tag:theconversation.com,2011:/us/topics/soft-skills-62725/articlessoft skills – The Conversation2024-01-14T16:24:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2206782024-01-14T16:24:58Z2024-01-14T16:24:58ZArmée de l’air et de l’espace : l’exigeant défi du recrutement des pilotes de combat<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568173/original/file-20240108-25-ah743g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=61%2C12%2C1983%2C1168&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les forces aériennes françaises comptent aujourd’hui de plus de 40&nbsp;000 aviateurs.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/falcon_33/48712907897">Falcon Photography/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dotée de <a href="https://air.defense.gouv.fr/fiche/chiffres_cles">plus de 40 000 aviateurs</a> employés dans une quarantaine de métiers, l’<a href="https://www.defense.gouv.fr/air">armée de l’air et de l’espace</a> (AAE) a pour raison d’être l’action dans la troisième dimension, ce qui repose en très grande partie sur les opérations aériennes dont les figures les plus emblématiques sont les pilotes de combat. Chaque année, l’AAE recrute en moyenne 120 pilotes : 70 <a href="https://devenir-aviateur.fr/devenir/nos-metiers/pilote-de-chasse">officiers sous contrat</a> (OSC ; niveau bac) et 50 <a href="https://www.ecole-air-espace.fr/devenir-officier/les-concours/">officiers de carrière</a> sur concours (École de l’Air et de l’Espace ; niveaux bac+2 à bac+5 en fonction de la filière). Lors de ce processus, il s’agit de détecter les candidats qui auront la probabilité la plus forte de réussir une longue et exigeante formation.</p>
<p>Ce choix se fait à travers une <a href="https://devenir-aviateur.fr/les-tests-devaluation-pour-les-pilotes-et-les-navigateurs-officiers-systemes-darmes">procédure de sélection</a> scientifique rigoureuse constituée de différentes épreuves élaborées par l’équipe de psychologues et d’informaticiens du Centre d’études et de recherches psychologiques Air (CERP’Air). En effet, les pilotes de l’AAE ne sont pas seulement sélectionnés pour leurs aptitudes à piloter. Leurs capacités de résilience, c’est-à-dire leurs capacités à surmonter les difficultés, ainsi que leur motivation militaire sont fondamentales.</p>
<h2>Compétences non techniques</h2>
<p>Les qualités recherchées, que l’on retrouve également au sein de l’US Air Force ou de la Royal Air Force britannique, relèvent de deux grands domaines : la sphère cognitive et psychomotrice ; et la <a href="https://www.cairn.info/l-orientation-scolaire-et-professionnelle--9782804705893-page-215.htm">sphère conative</a>, composée des « soft skills » et de la motivation.</p>
<p>Dans la sphère cognitive et psychomotrice, les aptitudes montrant les <a href="https://apps.dtic.mil/sti/citations/ADA546965">plus fortes corrélations avec les performances</a> en formation en vol sont l’orientation spatiale, la vitesse perceptive, le raisonnement arithmétique, la répartition de l’attention, l’attention sélective, le contrôle précis des mouvements et la coordination des mouvements des membres.</p>
<p>La forte validité prédictive de ces différentes aptitudes reflète certes le caractère technique du métier de pilote militaire mais ne doit pas occulter l’importance de la sphère conative. En effet, le pilote de combat évolue dans un milieu où la cohésion de l’équipe de travail est capitale. De plus, l’élève pilote doit affronter une formation longue et complexe tout en subissant nombre de contraintes stressantes.</p>
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<p>Par ailleurs, une fois les compétences de pilotage maîtrisées, les différences de performances entre les individus s’expliquent par les compétences non techniques dont le rôle est d’importance pour garantir des opérations aériennes sûres et efficaces. Ainsi, de récentes études ont mis en évidence la plus-value de caractéristiques individuelles telles que les <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10508414.2014.860843">compétences sociales</a>, les <a href="https://psycnet.apa.org/record/2013-20246-004">connaissances sur le métier</a> ou certains traits de <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-27938-007">personnalité</a>. Par exemple, les individus extravertis et émotionnellement stables résistent mieux au stress de la formation aéronautique.</p>
<p>Plus propre au domaine militaire, le rôle de ressources personnelles telles que le <a href="https://theses.fr/2020TOUR2011">capital psychologique</a> ou la <a href="https://www.pnas.org/doi/abs/10.1073/pnas.1910510116">« niaque »</a> (<em>grit</em> en anglais) accroissent la résilience de ces professionnels soumis à des environnements incertains et parfois dangereux.</p>
<h2>15 à 20 % de réussite</h2>
<p>Le besoin de faire passer un grand nombre d’épreuves à un flux conséquent de candidats a conduit à l’adoption d’une <a href="https://devenir-aviateur.fr/les-tests-devaluation-pour-les-pilotes-et-les-navigateurs-officiers-systemes-darmes">procédure en trois étapes</a> sélectives. Toutes les ressources humaines et techniques nécessaires à l’évaluation des candidats sont concentrées sur la base aérienne 705 de Tours-Cinq-Mars-La-Pile (Indre-et-Loire). Notons qu’à l’instar de toute candidate ou tout candidat postulant à une spécialité de l’AAE, un passage dans un Centre régional de recrutement Air permettra de s’assurer que les personnes ne présentent pas de contre-indication majeure (santé, niveau d’anglais, etc.).</p>
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<img alt="Avion militaire au décollage" src="https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/568171/original/file-20240108-25-3ytca0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les individus extravertis et émotionnellement stables résistent mieux au stress de la formation aéronautique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/joseluiscel/53166589587/">José Luis Celada Euba/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Ainsi, la première étape de la sélection consiste à évaluer le potentiel cognitif des candidats tandis que la deuxième est axée sur les aptitudes psychomotrices. Environ 25 % des personnes accèdent à la troisième et dernière étape dont l’objectif est de mesurer les « soft skills » et la motivation.</p>
<p>Ces qualités sont mesurées à l’aide d’une épreuve de résolution de problème en groupe et de deux entretiens individuels (un avec un psychologue du CERP’Air et un avec un binôme de personnel navigant formé à la conduite d’entretiens). Cette dernière étape n’est pas éliminatoire et peut être repassée sur décision de la commission de recrutement, tout candidat pouvant toujours améliorer, au prix d’un travail sur soi, son projet professionnel ou ses connaissances sur le métier.</p>
<p>En revanche, les deux premières étapes ne peuvent être repassées pour éviter des biais d’évaluation tels qu’un <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1468-2389.2011.00530.x">effet de familiarité ou la mémorisation de questions</a>. Au final, 15 à 20 % des candidats auront le privilège de s’asseoir dans le cockpit d’un appareil de l’AAE.</p>
<h2>Des processus en mutation</h2>
<p>L’aviation a connu un essor technologique fulgurant et bien que les aptitudes de base du pilote n’aient évolué qu’à la marge, les techniques de recrutement des pilotes sont actuellement en pleine mutation avec l’arrivée de la digitalisation et de l’intelligence artificielle.</p>
<p>L’actuelle procédure de sélection des pilotes de l’AAE avait déjà fait l’objet d’une refonte en mai 2018 à la suite de différents <a href="https://psycnet.apa.org/record/2023-72916-003">travaux de recherche</a> intégrant l’avis des experts métiers comme les pilotes qualifiés. Cependant, la prise en compte de l’humain et le respect du règlement général sur la protection des données viennent aujourd’hui modérer une tendance à la disruption.</p>
<p>L’objectif d’une sélection de pilotes militaires est néanmoins de rester efficace et évolutive tout en tirant le meilleur parti de tous les outils et méthodes existant ou à venir. Aussi le CERP’Air met régulièrement à jour ses épreuves afin de suivre les évolutions techniques requérant de nouvelles compétences telles que la prise en compte d’un nombre de données tactiques en accroissement constant du fait de l’interconnexion des matériels (avions, drones, radars, etc.).</p>
<p>En définitive, cette procédure de sélection exigeante et complexe reste nécessaire à l’AAE pour pourvoir les forces aériennes en personnel fiable et compétent. Cette étape permet également de réduire drastiquement les lourdes déconvenues personnelles générées par un arrêt de la progression une fois en poste. Bien que rare, cet événement peut être traumatisant pour l’apprenti ou l’apprentie pilote qui voit alors son rêve prendre fin.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220678/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le processus d’embauche des pilotes de combat se fonde sur des compétences qui dépassent largement les aptitudes au pilotage.Frédéric Choisay, Docteur en psychologie du travail, EE 1901 QualiPsy, Université de ToursEvelyne Fouquereau, Professeure des Universités en Psychologie du travail, Directrice EE 1901 QualiPsy, Université de ToursLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2201592023-12-21T17:43:23Z2023-12-21T17:43:23ZM. Dupuis a-t-il eu raison d’embaucher Gaston Lagaffe ?<p>Le 22<sup>e</sup> opus des gags de Gaston Lagaffe, le garçon de bureau des éditions Dupuis imaginé par André Franquin et qui renaît aujourd’hui sous la plume du Québécois Delaf, est arrivé en librairie le 22 novembre avec <a href="https://www.leparisien.fr/culture-loisirs/livres/ventes-de-bd-avec-le-retour-de-lagaffe-gaston-fait-un-carton-13-12-2023-BEFTVGWRRNHDJM2LVCVYKFMGCI.php">succès</a>. Avec 300 000 exemplaires écoulés en trois semaines, l’album intitulé <em>Le Retour de Lagaffe</em> s’est classé pendant 15 jours en tête des ventes de livres en France, se payant le luxe de devancer alors le nouvel Astérix.</p>
<p>C’est l’occasion pour nous de retrouver le gaffeur en chef pour l’observer avec le regard du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">directeur des ressources humaines</a> ou du manager. Et si Gaston n’était pas (que) le boulet que tout le monde imagine ? Et s’il était, au contraire, un collaborateur précieux pour l’entreprise ? Les temps changent et lui qui pouvait incarner un (sympathique) tire-au-flanc pourrait aujourd’hui être, au contraire, un profil précieux à recruter pour les entreprises.</p>
<h2>Gaston a de vraies compétences</h2>
<p>Certes Gaston manque dramatiquement de ce que l’on appelle des « hard skills » (ses compétences techniques). Du moins ne les montre-t-il pas. Il semble incapable de faire ce qui est sa tâche supposée. Quoi qu’on lui confie, l’échec semble assuré : le tri du courrier n’avance pas, la salle de documentation n’est pas rangée, les livraisons ne sont pas correctement faites et tout est bon pour esquiver les missions que son manager pourrait être assez fou pour lui confier.</p>
<p>Ce dernier, Prunelle, ne s’en rend peut-être pas compte mais Gaston dispose pourtant de compétences aujourd’hui assez prisées par les directions des ressources humaines : des <a href="https://theconversation.com/talent-competence-soft-skills-une-mode-manageriale-de-plus-213117">« soft skills »</a>, ces compétences de nature plus sociales, émotionnelles, relationnelles ou comportementales.</p>
<p>Gaston est un chic type, Prunelle lui-même admettant parfois que « ce garçon a bon fond ». Dans une époque où la bienveillance et le souci de l’autre sont des qualités recherchées en entreprise et pour le travail en équipe, il peut être un atout (risqué) pour la cohésion. Il cherche toujours à aider ses collègues, à enlever les petits cailloux du quotidien. Même si ses réalisations sont assez aléatoires, il a le souci de contribuer au confort des autres comme quand il se propose de mettre son (discutable) génie créatif au service de la lutte contre les mouches importunant ses collègues (p. 12).</p>
<p>Gaston est aussi, parfois à son corps défendant, un élément de la marque employeur. Il dépoussière l’image de l’entreprise et la valorise auprès des plus <a href="https://theconversation.com/equilibre-de-vie-sens-ethique-les-nouvelles-cles-pour-fideliser-les-jeunes-en-entreprise-184504">jeunes générations</a> en montrant un visage plus expérimental. Il est un ambassadeur (malheureux mais efficace) de l’entreprise (p. 4). Lagaffe peut aussi être un vrai soutien psychologique pour les plus jeunes pousses comme quand il choisit d’encourager un jeune dessinateur envers et contre tous (p.24).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1233157431275991041"}"></div></p>
<p>Il est ensuite un vrai Chief Happyness Officer qui s’ignore et beaucoup de ses aventures vont dans le sens du bien-être et de la qualité de vie et des conditions de travail. D’abord parce qu’il n’hésite pas à se mettre au service de ses collègues pour leur faire plaisir comme lorsqu’en période de forte chaleur il tente (hélas) de faire des glaces pour leur offrir un rafraîchissement (p. 9). Gaston est aussi depuis toujours un pionnier de la réduction du stress par la <a href="https://theconversation.com/un-animal-de-compagnie-au-travail-cest-plus-dimplication-et-moins-de-stress-189988">présence des animaux au travail</a> : grâce à sa mouette, son chat et son poisson rouge, les Éditions Dupuis ont mis en place depuis longtemps ce que de grandes entreprises expérimentent depuis peu sous le nom de code <em>Pet at work</em>. Enfin, il est convaincu des bienfaits du travail dans la bonne humeur et de la psychologie positive au service de la performance. Gaston exerce souvent son (discutable) humour pour égayer les journées de ses collègues et de son management, comme quand il trafique le répertoire de Prunelle pour le 1<sup>er</sup> avril (p. 26).</p>
<h2>Quelques « mad skills » aussi</h2>
<p>Le héros aux espadrilles bleues et au pull vert est aussi doté de compétences atypiques et inattendues que les DRH recherchent pour des entreprises souhaitant bousculer un peu leur modèles managériaux : des « <a href="https://theconversation.com/les-mad-skills-au-coeur-des-metiers-de-demain-181505">mad skills</a> », qualités propres aux profils décalés qui les conduit hors des sentiers habituels tout en étant animés de bonnes intentions. On parle aussi parfois de « déviance positive ».</p>
<p>Gaston est un hackathon a lui tout seul. Il ne cesse de questionner les règles, de pirater les espaces et de repousser les lignes. Accepter de le considérer comme une richesse plutôt que comme un risque permet de changer d’angle de vue sur son rôle dans l’entreprise et peut permettre à Prunelle et aux Éditions Dupuis de mieux utiliser ces compétences.</p>
<p>D’abord parce que Lagaffe est un vrai <a href="https://theconversation.com/lintrapreneuriat-un-subtil-equilibre-entre-organisation-et-desorganisation-209555">intrapreneur</a>. Au sein des Éditions Dupuis, il n’a de cesse de se comporter en véritable électron libre mettant en permanence son esprit créatif à contribution, un peu comme dans une start-up ou un incubateur. Incapable de suivre les <em>process</em> et de se conformer aux <em>reportings</em> et divers outils de mesure, il passe son temps en dehors de clous. Gaston cherche tout le temps à inventer, à créer. Si ses résultats sont assez souvent catastrophiques, sa démarche est assez emblématique, quand bien même rarement efficace.</p>
<p>Gaston est aussi un innovateur né qui n’hésite pas à se lancer de manière autonome et avec une vraie prise d’initiative dans le suivi de projets décalés. Les « side projects » qu’il mène au sein des Éditions Dupuis en parallèle de son activité principale sont soit un passe-temps, soit un moyen d’apprendre une nouvelle compétence (comme sa tentative catastrophique de faire de la musique). Mais le gaffeur peut aussi tester une idée d’entreprise sans prendre (trop) de risque et avoir une intuition géniale dont la réalisation maîtrisée pourrait profiter à toute l’organisation. Son idée de téléphone (trans) portable sur roulement à billes (p. 5) est remarquable. Si sa mise en œuvre est catastrophique, on peut regretter que Gaston n’ait pas été accompagné dans la concrétisation de sa géniale intuition.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566563/original/file-20231219-29-4dyqky.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=452&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le G-Phone aurait-il pu avoir un grand avenir ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dupuis.com/actualites/FR/un-nouvel-album-de-gaston-lagaffe-sera-publie-prochainement/4861">Delaf d’apres Franquin/Dupuis</a></span>
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<p>Gaston Lagaffe est enfin un militant convaincu du « right to repair mouvement », c’est-à-dire du mouvement pour le droit à la réparation qui valorise la réparation des appareils plutôt que leur remplacement par du neuf à la moindre panne. Celui-ci a d’ailleurs récemment fait l’objet de <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20231117IPR12211/des-regles-pour-inciter-les-consommateurs-a-reparer-plutot-qu-a-remplacer">nouvelles règles européennes</a> visant à le favoriser. Avec une <a href="https://theconversation.com/des-ressources-humaines-orientees-rse-une-opportunite-economique-pour-les-entreprises-218621">conscience RSE</a> sans faille, notre gaffeur préféré passe une bonne partie de son temps à inspecter (sans grand succès) les appareils de ses collègues ou que des amis lui confient. De la tondeuse au téléphone en passant par les postes de radio, rien ne lui échappe (p. 28). Pour Gaston, l’obsolescence programmée des objets doit être combattue et le bricolage doit devenir la nouvelle règle d’exploitation raisonnée des ressources. Il est presque un ambassadeur du développement durable interne dans l’entreprise… que tout le monde ignore. Jusqu’à ce que les aléas que ces réparations occasionnent fassent des victimes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-mad-skills-au-coeur-des-metiers-de-demain-181505">Les « mad skills », au cœur des métiers de demain ?</a>
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<p>Finalement, Gaston Lagaffe nous invite à poursuivre la réflexion suivante : pourquoi des collaborateurs avec de vraies compétences décalées sont si mal gérés par leur management et si mal vus par les entreprises ? Comme le gaffeur, il faut sûrement penser hors des carcans habituels, « out of the box », pour gérer ces talents bizarres qui peuvent s’avérer précieux lorsque leur énergie est déployée à bon escient. Le management et les RH doivent sûrement accepter aussi d’ajuster leurs modèles pour permettre l’agilité nécessaire à la gestion de ce genre de profils spéciaux. Dans l’intérêt de tous. C’est une question de diversité et d’inclusion. A bien y regarder, Gaston Lagaffe est un assez bon sujet de management et de RH. Et un collaborateur qu’il faut oser embaucher.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220159/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Lacan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le roi des gaffes, dont les nouvelles planches rencontrent un véritable succès, est-il vraiment nuisible au travail ? Les entreprises n’auraient-elles pas plutôt besoin de ce profil farfelu ?Arnaud Lacan, Professeur de management - Chercheur au GREQAM AMSE - Titulaire de la Chaire AGIPI KEDGE « Le travail indépendant et les nouvelles formes d'entrepreneuriat », Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014322023-03-12T17:12:18Z2023-03-12T17:12:18ZLes tests de personnalité sont-ils vraiment un bon outil de sélection en entreprise ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514239/original/file-20230308-1070-gko9ak.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C20%2C965%2C724&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une certaine répétition dans le contenu des questions est inévitable…
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/30478819@N08/51226099988">Flickr/Marco Verch Professional Photographer</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La notion de « personnalité » (ou, plus rarement, de « caractère ») est souvent invoquée lors <a href="https://www.pole-emploi.fr/employeur/lessentiel-pour-embaucher/savoir-faire-et-savoir-etre/3-tests-de-personnalite--pour-re.html">d’un processus de recrutement</a>. Les psychologues spécialisés en gestion des ressources humaines avancent que les personnalités des employés <a href="https://www.centraltest.fr/blog/personnalite-et-performance-vont-elles-de-pair">prédisent en partie leur performance</a> car qu’elles sont stables, difficiles à changer et formées de <a href="https://fr.indeed.com/conseils-carrieres/developpement-personnel/meilleurs-traits-caracteres-monde-travail">grandes caractéristiques souvent appelées « traits »</a>. Cette perspective justifie l’existence de tests de personnalité administrés pour identifier les caractéristiques fondamentales affectant la performance des employés et composer des <a href="https://asana.com/fr/resources/team-roles">équipes équilibrées</a>.</p>
<p>Comme expliqué dans une <a href="http://www.leseditionsovadia.com/collections/22-les-carrefours-d-ariane/159-personnalite-ou-performance.html">publication toujours d’actualité</a>, les questionnaires de personnalité suivent presque tous une même logique. Ils consistent en une série de questions auxquelles il faut répondre par « oui » ou « non » (certains proposent des réponses graduées ou neutres). Lorsque le test est complété, les réponses sont compilées suivant plusieurs axes, qui sont autant de traits de personnalité mesurés par le questionnaire.</p>
<p><a href="https://nospensees.fr/cattell-modele-de-personnalite-16-pf/">Le test de Cattell</a>, connu sous le nom de « 16PF », date de 1949 et peut être considéré comme l’ancêtre des tests de personnalité. Populaire jusque dans les années 1980, il a été depuis supplanté, notamment par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mod%C3%A8le_des_Big_Five_(psychologie)">« Big Five » </a>(unesimplificationdu16PF), le <a href="http://www.psychomedia.qc.ca/tests/inventaire-personnalite-hexaco">HEXACO</a> (tiré du « Big Five ») et surtout le <a href="https://eu.themyersbriggs.com/fr-BE/tools/MBTI/MBTI-personality-Types">MBTI</a>. Voici un exemple de profil généré par le 16PF :</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514223/original/file-20230308-18-cj3g93.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple de profil généré par un test « 16PF ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La personne ayant ce profil aura été jugée « très intelligente », « très assertive », « faisant confiance facilement », « très imaginative », « très directe », « très placide » et « très autosuffisante ». Cependant, dans le cadre d’un processus d’embauche, elle aura très vraisemblablement été écartée. En effet, son profil est déséquilibré : 11 des 16 traits ont été mesurés en dehors de la zone moyenne, 7 d’entre eux en étant même très éloigné.</p>
<h2>Préférence pour le profil moyen</h2>
<p>D’une manière générale, un candidat dont le profil est déséquilibré comme celui ci-dessus n’a que peu de chance d’être sélectionné. En l’espèce, qui a envie de travailler avec quelqu’un de plus intelligent, assertif, confiant, imaginatif, etc. que soi-même ? Un profil « équilibré », « rond » ou « lisse », c’est-à-dire dont la plupart des traits de personnalité ont été mesurés proche de la moyenne, aura lui, nettement plus de chances d’être retenu.</p>
<p>Certes, une telle personne sera un peu ennuyeuse (ni trop intelligente, ni trop imaginative, etc.), mais au moins elle ne fera d’ombre à personne. Le profil moyen est donc le profil psychologique idéal, du moins dans le cadre d’une procédure de sélection à l’emploi et en l’absence d’informations complémentaires sur le poste et l’entreprise concernés. Mais comment l’obtenir ?</p>
<p>Quel que soit le questionnaire, un trait donné est mesuré en rapprochant les réponses à un groupe de dix, quinze ou vingt questions différentes et en les comparant avec des moyennes établies par les concepteurs du test. Les questions d’un groupe, bien que formulées différemment, portent en fait sur la même dimension psychologique. La langue française est souple, mais il n’existe qu’un nombre limité de manières de demander, par exemple, à quelqu’un s’il a beaucoup d’amis ou s’en fait facilement. Une certaine répétition dans le contenu des questions est inévitable.</p>
<p>Pour éviter un score extrême (dans un sens ou dans l’autre) pour un trait, on répondra de manière la plus conventionnelle possible aux questions (comme si on était Monsieur ou Madame Toulemonde, heureux et bien dans sa peau). De plus, on n’hésitera pas à se contredire de temps en temps. Par exemple, si on a répondu « oui » à deux ou trois questions du type « je donne souvent spontanément mon opinion », on répondra « non » à la question « je dis fréquemment ce que je pense ». Ainsi, le trait de personnalité que ces questions essayent de mesurer ne ressortira pas avec un score trop élevé ou trop faible.</p>
<h2>« Comprenez-vous pourquoi des gens aiment l’art abstrait ? »</h2>
<p>Les adeptes des tests de personnalité protesteront qu’il n’y a pas de « bonnes » ou « mauvaises » réponses à leurs questions, que les scores ne s’apprécient pas isolément, qu’il est malhonnête d’essayer de tricher, que cela n’est pas possible et que même si cela l’était, c’est le candidat qui en pâtira car il risque de se voir proposer un <a href="https://www.lefigaro.fr/sciences/comment-cerner-votre-personnalite-au-travail-20210314">poste qui ne lui convient pas</a>. Ces remarques peuvent cependant être largement nuancées.</p>
<p>Tout d’abord, vouloir ressortir du test de personnalité avec le profil le plus avantageux possible est du même ordre d’idée que de vouloir faire bonne impression lors d’un entretien. Par exemple, les personnes qui s’habillent de façon négligée dans leur vie de tous les jours font généralement l’effort de s’habiller au mieux pour un entretien d’embauche. De tels ajustements ne sont pas considérés comme de la malhonnêteté. Ils sont même encouragés, alors qu’ils travestissent la « véritable nature » de la personne (en supposant qu’il y en ait une) de la même manière que des réponses calculées à des questions de personnalité.</p>
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<a href="https://theconversation.com/vous-postulez-dans-une-banque-enlevez-vos-piercings-et-cachez-vos-tatouages-194571">Vous postulez dans une banque ? Enlevez vos piercings et cachez vos tatouages !</a>
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<p>Le test « Big Five » contient des questions comme « savez-vous pourquoi les étoiles scintillent ? », « préférez-vous un livre à un film à la télévision ? » ou encore « comprenez-vous pourquoi des gens aiment l’art abstrait ? » La pertinence de ces questions dans le cadre d’un recrutement pour un poste de responsable marketing, de consultant ou autre semble douteuse.</p>
<p>En effet, pour rappel, le code du travail (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000006189415/">article L 1221-6</a>) précise que :</p>
<blockquote>
<p>« Les informations demandées au candidat à un emploi, sous quelque forme que ce soit, ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles ».</p>
</blockquote>
<p>L’objectif du législateur est de protéger les candidats contre les discriminations. Poser une question comme celles énoncées précédemment s’apparente donc à de la discrimination selon le code du travail.</p>
<h2>Questions pièges</h2>
<p>Conscients de la possibilité de manipuler les résultats de leurs tests, les psychologues y insèrent parfois des questions pièges (<a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/1948550617737141">« lie scale »</a> en anglais). Celles-ci ne mesurent pas directement un trait de personnalité, mais évaluent l’honnêteté de la personne qui passe le test (et donc la fiabilité de celui-ci) en comparant ses réponses avec ce que les concepteurs du test ont estimé être une conduite normale.</p>
<p>Ces questions particulières portent sur des comportements critiquables mais très courants. Par exemple : « toutes vos habitudes sont-elles bonnes ? » ; « vous vantez-vous parfois un peu ? » ; « avez-vous déjà dit du mal de quelqu’un ? », etc.</p>
<p>Afin d’apparaître comme honnête, on répondra « non », « oui » et « oui », même si cela implique de mentir sur soi-même. Une fois ces questions pièges déjouées, les autres questions peuvent être répondues comme bon le semble.</p>
<p>Reste finalement le risque de se voir proposer un poste qui ne convient pas à sa « personnalité ». À cette remarque, on rétorquera que c’est sûrement un risque plus acceptable que celui de ne pas se voir proposer un poste du tout.</p>
<p>Certains promoteurs des tests de personnalité affirment qu’ils sont utiles pour s’assurer de la cohérence de la personnalité du candidat avec la culture de l’entreprise. Comme le faisait remarquer le professeur et consultant américain en management <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Peter_Drucker">Peter Drucker</a>, une telle pratique, en admettant qu’elle soit efficace, ne ferait qu’encourager favoritisme et conformisme et se retournera contre l’entreprise lorsqu’une diversité des opinions sera nécessaire.</p>
<p>Quoiqu’il en soit, l’utilisation des tests de personnalité dans le cadre d’un processus d’embauche est peu efficace et juridiquement douteuse. <a href="https://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/02/24/recrutement-les-tests-de-personnalite-en-question_4372053_1698637.html">Il est temps de s’en détourner</a>.</p>
<p>Plutôt que d’essayer d’évaluer la personnalité d’un candidat, les recruteurs peuvent par exemple vérifier, via des mises en situation, s’il sait se présenter, animer une réunion, exposer un argument et écouter ses interlocuteurs, ou s’il a le sens du service (compétences souvent appelées « soft skills », <a href="https://start.lesechos.fr/apprendre/universites-ecoles/soft-skills-les-oubliees-des-ecoles-de-commerce-1886592">souvent oubliées des écoles de management</a> – mais <a href="https://www.emlv.fr/programmes/grande-ecole/soft-skills-et-transversalite/">enseignées à l’EMLV</a>). Si nécessaire, des tests cognitifs (de QI ou de connaissances spécifiques) peuvent être organisés pour les aspects techniques de l’emploi concerné (les « hard skills »).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201432/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les candidats peuvent notamment être tentés de se présenter sous leur meilleur jour à travers leurs réponses à des questionnaires qui, en outre, visent à écarter les profils moyens.Jean-Etienne Joullié, Professeur de management à l'EMLV, Pôle Léonard de VinciBertrand Jonquois, Responsable du Master Marketing Digital et Data Analytics, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1827152022-07-04T18:42:15Z2022-07-04T18:42:15ZArts, histoire, philosophie… les employeurs apprécient de plus en plus les compétences non techniques<p>« Le fondement des sociétés démocratiques et libérales est l’esprit critique, qui se nourrit de la connaissance des humanités. Sans exception, les <a href="https://www.japantimes.co.jp/opinion/2015/08/23/commentary/japan-commentary/humanities-attack/">États totalitaires rejettent l’enseignement des humanités</a>, et les États qui rejettent cet enseignement deviennent toujours totalitaires ». Tels étaient en 2015 les mots de Takamitsu Sawa, alors président de <a href="http://www.shiga-u.ac.jp/english/">Shiga University</a> au Japon, en réponse à une déclaration du premier ministre Shinzo Abe qui estimait que l’enseignement supérieur devait exclusivement « produire des ressources humaines qui correspondent aux besoins de la société ».</p>
<p>Cet échange montre que le monde de l’enseignement supérieur a longtemps fonctionné sur des dichotomies radicales opposant disciplines littéraires et sciences dures, humanités (lettres, philosophie et sciences humaines) et STEM (<em>science, technology, engineering et mathematics</em>), formations générales et formations professionnalisantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-creativite-pont-entre-les-etudes-de-sciences-et-les-humanites-110615">La créativité, pont entre les études de sciences et les humanités ?</a>
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<p>Le critère clé permettant d’arbitrer entre ces différents couples serait leur supposée « utilité » à court terme sur le marché du travail ; un raisonnement longtemps partagé dans le monde anglo-saxon. Pour preuve, seuls <a href="https://www.cnbc.com/id/100642178">8 % des étudiants américains suivent aujourd’hui une majeure en humanités contre 17 % en 1967</a>. Histoire, littérature, philosophie, langues, sont des disciplines en perte de vitesse au motif qu’elles seraient décorrélées des besoins de la vie professionnelle.</p>
<h2>Une demande des employeurs</h2>
<p>Notons que des États comme le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/05/06/bresil-les-sciences-sociales-et-les-humanites-ne-sont-pas-un-luxe_5458932_3232.html">Brésil</a>, le <a href="http://www.slate.fr/story/106865/japon-sciences-humaines">Japon</a> ou encore le Royaume-Uni (à travers le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1078817420300134">Research Excellence Framework</a>) n’ont en outre pas hésité à réduire la part des humanités dans l’enseignement supérieur, estimant qu’elles manquaient « d’impact » aussi bien en termes de recherche que d’employabilité. Les humanités apparaissent, en conséquence, comme de plus en plus contraintes de justifier leur existence – quand elles ne doivent pas lutter pour leur survie dans l’enseignement supérieur.</p>
<p>Et pourtant, paradoxe qu’il convient de souligner, ce sont aujourd’hui les <a href="https://hbr.org/2019/09/yes-employers-do-value-liberal-arts-degrees">employeurs qui défendent les humanités</a> : en effet, 80 % d’entre eux estiment que « l’ensemble des étudiants ont besoin de bases solides en arts libéraux (<em>liberal arts</em>) ». Cette expression courante dans le monde anglo-saxon, désigne les disciplines-socles telles que les mathématiques, les sciences sociales, l’histoire, la philosophie, les sciences physiques et de la vie et les disciplines artistiques. Les humanités en constituent donc un sous-ensemble.</p>
<p>Il est intéressant de rappeler que l’enseignement des arts libéraux est <a href="https://blog.headway-advisory.com/le-passe-a-un-bel-avenir-les-arts-liberaux-ou-la-force-du-continuum-classes-preparatoires-grandes-ecoles/">né dans l’université médiévale</a> ; il était sanctionné par un diplôme, le « bachelor es arts », lequel permettait d’exercer un emploi intellectuel ou de poursuivre ses études dans une filière spécialisée : la médecine, le droit ou la théologie. Ce modèle de « bachelor » généraliste et transversal, éventuellement suivi d’une spécialisation a migré de la France vers l’Angleterre puis les États-Unis. Par un curieux paradoxe de l’histoire, ce modèle pédagogique revient aujourd’hui vers son pays d’origine. Notons au passage qu’il a perduré en France, sous une autre appellation, dans le modèle des classes préparatoires dont beaucoup mêlent enseignements littéraires et scientifiques, notamment celles qui préparent aux grandes écoles de management !</p>
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<p>Fait significatif, de <a href="https://www.letudiant.fr/educpros/enquetes/les-ecoles-de-commerce-ouvrent-humanites.html">plus en plus de business schools</a> <a href="https://www.aacsb.edu/insights/articles/2020/06/partnering-with-humanities-to-improve-job-skills-in-business-graduates">nord-américaines</a> (<a href="https://grandes-ecoles.studyrama.com/espace-prepas/reportages-dans-les-ecoles/skema-business-school/thinkforward-la-nouvelle-philosophie-du-programme-grande-ecole-de-skema-7454.html">mais aussi françaises</a>) défendent l’intégration des « arts libéraux » dans leurs parcours. Jamie McKown, doyen-associé du College of the Atlantic, plaide ainsi pour une éducation complète associant aux disciplines directement professionnalisantes l’histoire, la littérature, les sciences politiques mais aussi les disciplines scientifiques traditionnelles.</p>
<h2>Mieux payés à 40 ans</h2>
<p>Il estime en effet que <a href="https://www.cnbc.com/id/100642178">« les États-Unis perdront leur avantage concurrentiel »</a> s’ils adoptent l’approche simpliste selon laquelle cette éducation aux STEM est la seule voie vers la réussite économique. D’ailleurs, le fondateur d’Apple <a href="https://hbr.org/2011/08/steve-jobss-ultimate-lesson-fo">Steve Jobs ne s’y trompait pas</a> en déclarant, lors du lancement de l’iPad en 2011 :</p>
<blockquote>
<p>« Chez Apple, la technologie seule ne suffit pas. C’est la technologie couplée aux arts libéraux, aux sciences humaines, qui donne les résultats nous réjouissent ».</p>
</blockquote>
<p>Les humanités constituent complément indispensable aux compétences professionnelles, et cela à triple titre. D’abord, les humanités permettent d’acquérir des <strong>compétences durables</strong>, à la différence des savoirs techniques et technologiques. Un récent <a href="https://www.nature.com/articles/s41599-019-0245-6#Fig1">article</a> publié dans la revue <em>Nature</em> met en évidence ces acquis : pensée critique, esprit de synthèse, ouverture d’esprit, pluralité des points de vue… bref, culture générale. A contrario, les savoirs techniques connaissent une obsolescence assez rapide. Voilà pourquoi, comme l’ont montré les chercheurs d’Harvard David J. Deming et Kadeem Noray, l’avantage salarial des diplômés des STEM est le plus élevé à l’entrée sur le marché à du travail. En revanche, il <a href="https://academic.oup.com/qje/article/135/4/1965/5858010">diminue de plus de 50 % au cours de la première décennie</a> de vie active en raison de l’obsolescence des compétences acquises.</p>
<p>Par ailleurs, les arts libéraux et les humanités favorisent le développement de toutes sortes de compétences et, en particulier, les « <strong>soft skills</strong> », c’est-à-dire les compétences sociales, émotionnelles, ou comportementales qui ne relèvent pas d’un enseignement académique ou technique. C’est pourquoi ils sont aujourd’hui plébiscités par les employeurs. Une étude de 2018 conduite par l’Association of American Colleges and Universities, intitulée <a href="https://dgmg81phhvh63.cloudfront.net/content/user-photos/Research/PDFs/2018EmployerResearchReport.pdf"><em>Fullfilling the American Dream : Liberal Education and the Future of Work</em></a>, a notamment mis en évidence que les compétences les plus prisées par les employeurs sont précisément celles qui sont enseignées dans les cursus d’humanités : communication écrite et orale, pensée critique et créative, jugement éthique, capacité à travailler en groupe…</p>
<p><iframe id="L8050" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L8050/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Or, ce même rapport révèle qu’il existe un décalage, parfois énorme, entre les acquis des jeunes diplômés et les besoins du marché identifiés par les responsables des ressources humaines.</p>
<p><iframe id="u0rEk" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/u0rEk/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En d’autres termes, un certain nombre de compétences non techniques mais indispensables à la conduite du travail font aujourd’hui cruellement défaut aux jeunes diplômés. Ce manque est d’autant plus dommageable que les actuels étudiants seront amenés à changer <a href="https://hbr.org/2019/09/yes-employers-do-value-liberal-arts-degrees">12 fois d’emplois en moyenne au cours leur carrière</a>. Dans ces conditions, maîtriser des compétences socles, qui échappent par leur nature même à l’obsolescence, est le meilleur passeport pour l’adaptation.</p>
<p>Enfin, un troisième argument plaide en faveur de l’étude des humanités et des arts libéraux : ces disciplines, en <a href="https://knowledge.skema-bs.fr/pourquoi-nous-avons-besoin-des-humanites/">initiant à la complexité</a>, préparent ceux qui les étudient à <strong>appréhender un monde de plus en plus incertain</strong> et à l’aube de <a href="https://www.researchgate.net/publication/325457088_Global_Turning_Points_The_Challenges_for_Business_and_Society_in_the_21st_Century">changements majeurs</a> avec notamment la transition énergétique qui s’annonce.</p>
<p>L’ensemble de ces éléments explique pourquoi, selon <a href="https://www.nytimes.com/2019/09/20/business/liberal-arts-stem-salaries.html">David Deming</a>, à 40 ans, les anciens diplômés de STEM ont un revenu annuel moyen de 124 000 dollars environ contre 131 000 pour ceux qui ont suivi des études de sciences sociales.</p>
<h2>Les arts libéraux, des disciplines humanistes</h2>
<p>Un dernier argument mérite d’être relevé. Même si <a href="https://oxford.universitypressscholarship.com/view/10.1093/acprof:oso/9780195175769.001.0001/acprof-9780195175769">on peut douter</a> que des sentiments emphatiques soient toujours convertis en actions altruistes, <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/The_Theory_of_Moral_Sentiments">économistes</a>, <a href="https://www.romankrznaric.com/empathy-a-handbook-for-revolution">philosophes</a>, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/epdf/10.1002/symb.306">sociologues</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/10755470211018812?journalCode=scxb">anthropologues</a>, et même <a href="https://www.emory.edu/LIVING_LINKS/empathy/">primatologues</a> s’accordent pour reconnaître que l’empathie est une condition fondamentale, la « seconde main invisible », qui assure la stabilité de nos sociétés. Les arts libéraux, qui s’intéressent par définition à l’humain, peuvent ainsi permettre d’accroître le désir de vivre ensemble en facilitant la découverte de ceux que nous ignorons, dans toute leur complexité et leur diversité.</p>
<p>In fine, humanités et arts libéraux ne sont ni un supplément d’âme ni des disciplines qu’il conviendrait de minimiser au nom de leur supposée faible employabilité. Au contraire, non seulement elles accroissent les compétences professionnelles de ceux qui les maîtrisent mais, mises en œuvre, elles contribuent à renforcer le bien commun. Double raison qui explique qu’il faille, d’urgence, inverser la tendance et les mettre en avant, notamment dans les établissements d’enseignement supérieur qui forment une partie de l’élite de demain.</p>
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<p><em>Bénédicte Decaux, responsable éditoriale à SKEMA Business School, a participé à la rédaction de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182715/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les disciplines relatives aux « humanités » forment à des compétences durables qui deviennent de véritables atouts dans la progression de carrière.Frédéric Munier, Professeur de géopolitique, SKEMA Business SchoolRodolphe Desbordes, Professeur d'Economie, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1815052022-05-04T18:41:19Z2022-05-04T18:41:19ZLes « mad skills », au cœur des métiers de demain ?<p>Alors que les innovations technologiques s’accélèrent, les frontières des métiers se redéfinissent sans cesse et de nouvelles fonctions apparaissent. Difficile donc quand on entre dans l’enseignement supérieur de savoir exactement de quelles missions une carrière sera faite. Pour aider les étudiants à se projeter dans l’avenir, la presse magazine explore régulièrement ces nouveaux terrains, à l’instar du mensuel Capital qui, fin 2021, s’est arrêté sur <a href="https://www.capital.fr/votre-carriere/10-metiers-que-vous-pourrez-exercer-dans-10-ans-1422286">« 10 métiers que vous pourrez exercer</a>… dans 10 ans ».</p>
<p>Quelles compétences faudra-t-il pour les pratiquer ? Quels sont les postures et savoir-faire qui feront la différence dans la maitrise d’un poste ? Et surtout, notre pédagogie est-elle en phase pour former dès à présent à ces métiers ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions – et parce qu’ils sont au cœur de nos ambitions pédagogiques – nous nous appuierons sur trois des dix métiers cités dans l’article : « nudge designer », éducateur de robot et anticipateur de crise.</p>
<h2>Sortir des cadres connus</h2>
<p>Le nudge designer est celui qui « imagine des solutions pour influencer les comportements des usagers ou des consommateurs », nous dit l’article ; c’est celui qui dessinera par exemple des pas sur un trottoir vers la poubelle pour inciter à la propreté.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-nudges-un-coup-de-pouce-non-violent-95306">Les nudges : un coup de pouce non violent ?</a>
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<p>Bien sûr, il lui faut des compétences fondamentales, en l’occurrence des <a href="https://www.contrepoints.org/2021/02/16/390698-lanatomie-dun-nudge#comments_container">connaissances en psychologie comportementale/cognitive</a> afin de déterminer ce qui fait qu’une personne va agir ou non et des compétences transversales comme l’empathie, la communication. Cependant pour imaginer des dispositifs vraiment innovants, le nudge designer devra posséder une manière de voir complètement décalée, voire déviante du formatage classique…</p>
<p>Pour devenir éducateur de robot, il sera préférable de savoir coder (« hard skill »), cela demandera également de comprendre la relation homme machine (« soft skill ») mais aussi d’être capable d’imaginer des scénarii où les robots seront plus compétents que l’humain. Il s’agira enfin de réfléchir à la manière dont le robot pourra apprendre l’éthique et l’empathie. Ces nouvelles manières d’enseigner aux robots devront sûrement être très inventives, très surprenantes, voire inattendues…</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9NdmAw7LETY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Elever un robot journaliste : le cas de Flint (Benoît Raphaël – Ouest Médialab, 2017).</span></figcaption>
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<p>Prenons maintenant le cas d’une avalanche que devrait gérer un anticipateur de crise. Se préparer à ce type de scénario mobilise des compétences techniques : cartographie, topographie, nivologie, etc. mais aussi des soft skills comme la compréhension des réactions humaines dans cette situation (panique, peur, angoisse). Cependant pour anticiper toutes les crises (im)probables, il faudra aller plus loin en inventant les simulateurs de demain, dans la lignée du Hitlab de Chrischurch qui travaille sur des <a href="https://www.canterbury.ac.nz/hitlab/">outils multisensoriels</a> pour faire face à des événements tels que les tremblements de terre.</p>
<p>Il arrive d’ailleurs de plus en plus que les simulateurs virtuels fassent appel à des spécialistes des jeux vidéo car ceux-ci ont cette imagination capable de faire vivre des expériences hors du commun relevant parfois de la fiction. Une fiction qui, dans certains cas, peut devenir réalité et qu’il faudra anticiper.</p>
<h2>Capacité d’expérimentation</h2>
<p>Si les « hard skills » (les connaissances fondamentales et les compétences techniques, comme la maitrise d’un outil, d’un langage de programmation, la maitrise de gestes) et les « soft skills » (souvent transverses, comme la négociation, la créativité, l’agilité, etc.) sont déjà identifiées pour soutenir les métiers de demain, il semble qu’elles ne suffisent pas.</p>
<p>Souvent mises en évidence par les start-up californiennes, les « mad skills » pourraient être ce complément dont la nécessité se ressent de plus en plus. Dans cette catégorie se trouvent des compétences comme la « déviance positive » (le fait de ne pas emprunter forcément le chemin tracé tout en ayant des intentions positives) ou encore le sens critique, l’ingéniosité, la singularité. Souvent ce sont les qualités propres aux profils décalés, atypiques, etc.</p>
<p>Ces compétences sont facilement identifiables chez un aventurier comme Mike Horn ou des personnages de fiction comme Mac Gyver ou Indiana Jones. Ces héros ont une incroyable capacité à <a href="https://theconversation.com/eloge-de-la-fuite-en-arriere-episode-1-68468">« saisir des voies détournées pour arriver à [leurs] fins »</a>. Ce qui leur permet de s’orienter avec les étoiles, de trouver à manger dans la nature, de construire un abri avec des matériaux de récupération, de réparer un véhicule pour se sortir d’une situation délicate. Il s’agit de « <a href="https://theconversation.com/eloge-de-la-fuite-en-arriere-episode-1-68468">se rendre, donc, disponibles aux choses du monde</a>, mais à l’unique condition de cultiver une polyvalence qui ouvre le regard ; et expérimenter des agencements de toute sorte qui traceront la route vers une sortie encore à imaginer ».</p>
<p>Il nous semble que ce sont ces postures, attitudes et osons le terme, ces « mad skills » qui feront la différence pour devenir « nudge designer », éducateur de robot ou encore anticipateur de crise. Car ce sont elles qui apparaissent dans ce grain de folie qui sera propre à ces métiers. Ce sont elles que les entreprises viennent déjà chercher et ce sont ces « mad skills » qu’il nous faut tenter, en tant que pédagogues, de repérer et de renforcer.</p>
<h2>Créativité adaptative</h2>
<p>Nous pensons que même si nous ne pouvons pas tous être Mac Gyver, il y a tout de même souvent, au fond de chacun de nous, cette créativité adaptative qui permet de <a href="https://www.welcometothejungle.com/fr/articles/mad-skills-competences-atypiques-post-Covid">faire face à des situations imprévues</a>.</p>
<p>Notre mission de formation n’est donc plus seulement de délivrer un savoir, mais de faire émerger cette capacité de chacun à sortir des sentiers battus. Il s’agirait donc d’imaginer des dispositifs pédagogiques qui permettent de mettre en évidence ces « mad skills », de faire prendre conscience aux apprenants qu’ils les possèdent et les aider à renforcer ces compétences atypiques.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/innovation-pedagogique-un-jeu-pour-reveler-la-creativite-des-etudiants-123141">Innovation pédagogique : un jeu pour révéler la créativité des étudiants</a>
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<p>Le jeu (serious game) pourra être un de ces révélateurs de mad skills. « On en apprend plus sur quelqu’un en une heure de jeu qu’en une année de discussion », disait Platon. Au travers du jeu, la personne montre sa véritable personnalité et ses traits de caractère. D’ailleurs, les entreprises tentent de plus en plus de <a href="https://www.cairn.info/revue-agrh1-2014-1-page-11.htm">recruter par le jeu</a>.</p>
<p>Plus que révéler les mad skills et les talents différents, le <a href="https://theconversation.com/le-jeu-peut-il-nous-sauver-136813">jeu</a> permet aussi de former dès à présent, les anticipateurs de scénario de crise ; c’est le cas de l’armée française qui a créé <a href="https://app.sindup.com/read/news/mdlweH-iiqJ2pKKlZJpp/newsletter-14785-8084651191-robct46n2se-w4R3qludi2ebqmpMVefJwe2MuuSty8R1xe2RhFWzhn6qVoWkcoh-VcrotISY662unFp3omudh2edm8U%7E">« Red Team »</a> en faisant appel à une dizaine d’auteurs de science-fiction pour imaginer les menaces militaires et technologiques à l’horizon 2030-2060. L’objectif est assumé : se faire peur pour mieux anticiper. Ce qui est notable dans cet exemple c’est justement que l’armée n’a pas fait appel à des géopoliticiens par exemple, mais bien à un regard neuf, un grain de folie de la part des auteurs et ce pour s’entrainer de manière concrète.</p>
<p>En conclusion, au terme de « déviant positif », nous préférerons le terme de « corporate hacker ». Celui-ci intègre le grain de folie sans oublier d’être corporate afin de ne pas déstabiliser l’organisation. Rappelons qu’il faut aussi comprendre, respecter les équilibres et l’hétérogénéité qui fait la richesse des équipes. Pour <a href="https://www.belbin.com/about/dr-meredith-belbin">Meredith Belbin</a> « nobody is perfect but a team can be » : personne n’est parfait, mais l’équipe peut l’être – avec ses grains de folie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181505/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La mission de la formation n’est plus seulement de délivrer un savoir, mais de faire émerger cette capacité de chacun à sortir des sentiers battus.Isabelle Patroix, Docteur en littérature, Playground Manager, Grenoble École de Management (GEM)Christian Rivet, Professeur associé en marketing, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1802912022-05-03T18:38:12Z2022-05-03T18:38:12ZInnover est-il une affaire de compétences ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455460/original/file-20220331-25-9063z8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C7%2C754%2C521&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La stratégie européenne Europe 2020 consacre les compétences comme étant le principal levier de l’innovation.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/50107340228">École polytechnique/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« La quatrième leçon de cette pandémie, à mes yeux, c’est que nous avons assisté à une extraordinaire accélération de l’innovation. […] Si nous nous retrouvons hors de l’innovation, on peut perdre énormément. »</p>
</blockquote>
<p>Lorsqu’il présente le <a href="https://www.elysee.fr/emmanuel-macron/2021/10/12/presentation-du-plan-france-2030">plan France 2030</a> en octobre 2021, le président de la République Emmanuel Macron emploie à 67 reprises le terme « innovation » dont il semble faire un élément clé pour « mieux comprendre, mieux vivre, mieux produire en France à l’horizon 2030 ».</p>
<p>Innover, selon la <a href="https://www.oecd.org/fr/sites/strategiedelocdepourlinnovation/definirlinnovation.htm">définition de l’OCDE</a>, consiste à mettre en œuvre un produit ou un procédé nouveau ou sensiblement amélioré. Il peut aussi s’agir d’une nouvelle méthode de commercialisation, d’une nouvelle méthode organisationnelle, ou encore d’une nouvelle approche des relations extérieures. L’idée au fond : passer d’un état à un autre.</p>
<p>En sciences sociales, la figure de l’innovateur reste souvent associée aux travaux classiques de Joseph Schumpeter et à sa <a href="https://eweb.uqac.ca/bibliotheque/archives/13868093t1.pdf">théorie de l’évolution économique</a>. Il est celui qui sait prendre des risques, sortir du conformisme ambiant et entraîner derrière lui. Reste qu’il apparaît dans ce cas comme le porteur intégral d’une transformation, ce qui rend assez peu justice aux constructions collectives et aux multiples facteurs (environnementaux, socioéconomiques et culturels) décisifs dans la réalisation d’un processus d’innovation.</p>
<p>La <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0808:FIN:fr:PDF%20">stratégie européenne</a> Europe 2020 a ainsi consacré les compétences comme étant le principal levier de l’innovation. Ce dispositif a, par la suite, accordé une importance considérable à la <a href="https://ec.europa.eu/regional_policy/sources/docoffic/2014/com_2017_376_2_fr.pdf">formation pour l’innovation</a>. Les caractéristiques des compétences des personnes qui participent au processus peuvent nous permettre de réfléchir de façon plus large aux composantes nécessaires à la réussite de toute transformation au sein des organisations. Pourtant, elles demeurent encore peu étudiées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455461/original/file-20220331-18-rwnm8l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’OCDE définit l’innovation comme la mise en œuvre d’un produit ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/50375143087">École Polytechnique/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Notre <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/soft-skills-innover-transformer-organisations">rapport</a> publié par France Stratégie ce 3 mai 2022, fruit de six années de recherches collaboratives, s’est ainsi donné pour objectif d’offrir une meilleure compréhension des compétences engagées dans les actions de transformation et d’innovation afin de mieux former les hommes et les femmes qui seront nos futurs talents. Cet enjeu est majeur, car il est vecteur de croissance, de compétitivité et d’emploi. Il s’agit en effet de mieux préparer la France de demain dans l’économie de la connaissance.</p>
<h2>Paroles d’innovateurs</h2>
<p>Notre étude n’a pas cherché à détailler les processus d’innovation. Elle s’est portée principalement sur la perception des organisations et des contextes de travail et les « soft skills » mobilisées par les innovateurs, c’est-à-dire les compétences sociales, émotionnelles, ou comportementales qui ne relèvent pas d’un enseignement académique ou technique. Par exemple, l’empathie ou la persévérance.</p>
<p>En parallèle d’un état des lieux de la littérature académique en psychologie, en sciences de gestion et en sociologie, nous avons laissé les acteurs de l’innovation mettre en mots un certain nombre d’éléments. Nous avons pour cela mené et analysé 126 entretiens d’une heure en moyenne auprès de startupers et de porteurs de projets innovants dans les entreprises du SBF 120. Nous les avons interrogés sur leur « déclic », les freins, les impasses, les sources de plaisir et de stress liés aux projets innovants afin de mieux comprendre ce qui définit le parcours d’un innovateur.</p>
<p>Premier fait marquant, la plupart d’entre eux refusent l’étiquette d’innovateur, ou du moins prennent leur distance avec le terme, à l’image de cet intrapreneur du secteur bancaire :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense que je suis plus opportuniste qu’innovateur ou créatif. Je trouve que c’est un mot prétentieux que je n’ai pas à m’attribuer à moi-même. »</p>
</blockquote>
<p>Malgré cela, les innovateurs restent, de façon générale, capables de déterminer sans hésitation, de façon assez précise et structurée, les qualités ou compétences nécessaires. Peu se limitent, de fait, au génie créatif dans les éléments qu’ils citent. Le profil de personne innovante qu’ils ont définie possède trois grandes caractéristiques. Il est question de qualités dans les relations humaines, de prise de risque et enfin de recherche d’une solution (créative) et de sa viabilité (économique et/ou d’usage).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/455462/original/file-20220331-25-6k1sq8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pour les entrepreneurs, les relations humaines, la prise de risque et la recherche d’une solution constituent les caractéristiques des innovateurs.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/117994717@N06/49897467277">École Polytechnique/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Assez remarquablement, les soft skills apparaissent massivement dans les réponses. Lorsque l’on demande aux enquêtés de citer six qualités principales de l’innovateur, pour près des trois quarts des répondants, les réponses comprennent au moins une moitié de soft skills, qui occupent en tout 65 % des items.</p>
<p>De façon générale, les termes employés par les innovateurs pour décrire les compétences ou les qualités d’une personne innovante sont fortement empruntés au sens commun. Curiosité, audace, rigoureux, souple, risques, etc. représentent ainsi plus de 90 % des termes employés. Il en vient beaucoup moins du vocabulaire professionnel du management, de la communication et/ou des entreprises. Storytelling, incrémenter, disruptif, pivoter, flexible, etc. représentent moins de 9 % des termes employés.</p>
<h2>Parcours et ruptures avec le commun</h2>
<p>Les éléments biographiques livrés au cours des entretiens nous ont également permis de confirmer les enseignements de <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-et-emploi-2019-3-page-39.htm">recherches récentes</a> : les origines sociales et les trajectoires individuelles ne sont pas neutres en ce qui concerne les capacités d’innovations. Les innovateurs se caractérisent tout d’abord par un parcours scolaire d’excellence qui leur apporte une certaine sécurité : il y a moins de risque à tenter quelque chose lorsque son diplôme garantit un bon emploi.</p>
<p>Les personnes interviewées mentionnent également fréquemment la présence, en particulier dans leur jeune âge, d’une pratique artistique et/ou sportive significative. Outre le capital culturel que ces activités permettent d’engranger, elles développent également un attachement à l’importance du « résultat ». Lorsque l’on pratique un instrument par exemple, c’est un rendu final de qualité que l’on vise.</p>
<p>À entendre les innovateurs revenir sur leurs trajectoires, nous nous sommes rendu compte de leur importante capacité de retours sur eux-mêmes, de réflexivité, et ce même s’ils ne la citent pratiquement jamais comme une des qualités de l’innovateur. Ils indiquent souvent des éléments significatifs dans leur parcours qui peuvent contribuer à expliquer des aspirations, des engagements ou des bifurcations. Et s’il est possible pour tout individu de sélectionner dans son parcours des éléments significatifs expliquant ses choix, les innovateurs se distinguent en assortissant ces éléments d’une rupture avec le commun.</p>
<h2>Sept compétences transversales</h2>
<p>Forts de ces paroles d’entrepreneurs, nous avons par la suite adopté une approche quantitative visant à faire apparaître des corrélations entre soft skills et innovation. Différents profils d’innovateurs et d’environnements de travail ont pu alors émerger.</p>
<p>La cartographie des corrélations entre les différents indicateurs fait apparaître sept compétences transversales pivots pour innover : communication, collaboration, pensée rationnelle, extraversion, persévérance, ouverture et empathie cognitive</p>
<p>Une analyse typologique a aussi permis d’identifier des environnements de travail, des styles relationnels, des styles cognitifs, conatifs et socio-émotionnels, selon qu’ils s’avèrent favorables à l’innovation ou non. Pour chaque type identifié, nous avons ainsi pu aboutir à des recommandations différenciées.</p>
<p>De manière générale, le rapport invite à une meilleure prise en compte des soft skills dans les organisations privées comme publiques afin de les accompagner dans leurs transformations et dans leur capacité à innover. L’analyse a montré combien les capacités d’un individu comme d’un collectif à réagir dans des contextes de transformation s’appuient sur un nombre de facteurs variés qui s’influencent mutuellement. Ces facteurs jouent à trois niveaux : un niveau organisationnel (les qualités de l’environnement de travail), un niveau collectif (la capacité de chacun à travailler avec les autres) et un niveau individuel (les capacités cognitives, conatives et socio-émotionnelles).</p>
<p>Nous proposons ainsi une réflexion vers une évolution de la formation et des processus d’intégration collective de parcours multiples et de profils variés en termes de culture, d’expériences et de sensibilités. Nous plaidons aussi pour le développement d’analyses permettant d’apprécier les compétences collectives et environnementales et les caractéristiques de l’organisation. Il s’agit de conduire celle-ci à développer un contexte de travail permettant le développement des soft skills afin d’impulser et d’accompagner les projets de transformation et d’innovation.</p>
<hr>
<p><em>Brieuc du Roscoat, président de l’Institut de la Transformation et de l’Innovation (ITI) et chercheur en psychologie, ancien membre du LATI (Université Paris-Descartes), et Sébastien Bauvet, responsable de recherche chez Frateli Lab, sont co-auteurs du rapport de France Stratégie et sont aussi co-auteurs de cet article</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180291/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Romaric Servajean-Hilst ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un rapport de France stratégie invite à une meilleure prise en compte des « soft skills », qui ne relèvent pas d’un enseignement technique, pour soutenir la capacité à innover des entrepreneurs.Romaric Servajean-Hilst, Chercheur-associé au Centre de Recherche en Gestion i3 de l'Ecole polytechnique, Entrepreneur @ITI institute, Professeur de stratégie et management des achats et de l'innovation collaborative, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1526582021-01-05T19:12:15Z2021-01-05T19:12:15ZIA : les formations dans les Grandes écoles répondent-elles aux besoins des entreprises ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/377014/original/file-20210104-19-12xa6j5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C7%2C953%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Selon IBM, deux millions d’emplois en France vont devoir s’adapter à l’essor de l’intelligence artificielle.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Goodluz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’évolution des technologies et l’usage grandissant d’objets connectés génèrent une quantité énorme de données que les entreprises s’acharnent à rendre intelligible grâce à l’intelligence artificielle (IA). L’IA regroupe l’ensemble des théories et techniques mises en œuvre pour réaliser des machines capables de simuler l’intelligence humaine. Son usage devient critique pour s’aligner avec les changements imprévisibles des comportements des clients et l’émergence de crises économiques et sanitaires entre autres.</p>
<p>Si l’IA n’est pas une technologie nouvelle, son essor récent induit des changements profonds dans les catégories classiques des métiers, et fait émerger le besoin pour de nouvelles compétences en support à la collecte, la fouille, la gestion de la qualité des données et leur exploitation, que le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-rse-2020-avis-responsabilite-numerique-entreprises-juillet.pdf">marché de travail peine à combler</a>. Une <a href="https://newsroom.ibm.com/2019-09-06-IBM-Study-The-Skills-Gap-is-Not-a-Myth-But-Can-Be-Addressed-with-Real-Solutions">enquête mondiale</a> réalisée par IBM a en outre conclu en 2019 que d’ici 2022, environ 120 millions d’emplois doivent s’adapter à l’IA, dont 2 millions en France.</p>
<p>Dès lors, il est judicieux de s’interroger sur l’alignement des formations ingénieur et manager en France avec ces besoins contemporains du marché d’emploi en IA.</p>
<p>Dans le cadre d’une étude à paraître dans la revue <em>Employee Relations</em>, nous nous sommes penchés sur le contenu de formation en IA. Suivant une démarche de text mining, les offres d’emploi en IA postées en 2020 sur Indeed.fr ont été analysées pour établir un panorama des compétences techniques, soft et interdisciplinaires exigées. Aussi, les contenus de formation en IA des 20 premières écoles d’ingénieurs et 20 premières écoles de commerce en France (selon les classements du Figaro 2020) ont été scrutés pour identifier les gaps entre les marchés académique et professionnel.</p>
<h2>Une pluralité de compétences techniques</h2>
<p>Au regard des compétences techniques, l’on remarque un équilibre entre l’offre et la demande en termes de langages de programmation, les plus demandés et enseignés étant Python, puis Java et C++.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377016/original/file-20210104-21-lbjifc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La modélisation fait partie des compétences autres qu’en IA particulièrement prisées des entreprises.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AlesiaKan/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les formations académiques correspondent également aux besoins professionnels en Data Science incluant les techniques de machine learning et deep learning, et la chaine BI comme le Dashboarding, data Visualisation, et la modélisation des Datamarts/Datawarehouses.</p>
<p>Par ailleurs, les offres d’emploi soulignent la nécessité de maîtriser des technologies autres que l’IA comme l’IoT ou le cloud compte tenu de la nature interconnectée des technologies digitales, et de posséder des compétences techniques parallèles à l’IA notamment le prototypage, la modélisation, l’optimisation, l’économétrie, mais surtout les bases de données. Généralement, les écoles proposent des cursus en IA qui tiennent compte des liens entre ces technologies et techniques, et communiquent sur cet atout de leurs formations via leurs brochures.</p>
<h2>Établir des partenariats</h2>
<p>Enfin, plusieurs offres d’emploi requièrent la maîtrise d’outils spécifiques comme Github, Microsoft BI, ou Squash, et la possession de certifications méthodologiques (ITIL, Design Thinking, Devops) ou mathématiques (data mining, design algorithmique).</p>
<p>Ces outils et certifications constituent un écart dans les formations académiques. Concernant les outils, leur diversité implique que les écoles doivent faire des choix pour intégrer certains dans leurs formations, ce qui explique l’absence de consensus en termes d’outils enseignés. Quant aux certifications, les rares écoles (10 %) qui y prêtent attention proposent seulement des contenus de cours pour préparer leurs étudiants à passer la certification par leurs propres moyens. Les institutions pourraient ainsi établir des partenariats avec les organismes porteurs des outils les plus demandés et autres certificateurs pour remplir ces besoins du marché de travail.</p>
<h2>Une sensibilisation aux enjeux éthiques et sectoriels</h2>
<p>En outre, la majorité des offres d’emploi requiert une pluralité de « soft skills » (compétences « douces »). Les plus cités sont relatifs au mode opératoire notamment l’esprit d’équipe, l’autonomie, la curiosité et la résolution de problèmes. Du côté des offres de formation, les écoles communiquent explicitement surtout sur la compétence de travail en équipe. Cependant, les cursus académiques incluent plusieurs activités qui favorisent implicitement l’autonomie, la curiosité et la créativité des apprenants entre autres.</p>
<p>Le marché de l’IA requiert aussi l’aptitude de travailler dans un contexte international. Cette aptitude peut être favorisée par l’établissement de partenariats internationaux pour des échanges académiques, qui existent dans la moitié des cursus académiques centrés sur l’IA. L’orientation internationale du marché de l’IA est même visible à travers les compétences linguistiques requises dans les offres d’emploi où l’anglais est omniprésent, et est mis en évidence dans l’ensemble des brochures de formation en IA.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/377019/original/file-20210104-13-1k0eqan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le marché de l’IA requière aussi l’aptitude de travailler dans un contexte international.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gearstd/Shutterstock</span></span>
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<p>Par ailleurs, notre analyse a souligné la nécessité de posséder plusieurs compétences interdisciplinaires au regard de l’IA. Il s’agit de connaître les particularités de certains secteurs surtout l’énergie, la musique, le médical et le militaire. Cette interdisciplinarité sectorielle n’est pas visible dans les brochures de formations académiques. Les écoles doivent réfléchir à des modalités pédagogiques pour permettre aux étudiants de cerner cette propriété de l’IA à travers des cas d’usage s’apparentant à plusieurs secteurs, établis en collaboration avec des entreprises. L’apprenant développera par la même occasion un sens de l’écoute, et des aptitudes de responsabilité et de réactivité.</p>
<p>La seconde compétence interdisciplinaire concerne les sciences humaines et sociales, particulièrement les dimensions éthiques et réglementaires, la gestion de projet, le design thinking, la conduite du changement et le lean management.</p>
<p>Si ces compétences sont clairement mises en avant dans les brochures des écoles de management, elles sont moins présentes dans les cursus ingénieurs. Les écoles doivent ainsi veiller à ce que les étudiants développent des aptitudes managériales pour mieux appréhender les technologies émergentes et accompagner de façon responsable leur mise en œuvre dans les organisations.</p>
<p>Enfin, plusieurs offres d’emploi requièrent des compétences en recherche en l’occurrence la rédaction d’articles et de synthèses techniques pour la valorisation scientifique. Seulement deux brochures académiques soulignent explicitement un contenu pédagogique propre à la recherche. Les écoles pourraient donc envisager d’intégrer dans leurs cursus des modalités relatives aux méthodologies de recherche mais aussi établir des partenariats avec des entreprises et des laboratoires pour mettre en œuvre un apprentissage par la pratique des étudiants autour de thématiques avec des retombées scientifiques et pragmatiques.</p>
<p>Ces recommandations d’ajustement des cursus académiques permettent ainsi aux écoles de mieux aligner les contenus de formation initiale avec les exigences du marché de l’emploi et de favoriser l’insertion de leurs diplômés.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/152658/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les recruteurs demandent notamment davantage de certification pour les compétences techniques.Lamiae Benhayoun, Professeure Associée, Institut Mines-Télécom Business School Daniel Lang, Enseignant-Chercheur en Systèmes d'Information, Institut Mines-Télécom Business School Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1379372020-05-09T19:02:13Z2020-05-09T19:02:13ZPenser l’après : en finir avec les discriminations au travail<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/333106/original/file-20200506-49550-22vbjt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C3050%2C6212%2C3143&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans l’urgence, les invisibles sont devenus plus que visibles : ils sont au front là où nous avions tendance à les mettre à « l’arrière boutique».</span> <span class="attribution"><span class="source">MJgraphics</span></span></figcaption></figure><p><em>Les chercheuses et les chercheurs qui contribuent chaque jour à alimenter notre média en partageant leurs connaissances et leurs analyses éclairées jouent un rôle de premier plan pendant cette période si particulière. En leur compagnie, commençons à penser la vie post-crise, à nous outiller pour interroger les causes et les effets de la pandémie, et préparons-nous à inventer, ensemble, le monde d’après.</em></p>
<hr>
<p>Ils sont livreurs à vélo d’origine africaine ; ils sont agents de sécurité d’origine maghrébine devant les postes et les grandes surfaces ; elles sont caissières ; elles sont infirmières sous-payées et sous-considérées.</p>
<p>La crise du Covid-19 a mis en lumière de manière exacerbée ce que nous acceptons difficilement de voir habituellement : la <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-de-la-lcd-lutte-contre-les-discriminations-2019-2.htm">précarisation des individus</a>, la gestion ethnique de la main-d’œuvre et la <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-ires-2006-1-page-3.htm">segmentation du marché du travail</a>, le salto du <a href="https://www.persee.fr/doc/polix_0295-2319_2002_num_15_60_1240">stigmate de genre</a> et les <a href="https://www.armand-colin.com/le-plafond-de-verre-et-letat-la-construction-des-inegalites-de-genre-dans-la-fonction-publique">plafonds de verre</a>.</p>
<p>Dans l’urgence, les invisibles sont devenus plus que visibles : ils sont au front là où nous avions tendance à les mettre à « l’arrière-boutique » afin de ne pas « faire avec » leurs différences. Mais derrière ces processus, se cache bien en réalité la question sociale : nous ne sommes pas effectivement mobilisés au même endroit, de la même manière et avec le même risque face à la mort en fonction de notre appartenance de classe.</p>
<p>Par ailleurs, le monde du travail s’est vu bouleversé brutalement. En effet, le télétravail « imposé » est venu dessiner de nouvelles configurations de la productivité d’un <a href="https://www.myrhline.com/actualite-rh/etude-sur-le-teletravail-pour-qui-ou-quel-secteur.html">salarié</a>.</p>
<p>La crise financière sous-jacente à cette crise sanitaire suscite certes des interrogations sur l’avenir du système économique actuel mais surtout des craintes sur son coût social. Un des principaux coûts est bien celui de l’égalité au travail. Que deviendront les combats en faveur de l’égalité des 20 dernières années, et les acquis dans les entreprises ? Comment les sciences de l’Homme peuvent-elles apporter des réponses pour accompagner cet avenir prochain ?</p>
<h2>Le regain de solidarité face aux inégalités ?</h2>
<p>Ces dernières années, nous avons observé une crise des solidarités, c’est-à-dire, explique le <a href="https://www.youtube.com/watch?v=v7JrcNXVyLg">sociologue François Dubet</a>, une crise de « l’attachement aux liens sociaux qui nous font désirer l’égalité de tous, y compris et surtout l’égalité de ceux que nous ne connaissons pas ». On comprend que nos sociétés auraient choisi l’inégalité et ceci malgré les crises financières vécues de 1929 à 2008. Ainsi, la lutte contre les inégalités serait difficilement au centre des préoccupations des Français depuis les années 80.</p>
<p>Or, la crise sanitaire a vu émerger des milliers d’initiatives collaboratives face à l’épreuve des détachements des liens sociaux et avec le désir profond- et semble-t-il sincère – de rétablir des inégalités face à l’accès aux soins et autres difficultés des plus vulnérables. Doit-on alors espérer une préférence pour l’égalité avec un regain des solidarités désormais ? Un système plus solidaire nous permettra-t-il de réussir à freiner cette ascension des inégalités sur le marché du travail ? Dans un contexte marqué par le chômage partiel et par la perte d’emplois d’une tranche de la population active dans différents secteurs, allons-nous mieux ou plus accepter les différences et ainsi ne plus du tout discriminer ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333093/original/file-20200506-49579-1morxa5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Sans les outils adéquats, les luttes contre la discrimination au travail se heurtent à des murs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MJGraphics</span></span>
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<p>Nous pouvons l’espérer mais avant tout, il nous semble fondamental de comprendre comment les processus de lutte contre les discriminations et les inégalités sont installés et mis en œuvre de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/1369183X.2017.1293591">manière directe et indirecte</a> dans les entreprises et les administrations publiques.</p>
<p>Le monde du travail a vu progressivement la mise en place de mesures visant à lutter contre les discriminations ou promouvant la diversité. Néanmoins mes recherches, ma <a href="https://www.academia.edu/31827086/THESE_YAMINA_MEZIANI_REMICHI">thèse</a> et l’ouvrage à paraître fin 2020 avec Régis Cortesero, <em>La jeunesse fantôme, jeune âge et discrimination dans le recrutement</em> (éditions le Bord de l’Eau), ont mis en évidence la pluralité des effets positifs et parfois pervers de ces dispositifs.</p>
<p>En observant par ailleurs les acteurs qui mènent ces <a href="https://pure.uva.nl/ws/files/29932067/_14_11_2018_Recruitmen.pdf">combats de terrain</a>, il semble désormais capital de questionner les approches des dix dernières années afin de replacer les sciences sociales comme source de solutions à ces défis d’égalité au travail même en pleine crise économique.</p>
<h2>Des politiques de terrain</h2>
<p>Mes recherches sur la jeunesse, le poids du patronyme, le critère de résidence, le genre, l’appartenance à une origine, et le handicap au travail se sont concentrées d’un côté sur la mise en œuvre des politiques de diversité, de lutte contre les discriminations et/ou de promotion de l’égalité, et de l’autre sur le métier des acteurs qui portent ces actions.</p>
<p>Ils sont recruteurs, chargé·e·s de mission, responsables diversité, etc. ; et leurs missions consistent en l’implémentation de dispositifs d’action positive et de discrimination positive. On note des avancées, mais aussi des régressions par certains effets contre-productifs.</p>
<p>Des entreprises et administrations se sont mobilisées depuis 2004 notamment en faisant preuve d’un volontarisme, récompensé ainsi par les <a href="https://www.academia.edu/28816505/Instrumenter_la_lutte_contre_les_discriminations_le_label_diversit%C3%A9_dans_les_collectivit%C3%A9s_territoriales">Labels Diversité et Égalité</a>.</p>
<p>Certaines collectivités ont ainsi été pionnières dans la lutte contre les discriminations en expérimentant le CV anonyme, par exemple la Région Nouvelle-Aquitaine suivie par <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2017-2-page-61.htm">100 entreprises</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333095/original/file-20200506-49558-1cp9oes.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certaines démarches pionnières ont permis quelques avancées.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MJGraphics</span></span>
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<p>Cet outil permet lors de la première phase du processus de recrutement (le tri des CV) d’éviter une discrimination.</p>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2014-2-page-115.htm">Pôle emploi participe en 2007</a> à une même démarche avec la méthode de recrutement par simulation (MRS), qui a pour but de recruter par le biais d’exercices en situation permettant de détecter les habiletés nécessaires au poste.</p>
<p>D’autres initiatives pilotes au niveau national ont été le fruit d’un travail de terrain de villes « pilotes » telles que la ville de Lyon (première ville à avoir obtenu le Label Diversité en 2010), la ville de Rennes (avec la mission Lutte contre les discriminations disposant d’un volet employeur en 2008), la Métropole de Nantes (notamment avec son plan territorial de lutte contre les discriminations, PTLCD). On peut penser à certaines actions :</p>
<ul>
<li><p>la parité dans les instances consultatives,</p></li>
<li><p>l’intégration de mesures non discriminatoires dans les marchés publics</p></li>
<li><p>le diagnostic sur l’égalité professionnelle et d’un suivi sur le déroulement des carrières des agents</p></li>
</ul>
<p>D’autres acteurs ont accordé un investissement important à ce champ en développant des innovations récentes. La SCNF et la RATP avec la mise en route d’un <a href="https://www.reseau-alliances.org/actualites-adherents-et-partenaires/1232-prodiversite-un-serious-game-elabore-par-sncf"><em>serious game</em> en ligne</a> pour une partie de ses salariés afin de les sensibiliser sur les stéréotypes dans le management de la diversité ; ou l’ANACT (Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail) créateur d’un plateau de jeu destiné à lutter contre le sexisme au travail.</p>
<h2>Des pratiques internes axées sur la communication ?</h2>
<p>Nos travaux nous ont permis de noter que toutes ces politiques partagent <em>in fine</em> deux socles communs.</p>
<p>La majorité des entreprises ont investi très largement en leur sein des modules de sensibilisation dans la formation de leurs salariés, au regard des injonctions juridiques fixées par la loi de 2017 relative <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033934948&categorieLien=id">à l’égalité et à la citoyenneté</a>.</p>
<p>Par ailleurs, ces politiques ne vivent, voire ne survivent qu’avec un sur-investissement en termes de communication. C’est en effet un axe constitué comme central dans le but d’animer dans les bassins de vie et d’emploi des réseaux d’acteurs associatifs volontaires pour sensibiliser contre le harcèlement discriminatoire.</p>
<p>Les actions « à la française » d’ailleurs sont fortement influencées par les <a href="https://ec.europa.eu/info/policies/justice-and-fundamental-rights/combatting-discrimination/tackling-discrimination_en">pratiques</a> de nos <a href="https://www.proi.com/companies/case-studies/82">pays voisins</a> en termes de communication. Barcelone, Turin, Copenhague ont nommé des rues au féminin, produit des guides et des campagnes d’affichage, organisé des expositions photographiques dans les espaces publics…</p>
<p>Cependant, nos travaux ont montré que, même si l’employeur adopte un plan « gestion des ressources humaines » et des pratiques fortes, nécessaires à l’obtention notamment de labels, beaucoup d’actions sont souvent pensées à l’extérieur de l’organisation. De nombreux chantiers ne sont pas menés en interne à cause de résistances aux changements dans les procédures et l’environnement traditionnel du travail.</p>
<h2>En France, une préférence à l’action positive</h2>
<p>Si les politiques de diversité et de lutte contre les discriminations sont facilement affichées par les acteurs et les élus qui les portent au nom de valeurs telles que l’intérêt général, les actions qui les composent réellement sont parfois plus difficiles à mettre en exergue.</p>
<p>En effet, on notera que certains critères sont traités plus directement. Tel est le cas des dispositifs en faveur du handicap et du genre. Même si cela fait l’objet de quotas ou de discrimination positive (<a href="https://www.cairn.info/revue-l-economie-politique-2005-2-page-106.htm">mesures territoriales spécifiques</a> accordant une aide sur la base de la reconnaissance d’une identité particulière), les efforts pour contrer les discriminations au regard de ces deux critères sont réalisés à partir d’une approche intégrée ou « mainstreaming ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333098/original/file-20200506-49556-1mv5lcm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La France est prise dans des contradictions entre les valeurs républicaines qu’elle défend et la réalité du terrain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MJGraphics</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette dernière consiste à impliquer de manière systématique des politiques de droit commun en repérant les angles morts dans le but de les corriger.</p>
<p>En revanche, des mesures impliquant l’usage de classifications ethniques font face, comme le montre le sociologue Daniel Sabbagh, à une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2006/02/25/daniel-sabbagh-sur-la-discrimination-positive-il-y-a-convergence-entre-les-etats-unis-et-la-france_745189_3224.html">exigence de discrétion</a> et à une préférence à l’action positive.</p>
<p>Celle-ci recouvre les mesures visant à prévenir ou compenser les désavantages causés par la discrimination en agissant au départ sans pour autant avantager une personne en raison de son critère d’appartenance à la phase finale de la sélection.</p>
<p>L’action positive se démarque donc de la discrimination positive, car elle n’agit que sur la première étape et n’active pas un favoritisme sur l’étape finale.</p>
<p>Des mesures de discrimination positive sont en réalité bien réelles et diagnostiquées comme en partie « efficaces » par les acteurs sur le terrain local. Mais elles demeurent peu assumées, <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2007/10/04/milena-doytcheva-cette-inavouable-discrimination-positive_962817_3260.html">voire inavouables</a> car elles semblent être en résonnance contradictoire avec le <a href="https://www.sciencespo.fr/cevipof/fr/node/20846">modèle universaliste républicain « color-blind »</a> » (indifférence aux différences).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=392%2C168%2C5651%2C2703&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333102/original/file-20200506-49558-1t6d7mm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Va-t-on enfin comprendre l’urgence de traiter des inégalités au travail ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">MJGraphics</span></span>
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<p>En effet, ces dispositifs de discrimination positive traitant de la question ethnoraciale restent encore très rares et sont surtout activés de manière indirecte via le critère souvent de la « jeunesse » ou de la « résidence », provoquant même des discriminations négatives.</p>
<p>Une étude que j’ai menée sur les <a href="https://www.cairn.info/revue-migrations-societe-2014-2-page-9.htm">jeunes adultes des quartiers</a> « politiques de la ville » montre ainsi que des dispositifs en faveur de certaines minorités viennent renforcer les stéréotypes à leurs égards et ainsi légitimer une certaine répartition ségrégative des salariés et/ou la <a href="https://journals.openedition.org/sociologies/10914">« couleur des compétences »</a>. Par exemple, les femmes maghrébines seraient douces, empathiques, maternelles et adaptées dans le service éducation ; les hommes d’origine africaine, eux sportifs et stricts, dans les services jeunesses et sports.</p>
<p>Malgré des avancées, cette recherche de changement pratique nécessite d’être outillée véritablement. Alors comment les responsables en charge de ces questions font-ils pour vivre et faire vivre ces politiques ?</p>
<h2>Des acteurs de bonne volonté dans l’incertitude</h2>
<p>En 10 ans, on est passé d’une politique de « lutte » à des stratégies managériales ayant pour intérêt l’adéquation entre performance économique et égalité. S’il est toujours difficile d’évaluer les résultats de ces politiques, ce n’est pas pour autant que les acteurs clés porteurs de ces politiques ne cherchent pas à avoir de l’impact.</p>
<p>Bien au contraire, ils sont consultants en égalité, « diversity officers », chargé·e·s de missions « LCD », responsable RH avec une casquette égalité, partageant tous cette même volonté : améliorer les conditions d’égalité de chacun. A l’interface de l’entreprise et de la société, ils partagent le souci de défendre à la fois des principes juridiques, des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2019-2-page-175.htm">convictions politiques et/ou des valeurs</a>.</p>
<p>Néanmoins, ils sont constamment dans le combat et dans l’incertitude. Ils rencontrent de véritables obstacles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333145/original/file-20200506-49558-1l999ey.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les acteurs locaux engagés dans la lutte contre les discriminations au travail se confrontent à de lourds obstacles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MJGraphics</span></span>
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<p>Leur budget est limité et ne représente parfois que 10 % des budgets des autres services. Ils ont du mal à mobiliser leurs collègues et à travailler donc en transversalité. C’est ce que nous révèlent nos entretiens et nos observations :</p>
<blockquote>
<p>« La lutte contre les discriminations, ce n’est pas une priorité pour eux, simplement un supplément d’âme. D’ailleurs, quand ils arrivent à organiser des réunions décisionnaires, il y a souvent un vide ou seulement des personnes qui se sentent concernées par la question donc des responsables femmes, des homosexuels et des minoritaires. » (Cheffe de service d’une grande collectivité territoriale, 2018)</p>
</blockquote>
<p>Ils font face constamment à l’épreuve du temps, temps qui est celui du mandat de l’élu dans la fonction publique, ou du mandat du gérant ou chef.f·e d’entreprises pour les structures ayant une gouvernance tournante. La réussite d’un programme est fortement dépendante et orientée par le politique.</p>
<p>Enfin, ils font l’épreuve de différentes accusations car vus comme des collaborateurs « imposants », et « contraignants » : les expériences ethnographiques nous ont montré qu’ils doivent chercher la majorité du temps à convaincre et par là font face constamment à des imputations dont ils doivent se prémunir : <a href="https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2018-1-page-141.htm">militantisme, communautarisme, féminisme</a>.</p>
<p>Face à la crise actuelle et alors que ces métiers viennent juste d’émerger au cours des dix dernières années, que va-t-il advenir de ces fonctions considérées comme « supplément d’âme » ? Va-t-on enfin comprendre l’urgence de traiter des inégalités au travail notamment parce que de nouvelles formes de configurations du travail vont apparaître ?</p>
<p>Ces dernières interrogations nous amènent à nous pencher véritablement sur le souhait réel ou non de vouloir en finir concrètement avec les discriminations.</p>
<p>Si cette volonté est ancrée, alors la sociologie peut nous y aider. Trois principales propositions peuvent être émises.</p>
<h2>Repenser l’approche de la formation professionnelle</h2>
<p>La première est celle de la nécessité d’innover dans l’approche de la formation professionnelle à travers la forme et du contenu des formations sur la lutte contre les discriminations. En outre, elles ne portent que sur un niveau réflexif sur les stéréotypes (mise en situation, jeu autour des stéréotypes, etc.) au lieu de porter sur les compétences.</p>
<p>Elles ne délivrent que peu outil d’animation ; elles ne traitent pas de <a href="https://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2008-1-page-73.htm">l’intersectionnalité</a> du problème, et elles n’offrent pas de suivi de progression.</p>
<p>Le format de sept heures par jour est pensé spécifiquement sur la forme de transfert de savoirs comme s’il s’agissait de l’apprentissage d’un logiciel. Or, ici il est bien question de compétences comportementales, de « soft skills » exigeant des sollicitations de la pensée différente.</p>
<p>Les stagiaires ont certes une prise de conscience, mais qui n’est pas inscrite dans la durabilité. Ils ont des difficultés à transformer ce savoir en capacité d’agir pour ne pas reproduire l’usage de leurs stéréotypes.</p>
<h2>Mieux anticiper le circuit de la mise en œuvre</h2>
<p>La deuxième proposition concerne la dimension de la <a href="http://sk.sagepub.com/reference/the-sage-handbook-of-public-administration-2e/n17.xml">mise en œuvre d’une politique de diversité et d’égalité</a>. Les auteurs en sociologie de l’action publique ont rigoureusement démontré l’importance de saisir le processus d’une politique publique comme un continuum, un circuit aller-retour incluant la nécessité de prise en compte de trois séries de variables dès l’étape de conception de la politique : les idées, les logiques institutionnelles et les expériences sociales des individus.</p>
<p>Certaines entreprises sont à l’écoute de cette approche, qui implique l’intégration d’un diagnostic sociologique anticipé et continu dés la conception de l’action publique. Il est question d’en finir avec les diagnostics « justificatifs » a posteriori rangés « au placard » pour réellement analyser puis rectifier au fil de l’eau les contraintes organisationnelles rencontrées par les managers et salariés ainsi que les expériences sociales des publics cibles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/333101/original/file-20200506-49550-6ear4r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les sciences sociales ont un rôle crucial pour expliquer et faire comprendre les discriminations sur le temps long.</span>
<span class="attribution"><span class="source">MJGraphics</span></span>
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</figure>
<p>Il s’agit d’ajuster rapidement le travail des « street level bureaucrats », c’est-à-dire des acteurs en ligne de front, pour éviter au maximum les effets « boomerangs ». Enfin, il serait intéressant surtout d’être en capacité de penser la mise en œuvre pour qu’elle ne puisse pas être modifiée en cours de route pour des raisons de mandat ou de posture attribuée à « un seul homme » alors que celle-ci a prouvé efficacité et effets positifs pour le bien commun de tous.</p>
<h2>Réviser la qualification juridique des discriminations</h2>
<p>Pour terminer, la reprise du travail avec une haute exigence de productivité ne peut pas nous faire oublier que le sentiment et la perception des <a href="https://www.cget.gouv.fr/actualites/experience-et-perception-en-hausse-de-240-en-ile-de-France">discriminations au travail sont en hausse</a>.</p>
<p>Gardons en tête qu’être discriminé signifie être traité différentiellement sur la base d’un critère illégitime et illégal. Et qu’en dépit d’un renforcement de la judiciarisation dans ce champ (modification de la logique de la preuve, <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/legalite-au-travail/">augmentation à 25 critères de discrimination</a>), le hiatus entre le pourcentage de nombres de personnes déclarant être victimes de discrimination et le nombre de plaintes portées au tribunal pour ce motif est profond.</p>
<p>La qualification juridique de la discrimination et du harcèlement discriminatoire semble ne pas permettre de rendre compte juridiquement des discriminations dites quotidiennes, qui relèvent de micro-agressions subtiles, répétitives, ne correspondant pas à un acte isolé et facilement identifiable.</p>
<p>L’une des pistes est alors de pouvoir travailler sur la question avec des chercheurs en droit et en santé, afin de prendre en compte des conséquences des discriminations et injustices notamment en termes d’absentéisme au travail.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yamina Meziani est docteure en scoiologie. Chercheure associée au Centre Emile Durkheim et chargée d'enseignement, elle est présidente et co-fondatrice d'Anthropolead, la première Jeune Entreprise Universitaire en sociologie de France, conventionnée avec l'Université de Bordeaux.</span></em></p>Dans l’urgence, les invisibles sont devenus plus que visibles : ils sont au front là où nous avions tendance à les mettre à « l’arrière-boutique » afin de ne pas reconnaître leurs différences.Yamina Meziani, Sociologue, centre Emile Durkheim, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1184952020-04-23T17:26:03Z2020-04-23T17:26:03ZComment le confinement transforme les « soft skills »<p>En trois mois, la pandémie du Covid-19 a envahi la planète, provoquant <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1101324/morts-coronavirus-monde/">plus de 161 000 décès</a> (au 19 avril 2020), le confinement de la moitié de l’humanité et la récession économique la plus importante depuis un siècle en temps de paix.</p>
<p>De nombreuses voix s’élèvent à travers la planète pour repenser nos modèles économiques et sociaux et ouvrir une réflexion sur le « monde d’après ». En France, un collectif d’associations a mis en ligne une <a href="https://www.inventonslemondedapres.org">consultation</a> intitulée « Inventons le monde d’après ». Le président de la République Emmanuel Macron a lui-même appelé « chacun à se réinventer » et déclaré que « le jour d’après ne sera pas le jour d’avant » dans ses récentes allocutions télévisées.</p>
<h2>Se réinventer</h2>
<p>L’avènement du monde d’après impliquera notamment un aggiornamento des compétences individuelles et collectives, contribuant ainsi aux études menées (par l’OCDE ou le BIT, entre autres) pour identifier les compétences clés du XXI<sup>e</sup> siècle : les <em>soft skills</em>, ces compétences personnelles et relationnelles qui ne relèvent ni de la connaissance ni des savoir-faire.</p>
<p>Nous avons donc, au cours de la quatrième semaine de confinement, proposé un questionnaire en ligne visant à comprendre l’évolution des soft skills des Français pendant cette période de bouleversement.</p>
<p>Notre objectif n’était pas de les interroger sur leur vision de ce qu’il « faudrait théoriquement améliorer » à la sortie du confinement, mais bien de partir de l’existant, avec deux intentions :</p>
<ul>
<li><p>capitaliser sur ce qui était acquis ;</p></li>
<li><p>et pouvoir réparer rapidement ce qui s’était dégradé du fait du confinement.</p></li>
</ul>
<p>Notre enquête nous a permis d’identifier les soft skills perçues comme améliorées depuis le début de la crise et celles qui se sont au contraire dégradées.</p>
<h2>La crise développe avant tout l’empathie</h2>
<p>Nous avons identifié cinq soft skills perçues comme améliorées par les répondant·e·s. Ce sont, dans l’ordre décroissant d’intensité :</p>
<ul>
<li><p>L’empathie</p></li>
<li><p>La responsabilité</p></li>
<li><p>La coopération</p></li>
<li><p>La persévérance</p></li>
<li><p>La pensée critique</p></li>
</ul>
<p>De nombreux verbatim recueillis parmi les commentaires spontanés permettent quelques hypothèses explicatives de cette évolution positive.</p>
<p>L’empathie est la compétence perçue comme s’étant le plus développée. Elle se manifeste envers ceux qui sont directement impactées par le virus, en particulier les malades et leurs familles ainsi que les soignants et autres personnels œuvrant pour le bien commun (« ceux qui sont héroïques »).</p>
<p>La responsabilité s’exerce à différents niveaux : familial (accompagnement des enfants, des personnes vulnérables), professionnel (« nous travaillons quotidiennement pour que nos entreprises survivent avec leurs salariés ») ; et sociétal (« à l’issue du confinement, j’aurais sans doute envie de minimiser mes déplacements »).</p>
<p>Malgré la distance sociale, la coopération est elle aussi vécue comme améliorée. L’usage des outils de télétravail, bien que menaçant pour l’équilibre vie professionnelle/vie privée (« je travaille de 6h à 23h »), est apprécié car il facilite le travail en équipe et la collaboration (« nous sommes en contact permanent et nous avons trouvé de nouvelles marques »).</p>
<p>Pour surmonter les nombreuses contraintes liées à l’organisation de cette nouvelle vie, nos répondant·e·s estiment se montrer plus persévérants qu’habituellement. Ils se mobilisent plus que jamais pour remplir leurs différents objectifs (« Je dois garder la forme pour être au top à mon retour en milieu professionnel »).</p>
<p>La pensée critique s’est aussi développée. Les remises en question surviennent au niveau individuel (« je me rends enfin compte que mon emploi n’a aucun sens ») et collectif. De nombreux répondant·e·s expriment leur désir que la crise ne soit pas vaine et qu’elle ouvre une nouvelle ère (« cette pandémie est une chance de nous recentrer sur les vraies valeurs. Profitons-en ! »).</p>
<h2>La confiance altérée</h2>
<p>Si les répondant·e·s voient le développement de certaines de leurs « compétences douces », ils rapportent également la dégradation de quelques autres.</p>
<p>Les trois soft skills qui se dégradent pendant cette période sont en ordre décroissant d’intensité :</p>
<ul>
<li><p>La confiance envers les autres</p></li>
<li><p>L’enthousiasme</p></li>
<li><p>La sociabilité</p></li>
</ul>
<p>La confiance envers les autres apparaît comme la plus altérée. Elle se traduit par une défiance envers les médias (« je ne regarde jamais la télévision »), les gouvernements (« on a des incapables au gouvernement »), les dirigeants d’entreprise qui « n’ont pas la carrure pour assumer cette évolution brutale », ou tous ceux qui, ne respectant pas les règles du confinement, risquent de nous contaminer (« la responsabilité prend le pas sur la confiance envers les autres »).</p>
<p>Les répondant·e·s constatent une baisse de leur enthousiasme. Difficile de trouver de l’entrain lorsque l’on est isolé (« c’est l’horreur, sans conjoint et sans pouvoir en trouver un, dans 20m<sup>2</sup>, sans voir le soleil »), que notre entreprise ou notre emploi est menacé (« l’objectif : ne pas couler »), ou simplement lorsque l’incertitude s’avère difficile à gérer (« trop de stress, pas assez de réponses »).</p>
<p>La sociabilité est également affectée. La distanciation sociale, imposée physiquement, se traduit dans les esprits. Le recentrage sur le cocon familial laisse penser qu’il est possible de vivre en limitant les liens sociaux, qu’ils soient délétères (« des collègues qui s’espionnent les uns les autres ») ou simplement superflus (« le fait de ne pas être obligée de rendre visite à des gens […], finalement c’est presque un soulagement »).</p>
<p>Il faut noter qu’il y a peu de différences de réponses entre les quelque 325 hommes et femmes français interrogés, que l’âge est un facteur de sérénité (les dégradations sont moins fortes chez les + de 50 ans), et que les conditions du confinement (lieu, nombre de personnes confinées) n’ont pas non plus d’impact sur ces évolutions.</p>
<h2>Capitaliser sur les évolutions positives</h2>
<p>Les résultats de cette étude dessinent une tendance, qui appelle les managers à la vigilance pour la reprise. Deux grandes préconisations peuvent être faites :</p>
<ul>
<li><p>La première est de valider avec les collaborateurs ces évolutions positives, en sollicitant leurs témoignages, en leur demandant leur avis, en leur faisant verbaliser leur propre ressenti. Il faut alors souligner l’importance de ces acquis et les aider à les capitaliser.</p></li>
<li><p>La seconde est d’exercer une grande vigilance sur les trois compétences en berne et de chercher à « réparer » ce qui a été entamé après ces semaines d’isolement : la confiance envers les autres, l’enthousiasme, la sociabilité.</p></li>
</ul>
<p>Il s’agira donc de chercher à retisser avec patience du lien social, bien mis à mal par la pandémie, la distanciation sociale, les médias, les réseaux sociaux.</p>
<p>Les résultats de notre étude soulignent l’importance de la dimension relationnelle de ce travail managérial. L’ultime recommandation serait ainsi de mettre de côté les process, les feuilles de route ou encore les tableurs Excel pour passer plus de temps avec les uns et les autres. On peut affirmer sans grand risque que ce temps donné sera grandement apprécié et bien utile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118495/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude relève que, si l’empathie se développe, la capacité de confiance envers les autres se dégrade.Isabelle Barth, Chercheuse et Directrice, INSEEC U, INSEEC Grande ÉcoleDaria Plotkina, Enseignant-chercheur et Docteur au laboratoire Humanis de l'EM Strasboug Business School, Université de StrasbourgDelphine Theurelle-Stein, Enseignant-chercheur au laboratoire Humanis de l'EM Strasbourg Business School, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278252019-11-28T19:28:55Z2019-11-28T19:28:55ZTerminologie et enseignement : le double paradoxe des « soft skills »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/303696/original/file-20191126-112484-1wq7fki.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C7%2C1000%2C658&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Pas toujours si soft, les « soft skills »...</span> <span class="attribution"><span class="source">Artur Szczybylo / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Elles sont à la mode. Mais méfions-nous des tendances ; « être dans le vent, une ambition de feuille morte » écrit Gustave Thibon, une idée largement reprise par les <a href="http://www.contre-info.com/etre-dans-le-vent-lambition-dune-feuille-morte-gustave-thibon-explique-par-la-science">thèses du conformisme</a>. Car ce qui fait une tendance c’est justement sa fin annoncée. Et il serait dommage que les « soft skills » ne perdurent pas comme critères susceptibles de distinguer un profil professionnel d’un autre. Mais si l’on adhère à cette idée, alors deux paradoxes émergent qui devraient nous faire réfléchir.</p>
<p>Dans la même logique que celle qui a poussé les linguistes à distinguer les « sciences dures » (mathématiques, physique, chimie, mécanique) des « sciences molles » (gestion, communication, RH, marketing), on a soudain revalorisé ces terminologies. Ainsi, les « sciences molles » sont devenues des « sciences douces », « sociales », « humaines », et les « soft skills » sont venues s’inscrire en opposition aux « hard skills » avec la délicate traduction de « savoir-être » par opposition au « savoir-faire ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1153516001356668930"}"></div></p>
<p>Quoi qu’il en soit, si les terminologies restent discutables, ce qui ne l’est pas ce sont les concepts qu’elles véhiculent et leurs façons de cohabiter. Car si les entreprises ont longtemps privilégié l’embauche de compétences techniques (i·e·hard skills), elles s’orientent aujourd’hui bien plus vers la détection de compétences humaines, parmi lesquelles l’agilité intellectuelle, l’adaptabilité, l’esprit d’équipe, l’initiative, la créativité et l’esprit critique sont les fers de lance.</p>
<p>La plupart des sites Internet traitant de recrutement (<a href="https://www.cadremploi.fr/editorial/conseils/conseils-candidature/entretien-embauche/detail/article/soft-skills-quelles-sont-celles-que-les-entreprises-s-arrachent.html">Cadremploi</a>, <a href="https://www.sciencespo.fr/executive-education/pourquoi-les-soft-skills-deviennent-incontournables">Sciences Po Executive Education</a>, <a href="https://challengeme.online/les-softs-skills/">ChallengeMe</a>, <a href="https://www.monster.fr/conseil-carriere/article/5-points-a-retenir-sur-importance-soft-skills">Monster</a>, etc.) arrive ainsi à des conclusions convergentes : les entreprises recherchent de plus en plus de qualités humaines individuelles, les manques techniques pouvant être compensés par des formations ad hoc.</p>
<p>Ce qui nous amène au premier paradoxe : si ces « douces compétences » sont tellement importantes pour les organisations, pourquoi le terme de « soft » est-il encore utilisé ? Car il continue de transmettre l’acception d’une importance toute périphérique alors que, manifestement, ce type de compétence est devenu central.</p>
<h2>Condition nécessaire mais pas suffisante</h2>
<p>Parlons maintenant de la formation de nos étudiants. En sciences de gestion, les enseignants-chercheurs insistent de plus en plus auprès de leurs étudiants sur l’importance de développer leurs soft skills, souvent présentés sous la terminologie de « savoir-être ». Déontologie, éthique, responsabilité sociétale des entreprises (RSE) associent ainsi autant de problématiques comportementales génériques que d’éléments basiques tels que le fait de ne pas utiliser son téléphone en cours ou d’arriver à l’heure en classe. Difficile ainsi pour nos étudiants de distinguer les soft skills recherchés par les organisations des éléments fondamentaux qui animent les relations sociales de type « politesse » et « respect ». Car sans ces derniers, nulle chance de trouver un emploi. Mais la seule présence de ceux-ci n’est pas suffisante pour assurer au candidat de promouvoir un profil suffisamment différenciant.</p>
<p>Nous sommes ici dans le cas de la condition nécessaire mais non suffisante, ce qui nous amène au second paradoxe : si ces « douces compétences » sont tellement importantes pour les enseignants-chercheurs, pourquoi les programmes universitaires ne sont-ils pas structurés autour de celles-ci ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=819&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303693/original/file-20191126-112531-11h9k7n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1029&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">Turgaygundogdu / Shutterstock</span></span>
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<p>Cela fait plus de cent ans que cette problématique a été identifiée. En effet, en 1918, la Fondation Carnegie a publié un essai de Charles Riborg Mann intitulé <a href="https://archive.org/details/studyofengineeri00mannuoft/page/n3">« A Study of Engineering Education »</a>. Dans ce document, on apprend en <a href="https://archive.org/details/studyofengineeri00mannuoft/page/n121">page 107</a> que les répondants ont considéré dans 94,5 % des cas que les qualités humaines d’une personne étaient les plus à même de mener une organisation au succès, devant les capacités d’évaluation, d’efficacité, de compréhension, de connaissances et de maîtrise technique.</p>
<p>Et malgré cette connaissance dormante, les programmes universitaires de management continuent de privilégier l’enseignement technique sur celui du savoir-être. Pour répondre à ces deux paradoxes, l’Université devrait donc remettre au centre de l’échiquier la question des soft skills et surtout de leur positionnement. En effet, la recherche et la rétention des talents est désormais au cœur de tous les défis. Et ce qui caractérise le plus un « talent » est justement cette capacité à maîtriser les agilités, ce qui place de facto les soft skills au cœur des priorités des recruteurs.</p>
<h2>Un « savoir-être » bien mal nommé</h2>
<p>Sur le plan terminologique, l’Université devrait donc se questionner sur une modification de leur représentation. Au Royaume-Uni et aux États-Unis, on soulève de plus en plus souvent le <a href="https://joshbersin.com/2019/10/lets-stop-talking-about-soft-skills-theyre-power-skills/">problème</a>, un constat accompagné de la recommandation de désormais appeler les soft skills des <a href="https://hackernoon.com/call-them-power-skills-not-soft-skills-e9e39bb7f338">« power skills »</a>. Cette évolution est de grande importance car, par la terminologie, elle replace cette nature de compétences au cœur des préoccupations managériales. En France, il serait donc propice de développer cette réflexion afin de remplacer l’anglicisme « soft skills » et son équivalent français de « savoir-être » par une terminologie plus représentative de ce que sont ces compétences et de ce à quoi elles servent. Par exemple, nous pourrions envisager de les appeler « agilités » (au pluriel) ou de créer le pendant humain du concept économique « d’élasticité ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/303694/original/file-20191126-112522-1qajwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Shutterstock.</span>
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<p>Quant au plan pédagogique, ces « agilités » <a href="https://www.forbes.com/sites/anantagarwal/2018/10/02/data-reveals-why-the-soft-in-soft-skills-is-a-major-misnomer/#24a32d3e6f7b">peuvent être enseignées</a>. Mais avant d’en arriver là, il est en préambule important de repenser les contenus pédagogiques des programmes universitaires. Ainsi, une solution pourrait résider dans l’architecture suivante : années 1 & 2, apprentissage des fondements thématiques ; année 3, spécialisation ; année 4, enseignement des techniques permettant aux étudiants de mettre à jour leurs connaissances acquises en année 3 afin de ne jamais être en reste techniquement ; et année 5, enseignement des sources et des ressources d’agilités. Dans ce dernier cas, il serait sans doute utile d’inviter la psychologie dans l’enseignement des sciences de gestion afin de parler d’empathie ou de solutions de socialisation, et de mobiliser des ressources afin d’apprendre à nos étudiants comment créer, intégrer ou animer un réseau, développer l’adhésion à un projet ou encore renforcer une culture d’entreprise.</p>
<p>Si l’avenir de la performance des organisations réside dans leur capacité à recruter des talents humanistes, alors l’Université doit reconquérir sa place de créatrice de <a href="https://philosciences.com/philosophie-generale/la-philosophie-et-sa-critique/17-edgar-morin-complexite">complexité</a> et ajouter la troisième dimension de l’agilité à celles de créatrice de compétences et d’ascenseur social qu’elle valorise déjà si bien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127825/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Mouillot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les compétences relatives au « savoir-être », outre une dénomination qui atténue leur importance, restent enseignées à la marge des programmes alors qu’elles sont présentées comme décisives.Philippe Mouillot, Maître de Conférences HDR en Sciences de Gestion, IAE de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1202512019-07-22T22:57:23Z2019-07-22T22:57:23Z« Centres d’intérêt », bientôt la rubrique la plus importante du CV ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/284524/original/file-20190717-147312-j6dnih.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C14%2C980%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Parler longuement et passionnément de vos activités extra-professionnelles en entretien peut faire pencher la balance en votre faveur.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Indypendenz / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Trouver un stage, dénicher une alternance, décrocher son premier job ou changer de poste en cours de carrière suppose de passer par la case incontournable de rédaction du CV pour rentrer dans le jeu du recrutement. C’est ce document qui permettra aux candidats de présenter synthétiquement à l’entreprise dans laquelle il postule son « déroulement de la vie », pour reprendre l’étymologie latine du mot <a href="https://www.cnrtl.fr/etymologie/curriculun%20vitae"><em>curriculum vitae</em></a>.</p>
<p>De manière concrète, on retrouve dans un CV la formation et les expériences professionnelles qui permettent de faire le lien entre l’offre et la demande sur un marché du travail très concurrentiel. D’autres rubriques doivent également y figurer : la fiche signalétique avec les moyens de contact, une photographie professionnelle, les compétences en langues et informatiques (souvent regroupées), ainsi que… les fameux centres d’intérêt ! Les deux premières rubriques évidemment incontournables, formations et expériences professionnelles, permettent de prouver connaissances et savoir-faire. Mais dans ce duo, il manque une dimension importante pour retenir l’attention, se valoriser et se différencier : le savoir-être ! Or, ce savoir-être est le troisième pilier qui apporte de la cohérence et de la stabilité à la candidature, à l’instar du <a href="http://medias.dunod.com/document/9782100550425/Feuilletage.pdf">trépied pour un photographe</a>.</p>
<h2>Illustrer les compétences comportementales</h2>
<p>Pour valoriser ce savoir-être, nul besoin de lister les « soft skills » (ou <a href="https://www.forbes.fr/management/les-15-soft-skills-a-maitriser-en-entreprise/?cn-reloaded=1">« compétences comportementales »</a>) que l’on pense détenir. Il ne s’agit pas d’écrire simplement que vous êtes par exemple organisé, mais bien de le prouver. En ce sens, raconter un projet que vous avez mené en insistant sur les résultats obtenus illustrera les soft skills que vous êtes capable de mobiliser et retiendra donc davantage l’attention du recruteur.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/ZfHQeCwWLi8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Comprendre les soft skills », interview de Laure Bertrand, directrice des Soft Skills de l’EMLV (vidéo Xerfi canal, 2017).</span></figcaption>
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<p>Comme ces expériences peuvent tout aussi bien avoir eu lieu dans un cadre professionnel que personnel, la rubrique « centres d’intérêts » peut lui fournir de précieuses informations qui pourront l’interpeller et servir de base de discussion lors d’un éventuel entretien d’embauche. Plus généralement, « les <a href="https://www.cnrtl.fr/etymologie/centre">centres</a> d’<a href="https://www.cnrtl.fr/etymologie/int%C3%A9r%C3%AAt">intérêt</a> » sont à soigner, car c’est ce qui permet d’identifier ce qui est au cœur même de la personne. Ils expriment ce qui lui importe, ce par quoi elle est concernée, l’attention qu’elle porte à quelqu’un ou à quelque chose. Il ne s’agit pas de rentrer dans l’intime du candidat mais de cerner ses sujets de curiosité, de connaître ses valeurs… et ainsi d’identifier ses « soft skills ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/284486/original/file-20190717-147318-1s9big0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.hr-voice.com/communiques-presse/6-managers-sur-10-sont-prets-a-recruter-leurs-collaborateurs-principalement-sur-leurs-soft-skills/2019/05/17/">Extrait de l’enquête Cadremploi et Michael Page menée auprès de 1641 cadres français. (2019).</a></span>
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<p>Aujourd’hui, <a href="https://www.hr-voice.com/communiques-presse/6-managers-sur-10-sont-prets-a-recruter-leurs-collaborateurs-principalement-sur-leurs-soft-skills/2019/05/17/">62 % des managers</a> se disent prêts à recruter un collaborateur principalement pour ses soft skills ! Il est donc essentiel de ne pas délaisser cette rubrique et de la travailler tout aussi sérieusement que les autres parties du CV, même si elle figure généralement en bas de page.</p>
<h2>34 secondes d’attention</h2>
<p>Tout d’abord, attention à cette tendance très répandue d’illustrer une idée uniquement par des symboles et autres dessins ! En effet, que signifie le sigle ✈ ? Vous êtes passionné d’avion de guerre et vous construisez des maquettes, preuve de votre précision et de votre minutie ? Vous avez passé votre brevet après des études de management et vous pilotez des avions de tourisme, preuve de votre ténacité et de votre responsabilité ? Vous voyagez pour partir à la découverte d’autres cultures et parler la langue du pays, preuve de votre curiosité culturelle et de votre maîtrise de langues rares ? Ou vous avez la chance d’avoir suivi votre famille dans des vacances farniente à l’autre bout du monde ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/284522/original/file-20190717-147299-1gsznjv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un recruteur n’a que quelques secondes à accorder à chaque candidature.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tommaso79/Shutterstock</span></span>
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<p>Si le visuel passe avant le contenu, vous perdez le recruteur : il n’a pas le temps de mener l’enquête et de déchiffrer le message codé. Aujourd’hui, un recruteur passe en <a href="https://www.docaufutur.fr/2019/02/27/recrutement-en-moyenne-les-employeurs-consacrent-34-secondes-a-une-candidature/">moyenne 34 secondes pour lire un CV</a>. Conseil : il faut nommer ses centres d’intérêt et les expliciter de manière efficace.</p>
<p>Par exemple, la musique est certainement un centre d’intérêt partagé par beaucoup de candidats. Mais ne citer que le mot « musique » dans la rubrique ne vous aidera pas à vous distinguer d’un autre candidat. Indiquez plutôt que la pratique de la guitare depuis plusieurs d’années en solo puis dans un groupe vous a permis de développer de l’écoute. Cette activité dans la durée témoignera aussi de votre capacité à vous engager. Vous pouvez aussi parler de votre intérêt pour la publicité et la musique, ou comment vous vous êtes intéressé à la musique classique en étudiant des publicités.</p>
<h2>Pouvoir en parler longuement…</h2>
<p>Les sujets sur lesquels on peut échanger sont donc nombreux puisqu’ils dépendent de chacun : la pratique régulière d’une activité sportive, la connaissance approfondie d’une période de l’histoire, la participation à des compétitions sportives, une pratique artistique (musique, peinture, photographie), l’engagement dans une association, la réalisation d’un projet humanitaire… sont autant de sujets non exhaustifs sur lesquels on peut échanger.</p>
<p>Attention toutefois : il s’agit de mettre en avant un atout personnel dont on peut parler longuement et avec passion. Ne mentez surtout pas : si un recruteur vous interroge sans que vous puissiez lui démontrer votre intérêt et votre connaissance du sujet, vos chances d’embauche peuvent être réduites à néant en quelques secondes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/284521/original/file-20190717-147288-13uyfnq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le recruteur peut estimer que le candidat sait réellement travailler en équipe s’il évoque la pratique du football ou d’un autre sport collectif sur son CV.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rawpixel.com/Shutterstock</span></span>
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<p>Un « centre d’intérêt » doit donc être accompagné d’une brève description de l’expérience et des résultats obtenus. À partir de là, le recruteur va s’attacher à repérer un savoir-être transférable à un cadre professionnel. Ce n’est pas tant la compétence technique que la compétence comportementale associée qui devient donc importante.</p>
<p>Les recruteurs trouveront certainement dans les centres d’intérêt le <a href="https://www.hr-voice.com/communiques-presse/6-managers-sur-10-sont-prets-a-recruter-leurs-collaborateurs-principalement-sur-leurs-soft-skills/2019/05/17/">top 3 des compétences</a> qu’ils recherchent : travailler en équipe (si vous avez pratiqué un sport collectif dans une équipe qui a remporté des titres), fiabilité (si vous êtes bénévole depuis longtemps dans une association carritative) et autonomie (si vous avez effectué des voyages lointains seul). On peut ainsi ajouter que, pour exprimer au mieux ses centres d’intérêt, tout est affaire de connaissance de soi et de préparation. Soit un autre sujet à travailler…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/120251/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Virginie Ferrouillat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une expérience culturelle ou sportive permet d’identifier des « soft skills » auxquels les recruteurs se montrent de plus en plus sensibles.Virginie Ferrouillat, Responsable Alternance EMLV, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1189832019-06-24T21:02:52Z2019-06-24T21:02:52ZSe vendre comme occidental à Dubaï<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280956/original/file-20190624-97751-60oiz9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C7%2C2618%2C1745&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dubai, une 'ville-entreprise' qui favorise les expatriés occidentaux sur des critères très précis.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/A4o2W-MgQEM">Denis Harsch/Unsplash </a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Amélie Le Renard vient de publier aux Presses de Sciences Po (avril 2019) <a href="http://www.pressesdesciencespo.fr/fr/livre/?GCOI=27246100074350"><em>Le privilège occidental</em></a>, résultat d’une longue enquête sociologique sur la perception des travailleurs occidentaux à Dubaï et les attentes que ces derniers suscitent au sein de la ville émiratie. Extraits remaniés par l’autrice.</p>
<hr>
<p>Ancien protectorat britannique devenue cité état au sein de la Fédération des Émirats arabes unis en 1971, Dubaï peut aujourd’hui être décrite comme une <a href="http://dx.doi.org/10.5749/minnesota/9780816656301.001.0001">« ville-entreprise »</a> que les autorités sont parvenues à imposer comme un carrefour incontournable d’échanges commerciaux, financiers et humains à l’échelle globale.</p>
<p>Sur le marché du travail dont plus de <a href="https://www.courrierinternational.com/article/2009/02/19/les-travailleurs-etrangers-pris-au-piege">90 % des protagonistes sont des résidents étrangers</a>, les titulaires de passeports occidentaux sont structurellement avantagés : ils reçoivent des salaires bien supérieurs, ont des carrières plus rapides et occupent plus souvent des positions de management.</p>
<p>Si ces avantages peuvent être inscrits dans la continuité de hiérarchies coloniales, ils sont aussi liés à la politique migratoire du gouvernement dubaïote ainsi que des entreprises, cherchant à attirer des ressortissant·e·s de pays occidentaux. En effet, l’occidentalité est construite comme un argument de vente au service de la marque Dubaï.</p>
<p>Le statut avantageux dont bénéficient les titulaires de passeports occidentaux s’accompagne d’attentes tacites sur le marché du travail – et qui varient selon le genre et l’assignation raciale. De manière tacite, il est attendu des personnes qu’elles performent une occidentalité essentialisée, construite d’une manière singulière.</p>
<p>S’y conformer permet de vendre non seulement la marque Dubaï, mais aussi les marques des entreprises, et de se vendre soi-même, une expression employée couramment par les personnes que j’ai rencontrées. Se vendre, dans la ville-entreprise, c’est se promouvoir sur le marché du travail et se constituer un réseau de personnes utiles.</p>
<h2>Les soft skills</h2>
<p>La centralité de l’image marque le monde professionnel. Au cours des entretiens, la « bonne présentation », la « bonne attitude » reviennent sans cesse comme des critères centraux de recrutement. Ella, salariée dans une start-up (de nationalité norvégienne), m’explique qu’elle doit recruter quelqu’un pour son équipe et qu’elle recherche avant tout une « personnalité ». Quand je lui demande ce qu’elle entend par là, elle me répond (en anglais) :</p>
<blockquote>
<p>« Je cherche quelqu’un qui a la bonne attitude. Quelqu’un qui veut travailler en équipe, qui a une attitude positive. Qui est sympa, détendu. Et ouvert d’esprit. Qui est dans le même état d’esprit que nous, transparent, positif, détendu, ouvert ».</p>
</blockquote>
<p>La « bonne présentation » et les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/soft-skills-62725">soft skills</a> ne sont pas propres à Dubaï. En France également les compétences dites relationnelles sont valorisées par les employeurs. Cependant, sur un marché du travail aussi multinational, les diplômes tendent à être relativisés. Si leur valeur est jugée à l’aune du pays de leur obtention et qu’un diplôme délivré par une université occidentale constitue un atout, les soft skills peuvent en partie compenser l’absence de diplôme, du moins pour les titulaires de passeports occidentaux, qu’ils soient ou non identifiés comme blancs.</p>
<p>Ainsi que je le comprends au fil de l’enquête d’autres critères spécifiques émergent, même s’ils sont le plus souvent implicites : afficher des signes extérieurs de richesse, masquer les signes d’appartenance religieuse, porter des vêtements renvoyant à une certaine construction de l’occidentalité professionnelle, parler anglais avec un accent européen ou états-unien, et cultiver un sens des interactions ordinaires, incluant un sens de l’humour culturellement situé.</p>
<h2>Porter des signes extérieurs de richesse</h2>
<p>Une entrepreneure française, Fatima, la trentaine, insiste sur l’importance d’afficher des objets visiblement chers pour être prise au sérieux. Cela serait, selon elle, un premier critère de la « bonne présentation » :</p>
<blockquote>
<p>« À Dubaï quand tu vas dans un meeting pour une grosse société, si tu es un mec, ils vont regarder ta montre et, si tu es une gonzesse, voir si tu es apprêtée, si tu as un diamant. […] En France, si tu vas avec un sac à main Chanel dans un [rendez-vous professionnel], c’est vulgaire, si tu veux […] »</p>
</blockquote>
<p>Pour Fatima, l’affichage de signes extérieurs de richesse est un critère de jugement pour un entrepreneur, et plus largement pour toute personne travaillant dans la vente. Elle-même a dû apprendre à se présenter selon ces codes, bien différents de ceux qu’elle a appris en France, dans son village, puis dans l’école de commerce d’une petite ville où elle a passé son diplôme (bac+3) : les professeurs y recommandaient de ne pas arborer de signe ostensible de richesse, expliquant que cela attirait la méfiance.</p>
<p>Lors de notre rencontre, elle se conforme désormais à ce modèle. Pour l’entretien, elle me donne rendez-vous dans le lobby d’un hôtel chic situé dans un quartier onéreux, arrive dans une tenue que je juge chère et sophistiquée quoique décontractée (mini jupe en jeans, chemise manches courtes d’une matière vaporeuse, chaussures lacées à talons plats en cuir blanc), commande plusieurs boissons et règle la note.</p>
<p>Le consumérisme, la mise en scène de la dépense d’argent et l’affichage de marques considérées comme prestigieuses sont centraux dans l’interprétation de l’appartenance des personnes en termes de classe. Il existe évidemment d’autres signes, comme les diplômes obtenus dans des universités états-uniennes ou britanniques. Cependant, dans un monde professionnel où beaucoup ne font que passer et où chacun doit être capable de situer rapidement une nouvelle connaissance, avoir l’air riche constitue un critère qui s’articule avec celui de la nationalité.</p>
<p><a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Les_classes_sociales_dans_la_mondialisation-9782707149220.html">Des formes de bluff</a> existent cependant, favorisées par les environnements sociaux internationaux. Avant de monter son entreprise, Fatima a d’ailleurs vécu à Dubaï pendant un an sous un statut de visa touriste qui l’obligeait à sortir du pays tous les quarante jours. Elle travaillait alors illégalement, et était donc dans une situation précaire tout en affichant des signes extérieurs de richesse. Un cas similaire à d’autres que j’ai rencontrés au cours de l’enquête.</p>
<h2>L’absence de signes évoquant la pratique de la religion musulmane</h2>
<p>Pour correspondre à une certaine construction de l’occidentalité professionnelle, un deuxième critère tacite est l’absence de signes évoquant la pratique de la religion musulmane.</p>
<p>Plusieurs personnes m’ont rapporté des cas de discrimination à l’embauche contre des candidates et candidats dont les recruteurs jugeaient la pratique de la religion musulmane trop visible (voile, barbe), ainsi que des licenciements de salariés musulmans souhaitant prier au travail, dans des entreprises émiriennes, françaises et états-uniennes.</p>
<p>Plusieurs éléments expliquent le caractère répandu de ces discriminations, en contradiction apparente avec l’image islamique des Émirats construite par différentes mesures (proclamation de l’islam comme religion d’État, limitation de la vente d’alcool).</p>
<p>En premier lieu, les entreprises jouissent d’une forte autonomie dans l’économie néolibérale de Dubaï. L’absence de droit antidiscriminatoire leur permet d’adopter les mêmes pratiques que dans d’autres contextes (en France par exemple) vis-à-vis des personnes dont la pratique de la religion musulmane est jugée trop visible, comme me l’explique Mélanie, salariée (française) d’un cabinet de recrutement :</p>
<blockquote>
<p>« Les recruteurs me disent clairement par exemple, “Moi, je ne veux pas de femmes voilées.” Ça, ça pose aucun problème de [dire ça ici]. […] Il n’y a aucun tabou là-dessus ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280969/original/file-20190624-97762-obdry1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les employeurs jugeant la pratique de la religion musulmane trop visible (barbe), peuvent licencier des salariés musulmans dans des entreprises émiriennes, françaises et états-uniennes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/s19SLYuhAiQ">Ahmed Carter/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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</figure>
<p>En second lieu, la construction stéréotypique de l’occidentalité, si elle avantage les personnes concernées, façonne aussi des attentes normatives. Les personnes embauchées dans ce cadre sont censées performer une identité occidentale professionnelle stéréotypée, qui passe par le tailleur ou le costume cravate, afin d’incarner l’image de Dubaï comme ville globale.</p>
<p>Esteban, de nationalité française, me raconte qu’en tant que candidat portant une courte barbe et ayant déclaré sa confession musulmane – l’appartenance religieuse est souvent demandée dans les formulaires de candidature –, il s’est heurté, lors d’un dernier entretien avant embauche, à l’opposition de son interlocuteur :</p>
<blockquote>
<p>« Il m’a dit : “La barbe, qu’est-ce que tu en penses ?” J’ai dit : “Je ne comprends pas.” Il a poursuivi : “Est-ce que tu la portes tout le temps ?” Je lui ai dit : “‘Ben oui !” […] C’est une question que je ne m’étais jamais posée, je lui ai dit : “Pourquoi ?” Il me dit : “Voilà, dans le milieu du luxe, ce n’est pas trop des choses qui se font.” […] Il m’a demandé si j’étais religieux. Je ne savais pas trop quoi répondre. Je lui ai dit : “Un peu des deux. C’est fashion.” Parce que c’est une belle barbe, c’est taillé en général, c’est propre. Il me dit : “Ah, j’ai peur aussi que pendant le ramadan, vous laissiez pousser une grosse grosse barbe.” Je lui dis : “Non non, mais si vous voulez, je vais chez le barbier tous les jours.” Et au final on en a parlé pendant cinq minutes, je lui ai dit : “On en rediscutera.” […] Et finalement ils n’ont jamais donné suite ».</p>
</blockquote>
<h2>Correspondre à une certaine image de la francité</h2>
<p>Lors de la même conversation, l’employeur potentiel expliqua que ne pas boire de vin lors d’un déjeuner d’affaires constituait un désavantage pour l’image de l’entreprise. Cette référence au vin de la part d’un interlocuteur états-unien, dans un contexte professionnel où l’alcool n’est accessible que dans les restaurants d’hôtel, et à prix très élevé, n’est pas anodine.</p>
<p>Ainsi, certains postes nécessiteraient d’adopter un comportement caractéristique de la bourgeoisie d’affaires d’un pays comme la France. Cette injonction s’adresse néanmoins principalement à des personnes dont les employeurs attendent qu’elles correspondent à une certaine image de la francité et/ou de l’occidentalité.</p>
<p>Il se produit ainsi une combinaison entre des pratiques de discrimination contre les musulmans importées de différents pays (notamment européens), liées à des formes de <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Islamophobie-9782707176806.html">racialisation des personnes supposées musulmanes</a>, et la construction sur le marché du travail d’une occidentalité stéréotypée excluant les signes jugés trop manifestes de pratique de l’islam.</p>
<p>Au sein des administrations et des entreprises, seules les personnes émiriennes (très minoritaires), à travers leur habit (<em>dishdasha</em> pour les hommes, <em>’abaya</em> pour les femmes), sont incitées à afficher des signes pouvant être associés à l’islam, qui participent alors à la performance d’une forme d’authenticité nationale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=342&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280983/original/file-20190624-97808-4zlhvw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=430&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Seuls les ressortissants émiriens ont le droit de porter un habit « traditionnel » attestant d’une certaine authenticité.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/stephangeyer/3607979058/">Stephan Geyer/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>La « blanchité » sans cesse associée à l’occidentalité</h2>
<p>De manière plus générale, une pression normative pèse sur les comportements des personnes censées incarner l’occidentalité.</p>
<p>C’est particulièrement le cas lorsqu’elles ne sont pas blanches : leurs interlocuteurs et interlocutrices cherchent alors souvent à savoir à quelles catégories racialisées les rattacher, s’il faut les considérer comme françaises, comme occidentales et/ou comme arabes par exemple. Ce questionnement sans cesse réitéré est <a href="https://www.routledge.com/The-Biopolitics-of-Mixing-Thai-Multiracialities-and-Haunted-Ascendancies/Haritaworn/p/book/9780754676805">révélateur de rapports de pouvoir</a>.</p>
<p>Ces hésitations récurrentes dessinent les contours d’une occidentalité normative, qui demeure associée à la blanchité même si elle ne s’y réduit pas. L’occidentalité des personnes non blanches peut à tout moment être remise en question ; elle est renvoyée au liminaire, à l’instable.</p>
<p>Indépendamment des signes présumés religieux, dans le domaine professionnel, les personnes non blanches peuvent être sommées de réaffirmer leur statut occidental (ou national) face à des catégorisations concurrentes. Lors des premières rencontres, un doute premier semble toujours devoir être dissipé, comme l’affirme Tony :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis d’origine bangladeshie, et pour le coup je suis jugé comme un Bangladeshi au départ. Mais très rapidement, de par mon style vestimentaire, aussi bien que dès que je commence à parler, on comprend que je ne suis pas… Que je suis d’ailleurs. Donc à ce moment-là, on me prend un peu différemment. Mais dès le départ, on se pose clairement des questions ».</p>
</blockquote>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280973/original/file-20190624-97745-11zdsu6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Deux ouvriers pakistanais, sur les docks de Deira, Dubai, 2010. Les expatriés d'origine sud-asiatique doivent montrer leur ‘différence’, leur ‘occidentalité’ pour dissiper le doute possible.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/charlesfred/4624090988">Charles Roffey/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Cet extrait d’entretien suggère la centralité de la présentation de soi dans la performance, inconsciente ou stratégique, d’un statut qui soit différent d’autres statuts moins valorisés.</p>
<p>Cette présentation de soi implique également des <a href="https://read.dukeupress.edu/books/book/1787/Impossible-CitizensDubai-s-Indian-Diaspora">pratiques langagières et corporelles</a> qui marquent la distinction de celles de résidents non titulaires de passeports occidentaux.</p>
<p>Ainsi, les avantages structurels à être occidental s’accompagnent d’attentes normatives qui contraignent d’une manière spécifique les conduites des personnes non blanches. Le marché du travail produit des normes de présentation de soi et des formes d’exclusion en termes de genre, de classe, de race et de nationalité. La norme consiste à considérer un type d’habit dit occidental – décliné dans différentes versions réaffirmant la binarité de genre – comme neutre et professionnel, tandis que tout autre habit, perçu comme « ethnique » ou comme religieux dans le cas du voile, décrédibilise la personne qui le porte et limite ses chances d’emploi et de promotion.</p>
<p>Cette limite passée, certains corps sont vus comme plus désirables que d’autres sur le marché du travail. Certaines attitudes sont valorisées, notamment le fait d’être sympathique, « fun », ce qui demande un travail corporel et émotionnel particulier.</p>
<hr>
<p><em>Quelques paragraphes reproduits ici ont également été publiés en 2016 dans la revue <a href="https://journals.openedition.org/traces/6414">Tracés</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/118983/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Le Renard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’« occidentalité » est construite comme un argument de vente au service de la « marque » Dubaï. Que recouvre cette expression et qui concerne-t-elle ? Extraits.Amélie Le Renard, Chargée de recherche en sociologie, Centre Maurice Halbwachs, École normale supérieure (ENS) – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1103082019-03-27T21:29:27Z2019-03-27T21:29:27ZDiaspora et mobilité : enrichir la recherche africaine<p>Dans son projet « Bienvenue en France », le gouvernement français a annoncé sa volonté d’attirer davantage les étudiants étrangers, en particulier asiatiques sur son sol. Il a également fait part de son envie d’augmenter les frais de scolarité pour ceux qui ne sont pas de la communauté européenne. Ce plan a suscité diverses réactions. Certains y ont vu une <a href="https://theconversation.com/debat-bienvenue-en-france-aux-etudiants-etrangers-vraiment-107291">mesure discriminatoire</a>. D’autres s’interrogent sur l’attractivité de la France, en questionnant le rayonnement de la Francophonie à laquelle l’Afrique <a href="https://www.france24.com/fr/20181113-france-asie-afrique-etudiants-etrangers-mobilite-echanges-attractivite-universites">et ses étudiants contribuent largement</a></p>
<p>Si ces mesures font écho à la controverse actuelle en Europe sur les migrations, <a href="https://theconversation.com/la-ruee-vers-leurope-nest-pas-inscrite-dans-la-demographie-africaine-112564">particulièrement africaines</a>, celles-ci ne sont pas nouvelles dans le débat public, notamment pour sa frange la plus qualifiée.</p>
<p>L’idée selon laquelle ces étudiants devaient absolument retourner chez eux pour servir leur pays – impératif de développement oblige – et « être des ambassadeurs politiques, économiques et culturels » de leur pays de formation, en l’occurrence la France, a longtemps prévalu.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/_D514WOBSug?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La docteure en immunologie Yvonne Mburu s’exprime au sujet d’une plate-forme destinée à mettre en réseau les chercheurs en médecine issus de la diaspora ou du continent africain.</span></figcaption>
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<h2>Une très forte mobilité</h2>
<p>Si la pertinence de cette assertion n’est pas en débat ici, celle-ci semble ne pas prendre suffisamment en compte la mondialisation et les formes de reconfigurations qu’elle imprime. En l’occurrence, elle ouvre des espaces de circulation, remodèle le marché de compétences et du travail mondial, confronte voire transforme les différentes sociabilités et identités acquises tout au long du parcours de vie et d’études, ouvre d’autres formes de participation à la vie collective, etc.</p>
<p>Et les étudiants africains sont depuis longtemps inscrits dans ces dynamiques. En effet, les mobilités pour études ont toujours cours, souvent en rapport avec les nouvelles exigences liées aux transformations des savoirs, des connaissances et des métiers. D’après <em>Campus France</em> (<a href="http://pmb.cereq.fr/index.php?lvl=bulletin_display&id=32741">Hors-Série n°16, novembre 2017</a>), 432 589 Africains sont en mobilité internationale, soit 10 % de la population étudiante mobile mondiale ; et par exemple, en France, 142 608 étudiants africains sont inscrits dans l’enseignement supérieur où ils représentent 43,2 % des étrangers.</p>
<p><a href="https://www.sencampus.com/les-etudiants-africains-champions-de-la-mobilite/">Les étudiants africains mobiles</a> choisissent à 42,5 % les pays anglophones, à 34,4 % les mondes francophones, et à 7 % les pays arabes. D’autres destinations, toujours selon Campus France retrouvent un certain intérêt : la Chine, l’Inde, et à des proportions moindres la Russie ou encore le Brésil.</p>
<p>Le maintien de cette tradition de mobilité s’accompagne d’une dynamique qui ne cesse de s’ancrer depuis plus de deux décennies : à la faveur de l’ouverture plus grande des marchés du travail européens et nord-américains, de plus en plus d’étudiants restent dans le pays où ils ont été formés ou ré-émigrent vers d’autres contextes plus favorables à leur embauche.</p>
<h2>Des enseignants et chercheurs fortement touchés</h2>
<p>Or, ces dynamiques concernent également les enseignants et les chercheurs africains. Des scientifiques – dont ces auteurs- se sont attaqués au problème dans le volume 12, n°4 de <em>la Revue d’anthropologie des connaissances</em>, <a href="https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2018-4.htm">paru fin 2018</a>. Ils ont, à partir de leur ancrage diasporique et africain, scruté le quotidien de cet enseignement supérieur sur le continent, notamment à travers les mouvements des enseignants et chercheurs, les bénéfices qu’en retirent tout à la fois ces professionnels et leurs institutions, l’engagement des universitaires de la diaspora là où ils travaillent, mais aussi dans les contextes académiques africains.</p>
<p>Quelques enseignements forts s’imposent à tous ceux qui sont intéressés par cette problématique. On observe une mutation progressive, mais profonde de ces lignes migratoires avec, d’une part un décloisonnement des espaces linguistiques et politiques constitués avec la diversification des pays et des aires de circulation, ce qui a favorisé l’émergence d’autres pôles de mobilités, y compris au sein même de l’Afrique. En l’occurrence, l’Afrique du Sud est devenue un pôle important de mobilités d’enseignants et chercheurs africains.</p>
<p>D’autre part on enregistre une multiplicité des formes d’engagement des enseignants et chercheurs africains de la diaspora au travers des initiatives diverses qu’ils développent, telles les publications conjointes, les projets de recherche, des invitations, les co-directions d’étudiants, etc.</p>
<h2>Les avantages de la circulation des cerveaux</h2>
<p>Notre recherche souligne surtout que ces circulations présentent de nombreux avantages. Outre des formes de coopérations scientifiques que génère la constitution des diasporas, ces circulations permettent de renouveler les objets de recherche ainsi que les épistémologies et conduisent à des transformations qualitatives des institutions des pays d’origine et des territoires d’accueil professionnel.</p>
<p>Longtemps également a prévalu l’idée que ces professionnels hautement qualifiés étaient perdus pour le continent africain ; ils ont parfois même été qualifiés de traitres ou de fuyards par leurs pays face à l’ampleur des défis qui interpellent cette région du monde, c’est ce qu’on a appelé le <em>brain drain</em> ou <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fuite_des_cerveaux">fuite des cerveaux</a>.</p>
<p>Désormais, il est de plus en plus admis que le départ ne signifie pas surtout rupture ; de même que la migration internationale d’ouvriers et d’employés s’est caractérisée, entre autres, par d’importants transferts d’argent envers les pays d’origine au point de dépasser l’aide publique au développement <a href="https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/29777#">(41 milliards de dollars en 2018 selon la Banque Mondiale)</a> la mobilité des enseignants et chercheurs se traduit aussi par le maintien de liens académiques avec les espaces de départ.</p>
<h2>Le départ n’est pas une rupture</h2>
<p>En effet, les scientifiques africains installés dans les pays du Nord développent toute une série d’actions, en rapport avec leurs métiers, envers leur pays d’origine : conception et participation à des programmes de formation, organisation d’événements scientifiques internationaux comme des colloques, des conférences, encadrement d’étudiants, publication d’ouvrages ou d’articles, participation à des groupes de réflexion de haut niveau sur d’importantes questions telles le changement climatique, les migrations, la refonte des organisations internationales, l’évaluation des rapports entre pays du Nord et pays du Sud, élaboration et conduite de programmes de recherches, évaluation et questionnement des écrits scientifiques sur l’Afrique.</p>
<p>C’est ainsi que se tiennent à Dakar, depuis 2016, un événement scientifique d’envergure internationale : <a href="https://www.lesateliersdelapensee.com/">Les Ateliers de la pensée</a>.</p>
<p>Ces derniers fédèrent des intellectuels de la diaspora et leurs collègues en activité sur le continent ; un des objectifs de cette manifestation est de « réfléchir sur le présent et les devenirs d’une Afrique au cœur des transformations du monde contemporain ». Ces Ateliers organisent aussi une école doctorale dont la première édition s’est tenue à Dakar du 21 au 29 janvier 2019 autour de la thématique : « Nouveaux savoirs et enjeux planétaires : épistémologie, pédagogie et méthode ». C’est un désormais un des moments majeurs de l’agenda scientifique en Afrique.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/wwPM6c_qBtc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Achille Mbembé et Felwinn Sarr en conversation lors du lancement des Ateliers de la Pensée, 2017.</span></figcaption>
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<h2>Les anglophones plus visibles</h2>
<p>Jusqu’à présent ce sont les anglophones qui ont été cependant les plus visibles dans ce type d’activités, étant mieux positionnés dans les espaces académiques des pays où ils sont installés et, surtout, mieux organisés.</p>
<p>En effet, les enseignants et chercheurs africains installés en Amérique du Nord sont davantage impliqués dans ces dynamiques.</p>
<p>De plus, les pays anglophones, à l’instar du Ghana, Nigéria, l’Afrique du Sud ou de l’Ouganda bénéficient de ces investissements des diasporas pour redynamiser leur enseignement supérieur.</p>
<p>Ces initiatives ont été précédées pour certaines, ou renforcées pour d’autres, par des dispositifs internationaux tels le programme du PNUD <a href="http://www.ps.undp.org/content/papp/en/home/operations/tokten.html">Transfer of Knowledge Through Expatriate Nationals</a> lancé en 1977 mais mis en œuvre à partir de 1985, le projet de l’Organisation internationale des migrations Return of Qualified Nationals, engagé en 1983, ou encore son programme <a href="https://www.iom.int/mida">Migration for Development in Africa</a> lancé en 2008.</p>
<p>Sur le continent, l’Union africaine s’est imprégnée de ces enjeux à travers des <a href="https://www.africa-eu-partnership.org/fr/strategic-priority-areas/migration-et-mobilite">initiatives de financement conjointes avec l’UE</a> par exemple. Sur le plan symbolique, l’organisation a également attribué vingt postes de son Conseil économique, social et culturel à des membres des diasporas.</p>
<p>L’idée fait par conséquent son chemin : les diasporas scientifiques et techniques sont aussi des ressources pour les pays. Il manque un chaînon important dans ce travail de lien entre l’Afrique et les diasporas : les politiques publiques étatiques nationales et continentales.</p>
<p>Aussi bien les États que les universités, les centres de recherches sur le continent, les communautés scientifiques et techniques à l’étranger doivent y travailler à l’échelle nationale, sous-régionale et continentale. L’Afrique ne peut pas se permettre de rater son autre rendez-vous avec la science au XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110308/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Luc Ngwé est membre de l'ARES, Association pour la recherche sur l'éducation et les savoirs, en lien avec le CEPED (Paris Descartes). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Hamidou Dia est également consultant pour l’ONG ENDA-Europe (Projet DIAPODE — Diasporas pour le développement) et responsable du projet sur « Les investissements des diasporas de la Vallée du Fleuve Sénégal » au sein du programme « Migrations internationales, recompositions territoriales et développement en Afrique » (FSP n° 2003-74).</span></em></p>La mobilité des étudiants africains est essentielle au développement d’une pensée intellectuelle africaine fondée sur l’échange avec la diaspora et l’engagement des universitaires africains.Luc Ngwé, Politiste/Sociologue (ARES-CEPED), Université Paris CitéHamidou Dia, Socio-anthropologue et chargé de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1124332019-03-05T19:59:23Z2019-03-05T19:59:23ZRelation client : les leçons de l’échec du premier hôtel entièrement robotisé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/261948/original/file-20190304-92298-8m7e1h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C4%2C989%2C661&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’hôtel japonais Henn na a annoncé en janvier 2019 se séparer de la moitié de ses quelque 250 robots après trois ans et demi d'exploitation.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Ned Snowman / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article a été co-écrit par Lionel Sitz, professeur de marketing à l’EM Lyon, et Anne-Christelle Vogler, directeur chez Kea & Partners et co-auteur du livre blanc « <a href="https://www.kea-partners.com/innover/perspectives/nos-publications/points-vue-et-livres-blancs/2030-revolution-competences">IA et IE, la révolution des compétences</a> ».</em></p>
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<p>Premier fabricant mondial de robots, le Japon est particulièrement bien placé pour tester de <a href="https://www.theguardian.com/environment/2016/feb/01/japanese-firm-to-open-worlds-first-robot-run-farm">nouvelles applications robotiques</a>. Par exemple, dans l’industrie hôtelière. En 2015, un <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/07/17/le-premier-hotel-gere-par-des-robots-ouvre-ses-portes-au-japon_4687360_4408996.html">hôtel d’un nouveau genre</a> a ainsi ouvert près de Nagasaki : l’<a href="https://www.youtube.com/watch?v=C6bQHUlq664">hôtel Henn-na</a>, principalement opéré par des robots. L’objectif affiché était d’introduire des <a href="http://www.h-n-h.jp/en/concept/">technologies de pointe</a> (principalement robotisées) pour gagner en efficacité et, à terme, de devenir le premier hôtel au monde sans personnel humain. Accueillis par un robot-dinosaure, les clients étaient entourés d’applications robotiques en tous genres, de la conciergerie robotisée au bus-robot en passant par le <a href="https://youtu.be/6KsgtXOLP-A?t=50">robot-poubelle</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/FogiE8_3fPE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Where the hotel is staffed by robots », un journaliste de la BBC a testé l’hôtel Henn-na (vidéo en anglais).</span></figcaption>
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<p>Or, en janvier 2019, après trois ans et demi d’exploitation, l’hôtel a annoncé se séparer de la moitié de ses 243 robots, <a href="https://www.courrierinternational.com/article/japon-mecontent-de-leur-travail-un-hotel-vire-ses-robots">jugés improductifs</a>. Bien qu’anecdotique, cette expérience relance le débat de la place des robots dans les organisations et, dans le cas présent, dans la relation client. Elle questionne sur la possibilité de déléguer aux robots certaines tâches, voire l’ensemble d’un périmètre d’activités stratégiques comme la relation client.</p>
<h2>Hard skills, soft skills</h2>
<p>Au premier abord, la réponse logique à cette question semble évidemment <a href="https://www.20minutes.fr/high-tech/1813579-20160325-microsoft-debranche-robot-devenu-fou-interrompre-tweets-racistes-pro-nazis">négative</a>. Pourtant, la réalité est plus complexe. En effet, déléguer ne signifie pas laisser faire sans contrôle. Déléguer suppose de définir un périmètre de responsabilités et de décisions, des objectifs à atteindre et des critères d’évaluation. Cela implique du management : de la supervision et des points d’étape réguliers.</p>
<p>L’hôtel Henn-na avait d’ailleurs mobilisé des managers (humains) pour piloter en coulisses l’ensemble des activités, mais n’avait pas assez clairement défini les périmètres respectifs des opérateurs humains et robotiques. Alors, comment redistribuer les activités entre l’homme et une machine de plus en plus compétente ? Opérer ce partage des tâches soulève la question de la valeur créée pour l’entreprise : quelles activités, quelles étapes du parcours sont fortement créatrices de valeur et sources de différenciation ? Lesquelles sont des commodités ?</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261942/original/file-20190304-92283-23hdjj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À l’hôtel Henn-na, l’accueil était assuré par un dinosaure.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ned Snowman/Shutterstock</span></span>
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<p>Réaliser ce travail permet d’identifier les compétences à mobiliser entre les savoirs et savoir-faire techniques (hard skills) et les savoir-être relationnel et émotionnel (soft skills). Les hard skills impliquent la capacité à exécuter vite et bien, avec précision et constance, des tâches clairement définies. Sur ce volet les machines sont particulièrement efficaces pour réaliser des tâches répétitives, peu complexes et pénibles. C’est pourquoi ils sont massivement utilisés par les entreprises dans des <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/2017-annee-record-de-ventes-de-robots-industriels-dans-le-monde.N757124">fonctions de production industrielle</a>. Machines, les robots ne sont pas limités par des questions de fatigue, physique ou psychologique. Précis, ils répètent à l’infini le même geste avec une précision inatteignable par l’homme. L’avantage premier des robots tient donc à leur excellence dans les savoir-faire.</p>
<p>Le [développement de l’<a href="https://academic.oup.com/jcr/article/44/6/1178/4371411">_Internet des objets</a> (IoT) et des algorithmes a par ailleurs permis de doter les objets d’« intelligence ». Ceci a donné un nouvel essor à la robotisation puisqu’il est à présent possible aux robots d’être efficaces dans le traitement et le stockage des données. Le savoir est ainsi devenu le nouveau territoire de la machine. Stockage, traitement, vitesse… les robots épluchent des masses importantes de données avec une efficacité sans commune mesure avec celle des opérateurs humains. Pour toutes ces raisons, les hard skills constituent le fort des robots dans la relation client. Quant aux soft skills, ils font appel à l’adaptabilité relationnelle, l’intelligence des situations, l’empathie, etc. Or, les robots et leurs algorithmes ne sont pas encore capables de développer, en tant que tels, un savoir-être leur permettant de gérer des situations ambiguës, complexes et inattendues.</p>
<h2>Adaptabilité et reconnaissance</h2>
<p>Reprenons le cas de l’hôtel Henn-na qui a choisi de déléguer sa relation client à des machines. Quelles sont les <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/digital-mckinsey/our-insights/advanced-analytics-in-hospitality">attentes des clients</a> du secteur de l’hôtellerie ? De l’efficacité, certes, pour un check-in rapide ou encore une chambre conforme à leurs attentes ; mais également une personnalisation des réponses et une adaptabilité pour proposer rapidement des solutions face à des demandes non anticipées. C’est pourquoi les moments de contact normés et définis sont aisément déléguables à des robots. Mais la relation client ne peut être réduite à des opérations normées car elle demande de l’adaptabilité et de la <a href="https://www.cairn.info/revue-du-mauss-2004-1-page-133.htm?contenu=resume">reconnaissance</a>. Pour cette raison, elle requiert des compétences relationnelles et émotionnelles.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/261947/original/file-20190304-92310-1uchv1s.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’hôtel Henn-na a pour l’instant perdu son pari de « l’efficacité ultime ».</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ned Snowman/Shutterstock</span></span>
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<p>Le slogan de l’hôtel Henn-na était : « the ultimate in efficiency » (l’efficacité ultime). Or, son pari du tout-robot dans la relation client est pour l’instant raté. Cet échec ne signifie pourtant pas qu’il n’est pas possible de déléguer aux robots, mais pas n’importe quelles activités ni n’importe quelles étapes de la relation client. Le cas souligne en creux qu’elle doit être réservée aux interactions qui ne demandent que peu d’adaptabilité et d’intelligence émotionnelle. Répondre à une question standard (« quelle heure est-il ? ») ou encore réaliser le check-in dans un grand nombre de langues sont des tâches que les robots sont aujourd’hui capables de réaliser (certes avec une supervision comme pour les caisses en libre-service). Mais ils ne sont pour l’instant pas capables d’aider une personne en prenant en compte sa situation personnelle, ses envies ou comprendre des demandes complexes et floues ; autant de tâches qui sont pourtant essentielles.</p>
<p>Quelle sera alors la relation client de demain ? La rapidité et la rigueur d’exécution sont déterminantes et les robots vont certainement jouer un rôle croissant dans la tenue de cette promesse de base. Dans un environnement hypercompétitif, cela est nécessaire mais non suffisant. La différence passe par la capacité à délivrer une relation client non copiable, surprenante et permettant de vivre une expérience à part entière. C’est là le terrain de jeu de l’homme. La relation client sera à la fois de plus en plus robotisée ET de plus en plus humaine : les entreprises qui combineront et superviseront efficacement les deux auront une vraie longueur d’avance.</p>
<p>Une autre question se fait alors jour : peut-on déléguer le management à un robot ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/112433/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lionel Sitz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’hôtel Henn-na, au Japon, a annoncé renoncer à devenir un établissement sans personnel humain. Un cas qui révèle les limites de l’automatisation de la relation client.Lionel Sitz, Professeur de marketing, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1103012019-01-24T20:20:20Z2019-01-24T20:20:20ZLes compétences clés de l’industrie du futur<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/254936/original/file-20190122-100261-y7be00.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=55%2C8%2C943%2C559&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les profils hybrides vont être de plus en plus recherchés par les entreprises.</span> <span class="attribution"><span class="source">PaO_STUDIO/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Que les nouvelles technologies aient pour but d’augmenter ou d’automatiser le travail, le renforcement des compétences est une urgence », assure Laurence Morvan, directrice de cabinet du PDG d’Accenture, dans une <a href="https://www.accenture.com/fr-fr/company-news-release-accenture-study">étude du cabinet</a> parue en septembre 2018. Par ailleurs, « les dirigeants d’entreprise doivent comprendre comment la technologie va remodeler la nature du travail dans leur secteur, et anticiper le nouvel éventail de compétences que leurs employés devront maîtriser ».</p>
<p>Ce constat est une des conséquences de la révolution digitale qui investit tous les secteurs et toutes les entreprises. Il s’agit d’un phénomène « perturbateur » et « disruptif » qui oblige celles-ci à repenser rapidement leurs modèles et leurs processus opérationnels. Ce phénomène n’est plus seulement un problème technologique, ni une question de vision stratégique, mais un défi réel et profond qui implique tout le capital humain. Il nécessite le développement de nouvelles compétences dans tous les domaines d’activité des organisations.</p>
<h2>« Polycompétence », capacités d’adaptation et <em>soft skills</em></h2>
<p>Le projet « Osons l’industrie du futur » piloté par l’<a href="http://www.industrie-dufutur.org/">Alliance Industrie du Futur</a> est né en 2016 dans le cadre d’un Programme d’investissements d’avenir (PIA) ; c’est un projet collaboratif associant plusieurs partenaires de secteurs différents (<a href="https://uimm.lafabriquedelavenir.fr/industrie/">UIMM</a>, <a href="http://www.onisep.fr">ONISEP</a>, <a href="http://www.sorbonne.fr/etablissement/les-grands-etablissements/ecole-nationale-superieure-darts-et-metiers-ensam/">ENSAM</a> et <a href="https://www.imt.fr">IMT</a>). Ses objectifs sont de rendre plus attractive l’image de l’industrie et de ses métiers sur le marché de l’emploi, de favoriser l’accès de tous aux métiers industriels, et de renforcer les échanges jeunes/entreprises. Grâce à une démarche d’identification des compétences, et particulièrement des compétences de demain, cela a permis de créer des kits de compétences pour 15 métiers de 5 secteurs différents (maintenance, management, big data, production et supply chain).</p>
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<iframe src="https://player.vimeo.com/video/245003426" width="500" height="281" frameborder="0" webkitallowfullscreen="" mozallowfullscreen="" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">« Le projet « Osons l’industrie du futur » à l’IMT », vidéo de présentation avec Martine Assar, chef de projet.</span></figcaption>
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<p>Ces travaux soulignent également que l’usage de nouveaux outils de travail a des conséquences sur les compétences techniques des travailleurs (ces compétences étant plus facilement soumises à l’obsolescence) : la technologie permet maintenant de <a href="https://theconversation.com/apres-25-ans-dhesitations-la-france-semble-se-convertir-pour-de-bon-au-teletravail-107085">travailler à distance</a>, de travailler en groupe et en mode projet avec une organisation des entreprises qui doit suivre ce mouvement d’accélération et de transformation. La demande des acteurs de terrain va vers une permanence d’un socle de connaissances techniques de base. Ce socle ne va sûrement pas diminuer, car la demande évolue vers des profils de spécialistes et d’experts. Cependant, il ne sera plus aussi prédominant. Demain, il faudra des personnes polyvalentes, « polycompétentes » avec une capacité très forte à s’adapter à différentes situations tout en travaillant dans la multiculturalité, une capacité à assimiler la stratégie et la culture de son entreprise, ainsi que celle de développer une vision systémique sur l’ensemble de la chaîne de valeur.</p>
<p>Bref, la demande va vers un assemblage de compétences, des savoir-faire certes, mais des compétences comportementales également : les entreprises ont besoin de profils d’individus plus agiles, créatifs, communicants, autonomes et responsables, autant de compétences non exhaustives que l’on peut qualifier de <em>soft skills</em>, de compétences comportementales, ou compétences socio-émotionnelles. Selon le site l’<a href="http://observateurocde.org/news/archivestory.php/aid/314/Nouvelles_comp_E9tences_:_vraiment__.html">Observateur de l’OCDE</a>, « les employeurs ont reconnu en elles des facteurs clés de dynamisme et de flexibilité. Une force de travail dotée de ces compétences est à même de s’adapter continuellement à la demande et à des moyens de production en constante évolution ».</p>
<p>Loin de vouloir des profils type « mouton à cinq pattes », les entreprises recherchent ainsi plutôt des profils hybrides (ex. un ingénieur-manager, un informaticien-designer, etc.). D’après le <a href="https://www.cti-commission.fr/wp-content/uploads/2015/02/301397-portrait-ingenieurs-2030-imt-original.pdf">« Portrait de l’Ingénieur 2030 »</a> réalisé par l’Institut Mines-Télécom, l’hybridation des cultures techniques, économiques et sociétales doit mettre en valeur des territoires nouveaux à l’interface de plusieurs domaines, avec le design comme culture emblématique. Par exemple, dans la formation d’ingénieur, il faudrait réintroduire dans le corpus des formations « des humanités » (les lettres, et une partie des sciences humaines et sociales) pour favoriser la transversalité des connaissances et l’assimilation de compétences comportementales.</p>
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<figcaption><span class="caption">« Portrait de l’ingénieur du futur », interview de Bertrand Bonte, directeur développement & métiers de l’Institut Mines-Télécom pour Xerfi canal (2015).</span></figcaption>
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<p>À mesure que les machines progressent, les aspects strictement humains du travail auront une importance croissante. C’est d’ailleurs tout le débat entre la force de l’intelligence artificielle face à l’intelligence humaine moins « puissante » mais plus « fine » par ses <a href="https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Numerique/guerre-intelligences-QI-machines-2017-12-05-1200897051">intuitions et son savoir-être social</a>, entre autres.</p>
<h2>Nouveaux modes d’apprentissage</h2>
<p>Un autre enjeu de cette identification des compétences de demain concerne la manière, les moyens et les modes de transmission de ces compétences. L’idée principale est bien celle de la reformation permanente des salariés dans l’objectif d’améliorer leur employabilité, qui est un facteur important de la compétitivité des entreprises. Les nouvelles technologies ont permis ces dernières années de favoriser une libération des pratiques pédagogiques, avec un foisonnement d’expérimentations et d’innovations afin de sortir les apprenants d’un cadre traditionnel d’apprentissage. Ainsi, on découvre de nouveaux modes d’apprentissage qui requièrent de <a href="https://www.journaldunet.com/management/expert/64562/mooc--cooc--spoc--sooc----quelles-differences.shtml">nouvelles ingénieries pédagogiques</a> (tutoriels, <a href="http://eduscol.education.fr/numerique/dossier/archives/eformation/notion-modularite/apprentissage-mixte-blended-learning"><em>blended learning</em></a>, MOOC, SPOC, COOC, <em>learning expedition</em>, <em>serious games</em>, hackathon, <em>escape game</em>, etc.).</p>
<p>Il s’agit donc d’encourager les pratiques collaboratives, la co-construction, et d’instaurer des pratiques de <a href="https://www.rhinfo.com/thematiques/formation-et-developpement/quoi-sert-le-mentoring"><em>mentoring</em></a> (et de <em>reverse mentoring</em>) pour accélérer le partage des savoirs. La Formation en situation de travail (FEST) fait partie de ces nouveaux outils de formation. Elle repose sur la création d’un binôme référent-apprenant et part de ce que sait et sait faire l’apprenant. Dans ce mode d’apprentissage, c’est l’apprenant qui construit à sa façon le savoir à acquérir avec d’autant plus d’implication et d’engagement que ce savoir a été une construction personnelle qu’il pourra, avec cette démarche, <a href="https://www.actualite-de-la-formation.fr/inffo-formation/telecharger-inffo-formation/inffo-formation-no-940.html">faire évoluer en fonction des besoins</a> qui se présenteront.</p>
<p>Dans le contexte très mouvant de la transformation numérique que nous sommes en train de vivre, il y aura de profondes évolutions du contenu et de la structure de l’emploi. C’est pourquoi la nécessité d’une anticipation des compétences de demain à acquérir pour être en adéquation avec les besoins d’une économie dynamique et performante sera essentielle.</p>
<p>Le projet « Osons l’industrie du futur » a permis d’illustrer des tendances : les travailleurs s’orienteront vers des métiers à plus forte qualification faisant appel à la créativité, à l’intelligence émotionnelle, à l’agilité, à la collaboration. Il faut donc que tous les acteurs de la formation (écoles, universités, entreprises, organisations syndicales, etc.) aident chaque individu à atteindre les compétences attendues en créant des passerelles, pour favoriser les échanges, les collaborations, et les interactions. Cela devra passer par des stratégies de formation d’envergure qui favoriseront la curiosité et le goût d’entreprendre pour que chacun puisse apprendre à mieux apprendre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/110301/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Martine Assar Leinenweber ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans un contexte d’essor des outils numériques, les compétences comportementales deviennent aussi importantes que les connaissances techniques.Martine Assar Leinenweber, Chef de projet Industrie du futur, Institut Mines-Télécom (IMT)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1068762018-11-27T20:28:03Z2018-11-27T20:28:03ZCabinets de conseil en management : comment gagner la bataille du recrutement des jeunes diplômés<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/246438/original/file-20181120-161621-bn9h72.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C34%2C5639%2C3656&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Quelque 4 000 étudiants de grandes écoles et d’universités rejoignent chaque année les cabinets de conseil en management. </span> <span class="attribution"><span class="source">Wavebreakmedia/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Une intense concurrence fait rage pour attirer et fidéliser les meilleurs profils dans les cabinets de conseil en management. Avec une croissance à deux chiffres amplifiée par la digitalisation, l’industrie embauche chaque année un contingent de <a href="https://consultinfrance.fr/a-la-une/letude-de-marche-referente-conseil-strategie-management-disponible/">plus de 10 000 personnes</a>. Parmi ces nouveaux consultants, pas moins de 4 000 étudiants de grandes écoles et d’universités, ce qui place le secteur au rang de <a href="https://news.efinancialcareers.com/fr-fr/309061/le-secteur-du-conseil-est-le-premier-recruteur-aupres-des-jeunes-diplomes-et-entend-bien-le-rester">premier recruteur de jeunes diplômés</a> en France !</p>
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<figcaption><span class="caption">Interview de Rémi Legrand, Président de Consultin’France, 2018.</span></figcaption>
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<p>Les chiffres sont impressionnants mais ne rendent pas compte de la complexité des enjeux liés au recrutement des jeunes diplômés dans le secteur. Au-delà des volumes, se pose aussi la question vitale de la sélectivité, et donc de l’attractivité des cabinets de conseil…</p>
<h2>Un jeu d’équilibriste entre volumes et sélectivité</h2>
<p>Les cabinets de conseil s’appuient sur des business models perméables à leur environnement, impliquant une gestion extrêmement périlleuse des recrutements : forte sensibilité à la demande, marges reposant sur le <em>staffing</em> (dotation en personnel) de jeunes recrues, <em>turnover</em> élevé (renouvellement du personnel) lié à un management vertical (logique <a href="https://www.consultor.fr/devenir-consultant/gestion-de-carriere-consultant-strategie/235-les-grades-des-cabinets-de-conseil-en-strategie-de-consultant-junior-a-partner.html"><em>up or out</em></a>), obligation de résultat et nécessité d’innover. À chaque opportunité de mission, les managers jouent les équilibristes : les équipes de consultants doivent être bien dimensionnées et, de surcroît, très performantes. À l’échelle du cabinet, les recrutements répondent donc à une double injonction : volumes et sélectivité.</p>
<p>De plus, l’<a href="https://www.digischool.fr/metiers/1er-emploi/entreprise-ideale-jeunes-internationale-conviviale-attractive-28211.html">évolution des attentes</a> des étudiants fragilise l’attractivité des grands cabinets : qualité de vie au travail, équilibre entre vie privée et vie professionnelle, convivialité, esprit d’équipe, etc. Si les marques prestigieuses constituent des accélérateurs de carrières, le costume de l’<a href="https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2018/06/20693-la-cage-doree-des-consultants-des-grands-cabinets/"><em>insecure overachiever</em></a> (le surperformant angoissé) et l’intense <a href="https://www.puf.com/content/Au_c%C5%93ur_des_cabinets_daudit_et_de_conseil">compétition interne</a> qu’implique la logique <em>up or out</em> sont devenus trop inconfortables. Aux volumes et à la sélectivité, s’ajoute la problématique de l’attractivité des cabinets de conseil, qui se bousculent pour obtenir le label <a href="https://www.greatplacetowork.fr/"><em>Great Place to Work</em></a> (entreprise où il fait bon travailler).</p>
<p>Le recrutement de jeunes diplômés est tout aussi critique pour les <a href="https://news.efinancialcareers.com/fr-fr/271896/les-profils-recherches-en-2017-par-les-cabinets-conseil-de-taille-moyenne">cabinets de conseil intermédiaires</a>. Avec des taux de croissance très élevés (15 % à 30 %), de précieux recrutements sont nécessaires pour accompagner le développement de leurs activités et le maintien de la confiance de leurs clients historiques. Les opérations de recrutement y sont délicates car elles doivent intégrer un ensemble de particularités : spécialisation, faible notoriété, forte identité, mobilité des consultants, ligne hiérarchique vulnérable au <em>turnover</em>, phénomènes de plafond de verre, etc.</p>
<p>Malgré le triptyque « volume-sélectivité-attractivité », les cabinets de conseil continuent d’investir dans des <a href="https://start.lesechos.fr/rejoindre-une-entreprise/conseils-candidature/comment-survivre-au-marathon-des-entretiens-en-cabinet-de-conseil-8283.php">processus de recrutement fastidieux</a>, impersonnels, voire anxiogènes. Certaines pratiques institutionnalisées manquent même cruellement d’éthique : <a href="https://www.challenges.fr/emploi/carriere/cv-comment-se-faire-recruter-par-les-robots_462123"><em>screening</em> de CV</a> (filtrage des CV par un algorithme), <a href="https://www.welcometothejungle.co/articles/consulting-screening-candidats-integrer-un-cabinet-sans-ecoles-cibles">écoles non ciblées</a> (du fait de leur place dans les <a href="http://orientation.blog.lemonde.fr/2018/05/28/classement-des-classements-des-ecoles-de-commerce-2018/">classements d’écoles de management</a>), manque d’écoute des candidats, etc. Dans ce contexte, comment les cabinets de conseil peuvent-ils tirer leur épingle du jeu dans le recrutement de jeunes diplômés ? Parmi les réponses possibles, nous avançons celle du renforcement des relations avec les grandes écoles et les universités, et suggérons qu’elles prennent la forme d’une proposition de valeur adressée aux futurs jeunes diplômés !</p>
<h2>Une proposition de valeur pour le consultant de demain</h2>
<p>Les cabinets de conseil développent des actions dédiées au recrutement des jeunes diplômés, mais elles se révèlent assez peu coordonnées et très autocentrées (notamment autour de <em>campus managers</em> qui relaient des informations générales, diffusent des offres, et favorisent la cooptation). Pour gagner en efficacité, ces actions devraient davantage être conçues comme une offre structurée répondant aux préoccupations des étudiants : être renseignés sur les métiers, développer des compétences professionnelles, et intégrer une entreprise innovante.</p>
<p><strong>Les moments d’information et d’échange</strong></p>
<p>Les actions d’information et d’échanges menées au sein des campus permettent aux cabinets d’exposer leur vision du métier, leur positionnement, ou leurs besoins en termes de profils. Des informations plus spécifiques peuvent être partagées sur la politique RH, le déroulement des missions ou des projets internes. Les formats sont variés et peuvent être à l’initiative du cabinet : tables rondes, <em>social events</em>, retours d’expérience, <em>afterworks</em>, sessions de <a href="https://www.lexpress.fr/emploi/conseils-emploi/speed-recruiting-quelques-minutes-pour-convaincre_1324116.html"><em>speed recruiting</em></a>, études de cas ou mises en situation. Ces rencontres peuvent être complétées par la diffusion d’offres de stage ciblées ou l’inscription aux forums entreprises organisés par les établissements. Faciles à mettre en place, ces actions constituent un bon début pour le développement de relations plus riches.</p>
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<figcaption><span class="caption">Forum Consulting ESSCA, octobre 2018.</span></figcaption>
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<p><strong>Les interventions pédagogiques</strong></p>
<p>Les interventions dans le programme consistent à transmettre des compétences et des savoirs ancrés dans la pratique : concepts, méthodologies et <a href="https://www.forbes.fr/management/les-15-soft-skills-a-maitriser-en-entreprise/"><em>soft skills</em></a>. Elles peuvent prendre trois formes : modules de cours complets, interventions ponctuelles sur des <em>hot topics</em> (sujets « chauds »), ou <em>coaching</em> de projets tels que des <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/reseau-social-d-entreprise/1140093-hackathon-les-cles-pour-comprendre-un-phenomene-qui-prend-de-l-ampleur/"><em>hackathons</em></a>. Ces engagements supposent une forte mobilisation des consultants : travail conséquent de préparation (conception des syllabus, des matériels pédagogiques et des modalités d’évaluation), suivi des étudiants, et correction des livrables et des examens. La programmation de ces interventions doit être anticipée et définie en fonction des rythmes d’apprentissage. Elles sont toutefois indispensables pour créer une relation de confiance avec les étudiants, apprécier leur niveau, et repérer des futures recrues.</p>
<p><strong>La contribution à des projets de recherche</strong></p>
<p>La contribution des cabinets de conseil à des projets de recherche constitue l’engagement le plus fort. Elle peut prendre des formes variées, comme le financement de <a href="https://www2.deloitte.com/fr/fr/pages/presse/2018/nouvelle-chaire-escp-europe-et-deloitte-sur-leconomie-circulaire.html">chaires de recherche sur un thème porteur</a>, l’accompagnement de thèse en <a href="http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid22130/les-cifre.html">contrat CIFRE</a>, la contribution à un prix du meilleur <a href="https://www.digischool.fr/etudes-sup/master/pourquoi-faire-un-memoire-de-maste-36783.html">mémoire de Master</a>, ou l’ouverture de <a href="https://journals.openedition.org/edc/653">terrains de recherche</a>. Cela permet de nouer des relations privilégiées avec différentes directions (direction de la recherche et de centres de recherche, direction des programmes, direction des relations entreprises, de l’orientation et de l’insertion professionnelle, etc.), de bénéficier d’un rayonnement scientifique auprès de leurs parties prenantes (clients, partenaires, actuels et futurs collaborateurs, médias), et d’avoir un accès direct aux résultats de recherche pour nourrir leurs pratiques (innovation de business models, innovations managériales, processus de recrutement innovants). Plus largement, ces actions permettent aux cabinets de conseil de renforcer leur ancrage territorial et de prendre part à l’animation des activités qui concourent à la formation des managers de demain.</p>
<p>La capacité des cabinets à coordonner ces actions au sein d’une seule et même proposition de valeur est essentielle. Renforcer l’articulation de ces actions permet d’en décupler l’impact et de créer des synergies. Par exemple, les résultats de recherche peuvent être diffusés dans le cadre d’enseignements et d’évènements. De la même manière, les rencontres permettent de mieux cerner les attentes des étudiants, et ainsi de calibrer un discours, une démarche pédagogique ou une pratique d’embauche.</p>
<p>Les cabinets de conseil en management constituent un débouché de taille pour les jeunes diplômés. L’offre est pléthorique et confère aux étudiants une rente de situation leur permettant, bien souvent, de choisir leur emploi parmi plusieurs options, intensifiant plus encore la concurrence entre cabinets. Au-delà des préconisations, ce contexte représente une formidable occasion pour les acteurs du conseil de repenser leurs politiques de recrutement. Une avancée utile avant que ne soient lancés, un jour peut-être, les premiers « États Généraux du Conseil en Management », où chercheurs et consultants seraient conviés à forger une image ambitieuse du consultant du XXI<sup>e</sup> siècle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106876/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Maucuer ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Face à la guerre des talents, les cabinets de conseil doivent innover dans leurs pratiques de recrutement. Notamment en se rapprochant davantage des universités et des grandes écoles.Raphaël Maucuer, Associate professor, ESSCA School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.