tag:theconversation.com,2011:/us/topics/systeme-scolaire-31191/articlessystème scolaire – The Conversation2023-05-16T14:17:43Ztag:theconversation.com,2011:article/2055502023-05-16T14:17:43Z2023-05-16T14:17:43ZLa réforme Drainville renforce l’autorité du ministre et élimine les contre-pouvoirs<p>Le ministre québécois de l’Éducation, Bernard Drainville, a déposé le 4 mai un <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1976853/projet-loi-bernard-drainville-education">projet de loi</a> qui renforce ses pouvoirs vis-à-vis des centres de services scolaires (CSS) et crée un <a href="http://www.education.gouv.qc.ca/organismes-relevant-du-ministre/rapport-du-groupe-de-travail-sur-la-creation-dun-institut-national-dexcellence-en-education/">Institut national d’excellence en éducation</a>. Les principales missions de ce nouvel organisme sont d’identifier les meilleures pratiques en enseignement et de favoriser leur mise en application. </p>
<p>Ce projet, qui modifierait ainsi la <a href="https://www.legisquebec.gouv.qc.ca/fr/document/lc/i-13.3">Loi sur l’instruction publique</a>, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/education/2023-05-04/la-reforme-drainville-accueillie-froidement.php">a été accueilli avec froideur</a>, voire hostilité. </p>
<p>Qu’annonce concrètement le projet de loi 23 pour l’administration des écoles et de son personnel ? Nous souhaitons en offrir un éclairage scientifique à partir de nos spécialités en <a href="https://www.puq.ca/catalogue/livres/gouvernance-scolaire-quebec-4147.html">gouvernance scolaire</a> et en <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/crs/2020-n68-crs06764/">organisation du travail en milieu scolaire</a>.</p>
<h2>Petit retour en arrière</h2>
<p>Les premières instances consacrées au déploiement d’un réseau scolaire public au Québec ont été instituées au XIX<sup>e</sup> siècle. Dirigées par des commissaires élus, les commissions scolaires sont alors chargées d’assurer l’accès à l’éducation sur leur territoire en créant, finançant et entretenant les écoles. </p>
<p>Il faut toutefois attendre 1964 pour que soient créés le ministère de l’Éducation du Québec et le Conseil supérieur de l’éducation (CSE). Ce dernier reçoit la mission de conseiller le ministre sur toute question relative à l’éducation. Depuis 1992, le ministre est aussi assisté par le <a href="https://www.quebec.ca/gouvernement/ministere/education/organismes-lies/comite-dagrement-des-programmes-de-formation-a-lenseignement-capfe">Comité d’agrément des programmes de formation à l’enseignement</a> (CAPFE) qui a comme mandat d’analyser et d’agréer les programmes de formation conduisant à un brevet d’enseignement.</p>
<p>En 2020, le ministre Jean-François Roberge <a href="https://www.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/fileadmin/Fichiers_client/lois_et_reglements/LoisAnnuelles/fr/2020/2020C1F.PDF">a fait adopter la loi 40</a> qui a modifié de façon substantielle la gouvernance scolaire au Québec. Au nom d’une décentralisation devant renforcer l’autonomie professionnelle des enseignants et <a href="https://coalitionavenirquebec.org/wp-content/uploads/2018/08/plan-de-gouvernance-scolaire-remettre-l-ecole-entre-les-mains-de-sa-communaute.pdf">« remettre l’école entre les mains de sa communauté »</a>, cette loi mettait fin à deux siècles de démocratie scolaire représentative en éliminant les <a href="https://www.cse.gouv.qc.ca/wp-content/uploads/2019/11/50-0522-ME-gouvernance-pl40.pdf">élections scolaires et les commissaires élus</a>. À noter que les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/692104/resultats-elections-scolaires">taux de participation à ces élections scolaires étaient très faibles</a>, particulièrement chez les francophones (ex. : 4,28 % pour la CSDM en 2014).</p>
<p>Les conseils des commissaires — principale instance décisionnelle des commissions scolaires — étaient remplacés par des conseils d’administration (CA) formés de parents, de membres du personnel œuvrant dans les écoles et de représentants de la communauté.</p>
<h2>La réforme Drainville</h2>
<p>La réforme Drainville vise à renforcer le lien d’autorité qui relie les CSS au ministre. </p>
<p>Elle dote le ministre d’outils permettant d’intervenir dans les classes, les écoles et les CSS par des mécanismes de contrôle et de surveillance. Ce renforcement du lien d’autorité s’articule principalement autour de l’octroi de plusieurs pouvoirs au ministre, présentement accordés aux CA des CSS, par exemple :</p>
<ul>
<li><p>nommer et destituer les directeurs généraux des CSS, soit les principaux gestionnaires ;</p></li>
<li><p>annuler une décision des CSS et <a href="https://www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/projets-loi/projet-loi-23-43-1.html">« prendre celle qui, à son avis, aurait dû être prise »</a> ;</p></li>
<li><p>pourvoir un poste vacant au sein du CA d’un CSS. </p></li>
</ul>
<p>Avec l’introduction d’ententes annuelles de gestion et d’imputabilité, le projet de loi raffermit aussi la relation contractuelle qui lie les CSS au ministre. Cette entente s’ajoute aux instruments de gestion (indicateurs nationaux, Plan d’engagement vers la réussite, planification stratégique, cibles et orientations ministérielles, etc.) et les enchâsse dans un mécanisme de reddition de compte (moyens à prendre et état des résultats) qui ouvre la voie à des interventions plus musclées. </p>
<p>La réforme Drainville conduit aussi à l’élimination de contre-pouvoirs agissant comme « chiens de garde » du système scolaire. Cela prend forme à travers la disparition du CAPFE (aboli) et du CSE (démantelé).</p>
<h2>Un renversement des tendances</h2>
<p>La réforme Drainville renverse des tendances au cœur de la gouvernance scolaire au Québec depuis les dernières décennies.</p>
<p>Dans l’histoire du Québec, une seule réforme s’est montrée autant centralisatrice, soit celle des années 1960 qui a suivi la <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/bhp/2004-v12-n2-bhp04656/1060694ar/">Commission Parent</a>. À l’époque, l’état du réseau était extrêmement préoccupant en raison des inégalités d’accès à une éducation de qualité et du retard de scolarité des Québécois francophones. </p>
<p>Depuis, la centralisation de la gouvernance est associée à une plus grande égalité de l’offre des services, mais aussi à la bureaucratisation, à la rigidité et à l’inefficacité. En fait, c’est la décentralisation qui est d’ordinaire présentée comme le meilleur moyen d’assurer une efficacité, et ce, en vertu du « principe de subsidiarité ». </p>
<p>Le principe de subsidiarité veut que les pouvoirs et les responsabilités doivent être délégués au niveau approprié d’autorité, soit le plus près possible des élèves. L’augmentation de l’autonomie des écoles devient ainsi un levier permettant de favoriser la réussite éducative en donnant <a href="https://www.cairn.info/la-gouvernance-en-education--9782804107574-page-109.htm">« la capacité, pour chaque école, d’adapter ses services aux besoins et aux caractéristiques de la population qu’elle dessert »</a>. </p>
<p>Le projet de loi 23 va donc à contre-courant en suggérant que ce serait le ministre qui incarnerait le niveau d’autorité le plus approprié pour juger en définitive des besoins des élèves. Il subordonne l’ensemble des instances du réseau à ses décisions et pousse un cran plus loin les principes de <a href="https://www.pulaval.com/livres/l-ecole-quebecoise-a-l-epreuve-de-la-gestion-axee-sur-les-resultats-sociologie-de-la-mise-en-oeuvre-d-une-politique-neo-liberale">gestion axée sur les résultats</a>, une composante de la <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-de-politique-comparee-2004-2-page-177.htm">nouvelle gestion publique (NGP)</a>. Elle a comme caractéristique d’utiliser dans l’administration publique les principes et les modalités de l’administration des affaires.</p>
<h2>Un important recul démocratique</h2>
<p>L’autre tendance renversée par la réforme Drainville a trait à la démocratisation. </p>
<p>La réforme Roberge a mis un terme à la démocratie scolaire représentative, qui se veut portée par des personnes élues représentant les intérêts de la population. Le nouveau modèle proposé s’appuyait sur les principes d’une démocratie scolaire participative, soit un processus par lequel des citoyens prennent directement part à la prise de décision, et ce, sans l’intermédiaire de représentants élus. </p>
<p>Les conseils d’administration hérités de la réforme Roberge — tout comme le conseil d’établissement des écoles ou le grand nombre de lieux de consultation et de participation — répondaient à ces principes de démocratie participative. Le CSE et le CAPFE aussi. </p>
<p>Ainsi, en dépouillant ces conseils d’administration — formés de parents, d’acteurs scolaires et de représentants de la communauté — de ses principales fonctions et en abolissant le CSE et le CAPFE, la réforme Drainville représente un important recul démocratique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205550/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Lemieux est membre du CRIFPE, du Réseau Périscope et du GRIDE.
Ses projets de recherche sont financés par le FRQSC et le CRSH et il a aussi agi comme consultant auprès du ministère de l'Éducation et du Conseil supérieur de l'éducation au cours des dernières années.
Il a travaillé en 2019 pour le Conseil supérieur de l'éducation à titre d'agent de recherche et de transfert.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean Bernatchez a reçu des financements des organismes subventionnaires (CRSH et FQRSC) pour faire des recherches en lien avec la gestion et la gouvernance scolaires. Il a été membre du Conseil supérieur de l'éducation et du Comité d'agrément des programmes de formation à l'enseignement. Il est membre de plusieurs regroupements de recherche universitaire.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Simon Viviers a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour réaliser une recherche en partenariat avec la Fédération autonome de l'enseignement (FAE) sur le thème «Santé mentale et organisation du travail enseignant: quel pouvoir d'agir collectif?». Il dirige actuellement un projet de recherche-intervention portant sur la santé mentale du personnel enseignant financé par une entente négociée entre le Comité patronal de négociation des centres de services scolaires francophones (CPNCF) et la FAE. Le projet a pour objectif principal de développer et d’expérimenter un dispositif organisationnel de prévention des problèmes de santé mentale au travail des enseignantes et enseignants dans les établissements scolaires. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Wilfried Cordeau a été enseignant au secondaire et conseiller au sein d'une fédération syndicale représentant des enseignantes et enseignants du Québec.</span></em></p>La réforme Drainville renforce le lien d’autorité du ministre et conduit à l’élimination de contre-pouvoirs agissant comme « chiens de garde » du système scolaire.Olivier Lemieux, Professeur en administration et politiques de l'éducation, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Jean Bernatchez, Professeur, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Simon Viviers, Professeur titulaire, Université LavalWilfried Cordeau, Candidat à la maîtrise en fondements de l'éducation et éducation comparée, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1962682023-05-02T13:59:50Z2023-05-02T13:59:50ZLe tutorat pour soutenir les élèves : une bonne idée ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/521347/original/file-20230417-16-z0vd8v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C994%2C555&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le tutorat désigne l’accompagnement régulier, personnalisé, individualisé ou en petits groupes, d’apprenants rencontrant des difficultés scolaires.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le tutorat visant le soutien scolaire s’est grandement développé au cours des dernières décennies et a été l’une des <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/pandemie-de-Covid-19-programme-de-tutorat-pour-eleves-vulnerables-le-gouvernement-du-quebec-devoile-une-offre-de-service-diversifiee">mesures phares mises en œuvre dans plusieurs pays</a> dans le contexte de la pandémie de Covid-19. </p>
<p>Le tutorat peut être proposé de façon plus ou moins intensive, par le système éducatif, des organisations à but non lucratif ou des entreprises privées. Si, dans les deux premiers cas, le tutorat est généralement mis en place pour soutenir des élèves éprouvant des difficultés dans une ou plusieurs disciplines, dans le troisième, il s’agit davantage d’un <a href="https://www.edsurge.com/news/2020-10-30-wealthy-families-more-likely-to-hire-tutors-less-concerned-about-kids-learning-loss">accompagnement payé par les parents</a> en vue non seulement de permettre à leurs enfants de surmonter leurs difficultés, mais également d’accroître leur performance scolaire. </p>
<p>M’intéressant depuis longtemps à l’accompagnement et au tutorat dans le cadre de <a href="https://www.editions-harmattan.fr/livre-le_tutorat_de_pairs_dans_l_enseignement_superieur_enjeux_institutionnels_technopedagogiques_psychosociaux_et_communicationnels_cathia_papi-9782343004143-40007.html">l’enseignement postsecondaire</a>, je m’interroge ici sur l’intérêt du tutorat dans l’éducation de manière générale. Autrement dit, le tutorat constitue-t-il une façon pertinente de soutenir les élèves ? </p>
<h2>Qu’est-ce que le tutorat ?</h2>
<p>Si la question est simple, la réponse est loin de l’être. En effet, il existe une multitude de définitions variant selon les époques, les contextes, les objectifs associés au tutorat ou les acteurs qui s’y intéressent. Du <a href="https://journals.openedition.org/histoire-education/3116">préceptorat</a> comme mode d’enseignement individualisé à domicile, au <a href="http://ife.ens-lyon.fr/publications/edition-electronique/recherche-et-formation/RR043-08.pdf">monitorat</a> comme enseignement à un groupe assuré par des apprenants, de l’<a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2007-4-page-79.htm">insertion professionnelle</a> à la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01408065/">formation à distance</a>, le terme « tutorat » a été employé pour désigner des réalités variées. Si variées, que les représentations ou idées associées à ce terme sont susceptibles de différer d’un individu à l’autre, même parmi les professionnels de l’éducation ou les chercheurs dans le domaine. </p>
<p>Le tutorat peut être réalisé par différentes personnes, notamment des <a href="https://doi.org/10.1177/2332858420986211">professionnels de l’éducation</a> dans le cadre de l’enseignement primaire et secondaire ou de la <a href="https://journals.openedition.org/dms/6904">formation à distance</a>. Lorsqu’il est assuré par des élèves ou des étudiants, on parle parfois de <a href="https://sites.google.com/site/letutoratadistance/Home/10-ans-de-t-d/calendrier/24-10-de-la-diversite-du-tutorat-de-pairs-par-cathia-papi?pli=1">tutorat par les pairs</a>, voire de mentorat lorsque le tuteur est d’un autre niveau scolaire que le tutoré. </p>
<p>De manière générale, le tutorat désigne l’accompagnement régulier, personnalisé, individualisé ou en petits groupes, d’apprenants rencontrant des difficultés scolaires. Il peut être réalisé en présence ou en ligne. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Une femme enseigne les maths en utilisant un casque et un tableau blanc à une jeune fille en vidéoconférence" src="https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/521394/original/file-20230417-26-ueppmv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le tutorat peut être réalisé par différentes personnes, notamment des professionnels de l’éducation dans le cadre de l’enseignement en présence ou de la [formation à distance.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Dans quelle mesure le tutorat est-il efficace ?</h2>
<p>Les recherches sur le tutorat dans les milieux scolaires font ressortir que l’<a href="https://www.nber.org/papers/w27476">effet du tutorat sur l’apprentissage est positif</a> et statistiquement significatif. Il semblerait alors intuitif de répondre directement : oui, le tutorat est une bonne idée ! </p>
<p>Cependant, face à la multiplicité des formes que peut revêtir le tutorat, il est important de prendre en considération qu’il ne suffit pas de mettre une étiquette « tutorat » sur un dispositif de soutien scolaire pour que ce dernier ait les impacts escomptés. Les récentes recherches dans le domaine montrent effectivement que plusieurs critères jouent un rôle essentiel pour favoriser l’efficacité des dispositifs de tutorat. </p>
<p>Pour être efficace, le tutorat devrait ainsi s’inscrire dans le temps. Autrement dit, le tutorat ne doit pas être une activité ponctuelle ; il importe de prévoir plusieurs séances par semaine durant plusieurs semaines. Pour un soutien optimal, au moins trois séances hebdomadaires de tutorat seraient à <a href="https://www.nber.org/papers/w27476">intégrer au temps scolaire</a>. </p>
<p>Par ailleurs, le tutorat devrait idéalement être effectué de <a href="https://doi.org/10.1002/rrq.379">manière individuelle ou en petit groupe</a> n’excédant pas 4 élèves. Ce critère permet en effet d’assurer un soutien personnalisé en fonction des besoins de l’apprenant et favorise la création d’une relation de confiance et de proximité. Ce type de relation est propice à l’apport d’un soutien non seulement scolaire, mais aussi socioaffectif. </p>
<p>Enfin, les résultats du tutorat sont généralement meilleurs lorsque le tutorat est exercé par des <a href="https://www.nber.org/papers/w27476">professionnels de l’éducation</a>. De fait, le tutorat est souvent exercé par les enseignants des élèves qui sont les mieux à même à connaître leurs élèves, les difficultés qu’ils rencontrent, les notions étudiées et la manière dont elles ont été présentées. La relation est également déjà existante, ce qui facilite les premières séances de tutorat. </p>
<p>Toutefois, les recherches font également ressortir que d’autres personnes spécialement formées au tutorat et bénéficiant d’un accompagnement, assuré par des professionnels de l’éducation, peuvent aussi s’avérer être de bons tuteurs. C’est ainsi notamment le cas des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3783987">étudiants</a> amenés à soutenir des élèves dans certains dispositifs. Dans ce dernier cas, plusieurs études suggèrent que le tutorat exercé volontairement par des étudiants auprès d’élèves pourrait également avoir des <a href="https://img1.wsimg.com/blobby/go/1c34d9b7-1553-4bbd-a6a2-2f4b8c4292fe/downloads/Rapport%202016-2018b.pdf">effets positifs sur les étudiants</a> eux-mêmes tant sur le plan des apprentissages que de la motivation, par exemple. </p>
<h2>Le tutorat est-il le seul moyen de soutenir les élèves ?</h2>
<p>Évidemment, le tutorat n’est pas la seule forme de soutien scolaire existant. Des types de soutien n’ayant pas la dénomination de tutorat, tels que la <a href="https://edu1014.teluq.ca/mes-actions/modele-rai/">réponse à l’intervention</a> (RAI), qui est un modèle d’intervention auprès des élèves en difficulté, ou le <a href="https://www.erudit.org/en/journals/ef/2020-v48-n2-ef05812/1075033ar/">coenseignement</a>, par lequel deux enseignants sont présents dans une classe pour enseigner un même contenu de façon différente selon les caractéristiques du groupe d’élèves auquel ils s’adressent, sont quelque peu différents du tutorat, mais permettent de soutenir les élèves. La RAI et le coenseignement répondent d’ailleurs fréquemment aux critères d’efficacité du tutorat. De même, l’aide aux devoirs proposée par un grand nombre d’établissements scolaires et d’organismes à but non lucratif peut remplir différents critères et favoriser, au-delà de la réalisation des devoirs, le travail de certaines notions.</p>
<p>Par ailleurs, s’il est important d’identifier les critères permettant d’offrir des dispositifs d’accompagnement efficaces, cela ne signifie pas que les dispositifs ne regroupant pas l’ensemble de ces critères n’ont pas d’effet. Par exemple, un tutorat de « seulement » deux séances par semaine, sans être optimal, apporte un soutien non négligeable aux élèves. </p>
<p>Pour répondre à la question en titre de cet article, il semble donc possible de dire que le déploiement de tutorat pour soutenir les élèves en difficulté semble pertinent si tant est que les dispositifs proposés correspondent le plus possible aux caractéristiques précédemment définies et que les ressources humaines et les montants investis soient adéquats relativement aux besoins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196268/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aucun conflit d'intérêt</span></em></p>Alors que le tutorat visant le soutien scolaire est une mesure phare mise en œuvre dans le contexte de crise sanitaire, dans quelle mesure constitue-t-il une façon pertinente de soutenir les élèves ?Cathia Papi, Professeure, CURAPP-ESS, Université TÉLUQ Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1739312021-12-29T17:27:07Z2021-12-29T17:27:07ZLes universités, clé du développement des pays du Sud<p>On a longtemps pu douter que les universités appartiennent à un territoire donné et participent à son développement, tant, d’abord préoccupées de la production et de la transmission des savoirs, elles penchaient délibérément du côté de l’universel.</p>
<p>Cela vaut pour les pays développés, les premiers à disposer depuis longtemps d’universités. Mais cela vaut aussi pour les établissements apparus peu à peu dans les pays en voie de développement. Même là où la seule fonction de reproduction des élites dirigeantes est encore fortement marquée parce que le caractère principalement informel de l’économie du pays ne requiert pas encore de forts besoins de formation professionnelle de haut niveau, l’université y découvre peu à peu son territoire.</p>
<h2>Le développement est aussi un développement universitaire</h2>
<p>Plusieurs éléments ont peu à peu bouleversé cette représentation. À commencer par la multiplication du nombre d’établissements, qui ont essaimé peu à peu sur tous les continents, au point que dans certains pays, leur nombre exact n’est jamais vraiment connu (comme en <a href="https://www.cairn.info/revue-tiers-monde-2015-3-page-91.htm">RDC</a> ou <a href="https://www.cairn.info/revue-internationale-des-sciences-administratives-2020-2-page-365.htm">à Haïti</a> par exemple), notamment du fait de la multiplication des structures privées, parfois microscopiques et de qualité souvent douteuse.</p>
<p>Le fort accroissement général de la population jeune dans les pays du sud, conjugué à la <a href="https://www.inegalites.fr/La-scolarisation-des-enfants-progresse-dans-le-monde">progression du taux de scolarisation</a>, a abouti à une hausse notable du nombre d’étudiants dans ces pays, en accélérant elle-même la multiplication du nombre d’établissements.</p>
<p>Les quelques statistiques dont on dispose sont à cet égard très parlantes. D’après <a href="https://jeunesse.francophonie.org/images/OIF_Rapport_jeunesse_2018_web.pdf">l’enquête</a> de l’Observatoire Démographique et Statistique de l’Espace Francophone (ODSEF) publiée en 2018 par l’OIF, si certains pays de l’Afrique subsaharienne restent encore à la traîne avec un taux de scolarisation dans le supérieur inférieur à 5 % (Tchad, Madagascar), la majorité de tous les autres disposant de statistiques sont au-dessus de 10 % (Bénin, Cameroun, Cap Vert, Côte d’Ivoire, Ghana, Guinée, Sao-Tomé, Sénégal, Togo, Maurice, Seychelles), de manière comparable à la situation de la France il y a moins de deux générations. Par ailleurs, le Burkina, le Burundi, le Mali, le Mozambique, le Rwanda et les Comores s’en rapprochent avec des taux compris entre 5 et 10 %. Quant à l’Afrique du Nord, le taux de scolarisation dans le supérieur s’y situe partout au-dessus de 30 %.</p>
<p>C’est dire que pour une grande partie de l’Afrique, il est faux de considérer que l’enseignement supérieur ne concernerait que l’élite. L’enseignement supérieur y est déjà un enseignement de masse, donnant de fait aux universités un statut d’une autre nature et une responsabilité sociétale nouvelle.</p>
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<figcaption><span class="caption">Les réformes de l’enseignement supérieur guinéen. 30 avril 2021.</span></figcaption>
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<h2>L’université, acteur sociétal dans tous les pays</h2>
<p>Dans tous les pays développés, la mission sociétale des universités, au-delà de la formation et de la reproduction des élites de tous types, s’est à l’évidence étendue en proportion des nouvelles exigences de la croissance économique, de la demande sociale d’études toujours plus forte, et de la prise de conscience généralisée que l’enseignement supérieur et la recherche sont plus que jamais les clés du développement (voir par exemple “Politiques et gestion de l’enseignement supérieur volume 16-3 2004 – OCDE et beaucoup d’autres études notamment à l’AUF, à l’IAU ou l’ACU et plusieurs de ma part)</p>
<p>Désormais évidente pour les universités de tous les pays développés, cette mission sociétale vaut aussi, et de plus en plus, pour tous les autres pays, dont les pays émergents ou en voie de développement.</p>
<p>Les grandes institutions financières internationales ont encore trop souvent <a href="https://www.unicef.org/media/106911/file/Africa%20Education%20Report%20Summary%20FR%20.pdf">tendance à penser que seul l’enseignement de base</a> doit être la priorité de ces derniers pays. Mais elles se trompent pour au moins deux raisons qui devraient au contraire les convaincre qu’il s’agit là d’une priorité du développement contemporain.</p>
<p>La première est le constat, fait plus haut, que la demande sociale d’études supérieures s’étend au fur et à mesure que la scolarisation primaire puis secondaire elle-même s’accroît.</p>
<p>La deuxième raison est que le développement durable d’économies modernes passe aujourd’hui, partout, par la capacité de tous les pays <a href="https://www.cairn.info/revue-politiques-et-gestion-de-l-enseignement-superieur-2002-2-page-9.htm?contenu=article">à doter leurs populations de qualifications</a> professionnelles de niveau supérieur et de compétences de recherche. Sauf à considérer que de telles compétences doivent rester l’apanage des pays développés, les conséquences en sont considérables en termes de politiques économiques et d’aide internationale.</p>
<p>Ainsi, comme le montre une <a href="https://www.auf.org/nouvelles/actualites/decouvrez-livre-blanc-de-francophonie-scientifique/">enquête de l’AUF</a>, les dirigeants universitaires des pays moins développés <a href="https://en.calameo.com/auf/read/0061183914d084f069e3a?page=41">considèrent</a> comme « une très grande priorité les besoins d’ouverture sur l’environnement de services à la communauté, de responsabilité sociétale et de dialogue interculturel ». L’affirmation de l’importance de cette thématique est nettement marquée en Afrique chez tous les responsables, politiques ou universitaires, alors même que les relations entre les universités, les entreprises et les organisations locales y sont <a href="https://en.calameo.com/auf/read/0061183914d084f069e3a?page=92">encore très limitées</a>.</p>
<p>À l’évidence, cette préoccupation est principalement liée aux questions d’employabilité des étudiants et d’internationalisation.</p>
<h2>À la recherche de l’employabilité étudiante</h2>
<p><a href="https://en.calameo.com/auf/read/0061183914d084f069e3a?page=116">Comme le dit</a> un responsable universitaire sénégalais, « la thématique de l’employabilité est quotidiennement au cœur des activités des universités. Pour nous, l’employabilité, la qualité et le service à la communauté sont des thématiques très intéressantes et très liées ».</p>
<p>À peu de choses près, la plupart des dirigeants africains partagent une telle affirmation. Tous sont en effet convaincu que le développement de leur pays passe désormais par leur capacité à transformer profondément leur système économique pour aller vers des économies modernes, soucieuses comme toutes les autres des objectifs de développement durable affichés par la communauté internationale, et que la tentation pour les pays sous-développés de recourir aux énergies fossiles, dont ils regorgent parfois, pour rattraper leur retard, <a href="https://www.lejournaldudeveloppement.com/les-pays-producteurs-dafrique-nentendent-pas-renoncer-a-lenergie-fossile/">ne pourra être évitée qu’à ce prix</a>.</p>
<p>Le développement de l’enseignement supérieur et de la recherche n’est donc pas seulement un problème économique ou social. C’est aussi un problème éminemment politique, qui suppose que la répartition, non seulement des revenus, mais plus encore des capacités cognitives et de recherche, ne profite plus seulement aux pays développés. Sauf à vouloir conforter les formes de néocolonialisme associées à l’inégalité des échanges.</p>
<p>D’où la difficulté à comprendre pourquoi ces mêmes dirigeants politiques font <a href="http://www.commodafrica.com/06-02-2020-les-depenses-publiques-par-eleve-en-afrique-sont-les-plus-faibles-du-monde">si peu d’efforts</a> dans leurs politiques publiques en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche ou de la transition numérique, imitant en cela les grandes organisations internationales qui semblent n’avoir toujours pas compris l’importance de l’enjeu.</p>
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<figcaption><span class="caption">Université de Thiès au Sénégal : parcours d’étudiants, RFI, 17 juin 2019.</span></figcaption>
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<h2>L’indispensable internationalisation</h2>
<p>Quant à l’internationalisation, elle est vue à la fois comme une <a href="https://www.cairn.info/l-internationalisation-de-l-enseignement-superieur--9782807329034-page-61.htm?contenu=article">solution indispensable aux problèmes de financement</a>, notamment pour une recherche encore quasiment inexistante, mais aussi comme la compréhension des liens indispensables que tout établissement doit avoir non seulement avec ses homologues nationaux, mais plus encore avec ses homologues étrangers, ne serait-ce que pour conforter la qualité des formations délivrées et bénéficier de la <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2016-3-page-417.htm?contenu=article">dynamique des réseaux scientifiques internationaux</a>.</p>
<p>Le fait que l’enseignement supérieur soit <a href="https://bibliotheque.auf.org/doc_num.php?explnum_id=828">délivré en langue étrangère</a> (français ou anglais, voire espagnol ou portugais selon l’appartenance antérieure à un ancien empire colonial) dans de nombreux pays peut être considéré comme un atout, même si cela soulève, par ailleurs, une question plus lourde, celle de la déconnexion entre langues des élites et langues nationales et donc celle du risque de déconnexion entre les universités et leurs territoires. Question qui pourrait être soulevée, à terme rapide, au fur et à mesure de l’extension du système universitaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/en-afrique-quelle-francophonie-au-xxi-siecle-168590">En Afrique, quelle francophonie au XXIᵉ siècle ?</a>
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<p>« Décoloniser les esprits », comme dit le philosophe Mudimbe est toujours le plus difficile.</p>
<p>On ne pourra le faire dans les pays en voie de développement que si la mission sociétale des universités y joue pleinement son rôle et que les États concernés comme la solidarité internationale en tirent toutes les leçons.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173931/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul de Gaudemar est ancien recteur de l'AUF.</span></em></p>Dans les pays développés, le rôle sociétal de l’université est reconnu depuis longtemps. Il doit en être de même dans les pays en voie de développement.Jean-Paul de Gaudemar, Professeur, ancien recteur de l'Agence universitaire pour la Francophonie (2015-2019), Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1704182021-11-30T18:58:19Z2021-11-30T18:58:19ZQuel regard les enseignants portent-ils sur l’école inclusive ?<p>Depuis plusieurs années et notamment la <a href="https://www.education.gouv.fr/loi-ndeg2013-595-du-8-juillet-2013-d-orientation-et-de-programmation-pour-la-refondation-de-l-ecole-5618">loi du 8 juillet 2013</a>, le système scolaire français se transforme pour permettre à tous les élèves, et notamment ceux en situation de handicap, d’accéder à l’école et aux apprentissages. Dit autrement, l’école française a accepté de <a href="https://theconversation.com/comprendre-les-enjeux-de-lecole-inclusive-avec-disney-et-pixar-151125">se repenser afin de s’adapter aux besoins de tous les élèves</a>, y compris ceux et celles qui étaient privés jusqu’alors d’une scolarisation « ordinaire ». Cet objectif, inscrit dans un mouvement international (voir <a href="https://fr.unesco.org/themes/education-2030-odd4">l’Agenda 2030</a> de l’Unesco), est non seulement louable, mais porte aussi <a href="https://theconversation.com/lecole-inclusive-peut-elle-profiter-a-tous-les-eleves-129830">ses fruits</a>.</p>
<p>Tout cela demande un engagement fort de la part des enseignants, il est donc important de considérer ce que ces acteurs et actrices essentielles de l’éducation pensent de ce changement de paradigme. En effet, leurs attitudes peuvent (modestement) permettre de prédire leur implication dans des pratiques visant l’inclusion des élèves en situation de handicap. Ainsi, plus les enseignants seraient favorables à l’inclusion scolaire et plus ils seraient prompts à adopter des gestes professionnels soutenant l’apprentissage de <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/australasian-journal-of-special-education/article/abs/can-teachers-selfreported-efficacy-concerns-and-attitudes-toward-inclusion-scores-predict-their-actual-inclusive-classroom-practices/C325E79CB1F482D730207F2441D264B0">tous les élèves</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comprendre-les-enjeux-de-lecole-inclusive-avec-disney-et-pixar-151125">Comprendre les enjeux de l’école inclusive avec Disney et Pixar</a>
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<p>Sur ce point, une méta-analyse récente (c’est-à-dire une étude combinant l’ensemble des études sur une question donnée) a mis en évidence que celles-ci seraient plutôt <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0742051X1930335X">positives</a> tout en étant teintées d’une certaine ambiguïté. Plus précisément, si les enseignants expriment des attitudes positives envers l’idée générale de l’éducation inclusive, ils expriment davantage de réticences à la mise en pratique de celle-ci dans leur propre classe. Bien sûr, ces attitudes varient selon de multiples facteurs, certains liés aux <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13603110903030089">individus (élèves ou enseignants), d’autres à l’environnement</a>.</p>
<h2>Des déterminants liés aux personnes</h2>
<p>Un nombre conséquent de travaux a cherché à comprendre l’influence de caractéristiques liées à l’enseignant (ce qu’il ou elle est) ou même aux élèves (ce qu’ils ou elles sont) sur les attitudes exprimées. Touchant les premiers, s’il semble qu’il y ait relativement peu de variations dans les attitudes entre les enseignantes et les enseignants ou même en fonction de l’âge ou l’expérience, il apparaît néanmoins de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0742051X21002468">manière extrêmement claire</a> que ceux et celles qui ont le plus confiance en leur capacité à enseigner sont aussi ceux et celles qui expriment les attitudes les plus favorables. Dit autrement, un enseignant qui doute peu de ses compétences professionnelles serait plus prompt à accepter l’ensemble des élèves dans sa classe.</p>
<p>Touchant les élèves, il semble que les difficultés rencontrées puissent également influencer particulièrement les attitudes du corps enseignant. Ainsi, si l’inclusion d’élèves à mobilité réduite ne semble plus faire l’objet de <a href="https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-la-scolarisation-des-eleves-en-situation-de-handicap-2/">contestation</a>, cela est moins le cas pour les élèves faisant face à une situation de handicap invisible.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1217757048206712833"}"></div></p>
<p><a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/feduc.2021.655356/full">Dans nos propres travaux</a>, menés en collaboration avec Anne-Laure Perrin, Odile Rohmer et Caroline Desombre, nous avons pu confirmer ces résultats auprès d’enseignants français en montrant que ces derniers sont globalement plus défavorables à l’inclusion des élèves porteurs de troubles du spectre de l’autisme, par rapport aux élèves présentant une déficience intellectuelle ou une déficience motrice. Cela semble s’expliquer par le fait qu’ils ou elles associent spontanément aux élèves porteurs d’un trouble du spectre de l’autisme des <a href="https://www.sciencedirect.com/user/identity/landing?code=dsd_qQQTNG5cbJFBRMdDlegU6PxMaCNRZSpSavVx&state=retryCounter%3D0%26csrfToken%3D869430cb-7d51-427c-8139-7ffb15be3f0b%26idpPolicy%3Durn%253Acom%253Aelsevier%253Aidp%253Apolicy%253Aproduct%253Ainst_assoc%26returnUrl%3D%252Fscience%252Farticle%252Fpii%252FS1750946721000210%26prompt%3Dlogin%26cid%3Darp-994c8d95-5eed-40bd-8810-2106e13a712d">comportements</a> qui pourraient nuire à la conduite de la classe.</p>
<p>Si ces travaux sont éclairants, il faut néanmoins noter qu’ils présentent le risque d’amener à penser que les enseignants (particulièrement ceux et celles qui se sentent les moins compétents) seraient de fait les seuls responsables des difficultés de la mise en place de l’école inclusive (en refusant davantage certains élèves que d’autres). Or, comme discuté dans la partie suivante, nous pensons que pour comprendre ces difficultés, il faut aussi porter un regard critique sur l’organisation même de notre système éducatif.</p>
<h2>L’école, entre inclusion et sélection</h2>
<p>Les travaux en sociologie de l’éducation ont depuis longtemps mis en exergue le fait que les systèmes éducatifs occidentaux ont à la fois une fonction de formation et une fonction de sélection. Ainsi, si l’école doit « transmettre » des savoirs afin que chacun puisse <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000027682636/">« développer un socle commun de connaissances, de compétences et de culture »</a>, elle doit aussi permettre l’identification, parmi l’ensemble des élèves, de celles et ceux qui sont les plus aptes à obtenir les diplômes, celles et ceux qui seraient les plus méritants.</p>
<p>Le système éducatif français devrait donc, grâce à une démocratisation de l’accès aux savoirs, offrir à l’ensemble des élèves les mêmes opportunités de développer leur potentiel, tout en ayant pour objectif de « faire le tri » afin d’assurer aux élèves sélectionnés une place correspondant à leur <a href="https://www.cairn.info/le-merite-contre-la-justice--9782724624601.htm">mérite individuel</a>.</p>
<p>Toutefois, cette fonction de sélection ne semble pas autant se baser sur le mérite qu’elle le <a href="https://theconversation.com/croire-au-merite-aide-t-il-ou-non-les-eleves-a-reussir-167590">prétend</a> et il nous est apparu important de poser la question de l’articulation entre celle-ci et l’école inclusive. Si, a priori, vouloir identifier les élèves les plus méritants n’empêche pas de proposer des pédagogies adaptées aux besoins de tous les élèves, il semble que la réalité puisse être un peu différente. En effet, tout se passe comme si lever les barrières à l’apprentissage de certains pourrait venir contrecarrer le principe d’une comparaison juste entre les élèves (qui ne sont plus sur la même ligne de départ, n’ayant pas tous reçus la même enseignement/évaluation).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1440670479375683584"}"></div></p>
<p>C’est ce qu’appuient en partie <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0742051X21001785">nos travaux</a>, menés en collaboration avec Kamilla Khamzina, en mettant en évidence que plus les enseignants souscrivent à l’idée de la sélection à l’École et moins ils ou elles soutiennent la politique d’éducation inclusive. Dit autrement, l’organisation même du système éducatif à travers sa fonction de sélection semble pouvoir créer des barrières à la mise en place de l’éducation inclusive en mettant notamment les enseignants face à un dilemme entre sélectionner et inclure. Mais alors, existent-ils des solutions pour soutenir la mise en place de cette politique ?</p>
<p>Si les enseignants réclament légitimement des moyens supplémentaires pour soutenir la mise en place de l’école pour tous et toutes, il semble particulièrement pertinent que ceux-ci soient investis dans la formation. En effet, il apparait que plus les enseignants ont une compréhension fine de ce qu’est cette politique inclusive, plus ils ou elles y sont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/08856257.2019.1580837">favorables</a>. En outre, mieux les former permettrait d’améliorer leur sentiment d’efficacité personnelle et donc, par extension, <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01443410.2018.1472219">leurs attitudes</a>.</p>
<p>Si les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf?id=lMHCiDRom84zR8gzbzuv1aM-j7ocOAKHUZTY7AMRhSg=">changements récents</a> touchant la formation initiale sont encourageants, il nous semble très important de soutenir également la formation continue à travers la mise en œuvre des <a href="https://www.education.gouv.fr/bo/19/Hebdo23/MENE1915816C.htm">décisions législatives prises il y a plusieurs années</a> et le développement de celle-ci. Si la formation n’est assurément pas la seule réponse, elle est pour autant essentielle pour faire évoluer les mentalités et permettre à l’ensemble des élèves de trouver leur place à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mickaël Jury a reçu des financements de la Caisse Nationale pour la Solidarité et l'Autonomie dans le cadre du plan Autisme et de l'Agence Nationale de la Recherche pour mener ses recherches sur la scolarisation inclusive des élèves en situation de handicap.</span></em></p>L’organisation même du système éducatif à travers sa fonction de sélection semble pouvoir créer des barrières à la mise en place de l’éducation inclusive, plaçant les enseignants face à des dilemmes.Mickaël Jury, Maître de conférence en psychologie à l'INSPÉ Clermont Auvergne, Université Clermont Auvergne (UCA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1545132021-02-15T19:40:53Z2021-02-15T19:40:53ZÀ l’école, comment mettre l’évaluation au service des apprentissages ?<p>Très récemment, Lorène, une enseignante avec laquelle nous collaborons dans le cadre d’une recherche, nous a invités dans sa classe pour observer comment se déroulait une évaluation de compréhension de l’écrit. Ses élèves de première année du secondaire ont commencé par se mettre par deux, et pendant vingt minutes, ils ont partagé leur compréhension des <em>Métamorphoses</em> d’Ovide, selon des consignes précises.</p>
<p>Ils ont pu confronter leur façon d’aborder différents points, répondre aux questions de leur pair, justifier leurs réponses. Ils ont aussi eu chacun l’occasion de solliciter l’aide de l’enseignante une fois, ce que la plupart ont fait. Ensuite, ils ont effectué leur travail individuellement en répondant aux questions par écrit, comme d’habitude.</p>
<p>Lorsque mon collègue et moi-même avons demandé à l’enseignante pourquoi elle procédait de la sorte, elle a répondu : « Je veux les amener à comprendre que, même dans une évaluation qui vaut pour une note importante pour eux, il y a de l’espace pour apprendre encore, et parfois même avec l’un de leurs camarades, cela instaure un climat de confiance entre eux et moi très bénéfique ».</p>
<h2>Faire de l’évaluation un levier</h2>
<p>Dans les faits, cette pratique n’est pas courante : des études issues de différents contextes montrent que les pratiques évaluatives <a href="https://doi.org/10.4000/questionsvives.1235">ressemblent aujourd’hui encore</a> furieusement à celles qu’ont connues nos grands-parents, centrées sur les notes et les moyennes.</p>
<p>Pourtant, ce que fait cette enseignante s’inscrit pleinement dans l’orientation en évaluation dans laquelle la grande majorité des systèmes éducatifs de l’OCDE s’inscrivent, certains depuis la fin des années 1990 et en France depuis 2014, pour juguler le taux d’échec scolaire et le décrochage des jeunes, toujours trop importants : <a href="https://www.cairn.info/modelisations-de-l-evaluation-en-education--9782804171414-page-115.htm">l’évaluation-soutien d’apprentissage</a>.</p>
<p>L’idée est simple en apparence : toute démarche d’évaluation fait partie de la pratique quotidienne, doit être prioritairement au service des apprentissages, et devient alors un outil puissant <a href="https://www.erudit.org/fr/revues/mee/2009-v32-n2-mee01394/1024956ar/">pour amener</a> le plus grand nombre d’élèves à leur meilleur niveau.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/383809/original/file-20210211-22-9g3a3g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Et si l’on amenait les élèves à « comprendre que, même dans une évaluation qui vaut pour une note importante pour eux, il y a de l’espace pour apprendre encore, et parfois même avec l’un de leurs camarades ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/fille-en-chemise-a-manches-longues-rose-assis-sur-une-chaise-en-bois-marron-5211437/">Max Fischer/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>La réalité nuance toutefois cette idée : cette conception de l’évaluation est d’une grande complexité, notamment car elle entre en rupture avec la conception classique que nombre d’enseignants et de décideurs ont de l’évaluation scolaire, à savoir qu’évaluer se réduit à faire passer des tests.</p>
<p>Se pose alors l’épineuse question de déterminer comment l’évaluation-soutien d’apprentissage pourrait dépasser les prescriptions et se concrétiser dans les classes, tous degrés et disciplines confondus. Pour cela, il est intéressant de se tourner vers les systèmes qui travaillent à sa mise en œuvre depuis plusieurs années, comme en Scandinavie ou au Royaume-Uni : les analyses dont nous disposons révèlent des axes de travail intéressants.</p>
<h2>Il n’y a pas que les notes</h2>
<p>Si l’on considère que l’évaluation consiste à prendre des informations sur des apprentissages en cours, à interpréter ces informations au regard d’attentes claires, à prendre des décisions en cohérence avec ces interprétations et à les communiquer aux élèves, les enseignants passent un temps considérable à évaluer.</p>
<p>Le problème est qu’ils n’en sont pas toujours conscients, car pour un grand nombre d’entre eux, tant qu’il n’y a pas de note, l’évaluation est inexistante ou inefficace.</p>
<p>L’enjeu est alors d’expliciter ces pratiques existantes et de montrer que même informelles, elles peuvent servir l’apprentissage. Par exemple, observer ou interagir avec des élèves sur un obstacle qu’ils rencontrent et leur faire des retours constructifs de manière guidée pour qu’ils progressent, c’est déjà évaluer.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1299717534367789056"}"></div></p>
<p>Nous savons toutefois aujourd’hui que, si les enseignants n’adhèrent pas aux valeurs inclusives de cette vision de l’évaluation, il n’y a pratiquement aucune chance pour que <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09695940903075925">leurs pratiques</a> en épousent un quelconque contour. Pire : lorsque les principes de l’évaluation-soutien d’apprentissage ne sont pas compris, les pratiques se réduisent à des démarches superficielles et techniques. Il est alors important de faire un travail en formation au niveau des croyances des enseignants, en partant de leurs questions et problèmes, et non de privilégier des modèles injonctifs « venant du haut », dont l’inefficacité a été démontrée depuis longtemps.</p>
<h2>Former les enseignants</h2>
<p>Plus globalement, c’est toute la formation à l’évaluation qui doit être intensifiée, dans les universités et dans les écoles. Au Québec par exemple, la formation prépare peu les enseignants en devenir à l’évaluation des apprentissages, la plupart des programmes ne comprenant que 3 ou 4 crédits sur un total de 120 !</p>
<p>Le constat vaut pour d’autres systèmes, des États-Unis à la Grande-Bretagne, en passant par la France ou la Suisse romande, où les modules traitant d’évaluation au secondaire sont même parfois facultatifs. Sans parler de la formation continue, qui reste très lacunaire dans le monde de l’enseignement.</p>
<p>Par ailleurs, rien ne pourra évoluer positivement sans que les responsables d’établissement ne soient également formés dans ce champ. En effet, comme dirigeants pédagogiques, ils sont des facilitateurs clés d’un possible changement, car ils peuvent donner la confiance et les moyens nécessaires à leur corps enseignant <a href="https://www.cairn.info/leadership-educatif--9782804190989.htm">pour que cette évaluation se concrétise</a>.</p>
<p>Nous savons enfin que les tests externes, dont la fréquence a augmenté partout, constituent l’une des principales menaces pour la faisabilité de l’évaluation-soutien d’apprentissage. Les pressions que ces tests exercent sur les écoles motivent les enseignants à définir en priorité le rythme de travail en fonction de la vérification du contenu du test. Ils se sentent dès lors obligés d’opter pour cette logique en raison de son lien avec les mécanismes de responsabilité et de la pression publique qui y est associée, et cela même si c’est en incohérence avec leurs valeurs. Les enseignants sont ainsi soumis à un conflit de rôles et à un <a href="https://press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/T/bo24695545.html">sentiment de déprofessionnalisation</a>.</p>
<h2>Vision démocratique</h2>
<p>Les détracteurs d’une telle approche sortent régulièrement du bois, avec leurs arguments ressassés : nivellement par le bas, deuil des savoirs, ou encore perte des valeurs de l’école comme lieu de préparation à la « vraie vie ». Et pourtant. Lorène a constaté que, malgré ses pratiques innovantes, l’échec est toujours d’actualité pour certains. Mais, maintenant, elle sait mieux sur quels contenus revenir pour faire progresser ces élèves qui, de leur côté, mis en confiance, voient qu’il est possible de progresser et s’engagent alors mieux dans l’apprentissage. Certes, c’est un travail de longue haleine, mais appréhender la complexité avec exigence demande du temps.</p>
<p>Les principes de l’évaluation-soutien d’apprentissage privilégient une vision plus démocratique que sélective de l’évaluation, visent à respecter l’égalité de traitement des élèves. L’enjeu est maintenant de déterminer les conditions réalistes de sa mise en œuvre, en tenant compte des différents contextes éducatifs.</p>
<p>Les collaborations entre chercheurs et décideurs qui ont cours actuellement dans de nombreux systèmes scolaires vont donc devoir se conjuguer avec les ressources indispensables que ces derniers pourront mettre à disposition pour que l’évaluation à l’école serve l’apprentissage avant tout. Ce n’est plus une question de choix, mais une priorité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/154513/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raphaël Pasquini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les pratiques d’évaluation scolaire ressemblent beaucoup à celles du passé. Il est nécessaire d’en élargir la conception pour qu’elles servent l’apprentissage et aient du sens pour les élèves.Raphaël Pasquini, Professeur HEP (Haute école pédagogique du canton de Vaud) associé en évaluation certificative des apprentissages, en évaluation formative et dans les processus d’orientation scolaire, Haute école pédagogique du canton de Vaud (HEP Vaud)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1374772020-05-04T17:48:27Z2020-05-04T17:48:27ZRéouverture des écoles primaires : mode d’emploi<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/332371/original/file-20200504-83769-851dw7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=52%2C0%2C5894%2C3927&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des écolières observent les règles de distance dans la cour de récréation de l'école Goldbeck à Hambourg, en Allemagne, le lundi 4 mai 2020. </span> <span class="attribution"><span class="source">Christian Charisius/dpa via AP</span></span></figcaption></figure><p>Inquiétudes, scepticisme, voire colère : la réouverture des écoles primaires au Québec dès lundi prochain en région et le 19 mai à Montréal, ne fait pas l’unanimité dans la population. On estime tout de même <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1698734/retour-ecole-commissions-scolaires-respect-directives?fbclid=IwAR3T-ghrC9j_XQpl0MxrlbTvcAxoDlMJmoPAX99T0akinjXEv6GQClCXB0g">que les trois-quarts des élèves pourraient retourner en classe.</a></p>
<p>Le gouvernement du Québec a communiqué le 27 avril dernier les <a href="https://www.quebec.ca/education/prescolaire-primaire-et-secondaire/etablissements-scolaires-prescolaires-primaires-secondaires-covid19/mesures-de-securite-pour-les-travailleurs-et-les-enfants-dans-les-ecoles-primaires-et-les-services-de-garde-en-contexte-de-covid-19/?fbclid=IwAR2Ve-BEZgWALHa31zQlYn67FNoInb-baWmmFDszu7GRx1nxqn3L42-LBn4">directives</a> et mesures de sécurité à mettre en place pour les élèves et les membres du personnel.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=411&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332390/original/file-20200504-83730-psv2hs.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=516&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le ministre de l’Éducation du Québec, Jean‑François Roberge, à gauche, s’exprime lors d’une conférence de presse sur la pandémie Covid-19, le lundi 27 avril 2020, sous le regard du ministre de la Famille du Québec, Mathieu Lacombe, à droite.</span>
<span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Jacques Boissinot</span></span>
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<p>À la lumière des critiques et questions soulevées depuis l’annonce de la réouverture, nous souhaitons soulever ici diverses réflexions permettant de mieux comprendre les directives proposées.</p>
<h2>Les enfants, vecteurs importants ?</h2>
<p>D’abord, il est bien établi que les <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2003717">enfants peuvent être infectés</a> par le SRAS-CoV-2. Les données actuelles montrent un <a href="https://science.sciencemag.org/content/early/2020/04/28/science.abb8001">taux d’infection</a> dans la population pédiatrique (0 à 10 ans) assez similaire, voire peut-être inférieur à celui de la population adulte. Par contre, une fois infectés, la plupart des enfants ne présentent que des <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/article-abstract/2765169">symptômes légers ou modérés et même parfois aucun symptôme</a>. Des <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2007617?query=RP">hospitalisations</a> pour des effets plus graves ont été observés, mais restent de rares exceptions. De plus, le portrait des facteurs de risque demeure flou et ne suit pas les schémas des populations adultes.</p>
<p>Une fois infectés, on ne sait pas très bien dans quelle mesure les enfants transmettent le virus à d’autres enfants ou à des adultes, même à ceux avec lesquels ils ont des contacts étroits et fréquents. Parmi les <a href="https://www.rivm.nl/en/novel-coronavirus-covid-19/children-and-covid-19?fbclid=IwAR2cYbDKtyFnD3pHCJ9_NrUoEJrb37u6eoPz8FXNkGiOP7Jh8V_pUBSE0sI">études de traçage</a> menées dans plusieurs pays, celles où un enfant apparaît dans une chaîne de transmission sont rares, et ce, même dans la recherche approfondie des contacts qu’ont eus les personnes contaminées.</p>
<p>De nouvelles données, provenant de l’<a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2006100">Islande</a>, émergent sur la dynamique de la transmission de l’infection. Elles semblent montrer que les enfants de moins de 10 ans seraient moins susceptibles de recevoir un résultat positif que les autres. <a href="http://ncirs.org.au/covid-19-in-schools">Une nouvelle étude australienne</a> suggère que la propagation dans les écoles serait très limitée. Les données venant de la Suède, où les écoles sont restées ouvertes, ou du Danemark, où les écoles sont rouvertes depuis le 15 avril, sont pour leur part très attendues.</p>
<p>En définitive, la conclusion générale qui se dégage des informations actuellement disponibles est que les enfants ne semblent pas être des vecteurs importants de la maladie, comme les épidémiologues le pensaient au départ.</p>
<h2>Suivre l’évolution du virus</h2>
<p><a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.15.2000617">Les recherches réalisées lors de l’épidémie du SRAS</a>, en 2003, ont mis en lumière la pertinence de mettre en place des mesures adaptées aux niveaux scolaires et à l’âge des enfants. Cela permet notamment de lutter plus efficacement contre les foyers d’infection. Il nous apparaît donc juste d’avoir préconisé, en premier, une réouverture ciblée des services de garde et des écoles primaires.</p>
<p>En ce sens, au-delà des tests annoncés, il serait primordial de mettre en place dans certaines écoles, dès l’ouverture, un <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanchi/article/PIIS2352-4642(20)30095-X/fulltext">mécanisme de suivi et des analyses détaillées des contacts entre les enfants eux-mêmes et avec les adultes</a>, afin de bien comprendre la dynamique de la transmission virale au sein des écoles primaire.</p>
<p>Ces données seront centrales dans le processus décisionnel. Elles permettront d’évaluer les <a href="https://www.unicef.org/media/68366/file/Framework-for-reopening-schools-2020.pdf">mesures prises dans les écoles</a> et nous renseigneront sur leur évolution dans le temps. Compte tenu du niveau d’incertitude qui subsiste, il est important de rappeler que nous devrons faire preuve d’adaptabilité et de réactivité devant de potentielles éclosions.</p>
<p>À titre de chercheurs, nous considérons qu’il est urgent d’approfondir les recherches sur les modalités de transmission virales en contexte scolaire, afin de se renseigner sur les prochaines décisions à prendre. Ces informations sont cruciales, non seulement pour les écoles et leur rôle dans la transmission, mais également pour les étapes à venir du déconfinement de l’ensemble de la société québécoise.</p>
<h2>Ça commence à la maison</h2>
<p>La réouverture des écoles est accompagnée de diverses mesures de protection, d’abord pour limiter l’introduction du virus, mais également pour diminuer au maximum la transmission en cas d’éclosion.</p>
<p>Pour <a href="https://www.theguardian.com/world/datablog/ng-interactive/2020/apr/22/see-how-coronavirus-can-spread-through-a-population-and-how-countries-flatten-the-curve">prévenir l’introduction de l’infection par le SRAS-CoV-2</a> dans les classes, les élèves et les enseignantes qui présentent des <a href="https://www.quebec.ca/en/education/preschool-elementary-and-secondary-schools/etablissements-scolaires-prescolaires-primaires-et-secondaires-dans-le-contexte-de-la-covid-19/safety-measures-for-workers-and-children-in-elementary-schools-and-daycare-services-during-covid-19/">symptômes éventuellement liés au SRAS-CoV-2</a> doivent absolument rester chez eux.</p>
<p>Il est important de vérifier que votre enfant <a href="https://www.soinsdenosenfants.cps.ca/handouts/the-2019-novel-coronavirus-covid-19">ne présente aucun symptôme</a> avant de partir pour l’école. En cas de doute sur la présence de fièvre, il est préférable de prendre la température à la maison en utilisant le <a href="https://www.soinsdenosenfants.cps.ca/handouts/fever_and_temperature_taking">thermomètre le plus précis et le plus adapté à l’âge de l’enfant</a>. <a href="http://annals.edu.sg/pdf/35VolNo5200606/V35N5p345.pdf">La prise de température à l’école n’a pas fait ses preuves comme moyen efficace de contrôle de la transmission</a>.</p>
<h2>La taille des groupes</h2>
<p>Une fois à l’école, il est préférable d’avoir des groupes plus petits et avec son enseignant désigné. Un groupe plus restreint offrira moins de possibilités d’introduire le virus dans la classe.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/332411/original/file-20200504-83757-1qac8li.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les mesures d’hygiène personnelle restent les mesures les plus importantes. Il est simple d’apprendre aux enfants à bien se laver les mains et il sera important d’instaurer des procédures de lavage des mains efficaces et sécuritaires dans les écoles.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Avec un petit groupe fermé, il sera également plus facile de prendre des mesures supplémentaires ou de procéder à un traçage efficace des contacts si cela s’avérait nécessaire. Par contre, il n’y a pas de taille idéale établie pour une classe, car la transmission dépend surtout du comportement et de la <a href="https://www.healthknowledge.org.uk/public-health-textbook/research-methods/1a-epidemiology/epidemic-theory">dynamique</a> entre les membres du groupe.</p>
<h2>Distanciation ou pas ?</h2>
<p>Le niveau de transmission du virus, une fois arrivé dans une classe, dépend du type et du nombre de contacts, des caractéristiques uniques du virus et de son hôte. Les principes de distanciation peuvent être enseignés aux jeunes enfants, mais il ne faut pas oublier qu’il est dans leur nature de se rapprocher de leurs camarades à certains moments.</p>
<p>C’est ce que l’on observe au <a href="https://www.nytimes.com/2020/04/17/world/europe/denmark-schools-coronavirus.html">Danemark</a>, où les écoles ont récemment été rouvertes et où l’on module les consignes en fonction de l’âge. On demande aux élèves plus âgés d’être plus rigoureux dans leur éloignement social par rapport aux plus jeunes.</p>
<h2>Le port du masque</h2>
<p><a href="https://www.theatlantic.com/health/archive/2020/04/dont-wear-mask-yourself/610336/">Les masques utilisés dans la vie de tous les jours servent à la protection vers l’extérieur</a>. Ils empêchent les gouttelettes de s’éloigner du porteur et donc protège les autres. Nous disposons de données sur l’utilité des masques dans des <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-020-0843-2">environnements contrôlés</a> à des fins d’étude, où nous pouvons suivre et mesurer les particules virales en suspension.</p>
<p>Cependant, <a href="https://www.bmj.com/content/369/bmj.m1442">on ne sait pas encore</a> clairement comment, et dans quelle mesure, les masques sont efficaces pour réduire la transmission dans un contexte de vie réelle ou encore au sein d’une école. Pour l’instant, le port du masque sera volontaire. À cet effet, <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/covid-19/port-du-masque-pour-les-enseignants-une-distribution-systematique-seulement-a-la-cscv-c10f0236a0b6763754c297d38943f7b9">certaines commissions scolaires comptent en distribuer aux enseignants</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-pourquoi-il-faut-rouvrir-les-ecoles-maintenant-137051">Covid-19 : pourquoi il faut rouvrir les écoles maintenant</a>
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<p>Ainsi, les mesures d’hygiène personnelle restent les mesures les plus importantes. Il est simple d’apprendre aux enfants à bien se laver les mains et il sera important d’instaurer des procédures de lavage des mains efficaces et sécuritaires dans les écoles.</p>
<p>L’acquisition de bonnes habitudes à cet égard est plus efficace et surtout plus positive que de tenter de contrôler sans cesse les contacts entre les élèves, et ce, en particulier chez les plus jeunes.</p>
<p>Ceci étant dit, l’incertitude demeure quant à la <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpubh.2020.00163/full">ou les voies de transmission</a> du SRAS-CoV-2 et donc <a href="https://www.who.int/emergencies/diseases/novel-coronavirus-2019/technical-guidance/guidance-for-schools-workplaces-institutions">à quel point les différentes mesures contribueront</a> à réduire réellement le risque de transmission.</p>
<h2>Le rôle fondamental des enseignants</h2>
<p>Malgré ces nombreuses mesures et toutes les incertitudes qui demeurent, nous devrons laisser aux enfants l’espace dont ils ont besoin à l’école pour assurer leur bon développement. Jusqu’à présent, tout indique que les adultes sont les principaux vecteurs de l’épidémie et non les enfants. Nous devrons donc nous concentrer davantage sur la limitation des contacts entre les adultes d’une école. Le succès du retour à l’école dépendra donc surtout des efforts et de la rigueur des adultes entre eux, et ce, au profit de la santé de nos enfants.</p>
<p>Évidemment, les enseignants joueront un rôle prépondérant dans un retour réussi à l’école. Ils auront à mettre en place un climat propice à l’apprentissage à travers les directives sanitaires, tout en établissant les <a href="https://cudc.uqam.ca/covid-19/">priorités curriculaires</a>. Pour éviter de les surcharger, il est souhaitable d’embaucher dès maintenant des étudiants en enseignement, à titre de titulaires des classes supplémentaires ou pour assurer l’enseignement à distance pour les élèves qui resteront à la maison.</p>
<p>Assurons-nous également de faire bouger suffisamment les enfants. À cet effet, la reprise de l’éducation physique devrait être considérée. Elle pourrait avoir lieu à l’extérieur et sans matériel. Les espaces ouverts avec une bonne circulation d’air sont à préconiser, car ils diminuent les risques de propager le virus. En somme, <a href="https://www.journaldemontreal.com/2020/04/29/profiter-du-deconfinement-pour-pratiquer-la-pedagogie-en-plein-air?fbclid=IwAR0x8NQySEVZi3iFfDz7YcGdk31xtRFNPVZPzqXGO0oUj6VBuug0-ZKOMA0">aller dehors peut offrir une occasion sécuritaire de bouger ou même d’enseigner</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/137477/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Arvisais a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec – Société et culture et de Sécurité publique Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Joanna Trees Merck is an employee of bioMérieux Canada Inc. The opinions she expresses are her own and not necessarily those of bioMérieux.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche Société Culture du Québec (FRQSC) et de la Banque Mondiale. Il est cotitulaire de la Chaire UNESCO de Développement curriculaire de l'UQAM.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nadia Turgeon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La réouverture des écoles primaires ne fait pas l'unanimité. Des mesures sanitaires seront mises en place, mais les incertitudes subsistent sur les modes de transmission du virus. Tour d'horizon.Olivier Arvisais, Professeur, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Joanna-Trees Merckx, Lecturer, Department of Epidemiology, Biostatistics and Occupational Health, McGill UniversityNadia Turgeon, Chercheur, Chaire UNESCO de développement curriculaire, Université du Québec à Montréal (UQAM)Patrick Charland, Professeur titulaire / Full professor, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1353772020-04-13T14:54:32Z2020-04-13T14:54:32ZLes systèmes éducatifs sont en crise partout sur la planète. Voici comment ils se relèveront<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325110/original/file-20200402-74863-1pw4uic.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les systèmes éducatifs sont en crise partout sur la planète, touchant plus de 1,5 milliard d'apprenants dans 188 pays. Selon l’UNESCO, les conséquences seront non négligeables.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>La crise actuelle de la Covid-19, qui frappe partout, est certainement extraordinaire. Aucune autre crise n’a affecté autant de pays au cours des dernières décennies. Selon le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, il s’agirait même de la <a href="http://www.rfi.fr/fr/am%C3%A9riques/20200401-coronavirus-la-pire-crise-mondiale-depuis-1945-selon-antonio-guterres">pire crise</a> depuis la Deuxième Guerre mondiale.</p>
<p>Les conséquences sont multiples : une paralysie presque complète de l’économie, des transports, ou encore des systèmes éducatifs. Les écoles, <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2820%2930567-5">lieux propices à la transmission virale</a>, sont fermées. Les systèmes éducatifs sont en crise partout sur la planète, touchant plus de 1,5 milliard d’apprenants dans 188 pays.</p>
<p>Selon l’Unesco, les <a href="https://fr.unesco.org/themes/leducation-situations-durgence/coronavirus-fermetures-ecoles/consequences">conséquences</a> de cette crise sont non négligeables : interruption de l’apprentissage, enjeux de sécurité alimentaire, réduction du filet de protection des enfants, manque de préparation des parents face à la scolarisation à la maison, exacerbation des inégalités, coûts économiques liés à l’arrêt forcé de travail des parents, risque d’augmentation des taux de décrochage.</p>
<p>Au-delà de ses rôles d’instruction, de socialisation et de qualification des apprenants, l’école joue bien d’autres rôles dans une société.</p>
<p>En tant que chercheurs à la <a href="https://cudc.uqam.ca/mission/">Chaire Unesco de Développement Curriculaire</a>, nous avons observé que les crises éducatives évoluent de manière relativement organisée. Ainsi, de manière à anticiper les étapes à venir, il est pertinent de présenter un modèle qui place les phases d’une crise éducative sur un continuum. Ce modèle est issu de nos travaux et projets, accompagnant, à des degrés divers, des systèmes éducatifs en post crise (coups d’État et conflits armés) en Afrique, en Amérique du Sud et au Moyen-Orient.</p>
<p>Il est évidemment souhaitable que la crise sanitaire se règle rapidement et que les systèmes éducatifs reviennent à la « normale ». Cependant, à la lumière de notre expérience, mais également des connaissances dans le champ de l’éducation en situation d’urgence, nous émettons l’hypothèse que le processus de retour à la normale s’effectuera en phases bien distinctes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=279&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/324801/original/file-20200402-23157-ukegxt.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=351&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Comme le montre cette figure, le continuum de la crise se décline en cinq phases, de la crise au système stable et institutionnalisé, en passant par les phases d’urgence, de relèvement, de reconstruction ou de développement.</span>
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</figure>
<h2>Qu’est-ce qu’une crise ?</h2>
<p>La crise est définie comme un évènement soudain et imprévu qui désorganise le fonctionnement d’un système de manière rapide. Il s’agit d’une situation qui impose des <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/01437739410073047/full/html">prises de décisions importantes</a> dans un court laps de temps et qui dépend d’un certain nombre de variables : la nature de l’évènement, son importance pour les gouvernements étrangers et locaux et son impact sur les autres organisations, entreprises ou industries.</p>
<p>La crise est souvent associée à la panique, la peur, le danger ou le choc et peut arriver à n’importe quelle organisation. En fait, il n’y a pas de définition universelle ou consensuelle de ce qu’est une <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/09653560310463829/full/html?casa_token=JKdbB3URvMYAAAAA:jkGiwcNgY0tsmL17n9aCBDAPJjRBMuKleR4Kf1ijayN_5fVPNgWmmOZatdtceir0jh8qQLerfAALH5wMZ535eAVGh6zqvYZvO9yu3oVvI_-_BlrNisJD">crise</a> et il n’existe pas de critères non plus pour la définir.</p>
<h2>L’urgence</h2>
<p>La phase d’<a href="https://eduscol.education.fr/cid95473/qu-est-ce-que-l-etat-d-urgence.html">urgence</a> représente l’état global qui suit un évènement soudain et généralement imprévu. Elle appelle à des <a href="https://www.refworld.org/docid/42ce7d444.html">mesures immédiates pour répondre aux besoins de subsistance de base</a> et sauver des vies.</p>
<p>En rétrospective, les premières semaines de la pandémie à Covid-19 se sont inscrites dans cette phase : les gouvernements ont d’abord mis en place diverses mesures de confinement, dont la fermeture des écoles, sans présenter de plan d’action.</p>
<h2>Le relèvement</h2>
<p>Cette phase vise en premier lieu la restauration de la capacité d’un gouvernement et des communautés à se réorganiser, pour prendre des actions permettant de se remettre de la crise, mais aussi, et c’est crucial, pour éviter les rechutes.</p>
<p>La phase de <a href="https://www.undp.org/content/undp/fr/home/climate-and-disaster-resilience/disaster-recovery.html">relèvement</a> est donc caractérisée par la mise en place d’activités temporaires qui permettront aux acteurs du système éducatif de se remettre en action.</p>
<p>Par exemple, après quelques jours ou semaines passées dans l’urgence, plusieurs systèmes ont annoncé des mesures éducatives temporaires pouvant permettre la continuité des apprentissages. Par exemple, le gouvernement du Québec a mis en place un <a href="https://ecoleouverte.ca/fr/?">portail</a> diffusant une liste de ressources pédagogiques permettant aux parents de garder leurs enfants actifs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326680/original/file-20200408-42853-1z06ey0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le portail L’école ouverte lancé par le ministère de l’Éducation du Québec permet aux élèves des niveaux primaires et secondaires de poursuivre leurs apprentissages.</span>
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<h2>La reconstruction</h2>
<p>Alors que la phase de relèvement concerne les mesures à court terme, la <a href="https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/004DFD3E15B69A67C1256C4C006225C2-dha-glossary-1992.pdf">reconstruction</a> porte sur l’ensemble des activités qui visent à remédier aux impacts négatifs de la crise sur les systèmes éducatifs » par la crise à moyen ou à même long terme.</p>
<p>Tandis que les activités de relèvement sont souvent mises en place à la hâte, les activités de reconstruction tendent à être davantage institutionnalisées. Qu’elles soient mises en place pendant ou après la crise, ces activités visent à atténuer certaines des conséquences de la crise elle-même.</p>
<p>Par exemple, dans la réponse à la Covid-19, de nombreux systèmes éducatifs ont mis en place des <a href="https://blogs.worldbank.org/education/managing-impact-covid-19-education-systems-around-world-how-countries-are-preparing?cid=ECR_TT_worldbank_EN_EXT">modalités</a>, encore temporaires, de <a href="https://en.unesco.org/covid19/educationresponse/solutions">formation à distance</a>, que ce soit par des <a href="https://www.globalpartnership.org/fr/blog/4-options-denseignement-distance-envisager-durant-cette-pandemie-de-covid-19">courriels envoyés aux familles, des environnements numériques d’apprentissages ou des émissions éducatives à la radio ou à la télé</a>.</p>
<h2>Le développement</h2>
<p>Surtout présente dans les pays émergents, la phase de <a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000232696">développement</a> vise l’amélioration globale d’un système éducatif. Elle implique des mesures de renforcement des capacités de ses acteurs et concerne, par exemple, des activités de refonte des programmes d’études, de formation des enseignants, ou de diverses réorganisations des structures de gouvernance éducative.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=370&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/326689/original/file-20200409-188540-3nujgr.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=465&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Image prise dans le camp de Dadaab, au Kenya, lors d’un projet de recherche sur l’accès au programme d’éducation accélérée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Olivier Arvisais</span></span>
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<p>Il y a fort à parier que la pandémie actuelle engendrera une prise de conscience internationale quant à la fragilité de tous les systèmes éducatifs, même pour ceux qui étaient réputés comme stables et bien institutionnalisés. La Covid-19 nous place maintenant face à la nécessité de revoir entièrement nos systèmes éducatifs et prévoir des plans d’action pour mieux faire face à ce genre de crise à l’avenir.</p>
<h2>L’institutionnalisation</h2>
<p>En termes de finalité, tout système, aussi perfectible soit-il, vise à atteindre la phase de l’<a href="https://journals.openedition.org/cres/603">institutionnalisation</a>. Celle-ci constitue le résultat des divers processus de formalisation, de pérennisation, de structuration et d’acceptation d’un système de relations sociales au sein d’un État.</p>
<p>La crise dans laquelle la pandémie nous a précipités nous amène à nous questionner sur la nécessité ici, mais aussi ailleurs, de revoir l’institutionnalisation de nos systèmes éducatifs afin de les rendre plus résilients.</p>
<p>Bien que la présentation de ces phases se soit effectuée en étapes, le contexte actuel nous permet d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas <a href="https://www.alnap.org/help-library/disaster-risk-management-cycle-drmc-and-effective-disaster-risk-reduction-drr-diagrams">d’un processus linéaire</a>. Il s’agit plutôt d’un cycle récursif où des systèmes peuvent passer de la phase d’urgence à l’institutionnalisation, puis rapidement retourner à la phase d’urgence dans des progressions parfois chaotiques et rarement prévisibles, comme le montre la présente pandémie.</p>
<h2>La fragilité des systèmes</h2>
<p>L’actuelle pandémie révèle la fragilité de plusieurs systèmes éducatifs. Même après avoir vécu ou été témoins de catastrophes environnementales, de conflits armés ou d’épidémies comme celles du SRAS (2001), du H1N1 (2009) ou de l’Ebola (2013-2016), très peu de pays étaient véritablement prêts à faire face à la présente crise.</p>
<p>Ainsi, devant l’éventualité de <a href="https://ccdd.hsph.harvard.edu/will-covid-19-go-away-on-its-own-in-warmer-weather/">« saisons »</a> de la Covid-19, les systèmes éducatifs doivent entrer dans une nouvelle phase de développement. Comme pour l’<a href="https://blogs.worldbank.org/climatechange/for-a-sustainable-recovery-from-covid-19">économie</a>, des analyses profondes seront nécessaires pour évaluer l’efficacité des diverses mesures gouvernementales. Il est essentiel que les chercheurs s’intéressent à la situation vécue par les apprenants, leurs familles et leurs enseignants. Il sera d’autant plus pertinent de croiser ces données avec les stratégies de reprise scolaire menées à l’automne et d’en évaluer leurs impacts sur la réussite des élèves l’an prochain.</p>
<p>Plusieurs mesures devront aussi être mises en place, comme des plans d’action de l’éducation en situation de crise, des révisions des programmes de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=nLJvqzlDznU&fbclid=IwAR0_IYCptqNY6Sov2gerTxNztp4P63XYVulASL2FpzzkPxKjLSeTyO6cHaE&app=desktop">formation</a> du personnel enseignant ou la mise en place d’infrastructures technopédagogiques d’enseignement à distance qui pourront rapidement être déployées dans le futur.</p>
<p>Sans ces plans d’action, les systèmes éducatifs sont condamnés à revivre les phases de l’actuelle crise éducative.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135377/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche Société Culture du Québec (FRQSC) et de la Banque Mondiale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Olivier Arvisais a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Tegwen Gadais est affilié avec la Chaire UNESCO en Développement Curriculaire de l'UQAM.</span></em></p>La pandémie actuelle engendrera une prise de conscience internationale quant à la fragilité de tous les systèmes éducatifs, même pour ceux qui étaient réputés comme stables et bien institutionnalisés.Patrick Charland, Professeur titulaire, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Olivier Arvisais, Professeur, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Tegwen Gadais, Professor, Département des sciences de l'activité physique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1351432020-04-07T14:38:38Z2020-04-07T14:38:38ZLes enseignants sont essentiels dans cette crise du coronavirus. L’a-t-on oublié ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/325801/original/file-20200406-51213-1gyh5ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C25%2C5582%2C3707&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le soutien du personnel enseignant est absolument nécessaire pour que se concrétisent les initiatives gouvernementales.</span> <span class="attribution"><span class="source">shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’enseignement contribue à assurer les apprentissages essentiels. La fermeture des écoles depuis le début de la crise de la Covid-19 prive les enfants et les jeunes de possibilités de développement et de perfectionnement.</p>
<p>Les impacts de cette décision risquent d’être <a href="https://blogs.worldbank.org/education/managing-impact-covid-19-education-systems-around-world-how-countries-are-preparing?cid=ECR_TT_worldbank_EN_EXT">majeurs</a>, et ce, particulièrement pour les élèves <a href="https://cdn.journals.lww.com/jphmp/Abstract/2008/07000/Mitigating_Pandemic_Influenza__The_Ethics_of.11.aspx">vulnérables</a>, notamment les élèves défavorisés, qui ont généralement accès à un nombre plus restreint de possibilités éducatives hors du cadre scolaire.</p>
<p>Les élèves avec des difficultés d’apprentissage peuvent être aussi particulièrement touchés lors d’une interruption prolongée de l’école. Sans compter que la charge liée au rattrapage après une période d’inactivité prolongée peut précipiter le décrochage scolaire pour certains.</p>
<p>La situation actuelle au Québec et <a href="https://fr.unesco.org/news/covid-19-13-milliard-jeunes-confines-eux-tandis-que-tele-enseignement-selargit-assurer">ailleurs dans le monde</a> rend nécessaire la mise en place d’un plan d’action pour maintenir les apprentissages et minimiser les inégalités et les effets négatifs que pourraient générer cet arrêt prolongé dans le parcours scolaire des élèves québécois.</p>
<p>Notre groupe de chercheurs mène ses travaux à la Chaire UNESCO de développement curriculaire (CUDC). Nos champs d’expertise sont l’éducation en situation d’urgence, l’enseignement et la didactique des sciences.</p>
<p>Les <a href="https://discovery.ucl.ac.uk/id/eprint/10081593/">recherches dans le domaine de l’éducation en situation de crise</a> nous permettent d’identifier trois grandes orientations pour planifier l’éducation pendant la pandémie : soutenir les parents, identifier les besoins des élèves et gérer les ressources éducatives.</p>
<h2>Les parents ont besoin d’aide</h2>
<p>Alors que les écoles sont fermées, on <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/j.1744-6155.2009.00229.x?casa_token=Ai3qyDEIdsIAAAAA%3A1AVZCQiODGz_sRxwjsGYq38-ALI5C7z5CiiqZ7A0XGFTt7RgtXYUEyEWynTYiZmp55JnPHCwe1IfS_T6_g">demande aux parents</a> d’enseigner et de faciliter l’apprentissage à la maison. Plusieurs peuvent éprouver des difficultés à s’acquitter de cette tâche, ce qui peut devenir une source de <a href="https://www.edsurge.com/news/2020-03-18-teacher-interrupted-leaning-into-social-emotional-learning-amid-the-covid-19-crisis">stress</a> importante.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/325825/original/file-20200406-191235-gno9e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les enseignants doivent soutenir les parents, par exemple, en leur donnant des idées et des recommandations pour accompagner leurs enfants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Les parents se mettent déjà beaucoup de pression concernant l’éducation de leurs enfants. En situation de crise comme celle que nous traversons, l’école doit donc être plus que jamais à leur écoute et répondre à leurs inquiétudes. La priorité est de s’assurer que chaque famille ait accès à des ressources pour maintenir et consolider les apprentissages.</p>
<p>Pour ce faire, les enseignants jouent un rôle clé. Dans les contextes de crise où nous menons nos recherches, il est rare de pouvoir compter sur un personnel enseignant formé et professionnel. Par exemple, au sein des communautés de personnes réfugiées, l’enseignant type a un diplôme d’étude secondaire et quelques semaines de formation en enseignement.</p>
<p>Au Québec, nous avons la responsabilité de mobiliser les enseignants. L’idée n’est pas tant de permettre l’enseignement à distance que de mettre en place des mesures permettant d’assurer idéalement une consolidation, ou minimalement un maintien, des apprentissages afin de réduire les effets négatifs d’un arrêt prolongé lors de la reprise des classes.</p>
<h2>Clarifier les attentes</h2>
<p>De plus, les enseignants doivent fixer des objectifs clairs et réalistes, qui devront émaner du ministère de l’Éducation, et adapter ces objectifs pour chaque enfant. Ce rôle des enseignants est particulièrement important pour les élèves les plus vulnérables et leurs parents, avec qui il importe de communiquer régulièrement et de procéder à des évaluations fréquentes de leur situation.</p>
<p>Les enseignants doivent aussi réduire stratégiquement leurs attentes envers tous les élèves et identifier quelques éléments précis sur lesquels ils veulent que les élèves se concentrent, tout en s’assurant que les attentes sont claires de part et d’autre.</p>
<p>Il est aussi possible de planifier les tâches pour permettre aux élèves de travailler à leur propre rythme, de leur propre initiative ou en fonction de leurs champs d’intérêt, par exemple en offrant plusieurs choix d’activités.</p>
<p>Par nature, les crises sont imprévisibles. De plus, il n’existe pas de « plan maître » d’enseignement d’un certain niveau scolaire. Les enseignants organisent leur « année » chacun à leur manière. Par conséquent, la mise en place d’initiatives gouvernementales génériques, sans les enseignants comme acteurs centraux, est une piste d’action peu efficace. Seuls les enseignants peuvent traduire les orientations gouvernementales en mesures concrètes d’apprentissage.</p>
<h2>Définir les besoins</h2>
<p>Les inégalités entre les élèves doivent impérativement être identifiées et palliées, tant en regard des besoins de base (alimentation et sécurité) que des besoins éducatifs. Encore une fois, l’implication des enseignants est essentielle pour veiller à la réduction des inégalités sociales.</p>
<p><a href="http://s3.amazonaws.com/inee-assets/resources/Education-emergencies-rigorous-review-2015-10.pdf">Les recherches dans le domaine de l’éducation en situation de crise</a> suggèrent que presque tous les élèves, et encore plus les élèves vulnérables subissent une baisse de performance scolaire ou un retard dans les apprentissages lors d’un arrêt prolongé. Par conséquent, il est primordial que les enseignants assurent un suivi auprès de leurs élèves et définir les besoins spécifiques des élèves plus vulnérables pour maintenir des apprentissages appropriés.</p>
<p>Puisque les élèves peuvent souffrir du manque d’interaction sociale que procure l’école, il est souhaité de leur donner des occasions d’entrer en contact avec leurs collègues et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0885200619300663">leur enseignant</a> en formant des groupes de discussion virtuels ou en offrant des plates-formes d’apprentissage interactives.</p>
<p><a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0907568218779130">L’école constitue aussi pour de nombreux jeunes un important moyen de protection</a>. Plusieurs ont besoin des repas qui y sont fournis gratuitement ou à faible coût pour se nourrir suffisamment ou avoir une alimentation saine. <a href="http://www.frankfield.co.uk/upload/docs/Hungry%20Holidays.pdf">La fermeture des écoles peut donc avoir une incidence directe sur la sécurité alimentaire des élèves</a>. Des solutions doivent donc être mises en place rapidement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/covid-19-quatre-actions-a-prendre-des-maintenant-pour-proteger-les-enfants-vulnerables-134840">Covid-19: quatre actions à prendre dès maintenant pour protéger les enfants vulnérables</a>
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<p>Certains jeunes peuvent également être plus à risque de violence en milieu familial, puisque le filet de sécurité offert l’école en temps normal ne tient plus durant le confinement, ce qui peut résulter en une <a href="https://www.ledevoir.com/societe/575689/maltraitance-baisse-des-signalements-a-la-dpj">baisse importante du nombre de signalements à la Direction de la protection de la jeunesse</a>. Les enseignants doivent préserver le lien privilégié qu’ils ont avec leurs élèves afin d’assurer leur sécurité.</p>
<h2>Varier les ressources éducatives</h2>
<p>Les ressources numériques peuvent aider à l’apprentissage, mais peuvent aussi être un obstacle. <a href="https://www.pewresearch.org/fact-tank/2018/10/26/nearly-one-in-five-teens-cant-always-finish-their-homework-because-of-the-digital-divide/">Les familles n’ont pas nécessairement toutes accès aux mêmes outils technologiques</a> (internet, ordinateur, télévision, téléphone). Elles n’ont pas non plus le même niveau de connaissances et de compétences en matière d’utilisation des technologies. Ces éléments peuvent creuser les inégalités entre les élèves.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1247130209603772416"}"></div></p>
<p>Il faut donc s’assurer que tous les élèves aient accès à des ressources suffisantes afin de maintenir leurs apprentissages. De plus, lors de crises touchant un très grand nombre de gens, la surcharge de consultation des ressources en ligne peut réduire considérablement la performance des sites ou en mettre certains hors service. Un accès plus ardu peut aussi décourager plusieurs parents.</p>
<p>L’idée n’est pas de mettre de côté toutes les plates-formes numériques d’apprentissage, mais il est nécessaire de mettre en place des <a href="https://www.globalpartnership.org/blog/school-interrupted-4-options-distance-education-continue-teaching-during-covid-19">solutions variées</a>, stables et moins vulnérables aux pannes et aux difficultés techniques, comme les envois postaux, les communications téléphoniques, ainsi que la radio et la télévision éducatives.</p>
<p>Le soutien du personnel enseignant est absolument nécessaire pour que se concrétisent ces orientations principales. Les initiatives gouvernementales pour assurer le maintien des apprentissages ne sauraient être efficaces sans la mise à profit d’une ressource éducative inestimable : l’expertise des enseignants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/135143/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Arvisais a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Patrick Charland a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), du Fonds de recherche Société Culture du Québec (FRQSC) et de la Banque Mondiale.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Deslandes Martineau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les initiatives gouvernementales pour assurer le maintien des apprentissages ne sauraient être efficaces sans la mise à profit d’une ressource éducative inestimable : l’expertise des enseignants.Olivier Arvisais, Professeur, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Marion Deslandes Martineau, Université du Québec à Montréal (UQAM)Patrick Charland, Professeur titulaire, Département de didactique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1132532019-03-12T11:18:00Z2019-03-12T11:18:00ZPeut-on vraiment apprendre des langues étrangères à l’école ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/263022/original/file-20190309-86713-11fxd7p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C14%2C979%2C598&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">C’est dans les débuts à l’école que se joue la capacité à apprendre une ou plusieurs langues, peu importe lesquelles.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>On entend couramment que les Français ne sont « pas doués en langues », que l’école ne leur « permet pas de bien apprendre l’anglais, que « les séjours linguistiques sont bien plus efficaces », ou que le dialogue avec des natifs remplacerait aisément le travail d’un enseignant. Que nous disent les travaux scientifiques de ces croyances ? Comment dépasser les idées reçues pour faire avancer l’école et ses langues ?</p>
<p>L’apprentissage des langues recouvre toute une série d’enjeux, souvent polémiques, par exemple l’âge auquel aborder une deuxième langue, la manière de gérer plusieurs langues, l’interaction entre la classe et les langues parlées à la maison, ou encore le degré de maîtrise requis pour enseigner une langue.</p>
<p>Toutes ces questions et bien d’autres font l’objet de la <a href="https://www.cnesco.fr/fr/anglais-espagnol-allemand-conference-de-consensus-sur-les-langues-vivantes-etrangeres/">conférence de consensus</a> organisée par le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco) et l’Institut français de l’éducation (Ifé) les 13 et 14 mars prochains à Paris. Celle-ci a pour but de faire dialoguer scientifiques, enseignants, personnels d’encadrement, décideurs politiques et grand public. </p>
<p>Plus de 700 personnes suivront la Conférence en présentiel ou à distance. Cette manifestation débouchera en avril sur les recommandations d’un jury composé d’acteurs de l’école, proches ou non des thématiques et arrivant de tous les coins de France.</p>
<h2>Quand introduire une deuxième langue ?</h2>
<p>Parmi les questions cruciales, il y a celle du niveau scolaire auquel débuter l’initiation à une deuxième langue. Ses implications sont complexes car elles touchent aussi bien les familles, les politiques linguistiques, que les choix des établissements scolaires.</p>
<p>C’est dans les débuts à l’école que se joue la capacité à apprendre une ou plusieurs langues, peu importe lesquelles. Pour envisager une découverte précoce des langues à l’école, l’hypothèse dite « maturationnelle » invite à considérer une « période critique » plutôt qu’un « âge idéal » pour la découverte d’une deuxième langue. Les situations des individus sont tellement diverses que la période critique est plus lisible, notamment pour l’oral.</p>
<p>L’autre hypothèse scientifique dont il faut tenir compte, c’est celle selon laquelle les langues s’apprennent en relation les unes avec les autres, des variations complexes et singulières pour chaque élève. Cela suppose de stimuler la diversité des langues en contact dans la classe, de les comparer, de leur donner un espace-temps scolaire spécifique en lien avec la maison.</p>
<p>On renonce par là même à un imaginaire, celui de former des « polyglottes », qui apprennent et additionnent des langues qui constitueraient des univers totalement distincts les uns des autres. Or l’acquisition de nouvelles langues s’appuie sur une même compétence transversale et plus globale, qu’on peut qualifier de compétence « plurilingue » et « pluriculturelle ». Et c’est cette aptitude qu’il convient de développer et de renforcer à l’école, afin de donner aux enfants les moyens de ces apprentissages.</p>
<p>Être prêt pour apprendre des langues à l’école s’avère davantage réaliste, pour peu que les enseignants soient formés à chausser cette paire de lunettes plurielle (pour les langues comme pour les cultures), qu’ils disposent de ressources pour mobiliser les langues du contexte et d’une formation qui relève d’une vision des langues « compréhensive » (mieux comprendre ce qui se joue quand on apprend une langue) et non « cumulative » (additionner des langues).</p>
<h2>Un contexte spécifique</h2>
<p>L’apprentissage des langues en contexte scolaire n’a que peu à voir avec l’acquisition d’une langue à la maison. Divers facteurs interagissent. Parmi eux, on peut identifier la qualité de la langue entendue (pour l’oral), la durée d’exposition à la langue cible ou aux langues en général, la fréquence également, les modes de groupement des élèves, les typologies d’actions en situation, les rôles respectifs de l’implicite et de l’explicite dans l’apprentissage, ou encore la variété des gestes professionnels mis en place au service des stratégies des élèves, etc.</p>
<p>On peut alors appeler de nos vœux que des chercheurs spécialistes de domaines divers, psycho- et sociolinguistes, spécialistes des sciences cognitives, didacticiens des langues, etc. collaborent avec des représentants d’autres catégories intervenant à l’école (enseignants, etc.) ou autour de l’école (parents, etc.), afin avancer sur de tels chantiers.</p>
<p>La période est riche en études et rapports – nationaux et internationaux – portant sur l’école, la formation des enseignants et l’efficacité des pratiques en général et les langues plus précisément. Les discours officiels viennent renforcer ou infirmer certains d’entre eux.</p>
<p>Nous pouvons citer parmi les plus récents le rapport international de l’OCDE <a href="http://www.oecd.org/fr/education/scolaire/TALIS-2018-ITP-Project-Brochure-FRE.pdf">Talis 2018</a> sur les enseignants, le <a href="https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/content/integrating-students-migrant-backgrounds-schools-europe-national-policies-and-measures_en">rapport</a> sur l’intégration des élèves migrants en Europe, le <a href="https://eacea.ec.europa.eu/national-policies/eurydice/sites/eurydice/files/structural_indicators_2017_1.pdf">rapport comparatif</a> de la Commission européenne sur le pilotage des systèmes éducatifs et la formation, qui fait écho au <a href="http://ec.europa.eu/assets/eac/education/policy/strategic-framework/archive/documents/ecec-quality-framework_en.pdf">rapport sur l’éducation</a> des jeunes enfants, le <a href="https://cache.media.education.gouv.fr/file/Racine/33/4/propositions_meilleure_maitrise_langues_vivantes_998334.pdf">rapport Taylor-Manès-Bonnisseau</a> sur les langues, ou encore le récent <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/2018/52/7/IGEN-Rapport-2018-113-Reseau-franco-allemand-ecoles-maternelles-bilingues-Elysee-2020_1055527.pdf">rapport de l’IGEN</a> sur le réseau des écoles maternelles franco-allemandes.</p>
<p>On découvre au détour des travaux la présence d’un influenceur, le « Cadre européen commun de référence pour les langues », amplifié en 2018, qui fait l’objet de polémiques pour son caractère normatif. Par ailleurs, la recherche du domaine est foisonnante. Il est donc bienvenu de faire un point sur ces questions que tout parent se pose pour ses enfants comme pour lui-même. C’est ce que propose la Conférence de Consensus du Cnesco.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/113253/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Comment mieux accompagner les élèves dans l’apprentissage des langues ? Le Conseil national d’évaluation du système scolaire lance en ce mois de mars 2019 une conférence de consensus sur le sujet.Dominique Macaire, Professeure des universités à l'école supérieure du professorat et de l'éducation, Université de LorraineDaniel Gaonac'h, Professeur émérite de psychologie cognitive, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1063722018-11-05T19:57:40Z2018-11-05T19:57:40ZSanctions scolaires : à propos de la réhabilitation des « lignes »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/243911/original/file-20181105-12015-1tb82as.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C995%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D'après la circulaire de juillet 2000, les punitions doivent avoir « un caractère moral et réparateur ». </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>« Vous me copierez cent fois : “Je ne dois pas porter de casquette en classe” ». Si cette réponse à l’incivilité d’un élève a des airs désuets, pourrait-elle résonner encore dans des classes aujourd’hui ? En tout cas, cette modalité de punition a bel et bien été recommandée par Jean‑Michel Blanquer, lors de la présentation le 31 octobre 2018 de son <a href="http://www.education.gouv.fr/cid135637/jean-michel-blanquer-presente-le-plan-d-actions-pour-la-protection-de-l-ecole.html">Plan d’action pour la protection de l’école</a>.</p>
<p>Évoquant la nécessité de sanctions proportionnées et de <a href="https://www.nouvelobs.com/education/20181031.OBS4748/violences-scolaires-les-premieres-mesures-de-blanquer-pour-rassurer-les-professeurs.html">mesures de « responsabilisation »</a> des élèves, dans la lignée des travaux d’intérêt général, le ministre a ajouté qu’il « n’était pas rétrograde » de demander à un élève de « faire des lignes ». Il est piquant de constater que le représentant de l’Éducation nationale Jean‑Michel Blanquer s’inscrit ainsi benoîtement dans une tradition de « pensums » qui perdure en toute méconnaissance de leur interdiction formelle.</p>
<h2>Une punition proscrite dès 1890</h2>
<p>Renouvelée par la <a href="http://www.education.gouv.fr/bo/2000/special8/proced.htm">circulaire du 11 juillet 2000</a>, cette proscription date initialement de l’arrêté du 5 juillet 1890. Celui-ci est très clair :</p>
<blockquote>
<p>« les punitions auront toujours un caractère moral et réparateur ; le piquet, les pensums (les “lignes”), les privations de récréation, la retenue de promenade sont formellement interdits ».</p>
</blockquote>
<p>En réalité ces prescriptions n’ont pas été vraiment respectées, loin s’en faut… Et en l’an 2000, lors de la remise à plat des punitions et sanctions qui est faite à ce moment-là, la circulaire du 11 juillet indique à nouveau que « les lignes doivent être proscrites ».</p>
<p>Cette disposition réglementaire (qui n’était nullement nouvelle) a suscité immédiatement de vives controverses et des oppositions irréductibles. Certains professeurs ont défendu l’idée qu’une punition devait être par nature « désagréable », et que le caractère fastidieux des « lignes » était opportun, même s’il était peu instructif. Et ils ont fait valoir qu’une punition s’inscrivant directement dans les tâches scolaires et se voulant « intelligente » – un exercice dans le livre par exemple – pouvait avoir pour effet de rabaisser le travail scolaire habituel au rang d’une punition.</p>
<h2>Victor Hugo contre les « pensums »</h2>
<p>On notera toutefois que les « pensums » avaient suscité en leur temps l’hostilité résolue de la commission instituée par l’arrêté du 12 juillet 1888 pour préparer le travail décisionnel du Conseil supérieur de l’Instruction publique, afin de définir une « discipline libérale ». Cette commission est présidée par le sénateur Jules Simon, philosophe et ancien ministre de l’Instruction publique.</p>
<p>On y trouve presque tous ceux qui ont compté pour l’institution de l’École républicaine, signe de l’importance qu’ils accordaient à cette question : Michel Bréal (professeur de grammaire au Collège de France), Ferdinand Buisson (directeur de l’Enseignement primaire pendant dix-sept ans, nommé à ce poste par Jules Ferry), Gabriel Compayré (le pédagogue des écoles normales), l’historien Ernest Lavisse (l’auteur des célèbres « petits Lavisse », manuels d’histoire de la communale), Louis Liard (directeur de l’Enseignement supérieur), Henri Marion (philosophe, titulaire de la première chaire de science de l’éducation à la Sorbonne, et auteur en 1892 d’une <em>Education dans l’université</em>, fondée sur la notion de « discipline libérale »).</p>
<p>Ils condamnent « les pénalités qui visent à mater et n’amendent guère », réclamant et obtenant « l’interdiction du piquet et des pensums, véritables travaux forcés où l’esprit n’a point de part ».</p>
<p>Sans compter Victor Hugo qui, dans <em>A propos d’Horace</em> (1835), s’était pris à rêver de leur abolition :</p>
<blockquote>
<p>Homère emportera dans son vaste reflux <br>
L’écolier ébloui ; l’enfant ne sera plus <br>
Une bête de somme attelée à Virgile ; <br>
Et l’on ne verra plus ce vif esprit agile <br>
Devenir sous le fouet d’un cuistre ou d’un abbé, <br>
Le lourd cheval poussif du pensum embourbé.</p>
</blockquote>
<p>Et il s’insurge violemment :</p>
<blockquote>
<p>Dimanche en retenue et cinq cents vers d’Horace ! <br>
Je regardais le monstre aux ongles noirs de crasse <br>
Et je balbutiais : Monsieur… – Pas de raisons ! <br>
Vingt fois l’ode à Plancus et l’épître aux Pinsons ! <br>
Eunuques, tourmenteurs, crétins soyez maudits ! <br>
Car vous êtes des vieux, des noirs, des engourdis !</p>
</blockquote>
<p>Comme le souligne à cette époque un professeur de lycée, il convient en effet de ne pas sous-estimer leurs effets : « le système des punitions scolaires est pour beaucoup dans cette répulsion, voisine de la haine, que certains esprits conçoivent pour les belles lettres. Virgile et notre tendre Racine sont une espèce de knout littéraire dont on punit les fautes des écoliers ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/106372/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Lelièvre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Demander à un élève de « faire des lignes », « ce n’est pas rétrograde », a assuré fin octobre Jean‑Michel Blanquer. Reste qu’il s’agit d’une punition proscrite dans le Code de l’Éducation.Claude Lelièvre, Enseignant-chercheur en histoire de l'éducation, professeur honoraire à Paris-Descartes, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1042712018-10-16T20:03:05Z2018-10-16T20:03:05ZChanger l’école avec les neurosciences : une approche réductrice ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240206/original/file-20181011-154583-1xtpa9e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=137%2C239%2C776%2C558&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La bonne pédagogie est-elle vraiment celle qui s'appuie sur les lois de fonctionnement du cerveau ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Comment améliorer le niveau des élèves ? À cette question qui se pose à tout ministre de l’Éducation nationale, surtout à une période où les enquêtes internationales sur le sujet, comme PISA, font état de résultats plutôt mitigés, Jean‑Michel Blanquer semble apporter deux réponses majeures : l’évaluation des élèves et des enseignements, d’une part, le recours aux sciences cognitives, de l’autre, afin d’adapter au mieux la pédagogie à ce que l’on sait du développement de l’enfant.</p>
<p>Un point de départ solide et rassurant ? Cette approche rationnelle néglige en fait tout un pan de la réalité scolaire, ce qui menace son efficacité. Si les élèves ont un cerveau, il faut aussi les considérer comme les membres d’une génération, qui s’inscrit dans un contexte historique et culturel précis, qui influe sur leurs besoins et la structure même de l’institution scolaire.</p>
<h2>Le cerveau aux commandes</h2>
<p>Pour marquer sa volonté de s’appuyer sur les dernières avancées de la recherche, Jean‑Michel Blanquer a installé en janvier 2018 un <a href="http://www.education.gouv.fr/cid124957/installation-du-conseil-scientifique-de-l-education-nationale.html">Conseil scientifique de l’Éducation nationale</a>. Objectif de cette instance consultative, composée pour plus de la moitié de ses membres de spécialistes de sciences cognitives ou de psychologie : légitimer mais aussi inspirer l’action politique. Le ministre en attend « des recommandations pour aider notre institution et les professeurs à mieux saisir les mécanismes d’apprentissage des élèves et ainsi mieux répondre à la diversité de leurs profils ».</p>
<p>Professeur au Collège de France, le président de ce Conseil, Stanislas Dehaene, croit à la possibilité de transférer les connaissances acquises sur le fonctionnement du cerveau à la fois aux enseignants mais aussi aux parents. Cet auteur prolifique et médiatique porte avec enthousiasme le produit de ses recherches en psychologie cognitive expérimentale, insistant sur les formidables capacités des bébés à comprendre leur environnement et à apprendre de lui.</p>
<p>Il identifie des conditions de vie favorables aux apprentissages : sommeil, bonne alimentation, oxygénation (<a href="https://www.lepoint.fr/societe/et-bientot-la-neuropedagogie-13-05-2018-2218016_23.php"><em>Le Point</em>, 10 mai 2018</a>). Il entend améliorer le système scolaire qu’il juge « imparfait » et qui est le cadre par lequel sont actualisées (plus ou moins) les formidables fonctionnalités du cerveau (<a href="https://www.liberation.fr/debats/2018/09/06/stanislas-dehaene-l-apprentissage-est-ce-qui-caracterise-notre-espece_1677009"><em>Libération</em>, 6 septembre 2018</a>). Et il explique ainsi que « les mécanismes cérébraux de la curiosité » peuvent être éteints par l’école « en rabrouant les enfants ou en distribuant de mauvaises notes » (<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-quatre-piliers-de-l-apprentissage_2031330.html">L’Express, 5 septembre 2018</a>).</p>
<h2>Une vision mécaniste</h2>
<p>La bonne pédagogie serait celle qui vient correspondre aux lois du fonctionnement du cerveau. Et c’est sur cette base que la lecture globale a été mise à l’écart. Mais ce qui paraît justifiable pour un choix pédagogique simple l’est-il pour une politique d’ensemble ? En réduisant les élèves à des cerveaux qu’il s’agirait d’emplir de connaissances, ne réduisons-nous pas la question de l’éducation à un problème technique simple ? En quelque sorte, il s’agirait de laisser les spécialistes du cerveau définir les contours de l’action des enseignants et les élèves obtiendraient de meilleures performances.</p>
<p>Cette vision n’est pas fausse, elle a sa propre cohérence. En revanche, elle part d’une analyse tronquée de la réalité qui en réduit inévitablement la portée et l’efficacité. <a href="https://theconversation.com/la-recherche-au-secours-de-lecole-92814">Comme l’a souligné Marie Duru-Bellat</a>, le contexte de la classe et d’autres facteurs sociaux peuvent faire varier du tout au tout l’efficacité d’une même méthode d’enseignement.</p>
<p>De notre côté, il nous semble nécessaire de questionner cette vision d’un autre point de vue. Enseignants, parents et élèves ne flottent pas dans un espace temporel indéterminé. Ils prennent place dans une histoire qui en façonne les contours, les émotions et les valeurs.</p>
<h2>Un contexte historique particulier</h2>
<p>Peut-être les cerveaux des élèves fonctionnent-ils suivant des mécanismes qui étaient déjà à l’œuvre il y a un siècle. Mais l’air qu’ils respirent a changé et leur place d’élèves ne renvoie pas du tout à la même expérience qu’hier. Obtenir le bac comme 80 % de sa classe d’âge n’est pas la même chose que partager ce titre avec 1 % de ses camarades. Et par-delà les différences dans les contenus des formations, la manière même dont les élèves sont définis et se définissent a radicalement changé.</p>
<p>Depuis leur naissance, les jeunes d’aujourd’hui sont traités comme dotés d’une personnalité propre méritant d’être prise en compte. Les parents ont été sensibles à leurs goûts personnels pour leurs loisirs, les enseignants prennent en compte leurs aspirations en vue de leur orientation. Nous ne sommes plus des sujets passifs devant revêtir des rôles assignés et impersonnels. Les enseignants appellent leurs élèves par leur prénom qu’ils ont en propre plutôt que par leur nom qui les inscrit dans une lignée dont ils sont seulement les héritiers, comme cela pouvait être le cas sous la III<sup>e</sup> République.</p>
<p>Voilà qui conduit les élèves à revendiquer leur liberté dans le cadre de la relation pédagogique. Ils peuvent objecter à leur enseignant de français qu’ils n’aiment pas lire pour justifier leur mise à l’écart d’un chef-d’œuvre de la littérature et leur absence de « bosse des maths » pour expliquer leur désintérêt et piètres résultats dans cette discipline. Bref, l’enseignement concerne désormais des élèves qui ne se pensent plus comme une <a href="http://theconversation.com/programmes-les-eleves-ne-sont-plus-de-la-pate-a-modeler-48919">pâte à modeler</a>.</p>
<h2>Composer avec les élèves d’aujourd’hui</h2>
<p>L’institution scolaire ne peut pas rester à l’écart de cette profonde et discrète mutation. La soumission a priori à l’autorité professorale n’est plus possible. Les enseignants, dans le cœur de leur activité, composent avec cette situation, construisant leur autorité à la fois sur leurs compétences disciplinaires, didactiques et pédagogiques mais aussi sur leur capacité à instaurer un rapport de confiance réciproque avec les élèves qui passe par la reconnaissance de leur individualité.</p>
<p>Plus largement, les enseignants engagent un travail éprouvant de maintien de l’ordre sans lequel ils ne peuvent rien transmettre. Ils s’appliquent à personnaliser leur rapport aux élèves en connaissant leurs prénoms, leurs fragilités, leur histoire, etc.. Et c’est uniquement sous cette condition que la transmission devient possible. Quand Jean‑Michel Blanquer déclare qu’« un pays qui va bien est un pays […] qui valorise le savoir, qui n’est pas que dans l’individualisme et le matérialisme » (<a href="https://www.nouvelobs.com/education/20180828.OBS1470/rentree-scolaire-comment-jean-michel-blanquer-veut-changer-la-vie-des-profs.html"><em>L’Obs</em>, 30 août 2018</a>), il décrit non pas le monde réel mais une image d’une situation passée dans laquelle la revendication d’autonomie personnelle n’était pas devenue majeure.</p>
<p>Les adultes eux-mêmes donnent tous les jours l’exemple de cette aspiration. Ils ont choisi de « faire un enfant » (ou non), de se marier (ou non), d’adhérer à un parti (ou non), etc. Et quand Stanislas Dehaene demande « aux parents d’exercer leur autorité pour interrompre un éventuel usage frénétique » des écrans (<a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/les-quatre-piliers-de-l-apprentissage_2031330.html"><em>L’Express</em>, 5 septembre 2018</a>), il ne pose pas la question des conditions rendues plus difficiles aujourd’hui de l’autorité parentale à l’heure de la norme de l’individu autonome.</p>
<p>L’étude du cerveau prend place dans un contexte historique qui définit les individus et, s’agissant de l’école, le rapport pédagogique. S’il est utile de connaître les mécanismes du cerveau, il est indispensable de repenser l’institution scolaire à l’heure de l’individu revendiquant son autonomie personnelle. Quand tous les acteurs (élèves, parents, enseignants, personnels administratifs et techniques) vivent en tant qu’individus, il devient nécessaire de mettre à jour le système qui les rassemble de façon à ce qu’il soit en cohérence avec eux plutôt qu’en rapport fictionnel ou fantasmé. Ce vaste chantier n’est pas moins majeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104271/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claude Poissenot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En se focalisant sur le fonctionnement du cerveau, ne fait-on pas de l’éducation un simple problème technique ? Or les élèves sont aussi des individus marqués par un contexte historique et social.Claude Poissenot, Enseignant-chercheur à l'IUT Nancy-Charlemagne et au Centre de REcherches sur les Médiations (CREM), Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1032952018-09-17T22:36:05Z2018-09-17T22:36:05ZChoix scolaires : une « orientation heureuse » est-elle possible ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/236497/original/file-20180915-177962-663oyb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C5%2C989%2C651&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En matière d'orientation, l'éventail des possibles est-il si ouvert que le prétend l'idéal méritocratique ?</span> </figcaption></figure><p>Depuis qu’il existe un dispositif d’orientation institutionnalisé, répartissant les jeunes entre les filières scolaires, puis vers des métiers, on n’a de cesse de dénoncer les difficultés et la cruauté de ce système. Mais peut-il y avoir, dans la société telle qu’elle est, une « orientation heureuse » ?</p>
<p>Si les processus d’orientation et les inégalités sociales qui leur sont liées font régulièrement débat dans les sociétés démocratiques, c’est parce qu’ils sont au cœur de leur idéologie fondatrice, à savoir l’idéologie méritocratique. Dans un monde où règne une fine division du travail, on n’admet plus que la naissance – ou l’entreprise léguée de père en fils – détermine le devenir des personnes. L’affaire est d’autant plus sérieuse que l’attractivité des places à prendre varie considérablement, qu’il s’agisse de leur rémunération ou des conditions de travail.</p>
<p>Une compétition est alors inévitable. Pour que les inégalités qui en résultent soient jugées acceptables, elles sont censées découler des efforts et des talents propres aux individus, et non d’atouts qu’ils se sont contentés d’« hériter ». L’institution scolaire se trouve alors chargée de la tâche cruciale de détection des mérites et du classement impartial des individus sur cette base.</p>
<h2>Le leitmotiv de l’égalité des chances</h2>
<p>C’est le règne de la méritocratie scolaire, de ce que les sociologues anglo-saxons appellent l’<em>education-based meritocracy</em>, considéré comme un idéal moderne et progressiste. Moderne car les « places » de la société sont distribuées sur la seule base des certifications scolaires, censées refléter elles-mêmes des compétences. Progressiste car ces dernières résulteront des seuls talents personnels et non de l’influence du milieu social d’origine.</p>
<p>Il faut rappeler que les spécialistes de l’orientation ont toujours été extrêmement sensibles à cette question, depuis ses promoteurs au début du vingtième siècle. Ainsi, pour des psychologues comme Henri Piéron, la détection scientifique des aptitudes devait permettre de fonder une orientation juste, qui admettait une sélection mais prétendait l’établir sur des différences d’utilité commune. On espérait réaliser une société juste grâce à une orientation juste.</p>
<p>L’égalité face aux règles de l’orientation mais plus largement face à la réussite scolaire devient alors un enjeu primordial, de même que la notion d’égalité des chances. Car l’idéal méritocratique ne peut se réaliser si, face à la compétition, les personnes se différencient autrement que par leurs capacités et leurs motivations, ou si leur liberté est entravée. La concurrence serait alors faussée. Ce n’est donc pas un hasard si le succès de la notion de mérite va de pair avec celle d’égalité des chances, depuis les années 1980.</p>
<h2>Des carrières pipées dès le primaire</h2>
<p>La sociologie de l’éducation met à nu l’écart entre ce modèle et la réalité, montrant que, dès leur plus jeune âge, la réussite est influencée par l’origine sociale ou l’école fréquentée. La distance par rapport au modèle méritocratique est encore plus évidente quand on examine les choix d’orientation : qu’il s’agisse de se décider pour un établissement, une filière ou une option, tous sont marqués par le milieu de l’élève, au-delà de ses résultats scolaires. Et qui dirait que l’on « mérite » d’être dans le meilleur lycée de la ville ou dans la meilleure classe grâce à des stratégies habiles ?</p>
<p>Notre système d’orientation cristallise les inégalités pour deux types de raisons. D’abord parce qu’il donne un poids essentiel à la réussite scolaire telle qu’elle est évaluée par les notes. Or, tant que la réussite est biaisée socialement, les notes censées la refléter vont l’être, sans compter que la notation est elle-même imparfaite par définition. Ensuite, les différentes voies d’études étant hiérarchisées aux yeux des enseignants et des élèves, ces derniers – souvent encouragés par les premiers – choisissent d’autant plus facilement les « meilleures filières » (celles qui donnent accès aux emplois les plus attractifs) que leur niveau scolaire est bon. A contrario, ceux ou celles qui ont plus de difficultés sont relégués dans les voies dont personne ne veut (et où il y a de la place).</p>
<p>D’autre part, notre système cristallise aussi les inégalités en donnant beaucoup de poids aux vœux des élèves et de leurs familles : or ces vœux sont très inégalement ambitieux et informés. Peut-être faudrait-il parfois, paradoxalement, donner moins de latitude aux familles. Ou alors l’institution devrait-elle les conseiller plus précisément, pour contrer l’autosélection que pratiquent systématiquement les plus éloignées des codes scolaires.</p>
<h2>Le marché du travail comme arbitre</h2>
<p>Il faut donc prendre en compte cette double responsabilité de l’école si l’on veut tendre vers des orientations moins affectées par l’origine sociale. Ceci dit, même en supposant que l’on y parvienne, dès lors que le choix scolaires débouchent sur des positions professionnelles inégales, l’orientation peut-elle être vécue plus sereinement ?</p>
<p>En matière d’insertion, c’est le marché du travail qui est le suprême arbitre. Difficile de considérer que le mérite scolaire sanctionné par les diplômes y soit parfaitement reconnu. Qui soutiendrait que les salaires constituent un étalonnage fidèle des capacités intellectuelles ou de la valeur morale des personnes ? Dans la conjoncture qu’affrontent les diplômés, nombre de candidats dotés des compétences requises n’obtiendront finalement pas le poste espéré. De fait, leur mérite ne sera pas reconnu.</p>
<p>Régulièrement, l’on entend dire que les personnes n’ont qu’à se former convenablement pour s’insérer dans un monde qui recherche des talents toujours trop rares. Mais contrairement à ces discours de plus en plus répandus, le nombre même de diplômés atteste d’une abondance de talents qui n’a pas assoupli la sélection. Si la rhétorique de l’employabilité renvoie sans cesse les individus à la responsabilité de se former pour être capables de se vendre, bien d’autres paramètres interviennent : la concurrence avec les autres candidats, mais aussi les rapports de force et les aléas du marché du travail.</p>
<h2>Le poids du premier emploi</h2>
<p>Au-delà d’une compétition pour l’emploi surdéterminée par le contexte économique global, il faut compter en France avec la prégnance d’un principe « adéquationniste » fort : à chaque emploi est censée correspondre une formation et vice versa. Cette vision se double d’un climat général de relatif pessimisme par rapport à l’avenir.</p>
<p>Du même coup, les élèves abordent leur orientation de manière souvent très utilitariste, pensant davantage aux débouchés qu’à leurs goûts, et très angoissée. Si l’insertion professionnelle s’avère plus ou moins difficile selon les filières, on croit volontiers que le premier métier sera celui de toute une vie.</p>
<p>Ce ne sont pas les mérites ou les efforts de chacun, ou encore la qualité de l’école, qui vont rendre possible ou bloquer l’ascension sociale mais le contexte économique global. Tout dépend des opportunités qui se présentent sur le marché du travail. Environ 40 % de la mobilité sociale est de nature structurelle, c’est-à-dire qu’elle résulte des changements socio-économiques qui s’opèrent d’une génération à l’autre, créant des « appels d’air » dans certaines branches et en fermant d’autres. L’idéologie méritocratique est trompeuse et volontiers culpabilisante en ce qu’elle suggère que les destinées pourraient dépendre entièrement de choix purement individuels… si l’on savait bien s’orienter !</p>
<h2>Repenser la place des diplômes</h2>
<p>Pour atténuer le caractère « dramatique » de l’orientation, il faudrait que des réorientations, des passerelles et des retours en formation soient à tout instant possibles. Ainsi, les jeunes n’auraient pas le sentiment de jouer leur vie sur un « choix » scolaire. On pourrait aussi imaginer un tout autre modèle où les filières et les choix scolaires seraient sans conséquence sur le devenir professionnel.</p>
<p>Voilà qui changerait le climat des classes et la tonalité des choix d’orientation ! Ajoutons que si tous les jeunes partaient dans la vie avec un bagage scolaire de bon niveau et moins inégal, cela faciliterait les choses. De même, autre utopie, si tous les emplois étaient également attractifs… On choisirait alors selon ses goûts personnels authentiques.</p>
<p>Alors que nous pensons, en France, qu’il est juste de répartir les « places » dans la société sur la base des diplômes – parce que ceux-ci exprimeraient la valeur, le mérite, les compétences, des personnes–, on voit bien que cela fige les inégalités, dans la mesure où ils sont inégalement possédés par les uns et par les autres – pour des raisons dont l’école est elle-même responsable.</p>
<p>Les diplômes ne sanctionnent qu’une faible proportion des qualités des personnes et nombre d’entre elles ont des chances se de révéler une fois en situation de travail. À condition, bien sûr, que tous ceux qui n’ont pas de diplôme se voient donner une chance. Donner moins de poids aux diplômes pour aller vers plus de justice, c’est une perspective que nourrissent les perspectives internationales. Mais, en France, elle apparaît encore relativement paradoxale.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/103295/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Duru-Bellat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parcoursup, le site dédié aux admissions dans l'enseignement supérieur, vient d'ouvrir ses portes. L'occasion de s'interroger sur l'égalité des chances qui s'offrent aux lycéens candidats.Marie Duru-Bellat, Professeure des universités émérite en sociologie, Observatoire sociologique du changement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/955452018-07-11T23:34:27Z2018-07-11T23:34:27Z« Chacun son rythme » : la maternelle version allemande<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/226696/original/file-20180709-122265-1lk6y5r.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=34%2C27%2C4542%2C3019&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une fois terminés les rituels du matin, les jeunes inscrits des "jardins d'enfants" sont libres de choisir leur activité. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock.com</span></span></figcaption></figure><p>Si les programmes enseignés varient d’un pays à l’autre, tout système scolaire s’articule autour de deux objectifs principaux : d’une part, transmettre des savoirs aux élèves, dans de multiples champs, des arts aux sciences, et, d’autre part, les aider à grandir et à « vivre ensemble ». En ce qui concerne l’accueil des plus jeunes, la <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2010-4-page-46.htm">grande différence de l’école allemande avec sa voisine d’outre-Rhin</a> consiste à mettre l’accent sur la socialisation et le bien-être de l’enfant plus que sur les <a href="http://www.education.gouv.fr/pid25535/bulletin_officiel.html?cid_bo=86940">compétences à acquérir</a>. Cet écart apparaît dans la dénomination même des établissements. Ainsi, si les jeunes Français rejoignent dès leurs trois ans une « école » au sens propre du terme, les <a href="http://www.leparisien.fr/societe/l-allemagne-invente-la-maternelle-a-la-carte-08-09-2008-205969.php">Allemands de trois à six ans fréquentent des <em>Kindergarten</em></a>, ou « jardins d’enfants ». Et leurs journées suivent des emplois du temps beaucoup moins cadrés.</p>
<p>Alors que les horaires sont assez stricts en France, et que chaque famille est tenue de les respecter pour ne pas perturber la classe, en Allemagne, les parents sont libres d’amener leurs enfants chaque matin plus ou moins à l’heure qu’ils souhaitent, sachant que le petit déjeuner a lieu vers 9h. En effet, dans l’Hexagone, si la collation matinale a été remise en question face aux enjeux d’équilibre alimentaire – et n’est désormais <a href="http://www.education.gouv.fr/cid115024/education-nutritionnelle.html">« ni systématique, ni obligatoire », comme le précise l’Éducation nationale</a> – elle reste un rituel important outre-Rhin.</p>
<h2>Libre choix d’activités</h2>
<p>Le petit déjeuner se veut un moment de convivialité et de découvertes. D’abord, les volontaires s’organisent pour aller en cuisine et apporter dans la salle de classe les corbeilles de pain, la confiture, la charcuterie, le lait ou encore les couverts. Lorsque tout est mis en place, chacun s’installe autour de la table et l’enseignante fait passer le pain. Une fois qu’il s’est servi, le premier élève transmet la corbeille à son voisin ou à sa voisine en citant son prénom – « pour Anika » (zu Anika), par exemple – et ainsi de suite jusqu’au dernier plat. Au fur et à mesure, la responsable du groupe va aussi expliquer comment la boulangère cuit le pain, parler des ingrédients utilisés pour faire la confiture ou encore commenter leur goût, du sucré au salé.</p>
<p>S’instaurent aussi de petits échanges, à partir de jeux et devinettes, tandis que les enfants partagent les fruits qu’ils ont eux-mêmes amenés le matin. À la fin du repas, les enfants qui le souhaitent aident à débarrasser, pendant que les autres nettoient la table. Ensuite vient l’heure de la toilette, et enfin débutent les activités, avec, comme pour l’accueil du matin, un leitmotiv : « à chacun son rythme ». De même, après le petit déjeuner et sans avoir une autorisation à demander, les enfants vont jouer dans la salle qui les intéresse. En général il y a une salle de jeux et de repos avec des déguisements, des poupées et des poussettes, des matelas, etc. Il y a aussi une salle de gym et une salle de musique.</p>
<p>L’espace est assez ouvert, les enfants peuvent déplacer leurs poupées dans la salle de gym, transporter les matelas et les poser sous le piano, rouler en patinette au milieu des couloirs, ou encore aller dans la cuisine se servir de l’eau lorsqu’ils ont soif. Tout cela est normal, les seules règles, ce sont le confort et l’hygiène. C’est pour cela que tous portent des chaussons ou restent en chaussettes. Ils peuvent aussi s’installer dans les autres classes et faire différentes activités.</p>
<h2>Mettre les élèves à l’aise</h2>
<p>En France chaque enfant doit rester dans sa classe, et les groupes sont organisés par niveau, de <a href="http://eduscol.education.fr/cid103171/ecole-maternelle.html">la petite à la grande section</a>. En Allemagne, jusqu’à six ans, les élèves ont eux aussi une classe attitrée mais, selon les activités qu’ils veulent suivre, ils peuvent se joindre à un autre groupe. Dans certains jardins d’enfants, les enfants ne sont pas répartis par âge et l’on peut très bien retrouver des enfants de trois ans ou de sept ans dans la même classe.</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=lJPrI1pThcc">En élémentaire (ou Grundschule)</a>, le mot d’ordre est toujours de privilégier le confort des enfants. Dès l’entrée, le sol de certaines écoles est même complètement recouvert de tapis. L’accueil se fait dans le hall, où les enfants peuvent s’asseoir à côté des aquariums qui y sont disposés, échanger et se mettre dans de bonnes conditions, en écoutant de la musique. Pour aller en classe, ils mettent leurs chaussons. Les cours sont dispensés uniquement le matin, tous les enfants déjeunent à l’école et rentrent chez eux vers 13h00.</p>
<p>Si les parents le souhaitent, il peuvent inscrire leurs enfants l’après-midi, où les activités proposées sont purement récréatives. Certaines écoles en proposent trois différentes après le déjeuner, de la sieste aux jeux en passant par le dessin. Quelques écoles incluent l’apprentissage d’un instrument dans le programme scolaire, une fois par semaine. Ce sont des étudiants du conservatoire qui dispensent cet enseignement. L’enfant découvre puis choisit son instrument – violon, clavier, flûte ou batterie – qu’il peut amener chez lui pour s’entraîner tout au long de l’année.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95545/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Yelly Hernandez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que vient de se clore le congrès de l’Association des enseignants de maternelle (AGEEM), dédié cette année au jeu, regard sur un autre système éducatif, qui mise sur l’autonomie de l’enfant.Yelly Hernandez, Docteur en Sciences du Langage, Laboratoire MoDyCo, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/953092018-05-02T19:38:54Z2018-05-02T19:38:54ZL’autorité en salle de classe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/216715/original/file-20180428-135810-14606gu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=45%2C10%2C2287%2C1545&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'autorité, vue par Rémi Malingrëy.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rémi Malingrëy.</span>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span></figcaption></figure><p>Avoir de l’autorité en salle de classe est une belle chose pour un enseignant et ses élèves. Cette influence qu’il exerce sur eux lui permet de les mettre dans les meilleures conditions pour qu’ils puissent <a href="https://www.puf.com/content/La_philosophie_de_l%C3%A9ducation">bien apprendre tous ensemble, avec lui</a>.</p>
<p>Afin de mettre en œuvre au mieux cette importante compétence pédagogique qui concerne sa pratique scolaire de tous les jours, il lui revient de travailler sur quatre registres de son intervention. Pour avoir de l’autorité dans sa classe, le « prof » doit <a href="http://www.anne-carriere.fr/ouvrage_net_oublions-pas-les-bons-profs-nicolas-mascret-161.html">avoir des autorités</a>.</p>
<h2>Le savant</h2>
<p>Il n’y pas d’enseignant qui ait autorité sur ses élèves s’il ne fait autorité sur la matière qu’il enseigne. C’est d’abord son savoir qui fonde son autorité. Son intérêt et sa culture personnelle, le parcours universitaire qu’il a suivi, les diplômes qu’il possède et les concours qu’il a passés attestent de son haut niveau de compétences dans la <a href="http://classiques.uqac.ca/contemporains/gusdorf_georges/pourquoi_des_professeurs/pourquoi_intro.html">discipline qu’il enseigne</a>. Et c’est tant mieux.</p>
<p>Car l’élève est toujours attentif, reconnaissant ou admiratif devant son professeur quand il en sait beaucoup et qu’il est parfois comme un savant dans sa discipline ; que ce soit en mathématiques, en philosophie ou en éducation physique et sportive. La puissance de sa connaissance fait la reconnaissance de l’élève.</p>
<h2>Le didacticien</h2>
<p>Mais tout peut se défaire si ce savant du savoir est un ignorant de sa transmission. Il n’y pas de rapport d’évidence dans ce domaine. La force du « bon prof » vient de sa capacité à transformer <a href="http://rdm.penseesauvage.com/La-transposition-didactique.html">son savoir savant en savoirs scolaires</a>. Qu’il sache construire des tâches d’apprentissage et mettre en œuvre des pratiques pédagogiques stimulantes qui soient au service des connaissances de ses <a href="https://www.decitre.fr/livres/apprendre-9782710124283.html">élèves</a>.</p>
<p>Les outils peuvent être divers : le tableau noir ou le TBI, la craie ou la souris, le cahier ou la tablette, le stylo ou le clavier, la page du livre ou la page Internet, le dictionnaire de la classe ou le <a href="http://eduscol.education.fr/pid28931/apprendre-avec-des-tablettes-tactiles-des-tni.html">moteur de recherche Google</a>. C’est la bonne utilisation de l’outil qui valide sa pertinence pédagogique.</p>
<p>Les stratégies peuvent être nombreuses : de la transmission orale à la recherche en groupes, en passant par l’investigation personnelle. Les mises en situation peuvent être multiples : le magistral, le conflit cognitif, l’obstacle, le contrat, la coopération, le soutien, l’émulation, la compétition, etc.</p>
<p>Avec, en souci surplombant, la différenciation qui permet à l’enseignant d’être au plus près du rapport personnel que chacun de ses élèves entretient avec ses <a href="https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/OUVRAGES/Perrenoud_1997_A.html">propres apprentissages</a>. Côté enseignant, ce qui doit être toujours au rendez-vous c’est l’intelligence et la multiplicité des outils qu’il utilise. Côté élève, ce qui doit être toujours au rendez-vous, c’est la volonté, le goût, la joie, la passion qu’il a d’apprendre et de réussir le plus possible.</p>
<h2>Le légiste</h2>
<p>Une salle de classe est une petite société éducative. Et parce qu’il y a société, il y a <a href="https://www.lalibrairie.com/livres/les-jeunes-et-l-autorite--aspects-culturels_0-1055588_9782240721747.html?ctx=05f89e37d2e59cb6a1fc0aa764cda757">lois</a>. Tout enseignant ne peut faire autrement qu’être un légiste. Quelqu’un qui construit du législatif de classe pour pouvoir bien y enseigner : de la maternelle à l’université. Qu’il le sache ou non, qu’il le veuille ou pas, qu’il le fasse implicitement ou explicitement, il n’y a pas d’enseignant qui ne crée des lois dans l’espace où il intervient. Une <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-Sanctions_et_discipline__l__cole-9782707158499.html">classe sans règles</a> est impossible car sans elles maîtres et élèves ne peuvent ni apprendre seul, ni apprendre ensemble, ni apprendre avec lui.</p>
<p>Ce climat législatif peut s’exprimer de plusieurs manières. Un simple froncement réprobateur de sourcils peut parfois suffire pour rappeler ce que l’on ne peut pas faire. Des règles de vie clairement affichées au mur des classes élémentaires peuvent aider à y inscrire concrètement le permis et l’interdit. La loi générale qui prévaut est que nul ne peut faire ce qu’il veut comme il le veut.</p>
<p>Un élève peut-il arriver ou partir à l’heure qu’il décide ? Parler en cours comme il veut ? Venir sans ses affaires de travail ? Refuser des enseignements ? Téléphoner avec son portable ? Manger en classe ? Crier à sa guise ? Casser du matériel ? Insulter ses congénères ? Frapper ses semblables ? Non. Car s’il le fait, il altère les règles qui lui permettent d’entretenir un <a href="https://edu.academy/regles-de-base-dun-comportement-classe/">rapport cognitif et collectif au savoir</a>.</p>
<p>Quant à l’enseignant, s’il est celui qui établit des lois de classe, il est aussi celui qui s’y soumet. Législativement, il est l’égal de ses élèves.</p>
<h2>L’arbitre</h2>
<p>Parce qu’il y a loi, il y a <a href="http://www.cahiers-pedagogiques.com/L-autorite-educative-declin-erosion-ou-metamorphose">arbitrage</a>. L’enseignant est l’arbitre des lois de classe qui ont été établies. Par sa fonction, il est toujours placé en situation de celui qui estime, approuve ou désapprouve ce qui se passe. Que ce soit lorsqu’il évalue un travail, régule des comportements, gère des conflits ou des violences. Il est régulièrement sollicité sur les registres de l’exact et de l’inexact, du permis et de l’interdit, du vrai et du faux, <a href="https://www.amazon.fr/Autorit%C3%A9-conduite-classe-Franck-L%C3%A9onard/dp/2091217700/ref=sr_1_fkmr0_1?s=books&ie=UTF8&qid=1524730382&sr=1-1-fkmr0&keywords=l%C3%A9onar+autorit%C3%A9+et+conduite+de+classe">du juste et de l’injuste</a>.</p>
<p>Avec, en trame de fond <strong>la lucidité, la neutralité et le courage</strong> comme garants du bon fonctionnement de cette régulation. La lucidité, pour la clairvoyance dans les appréciations qu’il porte. La neutralité, pour l’impartialité des décisions qu’il a à prendre. Le courage, pour le passage à l’acte de la sanction quand elle est nécessaire.</p>
<p>Dans ce contrat arbitral, la sanction est souvent la mal <a href="https://www.puf.com/content/La_sanction_en_%C3%A9ducation">aimée</a>. Autant par celui qui la donne que par celui qui la reçoit. Elle entame le rapport de bonnes dispositions que le maître entretient avec l’élève et entame le rapport de liberté que l’élève entretient avec lui-même. Mais quand l’acte est important ou grave, la sanction est aussi incontournable que nécessaire.</p>
<p>Trop souvent perçue comme essentiellement punitive, la sanction a pourtant d’importantes fonctions éducatives. Elle répare le lien éthique, politique et social rompu par un élève entre le maître, le savoir, les autres élèves et la classe en général.</p>
<p>Avoir de l’autorité dans une salle de classe est le contraire même de l’autoritarisme pédagogique. C’est une belle chose qui ressort de la démocratie scolaire où l’enseignant enseigne et les élèves apprennent sereinement dans un climat de classe cultivé, pertinent, régulé, conséquent.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/95309/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel Barreau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Tout enseignant doit travailler sur plusieurs registres de son intervention : pour avoir de l’autorité dans sa classe, il doit avoir des autorités.Jean-Michel Barreau, Professeur en Sciences de l'éducation, spécialiste des normes et valeurs scolaires., Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/941482018-03-29T20:01:13Z2018-03-29T20:01:13ZQuels enjeux pour l’école maternelle obligatoire à 3 ans ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/212522/original/file-20180328-109185-112uv22.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C71%2C2803%2C1842&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'avancement de l'obligation scolaire à l'âge de 3 ans va-t-il redéfinir les liens entre maternelle et primaire ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/valdajol/24651853028/in/photolist-Dypc3L-ZkQHjx-GKDy8e-effPPm-efexUo-efa4HF-wP8ZzX-qjipRn-RKp2KY-21Droah-DypEab-ef8Evn-ef8Cue-qAK8Qx-21GgQuT-qjc9MY-SpSrEy-ZAZZvw-DyqeJ5-GKE9cM-21DrbFq-21BiEXs-21GgeSg-21Bi3fE-GKEktp-21GgAHV-qysYzU-21Drqbb-GKDKEc-QzbcE2-VmXiuj-tDWJjq-sHqbvR-LeCLgK-Vn2HkC-W3TzFS-DypmUu-VpFskt-VpDkyM-tBV6K1-risP9d-qjbs7s-qysZbd-qjc9Eo-qjk7a4-qr2fPk-7Qx8TY-4nHCHG-4nDxdv-4nDufr">Val d'Ajol/Flick</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>« J’ai décidé de rendre obligatoire l’école maternelle, et ainsi d’abaisser de 6 à 3 ans en France l’obligation d’instruction dès la rentrée 2019 » : voilà ce que le chef de l’État a <a href="https://bit.ly/2Gks3UM">déclaré le 27 mars 2018</a>. Une mesure qui se trouvera « au cœur d'un projet de loi débattu au cours de l'année 2018-2019 », a confirmé le ministère de l'Education nationale <a href="http://www.education.gouv.fr/cid133383/ensemble-pour-l-ecole-de-la-confiance-annee-scolaire-2018-2019.html">lors de sa conférence de rentrée</a>.</p>
<p>Cette annonce place la France parmi les <a href="https://bit.ly/2E5eo1U">pays européens</a> ayant la scolarité obligatoire à temps complet la plus longue avec certains Länder allemands, la Hongrie, la République yougoslave de Macédoine, les Pays-Bas. Ajoutons que seule la Hongrie fait débuter la scolarité obligatoire à 3 ans.</p>
<p>L’accueil de ce projet d’extension a porté, soit <a href="https://lemde.fr/2E4sUqW">sur la réalité du changement ainsi introduit</a>, <a href="https://bit.ly/2GlyeMw">soit sur ses conséquences en termes de moyens, son effet concernant la scolarisation des enfants de deux ans ou le financement du privé</a>. Cependant, tous les effets et les enjeux de cette annonce, si elle était réellement mise en œuvre, n’ont peut-être pas été réellement envisagés dans les différents commentaires auxquels elle a donné lieu.</p>
<h2>Une annonce à plusieurs effets</h2>
<p>Concernant le fait que l’avancement de l’obligation scolaire vient sanctionner une <a href="https://lemde.fr/2E4sUqW">pratique établie d’une fréquentation générale de l’école maternelle</a>, ce qui est nouveau est d’une part que le projet actuel concerne une augmentation en amont, et non en aval, ce qui peut changer certaines choses, et notamment concernant l’école élémentaire et, d’autre part, qu’elle concerne trois années, soit plus que les précédentes augmentations à un moment de développement très important de l’enfant.</p>
<p>En effet, du fait de l’avancement de l’obligation scolaire, <strong>l’école élémentaire devient à tous points de vue une école intermédiaire</strong> et non plus un commencement, notamment pour les apprentissages fondamentaux.</p>
<p>Le CP est jusqu’à présent le lieu de l’apprentissage de la lecture et de l’écriture parce qu’il est le premier niveau de l’école obligatoire et que, théoriquement, on ne saurait supposer cet apprentissage acquis, même s’il est anticipé. Ainsi les <a href="https://bit.ly/1xkvwfR">programmes actuels de l’école maternelle</a> précisent « qu’il n’y a pas de pré‐lecture à l’école maternelle » mais une découverte du « principe alphabétique » sans « apprentissage systématique ».</p>
<p>Comment cet apprentissage se négociera-t-il désormais ? N’y aura-t-il pas une tentation de l’avancer en deçà de l’école élémentaire en faisant fond sur le fait que tous les enfants désormais y sont allés ou auraient reçu l’instruction équivalente ?</p>
<p>Devra-t-on anticiper pour les enfants lecteurs, le passage au CP, ou au contraire dire – dans l’esprit de la définition des cycles d’apprentissages de 1991 et du rôle particulier de la grande section où pouvaient débuter les apprentissages fondamentaux – que l’apprentissage de la lecture pourra commencer dès la grande section ?</p>
<h2>Des questions sur les premières années d’écoles</h2>
<p>La non-obligation de l’école maternelle et l’obligation de l’école élémentaire était un des derniers vestiges d’une hétérogénéité des deux structures. Le passage à l’obligation à 3 ans n’impliquera-t-il de penser désormais celles-ci comme un seul bloc ? Ne peut-elle pas conduire à se poser à plus grande échelle l’idée de classes multiniveaux entre Grande section et cours préparatoire ? Ce dernier d’ailleurs peut-il, dans le nouveau contexte ainsi créé, être encore appelé et pensé ainsi ?</p>
<p>Que peut-on attendre de ce nouveau lien ? Conduira-t-il à repenser l’école élémentaire pour l’ouvrir aux pratiques de la maternelle ou au contraire amènera-t-il une élémentarisation accrue de l’école élémentaire ? Est-on dans un mouvement analogue à celui qu’avait entraîné le double mouvement de la hausse à 16 ans de la scolarité obligatoire et de l’unification des structures de l’école moyenne et qui a été de tendre à faire du collège un petit lycée ?</p>
<p>De plus – mais il semble que ce soit une des incidences déjà prévues par les réflexions de l’actuel gouvernement – les crèches ne seront-elles pas amenées, soit à devenir de façon explicite des prématernelles ou bien des lieux d’instruction obligatoire alternatifs comme cela se fait pour certains pays étrangers ?</p>
<h2>L’école et les familles : trois éléments à préciser</h2>
<p>L’extension de l’obligation scolaire à la maternelle a également ceci d’inédit par rapport aux obligations antérieures – y compris, dans une certaine mesure, celle proposée par la <a href="https://bit.ly/2GCdLSN">loi de 1882</a> – qu’elle se positionne, non plus par rapport à une entrée dans le monde du travail, mais plus par rapport à l’éducation et à la vie familiales. Sur ce point, on peut rappeler que l’obligation actuellement définie par l’<a href="https://bit.ly/2IaDeji">article L131-1 du Code de l’éducation</a> pour les enfants des deux sexes est une obligation d’instruction et non une obligation de fréquentation de l’école.</p>
<p>Le Président de la République reprend d’ailleurs cette formule même s’il parle en même temps de rendre obligatoire l’école maternelle. Néanmoins, en prenant au sens strict l’obligation d’instruction, celle-ci pourrait être donnée dans les familles, ce qui engendre un certain nombre de questions.</p>
<p>La définition d’une obligation scolaire devra également s’accompagner de trois autres éléments.</p>
<ul>
<li><p><strong>La définition des contenus de cette scolarité obligatoire</strong>, qui, pour ce qui concerne la scolarité de 6 à 16 ans, est faite en référence au socle commun de connaissance, de compétences du de culture (Code de l’éducation, article D131-11) devra être précisé pour l’école maternelle aussi bien dans son contenu que dans ses formes, l’éducation étant ici moins formalisée et reposant plus sur les interactions ;</p></li>
<li><p><strong>La définition des obligations de fréquentation et d’assiduité</strong>, qui, pour l’école maternelle pose des problèmes particuliers, celle-ci étant liée aux besoins physiologiques de l’enfant. <a href="https://bit.ly/2GoOsAc">La circulaire définissant les éléments du règlement type départemental</a> parle de l’exigence d’une « fréquentation régulière » ce qui n’est pas tout à fait l’obligation scolaire qui exige l’assiduité ;</p></li>
<li><p><strong>Les sanctions relatives au défaut d’instruction ou d’assiduité</strong> qui devront être signalés par les instances compétentes, dont les écoles maternelles. S’appliqueront-elles de la même manière pour les absences à l’école maternelle que pour les autres absences ou d’autres formules sont-elles possibles ?</p></li>
</ul>
<p>On pourra dire que l’ensemble de ces questions n’en sont pas vraiment puisque cette annonce, venant sanctionner le fait établi de la fréquentation en école maternelle, ne changerait pas fondamentalement les pratiques mais en rendrait plus nécessaire le perfectionnement.</p>
<p>Cependant, au-delà des indispensables questionnements de moyens, de formation et de financement, la possibilité de les formuler tenait à mettre en évidence les enjeux de ce projet d’obligation quant au regard sur le sens même du premier degré dans son ensemble, des apprentissages qui s’y déroulent et sur le rapport de l’enfance et de la famille à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/94148/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Husson ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le ministère de l'Education nationale veut avancer l'âge de l'instruction obligatoire de 6 ans à 3 ans , à partir de la rentrée 2019. Mesure symbolique ou vrai changement à l'horizon ?Laurent Husson, Maître de Conférences en philosophie, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/938372018-03-25T19:29:42Z2018-03-25T19:29:42ZÉvaluation : est-on condamné à la perpétuité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/211624/original/file-20180322-54898-75abeu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C147%2C2087%2C1156&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mesurer en permanence.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/photo/108489/examination-of-eyes/">VisualHunt</a></span></figcaption></figure><p>« Rien de trop », pouvait-on lire sur le fronton du temple d’Apollon, à Delphes. Or la communauté éducative n’arrête pas de recevoir (enquêtes internationales PISA, Timss, Pirls), et de <a href="http://lemde.fr/2G5Mcy0">commenter</a>, des résultats d’évaluation.</p>
<p>Au plan national, et pour la 25<sup>e</sup> année, le ministère de l’Éducation (MEN) vient de publier ses <a href="https://bit.ly/1q3zL7Y">indicateurs de résultats des lycées</a>. La décision de donner une place importante au contrôle continu <a href="https://bit.ly/2ucwjnD">dans le nouveau bac</a>, qui paraît aller dans le sens de ce développement d’une véritable fièvre évaluative, a conduit un responsable syndical à mettre en garde contre la tentation de <a href="http://lemde.fr/2ud09bK">« l’évaluation perpétuelle »</a>.</p>
<p>N’est-il pas temps de crier au « trop » ? Il faudrait n’évaluer qu’à bon escient, et au bon moment. Mais comment être sûr de n’évaluer qu’« à propos » ? Comment trancher de la pertinence de l’évaluation ?</p>
<h2>La pertinence de l’acte d’évaluation dépend de la fonction qu’il remplit</h2>
<p>La distinction opérée depuis 1967, et devenue classique depuis, entre une évaluation à visée formative, et une évaluation à visée sommative/certificative, permet de comprendre que la réponse à la question de l’opportunité de l’acte évaluatif ne peut être que relative, en premier lieu, à la fonction que cet acte a pour mission de remplir.</p>
<p><strong>La fonction est définie par un usage social concret</strong>. À quoi cela va-t-il servir d’évaluer ? Ainsi, si le but est de faciliter les apprentissages des élèves, et de mieux pouvoir contribuer à leur progression, il est pertinent de prélever, chaque fois que cela s’avérera utile d’un point de vue pédagogique, des informations permettant d’apprécier et le niveau de maîtrise atteint par chaque élève, et les difficultés qu’il éprouve dans ses activités d’apprentissage.</p>
<p>L’évaluation alors dite « formative » n’est jamais de trop. Elle s’exercera aussi souvent que possible, dans le sens d’une « observation formative » (<a href="https://bit.ly/2HTnt0k">Philippe Perrenoud, 1998</a>) qui s’inscrit dans la continuité du travail pédagogique, pour permettre de prendre, au fil du travail, les décisions pédagogiques appropriées.</p>
<p>Si le but est de faire un bilan aussi exhaustif que possible, à des moments-clés de l’agenda scolaire (fin de cycle, fin d’année…), alors se révèle pertinente une <a href="https://bit.ly/2DNqzAq">évaluation</a> « sommative/certificative », qui a pour fin de constater les niveaux de maîtrise atteints sur les principaux axes de développement définis par les programmes, et d’attester officiellement ces résultats. Il devrait être clair qu’une telle évaluation doit s’exercer avec parcimonie (uniquement aux moments-clés).</p>
<p>Et que la pire des choses est de polluer le travail pédagogique quotidien par d’intempestives évaluations à valeur sommative/certificative, qui n’ont leur place qu’à la fin d’un processus d’enseignement d’une durée significative. Mais cela ne disqualifie-t-il pas, alors, l’évaluation continue, en tout cas pour cette fonction sommative ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211625/original/file-20180322-54866-8x3nzo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Examen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/2097402250/a7e08c3aff/">Xin Li 88/VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<h2>Sa pertinence dépend aussi de la façon dont cet acte s’articule avec le processus évalué</h2>
<p>L’opportunité de l’évaluation peut s’apprécier en effet, en deuxième lieu, en fonction de la façon dont elle s’articule avec un processus, toujours relativement long, d’enseignement ou de formation. Cela était déjà en jeu dans l’opposition précédente, mais de façon un peu différente.</p>
<p>La visée sommative (on fait un bilan le plus complet possible) est pertinente à la fin d’un processus qui s’inscrit dans une temporalité significative. La temporalité du contrôle « social » (avec attestation), n’est pas celle du travail pédagogique. Les deux sont distinctes. L’une (pédagogique) a pour sens de préparer l’élève à ce qui l’attend dans l’autre (l’examen).</p>
<p>Mais si l’on considère le temps des examens, et puisque la sanction ne peut intervenir, en toute équité, qu’à la fin du travail d’enseignement et de formation, une évaluation continue ne marque-t-elle pas l’irruption, alors aussi intempestive qu’injuste, du sommatif dans le formatif ? Quel sens cela peut-il avoir ? Deux grands cas nous paraissent possibles.</p>
<p>Dans le premier cas, l’évaluation continue s’exerce à un moment où, en quelque sorte, il est encore possible de redresser les courbes ! Mais c’est alors la visée formative qui l’emporte, et non la considération de l’examen en tant que tel. Si, ainsi, des épreuves certificatives peuvent avoir, aussi, une utilité pédagogique, cela laisse entier le problème de la place (et du sens) de l’évaluation continue dans une perspective d’évaluation finale, comme pour le bac.</p>
<p>Dans un second cas, il est possible d’identifier et de « découper », dans la continuité du processus d’apprentissage qui se développe tout au long, par exemple, du lycée, des moments significatifs. Le moment où le lycéen peut avoir construit une capacité ou une compétence suffisamment robuste pour qu’on n’ait pas, encore, besoin de la contrôler ultérieurement. Ou bien, aura maîtrisé un élément du programme sur lequel on ne reviendra guère, et/ou qui a pu faire l’objet d’un apprentissage a priori durable. Un peu comme on vérifie en classe de première les acquisitions essentielles en français.</p>
<p>Si cette condition est remplie (et seulement si), l’évaluation continue n’est pas l’instrument d’un acharnement évaluatif condamnable.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/211626/original/file-20180322-54875-8j444p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Que mesure-t-on et pourquoi ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/32478795756/17c4a0a51a/">lookcatalog on VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Sa pertinence dépend enfin du rôle que l’on fait jouer à l’évaluation dans la vie humaine</h2>
<p>Mais l’évaluation est plus qu’une pratique relevant simplement de considérations techniques propres à l’activité sociale considérée. Elle engage toujours quelque chose de plus, qui peut en faire une source de peur, et de souffrance. Car, étymologiquement, évaluer, c’est dire la valeur. Or, on dira la valeur non seulement de ce que l’élève qui apprend aura construit (capacités, savoirs compétences).</p>
<p>Non seulement de ses « performances » à un moment défini (ex : fin du lycée). Mais aussi, là est la tentation, et là serait le principal aspect négatif de « l’évaluation perpétuelle », la valeur de la personne elle-même, qui se sent, et qui est, jugée, au travers de, et au-delà de, ses acquis.</p>
<p>C’est tout le problème du poids et du sens de l’évaluation dans les activités sociales, au travail, ou même déjà à l’école, quand elle est utilisée non pour contribuer à la reconnaissance des mérites d’une personne, mais à des fins de formatage social, pour rendre docile, ou pour préparer et justifier un tri, ou une casse sociale (licenciements). Alors, être condamné à l’évaluation perpétuelle, c’est-à-dire être en proie à un jugement social perpétuel, constitue une terrible peine. On imagine ce que pourront, par exemple, éprouver les Chinois soumis à une évaluation de leur comportement de citoyen, et qui se verront attribuer une « note sociale », en fonction de leurs actes passés.</p>
<p>Mais il est un cas où un jugement sur la valeur de sa personne est non seulement justifié, mais exigé. Celui de ce que l’on pourrait désigner comme un « examen de conscience », par lequel chacun pourra peser et apprécier la valeur de ses propres actes, et de sa vie, à l’aune des valeurs qui lui paraissent dignes de la gouverner (ex : bonté, charité, développement positif de soi ; ou encore volonté de ne jamais nuire aux autres, selon l’<a href="https://bit.ly/2pwCGxp">éthique « minimaliste » de Ruwen Ogien</a>). S’agissant d’une personne humaine, la seule évaluation permanente légitime est ainsi une autoévaluation, effectuée par référence à ses valeurs fondamentales, afin de réguler sa propre vie.</p>
<p>Le but ultime de l’éducation ne devrait-il pas être de rendre ceux que l’on instruit et éduque capables d’une telle <strong>auto-évaluation régulatrice</strong>, qui s’exercerait alors toujours à propos ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93837/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Charles Hadji ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il faudrait n’évaluer qu’à bon escient, et au bon moment. Mais comment être sûr de n’évaluer qu’« à propos » ? Comment trancher de la pertinence de l’évaluation ?Charles Hadji, Professeur honoraire (Sciences de l’éducation), Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/924462018-03-18T21:15:19Z2018-03-18T21:15:19ZQuand l’école modèle le déterminisme social<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210592/original/file-20180315-104650-1ygnmii.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C25%2C1192%2C635&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le documentaire _Comme un loup revient sur les différents aspects que revêt le déterminisme social et interroge les « choix » des jeunes dans le système scolaire et ce que ce dernier projette.</span> <span class="attribution"><span class="source">Comme un loup</span></span></figcaption></figure><p>Un groupe d’enfants se partagent à tour de rôle un vélo. On ne leur a jamais demandé de le faire, ni quand le faire, comment ou avec qui. Ils savent simplement que le moment est venu et ils se sentent bien. Contemplez ces enfants et l’organisation du groupe, essayez de ressentir les lois implicites de leur univers social. Ils apprennent en groupe. La scène est extraite du film <em>Comme un loup</em>, qui offre une nouvelle perspective quant au rôle de l’école dans le monde de la jeunesse et au rôle de la jeunesse dans le monde de l’école.</p>
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<figcaption><span class="caption">Extrait de <em>Comme un loup</em>.</span></figcaption>
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<p>Lorsque l’esprit se comporte en groupe, un univers social émerge. Ces formes complexes et auto-organisées sont uniques et parfaitement adaptées au contexte qui les voit naître. Il existe un sentiment particulier lié au fait de faire partie d’un univers social, tout comme il existe un sentiment particulier lié au fait d’en être exclu. <em>Comme un loup</em> est un documentaire qui porte sur les conséquences psychologiques et comportementales de notre système scolaire.</p>
<p>Le film pose plusieurs questions importantes, auxquelles il est difficile de répondre à travers nos méthodes d’évaluations traditionnelles, <a href="https://theconversation.com/comment-les-enquetes-pisa-sont-devenues-incontournables-70443">telles que les statistiques PISA</a> ou la <a href="https://theconversation.com/sortir-du-faux-debat-sur-les-notes-a-lecole-48767">notation chiffrée</a>. Dans quelle mesure peut-on dire que l’école occupe le monde vécu des jeunes générations ? L’enfant existe-t-il au sein du programme scolaire autrement que sous la forme d’un échantillon statistique, d’un nombre ou d’un nom ? Existe-t-il en tant qu’individu complet ? Autrement dit, dans quelle mesure les élèves se sentent-il appartenir à l’école ?</p>
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<figcaption><span class="caption">Le documentaire <em>Comme un loup</em> (2017) explore le déterminisme social à l’école.</span></figcaption>
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<p>L’élève serait le premier à convenir qu’il n’est pas le centre du système scolaire actuel. De fait, l’effort administratif vers un « meilleur niveau » et la course à la performance rejette graduellement à l’arrière-plan les besoins et les espoirs des élèves. Cet effort révèle un schéma narratif incontestable et une morale sans équivoque : réussir à l’école est la clé de la prospérité dans la vie. Quelles sont les conséquences logiques de cet état de fait ? Quels en sont les coûts pour les élèves et, en dernière analyse, pour nos sociétés ?</p>
<h2>L’école comme un champ de possibilités</h2>
<p>La fonction de l’école est de créer les ressources humaines nécessaires pour maintenir la société dans le futur – et, indirectement, de financer la retraite de ceux qui décident actuellement de la destinée des jeunes générations. Mais si l’on considère l’école du point de vue des enfants, comme des êtres humains en évolution, construisant les forces nécessaires pour impulser leur trajectoire de vie, se créant une identité et apprenant à partager des sphères d’appartenance, alors l’école devient quelque chose de très différent.</p>
<p>L’école cesse d’être une usine produisant le personnel salarié du futur pour devenir une période de temps, une <em>skholè</em>, un champ de possibilité, un terrain de jeu, une scène de vie, un terreau fertile où les idées et les talents peuvent naître et évoluer. Mohamed, un autre personnage du film, a quitté l’école très jeune, pour trouver sa scène de vie ailleurs : sur le ring de boxe. Peut-être car c’est dans la nature du jeune homme de gagner et qu’il savait très bien que l’école ne lui permettrait aucune victoire satisfaisante.</p>
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<figcaption><span class="caption">Extrait de <em>Comme un loup</em>.</span></figcaption>
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<p>Les enfants ne vont pas à l’école pour être transformés en une sorte de ressource financière, ils vont à l’école pour grandir, pour savourer, pour interagir, pour expérimenter et pour enrichir leurs connaissances quant aux mystères de la vie. Ils vont à l’école pour découvrir ce qu’ils ne connaissent pas encore, l’immensité du monde et de l’esprit. Nous avons donc refusé de montrer une école dans notre film. En ce qui concerne les jeunes, l’école comme temple de la connaissance semblait un monde à part – une sphère à laquelle seul un petit nombre appartient.</p>
<p>L’école nous apprend à être fiers ou honteux, que nous sommes un succès ou un échec. Cette connaissance ne nous quitte jamais. Savoir que l’on est un échec signifie que l’on n’appartient pas à la société qui nous définit comme tel. Lorsque nos écoles envoient des échecs dans le monde, elles ne créent pas des ressources mais des problèmes pour le futur. Les trois personnages du film ont tous fréquenté le même collège avant que leurs trajectoires ne divergent. À travers la politique ou la boxe, chacun à trouvé sa sphère d’appartenance hors du système scolaire ; tous excepté le personnage principal, Yaya, qui se trouve être un succès à l’école.</p>
<figure class="align-left ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=849&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/210586/original/file-20180315-104699-4z0io3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1066&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Yaya est l’un des rares de son quartier à suivre un cursus général et un des seuls de son lycée à venir de cité. Arrivé en France à l’âge de 11 ans et habitant de la Cité Cambrai dans le XIXᵉ arrondissement de Paris, il se prépare à passer l’examen qu’il redoute tant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">_Comme un loup_.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Yaya est déchiré entre les mondes, entre l’école et sa famille, entre sa famille et ses amis, entre ses amis du quartier et ses amis à l’école. Yaya est le héros tragique de la méritocratie, le succès individuel qui cache un échec collectif. Il est le seul à croire à la morale de l’histoire scolaire, seulement voilà : réussir à l’école <em>n’est pas</em> la clé de la prospérité dans la vie. Ses amis du quartier eux en sont déjà conscients, peut-être pour s’épargner la dissonance cognitive. Et quand Yaya dit vouloir devenir président après ses études, le rire tonitruant du groupe rappelle la réalité profonde derrière l’illusion scolaire.</p>
<p>Les sphères d’appartenances du jeune homme s’excluent mutuellement sous l’autorité d’évaluations toujours plus précises imprégnant chacun des aspects de la vie vécue. Lorsqu’ils parlent de filles, la première chose que font Yaya et ses amis, c’est de les noter. Leurs vies sont fondées et déterminées par les valeurs et les processus de pensée qu’ils ont appris au travers de l’école.</p>
<p>Dans un monde de plus en plus globalisé, transitoire et désorientant, beaucoup d’enfants – en particulier ceux qui ont été déplacés – cherchent à construire leur identité dans une sphère d’appartenance, dans les cercles de la famille, de l’amitié, du quartier et de l’école. Comment l’harmonie peut-elle s’accomplir entre les sphères de l’appartenance ? Entre les milliers de relations virtuelles et leurs affiliations fluides et fragiles, peut-on encore espérer à une culture unifiée ? L’école peut-elle offrir un centre à ces cercles, un lieu d’apprentissage collectif – ou rejette-t-elle la vie à la périphérie de la société ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/92446/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’enfant existe-t-il au sein du programme scolaire autrement que sous la forme d’un nombre ou d’un nom ?Felix Schoeller, Research fellow, Learning Planet Institute (LPI)John Mason, Lecturer, University of Southern DenmarkLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/932982018-03-15T20:09:05Z2018-03-15T20:09:05ZApprendre à chercher, chercher à apprendre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/210065/original/file-20180313-30965-63y0ty.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C0%2C1200%2C787&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La classe à Langon (Gironde)</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.youtube.com/watch?v=aWjLJi3ILrw">Canopé</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article décrit l’un des projets présentés en <a href="http://www.education.gouv.fr/cid56374/journee-de-l-innovation.html">2017 lors des journées de l’innovation</a>, en avant-première de la Journée nationale de l’Innovation 2018</em>.</p>
<hr>
<p>Comment l’École peut-elle être perçue différemment par ses élèves ? Apprendre avec du plaisir permet-il de mieux apprendre ? Qu’est-ce qu’apprendre ? Dans quels types de situations les élèves sont-ils en position de réussite ?</p>
<p>Depuis trois ans, mes classes d’école élémentaire (CE2, CM1) sont engagées dans un projet expérimental de l’Éducation nationale en lien avec la recherche.</p>
<p><a href="http://eduscol.education.fr/experitheque/consultFicheIndex.php?idFiche=12752">Ce projet CARDIE</a>, mentoré par François Taddei, directeur du CRI Paris et Amélia Legavre, doctorante en sociologie de l’éducation au CRI Paris/OSC Sciences Po, constitue un projet d’exploration des manières d’apprendre tant pour les élèves que pour moi, enseignante.</p>
<h2>Développer le questionnement des élèves</h2>
<p>Son principal objectif est de développer le questionnement des élèves comme source et outil d’apprentissage, une activité transversale à toutes les disciplines dans le but de :</p>
<ul>
<li><p><strong>construire un climat de la classe positif</strong> : favoriser le bien-être, encourager la parole argumentée de l’élève au travers de pratiques coopératives, conforter le droit à l’erreur comme processus d’apprentissage, mettre en place des systèmes d’entraide et de partage de savoirs entre élèves ;</p></li>
<li><p><strong>mettre en œuvre un fonctionnement participatif et démocratique au sein de la classe</strong> : choix d’activités, de projets, de manières d’apprendre ;</p></li>
<li><p><strong>développer un esprit critique vis-à-vis de ses manières d’apprendre</strong> : quelles stratégies mises en œuvre pour quelle efficacité ?</p></li>
<li><p><strong>améliorer le rapport au savoir et construire le savoir-être</strong> par l’élaboration de projets interdisciplinaires qui intègrent le numérique : projets d’apprentissage par la recherche dans le but d’acquérir des méthodes d’investigation en pratiquant la démarche scientifique ; projets d’action citoyenne dans le but de permettre aux élèves de construire progressivement leur rapport aux autres ainsi que leur responsabilité dans un monde dans lequel ils peuvent d’ores et déjà être acteurs.</p></li>
</ul>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/aWjLJi3ILrw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Paroles d’enfants : le travail personnel de l’élève en vidéo (film Canopé tourné dans notre classe).</span></figcaption>
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<h2>Explorer, pour réfléchir à l’acte d’apprendre</h2>
<p>Le projet a également pour but de renforcer le lien école-famille en partageant les avancées des projets et les réalisations de la classe via les usages numériques et des rencontres hors temps scolaire.</p>
<p>Une des spécificités est d’intégrer, dans le fonctionnement de classe, une démarche réflexive sur l’acte d’apprendre grâce à plusieurs domaines d’exploration : la philosophie (« Qu’est-ce qu’apprendre ? » « Pourquoi apprendre ? »), la sociologie (« Quel est le rôle des interactions dans l’apprentissage ? »), la psychologie (« Que ressent-on lorsque l’on apprend ? » « Qu’est-ce que le plaisir ? » « A quoi sert-il ? »), les sciences cognitives (« Comment apprend-on ? », « Quelles sont les différentes manières d’apprendre ? »).</p>
<p>Afin de donner du sens à ces réflexions et répondre aux besoins identifiés en classe, les solutions envisagées par les élèves sont mises en place pour essai avant analyse critique collective, apportant ainsi une dimension de recherche-action à cette exploration.</p>
<p>Ce fonctionnement, à la fois créatif et réflexif, permet de solutionner certaines problématiques concrètes du terrain tout en étant aidés, selon nos besoins, par nos mentors de recherche qui partagent leur expertise et leurs connaissances.</p>
<p>Dans son déroulement, ce projet expérimental envisage le travail personnel des élèves de manière variée tant sur un plan didactique que pédagogique, en considérant aussi bien la question de la transmission des connaissances disciplinaires que, de manière plus transversale, celle de la relation entre l’enseignant et les élèves et entre les élèves eux-mêmes.</p>
<h2>Des activités très diverses et personnalisées</h2>
<p>L’apprentissage revêt de nombreuses formes. Dans un parcours personnalisé par l’utilisation de ceintures de compétences en mathématiques et en français, les élèves s’exercent et explorent diverses manières d’apprendre dans le but d’« apprendre à apprendre ».</p>
<p>Ils s’investissent dans des activités de production (cartes mentales, exposés, blogs, films…), de recherche (projets, défis…). D’entraînement écrit mais aussi d’entraînement numérique qui permet la répétition et le réinvestissement de notions scolaires ou bien par des jeux (jeux de cartes et jeux de plateau dont le but est aussi d’accepter le rapport à la règle et d’apprendre à gérer les défaites ou les erreurs).</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/NMT8Wc-UiDg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">4 générations racontent l’école.</span></figcaption>
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<p>Le travail personnel des élèves est structuré dans le temps : apprentissage seul, à deux, en groupe, entraînement selon des modalités à leur initiative et accompagné par l’enseignante.</p>
<p>En cas de difficulté, la priorité est au questionnement et à la recherche au moyen des outils disponibles avant de mettre en œuvre tout un système d’entraide et d’aide (marché des besoins, tuteurs, groupes de besoin).</p>
<p>Enfin, des <a href="http://bit.ly/1HATswC">activités de métacognition</a> sont progressivement développées au cours de l’année : les élèves explicitent leurs stratégies, les partagent avec les autres élèves et peuvent en garder des traces mémoire collective ou individuelle.</p>
<h2>Dans ce projet, le lien avec la recherche s’effectue à trois niveaux</h2>
<p><strong>Le premier niveau consiste en une participation de la classe à des projets d’éducation par la recherche.</strong> Chaque année depuis quatre ans, les élèves s’engagent dans un ou plusieurs projets en partenariat avec des dispositifs et/ou laboratoires de recherche :</p>
<ul>
<li><p>Le dispositif <a href="https://les-savanturiers.cri-paris.org/">Les Savanturiers</a> au Centre de Recherche Interdisciplinaire permet aux élèves d’explorer une question scientifique avec l’aide d’un chercheur/mentor et de mettre en pratique une démarche d’investigation tels des apprentis chercheurs dans des domaines variés (climatologie, sciences cognitives et biologie ces dernières années pour ma classe).</p></li>
<li><p><a href="http://www.inb.u-bordeaux2.fr/dev/FR/chercheur.php?chercheur=Groc&id=133">L’Institut Interdisciplinaire de Neurosciences de Bordeaux</a> a accompagné mes élèves à l’occasion d’un projet Savanturiers en neurosciences.</p></li>
<li><p><a href="http://www.bordeaux-aquitaine.inra.fr/">L’Institut National de Recherche en Agronomie</a> mène un projet de sciences participatives en biologie et écologie auquel ma classe participe cette année.</p></li>
</ul>
<p><strong>Le deuxième niveau de lien avec la recherche se caractérise par un développement professionnel en relation avec la recherche.</strong> Les projets d’éducation par la recherche menés en classe ont permis de nouer un contact avec des chercheurs dans les divers domaines d’exploration abordés puis des formations (Savanturiers, <a href="https://www.batisseursdepossibles.org/">Bâtisseurs de possibles</a>, MOOCs) ont enrichi ce cheminement.</p>
<p>Des lectures d’articles ou d’ouvrages complètent les connaissances nécessaires au déroulement des projets de la classe et ouvrent à un questionnement plus général sur l’éducation.</p>
<p>Enfin, des contacts ponctuels avec des chercheurs d’autres domaines comme en pédagogie (<a href="http://bit.ly/2FJMJst">Sylvain Connac</a>, <a href="https://www.meirieu.com/">Philippe Meirieu</a>) et des lectures en psychologie ont permis de répondre à des interrogations davantage en relation avec l’aspect affectif, motivationnel et relationnel des élèves.</p>
<p><strong>Il existe désormais un troisième niveau de lien avec la recherche sous la forme d’une contribution à des études en cours.</strong> Au-delà de participer à un <a href="http://www.bordeaux-aquitaine.inra.fr/Toutes-les-actualites/Qui-a-mange-mes-chenilles-Appel-aux-ecoles-pour-un-projet-de-science-participative">projet de sciences participatives de l’INRA sur les parasites des chênes pédonculés en Europe</a>, ma classe prend part à l’évaluation du dispositif des Savanturiers mené par l’Université de Mons (Belgique). Elle est aussi le terrain d’observation d’une recherche doctorale en sociologie de l’éducation sur le lien entre pédagogies et rapport des élèves aux savoirs.</p>
<p>Par ce projet, les élèves sont invités à adopter une attitude de chercheurs tout en développant une motivation à apprendre. Ce que je peux observer de ma position d’enseignante, c’est la hausse d’engagement des élèves dans les activités scolaires, leur capacité à aller vers la nouveauté, leur plaisir à être, penser et faire ensemble.</p>
<p>La question serait maintenant de percevoir si les méthodes et comportements initiés pendant le projet deviennent transférables à d’autres situations et reproductibles dans le temps. Ce qui mériterait une recherche en soi !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/93298/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Apprendre avec du plaisir permet-il de mieux apprendre ? Qu’est-ce qu’apprendre ? Dans quels types de situations les élèves sont-ils en position de réussite ? Un projet innovant veut y répondre.Amélie Vacher, Professeure des écoles. DSDEN de la Gironde, Académie de Bordeaux. Ambassadrice Les Savanturiers-l’école de la recherche, Ministère de l'Éducation nationaleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/788712017-10-25T19:53:35Z2017-10-25T19:53:35ZDébat : Les colos, marché à investir ou systèmes à repenser collectivement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/191446/original/file-20171023-1738-ed43nn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Départ en colonie de vacances.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://mes-vacances-scolaires.fr/wp-content/uploads/2014/03/">mes-vacances-scolaires.fr</a></span></figcaption></figure><p>La dynamique dans laquelle se trouvent les colonies de vacances n’est pas bonne. Les chiffres publiés indiquent que la baisse de fréquentation se poursuit, que de moins en moins d’enfants partent en colos (environ -43 000 départs en 2016 et 2017 va dans le même sens). Cela dure depuis des dizaines d’années et les mesures qui permettraient de faire évoluer la politique, la pédagogie et le modèle des colos ne sont jamais prises.</p>
<p>Les ministres qui se sont succédé lors des dernières années (V. Fourneyron, et surtout P. Kanner) avaient la possibilité de changer les choses, de mettre autour de la table différents acteurs et construire ainsi les « colos de demain ». Qu’ont entrepris ces ministres, appuyés par une administration, la DJEPVA (<a href="http://bit.ly/2yunhkC">Direction de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative</a>) : des campagnes de pub et du saupoudrage d’argent public. Les effets sont nuls et les chiffres parlent.</p>
<p>Dans cet article nous présenterons rapidement les colos d’aujourd’hui. Ensuite les perspectives du choix tacite réalisé par les ministres et la DJEPVA, et qui a conduit au basculement du champ vers une logique de marché, seront envisagées. Cette logique a continué d’engendrer la désaffection des colos et met en péril une histoire vieille de plus d’un siècle : celle d’un outil de politique publique qui permet aux enfants, jeunes et adultes de vivre en collectivité, de se rencontrer, de construire des mixités. Bref de faire société.</p>
<p>Nous nous ferons enfin l’écho d’organisateurs, de fédérations, d’animateurs, de directeurs, de parents et de jeunes qui attendent que les politiques agissent autrement que pour faire des colos uniquement un objet marketing. Ces différents acteurs du champ de l’animation ne font pas qu’attendre, et nous souhaitons à l’avenant nous motiver à faire ensemble, à construire les ruptures et d’autres modèles. Les colos ont un avenir.</p>
<h2>Une fontaine de jouvence pour les colos ?</h2>
<p><a href="http://bit.ly/2grvNMq">Au cours de leur histoire, les colos</a> ont connu des finalités multiples et ont toujours constitué un outil de politiques publiques, locales ou nationales. Elles ont représenté des lieux de (bonne) santé, d’éducation, des espaces d’expérimentation pédagogique, d’engagement et de militantisme. Elles ont permis à des millions d’enfants de partir ensemble en vacances, de découvrir la mer, la montagne, la neige mais surtout de nouveaux copains, la campagne, les grands jeux et les relations amoureuses.</p>
<p>On peut évidemment et simplement regarder les colos par cet œil nostalgique, mais aussi constater objectivement que les colos sont mal en point sur beaucoup de plans. En effet, de manière générale, les colos sont chères, ne font pas ou très peu de mixité, séparent les personnes selon des déterminants sociaux, et utilisent un modèle de pédagogie inchangé depuis les années 50 (pédagogie du choix, du projet, autorité détenue exclusivement par l’adulte, grâce à l’idée de cadre et d’éducation).</p>
<p>La finalité éducative est largement interrogée, au regard des évolutions plongeant les colos vers les logiques marchandes : méthodologie de projet, thèmes et activités en vitrine, démarche qualité, certification et marketing.</p>
<p>Devant ce spectacle, les ministres, la DJEPVA et les acteurs importants des colos sont-ils des acteurs lucides ou plutôt des spectateurs impuissants ?</p>
<p>Entre cogestion et renoncement politique, ces derniers semblent avoir fait le choix du commerce plutôt que celui de la pédagogie et du sens. Pourtant, des acteurs des colos essaient de secouer le champ et ses représentations. En qualité de députés, Régis Juanico et Michel Ménard travaillent cette question depuis dix ans, mais butent régulièrement sur des ministres de la Jeunesse davantage attachés aux sports et à l’olympisme salvateur.</p>
<p>En 2016, des chercheurs auxquels nous nous sommes associés ont d’ailleurs remis un <a href="http://bit.ly/2rCL6lp">rapport au ministère (« Des séparations aux rencontres »)</a>. Suite à nos investigations, nous avions alors mis en avant le travail sur les mixités comme objet permettant de (re)penser les colos, de (re)construire le modèle des colos.</p>
<p>Avant de décliner des propositions pour dynamiser autrement le champ des colos, observons d’abord comment celui-ci est construit, en concentrant notre regard sur les organisateurs et les parents.</p>
<h2>Manger les autres sans être mangé…</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191445/original/file-20171023-1695-lwzejy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Attention colos !</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les organisateurs de colos apparaissent sous diverses formes : les gros organisateurs souvent adossés à des fédérations d’éducation populaire, à d’importants Comités d’Entreprise ou à l’<a href="https://www.unat.asso.fr/">Union nationale des associations de tourisme</a> (Vacances pour tous, UCPA, PEP, etc.) ; ensuite les associations actives toute l’année et inscrites sur des territoires (scoutisme, Mouvement rural de jeunesse chrétienne) ; encore, les tout-petits organisateurs souvent associatifs, auxquels nous rapprochons des mairies, des petits CE ; enfin quelques sociétés privées, d’envergures diverses, ici distinguées des autres.</p>
<p>Les gros organisateurs ont fait le choix depuis de nombreuses années de vendre des séjours. Ils utilisent, malgré leur statut associatif, massivement les outils du commerce et du marketing. Ces acteurs sont regroupés dans des associations ou fédérations qui siègent dans toutes les instances de cogestion avec la DJEPVA, dans un monde clos dont les petites associations ou les acteurs nouveaux sont exclus.</p>
<p>Ce système permet de maintenir les choses en place, de se garantir des marchés fermés ou réglementés (comme le BAFA et le BAFD). Les gros sont toujours plus gros, comme l’illustrent les récentes acquisitions de l’UCPA, et les faibles, peu aidés, sont encore affaiblis et se font racheter par les plus gros. Ils n’ont pas la possibilité de peser sur les décisions prises au ministère.</p>
<h2>Chers parents…</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191449/original/file-20171023-1722-19t02jm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Jolie colo…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bibliothèque rouge et or</span></span>
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<p>Parents et enfants sont avant tout considérés comme des clients. Afin d’attirer le client et de rassurer le parent, les associations ont investi dans les outils publicitaires : catalogue, site Internet, vente en ligne, plate-forme de blog, labellisation et démarche qualité, au risque de se fragiliser économiquement. Mais les colos sont-elles vraiment un produit comme les autres ?</p>
<p>Quand on permet à son enfant de partir en séjour, on peut ressentir le besoin d’être un peu rassuré sur ce qu’il va y faire, sur les personnes qu’il va rencontrer et sur le lieu de vie. Mais comment peut-on l’être lorsque les inscriptions ont lieu auprès des mairies, CE ou organisateurs, alors que l’équipe d’organisation n’a aucun ancrage sur le territoire, avec des lits vendus dans toute la France, et des règlements intérieurs fermés aux contacts avec les parents.</p>
<p>Qui accepterait de confier son enfant avec une telle mise à distance ? Une campagne de communication ornée d’un slogan « en colo, j’ai confiance ! » peut-elle répondre à cela ? Un label apposé aux colos dans le vent, soumises à des critères précis et variés (et choisis) peut-être ? Humour…</p>
<p>Nombre d’organisateurs orientent leur offre pour capter le plus possible les enfants dont les parents ont un fort pouvoir d’achat. L’offre de colo est segmentée : à chaque public son séjour, lequel s’annonce par des activités et une destination. Il existe globalement des colos de riches (que les riches apprécient), de pauvres (que les pauvres rejettent), de filles, de garçons, de ruraux et d’urbains.</p>
<p>À cette stratégie commerciale s’ajoute le ciblage des publics qui reçoivent des aides ou qui deviennent objets de politiques publiques, et le développement de séjours spécifiques aux publics soumis à des distinctions critériées : enfants en situation de handicap (vacances adaptées), hospitalisés (séjours sanitaires), issus d’un quartier politique de la ville (séjours VVV), etc.</p>
<p>Les colos sont construites pour séparer les publics, pour vendre les colos comme des voitures ou des boîtes de choucroute. Malgré les apparences, les discours et les pubs, il faut constater que les ministres, la DJEPVA et les gros organisateurs ne s’opposent pas à la construction d’une société séparée, non-mixte, marchande et tournée vers l’idée de politiques publiques, facilitant ainsi l’entre-soi pour les riches. Leurs actes ne vont pas à l’encontre de ce modèle de société, même si leur image est pourtant travaillée dans ce sens.</p>
<h2>Les petits organisateurs et la question du « faire autrement »…</h2>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191451/original/file-20171023-1710-1du1i0u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La Maison de Courcelles.</span>
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</figure>
<p>Dans ce contexte, les organisateurs implantés localement et aux valeurs fortes et identifiées (scoutisme et le MRJC) se développent, et on voit également apparaître de petits opérateurs. Ces apparitions pourraient être vues comme le souffle d’une dynamique émergente dans le marché des colos mais celles-ci, relatives à de petites associations, se créent plutôt en rupture avec la dynamique marchande installée par les grands opérateurs et le ministère.</p>
<p>Ces associations imaginent et construisent des colos différentes : 400 coups, la Maison de Courcelles, Cités d’enfants, Vacances sauvages, Bidouillerie, Evasoleil, La Bêta-Pi, etc. Souvent en rupture ou en désaccord avec les fédérations ou les grands organisateurs, leurs colos sont guidées par les idées d’émancipation, de loisirs, de liberté, de décision de l’enfant, par la construction pédagogique, par la recherche empirique ou l’accueil des publics qui ne trouvent pas de place ailleurs.</p>
<p>Elles viennent perturber un système à bout de souffle et peut-être en fin de course, qui peine à évoluer autrement qu’en suivant la marche en avant du libéralisme marchand. Les acteurs du champ qui essaient de changer les choses et non de satisfaire à la logique de marché restent minoritaires, sont parfois isolés et rarement aux postes décisionnels. Si ces petits opérateurs ne sont ni la panacée, ni l’unique moyen de sortir les colos de ce marasme, ils ont des choses à dire et méritent nous semble-t-il d’être entendus.</p>
<h2>Une fontaine de Trévi pour les colos ? !</h2>
<p>La DJEPVA et son ministre de tutelle (P. Kanner à l’époque) ont fait un choix politique fort : celui de privilégier et servir les organisateurs commerçants devant les organisateurs penseurs de la mixité et tisseurs de liens. Pouvons-nous nous satisfaire d’un tel choix ? Nous pensons que (re)construire une société qui prend soin des êtres humains passe par la rencontre.</p>
<p>La colo permet d’élargir ces rencontres, avec le seul et simple objectif de passer de bons moments (des vacances) à faire ensemble. Dans cette logique de marché – certains diraient réalité de marché – les répercussions ont évidemment des traces visibles sur des acteurs qui se placent dans une opposition modérée et passive… Ainsi, la question nombre de militants de divers horizons se posent cette question : </p>
<blockquote>
<p>« Au titre de collectifs constitués d’êtres humains, dans quelle mesure peut-on accepter de laisser de côté et travestir les principes qui guident notre action, uniquement pour la survie de l’entité en question ? »</p>
</blockquote>
<p>Aussi, les colos sont un moyen de permettre à bon nombre de jeunes de s’engager et travailler au service des enfants, dans un contexte où expérimenter la mixité et construire l’égalité sont les reflets d’enjeux marqués. Où et comment mettre ces deux questions fondamentales au travail si les lieux dédiés à cela se rétrécissent ou disparaissent ?</p>
<p>La colo laboratoire d’expérimentation pédagogique doit pouvoir continuer, et si l’état (ou les collectivités) ne participe pas au financement des recherches portant sur la mixité, les acteurs du marché ne le feront pas non plus puisque la non-mixité leur garantit un chiffre d’affaires. Nous oserons ici un parallèle et une mise en système avec le marché de la formation à l’animation volontaire, en évoquant l’engouement pour les formations en demi-pension voire en externat. Cela est principalement lié au coût de la formation.</p>
<p>Si, pour des questions de rentabilité économico-centrée pour l’organisme de formation et au vu de la demande, la mise en place de ces formations semble nécessaire, une réflexion doit néanmoins être menée. Pour un directeur dont un groupe d’enfants partirait en camping, une formation des animateurs en internat – avec pourquoi pas quelques nuits sous tente – semble mieux adaptée et plus raisonnable. Évidemment, l’animateur ne travaillera pas seul mais en équipe… Oui, le directeur pourra accompagner la formation de ses animateurs… Cette illustration interroge la place de chacun dans ce système libéral et ouvre sur l’interdépendance des espaces dans le champ de l’animation.</p>
<h2>Propositions de mise « en marche »</h2>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/191447/original/file-20171023-1748-13pkb9m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Vive la colo !</span>
<span class="attribution"><span class="source">Alain Wacquier-Fotolia.com</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Noyée dans le ministère de l’Éducation nationale, la DJEPVA, reste investie du pilotage des colos. Les mêmes personnes que sous Hollande sont toujours aux commandes : conseillers ministériels, délégué interministériel et directeur. Ainsi, la politique reste la même, le <a href="https://www.performance-publique.budget.gouv.fr/sites/performance_publique/files/farandole/ressources/2018/pap/pdf/DBGPGMPGM163.pdf">budget reste le même</a> et la DJEPVA reste sourde, sélective ou peu réactive devant les interpellations des acteurs qui sont en désaccord avec la libéralisation du marché.</p>
<p>Son fonctionnement autarcique et le refus de constater que le marché n’invite pas à construire du commun nous questionnent pour l’avenir. Cela est d’autant plus prégnant que ses alliés les plus puissants sont toujours et plus encore ménagés, avec un jeu de réciprocité comme cela pourrait apparaître dans quelconque bureaucratie à but marchand, et dans la limite des réalités stratégiques.</p>
<p>Alors, soit nous attendons passivement que cela change et comptons sur le(s) ministre(s), soit les organisateurs, militants, associations ou fédérations en désaccord avec la libéralisation prennent davantage ou autrement leur destin en main pour peser sur les décisions à venir. Reconnaissons une responsabilité partagée et n’attendons pas d’un nouveau dispositif servi sur un plateau par des administratifs qu’il construise les colos et séjours de demain. Il nous apparaît fondamental de travailler collectivement sur :</p>
<ul>
<li><p>une colo avant tout pour les enfants, outil de politique publique et d’expérimentation/d’entraînement pédagogique, lieu de vie et de recherche-action, et espace de création.</p></li>
<li><p>le fédéralisme pour qu’il redevienne source de sens, de débat et de réflexions pédagogiques plus indépendantes, qui impulsent et qui ne font pas seulement figure d’adaptation aux évolutions de la société, pour qu’il permette aux jeunes et aux associations de prendre une position importante dans les évolutions sociétales.</p></li>
<li><p>la cogestion du champ pour réunir l’ensemble des acteurs, en invitant notamment les collectivités au pilotage des politiques publiques sur les colos.</p></li>
<li><p>l’accompagnement et le financement des nouveaux acteurs des colos.</p></li>
<li><p>le modèle économique des acteurs des colos : les fusions/acquisitions par les plus gros sont des options qui sont marquées et sont signe de sens…</p></li>
<li><p>le fonds géré par la Caisse des Dépôts, qui ne répond pas aux demandes des associations propriétaires de patrimoine immobilier.</p></li>
</ul>
<p>Un grand nombre d’animateurs, de directeurs, militants partagent notre rapport aux signaux que nous identifions depuis plus de deux ans. Seul un travail collectif permettra d’infléchir les actions des politiques publiques menées depuis plusieurs années. Alors que différents acteurs du champ imaginent des solutions isolées et contextualisées, comment pouvons-nous agir ensemble pour échapper, et faire échapper les enfants, à un modèle de colos dont le sens passe au second plan ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/78871/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Michel BOCQUET est directeur du MRJC depuis août 2017, a été co-évaluateur du dispositif #GCC et doctorant en sciences de l'éducation au CIRNEF.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Cyril DHEILLY Évaluateur du dispositif #GCC avec le Social en Fabrique, Membre du Laboratoire CINREF, Rouen.</span></em></p>Comment peut‑on aujourd’hui agir pour relancer les colonies de vacances, alors que la désaffection s’installe ?Jean-Michel Bocquet, Pédagogue - Doctorant en Sciences de l'éducation CIRNEF, Université Rouen, Chargé de cours, Université Sorbonne Paris NordCyril Dheilly, Doctorant en sciences de l'éducation, CIRNEF, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/846232017-10-03T20:49:53Z2017-10-03T20:49:53ZLe design thinking, de Stanford à l’école primaire française<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/188193/original/file-20170929-13542-bxs0tn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Utilisation des méthodes du Design Thinking dans une école primaire à Londres (Rosendale Primary School).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/edublogger/14251904415/in/dateposted/">Ewan McIntosh</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est le fruit d’une collaboration avec Frédérique Vayssac, Professeure des écoles à Lyon et Flavien Chervet, Président Exoflow et ancien étudiant IDEA (emlyon/Ecole Centrale).</em></p>
<hr>
<p>Le <em>design thinking</em>, méthode d’innovation déjà ancienne, a fait irruption dans les entreprises de façon récente, en réponse à l’impératif d’innovation généralisée. Issue de l’université de Stanford, et plus particulièrement de son école de Design, la <a href="https://dschool.stanford.edu">D.School</a>, la démarche est restée limitée dans les années 60 aux milieux confidentiels du design industriel. Les ouvrages de <a href="https://mitpress.mit.edu/books/design-thinking">Peter Rowe</a> et de <a href="http://bit.ly/2yLCmxO">Tim Brown</a> ont popularisé, et ouvert à d’autres univers, cette approche créative, collaborative et itérative.</p>
<h2>Expérience utilisateur</h2>
<p>Pour faire simple, le <em>design thinking</em> permet de passer d’une logique d’innovation limitée au seul produit, ou service, à la prise en compte de l’expérience utilisateur, sous forme d’usage rationnel et émotionnel. Il s’agit moins d’inventer de nouveaux produits ou services que de concevoir l’<a href="https://www.lescahiersdelinnovation.com/2015/04/vers-la-mort-du-design-thinking/">expérience que vit l’utilisateur</a>. La désirabilité (dimension de l’usage) accompagne la faisabilité (dimension technique) et la viabilité (dimension économique et business). Le <em>design thinking</em> accorde une importance majeure à l’étude de terrain, via l’observation ethnographique et empathique pour comprendre, de l’intérieur, le vécu des expériences utilisateurs et partir de ces informations pour créer des produits/services nouveaux.</p>
<p>Aujourd’hui, le <em>design thinking</em> est abondamment mobilisé par les entreprises. Il est enseigné dans les universités et grandes écoles (d.School de l’École des Ponts, Strate École de Design à Sèvres, programme IDEA de EM Lyon Business School et Centrale Lyon…).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=451&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188195/original/file-20170929-19823-1ax894p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Utilisation des méthodes du design thinking dans une école primaire à Londres (Rosendale Primary School). Questions… et si ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/edublogger/14228667286/in/album-72157644797537952/">Ewan McIntosh</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le <em>design thinking</em> est-il soluble dans l’Éducation nationale ?</h2>
<p>Qu’en est-il de l’Éducation nationale ? Voilà un monde confronté à d’immenses enjeux de transformation et d’innovation, d’autant plus critiques que sa mission est d’apporter les premières expériences d’apprentissage aux futurs citoyens-acteurs pour les préparer à affronter le monde complexe de demain. Plutôt que de longs discours, laissons la parole à une enseignante de terrain, Frédérique. Elle témoigne que la distance entre Stanford et Craponne, banlieue de Lyon, n’est pas aussi grande qu’on pourrait le croire.</p>
<blockquote>
<p>« Je suis enseignante à l’école primaire publique La Gatolière de Craponne, tout près de Lyon. Je m’occupe d’une classe de CP-CE1. Mon mari qui travaille dans une grande entreprise de service m’a souvent parlé du <em>design thinking</em> et suggéré de lire les publications de l’université de Stanford, notamment les cartes-outils de la d.School. Nous devions rédiger le projet d’école, un rituel pour toutes les écoles françaises, qui va guider nos actions pour les trois années à venir. Pour notre parcours de réussite scolaire, nous avons décidé de travailler la résolution de problèmes de mathématiques car c’est là où nos élèves se montrent moins performants. J’ai réussi à convaincre mes collègues d’aborder cet axe par la démarche de <em>design thinking</em>. Nous avons interrogé un panel d’élèves de chaque classe, certains en réussite en résolution de problèmes et d’autres en difficulté, pour définir nos “
personas”. »</p>
</blockquote>
<p>Frédérique s’est documentée et a reçu le soutien de Flavien Chervet, un étudiant du programme IDEA de l’EM Lyon/École Centrale. Flavien a accompagné l’équipe pédagogique sur les premières phases de la méthode, afin de les aider à comprendre les tenants et aboutissants de cette façon de travailler, mais aussi de les amener à rompre avec leurs habitudes et à oser une pensée plus créative. Il dit avoir été « étonné par l’engouement de l’équipe, ainsi que par la vitesse et la pertinence avec laquelle les enseignants se sont appropriés ces nouveaux outils. »</p>
<h2>Les cinq étapes du <em>design thinking</em> et leur application</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=234&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/187362/original/file-20170925-17379-2se9fw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=293&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p><strong>empathise</strong> : interview d’un panel d’élèves, soit en réussite, soit en difficulté lors de la résolution de problèmes, dans les classes du CE1 au CM2. Mise en place de tableaux sous forme de post-it : ce que les élèves disent/pensent/font/ressentent.</p></li>
<li><p><strong>define</strong> : analyse des Post-it pour définir des profils d’élèves (en difficulté/en réussite) et identifier les problématiques que révèlent leurs réponses.</p></li>
<li><p><strong>ideate</strong> : recherche de solutions sur les problématiques définies en phase 2. Cette étape est enrichie par les points de vue d’autres parties prenantes : intervenants non enseignants, parents, psychologues…</p></li>
<li><p><strong>prototype</strong> : mise en place de solutions (prototypes) retenues suite aux interviews des élèves et à la phase d’idéation.</p></li>
<li><p><strong>test</strong> : réalisation de nouvelles interviews d’élèves pour réajuster et affiner les solutions.</p></li>
</ul>
<p>Plusieurs problématiques ont émergé à partir des réponses des élèves. Comment amener les élèves à se faire une représentation des problèmes ? Comment les faire passer du hasard à un choix réfléchi lors du traitement des données ? Comment faire de la résolution de problèmes un moment de plaisir de chercher ? Et l’erreur, comment la dédramatiser ? Chaque problématique a donné lieu à des séances d’idéation pour identifier les premières pistes de solutions sous forme de cartes mentales.</p>
<h2>SMILE</h2>
<p>Frédérique poursuit :</p>
<blockquote>
<p>« Nous avons mis en place un premier prototype sous forme de séquence pédagogique ludique et collaborative, au cours de laquelle les élèves n’ont plus de problème à résoudre, mais des SMILE (situations mathématiques innovantes, libérés des erreurs) à partager. Le simple fait de remplacer le mot « problème » par SMILE a changé les représentations et levé des blocages. Ma classe a fait des SMILE à partir d’œuvres de Vasarely et de Delaunay pour construire notions et vocabulaire géométriques. Après des jeux de devinettes à partir d’œuvres de Vasarely, des écritures de textes pour décrire des tableaux de Delaunay, les élèves ont créé des SMILE. Il s’agissait de réaliser par équipe des petits tableaux en utilisant des formes géométriques et en réinvestissant le vocabulaire vu précédemment. Les CP collaient des gommettes et les CE1 devaient tracer au compas. Il fallait ensuite écrire un texte décrivant le tableau précisément, en utilisant des « mots de géométrie » pour que les autres puissent le retrouver. Nous avons informé les parents de cette expérience, visant à apprendre autrement, par le jeu, l’analogie artistique et l’échange, par les autres et avec les autres. »</p>
</blockquote>
<h2>Réduire les blocages</h2>
<blockquote>
<p>« Si nous manquons encore de recul pour dire si les performances en résolution de problèmes sont meilleures du fait de l’utilisation du <em>design thinking</em>, nous pouvons d’ores et déjà noter plusieurs points intéressants. Nous avons beaucoup apprécié cette nouvelle manière de travailler et les échanges avec Flavien, son regard nouveau et extérieur à l’école. Durant les interviews des élèves, nous avons eu des retours très intéressants qui nous ont amenés à dépasser le seul enjeu des mathématiques pour adresser les questions de confiance en soi, de statut de l’erreur et de blocages par rapport face à toute question posée sous la forme d’un problème à résoudre. »</p>
</blockquote>
<p>Le premier prototype testé a réduit les blocages de certains élèves en difficulté. Les énoncés produits par les élèves étaient plus proches de leurs préoccupations sans être simplistes. Spontanément, beaucoup nous ont fait part du plaisir qu’ils avaient eu à écrire ou à résoudre des problèmes. Un vrai changement de posture !</p>
<h2>Démocratiser l’innovation</h2>
<p>Cette histoire est porteuse d’espoir à plusieurs égards. Elle montre que la volonté et l’envie d’innover n’ont pas de frontières ni de limites. Elle démontre également que des démarches apparemment sophistiquées peuvent se comprendre et s’utiliser simplement, avec des impacts évidents dans tous les secteurs.</p>
<p>Prenons garde à ne pas limiter à de soi-disant élites des méthodes et outils qui contribuent à démocratiser l’innovation au plus près des usages, réveillant l’énergie créatrice qui sommeille en chacun de nous. Pour Flavien,</p>
<blockquote>
<p>« Le design thinking encadre un bon sens souvent oublié. Des réflexes comme l’empathie, l’écoute et l’observation sur le terrain, ou les cycles d’essais-erreurs, paraissent évidents dès qu’on les mentionne. Pourtant ils sont souvent négligés dans la gestion de projet, encore trop souvent marquée par des décennies de rationalisation qui, à force d’élaguer la créativité, le rêve, la folie, bref, la subjectivité, ont privé l’être humain de ses meilleures armes. Mais lorsqu’il trouve des espaces d’expression pour cette subjectivité, il s’y engouffre avec joie. »</p>
</blockquote>
<p>Si vous passez un jour devant l’école Primaire de la Gatolière de Craponne, vous y verrez des Post-it affichés au mur, des enseignants qui écoutent leurs classes, les SMILE des élèves et l’ombre d’EM Lyon et de l’université de Standford. Ça vaut le détour !</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=240&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/188196/original/file-20170929-21580-tj6dzy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=302&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Groupe scolaire de la Gatolière.</span>
</figcaption>
</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/84623/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Picq ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le « design thinking » permet de passer d’une logique d’innovation limitée au seul produit, ou service, à la prise en compte de l’expérience utilisateur. Il peut aussi s’appliquer à l’éducation.Thierry Picq, Professeur et Directeur Académique, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/839032017-09-14T20:34:47Z2017-09-14T20:34:47ZIl est inutile de vouloir réformer le système éducatif en France, il faut en changer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/185689/original/file-20170912-19534-wllgb1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Rentrée des classes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/petit_louis/21491251905/in/photolist-yK7hrX-fp7sYC-yGHwiL-4G6uFm-Ww3v7n-x1ewWk-Jxn67V-Vu7LRx-dQsNSs-JukKBo-Juk5jA-W8kboU-QtzGpi-W8ko9Y-s3E9W7-s5PdD3-WE36cL-WE2RZy-MWXu9m-Vd2KfU-VrtSKd-N1fC9-WHz1VD-WE3azJ-WHBzxD-JXDvTt-C5xgLa-SyoZeZ-Vrt6om-WsAouW-Vu5L82-Vuc9Ha-VrnudS-WvYoWp-WE3CUU-WfrWUE-BCpApE-wP2ufs-WHBkLv-Vu72GM-WE3A5A-RZJyXE-W8jyHW-VrnHrq-N1fro-WsGvZ3-WHA98x-vH6pSn-uKRZzH-VrsUwG">Petit Louis/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Cinquième puissance économique du monde, la France voit son système éducatif classé 27<sup>e</sup> dans le <a href="http://bit.ly/2wmjIua">classement des Bernardins</a>, qui <a href="http://bit.ly/2dcgOih">mesure la qualité des systèmes</a> éducatifs des pays de l’OCDE, tandis que <a href="http://bit.ly/2g80sbC">selon PISA</a> l’école française est l’une des plus inéquitables. Notre système est à bout de souffle et irréformable. Il faut en changer pour revenir dans les toutes premières places mondiales d’ici 10 ans. Comment faire ?</p>
<h2>Un exemple : la Finlande</h2>
<p>En 1950, un pays européen avait un double système éducatif : l’un, destiné principalement à la population rurale, qui durait seulement six ans, et l’autre réservé à ceux vivant dans les villes et les grandes municipalités, qui leur donnait accès à une éducation secondaire de deux à trois ans pour se diriger ensuite soit vers des études professionnelles, soit vers des <em>grammar schools</em> (cinq ans) ouvrant la porte de l’université.</p>
<p>Le système éducatif était donc inégalitaire, et fortement ségrégé suivant l’origine sociale des jeunes. La situation devint encore insoutenable avec la montée de la mondialisation et de l’urbanisation.</p>
<p>La décision fut prise d’envisager la création d’un système éducatif unique. Dans la tradition de ce pays, de longues consultations prirent place, des commissions furent créées, des études de cas (plusieurs centaines) furent lancées, cela pendant 18 ans. C’est en effet seulement en 1968 qu’enfin la loi créant l’école unique et obligatoire de 7 à 16 ans fut votée. Et encore, faudra-t-il encore attendre neuf ans, jusqu’en 1977, pour qu’elle soit complètement mise en œuvre : elle entra, en effet, en vigueur en 1972 et fut d’abord expérimentée dans le nord du pays, la partie la moins peuplée, avant de progressivement être appliquée dans le reste du pays et dans les grandes villes situées dans le sud. En l’an 2000, les premiers résultats de PISA paraissaient et ce pays arrivait à la première place du classement. C’était la <a href="http://bit.ly/2y2OBWs">Finlande</a>.</p>
<h2>L’état de la France</h2>
<p>Quelles leçons peut-on en tirer pour la France ? Dans notre pays, comme autrefois en Finlande, il existe deux systèmes éducatifs : l’un qui fonctionne assez bien pour les classes supérieures et moyennes, et l’autre qui donne de mauvais résultats pour les autres classes ; il y a évidemment des exceptions selon son lieu de résidence et en conséquence l’établissement scolaire auquel on a accès.</p>
<p>Mais les études internationales, <a href="http://bit.ly/2wUKcXZ">comme PISA</a>, montrent que, si l’on est d’origine modeste, on a beaucoup moins de chances que dans les autres pays de l’OCDE de réussir à l’école et beaucoup plus de décrocher du système scolaire avant la fin de sa scolarité obligatoire. L’explication qui est donnée est qu’en France l’impact du milieu social sur les performances des élèves d’origine modeste (le fameux déterminisme social) est moins bien compensé par l’école que dans les autres pays.</p>
<p>En d’autres mots, l’école <a href="http://bit.ly/2mdnxxy">ne corrige pas les inégalités</a> sociales, elle les perpétue (quand elle ne les aggrave pas). La République, qui doit œuvrer également pour tous, manque donc à ses devoirs et l’école républicaine, qui doit assurer l’égalité des chances, est un mythe.</p>
<h2>Un nouveau système pour la France</h2>
<p>En conséquence de quoi, comme l’a fait la Finlande, plutôt que de tenter de réparer les dysfonctionnements du système actuel – ce que l’on a fait sans grand succès depuis 35 ans (les premières mesures d’éducation prioritaire ont été prises en 1981) – il convient plutôt de créer un nouveau système.</p>
<p>De même, en s’inspirant de la Finlande, on veillera d’organiser la gouvernance générale de ce projet en respectant les cinq règles suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Établir des objectifs clairs avec une date butoir précise ;</p></li>
<li><p>Mettre au point une série de mesures précisant le rôle des différents acteurs de l’éducation et fixant un calendrier de mise en œuvre pour chacune ;</p></li>
<li><p>Mobiliser tous les moyens nécessaires (financiers, physiques, administratifs, juridiques, humains) ;</p></li>
<li><p>Faire participer tous les acteurs de l’éducation dès le début à l’élaboration du projet afin de garantir leur appropriation et partant leur soutien au projet ;</p></li>
<li><p>Tester la mise en place du projet dans une ou deux régions afin qu’il soit évalué puis éventuellement généralisé dans l’ensemble du pays.</p></li>
</ul>
<p>Le projet similaire à celle de la Finlande qu’il faut donc mener consiste à créer un système éducatif unique permettant à tous les élèves, quelle que soit leur origine sociale, d’être en situation de réussir en classe (étant entendu que le système ne pouvant pas compenser l’inégalité de talents, il y aura toujours parmi les élèves des résultats inégaux). Toutes les mesures formant la réforme doivent avoir pour objectif de réduire les inégalités sociales qui handicapent l’apprentissage des élèves et de réduire les inégalités scolaires.</p>
<h2>Quelles mesures mettre en place ?</h2>
<p>En s’inspirant des systèmes éducatifs qui sont les plus équitables et qui permettent aux élèves d’avoir les meilleurs résultats, le nouveau système devrait prendre forme grâce aux mesures suivantes (Ce projet est expliqué en détail dans l’ouvrage <a href="http://bit.ly/2y2bF7C"><em>Réconcilier la République et son école</em></a>) :</p>
<ul>
<li><p>Une décentralisation vers les régions de l’ensemble de la politique de l’éducation (la formation des enseignants et les programmes restant nationaux) ;</p></li>
<li><p>Une plus grande autonomie de l’ensemble des établissements (les écoles acquérant le statut d’établissements publics), et un leadership partagé ;</p></li>
<li><p>La mise en place d’une gestion générale par objectifs tant au niveau national, que régional, que des établissements ;</p></li>
<li><p>La suppression du corps des enseignants, la révision de leurs statuts, la suppression des concours de recrutement ;</p></li>
<li><p>Un fort renforcement de la formation professionnelle initiale et continue des enseignants mettant l’accent sur l’acquisition de l’ensemble des méthodes pédagogiques, des formations concernant la pédopsychologie, la psychologie sociale, les neurosciences, la gestion de classes difficiles, les compétences génériques et notamment l’innovation, l’interdisciplinarité, le travail en équipe, le tutorat et le coaching, l’usage du numérique, et le goût pour les enseignants pour la recherche.</p></li>
<li><p>Des programmes moins encyclopédiques, plus interdisciplinaires, laissant leur place aux compétences y compris les compétences génériques et sociales, recourant à des pédagogies plus inductives et plus différenciées, sans oublier le numérique pour développer l’apprentissage personnalisé, l’auto-apprentissage, la recherche documentaire, le travail en groupe.</p></li>
<li><p>Un plan Marshall pour lutter contre les inégalités, l’échec et l’abandon scolaires, recourant là aussi au numérique.</p></li>
<li><p>Le développement de relations plus coopératives et constructives entre l’école et les parents.</p></li>
</ul>
<p>La France est le pays du Siècle des lumières qui a fait savoir que l’homme ne devait plus vivre sous tutelle, quelle qu’elle soit, mais décider de lui même à partir de son propre jugement. Le fort centralisme et le système hiérarchique pyramidale, qui caractérisent notre système éducatif, étouffent les initiatives et incitent à l’individualisation alors qu’il faudrait davantage de travail collectif, de coopération, d’entraide et d’innovations.</p>
<hr>
<p><em>Bernard Hugonnier, co-directeur du séminaire <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/recherche/ecole-et-republique">Ecole et République</a> du Collège des Bernardins, a co-dirigé avec Gemma Serrano un ouvrage issus des réflexions du séminaire, <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/publications/reconcilier-la-republique-et-son-ecole">« Réconcilier la République et son école »</a> (Editions du Cerf, Paris, septembre 2017).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/83903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Hugonnier est membre du Parti socialiste ; Ancien co-directeur de séminaire au Collège des Bernardins ; membre de l'Association européenne de l'éducation.
</span></em></p>Notre système est à bout de souffle et irréformable. Il faut en changer pour revenir dans les toutes premières places mondiales d’ici 10 ans. Comment faire ?Bernard Hugonnier, Professeur en sciences de l'éducation, Institut Catholique de Paris, Co-directeur du séminaire de recherche Ecole et république, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/827942017-08-30T18:55:43Z2017-08-30T18:55:43ZComment les enseignants sont passés du soutien ambivalent au rejet de la réforme des rythmes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/184011/original/file-20170830-23702-bwr83v.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Ecole primaire, La Roche de Glun, France</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/astrozombie/3123356950/in/photolist-FiKFu-mA7KP-SyhVou-dVjPvi-SyhgPG-Vu8v5k-bNhgYK-5Q2yL3-Syhh7W-SUhryo-b9Myna-4zhWfE-REy8Y2-VjCTsD-5L12cU-iEbCey-8G3U2G-9aMNG3-9qYhum-hdPFCX-uN8Gr-oQn6a1-3gtb3o-8FZTjF-8G3TtC-cGXYJw-Wy9Zum-5GWhan-VGNq86-Syhh2L-99pcQi-WrtdT2-5V2LAV-8G45Jw-8G3Tmm-6a76Mj-v2iye-8G45is-Frp79-8FZGF4-dVeG5w-nEXaU8-W8jrvu-8G42tA-8zjCvR-9AHFmn-3goMH8-43F657-6Ph1SB-9VLQJc/">Allison Meier/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>En 2012, la plupart des observateurs, moi compris, estimaient que la réforme des rythmes scolaires initiée par le ministre de l’Éducation nationale, Vincent Peillon, ne susciterait pas de grande mobilisation.</p>
<p>Depuis une tribune retentissante de l’historien Antoine Prost dénonçant un <a href="http://www.lemonde.fr/idees/article/2008/05/28/un-munich-pedagogique-par-antoine-prost_1050752_3232.html">« Munich pédagogique »</a>, l’idée avait fait consensus qu’il est impossible « d’apprendre mieux et plus en travaillant moins » et qu’une répartition sur quatre jours est dangereuse, car « six heures de classe pour des enfants de moins de 8 ans, c’est trop pour être efficace ». <a href="http://www.laligue.org/lappel-de-bobigny/">L’appel de Bobigny</a>, initié par la Ligue de l’Enseignement et signé par les principaux acteurs de l’éducation (associations d’éducation populaire, élus locaux, parents d’élèves, mouvements pédagogiques, syndicats) demandait le rétablissement à 4 jours et ½ par semaine.</p>
<p>50 % des professeurs des écoles (PE) le souhaitaient selon une <a href="http://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-enseignants-et-la-refondation-de-lecole-primaire/">consultation du SNUipp-FSU de septembre 2012</a>. Pourtant, dès l’année suivante, une vague de grève démontrait le caractère inflammatoire du sujet.</p>
<p><strong>Sur la répartition du temps de travail hebdomadaire, diriez-vous que vous êtes :</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/183997/original/file-20170830-12933-12ipjvc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondages Harris Interactive/SNUipp FSU. 2014 (3036 PE) et 2016 (5 555 PE)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Entre 2015 et 2016 les enquêteurs de la recherche Militens ont constaté sur le terrain ce basculement : aucun des 30 PE interviewés ne soutenait la réforme. La dégradation rapide de son taux de satisfaction (-19 points) s’effectue au bénéfice d’une radicalisation (doublement du nombre d’enseignants totalement insatisfaits).</p>
<p>Dans un sondage Ifop d’avril 2017, 87 % des PE veulent « supprimer ou assouplir » une réforme déjà largement amendée par Benoît Hamon. Comment expliquer qu’elle soit désormais rejetée alors que ses justifications avaient été approuvées par les grandes organisations syndicales et validées par les experts ?</p>
<h2>Des syndicats tiraillés</h2>
<p>Dès le début, la réforme partait avec un handicap, l’absence de soutien syndical franc. Le décret Peillon est largement rejeté par le Conseil supérieur de l’Éducation (CSE). Le SNUipp FSU, majoritaire (48 % des voix en 2011), avait approuvé l’Appel de Bobigny mais divisé, il évolue vers un refus assorti de propositions. FO (9 %) se positionne clairement contre.</p>
<p>Deux syndicats minoritaires sont susceptibles de soutenir le texte (SE UNSA, 25 % des voix et SGEN CFDT, 6 %), mais ils restent prudents. Ils ne feront donc pas la pédagogie de la réforme. Aujourd’hui, leurs sympathisants la refusent nettement (76 % pour le SE UNSA, 80 % pour le SGEN CFDT, enseignants du premier et second degré confondus, sondage Ifop), plus que ceux de la FSU (61 %).</p>
<p>Visiblement, les syndicalistes les mieux disposés envers les arguments des chronobiologistes, ressentent un certain décalage avec leur base. On pourrait l’expliquer par la <a href="http://www.persee.fr/doc/arss_0335-5322_1981_num_36_1_2105">théorie bourdieusienne</a> de l’écart structural entre représentants et représentés. Il ressort des entretiens que nombre d’enseignants délèguent la représentation de leurs intérêts à leurs syndicats sans savoir ce qu’ils proposent réellement. Lors d’un moment de crise, ils ne se sentent donc pas liés par leur position. On pourrait également invoquer une réforme mal pensée, bien inspirée mais qui pêche pour son application. Il ne suffit pas d’un accord sur les principes, car le diable est dans les détails. Les promoteurs de la réforme répliquent que cette idée fournit un prétexte commode pour ne rien changer.</p>
<p>Les syndicats représentatifs ont beaucoup varié sur la réforme. Le SGEN CFDT a exprimé son soutien critique aussi bien à la réforme Darcos qu’à son opposé, le décret Peillon. En compagnie du SE UNSA, il signe d’ailleurs le <a href="http://www.education.gouv.fr/cid20923/aide-aux-eleves-releve-de-conclusions-avec-le-se-unsa-et-le-sgen-cfdt.html">5 février 2008 un protocole</a> sur la réutilisation des heures supprimées le samedi matin, légitimant cette mesure. Le SNUipp vote contre les deux décrets.</p>
<p>Conformément à sa tradition, il a consulté et sondé régulièrement les enseignants, ce qui l’a amené à infléchir sa position à partir de 2013. FO montre autant de détermination à lutter contre le décret Darcos que contre le décret Peillon. Au CSE du 20 mars 2008, FO se demande <a href="http://snudifo13.org/archives/Decln_FNEC_CSE_200308.pdf">« Comment garantir la lutte contre l’échec scolaire en diminuant les heures de classes obligatoires ? »</a>. Le syndicat regrette que le ministère ne réponde pas lorsque François Testu, « médecin chronobiologiste a fait état des <a href="http://snudifo94.free.fr/Iufm/Communique%20FNEC%20FP%20FO%20du%2026%20mars%202008.pdf">conséquences scientifiquement prévisibles</a> pour l’équilibre et la santé des élèves ».</p>
<p><strong>Les positions syndicales sur les rythmes scolaires</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184009/original/file-20170830-23670-dbl5fh.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il semble que les arguments soient réversibles. Arbitrer entre l’intérêt des élèves et celui des personnels est très inconfortable dans la culture de ces organisations. Pour autant, on retrouve une cohérence dans le positionnement stratégique : le SE UNSA et le SGEN CFDT privilégient l’accompagnement critique des réformes, FO le refus complet et le SNUipp le refus ouvert à la discussion.</p>
<h2>Une situation perdant/perdant</h2>
<p>Point capital, Vincent Peillon refuse toute négociation globale, ce que regrette le SE UNSA qui affirme que <a href="http://www.se-unsa.org/spip.php?page=presse-imprim&id_article=5196&printver=1">« deux volets sont indissociables »</a> : la « réussite des élèves » et « l’amélioration des conditions de travail des enseignants ». Le ministre évolue dans un cadre contraint sur le plan financier et demande aux PE de revenir sur le lieu de travail un jour de plus dans la semaine sans compensation. <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/philippe-fremeaux/bloc-notes-doctobre-2014/00049618">Philippe Frémeaux</a> estime que « la pression en faveur d’une baisse des dépenses publiques » ne permet pas d’apporter « de réponses satisfaisantes […] sur les horaires de travail des enseignants, sur le ramassage scolaire, sur l’organisation des activités proposées lors du temps périscolaire » Elvire, 32 ans, ex-syndiquée SE-UNSA, en tire une conclusion : « C’était une bonne idée à l’origine. Mais je veux dire, on n’a peut-être pas les moyens de le faire non plus ». (entretien réalisé par Georges Ortusi).</p>
<p>Maladroitement, Vincent Peillon déclare que « les priorités des enseignants » ne sont pas revendicatives, car les <a href="http://www.leparisien.fr/societe/peillon-aimerait-augmenter-les-salaires-profs-mais-ne-peut-pas-30-08-2012-2143215.php">« gens qui choisissent ce métier ne le choisissent pas d’abord pour l’argent »</a>. Or les PE réclament à 86 % une revalorisation salariale parallèle à la réforme (consultation SNUipp-FSU, 2012). Un an plus tard, le ministre met tout de même en place une prime de 400 euros par an. Mais en 2014 encore, les PE placent cette question en priorité absolue (67 %), avec la réduction du nombre de tâches administratives (38 %) et l’amélioration des formations (37 %, sondage Harris SNUipp). Se dessine ainsi un compromis possible, à condition d’en avoir les moyens et de le faire au bon moment. En 2016, peu avant les élections, Manuel Valls annonce un effort supplémentaire de 300 millions € pour porter l’indemnité à 1200 € par an. Trois ans plus tôt, cette annonce aurait eu un effet plus percutant.</p>
<h2>L’effet contexte</h2>
<p>Le contexte joue son rôle dans le basculement des enseignants. D’abord à cause de la déception ressentie lorsqu’ils constatèrent que la priorité au primaire s’était retournée contre ses maîtres. Ensuite parce que l’opinion publique oscille et ne constitue pas un soutien solide au gouvernement. Au contraire, la dégradation de la popularité de la réforme (en novembre 2013, 54 % des Français souhaitent son abandon, <a href="http://www.cevipof.com/fr/le-centre/le-centre-de-documentation/">sondage CSA/BFM TV</a>) n’a pu qu’encourager le raidissement des enseignants.</p>
<p>Enfin, les PE, très hostiles à la haute administration de Grenelle, n’ont pas dû apprécier la <a href="http://tempsreel.nouvelobs.com/education/20131114.OBS5494/rythmes-scolaires-un-concentre-de-mauvaise-foi-et-d-hypocrisie.html">colère de Christian Forestier</a>, symbole de cette institution, qui proclame que leur grève « est un concentré de mauvaise foi et d’hypocrisie » et que le « corporatisme » de leurs collègues parisiens « à ce degré, est intolérable ! » Contre les opposants à la réforme, un répertoire classique est mobilisé : on dénonce aussi leur conservatisme et leur dédain de l’intérêt de l’enfant. Un mouvement social ascendant ne peut qu’être fortifié par ces propos, car <a href="http://www.editionsladecouverte.fr/catalogue/index-La_soci__t___du_m__pris-9782707153814.html">ils enclenchent un sentiment de mépris qui catalyse le mécontentement</a>.</p>
<p>Les PE ne manquent pas de se présenter comme porteurs de la réalité du terrain et de pointer les contradictions des décideurs. Charles, 55 ans, syndiqué SNUipp, dénonce leurs « lubies » : « Maintenant on a changé les rythmes scolaires. Et là je m’aperçois que ça donne aussi beaucoup de soucis » (entretien réalisé par Georges Ortusi). Frédérique, militante SNUipp, relève elle que Benoît Hamon a autorisé la concentration des activités périscolaires le vendredi après-midi : « Tu vas avoir un week-end de deux jours et demi, et ça, ça ne dérange pas les ministres. Alors qu’au début la réforme, elle était faite parce que les deux jours, c’était trop long ».</p>
<h2>La tension initiale</h2>
<p>Si une faible majorité de PE affiche en 2012 un soutien au passage à la semaine de quatre jours et demi, la quasi-totalité des écoles avait saisi l’opportunité de fonctionner sur quatre jours. L’ambivalence est forte. Certes 77 % des PE considèrent que « l’intérêt des enfants doit primer dans le cadre de cette réforme, avant l’intérêt des enseignants et des parents », conformément à la culture vocationnelle du corps. Mais cette tension entre leur intérêt et celui de mieux étaler les apprentissages se retrouve dans le placement de la réforme en dernière position parmi les priorités :</p>
<p><strong>L’action suivante, pour l’avenir de l’école primaire est :</strong></p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=334&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/184010/original/file-20170830-29224-1g3au1v.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=420&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Consultation du SNUipp, 23 444 réponses traitées par Harris Interactive. Structure de l’échantillon relativement fidèle à la population des PE.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À partir de 2013, beaucoup de PE résolvent cette tension en basculant dans le refus total. Il reste à éclaircir les soubassements de cette attitude. C’est l’objet de l’article qui suit sur ce thème.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/82794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Frajerman travaille pour l'Institut de recherches de la FSU. Il est membre du SNES-FSU.</span></em></p>Quand la réforme des rythmes a été lancée, les enseignants exprimaient une tension entre leur intérêt et celui de mieux étaler les apprentissages. Cinq ans plus tard, le refus l’a emporté. Décryptage.Laurent Frajerman, Chercheur spécialiste de l'engagement enseignant, Centre d’histoire sociale du XXème siècle, Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/704432016-12-18T21:22:53Z2016-12-18T21:22:53ZComment les enquêtes PISA sont devenues incontournables<p><a href="https://theconversation.com/comment-lire-la-prochaine-enquete-pisa-69430">Dans un récent article</a> paru sur The Conversation et consacré au classement PISA, Marie Duru-Bellat a exprimé un certain nombre de critiques et de mises en garde contre des interprétations et généralisations hâtives dont chercheurs et commentateurs devraient se garder. Je partage ces critiques et je n’ai rien à ajouter à cet égard.</p>
<p>Mon propos est ici d’offrir un regard complémentaire pour valoriser ce que sont l’intérêt et le potentiel de ces données dans l’aide à la décision et à l’action publique, en livrant ici une sorte de plaidoyer pour <a href="http://www.oecd.org/pisa/pisa-2015-results-in-focus-FR.pdf">cette enquête internationale</a>.</p>
<h2>Un avant et un après PISA</h2>
<p>Pourquoi prête-t-on aujourd’hui une attention particulière aux résultats de PISA ?</p>
<p>En premier lieu parce que PISA a changé notre façon de comparer les différents systèmes éducatifs nationaux. Avant PISA, l’accent était surtout mis sur les dimensions quantitatives de la participation scolaire : nombre d’étudiants diplômés du secondaire, nombre d’inscrits à l’université, etc.</p>
<p>Désormais, l’accent est mis davantage sur les compétences acquises durant le parcours éducatif. Certes, avant la mise en place de PISA il existait des études internationales sur les apprentissages, comme <a href="http://www.education.gouv.fr/cid66526/pirls-2011-des-resultats-qui-confirment-l-urgence-de-la-refondation-de-l-ecole.html">PIRLS</a> et <a href="http://www.education.gouv.fr/cid110041/mathematiques-et-sciences-resultats-de-l-etude-timss-2015.html">TIMSS</a>, mais elles étaient largement ignorées des décideurs politiques, et restaient pour la plupart confinées au monde académique.</p>
<p>Lorsque les données de PISA ont été publiées la première fois en <a href="http://www.oecd.org/edu/school/programmeforinternationalstudentassessmentpisa/33693784.pdf">2000</a>, les responsables politiques de certains pays, comme la France ou l’Italie, ont essayé d’ignorer les résultats plutôt décevants de PISA, avant de se faire manifestement déborder par l’impact médiatique et scientifique de l’enquête : la question des acquis des élèves entre alors de force dans le débat public.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/k4PliVwW69Y?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation des études internationales TIMSS et PIRLS (2016).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Des résultats transparents et réguliers</h2>
<p>Avec la publication de PISA, les vues stéréotypées et auto-référentielles portées par les décideurs nationaux, vantant les vertus supposées de leurs systèmes éducatifs respectifs, sont devenues caduques. <a href="http://cadis.ehess.fr/index.php?1137">François Dubet</a> le souligne, à propos de la rhétorique sur le système éducatif français :</p>
<blockquote>
<p>« Depuis la publicité des enquêtes PISA, il est devenu difficile d’affirmer que nous avons la meilleure école du monde ».</p>
</blockquote>
<p>En effet, l’un de résultats les plus remarquables de l’étude PISA pour la France, confirmé dans la dernière livraison de 2016, est que les <a href="http://www.lemonde.fr/ecole-primaire-et-secondaire/article/2013/12/03/classement-pisa-la-france-championne-des-inegalites-scolaires_3524389_1473688.html">inégalités sociales</a> de réussite des élèves augmentent depuis au moins une décennie, la France figurant parmi les pays occidentaux les plus inégaux s’agissant de l’influence du milieu social sur les compétences acquises.</p>
<p>Une deuxième grande vertu des données fournies par PISA est leur fréquence régulière, permettant un suivi des problèmes émergents ou des progrès enregistrés par les différents systèmes scolaires, de manière comparative. Le fait, par exemple, que les inégalités aient augmenté en France alors qu’elles sont stables ou même en baisse dans de nombreux autres pays occidentaux, modifie nettement la façon dont nous devons appréhender ce phénomène.</p>
<h2>Une exceptionnelle source d’informations</h2>
<p>Bien que les médias généralistes se concentrent presque exclusivement sur les classements internationaux du niveau moyen des élèves, ces classements n’occupent que peu de pages dans le volumineux rapport final. Bien plus de données portent sur les facteurs déterminants des apprentissages des élèves.</p>
<p>Grâce au degré élevé de comparabilité des données PISA, cette enquête est pour le sociologue une exceptionnelle source d’information sur les inégalités sociales dans l’éducation. Quels sont les pays affichant les inégalités les plus fortes entre élèves autochtones et ceux d’origine immigrée ? Quels pays ont-ils le plus progressé dans l’égalité entre garçon et filles pour l’acquisition des compétences mathématiques ? Ce sont quelques-unes des nombreuses questions souvent ignorées par les journalistes mais qui peuvent utilement être exploitées par les chercheurs comme les décideurs politiques grâce aux rapports PISA.</p>
<h2>Pas un mode d’emploi</h2>
<p>Comme l’a noté Marie Duru-Bellat, nous devons être particulièrement prudents lorsqu’il s’agit de tirer de ces données descriptives des inférences causales quant aux caractéristiques spécifiques des systèmes éducatifs qui favoriseraient ou inhiberaient les performances des élèves et les inégalités sociales qui y sont liées.</p>
<p>Le potentiel de PISA consiste plutôt à fournir un instrument de suivi robuste et descriptif de la réussite des élèves dans les pays de l’OCDE plutôt que de suggérer des prescriptions politiques prêtes à l’emploi. Il convient de noter, de notre point de vue, que l’OCDE tend plutôt à largement surestimer le potentiel de PISA à cet égard.</p>
<h2>Une approche contextuelle de la réussite scolaire</h2>
<p>Mais l’intérêt descriptif de ces données ne s’arrête pas aux apprentissages des élèves.</p>
<p>L’étude interroge par questionnaire les étudiants, les personnels enseignants des écoles, mais aussi les parents d’élèves. Ceci permet d’analyser de manière comparative entre pays, et sur la durée, les déterminants contextuels de la réussite scolaire ; la relation entre les ressources des écoles et les résultats de leurs élèves, de mesurer l’influence des ressources culturelles et sociales des familles, ainsi que de nombreux autres phénomènes.</p>
<p>On pourrait ici citer l’<a href="https://www.oecd.org/pisa/pisaproducts/pisainfocus/PISA-in-Focus-n35-(fra)-Final.pdf">absentéisme par exemple</a> : dans quels pays est-il le plus faible, et à l’inverse quelles causes peuvent être invoquées dans les pays moins performants ? Les relations entre élèves et enseignants s’améliorent-elles d’une enquête sur l’autre ou au contraire peut-on voir une détérioration du climat dans les classes ? Dans quels pays l’implication des parents dans la vie scolaire est-elle la plus importante ? PISA nous en apprend beaucoup sur le fonctionnement concret des systèmes éducatifs nationaux.</p>
<h2>Des résultats accessibles par tous</h2>
<p>La plupart des données et des rapports <a href="http://www.compareyourcountry.org/pisa/country/fra?lg=fr">sont disponibles gratuitement en ligne</a>, ils sont facilement compréhensibles, même pour des non experts, et proposent de bons résumés si l’on veut n’en faire qu’une lecture rapide.</p>
<p>Notre suggestion serait donc de pousser la curiosité jusqu’à consulter le site dédié de l’OCDE au détriment des commentaires ou articles sensationnels trop focalisant. En dehors du risque de contresens ou de mauvais usages, PISA contribue grandement à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes dans le domaine de l’éducation.</p>
<p>En dessinant les tendances dans le temps et dans l’espace, ces données sur les acquis et les connaissances des élèves, les pratiques pédagogiques, les stratégies d’apprentissage, les inégalités scolaires ou les relations enseignants-enseignés, permettent d’établir un diagnostic des forces et faiblesses de chaque système éducatif et par là-même de formuler un ensemble de priorités politiques basées sur des données de grande qualité.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’anglais par Bernard Corminbœuf (OSC).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70443/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Carlo Barone ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’enquête internationale menée tous les trois ans par l’OCDE sur les acquis des élèves de 15 ans est une mine d’informations, sociologiques notamment.Carlo Barone, Professeur des universités à Sciences Po, rattaché à l’OSC et au LIEPP, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/701102016-12-14T21:33:02Z2016-12-14T21:33:02ZOrganiser l’école : et si l’on prenait exemple sur le Canada ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/149725/original/image-20161212-26039-q7fsft.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="http://www.shutterstock.com/pic-429939034/stock-photo-international-and-global-business-concept-with-world-flags-on-scattered-pin-badges-background-3d-illustration.html?language=fr&src=SMXa9fUQeKKNLxvSJNuzew-4-59">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>En France, les débats sur l’efficacité du système scolaire se cristallisent autour de l’autonomie du chef d’établissement. Une focalisation qui conduit à ignorer de nombreuses questions de management. Une analyse détaillée de certains aspects de l’organisation du système scolaire canadien – dont les <a href="http://www.liberation.fr/planete/2016/12/06/pisa-au-canada-une-education-tres-efficace-et-equitable_1533402">bonnes performances</a> ont été saluées par la dernière enquête PISA – fait ressortir des éléments bien plus riches.</p>
<p>Au Canada, le chef d’établissement est, en effet, plus autonome que son homologue français. Mais ceci est vrai dans bien d’autres pays ayant des performances éducatives moins bonnes, comme les États-Unis par exemple. On ne saurait donc trouver dans la seule autonomie des chefs d’établissements, l’explication de la bonne performance du Canada.</p>
<h2>Le professeur, maillon d’une très longue chaîne</h2>
<p>Il y a bien ici un « elephant in the room », une évidence si forte qu’elle est généralement invisible et absente des débats : un système éducatif est une organisation complexe dont la classe et l’établissement d’enseignement ne sont que la partie émergée.</p>
<p>Ce n’est pas le professeur qui éduque, seul et dans un face à face obscur, une trentaine de jeunes. Ni même une équipe d’enseignants dans un établissement isolé, sous la seule houlette d’un directeur ou d’une directrice. C’est toute une organisation – dont la maille et la qualité varient considérablement d’un pays à l’autre – qui éduque l’ensemble des jeunes à l’intérieur du périmètre qu’elle recouvre.</p>
<p>Au Canada, les écoles relèvent d’une organisation pleine et entière, le « conseil scolaire » (<em>school board</em>) qui regroupe plusieurs écoles, collèges et lycées d’un ensemble géographique donné ; une sorte de circonscription scolaire canadienne opérant sous le niveau de la province.</p>
<h2>Les conseils scolaires canadiens</h2>
<p>Prenons comme exemple l’un des huit conseils scolaires de la Nouvelle-Écosse (une province canadienne qui compte environ un million d’habitants). À sa tête se trouve un conseil d’administration élu, formé de personnalités extérieures, mais également un directeur général reportant à la fois à ce conseil d’administration et au ministère de l’Éducation de la province. Les huit conseils scolaires de Nouvelle-Écosse, gérant entre 500 (pour les plus petits) et 5 000 (pour le plus grand, celui de l’agglomération de la capitale Halifax) enseignants – selon une personne travaillant dans l’un de ces conseils et interrogée à ce sujet en novembre 2016.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=572&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/149726/original/image-20161212-26077-uwnbjf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=718&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La province canadienne de la Nouvelle-Écosse (en rouge, cliquez sur l’image pour l’agrandir).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.google.fr/maps/place/Nouvelle-%C3%89cosse,+Canada/@44.2530669,-97.887402,4z/data=!4m5!3m4!1s0x4b591298de18cf45:0x102581ef8cf0940!8m2!3d44.6819866!4d-63.744311">Google</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les responsables d’établissements eux-mêmes recrutent, évaluent, organisent le soutien et la formation, recadrent et, dans de très rares cas, exercent un réel pouvoir de sanction. Ils font tout ceci en lien avec la direction des ressources humaines du conseil scolaire, et pas de façon isolée. Dans les plus grands établissements, comptant environ 1 500 élèves (par exemple dans un des lycées d’Halifax, la capitale), on peut compter jusqu’à 150 enseignants ; le principal est assisté de trois adjoints.</p>
<p>L’évaluation de l’enseignant ne consiste pas en une note, mais en la construction d’un projet sur ses propres points à améliorer, partant non d’un jugement extérieur mais faisant appel à sa propre formulation, en concertation avec son chef d’établissement et la direction des ressources humaines du conseil scolaire. Le but est formatif (aide au développement) et non sommatif (sanction débouchant ou non sur un échelon indiciaire car la grille salariale ne prend pas en compte cette évaluation).</p>
<h2>L’accent mis sur le soutien</h2>
<p>S’intéresser à l’organisation, c’est aussi regarder à la loupe les autres activités dites de soutien organisationnel, c’est-à-dire de soutien aux enseignants et aux élèves.</p>
<p>En France, ce sont les <a href="http://www.education.gouv.fr/cid24444/les-reseaux-d-aides-specialisees-aux-eleves-en-difficulte-rased.html">RASED</a>, institués en 1990 et rattachés aux circonscriptions scolaires, qui constituent l’essentiel des moyens mis à disposition des enseignants (du seul primaire) pour soutenir les élèves en difficultés. Leurs effectifs ont fondu d’un tiers entre 2008 et 2012. L’ordre de grandeur actuel est d’environ 2,5 RASED pour 100 enseignants dans le primaire. Au plus haut de leurs effectifs, en 2008, ce ratio était d’environ <a href="https://www.senat.fr/rap/r12-737/r12-7371.pdf">4 RASED pour 100 enseignants</a> du primaire. Ces moyens sont sans commune mesure avec ceux mis en place au Canada.</p>
<p>Revenons à l’exemple du conseil scolaire, un des huit que compte la Nouvelle-Écosse. Il affiche environ 5 000 élèves dans une vingtaine d’établissements encadrés par 550 enseignants environ.</p>
<p>Il y a environ « 20 mentors pédagogiques » à temps plein ou partiel (selon la taille de l’établissement), soit un pour chaque établissement scolaire. Le mentor pédagogique aide les enseignants à améliorer leur pédagogie, indépendamment de la discipline. Ces mentors constituent la partie émergée de l’iceberg des métiers de soutien, car forcément visibles dans toutes les écoles du conseil scolaire.</p>
<p>Quarante « enseignants ressources » tournant entre les différents établissements aident à mettre en place des plans de progrès individualisés pour chaque élève qui rencontre des problèmes de progression ; ces derniers peuvent être liés à des difficultés de comportement ou cognitives.</p>
<p>Environ 100 « aides-enseignants » accompagnent, parfois tous les jours, à temps plein et de façon individuelle, les élèves présentant les difficultés les plus importantes ; ces difficultés peuvent concerner un comportement difficile et/ou à un handicap moteur ou psychique.</p>
<p>Six « mentors spécialisés » en mathématiques et en maîtrise de la langue sont à la disposition des enseignants de ces disciplines dans tout le conseil scolaire, en lien avec le plan d’action éducation de la province de Nouvelle-Écosse qui met un accent particulier sur ces deux domaines de compétences dans lesquels la Province souhaite progresser. Douze « conseillers d’éducation » sont également à la disposition des 5 000 élèves, soit 1 pour 400 élèves, y compris du primaire.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9Wbl-PflEc0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les résultats de l’enquête PISA (OECD, 2016).</span></figcaption>
</figure>
<p>En France, un conseiller (ici d’orientation, pour le collège seul) <a href="http://rue89.nouvelobs.com/2013/07/01/cher-gamin-desoriente-nattends-rien-conseiller-dorientation-243843">couvre a minima 1 000 élèves</a>. Du côté du conseil scolaire canadien, on compte également cinq orthophonistes. Enfin, quatre psychologues scolaires permettent de traiter les cas les plus difficiles.</p>
<p>En prenant en compte l’ensemble des moyens de soutien aux enseignants et aux élèves, on arrive à un total d’environ 30 personnels de soutien pour 100 enseignants, tant au primaire qu’au secondaire. On est bien loin du rapport de 2,5 RASED pour 100 enseignants (du seul primaire) en vigueur en France ; sans compter que ce type d’assistance fait cruellement défaut dans le secondaire.</p>
<h2>Un suivi grâce à la formation continue</h2>
<p>Le soutien, c’est enfin la formation continue : soit, au Canada, un socle de cinq jours par an destinés à tous les enseignants ; et un budget supplémentaire dédié aux demandes individuelles des enseignants, faisant qu’environ 25 % d’entre eux suivent un, deux ou trois jours de formation supplémentaires chaque année, sur des sujets spécifiques liés à leurs demandes individuelles, selon un responsable au sein du département de l’éducation de Nouvelle-Écosse interrogé en novembre 2016.</p>
<p>Les actions de formation prennent des formes multiples et incluent des « jumelages » permettant à un enseignant d’observer un collègue ayant une expertise pédagogique spécifique reconnue (par exemple, la maîtrise de comportements agressifs ou celle des nouvelles technologies) pendant une journée, afin d’enrichir sa propre pratique. Par contraste, en France, la formation continue des enseignants du secondaire était en moyenne de <a href="http://cache.media.education.gouv.fr/file/2013/15/7/2013-009_263157.pdf">1,8 jour par enseignant</a> à la fin de la décennie 2000.</p>
<p>La puissance d’un système éducatif ne repose donc pas seulement sur des enseignants de qualité gérés de façon autonome par un responsable d’établissement, mais sur un ensemble de mesures de soutien, tant aux enseignants qu’aux enfants et adolescents ; cela suppose une organisation regroupant plusieurs établissements, des pratiques d’évaluation constructive, des actions de formation diversifiées ainsi que des personnels de soutien exerçant des métiers reconnus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70110/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alain Klarsfeld ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une semaine après la publication du dernier classement PISA, les débats passionnés sur l’éducation se poursuivent. L’occasion d’établir une comparaison intéressante entre la France et le Canada.Alain Klarsfeld, Professeur de gestion des ressources humaines, TBS EducationLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/700252016-12-08T05:39:03Z2016-12-08T05:39:03ZClassement PISA : ce qui se confirme et ce qui change<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/149064/original/image-20161207-18067-1nglees.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La science aura été la matière phare de la nouvelle enquête menée par l’OCDE sur les acquis des élèves de 15 ans. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/download/confirm/215268238?src=Xt78pkAuUOQRG701tIT36g-4-34&id=215268238&size=medium_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le cru 2015 de l’enquête Pisa est arrivé et, particulièrement réactif, le ministère de l’Éducation a déjà publié deux « Notes d’information » <a href="http://www.education.gouv.fr/pid25657/les-publications.html?pid=25657&page=0&formSubmitted=1&cat=37&Month=12&Year=2016&x=9&y=10#resultat">téléchargeables</a> pour présenter les principaux résultats.</p>
<p>Gageons que la presse va se faire relativement discrète, vu que la stabilité domine quant aux performances des élèves français, telles qu’observées dans PISA, notamment depuis 2006. On ne pourra pas cette fois pointer la dégradation du niveau moyen ni notre dégringolade dans le classement.</p>
<p>En effet, que ce soit en sciences (qui aura été matière phare de cette enquête 2015), en mathématiques ou en compréhension de l’écrit, nous restons, avec une moyenne stable, proche de la moyenne des pays de l’OCDE.</p>
<h2>Le niveau en France, moyen mais homogène</h2>
<p>Mais l’examen des trois palmarès ne mérite pas moins un détour et il décèle quelques surprises : si l’on tient compte des marges d’erreur, rien ne nous distingue, en compréhension de l’écrit, du Danemark, de la Belgique, du Royaume-Uni ou des États-Unis ; mais ce peloton des pays moyens se disloque quand on se penche sur les résultats en mathématiques : cette fois, si nous restons proches du Royaume-Uni, le Danemark et la Belgique font significativement mieux que nous tandis que les États-Unis sont un des pays les plus faibles du classement.</p>
<p>En sciences, le Royaume-Uni passe cette fois en tête (certes, après le groupe leader stable que sont les pays asiatiques, le Canada et la Finlande), et nous nous retrouvons, moyen, avec les États-Unis.</p>
<p>Ce que ces constats suggèrent, c’est que, comme le pointent les interprétations courantes, les structures éducatives (depuis l’organisation au niveau collège, jusqu’au statut des enseignants) ne font pas tout, car si tel était le cas, on devrait observer des performances plus homogènes d’une matière à l’autre.</p>
<p>Il faut donc plutôt invoquer ici d’autres facteurs – non pris en compte dans PISA – comme les programmes scolaires nationaux, voire l’environnement culturel (on connaît la qualité des documentaires scientifiques britanniques !). Toujours est-il que notre pays est moyen certes mais homogène, qualité en général louée sur les bulletins scolaires…</p>
<p>Un autre point positif est que la baisse des performances moyennes observée <a href="http://media.education.gouv.fr/file/83/1/4831.pdf">entre 2000 et 2003</a> semble bel et bien enrayée, puisque depuis 2006 c’est la stabilité qui domine.</p>
<h2>Des écarts très marqués entre élèves</h2>
<p>Mais il est tout aussi important d’examiner, derrière la stabilité des moyennes, la dispersion des résultats et son évolution. Et là, le constat est plus préoccupant : car en compréhension de l’écrit comme en mathématiques, on assiste à une augmentation du pourcentage élèves faibles (baisse compensée en compréhension de l’écrit par une hausse des élèves les plus forts, tandis que ce dernier chiffre est stable en mathématiques).</p>
<p>Globalement, nous restons l’un des pays (avec notamment la Belgique) où les écarts de performance entre élèves sont les plus marqués. Une raison importante est l’existence, dans notre pays, du redoublement : ainsi en sciences, la performance des élèves de 15 ans scolarisés en classe de seconde (qui n’ont donc jamais redoublé) est de 545, ce qui les place dans le haut du classement, tandis que celle des élèves ayant un an de retard, scolarisés en troisième, est de 407, ce qui les place à l’autre extrémité du classement…</p>
<p>À cette forte variabilité des performances est associée une forte influence du milieu social : la France est un des pays où celle-ci est la plus marquée, plus forte notamment qu’aux États-Unis, où les inégalités sociales sont de manière générale bien plus fortes.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"806467938886778880"}"></div></p>
<h2>La question du redoublement</h2>
<p>Ce constat aujourd’hui maintes fois réitéré dans les enquêtes internationales interroge évidemment.</p>
<p>Pour l’interpréter, il est nécessaire de mobiliser ce qu’on sait par ailleurs des systèmes éducatifs et se risquer à prendre en compte avec la prudence nécessaire les corrélations livrées par les enquêtes PISA, entre l’ampleur des inégalités sociales et les caractéristiques des systèmes.</p>
<p>De prime abord, le système français devrait être un des moins inégalitaires, puisque comprenant nombre des caractéristiques associées le plus souvent à une égalité, scolaire et sociale, des performances. Nous avons un enseignement pré-élémentaire très développé et surtout nous avons depuis longtemps instauré un tronc commun au collège, un facteur <em>a priori</em> favorable, puisque les inégalités sont en général plus fortes dans les systèmes qui prévoient des filières dès l’âge de 14 ans (ou même avant).</p>
<p>Mais nous continuons à faire <a href="http://www.lexpress.fr/education/efficace-le-redoublement_489172.html">redoubler</a> les élèves en difficultés, plus souvent de milieu social défavorisé, ce qui tire le niveau moyen vers le bas. Les inégalités entre les élèves dépendent aussi de l’importance de la ségrégation sociale et scolaire entre les établissements et en la matière, notre situation s’est dégradée avec notamment la tendance à encourager le libre choix de l’école. On observe en effet que dans les systèmes les moins inégalitaires, le choix de l’école est régulé, la décentralisation est encadrée et la part du privé est faible.</p>
<p>D’autres facteurs jouent sans doute également : notre système de grandes écoles – verrou de l’accès à l’élite – qui durcit la compétition dès le secondaire, des contenus de formation très académiques et une formation des enseignants peu développée (notamment la formation continue), dans un contexte où l’on méprise volontiers les questions pédagogiques, avec, non sans rapport, des relations entre maîtres et élèves bien plus mauvaises qu’ailleurs.</p>
<h2>Chez nos voisins</h2>
<p>Les comparaisons internationales éclairent donc les racines de cette spécificité française que sont des inégalités sociales particulièrement fortes. De plus, même si elles montrent aussi qu’il n’existe pas un <em>« one best way »</em>, elles peuvent suggérer des pistes politiques.</p>
<p>À cet égard, les évolutions constatées entre les dernières enquêtes PISA (<a href="https://www.oecd.org/france/PISA-2012-results-france.pdf">2009-2012</a> notamment) constituent des expériences en vraie grandeur. Ainsi, qu’a-t-on fait dans les pays où les scores moyens ont augmenté sur la période ? En Pologne, on a créé un cycle secondaire inférieur unifié (à l’instar de notre collège), à la place des anciennes filières ; au Portugal, on peut évoquer pêle-mêle la forte augmentation des ressources pour les publics défavorisés, la réduction du retard scolaire, le pilotage plus strict du système sur la base d’évaluations nationales.</p>
<p><em>A contrario</em>, dans un pays comme la Suède dont les élèves avaient, dans les premières enquêtes, des performances élevées et égalitaires, et qui a vu ses performances se dégrader sensiblement, a été conduite une politique de décentralisation des établissements et de libéralisation, avec un système de chèques scolaires permettant aux élèves de choisir leur école ; il s’en est suivi une ségrégation accrue des établissements, dont les élèves les plus défavorisés ont payé le prix. Il semblerait donc que l’on puisse infléchir ce qui serait la « courbe des inégalités », dans un sens comme dans un autre, par des politiques éducatives.</p>
<h2>Du côté du Canada</h2>
<p>Mais bien sûr, d’autres facteurs peuvent être en cause. Alors qu’une fois de plus les élèves des pays asiatiques obtiennent des performances remarquables, notamment en mathématiques ou en sciences, il faut invoquer, ce qui est rarement fait, les particularités des langues comme le japonais, le <a href="https://www.cairn.info/revue-carrefours-de-l-education-2008-2-page-185.htm">coréen</a> ou le chinois, dont le système de désignation des nombres rend plus aisée la maîtrise, très jeune, du système de numération.</p>
<p>On peut ajouter que dans ces pays, l’implication des mères auprès des tout jeunes enfants est très marquée et vise très tôt des acquisitions qui dans d’autres pays se feront à l’école élémentaire, la pression de parents se poursuivant toute la scolarité durant, redoublée par des cours de soutien privés quasi généralisés.</p>
<p>Les politiques doivent-ils donc courir après ce « modèle » asiatique ? Examiner ce qui se passe dans un pays comme le <a href="http://www.liberation.fr/france/2016/12/06/l-allemagne-le-danemark-et-le-canada-ont-obtenu-de-bons-resultats-a-l-enquete-pisa-de-l-ocde-trois-p_1533492">Canada</a> (toujours bien classé) est certainement plus pertinent ; un pays où, face à des élèves d’horizon aussi varié que les nôtres, on croit bien plus que nous à la pédagogie.</p>
<p>Il faudrait, de plus, que les politiques assument, dans notre pays, un cap stable : alors que les politiques éducatives changent au gré des alternances politiques, on semble balancer entre quête de l’équité et quête de l’excellence – la maternelle et l’éducation prioritaire, versus les Grandes écoles et le latin –, comme s’il fallait choisir, alors qu’un des enseignements de l’enquête PISA, c’est, non seulement que la stabilité « paye » mais qu’il n’y a pas d’arbitrage : les pays dont les élèves sont les meilleurs sont aussi ceux qui réduisent le plus les inégalités.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/70025/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie Duru-Bellat ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Décryptage des résultats de la dernière étude de l’OCDE sur les acquis des élèves de 15 ans. Plus de 70 pays ont participé à cette enquête menée en 2015 et dont les résultats ont été dévoilés mardi.Marie Duru-Bellat, Professeure des universités émérite en sociologie, Observatoire sociologique du changement, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.