tag:theconversation.com,2011:/us/topics/trafic-routier-96078/articlestrafic routier – The Conversation2023-07-16T15:32:40Ztag:theconversation.com,2011:article/2082582023-07-16T15:32:40Z2023-07-16T15:32:40ZPourquoi est-on plus malade en voiture lorsque l’on part en vacances ?<p><em>Les vacances ne se passent pas toujours comme prévu… Dans notre série « Une semaine en enfer ! », nous décryptons ce qui peut aller de travers, depuis le <a href="https://theconversation.com/serie-1-pourquoi-est-on-plus-malade-en-voiture-lorsque-lon-part-en-vacances-208258">mal des transports amplifiés lors des départs en vacances</a> aux piqûres de moustiques désormais capables de transmettre des virus tropicaux, en passant par les dangers microbiologiques méconnus des hôtels, les « traditionnels » coups de soleil, ou les dangers insoupçonnés… du jardinage, si vous pensiez rester tranquillement chez vous.</em></p>
<hr>
<p>Comme chaque année, le début de la saison estivale rime avec les départs en vacances ! Si certains attendent cette période avec impatience, d’autres la redoutent… La raison ? Les longs voyages en voiture, en bateau, en bus, en train ou en avion qui se transforment pour eux en véritable calvaire.</p>
<p>Un mal des transports qui n’est pas anecdotique, puisque <a href="https://www.autonomicneuroscience.com/article/S1566-0702(06)00212-8/fulltext">près d’un tiers de la population serait sensible à la « cinétose »</a> – une pathologie dont on ne connaît toujours pas exactement les causes à ce jour. Toutefois, la théorie la plus acceptée à ce sujet suggère qu’elle serait causée par une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/cns.12468">mauvaise perception des mouvements auxquels nous sommes exposés</a>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-explique-t-on-le-mal-des-transports-181284">Comment explique-t-on le mal des transports ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les départs et retours de vacances estivales semblent particulièrement propices à l’installation de ce malaise insidieux… Nous sommes, pour ceux qui y sont sensibles en tout cas, plus fréquemment malades lors de ces trajets spécifiques que lors de nos parcours habituels !</p>
<p>Notons aussi que beaucoup de passagers ressentent une sensation de fatigue, de somnolence, d’apathie ou un manque d’énergie sans avoir rien fait de particulièrement épuisant : il s’agit en fait de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0094576598001532">manifestations légères de cinétose</a>, ce qui montre que beaucoup plus d’individus sont touchés qu’on ne le pense !</p>
<p>Pourquoi cette susceptibilité apparemment exacerbée ? Les raisons sont en fait multiples… Comparés à des trajets normaux, ces voyages induisent des conditions particulières, toutes potentiellement capables d’augmenter l’incidence et la sévérité des symptômes. Voici quelques éléments d’explications… ainsi que quelques conseils pour minimiser ce risque.</p>
<h2>Les longs trajets : une répétition de mouvements préjudiciables</h2>
<p>En voiture, plus on voyage longtemps et plus on est susceptible de se sentir malade comme le démontrent plusieurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1243/0954407042580093">modèles mathématiques de prédiction du mal des transports</a>.</p>
<p>En effet, c’est le cumul de mouvements désagréables qui nous fait franchir le seuil au-delà duquel les symptômes se déclenchent. Pour certaines personnes, cela <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1566070206002128">peut apparaître au bout de quelques minutes seulement</a>… quand pour d’autres, ils se développent plus lentement. Seuls les longs trajets peuvent alors les pousser dans leurs derniers retranchements et les voir tomber malades eux aussi, après plusieurs heures de route, vol, bateau…</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Et les activités déployées pour faire passer le temps lors d’un long trajet peuvent contribuer davantage à ces sensations de malaise. On préfère en effet souvent se concentrer sur des activités stimulantes et distrayantes : lire un livre, regarder un film, jouer à des jeux vidéo ou surfer sur les réseaux sociaux… Sauf que ces tâches visuellement stimulantes nous absorbent au point que nous ne nous concentrons plus sur les informations visuelles qui nous permettent d’assimiler les mouvements du véhicule. Cela crée un conflit de perception du mouvement. Par conséquent, il devient <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0141938214000043?via%3Dihub">beaucoup plus facile de tomber malade</a>.</p>
<h2>L’ambiance à bord : des risques qui se cumulent</h2>
<p>En été, la température intérieure du véhicule est difficilement contrôlable, avec le soleil qui y impose souvent une chaleur étouffante : des conditions qui ont <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/asma/asem/2013/00000084/00000005/art00004">tendance à accentuer les symptômes de cinétose</a>.</p>
<p>Dans un milieu chaud, <a href="https://theconversation.com/lesquels-de-nos-organes-sont-les-plus-menaces-par-la-canicule-119563">notre corps doit fournir un effort pour réguler sa température</a> – par la transpiration ou la respiration par exemple. Ces différents signes sont autant de symptômes dits primaires, car ils peuvent contribuer à l’émergence d’autres symptômes plus conséquents : dilatation des vaisseaux sanguins, malaise, nausée ou vomissements le cas échéant.</p>
<p>Pour contrer ces effets, on serait tenté de mettre en route la climatisation, qui pourrait elle-même, au contraire, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/environnement-et-sante/la-climatisation-rend-elle-malade_2885673.html">aggraver la situation pour les passagers qui y sont très sensibles</a>. Les systèmes de ventilation ou d’aération de l’habitacle montrent également leurs limites.</p>
<p>Les odeurs désagréables sont un autre facteur capable <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/asma/asem/2013/00000084/00000005/art00004">d’accentuer les symptômes de malaise en voiture</a> : les odeurs de pollution, de cigarette, de renfermé ou même <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00221-015-4209-9">celle du cuir</a> seraient la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1369847819306539">deuxième cause du mal de voiture</a> ! Un scénario qui a plus de risque de se produire lors de la saison de départs en vacances, où des <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/trafic/vacances-les-vagues-de-departs-massifs-sont-associees-a-de-fortes-emissions-de-polluants_2839361.html">pics de pollution sont régulièrement enregistrés</a> et où les rayons du soleil font chauffer les matériaux. On sait par ailleurs qu’une région du cerveau (l’<em>area postrema</em>) est capable de déclencher hypersalivation et nausée rien qu’en détectant certaines odeurs – un réflexe protecteur contre les toxines et autres poisons.</p>
<h2>Le trafic routier : une contrainte physique et mentale</h2>
<p>Dans une voiture, ce n’est pas la vitesse qui rend malade mais <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/001401399184730">ses variations</a> surtout lorsqu’elles sont abruptes. Les mouvements d’accélération et de freinage seraient même les plus perturbants pour l’organisme, plus encore que la prise de virages.</p>
<p>En pratique, ces variations de vitesse sont souvent imposées par la réglementation routière (limitations, croisements, feux), mais aussi par l’état du trafic routier. Un véhicule coincé dans des embouteillages sera contraint à une succession <a href="https://www.researchgate.net/publication/366836220_Effect_of_Horizontal_Acceleration_and_Seat_Orientation_on_Motion_Sickness_in_Passenger_Cars">d’accélérations et de décélérations éprouvantes même à basse vitesse</a>.</p>
<p>Et les embouteillages ajoutent aussi une contrainte psychologique. Avec l’allongement du temps de trajet, déjà long potentiellement, l’anxiété quant à l’heure d’arrivée qui recule, la fatigue, le stress, l’agacement… viennent plomber le moral des passagers. Il a été observé que de tels facteurs <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0018720819876139">influencent significativement le niveau de sévérité des symptômes</a>.</p>
<p>Mieux vaut donc prendre son mal en patience et garder l’esprit détendu ! Ce qui est, il est vrai, plus facile à dire qu’à faire…</p>
<h2>Quelques astuces pour limiter les dégâts</h2>
<p>Si vous prenez la route avec des passagers susceptibles de tomber malades, ou alors si vous êtes vous-même sensible, sachez que quelques changements dans vos habitudes de voyage peuvent vous aider. Nous les reprenons ici.</p>
<p>● <strong>En tant que conducteur :</strong></p>
<ul>
<li><p><strong>Faites des pauses régulières</strong>. Ce qui permet aux passagers de s’aérer et de réduire de manière significative voire faire disparaître leurs symptômes. Parfois les symptômes peuvent mettre du temps à se dissiper, mais <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-vestibular-research/ves7-6-01">15 à 30 minutes suffisent généralement</a>.</p></li>
<li><p><strong>Essayez de limiter les accélérations et décélérations brutales</strong>. Roulez autant que possible à une vitesse constante et adoptez une conduite souple y compris lorsque vous dépassez ou freinez.</p></li>
<li><p><strong>Évitez de tourner trop brutalement dans les virages</strong> sur des routes sinueuses. Les passagers doivent être <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00140139.2015.1109713">les moins déséquilibrés dans leurs sièges que possible</a>. </p></li>
</ul>
<p>● <strong>Pour les passagers :</strong></p>
<ul>
<li><p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/001401399184730"><strong>Installez-vous le plus à l’avant possible du véhicule</strong></a>. Les mouvements y sont mieux assimilables. <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00140139108964831">C’est en conduisant que l’on est le moins affecté</a> puisque les mouvements du véhicule sont parfaitement contrôlés.</p></li>
<li><p><strong>Évitez de vous concentrer sur des écrans</strong> et autres contenus visuels (livres, etc.), surtout si le véhicule ne roule pas à une vitesse constante. À la place, <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1348/000712699161594">essayez de regarder par la fenêtre</a> loin devant en direction de l’horizon.</p></li>
<li><p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00140139.2015.1109713"><strong>Fermez les yeux</strong></a> ou <a href="https://psycnet.apa.org/record/1976-12574-000"><strong>essayez de dormir</strong></a>. Ralentir son activité contribue à apaiser le corps.</p></li>
<li><p><a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-27928-8_26"><strong>Inclinez votre siège en arrière</strong></a>. Cela permet d’être moins déstabilisé par les mouvements du véhicule.</p></li>
<li><p><strong>Privilégiez des activités ludiques</strong> avec d’autres passagers en cas d’ennui : jouer à « par la fenêtre je vois… », <a href="https://theses.gla.ac.uk/80069/1/13905209.pdf">chanter</a>, compter les voitures d’une couleur/marque spécifique et autres activités aussi désuètes qu’efficaces contribuent à faire passer le temps et surtout à <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-vestibular-research/ves00541">moins se focaliser sur le malaise ressenti</a>. La psychologie joue en effet un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1995-10459-001">rôle prépondérant</a> dans le développement et la disparition des symptômes !</p></li>
</ul>
<p>Enfin, compte tenu du rôle prédominant de la psychologie dans l’évolution des symptômes, sachez que des passagers se sentant malades pourraient se sentir mieux avec un simple placebo (une solution sans effet démontré mais annoncée comme efficace). Des techniques simples peuvent <a href="https://academic.oup.com/jtm/article/5/2/89/1801039">se montrer particulièrement efficace</a>. Par exemple, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00221-021-06303-5">proposer un bonbon, un chewing-gum</a>, une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00221-017-5009-1">gorgée d’eau ou de respirer un peu d’air frais</a> en vantant leurs mérites pour lutter contre les symptômes peut avoir son petit effet.</p>
<p>Nous vous souhaitons donc bonne route, en espérant que le voyage se fera dans les meilleures conditions !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208258/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Emond reçoit dans le cadre de sa thèse un financement de la société Mercedes-Benz AG.</span></em></p>C'est l'heure des grands départs en vacances… et de leur cortège de nausées en voiture. Objectivement, nous sommes plus malades lors de ces trajets interminables ! Voici pourquoi.William Emond, Doctorant en mal des transports (PhD Student on carsickness mitigation), Université de Technologie de Belfort-MontbéliardLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2079642023-06-28T20:07:45Z2023-06-28T20:07:45ZComment la pollution atmosphérique impacte la pratique sportive<p>Régulièrement, des épisodes de pollution de l’air viennent faire l’actualité – comme encore récemment dans plusieurs régions de France. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) les définit comme des « contaminations de l’environnement intérieur ou extérieur <a href="https://www.who.int/fr/health-topics/air-pollution#tab=tab_1">par un agent chimique, physique ou biologique qui modifie les caractéristiques naturelles de l’atmosphère</a> ».</p>
<p>Il est aujourd’hui <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-quand-respirer-devient-dangereux-129819">largement admis que ce phénomène a un impact sur la santé de la population en général</a>… Mais qu’en est-il pour les sportifs en particulier ? Sont-ils concernés par des risques spécifiques du fait de leur pratique ? </p>
<p>Pour mieux cerner ce vaste sujet, il est important de revenir aux bases : quelles sont les particules les plus dangereuses, et quelles sont les principales sources…</p>
<h2>Les principaux polluants atmosphériques</h2>
<p>L’OMS a classé les <a href="https://www.who.int/publications/i/item/9789240034228">différents polluants, et s’est intéressée à leurs effets physiologiques</a>. Les plus importantes sont :</p>
<p>● <strong>Les particules (PM) en suspension</strong>, de taille et de composition chimique variée. Les particules de 20 μm de diamètre (PM20) retombent rapidement, et sont donc peu nombreuses sauf dans les zones d’émission. Les PM10 (diamètre inférieur ou égal à 10 µm), PM2,5 et les particules ultrafines (PM<0,1µm) sont les plus fréquentes dans l’atmosphère.</p>
<p>Plus elles sont petites, plus elles impactent nos organes, provoquant le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32363462/">développement ou l’exacerbation de pathologies respiratoires ou cardio-vasculaires</a>, etc. L’exposition aux PM2,5 (même à des taux inférieurs aux normes en vigueur) peut <a href="https://www.bmj.com/content/367/bmj.l6609.long">augmenter le risque d’accident vasculaire cérébral, de déficits cognitifs, de démence et de maladies d’Alzheimer et de Parkinson</a>.</p>
<p>● <strong>Le monoxyde de carbone (CO)</strong>, gaz formé lors de la combustion incomplète d’éléments carbonés. Véhicules à moteur, chauffages, incinérateurs, raffineries et nombre d’industries en sont de gros producteurs. Nos globules rouges ayant une affinité beaucoup plus forte pour le CO que pour le dioxygène (O<sub>2</sub>), il provoque une diminution rapide de l’oxygénation sanguine parfois jusqu’à la mort.</p>
<p>● <strong>Le dioxyde de soufre (SO<sub>2</sub>)</strong>, gaz soufré d’origine volcanique et industrielle. Si les émissions ont considérablement diminué ces dernières années dans les pays développés, ce n’est pas le cas partout – notamment lorsque mazout et diesel à haute teneur en soufre restent très utilisés. L’exposition au SO<sub>2</sub> provoque une augmentation des hospitalisations et décès de causes cardio-vasculaire ou respiratoire.</p>
<p>● <strong>Les oxydes d’azote (NOx)</strong>, gaz issu de combustibles riches en azote, issu du trafic routier ou des générateurs électriques principalement. Le dioxyde d’azote (NO<sub>2</sub>) est lui-même le précurseur clé d’une série de polluants secondaires d’origine photochimique, tels que l’ozone et les particules organiques, de nitrate et de sulfate mesurées comme PM10 ou PM2,5.</p>
<p>● <strong>Les composés organiques volatiles (COV)</strong>. Ils peuvent provenir d’une fuite de systèmes sous pression (gaz naturel, méthane, etc.) ou d’échappement, de l’évaporation d’un carburant (benzène, etc.) comme de la fumée de cigarette ou de produits ménagers. Leurs effets vont de la simple gêne olfactive à des effets cancérigènes. De plus, en se dégradant dans l’atmosphère du fait du rayonnement solaire et de la chaleur, ils provoquent la formation d’autres composés nocifs tels que l’ozone.</p>
<p>● <strong>L’ozone (O<sub>3</sub>)</strong>, un des <a href="https://theconversation.com/vers-une-accentuation-des-episodes-de-pollution-a-lozone-191454">polluants atmosphériques les plus répandus</a>. Il se forme à partir d’une réaction chimique entre les oxydes d’azote (NOx), le CO, la lumière du soleil et les hydrocarbures. Déplacé par le vent, il se concentre au niveau des grandes villes et les reliefs environnants, surtout par temps ensoleillé.</p>
<p>L’ozone est un fort irritant respiratoire, qui augmente les admissions hospitalières et décès, notamment chez les personnes atteintes de pathologies respiratoires. Il est également <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29103040/">impliqué dans le déclin cognitif</a>, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28063597/">démence</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25310992">maladie d’Alzheimer</a>.</p>
<h2>Normes des polluants</h2>
<p>La recherche sur le lien entre pollution et santé a permis à l’OMS d’établir des <a href="https://apps.who.int/iris/handle/10665/345329">seuils à ne pas dépasser</a>. Ces valeurs ont servi à la mise en place d’indices de qualité de l’air et de conseils pratiques – notamment en termes d’activité physique. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Niveaux pour les principaux polluants (particules fines, ozone, dioxyde d’azote et dioxyde de soufre)" src="https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=420&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532445/original/file-20230616-17-fk8rk1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=528&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Code couleurs pour l’indice de qualité de l’air de l’Agence Européenne de l’Environnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Agence Européenne de l’Environnement</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces indices ont un code couleur qui va de vert (bonne qualité de l’air) à violet foncé (mauvaise). On peut les retrouver sur les sites ou d’<a href="http://www2.prevair.org/">organismes officiels nationaux</a> ou régionaux, comme <a href="https://www.atmosud.org/">AtmoSud (région sud)</a> ou <a href="https://www.airparif.asso.fr/">AirParif (région Parisienne)</a>. Il en existe d’autres, internationaux, donnant une <a href="https://aqicn.org/map/france/fr/">vue d’ensemble</a> en <a href="https://www.iqair.com/fr/france">France</a>.</p>
<h2>Quand être vigilant lorsque l’on s’entraîne ?</h2>
<p>Dans certaines circonstances, la pratique sportive doit inciter à la vigilance… en extérieur comme en intérieur.</p>
<ul>
<li><strong>En cas de fort trafic automobile</strong></li>
</ul>
<p>La combustion de l’essence ou du diesel entraîne la production de gaz d’échappement contenant une série de polluants potentiellement nocifs : CO, NOx, COV et PM. En cas de chaleur et de températures élevées, de l’O<sub>3</sub> peut également se former en grande quantité.</p>
<p>L’usure des composants des freins et des pneus ainsi que du revêtement routier sont à prendre en compte. De même que la mise en suspension de particules de la surface de la route, par les turbulences générées ou par les forces de cisaillement entre le pneu et le sol.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-toutes-les-particules-fines-nont-pas-les-memes-effets-sur-la-sante-161261">Pollution de l'air : toutes les particules fines n’ont pas les mêmes effets sur la santé</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les stades, souvent construits à proximité de grands axes routiers (pour en faciliter l’accès) et de parkings, sont donc des lieux potentiellement pollués au moment des matchs. À New Delhi, le marathon se déroule ainsi régulièrement dans des <a href="https://www.courrierinternational.com/dessin/delhi-un-semi-marathon-malgre-la-pollution">conditions dangereuses pour la santé</a>.</p>
<ul>
<li><strong>Lors d’épandages agricoles</strong></li>
</ul>
<p>Le risque de se trouver exposé à des concentrations de pesticides est difficile à évaluer. Peu d’études en lien avec les activités sportives ont été menées, mais une revue systématique faite auprès de travailleurs des espaces verts exposés à ces substances a observé une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34352232/">augmentation de la fréquence des cancers et de la maladie de Parkinson</a> dans certains sites.</p>
<p>Une cohorte de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/8732923/">682 responsables de terrains de golf</a> aux États-Unis a également montré une surmortalité due aux cancers, en particulier de la prostate et du gros intestin, des lymphomes non hodgkiniens et des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34352232">tumeurs du cerveau ou du système nerveux</a>. </p>
<ul>
<li><strong>Pendant des mégafeux de forêt</strong></li>
</ul>
<p>Dans son sixième rapport, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) prévoit que le <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">changement climatique entraînera une hausse d’environ 30 % de la fréquence des incendies</a>, responsables de <a href="https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg2/">nombreux problèmes de santé</a>.</p>
<p>Incendies et mégaincendies libèrent de fortes concentrations de dioxyde de carbone (CO<sub>2</sub>) – entre autres polluants atmosphériques. De plus, les fumées peuvent parcourir des milliers de kilomètres et diffuser cette pollution.</p>
<p>En juin 2017, lors des incendies <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32041266/">au Portugal</a> et en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004896971832672X">Espagne</a>, les instruments de mesure des polluants avaient atteint leur limite supérieure… Au Portugal, les concentrations journalières pour les PM avaient localement dépassé pendant 7 à 14 jours les recommandations européennes et nationales.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quels-impacts-les-feux-de-foret-canadiens-peuvent-avoir-sur-la-sante-en-europe-208560">Quels impacts les feux de forêt canadiens peuvent avoir sur la santé en Europe ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>En Australie, « l’été noir » (2019-2020) a connu cinq mois d’incendies dans l’est et le sud du pays. Les fumées ont été incriminées dans les problèmes respiratoires de nombreux tennismen et women à l’Open de tennis de Melbourne. Un exemple actuel est les <a href="https://theconversation.com/quels-impacts-les-feux-de-foret-canadiens-peuvent-avoir-sur-la-sante-en-europe-208560">mégafeux de forêt au Canada</a>, et l’image impressionnante du ciel orange new-yorkais début juin avec un air « irrespirable » et des activités sportives en extérieur à limiter.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LNFuiG5W8Xc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La fumée a perturbé l’Open d’Australie en 2020.</span></figcaption>
</figure>
<ul>
<li><strong>Au cours de certaines saisons</strong></li>
</ul>
<p>En France, les exercices en plein air peuvent entraîner des expositions généralement à des PM (dont les pollens au printemps) lorsque le climat est tempéré (automne-hiver-printemps), et à l’ozone lorsqu’il fait chaud (printemps-été). Avec le réchauffement climatique, les pollens sont également de plus en plus allergisants et gagnent du terrain.</p>
<ul>
<li><strong>Sur terrain synthétique</strong></li>
</ul>
<p>Il y a quelques années, terrains de loisir et gazon artificiel (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29090445/">comprenant du pneu recyclé</a>) ont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21907387/">suscité des inquiétudes du fait de leur composition</a> : <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/CONSO2018SA0033RaEN.pdf">hydrocarbures aromatiques polycycliques, vulcanisants, plastifiants, antioxydants et métaux lourds</a>. Il y a un risque d’inhalation, d’ingestion et de contact avec des résidus problématiques.</p>
<p>Pour les PM, les risques concerneraient davantage leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30458352/">mutagénicité que la santé respiratoire directe</a>. Leur <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33513533/">quantité mesurée dans les terrains de sport</a> était supérieure aux seuils de sécurité légaux ou recommandés pour chaque composé, dont certains cancérigènes.</p>
<p>De plus, de nombreuses substances chimiques issues de la gomme de pneu ne font encore <a href="https://www.echa.europa.eu/clp-2017">l’objet d’aucune directive quant à leurs éventuels effets nocifs</a>…</p>
<ul>
<li><strong>En intérieur</strong></li>
</ul>
<p>Pratiquer en intérieur expose à des risques spécifiques. Il y a la pollution de l’air intérieur en propre, et celle provenant de l’extérieur – petites PM et ozone notamment. Ce dernier réagit souvent avec les surfaces intérieures.</p>
<p>Des études récentes, mais encore insuffisantes, ont mesuré la pollution en PM, COV et CO<sub>2</sub> dans les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29127930/">gymnases, les centres de fitness et les salles de sport</a>. Leurs concentrations sont essentiellement <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29127930/">fonction du nombre de participants, du type d’activité et de ventilation</a>. Parce qu’il remet peu en suspension les particules présentes, le yoga a <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29127930/">moins d’impact</a> que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25958360/">body attack</a> par exemple. </p>
<p>Les concentrations élevées en COV peuvent provenir du désinfectant pour les mains à base d’alcool distribué dans les centres de fitness ou les produits de nettoyage, des diffuseurs ou parfums, mais également du matériel récent (tapis, petit matériel de fitness, etc.).</p>
<h2>Effets sur la performance</h2>
<p>Il faut noter que certains sportifs sont plus sensibles que d’autres. Les effets sur la performance ont été étudiés de deux façons : en rassemblant les temps réalisés par des athlètes sur une course sur différentes saisons, et en suivant les meilleurs résultats lors de marathons internationaux. Ces résultats ont ensuite été mis en lien avec les mesures environnementales et climatiques locales.</p>
<p>● <strong>Particules.</strong> Une augmentation des PM2,5 et PM10 augmenterait le temps de course au marathon et au 5 km (<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19952812/">chez les femmes</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/36725956/">mais pas que</a>). Il y a deux explications possibles : par une baisse de la VO<sub>2</sub> max (quantité maximale d’oxygène que notre corps peut utiliser pendant l’exercice) et une augmentation de la perception de l’effort.</p>
<p>Cette corrélation existe <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32033838/">même si les seuils de l’OMS ne sont pas dépassés</a>, mais ces variations de performance ne sont alors <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30662486/">pas forcément perceptibles à l’échelle individuelle</a> ou sur des études de courte durée.</p>
<p>Chaque augmentation de 10 µg/m<sup>3</sup> de PM10 <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/19952812/">augmentait par contre le temps de course de 1,4 % chez les femmes marathoniennes</a>. Et <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/1527002518822701">plus l’air est pollué, plus les effets sont visibles</a>. Un marathonien moyen aurait mis environ 12 minutes de plus pour franchir la ligne d’arrivée lors du marathon de Beijing en 2014, lorsque l’air était très pollué, comparé à un jour où l’air aurait été moyennement pollué.</p>
<p>● L’<strong>ozone</strong> semble le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22649525/">plus impactant pour la performance</a>. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29737586/">En plus de les diminuer</a>, il <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6071610/">augmente le nombre d’abandons d’effort</a> – parfois jusqu’à 50 % en cas de concentration importante.</p>
<p>À faible concentration, les effets sont peu perceptibles au niveau de l’individu, mais un auteur a estimé la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29737586">baisse de performance à 0,39 % pour chaque augmentation d’environ 20 µg/m<sup>3</sup> d’O<sub>3</sub></a>.</p>
<p>Le plus souvent, ozone et PM combinent leurs effets. Le suivi des données de cinq Ironman se déroulant chaque année aux États-Unis sur sept ans ont permis de montrer que l’ozone impactait la performance en natation, et les PM2,5 plutôt celles en <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35940024/">cyclisme et course à pied</a>. Chaque augmentation de 20 µg/m<sup>3</sup> d’ozone augmente le temps final moyen de 1 % et chaque augmentation de 1 mg/m<sup>3</sup> de PM2,5 de 0,12 %.</p>
<p>De façon cohérente, les marathoniens les plus entraînés, finissant plus vite les épeuves, sont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35752238/">moins affectés par les effets des polluants</a>.</p>
<p>Des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34948538/">données comparables ont été obtenues pour les sports collectifs</a>. Chez des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0927537117302658?via%3Dihub">joueurs professionnels de la Bundesglia</a> et des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/37146470/">adolescents footballeurs</a>, une baisse de la distance parcourue, des efforts à haute intensité ainsi que du nombre de passes ont été reportés en lien avec la qualité de l’air.</p>
<p>Dans la National Football League aux États-Unis, il a été montré que la <a href="https://www.researchgate.net/publication/367719978_Air_Quality_and_Employee_Performance_in_Teams_Evidence_from_the_NFL">défense était moins efficace quand les PM₂⋅₅ étaient élevées</a>.</p>
<p>Les arbitres professionnels ne sont pas épargnés. Le nombre d’erreur d’arbitrage augmenterait ainsi de 11 % pour chaque hausse de 1ppm de CO (moyenne sur 3h) et de 2,6 % des PM2,5 (moyenne sur 12h).</p>
<p>Les effets de la pollution sur la performance sont souvent masqués par ceux, plus importants, de la chaleur. Ils sont pourtant bien présents et, s’ils sont parfois de faibles envergures, ils suffisent à modifier un podium ou un score qui se joue à quelques secondes…</p>
<p>L’avenir du sport dans un environnement toujours plus chaud et pollué sera-t-il de sélectionner des athlètes moins sensibles aux polluants afin d’optimiser les performances de leur équipe ? Et surtout, que fait-on de ces informations en termes de santé publique ?</p>
<hr>
<p><em>Manon Friocourt est étudiante en Master STAPS (LAMHESS, Université Côte d’Azur). Elle travaille sur les effets des polluants sur la performance, sous la direction de Valérie Bougault, et a contribué à la réalisation de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207964/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Bougault est Conseillère scientifique bénévole de l'équipe de VTT professionnelle Orbea Factory Team et a dirigé un groupe de travail sur pollution, sport et maladies respiratoires pour la commission médicale du CIO.</span></em></p>Intuitivement, on se doute que sport et pollution ne font pas bon ménage. Quels sont les effets des principaux polluants atmosphériques ? Et quand (et où) faut-il fait le plus attention ?Valérie Bougault, Maître de Conférences, Université Côte d’AzurLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2014152023-04-02T15:58:41Z2023-04-02T15:58:41ZUtiliser les objets connectés au réseau mobile pour optimiser le fret routier<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/517704/original/file-20230327-14-criepj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C9%2C1587%2C1050&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le fret routier a de nombreux impacts. Comment les limiter?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/liquidbass/5259595302/in/photolist-zGVchv-2aYFcq9-a7KSa8-djDg1K-Wbgbj6-urP3VQ-djDmch-djDg68-djDgDM-djDnrW-djDpfB-djDiJV-djDm74-djDeBN-2aKA3cZ-djDfPh-6M1SvX-2aKD884-drx6is-qqMEf2-UP2KLZ-2b3s2U7-2aKD7Gz-UXav5A-2kZuAAX-2iCQRn7-2jrQTQB-2hACAYr-urrqej-2gfb2f3-2gA9RcE-288UzAJ-Jdwmxq-fTo3nh-2j1Uf3a-cMhERY-8pqk2A-bGsv6p-a8N7z-21aVB4z-PXETWM-q7YZnc-QzvX9w-91LNrC-91HG2T-91HGU2-91LPxE-91HFMv-91LN2J-vVctU/">Liquid Oh, Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p>En France, 90 % du transport interne des marchandises est effectué par la route et engendre <a href="https://www.citepa.org/wp-content/uploads/Citepa_Rapport-Secten-2022_Transports_v1.1.pdf">plus de 9 % des émissions nationales de gaz à effet de serre</a>. Notre dépendance au secteur des transports routiers conditionne l’aménagement du territoire, les infrastructures, les réglementations, et l’action politique.</p>
<p>À cause de son impact climatique, ce secteur – et les services qu’il remplit – est appelé à se transformer. Pour cela, il faudrait comprendre finement les activités de transport routier de marchandises et leurs flux sur le territoire. Par exemple, les entrepôts et les zones logistiques sont-ils répartis et utilisés de manière optimale ? Quelles sont les priorités à établir pour réduire l’empreinte carbone de ces activités ? En optimisant et mutualisant les chargements, les parcours ? Comment favoriser les modes de transport moins polluants (train, fluvial, véhicules électriques) ? Quels effets attendre d’un changement de réglementation ? Comment dimensionner les infrastructures de demain ?</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Carte des flux de camions générée grâce au suivi d’objets connectés" src="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517685/original/file-20230327-480-bse7dd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=565&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">En suivant les objets connectés dans des poids lourds, on peut reconstruire le flux de camions correspondant à l’origine Bourgogne Franche-Comté, la destination Nouvelle-Aquitaine, et transitant par la région Auvergne-Rhône-Alpes : ici, la route la plus empruntée est la route centrale européenne atlantique, une des départementales les plus accidentogènes de France. Les autoroutes bien connues (passant par Clermont-Ferrand ou Lyon) sont utilisées aussi, mais c’est secondaire pour l’origine-destination considérée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Équipe « Flux logistiques », Orange Innovation</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Pour répondre à toutes ces questions, il est utile de connaître, en temps réel, la répartition des véhicules de fret routier sur le territoire. Le problème, c’est qu’il existe peu de données concernant ce secteur, contrairement au fret aérien ou maritime : ces deux derniers sont moins morcelés, et pour des raisons de sécurité, les positions sont connues, ce que l’on peut visualiser notamment via les plates-formes <a href="https://www.flightradar24.com/">Flightradar24</a> ou <a href="https://www.marinetraffic.com/">MarineTraffic</a>.</p>
<p>Pour le fret routier en France, les rares études statistiques sont souvent annuelles et nationales (déclarations des transporteurs, collectées et mises en forme par l’<a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277912?sommaire=4318291">Insee</a> et <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/">DataLab</a>). Elles représentent l’état du secteur mais ne donnent pas d’information du trafic en temps réel. D’autres études se font à l’échelle locale (enquête ou boucle de comptage) et sont utilisées pour mesurer le transport de marchandises dans une agglomération ou les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2213624X18302748">effets de différentes mesures</a> (livraisons de nuit, autorisations de véhicules, heures de livraison, zones de stationnement).</p>
<p>Mais globalement, la quantité et la qualité des données disponibles à propos du transport routier de marchandises restent faibles par rapport à l’impact qu’a l’activité sur la société. Ceci limite l’efficacité des décisions d’investissement ou de réglementation, qui peuvent être parfois dépassées dès leur mise en œuvre à cause du <a href="https://splott.univ-gustave-eiffel.fr/fileadmin/redaction/SPLOTT/documents/ECHO/ECHO_synthese_resultats.pdf">manque de données en temps réel</a> ou d’une <a href="http://tmv.laet.science/documents/rapports/ETMV_IdF_RF.pdf">vision trop locale</a>.</p>
<h2>Comment compter les camions 24 heures sur 24 à l’échelle d’un pays ?</h2>
<p>On peut utiliser des technologies <em>in situ</em>, par exemple des détecteurs le long de la route, et les technologies de collecte et d’analyse de « Floating Car Data », avec par exemple les <a href="https://www.researchgate.net/profile/Guillaume-Leduc/publication/254424803_Road_Traffic_Data_Collection_Methods_and_Applications/links/55645c3008ae8c0cab37c8c8/Road-Traffic-Data-Collection-Methods-and-Applications.pdf">données GPS ou cellulaires</a>.</p>
<p>Les données GPS permettent une localisation et une estimation de vitesse précises et de plus en plus de véhicules en sont équipés mais elles restent assez peu accessibles (car sensibles pour les entreprises).</p>
<p>Les données cellulaires compensent leur faible précision notamment en s’appuyant sur un grand nombre de dispositifs répartis sur l’ensemble du territoire et il est possible de construire des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2214367X17300224?via%3Dihub">indicateurs généraux de mobilité</a>, notamment grâce à leur volume important.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Orange, avec le projet « Flux logistiques », tente d’établir un observatoire du transport routier de marchandises, reposant sur l’analyse anonymisée de données de signalisation mobile. Le but est de fournir, en temps réel, des statistiques sur les flux de véhicules de fret routier respectueuses de la vie privée et du secret des affaires.</p>
<p>Nous exploitons les données des objets connectés au réseau Orange, par exemple des modems et applications embarqués dans des poids lourds ou des véhicules utilitaires légers (qui font partie d’une flotte d’entreprise pour la majeure partie d’entre eux), mais pas les données des smartphones.</p>
<p>Cette exploitation se fait en conformité avec le cadre réglementaire de traitement des données personnelles en France : les clients seront informés mais il n’est pas nécessaire de demander le consentement dans un cas comme celui-là, car nous anonymisons les données « à bref délai » (dans les minutes qui suivent leur collecte), <a href="https://www.cnil.fr/en/node/24869">respectant ainsi les préconisations de la CNIL</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=463&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517687/original/file-20230327-14-ijw4rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=581&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Origines et destinations des camions dans le sud-ouest de la France, visualisées en suivant les objets connectés dans des poids lourds. On retrouve les deux principales zones d’entrées et sorties vers l’Espagne. L’échelle spatiale correspond à environ 1/8ᵉ de département et l’épaisseur des arcs en orange est proportionnelle au nombre de poids lourds effectuant l’origine-destination correspondante.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Équipe « Flux logistiques », Orange Innovation</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Visualiser des flux de camions à partir de données du réseau mobile</h2>
<p>Nous commençons par la construction d’une base de données expérimentale, à durée de vie limitée, au sein de laquelle l’identifiant de chaque objet connecté est supprimé et remplacé par un pseudo unique. Les données que nous utilisons correspondent principalement aux localisations des différentes antennes auxquelles les objets se connectent au cours du temps.</p>
<p>À l’aide de ces données, on détermine par exemple des vitesses, des directions de déplacements, ou des routes empruntées. Pour ne conserver que les objets embarqués dans des camions, nous utilisons des <a href="http://danida.vnu.edu.vn/cpis/files/Refs/LAD/Algorithm%20AS%20136-%20A%20K-Means%20Clustering%20Algorithm.pdf">méthodes</a> de <a href="https://larevueia.fr/clustering-les-3-methodes-a-connaitre">« clustering »</a>. Puis, nous déterminons les flux de camions dans une zone géographique pendant une certaine durée (origines et destinations).</p>
<h2>Anonymiser les données</h2>
<p>Pour des questions éthiques et légales de protection de vie privée et du secret des affaires, nous appliquons de manière simultanée un algorithme d’anonymisation irréversible, basé notamment sur le <a href="https://www.worldscientific.com/doi/abs/10.1142/S0218488502001648">k-anonymat</a> et la <a href="https://link.springer.com/chapter/10.1007/11787006_1"><em>differential privacy</em></a>, ce qui garantit l’anonymat des données calculées et permet de les protéger de tout type d’attaque.</p>
<p>Cela permet de respecter les exigences du RGPD et de la <a href="https://edps.europa.eu/data-protection/data-protection/legislationen">directive européenne « Vie privée et communications électroniques » en Europe</a>, et plus particulièrement en France de leurs déclinaisons légales dans la <a href="https://www.cnil.fr/fr/la-loi-informatique-et-libertes">Loi Informatique et Libertés</a> et dans le <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGITEXT000006070987/">Code des Postes et Télécommunications Électroniques</a>.</p>
<p>L’idée du clustering est de créer des groupes de véhicules du même type (poids lourd, véhicule utilitaire léger) ayant un comportement similaire (transport longue distance, tournées, trajet, etc.), et de publier le nombre de véhicules présents dans chaque groupe. Cela permet d’éviter de publier des données concernant un véhicule en particulier, ce qui est illégal. De plus, il est nécessaire de bruiter les statistiques calculées, de sorte à les rendre inattaquables, par exemple en modifiant légèrement le nombre de véhicules présents dans les groupes, tout en conservant le bon ordre de grandeur.</p>
<h2>Extrapoler les statistiques</h2>
<p>La dernière étape consiste à extrapoler le nombre de camions détectés sur le réseau Orange, pour obtenir une bonne approximation du nombre de camions réel. Cette dernière étape est faite à l’aide d’autres sources de données nous donnant le nombre réel de camions à certains endroits du territoire, comme des photos satellites, ou des <a href="http://trafic-routier.data.cerema.fr/siredo-donnees-disponibles-dans-une-station-de-a16.html">stations de comptage</a>. Ces sources ne sont pas accessibles en temps réel, un satellite remontant typiquement une photo par jour.</p>
<h2>Comment ces données pourraient aider à limiter les impacts du fret routier</h2>
<p>Le but de ce projet est de fournir des statistiques en temps réel pour que les acteurs du fret routier puissent améliorer le fonctionnement de ce secteur et en limiter les impacts (empreinte carbone, pollution sonore, stationnement, congestion, etc.) par des actions collectives conduisant à des véhicules mieux remplis, des trajets plus courts ou des reports modaux. Les enjeux sont considérables quand on sait qu’il existe <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=Road_freight_transport_by_journey_characteristics">20 % de kilomètres à vide et des taux de remplissage de l’ordre de 65 % pour les camions en Europe</a>.</p>
<p>De telles données pourraient aider à positionner des hubs de transfert de marchandises sur des flux compatibles entre la route et le ferroviaire ou le fluvial. Les expéditeurs pourraient se servir de ce type de données pour découvrir ces potentiels et mutualiser leurs chargements.</p>
<p>Les collectivités acteurs de l’aménagement du territoire entreraient dans des boucles d’apprentissage renforcées et rapides en mesurant beaucoup plus rapidement (grâce à ces nouvelles statistiques en temps réel) l’effet d’une nouvelle réglementation sur les trajets, les temps de parcours pour les livraisons ou les places de parking en ville.</p>
<p>Dans le cadre de la transition énergétique, les travaux en cours permettront, par la connaissance du nombre des trajets, des arrêts et de leurs horaires, de quantifier les besoins énergétiques sur les principaux axes de circulation. L’identification de véhicules électriques pourrait aider à mieux positionner les bornes de recharge et le dimensionnement du réseau électrique par une connaissance plus fine de la dynamique des besoins.</p>
<p>Ces observations du trafic ouvrent aussi la voie à d’autres applications : comment, à partir de telles statistiques anonymes représentant des quantités de déplacement, modéliser les émissions de gaz à effet de serre ? Pour notre équipe, il s’agira d’établir un état de l’art critique de ces modèles, d’effectuer une première implémentation et de chercher à la valider avec des données de référence. Ces travaux sont engagés depuis le début de l’année 2023.</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié en partenariat avec le laboratoire d'Orange Innovation.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201415/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémy Scholler travaille pour Orange et prépare un doctorat à l'université de Franche-Comté, en collaboration avec Mines Paris. Ce projet, financé par Orange, est réalisé en partenariat avec des acteurs académiques comme l'Université de Franche-Comté et la Chaire Internet Physique des Mines de Paris ainsi qu'avec des collectivités territoriales comme la Région Ile de France et la Ville de Paris.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Les travaux de Eric Ballot au CGS ont reçu des financements de Commission Européenne pour des projets de recherche mais aussi de plusieurs entreprises: Géodis, GS1 France, Orange et P&G. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Couchot a reçu des financements de la Région Bourgogne Franche Comté pour étudier/proposer des méthodes permettant de renforcer la fiabilité des analyses respectueuses de la vie privée. Il a aussi reçu des financements de la société Orange pour encadrer des doctorats en contrat CIFRE dans cette société.</span></em></p>Des données en temps réel et à l’échelle du pays seraient utiles pour optimiser le fret par camion, un secteur très morcelé et moins surveillé que le fret aérien ou maritime.Rémy Scholler, Doctorant Data Science, Protection des Données Personnelles, Logistique & Étude de la mobilité, Orange Innovation, Université Bourgogne Franche-Comté (UBFC)Eric Ballot, Professeur, chaîne logistique, Mines ParisJean-François Couchot, Professeur des Universités en Informatique, Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1874542022-08-30T18:51:24Z2022-08-30T18:51:24ZEst-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/475391/original/file-20220721-24-1lnoe3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=41%2C7%2C1128%2C774&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">D’après l’Agence internationale de l’énergie, il y a eu au moins 35&nbsp;millions de SUV en plus sur les routes du monde entier en 2021.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Rows_of_car_headlights_(Unsplash).jpg">Wikimedia commons</a></span></figcaption></figure><p>D’après une étude publiée dans <em>The Lancet</em> Public Health, les blessures causées par les accidents de la route devraient coûter à l’économie mondiale 1 800 milliards de dollars entre 2015 et 2030, soit <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanplh/article/PIIS2542-5196(19)30170-6/fulltext">0,12 % du PIB mondial chaque année</a>. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évaluait en 2018 à 1 350 000 le nombre de décès dans le monde des suites d’un accident de la route (contre moins de 1 200 000 en 2000). Dans plus de la moitié des cas, les victimes sont les usagers les plus vulnérables : les cyclistes et les piétons.</p>
<p>Un élément clé de ce problème reste la conduite des automobilistes. Les mesures de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/securite-routiere-48255">sécurité routière</a>, concernant les équipements de sécurité des véhicules ou le code de la route, se sont multipliées ces dernières décennies. Avec un certain succès en Europe et dans l’est de l’Asie, où la mortalité a reculé. Mais la tendance reste à la hausse ailleurs.</p>
<iframe src="https://extranet.who.int/roadsafety/death-on-the-roads?embed=true#trends" style="border: 0; width: 100%; height: 700px" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Dans les politiques de sécurité routière, le lien entre comportement à <a href="https://theconversation.com/fr/topics/risque-42755">risque</a> des conducteurs et taille des voitures n’a guère été pris en compte dans l’équation. Or, c’est en comprenant ce qui pousse les conducteurs à prendre des risques que l’on pourrait aussi réduire les accidents de la route et limiter leurs impacts sur la société.</p>
<p>Ce lien entre taille des voitures et prise de risque n’a rien d’évident. D’un côté, les consommateurs se sentent rassurés lorsqu’ils choisissent de grosses voitures. De l’autre, les statistiques indiquent que les grosses voitures sont beaucoup <a href="https://doi.org/10.1016/j.trb.2013.01.007">plus souvent impliquées dans les accidents</a>, ce qui pourrait laisser penser que les conducteurs de grosses voitures prennent plus de risques.</p>
<h2>« Coussin de sécurité »</h2>
<p>Les grosses voitures sont de plus en plus nombreuses sur les routes. D’après l’Agence internationale de l’énergie, il y a eu au moins <a href="https://www.iea.org/commentaries/global-suv-sales-set-another-record-in-2021-setting-back-efforts-to-reduce-emissions">35 millions de SUV en plus sur les routes</a> du monde entier en 2021, avec des niveaux record en France, au Royaume-Uni, en Allemagne et en Chine.</p>
<p>Dans le même temps, les modèles les plus vendus ont pris du volume depuis quelques décennies. Une <a href="https://www.zuto.com/car-size-evolution/">étude menée par le courtier en crédit spécialisé britannique Zuto</a> fournit quelques exemples intéressants : la taille de la Ford Mustang a augmenté de 63 % depuis 1964, et la Mini de 61 %.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Si la taille des véhicules influence le comportement des automobilistes, cette course au volume aura des répercussions négatives sur les accidents de la route. Ce constat nous a conduits à étudier l’idée suivante dans <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s10603-022-09511-w">nos recherches</a> : les grosses voitures donneraient-elles aux conducteurs l’impression de disposer d’un « coussin de sécurité » qui les inciterait à prendre plus de risques ?</p>
<p>Nous avons utilisé un simulateur extrêmement réaliste de formation des conducteurs pour tester les différences de conduite entre les petites et les grosses voitures. Les réglages du simulateur sont restés identiques mais on a indiqué aux participants qu’ils étaient au volant soit d’une petite voiture (Toyota Yaris), soit d’une grande voiture (Toyota Avensis Wagon). On leur a demandé de conduire normalement pendant la simulation.</p>
<p>Les résultats ont montré que les participants qui pensaient être au volant d’une grosse voiture ont conduit de manière plus sportive et ont eu un comportement plus risqué qu’avec une plus petite voiture. La voiture était pourtant la même, avec une réaction identique lorsqu’on appuie sur l’accélérateur ou sur le frein. Seul le comportement changeait. Ils se pensaient donc mieux protégés dans les grosses voitures et prenaient plus de risques.</p>
<h2>Une prise de risque globale plus élevée</h2>
<p>Une seconde expérience a montré que cette prise de risque globale plus élevée a d’autres conséquences. Nous nous sommes demandé si les conducteurs prenaient aussi plus de risques une fois sortis de leur véhicule, et nous avons relevé que le sentiment de sécurité que procure la voiture constituait effectivement un bon indicateur de la prise de risque globale, c’est-à-dire également en dehors de la route.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>D’autres études étayent ce constat. Par exemple, de précédentes recherches ont montré que les chauffeurs de poids lourds ont souvent un accident peu de temps après avoir quitté leur véhicule. L’explication est que le sentiment de sécurité ressenti à l’intérieur du camion se prolonge en dehors du véhicule et <a href="https://doi.org/10.1016/S0001-4575(96)00084-X">conduit à une prise de risque excessive</a>.</p>
<p>La prise de risque se décline donc à différents niveaux, au volant de la grosse voiture puis une fois hors de l’habitacle. L’effet de « coussin de sécurité » peut d’ailleurs inciter une personne à acheter ou non un billet de loterie dans une station-service, ou bien une boisson plutôt qu’une autre.</p>
<h2>Un nouveau malus en France</h2>
<p>Ces résultats incitent donc les gouvernements à privilégier la piste d’une taxation au poids ou à la taille du véhicule, qui existe déjà dans de <a href="https://www.acea.auto/uploads/news_documents/ACEA_Tax_Guide_2020.pdf">nombreux pays d’Europe</a>, dans un objectif de sécurité routière. En France, une loi qui impose un <a href="https://www.economie.gouv.fr/cedef/malus-vehicules-polluants">malus à partir de 1800 kg</a> est entrée en vigueur depuis 2022.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-interdire-les-vehicules-thermiques-175572">« Le pour et le contre » : Faut-il interdire les véhicules thermiques ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Ces mesures se justifieraient d’autant plus que les grosses voitures peuvent aussi provoquer des dommages plus importants en cas d’accident en raison de leur taille et éprouvent davantage les infrastructures : elles abîment plus les routes et ont besoin de plus d’espace pour le stationnement.</p>
<p>Sachant cela, les infrastructures peuvent aussi être conçues de manière à sauver des vies. En effet, si les rues sont plus étroites, la prise de risque des conducteurs de gros véhicules sera moindre car ils ralentiront.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187454/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bart Claus a reçu des financements de la gouvernement Belge pour soutenir ces recherches doctorales: Belgian Federal Science Policy Office BELSPO Grant FSB-CBSM SD/TA/11.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Luk Warlop ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une étude montre que les conducteurs des véhicules les plus imposants tendent à prendre plus de risques au volant – mais aussi hors de la route.Bart Claus, Assistant professor of marketing, IÉSEG School of ManagementLuk Warlop, Professor of Marketing, BI Norwegian Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820732022-05-15T16:00:16Z2022-05-15T16:00:16ZPollution de l’air : diviser par trois la mortalité tout en étant économiquement rentable, c’est possible !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/462285/original/file-20220510-10405-8t3is2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C7360%2C4792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dans la métropole grenobloise comme ailleurs, l’amélioration de la qualité de l’air passe notamment par le vélo et les transports en commun. Mais le jeu en vaut la chandelle.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/diqJhQtHHNk">Fabe collage / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), <a href="https://www.who.int/fr/news/item/02-05-2018-9-out-of-10-people-worldwide-breathe-polluted-air-but-more-countries-are-taking-action#:%7E:text=Les%20recommandations%20de%20l%E2%80%99OMS,les%20PM2%2C5">dans le monde 9 personnes sur 10 respirent un air contenant des niveaux élevés de polluants</a>. Les conséquences en matière de santé sont dramatiques, puisque l’OMS estime que l’exposition aux <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-toutes-les-particules-fines-nont-pas-les-memes-effets-sur-la-sante-161261">particules fines</a> dans l’air extérieur est responsable de plus de 4 millions de décès par an. L’organisation a d’ailleurs significativement durci, fin 2021, <a href="https://www.who.int/fr/news/item/22-09-2021-new-who-global-air-quality-guidelines-aim-to-save-millions-of-lives-from-air-pollution">ses valeurs guides en matière de pollution de l’air</a>.</p>
<p>Les pays les plus touchés sont les pays à revenu faible ou intermédiaire, qui totalisent 90 % des décès dus à la pollution de l’air, mais les autres pays sont également concernés. Ainsi, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/pollution-de-l-air-l-oms-revise-ses-seuils-de-reference-pour-les-principaux-polluants-atmospheriques#:%7E:text=La%20pollution%20atmosph%C3%A9rique%20constitue%20un,lien%20avec%20l%E2%80%99air%20ambiant.">selon Santé publique France</a>, dans notre pays la pollution de l’air par les particules fines (PM<sub>2,5</sub>) serait en moyenne responsable d’une perte d’espérance de vie de près de 8 mois pour les personnes âgées de 30 ans et plus. Chaque année, près de 40 000 décès peuvent lui être attribués. </p>
<p>Ces impacts sanitaires se traduisent en impacts économiques conséquents. Ainsi, les coûts économiques de la pollution atmosphérique sur la santé étaient estimés en 2010 à environ 1 700 milliards de dollars dans les pays de l’OCDE, et rien qu’en France, les coûts directs et indirects, <a href="http://www.senat.fr/rap/r14-610-1/r14-610-11.pdf">à 100 milliards d’euros par an</a>. Pourtant, l’argument économique est parfois évoqué pour justifier de la faible ambition des politiques visant à réduire la pollution atmosphérique, alors même que les mesures de lutte contre la pollution ne donnent, en France, jamais lieu à une évaluation économique de leurs coûts et bénéfices.</p>
<p>Pour combler ces lacunes, nous avons développé le projet interdisciplinaire <a href="https://mobilair.univ-grenoble-alpes.fr/">MobilAir</a>. Son ambition était notamment de répondre à deux questions majeures : quelles mesures adopter pour atteindre un objectif prédéterminé de réduction de l’impact sanitaire de la pollution atmosphérique en ville ? Quels en seraient les coûts et les bénéfices ? </p>
<p>Voici la démarche qui a été appliquée à l’échelle de l’agglomération grenobloise, ainsi que les résultats obtenus. Une approche qui est, en principe, transposable à toute agglomération…</p>
<h2>Évaluer l’impact économique de la pollution de l’air</h2>
<p>Si, en France, aucune évaluation économique n’est menée pour comparer les coûts et les bénéfices liés à la mise en place d’actions de réduction de la pollution, ce n’est pas le cas partout : aux États-Unis, par exemple, le <em>Clean Air Act</em> rend obligatoires de telles évaluations. Ces dernières ont démontré que les coûts de réduction de la pollution sont entre <a href="https://www.epa.gov/clean-air-act-overview/benefits-and-costs-clean-air-act-1990-2020-second-prospective-study">3 et 90 fois</a> moins importants que les bénéfices que ces mesures génèrent. </p>
<p>La première étape du projet MobilAir a donc consisté à estimer le coût humain et économique de la pollution de l’air dans la métropole grenobloise par le biais d’une évaluation quantitative de l’impact sanitaire (EQIS) complétée d’une analyse économique. Ces <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412019300157">travaux</a> ont été publiés dans la revue scientifique <em>Environment International</em> en août 2019.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412019300157">résultats</a> indiquent que l’exposition moyenne annuelle aux particules fines (PM<sub>2,5</sub>), estimée à 13,9 μg/m<sup>3</sup> en 2016, y était responsable de 145 décès chaque année. Les coûts associés à ces impacts sanitaires ont été quant à eux évalués à 495 millions d’euros par an.</p>
<h2>Réduire des deux tiers les émissions, c’est possible</h2>
<p>Face à ce constat, une démarche a été mise en place avec les décideurs locaux pour définir des objectifs de réduction de cette surmortalité. En collaboration avec les chercheurs, trois objectifs contrastés, mais chacun d’ampleur significative ont alors été définis : diminuer de 33 %, 50 % et 67 % la mortalité attribuable aux PM<sub>2,5</sub> en 2021, 2025 et 2030, respectivement, par rapport au bilan établi pour 2016.</p>
<p>Le travail de modélisation interdisciplinaire, qui s’est déployé sur trois années, a regroupé des spécialistes de la pollution de l’air d’<a href="https://www.atmo-auvergnerhonealpes.fr/">Atmo Auvergne-Rhône-Alpes</a>, des épidémiologistes de l’<a href="https://www.inserm.fr/">Inserm</a>, des économistes de l’environnement du <a href="https://www.cnrs.fr/fr/page-daccueil">CNRS</a>, ainsi que des spécialistes des transports de l’<a href="https://www.inrae.fr/">Inrae</a>. Cette chaîne de modélisation est basée sur diverses sources de données : données de pollution directement produites par Atmo Auvergne-Rhône-Alpes, données issues de la surveillance sanitaire, données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), données provenant d’enquêtes de mobilité ainsi que de la littérature scientifique, spécialisée en santé et en économie.</p>
<p>Cette approche a permis d’identifier les politiques à appliquer dans les deux secteurs contribuant le plus à la pollution afin d’atteindre les objectifs fixés.</p>
<h2>Chauffage au bois et trafic routier : d’importants émetteurs de particules fines</h2>
<p>Le chauffage au bois et le trafic routier sont les principaux émetteurs de PM<sub>2,5</sub> dans l’agglomération grenobloise. À l’échelle de la métropole grenobloise, ces deux secteurs représentent respectivement 63 % et 17 % des émissions (données Atmo AuRA). </p>
<p>Les PM<sub>2,5</sub> produites par le trafic routier proviennent non seulement de la combustion du diesel (émissions à l’échappement), mais aussi de l’abrasion des freins et de la resuspension des particules lors du frottement des roues sur le bitume. Alors que le renouvellement du parc de véhicules diesel permet de réduire les émissions à l’échappement (notamment pour les véhicules diesel correspondants aux <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/normes-euros-demissions-polluants-vehicules-lourds-vehicules-propres#:%7E:text=Par%20rapport%20%C3%A0%20la%20norme%20Euro%20V%2C%20la%20norme%20Euro,et%20les%20particules%20par%2035.">normes Euro 5 et 6</a>, qui sont postérieurs à 2011), la technologie n’a aucun impact sur les émissions dues à l’abrasion et à la resuspension. De ce fait, un véhicule électrique émet lui aussi des PM<sub>2,5</sub>. </p>
<p>Pour ce qui concerne le chauffage au bois, ce sont principalement les équipements de type cheminée à foyer ouvert et poêles non performants qui participent majoritairement aux émissions du secteur.</p>
<p>Les travaux indiquaient que l’objectif le plus ambitieux, soit une diminution de 67 % des 145 décès liés aux PM<sub>2,5</sub>, est effectivement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412021006553?via%3Dihub">atteignable</a>. Il faut pour cela agir de manière combinée et ambitieuse sur le chauffage au bois et le transport.</p>
<h2>Comment procéder ?</h2>
<p>Pour le chauffage, il s’agirait de remplacer tous les équipements de chauffage au bois non performants par des poêles à granulés. Ces derniers permettent de limiter considérablement les émissions de PM<sub>2,5</sub>.</p>
<p>Dans le secteur des transports, il est nécessaire de viser une réduction d’un tiers du trafic des voitures et deux-roues dans l’agglomération. Ceci pourrait être atteint par une zone à faibles émissions (zone urbaine dont l’accès est réservé aux véhicules les moins polluants) pour le transport de marchandises et les véhicules particuliers, interdisant l’accès aux véhicules<a href="https://www.ecologie.gouv.fr/certificats-qualite-lair-critair#e5"> « Crit’air 2 » </a> et plus. </p>
<p>Irréaliste ? Non, car les données de déplacement sur l’agglomération grenobloise montrent qu’une telle diminution est atteignable en augmentant l’usage des modes de transport actifs comme alternative à la voiture. Autrement dit, pour améliorer la qualité de l’air, les nombreux trajets courts parcourus aujourd’hui en voiture devront se reporter vers la marche ou le vélo. Cerise sur le gâteau : ces reports, qui permettront de réduire la pollution, auront aussi des répercussions positives sur la santé de celles et ceux qui en feront le choix.</p>
<h2>Lutter contre la pollution de l’air : d’importants co-bénéfices sanitaires liés à l’activité physique</h2>
<p>La marche - y compris pour se rendre aux arrêts de transports en commun - et le vélo, qu’il soit classique ou à assistance électrique augmentent l’activité physique. Soulignons que la démocratisation du vélo à assistance électrique rend envisageable le remplacement de la voiture pour des trajets plus longs. Or on sait aujourd’hui tous les bénéfices pour la santé qui découlent d’une activité physique régulière.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-savoir-si-vous-etes-sedentaire-86422">Comment savoir si vous êtes sédentaire ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Les estimations des épidémiologistes montrent qu’au-delà des 96 décès par an (soit 67 % des 145 décès attribuables à la pollution atmosphérique) évités par la baisse de la pollution atmosphérique, entre 60 et 180 décès supplémentaires pourraient être évités par augmentation de l’activité physique. Ces chiffres dépendent bien entendu des modes de transport utilisés en alternative à la voiture : les scénarios avec le plus fort développement de la marche et du vélo sont ceux conduisant aux gains sanitaires les plus importants comparativement aux scénarios davantage axés sur les transports en commun. Précisons que ces chiffres tiennent compte également de l’accidentologie spécifique à chaque mode de transport.</p>
<p>Au total, avec les hypothèses les plus favorables à l’activité physique, jusqu’à 270 décès pourraient être évités chaque année dans la population grenobloise (sur une mortalité annuelle toutes causes confondues d’environ 2 600 décès).</p>
<h2>Un rapport coût-bénéfice conséquent</h2>
<p>Au-delà de ces bénéfices sanitaires considérables, ces mesures sont également très favorables d’un point de vue économique. L’analyse coût-bénéfice menée dans le cadre de ce projet a permis de comparer l’ensemble des coûts et l’ensemble des bénéfices sur les 30 prochaines années. </p>
<p>Les coûts pour la collectivité en matière de financement des mesures et des infrastructures nécessaires ont été évalués, tout comme l’impact sur les dépenses des ménages (achats d’un nouvel équipement de chauffage, impact du report modal sur les dépenses). Les bénéfices économiques liés aux impacts sanitaires (diminution de la pollution et augmentation de l’activité physique), au bruit, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et au temps passé dans les transports ont également été estimés. </p>
<p>Ces évaluations indiquent que les scénarios avec le plus fort développement des modes actifs sont ceux conduisant au bénéfice économique net total le plus élevé, générant 6,7 à 8,7 milliards d’euros sur la période de 30 ans considérée (selon que l’on intègre ou non le vélo à assistance électrique dans les options de report modal). Cela représente un bénéfice annuel net se situant entre 480 et 630 euros par habitant et par an. </p>
<p>Une hypothèse de report modal favorisant plutôt les transports en commun se traduit également par un bilan positif, quoique plus faible, d’environ 2 milliards d’euros sur la période 2016-2045 (soit 160 euros par an et par habitant). Sur l’ensemble des scénarios évalués, chaque euro investi par la collectivité sous forme d’infrastructures de transport et de subvention à l’achat de poêles à granulés générerait entre 1,1 et 4,7 euros de bénéfices.</p>
<p>Il est donc possible de mettre en place dans les collectivités des mesures permettant de réduire considérablement la pollution et ses impacts. Reste à trouver comment convaincre : impulser les changements de comportement de mobilité dans le cadre des politiques environnementales demeure aujourd’hui encore difficile. Espérons que la perspective d’améliorer considérablement leur bien-être et leur santé - en luttant contre la pollution de l’air et en pratiquant une activité physique régulière - encouragera les urbains à enfourcher plus souvent leur vélo…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182073/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>On invoque parfois l’économie pour justifier l’ambition limitée de la lutte contre la pollution de l’air. Pourtant, plus celle-ci vise haut, plus le bénéfice pour le budget - et la santé - est grand.Sandrine Mathy, Directrice de Recherche CNRS - économiste de l'environnement - Laboratoire GAEL, Université Grenoble Alpes (UGA)Hélène Bouscasse, Chercheuse INRAE, spécialisée en économie spatiale et des transport, InraeRémy Slama, Directeur de recherche en épidémiologie environnementale,, InsermStephan Gabet, Attaché temporaire d’enseignement et de recherche (ATER) en Santé publique, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1808932022-04-07T18:59:53Z2022-04-07T18:59:53ZL’effet limité de la gratuité des transports en commun sur la pression automobile<p>La gratuité des transports publics est une proposition politique récurrente. Elle est généralement présentée comme susceptible d’atteindre des objectifs à la fois écologiques et sociaux.</p>
<p>En 2018, Anne Hidalgo a envisagé de rendre les transports en commun gratuits à Paris pour lutter contre la pression automobile. Aux élections régionales de 2021, <a href="https://www.franceinter.fr/politique/regionales-2021-la-gratuite-des-transports-promesse-phare-de-la-gauche">France Inter</a> avait identifié une bonne douzaine de candidats de la gauche qui portaient des propositions similaires.</p>
<p>Aujourd’hui, plusieurs candidats à l’élection présidentielle se prononcent en faveur de différentes formes de gratuité pour les transports en commun. Jean-Luc Mélenchon propose qu’ils soient gratuits « aussi longtemps que dure la crise des carburants ». Yannick Jadot souhaite qu’ils le soient « partout en France pour six mois ». Philippe Poutou est favorable à la « gratuité totale pour tous.tes et tout le temps ».</p>
<p>Fabien Roussel souhaite « que les transports collectifs soient moins chers voire quasi-gratuits ». Jean Lassalle propose la « gratuité des transports publics pour les jeunes ». Marine Le Pen est en faveur de « la gratuité totale pour les jeunes de 18-25 ans dans les trains aux heures creuses ».</p>
<p>Les effets attendus d’une telle mesure pour Paris <a href="https://hal-sciencespo.archives-ouvertes.fr/LIEPP-REPORT/hal-02186708v1">ont été étudiés en profondeur</a> par le Laboratoire interdisciplinaire des politiques publiques (LIEPP) de Sciences Po en 2018. Les résultats ont fait l’objet d’une publication scientifique dans un numéro de la <em>Revue d’Économie Politique</em> programmé pour 2022.</p>
<p>Avant de s’intéresser aux caractères écologiques et sociaux de la mesure, il est utile de rappeler qu’il n’est en réalité jamais gratuit de rendre les transports en commun « gratuits ». Il s’agit en fait d’en faire reposer le financement sur la collectivité plutôt que sur ses utilisateurs.</p>
<h2>Approche par les coûts généralisés</h2>
<p>Pour comprendre l’impact attendu d’une mesure de gratuité généralisée pour l’environnement, il convient d’en étudier l’impact sur la pression automobile. L’approche par les coûts généralisés (issue de l’économie des transports) postule que les agents comparent leurs coûts de déplacements avec différents modes de transports et optent pour celui qui est le moins coûteux.</p>
<p>Le coût généralisé de l’utilisation d’un mode de transport a de nombreuses dimensions, monétaires et non-monétaires : il comprend le coût direct du mode de transport choisi, mais aussi le temps passé dans les transports, le temps d’attente, le confort du trajet, la fiabilité des horaires, les préférences propres à chaque utilisateur, etc.</p>
<p>Le coût direct supporté par les utilisateurs des transports en commun (le prix du ticket) ne représente qu’une faible part de leur coût généralisé. Une étude réalisée sur le métro parisien permet d’évaluer ce coût direct à moins de 5 % du coût généralisé, ce qui est inférieur à la valeur de l’inconfort dans ces métros.</p>
<p>Supprimer ce coût ne devrait donc pas engendrer un report modal important depuis l’automobile vers les transports en commun. Cette prédiction est corroborée par un <a href="https://www.iledefrance-mobilites.fr/medias/portail-idfm/fddaa02e-3023-4c7f-a7af-83ecbf6bb0b2_Rapport-Comit%C3%A9-sur-la-faisabilit%C3%A9-de-la-gratuit%C3%A9-des-transports-en-commun-en-%C3%8Ele-de-France-leur-financement-et-la-politique-de-tarification.pdf">modèle de transport calibré sur Paris</a> qui vise à quantifier précisément le report modal attendu d’un passage à la gratuité des transports publics.</p>
<p>Dans un scénario où les automobilistes seraient disposés à perdre 15 minutes de temps de trajet pour utiliser des transports en commun gratuits (et il s’agit d’une hypothèse optimiste), le report modal depuis la voiture ne concernerait que 3 % des déplacements.</p>
<p>Les expériences de gratuité menées dans des villes en France ou à l’étranger confirment qu’elle a un effet très limité sur la pression automobile.</p>
<h2>Revitalisation des centres-villes</h2>
<p>Si la mesure a souvent un effet impressionnant sur la fréquentation des transports en commun, la hausse des utilisateurs provient surtout d’un report modal depuis les modes de transport « doux », comme la marche et le vélo, ainsi que de nouveaux déplacements, non réalisés auparavant.</p>
<p>Peu d’automobilistes renoncent à prendre la voiture en réaction à cette mesure. Ceci explique que la plupart des villes ayant expérimenté la gratuité l’ont abandonnée. C’est généralement lorsque d’autres objectifs – qui ne sont liés ni à la pression automobile, ni à des objectifs sociaux – ont été atteints que la mesure a été pérennisée.</p>
<p><a href="https://www.liberation.fr/international/europe/a-tallinn-des-transports-gratuits-mais-toujours-aussi-peu-attractifs-20211106_QM3MNGYSMZAITOJRQBQLWVCGC4/">À Tallinn</a>, par exemple, cela a permis d’inverser la tendance de périurbanisation en rendant la capitale estonienne plus attractive pour les habitants qui y bénéficient de transports publics gratuits.</p>
<p>Des effets similaires de revitalisation du centre-ville ont été observés et documentés à Aubagne, Dunkerque et Hasselt, en Belgique (qui a néanmoins abandonné la mesure en 2013, après 16 années de gratuité, en raison de coupes budgétaires imposées à la ville).</p>
<p>D’autre part, les villes ayant conservé cette politique l’ont souvent fait lorsque cette gratuité était « bon marché ». Dans une ville où les transports en commun sont (très) sous-utilisés, renoncer aux recettes de la billetterie représente un coût limité et présente l’avantage de réduire les coûts de vente et de contrôle des titres de transport. Ce phénomène s’observe régulièrement dans des villes de petite et moyenne taille. Tallinn est la seule grande ville qui a instauré et conservé cette mesure.</p>
<h2>Équité sociale</h2>
<p>Pour atteindre des objectifs d’équité sociale, il est nécessaire de traiter différemment des personnes aux profils différents. Une mesure de gratuité généralisée qui s’applique sans discrimination sur les besoins ou les revenus des bénéficiaires n’a clairement pas de propriétés redistributives satisfaisantes.</p>
<p>Pour rencontrer de tels objectifs, il est préférable de cibler les publics qui en ont besoin. Il pourrait s’agir de mesures de gratuité sous conditions de revenus, mais on peut aussi s’interroger sur l’intérêt d’offrir cet avantage plutôt que des revenus supplémentaires qui permettraient aux bénéficiaires de les affecter à leurs besoins primordiaux.</p>
<p>En résumé, les objectifs environnementaux nécessitent un report modal de la voiture vers les transports en commun, mais la gratuité n’aurait pas d’impact important sur ce report.</p>
<p>D’autres options permettraient d’atteindre cet objectif. On peut augmenter le coût direct d’utilisation de la voiture à l’aide de taxes ou de péages urbains.</p>
<h2>Cibler les populations</h2>
<p>Il est intéressant de remarquer qu’actuellement, les automobilistes ne supportent qu’une faible proportion des coûts externes qu’ils génèrent (entre 7 % et 25 % en ville, en fonction du type de carburant utilisé et du niveau d’urbanisation).</p>
<p>On peut aussi réduire l’espace qu’on accorde à la voiture dans les villes, améliorer les infrastructures de transport en commun, leur fréquence, le maillage du territoire, etc.</p>
<p>Une option pourrait être de mettre en place un <a href="https://www.lagazettedescommunes.com/743891/bercy-plaide-a-nouveau-pour-le-peage-urbain/">péage urbain</a> qui servirait à financer des investissements dans de nouvelles lignes de transports en commun, un meilleur service et plus de confort.</p>
<p>La gratuité généralisée ne constitue pas une bonne mesure sociale : si on estime que la meilleure manière d’aider certaines populations passe par la gratuité des transports publics, il faut les cibler directement et exclusivement. La technologie permet facilement d’appliquer des tarifs différenciés en fonction de la situation socio-économique des bénéficiaires ciblés (chômeurs, étudiants, etc.).</p>
<p>Une mesure de gratuité uniforme pour les transports publics ne se justifie donc pas aujourd’hui, ni au nom d’objectifs environnementaux, ni au nom d’objectifs sociaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180893/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin David était responsable du rapport réalisé pour le compte du LIEPP de Sciences Po qui a chargé par la Marie de Paris d'étudier les effets attendus de la gratuité des transports en commun à Paris sur la pression automobile en 2018.</span></em></p>Plusieurs candidats à la présidentielle proposent la gratuité des transports en commun. Mais cette mesure a un effet très limité sur la pression automobile.Quentin David, Professeur d'économie, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1715622021-11-29T19:28:54Z2021-11-29T19:28:54ZPourquoi supprimer des autoroutes peut réduire les embouteillages<p>Autoroutes et voies rapides sont des « aspirateurs à voitures » (c’est le trafic dit « induit »), <a href="https://www.enviscope.com/infrastructures-routieres-autoroutieres-lyon/">dénoncent les critiques de l’automobile</a>. A contrario, supprimer ces infrastructures entraînerait <a href="https://www.lemonde.fr/blog/transports/2016/08/23/voitures-evaporees/">« une évaporation du trafic »</a> (c’est le trafic dit « déduit » ou « évaporé »). Est-ce bien sérieux ? Par quel prodige pourrait-on faire naître de tels effets ? </p>
<p>Ces phénomènes sont pourtant scientifiquement fondés et abondamment documentés. </p>
<p>Mais de nombreux élus et professionnels ne l’admettent toujours pas, limitant ainsi leur capacité à adapter nos villes aux exigences sociétales et environnementales du XXI<sup>e</sup> siècle.</p>
<h2>De l’origine d’une expression bizarre</h2>
<p>Reconnaissons-le, « trafic évaporé », cela ne fait pas très scientifique. En voici l’origine : en 1961, la journaliste et sociologue Jane Jacobs publie un ouvrage – <em>Déclin et survie des grandes villes américaines</em> – qui <a href="https://www.buurtwijs.nl/sites/default/files/buurtwijs/bestanden/jane_jacobs_the_death_and_life_of_great_american.pdf">connaîtra un succès mondial</a>.</p>
<p>Elle y décrit, avec une grande finesse, la façon dont l’essor du trafic automobile érode la ville et son urbanité et comment en redonnant, au contraire, la priorité à la vie urbaine, la circulation se rétracte d’elle-même. Et de fournir l’exemple suivant.</p>
<p>À New York, le parc Washington (4 hectares), situé au sud de Manhattan, était traversé en son milieu par une circulation automobile. Dans les années 1950, les habitants finissent par réclamer la suppression de ce transit bruyant, polluant et dangereux pour les enfants et les personnes âgées.</p>
<p>Mais Robert Moses, le tout puissant responsable de l’adaptation de la ville à l’automobile, y est opposé et veut même aménager une quatre voies en tranchée, à travers le parc. En 1958, devant l’insistance du Comité de sauvegarde du parc, il accepte d’expérimenter la fermeture de la voie pour trois mois et prédit qu’on viendra le supplier de la rouvrir au trafic, à cause des embouteillages qui en résulteront.</p>
<p>Au contraire, le trafic se réduit dans les rues alentour et le quartier devient nettement plus calme. Les voitures se sont évaporées (« disappeared into thin air »).</p>
<h2>Les limites des modèles de trafic</h2>
<p>Penchons-nous maintenant sur les racines de ces deux phénomènes. À partir des années 1950 aux États-Unis puis en Europe, les « ingénieurs trafic » ont mis au point, pour anticiper les besoins d’infrastructures routières, des modèles de simulation. Toujours utilisés aujourd’hui, ils se présentent sous des formes de plus en plus sophistiquées.</p>
<p>En cas d’augmentation ou de réduction de la capacité du <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/reseau-viaire#:%7E:text=Le%20r%C3%A9seau%20viaire%20d'une,tous%20les%20types%20de%20rues.">réseau viaire</a>, les modèles dits « multimodaux » s’efforcent ainsi d’évaluer les reports de trafic à la fois dans l’espace (entre voiries), dans le temps (entre moments de la journée) ou modaux (entre modes de déplacement).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1413487646026907653"}"></div></p>
<p>Pourtant, ils échouent à prendre en compte les interactions entre transport, urbanisme et comportements de mobilité : par exemple, qu’une nouvelle autoroute favorise un étalement urbain amenant en retour les gens vivant en grande périphérie à se déplacer surtout en voiture.</p>
<p>Or ces interactions ont des conséquences sur les stratégies des ménages et des entreprises en fonction des déplacements à effectuer. </p>
<h2>Trafic induit et trafic déduit</h2>
<p>Lorsque, pour « faire sauter un bouchon », la capacité de la voirie est accrue par la création d’une voie nouvelle ou l’élargissement d’une voie existante, on constate que l’infrastructure finit par attirer un trafic automobile supérieur à ce qu’avait prévu le modèle : de quelques pour cent à plus de 50 %, <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0001/Temis-0001311/5493.pdf">selon le contexte et l’horizon temporel</a>. Les scientifiques parlent <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Trafic_induit">« de trafic induit »</a>.</p>
<p>À l’inverse, lorsque la capacité de la voirie est réduite par fermeture d’un pont, suppression d’une voie ou réduction du nombre de files, on constate qu’une partie du trafic disparaît au-delà de ce qu’avait prévu le modèle, dans des proportions similaires au trafic induit.</p>
<p>Ce phénomène est appelé l’évaporation du trafic, bien qu’il vaudrait mieux dire « trafic déduit » (au sens de « en moins »), car c’est l’exact symétrique du trafic induit (ou « en plus »). On parle aussi parfois de « désinduction ».</p>
<h2>Prise de conscience dans les années 1990</h2>
<p>Ces deux phénomènes ont été documentés par quantité d’exemples. Ce ne sont donc pas des « théories », comme l’affirment les promoteurs de voiries nouvelles que cela dérange. Parce que ces faits mettent en échec les modèles, il a fallu beaucoup de temps pour que les ingénieurs trafic admettent leur existence. C’est au cours des années 1990 qu’ils ont dû se rendre à l’évidence.</p>
<p>En 1993, pour trancher la question, le gouvernement britannique crée une commission chargée de vérifier l’existence de ce trafic induit. Après avoir analysé des dizaines de cas, les conclusions des chercheurs <a href="https://bettertransport.org.uk/sites/default/files/trunk-roads-traffic-report.pdf">ne laissent plus aucun doute</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1040481503963238400"}"></div></p>
<p>En 1996, la Conférence européenne des ministres des Transports s’empare de ces résultats et leur <a href="https://www.oecd-ilibrary.org/transport/la-mobilite-induite-par-les-infrastructures_9789264263291-fr">donne un retentissement mondial</a>. Le trafic induit étant établi, logiquement l’évaporation du trafic existe aussi.</p>
<p>En 1998, des travaux menés par les mêmes chercheurs parviennent à le démontrer, <a href="https://www.cycling-embassy.org.uk/sites/cycling-embassy.org.uk/files/documents/Traffic%20Impact%20of%20Highway%20Capacity%20Reductions-%20Assessment%20of%20the%20Evidence.pdf">sur la base d’une centaine de cas examinés</a>.</p>
<h2>Les modèles de trafic en question</h2>
<p><a href="http://www.bv.transports.gouv.qc.ca/mono/1122171.pdf">Le trafic induit</a> existe parce que les automobilistes profitent de l’effet d’aubaine qu’offre une nouvelle infrastructure pour se déplacer plus souvent et plus loin, voire à plus long terme pour localiser leur emploi ou leur logement à une distance plus importante.</p>
<p>De même, l’évaporation du trafic existe parce que certains automobilistes renoncent à se déplacer, s’organisent autrement en rationalisant leurs déplacements et, à plus long terme, localisent leur logement ou leur emploi plus près.</p>
<p>Les modèles de trafic peuvent être utiles pour gérer la circulation, mais sont inadaptés à prévoir son évolution quand le contexte change. Des modèles beaucoup plus élaborés (dits LUTI pour <em>land use transport integration</em>), tenant compte de la forme urbaine générée par les transports, peuvent mieux appréhender le sujet.</p>
<p>Certains d’entre eux ont permis d’anticiper positivement la transformation d’autoroutes en voies urbaines, <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_1017/SEOUL_Cheonggyecheon_Expressway.pdf">comme à Séoul</a> ou <a href="https://www.institutparisregion.fr/fileadmin/NewEtudes/000pack2/Etude_2511/Helsinki_study_final_draft_V3_complet28_01.pdf">Helsinki</a>.</p>
<h2>Le pont Mathilde à Rouen</h2>
<p>Le 29 octobre 2012, un camion chargé d’hydrocarbures rate la bretelle de sortie du pont autoroutier Mathilde, à Rouen, se renverse et s’enflamme. La structure étant fortement endommagée, le pont doit fermer. Il ne rouvrira que le 26 août 2014.</p>
<p>Où sont passés les 114 000 déplacements de personnes – correspondants aux 92 500 véhicules par jour avec 1,23 personne par véhicule – qui empruntaient le pont ? Les autorités ont tout mis en œuvre pour le savoir.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/431917/original/file-20211115-21-8fbpwv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le pont Mathilde, à Rouen.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pont_Mathilde#/media/Fichier:Pont_Mathilde_-_panoramio.jpg">Wikimedia</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Elles ont alors découvert que, sur les autres ponts, 88 000 personnes se sont retrouvées en voiture, 9 000 en transports publics, 3 200 à pied et 400 à vélo. Soit 13 400 déplacements (12 %) <a href="https://www.aurbse.org/wp-content/uploads/2017/12/NUM2660_8gvur7.pdf">« non retrouvés »</a>.</p>
<h2>De Séoul à Boston, des exemples parlants</h2>
<p>Bien d’autres cas de désinduction de trafic parfaitement documentés – notamment par l’Institut Paris Région – <a href="https://www.iau-idf.fr/fileadmin/NewEtudes/Etude_956/NR_606.pdf%20et%20https://en.institutparisregion.fr/know-how/international/from-expressways-to-boulevards/.">dans le monde</a> peuvent être cités : <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/portland-harbor-drive/">Portland</a> (-20 % de trafic sur l’axe après suppression de la Harbor Drive et -9 % vers le centre), <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/san-francisco-octavia-boulevard/">San Francisco</a> (-45 % de trafic sur le boulevard Octavia après suppression de la Central Freeway), <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/seoul-cheonggyecheon-expressway/">Séoul</a> (-82 % le long de la Cheonggyecheon Expresway disparue et -5 % de trafic à l’échelle de la ville), <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2020/11/requalification_de_lautoroute_a7_en_boulevard_urbain.pdf">Nantes</a> (-50 % de trafic sur le boulevard remplaçant l’A801) ou <a href="https://docplayer.fr/78717409-Requalification-d-une-penetrante-autoroutiere-en-avenue-cas-de-l-autoroute-a43-a-lyon.html">Lyon</a> (-30 % sur l’avenue Jean Mermoz après démolition du viaduc de l’A43).</p>
<p>La fermeture de West Side Highway à <a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/new-york-west-side-highway/">New York</a> témoigne à la fois d’une évaporation du trafic lors de la fermeture partielle de la voie (-50 % sur l’axe et -10 % à l’échelle du sud de Manhattan) et d’une réinduction de trafic au moment de la mise en service de la nouvelle avenue plus capacitaire (+60 %). </p>
<p>L’induction de trafic entraînée par l’accroissement de l’offre routière est illustrée par le <a href="http://archive.boston.com/news/local/articles/2008/11/16/big_dig_pushes_bottlenecks_outward/">cas de Boston</a> où l’enfouissement et l’élargissement de l’autoroute I-93 en centre-ville n’a pas résorbé les bouchons, mais les <a href="https://www.raisethehammer.org/blog/1155/induced_demand_in_action:_bostons_big_dig_increases_traffic">a reportés en périphérie</a>.</p>
<h2>Capacité d’adaptation des usagers</h2>
<p>Les deux phénomènes sont la preuve qu’il existe bien plus d’élasticité dans l’évolution de la circulation automobile que ne le sous-tendent les modèles de trafic.</p>
<p>D’une part, à cause du trafic induit, les nouvelles capacités routières sont vite saturées et les <a href="https://vtpi.org/gentraf.pdf">embouteillages reviennent</a>. Il est donc illusoire de croire qu’il suffit de quelques investissements routiers pour diminuer les bouchons, comme tant de politiciens l’affirment. C’est pourquoi l’Autorité environnementale (entité indépendante qui donne son avis notamment sur les grands projets routiers) <a href="http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/190206_-_note_infrastructures_routieres_-_delibere_cle7d21bf.pdf">recommande d’en tenir compte</a>.</p>
<p>D’autre part, grâce au trafic évaporé, la réduction des capacités routières ne provoque pas de congestion durable, car les automobilistes s’adaptent plus qu’on le croit.</p>
<p>Toutefois, il convient, comme le soulignait déjà Jane Jacobs, d’ajuster le rythme d’apaisement du trafic aux capacités d’adaptation progressive des usagers et la mise en œuvre d’autres options positives.</p>
<h2>Des villes plus attractives</h2>
<p>Contrairement à ce qu’affirment les milieux économiques, cette politique n’a jamais les conséquences catastrophiques qu’ils annoncent. Elle contribue à l’inverse à améliorer l’attractivité des villes (qualité de vie) et leur productivité (intensité urbaine et sérendipité).</p>
<p>L’analyse réalisée par l’Institut Paris Region évoquée plus haut souligne que ces opérations ont retissé des quartiers dégradés, libéré de l’espace pour d’autres usages (logements, parcs…), redonné toute leur place aux modes actifs et aux transports publics, sans que la mobilité et l’activité économique en aient souffert, bien au contraire.</p>
<p>Au-delà de l’automobile et de ses infrastructures, un mouvement mondial se dessine pour refonder des villes sur les besoins humains fondamentaux, en osmose avec le vivant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/171562/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Trafic « induit » ou « déduit », ce phénomène largement documenté demeure toutefois hors du radar des modèles de trafic. C’est mettre de côté la capacité d’adaptation des usagers.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LillePaul Lecroart, Urbaniste, enseignant à l'Ecole urbaine, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1639942021-07-08T17:51:09Z2021-07-08T17:51:09ZComment se forment les embouteillages ?<p>Parmi les nombreux souvenirs d’été, il y a, selon les envies et les années, la mer, la montagne… mais aussi les embouteillages. Pourquoi est-il impossible d’avancer, sinon par intermittence, alors qu’aucun péage n’apparaît à l’horizon, ni même un accident ?</p>
<p>Les embouteillages ont de nombreuses conséquences économiques, sociales, logistiques, sanitaires et écologiques. En août 2010, un embouteillage à Pékin d’une centaine de kilomètres dura 12 jours, provoqué par les camions apportant le matériel pour les travaux de l’autoroute G110. Une étude d’un institut de recherche et d’une société d’infotrafic américaine <a href="https://cebr.com/reports/the-future-economic-and-environmental-costs-of-gridlock/">a montré en 2013</a> que les embouteillages coûtent 5,9 milliards d’euros à l’économie française chaque année. De plus, un embouteillage est une source importante de pollution de l’air.</p>
<p>Comment se forme un embouteillage ? Comment l’éviter ? Que peut la science face à ce problème ?</p>
<h2>Comprendre très simplement le phénomène par un exemple</h2>
<p>Dans le cas d’un trafic routier dense, quand un automobiliste change de file, le véhicule qui le suit doit freiner et cette vague (ou onde) de freinage se propage petit à petit et de façon graduelle. Si le premier véhicule a réduit sa vitesse de 10 %, le dixième véhicule aura diminué la sienne d’au moins 20 % pour des raisons de sécurité (maintien de la distance de freinage), mais également par réflexe de préservation. Si bien qu’au bout de plusieurs kilomètres, un bouchon se créera inéluctablement. Ce phénomène est appelé « effet papillon » ou « effet chenille » : une petite cause provoque une réaction beaucoup plus importante en bout de chaîne.</p>
<p>Si les premiers véhicules à avoir ralenti ne sont que faiblement impactés par le bouchon en création et retrouvent rapidement leur vitesse de croisière, il faudra un certain laps de temps pour ceux qui se situent en aval avant de parvenir à se sortir de cette situation. C’est la définition même de l’embouteillage en accordéon.</p>
<figure> <img src="https://1.bp.blogspot.com/-5HvjMIalnXk/WT6UwyxWLAI/AAAAAAAAKkY/TT0xmv-XgXMDlYjtnGrykI1474SYU-OwQCLcB/s1600/bouchon.gif"><figcaption>Animationde la formation d’un embouteillage par effet chenille.</figcaption></figure>
<p>Ce changement de file évoqué n’est qu’un exemple parmi d’autres qui peuvent expliquer la création d’un embouteillage sans raison apparente. Les modes de conduite différents d’un individu à l’autre, les voies d’insertion de véhicules, ou encore tout simplement l’effet de curiosité <a href="https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/pourquoi-la-circulation-fait-elle-laccordeon-5939">peuvent entraîner</a> des perturbations de la circulation.</p>
<h2>Une analogie pour comprendre le phénomène…</h2>
<p>Pour étudier les « bouchons automobiles », on utilise en fait des modèles de mécanique des fluides ou de physique des milieux granulaires, car la polyvalence des modèles physiques est telle qu’une même équation peut servir <a href="https://www.podcastscience.fm/dossiers/2012/07/17/les-mathematiques-de-la-formation-des-bouchons/">à modéliser des phénomènes a priori différents</a>. Le flux des voitures peut être imaginé comme un liquide s’écoulant dans un tuyau, ou des billes roulant dans un conduit. Si l’une des billes subit un ralentissement en un point du conduit, celui-ci affecte toutes les billes en aval ; la perturbation se propage vers l’arrière, exactement comme une onde. C’est ce qui se passe dans les bouchons de voitures.</p>
<p>Comment ce ralentissement se forme, se propage et s’amplifie-t-il ? Il faut se tourner du côté des modèles mathématiques issus de la mécanique pour y répondre. Ici, on utilise des paramètres stables pour modéliser le système, par exemple la vitesse autorisée, la vitesse à laquelle se propage un bouchon, le nombre maximal de voitures que la voie peut accueillir.</p>
<p>Pour reproduire le phénomène de formation des bouchons de façon satisfaisante, les facteurs clés sont la fluidité initiale du trafic, la tendance des conducteurs à « surréagir » et la tendance des conducteurs à réagir en retard.</p>
<p>De façon contre-intuitive, la vitesse des véhicules et la densité du trafic n’ont pratiquement aucune incidence, sauf dans les cas limites. Le système peut rapidement dégénérer : une très faible perturbation a des répercussions sur l’ensemble du système. Cette perturbation peut être un conducteur nerveux, un virage trop serré, une anomalie sur la route, etc. Un seul conducteur peut créer un bouchon (ou le résorber, mais cela n’arrive jamais, car un conducteur qui sort d’un bouchon a tendance à trop accélérer).</p>
<p>Conclusion : il faut absolument éviter, dans la mesure du possible, de réagir trop vivement ou pire, de s’arrêter complètement. Mieux vaut rouler à 1 km/h plutôt que devoir immobiliser le véhicule. En faisant cela, on diminue l’amplitude de l’onde et on augmente sa longueur d’onde, première étape de son atténuation. Autre préconisation : équiper les voitures de régulateurs spécialement adaptés aux conditions de circulation lente.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/xpXzz3tEsUg?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La formation d’embouteillages « fantômes », ceux qui semblent arriver sans raison (Figaro Sciences).</span></figcaption>
</figure>
<h2>Solutions et paradoxes</h2>
<p>Lors des grands départs en vacances, les embouteillages sont inévitables. Les autoroutes ne sont capables d’absorber qu’un certain nombre de véhicules à l’heure. Au-delà d’un certain débit, la fluidité du trafic diminue jusqu’à l’arrêt complet.</p>
<p>Peut-on prévoir les embouteillages ? Hélas… Non ! La visualisation des ondes en temps réel et à grande échelle est quasi impossible… De plus, si le mouvement des fluides, régis par des lois physiques, est, lui, assez « stable », les comportements humains, eux, restent imprévisibles.</p>
<p>Alors, pour réguler le trafic on peut agir sur certains paramètres. Par exemple, jouer sur la vitesse maximale autorisée, même de façon ponctuelle. Sur un axe à plusieurs points d’accès, on peut installer des feux pour faire varier la densité des nouveaux arrivants. De plus, le bon sens pourrait inciter à rajouter des routes. Mais ce n’est pas si simple : à Stuttgart à la fin des années 1960, de gros travaux d’extension du réseau routier avaient créé des <a href="http://www.breves-de-maths.fr/creer-de-nouvelles-routes-peut-generer-davantage-dembouteillages/">embouteillages monstres</a>, aboutissant à la fermeture de la section toute neuve.</p>
<p>La science a même prouvé qu’une voie express pouvait réduire la vitesse moyenne du trafic. C’est le <a href="http://images.math.cnrs.fr/Le-prix-de-l-anarchie.html">« paradoxe de Braess »</a> développé par le mathématicien éponyme. En substance : si la ville décide de construire une nouvelle route (appelons-la A) nettement plus rapide que les voies existantes (nommées B et C), tous les automobilistes vont opter pour la solution A. Un bouchon se forme et au final, les conducteurs mettent plus de temps en empruntant A qu’en se répartissant sur les voies B et C. Sa théorie s’est depuis confirmée. En 1990, la municipalité de New York ferme la 42<sup>e</sup> rue : la circulation dans Manhattan devient plus fluide. À Séoul, la destruction d’une voie express a permis d’améliorer la circulation globale.</p>
<p>En fait, les automobilistes ont un comportement égoïste, et sont en permanence soumis à un conflit intérêt individuel/intérêt collectif.</p>
<p>Alors, rappelons les préconisations scientifiques pour éviter les bouchons :</p>
<ul>
<li><p>augmenter les distances de sécurité permettant d’éviter les freinages intempestifs provoquant des ralentissements conséquents en cas de fort trafic,</p></li>
<li><p>diminuer la vitesse globale tout en gardant une vitesse relativement constante</p></li>
<li><p>ne pas changer de file sans arrêt, être attentif, savoir se détendre pour conserver une conduite normale.</p></li>
</ul>
<h2>Biomimétisme et embouteillages</h2>
<p>Nous l’avons vu, les embouteillages sont liés à une trop forte concentration d’individus qui circulent dans un même espace. Pourtant, les déplacements de grandes colonies de fourmis <a href="https://elifesciences.org/articles/48945">ne rencontrent pas ce problème</a>. En effet, chez les fourmis, quand la densité augmente, le flux croît puis devient constant, contrairement aux êtres humains qui, au-delà d’un certain seuil de densité, ralentissent jusqu’à avoir un flux nul et provoquer un embouteillage. En cas de trop forte densité, les fourmis ne s’engagent plus sur la route, elles attendent. Le choix est conditionné par l’adaptation continue à ces règles « tacites » de déplacement. Le trafic automobile, lui, suit des règles imposées, comme celle de s’arrêter au feu rouge, indépendamment du trafic.</p>
<p>Les systèmes de transport intelligents <a href="https://www.lepoint.fr/automobile/salons/a-la-ils-ont-vu-la-voiture-bio-de-2025-17-11-2013-1757956_656.php">peuvent être influencés</a> par l’adaptabilité permanente des fourmis. La conduite autonome <a href="https://www.leparisien.fr/economie/la-voiture-autonome-servira-a-bien-d-autres-choses-qu-a-se-deplacer-31-03-2019-8043237.php">relèverait le défi de la fluidité sur les routes</a>, pourrait rendre la circulation plus homogène, diminuer les erreurs d’appréciation humaines et permettre d’optimiser les temps de parcours en fonction du trafic.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Waleed Mouhali ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre modèles et paradoxes mathématiques, mieux comprendre les embouteillages et comment les éviter.Waleed Mouhali, Enseignant-chercheur en Physique, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1633452021-07-07T14:45:46Z2021-07-07T14:45:46ZLe télétravail peut réduire la congestion… mais créer d’autres problèmes de circulation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/408896/original/file-20210629-20-ofpahp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C29%2C4831%2C3211&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La probabilité de se déplacer durant les deux périodes de pointe était légèrement plus faible pour les télétravailleurs que pour les travailleurs s’étant rendus sur leur lieu de travail.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Le télétravail a le potentiel de réduire la congestion routière, mais d’autres facteurs, comme l’éloignement du lieu de résidence ou de nouveaux déplacements, peuvent aussi engendrer des bouchons de circulation.</p>
<p>Des études canadiennes réalisées avant la pandémie de Covid-19 ont montré comment le télétravail pouvait contribuer à réduire la congestion automobile en diminuant le nombre de véhicules aux heures de pointe et en limitant les temps de déplacement associés. Par exemple, <a href="https://www.jstor.org/stable/44321117">une étude</a> de 2004 portant sur la ville de Waterloo montrait le potentiel du télétravail pour réduire la congestion sans affecter les activités générales des ménages.</p>
<p>Or les impacts potentiels du télétravail sur les déplacements et la congestion sont dans les faits difficiles à évaluer, car le télétravail peut induire certains effets pervers, notamment ceux associés à une localisation résidentielle plus éloignée du lieu de travail.</p>
<p>En tant que chercheurs en transport et développement durable, nous nous sommes intéressés aux impacts du télétravail en matière de déplacements. <a href="https://cirano.qc.ca/fr/sommaires/2018RP-05">L’une de nos études récentes</a> publiée au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO), a montré que la probabilité de se déplacer durant les deux périodes de pointe était légèrement plus faible pour les télétravailleurs que pour les travailleurs s’étant rendus sur leur lieu de travail.</p>
<p>L’impact sur la réduction de la congestion est peu perceptible, car certains télétravailleurs ont réorganisé leurs activités, ce qui a généré d’autres déplacements en périodes de pointe. De plus, le télétravail était peu pratiqué avant la pandémie, ce qui a rendu d’autant plus difficile de voir sa contribution pour baisser la congestion.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-teletravail-aura-t-il-des-effets-benefiques-sur-lenvironnement-148061">Le télétravail aura-t-il des effets bénéfiques sur l’environnement ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Trois fois plus de télétravailleurs</h2>
<p>Au Canada, la pandémie de Covid-19 a fait passer le pourcentage d’employés télétravailleurs de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/210312/dq210312a-fra.htm">13 % en 2019</a> à <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2020001/article/00026-fra.htm">39,1 % en mars 2020</a> selon Statistique Canada.</p>
<p>Parallèlement à cette hausse, des <a href="https://www.tomtom.com/en_gb/traffic-index/">baisses de la congestion automobile ont en été observées partout dans le monde selon TomTom</a>, un système de navigation et un de planification d’itinéraire, qui accumule ces données pour les 600 millions d’automobilistes qui l’utilisent. Dans toutes les villes du Canada, une réduction importante des niveaux de congestion par rapport à la même période en 2019 a été enregistrée dès la première semaine de mars 2020 et s’est poursuivie toute l’année. Le creux a été atteint dans la seconde semaine d’avril.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Données recueillies par le système de navigation TomTom" src="https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=330&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408010/original/file-20210623-4659-clruvv.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=415&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Une réduction importante des niveaux de congestion par rapport à la même période en 2019 a été enregistrée dès la première semaine de mars 2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Site web de TomTom</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si le télétravail a le potentiel de réduire les déplacements motorisés et diminuer la congestion durant les périodes de pointe, juger du potentiel du télétravail sur les déplacements automobiles à partir de l’essor du télétravail durant la pandémie serait toutefois erroné.</p>
<h2>Des changements de comportements</h2>
<p>Au plus fort de la pandémie, les individus ont été moins enclins à se déplacer en transport en commun, car ils craignaient que la proximité avec les usagers augmente les risques de contagion. Ils évitaient ainsi les déplacements en transport en commun en favorisant par exemple des déplacements automobiles.</p>
<p><a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1797968/deficit-transport-artm-services-stm-stl-rtl-exo-montreal-laval-longueuil">La chute des déplacements en transport en commun a été telle à Montréal que l’Autorité régionale de transport métropolitain (ARTM) s’attend à un retour graduel des utilisateurs s’étalant jusqu’à 2032</a>. Ces prévisions placent l’ARTM dans une situation financière difficile et forcent des réductions de service et des augmentations de tarifs.</p>
<p>Outre l’évitement du transport en commun au profit de déplacements automobiles, toutes choses étant égales par ailleurs, les mesures prises au plus fort de la pandémie (confinement, couvre-feu, restrictions de déplacement) ont contribué à diminuer le nombre de véhicules sur les routes. Par contre, en vertu des <a href="https://www.brookings.edu/research/traffic-why-its-getting-worse-what-government-can-do/">théories sur le trafic induit</a>, cette baisse de trafic a fort probablement incité certains individus à utiliser ou réutiliser les routes. Ceux qui n’utilisaient pas leur véhicule, mais plutôt le transport en commun, pour éviter le trafic en temps normal, peuvent s’être mis à réutiliser leur véhicule.</p>
<p>De plus, même si le télétravail sera sans doute plus fréquent dans le futur qu’avant la pandémie – une <a href="https://www.bdc.ca/fr/a-propos/centre-des-medias/communiques-presse/teletravail-pour-bon-etude-bdc">hausse de 55 % selon une enquête de la Banque de développement du Canada (BDC)</a> – tout porte à croire qu’il sera tout de même moins répandu qu’actuellement.</p>
<p>Le télétravail risque surtout d’être utilisé comme complément ponctuel au déplacement vers le lieu de travail et beaucoup moins comme un substitut complet. Selon Statistique Canada, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/45-28-0001/2021001/article/00012-fra.htm">41 % des travailleurs préféreraient travailler environ la moitié de leurs heures à la maison</a>.</p>
<p>Certains préfèrent le retour au lieu de travail à temps plein, tandis que d’autres préfèrent rester à temps plein à la maison. Le partage du temps entre ces deux endroits est toutefois fort populaire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphique présentant les différentes options de travail" src="https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=311&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408013/original/file-20210623-27-1quqarh.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=391&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un horaire qui permettrait de partager son temps entre le lieu de travail et la maison est fort populaire parmi les travailleurs.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Statistique Canada</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Les effets pervers du télétravail</h2>
<p>On connaissait le potentiel du télétravail afin de diminuer la congestion routière avant la pandémie alors qu’il était peu pratiqué. Par contre, l’évaluation de son impact réel pour contribuer à réduire les déplacements automobiles ne devrait se faire qu’après la pandémie, alors que le télétravail sera beaucoup plus répandu qu’avant la pandémie. En effet, en temps de pandémie les comportements sont altérés par les craintes d’une potentielle contagion.</p>
<p>De surcroît, si le télétravail pouvait améliorer certains aspects associés au transport, il convient d’être vigilant relativement à trois effets potentiellement pervers.</p>
<p>D’abord, comme mentionné plus tôt, l’élimination du navettage domicile-travail améliorerait la fluidité de la circulation aux heures de pointe, ce qui pourrait entraîner une <a href="https://www.brookings.edu/research/traffic-why-its-getting-worse-what-government-can-do/">hausse des automobilistes</a> qui évitaient de se déplacer durant ces périodes.</p>
<p>Ensuite, différents effets de substitution des déplacements de navettage par d’autres types de déplacements pourraient survenir. Les déplacements vers le lieu de travail « épargnés » du télétravailleur lui permettraient d’effectuer d’autres déplacements, faisant en sorte que le <a href="https://cirano.qc.ca/fr/sommaires/2019RP-07">bilan final de ses déplacements pourrait être inférieur, égal ou supérieur</a> à celui d’un travailleur ayant un lieu fixe de travail. Aussi, les déplacements « épargnés » du télétravailleur pourraient permettre à d’autres membres du ménage d’utiliser le véhicule.</p>
<p>Finalement, en réduisant ou en éliminant les déplacements liés au travail grâce au télétravail, les travailleurs pourraient être en mesure de vivre plus loin du lieu de travail et choisir leur localisation en fonction d’autres facteurs que la distance au lieu d’emploi, comme les préférences pour la nature, la qualité de vie ou une maison plus grande.</p>
<p>Vivre plus loin de son lieu de travail peut ainsi être un effet potentiel du télétravail (le terme « telesprawl » est utilisé pour parler de cet effet potentiel sur la localisation des travailleurs). <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/2021-03-18/exode-vers-la-banlieue/les-departs-ont-bondi-de-33-pendant-la-pandemie.php">Bien que de tels effets ont été observés</a>, on ne connaît toutefois pas encore l’ampleur réelle du phénomène.</p>
<p>En somme, si le télétravail représente de prime abord un outil intéressant pour réduire les déplacements et la congestion, ses bénéfices potentiels pourraient rapidement s’évaporer à la suite des changements de comportements qu’il pourrait induire à moyen et long terme. Le nombre de télétravailleurs, l’ajustement des horaires de travail, les relocalisations de ménage et le retour au transport en commun détermineront l’ampleur d’une réduction éventuelle des déplacements et de la congestion.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163345/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ugo Lachapelle a reçu un financement du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) sur cette thématique. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Georges A. Tanguay ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les bénéfices potentiels du télétravail en matière de déplacements pourraient rapidement s’évaporer à la suite de changements de comportements qu’il pourrait induire à moyen et long terme.Georges A. Tanguay, Professeur au département d'études urbaines et touristiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)Ugo Lachapelle, Professeur au département d'études urbaines et touristiques, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539122021-01-31T17:12:43Z2021-01-31T17:12:43ZConcessions d’autoroutes : les hausses de tarifs aux péages en question<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/380424/original/file-20210125-13-1h6zywz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C26%2C911%2C616&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’article de la loi du 28&nbsp;mai 2013&nbsp;portant sur les hausses de tarifs annuelles aux péages n’a jamais obtenu la validation législative attendue.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Chris Worldwide / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« L’État pour signer un accord global et de confiance, comme le disent les sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA), n’a pas besoin de notre aval ».</p>
</blockquote>
<p>Devait-on voir dans cette formule issue d’un ex-sénateur, coauteur d’un rapport de 2013 sur les autoroutes concédées, un aveu d’impuissance des parlementaires pour garantir un rapport équilibré entre l’État et les SCA ? Sans avoir la prétention d’apporter ici une réponse, poser la question semble en tout cas faire sens après un <a href="http://www.senat.fr/rap/r19-709-1/r19-709-1.html">rapport sénatorial</a> dédié à ce sujet et une <a href="https://www.autorite-transports.fr/wp-content/uploads/2020/11/rapport_economie_des_concessions_autoroutieres_nov2020.pdf">expertise quinquennale</a> de l’Autorité de régulation des transports (ART), le tout livré au dernier trimestre 2020.</p>
<p>Le premier, au terme de plusieurs mois de travail d’une Commission d’enquête, présente une étude globale et fournie qui s’intéresse aussi bien aux questions économiques, juridiques, financières propres au secteur autoroutier concédé. Le second tente d’évaluer la rentabilité des concessions d’autoroutes tout en évoquant certains sujets périphériques aux contrats.</p>
<p>Ces analyses, auxquelles s’ajoutent des rapports antérieurs de la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/les-relations-entre-letat-et-les-societes-concessionnaires-dautoroutes">Cour des comptes (2013)</a> ou de l’Autorité de la concurrence <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/l-autorite-de-la-concurrence-denonce-la-rente-des-societes-d-autoroutes_AN-201409180059.html">(2014)</a>, permettent-elles d’apporter une réponse à toutes les questions propres aux concessions d’autoroutes, notamment en termes d’équilibre pour l’État et de coûts pour l’usager ? Le sujet est-il, depuis lors, frappé du sceau de « l’indiscutabilité » au point que toute analyse contradictoire mériterait finalement d’être balayée d’un revers de la main sans donner lieu à débat ?</p>
<p>Rien n’est moins sûr car, sur un certain nombre de sujets à dimension juridique et économique, les enjeux ne paraissent pas encore tout à fait maîtrisés, voire appréhendés, s’agissant de l’exécution de ces contrats d’autoroutes. Loin de remettre en cause l’ensemble des expertises publiques sur ces contrats, deux études exhaustives que nous avons menées superposent et croisent au contraire ces analyses pour mesurer les hypothèses, les conséquences et les points de vigilances. Et ils en existent.</p>
<h2>Des hausses de tarifs fragiles juridiquement</h2>
<p>Les auditions menées au Sénat au cours de l’année 2020 suffisent à s’en convaincre. Le président de l’ART, contrôlant les concessions d’autoroutes, dressait ainsi devant la Commission d’enquête le constat suivant :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’existe pas d’inventaire du patrimoine autoroutier concédé, même si la privatisation de 2006 l’exigeait ».</p>
</blockquote>
<p>Comment contrôler alors l’équilibre économique de ces contrats (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000038884960/">prérogative</a> de l’ART et objectif poursuivi par son rapport de 2020 sur la base du Code de la voirie routière) si la base de ce calcul – les investissements, le patrimoine et donc les biens – n’est pas connu ? Le constat est étonnant quand on sait que le Conseil d’État impose normalement ces inventaires dans ce type de contrats et que les textes de la privatisation de 2006 les rendaient obligatoires, à dessein.</p>
<p>Le plus intéressant est que cette question, pourtant essentielle, n’est pas isolée. Nos travaux de recherche ont tenté de reprendre ces sujets qui paraissaient jusque-là admis et indiscutables et qui, pourtant, devraient donner lieu à débats et approfondissements.</p>
<p>La <a href="https://documentation.le04.fr/index.php?lvl=bulletin_display&id=12997">première étude</a> a permis de s’intéresser d’abord à une mesure symbolique s’agissant des autoroutes : l’augmentation annuelle des tarifs de péages. Ces derniers peuvent augmenter chaque année à la faveur de l’inflation et/ou de nouveaux travaux d’investissements. Ces modalités sont issues d’un décret de 1995 sur lequel prennent appui les clauses des concessions d’autoroute. Cependant, l’augmentation annuelle sur la base de l’inflation apparaît tout de même très discutable en droit.</p>
<p>La Cour des comptes, dans un rapport de juillet 2013, et l’Autorité de la concurrence, dans un avis de 2014, avaient déjà souligné en leurs temps cette fragilité juridique, sur la base d’un avis du Conseil d’État rendu en 2012 qui imposait à l’exécutif de régulariser ce mécanisme (le Code monétaire et financier ne le permettait pas pour les autoroutes). Ces expertises publiques discutaient la légalité initiale du mécanisme, confirmées en cela par un avis du Conseil d’État de 2012 dont la Cour des comptes se faisait l’écho dans son rapport de juillet 2013.</p>
<p>L’édifice paraissait donc avoir été remis d’aplomb à la faveur de la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000027469717">loi du 28 mai 2013</a> (bien connue pour l’écotaxe). C’est en tout cas ce qu’indiquait l’Autorité de la concurrence dans son avis de 2014. Mais est-ce vraiment le cas depuis l’entrée en vigueur de ce texte législatif ? Rien n’est moins sûr, car l’article concerné dans cette loi n’a jamais fait l’objet d’un décret d’application alors que le Code monétaire et financier le rend obligatoire. En l’absence de texte réglementaire adopté depuis 2013 que font les parties à ces contrats ? Elles s’appuient toujours sur le décret initial de 1995, alors que celui-ci était irrégulier à l’origine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1321307291921113095"}"></div></p>
<p>Certains pourraient considérer qu’<a href="https://documentation.departement06.fr/index.php?lvl=author_see&id=81535">aucun décret n’est nécessaire</a> pour fonder ce droit à augmenter chaque année les tarifs de péages sur la base de l’inflation. Une telle approche ne saurait résister à l’analyse des textes. En effet, le Code monétaire et financier et le Code de la voirie routière imposent bien un décret ; les dispositions législatives concernées le disant très clairement. On note d’ailleurs que le ministère des Transports ou l’ART le mentionne comme tel dans leurs rapports et même leur site Internet, se fondant sur le décret de 1995 !</p>
<p>À titre tout à fait accessoire, on ne manque pas de souligner que, à défaut de texte d’application de cet article 11 de la loi de 2013 (le décret de 1995 ne peut l’être car son irrégularité initiale n’a jamais été corrigée), les clauses prévues à ce sujet dans les contrats de concessions autoroutières sont réputées nulles et ne peuvent donc être appliquées. Ce point interroge : faudrait-il en conséquence corriger jusqu’à 25 ans d’augmentation annuelle de tarifs sur la base de l’inflation en révisant l’équilibre des contrats ?</p>
<h2>Un surcoût possible de 25 milliards d’euros ?</h2>
<p>Qu’en est-il par ailleurs de la seconde partie des augmentations de tarifs, fondées sur les nouveaux travaux d’investissements des sociétés ? Les auditions menées par la Commission d’enquête du Sénat nous apprennent que les sociétés concessionnaires n’apporteraient pas tous les justificatifs nécessaires pour mettre en œuvre ce mécanisme.</p>
<p>Il serait même parfois difficile de déterminer ce qui est financé dans le cadre des plans autoroutiers ou dans le cadre de ces augmentations de péages, avec le risque relevé par les autorités de contrôle de s’acquitter deux fois, au moins en partie, de ces coûts d’investissement. Ceci devrait alors avoir une conséquence en droit : ces augmentations devraient être suspendues en attendant des justifications précises afin de les corréler avec les augmentations sollicitées.</p>
<p>D’autres mécanismes de ces contrats retiennent l’attention. Il en est ainsi du protocole d’accord de 2015 qui a été conclu par l’État pour financer de nouveaux investissements. À ce sujet, la Cour des comptes nous enseigne, dans son <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/le-plan-de-relance-autoroutier">référé de 2019</a>, que les augmentations de durées contractuelles, destinées à compenser les travaux supplémentaires demandés aux sociétés, estimés à 3,3 milliards en 2015, pourraient générer dans les faits 15 milliards d’euros de recettes supplémentaires.</p>
<p>Le delta entre l’investissement et le chiffre d’affaires supplémentaires interroge s’il devait être confirmé. Il conduit quand même la Cour à recommander une expertise indépendante pour mesurer le risque de surcompensations qui ne seraient pas conformes au régime des aides d’État de l’Union européenne.</p>
<p>Bien entendu, le projet de protocole avait en son temps, et sur la base des justificatifs apportés par l’État, reçu un avis favorable de la Commission européenne (2014). Mais cet avis était conditionné et l’analyse ne peut être figée à cette époque.</p>
<p>Le rapport du Sénat de 2020 est à ce titre riche d’enseignements puisqu’on y apprend que, contrairement aux conditions posées initialement par la Commission européenne, aucun rapport d’étape ne lui a été transmis et aucune mesure annuelle de la rentabilité des concessions n’a été réalisée sur la période 2015-2020 (la mesure de ce point n’est finalement intervenue qu’avec le rapport 2020 de l’ART). Or, le non-respect des conditions posées par la Commission européenne vis-à-vis de cet accord laisse entrevoir des risques juridiques. Il pourrait notamment conduire à l’ouverture d’une procédure en manquement devant la Commission.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/380426/original/file-20210125-21-h138lm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Contrairement aux conditions posées par la Commission européenne en 2014, aucune mesure annuelle de la rentabilité des concessions n’a été réalisée jusqu’à mi-2020.</span>
<span class="attribution"><span class="source">S-F/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une autre question mérite d’être soulevée s’agissant d’un mécanisme comptable et fiscal ; les dotations aux amortissements. En principe, dans une activité privée, ce mécanisme permet de déduire de la base imposable en impôt sur les sociétés les pertes de valeurs annuelles affectant le patrimoine. Mais leur utilisation dans les contrats publics, comme les concessions d’autoroutes, n’est pas aussi simple et automatique.</p>
<p>Le juge fiscal a défini plusieurs conditions cumulatives pour y avoir recours dans ces contrats. Or, leur étude montre qu’elles ne semblent pas remplies dans le cas des concessions d’autoroutes : par exemple, les dotations doivent en principe se limiter à la prise en compte à des pertes de valeurs en fin de contrat. Or, elles semblent ici comptabilisées sur la totalité du patrimoine. Les corrections nécessaires pourraient porter, à partir d’une première estimation qui mériterait d’être approfondie, sur 12 milliards d’euros.</p>
<p>Un autre sujet a retenu l’attention : les provisions pour renouvellement. Normalement, elles permettent d’acheter de nouveaux biens lorsque les précédents sont complètement amortis, en complément d’une autre ligne comptable (les comptes de renouvellement). Elles ne sont donc pas illégales. Cependant, elles doivent être contrôlées car, depuis une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000037509308/">décision</a> récente du Conseil d’État (18 octobre 2018, Polynésie c/Engie), les provisions non utilisées doivent être rétrocédées à l’État à la fin (normale ou anticipée) des contrats.</p>
<p>Estimée à 650 millions d’euros par les SCA, selon le rapport sénatorial), la lecture de certains comptes laisse cependant penser qu’une analyse complémentaire serait nécessaire car elles pourraient être supérieures à 1 milliard d’euros. Ce point n’ayant pas été expertisé (la jurisprudence reste récente) et les données semblant contradictoires, il conviendrait de mesurer précisément ces provisions.</p>
<p>À ce stade, et sans tenir compte des corrections qui seraient nécessaires sur les augmentations de tarifs aux fondements juridiques discutables, les premiers éléments d’analyses et les hypothèses formalisées dans les deux études juridiques permettent d’établir une première projection des surcoûts qui, s’ils étaient confirmés et superposés, pourraient atteindre 25 milliards d’euros (soit, à titre de comparaison, l’équivalent de 25 % du plan de relance).</p>
<p>Aussi, dans une démarche scientifique indiscutable, deux hypothèses ont été envisagées : amener les contrats à leur terme ou les résilier de manière anticipée. Ceci a permis d’identifier les points d’expertise nécessaires et les solutions à mettre en place dans chacun des cas. Le reste, le choix, appartient au politique. Contrairement à l’idée simple véhiculée ici ou là, les auteurs entendent réaffirmer qu’ils n’ont pas vocation à prendre position ou à exprimer leur avis sur cette question de l’issue de ces concessions.</p>
<h2>Une mesure « tronquée » de l’investissement</h2>
<p>La seconde étude concerne plus le volet économique des contrats d’autoroutes. Et c’est donc le rapport de l’ART qui a retenu ici l’attention. En théorie, la mesure de la rentabilité d’un tel contrat s’apprécie sur une série d’indicateurs et de ratio permettant d’apprécier le retour sur investissements ainsi que, et c’est important de le souligner, toutes les sources de rentabilité connexes (comment un opérateur déciderait d’un investissement sans prendre en compte tous les paramètres ?).</p>
<p>Certaines autorités publiques ont essayé en leur temps (Cour des comptes en 2013 ; Autorité de la concurrence en 2014) de mettre en place cette méthodologie. L’ART s’en écarte dans son rapport quinquennal (compétence établie dans le Code de la voirie routière) pour recourir à une méthode dite du taux de rentabilité interne (TRI) « tronqué ». Le changement de méthode s’expliquerait, selon l’Autorité et son rapport, par l’impossibilité de retracer toute l’exécution de ces contrats.</p>
<p>Ce constat d’incomplétude ne peut être compris qu’à la lumière de l’audition au Sénat du président de l’ART qui s’émouvait à plusieurs reprises du fait, par exemple, qu’il « n’existe pas d’inventaires du patrimoine autoroutiers ». Pourtant, l’investissement, le patrimoine et donc les biens restent la clé de voûte du calcul de cette rentabilité. Comment procéder au calcul dans ces conditions ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1331988172096622593"}"></div></p>
<p>L’indicateur paraît ainsi biaisé. Le TRI « tronqué » constitue un indicateur d’investisseur, c’est-à-dire une méthode permettant de vérifier l’opportunité ou non d’investir. Il apparaît donc discutable de l’appliquer aux autoroutes car les mises de fonds requises sont différentes, les investissements se superposent, la répartition temporelle des flux financiers est différente et même l’État a pu participer à ce financement… Par ailleurs, cet indicateur conduit à ne pas tenir compte de certaines sources de rentabilité pour l’opérateur.</p>
<p>L’ART le met quand même en œuvre et conclut que, pour les autoroutes, la rentabilité des contrats est de 7,8 % pour les concessions historiques et 6,4 % pour les concessions récentes. On demeurera donc prudent à la lecture de ces conclusions pour les raisons indiquées précédemment et de la différence significative qui peut être constatée dans d’autres analyses publiques. Si écart il y a, n’est-il pas souhaitable de recueillir les différentes expertises et de les confronter au terme d’un débat contradictoire ?</p>
<p>Ces différents éléments de réflexion montrent que les concessions d’autoroutes n’ont pas épuisé toutes les questions. D’autres sujets sont évoqués dans ces études (les frais de remise en état des biens à leur restitution, entre autres). Si la bataille des chiffres qui a eu lieu ces quinze dernières années a conduit au statu quo, le repositionnement du droit dans l’analyse pourrait permettre de renouveler les débats. Dans ces conditions, convoquons les états généraux du droit pour sauver ces contrats !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153912/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Deux études se sont intéressées à certains points de droit des concessions d’autoroutes. Il en ressort notamment que les hausses de tarifs reposent sur des mécanismes discutables juridiquement.Jean-Baptiste Vila, Maître de conférences en droit public, Université de BordeauxYann Wels, Directeur juridique SPL, enseignant vacataire, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1496172020-11-13T17:06:40Z2020-11-13T17:06:40ZDes millions d’animaux se font tuer sur les routes. Voici comment stopper l’hécatombe<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/369100/original/file-20201112-21-1a6dyug.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des millions d'animaux sauvages se font tuer chaque années sur les routes. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Les animaux sauvages parcourent des kilomètres en quête d’eau, de nourriture, d’un partenaire ou d’une aire de reproduction. Mais ils se heurtent aux obstacles dangereux que sont les routes et la circulation.</p>
<p>Le développement routier qui prend de l’ampleur dans plusieurs pays, particulièrement dans les régions tropicales, pose ainsi un risque croissant pour la survie de nombreux mammifères, oiseaux, reptiles et amphibiens.</p>
<p>Or, les routes tuent déjà une quantité massive d’animaux sauvages, entraînant le recul de certaines populations locales, notamment d’espèces qui vivent en faible densité ou qui se reproduisent lentement, comme les lynx, les blaireaux, les porcs-épics, les tortues et les hiboux. Cela peut déclencher une <a href="https://www.ecologyandsociety.org/vol14/iss1/art21/">réaction en chaîne</a> en perturbant les relations mutuellement bénéfiques ou en rompant les réseaux alimentaires, entraînant la disparition d’autres espèces.</p>
<p><a href="https://doi.org/10.1007/1-4020-4504-2_8">Des centaines de milliers, voire de millions d’animaux selon le pays</a>, entrent en collision avec des véhicules chaque année. En effet, une étude récente nous permet d’estimer que <a href="http://dx.doi.org/10.1002/fee.2216">194 millions d’oiseaux et 29 millions de mammifères meurent chaque année sur les routes européennes</a>. Bien que plusieurs régions aient pris des mesures contre la mortalité de la faune sur la route, notamment les Pays-Bas et la Suisse avec des clôtures et des écoducs, l’enjeu demeure préoccupant à l’échelle mondiale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363745/original/file-20201015-13-1nvh364.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La mortalité animale a des conséquences sur les populations animales, nos collectivités et nos écosystèmes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les clôtures fauniques posées le long d’une route réduisent les accidents, mais ne sont pas sans controverse. Elles sont en effet loin d’avoir la bonne réputation des écoducs, parce qu’elles amplifient l’effet de barrière des routes.</p>
<p>Nous avons élaboré un <a href="https://doi.org/10.1111/cobi.13502">plan pour recenser les tronçons de route les plus urgents à clôturer</a> à partir de nos observations des tronçons de route les plus dangereux.</p>
<h2>Essentielles, mais controversées</h2>
<p>Poser et maintenir des clôtures le long des routes coûte très cher. Sauf là où la sécurité du conducteur est en jeu, les organismes de transport ont largement négligé les mesures de réduction des accidents de la route impliquant la faune.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363784/original/file-20201015-13-5oyt8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Écoduc du parc national Dwingelderveld, aux Pays-Bas, avec des clôtures pour guider les animaux vers la traverse et les empêcher d’aller sur la route.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les organismes de transport et les gestionnaires de la faune interrogés au sujet des clôtures en bordure de route <a href="https://doi.org/10.1016/j.biocon.2018.09.026">sont nombreux à afficher leur scepticisme</a> et les considèrent souvent comme des mesures désagréables. À l’inverse, les écoducs ont la réputation d’être « géniaux ». Or, en réalité, <a href="https://doi.org/10.1371/journal.pone.0166941">ces « traverses géniales » à elles seules ne réduisent pas la mortalité faunique sur les routes</a>.</p>
<p>Des données récentes révèlent que la mortalité sur les routes est plus préjudiciable à la plupart des populations d’animaux sauvages que les clôtures. Dans la majorité des cas, <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolmodel.2018.01.021">il est plus urgent d’installer des clôtures que des écoducs</a>. Mais de quelle longueur devraient-elles être et où devrions-nous concentrer nos efforts ?</p>
<h2>Les zones les plus mortelles</h2>
<p>Il n’est pas réaliste de clôturer un réseau routier au complet. Nous avons déterminé comment les organismes de transport peuvent recenser les tronçons de route les plus urgents à clôturer en utilisant des enquêtes sur la mortalité, en recensant les routes les plus dangereuses à plusieurs échelles et en mettant en place des mesures d’atténuation d’une manière méthodique selon une approche de gestion adaptative.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=355&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363772/original/file-20201015-21-10v9zuw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=447&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Vos clôtures sont-elles trop courtes ? Les organismes de transport peuvent décider de clôturer les trois zones dangereuses recensées à l’échelle de 200 mètres (à gauche) ou celle recensée à l’échelle de 1 000 mètres (à droite), mais la clôture la plus longue dans l’analyse à 1 000 mètres donne clairement de meilleurs résultats dans cet exemple.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Authors)</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les zones dangereuses peuvent être recensées à différentes échelles, ce qui peut influer sur le positionnement des clôtures. Une zone dangereuse a une certaine échelle pourrait se révéler moins mortelle a une autre échelle. </p>
<p>Nous avons utilisé des données de mortalité faunique obtenues sur trois routes : une route du sud du Québec et deux routes du Rio Grande do Sul, au Brésil. La première route passe à travers la réserve faunique des Laurentides et longe le parc national de la Jacques-Cartier au Québec. L’une des routes du Brésil traverse deux aires protégées et longe la réserve de biosphère de la forêt atlantique, tandis que l’autre longe les pentes de la serra Geral et les lagunes côtières.</p>
<p>Notre hypothèse était que plusieurs sections de clôtures courtes pourraient être construites près des zones dangereuses recensées à petite échelle pour réduire les accidents. Nous pensions que cette approche réduirait en outre la longueur totale des clôtures par rapport à la protection de quelques zones dangereuses recensées à grande échelle, sans empirer le bilan de mortalité faunique.</p>
<p>Les animaux peuvent cependant facilement contourner des clôtures trop courtes. Ils risquent même de se faire frapper à l’extrémité des clôtures, un problème surnommé l’« effet bout de clôture ». En effet, les clôtures doivent être assez longues pour réduire le risque d’effet bout de clôture.</p>
<h2>Quelques clôtures longues ou de nombreuses clôtures courtes ?</h2>
<p>Le compromis entre l’utilisation de quelques clôtures longues ou de nombreuses clôtures courtes comporte d’importantes conséquences pour la conservation de la biodiversité. Trouver le bon équilibre dépend de la distance parcourue par les animaux, de leur comportement vis-à-vis de la clôture, des cibles de réduction de la mortalité pour chaque espèce et de la structure du paysage environnant.</p>
<p>Par exemple, les tortues se déplacent sur des distances beaucoup plus courtes qu’un lynx, et leurs zones dangereuses sont très localisées. En conséquence, bien qu’une abondance de clôtures courtes convienne aux tortues, les clôtures pour lynx doivent être beaucoup plus longues.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/363775/original/file-20201015-15-1o8oz46.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La longueur d’une clôture influe sur la réduction prévue de la mortalité faunique. En ce sens, l’installation de clôture dans les zones dangereuses recensées à plus petite échelle, soit 200 mètres (ligne affichée en mauve), réduirait davantage la mortalité faunique sur les routes s’il n’y avait pas d’effet de bout de clôture.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Authors</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une fois les clôtures installées, les zones dangereuses peuvent disparaître ou se décaler et de nouvelles peuvent apparaître : nous devons donc pouvoir adapter les mesures d’atténuation. Notre plan graduel aide les gestionnaires du transport à décider de l’emplacement et de la longueur des clôtures.</p>
<p>Il a été démontré que les clôtures sont un moyen efficace et réaliste de réduire la mortalité faunique sur les routes. Les organismes de protection de la faune et de transport devraient miser sur les clôtures plutôt que sur les écoducs pour réduire l’impact des routes et de la circulation sur les populations d’animaux sauvages. Les automobilistes profitent eux aussi des effets bénéfiques des clôtures sur la sécurité routière.</p>
<p>Enfin, le boom de construction routière partout sur la planète représente une menace croissante pour la biodiversité, mettant en évidence le besoin urgent de réduire la mortalité routière de façon globale et de poser des clôtures pour protéger la faune.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/149617/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jochen A.G. Jaeger reçoit des fonds de recherche du ministère des Transports du Québec et de la Fondation de la faune du Québec, en collaboration avec l'organisme de conservation à but non lucratif Corridor appalachien.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fernanda Zimmermann Teixeira reçoit un financement de la Fundação de Aperfeiçoamento de Pessoal de Nível Superior (PNPD/CAPES). Elle travaille comme chercheure postdoctorale dans le cadre du programme d'études supérieures en écologie / UFRGS, Brésil.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Ariel Spanowicz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les routes et le trafic entraînent une mortalité massive des animaux sauvages dans le monde entier et le réseau routier est en pleine expansion. Est-il possible de mettre un terme à cette hécatombe ?Jochen A.G. Jaeger, Associate Professor, Geography, Planning and Environment, Concordia UniversityAriel Spanowicz, MSc student in Environmental Science, Swiss Federal Institute of Technology ZurichFernanda Zimmermann Teixeira, Postdoctoral researcher, Universidade Federal do Rio Grande do Sul (UFRGS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.