tag:theconversation.com,2011:/us/topics/traites-internationaux-96282/articlestraités internationaux – The Conversation2022-05-01T16:44:20Ztag:theconversation.com,2011:article/1820912022-05-01T16:44:20Z2022-05-01T16:44:20ZL’OMC face au défi du plurilatéralisme<p>L’<a href="https://docs.wto.org/dol2fe/Pages/SS/directdoc.aspx?filename=q:/WT/L/1129.pdf&Open=True">accord</a> signé en décembre dernier par 67 des 164 pays membres de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) a fait la joie de João Aguiar Machado, représentant permanent de l’Union européenne auprès de l’organisme. La conclusion des négociations est venue comme une respiration pour un organisme qui n’était pas parvenu à un résultat significatif depuis 2013. Le texte vise à <a href="https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/omc-un-accord-pour-faire-decoller-le-commerce-des-services-1369512">simplifier les procédures administratives et réglementaires relatives aux échanges de services</a>, qui représentent aujourd’hui plus de 20 % du commerce mondial.</p>
<p>Une respiration, car l’OMC traverse aujourd’hui une <a href="https://www.cairn.info/revue-paysan-et-societe-2021-3-page-17.htm">crise profonde</a>, incapable de conclure le <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/dda_f/dda_f.htm">cycle de Doha</a>, ouvert en 2001, et de réguler le commerce mondial. Celle qui a pris le relais du <em>General agreement on tariffs and trade</em> (Gatt) au 1<sup>er</sup> janvier 1995 ne semble également plus en mesure de remplir sa fonction de règlement des conflits commerciaux. Les États-Unis, en particulier, se sont <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/12/10/l-organisation-mondiale-du-commerce-depose-les-armes_6022296_3234.html">opposés au renouvellement des juges</a> d’appel de son Organe de règlement des différends.</p>
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<p>De nombreux observateurs voient l’avenir de l’OMC dans le <a href="https://www.g20-insights.org/policy_briefs/boosting-g20-cooperation-for-wto-reform-leveraging-the-full-potential-of-plurilateral-initiatives/">développement du plurilatéralisme</a>. Par accord plurilatéral, on désigne un traité signé entre un nombre limité de pays en vue de libéraliser les échanges dans un secteur en particulier. Cette libéralisation peut se faire « à géométrie variable », étant donné que disparaît le besoin d’un <a href="https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/10thi_f/10thi07_f.htm">consensus</a> entre un panel très large de pays comme c’est le cas à l’OMC. La généralisation de ces accords mettrait également fin au principe de l’engagement unique, en vertu duquel aucun thème de négociation ne peut faire l’objet d’un accord séparé. C’est l’adage « rien n’est conclu tant que tout n’est pas conclu ».</p>
<p>Les accords plurilatéraux en vigueur reconnus par l’OMC sont à ce jour au nombre de quatre. Les <a href="https://www.wto.org/french/thewto_f/whatis_f/tif_f/agrm10_f.htm">deux premiers</a> sont entrés en vigueur au début des années 1980, à la suite du Tokyo round. Ils concernent le commerce des aéronefs civils et l’octroi de marché publics et unissent respectivement 33 et 48 parties. Le <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/inftec_f/inftec_f.htm">troisième</a>, signé à l’origine par 29 participants de la Conférence ministérielle de l’OMC qui s’est tenue à Singapour en décembre 1996, porte sur les technologies de l’information. Outre la signature de l’accord de décembre dernier, des négociations plurilatérales sont en cours sur le <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/ecom_f/joint_statement_f.htm">commerce électronique</a> (86 pays participants), les <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/envir_f/ega_f.htm">biens environnementaux</a> (46 pays participants), les <a href="https://www.lesechos.fr/2016/06/tisa-cet-accord-commercial-dont-on-ne-parle-pas-1111467">services</a> (50 pays participants) et la participation des <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/msmes_f/msmes_f.htm">Micro, petites et moyennes entreprises (MPME)</a> au commerce international (91 pays participants).</p>
<p>Avec la multiplication des accords plurilatéraux, l’OMC deviendrait alors un <a href="https://academic.oup.com/jiel/article/9/4/823/852466?login=true">« club de clubs »</a>, selon l’expression de Robert Z. Lawrence, professeur à Harvard et ancien conseiller économique du président Clinton. Cette dynamique de « petits pas » semble cependant conduire à une libéralisation globale des échanges autant qu’elle risque, au contraire, de déboucher sur une nouvelle fragmentation du multilatéralisme. Plusieurs arguments plaident en fait pour chacune des deux thèses.</p>
<h2>Préparer le terrain au multilatéralisme</h2>
<p>La première thèse est celle du <a href="https://www.wto.org/french/news_f/news18_f/trdev_17jul18_f.htm">« plurilatéralisme ouvert »</a> ou « plurilatéralisme inclusif ». Les accords plurilatéraux conclus dans le cadre de l’OMC ont, par définition, une vocation multilatérale : tout membre de l’OMC non-signataire d’un accord plurilatéral existant pourra y adhérer par la suite.</p>
<p>Par effet domino, un nombre croissant de pays ont donc adhéré aux différents accords plurilatéraux existants. Ainsi, l’Accord sur les Marchés Publics et surtout l’Accord sur les Technologies de l’Information ont exercé un effet d’attraction sur les pays tiers. Le second, signé au départ par 29 pays, comprend aujourd’hui 82 pays réalisant 97 % du commerce des produits des technologies de l’information.</p>
<p><iframe id="29D0q" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/29D0q/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pareil accord peut, à titre expérimental, préparer le terrain au multilatéralisme. Il permet en effet de mesurer l’intérêt des pays membres de l’OMC pour un sujet que l’on envisage de mettre à l’ordre du jour de l’agenda. La « multilatéralisation » des accords plurilatéraux se trouve d’ailleurs facilitée lorsque la clause de la nation la plus favorisée est incorporée. Dans ce cas, les pays tiers ou non membres bénéficient en effet des avantages qui sont accordés aux pays membres.</p>
<h2>Logique d’exclusion</h2>
<p>Il y a cependant un revers à la médaille. La multiplication des accords plurilatéraux présente également des risques pour le multilatéralisme. Comme nous le soulignions dans une <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-etrangere-2016-2-page-143.htm">recherche</a> récente, le danger principal est celui d’une fragmentation du système commercial mondial.</p>
<p>Coexisteraient en effet deux types de pays, les « insiders », c’est-à-dire les pays membres des accords plurilatéraux, et les « outsiders », ceux qui en seraient exclus. Parmi ces derniers, devraient figurer la plupart des pays les moins développés. Dans les premières expériences d’accords, il apparaît déjà que les sujets des négociations sont choisis par les pays ayant un poids important dans le commerce mondial. Les services, le commerce des produits des technologies de l’information, ou les marchés publics sont des sujets d’un grand intérêt pour ces pays mais qui restent peu pertinents pour la très grande majorité des pays les moins développés.</p>
<p>Les pays en développement les plus pauvres ne souhaitent d’ailleurs pas adhérer à l’accord sur les technologies de l’information, de crainte que leurs entreprises du secteur ne soient rapidement éliminées par la concurrence d’entreprises étrangères plus compétitives.</p>
<p><iframe id="oebEw" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/oebEw/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Autre symbole de cette logique d’exclusion, aucune proposition de négociation commerciale plurilatérale ne porte, à ce jour, sur les produits agricoles. Il s’agit pourtant là d’un secteur dans lequel bon nombre de pays en développement sont très compétitifs.</p>
<p>On pourrait objecter à l’argument selon lequel les accords plurilatéraux visent à marginaliser les pays les moins développés que ces derniers pays auront tout loisir d’y adhérer quand leurs économies se seront développées. Soulignons cependant qu’il est difficile de rejoindre après coup un accord commercial déjà négocié, car il devient alors difficile de faire prévaloir ses intérêts.</p>
<h2>Éviter le « bol de spaghettis »</h2>
<p>Une règle émergente tend également à dire qu’un accord plurilatéral ne peut être « multilatéralisé » que si une « masse critique » de pays en est partie prenante. Cette masse critique permet de se prémunir du risque de comportement de passager clandestin de la part des principaux acteurs.</p>
<p>Cela favorise la marginalisation et l’exclusion des pays les moins développés. En effet, en raison de leur faible poids dans les échanges mondiaux, ces pays ne sont pas en mesure de constituer de masse critique et sont donc exclus a priori des négociations en vue de conclure des accords plurilatéraux à vocation multilatérale.</p>
<p>En résumé, face à la crise de l’OMC et au risque de démantèlement du système multilatéral actuel, le cadre de négociation plurilatéral constitue une étape intermédiaire pouvant conduire à terme à un multilatéralisme consolidé et renforcé. Ce but ne peut cependant être atteint que si les pays en viennent à s’accorder sur un <a href="https://www.g20-insights.org/policy_briefs/boosting-g20-cooperation-for-wto-reform-leveraging-the-full-potential-of-plurilateral-initiatives/">certains nombres de principes</a>.</p>
<p>Les accords plurilatéraux semblent devoir être ouverts à tous les membres, y compris, et surtout, aux pays les moins développés. Ceux-ci doivent faire l’objet d’une attention particulière, participer aux négociations et pouvoir adhérer aux accords existants lorsqu’ils le souhaitent.</p>
<p>Par ailleurs, une coordination doit être établie entre les différents accords plurilatéraux afin d’éviter tout chevauchement pouvant déboucher sur l’adoption de règles divergentes sur des questions proches, voire identiques. On parle de « bol de spaghetti de règles ». Une place doit, pour cela, être réservée pour des études d’impacts <em>ex ante</em> et des évaluations <em>ex post</em> des accords plurilatéraux.</p>
<p>Il paraît, enfin, important que les négociations soient menées de manière transparente. Le succès de la dynamique plurilatérale en cours semble dépendre dans une large mesure de l’adoption et du respect de ces principes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182091/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Dupuy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des accords construits par un nombre limité de pays avec la vocation de s’élargir à tous ? Telle semble être la voie actuellement empruntée à l’OMC. Avec les risques d’exclusion qui lui sont liés.Michel Dupuy, Professeur d'économie internationale, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1767732022-02-16T22:53:14Z2022-02-16T22:53:14ZLa protection de l’environnement en Chine : une équation à plusieurs inconnues<p>La Chine accueille ses seconds Jeux olympiques en moins de quinze ans – l’occasion de mettre une nouvelle fois en évidence les ambitions politiques et l’autorité de l’État chinois. Or ces Jeux d’hiver offrent une vitrine peu avantageuse en termes environnementaux : pas un flocon de ces olympiades ne serait <a href="https://www.novethic.fr/actualite/environnement/climat/isr-rse/les-jo-d-hiver-de-pekin-sont-les-premiers-a-dependre-entierement-de-neige-artificielle-150504.html">tombé naturellement</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-jeux-olympiques-dhiver-sont-si-importants-pour-la-legitimite-du-parti-communiste-chinois-176311">Pourquoi les Jeux olympiques d’hiver sont si importants pour la légitimité du Parti communiste chinois</a>
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<p>Il est vrai que sous l’angle environnemental, le constat apparaît mitigé, au-delà même de l’effet grossissant de ces Jeux. Connaissant des phénomènes de pollution aussi spectaculaires que réguliers, comme <a href="https://www.francetvinfo.fr/monde/asie/pollution-en-chine/video-chine-l-airpocalypse-en-trois-chiffres-chocs_1983703.html">l’« Airpocalypse » en 2016</a>, la Chine serait actuellement le <a href="https://climate.selectra.com/fr/empreinte-carbone/pays-pollueurs">plus grand émetteur de gaz à effets de serre au monde</a>. De plus, les <a href="https://wwf.panda.org/wwf_news/?256230/Chinas%2Dbiodiversity%2Ddeclines%2Das%2Dhuman%2Dfootprint%2Dgrows">dernières études publiées</a> font état d’une dégradation importante de la biodiversité et d’une déforestation galopante.</p>
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<h2>La particularité du système législatif chinois</h2>
<p>Un état des lieux s’impose, surtout sur un terrain peu exploré, qui est pourtant un outil clé de compréhension des avancées et des lacunes de la protection de l’environnement : celui du droit chinois.</p>
<p>La Chine se veut proactive au niveau international, le président Xi Jinping ayant récemment appelé le monde à entrer dans la <a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/biodiversite/cop15-la-chine-veut-un-accord-mondial-pour-preserver-la-biodiversite-184ecaa0-2b60-11ec-bfa1-8289e5d95d8d">« civilisation écologique »</a>. L’État chinois a adhéré à une grande partie des conventions internationales servant à la protection de l’environnement, parmi lesquelles les <a href="https://unfccc.int/fr/processus-et-reunions/l-accord-de-paris/l-accord-de-paris">accords de Paris (2016)</a>, la <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XXVII-10&chapter=27&clang=_fr">Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification (1997)</a> ou la <a href="https://www.un.org/fr/observances/biological-diversity-day/convention# :%7E :text=La %20Convention %20sur %20la %20diversit %C3 %A9 %20biologique %20(CDB) %20est %20un %20trait %C3 %A9,qui %20a %20trois %20principaux %20objectifs %20 %3A&text=l%E2%80%99utilisation %20durable %20de %20la,l%E2%80%99utilisation %20des %20ressources %20g %C3 %A9n %C3 %A9tiques.">Convention sur la diversité biologique (CBD)(1993)</a>.</p>
<p>De plus, la législation chinoise est constituée d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-revue-juridique-de-l-environnement-2020-4-page-751.htm?contenu=resume">multitude de textes de lois et de règlements</a>, en raison d’une inflation législative menée avec entrain depuis plusieurs décennies. Toute ressemblance avec la législation française et européenne n’est pas fortuite.</p>
<p>Les juristes français peuvent y trouver des points de repère classiques du droit de l’environnement : le principe de développement durable, le droit de l’être humain à vivre dans un environnement sain ou le principe de prévention jalonnent la législation chinoise. On retrouve également la même structure générale de la législation, organisée par ressources (un régime juridique spécifique pour la protection de l’eau par exemple). Enfin, plus de 130 tribunaux dédiés aux dommages environnementaux ont été créés en Chine entre 2007 et 2013.</p>
<p>Pourquoi donc un tel décalage ? Le développement économique fulgurant de la Chine (dès 2010, elle est devenue la deuxième puissance économique mondiale et représente, selon l’expression consacrée, l’<a href="https://le1hebdo.fr/journal/numeros/382/chine-l-envers-de-la-mdaille.html">usine du monde</a>) est une première piste évidente. C’est du point de vue de la législation qu’une autre piste de compréhension apparaît.</p>
<p>Si en Europe le chemin à parcourir pour assurer une effectivité à notre législation environnementale est encore long, la Chine est véritablement singulière, exotique même, du point de vue des juristes français. Cela se joue entre autres sur un aspect qui fait régulièrement débat dans la littérature scientifique : la conception chinoise du droit serait différente de celle des Européens. Cela « semble » différent car nous touchons ici à l’une des inconnues de ce que l’on peut appeler l’équation juridique chinoise, qui fait l’objet de <a href="https://www.persee.fr/doc/rqdi_0828-9999_2004_num_17_1_942">bien des débats</a>.</p>
<p>En effet, les fondements du pouvoir diffèrent : là où les sociétés libérales occidentales ont pour fondements les théories du contrat social et une souveraineté dont le titulaire est le peuple (ou la nation suivant les interprétations), la société chinoise, elle, fonde les rapports entre la société et l’État sur un autre socle : celui de l’idéologie socialiste. Cela transforme profondément le rôle des règles de droit pour régir la vie en société.</p>
<p>Si en France, en Allemagne ou aux États-Unis la règle de droit est la clé de voûte pour régir la vie en société, et assurer notamment une protection des libertés fondamentales, le rôle du droit en Chine apparaît moins évident.</p>
<p>Pour <a href="https://www.larcier.com/fr/introduction-a-la-pensee-juridique-chinoise-2014-9782804474515.html">certains</a>, la société chinoise n’est pas basée sur la règle de droit mais sur des règles morales édictées par le confucianisme, remises au goût du jour par le Parti communiste chinois.</p>
<p>Pour <a href="https://lawcat.berkeley.edu/record/1169079">d’autres</a>, cet enracinement dans la morale confucéenne ne serait qu’un mythe entretenu par le même Parti communiste pour asseoir son autorité. Il existe bien un droit chinois, mais il ne serait qu’une coquille vide dont l’existence servirait à attirer les investisseurs étrangers et à gagner la confiance de la communauté internationale.</p>
<p>La réalité se trouve certainement à mi-chemin entre les deux, tant on ne peut résumer le fonctionnement d’une société en quelques lignes.</p>
<h2>Un système juridique hybride</h2>
<p>L’hypothèse d’une société aux systèmes juridiques parallèles est avancée par une <a href="https://journals.openedition.org/perspectiveschinoises/9069">partie de la doctrine</a>. Il existerait un double discours juridique, spécifiquement en matière de protection de l’environnement.</p>
<p>D’un côté, un système juridique libéral, inspiré du système occidental et provenant en partie de l’application du droit international sur le sol chinois. C’est au sein de ce système que sont appliquées des règles de protection de l’environnement similaires aux règles européennes. C’est aussi dans ce système qu’officient les 130 cours spécialisées dans la protection de l’environnement.</p>
<p>D’un autre côté, dans une complémentarité encore difficile à saisir du point de vue occidental, un système de normes tout aussi contraignantes, aux fondements nettement moins libéraux et faisant partie intégrante d’un système bureaucratique élaboré, serait mis en œuvre en lien hiérarchique direct avec le Parti.</p>
<p>Ces deux systèmes parallèles nourrissent le double discours permanent de la Chine en matière de protection de l’environnement : d’une part, une adhésion aux engagements internationaux en faveur de la protection du climat, de la biodiversité, des océans. Il s’agit de s’assurer de la confiance et de la fidélité des partenaires étrangers de cette deuxième économie mondiale. D’autre part, à l’intérieur du territoire, le développement économique est prioritaire pour sortir la population de la pauvreté et (re)placer la Chine au centre du monde. Si,et seulement si, cela va dans le sens du développement stratégique et économique de la Chine, le régime juridique de protection de l’environnement est pleinement mis en œuvre.</p>
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<p>C’est ce double discours que la Chine entretient depuis les années 1970 et qui a permis son essor. Et il semble que cela va continuer. Pensons aux réserves de métaux rares qui se trouvent dans le sol chinois. La Chine est le premier producteur mondial de ces métaux, lesquels entrent dans la composition d’une multitude d’objets du quotidien, nos téléphones portables notamment. Ils assureront <a href="https://www.liberation.fr/planete/2018/02/01/metaux-rares-un-vehicule-electrique-genere-presque-autant-de-carbone-qu-un-diesel_1625375/">notre transition écologique</a> aussi. Une tonne de terres rares est nécessaire pour construire une éolienne, et une dizaine de kilogrammes pour la batterie d’une voiture électrique. Enfin, beaucoup de nos équipements militaires dépendraient de technologies utilisant <a href="http://www.editionslesliensquiliberent.fr/livre-La_guerre_des_m%C3%A9taux_rares-531-1-1-0-1.html">ces matériaux</a>.</p>
<p>La Chine apparaît donc comme un acteur incontournable pour assurer une protection effective et efficace de l’environnement à l’échelle de la planète. Et pour agir de concert avec un acteur dont les conceptions <a href="https://tinyurl.com/2p9348cu">diffèrent des nôtres</a>, il faut prendre en compte ses spécificités culturelles. C’est un aspect central qui a justement été soulevé en 2019 par l’Assemblée générale des Nations unies <a href="https://undocs.org/pdf?symbol=fr/A/RES/73/333">(Résolution 73/333 du 30 août 2019)</a> dans son projet de rénovation du droit international, ce dernier étant jugé insuffisamment effectif, notamment en matière de droit de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176773/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Claire Joachim ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La Chine souhaite apparaître comme une « puissance verte », notamment à l’occasion des JO. Seulement, la protection de l’environnement est conçue différemment en Chine et en Occident.Claire Joachim, Ph.D, Maîtresse de conférences en droit public, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1706712021-10-28T19:00:19Z2021-10-28T19:00:19ZLa « sortie des traités » est-elle vraiment possible ?<p>Des candidats à l’élection présidentielle invoquent, pour certains, « la révision des traités » et, pour d’autres, la <a href="https://www.20minutes.fr/politique/3151051-20211019-presidentielle-2022-asselineau-zemmour-passant-lr-elan-eurosceptique">« sortie des traités »</a>. Pour les uns comme pour les autres, sans que la chose soit mentionnée, il s’agit du « traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » (TFUE) qui impose notamment des objectifs de déficit public à ne pas dépasser. Il y a 10 ans, François Hollande, alors candidat à la présidence de la République, avait retenu <a href="https://www.luipresident.fr/francois-hollande/engagement/renegocier-traite-europeen-en-privilegiant-croissance-et-lemploi-et-en">l’idée d’une révision</a> qu’il n’a été à aucun moment capable d’imposer.</p>
<p>Penser que les marges de manœuvre du gouvernement sont limitées par le seul traité européen serait pourtant une idée réductrice et partiellement inexacte. Nous sommes en effet engagés par d’autres textes que nous avons signés, mais aussi par la <em>soft law</em> d’organisations internationales, que nous intégrons dans notre droit interne.</p>
<h2>Lutte contre le protectionnisme</h2>
<p>L’<a href="https://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/marrakesh_decl_f.htm">accord de Marrakech</a>, du 15 avril 1994, fait de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) une institution qui gouverne les relations commerciales internationales. Ses objectifs sont de libéraliser ces relations et de lutter contre le protectionnisme. Il s’agit en outre de multilatériser ces relations.</p>
<p>L’accord met en place un abaissement général et progressif des droits de douane. Il interdit les restrictions quantitatives et s’inscrit de plain-pied dans une économie libérale. L’OMC est ainsi l’outil de régulation du commerce mondial dans une économie qui pratique le libre-échange. L’agriculture comme le commerce des textiles, les investissements liés au commerce comme le domaine intellectuel sont concernés.</p>
<p>On peut penser, par exemple, qu’une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne pourrait entraîner une distorsion de concurrence, dans la mesure où les pays les plus démunis n’ont pas obligatoirement accès aux technologies leur permettant de réduire l’intensité carbone dans leur production. Ce serait, en outre, une forme de protectionnisme. L’OMC pourrait avoir à en connaître. La solution n’est pas régionale, mais mondiale avec un prix mondial du carbone.</p>
<p>La France signataire de l’accord se doit de le respecter, sauf à le dénoncer. Actuellement, les membres de l’OMC ont des points de vue qui peuvent être rapprochés, quand ils ne sont pas franchement antagonistes, concernant le commerce électronique, l’investissement ainsi que la promotion du développement des petites entreprises. Si l’on ne prend pas le parti de sortir de l’OMC, alors il faudra donc que les candidats à l’élection présidentielle formulent des propositions ambitieuses.</p>
<h2>Co-production de standards</h2>
<p>De même, l’organisation administrative mondiale, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), et l’instance politique, le G20, forment un couple qui fait que nous sommes dans une co-production de standards internationaux. Les pays observateurs (Chine, Brésil…) sont très largement associés à la réflexion comme à l’élaboration de standards internationaux. La <em>soft law</em> a largement fait preuve de son efficacité car les ensembles régionaux, dont l’Union européenne, et les États finissent sans contrainte par intégrer dans leur droit interne les préconisations de l’organisation internationale.</p>
<p>Le droit fiscal international fait l’objet, depuis la crise de 2008, d’une profonde réécriture. La France, comme d’autres, s’approprie le plan Base Erosion and Profit Shifting (<a href="https://lnkd.in/dQG6He7J">BEPS</a>) qui impacte toute la fiscalité internationale. Avec la signature puis la ratification de la Convention multilatérale, même si nous avons posé quelques réserves, c’est tout notre réseau de conventions fiscales internationales qui se trouve actualisé. L’OCDE a élaboré toute une série de standards internationaux, en matière de transparence comme en matière d’<a href="https://lnkd.in/dQG6He7J">échange d’informations à des fins fiscales</a>, que nous avons intégré dans notre droit comme dans nos pratiques.</p>
<p>Il semble donc pour le moins difficile de remettre en cause l’ensemble de ce processus qui est planétaire – même si une élection présidentielle peut profondément modifier le paysage politique.</p>
<h2>Politique d’accompagnement</h2>
<p>Mais ce sont surtout les traités concernant l’Union européenne qui cristallisent les passions. Bien souvent c’est un moyen commode pour les responsables politiques de s’exonérer et de faire porter la responsabilité aux instances communautaires. C’est de la faute de Bruxelles !</p>
<p>Quand on a pour ambition de créer un espace sans frontières, on songe à la liberté des hommes, des capitaux et des marchandises de pouvoir circuler librement. Dès lors, la politique fiscale est conçue comme une politique d’<a href="https://lnkd.in/dQG6He7J">accompagnement</a> à la création d’un marché commun puis du marché intérieur, comme nous l’avions souligné dans nos recherches. L’idéologie dominante au sein de l’Union européenne reste d’affirmer que le bon fonctionnement du marché intérieur implique une concurrence, qui doit être libre et non faussée, par des pratiques d’origine publique ou privée en favorisant ou désavantageant certaines entreprises.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/428525/original/file-20211026-25-1lcz7ga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le château de La Muette, à Paris, héberge aujourd’hui le siège de l’OCDE.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/marsupilami92/7999475319">Patrick Janicek/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Les États membres, quand ils proposent un dispositif fiscal visant un secteur d’activités ou une activité particulière, doivent donc admettre l’obligation qui leur est faite de respecter le droit de l’Union, mais aussi de ne pas fausser la concurrence. Pour cela, la Cour de justice joue son rôle et s’assure que les États membres respectent les traités, n’hésitant pas à censurer des dispositifs nationaux votés par des assemblées nationales et parfois validés par les conseils ou cours constitutionnels.</p>
<h2>Engagements dans une économie mondialisée</h2>
<p>La France, comme le reste du monde, s’inscrit dans le cadre du marché mondial régulé, avec plus ou moins de bonheur, par l’OMC. Elle met dans son droit positif les standards internationaux de l’OCDE. Elle intègre le droit de l’Union européenne et la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme.</p>
<p>Évidement, on peut toujours décider qu’il serait préférable d’avoir, concernant <a href="https://lnkd.in/dQG6He7J">l’impôt sur le revenu</a>, une imposition individuelle et non plus une imposition dans le cadre du foyer fiscal. On peut aussi décider aussi d’une réforme de la fiscalité locale ou d’avoir, ou non, des droits de succession et un impôt sur la fortune – encore que l’OCDE a formulé récemment des <a href="https://www.oecd.org/fr/presse/les-impots-sur-les-successions-et-les-donations-pourraient-jouer-un-role-plus-important-pour-reduire-les-inegalites-et-ameliorer-les-finances-publiques.htm">recommandations</a> afin d’améliorer le rendement budgétaire des droits de succession et de donation. Mais les politiques fiscales sont, pour l’essentiel, définies dans des instances de <em>soft law</em> (OCDE) ou dans un cadre régional (Union européenne).</p>
<p>Les procédures sont parfaitement respectées. Les lois de finances sont présentées dans les formes requises. Le Conseil constitutionnel fait son œuvre. Il y a bien longtemps que le parlement ne fait plus la loi fiscale, ce qui ne lui interdit pas de voter le budget dans les délais et les formes requises.</p>
<p>Par conséquent, la question de savoir s’il faut réviser, ou sortir des traités, n’est qu’un aspect réducteur d’une problématique plus générale qui est d’apprécier les conséquences, à plus ou moins long terme, des engagements de la France dans une économie mondialisée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/170671/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Lambert ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>OMC, OCDE… Au-delà des textes européens, la France est engagée dans un certain nombre de cadres juridiques internationaux dont elle a co-produit les standards.Thierry Lambert, Professeur de droit fiscal, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1622862021-06-13T16:36:16Z2021-06-13T16:36:16ZLa réunion consultative du Traité sur l’Antarctique à Paris : priorité à l’environnement<p>Du 14 au 24 juin 2021, la France accueille la <a href="https://atcm43paris.fr/">43ᵉ Réunion consultative du Traité sur l’Antarctique</a> (RCTA), qui sera présidée par Olivier Poivre d’Arvor, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042565262?init=true&page=1&query=ambassadeur+des+p%C3%B4les&searchField=ALL&tab_selection=all">ambassadeur en charge des pôles et des enjeux maritimes</a>. Créé par le <a href="https://ats.aq/f/protocol.html">Protocole au Traité sur l’Antarctique relatif à la protection de l’environnement (Madrid, 1991)</a>, le Comité pour la Protection de l’Environnement se réunira également à cette occasion pour sa 23<sup>e</sup> réunion.</p>
<p>Depuis <a href="https://theconversation.com/traite-sur-lantarctique-les-60-ans-dun-accord-international-pas-comme-les-autres-127266">l’adoption du Traité sur l’Antarctique</a> à Washington en 1959 et son entrée en vigueur en 1961, la France a présidé la RCTA uniquement à deux reprises (en <a href="https://ats.aq/devAS/Meetings/Past/6">1968</a> et <a href="https://ats.aq/devAS/Meetings/Past/39">1989</a>).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404810/original/file-20210607-28232-1s43hlf.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Timbre spécialement créé en 1989.</span>
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<p>Dans la mesure où la RCTA est accueillie successivement par les États dits « <a href="https://ats.aq/devAS/Parties?lang=f">Parties consultatives</a> » et qui sont actuellement au nombre de 29, la France ne devrait pas organiser un tel événement avant 2050.</p>
<h2>Le fonctionnement de la RCTA</h2>
<p>Le <a href="https://ats.aq/f/antarctictreaty.html">Traité sur l’Antarctique</a> a pour objectif d’offrir un cadre juridique aux activités humaines menées au Sud du soixantième degré de latitude Sud. Chaque année depuis 1994 (et tous les deux ans de 1961 à 1994), la RCTA permet aux États non seulement d’échanger des informations et de réfléchir en commun à des problématiques qu’ils partagent, mais surtout de mettre en œuvre le traité en adoptant de nouvelles décisions. Elle constitue le cadre de référence des négociations internationales sur la gestion des activités humaines en Antarctique.</p>
<p>De 12 États signataires à l’origine, <a href="http://www.editionstechnip.com/fr/catalogue-detail/2204/geopolitical-atlas-of-the-oceans.html">on est passé</a>, avec l’adhésion de la Slovénie en 2019, à 54 États parties au Traité sur l’Antarctique. Parmi eux, certains ont un statut particulier puisqu’ils sont les seuls à bénéficier d’un droit de vote à l’occasion des RCTA : ce sont les « Parties consultatives ».</p>
<p>On retrouve parmi elles, d’abord, les États qui ont signé le traité en 1959. Il s’agit des sept États qui ont, à l’époque, émis des prétentions territoriales sur l’Antarctique (Argentine, Australie, Chili, France, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni) ainsi que cinq autres États actifs pendant l’<a href="https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000067904_fre">Année géophysique internationale</a> (Afrique du Sud, Belgique, États-Unis, Japon, URSS – aujourd’hui Fédération de Russie).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=839&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/405478/original/file-20210609-15050-1u7kuz0.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1055&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Carte de Louise Marcoux, in Lasserre F., Choquet A., Escudé C., Géopolitique des pôles, Vers une appropriation des espaces polaires ? éd. Cavalier Bleu, 2021.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>D’autres États ont été, depuis, cooptés par les Parties consultatives. Ils sont aujourd’hui au nombre de 17, le dernier admis en date étant l’Ukraine, en 2004.</p>
<p>Pour être accepté comme Partie consultative, un État partie au traité doit pouvoir démontrer l’« intérêt actif » qu’il porte « à l’Antarctique en y menant des activités substantielles de recherche scientifique telles que l’établissement d’une station ou l’envoi d’une expédition » (article 9 du Traité). La construction d’une station ou l’envoi d’une expédition n’est cependant pas un prérequis, encore moins depuis l’adoption du Protocole de Madrid qui consacre une <a href="http://www.theses.fr/2003BRES5003">protection globale de l’environnement</a> en Antarctique. Un État qui désire être coopté gagnera plus à démontrer <a href="http://www.lecavalierbleu.com/livre/geopolitique-des-poles/">sa volonté de s’engager à long terme en matière de recherche</a>.</p>
<p>Lors des RCTA, les décisions sont adoptées au consensus, donc actuellement par les 29 Parties consultatives. Conséquence d’une telle exigence, les négociations sont souvent longues, un seul État pouvant bloquer le processus. Mais cette pratique présente un avantage considérable : dans la mesure où elles sont adoptées au consensus, les décisions doivent pouvoir être plus facilement mises en œuvre par les États qui les ont, de fait, acceptées.</p>
<h2>Un esprit de coopération</h2>
<p>En matière de gouvernance, la RCTA représente un <a href="https://www.jstor.org/stable/27016529?seq=1">modèle de coopération</a>. Chaque Partie consultative, nous l’avons dit, l’accueille à tour de rôle. L’ordre alphabétique anglais est retenu. Après <a href="https://ats.aq/devAS/Meetings/Past/87">Prague</a> (République tchèque) en 2019, c’est au tour de la France de l’organiser (la Finlande n’ayant pu le faire en 2020 en raison de la pandémie).</p>
<p>Il appartient à chaque État d’organiser sa délégation. Celle de la France est habituellement composée de représentants du ministère chargé des Affaires étrangères, du ministère chargé des questions environnementales, des Terres australes et antarctiques françaises (<a href="https://taaf.fr/">TAAF</a>) et de l’<a href="https://www.institut-polaire.fr/language/fr/">Institut polaire français</a>, accompagnés d’experts conseillers. Compte tenu des contraintes sanitaires en 2021, la RCTA est organisée en format virtuel.</p>
<p>Si les RCTA accueillent avant tout les Parties consultatives, les autres États ne sont pas délaissés. Les États parties au Traité sur l’Antarctique peuvent y participer, ainsi que, sur invitation, des États non parties, mais également des organisations internationales ou non gouvernementales (ONG).</p>
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<p>Parmi les observateurs, le Comité scientifique pour la recherche en Antarctique (<a href="https://www.scar.org/">SCAR</a>), la Commission pour la conservation de la faune et de la flore marines de l’Antarctique (<a href="https://www.ccamlr.org/fr/organisation/la-ccamlr">CCAMLR</a>) et le Conseil des directeurs des programmes antarctiques nationaux (<a href="https://www.comnap.aq/">COMNAP</a>) tiennent une place particulière. Conformément au <a href="https://ats.aq/f/protocol.html">Protocole de Madrid</a>, ils participent aux réunions dans le but spécifique de faire rapport sur leurs activités ou sur les faits relevant de leur compétence.</p>
<p>Afin d’aider les États dans leurs travaux, des experts d’organisations internationales qui ont un intérêt scientifique ou technique en Antarctique peuvent également, sur invitation de la RCTA, y assister. Parmi eux, sont traditionnellement invités : l’Organisation hydrographique internationale (OHI), l’Organisation maritime internationale (OMI) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Du côté des ONG, on note la présence régulière de la Coalition sur l’Antarctique et l’océan Austral (<a href="https://www.asoc.org/">ASOC</a>) et de l’Association internationale des organisateurs de voyages dans l’Antarctique (<a href="https://iaato.org/">IAATO</a>).</p>
<p>Même s’ils ne prennent pas part aux votes, les observateurs participent pleinement aux RCTA. Ils peuvent, notamment, sur invitation, prendre la parole, présenter des <a href="https://ats.aq/devAS/Meetings/Documents/87">documents</a> d’information ou co-écrire des documents de travail.</p>
<h2>Le renforcement du cadre réglementaire des activités humaines</h2>
<p>Contrairement aux idées reçues, le Traité sur l’Antarctique n’a pas été signé pour 30 ans, pas plus que le Protocole de Madrid adopté en 1991 le reconduit jusqu’à une fin prévue en 2048. Le traité et le protocole ont vocation à durer, ils ont été adoptés pour une durée indéfinie. Ils pourraient certes être modifiés, mais à des conditions strictes même à partir de 2048 pour, par exemple, lever <a href="https://www.cairn.info/revue-natures-sciences-societes-2018-1-page-49.htm">l’interdiction des activités relatives aux ressources minérales</a>).</p>
<p>Les États ont choisi de renforcer et de compléter le traité, notamment en matière environnementale, en raison de la fragilité de la région face aux pressions humaines (recherche scientifique et logistique, pêche, tourisme). Avec le traité de 1959, les traités et décisions complémentaires entrés en vigueur forment le <a href="https://www.cairn.info/revue-strategique-2019-3-page-61.htm">« Système du Traité sur l’Antarctique »</a>.</p>
<p><a href="https://ats.aq/f/key-documents.html">Différents traités</a> ont été adoptés : la Convention pour la protection des phoques de l’Antarctique (Londres, 1972), la Convention sur la conservation de la faune et la flore marines de l’Antarctique (Canberra, 1980), la Convention sur la réglementation des activités relatives aux ressources minérales (Wellington, 1988, non entrée en vigueur). Protocole au Traité sur l’Antarctique, le Protocole de Madrid lui confère un volet environnemental et établit un régime de protection globale de l’environnement en Antarctique et des écosystèmes dépendants et associés. Il fait de l’Antarctique une réserve naturelle consacrée à la paix et la science.</p>
<p>Toujours sur la base du Traité sur l’Antarctique, les États ont adopté d’autres <a href="https://ats.aq/devAS/ToolsAndResources/AntarcticTreatyDatabase?lang=f">dispositions réglementaires</a>. Longtemps appelées Recommandations, elles prennent aujourd’hui la forme de Mesures, Décisions et Recommandations destinées à gérer les activités humaines. La fragilité de la région est telle qu’ils optent pour des mesures environnementales strictes. À cette fin, la RCTA s’appuie sur les avis du <a href="https://ats.aq/f/committee.html">Comité pour la protection de l’environnement</a> (CPE) créé par le Protocole de Madrid afin notamment de formuler des recommandations aux Parties sur la mise en œuvre des règles.</p>
<h2>La RCTA de Paris, une réunion dans la continuité</h2>
<p>La RCTA de Paris est particulièrement attendue par les États, qui n’ont pu se rencontrer en 2020. Des dossiers régulièrement étudiés lors des RCTA vont pouvoir être repris. Parmi eux, trois peuvent être ici évoqués.</p>
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<p>Préalablement à toute activité dans la zone du traité, une <a href="https://ats.aq/f/eia.html">évaluation d’impact sur l’environnement</a> est exigée. La RCTA est l’occasion d’étudier les évaluations qualifiées de globales, qui concernent des projets qui auront probablement un « impact plus que mineur ou transitoire » sur l’environnement. Il s’agit d’étudier notamment les effets dommageables éventuels et l’existence de moyens rapides et efficaces en cas d’accident. En 2021, des évaluations portant sur des réaménagements ou constructions de stations seront étudiées.</p>
<p>La RCTA peut être également l’occasion d’accorder une protection plus importante à certains lieux à travers la consécration de <a href="https://ats.aq/f/protected.html">zones et sites protégés</a>. La Liste des Sites historiques et monuments historiques (SHS) peut être complétée. De nouvelles Zones spécialement protégées de l’Antarctique (ZSPA) et des Zones gérées spéciales de l’Antarctique (ZGSA) peuvent être établies. L’entrée est alors conditionnée au respect d’un plan de gestion et, en plus pour les ZSPA, d’un permis préalable accordé par une autorité nationale compétente. La France est, par exemple, à l’origine de la ZSPA <a href="https://www.ats.aq/devph/en/apa-database/25">n° 120 – Pointe Géologie</a>. En 2021, différents plans de gestion seront révisés.</p>
<p>La RCTA de Paris permettra aux États de poursuivre leurs discussions relatives aux activités touristiques engagées en raison de l’augmentation et de la diversification des activités touristiques et face aux risques associés en matière de sécurité humaine et de protection de l’environnement. Elle permettra de revoir, par exemple, des <a href="https://eies.ats.aq/Ats.ie/Reports/rptShipBasedByMostVisitedSites.aspx ?yearF=2019&yearT=2020&period=2&reportTitle=Most%20Visited%20Sites&GridWithFilters=1">lignes directrices pour les sites qui reçoivent fréquemment des touristes</a>.</p>
<p>Ce sera également l’occasion d’étudier les rapports des groupes de travail qui ont travaillé en intersession depuis la dernière RCTA en <a href="https://ats.aq/devAS/Meetings/Past/87">2019</a>. Des projets portés par la France seront ainsi discutés, par exemple, l’établissement d’un cadre opérationnel volontaire d’observateurs à bord des navires touristiques opérant dans la zone du traité.</p>
<p>Lors de la 43<sup>e</sup> RCTA, les États ne manqueront pas de célébrer le soixantième anniversaire de l’entrée en vigueur du Traité sur l’Antarctique et le trentième anniversaire de l’adoption du Protocole de Madrid. Plus que jamais, en raison du développement des activités humaines en Antarctique, les discussions qui y seront menées seront certainement l’occasion de montrer la force du Traité sur l’Antarctique et la capacité des États à faire face aux <a href="http://pedone.info/site/wp-content/uploads/2021/03/Pr %C3 %A9sentation-LAntarctique-1.pdf">enjeux</a> de l’Antarctique dans un cadre de coopération unique et exemplaire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162286/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Choquet ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Signé en 1959, le Traité sur l’Antarctique, qui réunit 54 États parties, vise à encadrer les activités humaines dans cette région fragile. La France accueille cette année la 43ᵉ Réunion consultative.Anne Choquet, Enseignante chercheure en droit, Brest Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1539952021-02-08T20:14:21Z2021-02-08T20:14:21ZVers une mise au ban de la bombe nucléaire ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/382633/original/file-20210204-24-1ewomqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=36%2C14%2C4852%2C2975&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Neuf pays possèdent aujourd'hui l'arme nucléaire. Aucun d'entre eux n'a ratifié le Traité l'interdisant, qui vient d'entrer en vigueur.</span> <span class="attribution"><span class="source">Razvan Ionut Dragomirescu/shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 22 janvier 2021 est entré en vigueur le <a href="https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=TREATY&mtdsg_no=XXVI-9&chapter=26&clang=_fr">Traité sur l’interdiction des armes nucléaires</a> (TIAN), élaboré sous l’égide de l’ONU. Ce nouveau traité vise à interdire purement et simplement les armes nucléaires dans le monde. Il a donc une optique différente et plus radicale que le <a href="https://www.un.org/fr/conf/npt/2015/pdf/text%20of%20the%20treaty_fr.pdf">Traité de non-prolifération</a> (TNP) de 1968. Son entrée en vigueur a été permise par la ratification d’un minimum de 50 États (51 l’ont ratifié).</p>
<p>Est-ce à dire que les armes nucléaires vont disparaître ? Non, car aucune des neuf puissances nucléaires (États-Unis, Russie, Royaume-Uni, France, Chine, Inde, Pakistan, Corée du Nord, Israël) ne l’a ratifié pour l’instant. Sa portée est donc essentiellement symbolique. Mais le TIAN – obtenu grâce à l’implication de nombreuses ONG et associations de la société civile, comme l’ICAN (<a href="https://www.icanw.org/leaders_voice_support_for_nuclear_ban_treaty">Campagne pour l’interdiction des armes nucléaires</a>, un groupement d’associations comprenant notamment <a href="https://pugwash.org/">Pugwash</a> et le <a href="http://www.mvtpaix.org/">Mouvement de la Paix</a>, et qui a obtenu le prix Nobel de la paix en 2017) et le <a href="https://www.icrc.org/fr">Comité international de la Croix-Rouge</a> (CICR) – représente tout de même un grand pas en avant.</p>
<h2>Satisfaction des abolitionnistes</h2>
<p>Le traité a été progressivement élaboré au cours de trois grandes conférences intergouvernementales en 2013 et 2014 sur « l’impact humanitaire des armes nucléaires », en Norvège, au Mexique et en Autriche, conférences auxquelles de nombreuses ONG pacifistes ont été associées.</p>
<p>Dominique Lalanne, physicien nucléaire, membre du conseil d’administration de Pugwash France, et du collectif « Abolition des armes nucléaires », a été associé à l’élaboration du TIAN. Il rappelle qu’à l’origine, l’idée du TIAN a été lancée par des médecins, en particulier par l’<a href="https://www.ippnw.eu/fr/accueil.html">Association internationale des médecins pour la prévention de la guerre nucléaire</a> (lIPPNW) :</p>
<blockquote>
<p>« Les médecins ont mis l’accent sur les conséquences dramatiques pour la santé humaine de l’explosion d’armes nucléaires, ils ont insisté sur le fait que ce serait catastrophique sur le plan humanitaire. Ils ont lancé l’idée d’un traité légalement contraignant, qui irait plus loin que le TNP de 1968. En effet le TNP induit une inégalité entre pays nucléaires et pays non nucléaires. »</p>
</blockquote>
<p>Dominique Lalanne insiste sur l’atmosphère « enthousiasmante » lors de l’élaboration du TIAN à l’ONU :</p>
<blockquote>
<p>« C’était très enthousiasmant car les associations ont eu le même droit de parole que les ambassadeurs des États, c’était une dynamique extraordinaire ; ainsi, le TIAN reflète à la fois la position des États et celle des peuples eux-mêmes, dans l’esprit de la Charte de l’ONU de 1945 qui commence par “Nous, les peuples”. Cela a été une grande victoire pour les peuples. Cette élaboration a été très différente de celle des autres traités onusiens comme le TNP, c’était plus démocratique. »</p>
</blockquote>
<p>Pour Dominique Lalanne, même si le TIAN n’est pas ratifié par les puissances nucléaires, et si aucun pays nucléaire ne va adhérer au TIAN dans les prochaines années, « le TIAN va populariser l’idée que les armes nucléaires sont illégales, il stigmatise l’arme nucléaire, et va donc faire évoluer les mentalités. »</p>
<p>Édith Boulanger, membre du Bureau national du Mouvement de la Paix, confirme cette analyse : elle relate que la conférence d’élaboration du TIAN à laquelle elle a participé à New York s’est tenue dans « une ambiance extraordinaire » et affirme que le TIAN va exercer une « pression morale » sur les puissances nucléaires.</p>
<p>Cette opinion est partagée par Annick Suzor-Weiner, physicienne, professeure émérite, vice-présidente de Pugwash-France :</p>
<blockquote>
<p>« L’ONU a vraiment joué le jeu et fait participer la société civile à l’élaboration du TIAN. Il m’a semblé, quand j’étais à New York en juillet 2017, que les Hibakusha de Hiroshima et Nagasaki jouaient un rôle important, mis en avant par l’ICAN. D’ailleurs, une Hibakusha était à Stockholm pour la remise du prix Nobel de la Paix à l’ICAN en 2017. »</p>
</blockquote>
<p>Les <a href="https://www.lemonde.fr/asie-pacifique/article/2015/08/05/hiroshima-le-combat-des-hibakusha-contre-l-oubli_4712659_3216.html">Hibakusha</a> sont les survivants japonais irradiés, victimes des bombes atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki. Ils sont engagés depuis longtemps en faveur du désarmement nucléaire et exercent une pression morale importante pour condamner l’usage de la bombe.</p>
<h2>L’abolition, une exigence aussi ancienne que l’arme nucléaire</h2>
<p>De fait, le <a href="https://www.un.org/disarmament/wp-content/uploads/2017/10/tpnw-info-kit-v2.pdf">préambule du TIAN</a> évoque la souffrance des Hibakusha et des victimes des essais nucléaires, déplore la « lenteur du désarmement nucléaire et l’importance que continuent de prendre les armes nucléaires dans les doctrines militaires » et appelle au respect du droit international existant : la Charte de l’ONU, le droit international humanitaire, le TNP – qualifié de « pierre angulaire du régime de non-prolifération et de désarmement nucléaires », ainsi que le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE). Le préambule souligne que tout emploi d’armes nucléaires serait contraire aux règles du droit international, et serait inadmissible par rapport aux principes de l’humanité. Il conclut en insistant sur « le rôle de la conscience publique dans l’avancement des principes de l’humanité »,</p>
<p>Annick Suzor-Weiner souligne la continuité entre le TNP et le TIAN : en effet, « l’article 6 du TNP fait – depuis un demi-siècle – obligation de négocier en vue de “la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée” et d’un “traité de désarmement général et complet” ! C’est devant le non-respect prolongé de cet article que la pression s’est organisée dans la société civile. » Selon elle, le progrès, avec l’entrée en vigueur du TIAN, « est surtout de remettre la question bien en vue, et d’instituer une sorte de “norme” morale qui fera pression sur les états détenteurs, via leur opinion publique et les pays exposés. La période de menaces multiformes (pandémies, changement climatique) est propice à : 1. éliminer un danger qui est entre nos mains (ou sous nos doigts pour neuf chefs d’État !) ; 2. économiser des milliards dont on a bien besoin ailleurs. »</p>
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<p>Ghislaine Doucet, conseillère juridique principale au CICR, analyse pour sa part :</p>
<blockquote>
<p>« Au CICR, on n’a pas attendu le XXI<sup>e</sup> siècle pour dire qu’il faut renoncer aux armes nucléaires : dès 1945, on avait déjà des délégués du CICR à Hiroshima, et un délégué, Fritz Bilfinger, avait envoyé un télégramme pour attirer l’attention de la communauté mondiale sur la gravité de l’arme atomique. Et en septembre 1945, le Dr Marcel Junot, chef de la délégation du CICR au Japon, avait adressé une circulaire à toutes les sociétés nationales de la Croix-Rouge sur les dangers de l’arme atomique. En 1946, la Conférence des sociétés nationales de la Croix-Rouge avait recommandé l’interdiction de l’emploi de l’arme atomique pour des buts de guerre. »</p>
</blockquote>
<p>Elle rappelle le rôle clé du CICR dans la lutte contre la bombe nucléaire : « Lors de la préparation du TIAN, le CICR s’est prononcé pour, car les soignants, les aidants ne peuvent pas intervenir pour venir en aide aux populations en cas d’attaque nucléaire. Le CICR a toujours mis en avant les considérations humanitaires. Au CICR, on a fait valoir qu’en cas d’explosion d’une bombe nucléaire, on ne peut pas envoyer de soignants, de travailleurs humanitaires. »</p>
<h2>La lente évolution des consciences</h2>
<p>La France, puissance nucléaire depuis 1960, considère officiellement que le TIAN est « un <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/276902-traite-sur-linterdiction-des-armes-nucleaires-entre-en-vigueur-en-2021">texte inadapté au contexte sécuritaire international</a> marqué par la résurgence des menaces d’emploi de la force » ; qu’il s’adresse exclusivement aux démocraties occidentales et « ne servira donc pas la cause du désarmement, puisqu’aucun État disposant de l’arme nucléaire ne le signera » ; et qu’il « fragilise une approche réaliste d’un désarmement s’effectuant étape par étape ». </p>
<p>Le ministre des Affaires étrangères français, Jean‑Yves Le Drian, a fait valoir en avril 2019 devant le Conseil de sécurité de l’ONU que « <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/271272-jean-yves-le-drian-1042019-respect-du-droit-international-humanitaire">l’interdiction des armes nucléaires, alors que le désarmement ne se décrète pas ; n’est pas une approche réaliste</a>, seule une démarche progressive par étapes pouvant selon lui permettre d’atteindre cet objectif. Les États-Unis n’ont pas réagi officiellement suite à l’entrée en vigueur du TIAN, mais à New York, des <a href="https://www.npr.org/2021/01/22/959583731/u-n-treaty-banning-nuclear-weapons-takes-effect-without-the-u-s-and-others?t=1612513172884">militants contre l’arme nucléaire ont manifesté en faveur de sa ratification</a>.</p>
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<p>Ainsi, des conceptions opposées se font face. Mais insensiblement, le TIAN influence même les puissances nucléaires, comme l’analyse Annick Suzor-Weiner, qui estime que le Traité pourra avoir des effets bien réels : pour preuve, « même les discours de Macron et Le Drian ont évolué : après nous avoir traités de bisounours (Védrine) ou d’illuminés, ils commencent à dire qu’ils respectent les convictions et les efforts de ces associations et de ces pays » qui ont signé le TIAN. Le TIAN pourra « forcer les États à commencer à planifier les étapes du démantèlement », amorcer « le désinvestissement des banques et des grandes entreprises », et « mettre des scientifiques sur le démantèlement au lieu de les mettre sur la modernisation des armes ». Édith Boulanger confirme que le TIAN pourra permettre aux opposants à l’arme nucléaire de faire pression sur les grandes entreprises et sur les grandes banques pour qu’elles cessent d’investir dans l’armement nucléaire. Ce que <a href="https://www.latribune.fr/opinions/droit-international-et-armes-nucleaires-quels-enjeux-pour-les-institutions-financieres-873940.html">confirme Jean‑Marie Collin</a>, co-porte-parole de ICAN France. Peu à peu, une évolution est en cours.</p>
<p>Autre point positif : un autre traité de désarmement, le traité START de réduction des armes stratégiques, conclu initialement en 1991 entre les États-Unis et la Russie, a été, début février 2021, <a href="https://information.tv5monde.com/info/le-traite-new-start-prolonge-les-defis-russes-commencent-pour-biden-394727">prolongé pour cinq ans</a>, jusqu’en 2026, prolongation entérinée par la Russie et par l’administration Biden.</p>
<p>Un bémol de taille, cependant : comme l’observent Édith Boulanger et Dominique Lalanne, les jeunes d’aujourd’hui, qui sont conscients des dégâts causés par la pollution et des risques climatiques, sont peu sensibles à la question de l’arme nucléaire. L’enjeu est donc pour les associations anti-nucléaires de toucher ce public pour faire évoluer le rapport de forces au sein des puissances disposant de l’arme ultime.</p>
<hr>
<p><em>Nous proposons cet article dans le cadre du Forum mondial Normandie pour la Paix organisé par la Région Normandie le 30 septembre et le 1er octobre 2021 et dont The Conversation France est partenaire. Pour en savoir plus, visiter le site du <a href="https://normandiepourlapaix.fr/">Forum mondial Normandie pour la Paix</a></em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153995/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Chloé Maurel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’entrée en vigueur du Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, élaboré sous l’égide de l’ONU et ratifié par 52 États, est une victoire pour les tenants de l’abolition de l’arme nucléaire.Chloé Maurel, SIRICE (Université Paris 1/Paris IV), Université Paris 1 Panthéon-SorbonneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1503132020-11-18T21:34:22Z2020-11-18T21:34:22ZLa Chine au cœur de la plus grande zone de libre-échange de la planète<p>Le 15 novembre dernier, 15 pays d’Asie-Pacifique (les 10 pays de l’Asean, la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande) ont <a href="https://www.reuters.com/article/us-asean-summit-rcep-signing/asia-forms-worlds-biggest-trade-bloc-a-china-backed-group-excluding-u-s-idUSKBN27V03O">entériné</a> la création d’une zone de libre-échange d’une importance majeure dans le système international : le Partenariat régional économique global (<em>Regional Comprehensive Economic Partnership</em>, RCEP). Un partenariat qui rassemble plus de 30 % de la population mondiale et où l’on retrouve donc la Chine… mais ni l’Inde, ni les États-Unis ni l’Europe.</p>
<p>Après une décennie de discussions, depuis le lancement d’une initiative à Bali en 2011, Pékin semble donc avoir réussi à mettre en œuvre une <a href="https://www.atlande.eu/references/636-dictionnaire-de-la-regionalisation-du-monde-9782350305066.html">intégration régionale économique accélérée</a> en Asie-Pacifique.</p>
<p>Cette intégration <a href="https://theconversation.com/huawei-en-ordre-de-bataille-face-aux-sanctions-americaines-144590">confirme le découplage</a> entre intérêts économiques et axes stratégiques. Car nombre des États du RCEP sont hostiles à Pékin, et certains d’entre eux ont même pris explicitement position pour le <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/11/13/l-indo-pacifique-une-alliance-xxl-pour-contrer-la-chine_6059641_3210.html">projet Indo-Pacifique</a> dominé par les États-Unis et visant à contrer <a href="https://www.fdbda.org/2020/06/le-collier-de-perles-chinois-expansion-et-obstacles/">l’expansionnisme militaire chinois</a>.</p>
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<p>La signature du RCEP est, d’abord, la conséquence du <a href="https://www.letemps.ch/monde/donald-trump-retire-etatsunis-traite-libreechange-transpacifique">retrait américain du Trans-Pacific Partnership</a> (TPP) en 2017, lequel a largement profité à la Chine, lui offrant sur un plateau une place écrasante en Asie-Pacifique. Mais sans régulation ni mécanismes autres qu’économiques, pourtant nécessaires étant donné les <a href="https://theconversation.com/asie-du-sud-est-et-asie-centrale-deux-laboratoires-strategiques-de-lexpansion-chinoise-137295">disparités abyssales entre ses membres</a>, cette région, qui devient plus que jamais le <a href="https://www.senat.fr/rap/r13-723/r13-723-syn.pdf">centre de gravité du monde</a>, n’échappera ni aux tensions ni aux risques de conflits. Certes, le RCEP dopera assurément, un temps, la croissance et les investissements. Mais ensuite ?</p>
<h2>Un accord de libre-échange très important… et assez rudimentaire</h2>
<p>Si les négociations ont été assez longues, ce qui est normal lorsque plusieurs États engagent des pourparlers sur des sujets compliqués (avec la géopolitique en toile de fond), le <a href="https://asiatimes.com/2020/11/india-has-good-reason-to-reject-the-rcep/">retrait de l’Inde à la fin de l’année 2019</a> et la limitation de l’accord au libre-échange de produits ne doivent pas écarter les logiques économiques initiées par les États d’Asie du Sud-Est dès 2011. Les négociations, lancées en 2013, viennent donc d’aboutir à la signature à Hanoï (du fait de la présidence du Vietnam à l’Asean), et en visioconférence, de cet accord <a href="https://www.dfat.gov.au/trade/agreements/not-yet-in-force/rcep/rcep-text-and-associated-documents">structuré en 20 chapitres</a>.</p>
<p>Cet accord commercial, le plus grand au monde, <a href="https://www.la-croix.com/Economie/RCEP-lAsie-cree-grosse-zone-libre-echange-monde-2020-11-15-1201124673">concentre 30 % du PIB de la planète</a>. Selon les <a href="https://www.ft.com/content/2dff91bd-ceeb-4567-9f9f-c50b7876adce">professeurs Pétri et Plummer, de l’université Johns Hopkins</a>, le texte, qui prévoit de diminuer les tarifs douaniers (à hauteur de 90 %) appliqués à la plupart des produits échangés entre les pays signataires, permettra à ceux-ci d’accroître leur PIB de 0,2 %.</p>
<p>Le RCEP augmentera les flux économiques entre pays partenaires et aboutira, dans un temps très court (d’ici deux à cinq ans), à la mise en place de <a href="https://www.cairn.info/revue-le-journal-de-l-ecole-de-paris-du-management-2012-6-page-30.htm">normes communes</a>. Des normes promues par Pékin, qui voit là une occasion en or de tester et de mettre en place un système normatif <a href="https://asiasociety.org/policy-institute/rcep-agreement-another-wake-call-united-states-trade">dans son environnement régional proche</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1142768158559760384"}"></div></p>
<p>Tandis que les <a href="https://www.lesechos.fr/monde/europe/la-chine-est-le-pays-le-plus-protectionniste-vis-a-vis-de-leurope-1029884">mesures protectionnistes prises par Pékin</a> concernant son propre marché incitent les entreprises occidentales mais aussi japonaises à quitter la RPC, le RCEP va pousser les entreprises étrangères à implanter dans cet espace périphérique de plus en plus d’unités de production pour bénéficier de tarifs douaniers privilégiés et, ainsi, rester compétitives dans la région. Cette année, l’Asie dans son ensemble va générer plus de 50 % de l’ensemble du PIB mondial. Rappelons que ce ratio <a href="https://www.lesechos.fr/monde/asie-pacifique/pekin-signe-le-plus-grand-accord-commercial-de-la-planete-avec-14-pays-dasie-1265006">n’atteignait pas 20 % en 1980</a>.</p>
<p>La périphérie chinoise se voit ainsi conférer, et sur un périmètre étendu, le statut d’une « Zone économique spéciale » – ce qui permet à la RPC de sanctuariser encore davantage ses intérêts dans son environnement régional proche. Ce réaménagement de l’espace lui assure une <a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/kevin-sneader-le-covid-creusera-l-ecart-entre-la-chine-et-le-reste-du-monde-20201113">emprise sans précédent sur un marché asiatique riche des potentialités</a> qui lui sont offertes par plus de 2 milliards de consommateurs.</p>
<h2>L’Asie du Sud-Est en questions</h2>
<p>Cet accord n’a pas été initié par la Chine, mais par les <a href="https://asean.org/asean-hits-historic-milestone-signing-rcep/">pays de l’Asean</a>, désireux de tirer profit de leur contexte géographique et économique intermédiaire, entre le bassin Pacifique et Indien d’une part, les pôles de puissances économiques d’Asie du Nord-Est (Chine–Japon–Corée du Sud) et ceux d’Océanie (Australie et Nouvelle-Zélande) d’autre part. Mais au sein du RCEP, leur poids économique sera <a href="https://thediplomat.com/2020/06/asean-must-make-the-best-of-its-new-centrality-in-chinas-diplomacy/">largement inférieur à celui de la Chine</a>. Ce cadre sera un atout stratégique pour la RPC, qui y mêlera diplomatie publique multilatérale et négociations bilatérales concrètes, et usera pleinement de la forte dépendance économique des pays d’Asie à son égard.</p>
<p>De son côté, Taiwan a <a href="https://www.taipeitimes.com/News/front/archives/2020/11/16/2003746988">fait savoir</a> que sa diplomatie poursuivrait ses efforts en vue de rejoindre le nouveau format du TPP (le <a href="https://www.dfat.gov.au/trade/agreements/in-force/cptpp/Pages/comprehensive-and-progressive-agreement-for-trans-pacific-partnership">CPTPP</a>, qui lie le Japon, l’Australie, Brunei, le Canada, le Chili, la Malaisie, le Mexique, la Nouvelle-Zélande, le Pérou, Singapour et le Vietnam) afin de réduire l’impact qu’aura pour l’île la signature du RCEP, dont Taiwan ne fait pas partie. Cet impact sera particulièrement sensible pour les industries pétrochimiques et textiles taïwanaises, <a href="https://taiwaninfo.nat.gov.tw/news.php?unit=53&post=189057">a estimé</a> la ministre taïwanaise de l’Économie Wang Mei-hua.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1328280248794968064"}"></div></p>
<p>Toutefois, 70 % des exportations taïwanaises vers les pays signataires du RCEP sont des produits technologiques déjà exemptés de droits de douane en vertu de l’accord sur les technologies de l’information signé en 1996 dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (dont Taiwan est membre de plein droit) et <a href="https://www.wto.org/french/tratop_f/inftec_f/inftec_f.htm">élargi en 2015</a>. Les entreprises taïwanaises, a-t-on ajouté au ministère de l’Économie, ont en outre eu le temps de s’adapter à un environnement concurrentiel déjà marqué par des accords bilatéraux de libre-échange conclus entre les pays de l’Asean et la Chine, la Corée, le Japon, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Les spéculations vont désormais bon train pour savoir si les <a href="https://www.lopinion.fr/edition/international/etats-unis-joe-biden-veut-mettre-en-place-normes-commerciales-229245">États-Unis de Joe Biden</a> finiront à leur tour par rejoindre le CPTPP.</p>
<p>Par ailleurs, cette configuration économique et financière permet de poser la question de la <a href="https://www.ft.com/content/77075422-b6f9-11ea-8ecb-0994e384dffe">concurrence des places financières en Asie</a> et celle <a href="https://www.taipeitimes.com/News/editorials/archives/2020/10/19/2003745402">du statut potentiel de Taiwan</a> à cet égard.</p>
<h2>Une victoire institutionnelle et surtout fonctionnelle pour la Chine</h2>
<p>La signature du RCEP est une première pour la Chine et témoigne du cadre évolutif de sa politique étrangère, qui contraste avec son immobilisme en matière de gouvernance intérieure. En cela, le régime de Pékin, manie avec pragmatisme <a href="https://www.fdbda.org/2020/05/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-1-un-regime-mutant/">tactique économique libérale et autoritarisme politique</a></p>
<p>La Chine pourrait asseoir encore plus son influence économique et industrielle, en déployant de nouvelles chaînes de production dans cette vaste zone, en particulier en Asie du Sud-Est. Conjoncturellement, alors que l’économie mondiale est fortement ralentie, le <a href="https://www.imf.org/en/News/Articles/2020/11/12/sp111220-managing-director-remarks-at-caixin-summit?cid=em-COM-789-42279">FMI annonçait récemment</a> que la Chine afficherait une croissance à 1,9 % cette année et projette 8,2 % pour 2021.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1316688191454351360"}"></div></p>
<p>À terme, l’enjeu est aussi politique et stratégique. Une présence renforcée de Pékin dans ce vaste espace géoéconomique lui assure une position dominante, malgré les initiatives américaines dans l’« Indo-Pacifique » et la consolidation de coopération entre le Japon, l’Inde, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. De plus, le RCEP ne limitera pas les effets des sanctions commerciales et technologiques américaines visant la Chine. Cependant, l’appareil industriel de Pékin y trouvera une <a href="https://www.scmp.com/economy/china-economy/article/3110022/chinas-marginal-rcep-gains-will-not-offset-trade-war-impact">opportunité d’approvisionnements et de débouchés</a>.</p>
<h2>Quid du concept Indo-Pacifique ?</h2>
<p>Malgré la dégradation des relations bilatérales (Chine-Australie ou Chine-Japon), accélérée par les conséquences géopolitiques de la pandémie de Covid-19, plusieurs partenaires des États-Unis ont signé cet accord de libre-échange qui profite à Pékin.</p>
<p>L’intégration dans cet accord commercial de pays industrialisés et proches de Washington tant en matière industrielle et économique que militaire (Japon, Corée du Sud, Australie et Nouvelle-Zélande) ne va pas sans contredire les objectifs stratégiques et sécuritaires du concept américain « Indo-Pacifique », plus précisément <a href="https://legrandcontinent.eu/fr/2020/10/23/chine-etats-unis-une-histoire-sous-la-contrainte-ou-les-rivalites-du-temps-present/">Free and Open Indo-Pacific</a>.</p>
<p>Si le <a href="https://www.asie21.com/2018/03/01/tableau-militaire-de-la-region-indopacifique/">déploiement militaire américain</a> qui vise à contenir les capacités de projection et d’expansion chinoises est important dans la zone, et de mieux en mieux articulé à plusieurs pays signataires du RCEP, l’intégration fonctionnelle du libre-échange, où la Chine domine et dominera, montre les limites du recours à l’outil militaire face à la logique de guérilla géoéconomique permanente entretenue par Pékin.</p>
<p>Les brevets, les marchandises, l’influence économique et les réseaux d’affaires chinois, puissamment soutenus par le régime (entreprises d’État, réseau diplomatique, collusion des milieux d’affaires et politiques) sont <a href="https://www.fdbda.org/2020/06/la-resistible-ascension-de-la-chine-pt-3-un-hegemon-partiel-pour-un-monde-trop-grand/">autant de points tactiques acquis à Pékin</a> dans cette vaste zone qui recoupe intérêts européens, américains, indiens, japonais etc. Le renforcement du <a href="https://asia.nikkei.com/Politics/International-relations/Quad-drills-Australia-to-join-India-US-and-Japan-at-Malabar"><em>Quad</em></a> (<em>Quadrilateral Security Dialogue – États-Unis, Japon, Inde et Australie</em>) pourrait être à bien des égards inopérant. Jeffrey Wilson, chercheur au think tank australien ASPI, évoque même une <a href="https://www.aspistrategist.org.au/rcep-will-redraw-the-economic-and-strategic-map-of-the-indo-pacific/">reconfiguration économique et stratégique majeure en Asie-Pacifique</a>.</p>
<p>Non seulement, le RCEP vient sanctuariser la puissance industrielle et commerciale chinoise, mais il va aussi accélérer la contestation du réseau d’alliances militaires et économiques des États-Unis. En somme, le commerce vient perturber le spectre de la puissance stratégique. D’ailleurs, l’Inde, qui fait de la Chine la priorité de sa politique étrangère (à travers son dispositif sécuritaire vis-à-vis du Pakistan, mais aussi le développement de ses liens économiques, militaires et diplomatiques avec l’Asie du Sud-Est, le Japon et l’Australie), pourrait, de manière versatile, <a href="https://asia.nikkei.com/Opinion/India-s-return-to-RCEP-is-in-everyone-s-interests">rejoindre le RCEP</a>. Rappelons que l’Inde est membre de l’Organisation de Coopération de Shanghai, institution initiée par la Chine, au sein de laquelle se trouve le Pakistan.</p>
<p>Le 15 novembre 2020 signe officiellement le début d’une intégration fonctionnelle en Asie-Pacifique qui se complète aux autres initiatives dominées par Pékin : Organisation de coopération de Shanghai, projet BRI, <a href="http://www.chinatax.gov.cn/eng/britacom.html">BRITACOM</a>, <a href="https://cqegheiulaval.com/les-enjeux-politiques-et-economiques-de-la-baii/">BAII</a>, etc. La géoéconomie asiatique, polarisée sur la Chine, demeurera longtemps un facteur stratégique des recompositions de l’ordre international.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/150313/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Véron est délégué général du FDBDA</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Lincot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Quinze pays de la zone Asie-Pacifique, parmi lesquels la Chine, viennent de créer une zone de libre-échange immense, regroupant 30 % de la population mondiale. Un atout de plus pour Pékin.Emmanuel Véron, Enseignant-chercheur - Ecole navale, Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco)Emmanuel Lincot, Spécialiste de l'histoire politique et culturelle de la Chine contemporaine, Institut catholique de Paris (ICP)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.