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rivières – The Conversation
2023-11-26T15:36:24Z
tag:theconversation.com,2011:article/214165
2023-11-26T15:36:24Z
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Les rivières intermittentes, des écosystèmes encore trop souvent méconnus et négligés
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550896/original/file-20230928-27-88889f.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=258%2C17%2C3288%2C2138&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Moutons dans un segment en cessation d’écoulement dans le Barranc del Carraixet, Espagne.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nuria Cid</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>550 000km, c’est la longueur totale des cours d’eau en France. Rus, rivières, <a href="https://theconversation.com/fleuves-francais-est-il-possible-de-retrouver-un-bon-etat-ecologique-169043">fleuves</a> : l’immense majorité de la population <a href="https://theconversation.com/des-rivieres-et-des-riverains-les-emotions-comme-approche-de-la-preservation-de-leau-179210">vit à proximité d’un cours d’eau</a>. Nous sommes nombreux à avoir été témoins d’une forte crue ou de l’assèchement soudain du cours d’eau auprès duquel nous jouions enfant.</p>
<p>Une partie de nos rivières sont d’ailleurs dites « intermittentes » : de manière récurrente, elles cessent de s’écouler ou s’assèchent complètement. C’est un phénomène naturel, tous les cours d’eau possèdent des segments intermittents : à l’échelle mondiale, ils sont même plus importants que les segments qui coulent toute l’année ; à l’échelle française ils représentent <a href="https://hess.copernicus.org/articles/17/2685/2013/hess-17-2685-2013.html">environ un tiers de l’ensemble des cours d’eau du pays</a>.</p>
<p>La biodiversité et les processus écosystémiques des cours d’eau intermittents sont régis par les cycles répétés de phases d’écoulement, de non-écoulement et d’assèchement. À leur tour, ces phases influencent la dynamique écologique de tout le cours d’eau, y compris des écosystèmes aquatiques pérennes connectés en surface, dans le milieu souterrain (nappes phréatiques) et ce jusqu’aux estuaires et zones littorales.</p>
<p>Liée au climat, à la géologie ou aux échanges avec la nappe, cette intermittence n’est donc pas négative pour la biodiversité. Mais le <a href="https://theconversation.com/dans-le-jura-le-rechauffement-climatique-aggrave-la-pollution-des-eaux-par-les-nitrates-206785">changement climatique</a> vient introduire des perturbations qui elles, peuvent avoir des effets néfastes. C’est ce que nous montrons dans des travaux publiés dans <a href="https://www.nature.com/articles/s43017-023-00495-w"><em>Nature Reviews Earth & Environment</em></a>.</p>
<h2>Des espèces qui s’adaptent</h2>
<p>Tant qu’elle est naturelle, l’intermittence n’est pas nécessairement néfaste pour la biodiversité. Beaucoup d’espèces animales et végétales ont développé des adaptations à la « dessiccation », c’est-à-dire au fait de se dessécher. C’est le cas par exemple de <a href="https://experts.arizona.edu/en/publications/resistance-resilience-and-community-recovery-in-intermittent-rive">certains insectes trichoptères et plécoptères</a>.</p>
<p>Sous certains climats, des crustacés comme certaines écrevisses, des copépodes ou des ostracodes, peuvent également survivre hors de l’eau pendant des semaines voire des années, <a href="https://experts.arizona.edu/en/publications/resistance-resilience-and-community-recovery-in-intermittent-rive">sous des formes de résistance</a> – œufs, larves ou adultes en dormance. Certains poissons peuvent même respirer de l’air <a href="https://experts.arizona.edu/en/publications/resistance-resilience-and-community-recovery-in-intermittent-rive">durant les périodes d’assec en Afrique</a>, en Australie ou en Amérique du Sud.</p>
<p>Certains organismes sont par ailleurs capables de recoloniser très vite les segments asséchés une fois l’eau revenue, que ce soit à partir de segments pérennes, de la zone saturée en eau sous le lit des cours d’eau ou de refuges aquatiques dans le bassin versant.</p>
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<p>D’autres espèces profitent de cet assèchement et donc de l’absence fréquente de prédateurs pour se développer dans ces segments. C’est le cas d’espèces de saumons au Canada mais aussi du crapaud sonneur à ventre jaune (<em>Bombina variegata</em>) en Europe.</p>
<p>Cette intermittence est également un frein naturel à la propagation d’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/especes-invasives-29442">espèces invasives</a>. Elle génère une forte diversité régionale, en réajustant constamment les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/fwb.13611">successions écologiques</a>.</p>
<p>Des organismes terrestres profitent enfin aussi largement des assèchements, que ce soit pour se nourrir de matière organique aquatique morte, occuper les lits de cours d’eau asséchés <a href="https://www.researchgate.net/publication/370133726_Intermittent_rivers_and_ephemeral_streams_are_pivotal_corridors_for_aquatic_and_terrestrial_animals">ou les utiliser pour se déplacer</a>.</p>
<h2>La faune prise de court</h2>
<p>Les transformations globales viennent malheureusement perturber ces cycles naturels dans nos rivières. Le changement climatique, marqué par de longues périodes sans pluie et des températures de plus en plus élevées, modifie la dynamique d’assèchement des cours d’eau. Certains s’assèchent plus, d’autres moins, et de nombreux segments historiquement pérennes deviennent intermittents.</p>
<p>Ces changements brutaux affectent fortement la biodiversité. Certaines espèces qui se réfugiaient dans ces cours d’eau sont menacées, soit par un assèchement plus précoce qui les empêche de rejoindre leur lieu de frayage ou perturbe leur cycle de vie. Par exemple, l’arrivée précoce d’assecs – périodes sans eau – peut mettre en péril les stratégies sélectionnées par l’évolution, comme le fait pour les larves des trichoptères du groupe <em>Stenophilax</em> sp. d’émerger sous forme d’adultes au printemps pour aller se réfugier dans des grottes ou troncs d’arbres durant l’assèchement estival.</p>
<p>Les refuges sont aussi parfois tellement dégradés durant les canicules et périodes de sécheresse qu’ils ne jouent plus leur rôle et menacent la dynamique biologique de ces cours d’eau.</p>
<h2>Des pans de l’économie menacés</h2>
<p>De plus en plus de rivières historiquement pérennes deviennent par ailleurs intermittentes du fait des prélèvements excessifs dans les nappes et les rivières.</p>
<p>Les trajectoires biologiques de ces « nouveaux » écosystèmes sont encore très méconnues mais représentent une sérieuse menace pour la riche diversité des cours d’eau et les <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article-abstract/73/1/9/6835545?redirectedFrom=fulltext">nombreux services qu’ils rendent</a> aux sociétés.</p>
<p>Une intermittence imprévue, associée à une baisse drastique du débit, peut ainsi affecter les loisirs nautiques sur certaines rivières : en 2022, l’absence de pluie a par exemple provoqué une chute du débit et un assèchement extrême de la Drôme et donc empêché les descentes en canoë. L’irrigation et par extension la production agricole sont également touchées, avec un impact économique majeur sur tout un secteur. Même constat pour la pêche, qu’elle soit professionnelle ou non.</p>
<h2>Une bombe à retardement environnementale</h2>
<p>Ces zones asséchées sont aussi beaucoup plus actives biogéochimiquement que l’on ne le soupçonnait. Ce sont notamment des lieux d’accumulation de matières organiques terrestres qui, une fois remises en eau, peuvent produire des pulses de CO<sub>2</sub>, c’est-à-dire des émissions brutales et ponctuelles dans l’atmosphère <a href="https://www.nature.com/articles/s41561-018-0134-4">dans l’atmosphère</a>, ainsi que des flux d’eau très peu oxygénée et chargée d’éventuels contaminants vers l’aval, avec des effets dévastateurs pour l’environnement, mais également pour la santé humaine.</p>
<p>Il apparaît donc nécessaire que l’intermittence des cours d’eau soit prise en compte dans la gestion des milieux aquatiques. Considérer cela comme un épisode occasionnel, sans importance, peut avoir de graves conséquences sur la biodiversité des eaux douces, leur intégrité écologique et les populations vivant à proximité.</p>
<h2>Des milieux trop négligés</h2>
<p>Malheureusement, ces écosystèmes souffrent <a href="https://www.researchgate.net/publication/365292418_It%E2%80%99s_dry_it_has_fewer_charms_Do_perceptions_and_values_of_intermittent_rivers_interact_with_their_management">d’une perception très négative</a> chez les gestionnaires et le public, parce qu’ils sont méconnus, complexes et jusqu’à récemment, peu étudiés. Les segments asséchés sont souvent utilisés comme décharges, réceptacles de rejets d’eaux usées, de circuit de 4x4 et quads, ou encore comme sources de granulats.</p>
<p>Du point de vue de leur gestion, cela freine la mise en place de politiques publiques dédiées à la protection des milieux aquatiques. Ils ne sont pas suivis hydrologiquement, malgré des évolutions positives comme le <a href="https://onde.eaufrance.fr/">réseau national ONDE</a>, et <a href="https://hal.inrae.fr/hal-02600226">sont oubliés des suivis de l’état écologique</a> dans le cadre de la Directive cadrée européenne. En France, les efforts pour conserver ou restaurer ces milieux demeurent extrêmement rares.</p>
<p>Sur le plan législatif, plusieurs tentatives ont même lieu pour les exclure de la police de l’eau, que ce soit <a href="https://www.researchgate.net/publication/365292418_It%E2%80%99s_dry_it_has_fewer_charms_Do_perceptions_and_values_of_intermittent_rivers_interact_with_their_management">aux Etats-Unis</a> <a href="https://www.zabr.assograie.org/les-cours-deau-intermittents-en-danger/">ou en France</a>.</p>
<p>Pourtant, ces segments qui font partie intégrante des réseaux hydrographiques sont connectés aux segments pérennes, mais aussi aux eaux souterraines, zones humides adjacentes, estuaires et milieux côtiers, au moins durant les phases en écoulement : les négliger met en péril l’ensemble des écosystèmes aquatiques d’eau douce.</p>
<h2>Une app pour signaler les rivières asséchées</h2>
<p>Afin de mieux comprendre ces rivières, l’Inrae et ses partenaires ont développé une application de sciences participatives open-source dans le cadre d’un projet de recherche européen : <a href="https://www.dryver.eu/app">DryRivers</a>.</p>
<p>Cette application permet à n’importe quel citoyen de signaler un assèchement d’un cours d’eau. Les données ainsi recueillies sont disponibles sur le site Internet du projet. Leur analyse nous a déjà aidés à <a href="https://academic.oup.com/bioscience/article/73/7/513/7223627">mieux cartographier ces rivières</a> au niveau européen, de calibrer et valider des modèles hydrologiques indispensables à la compréhension et à la gestion des cours d’eau, non seulement aujourd’hui mais aussi dans le futur.</p>
<p>Ces observations contribuent enfin à sensibiliser le public à la prévalence de ces écosystèmes dans le paysage, tout en alertant sur les effets du réchauffement climatique sur nos cours d’eau.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=292&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487264/original/file-20220929-18-btga69.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=367&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Science et Société se nourrissent mutuellement et gagnent à converser. La recherche peut s’appuyer sur la participation des citoyens, améliorer leur quotidien ou bien encore éclairer la décision publique. C’est ce que montrent les articles publiés dans notre série « Science et société, un nouveau dialogue », publiée avec le soutien du <a href="https://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/fr">ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214165/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thibault Datry ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Si beaucoup d’espèces sont adaptées à l’intermittence naturelle des cours d’eau, le changement climatique perturbe cet équilibre en amplifiant les périodes de sécheresse et les crues.
Thibault Datry, Directeur de Recherche, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/213418
2023-10-04T13:37:12Z
2023-10-04T13:37:12Z
Comprendre le rôle du couvert de neige en forêt pour mieux prédire le risque d’inondation
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/550430/original/file-20230926-17-3adew2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C5%2C3914%2C2964&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Benjamin Bouchard)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Un couvert de neige tapisse la forêt boréale du Québec pendant plus de six mois par année. Bien qu’il soit essentiel pour l’équilibre de nos écosystèmes, il peut cependant représenter une véritable épée de Damoclès pour les populations en aval des bassins versants forestiers.</p>
<p>Les inondations majeures du printemps 2023 dans la région de Charlevoix en sont un bon exemple. </p>
<p>L’hiver dernier, le bassin versant de la rivière du Gouffre, <a href="https://charlevoixmontmorency.ca/l-obv-cm/territoire/">recouvert à près de 75 % de forêts</a>, a accumulé pendant tout l’hiver une quantité importante de neige. Combinée à un événement de pluie extrêmement intense, la fonte de ce couvert de neige a contribué à faire sortir la rivière de son lit, causant des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2023-05-03/baie-saint-paul/inondes-en-un-temps-record.php">inondations sans précédent à Baie-Saint-Paul</a>.</p>
<p>Dans le cadre de mon doctorat à l’Université Laval, en collaboration avec <a href="https://sentinellenord.ulaval.ca/">Sentinelle Nord</a>, je m’intéresse à l’impact des propriétés du couvert de neige sur l’hydrologie des bassins versants en forêt boréale.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/523895/original/file-20230502-16-gbwpsg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><strong>Cet article fait partie de notre série <a href="https://theconversation.com/ca-fr/topics/foret-boreale-138017">Forêt boréale : mille secrets, mille dangers</a></strong></p>
<p><br><em>La Conversation vous propose une promenade au cœur de la forêt boréale. Nos experts se penchent sur les enjeux d’aménagement et de développement durable, les perturbations naturelles, l’écologie de la faune terrestre et des écosystèmes aquatiques, l’agriculture nordique et l’importance culturelle et économique de la forêt boréale pour les peuples autochtones. Nous vous souhaitons une agréable – et instructive – balade en forêt !</em></p>
<hr>
<h2>La pluie comme vecteur d’énergie</h2>
<p>Comme nous l’avons vu au printemps 2023, les épisodes de pluie en présence d’un couvert de neige peuvent mener à une augmentation soudaine du niveau d’eau des rivières. Une raison expliquant ce phénomène est que l’eau de pluie transfère de la chaleur vers la neige. </p>
<p>Un échange de chaleur survient entre la pluie et la neige lorsque leur température est différente. La neige se réchauffe alors, et la pluie se refroidit. Une fois que la neige a atteint une température de 0 °C, toute chaleur additionnelle provenant de la pluie provoque de la fonte.</p>
<p>Ainsi, un couvert de neige près de 0 °C, fréquent au printemps, et une forte pluie à température élevée sont des conditions propices à ce que l’eau de fonte et l’eau de pluie contribuent à augmenter le débit ainsi la probabilité d’une inondation. Ceci ne peut toutefois survenir que si l’eau ainsi produite peut s’écouler facilement dans le couvert de neige. </p>
<p>Au contraire, un couvert de neige froid combiné à une faible pluie à basse température peut mener au gel de l’eau de pluie dans la neige. Cette eau restera donc piégée dans la neige et ne présentera pas un risque d’inondation. </p>
<p>Après tout, les échanges de chaleur vont dans les deux sens !</p>
<h2>Le couvert de neige, un milieu à la structure complexe</h2>
<p>Le couvert de neige est un milieu poreux loin d’avoir des propriétés physiques uniformes. Celui-ci correspond plutôt à un empilement de couches de neige qui représentent l’historique des événements météorologiques de l’hiver. L’eau de pluie doit percoler à travers toutes les couches de neige pour se rendre au sol, et éventuellement atteindre le cours d’eau.</p>
<p>Certaines couches limitent l’écoulement d’eau dans la neige, comme les couches de grains fins ou les couches de glace. En revanche, les couches de grains grossiers facilitent l’écoulement en raison de la présence de pores plus gros. Ils permettent ainsi à l’eau de pluie et de fonte d’atteindre rapidement le sol.</p>
<h2>Le rôle de la forêt</h2>
<p>La structure du couvert neigeux influence le risque d’inondation. Mais quel est l’effet de la forêt sur la structure de la neige ? </p>
<p>En interceptant une partie des précipitations solides, les arbres limitent l’accumulation de neige au sol, ce qui contribue à la <a href="https://doi.org/10.1029/JC088iC09p05475">croissance des grains et des pores du couvert neigeux au sol</a> par flux de vapeur d’eau. De plus, la décharge de neige interceptée par les arbres sous forme solide ou liquide <a href="https://doi.org/10.1016/j.foreco.2019.01.052">augmente l’hétérogénéité du couvert neigeux</a>. Ces processus favorisent un écoulement rapide de l’eau dans le couvert de neige se formant sous les arbres.</p>
<h2>Partout pareil ?</h2>
<p>Or, la couverture forestière est loin d’être uniforme en forêt boréale. Elle s’apparente davantage à une végétation clairsemée avec des zones dépourvues d’arbres que l’on nomme trouées. Dans ces trouées, la structure du couvert neigeux est fortement contrastée à ce que l’on retrouve sous les arbres.</p>
<p>Une accumulation de neige plus importante dans les trouées favorise le tassement des couches de neige et la formation de grains fins. De plus, des cycles journaliers de regel en surface mènent à la formation de couches de glace peu perméables. </p>
<p>Le couvert neigeux dans les trouées est donc moins favorable <a href="https://doi.org/10.1002/hyp.14681">que celui sous les arbres</a> à la percolation d’eau vers le sol.</p>
<p>Mais cela signifie-t-il pour autant que la présence de trouées réduit le risque d’inondations ? Pas tout à fait.</p>
<h2>La neige fond plus vite dans les trouées</h2>
<p>La structure du couvert de neige est un facteur parmi d’autres qui influent sur les inondations. Un sol gelé, qui limite l’infiltration, ainsi qu’une fonte rapide de la neige, contribuent également à augmenter le risque d’inondation. </p>
<p>Dans les forêts boréales du Québec, bien que le sol ne gèle pas dans les trouées en raison du caractère isolant du couvert de neige, le <a href="https://doi.org/10.5194/hess-2023-191">taux de fonte y est largement supérieur</a> car le rayonnement solaire y est plus fort que sous les arbres, particulièrement au printemps. </p>
<p>Malgré qu’il y ait davantage de neige qui s’accumule dans les trouées, celle-ci prendrait donc moins de temps à fondre et atteindrait le cours d’eau plus rapidement que celle sous les arbres, ce qui augmente le débit de crue et donc… le risque d’inondation.</p>
<p>Un couvert neigeux plus épais dans les trouées, et des couches de neige plus perméables sous les arbres ont donc contribué à ce que la rivière du Gouffre inonde Baie-Saint-Paul lors de la pluie extrême du printemps 2023.</p>
<p>Les épisodes de pluie comme celui-ci <a href="https://www.ouranos.ca/fr/precipitations-changements-projetes">continueront d’augmenter en fréquence avec le réchauffement climatique</a>. Une connaissance accrue des interactions entre le couvert de neige et la forêt aideront à améliorer les modèles hydrologiques et ainsi assurer la protection du public face aux inondations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/213418/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Bouchard a reçu des financements du Fonds de recherche Nature et technologie du Québec (FRQNT), du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) ainsi que de Sentinelle Nord.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Daniel Nadeau a reçu des financements d'Environnement et Changement Climatique Canada, ainsi que du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et en Génie du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Florent Domine a reçu des financements du Conseil de Recherche en Sciences Naturelles et Génie du Canada</span></em></p>
Mieux comprendre les interactions entre la forêt boréale et la neige permet d’améliorer les modèles hydrologiques assurant ainsi une gestion optimale de la ressource.
Benjamin Bouchard, Étudiant-chercheur au doctorat en génie des eaux, Université Laval
Daniel Nadeau, Professeur titulaire en hydrologie des régions froides, Université Laval
Florent Domine, Professeur, chimie, Université Laval
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tag:theconversation.com,2011:article/214869
2023-10-03T16:35:22Z
2023-10-03T16:35:22Z
Pourquoi l’eau des rivières et des lacs n’est-elle pas salée ?
<p>S’il est une expérience que l’on a, toutes et tous, déjà faite très jeune, c’est celle de boire la tasse en apprenant à nager. On le remarque donc très vite, que l’on soit dans la mer ou dans une rivière le <a href="https://culturesciences.chimie.ens.fr/thematiques/chimie-du-vivant/la-chimie-du-gout">goût</a> est bien différent : salé ou non.</p>
<p>La raison en est toute simple : nous sommes capables de percevoir les différentes concentrations de sel dans l’eau. Si on prend un verre d’eau et que l’on met un peu de sel dedans, on ne le sentira pas. Si on en met un peu plus, on commencera à percevoir le goût salé et ainsi de suite, juste qu’à ce que l’eau devienne imbuvable. Et bien si dans un litre d’eau de mer, il y a en moyenne <a href="http://doc.lerm.fr/salinite-leau-mer/">35 grammes</a> de sel, on en trouve beaucoup moins dans l’eau des lacs et des rivières. Alors pourquoi cette différence ?</p>
<p>Pour comprendre, il faut suivre le cycle de l’eau. L’eau est présente dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau. Quand cette vapeur se condense, elle forme des nuages et des précipitations, comme la pluie ou la neige. Puis l’eau coule sur la surface, s’infiltre dans le sol, interagit avec les roches. Les plantes en utilisent une partie, les nappes phréatiques en stockent une autre, et le reste s’écoule jusqu’à la mer en formant des rivières, parfois des lacs avant de continuer sous chemin.</p>
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<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-mer-et-les-oceans-sont-ils-sales-159374">Pourquoi la mer et les océans sont-ils salés ?</a>
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</em>
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<hr>
<p>Et lorsque l’eau arrive à la mer, elle va y passer un peu de temps. En moyenne une molécule d’eau passe <a href="http://eduterre.ens-lyon.fr/thematiques/hydro/cycleau/temps-de-residence">3 000 ans</a> dans l’océan avant de s’évaporer et de retourner à l’atmosphère. Et la boucle est bouclée.</p>
<h2>Et le sel dans tout ça ?</h2>
<p>D’abord, il faut répondre à cette première question : le sel, c’est quoi ? C’est le mélange entre deux éléments chimiques, le sodium (Na), et le chlore (Cl), ce qui forme du chlorure de sodium, NaCl. D’où viennent ces éléments ?</p>
<p>Il y a dans l’atmosphère différents gaz, dont le dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>). Le CO<sub>2</sub>, ce gaz à effet de serre responsable du réchauffement climatique, est émis par les volcans, depuis des milliards d’années, et par les activités humaines <a href="https://theconversation.com/le-co-une-histoire-au-long-cours-chamboulee-par-les-societes-industrielles-111715">depuis plus de 150 ans</a>. Dans l’eau de pluie par exemple, ce gaz forme un <a href="https://theconversation.com/lacidification-des-oceans-lautre-danger-du-co-114716">acide</a> que l’on appelle l’acide carbonique. Et quand l’eau acidifiée entre en contact avec les roches, elle les attaque, elle en dissout une partie et en enlève les sels minéraux, dont le sodium. Par ailleurs, les volcans libèrent aussi du chlore, qui retombe aussi dans l’eau de pluie et donc dans les rivières.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=317&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551723/original/file-20231003-15-w3fw9n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=399&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Schéma du cycle de l’eau.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ces éléments chimiques coulent jusqu’à l’océan. Ensuite, lorsque l’océan s’évapore, seule l’eau part dans l’atmosphère, le sodium et le chlore restent, la vapeur d’eau n’est donc pas salée. La pluie qui tombe est donc de l’eau douce.</p>
<p>Ainsi, les lacs et rivières contiennent un tout petit peu de sel, qui coule avec l’eau jusqu’à l’océan. Et à chaque fois, les rivières apportent du sel qui reste dans l’océan, et de l’eau qui s’évapore de nouveau vers l’atmosphère, pour de nouveau retomber dans une rivière, un lac et ainsi de suite. C’est pour ça que l’océan est devenu beaucoup plus salé que les eaux de rivières et des lacs.</p>
<p>Tout ça dure depuis qu’il y a de <a href="https://theconversation.com/la-terre-a-t-elle-toujours-ete-bleue-148013">l’eau liquide</a> sur Terre, soit certainement au moins <a href="https://theconversation.com/mael-comment-se-sont-formes-les-oceans-156789">4 milliards d’années</a> ! Petit à petit, au cours de l’histoire de la Terre, l’eau de mer est devenue de plus en plus salée. D’ailleurs, le temps de résidence du sel dans l’océan est de <a href="https://ressources.uved.fr/Grains_Module2/Composition_eau_mer/site/html/Composition_eau_mer/Composition_eau_mer.html">100 millions d’années</a>, contre 3 000 ans pour l’eau. Comment le sel quitte-t-il l’océan ? Parfois, de grandes quantités d’eau de mer s’évaporent et il se forme des roches de sel, comme la halite ou le gypse, bien connues des géologues, mais aussi de tout le monde, puisqu’on les utilise parfois pour saler les routes ou comme sel de table.</p>
<p>C’est donc parce que l’évaporation, qui est un élément essentiel du cycle de l’eau, laisse le sel derrière elle que ce dernier s’accumule dans l’océan et que l’eau des continents comme les rivières et les lacs est douce. Bien sûr, il y a des exceptions, puisqu’il existe des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lac_sal%C3%A9">lacs salés</a> où l’évaporation est plus rapide que les apports d’eau par les rivières qui les entourent, comme le Grand Lac Salé aux États-Unis. À l’inverse il existe des mers moins salées, comme la mer Baltique. Née de la fonte de la calotte glaciaire qui existait il y a 20 000 ans, cette mer était initialement un lac d’eau douce qui s’est peu à peu mélangée à l’eau de mer.</p>
<p>L’histoire du sel dans l’eau est donc longue et complexe !</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : tcjunior@theconversation.fr. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214869/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Paris a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et du CNRS. </span></em></p>
La différence entre eau douce et salée s’explique par le cycle de l’eau et par les minéraux qu’elle charrie.
Guillaume Paris, Géochimiste, chargé de recherche CNRS au Centre de recherches pétrographiques et géochimiques de Nancy, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/208824
2023-09-11T17:29:59Z
2023-09-11T17:29:59Z
Une zone côtière et des estuaires très prisés mais sous pression
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/543688/original/file-20230821-23-n058mw.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C1486%2C576&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La rade de Brest, avec l’estuaire de l’Elorn (premier plan), la ville de Brest et ses installations portuaires (deuxième plan), et le goulet de la rade ouvert sur la mer d’Iroise (arrière plan).</span> <span class="attribution"><span class="source">Georges Chapalain, Cerema</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>La zone côtière, partout dans le monde, attire d’importantes populations. Aujourd’hui, environ <a href="https://sustainabledevelopment.un.org/content/documents/Ocean_Factsheet_People.pdf">40 % de la population mondiale vit à moins de 100 kilomètres des côtes</a>. Cette proportion devrait <a href="https://doi.org/10.1088/1748-9326/11/3/034010">se maintenir d’ici 2050</a>. Depuis l’Antiquité, la majorité des grandes métropoles sont côtières, et plus spécifiquement situées au niveau des estuaires.</p>
<p>Les estuaires intègrent, par ailleurs, des écosystèmes parmi les plus riches et diversifiés de la planète, jouant entre autres un rôle crucial de protection et de « nurserie » pour de nombreuses espèces marines.</p>
<p>Cependant, les estuaires collectent également les apports fluviatiles issus du lessivage des sols des bassins versants, et des effluents urbains et industriels locaux, notamment lors de fortes précipitations. Ces apports chargés en particules sédimentaires sont souvent pollués (nutriments, matière organique, polluants chimiques et microbiologiques, microplastiques). Ils affectent les écosystèmes de diverses manières : extinction de la lumière nécessaire à la photosynthèse, blooms phytoplanctoniques, <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/oceans/publications/soto-rceo/2012/page03-fra.html">hypoxie (désoxygénation)</a>, perturbation des fonctions biologiques de reproduction et de croissance des organismes, voire mortalité dans les cas extrêmes.</p>
<p>La pression démographique et le changement climatique, qui modifient des paramètres clés du milieu comme la température, la salinité, l’acidité ou l’<a href="https://portals.iucn.org/library/sites/library/files/documents/2019-048-Fr-Summ.pdf">oxygène</a>, vont contribuer à <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-working-group-i/">dégrader l’état chimique et écologique des estuaires, et plus généralement de la frange côtière</a>. Leur évolution est cependant difficile à prédire car ce sont des systèmes complexes (eaux douce et salée qui se mélangent, sédiments d’une grande variété, myriade d’organismes vivants), soumis à diverses influences topographiques (irrégularités des fonds et du rivage) et dynamiques (marée, vent, <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiE-9WfsrGAAxU4RaQEHQJpDeIQFnoECBUQAQ&url=http%3A%2F%2Ffiles.meteofrance.com%2Ffiles%2Fglossaire%2FFR%2Fglossaire%2Fdesignation%2F687_curieux_view.html&usg=AOvVaw36S5ELWRGs-J-yPVcIIQTa&opi=89978449">surcote marine</a>, vagues, turbulence), et qui interagissent à différentes échelles d’espace et de temps.</p>
<p>Nous menons depuis 2010 des études sur la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=TZjdnlAEkok">rade de Brest</a>, grâce à des capteurs fixes et mobiles, sur terre et en mer, et des données satellites. Grâce à ce suivi in situ, nous pouvons contribuer à la surveillance de chantiers sur le littoral et à la compréhension de cet environnement pour notamment savoir comment la biodiversité locale réagit aux pollutions et au changement climatique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/TZjdnlAEkok?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La rade de Brest, l’une des plus grandes baies au monde. Source : Office français de la biodiversité.</span></figcaption>
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<h2>Comment étudier ces zones si particulières</h2>
<p>Depuis les années 50, les mesures recueillies lors de campagnes à la mer ont permis aux scientifiques de décrire les phénomènes à l’œuvre dans ces milieux à l’interface terre-mer-atmosphère, sièges d’intenses échanges de matière et d’énergie, et de poser les concepts de base de l’hydrodynamique estuarienne.</p>
<p>À la fin des années 70 apparurent les modèles numériques de simulation hydrodynamique et hydrosédimentaire, basés sur les lois de la physique, à même d’incorporer la complexité des estuaires. Vinrent ensuite les modèles biogéochimiques couplés à ces modèles hydrauliques. Les mesures in situ contribuèrent à valider ces modèles.</p>
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<img alt="navire de transport de passagers équipé d’instruments de recherche" src="https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543515/original/file-20230818-21-dbyiqs.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le navire Fromveur II de la Compagnie maritime Penn Ar Bed assure biquotidiennement le Suivi des eaux de surface de la mer d’Iroise et de la Rade de Brest par Navire d’Opportunité (SIRANO).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bateau_Fromveur_II_(2011)_(1).jpg">Gzen92, Wikipedia</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>En dépit de ces progrès, beaucoup d’incertitudes persistent à ce jour sur la dynamique et le fonctionnement de ces environnements complexes empreints d’une grande variabilité spatio-temporelle. En particulier, l’observation depuis l’espace reste ainsi difficile dans les zones côtières.</p>
<p>C’est notamment le cas pour la salinité de surface qui constitue un indicateur essentiel du mélange et de la dilution des eaux douces dans les eaux marines. Actuellement, les <a href="https://doi.org/10.1016/j.rse.2020.111769">mesures par radiométrie micro-ondes</a> n’existent qu’au-delà d’environ 40 kilomètres des côtes, <a href="https://doi.org/10.1080/15481603.2023.2166377">avec des résolutions spatiales de 25 à 100 kilomètres et temporelles de 3 jours ou plus</a>. La spectrométrie optique de la couleur de l’océan permet de s’approcher des côtes avec une résolution spatiale de 0,25 à 1 kilomètre, tous les 1 ou 2 jours. Elle requiert cependant une <a href="https://doi.org/10.1080/15481603.2023.2166377">calibration spécifique poussée à l’aide de mesures in situ locales</a>. Elle est par ailleurs tributaire des conditions météorologiques. Ces considérations s’appliquent pareillement à la <a href="https://doi.org/10.3390/rs14092026">mesure de turbidité par cette méthode</a>.</p>
<h2>Une démarche fondée sur la mesure in situ automatique, en rade de Brest et mer d’Iroise</h2>
<p>Notre réseau de capteurs (Réseau d’ObseRvation Côtière Automatique muLtiparamètres, ou RORCAL) se compose d’un mix de stations à points fixes à terre (station fluvio-estuarienne) et en mer (bouée océanographique), et d’un dispositif mobile sur navire assurant le transport de passagers et de fret.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte de la mer d’Iroise et du réseau des capteurs" src="https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=445&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543513/original/file-20230818-29-sgpsed.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=560&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Implantation du Réseau d’ObseRvation Côtière Automatique muLtiparamètres (RORCAL) en rade Brest et mer d’Iroise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Georges Chapalain, Cerema</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>En 2011, nous avons commencé avec le bateau de la Compagnie maritime Penn Ar Bed qui dessert quotidiennement depuis Brest les îles de Molène et d’Ouessant.</p>
<p>En 2015, nous avons déployé une bouée d’observation côtière autonome au débouché de l’estuaire de l’Elorn.</p>
<p>En 2018, c’est un sous-réseau de stations d’observation fluvio-estuarienne autonomes incluant des capteurs de niveau d’eau qui a été installé sur la rivière Elorn et son estuaire supérieur dans la ville de Landerneau, souvent inondée lors des grandes marées.</p>
<p>Le monitoring RORCAL est ainsi en capacité d’alerter en cas de niveau d’eau critique annonçant l’inondation, de <a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/infographies-visualisez-l-ampleur-de-la-canicule-marine-en-atlantique-nord-qui-menace-des-milliers-d-especes_5904389.html">température élevée au moment d’une vague de chaleur</a> ou d’un <a href="https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&cad=rja&uact=8&ved=2ahUKEwiwu8ud5eGAAxVcU6QEHfDsDYYQFnoECA8QAQ&url=https%3A%2F%2Fports.bretagne.bzh%2Factualites%2Fdragage-port-de-brest-la-phase-2-demarre%2F&usg=AOvVaw2Y-EqQ9IHVLGLMPyLKZcal&opi=89978449">pic de turbidité au cours d’un chantier portuaire tel que l’extension récente du polder du port de Brest</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bouée en mer" src="https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543517/original/file-20230818-25218-lqbm1h.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=567&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La Bouée d’Observation Côtière Autonome (BOCA) au débouché de l’estuaire de l’Elorn en rade de Brest.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Georges Chapalain, Cerema</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’un point de vue scientifique, au-delà de la validation de modèles, RORCAL nous a permis diverses avancées sur la <a href="https://doi.org/10.1016/j.oceano.2022.07.007">description et la prévision des fortes chutes de la salinité (dessalures) des eaux de surface en rade de Brest associées au panache de l’Elorn en situation de crue</a> ou de la <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.csr.2012.12.003">température des eaux de surface de la rade de Brest et de la mer d’Iroise influencée par le mélange vertical en lien avec la rugosité des fonds et les vagues</a>.</p>
<p>Nous avons aussi pu quantifier la réponse biologique de diverses populations de <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/environnement/2019-08-09/la-moule-un-aspirateur-a-pollution-sous-la-coquille">moules bleues</a> (Mytilus spp.) de la rade de Brest et de la mer d’Iroise aux <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.marenvres.2017.04.008">facteurs environnementaux et à la pollution chronique aux hydrocarbures aromatiques polycycliques et aux organoétains issus d’activités portuaires</a>.</p>
<h2>Les limites actuelles et les plans pour le futur</h2>
<p>Ce dispositif est ainsi adapté à l’hétérogénéité spatiale du milieu et tout particulièrement au gradient longitudinal qui caractérise la zone estuarienne. Il permet un suivi automatique, continu, au long cours et spatialisé de nombreux paramètres qui nous permettent de mieux comprendre la zone de la rade de Brest (des aspects fluvio-océanographiques relatifs à la hauteur d’eau, la température, la salinité, le pH (acidité), la turbidité et la chlorophylle a ; ainsi que des aspects météorologiques comme la température de l’air, la pression atmosphérique et la vitesse et la direction du vent).</p>
<p>Les données in situ peuvent être complétées par les observations satellitaires. Aux méthodes classiques de modélisation numérique s’ajoutent aujourd’hui des méthodes d’apprentissage automatique déjà étrennées avec les données RORCAL de <a href="https://doi.org/10.1016/j.oceano.2022.07.007">salinité de la bouée BOCA en rade de Brest</a> ou encore de <a href="https://doi.org/10.1016/j.oceano.2021.07.003">niveau d’eau d’une des stations fluvio-estuariennes SOFA dans la ville de Landerneau soumise au risque d’inondation</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=126&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=126&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=126&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=158&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=158&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543518/original/file-20230818-15-h1hccg.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=158&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Différentes Stations d’Observation Fluvio-estuarienne Autonomes (SOFA) sur l’estuaire (ville de Landerneau) et la rivière Elorn.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Georges Chapalain, Cerema</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Au-delà de la densification du dispositif RORCAL en rade de Brest, en cours, la réplication du dispositif, et tout particulièrement sa composante embarquée sur navire d’opportunité SIRANO, entre le continent et les îles de Sein, Groix et Belle-Île-en-Mer, pourrait permettre d’appréhender le devenir des apports fluviatiles de la Loire et La Vilaine à l’océan côtier de Bretagne Sud jusqu’aux abords de la Manche.</p>
<p>Ces développements pourraient également être intégrés dans des <a href="http://dx.doi.org/10.1007/s10236-013-0627-z">outils de météo-océanographie opérationnelle</a>, mais aussi dans des « jumeaux numériques » à même de répliquer dans l’environnement virtuel fondé sur des données réelles, le fonctionnement et les réponses du système à des perturbations. Ceci laisse augurer des outils avancés d’aide à la Gestion Intégrée de la Zone Côtière (GIZC). Ces outils cibleraient notamment l’appréciation de la vulnérabilité et des risques, l’exploitation raisonnée et durable des espaces et des ressources, et la planification et la mise en œuvre de mesures d’adaptation et de protection face aux conséquences du changement climatique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208824/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Georges Chapalain ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Éric Duvieilbourg ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste universitaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nicolas Guillou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son poste.
Les travaux de recherche et développement évoqués dans cet article ont pour cadre les programmes thématiques INTEractions entre RIvière(s) et MER (INTERIMER) et Mesure et EXpérimentation Innovantes en zone COtière (MEXICO) du Laboratoire de Génie Côtier et Environnement (LGCE) et de l’Equipe-Projet de Recherche « Hydraulique et Aménagement » (HA) du Cerema.
Brest métropole (Direction de l’Ecologie urbaine) est copropriétaire de la bouée BOCA-Elorn.
Le Conseil Général du Finistère a contribué au financement initial de SIRANO à bord du Navire Enez Eussa III.
</span></em></p>
Là où eaux douces et salées se rencontrent, l’environnement est complexe. Des études de terrains permettent de mieux comprendre comment ces zones sont affectées par les humains.
Georges Chapalain, Directeur de recherche du développement durable en océanographie côtière, Cerema
Éric Duvieilbourg, Ingénieur d'Etudes CNRS au laboratoire des sciences de l'environnement marin (LEMAR) en conception instrumentale et de systèmes embarqués pour l'océanographie, Université de Bretagne occidentale
Nicolas Guillou, Ingénieur, docteur en océanographie physique côtière, Cerema
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/207483
2023-07-17T19:21:03Z
2023-07-17T19:21:03Z
Anticiper les changements climatiques pour protéger la biodiversité des zones humides
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/532490/original/file-20230617-27-41rf3c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1278%2C845&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Flamants roses en Camargue. La Camargue est la plus grande zone humide de France et une des plus importantes de Méditerranée.</span> <span class="attribution"><span class="source">Damien Cohez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les aires protégées jouent un rôle clé dans la conservation de la biodiversité. Alors que de nombreuses devraient voir le jour d’ici à 2030 <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130767">suite à l’accord de Kunming-Montréal</a>, il est essentiel de penser leur emplacement afin d’anticiper au mieux les futures menaces pour la biodiversité.</p>
<p>Ainsi, en Méditerranée, de très nombreuses zones humides menacées par d’importants changements futurs de climat et d’usage des terres ne sont toujours pas protégées. Cette situation pourrait compromettre l’adaptation au changement climatique des oiseaux qu’elles abritent.</p>
<h2>Le rôle clé des aires protégées</h2>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/protection-de-la-biodiversite-retour-sur-levolution-des-aires-protegees-dans-le-monde-167495">aires protégées</a>, telles que les réserves naturelles, les parcs nationaux ou le réseau des sites Natura 2000, sont des espaces qui permettent de conserver la biodiversité.</p>
<p>En effet, elles limitent localement certaines pressions d’origine humaine qui pèsent sur les espèces et leurs habitats, telles que l’artificialisation des sols, l’intensification des usages agricoles et sylvicoles, ou encore la chasse. L’application de ces mesures de protection facilite également l’adaptation des espèces au changement climatique.</p>
<p>Afin d’infléchir la courbe de la perte de biodiversité, les États membres de la Convention sur la diversité biologique ont adopté fin 2022 le <a href="https://news.un.org/fr/story/2022/12/1130767">Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal</a>. Ce dernier inclut un objectif ambitieux de protection de 30 % de la surface terrestre et marine d’ici à 2030 (« Objectif 30x30 ») qui devrait fortement inciter les pays à créer de nouvelles aires protégées. Un des enjeux actuels est donc d’identifier les espaces à protéger en priorité dans un monde soumis à de profonds changements actuels et futurs.</p>
<p>En toute logique, les mesures de protection devraient être appliquées en priorité aux espaces abritant une biodiversité à la fois riche, originale et particulièrement menacée. Cependant, par le passé, les aires protégées ont souvent été créées dans des <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0008273">espaces peu accessibles</a>, de manière à <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cobi.12970">minimiser les conflits avec les activités humaines</a>.</p>
<p>En outre, le choix des espaces à protéger n’a le plus souvent pas intégré les pressions qui pourraient s’exercer sur les espèces et leurs habitats dans les prochaines décennies, alors même que la création d’aires protégées peut permettre d’anticiper leurs effets. C’est le cas notamment de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0006320713000670">destruction des habitats naturels</a> liée à l’urbanisation ou à l’extension des terres agricoles.</p>
<h2>Le cas des oiseaux des zones humides méditerranéennes</h2>
<p>Le bassin méditerranéen est un <a href="https://www.conservation-nature.fr/ecologie/hotspot/">« point chaud (<em>hotspot</em>) de biodiversité »</a>. En effet, par sa position géographique au carrefour de trois continents, il abrite une biodiversité exceptionnelle. Berceau historique de nombreuses civilisations, la biodiversité y est également <a href="https://tourduvalat.org/actualites/mediterranee-vivante-une-source-inedite-de-donnees-sur-levolution-de-la-biodiversite-mediterraneenne/">extrêmement menacée par les activités humaines</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo capturant simultanément trois animaux : un flamant rose au premier plan, un héron et un ragondin en train de nager à l’arrière-plan" src="https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536062/original/file-20230706-17-rhk2aa.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">De nombreuses espèces se croisent dans les zones humides, véritables points chauds de diversité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/gcalsa/8703024180/">Giuseppe Calsamiglia/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans cette région, les <a href="https://theconversation.com/les-lagunes-mediterraneennes-espaces-fragiles-et-indispensables-122605">zones humides méditerranéennes</a> occupent une place particulière. Essentielles pour la conservation d’un grand nombre d’espèces, dont de nombreux oiseaux migrateurs, elles sont également fortement soumises au développement des activités humaines dans un contexte de ressource en eau sous tension. Cependant, les zones humides méditerranéennes restent encore <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10531-021-02236-1">trop peu protégées</a>.</p>
<p>Dans une étude coordonnée par l’<a href="https://tourduvalat.org/">Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes de la Tour du Valat</a> et le <a href="https://cesco.mnhn.fr/fr">Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation</a> du Muséum national d’histoire naturelle, nous avons ainsi cherché à identifier les zones humides du bassin méditerranéen <a href="https://doi.org/10.1016/j.biocon.2023.109939">à protéger en priorité</a> face aux futurs changements globaux afin de faciliter l’adaptation des oiseaux au changement climatique.</p>
<p>En effet, en réponse à l’augmentation des températures, les espèces tendent à se déplacer vers les pôles et en altitude afin de suivre le déplacement de leurs conditions thermiques préférentielles. Or, si ce processus est <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cobi.13453">limité par la destruction des habitats naturels</a>, il est en revanche <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/cobi.13648">facilité par la mise en place d’aires protégées</a>.</p>
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<p>Dans un premier temps, nous avons ainsi mobilisé les données de près de 3 000 zones humides de 21 pays méditerranéens, suivies dans le cadre du <a href="https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/connaissance-des-especes-sauvages/suivis-ornithologiques/oiseaux-d-eau/wetlands-international">Dénombrement international des oiseaux d’eau</a>, l’un des plus anciens protocoles de sciences participatives.</p>
<p>En Méditerranée, il permet de suivre l’état des populations de plus de 150 espèces d’oiseaux qui dépendent fortement des zones humides, telles que les canards, les goélands ou encore l’emblématique flamant rose. Ces données ont permis d’évaluer la tolérance des oiseaux aux changements de température.</p>
<p>Nous avons ensuite calculé pour l’ensemble des zones humides étudiées l’augmentation des températures et la conversion des habitats naturels attendues dans le futur. Pour cela, nous nous sommes basés sur les plus récents scénarios de climat et d’usage des terres pour la fin du XXI<sup>e</sup> siècle du <a href="https://theconversation.com/le-giec-une-boussole-scientifique-pour-le-climat-93624">Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat</a> (GIEC).</p>
<p>Combinées à la tolérance des espèces aux changements de température, ces informations ont permis de calculer pour chaque zone humide un indice de « difficultés » futures d’adaptation des communautés d’oiseaux au réchauffement climatique.</p>
<h2>Un réseau d’aires protégées actuel pertinent, mais insuffisant</h2>
<p>Nous avons ainsi mis en évidence qu’en Méditerranée, les aires protégées actuelles, et notamment celles bénéficiant des mesures réglementaires les plus contraignantes, sont plutôt bien localisées.</p>
<p>En effet, elles couvrent de manière générale des zones humides, dont les communautés d’oiseaux, en l’absence de mesures de protection, auraient pu connaître d’importantes difficultés d’adaptation dans les prochaines décennies, du fait de la hausse des températures et d’une importante destruction des habitats naturels.</p>
<p>Les mesures de protection déjà mises en place sur ces zones humides devraient donc faciliter l’adaptation des oiseaux au changement climatique.</p>
<p>Nous avons toutefois identifié près de 500 zones humides dont les communautés d’oiseaux pourraient faire face à d’importantes difficultés d’adaptation, et qui ne font actuellement l’objet d’aucune mesure de protection.</p>
<p>Parmi elles, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10531-021-02236-1">32 sont qualifiées d’« importance internationale » pour les oiseaux d’eau</a>, à savoir qu’elles présentent un enjeu majeur de conservation des oiseaux selon les <a href="https://www.ramsar.org/fr/sites-pays/les-zones-humides-dimportance-internationale">critères de la Convention de Ramsar sur les zones humides</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte du pourtour méditerranée, avec beaucoup de zones humides indiquées" src="https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=391&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532491/original/file-20230617-25-eq3014.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=492&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Carte des zones humides non protégées du bassin méditerranéen dont les communautés d’oiseaux pourraient avoir d’importantes difficultés d’adaptation à la hausse des températures d’ici à 2100. Les pays sans zone humide étudiée sont représentés en gris foncé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fabien Verniest</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi les zones humides à protéger en priorité et notamment celles à enjeu majeur de conservation des oiseaux, de nombreuses sont situées dans les <a href="https://theconversation.com/conservation-des-espaces-naturels-les-lecons-des-territoires-de-vie-au-maroc-et-en-mediterranee-166068">pays du Maghreb</a> et du Proche-Orient.</p>
<p>Ce résultat souligne ainsi l’urgence de créer de nouvelles aires protégées dans ces pays, dont les « Zones Clés pour la Biodiversité » (des sites à enjeu majeur de conservation de la biodiversité en général) sont encore <a href="https://www.mnhn.fr/fr/alerte-presse/anticiper-pour-mieux-proteger-la-biodiversite-en-mediterranee">trop peu protégées alors que fortement menacées</a> par les changements futurs de climat et d’usage des terres.</p>
<h2>L’importance de prendre en compte la destruction des habitats naturels</h2>
<p>Cette étude souligne également le rôle primordial que joue la destruction des habitats naturels qui, malgré une plus faible médiatisation que le changement climatique, devrait rester une menace majeure pour la biodiversité dans les prochaines décennies.</p>
<p>Sa prise en compte, au même titre que les effets du changement climatique sur la biodiversité, est donc cruciale dans la planification des mesures de conservation telles que la création d’aires protégées mais aussi plus largement dans l’ensemble de nos interactions avec le vivant si nous voulons nous donner les moyens d’enrayer le déclin de la biodiversité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207483/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Fabien Verniest a reçu des financements de la Tour du Valat (institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes), de la région Bretagne et de la Fondation TotalEnergies. Il est actuellement employé par la Tour du Valat en tant que chercheur post-doctorant.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Isabelle Le Viol ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La protection des zones humides joue un rôle clé dans l’adaptation des oiseaux au changement climatique. Pourtant, nombre d’entre elles ne sont toujours pas protégées.
Fabien Verniest, Chercheur post-doctorant en biologie de la conservation, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Isabelle Le Viol, Ecologue, biologiste de la conservation, enseignant-chercheur au MNHN, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/206785
2023-06-18T15:38:00Z
2023-06-18T15:38:00Z
Dans le Jura, le réchauffement climatique aggrave la pollution des eaux par les nitrates
<p>Les rivières comtoises dans le massif du Jura connaissent depuis plusieurs décennies une dégradation chronique de la qualité de leurs eaux. Cela s’est traduit par des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/haut-doubs/video-le-collectif-sos-loue-et-rivieres-comtoises-tire-une-nouvelle-fois-le-signal-d-alarme-sur-l-etat-d-urgence-des-rivieres-de-franche-comte-2716194.html">épisodes de mortalités piscicoles</a> lors des dix dernières années affectant les rivières – pourtant emblématiques pour la pêche – de la Loue, du Doubs, mais aussi du Dessoubre, l’Ain ou de la Bienne.</p>
<p>Comme dans la plupart des rivières françaises, celles du massif du Jura n’échappent pas à la présence de polluants chimiques de diverses origines, affectant la vie du milieu aquatique et sa capacité d’auto-épuration. Les excès en nutriments (azote et phosphore principalement) sont l’une des premières causes de déséquilibre provoquant un développement algal qui asphyxie le milieu aquatique (eutrophisation). Ces excès proviennent des amendements agricoles pour fertiliser les cultures, mais aussi des rejets domestiques et industriels.</p>
<p>Dans le massif du Jura, les premières sources de nutriments sont d’origine agricole dans cette région dominée par l’élevage, dédié essentiellement à la transformation du lait pour la fabrication de fromages sous signe de qualité Comté, Morbier et Mont d’Or. Les rejets issus des fromageries et des stations d’épuration sont également des sources de pollution en azote. En effet, malgré une densité de population relativement faible, la zone est touristique et la pression démographique est en augmentation tout le long de la frontière suisse.</p>
<h2>Des concentrations dans les eaux en hausse jusque dans les années 2000</h2>
<p>Il est possible de retracer l’histoire de la contamination des eaux sur la base d’une étude rétrospective des données de concentration en nitrate (NO<sub>3</sub>). Celui-ci est la forme d’azote (N) la plus présente dans l’eau pour être très soluble. Les analyses sont effectuées depuis plusieurs décennies sur les différents cours d’eau français car la teneur en NO<sub>3</sub> est un des critères permettant de qualifier leur état écologique.</p>
<p>Dans le massif du Jura, les <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-030-14015-1_10">pics annuels en NO₃</a> se produisent en automne lors des premières pluies importantes après la période estivale et peuvent atteindre quelques dizaines de mg(NO<sub>3</sub>)/L sur les cours d’eau principaux. Les concentrations annuelles moyennes augmentent vers les zones aval, atteignant des valeurs six fois supérieures au bruit de fond naturel (environ 2,5 mg (NO<sub>3</sub>)/L).</p>
<p>L’analyse de <a href="http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-72229-FR">leur évolution depuis les années 70</a> indique une inflexion dans les années 2000 de tendances qui étaient à la hausse dans les années 80-90, sans pour autant engendrer aujourd’hui une réduction majeure du niveau de pollution des eaux.</p>
<h2>Le paradoxe jurassien</h2>
<p>Ce territoire est caractérisé par une <a href="http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-72229-FR">relative stabilité de l’occupation</a> du sol depuis 50 ans. Les parcelles agricoles sont composées d’environ 80 % de prairies permanentes, 10 % de prairies temporaires (retournées tous les cinq ans environ), et 10 % de cultures de plein champ. Le cheptel bovin est légèrement inférieur en 2020 à celui de 1979 malgré une progression récente depuis 2013.</p>
<p>Depuis les années 90, des efforts significatifs ont été réalisés en matière de fertilisation. Les programmes de mise aux normes des bâtiments d’élevage ont permis d’augmenter les capacités de stockage des effluents, les plans d’épandage se sont généralisés, les achats d’engrais sont en baisse depuis 20 ans (moins de 20 unités N/ha dans le Doubs contre plus de 40 à la fin des années 90).</p>
<p>Une forme de paradoxe jurassien se dessine alors pour ce milieu agricole extensif, car la diminution des rejets d’origine agricole depuis quelques décennies ne suffit pas à inverser la tendance à la dégradation de la qualité des eaux.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530033/original/file-20230605-23-3axohg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Source karstique du Lison (Doubs) illustrant la taille des conduits souterrains permettant de transférer rapidement l’eau du sol vers les rivières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">JB Charlier</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Particularités hydrogéologiques des karsts</h2>
<p>Une explication de ce paradoxe se trouve dans le contexte géologique de ce territoire. Le massif du Jura est constitué de sols peu profonds développés sur des roches calcaires, <a href="https://www.encyclopedie-environnement.org/eau/karst-ressource-eau-renouvelable-roches-calcaires/">dites karstiques</a>, qui laissent s’infiltrer très rapidement l’eau jusqu’à de grandes profondeurs (plusieurs centaines de mètres). L’eau infiltrée dans les fissures se retrouve en quelques heures transportée dans des réseaux souterrains et des cavités (pénétrables par l’homme en spéléologie par exemple) jusqu’aux sources qui alimentent les rivières.</p>
<p>Ainsi, les bassins des rivières karstiques comtoises ont la double particularité d’être alimentés principalement par des eaux souterraines qui détiennent peu de pouvoir de rétention des polluants (que ce soit pour l’azote ou d’autres types de contaminants), et de posséder dans de nombreux cas de faibles réserves en eau. Ce sont donc des bassins fortement vulnérables aux pollutions mais également sensibles aux épisodes de sécheresses.</p>
<h2>L’influence des sécheresses</h2>
<p>Un <a href="http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-72229-FR">modèle d’exportation des nitrates</a> dans les eaux est proposé en se basant sur les deux indicateurs de sécheresse (débit minimum en début de cycle hydrologique à la fin de l’étiage) et de pic annuel en NO<sub>3</sub> lors des premières crues automnales. La relation permet d’expliquer les excès en NO<sub>3</sub> dans les eaux par l’importance des sécheresses préalables.</p>
<p>Durant la période sèche, les sources et les rivières sont alimentées par des eaux issues des réserves les plus anciennes des aquifères enrichis par la recharge des nappes des années précédentes. Et à la fin de cette période, lorsque le sol se réhumidifie (lors des premières pluies importantes à l’automne), on y observe de plus forts reliquats azotés disponibles au lessivage rapide vers les eaux souterraines et les rivières.</p>
<h2>Hausse du stress hydrique</h2>
<p>La ressource en eau dans le massif du Jura est vulnérable et n’est pas épargnée par les conséquences du réchauffement climatique. Sur les 50 dernières années, la température de l’air a augmenté en moyenne de plus de 1 °C <a href="http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-72229-FR">sur les plateaux du massif jurassien</a>.</p>
<p>Même si on ne détecte pas de baisse des précipitations sur le long terme, cela se traduit par une <a href="http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-72229-FR">augmentation du stress</a> hydrique induisant une diminution des débits et une sévérité des étiages sur certains cours d’eau.</p>
<p>Une illustration récente de ces conséquences a été l’assèchement de sources captées pour l’eau potable les étés 2018 et 2022 sur <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/doubs/haut-doubs/secheresse-deja-35-communes-du-doubs-ravitaillees-camions-citerne-1559626.html">plusieurs communes du Haut-Doubs</a> ravitaillées alors par camions-citernes.</p>
<h2>Leviers d’action pour diminuer les rejets en azote</h2>
<p>Aux conséquences des activités anthropiques sur l’évolution de la qualité des eaux, s’ajoute alors l’impact du réchauffement climatique qui influence de manière significative le cycle de l’azote. Nous savons qu’il faut en tenir compte aujourd’hui sur un territoire où des actions de réduction des rejets sont entreprises depuis plus de 20 ans. Dans un contexte d’<a href="http://ficheinfoterre.brgm.fr/document/RP-65807-FR">intensification des sécheresses estivales</a>, les perspectives portent sur le maintien à un niveau élevé de la pollution en azote des rivières, si rien n’est fait pour diminuer drastiquement les apports.</p>
<p>L’augmentation de l’évapotranspiration liée à celle des températures sera d’autant plus préjudiciable sur la croissance des végétaux et les transferts d’azote, que les réserves en eau des sols seront faibles. Une réflexion doit être engagée sur les effectifs bovins présents sur le massif du Jura car le changement climatique s’accompagnera d’une chute des ressources fourragères disponibles.</p>
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<p>Le maintien des prairies permanentes, l’allongement de la durée des prairies temporaires, la mise en œuvre de techniques limitant les pertes d’azote lors du retournement des prairies temporaires, la limitation des sols nus, la conversion de cultures en prairies constituent des pratiques agricoles à encourager dans un objectif de préservation ou d’amélioration de la qualité de l’eau souterraine et des cours d’eau.</p>
<p>Les rejets issus du cheptel bovin représentent la source principale d’azote, devant la fertilisation minérale. Ce sont les deux leviers majeurs sur lesquels il est toujours nécessaire d’agir.</p>
<h2>1/3 du territoire français couvert par les karsts</h2>
<p>Cet exemple des rivières comtoises illustre la vulnérabilité de certains bassins agricoles qui, malgré une relative faible pression anthropique (agriculture extensive), sont caractérisés par une dégradation chronique de la qualité des eaux. La particularité des bassins karstiques mais également leur sensibilité aux épisodes de sécheresse sont mises en avant pour expliquer en partie ce déséquilibre.</p>
<p>Or plus <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10040-016-1519-3">d’un tiers de la France hexagonale est couverte par les karsts</a> (Normandie, bassin Parisien, Jura, Causses du Sud-Ouest et du sud de la France, massifs des Préalpes et de Provence, etc.) et de grandes villes françaises dépendent de cette ressource pour leur alimentation en eau potable (Paris, Montpellier, Orléans, Besançon…).</p>
<p><a href="https://meteofrance.com/actualites-et-dossiers/actualites/planete/2021-5e-annee-la-plus-chaude-lechelle-du-globe-selon-copernicus">Lors de la dernière décennie</a>, 7 des 10 années les plus chaudes ont été enregistrées en France, amplifiant le risque de sécheresse. Dans ce contexte préoccupant, nous devons alors redoubler d’efforts pour diminuer la pression polluante en nutriments si l’on souhaite retrouver un bon état écologique pour les territoires les plus sensibles comme les bassins karstiques.</p>
<hr>
<p><em>Didier Tourenne, chargé de mission agronomie environnement à la Chambre interdépartementale d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort, a contribué à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206785/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Baptiste Charlier est membre du Comité Français d’hydrogéologie (CFH) et de l’International Association of Hydrogeologists (IAH). Ce travail est effectué dans le cadre du projet de recherche NUTRI-Karst coordonné par le BRGM, en partenariat avec la Chambre interdépartementale d’agriculture Doubs-Territoire de Belfort, et financé par l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.</span></em></p>
Dans le massif du Jura, l’impact du réchauffement climatique sur la pollution des eaux par les nitrates impose de renforcer les mesures limitant les rejets d’azote.
Jean-Baptiste Charlier, Chercheur hydrogéologue, BRGM
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/205728
2023-06-01T13:13:31Z
2023-06-01T13:13:31Z
Moins de cours de natation et pénurie de sauveteurs : les risques liés à la baignade pourraient augmenter cet été
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529453/original/file-20230531-23197-7g4mhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1920%2C1080&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La fermeture des piscines au début de la pandémie de Covid-19 a privé des millions de personnes au Canada de cours de natation.
</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, des <a href="https://www.lifesavingsociety.com/media/370343/plancanadiendeprevention-fr-9eedition-20220520.pdf">centaines de personnes se noient</a> accidentellement au Canada. Le manque de cours de natation, la pénurie de sauveteurs et les changements climatiques pourraient rendre les activités aquatiques encore plus risquées cet été.</p>
<p>Bon nombre des facteurs de protection qui existaient auparavant — comme les cours de natation et les lieux de baignade surveillés — se font rares, alors que le temps chaud incite les gens à trouver de <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/saskatchewan/drowning-calls-rise-1.6531663">nouveaux endroits, souvent peu connus et dangereux, pour se rafraîchir</a>.</p>
<p><a href="https://www.lapresse.ca/societe/famille/2021-10-01/des-cours-de-natation-tombent-a-l-eau.php">La fermeture des piscines</a> au début de la pandémie de Covid-19 a privé des millions de personnes au Canada de cours de natation. Maintenant que les installations sont ouvertes dans tout le pays, les parents <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1968069/piscine-nager-sauveteur-penurie-quebec">ont beaucoup de mal</a> à inscrire leurs enfants aux cours qui sont offerts.</p>
<p>En conséquence, de nombreux parents s’inquiètent, craignant que leurs enfants <a href="https://www.thewhig.com/news/parents-frustrated-by-lack-of-swim-lesson-spaces-in-kingston">n’acquièrent pas les compétences nécessaires</a> pour être en sécurité dans l’eau, sur l’eau ou près de l’eau. Bien que nous n’ayons pas de données similaires au Canada, il est intéressant de savoir qu’une enquête menée en Australie a révélé que 55 % des parents <a href="https://www.royallifesaving.com.au/about/news-and-updates/news/new-data-shows-more-work-needed-to-encourage-swimming-and-water-safety">ont signalé une baisse</a> des habiletés en natation de leurs enfants de 2019 à 2021.</p>
<h2>Cours et sauveteurs</h2>
<p>Certaines études indiquent que les cours de natation peuvent jouer un rôle important dans la protection des enfants contre la noyade. Cependant, les <a href="http://dx.doi.org/10.1136/injuryprev-2014-041216">données relatives à l’efficacité des cours</a> dans la prévention des noyades ne sont pas suffisamment solides. </p>
<p>Les personnes qui savent nager peuvent surestimer leurs aptitudes et s’aventurer dans des <a href="https://publications.aap.org/pediatrics/article-abstract/112/2/440/63350/Prevention-of-Drowning-in-Infants-Children-and?redirectedFrom=fulltext">endroits risqués</a>, s’exposant ainsi à des conditions dangereuses. Alors que l’on s’inquiète du manque de cours de natation au Canada, on a tendance à sous-estimer les risques de la baignade dans des zones sans surveillance.</p>
<p>Au Canada, moins d’un pour cent des noyades se produisent dans des endroits surveillés par des <a href="https://www.lifesavingsociety.com/media/343293/plancanadiendepreventiondelanoyade8e.pdf">moniteurs de natation ou des sauveteurs</a>. Cependant, ces lieux sont actuellement en quantité insuffisante. Lorsque la Covid-19 a contraint la fermeture des piscines et des plages, cela a entraîné l’arrêt des cours de formation et de certification des sauveteurs.</p>
<p>La <a href="https://ottawacitizen.com/opinion/sampson-and-white-fix-the-canada-wide-shortage-of-lifeguards-and-swim-instructors">Société de sauvetage canadienne</a> a indiqué que, en 2020, il y avait 60 % de candidats en moins pour les formations en sauvetage et en surveillance aquatique et un cinquième du nombre habituel de candidats à la formation de moniteur de natation.</p>
<p>Le manque de sauveteurs et de moniteurs de natation s’est répercuté sur les années suivantes. Il y a beaucoup moins de personnes qui travaillent dans le secteur aquatique qu’avant la pandémie. Dans l’ensemble du Canada, le ratio chômeurs-postes vacants est <a href="https://www.statcan.gc.ca/fr/sujets-debut/travail_/tendances-penurie-main-oeuvre-canada">à un niveau historiquement bas</a>, ce qui aggrave le déficit de sauveteurs et de moniteurs de natation.</p>
<p>Dans certaines régions, d’anciens travailleurs du secteur aquatique ont accepté d’autres emplois qui exigent moins de responsabilités et une <a href="https://www.caledonenterprise.com/news/town-of-caledon-launches-pilot-project-to-address-aquatic-staff-shortage/article_b2a8211c-b7b7-5ba8-ab80-b07f4b56fcca.html">formation moins coûteuse</a>.</p>
<p>La pénurie de personnel dans le secteur aquatique est telle que le gouvernement de l’Ontario envisage de réviser s aLoi sur la protection et la promotion de la santéafin d’abaisser <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1972154/piscine-natation-age-minimum-sauveteur">l’âge minimum des sauveteurs de 16 à 15 ans</a>. Certaines municipalités proposent de <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/british-columbia/west-van-lifeguard-shortage-1.6471221">payer la formation pour devenir sauveteur</a> et offrent des incitations, comme des <a href="https://www.caledonenterprise.com/news/town-of-caledon-launches-pilot-project-to-address-aquatic-staff-shortage/article_b2a8211c-b7b7-5ba8-ab80-b07f4b56fcca.html">cartes-cadeaux de Starbucks</a>, aux personnes qui acceptent des quarts de travail.</p>
<h2>Baignade dangereuse</h2>
<p>Pendant qu’on réduit les heures de surveillance des <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-06-07/penurie-de-sauveteurs/faute-de-recrutement-l-acces-a-la-baignade-sera-limite.php">plages</a> et des <a href="https://www.noovo.info/nouvelle/la-penurie-de-sauveteurs-a-des-repercussions-sur-les-piscines-dans-tout-le-canada.html">piscines</a> en raison du manque de personnel et que le <a href="https://www.noovo.info/nouvelle/nous-sommes-tout-simplement-en-feu-preparez-vous-a-un-autre-ete-chaud-previent-un-expert.html">climat se réchauffe</a>, de plus en plus de personnes se cherchent des endroits non surveillés où se rafraîchir. Cela pourrait avoir des <a href="https://www.ledevoir.com/societe/742290/augmentation-des-noyades-le-nombre-de-noyades-a-bondi-avec-la-pandemie">conséquences tragiques</a>.</p>
<p>Quand on se baigne dans un lieu qu’on ne connaît pas, on n’a souvent pas conscience des dangers cachés, tels que des tombants ou des rochers, ou encore des <a href="https://theconversation.com/rip-currents-are-a-natural-hazard-along-coasts-heres-how-to-spot-them-63081">courants d’arrachement</a>. Ces éléments ne sont pas toujours signalés dans les zones non surveillées. L’eau froide peut aussi constituer un risque, même pendant les vagues de chaleur estivales. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/525954/original/file-20230512-24221-skp3ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le secteur aquatique compte beaucoup moins de travailleurs qu’avant la pandémie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Même les bons nageurs auront du mal à nager dans de l’eau froide en raison de <a href="https://beyondcoldwaterbootcamp.com/4-phases-of-cold-water-immersion">réactions physiologiques</a>. Entrer dans de l’eau froide peut causer un état de choc, qui engendre de l’hyperventilation. Si les voies respiratoires sont sous l’eau au moment où on hyperventile, on risque d’inhaler de l’eau, ce qui peut entraîner la noyade. Il est donc extrêmement important de porter un gilet de sauvetage pour que les voies respiratoires restent hors de l’eau.</p>
<p>Si on survit à la phase de choc, on risque de souffrir d’une <a href="https://csbc.ca/fr/l-eau-froide">perte de motricité due au froid</a>, qui se déclare lorsque les muscles et les nerfs se refroidissent. Cela peut causer un <a href="https://www.aviva.ca/fr/outils/connecte/fr-4-sep-2019-surviving-in-cold-water/">épuisement à la nage</a>, lorsqu’il devient impossible de garder la tête hors de l’eau. Là encore, le port d’un gilet de sauvetage peut jouer un rôle déterminant dans la survie, car il permet de rester à flot et d’atteindre un endroit sûr.</p>
<p><a href="https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/combien-de-temps-peut-on-survivre-dans-une-eau-glacee-73717.html">L’hypothermie</a> survient lorsque la température du corps descend en dessous de 35 °C, ce qui prend généralement au moins 30 minutes, mais cela dépend de la température de l’eau et de la masse corporelle. Une personne souffrant d’hypothermie peut perdre connaissance. Si elle porte un gilet de sauvetage, elle continuera à flotter.</p>
<p>Si les Canadiens sont confrontés à un risque accru d’accidents aquatiques, il existe des moyens de gérer ce risque. D’abord, il vaut mieux nager dans des zones surveillées. Il est aussi recommandé de porter un gilet de sauvetage en bateau, surtout dans des eaux froides ou qu’on ne connaît pas, ou encore, si on n’est pas un bon nageur. Ensuite, on devrait toujours nager avec quelqu’un. Finalement, on devrait s’assurer de rester à portée de main des enfants.</p>
<p>Si vous êtes l’adulte chargé de surveiller des personnes qui se baignent, rangez tout appareil qui pourrait vous distraire et concentrez-vous sur ce qui se passe dans l’eau. Le respect de ces pratiques vous aidera à assurer la sécurité de vos proches cet été.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205728/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Audrey R. Giles est financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et par le Programme de contribution à la sécurité nautique de Transports Canada. Elle est membre de la Coalition canadienne pour la prévention des noyades.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sofia Pantano et Umerdad Khudadad ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Les cours de natation ont été suspendus et les piscines fermées durant la pandémie. À cela s’ajoute une pénurie de maîtres-nageurs, ce qui rendra les activités aquatiques plus risquées cet été.
Audrey R. Giles, Professor in Human Kinetics, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
Sofia Pantano, Masters Student, Human Kinetics, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
Umerdad Khudadad, PhD Student, School of Human Kinetics, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196828
2023-01-16T18:20:03Z
2023-01-16T18:20:03Z
À la recherche d’une rivière disparue
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/503596/original/file-20230109-16-urcf3z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=96%2C110%2C3821%2C2566&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un spéléologue explore la galerie principale du Fond de la Souche, une galerie qui guiderait la rivière Aroffe.</span> <span class="attribution"><span class="source">© Olivier Gradot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Les ruisseaux naissent de l’accumulation du ruissellement des eaux de pluie, puis grandissent en rivières qui se réunissent pour former des fleuves qui rejoignent les mers et les océans. Mais tous les cours d’eau ne restent pas à la surface : certains rencontrent des fractures dans le sol et s’y infiltrent. En pays calcaire, ces infiltrations creusent lentement la roche par action chimique et mécanique jusqu’à former des galeries souterraines qui forment le nouveau lit souterrain des rivières : c’est le « karst », composé de grottes et gouffres qu’explorent les spéléologues.</p>
<p>L’ensemble de ces aquifères souterrains (nappes phréatiques et karsts) représente <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000380723">99 % des réserves d’eau douce liquide</a> sur Terre, d’où l’importance de comprendre ces ressources pour pouvoir les gérer et les protéger. Dans le contexte de réchauffement climatique et de sécheresse croissants, ces réserves en eau douce suscitent de plus en plus d’intérêt pour les collectivités locales. Les pollutions générées par les activités anthropiques de surface, par exemple l’industrie ou l’agriculture, peuvent s’infiltrer dans les eaux souterraines et altérer la qualité des eaux de consommation.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="une résurgence d’eau douce" src="https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503034/original/file-20230104-14-d4qvve.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le trou des Glanes, une des « deuilles » de l’Aroffe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Gradot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les réseaux karstiques sont minutieusement décrits par les spéléologues pendant leurs explorations (dimensions et orientations des galeries, volumes des salles, dénivelés…) qui synthétisent leurs observations sous forme de coupes et de plans. Parmi les objets géologiques recensés, les fractures constituent des points stratégiques d’accès aux eaux souterraines qui intéressent tout particulièrement les hydrogéologues pour les questions d’alimentation en eau des collectivités. C’est par ces zones de vides que les eaux de surface s’infiltrent dans les sols par gravité, mais aussi qu’elles résurgent par temps très pluvieux, quand le réseau de cavités souterraines est rempli d’eau. Sous terre, certains conduits sont totalement ennoyés et infranchissables.</p>
<p>Il faut trouver d’autres moyens pour comprendre la circulation des eaux souterraines. Le concept consiste alors à colorer l’eau avec de la fluorescéine sur le point amont le plus accessible de la rivière, et à mesurer la concentration de cette fluorescéine aux différents points de sortie (exutoire ou résurgence) connus ou supposés. C’est, par exemple, un incendie aux usines Pernod de Pontarlier en août 1901 qui a permis d’établir la connexion souterraine entre le Doubs et la Loue par l’intermédiaire d’un relargage d’absinthe en grandes quantités dans la rivière.</p>
<p>En Meurthe-et-Moselle, Meuse et Vosges, l’Aroffe est une rivière qui joue à cache-cache au gré des saisons et de la météo entre un cours souterrain pérenne et un cours aérien temporaire et continue d’intriguer ceux qui la côtoient. En effet, le cours souterrain d’un potentiel d’au moins 30 kilomètres n’est actuellement exploré que sur 2,5 kilomètres. <a href="https://usan.ffspeleo.fr/spip/spip.php?article1979">Spéléologues et géologues ont récemment collaboré</a> pour affiner les <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/permalink/33UDL_INST/1f89f8a/alma991003123509705596">études</a> topographiques et colorimétriques <a href="https://catalogue.cnds.ffspeleo.fr/index.php?lvl=notice_display&id=1121">déjà entreprises</a> sur une des résurgences de l’Aroffe, « le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trou_du_Fond_de_la_Souche">Fond de la Souche</a> », en testant une nouvelle technique basée sur la mesure des propriétés électriques des sous-sols.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="carte" src="https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505117/original/file-20230118-20-jrf8g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tracé aérien et souterrain supposé de l’Aroffe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>L’Aroffe prend sa source à Beuvezin et se perd en souterrain à travers une succession de fractures à Gémonville. Les eaux de l’Aroffe réapparaissent en surface à la source de la Rochotte à Pierre-la-Treiche et se jettent dans la Moselle. Par temps extrêmement pluvieux, la trentaine de kilomètres de réseau souterrain se remplit jusqu’à un débordement qui se manifeste en surface par des résurgences, appelées localement des « deuilles », qui jouent le rôle de trop-plein. L’Aroffe s’écoule alors en surface et va se jeter dans la Meuse. L’objectif de l’étude est de tenter de déterminer le cours souterrain précis dans un but de recherche.</p>
<h2>Pourquoi nous intéresser à la résurgence du Fond de la Souche ?</h2>
<p>À la suite de travaux menés en 1971 par les spéléologues, une fracture de 25 mètres de profondeur est ouverte au <a href="http://ikare.loterr.univ-lorraine.fr/dev_leaflet/fiche.php?IdSelect=88232001">Fond de la Souche à Harmonville</a>. Celle-ci aboutit dans un ruisseau qui, au bout d’environ 200 mètres, se jette dans une rivière formant une grande galerie souterraine.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=278&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503036/original/file-20230104-16-pk9g90.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=349&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Topographie souterraine du Fond de la Souche.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Vallet, 1983</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Quinze années d’explorations et de relevés topographiques permettent d’aboutir au plan actuel du réseau du Fond de la Souche : 2 500 mètres de galeries sont accessibles à l’Homme mais s’achèvent à chaque extrémité sur un siphon, conduit entièrement noyé, d’accès difficile et fastidieux avec un équipement de plongée souterraine conséquent. Bien que plusieurs campagnes de plongée aient eu lieu pour percer les mystères de ces deux conduits noyés, aucune nouvelle galerie non ennoyée n’a pu être atteinte.</p>
<p>D’un point de vue hydrologique, les diverses observations semblent montrer que la rivière de la grande galerie n’est pas l’Aroffe mais plutôt l’un de ses affluents. L’Aroffe circule-t-elle à proximité ou dans un tout autre secteur ? Quelle est son ampleur ? En l’état, le Fond de la Souche étant le seul regard pénétrable, cette cavité reste le meilleur site pour rechercher l’Aroffe souterraine.</p>
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<p>Quarante ans plus tard, ces questions subsistent, mais les techniques évoluent ! Les spéléologues de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Union_sp%C3%A9l%C3%A9ologique_de_l%E2%80%99agglom%C3%A9ration_nanc%C3%A9ienne">Union Spéléologique de l’Agglomération Nancéienne</a> et les <a href="https://www.unilasalle.fr/unites-de-recherche">géologues d’UniLaSalle</a> se sont récemment réunis pour expérimenter une technique de surface non destructive afin de poursuivre cette exploration.</p>
<h2>Comment détecter des galeries souterraines sans détruire les paysages et les écosystèmes ?</h2>
<p>Bien souvent, pour atteindre directement une ressource qui se trouve dans les profondeurs des sous-sols (eau, minerai, gaz…), les géologues font soit des trous à l’aide de foreuses, soit des entailles dans les montagnes à l’aide d’immenses pelleteuses. Ces techniques sont certes efficaces mais présentent l’énorme désavantage de détruire les écosystèmes (habitats faunistiques et floristiques) et les paysages mais aussi de polluer chimiquement les sites exploités. De plus, elles sont extrêmement coûteuses en temps, en énergie et en argent.</p>
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<span class="caption">Emplacement des profils électriques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Pour rechercher le tracé souterrain des galeries de la rivière du Fond de la Souche, nous avons choisi de tester une méthode indirecte non destructive. La « tomographie électrique » est une méthode géophysique basée sur la capacité d’un matériau à conduire le courant. À l’inverse de l’air, l’eau très conductrice laisse aisément circuler le courant. La technique consiste donc à mesurer la résistivité électrique des matériaux du sous-sol, en injectant du courant le long d’une ligne d’électrodes plantées dans le sol.</p>
<p>La résistivité électrique du sous-sol dépend de la nature de la roche, la porosité de la roche, la teneur en eau de la roche, la fracturation ou la présence de vides. Afin de valider ou non l’utilisation de cette technique pour la détection de cavités, une campagne de mesures a été organisée en 2021 sur le secteur du Fond de la Souche. Celle-ci s’est déroulée à la fin de la saison estivale, durant laquelle les cavités dépourvues d’eau sont remplies d’air et devraient théoriquement être plus résistives au courant. À partir du plan projeté sur une photo aérienne, plusieurs profils électriques ont été disposés par rapport aux galeries déjà connues et à leurs emplacements supposés.</p>
<p>Deux des profils sont disposés près de la buse d’entrée, perpendiculairement à la fracture de 25 mètres de profondeur. Le premier présente une pénétration de l’électricité dans le sol de 50 mètres (L5), mais une moins bonne résolution que le second, qui n’atteint qu’une profondeur de 10 mètres (L6).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=307&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/503039/original/file-20230104-90208-k7hbj9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=386&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Profil électrique de la ligne 5 interprété. L’échelle de couleur illustre les variations de la résistivité, les couleurs chaudes montrant une résistivité plus élevée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Dans la partie droite du profil L5, à 25 mètres de profondeur, les tâches orangées/rouges caractéristiques illustrent deux zones de « matériel » plus résistif, compatibles avec la possible présence de la cavité du Fond de la Souche.</p>
<p>Sur le second profil électrique (L6), la fracture est détectée au milieu de manière évidente par la tomographie électrique sous forme d’une zone très résistive en marron, ce qui coïncide avec le relevé topographique du puits d’entrée.</p>
<figure class="align-center zoomable">
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<span class="caption">Profil électrique de la ligne 6 interprété. L’échelle de couleur illustre les variations de la résistivité, les couleurs chaudes montrant une résistivité plus élevée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Elise Chenot</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>La technique de tomographie électrique semble donc prometteuse pour notre recherche de « vides ». Même s’il reste un vaste secteur à prospecter pour identifier en totalité le tracé de la rivière disparue, une prochaine campagne de mesures permettra d’identifier l’orientation des galeries au-delà des siphons. La recherche ne fait que commencer et sera poursuivie l’an prochain.</p>
<hr>
<p><em>L’USAN (Union spéléologique de l’agglomération nancéienne) est un club de spéléologie à l’initiative de cette activité de recherche (Christophe Prévot, Olivier Gradot et Théo Prévot) et la finance par l’intermédiaire du Fond d’aide aux actions locales de la Fédération française de spéléologie (FFS). Cette étude exploratoire a bénéficié de l’expertise géophysique de Pascale Lutz et Michaël Goujon, enseignants-chercheurs au sein de l’UniLaSalle Beauvais, mais aussi de leurs étudiants Adrien Leroux, Solène Soyez et Emeline Rame. Participent également des enseignants-chercheurs de l’université de Lorraine (en géologie-paléontologie, Bernard Lathuilière et en géographie-karstologie, Benoît Losson). Nous remercions la mairie d’Harmonville et les propriétaires des parcelles qui soutiennent ce projet et nous donnent des accès illimités à leurs parcelles.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196828/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christophe Prévot est président de l'Union spéléologique de l'agglomération nancéienne (USAN), club de spéléologie porteur du projet. L'association a reçu des financements de la Fédération française de spéléologie.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elise Chenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Certains cours d’eau disparaissent sous terre, et leur destin est mystérieux. Enquête entre spéléologie et géosciences.
Elise Chenot, Enseignant-chercheur en géologie, UniLaSalle
Christophe Prévot, Professeur de mathématiques, Université de Lorraine
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/196592
2022-12-14T18:43:21Z
2022-12-14T18:43:21Z
SWOT, le satellite qui va révolutionner l’étude de l’eau sur Terre
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501068/original/file-20221214-8962-21pej1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C2%2C1500%2C929&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue d'artiste du satellite SWOT.</span> <span class="attribution"><span class="source">CNES</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Vendredi 16 décembre, à 12h46 heure française, le <a href="https://swot.cnes.fr/fr">satellite SWOT</a> (Surface Water Ocean Topography) s’élancera vers l’espace à bord d’une fusée SpaceX depuis la base américaine de Vandenberg.</p>
<p>Ce satellite franco-américain, fruit de 30 ans de coopération entre nos deux pays, est la première mission spatiale qui recensera les stocks d’eau douce à l’échelle mondiale. Elle permettra également de mieux comprendre les dynamiques océaniques. Ses données seront essentielles pour nous permettre de mieux nous adapter et de mieux comprendre le changement climatique et ses conséquences sur notre planète.</p>
<p><strong>Suivez en direct le lancement du satellite SWOT</strong></p>
<iframe width="100%" height="315" src="https://www.youtube.com/embed/p5mldI3h5LU" title="YouTube video player" frameborder="0" allow="accelerometer; autoplay; clipboard-write; encrypted-media; gyroscope; picture-in-picture" allowfullscreen=""></iframe>
<h2>Comprendre l’évolution des ressources en eau en haute définition</h2>
<p>Le satellite SWOT étudiera pour la première fois la quasi-totalité de l’eau à la surface de la Terre. <a href="https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-changement-climatique-une-menace-pour-locean">L’eau contenue dans les océans</a>, joue un rôle essentiel dans l’absorption et le stockage d’une grande partie de l’excès de chaleur et de carbone piégé dans l’atmosphère terrestre par les émissions de gaz à effet de serre, et elle influence au quotidien la météo et notre climat.</p>
<p>Demain, SWOT aidera les scientifiques du monde entier à suivre le bilan hydrique de la Terre : où se trouve l’eau aujourd’hui, d’où elle vient et où elle se trouvera demain.</p>
<p>Il s’agit d’une ouverture scientifique essentielle pour comprendre comment les ressources en eau évoluent, quels impacts ces changements auront sur les environnements locaux et comment l’océan réagit au changement climatique et l’influence.</p>
<p>SWOT verra l’eau de la Terre avec une définition améliorée d’un facteur 10 par rapport aux précédentes missions altimétriques. L’instrument principal <a href="https://swot.cnes.fr/fr/karin">KaRIn</a> observera de manière globale les masses d’eau douce de la planète et l’océan avec une résolution inédite. Il sera en mesure de recueillir des données sur des phénomènes océaniques (tourbillons, filaments…) de quelques dizaines de kilomètres, ce qui permettra aux chercheurs d’affiner les modèles de circulation océanique.</p>
<p>Les océanographes pensent que les phénomènes océaniques de petite échelle, comme les fronts et les tourbillons, absorbent une grande partie de la chaleur produite par l’humanité, ainsi que les excès de dioxyde de carbone et de méthane.</p>
<h2>Une vue haute définition des lacs et des rivières</h2>
<p>En offrant une vue haute définition des masses d’eau douce, SWOT contribuera également à dresser un tableau beaucoup plus complet du bilan de l’eau douce terrestre. De nombreux grands fleuves – parfois mal instrumentés in situ pour des raisons économiques ou géopolitiques – restent un mystère pour les chercheurs…</p>
<p>SWOT observera la longueur totale de presque toutes les rivières de plus de 100 mètres de large. De même, alors que les technologies terrestres et satellitaires ne fournissent actuellement des données que sur quelques milliers des plus grands lacs du monde, SWOT portera ce nombre à plusieurs millions.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501007/original/file-20221214-3885-wci313.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Infographie sur la mission SWOT.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CNES</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Changement climatique, inondations, sécheresse</h2>
<p>Le satellite abordera certaines des questions les plus pressantes de notre époque en matière de changement climatique. Dans ce cadre, SWOT fournira des informations cruciales sur les échanges thermiques entre l’océan et l’atmosphère, ce qui permettra aux chercheurs de tester et d’améliorer les prévisions climatiques futures. En outre, le satellite fournira des données sur la circulation côtière, données qui pourront ensuite être utilisées pour améliorer les modèles informatiques de projection de l’élévation du niveau de la mer et de prévision des inondations.</p>
<p>Les données SWOT seront utilisées pour mieux gérer notre vie quotidienne. Le changement climatique perturbe le cycle de l’eau sur Terre, ce qui entraîne une plus grande volatilité des précipitations, notamment des pluies torrentielles et des sécheresses extrêmes. Les données SWOT seront utilisées pour anticiper les effets de la sécheresse et améliorer les prévisions d’inondations, fournissant ainsi des informations essentielles aux agences de gestion de l’eau, à la prévention des catastrophes, aux universités, aux ingénieurs civils et à tous ceux qui doivent gérer la ressource en eau au quotidien.</p>
<h2>Un programme de large diffusion des données satellite</h2>
<p>Grâce à sa technologie innovante, mettant en œuvre un <a href="https://www.aviso.altimetry.fr/fr/missions/missions-futures/swot/instruments/karin-altimetre-large-fauchee-en-bande-ka.html">« radar interférométrique à large fauchée »</a>, SWOT sera en capacité de générer des données inédites s’adressant à une multitude de communautés impliquées dans le suivi de l’eau sur terre, ouvrant ainsi la voie aux futures missions d’observation des eaux de la planète.</p>
<p>Un programme préparatoire à l’utilisation des données a été mis en place dès le début du programme pour sensibiliser tous les futurs acteurs du domaine à l’utilisation de cette donnée innovante. Les mesures de SWOT, ainsi que les outils destinés à aider les chercheurs à analyser ces informations, seront gratuits et accessibles. Cela favorisera le déploiement de la donnée vers les équipes scientifiques du monde entier et encouragera les activités de recherche et d’applications vers un large éventail d’utilisateurs, y compris ceux qui n’avaient pas accès à la donnée spatiale ou in situ.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/501009/original/file-20221214-1149-si7n43.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le satellite SWOT sera opéré depuis la France, au Centre Spatial de Toulouse.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CNES</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette mission a été rendue possible grâce à une collaboration de plusieurs décennies entre la NASA et le Centre national d’études spatiales (CNES), qui a débuté dans les années 1980 pour surveiller les océans de la Terre. Ce partenariat a été le premier à utiliser un instrument spatial appelé altimètre pour étudier le niveau de la mer avec le lancement du satellite TOPEX/Poseidon en 1992.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196592/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Lafon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’eau est une des ressources les plus importantes de notre planète, mieux connaître son cycle et ses réserves est indispensable pour la gérer au mieux.
Thierry Lafon, Chef de Projet SWOT, Centre national d’études spatiales (CNES)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/192551
2022-11-02T19:38:13Z
2022-11-02T19:38:13Z
Et si on rendait leur place aux petits cours d’eau urbains et péri-urbains ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489816/original/file-20221014-1414-tj9s9q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C6%2C2035%2C1244&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La rivière urbaine qui traverse Veules-les-Roses (Seine-Maritime) en Normandie.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/33852840@N06/16879932947">isamiga76 / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>À l’approche des Jeux olympiques de 2024, la baignade dans la Seine revient <a href="https://www.piren-seine.fr/sites/default/files/piren_documents/rapports_dactivite_2021/a4b1_rouille_kielo_bouleau_piren_2021_vf.pdf">dans l’actualité</a>. S’il soulève de nouveaux défis en matière d’amélioration de la qualité de l’eau, cet objectif fait suite à des projets centrés <a href="https://theconversation.com/il-faut-repenser-notre-maniere-dhabiter-le-fleuve-saint-laurent-184425">sur les fleuves</a> et les grandes rivières qui ont consisté à valoriser les fronts d’eau en ville comme cela a été le cas avec les berges de la Seine à Paris, des bords du Rhône à Lyon ou de la Garonne à Bordeaux.</p>
<p>Dans l’ombre de ces cours d’eau, les petites rivières urbaines ont longtemps été délaissées. Elles représentent pourtant la part principale du réseau hydrographique qui traverse les grandes agglomérations (73 % en Île-de-France) et le cadre de vie d’une grande partie des citadins.</p>
<p>Elles peuvent offrir une réponse à la <a href="https://theconversation.com/numerique-ville-et-nature-reconnecter-les-citadins-a-leur-environnement-146856">demande croissante de nature en ville</a> exacerbée par la crise sanitaire en fournissant une connexion avec une nature de proximité, mais aussi contribuer à des enjeux rendus urgents par le changement climatique tels que la réduction de l’îlot de chaleur urbain ou la <a href="https://theconversation.com/canicule-et-urbanisme-arretons-de-densifier-nos-villes-142504">préservation de la biodiversité</a>.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="personnes qui marchent sur les quais de Seine à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489848/original/file-20221015-19-xqu34z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">De nombreux projets se sont focalisés sur la valorisation des berges des fleuves dans les grandes villes, moins se consacrent aux petites rivières urbaines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/jmenj/42133165174/in/photolist-27cau7j-ZhzbNL-fjw8dx-7gfPVG-BUdvQy-RLrNda-xddAQF-naMbsQ-MS4tpB-Djjch5-QZP7fh-naMey1-2VWueY-Zh84qB-2gW3bWV-f7sKdi-rYYJ1r-dTGg2T-GJE91o-GPVk8Y-GJE9ZC-GPVkTf-nrZqCC-f7GhUm-JGaXzd-ftn6De-Bovzqk-hdXDbX-f7Ggyy-ahKzd-f7sCUg-7iTf8s-HXRwug-f7GUDh-f7GSYs-f7tgYM-CdBoD8-CbjK79-gcs4UP-f7Gh9w-f7tgiK-f7GVC3-f7tgoZ-f7HCbo-CPzBgN-f7GWgC-f7HBeW-f7tovr-7id42H-MS4uZa">Jeanne Menjoulet/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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</figure>
<h2>Des cours d’eau dégradés et oubliés</h2>
<p><a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=aYp-YYEaVa4C">Mal traitées au fil du temps</a>, les petites rivières urbaines sont souvent enterrées, busées, rectifiées et ont fini par être oubliées, car assimilées à un égout ou un fossé <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IC0NZsdVt2U">comme la Bièvre que l’on redécouvre aujourd’hui</a>.</p>
<p>Avalées par l’extension urbaine et associées à une image négative du fait de leur artificialisation, elles constituent également une des <a href="https://www.piren-seine.fr/publications/fascicules/les_petites_rivieres_urbaines_dile_de_france">dimensions de l’eau en ville les moins étudiées</a>. Les analyses hydrologiques ont depuis longtemps démontrées qu’elles souffrent de <a href="https://www.journals.uchicago.edu/doi/abs/10.1899/04-028.1">l’<em>urban stream syndrome</em></a> lié à l’augmentation des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0169555X06002637">zones imperméables, des réseaux de drainage et à la canalisation</a>.</p>
<p>L’accroissement du ruissellement entraîne une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022169413001686">amplification et une accélération</a> des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S002216941830146X">inondations</a> aggravant la vulnérabilité des populations riveraines. Il provoque aussi l’incision et l’élargissement des lits mineurs, menaçant l’équilibre du système fluvial et la <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00738293/PDF/THESE_GROSPRETRE.pdf">sécurité d’infrastructures</a> (ponts, berges aménagées) et de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0022169418304414">terrains riverains</a>.</p>
<p>Les petites rivières urbaines sont également soumises à une diminution des débits estivaux voire des assecs. Elles se distinguent enfin <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0048969721068066">par une dégradation généralisée de la qualité de l’eau</a>) et des habitats et donc de la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1470160X20309195">biodiversité aquatique</a>.</p>
<p>Souvent classées comme des masses d’eau fortement modifiées, elles sont considérées à l’échelle mondiale comme <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1002/wat2.1007">« our least restorable ecosystems »</a>.</p>
<h2>Un renouveau du regard</h2>
<p>Pourtant, les petites rivières urbaines constituent l’une des rares infrastructures naturelles encore disponibles en ville pour <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/levaluation-francaise-des-ecosystemes-et-des-services-ecosystemiques">fournir des services écosystémiques</a>. Depuis une quinzaine d’années, elles redeviennent des [enjeux du projet urbain].</p>
<p>Certaines font l’objet d’emblématiques remises à ciel ouvert, de reméandrage, de restauration des berges ou encore d’enlèvement de seuils. Encouragés par la directive-cadre sur l’eau et visant à « réparer » ces cours d’eau, ces projets s’inscrivent souvent dans une stratégie de lutte contre les inondations.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491419/original/file-20221024-8945-hjmpe8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Bièvre a la Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Lespez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>S’accompagnant de la restauration d’espaces d’expansion des crues et de plantations, ces projets ont aussi pour but de participer à la préservation de la biodiversité. Les outils génériques utilisés par les gestionnaires (CARHYCE, I2M2, etc.) peinent cependant à définir des trajectoires d’amélioration de ces rivières.</p>
<p>Il apparaît alors nécessaire de développer des diagnostics hydro-écologiques plus appropriés tenant compte des conditions locales propres à chaque cours d’eau et chaque tronçon afin de proposer des pistes d’amélioration durable plutôt que des solutions standardisées. Il s’agit par exemple de dépasser le diagnostic préférentiel des milieux aquatiques à l’échelle du chenal pour promouvoir des indicateurs intégrant la biodiversité terrestre (trame turquoise) et intégrer les corridors écologiques <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004896972101305X">fournissant des services majeurs</a>).</p>
<h2>Une gestion morcelée</h2>
<p>Paradoxalement, les cours d’eau suburbains sont les plus appropriés pour associer les populations locales au projet écologique. À l’inverse des grands fleuves navigables dont la gestion est assurée par l’État, la propriété des berges et du fond du lit des petits cours d’eau est morcelée entre une multitude de propriétaires formant une mosaïque d’espaces publics et privés complexifiant leur gestion. Le projet doit donc être multidimensionnel, incluant l’amélioration du potentiel récréatif et du cadre de vie et <a href="https://theconversation.com/des-rivieres-et-des-riverains-les-emotions-comme-approche-de-la-preservation-de-leau-179210">intégrer riverains et populations locales</a> à la définition des objectifs ainsi qu’à l’action.</p>
<p>Alors que la loi de 1992 reconnaît l’eau comme patrimoine commun de la nation, l’État s’engage à améliorer la qualité de l’eau et des milieux sans maîtrise foncière tandis que les propriétaires riverains sont eux absents des instances de gouvernance de l’eau.</p>
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<p>L’entretien et les choix de gestion de ces petits cours d’eau soulèvent ainsi de nombreux défis interrogeant le modèle français de gouvernance de l’eau. Ces singularités font des petites rivières urbaines un archétype des environnements ordinaires et conduisent à interroger les modalités d’une co-construction d’un bien commun <a href="https://www.persee.fr/doc/coloc_2111-8779_2010_num_30_1_2138">intégrant l’ensemble</a> des <a href="https://journals.openedition.org/traces/7011">acteurs de la rivière</a>.</p>
<h2>Réenchantement</h2>
<p>Alors que les commutations automobiles des ménages périurbains ont participé à la déconnexion des lieux de vie quotidiens et dans la perspective de <a href="https://www.paris.fr/dossiers/paris-ville-du-quart-d-heure-ou-le-pari-de-la-proximite-37">« la ville du quart d’heure »</a>, les petites rivières urbaines offrent des aménités de proximité dont la valorisation a été jusqu’alors négligée. Leur restauration est l’opportunité d’intégrer les préoccupations des habitants et usagers en matière <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/9781119410010.ch1">d’environnement, de paysage, d’accès ou encore de valeurs</a> et de construire une connaissance de ces cours d’eau, de leur fonctionnement et de leur histoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="arbres et rivière" src="https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/491416/original/file-20221024-5833-fuwudp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Morbras dans la cuvette de Champlain à La Queue-en-Brie (Val-de-Marne).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Laurent Lespez</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pourtant, les pratiques des propriétaires riverains, premiers gestionnaires, demeurent très mal connues. De nouvelles connaissances reposent sur la caractérisation de la connectivité sociale des <a href="https://www.piren-seine.fr/sites/default/files/piren_documents/rapports_dactivite_2021/a3b2_germaine_piren_2021_vf.pdf">petites rivières urbaines</a> qui intègrent des indicateurs tels que la visibilité et l’accessibilité des berges et de l’eau définissant des potentiels d’usage. Des travaux ancrés dans le champ de la <em>political ecology</em> ont analysé la place accordée aux communautés locales, notamment défavorisées, dans ces projets et la manière dont ils peuvent répondre <a href="https://www.routledge.com/The-Routledge-Handbook-of-Environmental-Justice/Holifield-Chakraborty-Walker/p/book/9780367581121">aux enjeux de justice environnementale</a>.</p>
<p>Finalement, il s’agit de dépasser la <a href="https://journals.openedition.org/norois/5793">proposition</a> d’un <a href="https://journals.openedition.org/geocarrefour/10430">décor</a> ou d’une <a href="https://www.nss-journal.org/articles/nss/abs/2013/04/nss140003/nss140003.html">infrastructure naturelle</a> sans lien avec les espaces traversés en considérant que la restauration écologique définit une nouvelle matérialité qui prend place dans des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/02508060.2016.1134898">territoires hydrosociaux vivants</a>. Mais alors que la relation ville-rivière est bien documentée pour les grands cours d’eau, elle demeure très peu étudiée pour les petites rivières.</p>
<p>Reconstituer la trajectoire de ces environnements permet de reconstituer l’évolution de la relation à la rivière alors qu’ils sont caractérisés par un renouvellement des populations riveraines limitant la transmission de la mémoire des lieux (risque d’inondation, patrimoine, attachement). Cette dimension permet de compenser le concept <a href="https://www.delachauxetniestle.com/livre/la-grande-amnesie-ecologique-3">d’amnésie environnementale générationnelle</a> et contribue à faire de la rivière un commun au-delà des propriétaires riverains pour favoriser l’émergence d’un attachement à cette nature urbaine et développer une culture de la rivière.</p>
<p>Face à l’urgence écologique, nos travaux conduits en particulier <a href="https://ui.adsabs.harvard.edu/abs/2019AGUFMEP22B..13L/abstract">au sein du groupe Paristreams</a> ont [pour objectif] de « rendre visible ce que les autres ne savent plus voir, faire sentir ce à quoi ils ne sont plus sensibles », des macroinvertébrés aux crues, du patrimoine hydraulique à la végétation rivulaire, afin de réenchanter la gestion des petites rivières urbaines pour promouvoir une <a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb388439226">transition socio-environnementale durable</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Lespez a reçu des financements du PIREN-Seine et de la Métropole du Grand Paris</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marie-Anne Germaine a reçu des financements du PIREN Seine. </span></em></p>
La demande croissante de nature en ville et la nécessaire adaptation aux changements climatiques invitent à mieux valoriser les petites rivières.
Laurent Lespez, Professor, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)
Marie-Anne Germaine, Enseignante-chercheuse en géographie, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/187341
2022-08-02T13:45:44Z
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La propagation de la moule zébrée prouve que de petits envahisseurs peuvent causer de gros dégâts
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/476723/original/file-20220729-20-yd6eov.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C17%2C3831%2C2567&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une hélice de bateau incrustée de moules zébrées. Ces envahisseurs, présents dans le fleuve et dans nos lacs, sont transportés par l'activité humaine. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://flic.kr/p/28LifoX">(NPS/Flickr)</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://nas.er.usgs.gov/queries/FactSheet.aspx?speciesID=5">moule zébrée</a> fait figure d’exemple d’espèce envahissante depuis qu’elle a déclenché des ravages économiques et écologiques dans les <a href="https://www.greatlakesnow.org/2020/02/zebra-mussels-impact-good-bad/">Grands Lacs</a> à la fin des années 1980. Pourtant, malgré les efforts intensifs déployés pour la neutraliser, ainsi que sa parente, la <a href="https://nas.er.usgs.gov/queries/FactSheet.aspx?speciesID=95">moule Quagga</a>, ce mollusque de la taille d’un ongle <a href="https://nas.er.usgs.gov/UserImages/current_zm_quag_map.jpg">se répand dans les rivières, les lacs et les baies des États-Unis</a>, et <a href="https://www.dfo-mpo.gc.ca/species-especes/profiles-profils/zebramussel-moulezebree-fra.html">du Canada</a>, notamment dans le fleuve Saint-Laurent, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1895947/moule-zebree-eau-potable-sherbrooke">colmatant les tuyaux d’alimentation en eau</a> et altérant les réseaux trophiques.</p>
<p>Aujourd’hui, les moules menacent d’atteindre les dernières grandes zones d’eau douce non infestées, à l’ouest et au nord des États-Unis : à Washington et en Oregon, le <a href="https://civileats.com/2022/05/17/zebra-mussels/">bassin du fleuve Columbia</a>, et les voies navigables de <a href="https://www.alaskasnewssource.com/2022/06/18/invasive-species-awareness-week-puts-focus-zebra-mussel-prevention-alaska/">l’Alaska</a>.</p>
<p>En tant qu’<a href="https://www.researchgate.net/scientific-contributions/Christine-Keiner-2071802254">historienne de l’environnement</a>, mon travail consiste à étudier comment l’attitude de la population envers les <a href="https://ugapress.org/book/9780820337180/the-oyster-question/">espèces</a> <a href="https://ugapress.org/book/9780820338958/deep-cut/"></a> <a href="https://ugapress.org/book/9780820338958/deep-cut/">non indigènes</a> a changé au fil du temps. Comme beaucoup d’autres intrus aquatiques, la moule zébrée et la moule Quagga se propagent dans de nouvelles étendues d’eau, transportées par les gens, que ce soit par accident ou de façon délibérée. Les structures érigées par les humains, comme les canaux, et le <a href="https://theconversation.com/how-the-japanese-tsunami-sent-marine-invaders-across-the-ocean-and-why-you-should-be-worried-53107">matériel détritique</a> peuvent aussi aider les envahisseurs à contourner les barrières naturelles.</p>
<p>À mon avis, pour réduire les dommages provoqués par ces épidémies — et les prévenir dans la mesure du possible — il faut comprendre que les activités anthropiques sont la cause première des invasions biologiques coûteuses.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une carte montrant la distribution des moules zébrées et Quagga en 2021" src="https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474711/original/file-20220718-24-6taz30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les moules zébrées et Quagga se sont déplacées vers l’est, le sud et l’ouest des Grands Lacs pour atteindre de nombreux autres lacs et rivières des États-Unis.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://nas.er.usgs.gov/UserImages/current_zm_quag_map.pdf">(USGS)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Invasions transocéaniques du passé</h2>
<p>L’exploration des Amériques par les Européens entre la fin des années 1400 et les années 1700 a entraîné des transferts massifs d’organismes, un processus connu sous le terme <a href="https://www.smithsonianmag.com/history/alfred-w-crosby-on-the-columbian-exchange-98116477/">« échange colombien »</a>, nommé d’après Christophe Colomb. De nombreux investisseurs se sont enrichis en expédiant du bétail et des cultures de plantation par-delà les océans. Ces voyages transatlantiques ont également favorisé l’introduction de microbes à l’origine de maladies infectieuses, comme la variole et la rougeole, qui ont <a href="https://doi.org/10.1097/00000441-200204000-00009">tué des millions d’Autochtones</a> qui n’étaient pas immunisés.</p>
<p>Au cours du XIX<sup>e</sup> siècle, les colonisateurs européens et nord-américains ont créé des <a href="https://theconversation.com/victorian-efforts-to-export-animals-to-new-worlds-failed-mostly-126003">sociétés d’acclimatation</a> pour importer les espèces souhaitées de plantes et d’animaux étrangers afin de les utiliser pour la nourriture, la chasse sportive ou pour embellir leur environnement. Bon nombre de ces efforts ont échoué. Les espèces introduites ne parvenant pas à s’adapter à leurs nouvelles conditions, elles n’ont pas survécu.</p>
<p>D’autres événements ont été à l’origine de catastrophes écologiques légendaires. Par exemple, après que la Victorian Acclimatisation Society <a href="https://theconversation.com/the-rabbits-of-christmas-past-a-present-that-backfired-for-australia-35544">ait relâché des lapins européens en Australie en 1859</a>, ces derniers se sont multipliés rapidement. Les lapins sauvages, ainsi que d’autres espèces introduites <a href="https://theconversation.com/this-critically-endangered-marsupial-survived-a-bushfire-then-along-came-the-feral-cats-185133">comme les chats</a> ont détruit des millions de plantes et d’animaux indigènes d’Australie.</p>
<p>Le transport maritime a aussi contribué à la propagation accidentelle d’espèces exotiques. Les canaux artificiels ont facilité le transport des marchandises, mais ont aussi fourni de nouvelles <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-1-4020-5047-3?noAccess=true">voies d’accès aux parasites aquatiques</a>.</p>
<p>À la fin du 19<sup>e</sup> et au début du 20<sup>e</sup>, par exemple, le Canada a agrandi le canal Welland entre le lac Ontario et le lac Érié pour permettre aux grands navires de contourner les chutes du Niagara. Dès 1921, ces améliorations technologiques ont permis à la <a href="http://sealamprey.org/">lamproie marine</a>, un poisson parasite, de <a href="https://www.michiganradio.org/environment-science/2019-10-24/after-70-years-the-fight-to-get-sea-lampreys-out-of-the-great-lakes-continues">passer du lac Ontario aux Grands Lacs supérieurs</a>, où elle constitue toujours une menace sérieuse pour les activités de pêche commerciale.</p>
<p>En 1959, les États-Unis et le Canada ont ouvert la <a href="https://muse.jhu.edu/book/6966">Voie maritime du Saint-Laurent</a>, un réseau de navigation qui relie l’Atlantique aux Grands Lacs. Les navires océaniques qui empruntent la Voie maritime ont transporté des espèces clandestines dans leurs <a href="https://www.invasivespeciesinfo.gov/subject/ballast-water">eaux de ballast</a> — des réservoirs remplis d’eau utilisée pour maintenir la stabilité des navires en mer.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’eau se déverse dans le port à partir d’un orifice situé sur la proue d’un grand vraquier" src="https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474707/original/file-20220718-76570-82v3j7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=497&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Navire amarré à Southampton, en Angleterre, déversant de l’eau de ballast.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/southampton-england-uk-a-bulk-carrier-alongside-berth-with-news-photo/1355165014">(Peter Titmuss/UCG/Universal Images Group via Getty Images)</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Lorsque les navires atteignent leur destination et vident leurs citernes de ballast, ils libèrent des plantes exotiques, des crustacés, des vers, des bactéries et d’autres organismes dans les eaux locales. Dans une étude importante de 1985, le <a href="https://mystic.williams.edu/about/faculty/dr-james-t-carlton/">biologiste Jim Carlton</a> du Williams College a décrit comment les rejets d’eaux de ballast <a href="http://pascal-francis.inist.fr/vibad/index.php?action=getRecordDetail&idt=7865531">constituaient un puissant véhicule pour les invasions biologiques</a>.</p>
<h2>L’invasion des Grands Lacs par les moules</h2>
<p>La moule zébrée est originaire de la mer Noire et de la mer Caspienne. On pense qu’elle est entrée en Amérique du Nord <a href="https://doi.org/10.1016/S0380-1330(08)71617-4">au début des années 1980</a> et a été officiellement recensée <a href="https://www.jsonline.com/in-depth/archives/2021/09/02/how-zebra-mussels-and-quagga-mussels-changed-great-lakes-forever/7832198002/">dans les Grands Lacs en 1988</a>, suivie par la moule Quagga en 1989.</p>
<p>Rapidement, les bivalves rayés ont recouvert les surfaces dures des lacs et se sont échoués sur les rivages, infligeant des coupures au pied des baigneurs. Les moules zébrées ont obstrué les tuyaux d’admission des usines de traitement d’eau potable, des <a href="https://www.osti.gov/biblio/6368446-infestation-monroe-power-plant-zebra-mussel-dreissena-polymorpha">centrales électriques</a>, des <a href="https://seagrant.sunysb.edu/ais/pdfs/Firefacts-v3.pdf">bouches d’incendie</a> et des <a href="https://www.nrc.gov/reading-rm/doc-collections/gen-comm/info-notices/1989/in89076.html">réacteurs nucléaires</a>, réduisant dangereusement la pression de l’eau et nécessitant des réparations coûteuses.</p>
<p>Les mollusques sont des organismes filtreurs qui rendent généralement l’eau plus claire. Mais les moules zébrées et Quagga filtrent tellement de plancton dans l’eau qu’elles affament les moules indigènes et favorisent la <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/1998/09/980919115852.htm">prolifération d’algues nuisibles</a>. Les envahisseurs ont également transmis le <a href="https://www.mlive.com/chronicle/2007/12/avian_botulism_killing_birds.html">botulisme de type E</a> mortel pour les oiseaux piscivores.</p>
<p>Au début des années 1990, 139 espèces exotiques s’étaient établies dans les Grands Lacs, dont près d’un tiers après l’ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent. Les introductions liées aux navires, ainsi qu’à d’autres voies, comme l’aquaculture et les rejets de poissons d’aquarium et d’appâts, ont transformé les Grands Lacs en <a href="https://doi.org/10.1016/S0380-1330(93)71197-1">l’un des écosystèmes d’eau douce les plus envahis au monde</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/YiFHlOiPn1M?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les responsables locaux sont aux prises avec une infestation de moules zébrées qui se propage dans le lac Brownwood, dans le centre du Texas.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Premières réactions politiques</h2>
<p>Les États-Unis ont commencé à <a href="https://www.fws.gov/law/nonindigenous-aquatic-nuisance-prevention-and-control-act-1990">réglementer la gestion des eaux de ballast en 1990</a>, mais ont eu du mal à combler les lacunes. Par exemple, les navires déclarant qu’ils n’avaient pas d’eaux de ballast pompables à bord n’ont pas eu à vider et à remplir à nouveau leurs citernes avec de l’eau de mer propre en cours de voyage. Résultat : les organismes d’eau douce vivants qui se cachaient dans les sédiments des réservoirs pouvaient encore être libérés dans les ports vulnérables.</p>
<p>Enfin, après des <a href="https://glpf.org/funded-projects/assessment-of-transoceanic-nobob-vessels-and-low-salinity-ballast-water-as-vectors-for-nonindigenous-species-introductions-to-the-great-lakes/">études approfondies</a>, les États-Unis et le Canada ont exigé en 2006 que les navires rincent les réservoirs contenant des sédiments résiduels avec de l’eau de mer. Une évaluation de 2019 a révélé que <a href="https://doi.org/10.1016/j.jglr.2019.09.002">seules trois nouvelles espèces se sont établies</a> dans les Grands Lacs entre 2006 et 2018, et qu’aucune d’entre elles ne l’a été par le biais des eaux de ballast des navires.</p>
<p>Aujourd’hui, ce sont d’autres pratiques anthropiques qui contribuent de plus en plus aux introductions nuisibles en eau douce. Et les activités maritimes étant réglementées, les grands coupables sont des milliers de plaisanciers privés et de pêcheurs à la ligne.</p>
<h2>Endiguer la propagation vers l’ouest</h2>
<p>Les moules zébrées et Quagga se déplacent vers l’ouest et le sud des Grands Lacs, attachées à des bateaux privés ou transportées dans les eaux de cale et les seaux à appâts. On en a découvert au <a href="https://doi.org/10.1111/j.1523-1739.2010.01490.x">Nevada</a>, en <a href="https://news.asu.edu/20200910-arizona-impact-invasive-species-continues-flex-its-mussels-arizona %25E2 %2580 %2599s-waterways">Arizona</a>, en <a href="https://wildlife.ca.gov/Conservation/Invasives/Quagga-Mussels/Incident-Description">Californie</a>, en <a href="https://www.deseret.com/2015/5/7/20564487/potential-mussel-infestation-threatens-water-supply-could-cost-state-millions">Utah</a>, <a href="https://www.koaa.com/news/covering-colorado/invasive-mussels-no-longer-present-in-colorado-cpw-says">au Colorado</a> et <a href="https://www.hcn.org/issues/48.22/latest-invasive-zebra-mussels-have-reached-montana">au Montana</a>.</p>
<p>Si les moules atteignent l’écosystème du fleuve Columbia, elles seront une menace pour la faune indigène et pour les canalisations d’irrigation et les barrages vitaux pour l’agriculture et l’hydroélectricité. Les représentants du gouvernement, les gestionnaires de la faune et les scientifiques travaillent sans relâche pour empêcher qu’une telle situation ne se produise.</p>
<p>La sensibilisation du public est essentielle. Les voyageurs qui transportent leurs bateaux sans les décontaminer peuvent transférer les moules zébrées et Quagga dans les réseaux fluviaux et lacustres intérieurs. Les moules peuvent survivre hors de l’eau dans des endroits chauds pendant des semaines. Il est donc important que les plaisanciers et les pêcheurs <a href="https://stdofthesea.utah.gov/">nettoient, vidangent et fassent sécher</a> leur équipement de navigation et le matériel de pêche.</p>
<p>Les propriétaires d’aquarium peuvent aider à endiguer la vague en <a href="https://www.fws.gov/sites/default/files/documents/zebra-mussel-disposal.pdf">désinfectant leurs réservoirs et leurs accessoires</a> afin d’éviter les rejets accidentels d’organismes vivants dans les cours d’eau publics, et en étant vigilants lors de leurs achats. En 2021, des moules zébrées ont été détectées dans des boules de mousse importées vendues comme plantes d’aquarium aux <a href="https://fws.gov/story/invasive-zebra-mussels-found-moss-balls">États-Unis</a> et au <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/new-brunswick/zebra-mussles-invasive-species-1.5960252">Canada</a>.</p>
<h2>Maintenir le soutien du public</h2>
<p>Certains de ces efforts ont donné des résultats encourageants. Depuis 2008, le Colorado <a href="https://coloradosun.com/2022/05/30/aquatic-nuisance-species/">a mis en place un programme rigoureux d’inspection des bateaux</a> qui a permis de maintenir les moules zébrées et Quagga hors des eaux de l’État.</p>
<p>Mais la prévention n’est pas toujours bien accueillie. Les autorités ont fermé le réservoir de San Justo, dans le centre de la Californie, au public en 2008 après y avoir découvert des moules zébrées ; les résidents affirment que la fermeture <a href="https://panetta.house.gov/media/press-releases/rep-panetta-leadcs-letter-rep-lofgren-request-expedited-process-san-justo">a nui à la communauté</a> et font pression sur le gouvernement fédéral pour éradiquer les moules afin de <a href="https://sanbenitolive.com/fishing-advocate-makes-case-to-reopen-san-justo-reservoir/">rouvrir le plan d’eau à la pêche</a>.</p>
<p>Atténuer les effets destructeurs des espèces envahissantes est une mission complexe qui n’a pas forcément de finalité évidente. Cela requiert des connaissances scientifiques, technologiques et historiques, une volonté politique et des compétences pour convaincre le public que tout le monde fait partie de la solution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187341/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Christine Keiner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Pour réduire et prévenir les dommages provoqués par les moules zébrées, il faut comprendre que les activités anthropiques sont la cause première de ces invasions biologiques.
Christine Keiner, Chair, Department of Science, Technology, and Society, Rochester Institute of Technology
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tag:theconversation.com,2011:article/180640
2022-06-08T17:34:00Z
2022-06-08T17:34:00Z
Estimer pour la première fois le débit des rivières à l’échelle planétaire avec le satellite SWOT
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466968/original/file-20220603-17-l1kn13.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C0%2C5565%2C3732&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue du ciel, comment connaître le débit d'une rivière ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/GygPFmXGD1o">Dan Roizer/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://www.aviso.altimetry.fr/fr/missions/missions-futures/swot.html">Le satellite SWOT</a> (NASA-CNES) lancé vendredi 16 décembre va permettre de mesurer les eaux du globe sur 90% de sa surface : les océans bien sûr mais aussi <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1029/2021WR030054">pour la première fois</a> les lacs, réservoirs et rivières. Pour les rivières de largeur supérieure à 100 mètres, les mesures seront fournies avec une densité spatiale de l'ordre de 250 mètres et une fréquence aux alentours de 11 jours.</p>
<p>À partir de mesures de hauteur de la surface d'eau d'une rivière, un défi scientifique consiste à en déduire son débit Q (m3/s). Les débits des rivières sont très mal connus dans les régions du monde très peu instrumentées (par exemple le bassin amazonien, les grands bassins asiatiques, africains et bien d'autres à travers le monde).</p>
<p>Les rivières et fleuves agissent comme les veines de nos territoires. Estimer le débit des rivières de notre planète demeure un enjeu majeur scientifique mais aussi surtout un enjeu socio-économique.</p>
<p>L'agriculture représente <a href="https://www.fao.org/aquastat/fr/databases/">70 % de la consommation d'eau douce</a> dans le monde (90 % dans certains pays), l'industrie 19 % et l'usage domestique 12 % seulement (dont une grande part est due aux usages ménagers tels que lave-linge, lave-vaisselle, arrosage, salle de bains et une très faible part est en lien avec la boisson). A ce jour, <a href="https://www.fao.org/water/fr/">1 habitant sur 2</a> de notre planète vit dans des zones touchées par une grave pénurie d'eau au moins un mois par an.</p>
<p>Les activités humaines dépendent de la quantité d'eau disponible mais modifient également la ressource. Typiquement, la politique de gestion d'un barrage pour développer l'agriculture d'une région peut engendrer un manque dans une région plus en aval. Des tensions entre régions ou usagers (agricultures, industries, populations) peuvent survenir. De nombreux exemples existent à travers le monde (par exemple au Moyen-Orient ou au sud des États-Unis d'Amérique pour ne citer que ces deux régions du monde).</p>
<p>L'Europe connaît elle aussi des tensions autour de l'usage de l'eau ; l'été 2022 nous l'a encore montré. Des <a href="https://www.fao.org/water/fr/">risques</a> surviennent aussi en lien avec l'extrême inverse, à savoir le «trop d'eau» qui s'écoule. Les inondations représentent près de la <a href="https://www.swissre.com/institute/research/sigma-research/sigma-2022-01.html">moitié des risques</a> naturels avec pour la seule année 2021, plus de 50 évènements majeurs et plus de 80 milliards de dollars de dégâts.</p>
<p>Ces constats s'aggravent et vont encore plus s'aggraver avec le dérèglement climatique croissant.</p>
<h2>Des modèles mathématiques pour estimer le débit des rivières</h2>
<p>La variable clé pour quantifier les flux d'eau d'une rivière est le débit Q (m3/s). On à la relation simple Q=A.U, A (m<sup>2</sup>) étant la section en travers de la rivière, U (m/s) la vitesse moyenne de l'eau dans cette section, mais ces quantités A et U ne seront pas mesurées depuis l'espace.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=424&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466298/original/file-20220531-24-zrnooj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=533&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma du calcul du débit des rivières.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jérôme Monnier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Des mesures précises de débits sont disponibles à une fréquence journalière (voire horaire) dans les régions industrialisées seulement, par exemple en France via le <a href="https://www.vigicrues.gouv.fr/">réseau Vigicrues</a>. A contrario, dans les régions moins industrialisées, les données sont souvent inexistantes ou au mieux très approximatives : les débits des rivières à un instant donné sont globalement très mal connus à l'échelle planétaire.</p>
<p>Lorsque la vitesse d'écoulement d'une rivière U (m/s) et sa profondeur H (m) sont inconnues, on ne sait pas directement déduire son débit Q (m3/s) de manière simple. Par contre, le débit peut potentiellement être estimé via des modèles mathématiques plus complexes. Cela passe par une estimation de la forme et de la profondeur de son lit et aussi de paramétrisations physiques comme le coefficient de friction de l'écoulement sur le terrain.</p>
<p>La difficulté d'estimer ces débits est accrue lorsque les mesures altimétriques de la surface de l'eau (qui ne correspond donc pas à la profondeur H de la rivière) ne sont disponibles qu'en quelques points de la rivière.</p>
<h2>La révolution des mesures SWOT et des algorithmes qui en découlent</h2>
<p>Le satellite SWOT va donc permettre de «cartographier» les hauteurs d'eau des rivières (de plus de 100 mètres de large) du globe à une fréquence de 11 jours environ.</p>
<p>Des recherches pluridisciplinaires intenses ont été nécessaires pour savoir déterminer le débit des rivières à partir de telles mesures. Ces <a href="https://swot.jpl.nasa.gov/science/hydrology/">travaux</a> (majoritairement franco – états-uniens) aboutissent à des algorithmes de calcul implémentés sur des calculateurs. Cinq algorithmes aux méthodologies différentes ont été jusqu'à présent <a href="https://agupubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1029/2020WR028519">inter-comparés</a> sur la base d'«observations synthétiques» issues d'un simulateur de l'instrument SWOT qui vient d'être lancé.</p>
<p>Les travaux menés à l'Université de Toulouse et tout particulièrement à l'INSA – Institut de Mathématiques de Toulouse, l'Observatoire Midi-Pyrénées, en partenariat avec l'INRAe et le groupe privé CS (sur financements CNES) ont conduit à un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/17415977.2020.1803858">algorithme disponible</a> au sein d'un <a href="https://www.math.univ-toulouse.fr/DassFlow/rivers.html">logiciel de recherche</a> ouvert à toutes les communautés scientifiques.</p>
<p>Les premiers ingrédients d'un tel algorithme sont les équations de Saint-Venant datant du XIX<sup>e</sup> siècle enrichies d'équations dédiées à ce contexte observationnel bien particulier et issues de nos récentes recherches. Les ingrédients suivants sont des méthodes mathématiques du type contrôle optimal, semblables à celles utilisées pour contrôler la trajectoire d'un robot ou déterminer l'état initial de l'atmosphère avant une prévision météorologique, combinées à des méthodes probabilistes et des méthodes d'apprentissage machine («intelligence artificielle»).</p>
<p>Les résultats obtenus permettent d'espérer des estimations de débits relativement précises (à 30 % près) dans les régions non instrumentées, en temps quasi réel.</p>
<p>Les estimations sur la base des mesures réelles SWOT devraient être disponibles (si tout se passe comme prévu) à l'issue d'une année complète de survol du satellite, le temps de la calibration des modèles.</p>
<p>Ces estimations de débit des rivières à l'échelle planétaire devraient contribuer à l'amélioration de nos connaissances sur le cycle de l'eau, contribuer à l'amélioration des modèles numériques d'inondations mais aussi de sécheresses, permettre de mieux estimer l'interaction entre les grands fleuves (non instrumentés) et les courants océaniques locaux, permettre de mieux estimer l'impact des différents usages de grands cours d'eau non instrumentés y compris transfrontaliers, et aussi contribuer aux politiques de gestion de l'eau de nombreux états sur la base de connaissances globales et ouvertes.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science en libre accès », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180640/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>MONNIER Jérôme a reçu des financements du CNES pour élaborer un algorithme de calcul de débit à partir de mesures satellitaires. Ses résultats sont publiés dans des journaux scientifiques à comité de relecture ouverts; l'algorithme est disponible dans un logiciel de calcul open-source. </span></em></p>
En France, on connaît le débit de nos rivières, mais dans la plupart des pays, il faut développer une nouvelle méthode basée sur les observations satellitaires.
Jerôme Monnier, Professeur des universités, mathématiques appliquées, INSA Toulouse
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/178656
2022-03-15T18:35:39Z
2022-03-15T18:35:39Z
Antoine : « Comment les petites sources peuvent-elles devenir de grands fleuves ? »
<p>C’est une bonne remarque : comment est-ce possible qu’il y ait tant d’eau dans les grands fleuves qui naissent pourtant au sommet des montagnes sous la forme de simples petits filets d’eau ?</p>
<p>Descendons le fleuve Var en canoë !</p>
<p>Pour répondre à cette question, je te propose de me suivre. Nous irons à pied puis en canoë, et nous descendrons l’un des plus beaux fleuves de France : le Var. Sa source se trouve sur la commune d’Entraunes, un petit village du massif montagneux du Mercantour, la partie sud des Alpes.</p>
<p>Une fois arrivé à Entraunes, nous n’aurons pas de difficulté à trouver ce tout petit torrent de montagne nommé Var, qui coule vers le sud, direction la mer Méditerranée. On doit attendre quelques secondes pour y remplir notre gourde : autant dire qu’il y a encore peu d’eau ici ! En descendant le cours du Var, on s’aperçoit que d’autres petits torrents de montagne le rejoignent et apportent leur eau. Lentement, presque imperceptiblement, la quantité d’eau qui coule dans le ruisseau augmente. Cette quantité d’eau qui s’écoule chaque seconde, c’est ce qu’on appelle le débit.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=323&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/452252/original/file-20220315-21-1674se5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=405&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La source du Var à Estenc (Entraunes, Alpes-Maritimes).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Var_(fleuve)#/media/Fichier:Source_du_Var_362-365mod.jpg">JYB Devot/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après les premiers kilomètres de descente, on a déjà rencontré plusieurs dizaines de petits torrents, ce qui a sensiblement augmenté le débit du Var. On peut remplir notre gourde plus vite, mais on peut toujours traverser le Var à pied.</p>
<p>Après avoir traversé les belles gorges du Daluis, une rivière presque aussi grosse que le Var le rejoint depuis la rive droite : il s’agit du Coulomp. En additionnant leurs eaux, le Var et le Coulomp forment une rivière plus importante : il faut désormais gonfler le canoë pour continuer notre descente !</p>
<p>En pagayant, nous apercevons d’autres petits torrents qui continuent à grossir le débit du Var, et également de plus grandes rivières : on voit ainsi arriver les eaux du Cians et de la Roudoule, mais surtout de la Tinée, de la Vésubie et de l’Estéron, grandes rivières qui apportent un débit supplémentaire important au Var, qui est désormais devenu un véritable fleuve, au débit considérable. Il faut désormais tenir fermement sa gourde si on veut la remplir ! Notre descente s’achève, car nous arrivons à Nice et allons pouvoir plonger dans la Méditerranée. Le Var n’a plus rien à voir avec sa source, et le débit est à présent beaucoup plus important, il coule dans la mer presque 50 000 litres chaque seconde !</p>
<h2>L’union des sources fait les fleuves !</h2>
<p>Nous pourrions ainsi descendre toutes les rivières du monde et faire la même observation : plus une rivière s’éloigne de sa source, plus elle est longue, et plus elle transporte d’eau. Son débit augmente tout au long de sa descente. La Seine passe ainsi d’un débit d’à peine un litre par seconde à sa source, à un débit d’environ 300 000 litres par seconde à Paris et à un débit d’environ 500 000 litres par seconde à son embouchure.</p>
<p>Ce que tu dois comprendre, c’est que les rivières n’ont pas une seule et unique source, mais une multitude de petites sources, qui alimentent chacune un affluent. Et les affluents se rejoignent au fur et à mesure. En plus de ces affluents, il y a des sources que tu ne vois pas, parce qu’elles se trouvent le long des berges, cachées sous la végétation. Toutes ces eaux s’additionnent et forment les fleuves. Et finalement, ce n’est pas la source d’un fleuve qui compte, c’est son territoire d’alimentation qui importe réellement : on parle de bassin versant. Le bassin versant est propre à chaque rivière, il regroupe tous les terrains sur lesquels les eaux de pluie et de fonte des neiges s’écoulent pour former des rivières. Plus la rivière est longue, plus son bassin versant est important. À son embouchure, le bassin versant du Var a une superficie d’environ 2 800 km<sup>2</sup>, alors qu’à Entraunes sa surface n’est que de 50 km<sup>2</sup>.</p>
<p>On pourrait se demander pourquoi tous les petits affluents se rejoignent progressivement, au lieu de couler chacun de son côté… Lorsque tu renverses de l’eau par terre, tu la vois s’écouler en suivant une certaine direction : c’est la direction où la pente de la surface est la plus forte. Ainsi à la surface de la Terre, toutes les gouttes d’eau qui ruissellent vont naturellement suivre cette direction (qui peut changer en fonction des endroits), sous l’effet de la gravité. De la sorte, les cours d’eau se rejoignent petit à petit et forment des rivières de plus en plus grosses, un peu comme lorsqu’on se précipite tous en voiture sur l’autoroute pour partir en vacances !</p>
<p>Plus il y a de l’eau qui s’écoule et plus la pente est forte, plus les rivières peuvent éroder : elles creusent leur lit et emportent les sédiments arrachés plus loin, vers la mer. Ce faisant, elles creusent dans le bassin versant des « gouttières » de plus en plus larges où va s’écouler la majorité de l’eau. Les bassins versants ont donc ainsi une forme de cuvette : ils sont bordés par des crêtes assez hautes, moins érodées, dominant des pentes qui bordent une « rigole » centrale où s’écoule l’eau : la rivière principale.</p>
<p>Ainsi, l’érosion creuse des bassins versants en forme de cuvette, ce qui incite les petits cours d’eau à se rejoindre et donc à former de grosses rivières qui vont à leur tour creuser le bassin versant, etc.</p>
<p>En résumé, l’« union fait la force » chez les cours d’eau : c’est la somme d’innombrables petites sources qui fait les fleuves !</p>
<hr>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178656/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierre Brigode a reçu des financements de l'Université Côte d'Azur, du Centre National de la Recherche Scientifique et de l'Agence Nationale de la Recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Carole Petit a reçu des financements du Bureau des Recherches Géologiques et Minières, de l'Observatoire de la Côte d'Azur, de l'Université Côte d'Azur et du Centre National de la Recherche Scientifique - Institut National des Sciences de l'Univers. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vazken Andréassian a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche et du Fonds AXA pour la Recherche</span></em></p>
Il est vrai qu’à la source des fleuves, on n’observe souvent qu’un mince filet d’eau alors qu’à leur embouchure leur débit est impressionnant.
Pierre Brigode, Maître de conférences en hydrologie, Université Côte d’Azur
Carole Petit, Professeur en Sciences de la Terre, Université Côte d’Azur
Vazken Andréassian, Hydrologue, directeur de l’unité de recherche HYCAR, ingénieur en chef des ponts, eaux & forêts, Inrae
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/169043
2021-10-14T17:19:24Z
2021-10-14T17:19:24Z
Fleuves français : est-il possible de retrouver un bon état écologique ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424509/original/file-20211004-25-24d9ru.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Prolifération de _Phaeocystis globosa_ sur une plage des Hauts de France en mai 2019. </span> <span class="attribution"><span class="source">Alain Lefebvre / Ifremer</span></span></figcaption></figure><p>Les dernières décennies ont été marquées par une recrudescence importante de l’« eutrophisation » ; on peut comparer ce phénomène à une forme d’indigestion des écosystèmes marins, gavés de quantités excessives d’azote et de phosphore.</p>
<p>Dans le sillage de nombreuses activités humaines (industrielles, agricoles ou domestiques), ces nutriments, utilisés en particulier comme engrais pour les cultures, sont en effet déversés dans les cours d’eau et les nappes phréatiques ; ils progressent ensuite vers le milieu marin.</p>
<p>Cette arrivée en masse de nutriments se traduit par le développement de végétaux, comme les macroalgues de type algues vertes ou de microalgues de type phytoplancton, qui peuvent être nuisibles ou toxiques.</p>
<p>Cette prolifération végétale tous azimuts peut provoquer en particulier une diminution de la concentration en oxygène dans l’eau et des changements de biodiversité conduisant ainsi à un état écologique dégradé, avec une modification de la structure et du fonctionnement des écosystèmes concernés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/cette-micro-algue-qui-se-cache-derriere-les-eaux-colorees-vertes-de-bretagne-sud-149749">Cette micro-algue qui se cache derrière les eaux colorées vertes de Bretagne Sud</a>
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<h2>Une alimentation équilibrée, le secret de santé du phytoplancton</h2>
<p>Le plancton végétal (ou phytoplancton) est responsable de la production de la moitié de l’oxygène sur Terre. Il est à l’origine de la vie dans les mers et les océans. Il contribue aussi à absorber le dioxyde de carbone, réduisant ainsi l’effet de serre.</p>
<p>Premier maillon de la chaîne alimentaire en milieu marin, le phytoplancton doit lui aussi s’astreindre à un régime alimentaire équilibré. À l’instar de nos « cinq fruits et légumes par jour » préconisés chez les humains, il doit se nourrir d’un duo ou d’un trio de nutriments – phosphate, nitrate (pour tous) et silice (pour les organismes dits siliceux) – mais en « portions » bien précises.</p>
<p>S’il « mange » trop de l’un ou trop de l’autre, sa composition change et c’est tout l’écosystème marin qui s’en trouve perturbé.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Di8t7qsFX7E?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Qu’est-ce que le phytoplancton ? (Nat Geo France/Youtube, 2019).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Croissance vertigineuse</h2>
<p>Si le phénomène de l’eutrophisation peut être d’origine naturelle – il se produit alors à des échelles de temps longues, géologiques –, la révolution industrielle, la croissance démographique et la concentration urbaine, sans oublier le développement de modèles d’agriculture plus intensive ont conduit à une eutrophisation dite « anthropique » qui se produit sur des échelles de temps (trop) courtes.</p>
<p>Aujourd’hui, on considère que les flux sortants à la mer ont quasiment <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00408/51903/">doublé au cours du XXᵉ siècle</a> aussi bien pour l’azote que pour le phosphore.</p>
<p>Au niveau mondial, le nombre et l’emprise des zones marines très pauvres en oxygène ont triplé depuis les années 1960. <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00408/51903/52527.pdf">Un recensement de 2010 les porte à près de 500</a> avec une emprise géographique de 245 000 km<sup>2</sup>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1352651036922675201"}"></div></p>
<p>Parallèlement, on observe une augmentation de la diversité, de la fréquence, de l’importance et de l’extension géographique des proliférations de microalgues toxiques ces dernières décennies.</p>
<h2>La reconquête de l’eau, une priorité publique</h2>
<p>Lutter contre l’eutrophisation est donc une priorité pour la reconquête de la qualité des eaux côtières qui, avec les zones estuariennes, sont les environnements les plus productifs au monde. Environ <a href="https://link.springer.com/article/10.1023/A:1020372316420">26 % de la biomasse végétale</a> y prend place, alors que la surface de ces zones ne représente que 8 % de la surface de la Terre.</p>
<p>Ainsi, les effets de l’eutrophisation sont particulièrement marqués dans ces lieux, ce qui n’exclut pas des effets directs et indirects sur les zones plus au large.</p>
<p>Cette lutte contre l’eutrophisation constitue l’un des combats <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=LEGISSUM%3Al28164">à l’échelle européenne</a> de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin (<a href="https://dcsmm.milieumarinfrance.fr/">DCSMM</a>) qui vise à maintenir ou à restaurer le fonctionnement des écosystèmes pour parvenir au bon état écologique des eaux marines.</p>
<p>Missionnées dans ce cadre pour fournir son expertise scientifique, les équipes de recherche de l’Ifremer dressent tous les 6 ans une évaluation de l’état des eaux en matière d’eutrophisation.</p>
<h2>Un nouveau baromètre pour pister l’eutrophisation</h2>
<p><a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00437/54868/">Dans le dernier rapport d’évaluation DCSMM</a> (2018) remis à l’Europe, nous avons utilisé le modèle EcoMARS3D qui a la particularité de coupler modèles biologique et physique, tout en nous appuyant sur les données in situ, mais aussi les produits dérivés des images satellites.</p>
<p>Ces approches multiples participent à affiner notre diagnostic.</p>
<p>Si les données in situ ont l’avantage d’être très fiables, elles demeurent parcellaires. Afin d’améliorer leur résolution spatiale et temporelle, une solution consiste à les compléter grâce à des informations provenant de capteurs installés sur des satellites (on parle alors de l’observation de la couleur de l’eau) et grâce à la modélisation.</p>
<p>La combinaison de ces différentes sources d’informations permet de définir un seuil de chlorophylle-<em>a</em> – indice-clé pour évaluer le risque d’eutrophisation que l’on déduit en cartographiant le plancton – à ne pas dépasser afin d’être compatible avec le bon état écologique, puis de définir la concentration de nutriments en mer qui y correspond.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"910179187146633216"}"></div></p>
<p>À partir de cette concentration en mer, il est alors possible d’évaluer le flux de nutriments maximal acceptable en provenance du bassin versant.</p>
<p>Cette modélisation, <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00636/74765/75139.pdf">réalisée en collaboration avec le consultant en ingénierie Actimar</a>, permet de proposer des scénarios de réduction des apports de nutriments dans les cours d’eau afin d’aider à la prise de décision quant aux mesures à engager pour réduire l’eutrophisation.</p>
<h2>De moins 80 % à moins 10 % de réduction de nutriments nécessaire</h2>
<p>En s’appuyant sur ce nouveau modèle et en étant conscient de toutes les limitations qu’implique une telle approche, <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00641/75350/">nous avons esquissé des scénarios spécifiques</a> pour 45 fleuves représentatifs des principales sources de nutriments en France</p>
<p>L’objectif : calculer le taux de réduction en nutriments nécessaire afin de se rapprocher du <a href="https://sextant.ifremer.fr/documents/156255/178754/Directive/6b242990-2538-4a93-9e32-495d29aa5acc">« bon état écologique »</a> au regard des critères définis par la Directive-cadre sur l’eau (DCE) et la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM). Ce « bon état » des eaux marines désigne le bon fonctionnement des écosystèmes, au niveau biologique, physique, chimique et sanitaire, permettant un usage durable du milieu marin.</p>
<p>Les résultats obtenus montrent que pour ramener la façade Manche-Atlantique au-dessous des seuils de très bon état et bon état pour le nitrate, les apports des principaux fleuves – Garonne, Dordogne, Loire et Seine – doivent être réduits drastiquement : à savoir <a href="https://archimer.ifremer.fr/doc/00636/74765/75139.pdf">plus de 60 % pour le bon état et plus de 80 % pour le très bon état</a>.</p>
<p>Certains petits fleuves côtiers (Bresle, Arques, Yar-Douron, Haute-Perche, Falleron, Sallertaine, Vie, Seudre) peuvent se contenter d’un abattement limité, voire nul car les activités susceptibles de contribuer aux apports des nutriments sont plus faibles sur les bassins versants concernés.</p>
<p>S’agissant du phosphore, les abattements préconisés sont plus faibles, entre 10 et 20 % pour les principaux fleuves, excepté la Seine qui avoisine les 60 %. Ce phénomène s’explique par des mesures de déphosphatation appliquées plus précocement et à une dynamique différente de ces nutriments, plus facile à limiter que l’azote.</p>
<p>Quant à la Méditerranée, son caractère de mer « oligotrophe », très pauvre en nutriments, la préserve d’une eutrophisation massive. Cette mer fermée reçoit en effet moins d’apports en nutriments que les autres façades maritimes françaises. Ses deux principales sources de nutriments sont les eaux de surface de l’Atlantique provenant du détroit de Gibraltar et le Rhône. Les problèmes restent de ce fait très ponctuels et cantonnés autour de l’embouchure du fleuve.</p>
<h2>Une régénération possible (mais lente)</h2>
<p>Ces chiffres marquent l’étendue des efforts à accomplir pour limiter l’eutrophisation côtière, mais attestent aussi de progrès sensibles grâce notamment à une diminution de la présence de phosphates dans l’eau.</p>
<p>Sur ce plan, la stratégie consistant à éliminer les phosphates des lessives avec une interdiction de vente prononcée en France dès 2007 a porté ses fruits. Du côté des nitrates, une amélioration a pu être constatée, mais le défi reste maintenant de parvenir à mieux juguler les apports azotés diffus liés au ruissellement, de la terre vers la mer.</p>
<p>Même si on coupait tous les robinets d’apports de nutriments dans les cours d’eau en même temps, la situation ne s’améliorerait pas instantanément. Il faut avoir conscience que, face au phénomène d’eutrophisation, le temps de régénération des écosystèmes est long – les nutriments emprisonnés dans les nappes et les sédiments sont par exemple relargués avec un effet retard.</p>
<h2>La modélisation, une aide précieuse</h2>
<p>D’où la nécessité de ne pas baisser la garde devant cette prolifération végétale galopante qui n’est pas qu’un problème français et se révèle une source de préoccupation à l’échelle mondiale.</p>
<p>En tant que scientifiques, nous visons à améliorer constamment les connaissances sur ces phénomènes pour offrir – comme avec le modèle EcoMARS3D – des outils précieux d’aide à la décision. Nous poursuivons notre travail de modélisation pour le rendre encore plus efficient à l’horizon 2024, date de la prochaine évaluation de la DCSMM.</p>
<p>Parallèlement, dans le cadre de la <a href="https://www.milieumarinfrance.fr/Nos-rubriques/Cadre-reglementaire/Conventions-des-mers-regionales/Convention-OSPAR">convention OSPAR pour la protection du milieu marin de l’Atlantique du Nord-Est</a>, nous optimisons aussi des outils de modélisation pour définir cette fois les seuils aval à ne pas dépasser afin de faire cap sur une amélioration de la qualité des eaux à l’échelle de l’Atlantique nord-est.</p>
<p>D’amont en aval, la boucle est bouclée pour mieux circonscrire la croissance d’un plancton devenu parfois indésirable alors qu’il est source de vie.</p>
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<p><em>Marie Levasseur (Ifremer) est co-autrice de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/169043/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Lefebvre a reçu des financements par l’Union européenne (FEDER), l’État, la Région Hauts-de-France et l’Ifremer, dans le cadre du CPER MARCO 2015-2021, du projet InterReg France England S3 EUROHAB et du projet Européen JERICO-S3.</span></em></p>
Les fleuves français charrient dans leurs eaux encore trop d'azote et de phosphate qui, une fois déversés en mer, contribuent au phénomène d'eutrophisation des eaux marines côtières.
Alain Lefebvre, Chercheur/expert en biologie marine, Ifremer
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/157756
2021-03-31T15:09:14Z
2021-03-31T15:09:14Z
Inondations au Québec : qui paie pour quoi et comment
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/391751/original/file-20210325-15-1u3aa5y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C16%2C3602%2C2517&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une voiture est submergée par les eaux de crue, le mercredi 1er mai 2019, à Ste-Marthe-sur-le-Lac, au Québec.</span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIANE/Ryan Remiorz</span></span></figcaption></figure><p>Comme tous les printemps, le temps doux est de retour et <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1779562/niveau-riviere-saint-francois-centre-ville-sherbrooke">certaines rivières sont sous haute surveillance</a>. Pour des dizaines de milliers de Québécois, cela signifie être à l’affût des inondations. Or il faut savoir que le débordement de cours d’eau est un risque assurable désormais… mais pas nécessairement pour tous.</p>
<p>Alors que le mécanisme d’indemnisation des sinistrés a beaucoup évolué au cours des dernières années au Québec, il est important de bien comprendre son fonctionnement pour les inondations qui pourraient survenir ce printemps.</p>
<p>Professeur en actuariat à l’Université du Québec à Montréal et Fellow de l’Institut canadien des actuaires, je m’intéresse à la modélisation et à l’évaluation des inondations et des changements climatiques en assurance et en réassurance.</p>
<h2>L’assurance inondation</h2>
<p>Il faut savoir que le refoulement d’égout ou le débordement de cours d’eau ne sont pas couverts par la police d’assurance habitation de base, malgré ce qu’une majorité de Québécois (et de Canadiens) peut croire. La plupart des assureurs offrent aujourd’hui une protection complète pour l’eau qui couvre ces deux aléas sous forme d’assurance facultative additionnelle (appelée <em>avenant</em>). Le coût de cet avenant étant basé sur le niveau de risque, il est donc possible que cette protection soit très dispendieuse ou que les couvertures offertes soient très limitées… ou que l’avenant ne soit tout simplement pas offert en raison d’un risque trop élevé.</p>
<h2>Le programme d’aide financière québécois</h2>
<p>L’assurance inondation ne vise pas les résidents à haut risque d’inondation. Au Québec, le <a href="https://www.securitepublique.gouv.qc.ca/fileadmin/Documents/securite_civile/aidefinanciere_sinistres/programmes/programme.pdf">Programme général d’indemnisation et d’aide financière</a> (PGIAF) lors de sinistres réels ou imminents du ministère de la Sécurité publique du Québec (MSP) vient en aide aux sinistrés victimes, par exemple, d’un débordement de cours d’eau lorsque ce dernier n’est pas assurable.</p>
<p>Le programme prévoit une indemnisation pour la reconstruction (au maximum de 200 000 $) ou la relocalisation (pour un montant similaire, en plus d’une indemnité pour le terrain allant jusqu’à 50 000 $), en plus de couvrir les travaux d’urgence (pour protéger la propriété) et le remplacement des biens meubles essentiels. Il faut noter que les montants ont été indexés depuis 2019, mais pour simplifier la présentation, nous utiliserons les montants de 2019.</p>
<p>Alors qu’il était possible avant 2019 d’avoir droit aux montants maximums prévus pour la reconstruction lors de chacune des inondations (par exemple en 2011 et en 2017), la réforme du programme introduite en avril 2019 limite les indemnités versées dans le temps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/limite-a-vie-sur-les-inondations-vers-un-nouveau-pacte-social-132304">Limite à vie sur les inondations : vers un nouveau pacte social ?</a>
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<p>En effet, les réclamations versées depuis avril 2019 sont désormais comptabilisées et soustraites dans le calcul des indemnités futures. Et lorsque les indemnités cumulatives atteignent une limite à vie de 100 000 $ (ou 50 % du coût de reconstruction), le sinistré se fait offrir le choix de rester ou de se relocaliser.</p>
<p>Dans les deux cas, le sinistré abandonne alors toute indemnité future et signe une entente avec le gouvernement. Mon collègue et moi avons d’ailleurs calculé les <a href="https://theconversation.com/limite-a-vie-sur-les-inondations-vers-un-nouveau-pacte-social-132304">coûts très élevés engendrés par la décision de rester une fois la limite à vie dépassée</a>.</p>
<h2>Trois scénarios pour comprendre</h2>
<p>Il convient d’expliquer le fonctionnement du PGIAF pour un ménage à l’aide de trois scénarios d’inondations successives. Supposons que les coûts pour une reconstruction complète d’une maison sont de 200 000 $ et que le terrain vaut 50 000 $.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=140&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=140&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=140&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=176&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=176&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392349/original/file-20210329-15-1hshw80.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=176&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trois scénarios possibles pour illustrer le calcul des indemnisations. Indemnités reçues ou dommages admissibles, selon le scénario.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mathieu Boudreault</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le premier scénario, le sinistré reçoit 40 000 $ pour la réparation de sa maison en 2019 et 30 000 $ en 2021 (aucune réclamation en 2020). En 2022, les indemnités reçues (2019, 2021) et les dommages admissibles (2022) atteignent 105 000 $ ce qui dépasse la limite à vie de 100 000 $.</p>
<p>Avant d’effectuer la reconstruction en 2022, le sinistré se verra offrir deux options : rester et obtenir un dédommagement de 35 000 $ pour ensuite renoncer à toute aide financière future (car les indemnités totales versées pour la reconstruction seraient sous 200 000 $) ; ou obtenir une indemnité de relocalisation de 130 000 $ (200 000 $ moins les 70 000 $ déjà versés en 2019 et 2021) ainsi qu’une indemnité pour le terrain de 50 000 $.</p>
<p>Dans le deuxième scénario, le sinistré reçoit 70 000 $ pour la réparation de sa maison en 2019 et n’a aucune réclamation en 2020 et 2021. Toutefois, en 2022 une inondation survient et les dommages admissibles sont de 120 000 $. Puisque l’indemnité reçue (2019) et les dommages admissibles (2022) dépassent 100 000 $, le sinistré a deux options : rester et obtenir un dédommagement de 120 000 $ pour ensuite renoncer à toute aide financière future (car au total, les indemnités de reconstruction ou de réparation sont en dessous de 200 000 $) ; ou obtenir une indemnité de relocalisation de 130 000 $ (200 000 $ moins les 70 000 $ déjà versés en 2019) ainsi qu’une indemnité pour le terrain de 50 000 $.</p>
<p>Finalement, dans le troisième et dernier scénario, les dommages admissibles dépassent 100 000 $ dès la première réclamation en 2021. Le sinistré a droit à une indemnité de reconstruction de 120 000 $ (car sous 200 000 $) ou la pleine indemnité de relocalisation de 250 000 $. Dans les deux cas, le sinistré doit renoncer à toute aide financière future.</p>
<h2>Un transfert des coûts vers les sinistrés</h2>
<p>Par conséquent, la somme des indemnités payées par le gouvernement en dessous de 100 000 $ est automatiquement déduite des indemnités de reconstruction et de relocalisation futures. Bien que le gouvernement limite les indemnités totales versées dans le futur, il est important de noter que l’écart de couverture se trouve à la charge entière des sinistrés dans cette refonte du PGIAF. Dans les deux premiers scénarios, le sinistré a accumulé 70 000 $ de pertes avant d’avoir droit à la relocalisation et l’indemnité de relocalisation est alors de 130 000 $ pour le bâtiment.</p>
<p>À l’aide de projections actuarielles, j’ai calculé qu’au moment où ce choix sera offert aux sinistrés, ils auront déjà perdu environ 30 % en moyenne de l’indemnité maximale.</p>
<p>Dans tous les cas, cette réforme transfère une partie importante des coûts vers les sinistrés. Alors que plusieurs auraient sûrement opté pour la relocalisation dès le premier sinistre en 2019, ils se retrouvent bien malgré eux à devoir attendre la ou les prochaines inondations pour avoir droit à une indemnité de relocalisation. Il est donc raisonnable de se demander si une telle application du programme encouragera réellement la relocalisation et donc la diminution du risque d’inondation.</p>
<h2>Le rôle du gouvernement fédéral</h2>
<p>Le gouvernement fédéral n’indemnise pas directement les sinistrés, mais il soutient financièrement les provinces pour les catastrophes naturelles de grande envergure en vertu des <a href="https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/mrgnc-mngmnt/rcvr-dsstrs/dsstr-fnncl-ssstnc-rrngmnts/index-fr.aspx">Accords d’aide financière en cas de catastrophe</a> (AAFCC).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/392650/original/file-20210330-19-eril03.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’urbanisation croissante et les changements climatiques poussent les coûts des inondations à la hausse au Canada comme ailleurs, ce qui accentue la pression sur les gouvernements et l’industrie de l’assurance afin de trouver des solutions viables à long terme.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>L’aide financière accordée est calculée selon le nombre d’habitants d’une province et le pourcentage d’aide financière augmente avec les coûts admissibles par habitant. Par exemple, s’il advenait que les coûts admissibles atteignent un milliard de dollars au Québec, ce dernier assumerait près de 16 % de la facture, alors que pour une catastrophe dont les coûts atteignent 100 millions de dollars, Québec en assumerait environ 60 % (selon les seuils en vigueur pour l’année 2020 en supposant 8,5 millions de personnes au Québec).</p>
<h2>Le dossier chaud du partage des risques</h2>
<p>Le partage des risques financiers désigne le mécanisme par lequel différentes parties prenantes comme les gouvernements (fédéral, provinciaux, municipaux), l’industrie de l’assurance de dommages et les propriétaires résidents se partagent les coûts des inondations : qui paie pour quoi et comment. Toutefois, l’urbanisation croissante et les changements climatiques poussent les coûts des inondations à la hausse au Canada comme ailleurs, ce qui accentue la pression sur les gouvernements et l’industrie de l’assurance afin de trouver des solutions viables à long terme.</p>
<p>Mis sur pied en décembre 2020 par le gouvernement fédéral, le <a href="https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/mrgnc-mngmnt/dsstr-prvntn-mtgtn/tsk-frc-fld-fr.aspx">Groupe de travail sur l’assurance contre les inondations et la réinstallation</a> rassemble plusieurs acteurs importants des provinces et territoires, ainsi que de l’industrie de l’assurance.</p>
<p>Le Groupe de travail a comme mandat « d’examiner les options d’assurance contre les inondations résidentielles abordables pour les résidents dans les régions à risque élevé. Il considérera des options pour la réinstallation possible pour les résidents dans les régions avec le plus haut risque d’inondations récurrentes. »</p>
<p>Nous devons donc nous attendre à des développements importants dans ce dossier au pays à partir de 2022.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157756/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mathieu Boudreault a reçu / reçoit du financement de recherche du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG), ainsi que de l'organisation Mitacs via le programme Accélération pour des partenariats de recherche en collaboration avec l'industrie de l'assurance et de la réassurance, et des organismes à but non lucratif. Il est membre Fellow de l'Institut canadien des actuaires.</span></em></p>
Le programme d’aide pour les victimes d’inondation transfère une bonne partie des coûts vers les sinistrés. On peut se demander si elle encouragera la relocalisation et la diminution du risque.
Mathieu Boudreault, Professeur en actuariat, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/150976
2021-02-25T18:02:00Z
2021-02-25T18:02:00Z
L'impact des médicaments sur l'environnement étudié dans des rivières artificielles
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/386520/original/file-20210225-15-h7um4k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=33%2C31%2C1807%2C1161&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La moule zébrée, une espèce invasive d'eau douce, a été utilisée pour déterminer de la pollution des rivières par cinq médicaments : paracétamol, irbesartan, diclofénac, naproxène et carbamazépine.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Moule_z%C3%A9br%C3%A9e_Lambersart.jpg">F Lamiot - Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les services rendus par les écosystèmes aquatiques sont d’une importance capitale, qui conduit à une attente sociétale forte quant au maintien de leur qualité. Or ces milieux sont le réceptacle d’un grand nombre de substances contaminantes émises par les activités humaines. Les effluents issus des stations d’épuration se révèlent être une source majeure et chronique de pollution, en particulier par des molécules dites « émergentes », catégorie qui inclue les médicaments et dont les impacts sur l’environnement sont très mal connus.</p>
<p>Pour mieux appréhender les effets possibles de ces molécules contaminantes, un volet du projet européen de coopération <a href="https://www.interregdiadem.eu">INTERREG DIADeM</a> (pour Développement d’une approche intégrée pour le diagnostic de la qualité des eaux de la Meuse) s’est attaché à étudier les effets d’un mélange de cinq molécules – le paracétamol (analgésique), l’irbesartan (antihypertenseur), le diclofénac (anti-inflammatoire), le naproxène (anti-inflammatoire) et la carbamazépine (neuroleptique) – sur différentes espèces, et tout particulièrement sur un mollusque bivalve très étudié en écotoxicologie aquatique : la moule zébrée ou dreissène (<em>Dreissena polymorpha</em>).</p>
<h2>Un cocktail de médicaments toxique pour les organismes de nos rivières ?</h2>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386514/original/file-20210225-19-ji3wkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vue aérienne des 12 rivières artificielles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<span class="caption">Les rivières artificielles vues de près.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Tenir compte de la complexité d’un écosystème aquatique tout en contrôlant le facteur contaminant est impossible en rivière étant donné la présence de beaucoup d’autres molécules (hydrocarbures, métaux, pesticides…). Le consortium du projet a donc réalisé, entre octobre 2017 et octobre 2018, une expérimentation originale en créant des rivières artificielles (mésocosmes) afin de tester une gamme de concentrations représentatives des concentrations environnementales médianes ou de celles de rivières très contaminées.</p>
<p>Présents sur une plate-forme de l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (<a href="https://www.youtube.com/watch?v=Nol4dLG-lnQ">INERIS</a>), ces dispositifs permettent, après une phase de reconstruction des écosystèmes de 6 mois, d’étudier les effets des molécules dans un contexte d’exposition chronique (jusqu’à 6 mois) sur les organismes aquatiques.</p>
<iframe title="" aria-label="chart" id="datawrapper-chart-x9V1Y" src="https://datawrapper.dwcdn.net/x9V1Y/3/" scrolling="no" frameborder="0" style="border : none ;" width="100%" height="450"></iframe>
<p><br>À l’exception du paracétamol, les molécules étudiées sont retrouvées dans les tissus mous des dreissènes mais uniquement pour l’exposition aux concentrations les plus fortes (condition C) et ce, à partir de huit semaines d’exposition jusqu’à la fin de l’expérimentation, soit 23 semaines.<br></p>
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<span class="caption">Concentration en Carbamazépine, Diclofénac, Irbésartan et Naproxène (celle du paracétamol est inférieure à la limite de détection) dans les tissus mous de la dreissène après 8, 16 ou 23 semaines d’exposition à la condition C (voir tableau 1).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><br>Ces résultats qui soulignent la capacité des contaminants à s’accumuler dans les organismes aquatiques. Mais peuvent-ils interagir avec les biomolécules constitutives du vivant et perturber des fonctions physiologiques ? Pour le savoir, les réponses de plusieurs marqueurs de processus biologiques tels que la reproduction, le métabolisme énergétique, l’immunité ou encore l’intégrité de l’ADN ont été relevées au cours de l’exposition à ces contaminants.</p>
<h2>Reproduction inhibée, digestion stimulée</h2>
<p>Après 8 semaines d’exposition, les organismes sont normalement en période de maturité maximale, celle au cours de laquelle ils émettent des gamètes (ovules et spermatozoïdes) dans le milieu. Ce schéma, classique du cycle de reproduction, est bien retrouvé chez les individus mâles exposés aux conditions témoin et A, avec 80 % des individus ayant émis leurs gamètes. Pour les organismes exposés aux plus fortes concentrations en médicaments, en revanche, on observe un retard dans le cycle avec un pourcentage important d’individus n’ayant pas émis de gamètes (pré-ponte), en particulier pour la condition C.</p>
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<span class="caption">Pourcentage des individus mâles aux différents stades de leur reproduction (maturation, pré-ponte ou post-ponte).</span>
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</figure>
<p>Si ces résultats suggèrent que les médicaments utilisés ont un effet direct sur le processus de reproduction de la dreissène, ils semblent aussi montrer une réallocation de l’énergie vers des mécanismes de défense au détriment de la reproduction. Ils pourraient également révéler les conséquences d’un milieu de vie moins favorable quant à la disponibilité alimentaire (principalement du phytoplancton), laquelle peut aussi être impactée par de telles contaminations.</p>
<p>D’un point de vue énergétique, après 16 semaines d’exposition, on observe une augmentation de l’activité de la lipase – une enzyme digestive – chez les dreissènes exposées aux 3 concentrations. Dès lors, deux hypothèses sont possibles : soit le cocktail de médicaments a une influence directe sur l’enzyme (induction), soit une influence indirecte via un effet sur la ressource alimentaire. Le mollusque pourrait ainsi augmenter ses capacités digestives afin d’optimiser l’assimilation de nutriments issus de la digestion d’une nourriture devenue plus rare ou de moins bonne qualité.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371533/original/file-20201126-21-1l4afeu.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Activité de la lipase chez des dreissènes exposées en mésocosme durant 8 et 16 semaines à un mélange de médicaments (voir Tableau 1).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Les polluants réduisent l’immunité</h2>
<p>En parallèle, le projet s’est également intéressé aux cellules assurant l’immunité chez les invertébrés : les hémocytes. L’intégrité de l’ADN de ces cellules a été évaluée par le test dit <a href="https://envlit.ifremer.fr/infos/glossaire/t/test_comete">« des comètes </a>» : si l’ADN est fragmenté, on observe une allure de comète, avec l’ADN intact dans la tête et les fragments dans la queue de la « comète » (« tail DNA »). À 8 et 23 semaines d’exposition, on observe une augmentation du pourcentage d’ADN dans la queue de comète, en particulier chez les organismes exposés à la condition C. Cela traduit un endommagement de l’ADN donc une génotoxicité de l’environnement sur les hémocytes de ces organismes.</p>
<p>De façon complémentaire, la capacité de phagocytose (internalisation de corps étrangers pour les détruire) des hémocytes peut être mesurée à l’aide de billes. Le nombre moyen de billes phagocytées par chaque hémocyte diminue ainsi après 8 semaines chez les dreissènes exposées aux conditions B et C, soulignant un effet de la contamination sur l’activité de ces cellules donc sur leur capacité de défense en cas de présence de micro-organismes dans l’eau.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=416&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371534/original/file-20201126-13-45iqqt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=523&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Intégrité de l’ADN ( % de « tail DNA », test des comètes) des hémocytes de dreissènes exposées durant 8 et 23 semaines à un mélange de médicaments dans les mésocosomes (voir tableau 1).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=352&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/371535/original/file-20201126-17-lura6i.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=443&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 5 : nombre de billes phagocytées par hémocytes de dreissènes exposées durant 8 semaines à un mélange de médicaments dans les mésocosomes (voir tableau 1).</span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un modèle de surveillance écologique</h2>
<p>L’ensemble de ces résultats permet de mieux appréhender les effets écotoxiques directs et indirects d’une contamination par les médicaments sur un organisme modèle. De tels effets apparaissent pour les plus fortes concentrations, représentatives de celles relevées dans de nombreuses régions du monde dont les rivières sont soumises à des fortes pressions anthropiques.</p>
<p>L’étude souligne également l’intérêt des mésocosmes et de leurs conditions proches de celles des écosystèmes naturels pour évaluer les effets des médicaments sur un environnement aquatique. Un tel outil laisse entrevoir les conséquences écotoxiques sur un milieu exposé pendant plusieurs mois à un cocktail de molécules contaminantes. Bref, d’approcher un certain réalisme environnemental.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur remercie les personnes ayant contribué à ces travaux : M. Palos Ladeiro, O. Dedourge-Geffard, M. Bonnard (Université Reims Champagne Ardenne) ; S. Joachim, J.M. Porcher (INERIS) ; K. Nott S. Ronkart (SWDE) ; C. Robert (CERgroupe).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Geffard a reçu des financements de Fonds européen de développement régional (FEDER) dans le cadre du programme INTERREG FWVL </span></em></p>
Les effets secondaires des médicaments sur l'homme sont bien référencés. Des cours d'eau artificiels permettent désormais de les mesurer sur les écosystèmes fluviaux. Plongée en eaux contaminées.
Alain Geffard, Professeur , Université de Reims Champagne-Ardenne (URCA)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/152838
2021-02-09T19:31:01Z
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Comment a-t-on déterminé l’âge de la Terre ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/383001/original/file-20210208-19-aes34k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=478%2C651%2C1590%2C1146&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Représentation du XVIIᵉ siècle de la Terre dans l’espace, gravure de Matthias Merian publiée dans l’_Atalanta Fugiens_ de Michael Maier (1618), Oppenheim, Germany&nbsp;: Johann-Theodor de Bry.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://digital.sciencehistory.org/works/pc289j53n/viewer/vq27zp23r">Science History Institute</a></span></figcaption></figure><p>Nous connaissons la dimension du globe terrestre depuis le III<sup>e</sup> siècle av. J.-C., la distance Terre-Soleil depuis la seconde moitié du XVII<sup>e</sup> siècle, mais l’époque de sa formation n’est connue que depuis les années 1950. Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps ?</p>
<p>En fait, ce n’est qu’aux XVII<sup>e</sup> et XVIII<sup>e</sup> siècles que l’âge de la Terre est devenu une <em>question scientifique</em>. Auparavant, les lettrés qui s’intéressaient à la question se contentaient, en Occident tout au moins, de compter les générations répertoriées dans la Bible entre la création du monde et des événements pour lesquels on dispose de traces historiques. C’est ainsi que Johannes Kepler proposa 3993 avant J.C., et Newton, 3998. Mais le record de précision fut sans conteste celui de James Usher, un pasteur anglican, qui en 1658 data l’instant zéro au soir du 28 octobre 4004 av. J.-C.</p>
<p>Peu à peu, cependant, l’idée émergea de cesser de se référer à un texte, fusse la Bible, et de rechercher dans les phénomènes naturels des <em>chronomètres objectifs</em>. Le chantier une fois ouvert, les idées ne manquèrent pas, même s’il fallut du temps pour trouver le « bon » chronomètre.</p>
<h2>Des idées à foison</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=842&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383002/original/file-20210208-13-1do4fdx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1058&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Edmond Halley avec un diagramme montrant les différentes couches de sa théorie de la Terre creuse, vers 1736. Portrait de Michael Dahl.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Halleold.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Edmond_Halley">Edmond Halley</a>, eut l’idée que la salinité de la mer était due à l’apport des rivières, qui dissolvent sels et minéraux des terrains qu’elles érodent. Comme l’eau qui s’évapore des océans ne contient pas de sel, celui-ci s’accumule au cours des âges. Halley ne savait pas comment chiffrer le rythme de cette accumulation, mais l’idée était lancée. Elle fut reprise par <a href="https://www.britannica.com/biography/John-Joly">John Joly</a> en 1899, qui obtint une valeur d’environ 100 millions d’années – ce qui donnait une limite inférieure à l’époque de formation de la Terre.</p>
<p>Les dépôts sédimentaires, à la fin du XVII<sup>e</sup> siècle, donnèrent aussi accès aux temps longs. En mesurant les vitesses de sédimentation dans des lacs, afin de les extrapoler à des sédiments océaniques, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges-Louis_Leclerc_de_Buffon">comte de Buffon</a> obtint quelques millions d’années. Là aussi, il s’agissait nécessairement d’une limite inférieure de l’âge de la Terre.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=889&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383003/original/file-20210208-19-11fz989.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Portrait du comte de Buffon par François-Hubert Drouais, en 1753.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Buffon_1707-1788.jpg">Musée Buffon/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Mais l’idée qui connut le plus de développements fut sans doute la suivante. Lorsqu’on s’enfonce dans la terre, par exemple pour creuser des mines, on constate qu’en moyenne la température augmente à raison de 1 degré tous les 30 mètres. Si l’on extrapole cette valeur, on obtient le millier de degrés à quelques dizaines de kilomètres de profondeur. D’où l’idée, renforcée par l’existence des volcans, que la Terre est un globe constitué de roches en fusion se refroidissant par sa surface. Cette idée fut développée par Buffon, par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Joseph_Fourier">Joseph Fourier</a> au début du XIX<sup>e</sup> siècle, et surtout par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/William_Thomson_(Lord_Kelvin)">Lord Kelvin</a> dans la seconde moitié du XIX<sup>e</sup> siècle. Elle donna lieu à un conflit passionnant entre la physique, représentée par Lord Kelvin, et la géologie, représentée par Charles Darwin.</p>
<h2>Le conflit Kelvin-Darwin</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=751&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=751&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=751&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383004/original/file-20210208-17-pwlr7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lord Kelvin.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Lord_Kelvin_photograph.jpg">Smithsonian Libraries/Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Kelvin était capable de <em>calculer</em> de deux façons indépendantes l’âge du système solaire. La première méthode donnait l’âge de la Terre, la seconde donnait une estimation de l’âge du soleil. Dans la conception proposée par Laplace et Kant d’une « nébuleuse primitive » à l’origine de l’ensemble du système solaire, ces deux âges devaient être voisins.</p>
<p>Pour le premier, il utilisait la théorie de la <em>propagation de la chaleur</em> dans un milieu rigide (<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Conduction_thermique">loi de Fourier</a>) pour calculer la durée écoulée pour que le gradient thermique de surface, supposé initialement abrupt, atteigne la valeur actuelle de 30 degrés par kilomètre.</p>
<p>Pour le second, en attribuant l’<em>origine de l’énergie solaire</em> à la gravitation, il pouvait estimer l’âge du soleil. L’idée est la suivante : une étoile se forme par effondrement gravitationnel d’une masse de gaz et de poussières initialement diluée. En se contractant, elle se réchauffe, et en se réchauffant, elle rayonne. Comme le système peut être considéré comme isolé, son énergie demeure constante. Autrement dit, l’énergie rayonnée est fournie par l’énergie mécanique. Or la mécanique classique permet de calculer cette énergie mécanique en fonction de la taille de l’étoile et de sa masse. En supposant que le Soleil a toujours rayonné comme aujourd’hui – hypothèse grossière, mais qui donne le bon ordre de grandeur – on obtient une estimation du temps écoulé depuis le début de la contraction jusqu’à sa taille actuelle.</p>
<p>Dans les deux cas, Kelvin trouvait quelques dizaines de millions d’années. Une telle coïncidence ne pouvait être fortuite, il fallait bien qu’il y eût quelque chose de vrai dans ces estimations concordantes.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=746&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=746&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=746&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=938&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=938&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383005/original/file-20210208-23-5ratdc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=938&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Portrait de Charles Darwin réalisé en 1868 par Julia Margaret Cameron.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Charles_Darwin_by_Julia_Margaret_Cameron.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour Charles Darwin et les géologues de son époque, ça ne convenait pas. Ils se seraient bien accommodés d’une Terre éternelle en constante transformation. <em>Aucune trace de début, aucune perspective de fin</em>, tel était leur cadre de pensée, aussi éloigné que possible de la Bible. Éroder des montagnes, déposer des sédiments sur plusieurs kilomètres d’épaisseur, faire évoluer les espèces, cela se chiffrait pour Charles Darwin en centaines de millions d’années – même s’il ne disposait pas de chronomètres absolus pour calculer ces évolutions temporelles.</p>
<p>Le passionnant de l’histoire, c’est que Darwin avait raison, mais sans être capable de le prouver, et que Kelvin avait tort, car il faisait des calculs justes à partir de deux hypothèses fausses : celle d’une terre totalement rigide et l’absence de source de chaleur interne.</p>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/John_Perry_(ing%C3%A9nieur)">John Perry</a>, un étudiant de Kelvin, tenta bien de lui faire remarquer que si la roche en fusion <em>sous la croûte solide</em> était animée de mouvements de convection, le gradient thermique observé devenait compatible avec un âge de plusieurs milliards d’années. Mais il ne parvint pas à convaincre son maître.</p>
<p>Quant à la seconde hypothèse, Kelvin ne pouvait pas savoir que la Terre contient des éléments radioactifs, notamment l’uranium, le potassium et le thorium, qui en se désintégrant apportent une source de chaleur non négligeable. Aujourd’hui, le flux géothermique (l’énergie qui s’échappe de la surface par seconde et par mètre carré) est <a href="https://planet-terre.ens-lyon.fr/article/chaleur-Terre-geothermie.xml#origine-energie">estimé être dû</a> pour une grosse moitié à la chaleur interne initiale et pour une petite moitié à la radioactivité.</p>
<h2>La radioactivité résout le conflit en fournissant le bon chronomètre</h2>
<p>En effet, la transformation d’un noyau radioactif suit une loi parfaitement déterministe : le temps au bout duquel une population de noyaux instables est divisée par deux est une constante, qu’on appelle <em>période radioactive</em> de l’élément. La nature est généreuse : elle fournit des noyaux radioactifs avec toute la gamme de périodes possibles, de la fraction de seconde au milliard d’années ! Ainsi, l’isotope 235 de l’uranium a une période de 700 millions d’années ; l’isotope 238, une période de 4,5 milliards d’années. Ils se désintègrent chacun en un isotope particulier du plomb, après émission de plusieurs noyaux d’hélium.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=722&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=722&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=722&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=908&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=908&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383006/original/file-20210208-23-m5itue.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=908&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fritz Houtermans en 1927 à l’Institut de Physique de l’Université de Göttingen en 1927.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/1/18/Fritz-Houtermans1927.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fritz_Houtermans">Fritz Houtermans</a> en 1953 et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Clair_Patterson">Clair Paterson</a> en 1956 furent deux initiateurs remarquables de cette méthode. Voici leur « recette » : prenez une météorite, car elle est demeurée identique à elle-même depuis la formation du système solaire (<a href="https://theconversation.com/retour-de-la-sonde-hayabusa-2-sur-terre-de-la-poussiere-dastero-de-plein-les-yeux-145144">sauf peut-être sa surface, soumise aux rayonnements cosmiques</a>), mesurez sa concentration en plomb radiogénique (c’est-à-dire qui provient de la transformation radioactive de noyaux d’uranium), et bingo : vous déterminez l’âge de la météorite, et du coup, celui de la Terre, du Soleil, et de tous les autres membres de la famille ! Répétez l’opération sur une collection de météorites différentes, et voyez si ça converge. Et là, ça converge !</p>
<p>L’âge de la Terre, et celui du système solaire, est de 4,567 milliards d’années, avec une incertitude de quelques dizaines de millions d’années. C’est une connaissance aujourd’hui stabilisée.</p>
<hr>
<p><em>Pour en savoir plus, le lecteur pourra se référer aux livres <a href="https://store.cassini.fr/documents-essais-culture-scientifique/8-la-terre-des-mythes-au-savoir.html">« La Terre, des mythes au savoir »</a> d’Hubert Krivine aux Éditions Cassini et <a href="https://www.editions-lepommier.fr/quel-est-lage-de-la-terre">« Quel est l’âge de la Terre ? »</a> de l’auteur du présent article aux Éditions Le Pommier</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152838/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jacques Treiner est membre du Shift Project. </span></em></p>
Remontons le temps et l’histoire des idées pour comprendre comment nous connaissons l’âge de la Terre et du système solaire.
Jacques Treiner, Physicien théoricien, Université Paris Cité
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/147269
2020-11-18T21:34:51Z
2020-11-18T21:34:51Z
Pourquoi la pollution plastique des côtes est largement sous-estimée
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/361557/original/file-20201005-22-s5rf9t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C5%2C1164%2C869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Opération de nettoyage d'un filet enfoui par une tempête il y a 13 ans. Son poids était aux alentours de 700 kg.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Julien Moreau, chercheur et fondateur de <a href="https://www.plasticatbay.org/fr/?v=79cba1185463">Plastic@Bay</a> est co-auteur de cet article.</em></p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Les images illustrant la pollution marine globale sont nombreuses et souvent impressionnantes lorsqu’elle affecte de manière spectaculaire les <a href="https://www.nationalgeographic.com/environment/habitats/plastic-pollution/">communautés côtières</a>. Étrangement, le public semble ignorer que cela se passe aussi chez eux, <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/la-vie-en-bleu-le-mag/gironde/la-pollution-des-oceans-avec-vanessa-baldi-de-surf-rider">sur leurs plages</a>, <a href="https://www.ehn.org/plastic-in-farm-soil-and-food-2647384684.html">dans leurs champs</a> et <a href="https://fr.statista.com/infographie/17656/dechets-plastiques-dans-les-rivieres-et-fleuves-d-europe/">dans leurs rivières</a>.</p>
<p>Les océans étouffent, envahis par des dizaines de millions de tonnes de plastique <a href="https://science.sciencemag.org/content/347/6223/768">qui y ont été déversées</a>, mais les sociétés semblent étrangement dans le déni. La pollution est devenue dans l’esprit de beaucoup un phénomène quasiment normal, que l’on ne voit plus.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361549/original/file-20201005-18-137syic.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Carte de localisation de la baie de Balnakeil en Écosse.</span>
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</figure>
<p>Plastic@Bay CIC</p>
<p>Le plastique a pris une telle place sur les côtes qu’il peut désormais être considéré comme un nouveau type de sédiment, qui se déplace et s’accumule dans notre environnement côtier pour in fine contaminer l’ensemble du vivant.</p>
<h2>Invisible plastique</h2>
<p>Sur la plage de la baie de Balnakeil, 3 à 5 kg de plastique sont ramassés quotidiennement, soit 1 à 1,5 tonne par an. Les visiteurs ne voient pourtant pas beaucoup de plastique sur cette plage perdue au bout de l’Écosse, car de nombreux résidents ont pris l’habitude de ramasser ce qu’ils y trouvent. Ce ramassage anonyme est probablement l’effort de nettoyage global le plus important, avant les actions communautaires ou professionnelles.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=291&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361554/original/file-20201005-20-19z66e3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=366&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Portail montrant les quantités cumulées de plastique ramassé dans la baie de Balnakeil depuis avril 2017 (en bleu). En orange les vitesses d’accumulation de plastique déduites en kg/jour.</span>
<span class="attribution"><span class="source">capture d’écran</span></span>
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</figure>
<p>Plastic@Bay CIC</p>
<p>Nous avons récemment lancé un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=ll8Zplvq004">programme de science citoyenne</a> permettant à n’importe qui, n’importe où dans le monde, de soumettre le poids du plastique ramassé au cours d’une collecte. Cette méthode simple nous a aidés à illustrer localement l’échelle de la pollution, en partenariat avec les autorités et le public. Une démarche de partage d’information à laquelle nous invitons fortement les individus, associations et gouvernements à participer via <a href="https://www.plasticatbay.org/research">notre portail Internet</a> ou d’autres outils similaires.</p>
<p>Le caractère invisible du plastique sur les plages est aussi lié à sa façon de se déplacer et se déposer. Comme l’indique le graphique, sa vitesse d’accumulation estimée varie considérablement, allant de 1 kg/jour de plastique en été jusqu’à 140 kg/jour en hiver. Dans notre région subarctique, nous avons essentiellement des visiteurs en été, là où le plastique est moins présent. Les forts pics de pollution hivernaux sont en effet associés à des tempêtes qui ont la capacité de déposer une tonne de plastique sur la plage en quelques jours. Une semaine plus tard, vous n’en verrez plus que quelques kilos.</p>
<h2>Tempêtes et stockage du plastique</h2>
<p>Pour comprendre ce phénomène, il faut se pencher sur la sédimentologie des plages et leur réponse aux tempêtes. Par temps calme, en particulier en été, la plage est haute et descend en pente douce des dunes jusqu’à la mer. Le profil de la plage est dit « à l’équilibre » ; par conditions calmes, les sédiments vont se déposer pour préserver cette pente douce. Lors d’une tempête, le niveau de l’eau monte et les vagues vont aller percuter les dunes jusqu’en haut de la plage. Toute cette énergie commence par saper la base des dunes mais va progressivement aplanir le profil de la plage, jusqu’à le rendre quasi horizontal.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361550/original/file-20201005-24-2bgf30.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=350&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le cycle du plastique côtier.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plastic@Bay CIC</p>
<p>Les fortes tempêtes prennent leur source dans les tropiques, notamment dans le golfe du Mexique. Elles vont lécher les côtes est-américaine et canadienne avant de traverser l’Atlantique Nord et venir percuter le nord-ouest de l’Écosse.</p>
<p>La capacité d’érosion de ces phénomènes climatiques ainsi que les précipitations vont alors arracher les plastiques accumulés en bords d’océan et de rivières tout au long de leur trajectoire, et emporter ainsi de grandes quantités de pollution. En bout de course, ces énormes volumes de plastique sont projetés sur la côte écossaise et peuvent y rester bloqués, sous certaines conditions que nous identifions au fil de l’article, lorsque la tempête se calme. En quelques jours, le sable ou les galets peuvent reformer le profil d’équilibre de la plage et enfouir tout le plastique, le rendant potentiellement inaccessible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361552/original/file-20201005-24-d02bm4.gif?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Opération de nettoyage d’un filet enfoui par une tempête il y a 13 ans. Le filet a finalement pu être totalement enlevé après 3 ans de travail, à la faveur d’une forte tempête en février 2020. Le poids total du filet était aux alentours de 700 kg.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Plastic@Bay CIC</span></span>
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</figure>
<p>Ce phénomène de stockage du plastique est très méconnu et généralement ignoré dans les estimations globales du plastique présent dans l’eau. Dans un rayon de 50 km autour du Cape Wrath, Plastic@Bay a ainsi estimé que 1000 à 2000 tonnes de plastique seraient enfouies.</p>
<h2>Le plastique concentré dans la baie</h2>
<p>Pour estimer la quantité de plastique marin flottant, les équipes scientifiques utilisent des filets qui sont traînés à l’arrière de bateaux. Les particules de plastique capturées sont ensuite comptées et en fonction de la distance parcourue et de la taille du filet, une concentration est estimée. Ces mesures se font généralement en haute mer et par temps calme, loin des conditions au cours desquelles nous observons les déplacements majeurs de plastique. Aux environs du Cape Wrath, les mesures relèvent environ <a href="https://doi.org/10.1016/j.marpolbul.2019.110725">20 plastiques par kilomètre carré</a>. Or dans la baie de Balnakeil, nous ramassons l’équivalent de 70 plastiques par jour sur la plage, pour une surface bien inférieure à 1 km<sup>2</sup>.</p>
<p>Pour comprendre l’origine de cette différence, nous avons donc essayé de reproduire les conditions connues en mer dans la zone grâce à un <a href="https://www.mts-cfd.com/">modèle océanographique</a> simulant la marée et le vent. <a href="https://video.wixstatic.com/video/f6b0cc_be3b6189e4cd417fad1fcb225e777ecd/720p/mp4/file.mp4">Il nous montre</a> que lorsque la marée monte dans la baie, elle aspire un très grand volume d’eau et donc de plastique au large, vers l’intérieur des terres. Au cours des différents cycles, le <a href="https://video.wixstatic.com/video/f6b0cc_be3b6189e4cd417fad1fcb225e777ecd/720p/mp4/file.mp4">plastique va donc se concentrer</a> de plus en plus dans la baie.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=625&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361555/original/file-20201005-20-1jqo82e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La marée et le vent contribuent à la concentration et l’accumulation de plastique dans la baie de Balnakeil.</span>
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<p>En parallèle, un vent récurrent très puissant pousse les plastiques en direction du Nord-est, donc de la plage. Par temps calme, si le plastique se déposait uniquement le long de la ligne de marée haute, très peu s’accumulerait car les marées suivantes seraient capables de le remettre en mer.</p>
<p>Néanmoins, le vent puissant et constant pousse les plastiques vers l’intérieur des terres, les rendant inaccessibles aux marées successives. C’est donc la combinaison des tempêtes, de la marée et du vent qui concentrent la pollution plastique dans certaines zones côtières et créent des accumulations majeures. Seules d’autres tempêtes, les plus fortes, ont le pouvoir de remobiliser et rendre cette pollution accessible.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=341&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/361553/original/file-20201005-14-1dlwiyy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=428&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Petite baie reculée située 30 km au sud de Balnakiel où le plastique s’accumule depuis des décennies. Nous avons évalué à 15 à 20 tonnes la quantité de plastique enfoui et à la surface sur 300 m de large.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Plastic@Bay CIC</span></span>
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<h2>Comprendre le cycle côtier du plastique</h2>
<p>Il est désormais communément admis que le plastique a des effets néfastes pour la santé et la survie de l’écosystème global. Ses particules ont été retrouvées dans tous les types d’organismes, y compris les humains. Selon WWF, <a href="https://awsassets.panda.org/downloads/plastic_ingestion_press_singles.pdf">nous en ingurgitons en moyenne 5 grammes</a> par semaine.</p>
<p>Ce matériau ne se dégrade par ailleurs réellement que par l’exposition aux UV de la lumière naturelle. Le plastique enfoui reste donc intact et peut lentement polluer pendant des milliers d’années, voire plus. Les effets de sa concentration sur certaines plages sont marquants : leur identification est donc primordiale pour pouvoir nettoyer ces zones d’accumulation très régulièrement.</p>
<p>Ce nettoyage constitue un moyen peu cher de « diluer » la concentration globale de plastique dans l’océan. Pour être efficaces, nous avons calculé qu’il faudrait nettoyer tous les 4 jours, être immédiatement présents après les fortes tempêtes et ainsi récupérer le plastique accumulé depuis des décennies.</p>
<p>Grâce à cette méthode, le stock local de plastique enfoui baisse au cours des années. Les plages avoisinantes ne sont plus nourries par l’éventuelle remobilisation du plastique de la Baie de Balnakeil durant les plus fortes tempêtes. Il est donc essentiel qu’elle se généralise, que les États se saisissent du nettoyage professionnel des plages. C’est indispensable à la fois pour ne plus dépendre du bon vouloir de volontaires et gagner en efficacité, d’autre part pour réaliser des évaluations réalistes de la pollution, qui intègrent son coût réel et contribuent au débat <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/dec/31/ocean-plastic-we-cant-see">sur les 99 % de plastique manquant</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/147269/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cet article repose sur les données et résultats de Plastic@Bay dont le fondateur, Julien Moreau, a rédigé cet article en collaboration avec Julien Bailleul. Julien Bailleul et Julien Moreau ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leurs organisme de recherche et association respectivement.</span></em></p>
Comprendre le cycle côtier du plastique permettrait de mieux évaluer le volume des déchets présents dans l’eau et sur la plage afin de lutte plus efficacement contre ce phénomène dramatique.
Julien Bailleul, Enseignant-chercheur en géologie sédimentaire et analyse de bassin, UniLaSalle
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/145120
2020-10-15T19:54:17Z
2020-10-15T19:54:17Z
Une solution radicale et portative pour purifier l’eau
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=236&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/293181/original/file-20190919-22450-1e2zj7j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=297&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science 2020 (du 2 au 12 octobre 2020 en métropole et du 6 au 16 novembre en Corse, en outre-mer et à l’international) dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Planète Nature ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p>
<hr>
<p>Depuis l’espace, on comprend combien la Terre, qui abrite l’humanité depuis si longtemps, est justement nommée « la planète bleue ». Elle doit cette couleur notamment aux océans qui recouvrent environ 80 % de sa surface. De prime abord, l’eau n’apparaît donc pas comme une ressource rare sur notre planète. Cependant avons-nous bien conscience que l’eau douce, la seule que nous puissions consommer, constitue seulement une infime fraction de ce colossal volume, <a href="https://www.usgs.gov/special-topic/water-science-school/science/where-earths-water?qt-science_center_objects=0#qt-science_center_objects">environ 2,5 %</a>.</p>
<p>Compte tenu de la spectaculaire croissance démographique à prévoir, la nécessité de protéger ce capital se fait plus prégnante, car, c’est une évidence, nous ne pourrons survivre à une pénurie d’eau douce.</p>
<h2>La pollution de l’eau persiste longtemps après l’interdiction de produits polluants</h2>
<p>Or, les activités humaines de toutes sortes ont mené à une pollution profonde des ressources d’eau douce. En France et ailleurs, les méthodes de purification mises en place dans les stations d’épuration et de traitement des eaux permettent encore aujourd’hui de fournir aux populations une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex:31998L0083">eau de qualité</a> ; néanmoins les instances environnementales <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/loire-atlantique/nantes/dossier-pesticides-etat-lieux-inquietant-eau-pays-loire-1733693.html">sont inquiètes</a>.</p>
<p>Par exemple, les concentrations de certains polluants organiques (c’est-à-dire des molécules constituées d’atomes légers tels que le carbone, l’oxygène, l’hydrogène, etc.) <a href="https://www.cieau.com/connaitre-leau/la-pollution-de-leau/pollution-ressource-eau-comment-reduire/">augmentent dangereusement dans les eaux de surface et les sources profondes</a> : des produits herbicides interdits depuis plus de trente ans subsistent dans les sols, que l’eau de pluie continue à lessiver. Ces produits se retrouvent progressivement disséminés dans les nappes phréatiques et les cours d’eau.</p>
<p>Pire encore, certaines substances ne sont pas efficacement retirées des eaux polluées par les méthodes traditionnelles. Ainsi, le glyphosate <a href="https://www.lenntech.fr/adsorption.htm">est mal retenu dans le réseau poreux des charbons actifs</a> utilisés dans les stations d’épuration pour piéger des espèces moléculaires « insolites », comme les antibiotiques, herbicides, produits d’hygiène personnelle, perturbateurs endocriniens. Leur présence dans l’eau douce est bien entendu anormale et n’est pas sans conséquence. L’Inserm a par exemple démontré que les femmes enceintes ayant consommé une eau polluée par l’atrazine, herbicide interdit dans l’Union européenne depuis 2003, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3222984/">avaient un risque de 70 % de mettre au monde un enfant avec une malformation crânienne</a>.</p>
<h2>L’incinération électrochimique : une méthode complémentaire efficace</h2>
<p>Les méthodes actuelles ont fait leurs preuves pour purifier certains composés, mais d’autres passent à travers les mailles du filet.</p>
<p>Nous nous penchons sur des méthodes complémentaires qui permettraient de resserrer ces mailles. Une de ces méthodes est radicale, mais d’une très grande efficacité : elle consiste à « minéraliser » ces fameuses substances récalcitrantes. On transforme la matière organique potentiellement dangereuse en substances plus simples et inoffensives, comme le dioxyde de carbone, l’eau ou l’ammoniaque – des espèces aisément traitées par les méthodes de purification traditionnelles.</p>
<p>« Minéraliser » revient à anéantir les liaisons chimiques extrêmement solides qui constituent la matière organique. C’est assurément difficile. Pourtant, il existe une molécule dont la simplicité n’a d’égal que sa remarquable efficacité pour minéraliser les espèces organiques : c’est l’hydroxyle, de formule OH. Cette petite molécule est un oxydant trois fois plus puissant que l’eau de Javel. En contrepartie, elle est tellement réactive qu’elle ne peut être préparée, stockée et utilisée quand on en a besoin : il faut la produire <em>in situ</em>, au bon moment et au bon endroit.</p>
<p>Les hydroxyles sont des radicaux, c’est-à-dire des molécules intrinsèquement instables, « voraces », qui peuvent minéraliser pratiquement n’importe quelle molécule organique. Prenons le cas d’une molécule constituée seulement de carbone, oxygène et hydrogène. L’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Processus_d%27oxydation_avanc%C3%A9">attaque d’un ou plusieurs hydroxyles</a> sur cette dernière entraîne une série de réactions en chaîne aboutissant à la dégradation progressive de la molécule jusqu’à ce qu’il ne reste que ses éléments constitutifs les plus simples : du dioxyde de carbone CO<sub>2</sub> et de l’eau H<sub>2</sub>O.</p>
<h2>Une technologie sans fil pour un traitement efficace de l’eau polluée</h2>
<p>Il existe plusieurs méthodes pour produire les hydroxyles. Parmi elles, une méthode qui semble avantageuse en termes de coût et d’efficacité est la « minéralisation électrochimique sans fil ».</p>
<p>Le principe de cette méthode est simple : dans un espace délimité par deux bornes de charges opposées, se crée naturellement un champ de force que l’on appelle champ électrostatique. Toute matière placée dans cet espace est soumise à ce champ de force, et subit ce que l’on appelle une polarisation : les charges mobiles présentes dans la matière se réorganisent et se concentrent, dessinant des zones plutôt chargées positivement, et d’autres, plutôt chargées négativement. Bref : des pôles apparaissent dans la matière sous l’action du champ de force électrostatique.</p>
<p>Des microparticules constituées de carbone et de bore, deux atomes voisins dans la classification périodique des éléments, vont bien sûr également se polariser lorsqu’elles sont placées dans un champ électrostatique. Mais en présence d’eau, toutes ces microparticules polarisées vont se comporter comme autant de microréacteurs produisant les hydroxyles par oxydation de l’eau, avec efficacité, de manière uniforme dans l’ensemble du volume à traiter où les microparticules sont dispersées.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Schéma de la polarisation sous l’effet d’un champ électrique" src="https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=295&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359185/original/file-20200921-24-1y0c457.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=370&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les microparticules de carbone et bore s’orientent et se polarisent sous l’effet du champ électrique, ce qui provoque la formation de radicaux hydroxyles, des espèces chimiques très réactives qui s’attaquent aux polluants organiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yann Pellegrin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Pour traiter des échantillons d’eau polluée par des matières organiques, on ajoute ces microparticules dans l’eau à purifier et on applique le champ électrique, ce qui génère les hydroxyles qui brisent les liaisons chimiques de la matière polluante. Comme les microparticules sont isolées les unes des autres, et ne sont reliées à aucune alimentation, on parle de « minéralisation sans fil ». Étant donné qu’elles sont insolubles dans l’eau, elles sont aisément retirées du milieu à traiter par une simple étape de filtration.</p>
<p>Les hydroxyles sont également efficaces pour <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stress_oxydant">inactiver des substances pathogènes biologiques</a>, comme des bactéries, ce qui démontre le fort potentiel de la minéralisation sans fil en tant que traitement complémentaire des eaux polluées.</p>
<h2>Développer un prototype portatif</h2>
<p><a href="http://www.waterjpi.eu/joint-calls/joint-call-2018-waterworks-2017/booklet/spy">Nous développons</a> actuellement un prototype de purificateur portatif fondé sur la technologie de minéralisation sans fil. L’objectif est d’assembler un appareil capable de traiter des eaux polluées en flux continu.</p>
<p>Prenons l’exemple d’une entreprise dont l’activité l’amène à produire des eaux polluées : ne disposant pas localement d’usine de traitement de l’eau, l’entreprise doit stocker ce volume d’eau puis sous-traiter avec un organisme spécialisé. Cela nécessite des frais additionnels et le transport de gros volumes d’eau polluée.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/359187/original/file-20200921-22-m06vwp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=457&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’eau passerait plusieurs fois dans une cuve, le réacteur, contenant les microparticules qui génèrent <em>in situ</em> les radicaux hydroxyles, pour réduire petit à petit la concentration en polluants organiques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yann Pellegrin</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Dans une telle situation, l’utilisation d’un prototype portatif capable de purifier l’eau localement serait un avantage certain : l’appareil pomperait l’eau polluée stockée dans une piscine de rétention, cette eau passerait à travers un réacteur contenant les microparticules capables de générer les hydroxyles. Dans ce réacteur, les polluants organiques même les plus récalcitrants seraient anéantis sous l’action combinée du champ électrostatique et des microparticules. Puis l’eau purifiée serait évacuée dans la piscine de rétention dont elle provient. Dans ce circuit fermé, l’eau serait ainsi progressivement traitée jusqu’à la disparition des polluants. Tout ceci reste à réaliser !</p>
<h2>Vérifier l’efficacité de la purification grâce à des détecteurs très sensibles</h2>
<p>Pour s’assurer de la qualité de l’eau traitée, un système de <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-anchem-060908-155305">détecteurs très sensibles</a> est spécialement développé.</p>
<p>Dotés d’une très grande sensibilité, ces détecteurs seront placés à l’entrée et à la sortie du réacteur. D’une part, ils permettront de mesurer l’efficacité de la purification, en indiquant si l’eau est plus pure en sortie de réacteur qu’en entrée. Il est en effet probable que plusieurs cycles de passage soient nécessaires pour des eaux très polluées. D’autre part, les détecteurs permettront de déterminer à quel moment arrêter la purification, en indiquant si la concentration des polluants est passée en dessous des seuils souhaités ou imposés par les <a href="https://ec.europa.eu/environment/water/">instances environnementales européennes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/145120/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yann Pellegrin a reçu des financements du Water JPI Joint Call. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Robert Forster a reçu des financements du Water JPI Joint Call.</span></em></p>
Certains polluants subsistent dans l’eau malgré les traitements appliqués en station d’épuration. La technologie « électrochimique sans-fil » permet de mieux traiter les eaux polluées.
Yann Pellegrin, Directeur de recherche CNRS, Université de Nantes
Robert Forster, Professor of Physical Chemistry, Dublin City University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/137337
2020-09-03T20:02:08Z
2020-09-03T20:02:08Z
Changement climatique à Saint-Louis du Sénégal : risques, vulnérabilité et résilience des populations face à la montée des eaux
<p>Située en aval du <a href="https://www.au-senegal.com/le-delta-du-fleuve-senegal,027.html">delta du fleuve Sénégal</a>, la ville de Saint-Louis présente de <a href="https://www.researchgate.net/publication/32223606_Le_delta_du_fleuve_Senegal_Une_gestion_de_l%E2%80%99eau_dans_l%E2%80%99incertitude_chronique">fortes contraintes physiques</a> qui la rendent particulièrement vulnérable. Même si elle a jusqu’ici été préservée des submersions marines par la Langue de Barbarie, Saint-Louis est fréquemment <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/23017">soumise aux aléas des inondations fluviales</a>.</p>
<p>Au plan géographique, la ville comprend trois entités : le quartier de Sor ; l’île de Saint-Louis ; et la Langue de Barbarie qui présente des spécificités à la fois physiques et humaines.</p>
<p>Au plan physique, la Langue de Barbarie est issue de la rencontre entre le fleuve Sénégal et l’océan Atlantique. Avec une pente de 3 à 4 %, cette flèche littorale sableuse s’étire sur environ 40 kilomètres allant du sud de Saint-Louis jusqu’à l’embouchure du fleuve Sénégal. Notre <a href="https://www.fondation-croix-rouge.fr/wp-content/uploads/2020/05/resilience-changements-climatiques-delta-fleuve-senegal-sambou.pdf">étude</a> a examiné les effets néfastes des inondations récurrentes dues au changement climatique, et examiné les ressorts de la résilience des populations touchées.</p>
<h2>Les risques et vulnérabilités</h2>
<p>Les zones côtières du Sénégal sont actuellement sujettes à d’importantes perturbations de leurs écosystèmes. Cette situation <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/vertigo/2016-v16-n3-vertigo03075/1039982ar/">imputable au changement climatique</a> et à l’activité humaine <a href="https://climateanalytics.org/media/vf_pas-pna_sn_etat_des_lieux_scientifiques_11012019.pdf">affecte</a> aussi bien l’environnement physique que les activités socio-économiques et la <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02006424/document">mobilité des individus</a>.</p>
<p>Au large de la ville de Saint-Louis, l’effet du changement climatique est observable dans la Langue de Barbarie surtout <a href="https://journals.openedition.org/physio-geo/3569">depuis l’ouverture de la brèche</a> en 2003 et son corollaire <a href="https://journals.openedition.org/cybergeo/23017">d’inondations répétitives de la ville</a>.</p>
<p>Cette brèche, de 4 mètres au départ, a atteint 5 200 mètres de large en février 2015, <a href="https://www.researchgate.net/publication/280080654_Breche_ouverte_sur_la_Langue_de_Barbarie_a_Saint-Louis_Esquisse_de_bilan_d%E2%80%99un_amenagement_precipite">changeant les caractéristiques biophysiques</a> de la zone.</p>
<p>Les terres du Gandiol, un terroir situé un peu au sud de Saint-Louis, qui étaient jadis propices au maraîchage, sont affectées par la salinisation à cause de l’intrusion du biseau salé. <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2013/12/11/pres-de-saint-louis-du-senegal-la-mer-engloutit-les-villages_3529136_3244.html">Les villages de Doun Baba Dièye et de Keur Bernard ont disparu</a>.</p>
<p>Les habitations et les infrastructures qui se trouvent près de la plage sont touchées par l’érosion alors que les activités comme la pêche (et les transformations des produits halieutiques) et le tourisme sont perturbées par la brèche, la montée de la houle et la diminution des espaces dédiés. Tous ces facteurs concourent à la création d’une situation de vulnérabilité élevée des populations côtières.</p>
<p>Sur le plan humain, la Langue de Barbarie, et notamment le quartier de <a href="https://www.senegal-online.com/tourisme_au_senegal/villes-et-villages-du-senegal/saint-louis/guet-ndar-quartier-des-pecheurs/">Guet-Ndar</a>, souffre de plusieurs <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00718050/document">problèmes aigus</a> : exiguïté, manque d’infrastructures de base, services urbains déficients, appropriation privée de l’espace public.</p>
<p>Cette bande de terre, dont l’altitude ne dépasse guère 2 mètres, abrite de nombreux secteurs d’habitation <a href="https://www.researchgate.net/publication/337607552_Evaluation_de_la_dynamique_du_trait_de_cote_sur_la_langue_de_barbarie_Saint_Louis">exposés aux aléas climatiques</a> : inondations, surcotes de tempête, remontées de la nappe phréatique, érosion côtière. Ce qui accroît encore la vulnérabilité des populations locales.</p>
<h2>Comment les populations locales perçoivent-elles le changement climatique ?</h2>
<p>Pour mieux appréhender la perception des risques, nous avons essayé d’abord de voir comment les enquêtés se représentent le changement climatique. La figure suivante montre qu’ils associent leur environnement (la mer), leurs ressources (poissons) et leurs activités (pêche) au changement climatique.</p>
<p><strong>Figure 2 : Nuage de mots sur les perceptions des enquêtés sur le changement climatique</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356092/original/file-20200902-16-19w3d2f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Source : enquête de terrain, janvier 2018.</span>
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<p>Toutefois, les discours laissent apparaître qu’ils ne voient que les conséquences du phénomène sur le plan économique, social, sanitaire, et des habitations. Ils ont une représentation négative du changement climatique.</p>
<p>Dans la Langue de Barbarie, les populations rencontrées ont connaissance du changement climatique ou, plutôt, de ses effets. Elles identifient majoritairement les risques à leur quotidien, c’est-à-dire à l’avancée de la mer (96,9 %), à la raréfaction de certaines espèces (41,3 %), aux inondations fluviales et à l’érosion le long de la côte (0,8 %). Elles estiment que les risques affectent l’environnement (les habitats pour 79,3 %, les côtes pour 77,5 %, les récifs pour 1,7 %), les activités économiques (la pêche pour 99,4 %, le commerce pour 77 %, le maraîchage pour 1,2 %) et les infrastructures (l’hydraulique pour 84,5 %, les télécommunications pour 41,8 %, autres pour 2,9 %).</p>
<p>Ces données indiquent que les perceptions des enquêtés sont directement liées à leur vécu. Cependant, ce qui n’apparaît pas dans les discours des enquêtés, c’est la prise de conscience de l’impact des activités humaines sur le changement climatique. Or, des <a href="https://www.researchgate.net/publication/280080654_Breche_ouverte_sur_la_Langue_de_Barbarie_a_Saint-Louis_Esquisse_de_bilan_d%E2%80%99un_amenagement_precipite">études</a> ont montré que l’érosion côtière est liée à l’ouverture de la brèche aux <a href="https://www.persee.fr/doc/morfo_1266-5304_2004_num_10_1_1199">constructions d’habitats et à l’extraction du sable de plage</a>.</p>
<p>Toutefois, 45,1 % des enquêtés estiment que ces actions anthropiques peuvent avoir un impact élevé, 43,2 % un impact grave et 1 % un faible impact sur l’environnement, les activités économiques, les équipements et les infrastructures. Ces données sont assez significatives dans la mesure où la Langue de Barbarie se trouve dans une bande (île) située entre deux eaux ; elle est naturellement exposée aux vents, à l’érosion, aux vagues et à la houle.</p>
<h2>La résilience des populations de la Langue de Barbarie face au changement climatique</h2>
<p>Pour mesurer la résilience de la population de la Langue de Barbarie, nous avons utilisé l’outil <a href="https://www.goalglobal.org/impact-learning/disaster-resilience/">« GOAL and Résilience »</a> que nous avons adapté à notre milieu d’étude. Cet instrument est destiné à mesurer la résilience des populations à partir de cinq domaines : la gouvernance ; l’évaluation des risques ; la connaissance et l’éducation ; la gestion des risques et réduction de la vulnérabilité ; et la préparation et réponse.</p>
<p>Globalement, pour notre étude, les résultats indiquent un faible niveau de résilience (un score de 2 sur une échelle de 1 à 5) des populations de la Langue de Barbarie face aux changements climatiques (voir figure 2).</p>
<p><strong>Figure 3 : Niveau de résilience des populations de la Langue de Barbarie</strong></p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=439&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/356093/original/file-20200902-24-1tsju09.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=551&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p>Ce résultat cache toutefois des disparités. Ainsi, comme le montre la figure ci-dessus, le niveau de résilience est faible (score 2) dans les domaines de la gouvernance, de l’évaluation des risques et de la préparation et réponse. En revanche, la résilience est moyenne (score 3) dans le domaine de la connaissance et de l’éducation, et elle est minimale (score 1) en matière de gestion des risques et de réduction de la vulnérabilité.</p>
<p>Les entretiens (individuels et en groupe) ont mis en évidence la diversité des acteurs privés (les mareyeurs, les hôteliers, guides touristiques) et institutionnels (services déconcentrés de l’État : pêche, tourisme, environnement, etc.) dont les enjeux et préoccupations économiques et environnementales sont divergents et empêchent une bonne prise en charge des questions de l’environnement. En outre, les politiques et programmes publics conçus pour atténuer l’exposition des populations aux risques côtiers sont bien pris en compte dans les documents officiels, mais leur mise en œuvre pose problème. Les répondants considèrent que leurs besoins ne sont pas pris en compte en cas de sinistre.</p>
<p>Enfin, en matière de préparation et de réponse, les résultats indiquent une résilience faible. En effet, à l’occasion de différents phénomènes climatiques (houle, avancée de la mer, hausse des températures) dans la Langue de Barbarie, les autorités ne proposent pas de réponses adéquates pour prendre en charge les populations en cas de sinistre.</p>
<p>Cette recherche, en s’intéressant aux perceptions des risques face au changement climatique et à l’érosion côtière, a permis de montrer que les populations de la Langue de Barbarie sont exposées et affectées par ces phénomènes surtout depuis l’ouverture de la brèche en 2003, et qu’ils ont conscience des risques. Ils ont identifié l’érosion côtière comme étant le changement environnemental observé le plus marquant. En outre, ils subissent déjà les aléas (effondrements des habitations et des infrastructures, inondations des quartiers du fait de la houle, disparitions de pêcheurs) dus à leur exposition et vulnérabilité. Des victimes de l’érosion côtière et de l’avancée de la mer sont relogées dans un site d’accueil temporaire (Khar yalla) dans la ville de Saint-Louis.</p>
<p>Par ailleurs, globalement, dans le discours des populations interrogées et dans l’analyse des stratégies individuelles, collectives et institutionnelles, nous retrouvons un niveau de résilience faible (un score de 2 sur une échelle de 1 à 5) mais en matière de gestion des risques et de réduction de la vulnérabilité, la résilience est minimale (score de 1). Ce qui suggère un accompagnement des populations pour mieux faire face au changement climatique, d’autant plus que les <a href="https://www.researchgate.net/publication/337607552_Evaluation_de_la_dynamique_du_trait_de_cote_sur_la_langue_de_barbarie_Saint_Louis">simulations et prédictions</a> indiquent que pour une hausse de 0,5 mètre, 11 % du territoire de la Langue de Barbarie seraient inondés…</p>
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<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=182&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=182&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=182&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/270936/original/file-20190425-121258-14pnuag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=229&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>_Djiby Sambou est soutenu par la Fondation Croix-Rouge française, dédiée à l’action humanitaire et sociale. Elle accompagne les chercheurs depuis la conception de leur projet de recherche jusqu’à la mise en valeur de leurs travaux, et la promotion de leurs idées.</p>
<p><em>Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site de la <a href="https://www.fondation-croix-rouge.fr/">Fondation Croix-Rouge française</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137337/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Djiby Sambou ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La Langue de Barbarie à Saint-Louis du Sénégal est fréquemment soumise à des inondations fluviales imputables au changement climatique. Les populations tentent tant que bien que mal de faire face.
Djiby Sambou, Enseignant chercheur, Université Amadou Mahtar MBOW de Dakar
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/136140
2020-04-21T14:41:20Z
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Pandémie et inondations ne font pas bon ménage : comment relever ce double défi
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/327763/original/file-20200414-117583-wxulob.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C2977%2C1998&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un homme tire des gens dans un bateau le long d'une rue résidentielle inondée à Rigaud (Québec), à l'ouest de Montréal, le vendredi 26 avril 2019.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Graham Hughes</span></span></figcaption></figure><p>Depuis la mi-mars, le Québec est frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19. Elle coïncide avec une période de l’année où les risques d’inondations sont élevés : celles-ci culminent aux mois d’avril et de mai, lors de la période de crues printanières.</p>
<p>Comment relever ce double défi qui risque de se présenter ?</p>
<p>Élus, observateurs, scientifiques, gestionnaires de risques et intervenants de première et de deuxième lignes <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/202004/14/01-5269230-une-preparation-complexe-en-prevision-des-inondations.php">appréhendent ce potentiel scénario</a> multialéas et « multi-stresseurs », qui viendra compliquer la vie des sinistrés et leur prise en charge par les autorités civiles ainsi que par les organismes publics et communautaires.</p>
<p>Si des inondations surviennent ces prochains jours, de nombreuses villes et municipalités ne pourront déployer une aide similaire à celles des années passées. Le gouvernement du Québec a d’ailleurs fait savoir, le 16 mars, qu’il ne <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/202003/16/01-5264949-inondations-printanieres-la-covid-19-complique-les-interventions.php">permettrait pas l’ouverture de centres d’hébergement</a> pour les sinistrés en cas d’inondations, afin d’éviter les risques de contamination à le Covid-19. Des municipalités ont déclaré qu’elles ne demanderont pas à leurs employés et à des bénévoles d’effectuer des corvées telles que le remplissage de sacs de sable. On a même encouragé les riverains concernés à prévoir un lieu où se reloger s’ils sont inondés.</p>
<p>Comment gérer une telle situation ? Quels critères et actions devraient être priorisés afin de réduire ou atténuer les risques et les conséquences pour les populations ?</p>
<p>En réponse à ces multiples défis au Québec, le <a href="https://www.riisq.ca/">Réseau inondations intersectoriel du Québec</a> (RIISQ), qui regroupe plus de 170 chercheurs de tous les domaines, organisera une vidéoconférence le 29 avril prochain pour identifier les interventions à mettre en place lors d’inondations en contexte de pandémie. L’atelier portera également sur la gestion optimale de « l’après » lors de la phase de rétablissement, qui pourrait être longue compte tenu des <a href="https://www.ledevoir.com/societe/576635/la-pandemie-laissera-des-sequelles">nombreuses séquelles</a> pour beaucoup de gens.</p>
<h2>Prêts pour un sinistre, pas deux</h2>
<p>En gestion de risques, il est fondamental d’avoir une approche multirisques, c’est-à-dire d’avoir la capacité de gérer deux ou plusieurs scénarios ou aléas en même temps, et de bien anticiper l’ensemble des conséquences possibles.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/inondations-pourra-t-on-faire-mieux-la-prochaine-fois-114155">Inondations: pourra-t-on faire mieux la prochaine fois?</a>
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<p>Le processus de gestion des risques prôné par le ministère de la Sécurité publique du Québec évoque l’appréciation simultanée des risques de même que le traitement concomitant de ceux-ci. La Loi sur la Sécurité civile précise tout autant ce caractère multiple. Chaque municipalité et MRC doit donc posséder, respectivement, un Plan de sécurité civile et un Schéma de sécurité civile appuyés entre autres par un Plan de mesures d’urgences. Mais la pandémie actuelle transforme la manière même avec laquelle la sécurité civile a l’habitude de procéder ou de composer avec les aléas.</p>
<p>Dans le contexte actuel de pandémie, nos réseaux de soutien à la vie communautaire seront mis à rude épreuve s’il y a des inondations. Nous sommes souvent prêts pour un sinistre, mais rarement pour deux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/327767/original/file-20200414-117567-1nlsg1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=545&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le 16 mars, Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique, annonçait que les centres d’hébergement ne pourraient pas recevoir de sinistrés des inondations cette année.</span>
<span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Jacques Boissinot</span></span>
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<p>Aujourd’hui, il faut revoir nos approches de prévention, de préparation et d’intervention. Des plans particuliers orientés sur un aléa ou une conséquence ont fait leurs temps. Nous gérons des conséquences multiples et des effets domino à grandes échelles, qui s’enchaînent de manière de plus en plus rapprochée.</p>
<h2>De nouveaux réflexes à développer</h2>
<p>Il faut avoir le réflexe de fonctionner par gestion de conséquences, évaluation des capacités, identification des responsabilités et mise en place des mécanismes de gestion des risques, sur le moyen et le long terme. D’ailleurs, les changements climatiques demanderont aux instances gouvernementales, aux organismes publics et communautaires ainsi qu’aux individus d’en avoir la capacité, et de revoir leurs façons de faire.</p>
<p>En dépit d’initiatives prises, des questions se posent : que faire avec les personnes vulnérables ou isolées qui n’ont pas accès à des membres de leur entourage pouvant les accueillir en cas d’évacuation ? Comment assurer la sécurité des sinistrés et des intervenants de première et de deuxième lignes dans un contexte de pandémie ? Quels types d’intervention les municipalités et les organismes publics et communautaires doivent-ils privilégier ? Quelles actions prioritaires devraient être considérées afin de réduire ou atténuer les risques et les conséquences pour les populations en contexte simultané de pandémie et d’inondations ou d’autres désastres naturels qui pourraient survenir sachant que la pandémie ne s’arrêtera pas demain matin ?</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/limite-a-vie-sur-les-inondations-vers-un-nouveau-pacte-social-132304">Limite à vie sur les inondations : vers un nouveau pacte social ?</a>
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<h2>Un effort collectif</h2>
<p>Il n’y a sans doute pas de solutions miracles, mais en y réfléchissant collectivement, nous pourrions faire en sorte de diminuer les impacts négatifs des catastrophes sur la santé des individus et des intervenants. La pandémie actuelle nous enseigne ou nous rappelle l’importance de la science pour identifier les solutions, les remèdes et les vaccins pour prévenir ou endiguer la prolifération de la Covid-19, et conseiller les autorités sur les mesures à prendre. Dans le domaine de la gestion multirisques, il devient donc crucial de faire aussi appel à une masse critique d’experts intersectoriels dans l’ensemble du réseau universitaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328450/original/file-20200416-192744-14i8upm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plusieurs plans d’eau font l’objet d’une surveillance continue au Québec en raison des risques d’inondations. ici, la crue printanière fait monter les eaux dans une rue de Rigaud, le samedi 4 avril 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Graham Hughes</span></span>
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<p>La distanciation physique génère une distanciation sociale d’autant plus dommageable pour les plus vulnérables ou en situation d’isolement familial ou géographique ou celles et ceux aux prises avec des difficultés socioéconomiques, notamment les <a href="https://theconversation.com/les-savoirs-autochtones-pourraient-ils-nous-aider-a-affronter-les-prochaines-pandemies-135022">populations autochtones</a> ou les <a href="https://theconversation.com/coronavirus-la-grande-insecurite-des-etudiants-etrangers-au-canada-134313">étudiants internationaux</a>. Le Conseil supérieur de l’éducation du Québec réclame d’ailleurs la création d’urgence <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/etudiants-vulnerables/">d’un groupe de travail</a> pour faciliter l’accompagnement et la réintégration d’étudiants vulnérables. Cette distanciation physique qui va avec le confinement ne doit en aucun cas signifier un isolement social accru, mais plutôt déboucher sur une solidarité et un réseau social renforcé et renouvelé pour nous aider collectivement à passer à travers plusieurs fléaux.</p>
<p>Il est ainsi essentiel de demeurer solidaire de nos autorités sanitaires, municipales et gouvernementales qui déploient des efforts inégalés pour passer à travers les épreuves actuelles qui ont des conséquences délétères. Faisons preuve d’humanité et d’intelligence collective, car il faut maintenir la solidarité sociale et communautaire, et s’entraider mutuellement. Le réseau universitaire dans son ensemble peut largement y contribuer.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136140/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>
La pandémie transforme la manière avec laquelle la sécurité civile a l’habitude de procéder devant les aléas. Nos réseaux de soutien communautaire seront mis à rude épreuve s’il y a des inondations.
Philippe Gachon, Professeur d'hydroclimatologie, directeur du RIISQ (Réseau Inondations InterSectoriel du Québec), Université du Québec à Montréal (UQAM)
Anne-Sophie Gousse-Lessard, Professeure associée, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Danielle Maia de Souza, Scientific advisor of Réseau Inondations InterSectoriel du Québec, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Danielle Maltais, Chair professor, Université du Québec à Chicoutimi (UQAC)
Mélissa Généreux, Associate Professor, Faculty of medicine and health sciences, Université de Sherbrooke
raphoz.marie@uqam.ca, Université du Québec à Montréal (UQAM)
saint-charles.johanne@uqam.ca, Directrice, Institut santé et société, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Suzanne King, Full Professor of Psychiatry, McGill University
taha.ouarda@ete.inrs.ca, Institut national de la recherche scientifique (INRS)
templier.sebastien@uqam.ca, Université du Québec à Montréal (UQAM)
Thomas Buffin-Bélanger, Université du Québec à Rimouski (UQAR)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/136307
2020-04-16T17:20:19Z
2020-04-16T17:20:19Z
Le confinement dans les îles, une longue histoire de solidarités
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/328453/original/file-20200416-192703-h1ba9e.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C143%2C5928%2C3844&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'île de Sein à la tombée du jour.</span> <span class="attribution"><span class="source">Louis Brigand</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>En ces temps de confinement, certains ont cherché à fuir les villes pour trouver refuge à la campagne ou au bord de la mer. La presse a largement évoqué l’arrivée <a href="https://www.letelegramme.fr/dossiers/confrontes-au-coronavirus-des-bretons-temoignent/coronavirus-tension-sur-belle-ile-en-mer-avec-les-residents-secondaires-17-03-2020-12528216.php">remarquée et critiquée</a> de résidents secondaires dans les îles de Bretagne.</p>
<p>Dans ce contexte particulier, les petites îles côtières s’affirment comme une destination rêvée et privilégiée, un refuge protecteur pour les hommes comme c’est le cas des petites îles italiennes <a href="https://www.courrierinternational.com/article/societe-ces-iles-italiennes-qui-ont-echappe-au-covid-19">ayant échappé grâce à leur insularité au Covid-19</a>.</p>
<p>Espaces clos et limités, difficiles d’accès et isolés du continent, les territoires insulaires, d’une certaine manière naturellement confinés, interrogent la notion relative du confinement et au-delà du vivre ensemble.</p>
<h2>Iles prisons</h2>
<p>Si l’île est souvent présentée comme une destination touristique pour urbains en recherche d’exotisme et de dépaysement, on oublie que l’île peut être une prison. Dans le monde entier, les îles bagnes ou centres de détention furent légions.</p>
<p>On pense en France, à l’île d’Yeu prison de <a href="https://www.lepoint.fr/culture/philippe-petain-son-naufrage-a-l-ile-d-yeu-20-09-2017-2158416_3.php">Philippe Pétain en 1949</a>, aux bagnards de l’île de Ré, au révolutionnaire <a href="https://chateaudutaureau.bzh/le-chteau-du-taureau/une-prison-au-milieu-de-la-mer/">Auguste Blanqui au Château du Taureau</a> en baie de Morlaix, ou encore aux <a href="https://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1971_num_27_31_2322">Communards à l’île des Pins</a> en Nouvelle Calédonie.</p>
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<figcaption><span class="caption">Départ des bagnards pour l’île de Ré, 1931.</span></figcaption>
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<p>Cette fonction carcérale est l’une des plus anciennes des îles. Dernièrement, Caroline Sturdy Colls, professeure d’archéologie à la Staffordshire University, en Angleterre a révélé un camp de concentration nazi oublié, dont il ne reste quasiment plus de marques sur <a href="https://www.nationalgeographic.fr/histoire/2020/03/un-camp-de-concentration-nazi-redecouvert-dans-les-iles-anglo-normandes">l’île anglo-normande d’Aurigny</a>.</p>
<h2>En quarantaine sur une île</h2>
<p>Avant de rejoindre le bagne ou la prison, un site de confinement est souvent nécessaire pour la mise en quarantaine. Ainsi, l’île de la Quarantaine sur le Maroni, aujourd’hui totalement recouverte par la végétation, était probablement au XIX<sup>e</sup> siècle l’île où débarquaient les bagnards avant de rejoindre le camp de la Transportation à Saint-Laurent puis pour certains d’entre eux, l’île du Salut à Cayenne.</p>
<p>Plus près de nous, en rade de Brest, un lazaret sur <a href="http://www.roscanvel.fr/bibliographie-ouvrages-de-marcel-burel-pxl-11_187_209.html">l’île de Trébéron</a> fut établit par la Marine pour stopper les épidémies menaçant les escadres du roi Louis XIV. Elle devint ainsi l’île de la quarantaine pour les navires suspectés de contagion. On enterrait sur l’île voisine, l’île des Morts, ceux qui ne survivaient pas. Comme c’est le cas de Hart Island, surnommée « l’île des Morts », au nord-est du Bronx à New York.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LWqu1xZQoeY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les corps non réclamés de New York à Hart Island.</span></figcaption>
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<p>Depuis le début de la pandémie du Covid-19, des dizaines de corps de victimes non réclamés par des <a href="https://www.20minutes.fr/monde/2759179-20200411-coronavirus-victimes-enterrees-fosse-commune-ile-new-york">proches y sont enterrés</a>.</p>
<p>Enfin récemment, toujours en lien avec le Covid-19, le roi Salmane (84 ans) de la famille royale saoudienne s’est confiné dans un palais situé sur une île dans la mer Rouge, près de la <a href="https://www.courrierinternational.com/article/moyen-orient-le-coronavirus-toucherait-150-membres-de-la-famille-royale-saoudienne">ville de Djeddah</a>.</p>
<h2>Une fonction refuge</h2>
<p>La fonction de refuge est à l’origine de destins particuliers des îles. L’île de Ninoshima, au large d’Hiroshima au Japon, a servi depuis la fin du XX<sup>e</sup> siècle de refuge pour des soldats, des victimes de la guerre atomique ou des <a href="https://www.nippon.com/fr/column/g00381/">orphelins</a>.</p>
<p>C’est, dans un autre domaine, le cas de la petite île de Riems, localisée dans la mer Baltique en Allemagne. Premier centre virologique au monde, créé en 1910, cette île, surnommée l’Alcatraz des virus est la prison des virus du monde. Fermée au public, elle abrite aujourd’hui un centre de recherche. On y trouve plus de 10 000 animaux utilisés pour comprendre la pathogénèse et tester des vaccins contre les virus.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’île de Riems, en mer Baltique, « Alcatraz » des virus.</span></figcaption>
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<p>Et il y a aussi les îles-refuges, enclaves pour les personnes fortunées adeptes des confinements luxueux, comme <a href="https://www.lefigaro.fr/voyages/2014/08/29/30003-20140829ARTFIG00270-polynesie-tetiaroa-l-ile-de-marlon-brando.php">l’île de Tetiaroa</a> où vécu Marlon Brando en Polynésie. Les îles sont là encore dans l’expression d’une dualité qui les caractérise si bien, à la fois paradis et enfer, ouverture et fermeture, la chose et son contraire.</p>
<h2>Iles écrin, îles menacées</h2>
<p>Les îles, du fait de leurs spécificités biologiques en lien avec l’isolement sont des écrins à haute valeur environnementale. C’est pour cela que l’on y retrouve une multitude d’espaces classés, de réserves naturelles, de parcs marins… En France métropolitaine, toutes les îles habitées possèdent des statuts de protection forts. L’isolement favorise des formes remarquables et bien connues d’adaptation de la faune et de la flore ou encore d’endémicité.</p>
<p>À l’heure de la banalisation des espaces littoraux, ces caractères remarquables en <a href="http://www.vers-les-iles.fr/livres/Iroise/Brigand.html">font des lieux recherchés</a> et contribuent à une importante fréquentation humaine et une forte pression foncière. L’une des conséquences est bien souvent un emballement du prix du foncier bâti, excluant les populations d’origine au profit de nouvelles aux revenus incomparablement supérieurs.</p>
<p>Ce même isolement porte en lui les germes d’une grande fragilité. <a href="https://www.researchgate.net/publication/293012245_L'ile_et_le_Vivant_Revisites_Dans_la_Theorie_de_la_Biogeographie_Insulaire_Les_Symptomes_du_Syndrome_D'insularite_Ceba_ref_ANR-10-LABX-25-01">L’introduction d’espèces nouvelles ou invasives</a> ou la destruction de certains habitats, peut favoriser la prédominance d’une espèce aux dépens d’une autre.</p>
<p>Certaines espèces peuvent ainsi coloniser en totalité l’espace insulaire. C’est par exemple le <a href="https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/data/38556/reader/reader.html#!preferred/1/package/38556/pub/55833/page/12">cas des rats</a> qui y prolifèrent souvent. On retrouve des îles dénommées Iles-aux-rats sur toute la planète. En Bretagne il en existe notamment une dans la rivière de Pont-l’Abbé.</p>
<p>Les menaces et les atouts remarquables des îles sont à mettre directement en lien avec le caractère limité de l’espace et l’isolement. C’est vrai pour ce qui relève de la nature, mais cela l’est également pour les activités humaines.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wujNFiJqYWo?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Reiono, une île au rats paradisiaque dans le Pacifique.</span></figcaption>
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<h2>Iles autonomes, îles résilientes</h2>
<p>Le caractère fini de l’espace favorise la mise en œuvre de solutions visant à l’autonomie dans différents domaines, notamment alimentaires et énergétiques. Sur ce plan, la présence de la mer, du vent et du soleil encourage la mise en place de technologies alternatives.</p>
<p>L’île d’<a href="http://www.leparisien.fr/week-end/le-parisien-magazine-aux-canaries-el-hierro-l-ile-au-tresor-vert-07-01-2017-6529527.php">El Hierro aux Canaries</a> ou de l’<a href="https://reporterre.net/L-ile-danoise-de-Samso-apprend-a-vivre-sans-petrole">île de Samso</a> au Danemark en constituent deux exemples remarquables.</p>
<p>En Bretagne, les îles de l’Iroise (Ouessant, Molène et Sein) ont mis en place un <a href="https://www.iles-du-ponant.com/la-transition-energetique-avance-a-grand-pas-sur-les-iles-de-bretagne/">ambitieux programme</a> qui devrait leur assurer une autonomie énergétique quasi-totale dans les années à venir.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_FnOOSpok28?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">De nouvelles initiatives ont été prises ces dernières années, comme l’élevage de moutons sur l’île de Hoedic (Morbihan) film de Louis Brigand et Laura Corsi.</span></figcaption>
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<p>Dans les îles du Ponant toujours, où l’agriculture, à l’exception de Batz et de Belle-Île, avait quasiment disparu depuis les années 1970-1980, un <a href="https://www.id-iles.fr/th%C3%A9matiques/l-agriculture/">renouveau agricole</a> voit le jour.</p>
<p>Les productions locales dans le domaine de l’élevage et le maraichage, les circuits courts, sont des modèles qui se multiplient en parallèle avec de nouvelles productions, comme la vigne. De même la transformation des produits locaux est encouragée tout comme la recherche de nouvelles activités dans le domaine de la création ou du numérique.</p>
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<figcaption><span class="caption">Portrait d’un vigneron, île d’Aix (Charente-Maritime), film de Laura Corsi et Louis Brigand.</span></figcaption>
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<h2>Iles solitaires, îles solidaires</h2>
<p>Ces changements récents s’accompagnent de l’<a href="https://www.id-iles.fr/le-projet-id-%C3%AEles/id-%C3%AEles-1">arrivée de néo-résidents</a>.</p>
<p>Cela se traduit par une augmentation de population, sensible pour certaines îles, et témoigne de formes de renouveau des territoires insulaires. Ces derniers pourraient potentiellement devenir de véritables laboratoires pour expérimenter et mettre en œuvre des solutions alternatives et résilientes pour le vivre ensemble et le bien-être des populations.</p>
<p>La cadre limité de l’île encourage largement ce type d’évolution et de réflexion. Sur ces petites îles, chacun se connaît, l’apport des uns complète celui des autres, les frontières sociales s’estompent et les liens entre générations se resserrent. Les îles, terres d’utopie, ont été et sont toujours des terres fécondes pour imaginer de nouvelles perspectives.</p>
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<figcaption><span class="caption">L’association INZI développe l’offre culturelle dans les îles du Ponant (Bretagne) en dehors de la saison touristique (France 3).</span></figcaption>
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<p>L’île est un terreau favorable à l’expression de multiples solidarités. Les exemples ne manquent pas, notamment dans le domaine du sauvetage en mer, mais aussi de l’entraide au quotidien. Un indicateur en témoigne.</p>
<p>Une étude récente (à paraître, <em>Réflexions sur le vivre ensemble dans les îles du Ponant, sous l’angle des associations</em>, actes du colloque 2019 <a href="https://iles2019.sciencesconf.org/">« les îles à venir »</a>) porte sur la vie associative dans les îles du Ponant. On y recense quelque 500 associations pour 16 310 habitants. Le nombre d’associations pour 100 habitants est 1,5 fois plus important dans les îles que sur le continent, témoignant d’une densité bien plus forte.</p>
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<span class="caption">À bord du canot d’Ouessant de la Société nationale de sauvetage en mer en route vers Sein en 2016.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Louis Brigand</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Cette vitalité associative est une conséquence de l’insularité : dans l’île, on sait se retrouver pour construire un projet ensemble, pour faire la fête et aussi se soutenir. Car, quand une menace pèse sur la communauté, les conflits internes s’estompent pour le bien commun. Finalement, l’île protège ses habitants de l’intérieur, mais se protège aussi de l’extérieur.</p>
<h2>Se confiner dans les îles</h2>
<p>D’une manière générale, l’île est perçue par chacun comme un cocon protecteur. Dans le contexte actuel de confinement national, on peut considérer l’île comme un bateau immobilisé à quai pour les îliens, ou une prison dorée, pour les résidents secondaires.</p>
<p>Pour les premiers, le confinement n’est pas une découverte. Les marins, fort nombreux dans un passé proche dans les îles du Ponant, connaissaient parfaitement cette situation à bord des bateaux. Pour certains, embarqués actuellement sur des plates-formes pétrolières ou la pêche hauturière, elle est toujours réelle. Il arrive que les îles ne soient pas accessibles à cause des tempêtes. Durant le mois de février 2014, en raison de la météo neuf rotations journalières sont annulées dont six en dix jours. les <a href="https://www.librairiedialogues.fr/rencontres/12117/">tempêtes de 2014</a></p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328457/original/file-20200416-192744-1dbrm73.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Tempête en 2014 sur Sein.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Louis Brigand</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Enfin, dans ces petites îles de quelques centaines d’habitants, vivre ensemble sur un espace réduit est une sorte de confinement parfaitement maitrisé. Si le confinement actuel ne permet plus de se rencontrer aussi aisément, de discuter sur les quais ou de boire un verre dans un bistro, il n’est en rien comparable à ce que peuvent vivre des familles dans de petits appartements de quartiers urbains densément peuplés. En fait, le confinement extérieur (vis-à-vis du continent) est beaucoup mieux vécu par les îliens que le confinement intérieur (sur l’île), le premier n’étant pas exceptionnel.</p>
<p>Pour les résidents secondaires, il s’agit de profiter d’un confinement bien plus doux, moins anxiogène sur l’île que dans la grande ville. Cet avant-goût de vacances imposées, mais rendues possibles dans un cadre aimé, est légitime. Elle peut cependant se discuter sans pour autant justifier certains propos tenus à ce sujet sur les réseaux sociaux.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328458/original/file-20200416-192762-3ea57d.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’île de Sein, aux beaux jours.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Louis Brigand</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<p>Dans l’imaginaire collectif des îles, la venue de résidents secondaires peut être vécue comme une intrusion dans l’entre-soi insulaire. Les îliens apprécient l’arrivée des vacanciers après la longue période hivernale, durant laquelle l’isolement et les épisodes météo sont parfois durs à vivre. Les maisons fermées s’ouvrent, les hôtels se remplissent. En revanche, en période de confinement sanitaire, cet intérêt économique et social n’est plus perçu et leur origine urbaine est analysée comme une <a href="https://www.letelegramme.fr/bretagne/vil-ile-aux-moines-600-habitants-trois-cas-et-des-rumeurs-06-04-2020-12536280.php">menace potentielle</a>, comme pour tout autre visiteur.</p>
<h2>De l’île paradis à l’île infernale</h2>
<p>L’arrivée de résidents secondaires est restée relativement limitée (estimée à 600 personnes <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/coronavirus-une-trentaine-de-cas-suspects-dont-deux-averes-a-belle-ile-en-mer-morbihan-selon-le-president-de-la-communaute-de-communes_3889121.html">par exemple à Belle-Île</a> pour 5 500 habitants selon la communauté de communes) mais pose question.</p>
<p>Les densités de population étant fortes dans les îles, on imagine aisément les conséquences de l’introduction du virus. Pour reprendre l’image de l’île-bateau, on comprend que la contamination de l’équipage par un nouvel arrivant engendre des conséquences souvent dramatiques pour tout le personnel de bord. L’île paradis se transforme en île infernale : dans les îles, les personnes âgées donc fragiles, sont nombreuses, <a href="https://www.ouest-france.fr/sante/virus/coronavirus/entretien-le-coronavirus-pourrait-porter-un-coup-dur-l-economie-d-ouessant-craint-son-maire-6787918">l’encadrement médical restreint</a> (certaines îles n’ont pas de médecins), la présence de policiers parfois inexistante et les évacuations sanitaires compliquées.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/BQwU0NihBwE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Portrait d’Yves Taveau, médecin sur l’Île-aux-Moine, 2013, film réalisé par Laura Corsi et Louis Brigand.</span></figcaption>
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<p>En cette période de l’année, les services publics sont réduits et les stocks alimentaires prévus pour la population de l’hiver restent limités. Pour les communes des îles, la difficulté première est bien d’accueillir un surcroît de population en période de crise sanitaire.</p>
<p>Actuellement, pour aller aux îles, il faut donc faire partie de l’équipage, c’est-à-dire être résident permanent. Sage mesure prise très rapidement par les maires des îles puis reprise par les préfets. Les rotations maritimes sont dorénavant réduites : elles se limitent pour certaines îles à deux hebdomadaires, le temps du ravitaillement. Celui du confinement s’écoule paisiblement. Les communes s’organisent, les commerçants s’adaptent, les îliens s’entraident. En deux mots, les îles se protègent. En Bretagne mais aussi aux antipodes.</p>
<p><a href="https://www.unine.ch/ethno/home/equipe/christian-ghasarian.html">Christian Ghasarian</a>, ethnologue travaillant sur l’île de Rapa, dans les îles australes de Polynésie française, évoque dans un article à paraître (<em>Réflexions sur le protectionnisme insulaire à Rapa</em>, actes du colloque <a href="https://iles2019.sciencesconf.org/">« les îles à venir »</a>), le lien entre l’idée de protéger l’île et celle d’y être protégé, une conception polynésienne à l’œuvre dans cette île.</p>
<p>Face au risque particulièrement fort de diffusion de l’épidémie dans l’île, les habitants se sont organisés, plusieurs cas de coronavirus ayant été relevés à Tahiti.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SDGG4L4BESM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">À Rapa, la vie en collectif est régie par l’entraide et un fort sentiment communautaire, Brut.</span></figcaption>
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<p>La seule porte d’entrée du virus à Rapa étant le bateau qui fait un aller-retour tous les deux mois, le <a href="https://www.tntv.pf/tntvnews/polynesie/societe/rapa-et-rangiroa-se-preparent-au-confinement/">maire rappelle</a> que :</p>
<blockquote>
<p>« Ici, personne n’a le coronavirus. Par contre, toutes les personnes qui arrivent, on ne sait pas si elles sont porteuses du virus. Le seul moyen de nous protéger, c’était de tous les mettre en confinement. Ce n’est qu’après la quatorzaine, qu’on saura s’ils pourront rentrer chez eux. C’est ce que nous avons fait. »</p>
</blockquote>
<p>La communauté réunie a pris plusieurs mesures de précaution témoignant d’un grand sens de la responsabilité et de la solidarité insulaire. Après plusieurs heures de prise de parole, il fut décidé de façon consensuelle de mettre en quatorzaine tous les passagers (enfants et adultes) dans la cantine de l’école, fermée pour l’occasion et d’organiser ce confinement avec des vivres avant l’arrivée du bateau et le débarquement des passagers.</p>
<blockquote>
<p>« On est tous tombés d’accord. On a donc levé le rahui [interdit volontaire de la pêche dans une zone donnée durant toute l’année sauf un jour] pour la pêche, nous sommes allés chasser les bœufs et les chèvres. Chaque famille a amené ce qu’elle pouvait comme du taro par exemple. Et au final, nos enfants peuvent rester en confinement pendant un mois, ils auront encore à manger. »</p>
</blockquote>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-rahui-polynesien-au-secours-de-lenvironnement-73382">Le « rahui » polynésien au secours de l’environnement</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Se déconfiner dans les îles en donnant l’exemple ?</h2>
<p>À l’heure où l’on évoque les difficultés du déconfinement sur le continent, à Belle-Île le président du Conseil de surveillance de l’hôpital suggère de faire de l’île un territoire d’expérimentation. Il s’agit de proposer à l’agence régionale de santé l’organisation d’un test pilote de déconfinement, en réfléchissant collectivement aux critères à mettre en place, ce qui, selon le nouveau maire, <a href="https://www.letelegramme.fr/morbihan/le-palais/belle-ile-en-mer-pilote-du-deconfinement-10-04-2020-12538076.php?fbclid=IwAR2O2Oyy2LfNCNwxXV63Zeep41Y9UHKWFeONHBkf4hzPEnYpe0K9z5aAdtI">semble plus facile ici qu’ailleurs</a>.</p>
<p>Belle-Ile contribuera-t-elle à montrer le chemin à suivre pour le pays, prouvant ainsi toute la puissance démonstratrice et évocatrice de l’île ? Au-delà de la singularité et de l’intérêt de cette proposition, ce sont les valeurs de solidarité s’exprimant sous différentes formes aujourd’hui dans les îles qui demeurent essentielles.</p>
<p>Pour l’heure, selon une Groisillone interviewée au sujet du confinement, « le plus difficile, c’est de ne plus pouvoir s’embrasser et de ne plus marcher dans la mer ». Ce propos témoigne de deux choses : de l’importance du vivre ensemble dans les îles et du rapport étroit que les îliens ont naturellement avec la nature.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=343&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304237/original/file-20191128-178107-ytiu6e.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=431&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
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<p><em>Louis Brigand bénéficie du soutien de la Fondation de France pour le projet <a href="https://www.id-iles.fr/">ID-îles</a>. Premier réseau de philanthropie en France, la <a href="https://www.fondationdefrance.org/fr">Fondation de France</a> réunit, depuis 50 ans et sur tous les territoires, des donateurs, des fondateurs, des bénévoles et des acteurs de terrain.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/136307/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les recherches de Louis Brigand sont notamment en lien avec des programmes de la Fondation de France. Il coordonne le programme ID-îles et participe aux projets Atlantîles (Saint-Pierre et Miquelon), ESS Iles (Iles du Ponant) et Envid'Iles (Polynésie française). Il est également l'une des chevilles ouvrières de l'évènement Iles 2019 qui s'est tenu à Brest, Ouessant, Sein et Molène du 14 au 19 octobre 2019.</span></em></p>
Espaces clos et limités, difficiles d’accès et isolés du continent, les territoires insulaires interrogent la notion relative du confinement et au-delà du vivre ensemble.
Louis Brigand, Professeur, géographe, Université de Bretagne occidentale
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/134626
2020-03-27T17:40:04Z
2020-03-27T17:40:04Z
Le concept de la « mesure barrière » vu par un géographe
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/323562/original/file-20200327-146666-3f3yhp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C71%2C1894%2C994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les murs et barrières permettent de gagner du temps, mais sont efficaces à condition d’exploiter ce temps pour préparer une gestion du risque plus durable.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/cl%C3%B4ture-barri%C3%A8re-m%C3%A9tal-bloc-1589992/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Lorsque nous sommes mis en situation de gestion de risques, nous, individus, collectifs, gouvernements, avons tendance à vouloir mettre en place des barrières pour se prémunir de ces risques. Pour ne plus voir la menace, pour mettre à distance le virus. De la même façon, pour stopper l’armée qui attaque, nous nous cloîtrons, nous nous abritons derrière une muraille, derrière une enceinte, nous construisons des digues, des murs, des remparts.</p>
<p>Si possible, la barrière doit être toxique pour le virus ou l’attaquant : un antivirus, un mur surmonté de barbelés ou de brisures de verre acérées, un filtre chimique. Indéniablement, de telles mesures ont fait preuve de leur efficacité. Ce genre de réaction est le plus fréquent depuis des millénaires, quel que soit l’espace affecté, quel que soit l’ennemi identifié.</p>
<h2>Un choix discutable</h2>
<p>Toutefois, le choix de la mesure barrière est discutable, dans son principe et dans les modalités de sa mise en œuvre.</p>
<p>Lorsque, pour éviter des inondations, on endigue un fleuve, celui-ci ne dépose plus ses sédiments sur ses berges, mais sous lui, au fond de son lit : et ainsi, son niveau remonte. Alors, nous sommes obligés de rehausser les digues, et le fleuve continue à s’élever. C’est le cas pas exemple du Pô, qui coule aujourd’hui jusqu’à 15 mètres au-dessus des terres au plein cœur de son delta, au sud de Venise : les terres agricoles sont protégées par des digues mais <a href="https://www.liberation.fr/evenement/2003/07/16/le-po-fleuve-fantome-n-irrigue-plus-l-italie_439836">plus menacées que jamais</a>.</p>
<p>Il n’y a pas de terme à cette course, si ce n’est une situation de catastrophe potentielle encore plus grande, puisque le fleuve finit par couler plusieurs mètres au-dessus des terres qu’il traverse ; à terme, il est nécessaire de modifier la stratégie de gestion du risque. En revanche, et la nuance est de taille, cela a permis de gagner du temps.</p>
<p>De même, construire un mur à une frontière n’empêche pas des personnes de vouloir franchir ce mur – contrairement à ce que peuvent imaginer certains dirigeants – si l’on ne modifie pas les facteurs qui engendrent ce flux ; plus le flux grandit, plus nous renforçons le mur.</p>
<p>Le mur peut être une solution temporaire, qui permet ici encore de gagner du temps, à condition de réfléchir à une stratégie plus durable.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/323569/original/file-20200327-146666-1t75iqy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Remparts d’un château à Avila, Espagne.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/555949">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Enfin, contre un virus, qu’il soit biologique ou informatique, nous avons aussi tendance à placer des barrières. Elles sont utiles si elles sont correctement pensées, et si elles servent à donner du temps, parallèlement, pour construire une réponse mieux adaptée (un vaccin, un traitement, ou, avant leur arrivée, une réponse stratégique plus fine).</p>
<p>Lors de la crise du SRAS au début de l’année 2003, des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/01/25/coronavirus-il-y-a-une-cocotte-minute-en-chine_6027176_3244.html">barrières similaires</a> ont été mises en place. Le virus était moins contagieux et les barrières, très précoces, ont été efficaces ; mais surtout, elles ont permis de ralentir la course du virus et d’accélérer celle de la recherche : pendant que la propagation du virus était freinée, une incroyable mobilisation à l’échelle mondiale des chercheurs, laboratoires, médecins, financeurs, et décideurs, permettait d’aboutir, en quelques semaines, à l’identification d’un traitement, ce qui permit de déclarer l’épidémie terminée dès le mois d’avril 2003.</p>
<h2>Le risque n’est pas uniquement une menace</h2>
<p>Au moins deux réflexions peuvent émerger, en termes de stratégie de gestion des risques, de ces constatations. Premièrement, concevoir un risque comme quelque chose de purement négatif ou décontextualisé est erroné.</p>
<p>C’est par exemple identifier des personnes migrantes seulement comme une menace ; c’est voir une inondation automatiquement comme un désastre, alors que certaines sociétés savent tirer relativement parti d’inondations fréquentes et attendues, comme en Égypte ou au Bangladesh lors des crues régulières du Nil ou du delta du Gange et du Brahmapoutre.</p>
<p>C’est ne pas voir qu’un risque ou une catastrophe permettent d’établir des diagnostics des fragilités de nos systèmes, et donc, en théorie, de les améliorer : ainsi, au-delà de leur potentiel dévastateur, les tremblements de terre permettent aussi d’identifier les défauts de construction des bâtiments et, dans la mesure du possible, de les faire évoluer.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xWG_uzLmuug?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment le Bangaldesh s’adapte au changement climatique, The Economist, 2015.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Bien exploiter le temps imparti</h2>
<p>La deuxième réflexion est la suivante : gagner du temps est souvent une bonne idée, mais à condition d’exploiter ce temps pour préparer une gestion du risque plus durable, plus résiliente, permettant éventuellement de placer des barrières de façon plus appropriée, et de façon plus flexible.</p>
<p>Le temps supplémentaire dans la lutte contre la menace doit être utilisé pour réduire les incertitudes : pour comprendre, apprendre, analyser ; et, en fonction de ces connaissances nouvelles, en faisant évoluer les stratégies de gestion des risques mises en place : autrement dit, en améliorant et en affinant la disposition et la qualité des barrières.</p>
<p>Il est essentiel de comprendre que les formes et les échelles des barrières que nous établissons se sont multipliées ; par exemple, pour contrer la propagation du Covid-19, sont associées toutes les échelles : les masques pour les individus, les murs de l’appartement pour les familles, les couvre-feux pour les villes et la fermeture des espaces publics, la fermeture des frontières des États ou macro-régions. Mais on peut penser aussi aux marquages au sol dans les supermarchés, qui agissent comme des frontières à échelle microlocale ; ou encore aux conversations de fenêtre à fenêtre, qui transforment la rue, espace de passage, en no man’s land frontalier, en zone tampon.</p>
<p>C’est exactement ce que décrivaient les géographes William J.Mitchell et Anthony M. Townsend il y a 15 ans, dans un <a href="https://global.oup.com/academic/product/the-resilient-city-9780195175837?cc=fr&lang=en&">colloque fondateur</a> à La Nouvelle-Orléans, qui a permis de consolider la notion de résilience :</p>
<blockquote>
<p>« Traditionnellement, la sécurité était assurée par le nombre et les murs d’enceinte. Aujourd’hui, la sûreté urbaine et la résilience sont fondées sur des modèles de connectivité. Et les cercles de défense se sont fragmentés et recombinés. Ils n’entourent plus des agglomérations entières et ne les séparent plus de la campagne, mais entourent d’innombrables points d’accès au réseau dispersés – des portes d’embarquement des aéroports aux ordinateurs personnels protégés par des mots de passe. »</p>
</blockquote>
<p>Or, parfois, ces barrières sont trop complexes, voire incompatibles, et on n’a pas d’autre choix que de les contourner, quitte à créer la plus grande confusion (pensons aux élections en France).</p>
<p>Parfois, on ne les comprend pas, ou bien elles viennent à l’encontre de valeurs profondément ancrées, de sentiments très forts – l’amour, la compassion, la tendresse.</p>
<p>Enfin, presque systématiquement, les barrières engendrent d’autres risques, de nature différente ou similaire au risque perçu comme le plus grave. En empêchant les contacts, fait-on le bon choix sanitaire ? Quel sera le degré d’immunité face au virus des personnes qui auront été confinées ? Fait-on le bon compte, si l’on prend en considération les autres maux, la santé physique et mentale, le bien-être social, l’activité économique ?</p>
<h2>Un positionnement impossible</h2>
<p>Il est vrai que la gestion de certains risques est extrêmement sensible, voire demande un positionnement impossible, notamment politiquement. Comment parler de « petite » inondation s’il y a des morts ? Comment faire la part des choses entre un désastre majeur et un désastre « moins majeur » ? À partir de combien de victimes ?</p>
<p>Pouvait-on, concernant l’épidémie actuelle de Covid-19, faire le choix de l’immunité collective, qui revient à préparer une population à accepter un certain taux de mortalité au début de l’épidémie, afin de mieux se préparer à l’avenir ? Comment raison garder face à des chiffres qui sont incertains, en évolution, et qui font appel au registre émotionnel ? Comment ne pas être frappé par des courbes qui montrent des croissances exponentielles, même si certains chiffres absolus paraissent faibles au regard d’autres causes de décès ?</p>
<p>Nous vivons tous, de manière structurelle, en dissonance cognitive, par rapport à la mortalité – la nôtre, celle de nos proches, celle des personnes plus éloignées. Nous savons (mais sans conscientiser ce fait en permanence) que nos choix de consommation, par exemple, s’appuient sur l’appauvrissement de certaines populations et sur l’acceptation d’un certain niveau de risque (létal) pour beaucoup – des accidents de la route au risque nucléaire, du réchauffement global à l’extinction massive des espèces…</p>
<h2>Nous construisons nos propres mesures</h2>
<p>Nous acceptons ces risques très divers, en construisant nos propres mesures, en ajustant nos comportements. Comment comprendre que la crise du Covid-19 engendre un tel degré d’incertitude, une telle inacceptabilité sociale et politique, une telle violence à tous niveaux ? Est-ce à cause d’un manque de connaissances ?</p>
<p>En France et dans la plupart des pays développés, actuellement les plus touchés par la crise du Covid-19, les maladies infectieuses tuent beaucoup moins que les cancers ou les maladies cardio-vasculaires.</p>
<p>Le véritable problème n’est-il pas à chercher dans les capacités de réponses des sociétés face à ces risques ? Pour éviter les pathologies non infectieuses (cancers, diabètes, accidents vasculaires, etc.), il faut agir à la source : sur nos modes de vie, sur des systèmes économiques, sur des institutions, sur des multinationales puissantes.</p>
<p>Tandis que pour lutter contre les maladies infectieuses, il est plus facile de culpabiliser les individus : propagateurs inconscients ou criminels, voyageurs à diverses échelles et à l’hygiène douteuse…</p>
<p>Et il est plus facile, dès lors, de faire porter aux individus le poids de la gestion du risque : mettez en place des barrières, confinez-vous, faites attention, le moyen de transport du virus, c’est vous.</p>
<h2>Minorer le rôle de la puissance publique</h2>
<p>Le transfert de la responsabilité de la gestion du risque à l’individu permet de minorer le rôle de la puissance publique et de ses défaillances (gestion des hôpitaux, des stocks, des stratégies de dépistage…), mais aussi celui d’un système économique qui n’est pas prêt à être remis en cause (accent sur les autres pathologies, système à flux tendu…).</p>
<p>Enfin, ce transfert de responsabilité a aussi une conséquence en termes de justice sociale : il amplifie les inégalités. Si le virus ne s’embarrasse que peu des différences socio-économiques, la politique de gestion du risque (les barrières…), en revanche, s’appuie sur elles, et les renforce un peu plus.</p>
<p>En gestion des risques, il est utile et efficace de construire des barrières, mais à condition qu’elles soient bien positionnées, et évolutives : pour cela, il conviendrait sans doute de dépister le plus largement possible, puis de confiner de façon sélective et évolutive, comme l’ont fait certains pays, de la Corée du Sud à l’Allemagne. Le confinement général était sans doute nécessaire en France compte tenu des capacités des systèmes de santé, et des choix politiques qui avaient été faits depuis des décennies. Peut-être ce choix est-il fait de manière temporaire, afin de gagner du temps, pour préparer un autre mode de gestion de crise, et, espérons-le, un aggiornamento des politiques de santé publique et une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/25/francois-dubet-le-confinement-du-au-coronavirus-accroit-la-violence-des-petites-inegalites_6034440_3232.html">gestion moins inégalitaire</a> de cette crise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134626/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Le Blanc est président du Comité National Français de Géographie</span></em></p>
Les barrières sont utiles si elles sont correctement pensées, et si elles servent à donner du temps, parallèlement, pour construire une réponse mieux adaptée.
Antoine Le Blanc, Professeur de Géographie, Université du Littoral Côte d'Opale, laboratoire Territoires, Villes, Environnement & Société, Université de Lille
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tag:theconversation.com,2011:article/130020
2020-02-05T17:28:49Z
2020-02-05T17:28:49Z
Un outil pour mesurer concrètement les apports de la biodiversité
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/310324/original/file-20200115-134814-9de7o7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C45%2C2048%2C1229&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la réserve de Wicken Fen (Royaume-Uni), on a pu démontrer chiffres à l’appui l’intérêt de préserver les zones humides. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/gails_pictures/18008513089">Gailhampshire/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Si elle peut paraître étrange, voire cynique, la question de la <a href="https://nexusmedianews.com/can-you-put-a-price-on-a-forest-1c841efc2959">valeur économique des forêts</a> se pose régulièrement pour les chercheurs, les représentants des pouvoirs publics ou les responsables d’ONG. Je suis pour ma part convaincu, comme spécialiste des méthodes de conservation de l’environnement, que le fait de <a href="https://www.jstor.org/stable/2097200">valoriser la biodiversité</a> peut nous aider à mieux la préserver.</p>
<p>Attribuer une valeur économique à un espace forestier, un lac ou une colline pour le compte d’un village, d’une ville ou même d’un pays peut ainsi encourager de meilleures pratiques en matière de conservation.</p>
<p>C’est pour cette raison que nous avons mis au point <a href="http://tessa.tools/">TESSA</a> (la « boîte à outils pour l’évaluation des services écosystémiques à l’échelle d’un site »). Cette initiative vise à promouvoir une meilleure gestion de l’environnement à l’échelle mondiale, en donnant aux acteurs locaux les moyens de mesurer – à notre connaissance, pour la toute première fois – les réelles retombées économiques liées à la préservation d’un écosystème.</p>
<p>ONG locales, institutions, organismes publics ou particuliers, chacun peut se saisir de TESSA pour mesurer l’impact de la conservation de l’environnement et agir en faveur de la <a href="https://www.pnas.org/content/105/Supplement_1/11571">protection des milieux naturels</a>. Les données recueillies devraient permettre de faire progresser les connaissances et contribuer à l’élaboration de politiques publiques adéquates. Impossible désormais pour les autorités de nier ou minimiser l’importance que revêt la protection de la biodiversité.</p>
<h2>La question des critères</h2>
<p>Il y a 10 ans à peine, les ONG environnementales – notamment celles qui interviennent dans les pays en développement – devaient déployer des efforts considérables pour convaincre les pouvoirs publics des avantages incontestables et immédiats de la protection de la nature (aussi appelés « services écosystémiques » ou <a href="https://theconversation.com/how-can-we-communicate-all-that-nature-does-for-us-94761">« apports de la nature aux populations »</a>).</p>
<p>Ces organisations locales auraient logiquement pu s’inspirer de l’approche <a href="https://www.parliament.uk/documents/post/postpn_377-ecosystem-approach.pdf">« écosystémique »</a> approuvée par la <a href="https://www.cbd.int/convention/text/">Convention sur la diversité biologique</a> et adoptée en 2000. Mais elles ne disposaient pas alors de critères de référence, ni de barèmes pour rendre compte de ces bénéfices sur le plan financier, mais pas seulement. L’eau salubre, par exemple, peut être prise en considération au moyen d’un paramètre non marchand, tel que le « nombre de jours de maladie évités » ; il s’agit ici de démontrer la contribution d’une zone humide au bien-être économique, sanitaire et social d’une collectivité.</p>
<p>Les défis à relever pour mettre au point ce type de barèmes se sont avérés considérables : appréhender les services écosystémiques demande en effet des connaissances assez techniques, le fait de ne pas en saisir pleinement les tenants et les aboutissants pouvant grandement nuire à la juste évaluation de ces services.</p>
<p>Par ailleurs, de nombreux spécialistes ont longtemps ignoré que les différents apports écosystémiques ne se recoupent pas forcément : un point chaud de la biodiversité peut par exemple ne pas présenter des taux de stockage ou de séquestration du carbone particulièrement intéressants… </p>
<h2>Une prise de conscience entravée</h2>
<p>Certaines considérations techniques ont également empêché de nombreux acteurs de recourir à une argumentation fondée sur les retombées environnementales pour justifier leurs actions de sensibilisation. Bien souvent, ils ne disposaient pas des données voulues, ou tout simplement d’informations susceptibles de faire prendre conscience aux décideurs et aux législateurs de la « richesse de la nature ». </p>
<p>Il leur était, par exemple, difficile de déterminer quels bénéfices environnementaux pouvaient être impactés par les décisions prises en matière d’aménagement du territoire.</p>
<p>Les connaissances insuffisantes en matière de recueil des données sur le terrain – indispensables à l’évaluation des services écosystémiques – ont aussi <a href="https://conbio.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/cobi.12786">posé de sérieux problèmes</a>, à l’instar du déficit de certaines compétences techniques cruciales (comme la modélisation ou la maîtrise des systèmes d’information géographique nécessaires à la cartographie détaillée des différents types d’utilisation des terres).</p>
<p>Il y a 10 ans, le concept de « service écosystémique » était perçu comme difficile à appréhender, si bien qu’il n’existait pas de principes directeurs universellement applicables sur la façon d’en appréhender la portée ou de favoriser la collaboration entre autorités, acteurs de la conservation, scientifiques, propriétaires fonciers, entreprises et utilisateurs de ressources naturelles à l’échelle locale pour assurer un partage plus équitable des retombées économiques et des dépenses de gestion.</p>
<p>On rencontrait également des difficultés en matière de communication, les acteurs concernés ne sachant pas comment présenter les avantages liés aux services écosystémiques.</p>
<h2>La mise au point de TESSA</h2>
<p>Toutes ces raisons ont poussé notre équipe – qui regroupe des membres de BirdLife International, de la Société royale britannique pour la protection des oiseaux, de l’Association de biologie tropicale, du Centre mondial de surveillance pour la conservation du PNUE et des universités de Cambridge, de Southampton et d’Anglia Ruskin – à lancer en 2010 le projet TESSA. </p>
<p>Son objectif : mettre au point une gamme d’outils permettant l’évaluation concrète des bénéfices environnementaux et appuyer les initiatives menées en matière de conservation.</p>
<p>Nous avons élaboré un guide interactif constitué de modules visant à accompagner les lecteurs pas à pas dans le cadre de l’évaluation concrète d’un large éventail de services écosystémiques : la régulation du climat à l’échelle mondiale (y compris le stockage du carbone et les flux de gaz à effet de serre) ; les services liés à l’eau (protection contre les inondations, approvisionnement, amélioration de la qualité des ressources) ; les loisirs et le tourisme axés sur la nature ; les produits naturels (denrées alimentaires, fibres, énergies, etc.) ; les produits issus de l’agriculture ou de l’élevage (cultures, bétail, poissons, bois) ; la protection des zones côtières ; la pollinisation ; les services écosystémiques culturels (les interactions entre l’homme et la nature au sein d’un milieu naturel).</p>
<p>On trouve dans ces modules des procédures claires et aisément applicables pour recueillir des données auprès de différents intervenants ainsi que des méthodes d’analyse. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/309746/original/file-20200113-103971-13efabk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=500&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le National Trust britannique a utilisé TESSA pour la réserve naturelle de Wicken Fen (Royaume-Uni).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/alexbrn/3059042958">Alex Brown/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>L’exemple des zones humides</h2>
<p>Pour illustrer la manière dont TESSA peut aider à la prise de décision en matière d’utilisation des terres, citons l’exemple du National Trust britannique, auquel il a permis d’établir que chaque hectare du site de Wicken Fen valait 200 dollars de plus par an en tant que zone humide qu’en tant que terre agricole ; des résultats favorables au projet « Vision Wicken Fen » qui prévoit le rétablissement d’une zone humide de 5 300 hectares dans le comté du Cambridgeshire.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=674&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/305948/original/file-20191209-90588-1rg25i6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=846&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Étude comparative de la valeur des services écosystémiques et des coûts de gestion en 2011 (en dollars, pour 479 hectares par an) entre la zone humide restaurée au sein du site de Wicken Fen et la même parcelle si elle était de nouveau affectée à des fins agricoles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">K. Peh</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’outil TESSA fournit en outre des conseils pratiques sur la façon dont il convient de communiquer les conclusions – sans oublier les inévitables incertitudes qui y sont associées – au grand public.</p>
<p>Il devient donc possible de transmettre des informations cruciales tout en démontrant que la protection de la faune et de la flore n’est pas incompatible avec le développement économique.</p>
<p>Voilà qui réfute l’argument souvent avancé selon lequel les pays pauvres seraient confrontés à un <a href="https://doi.org/10.1111/j.1523-1739.2008.01089.x">choix binaire</a> entre croissance et protection de la biodiversité. En mettant à disposition un mécanisme d’évaluation en faveur de la conservation, on démontre que la protection de la faune sauvage peut <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10531-011-0132-y">aller de pair avec le développement</a>. </p>
<p>Les données obtenues grâce à cet outil peuvent aussi servir de référence pour la mise en œuvre de la politique d’écotourisme d’un pays, dans la mesure où de nombreuses zones naturelles sont susceptibles de représenter un véritable atout dans ce domaine.</p>
<h2>Sur le terrain</h2>
<p>L’outil TESSA a déjà été adopté par plusieurs organismes publics internationaux, par le biais de l’<a href="https://www.ipbes.net">IPBES</a> (la plate-forme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques) notamment. Son utilisation est également recommandée dans un <a href="https://portals.iucn.org/library/node/47778">récent rapport</a> de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) qui y voit un outil essentiel pour valoriser les services écosystémiques dans les aires protégées, les zones remarquables en matière de biodiversité et les sites naturels du patrimoine mondial.</p>
<p>Depuis 2014, de nombreux acteurs de la conservation en Afrique et en Asie ont été formés à l’utilisation de ce nouvel outil, ce qui a permis d’établir une communauté sans précédent d’utilisateurs à l’échelle régionale. Selon les données dont nous disposons, des ONG y ont eu recours dans au moins 96 aires protégées et non protégées de 26 pays, en vue de faire valoir les contributions économiques et culturelles de la nature.</p>
<p>S’il s’agit assurément d’une modeste avancée au regard du défi que représente la conservation de la nature à l’échelle mondiale, il convient néanmoins de généraliser le recours à TESSA dans le secteur privé afin de permettre aux entreprises de montrer que leurs activités peuvent à la fois respecter les normes environnementales et contribuer à la conservation. </p>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>Créé en 2007 pour contribuer au développement et au partage des connaissances scientifiques sur les grands enjeux sociétaux, le Axa Research Fund a parrainé près de 650 projets dans le monde entier, menés par des chercheurs de 55 pays. Pour en savoir davantage, consultez son <a href="https://www.axa-research.org">site</a> ou abonnez-vous au compte Twitter dédié <a href="https://twitter.com/axaresearchfund?lang=fr">@AXAResearchFund</a></em></p>
<p><em>Traduit de l’anglais par Damien Allo pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a> et The Conversation France.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/130020/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet de Kelvin est financé par le Fonds AXA pour la Recherche. Le développement de TESSA est principalement soutenu par le Cambridge Conservation Initiative Collaborative Fund, le Darwin Initiative Fund, le Fonds AXA pour la Recherche, l'Economic and Social Research Council ainsi que par des subventions des universités de Cambridge, Southampton et Stockholm.</span></em></p>
L’initiative TESSA veut permettre aux acteurs locaux de mieux évaluer les avantages de la conservation des écosystèmes.
Kelvin S.-H. Peh, Lecturer in Conservation Science, University of Southampton
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/125171
2019-10-16T19:39:50Z
2019-10-16T19:39:50Z
Santé des fleuves, santé des hommes : en Guyane, les leçons du Maroni
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/296916/original/file-20191014-135529-uchbi5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le fleuve Maroni. </span> <span class="attribution"><span class="source">Iamazone/Ronan Liétar</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296927/original/file-20191014-135525-1asx070.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=945&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Google Maps</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Que nous apprend le fleuve Maroni, frontière naturelle entre la Guyane et le Suriname ? De lui, nous n’avons souvent qu’une vision simplifiée et parcellaire : sa luxuriante forêt amazonienne, son bagne, le désastre environnemental et social de l’orpaillage illégal…</p>
<p>La réalité est tout autre, plus difficile à appréhender car complexe. Le Maroni est au cœur des enjeux de ce territoire ultra-marin, en pleine transition démographique, économique et écologique. Surtout, en posant avec plus d’intensité qu’ailleurs, la question de l’eau – son utilisation, sa qualité, ses représentations –, il nous rappelle qu’atmosphère, écosystème, humain, tous ces éléments de ce grand jeu qu’est la vie sont solidaires les uns les autres.</p>
<p>Si nos fleuves sont menacés, c’est notre identité qui est niée, c’est notre vie même qui est remise en cause.</p>
<p>Ce constat, nous l’avons dressé lors d’une conférence internationale organisée par l’association <a href="https://www.initiativesfleuves.org/">Initiatives pour l’avenir des grands fleuves</a> (IAGF) et que l’Institut Pasteur de la Guyane a accueillie en <a href="https://www.initiativesfleuves.org/rencontre/8e-session-internationale-diagf/">avril 2019</a>. Grâce à une approche interdisciplinaire et écosystémique des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LRxmoSBrmyM&feature=youtu.be">experts réunis à cette occasion</a>, la question de la santé a été abordée sous un angle nouveau et des pistes d’actions proposées pour protéger et guérir efficacement le fleuve et les populations.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1120313981028241408"}"></div></p>
<h2>Une identité construite autour du fleuve</h2>
<p>Ce fleuve imprévisible qu’est le Maroni est plus qu’une frontière géographique et administrative. Bassin de vie et de culture, il forge l’identité des communautés qui peuplent ses rives depuis des millénaires. Amérindiens, Bushinengués, Créoles, transportés au <a href="http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/anom/fr/Action-culturelle/Dossiers-du-mois/1004-Bagnes/Dossier-Bagnes-de-Guyane.html">bagne de Saint-Laurent-du-Maroni</a>, Surinamais ayant fui la <a href="https://www.franceinter.fr/emissions/rendez-vous-avec-x/rendez-vous-avec-x-27-fevrier-2010">guerre civile</a> ou encore, plus récemment, Haïtiens et Brésiliens cherchant des conditions de vie meilleures : le fleuve abrite une population plurielle, composée de plus de 25 groupes ethniques différents !</p>
<p>D’ailleurs, dans cette région de l’Ouest guyanais, droit du sol et droit du sang s’estompent au profit d’une même revendication identitaire, celle du fleuve. Le Maroni est tout sauf une frontière, que ce soit pour les richesses mais aussi pour la pauvreté, la <a href="https://theconversation.com/violences-en-hausse-en-guyane-comment-le-passe-donne-quelques-clefs-71505">violence</a> et les maladies.</p>
<p>Les familles sont réparties entre les deux rives, les enfants se rendent quotidiennement en pirogue à l’école, les trafics légaux et illégaux passent par la voie d’eau, de l’intérieur des terres vers le littoral.</p>
<h2>Un fleuve vecteur de vie et mort</h2>
<p>Les peuples du Maroni font face à de nombreuses vulnérabilités : éloignement géographique, faible niveau socio-économique, exposition à des conditions climatiques exceptionnelles, mode de vie, inégalités de santé…</p>
<p>Ici, le risque infectieux est grand, notamment par les <em>arbovirus</em> (maladies transmises par les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30011271">moustiques</a>) dans un territoire où les populations utilisent les eaux de surface des rivières et des criques pour se laver ou faire la lessive et laissent près des habitats des eaux stagnantes.</p>
<p>De nouvelles menaces se font jour, liées à la plus forte exposition via le fleuve aux échanges avec le littoral et le Suriname (maladies métaboliques dues à de nouvelles habitudes alimentaires, addiction à l’alcool et aux drogues dures pures), et à la contamination de l’eau. La défaillance du traitement des eaux usées et l’absence d’accès à l’eau potable pour plus de <a href="https://eauguyane.fr/index.php?option=com_content&view=article&id=44&Itemid=270">45 000</a> personnes se combinent avec un <a href="https://la1ere.francetvinfo.fr/guyane/2015/07/24/patrick-lecante-l-acces-l-eau-potable-pour-tous-d-ici-2021-273307.html">manque d’hygiène encore marquée</a>. Il résulte d’une méconnaissance des cycles de contamination ou règles de prévention mais aussi de la prégnance de certaines représentations culturelles ou pratiques ancestrales.</p>
<p>Un autre danger vient du mercure. S’il est naturellement présent dans le sol guyanais, le mercure est aussi largement utilisé de manière illégale par les orpailleurs pour amalgamer l’or, dans les 300 sites d’extraction aujourd’hui en exploitation qui produisent <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lutte-contre-lorpaillage-illegal-en-guyane-des-pistes-scientifiques-pour-tracer-les-grains-dor">10 tonnes</a> d’or chaque année (contre 1 à 2 tonnes pour la production réglementée).</p>
<p>Ce mercure <a href="https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2017-10/1708_Rapport_Gold_mining_on_the_forest_cover_and_freshwater_in_the_Guiana_shield%202.pdf">contamine les eaux</a>, et, in fine, les hommes qui se <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/30610584">nourrissent des poissons</a>.</p>
<h2>Un projet pour le Maroni et ses populations</h2>
<p>Les populations du fleuve sont malades, le fleuve est lui-même fragilisé et sanctuarisé par de multiples bouleversements.</p>
<p>La pression démographique et migratoire, d’abord, avec des taux d’accroissement démographiques de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3284193?sommaire=3284208">4 à 6 % par an</a> dans les communes intérieures de Grand-Santi, Maripasoula ou Apatou, soit un doublement de la population en 18 ans ! Comment maintenir l’égalité de l’accès à l’offre de soins ?</p>
<p>La pression urbaine et économique est également forte, marquée par le développement de l’habitat spontané, l’isolement de populations sans accès à l’eau potable ni à l’électricité, la prégnance du chômage (près de trois-quarts des jeunes de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3532194">15 à 24 ans sont sans emploi</a> et les externalités négatives de l’orpaillage illégal (économie souterraine, criminalité).</p>
<p>Le malaise est, enfin, social en raison du délitement d’une identité culturelle commune et du désenchantement qu’engendre la modernité auprès des plus jeunes. Un véritable conflit de loyauté se joue entre savoirs traditionnels et modèle de modernité imposé d’une part et entre générations d’autre part. <a href="https://www.lepoint.fr/societe/en-guyane-la-communaute-wayana-tente-de-faire-face-a-une-vague-de-suicides-15-06-2019-2319106_23.php">Suicides et hystérisation collective</a> sont des phénomènes qui enflent dangereusement.</p>
<p>Le fleuve est au centre de ces enjeux, en pouvant soit relier les communautés soit les séparer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/296922/original/file-20191014-135509-147q6r3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vue aérienne du Maroni.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ronan Liétar/Iamazone</span></span>
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<p>Pour autant, autour de ce bien commun qu’est le Maroni, le champ des possibles reste ouvert. Un projet peut et doit émerger pour le territoire et pour le bien-être des populations. La situation telle qu’elle est, d’un fleuve morcelé et fragilisé et de personnes en détresse, ne peut en effet plus perdurer. À quoi sert d’augmenter l’espérance de vie si c’est pour offrir une vie sans espérance ?</p>
<p>Par ailleurs, les conditions sont réunies pour faire de la Guyane un laboratoire d’un autre modèle de développement autour de son fleuve, car la démarche d’expérimentation et de partenariat est déjà à l’œuvre dans le domaine de la santé.</p>
<p>En voici quelques exemples : <a href="https://www.guyane.ars.sante.fr/">participation de tradipraticiens</a> dans les protocoles de santé de médecine occidentale pour mieux accompagner et prendre en charge certaines pathologies parmi les populations autochtones ; projet de <a href="https://www.guyane.ars.sante.fr/">pirogues de la santé</a> porté par l’Agence régionale de la santé en Guyane pour renforcer les actions de santé publique sur le fleuve et la médiation culturelle ; <a href="https://www.malakit-project.org/fr/">Malakit</a>, initiative multipartenariale et expérimentale pour autodiagnostiquer et soigner le <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/29631588">paludisme parmi les orpailleurs</a>.</p>
<p>Il reste désormais à tous les acteurs locaux à poursuivre ce travail en commun entre domaines sanitaire, social, et recherche scientifique. Une nouvelle coopération entre les deux rives et entre amont et l’aval doit également émerger. Le fleuve est un être vivant, il ne peut être morcelé.</p>
<p>De nouvelles conditions de gouvernance doivent enfin être adoptées pour éviter le décalage entre normes et besoins locaux, entre la doctrine et les perceptions qu’ont les habitants de l’utilisation de l’eau ou de sa conservation. Ce doit notamment être le cas dans la lutte contre l’orpaillage illégal, où le procédé d’interpellations et d’investigations pour administrer la preuve s’avère souvent délicat d’un point de vue logistique (en plein cœur de la forêt guyanaise) et humain (les personnes interpellées étant aussi souvent des victimes sociales). Même constat dans le domaine de l’assainissement : s’il s’agit d’une obligation européenne et nationale, le taux de raccordement au réseau reste aujourd’hui faible dans l’Ouest guyanais, se heurtant au développement de l’habitat spontané et aux habitudes des populations.</p>
<p>Il s’agit d’adapter les règles, d’éduquer et d’associer les populations pour préserver l’héritage que représente le fleuve. Pour retisser le lien et lui donner un avenir.</p>
<hr>
<p><em>Erik Orsenna, <a href="https://www.initiativesfleuves.org/iagf/edito-du-president/">président de l’IAGF</a>, et l’ensemble des experts internationaux de l’Association ont contribué à l’élaboration de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125171/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mirdad Kazanji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Les conditions sont aujourd’hui réunies pour faire de la Guyane un laboratoire d’un autre modèle de développement autour de son fleuve.
Mirdad Kazanji, Directeur de l'Institut Pasteur de la Guyane, Institut Pasteur
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