tag:theconversation.com,2011:/us/topics/transport-actif-104562/articlestransport actif – The Conversation2024-01-17T14:46:59Ztag:theconversation.com,2011:article/2196912024-01-17T14:46:59Z2024-01-17T14:46:59ZComment un simple vélo peut changer la vie des jeunes en milieu défavorisé<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568465/original/file-20240109-19-24agn5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C989%2C717&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’organisme Cyclo Nord-Sud a mis sur pied, en 2023, le projet pilote Construis ton vélo!.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Notre état de santé dépend en partie de nos modes de déplacement. Le temps que l’on consacre à nos trajets en vélo, en voiture ou en transport en commun peut en effet avoir un effet positif ou négatif sur notre santé physique et mentale.</p>
<p>Or, l’organisation de notre quartier favorise certains modes de transport plus que d’autres.</p>
<p>C’est le <a href="https://urbanisme.umontreal.ca/fileadmin/amenagement/URB/Realisations-etudiantes/Expo-des-finissants/EFFA-2012/Analyser/SICG.pdf">cas du quartier Saint-Michel à Montréal</a>, dont la planification urbaine est centrée sur la voiture. De plus, il s’agit de l’un des quartiers les plus défavorisés du Québec. Ainsi, les personnes qui ne possèdent pas de voiture dépendent des transports publics, ce qui leur impose des trajets plus longs et plus éprouvants.</p>
<p>En raison d’une circulation mal adaptée et dangereuse pour les déplacements actifs, le vélo est le grand absent des modes de transport dans Saint-Michel. Et ce n’est pas une bonne nouvelle pour les habitants, puisque ce mode de transport favorise la participation sociale et présente de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale.</p>
<p>C’est dans cette visée que l’organisme <a href="https://cyclonordsud.org/">Cyclo Nord-Sud</a> a mis sur pied, en 2023, le projet pilote <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8WP3JOv963g"><em>Construis ton vélo !</em></a>, lauréat de l’Incubateur civique de la <a href="https://www.mis.quebec/">Maison de l’innovation sociale</a>.</p>
<p>Il s’agit d’un programme parascolaire offert aux jeunes d’une école secondaire du quartier Saint-Michel, encadré par des bénévoles responsables, soit leur professeur d’éducation physique et un coach en mécanique. Les élèves ont été amenés à construire leur vélo de A à Z en binôme pendant 18 semaines. Ils ont donc terminé le programme avec, en poche, un vélo assemblé et de multiples connaissances pratiques en mécanique vélo.</p>
<p>Notre équipe de chercheurs en kinésiologie du <a href="https://sap.uqam.ca/">département des sciences de l’activité physique</a> de l’UQAM a collaboré avec Cyclo Nord-Sud pour comprendre les effets du projet du point de vue des participants. Concrètement, nous avons mené des groupes de discussion avec les élèves et analysé ce qui a été exprimé. Ce travail a d’ailleurs fait l’objet d’une <a href="https://osf.io/preprints/osf/vys83">publication académique</a> dans la revue <em>Santé Publique</em>.</p>
<h2>L’approche humaine et le sentiment d’accomplissement</h2>
<p>Une retombée importante du programme est le sentiment de fierté et d’accomplissement. Ces sentiments, nourris par les relations que les jeunes ont entretenues avec les bénévoles encadrants, ont permis d’instaurer un climat d’apprentissage agréable non seulement entre les élèves, mais aussi avec le coach mécanique et l’enseignant.</p>
<p>Par exemple, un des jeunes exprimait avoir ressenti de la fierté lors des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Tout ce que je fais ici j’étais fier […] t’es tout le temps en train d’avancer et j’étais tout le temps près de finir mon vélo, j’étais fier de ça.</p>
</blockquote>
<h2>Un environnement d’apprentissage bienveillant</h2>
<p>Les jeunes ont souvent évoqué la différence entre être dans une salle de classe ou à l’école en général. L’ambiance plus libre des ateliers s’opposait ainsi à l’atmosphère scolaire plus rigide.</p>
<p>Ils ont également souligné l’effet relaxant des ateliers, et son rôle parfois thérapeutique. Le fait que ce soit une activité parascolaire pourrait expliquer le sentiment de bien-être exprimé par les jeunes.</p>
<p>Un participant exprimait d’ailleurs l’effet positif de l’attitude des bénévoles encadrants :</p>
<blockquote>
<p>Ce que j’apprécie aussi, c’est qu’il (l’enseignant) était là pour nous soutenir […] tu te sens pas inférieur et il est là pour t’aider, mais en même temps il est là pour apprendre avec toi, c’est ça que je trouvais très important.</p>
</blockquote>
<h2>Faire les choses pour soi, pas pour un vélo</h2>
<p>Les jeunes ont soulevé qu’avant de débuter le programme, leur motivation principale à y participer était d’avoir un vélo gratuit.</p>
<p>Or, leur motivation à se présenter aux ateliers a évolué au fil du temps : au-delà du vélo, l’ambiance agréable leur donnait envie de revenir chaque semaine.</p>
<p>Un jeune témoigne d’ailleurs qu’il revenait chaque semaine, car il avait toujours du plaisir pendant des ateliers :</p>
<blockquote>
<p>Moi, je dirais au début, c’était compliqué […] on savait pas beaucoup de choses […] mais y’avait la plupart de nos amis qui étaient là […] et ça veut dire que je savais que quand j’allais arriver ici, j’allais rigoler et m’amuser.</p>
</blockquote>
<h2>Être plus autonome pour bouger</h2>
<p>Plusieurs jeunes ont soulevé certaines difficultés à se déplacer en transport en commun, souvent dû au fait qu’ils habitent loin des lieux fréquentés.</p>
<p>En effet, les participants ont rapporté que les horaires d’autobus du quartier sont complexes et que les trajets sont longs.</p>
<p>Leur nouveau vélo est alors devenu un élément essentiel qui contribue positivement à leur autonomie de déplacement. Ils ont aussi identifié le vélo comme étant un moyen de favoriser leur participation sociale et leurs opportunités de participer à diverses activités.</p>
<p>À la question <em>Qu’allez-vous faire de votre vélo maintenant ?</em>, l’un des jeunes a répondu :</p>
<blockquote>
<p>Je sais que ça va m’être utile parce que je travaille pas loin, et ça peut me permettre de m’y rendre pendant l’été, de me prendre moins de temps, ou même d’aller au parc si j’ai envie, c’est utile dans la vie de tous les jours.</p>
</blockquote>
<p>Le programme <em>Construis ton vélo</em> désire se développer à plus grande échelle au Québec (sous réserve de financements) et s’améliorer.</p>
<p>À travers cette initiative, le vélo permet de réunit l’éducation et la santé. Et les participants gagnent en autonomie ainsi qu’en compétences.</p>
<p>Gageons que ce genre de programme, combiné à davantage d’infrastructures cyclables agréables et sécuritaires, pourrait contribuer à la santé et au bien-être de tout un chacun.</p>
<img src="https://counter.theconversation.com/content/219691/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Célia Kingsbury a reçu des financements des Instituts de recherche en santé du Canada. Elle travaille en collaboration avec l'organisme Cyclo Nord-Sud. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paquito Bernard ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Cet article explore les retombées d’un projet pilote offert à des élèves en milieu défavorisé par l’organisme Cyclo Nord-Sud visant à promouvoir l’utilisation du vélo comme mode de transport.Célia Kingsbury, Candidate au doctorat en promotion de la santé, Université de MontréalPaquito Bernard, Professeur, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195092024-01-04T21:57:00Z2024-01-04T21:57:00ZLe vélo, meilleur atout pour réduire la pollution et les temps de trajet - L'exemple de l'Île de France<p>Marginal et en déclin partout en France au début des années 1990, le vélo a fait un retour remarqué à Paris. Entre 2018 et 2022, la fréquentation des aménagements cyclables y <a href="https://www.paris.fr/pages/le-bilan-des-deplacements-a-paris-en-2022-24072">a été multipliée par 2,7</a> et a encore doublé <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">entre octobre 2022 et octobre 2023</a>. Aux heures de pointe y circulent maintenant <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">plus de vélos que de voitures</a>.</p>
<p>Pour autant, Paris <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">n’est pas la France</a>, et pas même l’Île-de-France où la part du vélo reste bien inférieure à celle des transports en commun ou de la voiture. En 2018, dernière année pour laquelle on dispose de données, seuls 1,9 % des déplacements ont été effectués à vélo dans la région francilienne. Bien que ce chiffre ait certainement augmenté depuis, on part de très loin.</p>
<p>Certes, les transports en commun y ont une place nettement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714237">plus importante que dans les autres régions</a>. Reste qu’environ la moitié des déplacements y sont faits en voiture individuelle, avec les <a href="https://theconversation.com/nous-sous-estimons-les-effets-negatifs-de-la-voiture-sur-la-sante-206911">nuisances</a> bien connues qu’elle entraîne : changement climatique, pollution de l’air, bruit, congestion, accidents, consommation d’espace…</p>
<p>De nombreuses pistes sont défendues pour réduire ces nuisances : développement des transports en commun, <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">du vélo</a>, télétravail, électrification des véhicules… Pourtant, il existe peu de quantification de leur potentiel, qui varie bien sûr entre les régions. Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2023.107951">article récent</a>, nous avons donc tenté de le faire – en nous concentrant sur le cas de l’Île-de-France.</p>
<h2>Quelle substitution à la voiture ?</h2>
<p>Pour cela, nous avons utilisé la dernière enquête représentative sur les transports, l’<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/les-fiches-de-lenquete-globale-transport/">enquête globale des transports 2010</a>, qui couvre 45 000 déplacements en voiture géolocalisés effectués dans la région.</p>
<p>Grâce aux informations fournies par l’enquête sur les véhicules, nous avons estimé les émissions de CO<sub>2</sub> (le principal gaz à effet de serre anthropique), NO<sub>X</sub> et PM<sub>2.5</sub> (deux polluants atmosphériques importants) de chaque déplacement.</p>
<p>Bien que la voiture ne soit utilisée que pour la moitié des déplacements au sein de la région, elle entraîne 79 % des émissions de PM<sub>2.5</sub>, 86 % des émissions de CO<sub>2</sub> et 93 % des émissions de NO<sub>X</sub> dus aux transports.</p>
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<p>Pour tous ces déplacements en voiture, nous avons ensuite étudié s’ils pourraient être effectués à vélo – y compris vélo à assistance électrique – ou en transports en commun, en fonction du temps que prendrait alors chaque déplacement, d’après un simulateur d’itinéraires et en fonction des informations dont nous disposons sur ces déplacements.</p>
<p>Nous distinguons ainsi trois scénarios, qui présentent des contraintes de plus en plus strictes sur le type de déplacement en voiture « substituables ».</p>
<ul>
<li><p>Le scénario 1 suppose tous les déplacements substituables, sauf ceux réalisés par les plus de 70 ans.</p></li>
<li><p>Le scénario 2 exclut de plus les déplacements vers les hypermarchés et centres commerciaux (considérant qu’ils impliquent le transport de charges importantes) ainsi que les tournées professionnelles comme celles des artisans, plombiers, etc.</p></li>
<li><p>Le scénario 3 exclut en outre les trajets avec plus d’une personne par voiture.</p></li>
</ul>
<h2>Vélo ou transports en commun ?</h2>
<p>Nous avons ainsi calculé le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun (axe vertical) dans le cas d’une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à X minutes (axe horizontal).</p>
<p>La conclusion est la suivante : pour les scénarios 1 et 2, environ 25 % des automobilistes gagneraient du temps en utilisant l’un de ces types de mobilités – beaucoup moins dans le scénario 3.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Sur l’axe vertical, le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun. Sur l’axe horizontal, la hausse du temps de trajet quotidien maximale à laquelle cela correspondrait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Leroutier, M., & Quirion, P. (2023). Tackling car emissions in urban areas : Shift, Avoid, Improve. Ecological Economics, 213, 107951</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’en est-il des baisses d’émissions polluantes ? Dans les scénarios 1 et 2, elles diminuent d’environ 8 % si le temps de trajet quotidien est contraint de ne pas progresser – chiffre quasiment identique pour chacun des trois polluants étudiés. Ce pourcentage est inférieur aux 25 % mentionnés précédemment, car les déplacements substituables sont de courte distance. La baisse d’émissions atteint 15 % pour une augmentation du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, et 20 % pour une hausse inférieure à 20 minutes.</p>
<p>Nous pouvons attribuer une valeur monétaire aux nuisances générées par ces émissions en utilisant les recommandations officielles en France (85 euros par tonne de CO<sub>2</sub>) et en Europe (28 euros par kg de NO<sub>X</sub> et 419 euros par kg de PM<sub>2.5</sub>). Pour une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, les bénéfices sanitaires et climatiques du report modal atteignent entre 70 et 142 millions d’euros par an, selon les scénarios.</p>
<p>Il est intéressant de noter que c’est le vélo qui permet l’essentiel du transfert modal et des réductions d’émissions, alors que les transports publics existants ont peu de potentiel. Toutefois, notre méthode ne permet pas de tester l’effet de nouvelles lignes de transports publics, ni de l’augmentation de la fréquence sur les lignes en place.</p>
<h2>Qui dépend le plus de sa voiture ?</h2>
<p>Selon nos calculs, 59 % des individus ne peuvent pas abandonner leur voiture dans le scénario 2 si l’on fixe un seuil limite de 10 minutes de temps supplémentaire passé à se déplacer par jour.</p>
<p>Par rapport au reste de la population d’Île-de-France, statistiquement, ces personnes ont de plus longs déplacements quotidiens (35 km en moyenne contre 9 pour les non-dépendants). Elles vivent davantage en grande couronne, loin d’un arrêt de transport en commun ferré, ont un revenu élevé, et sont plus souvent des hommes.</p>
<p>Concernant ceux de ces individus qui ont un emploi, travailler en horaires atypiques accroît la probabilité d’être « dépendant de la voiture », comme l’est le fait d’aller de banlieue à banlieue pour les trajets domicile-travail. Beaucoup de ces caractéristiques sont corrélées avec le fait de parcourir des distances plus importantes et d’être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140988322001189">parmi les 20 % des individus contribuant le plus aux émissions</a>.</p>
<h2>La place du télétravail et de la voiture électrique</h2>
<p>Nous avons ensuite étudié dans quelle mesure les individus « dépendants de la voiture » pourraient réduire leurs émissions en télétravaillant. En considérant que c’est impossible pour les artisans, patrons, agriculteurs, vendeurs et travailleurs manuels, un passage au télétravail deux jours de plus par semaine pour les autres professions amènerait une baisse d’environ 5 % d’émissions, en plus de ce que permet le report modal.</p>
<p>Pour réduire davantage les émissions, il est nécessaire de rendre moins polluants les véhicules, en particulier par le passage aux véhicules électriques. Nos données n’apportent qu’un éclairage partiel sur le potentiel de cette option, mais elles indiquent tout de même que l’accès à la recharge et l’autonomie ne semblent pas être des contraintes importantes : 76 % des ménages dépendants de la voiture ont une place de parking privée, où une borne de recharge pourrait donc être installée, et parmi les autres, 23 % avaient accès à une borne de recharge à moins de 500 mètres de leur domicile en 2020.</p>
<p>Ce chiffre va augmenter rapidement car la région Île-de-France a annoncé le triplement du nombre de bornes entre 2020 et fin 2023. L’autonomie ne constitue pas non plus un obstacle pour les déplacements internes à la région puisque moins de 0,5 % des personnes y roulent plus de 200 km par jour.</p>
<h2>Le vélo, levier le plus efficace</h2>
<p>Soulignons que la généralisation des véhicules électriques prendra du temps puisque des véhicules thermiques neufs continueront à être vendus jusqu’en 2035, et donc à être utilisés jusqu’au milieu du siècle.</p>
<p>Ces véhicules ne résolvent par ailleurs qu’une partie des problèmes générés par la voiture : des émissions de particules importantes subsistent, dues à l’usure des freins, des pneus et des routes. Ni la congestion routière, ni le <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">manque d’activité physique lié à la voiture</a> ne sont atténués.</p>
<p>Lever les obstacles à l’adoption du vélo partout dans la région devrait donc être une priorité. Le <a href="https://fifteen.eu/fr/resources/guides/velo-en-ile-de-france-resultats-de-l-etude-opinion-way-x-fifteen">premier facteur cité par les Franciliens</a> parmi les solutions pour accroître les déplacements quotidiens en vélo serait un meilleur aménagement de la voie publique, comprenant la mise en place de plus de pistes sécurisées et d’espaces de stationnement.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0001">ANR- 17-EURE-0001</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat France (activité bénévole) et membre de l'association négaWatt.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Leroutier a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (France) et de la Fondation Mistra (Suède) pour ce projet de recherche.</span></em></p>Des chercheurs ont quantifié la possibilité de substituer le vélo et les transports en commun à la voiture dans la région et les effets que cela aurait sur la pollution.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Marion Leroutier, Postdoc Fellow, Institute for Fiscal StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1894872022-08-30T18:50:39Z2022-08-30T18:50:39ZMarche, vélo : les gains sanitaires et économiques du développement des transports actifs en France<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/481590/original/file-20220829-25-fe9tn4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=193%2C134%2C2676%2C1809&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il y a un fort potentiel de développement des transports actifs en France.</span> <span class="attribution"><span class="source">pxhere</span></span></figcaption></figure><p>À la faveur de la crise énergétique que nous traversons depuis le printemps 2022, le débat sur les transports actifs (marche et vélo) a été ravivé. Un débat très souvent abordé sous l’angle climat-énergie… Il est vrai que les transports constituent le <a href="https://www.citepa.org/fr/secten/">premier poste d’émissions de gaz à effet de serre (GES) en France</a> et que le <a href="https://theconversation.com/le-choc-energetique-appelle-un-plan-durgence-pour-developper-massivement-lusage-du-velo-180349">développement de l’usage du vélo</a> pour les trajets de courtes distances permettrait de réduire à la fois les émissions de GES et la dépendance énergétique de la France.</p>
<p>Pour autant, ce cadrage du débat occulte un argument fort en faveur des transports actifs : leurs bénéfices pour la santé.</p>
<p>En effet, en induisant un certain niveau d’activité physique, les transports actifs – principalement le <a href="https://www.nature.com/articles/s43247-022-00497-4">vélo</a> (avec ou sans assistance électrique) et la marche – permettent d’éviter un grand nombre de maladies chroniques. Il a ainsi été établi que l’absence d’activité physique régulière augmente l’occurrence de maladies graves comme les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, le cancer du sein ou du colon et la démence.</p>
<p>Une manière simple de pratiquer une activité physique régulière consiste à se déplacer à pied ou à vélo, et plusieurs méta-analyses d’études épidémiologiques ont montré que ces modes de déplacement <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0091743513002739?via%3Dihub">réduisent la fréquence de ces maladies</a>. Ce qui génère des réductions des dépenses de santé : on estime ainsi qu’un cas de diabète prévenu <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2022-rapport-sante-mars_0.pdf">évite annuellement à la collectivité près de 36 000 euros de dépenses médicales</a>.</p>
<h2>Un effet bénéfique calculé</h2>
<p>Au-delà de ces pathologies, la marche et le vélo ont été également associés à une <a href="https://ijbnpa.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12966-014-0132-x">réduction du risque de décès</a>. Une autre méta-analyse a ainsi mis en évidence que la pratique hebdomadaire d’1h40 de vélo réduisait le risque de décès (toutes causes confondues) de 10 %, et que la pratique de 2h50 de marche hebdomadaire réduisait ce risque de 9 %. À l’échelle d’une population, ces effets protecteurs sont substantiels.</p>
<p>À titre d’exemple, il est estimé que les <a href="https://ajph.aphapublications.org/doi/full/10.2105/AJPH.2015.302724">niveaux de pratique actuels du vélo aux Pays-Bas engendreraient un gain d’espérance de vie de 6 mois</a>. À proprement parler, le décès n’engendre pas ou peu de coûts médicaux. Toutefois, les pouvoirs publics ont fixé la « valeur » d’un décès évité et celle d’une année de vie sauvée, ce qui représente la somme qu’une société est prête à dépenser pour sauver une vie ou une année de vie moyenne. Sur cette base, le vélo engendrerait annuellement aux Pays-Bas des bénéfices estimés à 19 milliards d’euros, soit, pour donner un ordre de grandeur, plus de 3 % du PIB du pays.</p>
<p>L’exemple des Pays-Bas l’illustre de manière édifiante : en matière de transports, ce qui est bon pour le climat l’est aussi pour la santé.</p>
<p>Dès lors, documenter de manière rigoureuse les bénéfices sanitaires de politiques de décarbonation peut jouer un rôle très important pour renforcer l’engagement et l’adhésion de la population et des autorités locales ou nationales aux mesures de réduction des GES.</p>
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<h2>Une évaluation inédite</h2>
<p>C’est à cet exercice que nous nous sommes essayés dans un article scientifique récent. En utilisant la méthode de l’<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/pollution-et-sante/air/articles/pollution-atmospherique-evaluations-quantitatives-d-impact-sur-la-sante-eqis">évaluation quantitative d’impact sanitaire</a>, nous avons cherché à évaluer les <a href="https://www.ssph-journal.org/articles/10.3389/ijph.2022.1605012/full">bénéfices pour la santé liés aux transports actifs</a> dans un scénario de transition bas-carbone : celui décrit en 2021 par l’<a href="https://t.co/OswoEPnfWe">association négaWatt</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1549329851819167745"}"></div></p>
<p>Comme d’autres scénarios (ceux de <a href="https://assets.rte-france.com/prod/public/2021-12/Futurs-Energetiques-2050-principaux-resultats.pdf">RTE</a> ou de <a href="https://transitions2050.ademe.fr/">l’Ademe</a> par exemple), le scénario négaWatt vise à identifier une trajectoire cohérente de transition vers la neutralité carbone pour la France métropolitaine à l’horizon 2050, et ce avec un haut niveau de détails pour les principaux déterminants de la consommation énergétique dans une diversité de secteurs (km-passagers pour le secteur des transports, surfaces habitables chauffées dans le secteur du bâtiment, etc.).</p>
<p>Dans le <a href="https://t.co/OswoEPnfWe">scénario négaWatt</a>, la décarbonation des transports passe, entre autres, par un essor des transports actifs. Ainsi, ce scénario projette à l’échelle nationale, sur la période 2020-2050, une hausse modérée de la marche (+10 %) et une hausse forte du vélo (augmentation d’un facteur 7), principalement portée par le vélo à assistance électrique.</p>
<p>Si cette augmentation de l’usage du vélo semble importante, il faut garder en tête que la France part d’un niveau bas en 2020, et que cette augmentation se traduit au final, par environ 1h de pratique hebdomadaire du vélo par personne en moyenne en 2050, ce qui reste en deçà du niveau actuel d’utilisation du vélo aux Pays-Bas, et proche du niveau actuel au Danemark.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Courbes proposant une hausse mesurée de la marche et du vélo (musculaire et électrique)" src="https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=285&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/481331/original/file-20220826-18-z2l9wk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=359&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Évolution hebdomadaire du kilométrage (A) et de la durée (B) de la marche et du vélo. Le calcul de la durée se base sur une vitesse moyenne de 4,8 km/h (marche), 14,9 km/h (vélo) et 18,1 km/h (vélo électrique). Scénario négaWatt, France 2020-2050.</span>
<span class="attribution"><span class="source">K. Jean, Ph. Quirion, Negawatt</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<h2>Estimation des gains en termes de vies sauvées et de milliards d’euros</h2>
<p>En distribuant ces hausses de la marche, du vélo et du VAE entre les groupes d’âge constituant la population, et en appliquant les réductions de mortalité correspondant à ces niveaux, nous avons pu estimer le nombre de décès évités comparativement à un scénario sans hausse des transports actifs (niveaux de 2021 maintenus constants).</p>
<p>Nous avons ainsi pu mettre en évidence que les gains pour la santé de ce scénario pourraient être considérables, et ce dans un futur proche : dès 2025, cette hausse des transports actifs se traduirait par environ 3 000 décès évités annuellement.</p>
<p>En utilisant les valeurs recommandées au niveau national pour l’évaluation d’impact socio-économique des investissements publics (une année de vie sauvée est <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/20181214_complement_b_valeurs_tutelaires.xlsx">évaluée à 139 000 euros en 2020</a>), la monétarisation de ces bénéfices s’élève à environ 10 milliards d’euros par an.</p>
<p>Sur le plus long terme, à l’horizon 2050, ces gains s’élèveraient à environ 10 000 décès évités par an, un gain d’espérance de vie de l’ordre de trois mois en moyenne pour l’ensemble de la population, et près de 40 milliards d’euros de bénéfices.</p>
<p>À ce stade, les éléments de comparaison s’avèrent importants pour appréhender le niveau de bénéfices. À titre d’exemple, on estime qu’une politique de santé publique ambitieuse qui permettrait de réduire la <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2019/5-6/2019_5-6_2.html">consommation d’alcool de 20 % éviterait ~7 000 décès par an</a>, soit le nombre de décès évités grâce à l’activité physique induite par les transports actifs dès 2030 dans le scénario négaWatt.</p>
<p>Concernant les bénéfices monétarisés associés (10 milliards d’euros par an dès 2025), ils peuvent être mis en regard des investissements publics pour la promotion des transports actifs… même si la comparaison ne va pas à la faveur de ces derniers : en effet, le <a href="https://www.gouvernement.fr/les-actions-du-gouvernement/transition-ecologique/l-etat-vous-aide-a-adopter-le-velo-au-quotidien">plan vélo gouvernemental annoncé en 2018</a> représentait 450 millions d’euros sur 7 ans, soit moins 65 millions d’euros par an… Une goutte d’eau en comparaison des aides d’État sur les carburants, qui ont représenté plus de <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/12/carburants-une-remise-a-la-pompe-de-15-centimes-par-litre-s-appliquera-a-partir-du-1er-avril-annonce-jean-castex_6117275_823448.html">2 milliards d’euros d’aide publique d’avril à août 2022</a>.</p>
<h2>De véritables co-bénéfices santé-climat</h2>
<p>Cette étude permet d’illustrer qu’un scénario réaliste de transition vers la neutralité carbone qui articule, dans le cas du scénario négaWatt, sobriété, efficacité énergétique et énergies renouvelables, permet de générer des bénéfices qui dépassent la seule réduction des émissions de GES.</p>
<p>Ces co-bénéfices pour la santé des actions climatiques vont par ailleurs bien au-delà de l’activité physique induite par les transports actifs : il en est de même pour l’amélioration de la qualité de l’air résultant de la réduction de la combustion des énergies fossiles, ou encore de l’amélioration du confort thermique des logements.</p>
<p>L’évaluation systématique de ces bénéfices pour la santé constitue ainsi un exercice qui pourrait aider à identifier les trajectoires les plus désirables, ici en se basant sur le critère sanitaire, parmi des <a href="https://transitions2050.ademe.fr/">scénarios visant la neutralité carbone par des choix techniques et sociétaux contrastés</a>.</p>
<p>Enfin, cette étude permet une nouvelle fois de souligner la pertinence de promouvoir les mobilités actives, que ce soit au vu de leurs bénéfices sanitaires ou des bénéfices économiques associés, qui <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-diviser-par-trois-la-mortalite-tout-en-etant-economiquement-rentable-cest-possible-182073">dépassent généralement de très loin les sommes investies</a>. Si ce constat fait consensus depuis de nombreuses années dans les études médico-économiques, force est de constater qu’il ne s’est pas traduit – ou seulement très récemment – au niveau des politiques publiques…</p>
<p>En 2019, il était ainsi estimé que <a href="https://blogs.alternatives-economiques.fr/chassignet/2022/01/03/enquete-nationale-sur-la-mobilite-des-francais-quelques-enseignements-de-la-nouvelle-edition-et-evolutions-recentes">seuls 2,7 % des trajets des Français étaient effectués en vélo… soit le même chiffre, à la décimale près, qu’en 2008</a>. En d’autres termes, les politiques publiques de promotion du vélo sont passées à côté d’une décennie de bénéfices potentiels pour les objectifs climatiques de la France et pour la santé de sa population.</p>
<p>Il n’en devient que plus urgent de reconnaître à leur juste valeur les bénéfices des transports actifs et de leur attribuer les investissements qu’ils méritent.</p>
<hr>
<p><em>Émilie Schwarz, étudiante au Master of Public Health (Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique), a contribué à ces travaux et à la rédaction de l’article.</em></p>
<p><em>Une restitution de ces résultats sont prévus dans le cadre d’un webinaire organisé par le <a href="https://www.centre-cired.fr/Les-transports-actifs-une-opportunite-a-saisir-pour-la-sante/">Cired</a> le 29 septembre prochain.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189487/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kévin Jean est membre du bureau de l'association Sciences Citoyennes (activité bénévole). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat France (activité bénévole) et membre de l'association négaWatt.</span></em></p>Développer l'usage du vélo et la marche est un atout pour le climat mais aussi en santé publique. Il est désormais possible de chiffrer les bénéfices envisageables : voici un scénario pour la France.Kévin Jean, Maître de conférences en épidémiologie, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1724472021-11-28T23:07:03Z2021-11-28T23:07:03ZLes méta-organisations, une clé pour une économie plus durable ?<p>Alors que la COP26 vient de s’achever, la question de la lutte contre le réchauffement climatique est plus que jamais au centre des débats. Or, agir en faveur du climat, ou pour tout autre <a href="https://www.un.org/sustainabledevelopment/fr/objectifs-de-developpement-durable/">objectif de développement durable des Nations unies</a> nécessite des <a href="https://theconversation.com/developpement-durable-comment-les-entreprises-passent-des-idees-au-terrain-85490">actions collectives</a> associant des acteurs divers. Ces derniers diffèrent tant par leur nationalité, leur culture, les attentes, leur statut ou leur taille, mais partagent un objectif commun et avancent, s’organisent et se coordonnent ensemble pour l’atteindre.</p>
<p>Écrit ainsi, cela semble simple. Mais dans les faits, les choses s’avèrent particulièrement complexes. En effet, les théories des organisations ont depuis longtemps mis en évidence les difficultés d’organiser et piloter l’action collective des individus au sein d’une organisation donnée – entreprise, association, collectivité locale, etc.</p>
<p>C’est encore davantage le cas au sein d’une organisation constituée d’autres organisations et non d’individus – ce que les théories des organisations nomment une « méta-organisation » (MO). En effet, parvenir à fédérer dans une action collective et confiante des acteurs nombreux (collectivités, associations, start-up, grands groupes, établissements d’enseignement et de recherche, etc.) qui présentent des caractéristiques et attentes a priori diverses, constitue en pratique un exercice complexe.</p>
<h2>Combler les vides</h2>
<p>L’exercice vaut néanmoins d’être tenté. En effet, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0956522105000813">recherches</a> ont montré que les MO peuvent véritablement peser sur leur environnement et <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/emre.12076">combler les vides</a> laissés par les organisations classiques (composées d’individus, donc) et le marché. Elles s’avèrent donc particulièrement efficaces pour répondre aux challenges socio-environnementaux majeurs qui nécessitent d’œuvrer collectivement, que ce soit au niveau international ou plus localement.</p>
<p>Ainsi, on trouve des ONG telles que Rainforest Alliance, dédiée à la restauration et la protection de la nature dans une logique de lutte contre le réchauffement climatique, qui regroupe des coopératives agricoles, des gouvernements, des entreprises et des associations de citoyens dans quelque 70 pays. Elle peut se prévaloir de <a href="https://www.rainforest-alliance.org/fr/nos-impacts/">bénéfices réels et mesurables sur les forêts, les populations et les communautés</a>, en déployant, notamment, un <a href="https://youtu.be/LhpedWtT0l4">programme de certification</a> d’agriculture durable portant sur les produits de base de l’hémisphère Sud (café, cacao, bananes…).</p>
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<figcaption><span class="caption">Présentation du programme de certification de Rainforest Alliance (2020).</span></figcaption>
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<p>Au Kenya, des producteurs de miel se sont regroupés au sein d’une MO, associant également des agriculteurs, des organisations de développement et des institutions de microfinance. Collectivement, ces acteurs très complémentaires ont réussi à atteindre leur objectif : proposer un modèle d’agriculture alternatif, remettant en question le modèle classique, écologiquement intensif et peu respectueux des agriculteurs kenyans. Le miel ainsi produit est aujourd’hui un des <a href="https://pubsonline.informs.org/doi/abs/10.1287/orsc.2017.1191">leaders en matière de pratiques agricoles durables</a>.</p>
<h2>Comment émerge une MO ?</h2>
<p>Si la recherche académique actuelle identifie clairement les enjeux associés à l’émergence et au développement de ce type de MO, les connaissances sur « comment » émergent, une nouvelle MO reste à construire.</p>
<p>Nous étudions ainsi OrbiMob’, une MO est en cours de constitution dans le domaine de la mobilité durable, au sein du territoire Clermont-Auvergne, afin de créer des synergies, d’accélérer, de connecter et d’enrichir les différents acteurs du territoire, aussi bien publics que privés. En effet, si les mobilités urbaines dans de grandes aires métropolitaines sont dans l’air du temps, les choses restent nettement moins avancées en matière de mobilités territoriales, avec des déplacements qui ont lieu dans un périmètre d’une centaine de kilomètres autour et à l’intérieur d’une ville moyenne.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1460759689180987396"}"></div></p>
<p>Le <a href="https://orbimob.org/partenaires/">projet OrbiMob’ Clermont-Auvergne</a> a justement pour ambition collective de devenir un pôle de référence sur la mobilité territoriale durable en matière d’éducation, recherche, expérimentation, développement économique et implication citoyenne.</p>
<p>Notre étude en cours sur l’émergence de la MO OrbiMob’ a permis d’identifier trois phases dans le passage de l’intention à l’action. Une première phase d’ébauche renvoie à un travail de sensibilisation auprès des différents acteurs. Au cours de cette phase, les initiateurs du projet OrbiMob’ ont capitalisé sur les collaborations et les liens existants entre les différentes organisations ciblées pour intégrer la MO. Miser sur les relations de confiance préexistantes est clé dans cette phase d’ébauche où il est crucial d’échanger et de faire émerger sur un objectif collectif commun.</p>
<p>Ensuite, une phase d’intégration s’est matérialisée par l’organisation d’une semaine événementielle autour de la mobilité territoriale durable qui s’est tenue en novembre 2020 et réitérée en octobre 2021. Cet événement a constitué une opportunité concrète de valorisation, collaboration et de coopération des membres de la MO. Elle a permis de créer de nouvelles relations et collaboration et de renforcer celles existantes entre les membres de la MO.</p>
<p>Enfin, une phase de structuration a été observée, renvoyant à la création d’un <a href="https://orbimob.org/partenaires/">partenariat officiel</a> réunissant préfecture, métropole, région, université, rectorat, Michelin et d’autres entreprises concernées par les enjeux de mobilité durable sur le territoire. Ce partenariat s’est doté d’un comité de préfiguration OrbiMob’ dont les contours et les ambitions évoluent progressivement vers un véritable comité stratégique de la MO.</p>
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<figcaption><span class="caption">Patrick Oliva, instigateur d’OrbiMob’, présente le projet (OrbiMob’, 2020).</span></figcaption>
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<p>En outre, deux points de vigilance peuvent être mis en avant pour aider à l’émergence d’une MO. D’abord, il est important que les organisations impliquées réalisent un effort de présentation et de traduction de leurs besoins/intérêts et cultures respectives. Il est important de comprendre quels enjeux chaque membre associe à l’action de la MO. Cet effort est indispensable pour faire émerger un consensus autour de l’objectif collectif et une identité collective.</p>
<p>Ensuite, les membres doivent parvenir à organiser la gouvernance de leur MO en veillant aux dérives de prise de contrôle par un ou des acteurs dominants (en particulier quand sont présents des acteurs leaders de la mobilité comme Michelin dans le cas d’OrbiMob’). Il est important pour cela de construire des organes de gouvernance inclusifs avec une représentation équilibrée des organisations membres et de construire un mode de prise de décision démocratique qui facilite la libre expression (vote à bulletin secret par exemple).</p>
<p>Aujourd’hui, nous faisons face à des défis majeurs sur le plan socio-environnemental, en particulier en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Dans ce contexte, l’organisation d’actions collectives de grande ampleur associant des organisations diverses qui représentent des intérêts et visions multiples semble indispensable. Si la coordination et la gouvernance des actions collectives constituent une question centrale des sciences de gestion et des théories des organisations depuis leur fondation, celle du pilotage de l’action collective méta-organisée apparaît majeure pour adresser nos enjeux collectifs du XXI<sup>e</sup> siècle. La recherche a encore beaucoup à faire pour développer et enrichir les connaissances sur les MO.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172447/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon la recherche, une organisation constituée d’autres organisations, et non d’individus, pèse davantage sur son environnement et comble ainsi des vides laissés par le marché.Anne Albert-Cromarias, Enseignant-chercheur HDR, management stratégique, ESC Clermont Business SchoolEmilie Bargues, Enseignant-chercheur en Sciences de gestion, ESC Clermont Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1610382021-06-02T18:10:33Z2021-06-02T18:10:33ZLes « coronapistes », une expérience inédite pour redessiner la ville cyclable<p>Le 13 mai 2020, la ville de Paris annonçait la création de <a href="https://opendata.paris.fr/explore/dataset/deconfinement-pistes-cyclables-temporaires/information/?disjunctive.type&disjunctive.statut&disjunctive.complement">50 kilomètres de pistes cyclables temporaires</a>, destinées à accompagner la sortie du premier confinement.</p>
<p>Dans la lignée d’initiatives qui avaient fleuri dans le monde entier et dans d’autres villes françaises, ces pistes étaient l’instrument central d’une stratégie de report modal des mobilités urbaines inaugurée un mois plus tôt, par la mise en place d’un « Comité vélo » sous l’autorité du préfet d’Île-de-France.</p>
<p>À l’heure des pratiques de « distanciation sociale », et d’une désaffection pour les transports publics, elles ont joué, avec quelques autres aménagements, un rôle crucial dans la redistribution des usages de l’espace public.</p>
<h2>Un test grandeur nature</h2>
<p>La mise en œuvre de ces nouvelles pistes cyclables s’inspire de l’<a href="https://theconversation.com/la-covid-19-une-opportunite-pour-transformer-les-mobilites-par-lurbanisme-tactique-148035">« urbanisme tactique »</a>, modèle qui revendique des formes d’aménagement temporaires et adaptables.</p>
<p>Au-delà de cette filiation, les documents publiés à l’occasion de ce déploiement et les entretiens que nous avons pu mener au sein de la division de la voirie et de la direction de l’urbanisme de la ville de Paris montrent que s’est inventée avec cette initiative une forme d’expérimentation urbaine bien particulière.</p>
<p>Contrairement à ce qui caractérise les expérimentations qui ont cours depuis quelques années dans le domaine de la mobilité (en particulier autour des véhicules autonomes), l’installation des pistes cyclables provisoires ne s’est pas tenue dans un espace clos destiné à jouer le rôle d’échantillon représentatif d’un territoire plus large.</p>
<p>Bien que provisoires, les coronapistes ont été directement déployées à taille réelle. Leur pérennisation – récemment confirmée par la Mairie, comme pour la <a href="https://www.actu-environnement.com/media/pdf/news-35843-rapport-amgt-velo.pdf">plupart des villes françaises</a> – ne changera rien à leur géographie globale et ne sera pas confronté aux problèmes de <a href="https://revues-msh.uca.fr/kairos/index.php?id=447">réplicabilité</a> qui traversent la pratique expérimentale urbaine.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uhRAFtGccb8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La crise sanitaire a contribué au développement de l’urbanisme tactique.</span></figcaption>
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<h2>Au tempo de la pandémie</h2>
<p>La temporalité de l’expérimentation n’a pas, elle non plus, pris la forme habituelle.</p>
<p>Si, comme leur nom l’indique, ces pistes provisoires n’ont jamais eu vocation à durer dans leur forme initiale, aucune date butoir n’est toutefois venue marquer la fin de l’expérimentation. Cette incertitude temporelle s’est même renforcée au fil des semaines, tandis que l’automne approchait et que l’annonce d’un nouveau confinement se profilait.</p>
<p>La seule possibilité d’ancrer l’expérimentation dans un horizon temporel et juridiquement solide a consisté à arrimer l’existence de ces aménagements au temps de l’état d’urgence sanitaire, lui-même régulièrement prolongé.</p>
<p>Difficile aujourd’hui encore de prédire la tournure que prendront les choses, et d’imaginer comment les processus de pérennisation vont pourvoir concrètement assurer le relais de cette situation expérimentale.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6psTn6Vzp-A?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Anne Hidalgo confirme sur Europe 1 la pérennisation des coronapistes à Paris, le 16 septembre 2020.</span></figcaption>
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<h2>Le cyclisme, une pratique généralisée</h2>
<p>Nous sommes donc bien loin du cadre de l’expérimentation contrôlée, inspirée des sciences de laboratoire. Pourtant, l’expérience a bien donné lieu à une forme d’évaluation, essentielle pour les décisions de pérennisation.</p>
<p>Aux expérimentations plus standard, les pistes cyclables provisoires ont en effet emprunté un élément crucial : la mise en place d’instruments de mesure destinés à donner consistance aux conséquences du dispositif expérimental.</p>
<p>De nombreux compteurs ont ainsi été mis en place le long des pistes, et la Mairie a commandité dès juillet 2020 une enquête interne menée auprès des cyclistes parisiens. Les retours se sont avérés très clairs : le trafic a doublé, et plus de 40 % des cyclistes interrogés déclaraient avoir commencé le vélo dans Paris à l’occasion du premier déconfinement, au printemps 2020.</p>
<p>Ces résultats ont été récemment confirmés par une <a href="https://www.pnas.org/content/118/15/e2024399118">étude</a> soulignant que la pratique cyclable a considérablement augmenté dans de nombreuses villes européennes à la suite de l’installation de ces pistes provisoires.</p>
<p>Outre l’absence constatée de congestion du trafic automobile, c’était l’enjeu principal d’une stratégie revendiquée par la maire de Paris bien avant la pandémie : <a href="https://www.lejdd.fr/JDD-Paris/anne-hidalgo-je-veux-que-paris-soit-la-capitale-mondiale-du-velo-3908412">augmenter le nombre de cyclistes dans la ville</a>.</p>
<p>Finalement, le déploiement des coronapistes a joué le rôle de révélateur d’une pratique dont l’ampleur était jusque-là restée incertaine. Comme l’indique un <a href="http://www.driea.ile-de-france.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/po_3185_pj_rapport_bilan_pistes_cyclables_provisoires_v2bis.pdf">rapport</a> du préfet de région, « avec un doublement de la fréquentation cycliste, le succès des pistes cyclables provisoires est visible ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1313513019595464704"}"></div></p>
<p>Moins qu’une expérimentation au sens contemporain, l’installation des pistes provisoires équipées de leurs instruments de mesure a donc fonctionné sur un modèle proche des premières expériences scientifiques étudiées par les historiens <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/leviathan_et_la_pompe_a_air-9782707122735">Steven Shapin et Simon Schaffer</a> en organisant une épreuve publique, qui aura permis de prouver l’existence d’un phénomène : la pratique cycliste généralisée.</p>
<p>Comme l’explique l’une de nos interlocutrices à la division de la voirie, il est devenu « impossible de nier » la faisabilité d’une ville dans laquelle le vélo est un moyen de transport à part entière.</p>
<h2>Les modalités de gouvernance urbaine bouleversées</h2>
<p>Mais ce n’est pas tout. Le déploiement de ces pistes a également bousculé les modalités de la gouvernance urbaine. Même si elle relevait d’une volonté politique clairement identifiée, l’initiative des coronapistes et leur mise en œuvre concrète se sont jouées au sein des équipes techniques de la ville ; ce sont elles qui ont produit les études, dessiné les plans et organisé les conditions d’installation.</p>
<p>On pourrait s’inquiéter de cette mainmise de l’ingénierie sur un projet qui, dans l’urgence de sa mise en place, n’a fait l’objet d’aucune des modalités habituelles de concertation. Il serait toutefois caricatural de s’en tenir là.</p>
<p>Les aménagements provisoires ont en effet donné lieu à des formes de réactions et d’adaptations après leur installation qui mettent en lumière un autre potentiel démocratique.</p>
<p>Pensée dès le départ sur un modèle de l’essai-erreur, dans la droite ligne de l’urbanisme tactique, l’initiative a ajouté à la rapidité du déploiement une flexibilité qui a permis que les caractéristiques concrètes des pistes s’ajustent aux besoins et problèmes qu’ont fait émerger les premiers moments de leur existence.</p>
<p>Outre cette adaptabilité, l’expérimentation a créé des conditions inédites pour les <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/paris-la-perennisation-des-coronapistes-commencera-cet-ete-1617791034">concertations futures</a> autour des programmes de pérennisation. Il ne s’agira plus d’un projet présenté sous la forme d’un plan et de quelques chiffres à discuter, mais un élément concret de la réalité urbaine.</p>
<p>Il est sans doute un peu tôt pour tirer les leçons d’une telle expérience. On peut malgré tout souligner que la situation semble avoir consolidé un mouvement de reprise en main par les collectivités sur une pratique expérimentale qui était largement initiée par de grands groupes industriels ou de nouveaux acteurs de la mobilité qui, en faisant des villes leurs terrains de jeu, les ont obligées à s’adapter a posteriori.</p>
<h2>Une situation exceptionnelle</h2>
<p>Il faut aussi rappeler à quel point la situation qui a vu naître ces aménagements provisoires est exceptionnelle. La crise sanitaire a conduit non seulement à une problématisation inédite de l’espace public et de son usage, mais aussi à une remise en cause de l’évidence de l’offre des transports publics, transformant la place du vélo dans l’équation de la mobilité urbaine.</p>
<p>Quelques semaines avant la pandémie, la capitale a aussi connu une grève des transports particulièrement suivie, au cours de laquelle la mobilité cycliste a cru de manière considérable, malgré des conditions météorologiques difficiles. Cet épisode a marqué une première étape dans la démonstration qu’a ensuite amplifiée l’usage massif des coronapistes.</p>
<hr>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/pourquoi-la-greve-aura-des-effets-durables-sur-la-pratique-du-velo-129373">Pourquoi la grève aura des effets durables sur la pratique du vélo</a>
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<p>Par ailleurs, les déconfinements et reconfinements successifs des derniers mois ont favorisé un retour très progressif des voitures dans la ville ; cela a vraisemblablement facilité l’acclimatation avec les nouvelles infrastructures et pacifié le côtoiement avec des cyclistes beaucoup plus nombreux, et désormais protégés par des équipements dédiés.</p>
<p>L’expérimentation des coronapistes est en tout point unique. Plutôt que de l’évaluer avec des critères de réplicabilité et de scalabilité qui lui sont étrangers, il est sans doute plus pertinent d’accepter son caractère circonstanciel pour comprendre comment le temps de la pandémie a pu être saisi comme une occasion inédite pour transformer les villes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161038/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cet article s’appuie sur une étude financée par l'Institut de la mobilié durable, dans le cadre d’un partenariat de recherche avec le Centre de sociologie de l’innovation.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Nolwenn Garnier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Apparues avec la crise sanitaire, ces pistes cyclables témoignent de la façon dont la pandémie a pu transformer les villes.Jérôme Denis, Professeur de sociologie, Mines ParisNolwenn Garnier, Ingénieure de recherche - STS, Mines ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1604042021-05-25T14:31:36Z2021-05-25T14:31:36ZVélos et trottinettes sans ancrage à Montréal : comment mieux gérer la « mobilité durable »<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401997/original/file-20210520-15-1yzk2i0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5160%2C3888&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le sans ancrage essuie quelques difficultés et gagnera probablement en acceptabilité de la part des pouvoirs publics et des citoyens. Mais dans sa forme actuelle, force est de constater qu’il ne répond que de façon incomplète aux exigences d’une mobilité durable pour tous.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Après un seul projet pilote, mené à l’été 2019, Montréal <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1529633/montreal-administration-plante-trottinettes-velos-electriques">a refusé aux opérateurs de trottinettes électriques libre-service sans ancrage</a> de continuer l’expérience à l’été suivant. Ce refus se poursuit en 2021. Les vélos électriques sans ancrage, eux, ont été réautorisés, quoique toujours absents, pour l’instant, des rues de la métropole.</p>
<p>Malgré une <a href="http://ville.montreal.qc.ca/sel/sypre-consultation/afficherpdf?idDoc=30651&typeDoc=1">réglementation</a> claire, créée pour l’occasion, la ville a fait le <a href="http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/TRANSPORTS_FR/MEDIA/DOCUMENTS/BILAN2019_VNILSSA.PDF">bilan</a> d’un stationnement désordonné et souligne le manque de réorganisation des flottes de façon satisfaisante, de la part des opérateurs de « VNILSSA » (Véhicule Non Immatriculé Libre Service Sans Ancrage).</p>
<p>Toutefois, la ville démontre aussi que les VNILSSA répondent à une réelle demande des citadins. Durant le pilote, l’usage a augmenté proportionnellement à l’augmentation des flottes.</p>
<p>Cette expérience mitigée ne devrait pas sonner le glas du sans ancrage : celui-ci renforce les réseaux de transport alternatifs à la voiture en ville. Mais une plus grande collaboration institutionnelle entre le privé et le public pourrait aider à mieux intégrer l’offre aux réseaux de transport sur un plus vaste territoire, à limiter les inconvénients urbains, sociaux et environnementaux, et à offrir le service de façon plus équitable.</p>
<p>Cet article fait suite à une <a href="http://archipel.uqam.ca/id/eprint/14291">étude</a> que j’ai menée en 2018 sur les premiers déploiements de la technologie sans ancrage à Paris, en France. Contrairement à Paris, la politique montréalaise a été créée avant l’arrivée des opérateurs. Pourtant, des écueils similaires peuvent être constatés dans les deux cas. Avec mon coauteur, nous nous intéressons aux nouvelles technologies et changements d’habitude, ainsi qu’à leurs impacts sur la mobilité et à leurs intégrations à l’espace urbain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme circule en trottinette électrique" src="https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=471&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399061/original/file-20210505-23-9h57gg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=592&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une femme circule en trottinette électrique à Montréal.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ville de Montréal</span></span>
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</figure>
<h2>Un usage complémentaire</h2>
<p>Le ton de l’administration montréalaise reste ouvert. Portée par des ambitions de bien-être urbain et de reconquête de l’espace public, Montréal considère les VNILSSA comme une <a href="http://ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=5798,42657625&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=33387&ret=http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/url/page/prt_vdm_fr/rep_annonces_ville/rep_communiques/communiques">solution de mobilité qu’il convient d’apprivoiser</a>. Et pour le <a href="https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/salle-de-presse/nouvelles/Pages/projet-pilote-trottinettes-electriques.aspx">gouvernement du Québec</a>, « la mise en circulation de trottinettes électriques en location libre-service s’inscrit dans la poursuite d’objectifs de la Politique de mobilité durable ».</p>
<p>Les VNILSSA sont souvent utilisés là où il y a un manque de vélos BIXI et à proximité du réseau de transport en commun, ce qui suggère un usage de ces services en complémentarité. Ils participent donc pleinement à la vision de <a href="http://www1.ville.montreal.qc.ca/banque311/webfm_send/3298">« mobilité intégrée »</a>, centrale au <a href="https://www.transports.gouv.qc.ca/fr/ministere/role_ministere/DocumentsPMD/PMD-plan-action.pdf">plan d’action pour la mobilité « durable » du Québec</a>.</p>
<p>Dans cette vision, l’efficacité de ces combinaisons repose sur la connectivité des différentes offres de transports, tant au niveau des infrastructures urbaines que numériques. Le téléphone intelligent devient incontournable pour optimiser ses déplacements. Dans le jargon, on parle du <a href="https://jalonmtl.org/maas-montreal-mobilite-durable/">MaaS : Mobility as a Service</a>.</p>
<p>De plus en plus d’acteurs privés de la mobilité offrent leurs services aux villes. Ces dernières doivent réinventer leur gouvernance pour que les transformations urbaines qui se dessinent servent avant tout le public, mais aussi le fournisseur privé.</p>
<h2>Une offre au service de l’environnement, vraiment ?</h2>
<p>À l’annonce de l’interdiction des trottinettes, un représentant de <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2021-02-12/les-trottinettes-veulent-trouver-un-nouveau-marche-au-quebec.php">Lime annonçait</a> : « Nous sommes prêts à travailler avec n’importe quelle ville qui croit à une réduction de la pollution ».</p>
<p>Pourtant, à ce jour, il a plutôt été montré, notamment en France, que <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/synthese-usages-trottinettes-free-floating-france-2019.pdf">ni les trottinettes</a>, <a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/979-etude-sur-les-impacts-des-services-de-velos-en-free-floating-sur-les-mobilites-actives.html">ni les vélos</a> sans ancrage n’avaient d’impact sur la démotorisation, et donc sur les émissions associées. D’autant plus que la logistique (rebalancement et maintenance) se fait souvent par camion.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des trottinettes en libre-service à Paris" src="https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401998/original/file-20210520-19-56wb0l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des trottinettes en libre-service à Paris. Leur utilisation n’aurait pas fait diminuer l’utilisation de véhicules motorisés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Par ailleurs, le cycle de vie des flottes est loin d’être vertueux. En Chine, des <a href="https://www.courrierinternational.com/article/grand-nettoyage-en-chine-bientot-la-fin-des-cimetieres-velo">millions de vélos se retrouvent à la casse</a>. En cause, un modèle économique ultra compétitif. Les opérateurs cherchaient avant tout à prendre le marché, par la vitesse de déploiement ou par la taille de la flotte. Et les entreprises qui faisaient faillite ou quittaient un territoire trouvaient leur compte en se débarrassant des véhicules. Une « logistique » moins coûteuse que d’entretenir, d’entreposer ou de recycler une flotte.</p>
<p>Le contrôle à l’entrée sur le marché ici n’aura pas empêché la compagnie <a href="https://www.24heures.ca/2020/05/28/des-centaines-de-velos-jump-a-la-ferraille">Jump de se débarrasser</a> de centaines de vélos électriques, une fois la saison terminée.</p>
<h2>Enjeux d’organisation et d’intégration dans l’espace public</h2>
<p>Les problèmes de stationnement sont les plus préoccupants selon les autorités, comme expliqué dans le <a href="http://ville.montreal.qc.ca/pls/portal/docs/PAGE/TRANSPORTS_FR/MEDIA/DOCUMENTS/BILAN2019_VNILSSA.PDF">bilan du pilote</a>. Les véhicules déposés sans considération obstruent les circulations piétonnes ou cyclistes, et posent des problèmes de sécurité et de qualité du paysage urbain.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des trottinettes en libre-service stationnées sur le trottoir" src="https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401039/original/file-20210517-23-ukpbdo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des trottinettes en libre-service stationnées, obstruent le trottoir, à Varsovie, en Pologne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sutterstock</span></span>
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</figure>
<p>Certains prennent du recul et soulignent que la disruption dans l’espace public est <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2021/mar/15/australian-e-scooters-bumpy-ride-like-when-automobiles-appeared-on-streets-filled-with-horses">comparable à celle de l’arrivée des voitures au milieu des chevaux</a>. En réalité, les voitures sont plus souvent mal garées et bien plus encombrantes, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2590198220300105">comme l’a démontré cette étude</a>.</p>
<p>Les opérateurs proposent du « geofencing » (de barrière & géographie) pour gérer l’usage. Il s’agit d’une zone virtuelle dans laquelle l’usager se voit forcer des comportements (bridage automatique de la vitesse, impossibilité d’y terminer une course). La ville parle de <a href="http://ville.montreal.qc.ca/sel/sypre-consultation/afficherpdf?idDoc=30651&typeDoc=1">« gardiennage virtuel »</a>.</p>
<p>Certains opérateurs exigent des usagers qu’il cadenasse le véhicule au mobilier urbain approprié à l’aide d’un cadenas intégré.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=535&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399063/original/file-20210505-21-afahex.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=672&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un vélo Jump cadenassé à lui même (ici n’obstruant pas le trottoir). Il est facile pour un usager de contourner les règles de stationnement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Axel Chiche</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un modèle qui n’est pas accessible à tous</h2>
<p>Pour maximiser le sans ancrage, il faut offrir le service sur le plus de territoire possible. Or, ce qui a été observé à Montréal, <a href="http://ville.montreal.qc.ca/sel/sypre-consultation/afficherpdf?idDoc=30651&typeDoc=1">malgré l’autorisation d’exploitation dans 19 arrondissements</a>, c’est un rebalancement des flottes dans des zones plus denses et plus « aisées ». Le modèle marchand ne correspond pas à l’idéal d’un projet de mobilité intégré et accessible à tous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Carte de la Ville de Montréal" src="https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399065/original/file-20210505-15-1s1r8v1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=869&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Capture d’écran du Bilan 2019 de la ville. Cartographie des zones de densités spatiales des points de départ et d’arrivée des VNILSSA.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Université McGill</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La tarification non plus ne favorise pas l’adoption du service par le plus grand nombre. À titre comparatif, Lime ou Jump étaient trois fois plus chers à la minute que BIXI sans abonnement (30¢ contre 10¢). Avec abonnement, BIXI devient de loin plus abordable. Cependant, son offre électrique affiche maintenant des tarifs semblables aux VNILSSA sans abonnement, <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2021-04-18/velos-electriques/les-nouveaux-tarifs-de-bixi-freinent-des-utilisateurs.php">rédhibitoires</a> selon les usagers.</p>
<h2>Trouver le bon modèle de gouvernance</h2>
<p>Malgré ses défauts, le sans ancrage arbore de nombreux avantages. Il aide a palier au problème du « dernier kilomètre » – pas de station, pas de contrainte d’itinéraire et un stationnement au plus proche du réseau de transport en commun. Les possibilités d’analyses des déplacements grâce aux données d’usages pourraient aider la planification urbaine. Il est financé par le privé et peut offrir une plus grande flotte à moindre coût qu’un service avec ancrage.</p>
<p>Mais l’administration a dû mobiliser des ressources pour encadrer les VNILSSA, un constat qui ne passe pas. On ne peut pas voir les bénéfices être privatisés alors que plusieurs coûts sont partagés par la collectivité.</p>
<p>Les exigences pour amener le sans ancrage à remplir son rôle de mobilité durable demande des efforts importants que les opérateurs ne sont peut-être pas enclins, voire capables de fournir. Si les problèmes d’usage sont leur responsabilité, ils restent le fait des usagers. Et la marge d’action des opérateurs pour influencer ces derniers n’est pas si grande. La prévention par la communication, le « geofencing » et les sanctions des bonnes et mauvaises pratiques ont leurs limites.</p>
<p>Ne pourrait-on pas alors envisager que les opérateurs payent leur juste part des interventions inévitables de la Ville (surveillance, délimitation de stationnements, « rangement » des véhicules dans l’espace public) ?</p>
<p>En amont, la Ville peut renforcer ses critères minimums d’exploitation. Notamment, avoir un cahier des charges strict pour les logistiques d’opérations (maintenance, rebalancement, distribution, tarification), pour le cycle de fin de vie des flottes et pour une politique de mobilité réellement durable et pour tous.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Affiche montrant des croquis de gens portant des casques" src="https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=283&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399067/original/file-20210505-15-cdivr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=355&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La compagnie Bird, qui a participé au pilote, travaille déjà avec des villes à des programmes de tarifications avantageux.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Bird</span></span>
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<p>Montréal aspire à des solutions de mobilité intelligente, active et partagée. Aujourd’hui, l’apport urbain du sans ancrage est toujours marginal, et les profits sont surtout au bénéfice des opérateurs. La collaboration institutionnelle est indispensable pour une meilleure valorisation écologique et sociale de ces nouveaux services.</p>
<p><a href="https://www.lapresse.ca/actualites/regional/montreal/200907/05/01-881358-robuste-le-bixi.php">À l’instar de BIXI à ses débuts</a>, le sans ancrage essuie quelques difficultés et gagnera probablement en acceptabilité de la part des pouvoirs publics et des citoyens. Mais dans sa forme actuelle, force est de constater qu’il ne répond que de façon incomplète aux exigences d’une mobilité durable pour tous.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160404/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ugo Lachapelle a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Axel Chiche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans sa forme actuelle, force est de constater que le sans ancrage ne répond que de façon incomplète aux exigences d’une mobilité durable pour tous.Axel Chiche, Agent de recherche, département d'études urbaines, Université du Québec à Montréal (UQAM)Ugo Lachapelle, Associate professor of urban studies and planning, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1407802020-06-23T20:50:16Z2020-06-23T20:50:16ZLe covoiturage peut-il se remettre du confinement ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/342193/original/file-20200616-23221-1shkh43.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C262%2C1666%2C1059&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis le 11 mai, le covoiturage est officiellement autorisé dans des conditions sanitaires strictes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/boy-girl-wear-protective-sterile-medical-1688934976">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis le début du confinement, la <a href="https://moovitapp.com/insights/en/Moovit_Insights_Public_Transit_Index-countries">fréquentation des transports en commun</a> a connu une chute libre et reprend désormais très progressivement. Les modes de déplacement individuels (véhicules personnels, vélos, marche à pied) demeurent largement privilégiés aux transports collectifs (covoiturage, taxi, transports en commun), pour des raisons sanitaires évidentes.</p>
<p>Le recours au covoiturage – entendu <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/covoiturage-informations-connaitre">selon la définition</a> du ministère de la Transition écologique et solidaire pour désigner des trajets fondés sur le principe de partage des frais, avec des conducteurs non professionnels – a brusquement été stoppé. Le <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/trajets-realises-en-covoiturage-registre-de-preuve-de-covoiturage/">registre de preuve de covoiturage</a>, une initiative de <em>l’open data</em> du gouvernement, recense 402 120 mises en relation en février 2020 sur une dizaine de plates-formes partenaires, majoritairement pour le covoiturage au quotidien – un chiffre qui est descendu à 242 833 en mars et a atteint 34 087 en avril. Malgré le déconfinement partiel, le nombre de covoitureurs n’est remonté en mai qu’à 73 987, encore loin de leur niveau habituel.</p>
<p>Malgré de nombreuses mises en relation, le covoiturage reste une pratique marginale. 70 % des déplacements domicile-travail sont réalisés avec des véhicules individuels, seulement <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/covoiturage-informations-connaitre">3 % en covoiturage</a>. Pour les trajets domicile-travail, chaque véhicule ne transporte en <a href="https://beta.gouv.fr/start-up/preuve-de-covoiturage.html">moyenne que 1,08 personne</a>. Les conditions sanitaires encouragent d’autant plus « l’autosolisme ».</p>
<p>Pour autant, le covoiturage n’est pas le mode de transport qui suscite le plus d’inquiétudes. Un <a href="https://mobilite.karos.fr/hubfs/Presse/Synthese_etude.pdf">sondage récent initié par Karos</a>, une plate-forme de covoiturage de courte distance, montre surtout une chute de 25 % des intentions d’utilisation des transports en commun. Ce volume est absorbé par une faible hausse de l’usage de la voiture (+6 %) et de la marche à pied (+10 %), mais surtout par une explosion du déplacement à vélo ou à trottinette (+54 %). L’appétence vis-à-vis du covoiturage n’a pas évolué avec le confinement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/342411/original/file-20200617-94036-930kbv.PNG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Mode de transport privilégié avant et après le confinement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sondage de Karos</span></span>
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</figure>
<p>Une <a href="https://www.csa.eu/fr/survey/etude-transports-et-mobilite">autre enquête de l’institut CSA</a> sur un échantillon représentatif de la population française adulte révèle que 22 % des utilisateurs habituels des transports en commun ne comptent pas y revenir malgré le déconfinement. Ils préfèrent des modes alternatifs comme la voiture (70 % de sondés l’ont cité), la marche (49 % des sondés) et le vélo (39 % des sondés).</p>
<p>À court terme donc, le covoiturage ne semble ni gagnant ni perdant. Les habitués l’utiliseront encore mais il n’attirera probablement pas de nouveaux adeptes.</p>
<p>Il est par ailleurs trop tôt pour prédire une augmentation persistante de l’autosolisme. Pendant le confinement, la réduction du trafic nous a fait bénéficier <a href="https://atmo-france.org/la-qualite-de-lair-dans-votre-region/">d’une qualité de l’air améliorée</a> dans l’ensemble de la France, notamment en matière de dioxyde d’azote, polluant local essentiellement émis par le trafic routier.</p>
<p>En Île-de-France, sa présence dans l’air a baissé de 20 à 35 % selon les semaines et jusqu’à 50 % en bordure des axes routiers du 17 mars au 11 mai, <a href="https://www.airparif.asso.fr/actualite/detail/id/282">selon Airparif</a>. Malgré un retour temporaire à l’autosolisme pour des raisons sanitaires, la période pourrait remettre en question à long terme nos modes de déplacement.</p>
<p>Les études montrent que la <a href="https://www.researchgate.net/publication/32138286_Changes_in_Drivers%27_Perceptions_and_Use_of_Public_Transport_during_a_Freeway_Closure_Effects_of_Temporary_Structural_Change_on_Cooperation_in_a_Real-Life_Social_Dilemma">perception</a> et <a href="https://ntnuopen.ntnu.no/ntnu-xmlui/bitstream/handle/11250/2392913/Kl%C3%B6ckner_2004b.pdf">l’utilisation</a> d’un mode du transport sont susceptibles d’évoluer à l’issue d’un évènement important dans la vie. Si les entreprises et les autorités organisatrices de la mobilité (AOMs) saisissent l’opportunité pour créer une culture sociale favorable au covoiturage, par exemple, par une campagne de sensibilisation du forfait mobilités durables, ou par une facilitation de la mise en service du covoiturage, ce mode de transport aura des chances de persister sur le long terme.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1187327787985756160"}"></div></p>
<h2>Quels soutiens au covoiturage ?</h2>
<p>Le covoiturage n’a pas officiellement été interdit pendant le confinement et a été explicitement autorisé dès la mise en œuvre du déconfinement, <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/faq-covid-19-transports-et-deconfinement">dans certaines limites</a> : 1 passager hors foyer maximum dans la voiture, le port d’un masque obligatoire pour les personnes de plus de 11 ans, une distance entre chaque passager à respecter et une aération régulière recommandée.</p>
<p>Depuis quelques années, la France développe progressivement une politique plus favorable aux modes de transport partagés et actifs, notamment le covoiturage. La <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/loi-dorientation-des-mobilites">Loi d’orientation des mobilités (LOM) votée en 2019</a> renforce les soutiens politiques et financiers à ces derniers.</p>
<p>La crise a notamment accéléré la mise en place du forfait mobilité durable, inclus dans la LOM. Accessible depuis le 10 mai, il permet aux entreprises de rembourser <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sortie-du-confinement-forfait-mobilites-durables-qui-permet-jusqua-400-euros-prise-en-charge-des">jusqu’à 400 euros par an et par salarié</a> pour l’usage de modes de transports plus propres et moins coûteux tels que le vélo ou le covoiturage, exonérés d’impôt et de cotisations sociales. Les voies sur des tronçons de l’A1 et de l’A6A en Île-de-France, habituellement réservées aux transports en commun et aux taxis, sont ouverts depuis le 11 mai <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/elisabeth-borne-et-jean-baptiste-djebbari-annoncent-louverture-des-11-mai-2-voies-reservees-au">aux covoiturages d’au moins deux personnes</a>.</p>
<h2>Plateformes de covoiturage à l’épreuve de la crise</h2>
<p>Si les passagers et les conducteurs gardent l’esprit ouvert au covoiturage et que des incitations encouragent son usage, la fragilité financière des plates-formes constitue une menace sérieuse.</p>
<p>Pour la plupart d’entre elles, la commission prélevée pour la mise en relation – lorsqu’il y en a une – est insuffisante pour atteindre la rentabilité. Leurs principales sources de financement proviennent de subventions et de contrats avec des collectivités et des grandes entreprises.</p>
<p>Beaucoup d’acteurs sont d’ailleurs des start-up, en concurrence accrue les unes avec les autres surtout sur le covoiturage au quotidien. Même pour le géant du marché, BlaBlaCar, la <a href="https://bfmbusiness.bfmtv.com/entreprise/blablacar-ne-sera-pas-rentable-cette-annee-explique-son-patron-frederic-mazella-1814573.html">rentabilité demeure un défi</a>. Pendant le confinement, l’entreprise a arrêté ses autocars et déconseillé le covoiturage, provoquant une <a href="https://www.maddyness.com/2020/04/16/blablacar-application-entraide/">chute de son activité de 98 %</a>.</p>
<p>Cela peut paraître anodin, mais il est essentiel pour ces sociétés de maintenir le lien avec la communauté d’utilisateurs, qui contribueront à redynamiser le service après la crise et encourageront de nouveaux usagers. Le covoiturage bénéficie d’un effet de réseau : plus large est la base d’utilisateurs, plus facile est la mise en relation. En zone périurbaine et rurale, ces services dépendent tout particulièrement de la dynamique du groupe.</p>
<p>De nombreuses pistes peuvent être testées selon la nature du service : des mails de bienveillance, des apéritifs virtuels, des gestes de solidarité pour le territoire, des contenus plus dédiés au fond…</p>
<p>En banlieue lyonnaise, un service de covoiturage quotidien, LANE, a utilisé pendant le confinement ses panneaux d’information, initialement conçus pour afficher les demandes de covoiturage au bord de la route, afin de diffuser des messages de soutien écrits par les utilisateurs. De son côté, BlaBlaCar a lancé un hackathon et crée BlaBlaHelp, une application favorisant l’entraide entre voisins pour les déplacements de première nécessité.</p>
<p>Bien sûr, l’impact réel de ces initiatives est probablement limité : combien de personnes soignantes ont vu et ont été encouragées par ces messages ? Combien de personnes ont besoin d’utiliser Blablahelp pour faire leurs courses ? L’intérêt est essentiellement symbolique, il s’agit de nouer des liens entre les utilisateurs et de renforcer la notion de communauté.</p>
<h2>Faciliter le retour du service</h2>
<p>Aider les covoitureurs à respecter scrupuleusement les consignes sanitaires dénote une attention aux utilisateurs et une capacité d’organisation, et nourrit la confiance des usagers. Les principaux acteurs ont rapidement réagi pour adapter leurs sites en fonction de la situation réelle.</p>
<p>Bénéficier d’un accompagnement personnalisé via l’assistance téléphonique, les mails et les réseaux sociaux devient d’autant plus crucial en cette période. Certains services de covoiturage, comme <a href="https://lanemove.com/2020/05/15/le-covoiturage-avec-lane-cest-reparti/">LANE</a>, fournissent les produits d’hygiène aux utilisateurs.</p>
<p>Chaque crise contient une opportunité. Sur les transports, l’incertitude demeure. La tension du trafic pendant les « heures de pointe » disparaîtra-t-elle grâce à une extension du télétravail ? On observe déjà que <a href="https://www.waze.com/fr/covid19">l’utilisation des véhicules à Paris est quasiment revenue à normal</a> le 15 juin, mais les chiffres doivent être pris en précaution avec une préférence actuelle à l’autosolisme. De nouveaux aménagements urbains encourageront-ils les modes de transport actifs ? Notre mode de vie sera probablement bouleversé par nos expériences pendant la crise, et le covoiturage pourrait jouer un rôle pour construire un système de transport plus efficace, plus sécurisé et moins polluant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140780/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dianzhuo Zhu a collaboré avec Ecov (société de covoiturage au quotidien) dans le cadre de contrat de thèse CIFRE. Le contrat est terminé lors de la rédaction de l'article. Les opinions exprimées sont celles de son auteur et ne reflètent pas les intérêts des tierces parties.</span></em></p>La crise remodèlera à plus long terme nos choix en matière de transport. Les plates-formes de covoiturage, malgré leur fragilité, pourraient en sortir renforcées.Dianzhuo Zhu, Docteure, chercheuse associée, Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1331972020-06-21T20:23:24Z2020-06-21T20:23:24ZTransports publics gratuits, une mesure inefficace contre la pollution en ville<p>Tout le monde semble considérer la gratuité des transports publics comme une solution favorable à l’environnement, puisqu’elle permet de réduire le trafic automobile et que les bus polluent moins que les voitures. Même si quelques spécialistes en <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02191358">doutent</a>, le sujet ne suscite aucun débat. Il est pourtant possible de montrer qu’il n’en est rien.</p>
<p>Prenons le cas de Dunkerque. Dans cette ville, la gratuité totale des bus a fait bondir la fréquentation de 77 % entre 2017 et 2019 et la part des transports publics dans l’ensemble des déplacements (la « part modale ») <a href="https://www.wizodo.fr/photos_contenu/doc-28d84e88b62278b031fb2c7f3a818caa.pdf">est passée de 5 à 9 %</a>, ce qui entraîne, imagine-t-on, une baisse de 4 points du trafic auto et de la pollution. La réalité est plus complexe.</p>
<h2>Des bus peu vertueux</h2>
<p>Intéressons-nous d’abord à ces transports en commun. Un bus thermique n’est, en fait, pas très écologique. C’est un véhicule assez lourd (12 tonnes à vide pour un bus standard), qui n’est rempli qu’aux heures de pointe et près des lieux générateurs de trafic. Si bien que son taux d’occupation moyen est assez faible (<a href="https://www.bilans-ges.ademe.fr/documentation/UPLOAD_DOC_FR/index.htm?routier2.htm">10 voyageurs par bus en moyenne</a> dans les villes de 150 000 à 250 000 habitants).</p>
<p>Résultat, <a href="https://www.ademe.fr/expertises/mobilite-transports/chiffres-cles-observations/chiffres-cles">selon l’Ademe</a>, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un bus en province ne sont inférieures que de 36 % par personne transportée à celles des voitures particulières en milieu urbain.</p>
<p>Si l’on considère que les bus affichent un bon taux de remplissage grâce à la gratuité, on peut toutefois estimer qu’une personne circulant dans un bus gratuit est à peu près deux fois plus vertueuse qu’un automobiliste (c’est le cas à Dunkerque).</p>
<p>Des bus hybrides ou électriques, des tramways ou métros font certes mieux mais sont bien plus coûteux, et justement l’argent manque dans les réseaux gratuits faute de recettes pour investir. Il faudrait de plus comparer ces solutions à des voitures hybrides ou électriques.</p>
<h2>Un faible report modal</h2>
<p>Il est possible d’évaluer avec une précision suffisante l’impact de la gratuité des transports publics <a href="https://actuvelo.fr/2019/10/30/gratuite-des-transports-publics-et-incoherence-de-la-politique-de-deplacements-urbains-les-enseignements-du-cas-de-dunkerque/">sur l’évolution des parts modales</a>.</p>
<p>Ainsi, à Dunkerque, la part de l’automobile a baissé d’environ 3 %, mais celle des modes actifs également : – 3 % pour la marche et – 12 % pour le vélo. Des résultats qui concordent avec des calculs réalisés dans quatre autres villes européennes : Châteauroux, Hasselt, Avesta et Templin. Comment les expliquer ?</p>
<p>Les cyclistes sont les premiers attirés car leur profil est proche de celui des usagers des transports publics (lycéens, étudiants, femmes ou personnes âgées non motorisés) et les distances qu’ils parcourent aussi. Les piétons le sont déjà moins car si leur profil est aussi assez proche, leurs déplacements sont en revanche beaucoup plus courts. Les automobilistes quant à eux, considèrent que leur véhicule reste en général une solution bien plus souple, plus confortable et en moyenne deux fois plus rapide qu’un déplacement en transport en commun.</p>
<p>Autrement dit, quand à Dunkerque la part du bus augmente de 4 points passant de 5 à 9 %, celle de la voiture baisse en fait de seulement 2 points (et non de 4), chutant de 67 à 65 %. Quant à celle des modes actifs, elle perd 1,5 point, glissant de 27 à 25,5 %. Le reste correspond à du « trafic induit », c’est-à-dire des déplacements qui n’existaient pas auparavant mais sont encouragés par la gratuité des trajets.</p>
<h2>La refonte du réseau à prendre en compte</h2>
<p>Tous les effets observés ne sont pas attribuables à la gratuité. De nombreuses villes en profitent en effet pour réorganiser et améliorer leur réseau au même moment.</p>
<p>C’est le cas de Dunkerque ou d’Aubagne, mais pas de Niort. Cette dernière ville a même réduit l’offre de transport pour éviter d’augmenter les impôts. Or elle n’a enregistré <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/02/07/a-niort-les-bus-gratuits-n-ont-pas-fait-bondir-la-frequentation_6028831_3224.html">qu’une hausse de la fréquentation de 25 % environ</a>.</p>
<p>À Dunkerque, la gratuité n’expliquerait que <a href="https://www.gart.org/wp-content/uploads/2019/10/Recueil-de-positions_%C3%89tude-GART-sur-la-gratuit%C3%A9-des-transports-publics_02102019.pdf">42 % de l’essor de la fréquentation</a>.</p>
<h2>Confusion entre conducteurs et passagers</h2>
<p>Les automobilistes ne sont pas forcément des conducteurs. Une partie d’entre eux sont des passagers qui, s’ils prennent le transport public, ne vont pas réduire pour autant le trafic en ville. Dans l’agglomération de Dunkerque, 27 % des automobilistes sont des passagers, <a href="http://www.agur-dunkerque.org/publications/publication62">et parmi ces passagers près de la moitié sont des enfants</a>.</p>
<p>Malheureusement, les données concernant l’origine des usagers du bus ne permettent pas de distinguer les conducteurs des passagers, parmi les anciens automobilistes.</p>
<p>Il est pourtant probable que ces derniers soient plutôt des passagers que des conducteurs. À Dunkerque, 7 usagers des bus gratuits sur 10, qu’ils soient mineurs ou majeurs, <a href="https://www.wizodo.fr/photos_contenu/doc-28d84e88b62278b031fb2c7f3a818caa.pdf">n’ont pas de voiture</a>.</p>
<p>En empruntant les bus, les anciens piétons et cyclistes qui étaient auparavant très vertueux contribuent en outre désormais à la pollution urbaine et à la détérioration du climat. Certes, les déplacements à pied et à vélo représentent de petites distances, mais ce sont sans doute les déplacements les plus longs et les plus fatigants qui sont avant tout concernés. Et ce ne sont pas non plus les déplacements en voiture les plus longs (qui débordent le périmètre des transports urbains) qui sont supprimés.</p>
<h2>Du mésusage qui encombre les bus</h2>
<p>Le trafic induit, qui représente 10 à 15 % de l’ensemble des usagers, est souvent considéré sous un angle uniquement positif : des personnes peu mobiles en profitent pour sortir de chez elles et se socialiser.</p>
<p>Mais il comporte aussi une part de mésusage. Les usagers prennent désormais le bus pour de petits déplacements faisables à pied, pour se rencontrer entre copains ou se distraire, pour se promener sans motif particulier, pour se reposer un moment, pour éviter d’être mouillé quand il pleut, pour se réchauffer l’hiver ou être au frais l’été… Tous ces usages n’ont rien de condamnable en soi, mais contribuent à saturer les transports publics. Il faut alors augmenter l’offre à grands frais, ce qui encourage encore le mésusage.</p>
<p>Autrement dit, les budgets publics seraient mieux alloués à subventionner des lieux de convivialité qui ne roulent pas, n’ont pas de moteur polluant et n’ont pas besoin de chauffeur (cinémas, médiathèques, centres culturels, cafés alternatifs…), ainsi qu’à aménager des espaces publics de qualité (bancs, abris, plantations…).</p>
<h2>Un bilan environnemental nul</h2>
<p>Qu’en est-il alors de la baisse de pollution tant attendue ? Reprenons le cas de Dunkerque : d’un côté, la part des déplacements en voiture diminue de 2 points seulement, et le trafic automobile un peu moins, puisqu’il est probable que les bus gratuits attirent plutôt des passagers de voiture.</p>
<p>De l’autre, les déplacements en bus progressent de 4 points (en émettant deux fois moins de pollution par personne transportée que les automobilistes), parce qu’ils attirent aussi des usagers non motorisés et qu’ils génèrent du trafic induit (dont une part de mésusage).</p>
<p>Résultat, la politique de relance des transports publics n’a en rien réduit la pollution à Dunkerque. Qu’on ne puisse qu’en partie attribuer ces effets à la gratuité ne modifie pas le bilan.</p>
<h2>D’autres mesures beaucoup plus efficaces</h2>
<p>Existe-t-il alors des solutions plus efficaces pour réduire la pollution ? Bien entendu. Mais il faut avoir le courage de s’engager dans une politique de déplacements urbains cohérente et dynamique, d’inciter et de contraindre, d’associer au développement des modes alternatifs à l’automobile des mesures de modération de la circulation.</p>
<p>Dans une ville moyenne, il faudrait tout à la fois généraliser les zones 30 et réduire le nombre et la largeur des files de circulation sur les artères, <a href="https://www.cerema.fr/fr/actualites/zones-circulation-apaisee-13-fiches-telecharger">comme à Lorient</a>, encadrer et tarifer le stationnement, y compris des deux-roues motorisés, comme à Vincennes, et en même temps améliorer la <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/la-rochelle-des-affiches-pour-que-pietons-et-cyclistes-respectent-mieux-les-regles-de-circulation-1577364064">qualité des espaces publics pour les piétons</a>, aménager un réseau cyclable sur les artères, réaliser des lignes de bus à haut niveau de service, <a href="https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/saint-nazaire-44600/les-bus-helyce-ont-commence-circuler-1320281">avec des voies réservées</a> qui prennent de la place à la voiture.</p>
<p>On traite ainsi le problème à la source, avec moins d’effets pervers et à moindre coût, tout en offrant diverses alternatives, au lieu de vouloir à tout prix ménager la chèvre et le chou.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/133197/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Rendre gratuits les transports publics n’a pas l’efficacité escomptée et induit divers effets pervers.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.