysie que renferme cette utilisation détournée de l’article 11. Sur quel fondement, désormais, empêcher le recours au RIP par une opposition soucieuse d’entraver l’action gouvernementale ? On dira : c’est une procédure lourde et longue, qui ne pourra être maniée que rarement… Mais sa lourdeur, et surtout sa longueur font tout son intérêt. Si l’objectif est de paralyser l’action de la majorité, peu importe que l’initiative aille jusqu’à son terme. Son seul déclenchement est une promesse d’inertie pour 18 mois : plus de temps qu’il n’en faut pour casser un projet.</p>
<p>Tous les coups d’essai ne sont pas des coups de maître : le RIP dérape dès son démarrage. En se dérobant par l’escalier de service technique, le Conseil constitutionnel nous invite à méditer Molière qui s’exclamait, dans <em>Les fourberies de Scapin</em> :</p>
<blockquote>
<p>« Que vouliez-vous donc qu’il fît ? Eussiez-vous voulu qu’il se fût laissé tuer ? »</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/117006/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
Il s’agit de contester l’action de la majorité parlementaire, la minorité utilisant le détour référendaire pour faire prévaloir un point de vue qu’elle n’a pu imposer dans la procédure normale.Claude Patriat, Professeur émérite de Science politique Université de Bourgogne, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1097332019-01-13T20:19:27Z2019-01-13T20:19:27ZGrand débat : et si on commençait par des assemblées citoyennes ?<p>Le grand débat national : cette initiative inédite en France prendra forme officiellement demain. En réaction aux demandes émanant du mouvement « gilets jaunes », le premier ministre Édouard Philippe <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2018/12/21/gilets-jaunes-des-citoyens-tires-au-sort-pour-contribuer-au-grand-debat_5401128_3224.html?xtmc=tires_au_sort&xtcr=4">avait annoncé fin décembre</a> que des conférences de citoyens tirés au sort devraient être organisées prochainement afin de dessiner les contours de ce grand débat.</p>
<p>À côté du <a href="https://theconversation.com/debat-le-referendum-dinitiative-populaire-la-solution-108355">référendum d’initiative populaire</a>, revendiqué par de nombreux membres du mouvement, l’idée d’assemblées citoyennes tirées au sort <a href="https://theconversation.com/referendums-assemblees-citoyennes-des-propositions-a-ne-pas-sous-estimer-108927">séduit de plus en plus</a> d’acteurs politiques.</p>
<p>Cela n’avait peut-être pas frappé les esprits pendant la dernière campagne présidentielle française, mais le recours à des jurys, collèges ou assemblées citoyen(ne)s faisait partie des promesses de campagne tant d’<a href="https://en-marche.fr/emmanuel-macron/le-programme/vie-politique-et-vie-publique">Emmanuel Macron</a> que de <a href="https://www.lemonde.fr/personnalite/benoit-hamon/programme/#institutions-1">Benoît Hamon</a> et de <a href="https://www.lemonde.fr/personnalite/jean-luc-melenchon/programme/#institutions-1">Jean‑Luc Mélenchon</a>.</p>
<p>Sans doute n’avaient-ils pas tous à l’esprit le <a href="https://www.politico.eu/article/macron-populism-sham-democracy-plans-to-revamp-decision-making-disappointing/">même genre d’assemblée</a>, mais cela témoigne en tout cas du fait que l’idée, <a href="https://theconversation.com/nous-ne-sommes-pas-en-democratie-ou-le-tirage-au-sort-comme-alternative-108962">remise à l’agenda par les « gilets jaunes »</a>, est dans l’air du temps et s’impose de plus en plus franchement dans le débat politique, en France comme ailleurs.</p>
<p>Ainsi, de nombreuses assemblées citoyennes utilisant le tirage au sort ont été organisées <a href="http://press.ecpr.eu/book_details.asp?bookTitleID=395">à travers l’Europe</a> et le monde, suggérant une nouvelle manière de construire des décisions politiques et remettant en question le monopole des élus. Une grande diversité de modèles existe cependant, conférant un pouvoir très varié aux citoyens, de la simple recommandation de politiques publiques à des propositions de révision constitutionnelle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253532/original/file-20190113-43517-pkpwj2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Paris : Nuit debout, place de la République, des idées de concertations citoyennes émergentes (27 avril 2016).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/3/34/2016-04-27_17-11-42_nuit-debout.jpg/1024px-2016-04-27_17-11-42_nuit-debout.jpg">Thomas Bresson/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
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<h2>Les citoyens sont capables d’appréhender des sujets complexes</h2>
<p>Depuis la fin des années quatre-vingt, le tirage au sort a été utilisé dans le cadre de conférences de citoyens. Ces expériences rassemblent douze à quelques centaines de citoyens dans des assemblées <em>ad hoc</em> et limitées dans le temps. Après avoir rencontré des experts et écouté le point de vue des différentes parties prenantes, les participants sont invités à échanger sur une problématique publique.</p>
<p>À la fin du processus de délibération, ils remettent un rapport composé d’une série de recommandations transmises aux autorités publiques.</p>
<p>En France, par exemple, en 1998 déjà, une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395508">conférence de citoyens sur les OGM</a> à l’Assemblée nationale avait débouché sur une série de recommandations comme l’amélioration des procédures d’évaluation des risques ou la création de filières séparées.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont mobilisé de telles conférences dans un grand nombre de démocraties, sur un grand nombre de sujets, organisant des échanges du niveau du quartier jusqu’à des assemblées paneuropéennes. Les résultats varient grandement d’un cas à l’autre, mais il est possible de dresser le double constat suivant.</p>
<p>D’une part, ces expériences montrent que les citoyens sont capables d’appréhender des sujets réputés complexes et de fournir des recommandations argumentées aux décideurs publics. Le tirage au sort peut également partiellement tenir ses promesses d’inclusion, en intégrant des publics qui s’expriment peu ou déclarent ne jamais s’investir en politique.</p>
<p>Mais d’autre part, le véritable apport de ces conférences à la dynamique démocratique globale est incertain. Ces expériences restent la plupart du temps extrêmement isolées des processus décisionnels, produisant peu d’effets sur la conduite de l’action publique. Le caractère événementiel et médiatique peut même produire de la frustration chez les citoyens qui ont accepté d’y prendre part et ont l’impression de s’être fait manipuler, pour rien. C’est un risque auquel s’expose le projet du gouvernement français.</p>
<h2>L’expérience irlandaise</h2>
<p>Un modèle plus ambitieux a été offert par la République d’Irlande, qui s’est placée à la pointe de l’innovation démocratique en organisant entre 2012 et 2014 une <a href="https://www.citizensassembly.ie/en/Resource-Area/Convention-on-the-Constitution/">Convention constitutionnelle</a> impliquant des citoyens tirés au sort. L’objectif consistait à faire émerger des recommandations de réformes de la Constitution.</p>
<p>Concrètement, la convention était composée d’un président, de 33 élus (29 membres du Parlement et 4 représentants de partis nord-irlandais) et 66 citoyens sélectionnés par un institut de sondage avec pour objectif de refléter l’équilibre de genre, d’âge et de régions de l’électorat. Suivant le même type d’organisation que les conférences de citoyen, cette assemblée mixte s’est déroulée sur 10 week-ends, subdivisés en trois moments : présentations par des experts, débat entre groupes opposés sur le sujet en question et discussions en petits groupes avec des facilitateurs.</p>
<p>Les recommandations furent soumises au gouvernement, ce dernier choisissant de les accepter, de les rejeter ou de les soumettre à référendum. Le résultat le plus spectaculaire de cette convention, à ce jour, fut la <a href="https://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/23/mariage-homosexuel-en-irlande-les-partisans-du-oui-confiants_4639307_3214.html">légalisation du mariage homosexuel</a> (62 % de voix favorables), recommandée par la Convention, après un référendum national en 2015.</p>
<p>L’expérience fut reconduite en 2016 avec la mise en place de l’<a href="http://www.citizensinformation.ie/en/government_in_ireland/irish_constitution_1/citizens_assembly.html">Irish Citizen Assembly</a>, mais composée cette fois-ci des seuls citoyens tirés au sort, abandonnant de la sorte le modèle d’une composition mixte.</p>
<p>Parmi les sujets discutés par cette nouvelle assemblée, les tirés au sort étaient invités à faire des propositions sur l’enjeu particulièrement clivant de l’avortement. Suite aux cinq week-ends de délibérations, c’est l’option de l’abrogation de la disposition constitutionnelle interdisant le recours à l’interruption volontaire de grossesse qui fut plébiscitée par la majorité des participants. Le 25 mai 2018, la question a fait l’objet d’un <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/05/27/referendum-l-irlande-fait-corps-pour-l-avortement_1654587">référendum</a> entraînant la validation de cette mesure d’abrogation.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/mL5siWzKDOM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Emission sur Europe 1 consacrée à l’Islande et la démocratie directe.</span></figcaption>
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<p>L’Islande elle aussi a eu recours à ce format pour son <a href="https://thecenterfordemocracy-dot-yamm-track.appspot.com/Redirect?ukey=19-9LI-8PielI7XlEPuW0aj9hCk-wYlYv_3z-O82PE14-0&key=YAMMID-39445397&link=https%3A%2F%2Fgrapevine.is%2Fmag%2Farticles%2F2015%2F07%2F23%2Fa-quiet-riot-filming-icelands-constitutional-reform%2F">processus de révision de la Constitution</a> (2010-2012) mêlant assemblée tirée au sort et élection de citoyens indépendants des partis. Des interactions délibératives via les réseaux sociaux furent même organisées pour <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/jopp.12032">inclure un maximum de citoyens</a>. Le résultat, proposant d’amender divers articles de la Constitution (par exemple la reconnaissance des ressources naturelles du pays comme propriété publique) fut approuvé par référendum, mais finalement ignoré par le Parlement après un changement de majorité en 2013. À l’heure actuelle, malgré les pressions émanant de la société civile, le projet de réforme est toujours gelé.</p>
<p>En 2017, la méthode a également séduit la <a href="http://constitutionnet.org/news/deliberative-polling-constitutional-change-mongolia-unprecedented-experiment">Mongolie</a>. Une nouvelle loi y rend obligatoire l’organisation de <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/02/22/james-fishkin-architecte-de-la-democratie-pure_1550301">sondages délibératifs</a>, à savoir la consultation, après délibération, de <a href="http://cdd.stanford.edu/2017/main-findings-of-the-first-nationwide-deliberative-polling-on-constitutional-amendment-of-mongolia/">citoyens tirés au sort</a>, avant que le Parlement puisse considérer d’amender certains articles de la Constitution. Ainsi, l’idée de créer une seconde chambre législative (élue) a été rejetée par les participants, craignant qu’elle ne soit que le reflet de la première chambre, et a donc été laissée de côté par le Parlement.</p>
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<figcaption><span class="caption">Université de Standford, sur l’assemblée citoyenne en Mongolie.</span></figcaption>
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<h2>Quelques expériences françaises</h2>
<p>Si la France semble encore loin de la mise en place de dispositifs d’une telle ampleur, des conférences de citoyens ont déjà été organisées par le passé, et certaines municipalités expérimentent de nouvelles formes démocratiques. La <a href="http://www.grenoble.fr/92-citoyennete.htm">ville de Grenoble</a>, par exemple, s’illustre depuis plusieurs années par une diversité de canaux de participation, allant des conseils citoyens aux budgets participatifs en passant par le <a href="https://www.liberation.fr/debats/2018/06/01/donnons-aux-citoyens-le-droit-d-interpellation_1655882">droit d’interpellation</a> (possibilité pour les citoyens de demander des justifications à leurs représentants dans le cadre d’un conseil municipal).</p>
<p>À <a href="https://www.rue89strasbourg.com/critique-livre-jo-spiegel-democratie-locale-115309">Kingersheim</a>, près de Mulhouse, des assemblées mixtes rassemblent régulièrement des citoyens tirés au sort, des élus et des représentants d’associations pour élaborer collectivement des projets après avoir été formés sur des thèmes spécifiques, puis après délibérations. Ceux qui participent sont ensuite tenus de partager les fruits de leurs délibérations <a href="https://www.allary-editions.fr/publication/les-enfants-du-vide/">avec ceux qui n’ont pas participé</a>, afin de ne pas se couper du reste de la population.</p>
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<figcaption><span class="caption">Jo Spiegel, édile de Kingersheim, s’exprime sur la démocratie directe dans sa commune.</span></figcaption>
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<h2>Et si on tirait le Sénat au sort ?</h2>
<p>Une autre façon de mobiliser le hasard, encore non-expérimentée, mais dont on parle de plus en plus dans différents pays comme la <a href="https://ledrenche.fr/2017/06/supprimer-senat-et-remplacer-par-citoyens-tires-au-sort-1136/">France</a>, la <a href="http://www.revuepolitique.be/un-senat-tire-au-sort-2/">Belgique</a> ou le <a href="https://montrealgazette.com/opinion/columnists/opinion-lets-replace-canadas-senate-with-a-randomly-selected-citizen-assembly">Canada</a>, consisterait à tirer au sort une partie des membres d’une assemblée législative.</p>
<p>Selon les partisans de <a href="http://www.revuepolitique.be/un-senat-tire-au-sort-2">cette méthode</a>, le profil diversifié des parlementaires tirés au sort ainsi que l’absence de discipline de parti poseraient les bases d’un débat démocratique plus ouvert et prenant mieux en compte les aspirations des différents groupes de citoyens. Souvent proposé en complément d’une chambre élue, ce modèle consiste donc à pluraliser les sources de légitimité démocratique et à tirer parti des <a href="https://www.academia.edu/37703755/Le_tirage_au_sort_est-il_compatible_avec_l%C3%A9lection_RFSP_2018_">vertus respectives du tirage au sort et de l’élection</a>.</p>
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<figcaption><span class="caption">En France en 2017 le collectif #MaVoix proposait notamment de faire élire des députés tirés au sort.</span></figcaption>
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<p>Ce point de vue reste cependant minoritaire et le soutien à une telle innovation reste encore limité. Une <a href="https://www.academia.edu/38071053/Intercameral_Relations_in_a_Bicameral_Elected_and_Sortition_Legislature">enquête récente</a> que nous avons réalisée avec des collègues dans le contexte belge auprès de 966 citoyens et 124 élus montre que les élus des différents parlements (écologistes exceptés) sont aujourd’hui très largement opposés à l’usage du sort pour constituer des institutions politiques. Sans doute y voient-ils une menace pour leur monopole sur la représentation légitime.</p>
<p>Du côté des citoyens, les positions sont plus partagées, beaucoup n’ayant pas encore d’avis. Ce sont les catégories sociales les moins favorisées, en termes de niveau d’éducation et de revenu, qui se montrent les plus favorables à l’idée d’une seconde chambre tirée au sort – signe peut-être du décalage sociologique entre les élus et ces catégories de la population. Par ailleurs, l’idée d’une chambre mixte, composée à la fois d’élus et de citoyens tirés au sort, reçoit davantage de soutien (de la part des élus et des citoyens) qu’une composition purement aléatoire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=887&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1114&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1114&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253491/original/file-20190112-43544-1osy47h.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1114&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Résultats enquête tirage au sort Belgique (Vincent Jacquet, Christoph Niessen, Min Reuchamps, John Pitseys et Pierre-Étienne Vandamme, 2018).</span>
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<h2>Se familiariser, s’impliquer, décider</h2>
<p>Sur base de ces diverses expériences, que pouvons-nous imaginer pour la France ?</p>
<p>Sans doute serait-il bienvenu de commencer par multiplier les assemblées citoyennes au niveau local, à l’image de ce qui se fait déjà à Grenoble ou Kingersheim, pour familiariser davantage les citoyens au tirage au sort et à de tels processus délibératifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C610%2C5982%2C3377&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/253528/original/file-20190113-43535-1njjjie.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une conférence de 20 citoyens tirés au sort a été organisée sur 3 sites nationaux fin 2018 par Enedis et Les Cahiers de la ville responsable. Ce processus vise à échanger sur la question du déploiement des compteurs Linky.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.debatparticipatiflinky.fr/le-debat-participatif-linky/la-conference-des-citoyens/">debatparticipatiflinky.fr</a></span>
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<p>En effet pour beaucoup, ces derniers demeurent sans doute étranges. Nous baignons dans des cultures politiques centrées sur l’élection et de nombreuses personnes ignorent les usages historiques du tirage au sort ainsi que les expériences plus récentes. Sans avoir assisté à des délibérations citoyennes ou lu à leur sujet, on peut douter que des citoyens ordinaires soient capables de se mesurer à des questions politiques complexes. Si le nombre de personnes ayant pris part à de telles expériences ou en ayant entendu parler par des proches augmentait, l’idée serait peut-être davantage prise au sérieux. Peut-être également que le nombre de personnes <a href="https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/object/boreal:179869">prêtes à consacrer une partie de leur temps libre</a> à de telles délibérations – nombre aujourd’hui assez faible – s’accroîtrait également.</p>
<p>L’idée d’une assemblée citoyenne nationale gagnerait alors peut-être en crédibilité.</p>
<p>Deux modèles plus ambitieux pourraient alors être envisagés. Celui d’une réforme constitutionnelle inclusive et délibérative, à l’image des expériences irlandaise et islandaise. Ou celui plus novateur encore d’une assemblée législative permanente – un Sénat ou une troisième chambre tirée au sort qui se pencherait sur une série de sujets, comme les enjeux de long terme tels que le climat ou l’éducation, qui nécessitent de pouvoir s’extraire du temps court des cycles électoraux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/109733/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre-Etienne Vandamme a reçu des financements du Fonds national belge de la recherche scientifique (FNRS) et de la KU Leuven. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Jacquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des assemblées citoyennes composées de membres tirés au sort ont été organisées dans de nombreux pays, remettant en question le monopole des élus.Vincent Jacquet, charge de recherches FRNS à UCLouvain en science politique, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Pierre-Etienne Vandamme, Chercheur en théorie politique, KU LeuvenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1089272018-12-17T20:59:06Z2018-12-17T20:59:06ZRéférendums, assemblées citoyennes : des propositions à ne pas sous-estimer<p>Un référendum d’initiative citoyenne (RIC) est-il envisageable en France ? Des députés du parti La France Insoumise ont annoncé <a href="http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2018/12/17/97001-20181217FILWWW00158-lfi-veut-legiferer-pour-instaurer-un-referendum-citoyen.php">aujourd’hui</a> « leur intention de déposer une proposition de loi constitutionnelle » afin de refléter par la voie législative l’une des principales revendications des gilets jaunes. <a href="https://www.change.org/p/pour-un-r%C3%A9f%C3%A9rendum-d-initiative-citoyenne">Une pétition en ligne</a> demandant le RIC comme revendication unique circule d’ailleurs depuis quatre jours et a déjà recueilli 150,000 signatures. Une demande également entendue par le premier ministre qui s’est déclaré favorable sur le <a href="http://www.rfi.fr/france/20181217-gilets-jaunes-comprendre-le-ric-referendum-initiative-citoyen">« principe »</a>.</p>
<p>La concomitance de la <a href="https://www.lesechos.fr/politique-societe/dossiers/0301430941392/0301430941392-revision-constitutionnelle-ce-qui-se-prepare-2160693.php">révision constitutionnelle</a> – reportée par le gouvernement après le <a href="https://www.la-croix.com/France/Politique/Gilets-jaunes-ambitions-grande-concertation-nationale-2018-12-17-1200990071">« grand débat » de concertation</a> promis par le président de la République – et du mouvement des gilets jaunes, de plus en plus focalisé sur des revendications institutionnelles, est une occasion unique pour le pouvoir en place de donner enfin une réponse constructive à la crise de la représentation dont ce mouvement est l’énième manifestation en France.</p>
<p>Cela serait en effet commettre une grave erreur d’appréciation que d’attribuer aux seuls gilets jaunes la dénonciation de la dégradation du lien de représentation, le rejet du parlement et des partis, et la revendication de mécanismes qui tous convergent vers une <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_2000_num_50_4_395507">« directisation » de la démocratie</a> (référendum d’initiative citoyenne, référendum révocatoire, création d’assemblées de citoyens tirés au sort, représentation proportionnelle…). Et encore plus grave d’en conclure que le mouvement s’étiolant, cette demande pourrait être ignorée.</p>
<h2>Le référendum n’est pas une lubie</h2>
<p>Les enquêtes par sondage menées en France montrent ainsi depuis de nombreuses années une insatisfaction généralisée et croissante des Français à l’égard du fonctionnement de leur système politique et une volonté nette d’avoir plus d’influence sur les décisions politiques. Ainsi le <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Confiance2018_FOUCAULT-MOREL.pdf">dernier Baromètre du Cevipof</a> confirme le sentiment massif mis en évidence par les vagues précédentes selon lequel « les responsables politiques ne se préoccupent pas de ce que pensent les gens comme moi » (83 % des sondés), tandis que les deux tiers des personnes interrogées considèrent qu’« un bon responsable politique est avant tout quelqu’un qui sait prendre l’avis du plus grand nombre de citoyens avant de décider ». Et s’ils n’étaient que 42 % à déclarer que « la démocratie fonctionnerait mieux en France si les députés étaient des citoyens tirés au sort », 62 % (un chiffre qui ne faiblit pas d’année en année) pensent qu’« il devrait y avoir des référendums sur la plupart des questions importantes ». Enfin 69 % estiment que l’initiative des référendums devrait pouvoir être entre les mains des citoyens.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=264&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=264&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=264&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251024/original/file-20181217-185255-wgb2tb.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=331&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Graphiques extraits du baromètre Cevipof 2018, illustrant certaines des questions auxquelles les enquêtés ont répondu à propos de référendums d’initiative populaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/sites/sciencespo.fr.cevipof/files/Confiance2018_FOUCAULT-MOREL.pdf">Baromêtre Cevipof, 2018</a></span>
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<p>Le RIC réclamé par les gilets jaunes n’a donc rien d’une lubie sortie du chapeau d’une minorité d’agitateurs, même s’il faut bien sûr faire la différence entre une opinion exprimée par sondage et une revendication active. La constance des réponses apportées dans les enquêtes d’une année sur l’autre, et le soutien manifesté par les Français au mouvement incitent pourtant à ne pas sous-estimer les enseignements des sondages.</p>
<h2>Une demande dans toutes les démocraties</h2>
<p>On ajoutera que cette demande de démocratie directe et en particulier de référendums est tout sauf franco-française, même si elle s’inscrit en France dans un contexte de déficit de la concertation et des corps intermédiaires probablement plus aigu qu’ailleurs.</p>
<p>Comme l’a montré par exemple l’enquête Fondapol <a href="http://data.fondapol.org/democratie/ou-va-la-democratie/">menée en janvier 2017 dans 25 pays d’Europe et les États-Unis</a>, la demande de démocratie directe atteint des sommets là où la confiance envers les partis et les institutions politiques est la plus basse, comme les régimes post-communistes d’Europe centrale, mais est également forte dans les pays où cette confiance reste élevée (au premier rang desquels les pays nordiques).</p>
<p>On a d’ailleurs pu identifier deux types de publics diamétralement opposés mais unis par une même demande de référendums : des populations « en souffrance », se sentant mal représentées et qui voient en le référendum, en particulier d’initiative populaire, un ultime recours pour se faire entendre ; et des populations privilégiées, dites <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsp_0035-2950_1997_num_47_5_395208">« post-matérialistes »</a>, dont les priorités ne sont plus économiques mais plutôt orientées vers l’épanouissement individuel. Ces individus plus autonomes rejettent les structures traditionnelles d’autorité et réclament une participation plus grande à la décision politique. Ils voient en la démocratie directe la poursuite logique de la démocratie représentative.</p>
<h2>Rétablir la confiance</h2>
<p>Répondre à cette demande sociétale d’implication majeure des citoyens dans les décisions est probablement aujourd’hui un passage obligé pour rétablir la confiance, carburant indispensable de tout système démocratique, en particulier quand la performance est « en panne ». Seule la confiance permet en effet de supporter les sacrifices, de ne pas les considérer systématiquement comme des injustices, et d’accepter la non-immédiateté des résultats de l’action publique.</p>
<p>Parce qu’elle permet de déboucher sur des politiques plus inclusives, autrement dit conciliant mieux la pluralité des intérêts, de co-responsabiliser les citoyens et de leur faire prendre conscience de la complexité des problèmes à résoudre, la démocratie directe peut en effet s’avérer un puissant correcteur de la défiance généralisée à l’égard des institutions. À cet égard, l’impact bénéfique de la démocratie directe sur la confiance élevée des citoyens suisses <a href="https://www.college-de-france.fr/site/pierre-rosanvallon/seminar-2014-03-05-10h00.htm">envers leur système politique</a>, doit être mentionné.</p>
<h2>L’assemblée citoyenne, une idée judicieuse</h2>
<p>Il est aujourd’hui assez remarquable qu’un mouvement né à ce point hors des institutions réclame des instruments pour institutionnaliser son opposition aux politiques gouvernementales.</p>
<p>Il faut également souligner une certaine maturité et expertise dans les propositions institutionnelles émanant des différents groupes adhérant au mouvement, notamment quand <a href="http://giletsjaunes.e-monsite.com/sondages-revendications">ils proposent</a> de faire décider les options soumises au référendum par des assemblées de citoyens tirés au sort, à l’image d’expériences menées ailleurs, par exemple en Oregon ou en Colombie-Britannique sur la réforme du mode de <a href="https://journals.openedition.org/lectures/423">scrutin</a>.</p>
<p>En l’occurrence, accepter l’idée des gilets jaunes de créer des assemblées citoyennes tirées au sort se révélerait judicieux dans le cadre de la révision constitutionnelle en cours.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=595&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/250980/original/file-20181217-181905-1bj79ni.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=747&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dessin de presse sur la démocratie directe en Oregon, 1912. <em>The Centennial History of Oregon, 1811-1912</em>.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Political_cartoon_about_Oregon_direct_democracy,_1912.png">Joseph Gaston/S.J. Clarke</a></span>
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<p>Une telle assemblée pourrait avoir pour mission d’élaborer des propositions visant à impliquer davantage le citoyen dans l’élaboration des politiques publiques et à la moralisation de la vie politique, et interagir avec le processus de révision constitutionnelle en cours, qui se conclurait par un <a href="http://www2.assemblee-nationale.fr/decouvrir-l-assemblee/role-et-pouvoirs-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-de-l-assemblee-nationale/les-fonctions-legislatives/la-revision-de-la-constitution">référendum selon l’article 89 de la Constitution</a>.</p>
<p>Cela permettrait à la fois une synergie inédite entre les élus et les citoyens, et une réflexion plus approfondie des uns et des autres sur les modalités d’éventuels mécanismes de démocratie directe : conditions de l’initiation et de la formulation des propositions, questions sur lesquelles les référendums pourraient porter, caractère propositif ou seulement abrogatif de lois existantes, nature consultative ou décisionnelle, existence ou non d’un quorum (seuil) de participation pour que le résultat soit valide, règles relatives à la formulation des questions et à la campagne…</p>
<p>Comme à l’issue <a href="https://www.liberation.fr/debats/2017/02/22/james-fishkin-architecte-de-la-democratie-pure_1550301">d’un sondage délibératif</a>, ceux qui réclament aujourd’hui à corps et à cris des RIC pourraient se montrer plus prudents et circonstanciés après avoir réfléchi aux implications des différentes versions possibles de l’outil référendaire.</p>
<h2>Commencer par une vraie initiative populaire locale</h2>
<p>Ainsi la vague 9 du baromètre CEVIPOF précité a-t-elle révélé que placés devant des hypothèses plus concrètes, les Français modèrent leur penchant référendaire. Une majorité d’entre eux par exemple craint l’effet démobilisateur de référendums trop fréquents et souhaite l’établissement d’un seuil de participation en dessous duquel une proposition ne pourrait pas être considérée comme acceptée.</p>
<p>Beaucoup se contenteraient sans doute d’une introduction d’une vraie initiative populaire au niveau local, qui pourrait servir de ballon d’essai ou de laboratoire pour une éventuelle expérimentation ultérieure au niveau national.</p>
<p>Si, fidèles à elles-mêmes depuis la Révolution, <a href="https://www.college-de-france.fr/site/pierre-rosanvallon/seminar-2014-03-12-10h00.htm">nos élites confirment leur hostilité viscérale au référendum</a>, alors il y a fort à craindre que sonne l’heure des populistes. En matière de référendums, ceux-ci ont en effet une <a href="http://www.sciencespo.fr/ceri/fr/content/dossiersduceri/populisme-mode-d-emploi">longueur d’avance</a> puisqu’ils ont déjà fait de l’initiative populaire une priorité, comme il l’est apparu clairement à la dernière élection présidentielle.</p>
<p>Le choix est donc entre une appropriation populiste du référendum, qui a toutes les chances de se retourner contre la démocratie, et une assimilation raisonnable du procédé par la démocratie représentative.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurence Morel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La concomitance de la révision constitutionnelle et du mouvement des gilets jaunes est une occasion unique d’expérimenter plus de démocratie directe et de rétablir la confiance avec les citoyens.Laurence Morel, Maitre de conférences, science politique, chercheure associée au CEVIPOF, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.