tag:theconversation.com,2011:/us/topics/transport-ferroviaire-51912/articlestransport ferroviaire – The Conversation2024-03-03T16:00:27Ztag:theconversation.com,2011:article/2244602024-03-03T16:00:27Z2024-03-03T16:00:27ZQuel avenir pour les projets de « RER métropolitains » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578043/original/file-20240226-24-nunr5l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=540%2C132%2C2954%2C1983&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des rames Regiolis circulent déjà sur le REME, le RER strasbourgeois en cours de déploiement.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/nelsosilva/52456589533/in/photolist-2mZ63ZD-2nVpJvt-2mLqPQx-2mLrTzv">Nelso Silva / Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>« Doubler la part du <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">mode ferroviaire</a> dans les déplacements du quotidien autour des grands pôles urbains », telle est l’ambition que se donnait la France au moment de voter la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/article_jo/JORFARTI000039666763">Loi d’Orientation des Mobilités</a> (LOM), promulguée le 26 juin 2019. Idée y avait notamment été lancée de « favoriser la réalisation de projets de RER métropolitains », un type de réseau qui, dans l’Hexagone, n’existe aujourd’hui qu’en Île-de-France alors que l’on en retrouve dans nombreuses grandes villes européennes. Le 27 novembre 2022, le président de la République Emmanuel Macron répétait l’ambition de « <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_FmtLxUk5C4">développer un réseau de RER</a> dans les dix principales villes françaises ».</p>
<p>Plus récemment, la <a href="https://www.vie-publique.fr/loi/290687-loi-serm-rer-services-express-regionaux-metropolitains">loi relative aux Services express régionaux métropolitains</a> (SERM) a été promulguée en décembre 2023 afin d’établir un cadre législatif. La proposition de loi SERM déposée au Parlement en avril 2023 a concordé avec le lancement du <a href="https://objectifrerm.fr/">réseau Objectif RER métropolitain</a>, qui vise à fédérer autour de la mise en œuvre des projets dans les territoires candidats. Frédéric Aguilera, vice-président en charge des Transports de la région Auvergne-Rhône-Alpes, a, par exemple, annoncé il y a quelques jours sur X (anciennement Twitter) le dépôt imminent d’une candidature pour un « RER Clermont-Auvergne » et pour quatre autres métropoles de la région.</p>
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<p>Il n’empêche que la mise en œuvre des futurs projets candidats demeure tributaire de multiples incertitudes. Elles font l’objet de <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2021-2.htm">plusieurs contributions</a>, dont les <a href="https://cv.hal.science/m-learousseau">nôtres</a>.</p>
<h2>Strasbourg, un lancement en demi-teinte</h2>
<p>La première agglomération à avoir engagé un projet de ce type est celle de <a href="https://theconversation.com/topics/strasbourg-70845">Strasbourg</a>. L’idée était portée depuis 2017 par l’<a href="https://astus67.fr/">ASTUS</a>, une association alsacienne d’usagers des transports, et les autorités ont officiellement lancé le 11 décembre 2022 le <a href="https://www.francebleu.fr/infos/transports/tout-comprendre-au-reme-a-strasbourg-le-premier-rer-de-province-lance-en-alsace-6824882">REME</a>, le réseau express métropolitain européen. Le premier <a href="https://www.20minutes.fr/strasbourg/4067262-20231218-disparites-cadence-penalites-bilan-apres-an-rer-alsace">bilan</a> un an plus tard s’avère mitigé : des trains supplémentaires oui (700 de plus par semaine), mais moins que prévu (1072 promis initialement) et au prix d’un taux de régularité dégradé (86,3 % des trains) au cours du premier semestre 2023 (objectif : 95 %), notamment car les infrastructures n’était pas prêtes à fonctionner à une telle cadence.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578256/original/file-20240227-16-xkc1h8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La gare de Strasbourg n’était sans doute pas prête à accueillir des trains à une telle cadence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Léa Rousseau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les raisons de ces difficultés sont multiples, au premier rang desquelles une exploitation mise à mal par une montée en charge trop rapide au regard des moyens disponibles, en personnel comme en matériel roulant. Ces <a href="https://www.youtube.com/watch?v=H0aC-kU-oIc">préoccupations</a> avaient d’ailleurs été exprimées par les représentants de la Fédération nationale des usagers de transport et de la CGT à la veille du lancement du REME. On pourrait imputer à la communication autour du projet de ne pas avoir annoncé un calendrier de montée en charge plus progressif, quitte à prendre de l’avance si cela avait été possible : aurait-on pu d’emblée annoncer un objectif de 1000 rames supplémentaires mais à un horizon plus lointain ? 2025 ? 2027 ? 2030 ? Depuis, le lancement on observe ainsi une inflexion du discours politique, qui privilégie désormais la stabilisation du système. L’augmentation de l’offre ainsi que son extension au-delà de la frontière franco-allemande n’est plus envisagée avant 2026.</p>
<p>Au niveau des infrastructures, l’aménagement de la gare de Strasbourg paraît également inadapté pour le fonctionnement d’un volume aussi important de trains qui impose un mouvement technique toutes les 30 secondes. Cela génère des situations d’encombrement à la moindre avarie matériel ou autre aléa. Aussi, Thibaud Philipps, vice-président en charge des transports dans la région Grand Est, reconnaissait en décembre dernier un <a href="https://www.francebleu.fr/emissions/les-invites-de-la-redaction-de-france-bleu-alsace/une-deuxieme-gare-a-strasbourg-la-region-veut-regler-la-saturation-actuelle-4724375">défaut d’anticipation</a> des aléas dans les modélisations envisagées avant le lancement du REME.</p>
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<p>Certes, le taux de régularité s’est stabilisé autour de 94 % à la fin de l’année 2023, avec une moyenne de 830 rames supplémentaires circulant par semaine sur les quatre lignes concernées. Une restructuration de la gare de Strasbourg semble néanmoins nécessaire, l’Eurométropole de Strasbourg plaidant pour son agrandissement (projet de gare à 360 degrés) tandis que la région Grand Est privilégierait la création d’une gare supplémentaire. Le projet devra en outre favoriser la création d’un réseau de lignes traversantes afin de limiter les correspondances pour les voyageurs qu’impose un schéma en étoile.</p>
<h2>Pas qu’une affaire de trains plus fréquents</h2>
<p>Il ne faudrait cependant pas apprécier ces futurs réseaux à partir du seul nombre de trains et de leur ponctualité : les SERM ne se limitent en effet pas à un projet d’infrastructure visant à renforcer la fréquence des trains pour atteindre un cadencement élevé (15 minutes en heure de pointe).</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=270&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578254/original/file-20240227-28-c2f451.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=339&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">« RER métropolitains : une loi, et maintenant ? », thème des Journées des mobilités du quotidien, organisées à Strasbourg les 8 et 9 février 2024.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marie-Léa Rousseau</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Les Journées des mobilités du quotidien, organisées à Strasbourg les 8 et 9 février derniers ont été l’occasion de rappeler que le déploiement des SERM ne constitue pas une fin en soi. Il s’inscrit dans l’objectif de décarboner les mobilités, de relier les métropoles et leurs périphéries et enfin de pallier les difficultés croissantes d’accès à la voiture individuelle. Les SERM ne sauraient d’ailleurs, selon Nicolas Bordillat, directeur des programmes de SERM du Grand Est pour SNCF Réseau, être des répliques provinciales du RER parisien. L’appellation « RER métropolitain » a même été abandonnée dans la loi du 27 décembre 2023.</p>
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<p>L’enjeu, selon un <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/EF%26SEM-SD%20VF%2006%2004%202020.pdf">rapport</a> de SNCF Réseau est de constituer un service intégré d’une part et un service attractif d’autre part. Pour être intégrée, l’offre ferroviaire doit être coordonnée avec une offre de cars express, de trams, de covoiturages ou de réseaux cyclables selon les besoins locaux pour accéder au réseau. Cela vaut en termes d’horaires, d’infrastructures multimodales mais aussi de tarifs avec par exemple des abonnements uniques, quel que soit le mode utilisé. L’attractivité passera elle par des horaires réguliers, sur une amplitude horaire importante (jusque minuit en week-end), une fréquence renforcée en heures de pointe et en zone dense.</p>
<p>Le REME est encore loin de répondre aux critères d’un service à la fois intégré et attractif. En premier lieu, il n’est pas clairement identifiable pour les voyageurs, ne serait-ce qu’en raison de l’absence d’un logo comme pour les <a href="https://www.theses.fr/s166863">S-Bahn allemand</a> ou encore d’un <a href="https://www.theses.fr/s269740">plan de transport dédié</a>. Il n’existe en outre pas encore de pass multimodal valable sur les quatre lignes du REME, enjeu clé en termes de tarification et de billettique.</p>
<h2>Quelle gouvernance ? Quel financement ?</h2>
<p>Ces critères seront-ils repris par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des Territoires au moment de sélectionner les projets qui seront labellisés ? Des incertitudes demeurent quant aux motifs de sélection des projets, qui devraient être précisés par décret au cours des prochains mois. Selon le député Jean-Marc Zulesi, rapporteur de la loi SERM, la sélection devrait reposer davantage la capacité des collectivités territoriales à créer un consensus autour d’un projet fédérateur plutôt que sur le rang dans la hiérarchie territoriale.</p>
<p>Ainsi, le statut de métropole ne saurait garantir la labellisation, ouvrant la voie aux villes moyennes, <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/la-rochelle-joue-la-carte-du-rer-metropolitain.2260841">La Rochelle</a> par exemple, voire de territoires d’outre-mer ayant manifesté leur intérêt pour le déploiement d’un SERM sur leur territoire. Malgré les dispositions de la loi, la mise en œuvre des projets s’inscrit ainsi dans une gouvernance complexe, dont le cadre demeure nébuleux. À cet égard, l’échange de bonnes pratiques entre les territoires apparait nécessaire, dans un contexte où les porteurs de projet seront pourtant immanquablement en compétition.</p>
<p>Se posent également des questions d’ordre financier. Le Conseil d’Orientation des Infrastructures a présenté en février 2023 un <a href="https://www.gouvernement.fr/discours/discours-de-la-premiere-ministre-elisabeth-borne-remise-du-rapport-du-conseil-dorientation-des-infrastructures-coi-et-presentation-dun-plan-davenir-pour-les-transports">Plan d’avenir pour les transports</a> prévoyant des investissements à hauteur de 100 milliards d’euros d’ici 2040 pour la régénération puis le développement du réseau ferroviaire français. Le montant des projets SERM est estimé à hauteur de 15 à 20 milliards d’euros. Mais quelles seraient les modalités de financement ? Utiliser les capacités contributives de l’État ? Des collectivités territoriales ? Faire évoluer les versements-mobilité ? Mettre en place de nouveaux moyens de financement comme des taxes locales ? L’organisation, à l’initiative du Sénat et d’ici juin 2024, d’une conférence nationale sur le sujet est particulièrement attendue. La loi SERM prévoit, elle, que la Société du Grand Paris, rebaptisée Société des grands projets, pourra contracter des emprunts pour financer les projets dont elle aurait la maîtrise d’ouvrage.</p>
<p>Tous ces questionnements rendent d’autant plus nécessaires la circulation des connaissances et l’échange de bonnes pratiques entre les territoires pour améliorer la mise en œuvre des futurs projets SERM. Au-delà de l’expérience du REME en tant que projet pilote, il serait bon aussi de s’inspirer de nos voisins européens où les réseaux de type SERM sont en service depuis plusieurs décennies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224460/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Léa Rousseau ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses métropoles ont fait part de leur intérêt pour développer leur offre ferroviaire. Malgré les textes récemment votés, les incertitudes demeurent néanmoins nombreuses autour de ces projets.Marie-Léa Rousseau, Docteure en aménagement-urbanisme, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2221782024-02-01T15:01:53Z2024-02-01T15:01:53Z« Amtrak Joe » : la politique historique de l’administration Biden en faveur du train<p>1 000 milliards de dollars. Tel est le montant astronomique prévu dans le cadre de la <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2021/08/02/updated-fact-sheet-bipartisan-infrastructure-investment-and-jobs-act/">loi sur les infrastructures</a> (Infrastructure Investment and Jobs Act, IIJA) portée par l’administration de Joe Biden depuis qu’elle a été <a href="https://www.cnbc.com/2021/11/15/biden-signing-1-trillion-bipartisan-infrastructure-bill-into-law.html">ratifiée</a> par le président en novembre 2021.</p>
<p>Depuis lors, <a href="https://www.reuters.com/world/us/bidens-infrastructure-law-has-begun-40000-projects-will-it-help-him-2024-2023-11-10/">près de 400 milliards de dollars</a> ont été effectivement engagés – une somme historique, pour un réengagement fédéral historique en faveur des infrastructures de la première puissance mondiale. Pour le ferroviaire, ce sont près de 66 milliards de dollars qui ont été mis sur la table, soit la somme la plus importante depuis la création en 1970 de <a href="https://www.amtrak.com/about-amtrak.html">l’opérateur ferroviaire national Amtrak</a>, qui gère et exploite l’ensemble des services ferroviaires nationaux.</p>
<p>Il convient de rappeler à cet égard que le train ne représente que <a href="https://theses.hal.science/tel-02197401">0,2 % des déplacements interurbains</a> aux États-Unis – chiffre en progression régulière mais qui pèse peu par rapport à la voiture et à l’avion. Depuis des décennies, le pays a tourné le dos au train et délaissé les investissements dans ce mode de transport.</p>
<p>Le réseau d’Amtrak s’étend sur près de 34 000 kilomètres. Mais l’essentiel du réseau ferroviaire étatsunien (220 000 km au total) est privé, et appartient aux entreprises de fret ferroviaire. Ces acteurs historiques (Union Pacific, BNSF, etc.) sont les véritables maîtres du réseau ferroviaire du pays, dont <a href="https://www.aar.org/facts-figures">70 %</a> sont entre les mains des six plus grandes entreprises de fret (dites de classe 1). Pour faire circuler ses trains, Amtrak dépend donc de ces géants ; ceux-ci sont légalement tenus d’accorder à Amtrak la priorité de circulation, mais ils ne respectent que rarement cette disposition. Pour les entreprises privées de fret, les trains de passagers sont plutôt des nuisances.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1064&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571864/original/file-20240129-17-8paco4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1337&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Chicago, le principal nœud ferroviaire des États-Unis. Cliquer pour zoomer.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Un réseau conventionnel déséquilibré</h2>
<p>Amtrak, qui exploite des services ferroviaires desservant plus de 500 agglomérations, des plus grandes métropoles à des petites villes rurales, a transporté en 2023 <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2023/11/Copy-of-FY23-Year-End-Ridership.pdf">28,5 millions de passagers</a>. Cette fréquentation est en forte hausse par rapport à 2022 (22,9 millions) mais encore loin du record pré-Covid (32,5 millions de passagers en <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2019/11/FY19-Year-End-Ridership.pdf">2019</a>). À titre de comparaison, en France, la SCNF a transporté 24 millions de voyageurs… pour la seule période estivale en 2023.</p>
<p>La <a href="https://theses.hal.science/tel-02197401">géographie d’Amtrak</a> se structure à partir de trois composantes.</p>
<p>D’abord les services de longue distance, qui constituent la colonne vertébrale du réseau, héritée des heures glorieuses du train à la fin du XIX<sup>e</sup> et au début du XX<sup>e</sup> siècle. Les noms de ces quinze services font référence à un imaginaire révolu du train (California Zephyr, Coast Starlight, Empire Builder, etc.). Ce sont les services qui assurent des liaisons continentales et qui conservent une fonction de desserte rurale et d’accès équitable au train.</p>
<p>Ils ont le plus souffert de la concurrence de l’avion : le Coast Starlight relie Seattle à Los Angeles en 35h contre 2h45 en avion. Ces services de longue distance, rarement parcourus de bout en bout, sont financés par le gouvernement fédéral et sont les plus déficitaires : en cumulé, ils n’ont transporté que <a href="https://media.amtrak.com/wp-content/uploads/2023/11/Copy-of-FY23-Year-End-Ridership.pdf">3,9 millions de passagers en 2023</a>.</p>
<p>Ensuite, les services régionaux, dits <em>state-supported</em> (parce qu’ils sont depuis 2008 à la charge des États fédérés), qui constituent le fer de lance de la renaissance ferroviaire étatsunienne. La trentaine de services régionaux a transporté en 2023 quelque 12,5 millions de passagers.</p>
<p>Ces services desservent pour l’essentiel des territoires très urbanisés et les principales agglomérations du pays. Cinq d’entre eux dépassent le million de voyageurs annuels dont les trois californiens (Pacific Surfliner, San Joaquin, Capitol Corridor) qui illustrent bien la position de la Californie comme <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2017-1-page-17.htm">« laboratoire du renouveau ferroviaire »</a>. Six de ces services régionaux dépassent les 500 000 voyageurs par an, par exemple le corridor des <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2020-3-page-67.htm">Cascades</a> entre Seattle et Portland (669 000 voyageurs en 2023).</p>
<p>Enfin, le réseau Amtrak comprend un service géré à part, qui représente la plus belle réussite commerciale du pays, le corridor Nord-Est (<a href="https://nec-commission.com/corridor/">NorthEast Corridor</a>, NEC) qui s’étend de Boston à Washington D.C. Ce NEC, comprenant entre autres une ligne à « grande vitesse » (Acela Express), concentre à lui seul pas loin de 30 % de la fréquentation nationale totale d’Amtrak (12,1 millions de passagers en 2023).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572258/original/file-20240130-21-40yt8k.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Discours de Joe Biden sur la loi bipartisane sur l’infrastructure dans le bâtiment de maintenance de l’Amtrak à Baltimore, 30 janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Executive Office of the President of the United States</span></span>
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<p>Le NEC est une singularité dans le paysage ferroviaire étatsunien puisqu’Amtrak est propriétaire de l’essentiel de ses infrastructures. L’existence et le succès du NEC démontrent que le train est une solution viable puisqu’il a réussi à capter près de 75 % des déplacements interurbains entre Washington DC et New York <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2014-11-26/why-more-northeast-u-s-travelers-take-the-train-instead-of-a-plane-in-2-charts">au détriment de l’avion</a> !</p>
<h2>Des mégaprojets qui émergent</h2>
<p>À l’heure actuelle, les États-Unis ne disposent pas de lignes à grande vitesse <em>stricto sensu</em> (au sens de l’<a href="https://www.uic.org/com/enews/nr/596-high-speed/article/the-definition-of-high-speed-rail?page=thickbox_enews">Union internationale des chemins de fer</a> (UIC)) mais d’un seul corridor à vitesse élevée (le NEC). En effet, l’Acela Express ne dépasse pas la vitesse maximale de 240 km/h et sa vitesse moyenne sur l’essentiel du corridor oscille entre 150 et 170 km/h.</p>
<p>On assiste toutefois à une multiplication de grands projets qui visent à développer des services de grande vitesse ferroviaire. Le chantier de la ligne à (vraie) grande vitesse en <a href="https://www.latimes.com/california/story/2023-12-25/california-high-speed-rail-federal-funding-newsom-biden">Californie</a> (entre San Francisco et Los Angeles) se poursuit malgré une forte inflation des coûts et de multiples retards et <a href="https://journals.openedition.org/espacepolitique/6120">conflits politiques locaux</a> (la section dans la vallée centrale devrait ouvrir en 2028 tandis que la connexion vers San Francisco devrait s’achever en 2033, plus de 25 ans après le lancement du projet).</p>
<p>Le NEC d’Amtrak est engagé depuis près d’une décennie dans un vaste chantier de modernisation. En novembre 2023, <a href="https://www.whitehouse.gov/briefing-room/statements-releases/2023/11/09/fact-sheet-biden-harris-administration-celebrates-historic-progress-in-rebuilding-america-ahead-of-two-year-anniversary-of-bipartisan-infrastructure-law/">Joe Biden a annoncé une enveloppe de 16,4 milliards de dollars</a> pour le corridor Nord-Est, dont plus de 11 rien que pour remplacer deux tunnels hors d’âge (le Hudson River Tunnel à New York et le Frederick Douglass Tunnel à Baltimore – ce dernier date d’il y a plus de 150 ans et n’a jamais fait l’objet de travaux majeurs de modernisation).</p>
<p>Les projets privés constituent une particularité étatsunienne en matière de grande vitesse ferroviaire. Le <a href="https://journals.openedition.org/tourisme/4505">projet Brightline</a> de corridor à vitesse élevée en Floride (Miami-Orlando) est achevé et en exploitation depuis 2023, amenant à nouveau le train dans un État habitué à l’avion et à la voiture individuelle. Cette même entreprise a repris le projet d’une liaison entre Los Angeles et Las Vegas, projet (dit Brightline West) estimé à 20 milliards de dollars, tandis que des réflexions sont toujours en cours pour un projet au Texas.</p>
<p>Enfin, une multitude de projets concernent les gares : chantiers de modernisation et d’extension (<a href="https://www.fox32chicago.com/news/union-station-receives-federal-funding-for-major-upgrades">Chicago Union Station</a>, <a href="https://www.washingtonpost.com/transportation/2023/05/13/dc-union-station-redevelopment/">Washington Union Station</a>), projets de développement et de densification des quartiers de gare (gare <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/pp.149-156-Lieu-du-transport-Autour-de-la-gare-30th-Street-de-Philadelphie-Le-projet-urbain-instrument-de-revitalisation-M.Schorung-P.Marcher.pdf">30th Street de Philadelphie</a>), construction de nouvelles gares centrales (<a href="https://fonciers-en-debat.com/la-nouvelle-gare-centrale-de-san-francisco-la-captation-de-valeur-comme-instrument-de-legitimation-du-projet/">San Francisco Salesforce Terminal</a>, Miami Central).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=339&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/571862/original/file-20240129-25-4fxoz7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=426&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Entrée principale de la nouvelle gare centrale de San Francisco (Salesforce Transit Center).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Matthieu Schorung</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>« Amtrak Joe » vs. « business as usual »</h2>
<p>Le président Biden a fondé une partie de sa campagne présidentielle de 2020 sur la promesse de « reconstruire » le pays et de remettre au niveau des infrastructures vieillissantes.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/build-back-better-le-programme-economique-de-joe-biden-151867">« Build back better » : Le programme économique de Joe Biden</a>
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<p>La loi <a href="https://www.ey.com/en_us/infrastructure-investment-and-jobs-act">IIJA</a> porte, nous l’avons dit, sur un total de 1 000 milliards de dollars d’investissements (111 milliards pour les routes et les autoroutes, 79 milliards pour les réseaux d’électricité, 65 milliards pour les réseaux Internet et mobile ou encore 39 milliards pour les transports publics).</p>
<p>Concernant le mode ferroviaire, les <a href="https://www.amtrak.com/about-amtrak/new-era.html">investissements</a> sont historiques : 22 milliards de dollars de crédits pour Amtrak (16 milliards sur le réseau national et 6 milliards pour le seul NEC) et 44 milliards de dollars de subventions dites « discrétionnaires » par le biais de la Federal Railroad Administration. Ces subventions sont destinées à co-financer des projets d’infrastructure majeurs (ponts, tunnels, gares) et des projets de sécurisation et d’implantation de nouveaux systèmes d’exploitation.</p>
<p>Ces investissements massifs permettraient, si les budgets votés par le Congrès suivent, de moderniser comme jamais les infrastructures mais surtout d’étendre les services d’Amtrak. 25 lignes seraient modernisées au total et 39 nouveaux services pourraient être lancés permettant, <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2023-07-14/inside-amtrak-s-75-billion-plan-to-revive-us-train-travel">d’après les projections d’Amtrak</a>, de capter 20 millions de passagers supplémentaires d’ici quinze ans.</p>
<p>En parallèle, cette politique pro-ferroviaire a pour objectif de soutenir les projets de grande vitesse ferroviaire actuellement en chantier comme le <a href="https://www.reuters.com/world/us/california-high-speed-rail-faces-challenges-after-us-award-2023-12-08/">chantier californien</a>, ou futurs comme le projet privé <a href="https://eu.usatoday.com/story/news/nation/2023/12/05/la-las-vegas-high-speed-rail-project-scores-3-billion-funding/71819342007/">Brightline West</a>. Ces deux projets vont bénéficier d’une enveloppe de 6 milliards de dollars octroyée par Joe Biden <a href="https://www.reuters.com/world/us/us-award-3-billion-las-vegas-high-speed-rail-project-2023-12-05/">fin 2023</a>.</p>
<p>Néanmoins, l’argent ne fait pas tout et les menaces politiques qui pèsent sur cette politique ferroviaire ambitieuse sont nombreuses. <em>A contrario</em> des grands opérateurs ferroviaires historiques en Europe, Amtrak est un acteur relativement faible, qui ne reçoit qu’une enveloppe budgétaire annuelle maigre du gouvernement fédéral (entre 1,5 et 3 milliards de dollars par an).</p>
<p>Malgré les sommes historiques contenues dans la dernière loi de l’administration Biden, le déblocage effectif des budgets doit passer par le Congrès. Le financement d’Amtrak fait l’objet d’une intense bataille politique entre les Démocrates et les Républicains, ces derniers cherchant régulièrement à réduire le budget d’Amtrak à la portion congrue – pour <a href="https://www.trains.com/trn/news-reviews/news-wire/house-republicans-propose-64-cut-to-amtrak-budget-for-fiscal-2024/">2024</a>, les Républicains de la Chambre des Représentants ont proposé une coupe drastique de 64 % en <a href="https://www.railpassengers.org/happening-now/news/releases/statement-on-houses-proposed-cuts-to-amtrak-in-fy24-budget/">contradiction</a> avec la proposition budgétaire de la Maison Blanche et les engagements financiers pris dans le cadre de la loi IIJA.</p>
<p>L’administration Biden et le Parti démocrate ont été contraints à un compromis avec la majorité républicaine à la Chambre. Au-delà de la question budgétaire, aucune réforme systémique de la politique fédérale des transports n’a été engagée. Les financements et les politiques de transport et d’aménagement à tous les échelons de gouvernement continuent de favoriser ces modes carbonés.</p>
<p>Ces <a href="https://journals.openedition.org/tem/4249">soubresauts politiques</a>, qui reflètent en réalité le scepticisme voire l’opposition résolue d’une partie de la population étatsunienne face à un réinvestissement public massif en faveur du train, compliquent non seulement le réseau conventionnel d’Amtrak mais également les projets de corridors à grande vitesse. Une réélection de Donald Trump et une majorité républicaine dans les deux chambres du Congrès lors les élections de 2024 menaceraient très probablement les ambitions de ce renouveau ferroviaire aux États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222178/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Matthieu Schorung ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’administration Biden consacre des sommes importantes au développement du transport ferroviaire, insuffisamment développé aux États-Unis.Matthieu Schorung, Docteur. Enseignant-chercheur, Cergy Paris Université, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2200612024-01-09T18:10:21Z2024-01-09T18:10:21ZTransporter les colis par le fleuve, solution décarbonée pour livrer en centre-ville ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/566620/original/file-20231219-21-26h3zr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La photographie prise en juin 2023 montre des salariés de Fluidis chargeant des colis et les vélos électriques permettant leur livraison sur une barge quai d'Austerlitz à Paris (France).</span> <span class="attribution"><span class="source">Anicia Jaegler (auteur)</span>, <span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p>L’année 2023, la plus chaude jamais enregistrée, s’est achevée par la COP28 pendant laquelle États, entreprises et ONG se sont réunis afin de débattre des solutions pour respecter les accords de Paris. En France, 31 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au transport <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone-ressources/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports">dont 41 % de transport routier</a>.</p>
<p>Dans le même temps, le <a href="https://theconversation.com/e-commerce-et-empreinte-carbone-du-dernier-kilometre-le-velo-cargo-solution-ideale-174052">e-commerce</a> continue de progresser avec des livraisons en centre-ville. À l’heure du déploiement des <a href="https://theconversation.com/pollution-de-lair-en-france-des-zones-a-faibles-emissions-efficaces-mais-inegalitaires-202919">zones urbaines à faibles émissions</a> (ZFE), quelles alternatives au transport routier ? En 2020, le transport de marchandises représentait 364 milliards de tonnes-kilomètres en Europe. <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4277912?sommaire=4318291">76 % sont acheminées par la route, 16 % par le rail et 6 % par voie navigable</a>.</p>
<p>Avec des fleuves qui traversent ses 22 métropoles, la France possède le plus long réseau européen de voies navigables. Ce n’est pas nouveau : l’Aude et la Garonne permettaient un trafic entre la Méditerranée et l’Océan Atlantique au 1<sup>er</sup> siècle av. J.-C. jusqu’au Moyen-Âge et une crue <a href="https://theconversation.com/le-port-de-narbonne-plaque-tournante-du-commerce-antique-215643">déviant le cours de l’Aude</a>.</p>
<p>Pour l’instant, les vracs liquides et solides sont les principales marchandises transportées. Le fleuve peut-il aussi jouer un rôle dans le <a href="https://theconversation.com/villes-et-livraisons-le-desserrement-logistique-augmente-t-il-la-pollution-191224">transport décarboné de colis en centre-ville</a> ?</p>
<h2>Le transport fluvial, crédible en ville ?</h2>
<p>Pour limiter l’impact environnemental du transport dans les villes urbaines, chercheurs et décideurs ont commencé à étudier la possibilité d’utiliser le transport fluvial pour la livraison de colis en milieu urbain. Ce transport est l’un des <a href="https://www.ppmc-transport.org/global-macro-roadmap/">modes de transport les plus économes</a> en énergie, car il émet moins de CO<sub>2</sub> équivalent que la route ou le rail.</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Il n’est toutefois pas toujours utilisable en raison du manque d’infrastructures fluviales et d’installations connexes, ainsi que des variations du niveau de l’eau dues aux impacts du changement climatique. Ce manque d’infrastructures, associé aux coûts fixes élevés impliqués, pourrait imposer une rigidité substantielle aux services du transport fluvial, limitant <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S136192091930149X">sa viabilité économique et sa compétitivité</a>.</p>
<p>Malgré ces défis, les expériences récentes dans plusieurs villes urbaines ont montré que le transport fluvial pouvait être économiquement viable et compétitif pour le transport de marchandises à plus petite échelle dans des zones urbaines denses, <a href="https://www.witpress.com/Secure/elibrary/papers/UT14/UT14024FU1.pdf">dans les bonnes conditions</a>. À savoir la disponibilité des infrastructures, la taille et l’âge des péniches, la consommation de carburant et la connectivité directe <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/BIJ-11-2016-0175/full/html">entre les origines et les destinations des colis</a>.</p>
<h2>Les obstacles à la logistique fluviale urbaine</h2>
<p>Ainsi, un cadre d’évaluation de la performance des mesures politiques actuelles et potentielles concernant les opérations intermodales <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s12544-011-0062-5">a été développé</a>. Il met l’accent sur les aspects économiques et environnementaux de l’élaboration des politiques de transport intermodal et permet d’évaluer le coût total du transport intermodal de porte à porte entre une origine et une destination données. L’analyse était centrée sur l’implantation d’un nouveau terminal fluvial intermodal en Belgique.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/16258312.2014.11517355">D’autres chercheurs</a> ont analysé les chaînes de transport de barges à conteneurs existantes dans les grandes villes de France en utilisant une approche économique des coûts de transaction. Ils ont constaté deux principaux obstacles entravant l’utilisation de la <a href="https://theconversation.com/video-la-logistique-cle-de-comprehension-du-monde-128397">logistique</a> fluviale urbaine.</p>
<ul>
<li><p>Le premier est la complexité des chaînes due aux ruptures de charge, au nombre d’acteurs, aux infrastructures inexistantes ou à partager, à la disponibilité des barges, etc.</p></li>
<li><p>Le second est le niveau de spécificité des acteurs impliqués. Les acteurs sont privés ou publics. Ils sont différents selon les portions du fleuve.</p></li>
</ul>
<p>Un constat <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352146516306688">confirmé</a> par des travaux sur les opportunités de développement d’activités logistiques des ports fluviaux en Pologne (le long de la basse Vistule). L’étude a révélé que le principal défi pour le transport intermodal en Pologne était la restauration des voies navigables intérieures en assurant des fonds suffisants pour les investissements dans les infrastructures de transport et en garantissant leur efficacité.</p>
<h2>Le rôle des infrastructures</h2>
<p>Les expériences de l’industrie dans le domaine de la navigation intérieure pour la logistique urbaine en Europe <a href="https://www.witpress.com/Secure/elibrary/papers/UT14/UT14024FU1.pdf">montrent que</a> l’utilisation des voies navigables intérieures pourrait être une alternative viable pour le transport de marchandises à plus petite échelle, y compris le transport de marchandises palettisées, de marchandises en conteneurs, de livraisons de colis aux commerces locaux et restaurants, du transport de déchets et de matériaux recyclés, et des déplacements de service.</p>
<p>Plusieurs facteurs <a href="https://www.witpress.com/Secure/elibrary/papers/UT14/UT14024FU1.pdf">contribuent</a> au succès de ces entreprises, notamment les conditions environnementales externes : par exemple, une forte densité de voies navigables intérieures, la position des expéditeurs et des plates-formes le long des voies navigables, et l’accessibilité dans les zones de service.</p>
<p>Celles-ci dépendent de l’infrastructure urbaine, de la densité de la circulation, de la congestion, des restrictions d’accès, et des contraintes politiques telles que les plages horaires et les zones environnementales.</p>
<p>L’utilisation de navires et d’équipements spécialisés pourrait également faciliter considérablement les opérations de transbordement.</p>
<h2>Les spécificités du transport de colis urbain</h2>
<p>Mais le cas du transport fluvial intérieur dans le contexte spécifique de la livraison de colis a fait l’objet de peu d’études. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S2210539516300992">Seuls</a> deux <a href="https://www.mdpi.com/2076-3417/13/12/7259">travaux de recherche</a>, à notre connaissance, présentent un modèle de calcul de coûts conçu pour aider les opérateurs à estimer avec précision les coûts associés au transport fluvial intérieur pour les envois de colis.</p>
<p>Ils soulignent la nécessité de mener d’autres recherches pour améliorer le réalisme des résultats en prenant en compte des facteurs de coûts supplémentaires. S’appuyant sur ces travaux, un modèle complet de logistique fluviale a été élaboré, avec des coûts fixes et variables pour les barges, les quais et les derniers cent mètres (vélo cargo ou VUL) à partir d’un quai en dehors de la ville.</p>
<p>À partir de ce modèle, un outil d’aide à la décision simulé avec 2688 scénarios et testé avec six métropoles françaises (Paris, Bordeaux, Lyon, Nantes, Strasbourg, Toulouse) a été proposé.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=1325&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=1325&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=1325&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1665&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1665&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/566547/original/file-20231219-27-iyysn.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1665&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Conditions de viabilité de la livraison de colis en zones urbaines par le fleuve.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteurs</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>300 à 100 000 colis par jour</h2>
<p>La livraison de colis par le fleuve impose aussi des ruptures de charge pour atteindre le client final. Le premier échelon concerne le transport par barge de l’extérieur vers l’intérieur de la ville ; le second échelon concerne le transport du port vers le destinataire en vélo-cargo ou véhicule utilitaire léger.</p>
<p>Les hypothèses prises à partir d’une revue de littérature et d’entretiens auprès de 16 experts acteurs de la logistique fluviale sont les suivantes : deux types de barges différents, 3 rotations possibles par jour au maximum, 4 quais maximum, 3 types de colis (1,5 kg, 4,5 kg, 7,5 kg), de 300 à 100 000 colis (représentant la quantité minimale identifiée et la quantité maximale, pic de Noël par exemple).</p>
<p>Grâce à l’intégration de cet outil, les décideurs peuvent obtenir des informations précieuses et optimiser leurs stratégies pour des systèmes de transport efficaces et respectueux de l’environnement. En connaissant la typologie des colis, leur nombre et la configuration du port et de l’infrastructure routière, l’outil fournit une première décision à un niveau macro pour les décideurs et les parties prenantes de l’industrie de la logistique urbaine.</p>
<p>Chaque ville possédant des caractéristiques uniques, des études plus ciblées sont ensuite nécessaires pour avoir des chiffres précis adaptés à des contextes individuels.</p>
<h2>Des conditions et des limitations</h2>
<p>Ainsi, pour atténuer les impacts économiques et environnementaux, le transport fluvial exige une optimisation du chargement des barges. Pour cela, favoriser la collaboration entre les parties prenantes est impératif pour optimiser le volume de colis transportés. La taille des paquets limite aussi la quantité de colis dans les barges, tandis que le poids est moins contraignant. Une réflexion est également à mener sur l’emballage le plus efficient lors des transbordements (sac, palettes, etc.).</p>
<p>En revanche, la capacité du deuxième mode de transport – principalement des vélos – est limitée par le poids et la taille. En outre, charger un nombre substantiel de colis dans des barges va de pair avec un certain nombre de contraintes. Le modèle suppose trois rotations par jour, ce qui nécessite déjà des horaires de livraison différents par rapport au système actuel.</p>
<p>Augmenter la quantité de barges disponibles est aussi une option, mais cela pose une contrainte supplémentaire : la capacité de la rivière. Au deuxième échelon, un volume élevé de colis correspond à un nombre significatif de vélos de livraison, ce qui pourrait <a href="https://theconversation.com/e-commerce-et-empreinte-carbone-du-dernier-kilometre-le-velo-cargo-solution-ideale-174052">saturer les pistes cyclables existantes</a>.</p>
<p>Par conséquent, les autorités locales doivent intégrer l’infrastructure de vélos de livraison dans les plans de développement du centre-ville. Il faut par ailleurs prendre en compte, dans un contexte de changement climatique, que l’utilisation de la rivière peut être compromise lors d’événements extrêmes <a href="https://theconversation.com/comment-les-villes-peuvent-faire-face-au-risque-dinondations-lexemple-de-grenoble-197815">tels que les sécheresses ou les inondations</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220061/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anicia Jaegler a reçu des financements de Géoposte. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Laingo Randrianarisoa a reçu des financements de Géoposte. </span></em></p>Alors que les livraisons de colis sont à 76 % transportées par la route, certaines villes remettent en place le transport de colis par le fleuve.Anicia Jaegler, Senior Professeure et Doyenne associée à l'inclusivité, Kedge Business SchoolLaingo RANDRIANARISOA, Assistant professor, Kedge Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2096162023-08-23T20:44:44Z2023-08-23T20:44:44ZLe retour des trains de nuit se fait-il sur de bons rails ?<p>Début 2016, Alain Vidalies, secrétaire d’État chargé des transports, annonçait la <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/comment-les-trains-de-nuit-ont-ete-effaces-de-la-carte-de-france-avant-un-nouveau-depart_4051851.html">suppression progressive de la plupart des liaisons ferroviaires de nuit</a>. La principale raison invoquée était l’absence de <a href="https://theconversation.com/topics/rentabilite-53035">rentabilité</a>. Sur fond de <a href="https://theconversation.com/topics/environnement-21017">préoccupations environnementales</a>, une dynamique inverse a depuis été enclenchée par les pouvoirs publics : le Paris-Nice revenait sur les rails le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">21 mai 2021, le Paris-Tarbes-Lourdes le 12 décembre</a> et c'est le tour du Paris-Aurillac ce 10 décembre 2023. </p>
<p>Ils ont rejoint les Paris-Gap-Briançon et Paris-Rodez/Latour de Carol/Cerbère qui subsistaient encore tant bien que mal. Une <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Rapport%20TET%20v18052021.pdf">dizaine d’ouvertures de lignes</a> est promise d’ici 2030. Il s’agit essentiellement de lignes radiales depuis Paris, le schéma différant finalement assez peu de celui qui avait cessé d’exister en 2016.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=538&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/537005/original/file-20230712-27766-hruk9x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=677&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Lignes intérieures de nuit envisagées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.ecologie.gouv.fr/train-nuit">ecologie.gouv.fr/train-nuit</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après un <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/interception/interception-du-dimanche-11-juin-2023-6230911">retour très médiatisé</a>, les premiers bilans de la relance semblent positifs malgré des <a href="https://www.lindependant.fr/2023/05/31/pyrenees-orientales-le-train-de-nuit-paris-latour-de-carol-menace-un-collectif-alerte-11232346.php">dysfonctionnements réguliers</a>. Le <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">train</a> de <a href="https://theconversation.com/topics/nuit-35575">nuit</a> reste cependant encore menacé par des contraintes économiques et organisationnelles, tandis que l’État et la <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> peinent à concevoir un véritable réseau aux échelles nationale et européenne. C’est ce que nous avons exploré dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2023-3-page-5.htm">recherches</a>, nourries d’entretiens avec divers acteurs et de consultations d’archives.</p>
<h2>Un saut de nuit</h2>
<p>Il faut tout d’abord insister sur la particularité du train de nuit : il s’agit de trajets longs, sans desserte pendant toute une plage horaire que l’on nomme le « saut de nuit », puis avec de nombreux arrêts en fin de parcours. Le Paris-Briançon, par exemple, ne marque aucun arrêt entre son départ de Paris Austerlitz à 20h51 et Crest dans la Drôme à 4h45. Huit gares sont ensuite desservies avant d’atteindre le terminus à 8h26. À vol d’oiseau, Crest et Briançon sont distantes de 130 kilomètres.</p>
<p>Cela place d’emblée le train de nuit dans une forme d’ambiguïté. Est-ce un service dont la gestion doit se faire à l’échelle nationale du fait de la grande distance parcourue ou bien doit-elle revenir aux régions en raison du maillage de desserte dans un territoire en particulier ? Avant l’arrêt du service, la SNCF semble ainsi, à plusieurs reprises, avoir suggéré des suppressions de lignes avec dans l’idée que les annonces pousseraient pour un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">transfert de compétences</a> aux régions ou à l’État.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1586312136929656833"}"></div></p>
<p>Entre 1951 et 1980, les trains de nuit empruntaient près de 15 000 kilomètres de lignes, s’arrêtant dans 256 gares. Avec cet effet « saut de nuit », la réduction du service entre 1981 et 2007 tient davantage de la réduction des dessertes que du kilométrage de voies parcourues (400 km de moins seulement). C’est après 2007 que la rupture semble prononcée à leur sujet.</p>
<h2>Victime d’un manque d’investissement</h2>
<p>La quasi-disparition annoncée en 2016 tenait ainsi à un faisceau de facteurs aux origines bien différentes.</p>
<p>En premier lieu intervient le fait que le train de nuit comporte des coûts d’exploitation plus importants que ceux du TER ou du TGV. Compte tenu des horaires du voyage, ce service requiert en effet plusieurs équipes d’agents et de conducteurs et parfois plusieurs locomotives pour un même trajet, des diesels relayant des électriques selon la nature du réseau ou bien quand le parcours se divise en plusieurs branches. Les voitures ne servent de plus qu'une seule fois par jour quand le matériel TER, TGV et Intercités peut effectuer plusieurs trajets quotidiennement. </p>
<p>Un rapport public de 2015 intitulé <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/34859-tet-agir-pour-lavenir">« Trains d’équilibre du territoire : agir pour l’avenir »</a> jugeant le modèle « à bout de souffle », recommande ainsi à l’État de maintenir seulement deux lignes (Paris-Briançon et Paris-Rodez/Toulouse-Latour de Carol) au nom de l’aménagement du territoire.</p>
<p>Le train de nuit a également été la première victime du manque d’investissement pendant plusieurs décennies dans l’entretien du réseau ferré national. Rattraper le retard implique des travaux qui s’effectuent essentiellement la nuit. Le matériel roulant ne semble d’ailleurs pas avoir reçu davantage d’attention : la plupart des wagons avait plus de 40 ans au moment où le service prenait fin. Le rôle de l’État reste loin d’être neutre. Un <a href="https://irp.cdn-website.com/bf2583a0/files/uploaded/JmX6Z9VoQmgVum1Vb9uj_G10-2-pp.%205-20%20%20Trains%20intercite%CC%81s%2C%20re%CC%81seaux%20et%20territoires%20en%20France%20P.Zembri.pdf">manque de stratégies et de moyens</a> sur ce segment de service explique en grande partie son déclin.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1546757463394979841"}"></div></p>
<p>Il faut aussi souligner l’importance de la concurrence : la grande vitesse ferroviaire matérialisée par le TGV et le nécessaire raccourcissement des distances-temps ont pris des parts de marché au service de nuit, de même que, dans une certaine mesure, les dessertes aériennes métropolitaines, les cars dits « Macron » ou le covoiturage. La SNCF a ainsi manifesté à maintes reprises son désintérêt pour ce service jugé peu rentable. Préférant se concentrer sur la desserte de territoire à haut potentiel, elle a laissé quelque peu sur la touche un service desservant principalement des territoires composés de villes petites et moyennes.</p>
<h2>Une relance contrariée</h2>
<p>Pourtant quasi enterré, ce service va renaître grâce à la concordance de trois catégories de facteurs, qui ont trait à l’environnement, à l’affection pour le train de nuit et à l’aménagement du territoire, utilisés à tour de rôle par l’État et l’exploitant.</p>
<p>L’un des socles de la relance tient sans nul doute à la promotion du train de nuit comme solution pour décarboner les transports de moyenne et longue distance. Pour mémoire, en France, le secteur des transports est responsable de près de <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-transports-2022/19-emissions-de-gaz-a-effet">29 % des émissions de gaz à effet de serre</a>. Les préoccupations environnementales se déploient dans les discours et actions d’association, dont le leitmotiv est le développement du train de nuit, associations qui mettent en avant un rapport original à la vitesse. Au moment où beaucoup de wagons rejoignaient les voies de garage en 2016, le collectif « Oui au train de nuit » défend ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Le train de nuit, c’est Paris à une heure de Perpignan : une demi-heure pour s’endormir, une demi-heure pour se réveiller ! »</p>
</blockquote>
<p>Ces inquiétudes accrues s’incarnent dans certains segments de la politique environnementale française. La loi Climat-résilience de 2021, elle-même issue de propositions de la convention citoyenne, instaure par exemple la réduction des vols intérieurs inférieurs à 2h30, même si les effets en sont limités.</p>
<p>Le caractère affectif du produit train de nuit se vérifie, lui, dans sa présence dans la culture populaire. Cadre de l’action du <em>Crime de l’Orient-Express</em> d’Agatha Christie, du roman plus récent <em>Paris-Briançon</em> publié en 2022 par Philippe Besson ou encore de la publicité Chanel avec Audrey Tautou sur le même trajet, c’est aussi sur cette dimension sentimentale que joue la <a href="https://www.sncf-connect.com/article/5-destinations-desservies-par-le-train-de-nuit">communication de la SNCF</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Au petit matin (8h35), le contraste est assuré à Briançon : on passe de la grande ville à l’air pur de la montagne, niché entre cinq vallées des Hautes-Alpes. »</p>
</blockquote>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1506511417893179396"}"></div></p>
<p>Enfin, en réponse à un <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-02/04-trains-intercites-Tome-2.pdf">rapport de la Cour des comptes</a> en défaveur du train de nuit, l’État semble désormais assumer l’argumentaire faisant du train de nuit un outil d’aménagement du territoire. Dans son revirement de politique, il puise son inspiration dans l’expérience autrichienne <a href="https://www.nightjet.com/fr/reiseziele">Nightjet</a>, portée par l’exploitant ÖBB dont le réseau s’est développé bien au-delà des frontières de l’Autriche. Il lance d'ailleurs ce 11 décembre ses trains entre Paris et Berlin via Strasbourg, s'ajoutant, en ce qui concerne la France, aux trois aller-retours hebdomadaires pour Vienne, capitale de l'Autriche. </p>
<p>Les régions, pourtant incontournables étant donné les spécificités du modèle, sont néanmoins restées le plus souvent attentistes dans la relance du service, à l’exception de la région Occitanie qui s’est positionnée tôt en fer de lance.</p>
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<p>Le succès à long terme de la relance du train de nuit tient encore à trois facteurs. Vient tout d’abord la constitution d’un réseau européen qui se heurte à la concurrence de nouveaux services de longues distances <em>low cost</em>. La qualité du réseau intervient ensuite : l’État et SNCF Réseau se sont certes engagés dans des <a href="https://www.sncf.com/fr/reseau-expertises/reseau-ferroviaire/sncf-reseau/modernisation-reseau">travaux de grande ampleur</a>, mais ils restent souvent insuffisants et trop lents. Enfin, la qualité de service sera décisive : dans un contexte de pénurie de wagons, la <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/02/le-train-de-nuit-attend-encore-son-grand-soir_6180246_3234.html">rénovation du matériel existant ne suffit pas</a> pour pallier les délais de livraison de voitures neuves.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209616/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Guillaume Carrouet a reçu des financements d'organismes publics.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christophe Mimeur ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le modèle de desserte atypique des trains de nuit, à mi-chemin entre train grande ligne et TER, implique un mode de gestion assez ambigu.Guillaume Carrouet, Maître de conférences en Géographie, Université de PerpignanChristophe Mimeur, Maître de conférences en Géographie, CY Cergy Paris UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2100752023-08-21T15:47:27Z2023-08-21T15:47:27ZUne petite histoire de la « Suge » ou comment le service de sécurité de la SNCF s’est tourné vers le marché<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/538309/original/file-20230719-21-4i9jfv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C51%2C1312%2C873&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Jusque dans les années 1990, les agents de la Suge étaient, du fait de la nature de leurs missions, bien plus discrets qu'aujourd'hui.</span> <span class="attribution"><span class="source">cqfd2/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Vous les avez peut-être croisés au moment de partir en vacances : 2 800 agents patrouillent dans les gares et les <a href="https://theconversation.com/topics/train-26726">trains</a>, prêtent assistance lors d’opérations de contrôle des billets, enquêtent sur les vols de métaux, les tags qui ont lieu dans les emprises ferroviaires, ou les pratiques organisées de fraude de titres de transport. La <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF</a> est une des seules entités publiques, avec la RATP, à posséder son <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032285804#:%7E:text=Les%20services%20internes%20de%20s%C3%A9curit%C3%A9,au%20bon%20fonctionnement%20du%20service.">propre service de sécurité</a>. On le nomme « Service de Surveillance générale de la SNCF » ou plus communément la « Suge ».</p>
<p>C’est à son histoire que nous nous sommes intéressés dans nos <a href="https://www.cairn.info/la-sncf-a-l-epreuve-du-xxi-e-si%C3%A8cle--9782365123136-page-127.htm">travaux</a>. La Suge d’aujourd’hui ne ressemble plus aux agents en civil que l’on peut voir dans la bande dessinée <a href="https://www.furet.com/livres/la-brigade-du-rail-tome-1-le-tueur-du-lyon-geneve-frederic-marniquet-9782361181369.html"><em>La brigade du rail</em></a> de Frédéric Marniquet, Olivier Jolivet et Sylvaine Scomazzon. Dès les années 1970, un mouvement de transformations du service s’enclenche pour se concrétiser pleinement au tournant des années 1990, les dernières réformes ferroviaires parachevant un « agencement marchand » du service de sûreté.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=802&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538282/original/file-20230719-17-th489k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1007&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En effet, à l’instar d’autres services de la SNCF, la Suge s’est lentement éloignée d’une régulation de nature « civique » pour adopter une <a href="https://journals.openedition.org/nrt/909">régulation de nature « marchande »</a>. La sûreté va être progressivement conceptualisée et gérée comme un bien échangeable sur un marché, au point même que la Direction de la Sûreté de la SNCF peut aujourd’hui vendre ses services à une société concurrente telle que Trenitalia, Renfe ou Transdev.</p>
<p>Cette évolution, nous avons pu la retracer grâce à l’exploration de fonds d’archives inédits conservés au Centre national des archives historiques de la SNCF situé au Mans. Ils ont été éclairés par des entretiens menés auprès de chefs d’équipes et d’agents.</p>
<h2>À l’origine, la protection des marchandises</h2>
<p>La Suge puise ses origines dans les « polices spéciales » mises en place au lendemain de la Première Guerre mondiale par les premières compagnies privées de chemin de fer, insatisfaites de l’action policière des forces publiques. Elle voit officiellement le jour en 1937 lors de la naissance de la SNCF. Ses agents ont longtemps exercé en civil, avec pour mission principale de lutter contre les vols de marchandises remises à la SNCF, commis en partie par des cheminots. Est alors explicitement exclue de leur mission la prévention des « actes de malveillance ou tentatives criminelles ».</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=866&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538297/original/file-20230719-19-neulfm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1089&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Une du magazine Stop Police du 5 décembre 1945.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Progressivement, leur mission s’élargit aux vols de biens appartenant à la SNCF et aux voyageurs, ainsi qu’aux délits spécifiquement cheminots (vols de caisse et trafic de titres de transport notamment). Pendant près d’un demi-siècle, les tâches des agents de la Suge consistent ainsi essentiellement en des filatures, planques, enquêtes et fouilles de placards des employés de la SNCF. Ils étaient alors naturellement peu appréciés de leurs collègues. La Surveillance générale va jusqu’à tenir un « fichier des indésirables » où sont inscrits les employés renvoyés pour vols répétés et autres fautes, afin d’éviter leur éventuelle réembauche.</p>
<p>Ces missions historiques vont néanmoins se trouver érodées par deux évolutions majeures des années 1970 et 1980 : la baisse tendancielle du transport de marchandises et la montée des préoccupations sécuritaires à l’échelle nationale.</p>
<p>À partir de 1984, en effet, le transport de voyageurs devance le fret en matière de recettes. Les services de la SNCF se tournent alors rationnellement vers leur nouveau client principal. D’autant que, en parallèle, les <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1954">gares se transforment</a> : d’un lieu dont l’entrée et la sortie étaient strictement contrôlées, avec des gères-files et des salles d’attente qui pouvaient être fermées à clef avant accès au train, elles deviennent de <a href="https://www.persee.fr/doc/aru_0180-930x_1996_num_71_1_1950">véritables lieux de vie</a>, avec restaurants, marchands de journaux et autres services de la vie quotidienne.</p>
<p>Si la Suge n’est pas dissoute avec le déclin des convois de marchandises mais réorientée vers les voyageurs, c’est également parce que, dans le même temps, la <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_france_a_peur-9782707165039">délinquance</a> en général et celle dans les transports publics en particulier acquièrent une place de plus en plus importante dans l’agenda des autorités publiques. Au cours des années 1990, la SNCF procède ainsi à une grande reconfiguration du service, préfigurant une conception marchande de la sûreté ferroviaire.</p>
<h2>Donner de la visibilité à la sûreté</h2>
<p>En 1981, déjà, la Surveillance générale n’est plus sous la tutelle de la Direction du Transport mais de la Direction juridique, témoignant d’une attention plus grande aux questions de droit et de légalité. L’année suivante, des « dispositifs d’alerte automatique » font leur apparition dans certaines gares. Ils visent à la fois à obtenir l’intervention de la Police ou de la Gendarmerie et à « dissuader les malfaiteurs par le déclenchement d’une alarme sonore et puissante ».</p>
<p>Les choses s’accélèrent au tournant des années 1990, quand les ministères de l’Intérieur et de la Défense ont cherché à faire émerger les questions de sûreté comme « un objectif stratégique fondamental » des entreprises publiques. Le commissaire divisionnaire Guy Pochon est, dans ce cadre, détaché à la SNCF en 1989. Sa mission est d’étudier et de proposer des pistes à la Suge afin d’améliorer son action de protection des usagers et des agents. Il y importe ses savoir-faire policiers.</p>
<p>Pour l’entreprise, il s’agit désormais de mettre en visibilité son action en matière de sûreté auprès de ses clients voyageurs, de « montrer du bleu ». La sûreté n’est ainsi plus définie comme un enjeu de propriété privée (lutter contre le vol de marchandise), mais de <a href="https://www.cairn.info/revue-flux-2016-1-page-44.htm?ref=doi">maintien de l’ordre</a> (s’assurer du bon écoulement des flux et du bon déroulement des activités commerciales extra-ferroviaires).</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=473&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/538302/original/file-20230719-15-2kectt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=595&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les agents de la Suge se rendent aujourd’hui bien visibles, comme ici en gare de Houilles – Carrières-sur-Seine.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire#/media/Fichier:SUGE_-_S%C3%BBret%C3%A9_ferroviaire_Houilles_-_Carri%C3%A8res-sur-Seine_(2020).jpg">Kevin B/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il apparaît clairement que la sûreté est aujourd’hui pour la SNCF un argument de vente : garantir la sûreté est un préalable, une condition de possibilité du développement de l’activité de transport et des activités commerciales extraferroviaires. Cette fonction de support, les responsables de la Suge l’ont pleinement intégrée, comme nous l’indique un directeur :</p>
<blockquote>
<p>« Au-delà de protéger les agents de la SNCF, c’est aussi un gage pour nous, pour faire venir la clientèle dans les trains. »</p>
</blockquote>
<p>L’utilisation récurrente du terme « client » pour désigner le voyageur est assez révélatrice de l’intégration par les agents Suge, de la portée commerciale de leur mission.</p>
<h2>Des uniformes et des contrats</h2>
<p>Deux éléments en particulier matérialisent ces évolutions. Le plus visible, sans doute, est le passage à l’uniforme dans les années 1990, changement qui a pu être <a href="https://www.theses.fr/2017PESC1052">mal vécu par certains agents</a>. Exit l’investigation policière en civil, les filatures et les enquêtes et l’impression valorisante de passer pour un inspecteur de police et d’inspirer la méfiance ; désormais, c’est la polyvalence qui est mise en avant. Aider un parent avec sa poussette, demander aux personnes d’enlever leurs pieds des sièges, intimer aux voyageurs d’arrêter de fumer, disperser un groupe de jeunes jugé trop bruyant, renseigner et orienter des usagers sur les quais, établir une <a href="https://www.theses.fr/2022UPSLD055">contravention pour outrage sexiste</a>, intervenir en cas de violence, contacter les forces de l’ordre si besoin, voilà ce qu’attend un directeur de zone sûreté :</p>
<blockquote>
<p>« La posture du métier a complètement changé. On est beaucoup plus sur une posture de prévention et de visibilité, de service aux clients. Quand on est en civil et armé, on se fiche bien de donner un horaire à quelqu’un qui vous le demande dans une gare : il ne sait pas que vous êtes de l’entreprise. Quand on a “SNCF” dans le dos, l’attitude n’est pas la même : elle se rapproche des autres métiers de l’entreprise. »</p>
</blockquote>
<p>L’autre grande évolution concerne le fonctionnement interne dans la mesure où la direction de la sûreté se met à entretenir des relations contractuelles avec les autres entités de la SNCF. Chaque année, des contrats sont établis au niveau national puis déclinés dans les entités territoriales du groupe, à partir d’un catalogue de prestations : enquête, contrôle, diagnostic, sécurisation des trains et des gares, lutte antifraude, expertise. La sûreté devient ainsi un service consommable qui s’échange sur un marché interne à l’entreprise ferroviaire en fonction du prix des prestations et des ressources humaines et matérielles dont dispose la Suge.</p>
<p>Des évaluations différentielles des priorités en matière de sûreté peuvent alors avoir lieu entre ces différents acteurs. Au moment de notre enquête à la gare du Nord, par exemple, les responsables de l’activité « Voyages » demandaient systématiquement que des agents soient présents au départ voire à l’intérieur du dernier TGV de la journée. Le personnel de la Suge avait, lui, l’impression que cette mission n’était plus prioritaire, comme l’a souligné un agent interviewé :</p>
<blockquote>
<p>« Tout le monde sait que le dernier train est sécurisé, il ne se passe donc jamais rien : on préférerait être du côté Transilien où les enjeux sont plus importants. »</p>
</blockquote>
<p>Ces relations contractuelles obligent également la direction de la sûreté à soigner sa légitimité : la base de données Cézar répertoriant les faits de sûreté a été mise en place, de même que des procédures de <em>reporting</em>. Ensemble, ils permettent d’avoir une représentation des évènements ayant lieu dans les emprises ferroviaires et un suivi serré de l’activité des agents Suge. Ce fonctionnement est porteur <a href="https://journals.openedition.org/sdt/1157?lang=en">d’une représentation comptable du travail de la Suge</a> : le bon chef d’équipe est celui qui remplit le nombre d’heures prévues.</p>
<h2>Une marchandisation en question</h2>
<p>On est là en plein dans ce que le sociologue Michel Callon nomme <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/sociologie-des-agencements-marchands/">« agencement marchand »</a>. Ce processus se caractérise entre autres par la « passivation d’un bien », c’est-à-dire, un cadrage qui fait de ce bien un objet d’échange, et par l’« activation d’agences qualculatrices », c’est-à-dire, la formalisation de prestations et leur valuation. C’est bien ce qu’il advient à la sûreté ferroviaire, d’autant plus que les réformes de 2015 et de 2018 autorisent la SNCF à vendre ses prestations de sûreté aux entreprises ferroviaires concurrentes, ainsi qu’aux gestionnaires d’infrastructures et aux autorités organisatrices de transport.</p>
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<p>Cet agencement marchand de la sûreté pose alors aux moins deux questions. La première est celle de la légitimité des priorisations, avec un risque de surfocalisation sur les usagers et comportements qui « gênent » l’activité commerciale (notamment <a href="https://journals.openedition.org/sdt/19923">vers les SDF</a> et les <a href="https://www.ucpress.edu/book/9780520304413/adventure-capital">groupes de jeunes racisés</a>) sans représenter un véritable risque du point de vue de la sûreté. La seconde est celle de l’arbitrage entre les différents commanditaires : les contrats d’une autorité organisatrice de transport seront-ils, par exemple, prioritaires sur les demandes des entreprises ferroviaires ? Comment garantir une équité entre les différents territoires ?</p>
<p>Ces questions paraissent d’autant plus importantes alors qu’il est régulièrement question d’élargir les pouvoirs des agents de la Suge (et du service homologue de la RATP). Ils peuvent désormais, par endroit, <a href="https://actu.fr/societe/contre-le-terrorisme-et-les-violences-la-sncf-peut-desormais-vous-fouiller-en-seine-maritime_39103722.html">fouiller les bagages de n’importe quel voyageur ou procéder à une palpation de sécurité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210075/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Castagnino a reçu des financements d'Université Paris-Est, de l'association Rail&Histoire, et de l'Agence Nationale de la Recherche. </span></em></p>Les transformations du service de sécurité de la SNCF reflètent largement l’histoire de l’entreprise ferroviaire, du déclin du fret jusqu’à l’ouverture à la concurrence.Florent Castagnino, Enseignant chercheur en sociologie, IMT Atlantique – Institut Mines-TélécomLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091512023-07-19T19:20:27Z2023-07-19T19:20:27ZDes TER plus performants ? La mise en concurrence ne pourra pas tout<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/535823/original/file-20230705-7761-ajdex1.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C30%2C1211%2C820&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur le réseau TER de la Bretagne, la SNCF semble se montrer plutôt efficace.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:R%C3%A9gio2N_n%C2%B0080C_%C3%A0_Laval_%282%29_par_Cramos.JPG">Cramos/Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Sur les <a href="https://theconversation.com/topics/transport-ferroviaire-51912">services TER</a>, à compter de décembre 2023, à l’exception de l’Île-de-France qui a un calendrier spécifique, les <a href="https://theconversation.com/topics/regions-30878">régions</a> auront l’obligation de <a href="https://www.sncf.com/fr/groupe/notre-strategie/ouverture-concurrence#:%7E:text=%C3%80%20partir%20de%202020%2C%20les,ans%20(bloc%20horizontal%20bleu)">lancer des appels d’offres</a> à la fin de leur contrat d’exploitation signé avec <a href="https://theconversation.com/topics/sncf-37898">SNCF Voyageurs</a>, et ce pour un délai maximum de dix ans. Cette possibilité de s’ouvrir à la <a href="https://theconversation.com/topics/concurrence-22277">concurrence</a> est offerte depuis décembre 2019.</p>
<p>Certains territoires ont déjà renouvelé leur confiance au transporteur historique, comme les Pays de la Loire au début du mois de juin ou les Hauts de France en mars de cette année. Provence-Alpes-Côte d’Azur a fait le choix de la nouveauté : à partir de juillet 2025 et pour dix ans, c’est <a href="https://www.lepoint.fr/societe/la-sncf-perd-officiellement-l-exploitation-d-une-ligne-ter-en-paca-une-premiere-en-france-28-10-2021-2449721_23.php">Transdev</a> qui s’occupera de 10 % des TER sur la ligne Marseille-Toulon-Nice.</p>
<p>Faut-il néanmoins tout attendre de cette ouverture ? Certes, l’idée est d’être plus efficace et de mieux maîtriser des coûts qui suivent une trajectoire inquiétante. Néanmoins, la mauvaise qualité de service sur un réseau TER peut être due à bien d’autres facteurs face auxquels un nouveau transporteur s’avèrerait tout aussi impuissant que SNCF Voyageur. Un réseau de mauvaise qualité ou saturé par exemple.</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">travaux</a> ont ainsi tenté de faire la part des choses. Où et dans quelle mesure le transporteur ne propose-t-il pas un service optimal étant donné l’environnement dans lequel il évolue ?</p>
<h2>L’enjeu, maîtriser les coûts</h2>
<p>Revenons en premier lieu sur l’évolution du paysage de ces dernières années.</p>
<p>Les <a href="https://theconversation.com/topics/subventions-24952">contributions publiques</a> totales allouées à la SNCF, au titre de l’activité TER, ont augmenté de manière soutenue et quasi constante. En 2002, ces transferts publics étaient de l’ordre de 1,986 milliard d’euros ; en 2017, ils s’élevaient à 3,379 Md€. Cela correspond à une augmentation de 70 % en quinze ans, ce qui représente une hausse moyenne annuelle de 3,6 %.</p>
<p>Cette croissance n’aurait rien d’inquiétant si elle s’expliquait par des efforts d’investissement dans le matériel roulant, la modernisation des gares ou le réseau ferroviaire. Or, cela est loin d’être le cas : leur part s’est sensiblement réduite après la crise économique de 2008. D’une moyenne de 26,7 % des contributions sur la période 2002-2009, elle est descendue à 14,8 % sur les années 2010-2017.</p>
<p><iframe id="pzJfu" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/pzJfu/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La hausse des subventions publiques s’explique ainsi surtout par la progression du financement du déséquilibre d’exploitation de ce service assuré par la SNCF. Ce service est largement subventionné, de l’ordre de 80 % de son coût en moyenne.</p>
<p>La dynamique est impressionnante : les sommes allouées à cette fin ont plus que doublé entre 2002 et 2017 (5,2 % d’augmentation annuelle moyenne). Il n’y aurait, une nouvelle fois, pas de quoi s’alerter si cela avait pour corollaire une augmentation du volume des prestations de services commandées par les régions à la SNCF. Ce n’est, ici non plus, pas vraiment le cas. Le nombre de kilomètres commandés n’a augmenté que de 18 % entre fin 2002 et fin 2017. Le volume de service s’est même réduit depuis son maximum en 2011.</p>
<p><iframe id="s7GRt" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/s7GRt/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>La subvention publique pour faire circuler un TER sur un kilomètre est ainsi passée de 9,45 euros en 2002 à 17,16 euros en 2017 en moyenne. Une part significative de cette hausse relève, d’après la Cour des comptes, de la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">progression des coûts de production de l’opérateur ferroviaire</a>. C’est dans ce contexte que questionner sa performance productive semble primordial.</p>
<h2>Qui est responsable de quoi ?</h2>
<p>L’exercice n’est cependant pas aisé : dans cette progression des coûts de production ferroviaire, <a href="https://trimis.ec.europa.eu/sites/default/files/project/documents/20060811_113046_02524_ATLET_Final_Report.pdf">tout n’incombe pas au transporteur</a> qu’est SNCF Voyageurs. La performance productive dépend aussi de la qualité des infrastructures sur lesquelles les trains circulent et dont la responsabilité incombe à SNCF Réseau, une entité bien distincte. Elle dépend aussi des orientations données par les autorités organisatrices des transports (les régions en l’occurrence), des contrats passés avec celles-ci et qui varient <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">fortement d’un territoire à un autre</a>. Elles peuvent elles-mêmes faire le choix d’investir dans les gares, dans les rénovations des voies. Elles influent sur les choix de matériel roulant.</p>
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<p>Outre les interactions entre ces trois acteurs, l’environnement sociétal importe également : la densité démographique ou le <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">taux d’incivilité</a> ont des impacts conséquents sur les performances des TER. Des paramètres économiques interviennent de même, comme les taux de motorisation, l’importance d’une clientèle captive ou occasionnelle du train, la possibilité de réaliser des économies d’échelle… Il faut aussi composer avec les autres services présents sur le réseau (Inouï, Ouigo, fret, Intercités) qui peuvent amener une congestion et dégrader la performance des TER.</p>
<p>En définitive, il est bien difficile de déterminer ce qui, dans la performance du service délivré, incombe au comportement de chaque acteur, et notamment de l’opérateur ferroviaire. Les ratios utilisés par la <a href="https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191023-rapport-TER-ouverture-concurrence.pdf">Cour des Comptes</a> ou l’ART (Autorité de régulation des transports) dans son <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/publication-du-bilan-du-marche-du-transport-ferroviaire-en-2019/">bilan annuel</a> s’avèrent insuffisants. C’est à y remédier que notre <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-03118747">étude</a> s’est attelée.</p>
<h2>La SNCF, à 82 % de ses capacités</h2>
<p>Notre étude met à profit, sur la période 2012-2016, deux bases de données jamais exploitées jusqu’alors. Elles nourrissent une méthodologie d’estimation d’une « frontière de production », développée notamment par Philippe Aghion, professeur au collège de France. Il s’agit de mesurer le volume de production théoriquement atteignable étant donné les technologies et ressources matérielles et humaines à disposition, puis de comparer la performance d’un opérateur avec cet optimum. Dit autrement, on se demande si avec les ressources à disposition, il ne serait pas possible de produire plus de train-kilomètre, ou si l’on pourrait parcourir les mêmes distances en sollicitant moins de ressources.</p>
<p>Le modèle dissocie ainsi les coûts de personnel à bord et en gare par exemple, mais n’inclut pas ceux des péages à verser à SNCF Réseau pour engager un train sur un sillon, car l’opérateur n’en a pas la maîtrise. Tout un ensemble de variables supposées contribuer à la performance productive est inclus.</p>
<p>Trois résultats majeurs en ressortent. En moyenne, les opérateurs ferroviaires régionaux de la SNCF obtiennent un score d’efficience de 82,2 %. Ils auraient pu ainsi, sur la période étudiée, baisser d’environ 18 % leur coût de production si l’on prend comme base les meilleures performances obtenues par la SNCF en région. Cela suggère que, même si la SNCF n’est pas la seule responsable de cette dérive des coûts, elle l’est en partie tout de même. Le score de 100 % représente la frontière de production, c’est-à-dire la production maximale avec le système productif de notre échantillon. Soulignons que cette estimation ne dit rien du gain de coût qui pourrait être obtenu avec un autre opérateur ferroviaire que la SNCF.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535828/original/file-20230705-7761-tqlx1p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Avant la réforme territoriale, la région Haute-Normandie était celle avec la plus importante marge de progression.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Skililipappa/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second résultat concerne la disparité des scores d’efficacité productive selon les régions. L’éventail est très ouvert. Les scores varient de 97,8 % à 59,3 %. Aucune région n’est à 100 %, car toutes sous-optimisent l’utilisation d’au moins un des facteurs de production. Deux régions TER peuvent ainsi recevoir une mention « Excellent » : Rhône-Alpes et la Bretagne. Quatre autres régions « Bien » l’Alsace et la Lorraine par exemple. À l’opposé, cinq régions TER sont peu performantes, dont la Picardie ou le Languedoc-Roussillon. La Haute-Normandie finit au fond du classement. Nombre de régions pourraient ainsi progresser sans changer d’opérateur, si elles bénéficiaient des conditions qui font la performance dans les meilleurs d’entre elles.</p>
<p>Plusieurs régions ont depuis cette étude recontractualisé avec la SNCF. Dans le cas de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux premiers appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF et l’autre par Transdev, « Intermétropoles », ont permis de presque doubler l’offre dans ces lots, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses.</p>
<p>Le troisième résultat est davantage méthodologique. Les méthodes d’évaluation habituelles donnent des résultats peu convergents avec les nôtres. Cela renforce l’idée que les méthodes économétriques ont aussi un rôle à jouer en complémentarité des méthodologies usuelles.</p>
<h2>Quels leviers ?</h2>
<p>L’analyse nous conduit à formuler plusieurs indications à destination des décideurs publics comme des opérateurs.</p>
<p>La première est que la SNCF a beaucoup à faire pour optimiser ses coûts de production. D’après la Cour des comptes, il semblerait que la <a href="https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-gestion-des-ressources-humaines-de-la-sncf">gestion du facteur travail</a> puisse être davantage optimisée, par réduction de l’absentéisme notamment, ou en modifiant certaines dispositions de l’organisation du travail, pour davantage de polyvalence.</p>
<p>Il s’agit aussi de travailler sur l’environnement dans lequel le service est exécuté. Une étude montre par exemple que le degré de <a href="https://www.persee.fr/doc/rei_0154-3229_2005_num_111_1_3082">respect de l’ordre social</a>, approximé par le taux de délinquance régionale, s’avère fortement corrélée avec une faible efficience ferroviaire.</p>
<p>L’efficience productive résulte aussi de certains paramètres physiques du système de production ferroviaire. La qualité du réseau (vitesse maximale, voie unique ou double, électrification…), mais aussi le nombre de gares, semble avoir un impact positif considérable sur l’efficience productive, de même que la longueur du réseau qui permet d’obtenir des économies d’échelle. Ces paramètres s’imposent à tous les opérateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1673954925363986432"}"></div></p>
<p>On observe également que la contractualisation et les modes de gouvernance reliant l’opérateur à la collectivité régionale ont un impact important. Plus l’efficience est basse, plus le contrat est long et volumineux. Cela suggère que là où la performance productive est la plus faible, les régions seraient enclines à resserrer les contraintes imposées à l’opérateur, en spécifiant chaque détail de la contractualisation. Ce résultat se trouve illustré par la forte corrélation entre le coût par train-kilomètre et la longueur du contrat.</p>
<p>Par ailleurs, les <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00283129">modes de gouvernance</a> faisant appel à des logiques « incitatives », plus qu’à des logiques « hiérarchiques » (injonctives) ou « de confiance » (coopératives), semblent les plus à même à s’accompagner de hauts niveaux d’efficience. Ces points qui, en l’état, constituent des hypothèses de travail fortes, mériteraient d’être approfondis.</p>
<h2>Et aujourd’hui ?</h2>
<p>La contractualisation s’avère au final un des leviers d’amélioration de la performance des TER qui, en cette période d’ouverture à la concurrence, mérite la plus grande attention des régions, mais aussi du régulateur, qui aurait avantage à mettre à disposition des parties prenantes davantage de données.</p>
<p>Au niveau de l’ensemble des régions, la situation s’est améliorée. L’offre de service réaugmente et la subvention par train-kilomètre de 2021 s’est stabilisée au niveau de 2019. En outre, les régions boostent l’investissement en nouveaux matériels et dans les voies.</p>
<p>L’avenir semble ainsi prometteur. Plusieurs régions ont, depuis cette étude, recontractualisé avec la SNCF et il semblerait que l’enjeu de maîtrise des coûts ait été intégré, pour le moins dans certains cas. Fin 2021, en région Provence-Alpes-Côte d’Azur, les deux appels d’offres, dont l’un a été remporté par la SNCF, « Azur », l’autre par Transdev, « Intermétropoles », promettent de presque doubler l’offre dans ces lots, à l’horizon 2025, pour une contribution publique équivalente ou en baisse. Ce résultat, a priori peu attendu, tient au cercle vertueux sur les recettes de trafic d’une augmentation d’offre de service, et ce plus encore dans les zones particulièrement denses. A médite</p>
<hr>
<p><em>Une clause de confidentialité nous amène à ne pas pouvoir citer nommément les performances exactes pour chaque région.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209151/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Cette étude a notamment bénéficié d'une mise à disposition de données de la part de Régions de France.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Guillaume Monchambert est membre du comité scientifique de l’Observatoire des villes du transport gratuit. Il a effectué des activités de conseil pour SNCF Réseau et SNCF Voyageurs.</span></em></p>État des infrastructures, exigences des régions… La qualité de service d’un réseau TER ne dépend pas seulement du transporteur qui fait rouler les trains. Une étude tente de faire la part des choses.Christian Desmaris, Maître de Conférences en Économie, Sciences Po Lyon, Université Lumière Lyon 2 Guillaume Monchambert, Maître de conférences en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2091502023-07-11T19:20:56Z2023-07-11T19:20:56ZDix ans après le drame de Brétigny-sur-Orge, la maintenance ferroviaire reste en crise<p>Il y a 10 ans, le 12 juillet 2013, le train reliant Paris à Limoges déraillait en gare de Brétigny-sur-Orge, dans l’Essonne. L’accident a causé 7 morts et 70 blessés. En octobre 2022, le tribunal d’Évry a condamné la SNCF à 300 000 euros dans cette affaire. Après plusieurs semaines de débats techniques, la présidente du tribunal a notamment souligné une <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/10/26/catastrophe-de-bretigny-la-sncf-reconnue-coupable-d-homicides-et-blessures-involontaires_6147388_3224.html">« négligence »</a> dans le suivi d’une avarie détectée cinq ans plus tôt.</p>
<p>Trois articles (consultables <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-03.pdf">ici</a>, <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-04.pdf">ici</a> ou <a href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-05.pdf">là</a>) publiés simultanément dans la série <em>Gérer et comprendre des annales des Mines</em> par Léna Masson, Anne Dietrich, Pierre Messulam, Michel Villette et Christophe Deshayes, proposent un diagnostic plus complet et plus global des problèmes de maintenance rencontrés actuellement en France par de grandes organisations industrielles publiques et, en particulier, celles qui sont en charge du transport ferroviaire et de la fourniture d’électricité.</p>
<p>La maintenance est une activité plus complexe qu’il n’y parait. Elle vise à maintenir dans le temps ou à remettre en état des matériels variés afin « qu’ils continuent à fonctionner comme avant ». Elle comporte des opérations préventives (entretien, réglage, remplacement des pièces usées) et des opérations curatives d’analyse et de résolution des pannes.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un technicien devant le train qui a déraillé à Brétigny-sur-Orge (Essonne), en juillet 2013" src="https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535795/original/file-20230705-23-5wff87.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le 12 juillet 2013, le déraillement d’un train en gare de Brétigny-sur-Orge (Essonne) faisait 7 morts et 70 blessés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Gare-de-Br%C3%A9tigny-sur-Orge_-_2013-07-13_A_-_IMG_9920.jpg">Poudou99/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les organisations à risque comme le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/energie-nucleaire-115966">nucléaire</a>, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/aeronautique-30518">aéronautique</a> ou le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/transport-ferroviaire-51912">transport ferroviaire</a>, le maintien de la fiabilité des installations reste crucial. La littérature internationale en sociologie du travail, en gestion et en ergonomie souligne le <a href="https://www.cairn.info/revue-le-travail-humain-2003-2-page-161.htm">rôle bénéfique du collectif de travail</a>, ainsi que le <a href="https://www.cairn.info/revue-travailler-2003-2-page-129.htm">rôle primordial de l’expérience pratique</a> des agents de maintenance, en particulier pour le repérage et le signalement des anomalies.</p>
<p>La transmission de connaissances tacites aux nouveaux embauchés et l’entraide entre les plus expérimentés et les débutants constituent un facteur clef d’une bonne maintenance, de même qu’un équilibre entre les contrôles et prescriptions imposées par la hiérarchie et la part d’initiative laissée aux gens de métier qui sont au contact direct des installations.</p>
<h2>Les sept facteurs de la crise</h2>
<p>Les trois articles publiés dans les <em>Annales des Mines</em> convergent vers un diagnostic inquiétant : en 2023, en France, la maintenance des installations industrielles à risque traverse une crise que l’on espère temporaire, ce qui suppose un important effort d’autocritique des organisations concernées, un changement de conception de la maintenance, et des investissements dans le matériel, l’organisation du travail et la formation du personnel.</p>
<p>Cette crise s’est développée depuis plus de 20 ans sous l’effet combiné de sept facteurs :</p>
<ul>
<li>La lutte contre les déficits publics ainsi que des processus plus ou moins avortés de privatisation ont entrainé des coupes budgétaires en vue d’attirer de nouveaux actionnaires.</li>
</ul>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=245&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535796/original/file-20230705-16248-7xl4ca.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=308&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Âge des caténaires 1500V (réseaux Sud-Est et Sud-Ouest de la SNCF). LGV : ligne à grande vitesse ; UIC 2 à 4 : grandes lignes nationales ; 5 et 6 : lignes intercités régionales ; 7 à 9 : petites lignes.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.annales.org/gc/2023/gc152/2023-06-04.pdf">Auteur</a>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li><p>Les entreprises en voie de privatisation ont cessé d’investir et les équipements sont devenus peu à peu vétustes. Les installations sont maintenant utilisées bien au-delà de la date initialement prévue pour leur remplacement. C’est le cas des centrales nucléaires, mais aussi des installations du chemin de fer. Par exemple, une majorité des caténaires 1500V sur les réseaux Sud-Ouest et Sud-Est ont plus de 80 ans !</p></li>
<li><p>Des tentatives répétées pour réduire les coûts de maintenance ont entrainé une réduction des effectifs et le recours massif à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sous-traitance-70429">sous-traitance</a>. On a souvent réduit la fréquence des inspections, alors même que la vétusté des installations demanderait au contraire une surveillance renforcée.</p></li>
<li><p>Les anciennes générations de techniciens et de contremaitres familiers des installations et capables de détecter les moindres anomalies sont parties à la retraite prématurément, sans pouvoir transmettre leur savoir aux jeunes générations.</p></li>
<li><p>Les nouveaux embauchés sont plus habiles devant un écran d’ordinateur que dans la confrontation directe avec les installations industrielles. Leur formation scolaire ne les a pas toujours bien préparés à comprendre le comportement des systèmes techniques, à observer et à se poser les questions pertinentes.</p></li>
<li><p>On accorde une confiance immodérée aux dispositifs de contrôle digitalisés et à distance, qui malheureusement n’enregistrent et ne mesurent que les pannes et les usures que l’on sait modéliser. Les détériorations insidieuses de systèmes techniques vieillissants passent inaperçues, car seuls des professionnels expérimentés et présents sur le terrain, au contact direct des installations, auraient pu les déceler.</p></li>
<li><p>Ce sont les services achats qui établissent les cahiers de charges que devront respecter les sous-traitants chargés de la maintenance. Or, ces services n’ont souvent plus une connaissance technique suffisante des installations à maintenir. Le cahier des charges qu’ils rédigent peu donc être incomplet, ou inadapté. Pourtant, le sous-traitant doit le respecter à la lettre sous peine de pénalités financières et autres sanctions. Dans la peur de perdre son client, le sous-traitant fait ce qu’on lui a demandé et rien que ce qu’on lui a demandé, même si ce n’est pas la maintenance qu’il faudrait ! Faute d’interlocuteurs techniquement compétents et disponibles du côté du donneur d’ordre, il ne parvient plus à établir le nécessaire dialogue et la nécessaire coopération autour d’objets techniques fragiles, qu’il s’agit de bien connaitre, d’entretenir, de préserver et même « d’aimer » comme le disaient les cheminots d’autrefois, parlant de leurs locomotives.</p></li>
</ul>
<p>La combinaison de ces sept facteurs se traduit par une multiplication des incidents, des pannes, et des arrêts de production. En France, le nombre d’accidents recensés par Eurostat est ainsi reparti à la hausse en 2021 dans le secteur ferroviaire, tranchant avec la décrue observée chez certains de nos voisins.</p>
<p><iframe id="nipP7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/nipP7/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>« Toujours moins d’interventions humaines »</h2>
<p>Comme le souligne Pierre Messulam, ancien directeur délégué pour la gestion des risques et la sécurité à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a>, il est a craindre que les directions des entreprises concernées placent une confiance excessive dans le recours aux experts en système d’information et dans la digitalisation, comme solution à tous les problèmes de la maintenance.</p>
<p>Interrogé dans le cadre de nos recherches, il affirme :</p>
<blockquote>
<p>« Les solutions actuellement préconisées sont largement l’expression du point de vue des financiers et des experts en systèmes d’information. Toujours plus de capteurs pour mesurer l’état des installations, toujours plus de données quantifiées, toujours moins d’interventions humaines. Le traitement statistique des big data est supposé fournir une solution à la fois plus précise, plus efficace, et moins coûteuse que la maintenance classique à base de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/savoir-faire-79473">savoir-faire</a> humain. Non seulement on met des capteurs partout, mais l’on croit n’avoir plus besoin de faire autant d’observations directes ni de s’interroger sur ce qu’il convient de mesurer. Le big data et <a href="https://theconversation.com/fr/topics/intelligence-artificielle-ia-22176">l’intelligence artificielle</a> seraient la solution. Les corrélations calculées sont censées fournir automatiquement la liste des mesures à prendre, en enjambant l’étape de l’observation et de la modélisation. »</p>
</blockquote>
<p>Or, les outils de métrologie et de modélisation saisissent imparfaitement le réel. Les écrans d’ordinateur ne montrent que des corrélations entre des données. Et un cahier des charges, même très précis, ne peut pas dire tout ce qu’il faut faire pour que ça marche. Seule l’intelligence collective d’équipes de professionnels stables et bien formés est, et restera le secret d’une maintenance réussie.</p>
<p>Au bilan, la conjonction de transitions économiques, démographiques et techniques mal anticipées et mal gérées, aussi bien par le système éducatif que par les services publics de transport et d’énergie, ont conduit à une perte de savoir-faire. En même temps, un nouveau type d’éducation des jeunes générations apparaît, qui ne les prédisposerait guère à comprendre des réalités industrielles qui supposent un engagement sur le terrain et un contact direct avec la matière.</p>
<p>Les vieux agents de maitrise et techniciens partis à la retraite, il existerait une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-gestion-des-ressources-humaines-2016-4-page-74.htm">rupture entre générations aux lourdes conséquences</a> sur l’efficacité du travail comme a pu le constaté la chercheuse Nathalie Jeannerod-Dumouchel en 2016 dans sa thèse sur les changements de générations à ERDF, structure en charge du réseau électrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209150/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Villette ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le recours de plus en plus important à la sous-traitance, l’automatisation, les coupes budgétaires ou encore le vieillissement du matériel multiplie aujourd’hui le risque d’accident ferroviaire.Michel Villette, Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS , professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2075012023-06-14T16:40:48Z2023-06-14T16:40:48ZLyon-Turin : retour sur l’opposition française au projet de nouvelle ligne ferroviaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/531747/original/file-20230613-25-juejmq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=23%2C11%2C3843%2C2573&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le 9 juin 2012, une centaine de personnes défilaient, à l'initiative du collectif No TAV Savoie, dans les rues du centre-ville de Chambéry contre le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. En ce début juin 2023, plus d’un millier de militants écologistes sont attendus en Maurienne.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Leila Shahshahani / Labex ITTEM</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>En Savoie, des militants écologistes des Soulèvements de la Terre se sont introduits le 29 mai 2023 sur l’un des chantiers de <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/lyon-turin-des-militants-ecologistes-s-infiltrent-sur-un-chantier-securise-une-operation-coup-de-poing-contre-la-ligne-ferroviaire-2784558.html">la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin</a>. Une banderole « La montagne se soulève » a été déployée pour appeler au week-end de mobilisation franco-italienne contre ce projet, organisé les 17 et 18 juin 2023 en Maurienne.</p>
<p>Imaginé dans les années 1980, le projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin a connu depuis de nombreux atermoiements, notamment en ce qui concerne le tracé entre l’agglomération lyonnaise et Saint-Jean-de-Maurienne. Dix ans après la déclaration d’utilité publique (DUP) de 2013, les décisions concernant les 140 km de nouvelles voies d’accès français au tunnel transfrontalier de 57,5 km n’ont toujours pas été prises : <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/savoie/tunnel-lyon-turin-les-travaux-avancent-mais-les-voies-d-acces-se-font-toujours-attendre-cote-francais-2695886.html">ni programmation, ni financement, ni acquisition foncière</a>. </p>
<p>Les premiers travaux préparatoires du tunnel ont pourtant débuté dès 2002 et sa mise en service est prévue pour 2032. Ce dernier est pris en charge par un consortium d’entreprises franco-italiennes nommé Tunnel Euralpin Lyon Turin (TELT), un promoteur public appartenant à 50 % à l’État français et à 50 % aux chemins de fer italiens. D’une longueur totale de 271 km, le coût de cette nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin est désormais estimé à <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/secrets-d-info/lyon-turin-le-tunnel-qui-valait-26-milliards-6908313">26 milliards d’euros au lieu des 8,6 initialement prévus</a>.</p>
<h2>Projet clivant et avenir incertain</h2>
<p>Pour ses promoteurs, elle est présentée comme une infrastructure de transport utile à la transition écologique. Selon eux, elle permettrait à terme de désengorger les vallées alpines du trafic des poids lourds en favorisant le report modal de la route vers le rail. À l’inverse, ce projet est exposé par ses opposants comme pharaonique, inutile et destructeur de l’environnement. Ils argumentent que la ligne ferroviaire existante entre Lyon et Turin et actuellement sous-utilisée permettrait, une fois rénovée, de réduire le transport de fret par camion. </p>
<p>Ils défendent la nécessité de privilégier l’existant et ne pas attendre des années pour le report modal des marchandises vers le rail. Les défenseurs du nouveau projet jugent quant à eux la ligne existante comme obsolète et inadaptée. En toile de fond de ce débat, les prévisions de trafic autour des flux de marchandises transitant par la Savoie : <a href="https://www.montagnes-magazine.com/actus-nouvelle-liaison-lyon-turin-faut-il-effacer-les-alpes">sous-estimés pour les uns, sur-estimés pour les autres</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531429/original/file-20230612-91984-40bq5z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">À Saint-Julien-Montdenis, sur l’un des chantiers du tunnel transfrontalier, un responsable de la communication de TELT – Davide Fuschi – explique à des étudiants de l’Université Grenoble Alpes les enjeux du projet pour la Maurienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le 24 février dernier, le rapport du Comité d’orientation des infrastructures (COI) a rebattu les cartes. Il propose en effet de repousser la construction de nouvelles voies d’accès au tunnel transfrontalier à 2045 et <a href="https://www.lyoncapitale.fr/actualite/lyon-turin-elisabeth-borne-rebat-les-cartes-sur-les-voies-dacces-au-tunnel">donner la première place à la modernisation de la ligne existante</a>. </p>
<p>Le scénario choisi par la Première ministre prévoit alors le calendrier suivant : études pour de nouveaux accès au tunnel au quinquennat 2028-2032, début de réalisation à partir de 2038, et une livraison au plus tôt vers 2045… soit, en cas de respect du calendrier annoncé par TELT, 13 ans après la mise en service du tunnel. Se profile donc la perspective d’un nouveau tunnel sans nouvelles voies d’accès : un scénario qui ne satisfait ni les défenseurs ni les opposants au projet.</p>
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<p>Le 12 juin, <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/tunnel-lyon-turin-la-france-ajoute-3-milliards-deuros-sur-la-table-1951411">nouveau rebondissement</a>. Le ministre des Transports annonce 3 milliards d’euros de crédits pour les voies d’accès du tunnel transfrontalier dès les projets de loi de finances 2023 et 2024. Le gouvernement valide également le financement de l’avant-projet détaillé qui doit fixer le tracé, soit environ 150 millions d’euros. </p>
<h2>L’affirmation d’une opposition française</h2>
<p>C’est dans ce contexte que va se dérouler la mobilisation des Soulèvements de la Terre, les 17 et 18 juin 2023. Elle a pour objectif de donner un écho national aux revendications portées par les opposants : l’arrêt immédiat du chantier du tunnel transfrontalier et l’abandon du projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. </p>
<p>Outre les collectifs d’habitants, cette opposition coalise désormais des syndicats agricoles (Confédération paysanne) et ferroviaires (Sud Rail), des associations locales (Vivre et agir en Maurienne, Grésivaudan nord environnement) et écologistes (Attac, Extinction Rébellion, Les Amis de la Terre, Alternatiba, Cipra), des organisations politiques (La France Insoumise – LFI, Europe Ecologie Les Verts – EELV, Nouveau parti anticaptialiste – NPA) et le collectif No TAV Savoie. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531460/original/file-20230612-23-cowokj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Barberaz, dans l’agglomération de Chambéry, plus de 200 personnes ont participé le 24 septembre 2022 à une réunion publique organisée par les opposants au projet.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Cela n’a pas toujours été le cas : le projet est longtemps apparu consensuel en France, malgré une forte opposition en Italie depuis le début des années 1990 via le <a href="https://journals.openedition.org/vertigo/16469">mouvement No TAV</a>. </p>
<p>2012 marque une étape importante dans l’opposition française <a href="https://journals.openedition.org/rga/3213">alors disparate et peu médiatisée</a>. Une enquête publique organisée cette année-là dans le cadre de la procédure de DUP permet une résurgence des oppositions, leurs affirmations et leur coalition au sein d’un nouvel agencement organisationnel. Ce dernier gagne rapidement en efficacité, occupe le champ médiatique et se connecte avec d’autres contestations en France en rejoignant le réseau des <a href="https://theconversation.com/les-grands-projets-inutiles-et-imposes-nouveaux-champs-de-laction-politique-96142">Grands projets inutiles et imposés</a> (GP2I), <a href="https://theconversation.com/les-zad-et-leurs-mondes-89992">dans le sillage de Notre-Dame-des-Lande</a>s. </p>
<h2>Basculement des ex-promoteurs du projet</h2>
<p>Cette publicisation nouvelle participe à une reproblématisation et politisation autour de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin. Des défenseurs du projet basculent alors dans le camp des opposants, provoquant un élargissement de la mobilisation. </p>
<p>EELV, pendant 20 ans favorable au projet, est un exemple saillant de cette évolution. Alors qu’il le <a href="https://www.lemoniteur.fr/article/les-verts-francais-sont-attaches-au-projet-lyon-turin.721204">jugeait incontournable et sans alternative</a>, quand bien même la contestation gagnait en intensité en Italie, la « Convention des écologistes sur les traversées alpines » en 2012 signe son changement de positionnement. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531422/original/file-20230612-216719-sfv6qg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Villarodin-Bourget, où le chantier du chantier du Lyon-Turin a commencé depuis 2002, le maire – Gilles Margueron – dénonce les nuisances d’un projet sans fin. C’est aujourd’hui la seule commune en Maurienne à afficher explicitement son opposition.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Ce nouveau positionnement peut se résumer ainsi : la réduction du transport routier ne dépend pas de la création de nouvelles infrastructures ferroviaires mais de la transition vers un modèle de développement moins générateur de flux de marchandises, la rénovation et l’amélioration des infrastructures ferroviaires existantes étant prioritaires pour gérer les flux restants. </p>
<p>Une position aujourd’hui défendue par les <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/lyon-turin-nouveaux-maires-verts-grenoble-lyon-donnent-ailes-aux-opposants-italiens-ligne-tgv-1849322.html">maires de Grenoble et de Lyon</a>, mais aussi par des <a href="https://reporterre.net/Des-dizaines-d-elus-exigent-l-arret-du-projet-Lyon-Turin">députés européens et nationaux EEV et LFI</a>. Pour autant, la mobilisation française reste jusqu’à aujourd’hui éloignée des répertoires d’action <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/lsd-la-serie-documentaire/no-tav-la-zad-a-l-italienne-8209930">employés dans la vallée de Suse</a>.</p>
<h2>Effacement de la montagne</h2>
<p>Ce projet de nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin révèle aussi et avant tout <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">une lecture ancienne du territoire européen à travers les enjeux de mobilité</a>. Au même titre que les percements des tunnels ferroviaires, routiers puis autoroutiers depuis la fin du XIX<sup>e</sup> siècle à travers les Alpes, il contribue à une forme d’aplanissement de la montagne pour en rendre les passages plus aisés et ainsi permettre des flux massifs et rapides. </p>
<p>Cette norme de circulation des humains et des marchandises est révélatrice d’une vision du monde particulière. L’historienne <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">Anne-Marie Granet-Abisset</a> la résume ainsi : </p>
<blockquote>
<p>« Elle correspond aux modèles édictés par les aménageurs (politiques et techniques) qui travaillent dans les capitales européennes, désirant imposer leur vision aux territoires qu’ils gèrent, en dépit des sommes considérables mobilisées pour ce faire. Toute opposition ne peut être entendue, présentée alors comme de la désinformation ou de la mauvaise foi .»</p>
</blockquote>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531459/original/file-20230612-222292-nbbw3e.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Quarante-huit heures avant la mobilisation des Soulèvements de la Terre, une manifestation des promoteurs du projet aura eu lieu devant la gare de Saint-Jean-de-Maurienne pour indiquer aux militants écologistes qu’ils ne sont pas les bienvenus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Mikaël Chambru/Labex ITTEM</span></span>
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<p>Ces enjeux informationnels et communicationnels demeurent omniprésents dans le débat public entre promoteurs et opposants au projet. Ils donnent lieu à de nombreuses passes d’armes, chacun s’accusant mutuellement de désinformation ; sans oublier les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=BV0Zt-Ip-0k">journalistes et leur travail d’enquête</a>.</p>
<h2>Ressource en eau</h2>
<p>Depuis l’été 2022, c’est la question de la ressource en eau et des impacts du chantier du tunnel transfrontalier sur celle-ci <a href="https://reporterre.net/Les-tunnels-du-Lyon-Turin-une-catastrophe-pour-les-sources-d-eau">qui cristallise les tensions</a>. Elle sera d’ailleurs au cœur de la mobilisation des 17 et 18 juin 2023 en Maurienne, permettant ainsi une articulation avec les autres mobilisations impulsées ces derniers mois par les Soulèvements de la Terre. Une controverse sur le tarissement des sources qui existe depuis vingt ans en Maurienne.</p>
<p>Plus largement, le débat sur l’utilité et la pertinence de la nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin révèle le paradoxe auquel sont soumises les hautes vallées alpines. Dans un contexte d’injonction à la transition écologique, ce paradoxe fait figure d’une contrainte double et opposée <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=hda-001%3A2016%3A21%3A%3A293">comme le résume l’historienne Anne-Marie Granet-Abisset</a> : </p>
<blockquote>
<p>« Des territoires qui doivent être traversés aisément et rapidement en fonction des critères de l’économie des transports, un lobby puissant à l’échelle européenne ; des territoires qui puissent apparaître comme préservés, inscrits dans une autre conception du temps, celle de la lenteur des cols et des refuges, en même temps qu’ils doivent être facilement accessibles à partir des métropoles .»</p>
</blockquote><img src="https://counter.theconversation.com/content/207501/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mikaël Chambru est co-coordinateur scientifique du Laboratoire d’excellence Innovations et transitions territoriales en montagne (ITTEM).
</span></em></p>Une vaste mobilisation franco-italienne est prévue en Maurienne ce weekend du 17 et 18 juin 2023 contre le projet de liaison ferroviaire Lyon-Turin.Mikaël Chambru, Maître de conférences en sciences sociales, Université Grenoble Alpes (UGA)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1970002022-12-22T19:18:40Z2022-12-22T19:18:40ZGrève à la SNCF pendant les fêtes : une erreur stratégique ?<p>La SNCF se voit contrainte d’annuler plus d’un tiers de ses trains les <a href="https://www.lefigaro.fr/social/greve-a-la-sncf-seulement-deux-trains-sur-trois-rouleront-le-week-end-de-noel-20221220">23, 24 et 25 décembre</a> à la suite d’un nouveau débrayage d’une partie des contrôleurs, qui réclament <a href="https://www.tf1info.fr/societe/trafic-tgv-previsions-sncf-pourquoi-les-controleurs-sont-ils-en-greve-pendant-le-week-end-de-noel-2242579.html">« une meilleure reconnaissance des spécificités de leur métier »</a>. Soit des augmentations de salaire et des mesures liées à la gestion de leur carrière. Environ 200 000 personnes ont vu leur train annulé et certaines <a href="https://www.lefigaro.fr/social/on-est-degoutes-les-francais-desempares-face-a-une-enieme-greve-a-la-sncf-pour-noel-20221220">n’ont pas de solution de repli</a>, les trains restant étant complets, tout comme les cars et les loueurs de voitures.</p>
<p>En dialogue social, peut-être plus que dans toute autre forme de négociation, plane sur les échanges le spectre d’un conflit ouvert. Les syndicats à l’attitude compétitive (parfois taxés de « révolutionnaires » telle la CGT, en contraste avec les syndicats dits « réformistes » comme la CFDT) n’hésitent pas à utiliser leur capacité d’organiser l’arrêt du travail pour tenter d’obtenir ce qu’ils exigent de leur hiérarchie.</p>
<p>Les experts <a href="https://ulysse.univ-lorraine.fr/discovery/fulldisplay/alma991004309279705596/33UDL_INST:UDL">Hubert Landier et Daniel Labbé</a> démontrent bien que, dans certains secteurs vitaux de l’économie (tels que les transports, l’éducation, l’énergie et l’agriculture), les syndicats bénéficient de la plus grande capacité de « nuire », car, en perturbant l’organisation qui les emploie, ils impactent le pays tout entier.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/76GhOaOOXf8?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Grève SNCF des 23, 24 et 25 décembre 2022, TFI.</span></figcaption>
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<p>C’est ce dont nous sommes témoins, en France, ces derniers mois : après les raffineries (l’approvisionnement en essence), les hôpitaux (l’accès aux soins), c’est une nouvelle fois, en cette fin d’année, que fleurissent dans les transports les préavis de grève. Selon l’IFRAP, il s’agit d’une tradition récurrente, puisqu’il y a eu des grèves en décembre à la SNCF <a href="https://www.ifrap.org/agriculture-et-energie/en-20-ans-deja-la-14e-greve-de-decembre-la-sncf">sur 14 des 20 dernières années</a> (quoiqu’il est rare qu’elles se prolongent jusqu’aux fêtes). Même si nous nous intéressons ici aux <a href="https://theconversation.com/les-syndicats-peuvent-ils-encore-peser-dans-les-mouvements-sociaux-190802">stratégies syndicales</a>, il faut rappeler que le conflit social relève de la responsabilité de toutes les <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">parties à la négociation</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-syndicats-sauront-ils-peser-dans-le-second-quinquennat-demmanuel-macron-175667">Les syndicats sauront-ils peser dans le second quinquennat d’Emmanuel Macron ?</a>
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<h2>À la table des négociations</h2>
<p>En négociation, on n’est pas obligé de menacer l’autre partie de conséquences néfastes pour obtenir ce que l’on souhaite. Négocier, ce n’est pas exercer un chantage. Si le chantage fait partie de l’arsenal du négociateur, il n’est pas obligé d’y recourir. Une majorité des organisations publiques et privées ont un dialogue social serein, dans lequel les échanges se font de manière apaisée.</p>
<p>Si nous résumons la <a href="https://www.amazon.fr/N%C3%A9gociation-Jacques-Rojot/dp/2711743977/ref=sr_1_1?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1KXOL7NM2NCZT&keywords=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuibert&qid=1671705658&s=books&sprefix=rojot+la+n%C3%A9gociation+vuiber%2Cstripbooks%2C212&sr=1-1">pensée du professeur en sciences de gestion Jacques Rojot</a>, l’influence qu’occupe une partie en négociation dépend de sa capacité de construire comme de sa capacité de nuire. On entend par capacité de construire la capacité de proposer des solutions et/ou d’apporter des ressources permettant de répondre aux intérêts de l’autre partie. Par capacité de nuire, il faut comprendre le pouvoir de porter atteinte aux intérêts de l’autre partie en cas d’absence d’accord et ainsi lui mettre la pression pour qu’il se montre conciliant à la table.</p>
<p>La simple évocation de notre capacité de nuire servira de <a href="https://www.amazon.fr/G%C3%A9rer-ing%C3%A9rables-n%C3%A9gociation-relations-durables/dp/2710132559/ref=sr_1_3?__mk_fr_FR=%C3%85M%C3%85%C5%BD%C3%95%C3%91&crid=1SEEXCUWQZ0GS&keywords=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables&qid=1671706104&s=books&sprefix=g%C3%A9rer+les+ing%C3%A9rables%2Cstripbooks%2C177&sr=1-3">menace</a> visant à se rapprocher d’un accord qui nous serait particulièrement profitable.</p>
<p>Le problème avec la menace en négociation, c’est qu’elle ne peut servir de bluff : il faut être prêt à l’activer. Si on menace de faire grève au plus mauvais moment de l’année, alors si nos revendications ne sont pas entendues, il faudra la déclencher.</p>
<h2>Les syndicats en campagne permanente</h2>
<p>Pour un syndicat, la <a href="https://www.amazon.fr/Pr%C3%A9venir-g%C3%A9rer-conflits-sociaux-lentreprise/dp/2878805135">capacité de nuire</a> dépend de sa capacité à mobiliser, qui elle-même dépend des revendications avancées, du nombre d’adhérents et de sympathisants et du contexte.</p>
<p>Rappelons qu’en France il n’est pas nécessaire d’être syndiqué pour suivre les consignes syndicales. On note d’ailleurs que la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/donnees/la-syndicalisation">baisse continue du taux de syndicalisation</a> ne s’est pas accompagnée d’un appauvrissement de la <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/publication/les-greves-en-2020">capacité de nuire des syndicats</a>, beaucoup d’agents et salariés suivant les consignes syndicales sans adhérer formellement aux syndicats eux-mêmes.</p>
<p>Le chercheur Christian Thuderoz <a href="https://pmb.cereq.fr/index.php?lvl=notice_display&id=66821">compte trois acteurs</a> dans tout dialogue social : les syndicats, la direction et les salariés. Les syndicats sont en campagne permanente pour gagner en influence et en adhérents parmi les salariés.</p>
<p>Ils doivent donc, et de manière constante, montrer qu’ils ont un impact sur les conditions de travail. Si les contrôleurs SNCF se disent insatisfaits de leur rémunération – via un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/menaces-de-greve-a-noel-qui-est-ce-collectif-de-controleurs-sncf-qui-inquiete-la-direction_AV-202212070056.html">collectif Facebook</a> -, alors ils doivent porter leurs revendications auprès de la direction. En face, la direction doit tout mettre en œuvre pour avoir un dialogue social de qualité, ce qui s’avère aujourd’hui particulièrement complexe, les <a href="https://theconversation.com/il-y-a-cinq-ans-les-ordonnances-macron-instauraient-un-droit-du-travail-moins-favorable-aux-salaries-181287">ordonnances de 2017 ayant conduit à considérablement limiter les moyens syndicaux</a>.</p>
<h2>Un quatrième acteur : l’opinion publique</h2>
<p>Dans certains secteurs, le nombre de personnes potentiellement impactées par une grève est si important qu’il se confond avec l’opinion publique. C’est le cas des secteurs-clés de l’économie, à savoir le transport routier et l’agriculture (du fait de leur capacité à bloquer les routes), les écoles (du fait qu’une école fermée, ce sont souvent des parents qui ne peuvent travailler), le transport ferroviaire et le raffinage des carburants.</p>
<p>Dès lors, l’opinion publique devient une « partie prenante non-invitée », c’est-à-dire une partie qui impacte la négociation sans y prendre part. Cet impact se fait par deux mécanismes : le degré d’acceptabilité du mouvement (dans quelle mesure les citoyens soutiennent les grévistes) et l’impact du mouvement sur les personnes (dans quelle mesure le mouvement porte-t-il atteinte aux citoyens dans leur vie quotidienne).</p>
<p>Tels les deux plateaux de la balance, l’opinion publique est ballottée entre soutien et opposition, draguée par les propos publics tenus par le patronat, voire les <a href="https://www.bfmtv.com/cote-d-azur/une-greve-injustifiable-christian-estrosi-reclame-la-requisition-des-personnels-de-la-sncf-pour-les-fetes_AN-202212210456.html">hommes politiques</a> d’une part, par les syndicats d’autre part. Ainsi, les grèves dans les raffineries à l’automne ont d’abord été massivement soutenues par l’opinion publique, avant que celle-ci ne se retourne, lorsque les pénuries de carburant ont été telles que des secteurs entiers d’emploi se sont trouvés menacés.</p>
<p>Aujourd’hui, même si les Français sont <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2022/12/Tableau-de-bord-politique-Decembre-2022.pdf">plutôt en désaccord avec la politique sociale du gouvernement</a> (ce qui pourrait les amener à soutenir les revendications des grévistes), les « années Covid » amènent la plupart à placer une grande importance à passer les fêtes 2022 en famille. La grève est donc pour eux un <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/transports/sncf-un-remboursement-de-200-accorde-aux-voyageurs-dont-les-trains-sont-annules_AN-202212210123.html">coût bien trop important</a> pour être contrebalancé par les dédommagements et les excuses de l’entreprise.</p>
<p>La menace ultime d’une grève pendant les fêtes a été activée. À court terme, les agents pourraient y gagner (sur leur fiche de paie) et la grève aura coûté des millions d’euros. À plus long terme, les coûts seront potentiellement catastrophiques : désintérêt croissant pour les syndicats (en l’espèce dépassés par un collectif informel né sur Facebook), défiance face à l’action des corps intermédiaires, mauvaise publicité pour la SNCF.</p>
<p>En face, le gain pourrait être récolté par les concurrents de la SNCF (tels que <a href="https://theconversation.com/tgv-paris-lyon-un-an-apres-larrivee-de-trenitalia-rime-t-elle-effectivement-avec-prix-plus-bas-192876">Trenitalia entre Paris et Lyon</a>) qui ne devraient pas manquer d’en profiter pour grignoter les parts de marché de l’opérateur historique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement de grève des contrôleurs de la SNCF au moment des fêtes de fin d’année montre aussi une forme d’échec du dialogue social.Adrian Borbély, Professeur associé en négociation, EM Lyon Business SchoolPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1895272022-10-20T15:10:35Z2022-10-20T15:10:35ZPourquoi les enfants se plaignent-ils des longs trajets en voiture ou en train ?<p>« Si je recevais 10 centimes à chaque fois que mon enfant lance “est-ce qu’on arrive bientôt ?”, je serais déjà riche » : c’est ce que peuvent se dire bien des parents à l’heure d’entreprendre un voyage en famille. Ayant moi-même trois jeunes enfants, je ne connais que trop cette crainte qui peut s’emparer de vous lorsque, à peine 30 minutes après le début d’un trajet qui doit durer cinq heures, l’interrogatoire commence.</p>
<p>Tout commence plutôt poliment. “Maman, quand est-ce qu’on arrive ?”, lance une petite voix depuis la banquette arrière de la voiture. Puis le ton se fait plus offensif et voilà qu’on commence à comparer la distance que j’avais annoncée une heure auparavant et celle qui reste encore à parcourir…</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/laissez-les-enfants-sennuyer-66858">Laissez les enfants s’ennuyer !</a>
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<p>Quand le voyage se termine, j’ai en général pris la résolution de ne plus jamais partir avec les enfants en vacances. Mais pourquoi donc les trajets leur semblent-ils si atrocement longs ?</p>
<h2>Perception des distances</h2>
<p>L’une des explications est que <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/16512313/">notre expérience du temps évolue avec l’âge</a>, ce qui se traduit souvent par la <a href="https://www.keele.ac.uk/media/keeleuniversity/facnatsci/schpsych/weardenpublications/wearden2005.pdf">sensation</a> que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20163781/">temps passe plus vite</a> à mesure que l’on vieillit. On aura ainsi l’impression que « Noël arrive plus vite chaque année ».</p>
<p>On suppose que cette impression d’un temps qui passe plus vite vient du fait qu’avec l’âge, chaque durée devient une <a href="https://europepmc.org/article/MED/1178414">proportion plus restreinte</a> de notre vie. À 7 ans, par exemple, une année représente 14,30 % de votre vie tout entière. À 70 ans, cela ne correspond plus qu’à 1,43 % de votre vie. C’est ainsi qu’un voyage de cinq heures paraît bien plus impressionnant à un enfant de 5 ans qu’à une personne de 50 ans, tout simplement parce que cela équivaut à une part plus longue de sa vie.</p>
<p>Mais il y a d’autres éléments à prendre en compte. En grandissant, en vieillissant, nous comprenons ce qui relève des distances et de la géographie. Ce bagage de connaissances nous aide à trouver des repères et des indices pour évaluer où l’on se situe dans un voyage et le trajet qu’il reste à parcourir.</p>
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<p>Par exemple, si je vais de Paris à Amiens, je sais que nous entrons dans la dernière ligne droite du voyage quand nous dépassons Beauvais. Au Royaume-Uni, si je me rends de Manchester à Devon, je sais que je suis à peu près à mi-chemin lorsque nous quittons Birmingham. Ces informations m’aident à structurer le temps. J’ai également un GPS qui me donne un horaire d’arrivée, l’ajuste en temps réel, m’avertissant des obstacles et des retards éventuels. N’ayant pas directement accès à ces éléments factuels, les enfants dépendent de ce que leur diront les adultes pour estimer la progression du voyage.</p>
<h2>Capacité d’attention</h2>
<p>Les incertitudes auxquelles sont confrontés les enfants sont accentuées par le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810015300465">manque de contrôle</a> dont ils disposent sur le voyage lui-même. Ce sont les adultes qui déterminent à quelle station-service on va s’arrêter et quel itinéraire on va prendre, ce qui peut leur donner l’impression que le trajet traîne en longueur.</p>
<p>En effet, l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1053810015300465">incertitude temporelle</a>, ou le sentiment de ne pas savoir quand quelque chose va se produire peut ralentir le passage du temps, et c’est un phénomène qu’on expérimente aussi à l’âge adulte.</p>
<p>Rappelez-vous la dernière fois que votre train s’est inexplicablement arrêté juste à la sortie de la gare, ou que vous avez vu le panneau « attente » clignoter sans fin devant la réception des bagages en sortant de l’avion. Je parie qu’aucun de ces problèmes n’a été résolu rapidement à vos yeux – et que vous auriez apprécié une annonce de la part du conducteur du train ou du personnel de l’aéroport. Le fait de ne pas savoir ce qui se passe nous donne l’impression que les événements s’éternisent.</p>
<p>Dès qu’apparaît un doute au sujet d’un délai, le contrôler va vite devenir notre objectif premier. L’être humain a en effet une capacité cognitive limitée et ne peut prêter attention à tout en permanence. Nous devons donc <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0001691813002515">nous fixer des priorités</a> selon les circonstances.</p>
<p>Quand un délai devient incertain, nous y prêtons beaucoup plus attention que la normale, ce qui se traduit par la sensation que le temps passe beaucoup plus lentement. Les enfants étant plus sujets à ces incertitudes que les adultes, sans distraction, ils vont scruter la progression du voyage, quel qu’il soit.</p>
<h2>Ennui et divertissement</h2>
<p>Enfin, si le temps passé en voiture peut s’éterniser pour les enfants, c’est tout simplement parce qu’ils sont enfermés et n’ont rien d’autre à faire que de regarder le paysage défiler par la fenêtre. Cette expérience les confronte à l’ennui alors que leurs parents, à l’avant, savourent probablement d’avoir un peu de temps pour rester assis et réfléchir.</p>
<p>Le désir de stimulation et de divertissement qu’éprouvent les enfants fait que cet ennui s’installe souvent rapidement, ce qui ralentit l’écoulement du temps. Comme l’incertitude temporelle, notre niveau d’ennui affecte notre perception des durées en modifiant l’attention que nous lui portons.</p>
<p>Dans ces cas-là, nous avons tendance à scruter l’horloge ce qui nous donne l’impression que le <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/What-happens-while-waiting-How-self-regulation-and-Witowska-Schmidt/20c301bb007f850699d5ea7fad5a19c2f58837ad">temps s’étire</a>. À l’inverse, lorsque nous sommes joyeusement occupés, nous ne prêtons guère attention à l’heure, notre capacité d’attention étant accaparée par autre chose, et nous avons l’impression que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32628735/">temps passe vite</a>.</p>
<p>Alors, que doivent faire les parents ? Ceux d’entre vous qui ont un grand voyage en perspective se précipitent peut-être pour faire le plein de jeux et d’en-cas afin de fournir un flux constant de distractions à leurs enfants. Toutefois, je vous invite à la prudence. Si vous parvenez ainsi à réduire le refrain « on est bientôt arrivés ? », peut-être éveillez-vous là le risque d’une autre rengaine : « J’ai mal au cœur ! » Et quand un enfant a le mal des transports, l’expérience comme la recherche montrent que c’est aux parents que le voyage <a href="https://europepmc.org/article/MED/31083698">va sembler beaucoup plus long</a>…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189527/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ruth Ogden a reçu des financements du Conseil de la recherche économique et sociale et du Wellcome Trust.</span></em></p>Les enfants n’ont pas la même perception du temps que les adultes. C’est l’une des raisons qui expliquent qu’ils aient souvent du mal à supporter les voyages.Ruth Ogden, Reader in Experimental Psychology, Liverpool John Moores UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1893502022-08-29T18:16:25Z2022-08-29T18:16:25ZLa guerre en Ukraine transforme la carte des routes commerciales Chine-Europe<p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> n’a pas seulement impacté les échanges de l’Europe avec la Russie. Elle a aussi largement redéfini les routes commerciales terrestres avec la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/chine-20235">Chine</a>, modifiant les portes d’entrée des marchandises en Europe et incitant les entreprises à reconfigurer davantage leurs chaînes d’approvisionnement.</p>
<p>Avant le conflit qui éclaté fin février, 95 % du fret ferroviaire entre la Chine et l’Europe transitaient, par le corridor Nord du China-Europe Express, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/nouvelles-routes-de-la-soie-36140">route de la Soie ferroviaire</a> reliant la Chine à l’Allemagne via le Kazakhstan, la Russie, la Biélorussie et la Pologne. À la suite des sanctions internationales contre la Russie et au risque de confiscation des marchandises transportées, les volumes de fret ferroviaire eurasiatique – constitués de <a href="https://asia.nikkei.com/Spotlight/Supply-Chain/China-opens-wallet-to-keep-trans-Eurasian-express-moving#:%7E:text=As%20the%20conflict%20in%20Ukraine,the%20China%2DEurope%20Railway%20Express.">PC et appareils électroniques, machines et pièces automobiles</a> – ont baissé de 80 %.</p>
<h2>Repenser les approvisionnements</h2>
<p>Les entreprises doivent, en effet, réorganiser la logistique de leurs échanges Chine-Europe et repenser la carte de leurs approvisionnements. Choix radicaux ou adaptations prudentes, les options varient selon les entreprises.</p>
<p>L’enseigne française de distribution d’articles de sports Decathlon, présente en Chine avec plus de 300 magasins et un réseau de partenaires industriels, affrétait, depuis 2017, des trains complets porte-conteneurs (train block). Partant de Wuhan (Chine), ils arrivaient à Liège (Belgique) et alimentaient la plate-forme logistique multimodale de Dourges (Hauts-de-France). Ce trafic ferroviaire s’est interrompu après trois mois de guerre et l’entreprise est obligée de choisir entre la voie maritime et le transit par de nouvelles routes ferroviaires.</p>
<p>Le constructeur suédois Volvo Cars, qui appartient au groupe chinois Zhejiang Geely et dont les usines sont basées en Suède, en Belgique et en Chine, a choisi Gand en Belgique comme pièce maîtresse de sa logistique internationale. Les modèles fabriqués en Chine sont expédiés par trains complets jusqu’à Gand et les mêmes trains repartent en Chine avec les modèles produits en Europe. L’entreprise doit choisir aujourd’hui de nouvelles modalités de transport Chine-Europe et décider également de l’implantation de ses nouvelles usines de production de voitures électriques pour le marché européen.</p>
<p>Son homologue allemand BMW, pour qui la Chine constitue le plus grand marché, a cessé tout transport ferroviaire via la Russie depuis le début de la guerre. Les voitures produites en Allemagne sont transportées par train jusqu’au port de Bremerhaven (Allemagne) puis par bateau jusqu’en Chine. De même, Audi, dont les usines sont en Allemagne et en Hongrie, étudie les possibilités offertes par de nouvelles routes ferroviaires pour exporter sa production vers la Chine.</p>
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<p>Face à ces interrogations, transporteurs et logisticiens ouvrent aujourd’hui de nouvelles liaisons ferroviaires, notamment via le corridor central transcaspien (middle corridor). AP Moller – Maersk, la plus grande compagnie maritime au monde, a ainsi lancé, avec un premier train en avril 2022, un nouveau service ferroviaire entre la Chine et la Roumanie qui relie l’empire du Milieu et l’Europe en 40 jours. Les trains venant de Chine traversent le Kazakhstan depuis le hub de Khorgos jusqu’au port d’Aktau sur la mer Caspienne. Les marchandises sont ensuite transportées en barge jusqu’au port de Bakou en Azerbaïdjan pour se diriger vers le port de Poti en Géorgie puis celui de Constanta en Roumanie, le plus grand port de la mer Noire.</p>
<p>Rail Bridge Cargo, logisticien ferroviaire néerlandais, relie lui Zhengzhou (Chine) et Duisburg-Neuss (Allemagne) via le Kazakhstan, l’Azerbaïdjan et la Géorgie en 23-25 jours via une route multimodale. Enfin, Nurminem Logistics, logisticien finlandais et pionnier du corridor transcaspien, a lancé, en mai 2022, en coopération avec Kazakhstan Railways, son premier train de fret utilisant le corridor transcaspien.</p>
<h2>Forces et faiblesses du corridor transcaspien</h2>
<p>Le corridor transcaspien (Trans-Caspian International Transport Route ou TITR) a gagné en intérêt en tant que route ferroviaire alternative. <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/la-route-de-la-soie-ferroviaire-se-rallonge-pour-contourner-la-russie-20220626">Mais cette route est plus difficile à développer que la route Nord</a> : elle passe par des pays de cultures et d’orientations géopolitiques très différentes comme les pays du Caucase, elle compte plus de ruptures de charge, et implique la traversée de deux mers : la mer Caspienne et la mer Noire.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/480909/original/file-20220824-4453-o1hnw4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="source">International Association Trans-Caspian International Transport Route (TITR)</span></span>
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<p>Dans les ports, les délais de transit sont rallongés en raison des lacunes de l’infrastructure de manutention des marchandises et de la taille modeste des terminaux. Il en résulte un temps de trajet plus long (30 jours au lieu de 20).</p>
<p>Pour l’heure, le corridor transcaspien n’est pas dimensionné pour un pont terrestre massif se substituant à la voie traditionnelle transitant par la Russie : <a href="https://www.lagazetteaz.fr/news/economie/9088.html">il ne représente que 5 % de la capacité du corridor Nord</a>. C’est pourquoi, en mars 2022, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, le Kazakhstan et la Turquie ont signé une déclaration pour <a href="https://www.lagazetteaz.fr/news/economie/9088.html">améliorer le potentiel de transport</a> dans la région. La Turquie, qui a ouvert une liaison Bakou-Tbilissi-Kars dès 2017, apporte certes une contribution significative au trafic ferroviaire régional mais, dans l’ensemble, les volumes transportés restent inférieurs aux besoins.</p>
<p>Le développement des nouveaux corridors nécessite, en effet, d’importants investissements d’infrastructure ferroviaire et portuaire. L’Union européenne, avec le programme Transport Corridor Europe-Caucase-Asie (TRACECA), s’intéresse depuis 1993 au développement du corridor transcaspien. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) prévoit également d’investir plus de <a href="https://infra.global/ebrd-100m-for-kazakhstan-railway-modernisation/">100 millions d’euros dans Kazakhstan Railways</a> (KTZ).</p>
<p>L’intérêt de l’UE pour les pays du Caucase et le corridor transcaspien est décuplé par la recherche de nouvelles sources de gaz et de produits dérivés du pétrole en provenance de l’Azerbaïdjan et d’Asie Centrale. Cette actualité, qui est un facteur favorable aux investissements sur la route transcaspienne, peut aussi être de nature à exacerber les rivalités et <a href="https://thediplomat.com/2022/03/what-will-russias-invasion-of-ukraine-mean-for-chinas-belt-and-road/">aiguiser les appétits des grands acteurs régionaux</a>, en particulier la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/russie-21217">Russie</a> et la Turquie. Ceci constitue un risque tant pour les investisseurs que pour les entreprises utilisatrices des services logistiques dans la région.</p>
<p>Dans ce contexte, une grande partie des entreprises tend à reporter le transport de leurs marchandises du ferroviaire au maritime bien que ce dernier se heurte encore à une saturation des ports dans le monde.</p>
<h2>Le rôle clé de l’Europe orientale</h2>
<p>Dans l’UE, la Bulgarie et la Roumanie sont bien placées pour bénéficier du développement des échanges via le corridor transcaspien. La liaison entre les ports de Poti en Géorgie et de Constanta en Roumanie fait l’objet de nouvelles solutions intermodales. Le transporteur Cosco Shipping Lines Romania étudie la possibilité de lancer un service de train de conteneurs <a href="https://www.railfreight.com/railfreight/2022/05/24/cosco-considers-launching-greece-romania-train-to-alleviate-constanta/">entre Le Pirée (Grèce) et les terminaux roumains</a> pour désencombrer le port de Constanta.</p>
<p>La Commission européenne a récemment approuvé l’allocation de 110 millions d’euros pour la modernisation d’un corridor ferroviaire en Bulgarie entre Sofia et la frontière serbe dans le cadre du réseau transeuropéen de transport (RTE-T).</p>
<p>La Grèce peut aussi bénéficier de la réallocation de trafic dans une logique alliant rail et mer. Le Pirée est déjà largement employé comme porte d’entrée des marchandises asiatiques en Europe. De nombreux groupes électroniques entreposent et distribuent vers l’Europe, le Moyen-Orient et l’Afrique à partir du Pirée, les marchandises venant d’Asie pouvant atteindre, en 25 ou 26 jours, la Hongrie ou la République tchèque où ils disposent de sites d’assemblage. La connexion du port grec au réseau ferroviaire européen reste, en effet, décisive pour le transport de biens en Europe du Sud-Est et Cosco contrôle le port depuis 2016.</p>
<h2>Un pivotement vers la Turquie</h2>
<p>Pour augmenter les possibilités d’acheminement, les entreprises doivent surtout repenser la localisation de leurs sites de production car elle détermine largement le choix des routes de transport. S’il est encore difficile de remplacer la Chine dans plusieurs secteurs, le confinement de villes comme Shanghai ou Shenzhen et les tensions croissantes entre Pékin et Washington conduisent les entreprises à prendre en compte plus avant le scénario d’un relatif découplage entre la Chine et l’Occident.</p>
<p>La réorientation des routes Asie-Europe avantage déjà largement les entreprises européennes qui ont des sites de production en Turquie ou en Europe centrale et orientale. En 2021, le géant suédois Ikea a <a href="https://www.miroir-mag.fr/innovation/ikea-va-transferer-davantage-de-production-en-turquie-pour-raccourcir-sa-chaine-dapprovisionnement/">transféré en Turquie</a> une partie de sa production de meubles. En 2022, Volvo Cars a annoncé le <a href="https://pro.largus.fr/actualites/volvo-cars-va-ouvrir-en-slovaquie-sa-troisieme-usine-europeenne-10980396.html">choix de la Slovaquie</a> pour la création de sa troisième usine en Europe. Boohoo, enseigne anglaise d’ultra-fast fashion, a décidé, au printemps dernier, de <a href="https://www.thisismoney.co.uk/money/markets/article-10099233/Boohoo-opens-manufacturing-office-Turkey.html">produire plus de vêtements en Turquie</a> ainsi qu’au Maghreb.</p>
<p>L’intérêt de la Turquie en matière de connectivité Asie-Europe n’avait pas échappé à Cosco qui, dès 2015, avait pris le <a href="https://www.seatrade-maritime.com/asia/cosco-pacific-jv-buy-turkeys-kumport-terminal">contrôle du troisième port turc de containers</a> (Kumport) près d’Istanbul et assure des liaisons directes entre la mer Noire, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/turquie-21579">Turquie</a>, la Grèce et Israël.</p>
<p>Finalement, la guerre en Ukraine, qui a porté un coup majeur au fret ferroviaire par la route Nord, favorise l’émergence d’axes de transport alternatifs. Elle invite aussi les entreprises à vite reconfigurer leurs chaînes d’approvisionnement. Elle déplace, enfin, la porte d’entrée des échanges commerciaux Chine-Europe de la frontière polono-biélorusse vers la Turquie.</p>
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<p><em>Corinne Vadcar, Senior Trade Analyst, a participé à la rédaction de cet article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/189350/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Paul Michel Larçon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Depuis le début du conflit, les entreprises abandonnent progressivement les voies du Nord pour de nouvelles alternatives. La Turquie semble la principale gagnante de cette reconfiguration.Jean-Paul Michel Larçon, Emeritus Professor Strategy and International Business, HEC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1873172022-07-20T16:43:38Z2022-07-20T16:43:38ZVoyages d’affaires, low cost… Le Covid a bousculé le secteur du transport longue distance<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474958/original/file-20220719-10005-r8dwha.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C91%2C2452%2C1417&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Depuis début 2020, le nombre de TGV Inouï a baissé de 15&nbsp;% quand celui des Ouigo (photo) a augmenté de 30&nbsp;%.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:SNCF_OUIGO_TGV_Dasye_761_Marseille_-_Paris.jpg">Wikimedia Commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La <a href="https://theconversation.com/fr/topics/sncf-37898">SNCF</a> s’attend à un été de tous les <a href="https://www.sncf.com/sites/default/files/press_release/CP_NR_SNCF_VOYAGEURS_ETE_2022.pdf">records</a>. Dans un communiqué publié le 30 juin dernier, elle avançait le chiffre de 9,5 millions de billets longue distance déjà réservés, soit 10 % de plus qu’en 2019. Les mois de mai et juin avaient eux aussi déjà affiché des scores supérieurs à l’avant-crise.</p>
<p>Certes, les craintes liées à la pandémie, si elles n’ont pas disparu, se sont estompées et la promiscuité dans les transports effraie moins. Mais ce chiffre estival traduit-il un simple retour à la normale ou bien nous dit-il autre chose ?</p>
<p>Hormis les <a href="https://www.autorite-transports.fr/actualites/cars-macron-2022/">rapports</a> de l’Autorité de régulation des transports, peu de travaux scientifiques encore se sont intéressés aux effets du coronavirus sur les transports longue distance. Certains experts prédisaient, après un arrêt quasi-complet par endroit (souvenons-nous par exemple des images de l’aéroport d’Orly désert au printemps 2020), l’émergence d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/referencework/9780081026724/international-encyclopedia-of-transportation">« nouvelle normalité »</a>, avec le développement rapide du télétravail et des visioconférences.</p>
<p>Nos récents <a href="https://doi.org/10.1111/rsp3.12534">travaux</a> interrogent le phénomène. Ils reposent sur un suivi hebdomadaire de quatre grandes lignes françaises depuis des métropoles de province (Bordeaux, Toulouse, Nice et Lyon) vers Paris. Les observations disponibles s’étendent de la période pré-Covid (septembre 2019) jusqu’au moment où l’épidémie paraissait jugulée sous l’effet des progrès de la vaccination en novembre 2021. Elles permettent de comparer l’évolution en prix et fréquence des différentes offres de transport dont le ferroviaire, le bus, le covoiturage et l’aérien.</p>
<p>À l’origine, la collecte des données avait pour but de poursuivre des recherches sur les conséquences de la libéralisation du chemin de fer, qui avait déjà donné lieu à une <a href="https://theconversation.com/la-liberalisation-du-secteur-ferroviaire-ne-devrait-pas-faire-baisser-significativement-les-prix-de-nos-voyages-175588">publication</a> sur le site The Conversation. Les liaisons retenues devaient en effet potentiellement accueillir des opérateurs concurrents pour la SNCF avant que les plans ne soient chamboulés à la suite de la pandémie.</p>
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<a href="https://theconversation.com/la-liberalisation-du-secteur-ferroviaire-ne-devrait-pas-faire-baisser-significativement-les-prix-de-nos-voyages-175588">La libéralisation du secteur ferroviaire ne devrait pas faire baisser significativement les prix de nos voyages</a>
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<p>Comme tous, nous avons dû nous adapter et le suivi hebdomadaire des offres de transport permet aujourd’hui de documenter progressivement des effets du choc inédit, collectivement vécu, sur nos modes de vie et de production. Il reste cependant nécessaire de considérer les résultats avec un minimum de prudence étant donné la grande variabilité de l’épidémie et la difficulté de fixer un point d’observation dans la période Covid.</p>
<h2>Étonnamment, les prix ont diminué</h2>
<p>Qu’observe-t-on ? À gros traits, on note tout d’abord un fort impact du premier confinement sur l’offre en termes de fréquence qui s’est trouvée réduite quasiment à néant (-90 %). L’impact des confinements suivants s’est avéré plus faible avec une offre réduite d’environ de moitié. Sur la fin de la période, le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/train-26726">train</a> et le covoiturage étaient en passe de retrouver leur niveau d’offre d’avant crise avec respectivement -4 % et -6 %, ce qui n’était toujours pas le cas pour les bus (-50 %) et l’aérien (-30 %).</p>
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<p>De fait, c’est le mode initialement dominant, le train qui s’est avéré être le plus robuste et résilient à la crise là où l’aérien et le bus se sont effondrés. En octobre 2021, le mode ferroviaire maintenait cette avance avec une part de marché sur l’échantillon observé stabilisée autour de 85 % contre 80 % en 2019. L’aérien a chuté de 17 à 13 % pendant ce temps.</p>
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<p>L’autre effet qui a retenu notre attention est celui sur les prix, bien plus délicat cependant à analyser du fait de leur volatilité. Considérant les prix à 7 jours avant le départ pour de la seconde classe sans réduction, on constate une baisse globale d’environ 14 % sur la période. Cela concerne tous les moyens de transport à l’exception des cars : covoiturer coûtait 26 % de moins qu’au début de la pandémie, prendre le train 16 % et l’avion 12 %.</p>
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<p>On peut aisément comprendre la chute des prix durant l’année 2020, sous l’effet conjugué d’un effondrement de la demande et d’une baisse des prix de l’énergie. De même, on explique une fluctuation à la hausse durant les deuxième et troisième confinements par la disparition des offres <a href="https://theconversation.com/fr/topics/low-cost-46331">low cost</a> quand persistaient uniquement des offres classiques.</p>
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<p>Mais pourquoi une réduction globale sur la tendance de long terme ? Cela semble d’autant plus étonnant que le reste de l’économie connaissait déjà une certaine inflation fin 2021. En octobre 2021, les <a href="https://www.economist.com/finance-and-economics/american-inflation-global-phenomenon-or-homegrown-headache/21806433">prix étaient 4 % supérieurs</a> à octobre 2019.</p>
<h2>Le low cost, gagnant en deux temps</h2>
<p>Comment l’expliquer ? L’hypothèse d’une demande réduite ne paraît pas totalement satisfaisante. Nous avons donc regardé de plus près l’évolution du ratio entre service low cost et service classique. Cela correspond pour le ferroviaire au binôme Ouigo – Inouï.</p>
<p>Comme précédemment mentionné, en période de confinement, la part de marché du low cost a chuté plus fortement que le reste au point de disparaître au plus fort des mesures sanitaires. Le secteur s’est avéré beaucoup plus sensible aux restrictions. Ce qu’on observe cependant à plus long terme est un changement profond qui concerne les voyages d’affaires. Le phénomène est difficilement mesurable encore, mais l’hypothèse paraît particulièrement crédible avec le développement des visioconférences qui engendrent moins de rencontres physiques.</p>
<p><iframe id="e4ZPh" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/e4ZPh/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Sur les lignes étudiées, on observe que c’est bien le secteur des services classiques qui a perdu en part de marché face au low cost. Dans le ferroviaire, entre le début et la fin de la période, le nombre de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tgv-52763">TGV</a> Inouï a baissé de 15 % quand celui des Ouigo a augmenté de 30 %. La part du marché du low cost est ainsi passée de 22 à 30 % conduisant mécaniquement les prix vers le bas. Quoique moins marquée, la tendance a été similaire dans l’aérien avec un retour plus rapide de l’offre low cost d’Easyjet (-14 %) en comparaison d’Air France (-38 %) qui continuait de pâtir du manque de la classe affaire.</p>
<p>Dans tous les cas, ces constats mettent en évidence un défi à relever pour la SNCF ou pour Air France. Car au-delà des records annoncés dans le ferroviaire cet été, les modèles économiques sur l’ensemble de l’année reposaient pour beaucoup sur les voyages d’affaires. Avec la dégradation du contexte économique actuelle, c'est même un avis de tempête qui pourrait être émis pour ces acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187317/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans le ferroviaire, les mesures de restrictions ont d’abord frappé le segment de l'offre à bas prix, qui a ensuite progressé jusqu’à obtenir plus de parts de marché qu’avant la crise sanitaire.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1827962022-05-17T18:33:15Z2022-05-17T18:33:15ZGratuité des transports : comprendre un débat aux multiples enjeux<p>La gratuité des transports fait beaucoup parler d’elle. Récemment, elle est apparue à plusieurs reprises dans les débats de la campagne présidentielle : par exemple appliquée aux transports urbains comme une réponse à la tension sur les carburants provoquée par la guerre en Ukraine, pour Yannick Jadot, ou appliquée au TGV comme une mesure de pouvoir d’achat pour les jeunes, pour Marine Le Pen. Quand bien même la tarification des transports urbains ne relève pas de l’échelle gouvernementale tandis que celle du TGV n’en relève que de façon indirecte par l’intermédiaire de la SNCF.</p>
<p>La présence médiatique de la gratuité des transports est toutefois demeurée plus faible que lors des dernières élections municipales, qui ont vu de très nombreuses listes proposer une telle mesure, comme l’a analysé la chercheuse sur les comportements de mobilité du Cerema <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03591222/document">Sophie Hasiak</a>.</p>
<p>Depuis le milieu des années 2010, la gratuité est devenue l’un des thèmes majeurs des débats portant sur les politiques publiques de mobilité à l’échelle locale, c’est-à-dire celle assurées par des autorités organisatrices. Toutefois, comme pour le <a href="https://www.editions-libel.fr/maison-edition/boutique/quarante-ans-de-tramways-en-france/">tramway au cours des années 1990</a>, la gratuité se trouve aujourd’hui au cœur de controverses très vives.</p>
<h2>Une mesure polarisante</h2>
<p>On peut s’interroger sur les ressorts du caractère clivant d’une mesure qui pourtant ne paraît pas être en elle-même susceptible de changer la vie urbaine du tout au tout. Le caractère radical de l’opposition paraît lié au fait que les transports publics sont un secteur où les investissements sont massifs, qu’ils soient symboliques, supposés porter l’image de la ville ou l’urbanité des lieux, comme dans le cas du tramway ou du Grand Paris Express, ou financiers, comme à Lyon, <a href="https://www.sytral.fr/401-les-finances.htm">où 492 millions d’euros doivent être investis en 2022</a>, ce que la gratuité viendrait dégrader.</p>
<p>L’opposition peut aussi se fonder sur l’idée que cette mesure, qui a nécessairement un coût, ne serait pas la plus appropriée pour décarboner les mobilités, ce qui est affiché comme <a href="https://www.pur-editions.fr/product/7399/nouvelles-ideologies-urbaines">l’objectif central des politiques publiques</a>. Du côté des pro-gratuité, ce sont souvent les revendications venues des groupes les plus radicaux de la gauche qui sont les plus visibles du fait que la gratuité renvoie à un droit à la mobilité, voire un <a href="https://www.persee.fr/doc/homso_0018-4306_1967_num_6_1_1063">droit à la ville</a>, quand bien même cette mesure est instaurée par des majorités de gauche comme de droite.</p>
<p>Cette polarisation nuit à une compréhension satisfaisante de ce qu’est la gratuité des transports, en particulier du fait qu’elle conduit à poser la question en des termes généraux, souvent abstraits des éléments de contexte qui peuvent donner à cette mesure des sens bien différents, en fonction de la fréquentation du réseau, de son taux de couverture des dépenses de fonctionnement, de la conception de l’offre de transport…</p>
<p>Pour discuter d’un phénomène, il convient d’abord de le documenter. C’est l’objectif que s’est fixé l’<a href="http://www.obs-transport-gratuit.fr/">Observatoire des villes du transport gratuit</a>, né en 2019 avec l’appui de la Communauté urbaine de Dunkerque et de l’Agence d’urbanisme et de développement de la région Flandre-Dunkerque (Agur), puisque cette ville est l’une des principales agglomérations françaises à avoir décrété la gratuité sur son réseau. Il s’agit ainsi d’ouvrir le regard sur la gratuité, au-delà de ce qui est souvent l’entrée principale des débats : le report modal.</p>
<h2>Le report modal comme seule clé de lecture ?</h2>
<p>Alors que le champ médiatique présente généralement le sujet sous l’angle de la question financière, le report modal est le thème principal des débats dans les publics experts, pour qui la question du financement relève plus de choix politiques que d’une véritable difficulté.</p>
<p>Le report modal, qui pourrait désigner tout changement d’un mode de transport pour un autre, est ici compris comme celui devant voir les personnes se reporter depuis l’automobile vers les transports collectifs.</p>
<p>La question est de savoir qui sont celles et ceux qui constituent la hausse de fréquentation généralement constatée après une mesure de gratuité. S’agit-il d’automobilistes ? De cyclistes ? De piétons ? Ou de nouveaux déplacements qui n’étaient jusque-là pas réalisés ? Par exemple, le report modal est l’entrée principale des articles publiés par The Conversation, signés des économistes <a href="https://theconversation.com/transports-publics-gratuits-une-mesure-inefficace-contre-la-pollution-en-ville-133197">Frédéric Héran</a> et <a href="https://theconversation.com/leffet-limite-de-la-gratuite-des-transports-en-commun-sur-la-pression-automobile-180893">Quentin David</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/leffet-limite-de-la-gratuite-des-transports-en-commun-sur-la-pression-automobile-180893">L’effet limité de la gratuité des transports en commun sur la pression automobile</a>
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<p>Cette question n’est évidemment pas illégitime. Mais elle pose bien des difficultés. D’une part, elle est difficile à objectiver, puisque la gratuité n’arrive jamais seule dans un contexte urbain qui serait immuable, du fait d’effets démographiques, d’ouvertures de zones commerciales ou de nouvelles aires d’urbanisation.</p>
<p>Les enquêtes ne sont d’ailleurs pas toujours disponibles pour mener des comparaisons. D’autre part, l’objectif du report modal, pour intéressant est rarement atteint par les politiques publiques de transport, y compris les plus coûteuses, comme <a href="https://journals.openedition.org/rge/3508?lang=de">celles qui ont porté l’essor du tramway</a>. La vision qu’il suppose est assez réductrice, dans la mesure où il reste cantonné à l’offre de mobilité, alors que l’on sait que les leviers sont aussi du côté de la demande, alimentée par la forme urbaine dépendante d’une automobile encore assez peu contrainte.</p>
<p>L’enjeu du report modal croise aussi l’enjeu financier. Si les transports publics sont une activité qui n’est jamais rémunératrice, les rendre gratuits correspond-il à un usage pertinent des deniers publics ? Ces crédits devraient-ils être utilisés autrement ? C’est justement ce dont une évaluation élargie doit permettre de juger en complétant l’entrée par le seul report modal.</p>
<h2>Une nécessaire pluralité des questionnements</h2>
<p>Premièrement, au vu de l’hétérogénéité des situations, il est primordial d’évaluer les résultats attendus en fonction des objectifs fixés en amont. Or, différents buts peuvent être poursuivis par la mise en place de la gratuité : intégration sociale, report modal, décongestion du centre-ville, attractivité pour certains publics, distinction du territoire métropolitain vis-à-vis de ses périphéries, amélioration du taux de remplissage de son réseau, attractivité vis-à-vis des entreprises…</p>
<p>La gratuité étant un choix politique, c’est ainsi qu’il faut la comprendre, peut-être y compris dans ce qu’elle peut porter de stratégie personnelle des élues et élus, comme dans le cas de <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=TURB_136_0018&download=1">Patrice Vergriete</a> à Dunkerque, qui a construit son premier mandat sur cet enjeu, ou, historiquement, de <a href="https://www.cairn.info/revue-histoire-urbaine-2015-1-page-123.htm">Michel Crépeau</a> à La Rochelle, à l’heure des premiers vélos en libre-service en 1976, dont le succès lui a permis de s’afficher comme figure de l’écologie politique émergente.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/bokizLXTT90?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le maire de Dunkerque Patrice Vergriete s’explique sur la gratuité des bus dans sa ville. YouTube.</span></figcaption>
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<p>Deuxièmement, il convient d’observer l’ensemble des effets de la gratuité : temps court et temps long, effets financiers et effets sociaux, effets sur les pratiques comme sur les images sociales, effets sur le réseau comme sur l’urbanisme et l’équilibre territorial en général… Ce que l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) a entrepris, en finançant des études s’intéressant au <a href="https://www.wizodo.fr/photos_contenu/effets-gratuite-transports-jeunes-dunkerquois-avril21.pdf">groupe social des jeunes</a> ou aux effets de la gratuité sur les <a href="https://librairie.ademe.fr/mobilite-et-transport/5129-changer-les-pratiques-dans-les-services-urbains-de-transport-en-commun.html">pratiques professionnelles</a> au sein de l’exploitant d’un réseau.</p>
<p>Dans une approche économique, il est possible de porter un regard différent, comme celui des économistes <a href="https://www.cairn.info/load_pdf.php?ID_ARTICLE=TURB_136_0012&download=1">Sonia Guelton et Philippe Poinsot</a>, qui se penchent par exemple sur les finances locales des villes à gratuité, finalement peu mises à l’épreuve par une telle mesure. Dans un contexte où les recettes ne couvrent bien souvent que de 10 à 15 % des coûts d’exploitation, les situations financières des villes à gratuité et des villes à réseau payant peuvent d’ailleurs être assez similaires. Il en va différemment pour les villes bien plus performantes sur ce critère, comme les agglomérations parisienne et lyonnaise, qui font toutefois plus figure d’exceptions que de normes en la matière.</p>
<p>Troisièmement, il faut aussi accepter que la gratuité, comme beaucoup d’autres mesures, ne puisse s’évaluer de façon complètement isolée et indépendamment d’autres éléments de contexte. En d’autres termes, une forme de modestie s’impose, du fait que la gratuité n’arrive pas seule dans un contexte qui resterait figé avant et après sa mise en œuvre et où les données collectées en amont existeraient et permettraient de mener des comparaisons simples avec celles collectées en aval. Une telle situation ne peut exister car la gratuité ne prend son sens que parmi d’autres mesures touchant aux mobilités. Ce qui ne signifie pas que rien ne peut en être dit mais que la première entrée doit être celle du contexte local, loin des jugements généraux portant sur la pertinence <em>a priori</em> ou non de la mesure.</p>
<h2>Refonder le débat</h2>
<p>Ce constat invite donc à construire collectivement un cadre de débat où la gratuité des transports puisse être discutée sereinement, en se départant des réactions épidermiques ou des spontanéités militantes qu’elle suscite habituellement. <a href="http://www.editions-descartes.fr/Titres-des-Editions-Descartes/Approche-laique-de-la-mobilite-une/85.htm">Une approche laïque de la gratuité</a>, pour reprendre Jean-Pierre Orfeuil.</p>
<p>Certains supports ont d’ores et déjà engagé un tel mouvement, comme la revue <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2020-1.htm">Transports urbains</a> ou le <a href="https://forumviesmobiles.org/regards-croises/15548/la-gratuite-des-transports-fait-elle-ses-preuves">Forum Vies Mobiles</a>. Tout récemment, une nouvelle marche a été franchie par la <a href="https://www.editionsbdl.com/produit/la-gratuite-des-transports-une-idee-payante/">première publication de l’Observatoire des villes du transport gratuit</a>, qui aborde les grandes idées reçues touchant à la gratuité pour les déconstruire à partir des éléments scientifiques disponibles. Qu’elles plaident en faveur de la gratuité ou contre elle, ces idées reçues sont essentielles à éclairer, tant elles perturbent un débat qui a tant de difficultés à se poser.</p>
<p>Une autre façon de le faire est aussi d’élargir le regard à l’international, comme le propose le projet <a href="https://www.cosmopolis.be/research/low-fares-no-fares-analysis-economic-operational-socio-spatial-and-political-dynamics-fare">LiFT</a>. Si des conditions nationales peuvent expliquer des situations de gratuité, comme l’existence particulière du versement mobilité en France, regarder ailleurs permet de se défaire de nombre de préjugés sur la gratuité.</p>
<p>Le sens qu’elle prend au Luxembourg, à Tallinn ou à Kansas City n’est pas identique, du fait des objectifs, des contextes sociaux et urbains ou du statut de ce que sont les transports publics, pensés comme solutions écologiques visant le report modal ou comme solution sociale pour les plus pauvres. Plus généralement, le sens de la gratuité des transports n’est peut-être pas le même que celle d’autres services urbains ou services publics locaux, souvent gratuits mais rarement qualifiés comme tels.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/transports-publics-gratuits-une-mesure-inefficace-contre-la-pollution-en-ville-133197">Transports publics gratuits, une mesure inefficace contre la pollution en ville</a>
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<p>C’est donc aussi aux mots qu’il convient de réfléchir. Gratuité agit comme une catégorisation qui masque bien des différences entre les villes ayant aboli tout ou partie de la tarification de leur réseau, de même qu’elle masque des continuités avec les villes où la tarification existe, en particulier sur le plan financier. Plus globalement, ce débat invite à revoir le sens d’expressions centrales dans les études de transport, comme l’idée de report modal ou les catégorisations habituelles entre automobilistes, piétons ou cyclistes, ce que nous sommes bien souvent toutes et tous au fil de nos activités.</p>
<p>Finalement, c’est même peut-être la notion de transport qui mérite d’être revisitée. Ce débat sur la gratuité ne nous invite-t-il pas à penser que le transport n’est pas juste là pour nous transporter mais se trouve être un vecteur portant bien d’autres choses : nos idéaux, nos envies, notre désir de vitesse ? La base étroite sur laquelle la gratuité se trouve souvent jugée n’est-elle pas celle qui vit dans l’illusion que le transport sert à transporter, alors qu’il porte une forte diversité de charges, du désenclavement territorial à l’idée d’innovation technologique en passant par les ambitions politiques, qu’on le veuille ou non ? Dès lors, si le transport porte autre chose, la gratuité ne peut-elle pas apporter autre chose ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182796/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arnaud Passalacqua est co-président de l'Observatoire des villes du transport gratuit.</span></em></p>La gratuité est devenue l’un des sujets majeurs des débats portant sur les politiques publiques de mobilité à l’échelle locale. Elle se trouve aujourd’hui au cœur de controverses très vives.Arnaud Passalacqua, Professeur en aménagement de l'espace et urbanisme, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1755882022-01-26T19:27:37Z2022-01-26T19:27:37ZLa libéralisation du secteur ferroviaire ne devrait pas faire baisser significativement les prix de nos voyages<p>Le 18 décembre dernier, lorsque des passagers ont pu embarquer à Paris dans un <a href="https://www.francetvinfo.fr/economie/transports/sncf/paris-lyon-trenitalia-nouveau-concurrent-a-grande-vitesse-sur-le-reseau-ferroviaire-francais_4886161.html">train Trenitalia à destination de Lyon</a>, une étape symbolique dans l’ouverture à la concurrence et la fin du monopole historique de la SNCF a été franchie. Et cette actualité n’est pas seule en la matière. À l’automne, sur le réseau TER, <a href="https://www.20minutes.fr/nice/3118527-20210907-paca-ligne-ter-nice-marseille-region-choisit-autre-operateur-sncf">Transdev a devancé la SNCF</a> lors de l’appel d’offres pour l’exploitation de la liaison Nice-Marseille.</p>
<p>Plus discrètement, Railcoop prépare, elle, <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/transports/transports-ces-nouvelles-lignes-de-train-prevues-par-railcoop-dans-l-ouest-27c04db4-6c9d-11ec-9358-fadecc207d8a">l’ouverture de lignes transversales</a>. Après un Lyon-Bordeaux (via, notamment, Montluçon, Guéret et Limoges) prévu pour la fin de l’année, la coopérative a tout récemment obtenu l’autorisation d’engager, à terme, ses rames sur des Nantes-Lille avec 17 arrêts dont Caen et Rouen, des Clermont-Ferrand-Strasbourg ou même des Le Croisic-Bâle.</p>
<p>Ouvrir le rail à la concurrence reste un point de débat assez sensible, chargé de nombreuses peurs et appréhensions quant à leur effet sur les prix et la qualité du service rendu. La Commission européenne y voit, elle, un moyen de réduire les coûts et de <a href="https://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=COM:2011:0144:FIN:fr:PDF">gagner en compétitivité</a>.</p>
<p>Si la littérature académique s’est déjà penchée sur la question, certaines limites doivent encore être dépassées par les chercheurs. Lorsqu’il s’agit d’une étude d’un cas national, peut-on transférer les résultats ailleurs ? Intègre-t-on bien l’évolution de la concurrence issue des autres moyens de transport, avec notamment le fort développement du <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01466110">co-voiturage</a> mais aussi de l’aérien low cost ?</p>
<p>Nos <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">travaux</a> se sont focalisés sur les trains grandes lignes (de type LGV ou Intercités). Ils ont ainsi tenté d’identifier les effets d’une concurrence intramodale (entre compagnies ferroviaires) et intermodale (entre le rail, et les autres moyens de transport) sur les prix et la fréquence des trains. En nous concentrant sur 90 routes entre métropoles européennes issues de sept pays, nous montrons que l’ouverture à la concurrence, si elle a un impact sur la fréquence des trains, n’engendre qu’un effet faible, voire non significatif, sur les prix, paradoxe que nous tentons de résoudre.</p>
<h2>Pas ou peu d’impact sur les prix</h2>
<p>Parmi les pays retenus pour alimenter notre base de données, on retrouve tant des pays qui font plus que la moyenne européenne en termes d’ouverture à la concurrence du train (l’Italie, la Suède, le Royaume-Uni et l’Allemagne) que d’autres qui se situent en dessous (la France, la Suisse, les Pays-Bas). En raison de son modèle particulier, nous avons réalisé des calculs avec et sans le Royaume-Uni pour vérifier que les résultats ne s’en trouvaient pas biaisés.</p>
<p>Les données utilisées ont été collectées le mardi 12 décembre 2017, une journée relativement standard. Différentes variables sont mobilisées pour expliquer les fréquences ce jour-ci et les prix (exprimés en parité de pouvoir d’achat pour les rendre comparables d’un pays à l’autre). Certaines concernent le trajet (la distance entre les villes, la vitesse du train), d’autres saisissent des caractéristiques macroéconomiques (le PIB et la population des villes). On intègre également des variables qui valent 1 ou zéro selon si le trajet peut ou non être effectué en avion, en car ou en co-voiturage. Enfin, une dernière variable (fondée sur l’indice d’Herfindahl-Hirschman) capte, elle, le degré de concurrence interne au marché ferroviaire sur le sillon concerné.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1483341784633778178"}"></div></p>
<p>Pour ce qui est des prix, nos résultats montrent qu’ils s’avèrent surtout sensibles au PIB et à la distance. Toutes choses égales par ailleurs, une hausse de 1 % du PIB conduit à une hausse des prix de 0,8 %. Elle est de 0,55 % quand la distance augmente de 1 %. Il apparaît surtout que la concurrence intramodale, entre compagnies ferroviaires, n’a pas d’impact significatif.</p>
<p>Celle-ci en a toutefois un sur la fréquence : plus les acteurs sont nombreux, plus il y a de trains proposés. La concurrence de la route ou de l’aérien semble, elle, influencer davantage les prix des trains (à la baisse) que leur fréquence, avec des résultats moins robustes néanmoins.</p>
<h2>Un paradoxe ?</h2>
<p>La hausse de la fréquence des trains avec une ouverture du marché ferroviaire à la concurrence semble <a href="https://www.jstor.org/stable/20053792">théoriquement</a> logique puisque plusieurs acteurs se mettent à assurer un service auparavant proposé par un seul. On pourrait en revanche attendre des prix qu’ils diminuent significativement, l’arrivée de nouveaux concurrents poussant l’opérateur historique à réduire ses marges pour conserver la clientèle.</p>
<p>Comment expliquer que nos résultats ne confirment pas empiriquement cette prédiction sur les prix ? Lorsque plusieurs opérateurs se partagent un sillon ferroviaire, ils ne sont généralement pas plus de deux. Le régulateur européen (IRG-Rail) ne relève d’ailleurs <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-02930864">pas plus de 25 %</a> de part de marché pour de nouveaux opérateurs sur les trajets longue distance là où le marché est le plus ouvert (Suède, Italie, Allemagne). C’est ici un modèle économique particulier de duopole qui entre en jeu.</p>
<p>Dans la majorité des cas, avec la mise en concurrence, on retrouve un opérateur historique et un nouvel arrivant. Le premier conserve, au moins dans un premier temps, un avantage sur le second. Il bénéficie de la rente issue de son monopole passé quand son rival doit encore trouver une forme de rentabilité. Le concurrent n’a donc pas vraiment intérêt à mener immédiatement une guerre par les prix et à s’attaquer à la rente de l’acteur historique. Il peut en effet lui-même en bénéficier au moment de se lancer.</p>
<p>Il faut aussi tenir compte de facteurs externes comme le prix des péages à verser au gestionnaire de l’infrastructure et le niveau de saturation de ces dernières. Il est ainsi difficile pour un nouvel arrivant de remettre en cause les anciens modèles économiques en ce qui concerne la gestion des coûts. C’est donc davantage sur la qualité de service qu’il peut faire la différence.</p>
<p>Un « big bang » sur les prix est donc peu probable au moment de libéraliser les marchés ferroviaires. La hausse du nombre de trains quotidiens que l’opération pourrait induire questionne en revanche la gestion de l’infrastructure, plus sollicitée, suggérant des besoins d’investissements nouveaux.</p>
<p>Quelques éléments nous invitent cependant à rester prudents à ce stade et motivent des recherches en cours, notamment pour mieux appréhender l’effet prix. Ceux-ci restent en effet d’une grande variabilité en raison de ce que l’on appelle le <em>yield management</em> : faire varier les prix en fonction du comportement de la demande. Autrement dit, optimiser le chiffre d’affaires en fonction du niveau de remplissage des trains. Des incertitudes persistent donc sur la capacité des modèles à le traiter correctement. Une modélisation plus poussée reposant sur des bases de données plus riches est actuellement en cours de développement. Les résultats préliminaires ne semblent pas remettre en cause nos précédents travaux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175588/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Florent Laroche ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’arrivée de nouveaux concurrents sur les grandes lignes devrait en théorie pousser l’opérateur historique à réduire ses marges pour conserver la clientèle. La réalité semble cependant plus nuancée.Florent Laroche, Maître de conférence en économie, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1594982021-05-06T18:23:39Z2021-05-06T18:23:39Z« Retour sur… » : Fret ferroviaire, la France va-t-elle manquer le train ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/396486/original/file-20210422-15-3t88ph.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4956%2C2917&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France, 90&nbsp;% des marchandises transportées par train le sont via des lignes alimentées par de l’énergie décarbonée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/container-freight-train-cloudy-sky-1077721433">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p><em><strong>« Retour sur… »</strong>, un podcast pour décrypter l’actualité avec les expert·e·s.</em></p>
<hr>
<p>En septembre dernier, le gouvernement français présentait un plan de relance dans lequel étaient prévus 4,7 milliards d’euros pour la relance des échanges de marchandises par voie ferrée : le fret ferroviaire. L’impact environnemental réduit de ce moyen de transport par rapport à d’autres pourrait permettre de contribuer à une relance verte.</p>
<p>Mais ce montant suffit-il pour développer ce mode de transport plus écologique ? Comment cela va-t-il impacter le réseau ferroviaire français ? Éléments de réponse avec Patrice Geoffron, professeur d’économie à l’Université Paris-Dauphine.</p>
<hr>
<p><em>Retrouvez l’article de Patrice Geoffron « Sortir de la crise sanitaire par une relance verte : une bonne affaire économique ! » dans le <a href="https://dauphine.psl.eu/fileadmin/mediatheque/recherche_et_valo/publications/Covid-19__Regards_croise__s_sur_la_crise.pdf">livre blanc</a> de l’Université Paris-Dauphine « Covid-19 : regards croisés sur la crise ».</em></p>
<iframe src="https://embed.acast.com/601af1d942a1b65a0f451f54/60924c8fcbde607346c0cf7e?cover=true" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p><iframe id="tc-infographic-568" class="tc-infographic" height="100/" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/568/ac06534b333315ddae980998d5cd8263464b2501/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<hr>
<p><em>Conception, Thibault Lieurade. Production, Romain Pollet</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le gouvernement a alloué une part du plan de la relance au développement des échanges de marchandises par voie ferrée. Mais l’effort est-il à la hauteur des enjeux ?Patrice Geoffron, Professeur d'Economie, Université Paris Dauphine – PSLThibault Lieurade, Chef de rubrique Économie + Entreprise, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1531662021-03-15T18:01:53Z2021-03-15T18:01:53ZComment le chemin de fer a conquis la France<p>La demande de billets de train a été telle cet été que la SNCF et ses concurrents ont dû <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/07/04/la-sncf-augmente-son-offre-pour-l-ete-2023-devant-l-afflux-de-voyageurs_6180508_3234.html">augmenter leur offre</a>. Début juillet, les transporteurs avaient déjà enregistré plus de 10% de réservation en plus par rapport à l'été 2022 et 15% en comparaison avec 2019. Très attachés au train, les Français semblent privilégier ce mode de transport, en dépit de la crise sanitaire et économique.</p>
<p>Présent depuis bientôt deux siècles (voir chronologie), le train a joué un rôle majeur dans la construction de la France contemporaine. Comme le train transcontinental américain a soutenu la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02098127">conquête de l’Ouest</a>, le chemin de fer a contribué à l’intégration territoriale de la France – citons notamment le plan Freycinet.</p>
<p>Moteur dans la deuxième révolution industrielle, le chemin de fer a accru la mobilité des capitaux, des marchandises et des hommes. Le train reconfigure profondément les relations de l’homme à l’espace et au temps. Contribuant à <a href="https://www.jstor.org/stable/2779401?seq=1#metadata_info_tab_contents">l’essor des fuseaux horaires modernes</a>, le chemin de fer démocratise le transport de longue distance. Innovation technique, le train est également une <a href="https://www.youtube.com/watch?v=scSNMr7KDnk">innovation</a> sociale ; ainsi, pour Thomas Cook (notre traduction), cité par son <a href="https://www.abebooks.fr/9780436199936/Thomas-Cook-150-Years-Popular-0436199939/plp">biographe</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Voyager en train, c’est voyager pour les masses ; les humbles peuvent voyager, les riches peuvent voyager… Voyager en train, c’est jouir de la liberté républicaine et de la sécurité monarchique. »</p>
</blockquote>
<p>Un siècle plus tard, quelle est, en France, la place du train, dans le contexte de l’essor des voyages ?</p>
<h2>L’essor du trafic ferroviaire depuis le XIXᵉ siècle</h2>
<p>Le chemin de fer ne cesse de renforcer sa place dans les habitudes de déplacement des Français ; de 1841 à 2018, on passe de 6,33 millions à 1,2 milliard de voyageurs. Ici, un voyageur transporté correspond à une personne physique transportée sur tout ou partie d’un trajet.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=373&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378397/original/file-20210112-23-1fv76ce.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=468&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Nombre de voyageurs (en millions) et de voyageurs-kilomètres (en milliards) de 1841 à 2018. Légende : échelle de gauche, voyageurs ; échelle de droite, voyageurs-kilomètres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Données de la SNCF</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cette croissance est interrompue seulement par quelques événements exceptionnels, de plus ou moins grande ampleur : krach de la bourse de Paris (1882), guerres mondiales et <a href="https://data.sncf.com/explore/dataset/mouvements-sociaux-depuis-1947/table/?sort=journees_perdues&dataChart=eyJ0aW1lc2NhbGUiOiJ5ZWFyIiwicXVlcmllcyI6W3sieEF4aXMiOiJkYXRlIiwic29ydCI6IiIsIm1heHBvaW50cyI6IiIsImNoYXJ0cyI6W3sieUF4aXMiOiJqb3VybmVlc19wZXJkdWVzIiwiZnVuYyI6IkNPVU5UIiwiY29sb3IiOiIjQTEwMDZCIiwidHlwZSI6ImFyZWFyYW5nZSIsInNjaWVudGlmaWNEaXNwbGF5Ijp0cnVlLCJwb3NpdGlvbiI6ImNlbnRlciIsImNoYXJ0cyI6W3siZnVuYyI6Ik1JTiIsInlBeGlzIjoiam91cm5lZXNfcGVyZHVlcyJ9LHsiZnVuYyI6Ik1BWCIsInlBeGlzIjoiam91cm5lZXNfcGVyZHVlcyJ9XX1dLCJ0aW1lc2NhbGUiOiJ5ZWFyIiwiY29uZmlnIjp7ImRhdGFzZXQiOiJtb3V2ZW1lbnRzLXNvY2lhdXgtZGVwdWlzLTE5NDciLCJvcHRpb25zIjp7InNvcnQiOiJkYXRlIn19LCJzZXJpZXNCcmVha2Rvd24iOiIiLCJzZXJpZXNCcmVha2Rvd25UaW1lc2NhbGUiOiIifV0sImRpc3BsYXlMZWdlbmQiOnRydWUsImFsaWduTW9udGgiOnRydWV9">grèves</a> (1947, 1968, 1995 et 2018).</p>
<p>Plus précisément, trois sous-périodes se distinguent : de 1841 à 1910, la croissance est très soutenue, de 1915 à 1950, les évolutions sont erratiques et depuis 1950, le développement du trafic est stable, freiné uniquement à quelques périodes.</p>
<figure><img src="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/0/09/Railway_map_of_France_-_animated_-_fr_-_medium.gif"><figcaption>Le développement du chemin de fer en France.</figcaption></figure>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/zBl0BpUnOHM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment la France est devenue un pays de train.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cette croissance est plus forte encore, lorsque l’on compare les voyageurs-kilomètres. Précisons que le voyageur-kilomètre est une unité de mesure qui équivaut au transport d’un voyageur sur une distance d’un kilomètre.</p>
<p>De 1841 à 2018, le trafic passe de 111 millions à 91,5 milliards de voyageurs-kilomètres, soit une multiplication par 800, témoignant d’un allongement du réseau ainsi que des distances parcourues.</p>
<p>Cette augmentation n’est pas simplement due à la croissance démographique. En 1841, 36 millions de Français effectuaient 6,3 millions de voyages, soit une moyenne de 0,18 voyage par habitant. En 2018, cette statistique passe à 19 voyages par habitant.</p>
<h2>La reconfiguration du réseau</h2>
<p>Cette multiplication des voyages s’explique par les évolutions du réseau ferroviaire. Si le réseau de chemin de fer s’étend jusque dans les années 1930, soutenu par les dessertes locales, on observe une contraction du réseau ferroviaire dès lors, diminution non compensée par le développement des lignes à grande vitesse depuis les années 1980 (voir figure 2).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=332&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378399/original/file-20210112-13-fri4x0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=417&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 2 : Evolution de la distance du réseau ferroviaire en France de 1860 à 2019.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Françoise Bahoken, Martin Koning, Christophe Mimeur, Carlos Olarte-Bacares, Thomas Thévenin, 2016, « Les temps de parcours interurbains en France : Une analyse géo-historique », Transports : Economie, politique, société, pp.17-25</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le réseau ferré a connu des évolutions historiques majeures. De la naissance du trafic voyageur avec la ligne Paris Saint-Germain-en-Laye en 1837 (voir chronologie), le réseau a d’abord été octroyé à six grandes compagnies (1859), épaulées par des compagnies secondaires de desserte locale, dans une politique volontariste de maillage du territoire.</p>
<p>Cette décentralisation marque le pas en 1938, par la nationalisation menant à la Société nationale des chemins de fer. L’Après-guerre et les Trente Glorieuses poursuivent le programme de coordination (1941-1968), avant la contraction du réseau local et le désengagement de l’État <a href="https://ferinter.hypotheses.org/files/2015/03/auphan-etienne-atelier-f.pdf">au profit des régions</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=232&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/386155/original/file-20210224-23-p80vsz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=292&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Chronologie du chemin de fer en France depuis 1827.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Author</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces réorganisations successives s’accompagnent de restructurations des pratiques tarifaires.</p>
<p>Historiquement, la réglementation des prix par l’État était fondée sur un double système de péréquation : une péréquation spatiale (il existe un tarif kilométrique uniforme pour l’ensemble du réseau) et une péréquation temporelle (il existe un tarif kilométrique uniforme quels que soient l’horaire et la période de l’année). Un aller simple au tarif normal entre Paris et Lille, selon l’<a href="http://openarchives.sncf.com/archive/29l106">indicateur Chaix</a>, vaut ainsi 1280 francs (soit 28 euros en euros constants de 2020) pour 204 kilomètres parcourus en 2h32 ; en 2021, le même trajet vaut entre 25 et 63 euros, selon l’horaire de départ, parcourus le plus rapidement en 1h et 6 minutes. Face à l’unicité d’un tarif qui paraissait relativement modique, la multiplication des prix en 2021 rend la comparaison difficile – des trajets pouvant être moins chers, d’autres largement plus onéreux.</p>
<p>Ce système n’a eu de cesse d’être remis en cause depuis <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2014-1-page-5.htm">l’après-guerre</a>, pour arriver aujourd’hui à un dispositif de tarification de type yield management, dans lequel le train ressemble de plus en plus à l’avion dans ses modalités de tarification et de réservation – ce qui renouvelle en partie le profil des usagers.</p>
<h2>Voyager en train depuis les années 1970</h2>
<p>Décrivons maintenant plus précisément les usagers du chemin de fer, qui ont pris le train pour parcourir plus de 100 kilomètres. Contrairement aux données de la SNCF, nous avons retenu uniquement les déplacements de plus de 100 kilomètres afin d’écarter la mobilité quotidienne.</p>
<p>Clairement, les passagers sont de plus en plus diplômés : en 1974, 12,3 % d’entre eux étaient diplômés du supérieur – en 2007, ils constituent 36,6 % des voyageurs en train. Symétriquement, les non-diplômés, majoritaires en 1974, deviennent la population la moins représentée dans les wagons en 2007 – avec environ 17 % selon l’exploitation de l’<a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-nationale-transports-et-deplacements-entd-2008">enquête nationale transports et déplacements</a>.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/UgysLJVfqbM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">1978 : la France découvre Patrick, le premier TGV | Franceinfo INA.</span></figcaption>
</figure>
<p>En tenant compte de l’allongement de la durée des études depuis 1970, le constat de la sur- (ou sous-) représentation des plus (ou des moins) diplômés est confirmé. Pourquoi tant de diplômés parmi les passagers ? On peut penser qu’il s’agit des effets du mode de vie estudiantin, nécessairement lié aux grandes villes. La période des études est par ailleurs un moment du cycle de vie où la mobilité de longue distance est assurée sans voiture, souvent acquise avec le premier emploi stable : prendre le train deviendrait une habitude qui se garde. Enfin, les individus les plus diplômés sont aussi ceux qui ont la mobilité résidentielle la plus forte : ainsi sur 100 Français ayant toujours habité le même département, 17,7 ont pris le train pour un déplacement d’au moins 100 kilomètres en 2007, contre 42,3 pour ceux qui ont changé de département au moins trois fois.</p>
<p>Bref, prendre le train s’explique aussi par le parcours biographique des individus.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=691&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/378400/original/file-20210112-13-ahb6ts.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=868&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Figure 3 : Composition par niveau de diplôme (3a) et niveau de revenus des voyageurs en train (3b).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Enquête nationale Transports 1973-1974, 1981-1982, 1993-1994 et 2007-2008</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus diplômés que la population française dans son ensemble, les passagers du chemin de fer sont aussi relativement plus dotés en capital économique. En 1974, les 20 % des Français les moins riches constituent 12,9 % des passagers, contre 33,6 % pour les 20 % les plus riches. En 2007, les écarts sont tout à fait semblables : un capital économique va de pair avec le recours au chemin de fer, une tendance également marquée pour <a href="https://journals.openedition.org/sociologie/5295">l’usage du transport aérien</a>.</p>
<p>Sur le temps long, le rôle du chemin de fer dans la mobilité de longue distance des Français est et reste essentiel. En 2008, par exemple, 27,4 % des Français ont eu recours au train, pour faire un trajet de plus de 100 kilomètres ; sur les 332 milliards de kilomètres parcourus dans leurs voyages, <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2018-11/La_mobilite_des_Francais_ENTD_2008_revue_cle7b7471.pdf">45 l’ont été en train</a>.</p>
<p>Malgré des bouleversements quantitatifs et qualitatifs de l’offre ferroviaire, le taux de recours reste relativement stable dans le temps, de même que la morphologie sociale des usagers. Face à l’avion, emprunté par des individus plus dotés économiquement, le train apparaît comme un mode de transport privilégié par les plus dotés en capital culturel – opposant aussi des styles et modes de vie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/153166/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le train a profondément reconfiguré les relations de l’Homme à l’espace et au temps. Deux siècles après son avènement, comment a-t-il démocratisé le voyage?Yoann Demoli, Maître de conférences en sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay Alexia Ricard, Ingénieure d'études, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1328992020-03-11T17:37:29Z2020-03-11T17:37:29ZOuverture du rail à la concurrence, pas vraiment efficace contre les émissions de CO₂<p>La <a href="https://www.transportenvironment.org/publications/te%E2%80%99s-vision-european-green-deal">Fédération européenne pour le transport et l’environnement</a>, qui regroupe une cinquantaine d’ONG actives dans le domaine du transport et de l’environnement en Europe, a récemment désigné les transports comme le « bad boy » climatique de l’économie européenne : c’est en effet le seul secteur à avoir augmenté ses émissions depuis 1990.</p>
<p>Dans ce contexte, les chemins de fer commencent à occuper une place importante dans les agendas politiques de nos gouvernements, le rail étant plus « vert » que la voiture et l’avion en matière d’impact relatif sur les émissions de CO<sub>2</sub>. Des mesures concrètes de soutien au développement du rail sont peu à peu mises en place, aux échelles nationales et à l’échelle européenne.</p>
<p>Parmi les dernières avancées en date, la Société nationale belge des chemins de fer belges (SNCB) a décidé en décembre 2019 de réaliser de nouveaux investissements – environ 35 milliards d’euros – afin augmenter l’offre de trains de 5 %. La compagnie ferroviaire autrichienne – Österreichische Bundesbahnen (OBB) – a de son côté mis en service un train de nuit entre Bruxelles et Vienne à partir de janvier 2020, qui fonctionne deux fois par semaine.</p>
<p>Au cours des dernières décennies, le ferroviaire s’est également imposé comme un secteur stratégique au niveau européen. La Commission européenne a engagé un effort réglementaire très intense pour « revitaliser » le secteur ferroviaire européen et déplacer la demande de transport des routes et des voies aériennes vers les chemins de fer.</p>
<h2>Trente ans de libéralisation ferroviaire</h2>
<p>Depuis les années 1990, cette stratégie européenne de revitalisation a été centrée sur des politiques de libéralisation visant à établir un marché unique, efficace et compétitif des services ferroviaires dans tous les États membres de l’Union européenne (UE). L’objectif déclaré était de créer de la concurrence transfrontalière entre les fournisseurs nationaux des services de transport ferroviaire, dans l’idée de réduire les prix pour les utilisateurs finaux, à savoir les passagers et les transporteurs de marchandises.</p>
<p>Alors que le transport ferroviaire de marchandises a été complètement libéralisé depuis la fin 2007, la <a href="https://www.era.europa.eu/sites/default/files/library/docs/leaflets/4th_railway_package_what_does_it_mean_for_me_en.pdf">mise en œuvre des libéralisations dans le secteur passager s’est terminée en juin 2019</a>. Grâce à ces mesures, les chemins de fer seraient devenus plus compétitifs – et donc relativement moins chers – en attirant une nouvelle demande de transport des voies aériennes et des routes. En d’autres mots, les libéralisations auraient dû, selon le régulateur européen, contribuer au « transfert modal » vers le train.</p>
<p>Près de 30 ans après le début des libéralisations ferroviaires, une question se pose : les politiques de libéralisation ont-elles réellement contribué à ce report au sein de l’Union ?</p>
<h2>Pas d’explosion de la demande pour le train</h2>
<p>Une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0965856419309814?via%3Dihub">étude récente</a> indique que ces mises en concurrence ont eu un impact positif sur le transfert de la demande de transport des routes et des voies aériennes vers les chemins de fer.</p>
<p>Ce transfert s’avère toutefois très modeste puisqu’il ne s’élève qu’à 1 %. Après 30 ans de réformes, c’est un impact faible qui interroge l’efficacité des libéralisations face à la « course contre la montre » engagée par l’humanité face au changement climatique. Si elles ne suffisent pas à modifier l’équilibre entre les chemins de fer et d’autres modes de transport plus polluants, il apparaît indispensable de les soutenir par des mesures environnementales conçues dans le but de contrôler la croissance du trafic des voitures et des avions.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1231973103795888128"}"></div></p>
<p>En matière de transfert modal, l’Union européenne pourrait alors envisager un « mix de politiques » où les mesures de libéralisation seraient accompagnées par des mesures environnementales au sens classique. Conformément au principe du « pollueur-payeur », le régulateur pourrait par exemple mettre au point une tarification visant à internaliser les coûts environnementaux externes liés au transport routier et aérien, établissant ainsi des conditions de concurrence équitables entre les modes.</p>
<h2>Une nouvelle impulsion avec le « Green New Deal » ?</h2>
<p>Une mesure qui irait dans ce sens-là est la directive « Eurovignette » de l’UE, qui fournit un cadre juridique pour la taxation des poids lourds. Elle consiste notamment en une redevance kilométrique – proportionnelle à la distance parcourue – à faire payer aux camions de plus de 3,5 tonnes pour l’usage du réseau routier non soumis à des péages. La directive fait actuellement l’objet de discussions au Conseil européen.</p>
<p>Dans le texte de son nouveau <a href="https://ec.europa.eu/info/sites/info/files/european-green-deal-communication_en.pdf">« Green New Deal »</a>, la Commission européenne est pleinement consciente de la route qui reste à parcourir en matière de transports. Le texte énonce clairement qu’ils représentent un quart des émissions de gaz à effet de serre de l’UE et qu’une réduction de 90 % des émissions des transports d’ici à 2050 est nécessaire pour atteindre la neutralité climatique.</p>
<p>Le texte invite à donner une forte impulsion au transport multimodal. L’objectif déclaré est de déplacer une partie substantielle des 75 % du fret intérieur transporté aujourd’hui par la route vers le rail et les voies navigables. Le « Green New Deal » promet également d’ajuster au maximum le prix du transport à son impact sur l’environnement. Il invite notamment à faire cesser les exonérations fiscales et les subventions aux combustibles fossiles.</p>
<p>Le moment est venu pour de tels choix politiques. Société civile, mouvements sociaux et ONG dans toute l’Europe l’appellent de leurs vœux. Avec le récent lancement du Green Deal, l’Union apparaît volontaire à s’engager dans cette voie, bien que certains critiquent un <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2020/feb/07/eu-green-deal-greenwash-ursula-von-der-leyen-climate">« exercice colossal de greenwashing »</a>. Ils considèrent que le nouvel accord est largement composé de fonds remaniés provenant des fonds européens déjà existants et de promesses réchauffées pour mobiliser des capitaux du secteur privé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/132899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Giovanni Esposito ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En 30 ans de réformes, la libéralisation du train en Europe n’a pas engendré un report massif des transports routier et aérien vers le ferroviaire.Giovanni Esposito, Senior researcher in Public Policy and Public Sector Organization, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1319762020-02-20T18:03:52Z2020-02-20T18:03:52ZFact check : « La mise en concurrence des transports » améliore-t-elle leur coût et leur qualité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/316149/original/file-20200219-11011-1ffpygh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En Europe, les privatisations des transports se sont soldées par des licenciements massifs, une précarisation du travail et une augmentation des prix. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/paris-france-09-23-19-public-1518392069">Meunierd / Shutterstock </a></span></figcaption></figure><p>Dans une interview récente accordée au Parisien, Valérie Pécresse déclare vouloir « accélérer le processus de mise en concurrence des transports en Île-de-France ». Les lignes de bus seront bientôt ouvertes à la concurrence à partir du 1<sup>er</sup> <a href="https://www.ouest-france.fr/economie/entreprises/ratp-les-lignes-de-bus-ouvertes-la-concurrence-en-2025-en-ile-de-france-6284186">janvier 2025</a>. Mais la Présidente de région souhaite accélérer et généraliser la démarche pour l’ensemble du réseau.</p>
<p>Selon elle, la mise en concurrence devrait faire « baisser les coûts » et « augmenter la qualité de service ». Elle ajoute : « L’ouverture à la concurrence n’est pas la privatisation. Les lignes pourraient toujours être exploitées par la SNCF ou la RATP, mais elles seraient forcées d’améliorer leur offre pour être compétitives face à d’autres opérateurs, publics ou privés ».</p>
<p>Pourtant, au regard de l’expérience de nos voisins européens, la fin d’un monopole public du rail n’est ni gage d’une amélioration de service, ni d’une baisse des coûts.</p>
<h2>Les directives européennes</h2>
<p>Comme l’explique Valérie Pécresse, l’ouverture au marché d’un secteur consiste à mettre fin à une situation de monopole en permettant à de nouveaux opérateurs d’intégrer ce marché. Ce n’est pas une privatisation. L’État reste détenteur des capitaux de l’entreprise.</p>
<p>Cette politique est <a href="https://www.senat.fr/rap/r08-220/r08-2203.html">fortement encouragée</a> par l’Union européenne particulièrement sur le <a href="https://selectra.info/energie/guides/comprendre/liberalisation">marché de l’énergie</a> (électricité et gaz). Elle est souvent un préalable à la privatisation qui représente un transfert d’une partie, voire de la totalité du capital d’une entreprise du secteur public au secteur privé (<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/services-conseils/fdj-la-privatisation-est-lancee-1146346">Française des jeux</a>, en novembre 2019).</p>
<p>En Europe, la privatisation du rail s’est traduite par une augmentation des prix et une perte de la <a href="https://www.cepag.be/sites/default/files/publications/10-2014_-_europe_transports.pdf">moitié des effectifs</a>, et ce même dans les pays à forte productivité. En outre, la transition du secteur public au privé induit une <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2009-1-page-75.htm">précarisation de statut des cheminots</a>. Nous sommes donc bien loin d’une amélioration de service ou d’une baisse des coûts.</p>
<h2>En Grande-Bretagne et ailleurs</h2>
<p>En Grande-Bretagne, on a observé le développement du travail à temps partiel et donc des réductions importantes du salaire moyen. En Espagne, les négociations salariales ne sont plus régionales mais effectuées entreprise par entreprise et sont indicées sur le chiffre d’affaires. En Irlande, on a constaté une <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2009-1-page-75.htm">augmentation des heures supplémentaires</a> non rémunérées.</p>
<p>Chez nos voisins anglais, malgré des <a href="http://www.assorail.fr/actualites/rencontre-afra/lettre-no-12/donnees-ferroviaires-en-france-allemagne-et-en-grande-bretagne">augmentations</a> de fréquentation, les prix du billet sont <a href="https://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/british-rail-passengers-rpice-hike-train-fares-europe-income-southern-virgin-gwr-a7506711.html">six fois supérieurs</a> à la moyenne européenne pour un service de moindre qualité et ont bondi de 25 % (hors inflation) depuis 1995. Un usager britannique dépense en moyenne <a href="https://www.europe1.fr/economie/ouverture-du-rail-a-la-concurrence-ce-qui-attend-les-usagers-3585383">14 % de son salaire mensuel</a> dans les transports.</p>
<p>Les trains anglais demeurent les plus chers en Europe et cela malgré des <a href="https://dataportal.orr.gov.uk/statistics/finance/rail-investment-and-subsidies/">subventions importantes</a> de l’État anglais. Dans un sondage officiel, 60 % des Britanniques sont <a href="https://www.ouest-france.fr/europe/royaume-uni/les-britanniques-revent-de-renationaliser-les-trains-5833712">favorables à une renationalisation</a> des transports d’autant plus que cette opération permettrait une économie de plus d’1,5 milliard de Livres qui permettrait de réduire les tarifs de 18 %. En outre, la qualité du service s’est détériorée engendrant des retards considérables, des trains bondés et des accidents qui ont marqué la conscience collective (accident de Hatfield en 2000 avec un bilan de 4 morts et 70 blessés).</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/uA8rh0AP_-0?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Privatisation du rail : le cas britannique, l’exemple à ne pas suivre ? (France 24, avril 2018).</span></figcaption>
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<h2>Le constat allemand</h2>
<p>Le constat est plus spectaculaire en Allemagne. L’ouverture du rail à la concurrence remonte à 1994 et a engendré un coût social important avec des effectifs qui sont passés de <a href="https://www.lepoint.fr/economie/la-deutsche-bahn-un-modele-pour-la-sncf-02-03-2018-2199107_28.php">350000 à 220000</a>. La privatisation du rail reste cependant légère avec seulement 10 % des 33000 km, passés sous gestion privée.</p>
<p>De 2005 à 2016, les <a href="https://www.bundesnetzagentur.de/SharedDocs/Downloads/DE/Sachgebiete/Eisenbahn/Unternehmen_Institutionen/Veroeffentlichungen/Marktuntersuchungen/MarktuntersuchungEisenbahnen/MarktuntersuchungEisenbahn2017.pdf">tarifs moyens ont explosé de 40 %</a> pour les trains régionaux (environ 2,2 fois plus vite que l’inflation sur la période) et de 31 % pour les trains longue distance (environ 1,7 fois plus vite que l’inflation). La qualité du service s’est également détériorée avec notamment un train sur quatre en retard et des accidents de plus en plus nombreux.</p>
<p>Plus loin, le modèle japonais est très marqué par son efficacité et l’absence de retard mais avec un revers de la médaille : la cherté du service. Ainsi, il faut débourser plus de 200 euros pour un trajet de deux heures. C’est l’équivalent d’un aller-retour Paris-Lyon.</p>
<h2>Le coût de la privatisation</h2>
<p>Lors d’une privatisation, l’acquéreur privé intègre dans ses charges le coût du capital qui représente la rémunération qu’il doit verser aux actionnaires et aux agents qui l’ont financé. Ce coût supplémentaire est répercuté sur le prix de vente final et fait croître ainsi le prix payé par le client.</p>
<p>Fatalement, la privatisation conduit à une augmentation du prix pour les usagers. Seule une situation extrêmement concurrentielle pourrait amener une entreprise privée à réduire fortement ses coûts, ce qui la dissuaderait au final à investir dans l’activité.</p>
<p>En définitive, on comprend bien que la concurrence pure et parfaite développée par la théorie néoclassique, modèle économique qui vise une situation d’équilibre déterminant les quantités et les prix des biens, ne peut s’appliquer ici. En réalité, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/concurrence-pure-parfaite/00080761">« elle est plus rare encore qu’un train italien arrivant à l’heure »</a>. En effet, le marché des services publics s’efforce d’augmenter le bien-être collectif tout en évitant les pertes. Son objectif n’est pas le profit maximum mais la satisfaction maximale de la société, quitte à engendrer un déficit ne répondant pas aux principes de la concurrence. En tout état de cause, « la libéralisation ne conduit pas à une baisse des prix, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/liberalisation-services-publics/00032807">bien au contraire souvent</a> ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131976/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le 3 février 2020, Valérie Pécresse plaide en faveur de l’ouverture à la concurrence des réseaux de transports en Île-de-France. Mais est-ce un gage d’amélioration du service ?Eric Vernier, Directeur de la Chaire Commerce, Echanges & Risques internationaux - ISCID-CO, Université du Littoral Côte d'Opale, Chercheur au LEM (UMR CNRS 9221), Université de LilleL'Hocine Houanti, Associate professor, ExceliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1311872020-02-10T15:59:24Z2020-02-10T15:59:24ZBoeing 737 Max et Lac-Mégantic : les deux catastrophes étaient prévisibles<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314497/original/file-20200210-109887-184v6fj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C796%2C529&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur cette photo de mars 2019, des sauveteurs travaillent sur les lieux de l’écrasement d’un Boeing 737 Max d’Ethiopian Airlines au sud d’Addis-Abeba, en Éthiopie. La déréglementation a sa part de responsabilité dans les catastrophes dans les transports.
</span> <span class="attribution"><span class="source">AP Photo/Mulugeta Ayene</span></span></figcaption></figure><p>La chaîne publique CBC révélait récemment que le Canada <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/national/202002/03/01-5259384-le-canada-a-autorise-plus-de-160-vols-sans-passagers-du-boeing-737-max.php">a continué d’autoriser</a> le vol du Boeing 737 Max 8, sans passagers, même s’il était cloué au sol depuis près d’un an à la suite de deux accidents. </p>
<p>L<a href="https://www.lepoint.fr/monde/le-crash-du-boeing-737-max-de-lion-air-en-partie-lie-a-un-defaut-de-conception-selon-l-enquete-indonesienne-25-10-2019-2343513_24.php">’écrasement du Lion Air en Indonésie</a> en octobre 2018 et, cinq mois plus tard, de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1158887/ethiopie-donnes-boite-noires-lion-air-ceremonie-hommage-funerailles-victimes-ecrasement-boeing-737-max">l’Ethiopian Airlines à Addis-Abeba</a>, ont causé la mort de 346 personnes, <a href="https://lactualite.com/actualites/un-avion-dethiopian-airlines-secrase-18-canadiens-parmi-les-victimes/">dont 18 Canadiens</a>.</p>
<p>Il existe des similitudes troublantes entre le scandale du Boeing Max 8 et la <a href="https://thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/catastrophe-ferroviaire-lac-megantic">catastrophe ferroviaire de Lac-Mégantic</a> de juillet 2013. Les deux étaient prévisibles.</p>
<p>À Lac-Mégantic, un train chargé de pétrole de schiste provenant du gisement de Bakken, en Dakota du Nord, a foncé sur la petite communauté québécoise, tuant 47 personnes, faisant 26 orphelins, déversant six millions de litres de pétrole et incendiant le centre-ville. Il s’agit de la pire catastrophe industrielle survenue en sol canadien depuis un siècle.(réécrire c'est boiteux)</p>
<p>Ces deux tragédies sont la conséquence fatale de la déréglementation des industries aérospatiale et ferroviaire des dernières décennies. Les mesures de sécurité ont été systématiquement réduites au point qu’on se retrouvait dans une situation où il ne s’agissait plus de savoir si un accident allait survenir, mais quand. Dans les deux cas, les organismes de réglementation étaient captifs des industries dont ils étaient responsables. Un jeu de chaise musicale entre les cadres supérieurs — qui passaient de l’industrie aux organismes de réglementation, pour revenir ensuite à des postes lucratifs de lobbyistes pour l’industrie — a permis un processus de déréglementation.</p>
<p>Dans les deux cas, du personnel de rang inférieur s’est opposé à l’externalisation de la réglementation, mettant en garde contre une situation où le loup était le gardien de la bergerie. On les a <a href="https://www.nytimes.com/2019/03/26/us/politics/boeing-faa.html">ignorés ou réprimandés</a>.</p>
<h2>Pétrole par rail</h2>
<p>Pour ce qui est du transport ferroviaire canadien, la mise en place d’un régime de surveillance de la sécurité, appelé <a href="https://www.tc.gc.ca/fr/services/ferroviaire/exploitation-chemin-fer-federal/directives-systeme-gestion-securite-intention-industrie.html">système de gestion de la sécurité ou SGS,</a> a mené à l’autorégulation des entreprises, à un moment où la croissance exponentielle du transport du pétrole par rail engendrait une augmentation du risque. Le système a fait l’objet de multiples évaluations critiques, notamment par le vérificateur général du Canada, qui a conclu dans un <a href="https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_201311_07_f_38801.html">rapport de 2013</a> que :</p>
<blockquote>
<p>« Le niveau de surveillance du ministère est insuffisant pour obtenir l’assurance que les compagnies de chemin de fer de compétence fédérale ont mis en œuvre des SGS adéquats et efficaces. » </p>
</blockquote>
<p>Les organismes de réglementation, tant au Canada qu’aux États-Unis, ont subi d’importantes compressions budgétaires, <a href="https://www.seattletimes.com/business/boeing-aerospace/failed-certification-faa-missed-safety-issues-in-the-737-max-system-implicated-in-the-lion-air-crash/">des licenciements et un exode du personnel qualifié</a>, ce qui a affaibli leur capacité à évaluer de manière indépendante les pratiques des entreprises.</p>
<p>Dans les industries ferroviaire et aérospatiale, la sécurité a été de plus en plus subordonnée à la valeur actionnariale, les fonds d’investissement de Wall Street — axés sur les rendements à court terme — en étant venus à dominer le processus décisionnel des sociétés. Cette situation a été aggravée chez Boeing par la <a href="https://www.nytimes.com/2019/03/23/business/boeing-737-max-crash.html">pression concurrentielle d’Airbus</a>.</p>
<p>Les gouvernements canadien et américain ont tous deux mis en œuvre des politiques de réduction de la bureaucratie, qui ont forcé les organismes de réglementation à compenser chaque nouvelle réglementation proposée par la suppression d’au moins une (<a href="https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/presidential-executive-order-reducing-regulation-controlling-regulatory-costs/">de deux</a>) des mesures existantes aux États-Unis à cause du coût qu’elles représentent pour les entreprises. Cela engendre un affaiblissement de la sécurité.<a href="https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip">
</a></p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312946/original/file-20200130-41532-7h2zvc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Un Boeing 737 Max d’Air Canada en provenance de Toronto se prépare à atterrir à l’aéroport international de Vancouver à Richmond (Colombie-Britannique) en mars 2019. Les États-Unis et le Canada ont été les derniers pays à immobiliser ces avions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Darryl Dyck</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La cause principale de l’écrasement des Boeing est une défectuosité du logiciel de décrochage et des capteurs. Le manuel des pilotes du 737 Max 8 ne contenait aucune information concernant le nouveau logiciel parce qu’on a voulu convaincre (<a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/boeing-737-max-des-employes-le-qualifient-davion-construit-par-des-bouffons-supervises-par-des-singes-1359349">une grave erreur</a>) les compagnies aériennes que le nouvel avion ne nécessitait pas de formation coûteuse pour les pilotes.</p>
<p><a href="https://www.ledevoir.com/economie/560586/le-nouveau-chef-de-la-faa-examine-le-cas-du-boeing-737">L’administration de l’aviation civile américaine (FAA)</a> avait autorisé Boeing à certifier elle-même ses avions. Les ingénieurs de l’entreprise ont critiqué le logiciel, qui a été mis au point à l’étranger par des concepteurs inexpérimentés et mal payés. Selon un ingénieur de Boeing, le 737 Max 8 a été « <a href="https://fr.reuters.com/article/idFRKBN1Z912W">conçu par des clowns… qui ont été supervisés par des singes. </a>»</p>
<h2>La réduction des dépenses : une obsession</h2>
<p>À Lac-Mégantic, des failles dans les règles d’exploitation ont permis à Transports Canada d’autoriser la Montreal Maine and Atlantic — une entreprise obsédée par la réduction des dépenses, dont le <a href="https://www.thestar.com/news/canada/2013/07/10/lac_megantic_disaster_mma_railway_had_poor_safety_record_in_us.html">bilan en matière de sécurité était médiocre</a> et qui a depuis fait faillite — à faire fonctionner ses énormes trains remplis de pétrole par un seul opérateur.</p>
<p>Cet assouplissement a été accordé et soutenu énergiquement par le lobby des compagnies de chemins de fer face à l’opposition, qui comprenait le syndicat des inspecteurs, au sein de Transports Canada. En outre, <a href="https://www.tc.gc.ca/fr/services/ferroviaire/securite-ferroviaire-canada.html">Transports Canada</a> a ignoré les avertissements d’un rapport commandé au <a href="http://www.lorimer.ca/adults/Book/3067/The-LacM233gantic-Rail-Disaster.html">Conseil national de recherches</a>, où on insistait sur l’importance de prendre de nombreuses précautions de sécurité avant d’autoriser des équipes d’une personne.</p>
<p>Le Canadien Pacifique, responsable du transport de la cargaison volatile jusqu’à la raffinerie de pétrole Irving, a choisi de sous-traiter le contrat à la Montreal Maine and Atlantic, avec une voie ferrée passant par Lac-Mégantic, plutôt que d’opter pour une route plus sûre, mais moins rentable, en collaboration avec le Canadien National.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/312945/original/file-20200130-41554-1df3f3u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De la fumée et des flammes s’élèvent des wagons pleins de pétrole brut après qu’ils ont déraillé au centre-ville de Lac-Mégantic, au Québec, en juillet 2013.</span>
<span class="attribution"><span class="source">THE CANADIAN PRESS/Paul Chiasson</span></span>
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<p>À la suite des catastrophes de Boeing et de Lac-Mégantic, des dirigeants de l’industrie ont blâmé respectivement les pilotes et le chef de train. Dans les deux cas, les jeux étaient faits d’avance pour ces derniers et la catastrophe était inévitable.</p>
<h2>Enquête criminelle</h2>
<p>Le Canada et les États-Unis ont été <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1158182/etats-unis-boeing-737-max-sol-avions-ecrasement-ethiopian-airlines">les derniers pays à clouer au sol</a> le Boeing 737 Max 8. Aux États-Unis, on a lancé <a href="https://www.bnnbloomberg.ca/boeing-plane-certification-probe-began-before-second-crash-1.1230474">une enquête criminelle</a> sur le processus d’approbation de la FAA. Une <a href="https://www.cbc.ca/news/business/senate-boeing-muilenberg-testimony-1.5339200">enquête du Congrès</a> sur les écrasements est également en cours.</p>
<p>Malgré les demandes des familles des victimes, le gouvernement conservateur de Stephen Harper et, plus récemment, les libéraux de Justin Trudeau ont refusé à plusieurs reprises de mener une <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/201906/04/01-5228738-lac-megantic-autre-tentative-pour-tenir-une-enquete-publique.php">enquête indépendante</a> sur cette tragédie.</p>
<p>Transports Canada était tenu de revérifier la certification américaine de l’avion. L’organisme a-t-il fait preuve de diligence raisonnable, ou a-t-il simplement entériné la certification de la FAA ? Pourquoi n’a-t-il pas été informé de l’existence du système anti-décrochage du Max 8 ? Pourquoi n’a-t-il pas obtenu l’analyse des risques effectuée par les experts du ministère des Transports des États-Unis qui ont déterminé que le Max 8 était beaucoup plus à risque d’écrasement que les autres avions ?</p>
<p>Au Canada, des accusations criminelles ont été portées contre trois employés de première ligne pour la catastrophe de Lac-Mégantic; <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/justice-et-faits-divers/proces/201801/19/01-5150733-proces-lac-megantic-les-trois-accuses-declares-non-coupables.php">ils ont été acquittés</a>. Aucun dirigeant ou propriétaire d’entreprise n’a été accusé, malgré des preuves substantielles de criminalité institutionnelle. Aucun haut fonctionnaire ou politicien n’a été tenu responsable.</p>
<p>Deux enquêtes parlementaires sur la catastrophe de Lac-Mégantic avaient des mandats limités. L’enquête du Bureau de la sécurité des transports a laissé de nombreuses questions sans réponse, dont les plus importantes : Pourquoi manque-t-il dans <a href="https://www.tsb.gc.ca/fra/rapports-reports/rail/2013/r13d0054/r13d0054-r-es.html">le rapport final</a> six causes qui figuraient dans le rapport initial concernant la décision de permettre à une entreprise délinquante d’utiliser un équipage d’une seule personne ?</p>
<h2>Les familles ont droit à des réponses</h2>
<p>Après qu'un avion d’Ukraine Airlines ait été abattu en Iran, causant la mort de 57 citoyens canadiens, Trudeau a déclaré à juste titre :</p>
<blockquote>
<p>« Les familles des victimes veulent des réponses. Je veux des réponses. Elles veulent pouvoir tourner la page, elles veulent de la transparence, de l’imputabilité et de la justice. Nous n’aurons pas de répit tant que nous ne les aurons pas obtenues. »</p>
</blockquote>
<p>Les familles des victimes de Lac-Mégantic attendent que justice soit rendue, sept ans après la tragédie. Le Canadien Pacifique ne reconnaît toujours pas son rôle et sa responsabilité devant les tribunaux. Plus récemment, le CP a refusé <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/cp-rail-crash-call-investigation-1.5441955">d’enquêter sur son éventuelle négligence criminelle dans un déraillement</a> qui a causé la mort de trois de ses employés dans les Rocheuses, en février 2019. </p>
<p>Il est évident que les pratiques négligentes des entreprises et l’échec de la réglementation sont en partie responsables de ces catastrophes. L’affirmation du ministre des Transports Marc Garneau : « la sécurité est ma priorité absolue » ne signifie pas grand-chose si on ne l’accompagne pas d’actions gouvernementales concrètes. Sinon, il n’y a pas à douter que d’autres tragédies vont encore se produire.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131187/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ex-directeur exécutif du Centre canadien de politiques alternatives, Bruce Campbell a été co-chercheur ou collaborateur dans le cadre de plusieurs projets de recherche financés par le Conseil de recherche en Sciences humaines (CRSH) et plus récemment avec l'Université York, dans le cadre d'une recherche sur l'adaptation du travail et des lieux de travail aux changements climatiques, en collaboration avec Carla Lipsig-Mumme, chercheure principale. </span></em></p>Les tragédies de Boeing et de Lac-Mégantic résultent de la déréglementation. La sécurité a été réduite au point où il ne s’agissait plus de savoir si un accident allait survenir, mais quand.Bruce Campbell, Adjunct professor, Faculty of Environmental Studies, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1278582019-12-10T21:07:17Z2019-12-10T21:07:17ZQuelle confiance accorder aux assistants virtuels intelligents ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/305938/original/file-20191209-90574-x3j48w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C998%2C543&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Homme d'affaires sur fond flou bavardant avec rendu 3D de l'application de chatbot</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/businessman-on-blurred-background-chatting-chatbot-1067702951?studio=1">sdecoret/Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>On les appelle agents virtuels, assistants virtuels intelligents ou encore <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Chatbot">chatbots</a>. Mais globalement, ces agents conversationnels ont une seule et même fonction : ils vous accompagnent, vous guident, vous conseillent lorsque, sur un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Site_web">site web</a>, vous recherchez un train, un hôtel, un conseil financier ou toute autre sorte de produit.</p>
<h2>Les avatars de nos anciens conseillers et agents</h2>
<p>Ils ne sont généralement que les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Avatar">avatars</a> électroniques des conseillers que nous avions dans nos banques, nos agences de voyages, nos magasins de bricolage ou nos administrations. Ils prennent l’apparence d’agents incarnés, avec des caractéristiques humanoïdes plus ou moins marquées, allant du petit robot stylisé à des personnes aux forts caractères anthropomorphiques.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=752&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/304950/original/file-20191203-66994-c9m14g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=944&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Automated online assistant.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Automated_online_assistant.png">Wikipedia merchandise</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est difficile de savoir qui se trouve derrière ces avatars. Existe-t-il encore une analyse humaine de nos demandes, ou bien ces outils sont-ils totalement pilotés par des systèmes informatiques ? Cette précision est souvent omise, et même si l’on pose la question en début de conversation, les réponses sont, volontairement ou non, extrêmement ambiguës. C’est le fameux <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Test_de_Turing">test de Turing</a> : suis-je en train de m’entretenir avec une machine, ou avec un humain ?</p>
<p>Cette incertitude est somme toute acceptable, lorsque nos demandes n’attendent pas de réponse à caractère vital, ou quand elles n’ont pas de fortes conséquences économiques. Accepterait-on de converser avec un robot si l’on est dans une situation d’urgence médicale, avec un infarctus, un accident vasculaire cérébral, ou lors d’un incendie ? Et qu’en serait-il si la réponse pouvait énormément impacter notre vie, que ce soit à l’occasion d’un achat immobilier, d’un placement financier, d’un diagnostic médical ?</p>
<h2>Jusqu’à quel point leur faire confiance ?</h2>
<p>L’agent virtuel peut avoir l’apparence d’un humain, être souriant, patient et poli, lui confier notre vie ou notre avenir demande de dépasser une barrière psychologique, un pas que beaucoup ne semblent pas encore prêts à franchir aujourd’hui. Mais alors, où se situe le curseur ? Que sommes-nous en mesure d’accepter ? Suivre les conseils d’agents virtuels quand la décision n’est pas engageante ne pose pas de problème, c’est même souvent un « facilitateur » de tâche. Qu’en est-il quand votre existence risque d’être impactée à long terme ? Acheter une paire de chaussures sur Internet et signer un prêt sur 25 ans n’ont pas les mêmes conséquences, surtout en cas de problème.</p>
<p>Nous avons mené, au laboratoire <a href="http://perseus.univ-lorraine.fr">Perseus</a> de l’université de Lorraine Metz et spécialisé en psychologie ergonomique et sociale, une étude dont l’objectif était de cerner l’apport des assistants virtuels sur les sites Internet, d’évaluer la confiance que nous sommes prêts à leur accorder et la limite d’acceptabilité de ces technologies.</p>
<h2>Questions/réponses en vue d’un voyage</h2>
<p>« Bonjour ! Je suis Ouibot. Dites-moi où et quand vous souhaitez partir, je m’occupe du reste ! ». Tel est le message d’accueil de l’assistant virtuel mis en ligne depuis 2017 par la SNCF. Ce système n’a pas vocation à être un simple indicateur d’horaires. Il est en mesure de gérer toute la chaîne de réservation d’un billet de train. Notre équipe l’a donc testé en l’interrogeant.</p>
<p>« Je souhaite faire un trajet Metz-Vendôme demain ». Au passage, remarquons que le tutoiement prévalant au lancement de l’application a laissé place à un vouvoiement, plus en accord avec ce que nous étions en droit d’attendre, en tant que clients. L’assistant se montre plutôt réactif. Instantanément, une proposition regroupant plusieurs trajets est affichée. Seul problème : une dizaine de trajets sont proposés, pour Vendôme et Vendôme Villiers sur Loir, deux gares différentes. La demande était explicite, alors pourquoi de telles réponses ?</p>
<h2>Facilité et rapidité, les premiers critères ?</h2>
<p>Si l’usager souhaite faire ce trajet pour la première fois, il peut se contenter de ces réponses et ne s’occuper que de celles qui correspondent à sa demande, ou bien faire des recherches complémentaires sur l’autre gare. Mais un utilisateur faisant appel à ce service ne cherche-t-il pas précisément, si l’on en croit la phrase d’accroche de Ouibot, la facilité et la rapidité ?</p>
<p>La présentation du système indique qu’il s’occupe de « tout ». Pourtant ici, le client se trouve confronté au besoin de recherches complémentaires sur son trajet. De plus, si l’usager est un habitué du trajet, il lui est alors demandé de faire le tri parmi des propositions, ce qui va à l’encontre d’une solution rapide et efficace. Nous arrivons donc aux limites du système, si la destination demandée est plurielle. Essayons avec un autre trajet : Metz–Sainte-Marie (40 communes en France intègrent ce nom).</p>
<p>Ouibot semble choisir une destination, Ville-Oloron–Sainte-Marie, mais sur quels critères ? Qui plus est, Ville-Oloron–Sainte-Marie ne semble pas pouvoir être desservie par un train. Quelle confiance accorder aux résultats donnés par ces systèmes ? Un agent humain aurait sans doute demandé d’autres informations sur la destination. Peut-être n’existe-t-il pas en France de ville portant le nom de Sainte-Marie que l’on puisse rejoindre en train ? Peut-être un train n’est-il disponible que le jour suivant ? Comment savoir, à la vue des informations qui nous sont livrées ?</p>
<p>Même si les agents virtuels sont réactifs et disponibles 24h/24. Même s’ils ne sont jamais malades, et que leur humeur est constante, force est de constater que ces critères d’utilisation ne sont pas plébiscités par les utilisateurs – voire jamais. Dans l’étude menée à Perseus, sur un panel de 31 personnes interrogées, la curiosité et l’amusement arrivent loin devant les autres motivations de recours à l’agent virtuel. La qualité de la réponse et sa rapidité semblent n’être importantes que pour un utilisateur sur cinq. Et ces attitudes se confirment si l’on évalue les sentiments ressentis lors de la manipulation. En effet, l’amusement arrive loin devant (74 % des réponses), alors que la frustration et la satisfaction d’utilisation ne sont retenues qu’environ une fois sur trois.</p>
<h2>Un futur certain mais sous quelles conditions ?</h2>
<p>Les assistants virtuels intelligents, malgré l’hostilité et la réticence qu’ils peuvent provoquer dans l’imaginaire collectif, ne semblent pas être complètement à bannir de notre quotidien. Même s’il est difficile de se projeter dans un futur proche quant à leurs performances, les internautes ne désapprouvent pas totalement leur aide, tant qu’ils ne restent que de simples outils pour l’Homme.</p>
<p>Malgré le sentiment initial de méfiance que semblent ressentir les utilisateurs, il s’avère qu’après une période d’appropriation, leurs propos sont plus nuancés quant à ces outils, mais aussi dans la confiance qu’ils leur accordent. S’appuyer sur ces assistants virtuels pour faire une recherche de produits courants est semble-t-il acceptable. En revanche, les laisser choisir pour soi l’est beaucoup moins. Dès qu’il s’agit de santé, de famille, de vie ou de mort, on devient naturellement extrêmement méfiant. Et l’on préfère alors sans conteste l’expertise humaine à celle des systèmes informatiques, même s’ils sont qualifiés, à tort ou à tout le moins de manière abusive, de systèmes « intelligents ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/127858/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Agents virtuels, assistants virtuels, chatbots… si leurs noms varient leur usage se répand sur les sites web. Quelle confiance sommes-nous prêts à leur accorder ?Robin Vivian, Maitre de conférences, Université de LorraineMathilde Vosgiens, Etudiante en Ergonomie , Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1252772019-10-24T16:52:24Z2019-10-24T16:52:24ZUniversité et ville durable : quels liens ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/298555/original/file-20191024-170484-c6lxnf.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1327%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le roi inaugure l'université Mohammed VI.</span> <span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span></figcaption></figure><p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique « Universités et ville durable », sujet du colloque de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre 2019 à Dakar, avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.</em></p>
<hr>
<p>Par la nature de ses services, de ses objectifs et de son influence au sein de la société, l’université est censée jouer un rôle pionnier en termes de responsabilité sociale. Elle doit donc tout naturellement contribuer à la promotion de la ville durable.</p>
<p>Depuis des décennies, de nombreux changements structurels, que l’on décrit souvent comme le résultat de la mondialisation, de la société d’information, ou encore de l’essor du paradigme de la durabilité, transforment notre façon d’acquérir, de distribuer et de transformer le savoir. L’ensemble de ces mutations devrait, en principe, renforcer les liens entre l’université et ses territoires.</p>
<p>La grande transformation, aujourd’hui, est liée au rôle de l’<a href="https://www.cairn.info/revue-savoirs-2014-1-page-9.htm">économie de la connaissance</a>. Elle est devenue l’un des <a href="https://journals.openedition.org/emam/1316">objectifs majeurs affichés par les pouvoirs publics</a>, convaincus qu’elle représente une promesse de développement économique des territoires durables.</p>
<h2>L’université, un acteur majeur pour impulser les changements</h2>
<p>Les nouvelles formes organisationnelles composées des universités, des centres de recherche et de formation, des laboratoires, des entreprises et des organisations professionnelles génèrent une dynamique productive qui influence directement ou indirectement la qualité fonctionnelle de la ville durable.</p>
<p>Globalement, la relation entre université et territoire durable peut être appréhendée selon différents registres interdépendants et complémentaires :</p>
<ul>
<li><p>L’attractivité : comment la présence d’une université peut-elle avoir un impact positif sur l’attractive d’une ville ?</p></li>
<li><p>L’inscription dans son environnement : quel est le statut social, économique et politique dévolu à la fonction éducative dans ses rapports avec d’une part, les schèmes cognitifs et culturels de son époque et, d’autre part, le contexte urbain et territorial où cette fonction se déploie ?</p></li>
<li><p>L’urbanité : comment les nouvelles universités peuvent-elles être des ferments d’activités scientifiques et économiques et des germes d’urbanité et de civilité ?</p></li>
<li><p>La coopération : quelles formes des systèmes de coopération qui associent les acteurs universitaires et les acteurs territoriaux (coopération, méfiance…) ?</p></li>
</ul>
<p>Il va sans dire que l’utopie de la ville durable au sens large (productive, connectée, inclusive, planifiée et résiliente) ne peut être réalisée que dans la mesure où l’université joue pleinement son rôle.</p>
<p>Dès lors, la responsabilité sociale de l’université (RSU) confère aux établissements d’enseignement supérieur toute la légitimité nécessaire pour se positionner en tant qu’acteurs développeurs en matière de fabrication de la ville durable.</p>
<h2>La responsabilité sociale de l’université</h2>
<p>Les universités et leurs laboratoires de recherche jouent un rôle majeur dans de nombreux projets ayant des applications dans les énergies renouvelables, le stockage de l’énergie, les services et technologies innovants.</p>
<p>Les travaux de ces établissements donnent des résultats concrets en matière de mobilité durable, de protection de l’environnement, de création de nouveaux outils pour la transition énergétique et écologique, d’optimisation et d’intégration des infrastructures et des réseaux urbaines, etc.</p>
<p>Toutefois, la relation ville/université demeure conditionnée à un certain nombre de facteurs déterminants. Il s’agit, en l’occurrence, de l’autonomie des universités, de la régulation entre les acteurs (entre le niveau central et les niveaux locaux), de la volonté politique, de la concurrence entre les universités, mais aussi entre les territoires, etc.</p>
<p>Au niveau urbanistique, l’implantation des unités universitaires supérieures d’excellence structure l’espace. Il est donc logique que les outils de planification urbaine les intègrent dans le tissu urbain. Les universités doivent remplir non seulement une fonction de formation et d’enseignement, mais aussi se positionner comme facteur de développement social, économique et spatial.</p>
<p>L’espace universitaire, quelle que soit son importance, doit être considéré aujourd’hui comme un agent de production du sol urbain et de gestion urbaine. Les universités qui adoptent cette posture peuvent le faire à de multiples échelles de la ville, de l’échelle du bâtiment à celle de l’agglomération. Le tout s’opère dans un processus continu allant de la conception du projet à la gestion globale de la ville.</p>
<p>Dans ce cadre, l’espace universitaire peut servir d’élément phare d’un projet urbain partagé entre les différents acteurs de la ville. Cette inscription volontariste, comme parti d’aménagement, transforme l’univers universitaire en un espace public multidimensionnel où la mixité des fonctions urbaines prend le dessus.</p>
<h2>Le cas du Maroc</h2>
<p>Le secteur de l’enseignement supérieur au Maroc compte actuellement 12 universités composées de 129 établissements répartis sur 34 préfectures et provinces à travers le territoire du Royaume.</p>
<p>Récemment, le département de l’Enseignement supérieur a opté pour la révision de la carte universitaire, dans le cadre de la politique de proximité et de l’égalité des chances. Cette révision vise à créer un équilibre au niveau de l’offre universitaire entre les régions.</p>
<p>À titre d’exemple, la forte demande enregistrée au sein de la région de Casablanca-Settat a poussé les responsables du département de l’Enseignement supérieur à prévoir l’ouverture d’un établissement à Sidi Bennour ainsi que la création d’un Master en sciences du sport à Settat.</p>
<p>Le renforcement de l’offre concernera aussi la ville d’Agadir, avec l’ouverture d’une faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Aït-Melloul en vue de réduire la forte pression qui est exercée sur l’université d’Ibn Zohr et pour faire face aux contraintes de l’encadrement administratif et pédagogique.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=262&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297924/original/file-20191021-56224-ngeaqk.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=329&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Aït-Melloul, qui fait partie de de l’université Ibn Zohr d’Agadir, accueille 7 000 étudiants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://fsjes-cuam.uiz.ac.ma/">Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales à Aït-Melloul</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Par ailleurs, les établissements d’enseignement supérieur ainsi que les multiples instituts et centres de recherche sont impliqués dans les grands projets structurants du pays :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://afrique.latribune.fr/entreprises/services/tourisme-et-loisirs/2017-08-22/tourisme-le-maroc-ressuscite-son-plan-azur-avec-la-station-balneaire-lixus-747651.html">« Plan AZUR »</a> : plan de positionnement du tourisme au Maroc ;</p></li>
<li><p><a href="http://www.maroc.ma/fr/content/plan-maroc-vert">« Plan Maroc vert »</a> ayant pour objectif de faire entrer l’agriculture marocaine dans une nouvelle ère « industrielle » ;</p></li>
<li><p><a href="https://www.diplomatie.ma/Portals/12/index_test/localhost/diploslack/10.html">« Plan émergence »</a> : développement de nouveaux métiers de délocalisation d’offshoring ;</p></li>
<li><p><a href="http://www.2m.ma/fr/plan-maroc-numeric/">« Maroc numérique »</a> : projet de promotion des technologies de l’information en tant que vecteur de développement de l’économie ;</p></li>
<li><p><a href="https://www.afd.fr/fr/le-plus-grand-complexe-solaire-thermodynamique-des-pays-du-sud-ouarzazate">« Noor »</a> : projet d’un complexe d’énergie solaire à Ouarzazate.</p></li>
</ul>
<p>L’université prend également toute sa place dans les Plans de Développement Régional (PDR) mis en œuvre dans les différentes régions du Royaume. Institution de production et de diffusion du savoir, elle constitue un maillon important dans la chaîne de valeurs de la région et un levier pour le développement de son capital immatériel. Plusieurs chantiers des PDR impliquent l’université comme acteur de leur réussite.</p>
<p>On l’aura compris, l’université peut être considérée comme un outil de promotion de la qualité urbaine de la ville durable. Elle peut contribuer à l’amélioration de ses qualités fonctionnelles et constitue assurément un moyen de perfectionnement et de rehaussement du niveau intellectuel et culturel des citoyens.</p>
<p>La durabilité d’une ville dépend largement de la capacité d’adaptation de son système universitaire à son nouveau rôle de catalyseur et de diffuseur de nouvelles idées et de nouveaux savoirs. Ce système universitaire doit être inséré dans la réalité territoriale à l’échelle de la ville, de l’agglomération et de la région.</p>
<p>Confrontés à la reconfiguration territoriale, à la volonté d’autonomie des universités, à la mutation de la société apprenante et aux évolutions sociétales, les établissements d’enseignement supérieur doivent apprendre à travailler différemment.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte s’inscrit dans une série d’articles autour de la thématique <a href="https://www.colloqueannuel.auf.org/">« Universités et ville durable »</a>, sujet du colloque de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) qui se tient les 21 et 22 octobre à Dakar avec plus de cent cinquante acteurs francophones : établissements universitaires, représentants gouvernementaux, maires, et experts en urbanisme dans le monde francophone.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125277/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Par la nature de ses services, ses objectifs, sa mission et son influence dans la société, l’université est censée jouer un rôle pionnier et impulser les changements pour une ville durable.Mohammed Hanzaz, Professeur d'urbanisme, Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme de RabatAbdelfattah Rouchdi, Doctorant, Institut National d’Aménagement et d’Urbanisme de RabatLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1241222019-10-23T19:55:15Z2019-10-23T19:55:15ZÀ quelles conditions le covoiturage sera-t-il un mode de transport durable ?<p>Le Parlement examine actuellement le projet de <a href="https://www.journaldunet.com/mobilites/">loi d’orientation des mobilités</a>, dont l’un des grands axes est le développement <a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/lom_mesures_cles_2019_v2.pdf">des nouvelles solutions de mobilité</a>, et notamment du covoiturage.</p>
<p>En réduisant l’autosolisme – le fait de se déplacer seul dans sa voiture –, le partage de trajets est censé réduire le nombre de véhicules en circulation, et par conséquent la congestion, la pollution et les émissions de gaz à effet de serre. Il permettrait également de diminuer le budget déplacement des ménages – grâce au partage des frais entre covoitureurs – et fournirait enfin une solution de transport supplémentaire pour les individus non motorisés.</p>
<p>Alors que le covoiturage est aujourd’hui largement promu comme un mode de transport écologique, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652615003625?via%3Dihub">plusieurs études</a> ont alerté sur le risque de possibles <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Effet_rebond_(%C3%A9conomie)">« effets rebonds »</a> : c’est-à-dire des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0967070X11000461">changements de comportements</a> des individus liés au développement du covoiturage, qui <a href="https://journals.openedition.org/netcom/1905">atténueraient fortement</a> la réduction espérée du trafic automobile et des <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/docs/Temis/0084/Temis-0084251/22478.pdf">émissions de gaz</a> à effet de serre.</p>
<p>Quelles sont les mesures inscrites dans le projet de loi en faveur du covoiturage ? Quels sont les « effets rebonds » du covoiturage et à quelles conditions contribuera-t-il efficacement à la réduction des émissions fixée ?</p>
<p>Pour répondre à ces questions, nous nous appuyons sur deux travaux de recherche, l’un <a href="https://pastel.archives-ouvertes.fr/tel-02066266/">analysant les politiques publiques de covoiturage</a>, le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920918303201">second évaluant l’effet de plusieurs scénarios</a> de développement du covoiturage sur le trafic routier et les émissions de gaz à effet de serre associées en Île-de-France.</p>
<h2>Le covoiturage courte-distance, une pratique marginale</h2>
<p>Si l’on parle beaucoup du covoiturage dans les médias aujourd’hui, cette pratique est en réalité en décroissance <a href="https://escholarship.org/uc/item/7jx6z631">quasi continue depuis les années 1970</a>.</p>
<p>En France, le taux d’occupation des véhicules a ainsi baissé de 1,78 à 1,58 passager par véhicule en moyenne de 1990 à 2016, contribuant à la hausse du trafic routier, et donc de la consommation énergétique des voitures et des émissions de gaz à effet de serre associés. Le constat est encore plus marqué pour la mobilité du quotidien : aujourd’hui seuls <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/etude_nationale_covoiturage_courte_distance-leviers_action_et_benchmark.pdf">3 % des déplacements domicile-travail</a> sont réalisés en covoiturage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>La pratique du covoiturage au quotidien implique en effet des contraintes d’organisation et des pertes de temps (liées aux détours et possibles attentes pour récupérer les covoitureurs). Sur longue distance, ces contraintes sont contrebalancées par les gains financiers <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01745910/">liés au partage des frais</a>, contribuant au <a href="https://www.lejdd.fr/Economie/Entreprises/BlaBlaCar-un-succes-qui-s-exporte-778607">succès mondial du service BlaBlaCar</a>.</p>
<p>En revanche, la distance des déplacements du quotidien est en moyenne assez faible : en Île-de-France, 65 % de l’ensemble des déplacements sont inférieurs à 3 km, et seuls 14 % ont une portée supérieure à 10 km. Pour la voiture particulière, les distances réalisées sont en moyenne de l’ordre de 10 km, et seulement 12 % des déplacements automobiles ont une <a href="http://temis.documentation.developpement-durable.gouv.fr/document.html?id=Temis-0066670">portée supérieure à 16 km</a>, les économies réalisées grâce au covoiturage sur ces petits trajets ne viennent que rarement compenser les contraintes d’organisation et le temps de déplacement supplémentaire pour le conducteur (voire les passagers).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=422&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297325/original/file-20191016-98644-1e9aiza.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=530&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Consommation d’énergie liée aux voitures et facteurs d’évolution.</span>
<span class="attribution"><span class="source">CGDD, 2018</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Un forfait mobilité durable</h2>
<p><a href="https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/lom_mesures_cles_2019_v2.pdf">Le projet de loi d’orientation des mobilités</a> propose plusieurs mesures visant à subventionner financièrement les individus qui covoiturent, afin de réduire l’écart entre les contraintes et les gains financiers liés à la pratique.</p>
<p>Les autorités organisatrices de mobilité (AOM) seront désormais autorisées à subventionner les déplacements réalisés en covoiturage, à raison de deux trajets par jour et à un montant qu’elles sont libres de fixer. Les conducteurs pourront également être aidés sur les déplacements pour lesquels ils n’ont trouvé aucun passager. L’objectif est de les inciter à proposer systématiquement leurs sièges libres afin de créer une offre suffisante.</p>
<p>Par ailleurs, les entreprises auront la possibilité de verser un « forfait mobilités durables » à leurs employés réalisant leur déplacement domicile-travail en covoiturage ou à vélo, s’élevant à 400 euros par an, sans la moindre charge pour l’entreprise. Ce forfait pourra être cumulé avec le remboursement obligatoire d’une partie de l’abonnement de transports et des frais kilométriques en voiture. Ce qui permet aux usagers d’alterner selon les jours entre covoiturage et transports en commun, sans qu’ils aient à renoncer à l’une ou l’autre des aides à la mobilité.</p>
<p>On peut enfin noter que les collectivités seront autorisées à réserver des voies aux covoiturages à certaines heures, selon le niveau de congestion.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=468&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/297327/original/file-20191016-98644-c9y1zz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=588&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Réduction des émissions de CO₂ et effets rebonds dans le cas d’un scénario de covoiturage volontariste (hausse de 25 % du taux d’occupation moyen des véhicules en Île-de-France).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Viguié et Coulombel, à partir de Coulombel et al. (2019)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Le risque, plus de trafic et d’inégalités sociales</h2>
<p>Ces mesures en faveur du covoiturage entendent à la fois accroître l’offre de mobilité et réduire l’impact du trafic automobile sur l’environnement. Seulement, ces deux objectifs se heurtent à des tensions contradictoires, comme le révèlent des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920918303201">travaux de recherche</a> menés par le LVMT (Laboratoire Ville Mobilité Transport) et le CIRED (Centre International de Recherche sur l’Environnement et le Développement). Ils ont permis de modéliser l’impact du développement du covoiturage en Île-de-France sur les pratiques de mobilité, le trafic routier et les émissions de gaz à effet de serre associées.</p>
<p>Parce que le covoiturage réduit à la fois le coût (partage des frais) et le temps (via la baisse de la congestion) des déplacements en voiture, il génère divers « effets rebonds » atténuant fortement la baisse espérée de l’usage de la voiture. La modélisation met ainsi en évidence que le développement du covoiturage est susceptible d’entraîner un report modal depuis les transports collectifs et les modes doux (marche, vélo…) vers la voiture, ainsi qu’un allongement des distances parcourues en voiture. L’ampleur de ces effets rebonds est telle qu’ils atténueraient de 50 à 75 % les bénéfices environnementaux initialement attendus du développement de covoiturage (en termes de réduction des émissions de CO<sub>2</sub>), en grande partie à cause de ce report.</p>
<p>Par ailleurs, en réduisant le coût du déplacement en voiture, le covoiturage peut inciter les ménages, a fortiori les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0967070X17302871">moins aisés</a>, à résider plus loin des centres d’emploi pour pouvoir bénéficier de prix immobiliers plus faibles. En définitive, son développement pourrait ainsi renforcer les phénomènes d’étalement urbain et de périurbanisation, et par conséquent la dépendance automobile de <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2006-3-page-198.htm">ménages le plus souvent modestes</a>.</p>
<h2>Comment endiguer les effets rebonds ?</h2>
<p>Diverses mesures d’accompagnement peuvent être mises en place pour accroître l’efficacité des politiques de promotion du covoiturage en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Trois mesures d’accompagnement sont testées dans l’étude : l’amélioration de l’offre de transport en commun (à travers la mise en place du <a href="https://www.societedugrandparis.fr/">Grand Paris Express</a>), la réduction de la capacité routière et l’augmentation du coût d’usage de la voiture.</p>
<p>La modélisation révèle qu’accompagner des politiques de covoiturage par une amélioration de l’offre de transports en commun s’avérerait contreproductif du point de vue de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, les deux mesures se concurrençant l’une l’autre pour attirer des usagers. À l’inverse, une réduction de la capacité routière avec par exemple conversion de voies routières en voies dédiées aux transports en commun, aux voitures partagées ou aux modes doux présenterait des synergies fortes avec le covoiturage car elle limiterait les effets rebonds associés à la réduction de la congestion.</p>
<p>Cela est d’ailleurs envisagé dans les travaux de la consultation internationale <a href="http://www.routesdufutur-grandparis.fr/">« Routes du futur du Grand Paris »</a> sur le devenir des principales routes et autoroutes en Île-de-France, actuellement exposés au Pavillon de l’Arsenal. <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01328814/document">Renforcer les limitations de vitesse</a> constituerait une autre manière de limiter les effets rebonds en augmentant le coût (temporel) d’usage de l’automobile, sans toucher au budget des ménages.</p>
<p>Le covoiturage urbain ne pourra par conséquent se traduire par une baisse significative des émissions de CO<sub>2</sub> qu’à condition que des mesures d’accompagnement soient adoptées pour en limiter les effets rebonds. Ce n’est qu’à cette condition qu’il représenterait une réelle solution de mobilité durable.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124122/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicolas Coulombel a reçu des financements de la Chaire Vinci-ParisTech "Eco-conception des ensembles bâtis et des infrastructures". </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Teddy Delaunay receives funding from Région Île-de-France and as a freelance consultant from ECOV (carpooling startup). He is affiliated with CODATU as a project manager. </span></em></p>Le covoiturage contribuera à la baisse des émissions de CO₂ à certaines conditions seulement.Nicolas Coulombel, Chercheur en économie des transports, École des Ponts ParisTech (ENPC)Teddy Delaunay, Researcher in Urban Planning and Mobility Services , École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1254422019-10-21T20:10:56Z2019-10-21T20:10:56ZQuand la gare du Nord déchaîne les passions : décryptage d’une polémique<p>Depuis quelques semaines, un débat passionné se développe sur le futur des gares en France. Des voix de citoyens et d’élus s’élèvent contre le plan de transformation de la gare du Nord qui doit aboutir à une rénovation achevée à temps pour les Jeux olympiques de 2024. Ces opposants dénoncent un projet donnant trop de place aux commerces, et pas assez au transport. Tantôt défendue comme un « pôle d’échanges » ou bien comme un « lieu de vie », la gare oscille en fait entre deux conceptions : un « espace ferroviaire », ou, au contraire, un « espace urbain ».</p>
<p>Au-delà de simples prises de position, ces discours expriment en fait des visions politiques différentes sur la gare. Que deviendront les gares à horizon 2030 ? Ou plutôt : que voulons-nous qu’elles deviennent ?</p>
<h2>Vives oppositions</h2>
<p>Revenons d’abord sur les termes du débat. « Le projet de transformation de la gare du Nord est inacceptable », écrivent dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/03/le-projet-de-transformation-de-la-gare-du-nord-est-inacceptable_5505639_3232.html">tribune</a> publiée dans le « Monde », le 03 septembre dernier, un collectif d’architectes, d’urbanistes et d’historiens de l’art, dont Jean Nouvel et Roland Castro. Depuis, deux élus parisiens, l’adjoint à la maire de Paris chargé d’urbanisme, et la maire du 10<sup>e</sup> arrondissement, appellent « à revoir le projet de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/09/03/le-projet-de-transformation-de-la-gare-du-nord-est-inacceptable_5505639_3232.html">fond en comble</a> ».</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1169155087954075649"}"></div></p>
<p>En réponse, une tribune d’élus UDI et du groupe <a href="https://parisconstructif.fr/">Parisiens progressistes</a>, soulignent au contraire les vertus de « cette nouvelle politique qui a permis de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/09/arretons-la-mauvaise-polemique-de-la-gare-du-nord_6014868_3232.html">rénover en un temps record »</a> de nombreuses grandes gares situées à Paris ou dans les territoires.</p>
<p>Depuis, le jeudi 10 octobre, la commission nationale d’aménagement commercial (CNAC) a tranché : le <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2019/10/11/avis-favorable-pour-le-projet-de-renovation-de-la-gare-du-nord_6015070_3234.html">projet verra bien le jour</a>.La Ville de Paris, la région Ile-de-France, la SNCF, Ceetrus (ex-Immochan), ingénieurs, urbanistes, et collectifs de citoyens : chacun y met de sa graine, dans des débats relayés dans les grands médias nationaux comme le Monde, Le Point et Libération, pour ne citer qu’eux. Mais pourquoi les gares déchaînent-elles autant les passions ?</p>
<h2>Le financement, une question sous-jacente</h2>
<p>200 % : c’est le pourcentage d’augmentation de la surface de la gare du Nord à l’horizon 2025, dans une capitale déjà des plus denses d’Europe. Et ce n’est pas tout ! 500 % : c’est le pourcentage d’augmentation des surfaces commerciales et de services prévue dans cette même gare. Enfin, 600 millions d’euros : c’est le prix annoncé de ce chantier pharaonique. Et le tout, pour passer de 700 000 voyageurs par jour aujourd’hui à 900 000 à horizon 2030.</p>
<p>Dans les termes de la polémique citée, peu s’épanchent sur le modèle de financement de ces grands projets urbains. Pourtant, il est bien évidemment sous-jacent du débat, et il explique beaucoup des prises de position des uns et des autres. Dans le cas de la gare du Nord, ces 600 millions d’euros ne sont pas supportés par la collectivité mais au deux tiers par le promoteur immobilier Ceetrus (ex-Immochan), complété par la SNCF (branche Gares & Connexions).</p>
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<figcaption><span class="caption">« Le projet de rénovation de la gare du Nord sur les rails » (Reportage France 3 Paris Ile-de-France, juillet 2018).</span></figcaption>
</figure>
<p>Ceetrus, en supportant les coûts de rénovation, en tire l’exploitation des commerces qui va avec. Un commerce juteux, mais qui répond donc à la volonté chez SNCF de rénover de grandes gares en France, tout en ne répercutant pas le prix sur l’impôt, ou le prix du billet de train. Les gares se transforment donc déjà, et les surfaces commerciales semblent en être le prix. Et c’est là où se déploie la bataille entre la gare historiquement conçue comme un « espace ferroviaire », devenant peu à peu un « espace urbain ».</p>
<h2>Ouverture à la concurrence</h2>
<p>Un « espace ferroviaire », un pléonasme pour parler d’une gare ? Plus vraiment ! Cette expression renvoie à l’organisation de l’espace dans l’objectif d’optimiser la circulation des trains. Dans ce paradigme, plus les couloirs sont larges, les halls sont grands, plus les flux des voyageurs sont rapides de l’entrée au quai, mieux c’est.</p>
<p>Dans ce monde rêvé du transporteur, les espaces dédiés aux voyageurs sont vastes et nombreux pour acheter des billets, échanger, s’informer. Les voyageurs sont traités dans leur particularités : chacun a sa place, du passager senior aux familles, jusqu’au client business avec un « salon grand voyageur » le plus confortable possible. Même les jeunes enfants y sont présents, avec une grande aire de jeu gratuite disposée pour eux.</p>
<p>Même si TGV, avec sa <a href="https://www.laprovence.com/article/papier/5544174/la-sncf-deploie-son-tgv-inoui-pour-preparer-larrivee-de-la-concurrence.html">nouvelle politique Inoui</a> qui vise à proposer des offres haut de gamme pour se préparer à l’ouverture de la concurrence prévue en décembre 2020, aimerait bien que ce rêve devienne réalité, cela reste en grande partie des vœux pieux. La raison ? La nécessité, pour supporter la rénovation des grandes gares, de valoriser les mètres carrés de ses espaces, en cédant les concessions à des commerces bien plus juteux que les services SNCF, aussi diversifiés soient-ils… Et les redevances perçues par SNCF par ces concessions en gare sont aussi plus que les bienvenues ! Bref, une mise en concurrence des espaces en gare, déjà bien orchestrée au niveau européen.</p>
<p>La gare se dote ainsi de surfaces commerciales de plus en plus importantes et devient un « espace urbain », qu’on entend souvent déclinée par l’expression « lieu de vie ». Comprenez : ce qui n’est pas lié au train, mais aux loisirs. Et ce mouvement est quasi mécanique : plus la rénovation est importante, plus les surfaces commerciales vont se développer pour soutenir son financement.</p>
<h2>En gare : chacun sa route, chacun son chemin !</h2>
<p>Les discours politiques cherchent à y mettre un sens : la gare comme <a href="https://www.lemonde.fr/m-styles/article/2017/12/29/les-gares-veulent-devenir-des-espaces-a-vivre_5235748_4497319.html">« city booster »</a>, n’est-ce pas le titre du livre écrit par Patrick Ropert (alors directeur général de la branche SNCF Gares & Connexions), préfacé par le président de la SNCF Guillaume Pépy et… Anne Hidalgo, la maire de Paris ? On y lit que la gare y devient un « hub urbain ». Autrement dit, la rénovation serait une aubaine pour transformer le rôle de la gare dans la ville. C’est donc loin de concerner la seule Gare du Nord !</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1100103132644818946"}"></div></p>
<p>C’est précisément là que le bât blesse : malgré son design alléchant, le nouveau lieu de vie se heurte à l’espace ferroviaire. En effet, dans ce paradigme de l’espace urbain, les flux sont organisés, non plus (seulement) par une logique d’optimisation des flux, mais par les potentiels achats que pourront bien effectuer les voyageurs, ou simples badauds.</p>
<p>On remarque alors des grandes diversités d’aménagements dans les gares, selon le profil du voyageur. Par exemple, les boutiques devant lesquelles passe un voyageur Eurostar, ne sont clairement pas les mêmes qu’un usager du Transilien ou de RER B, et ce, au sein des murs de la même gare… À chacun son train, ses boutiques, et… ses trajectoires en gare. Chacun sa route, chacun son chemin ! Ce n’est plus l’optimisation des flux, ou le confort des voyageurs qui prime d’abord et avant tout, mais bien la politique de valorisation de ces espaces. Le drapeau rouge de la privatisation ne semble plus si loin.</p>
<p>Dans ce monde rêvé, un nouvel acteur a toute sa place : le « gestionnaire de site ». On le retrouve dans les espaces de transit comme une gare (Gares & Connexions), mais aussi un aéroport (Aéroports de Paris), ou une galerie commerciale (Unibail-Rodamco-Westfield). Les usagers de la gare ne sont plus forcément des voyageurs. Et tous ne se croisent pas forcément. Une image simple montre cette tension : un voyageur marche d’un pas alerte pour optimiser son trajet, alors qu’un client flâne devant les vitrines de la galerie commerciale.</p>
<h2>Le futur des gares : une question politique</h2>
<p>Deux acteurs, deux logiques, deux conceptions du futur des gares en France. Le modèle de rénovation des gares induit aujourd’hui nécessairement le développement des commerces. Que l’on soutienne cette évolution ou non, dans le paradigme actuel, la gare doit devenir un espace urbain pour rester un espace ferroviaire. Les pouvoirs publics peuvent difficilement imposer moins de commerces, quand ils ne sont pas les investisseurs du projet. Et la SNCF n’a pas la primauté non plus : la société commune pour porter le projet d’agrandissement et son exploitation commerciale est détenue <a href="https://www.garesetconnexions.sncf/fr/journaliste/sncf-ceetrus-presentent-structure-qui-va-transformer-gare-paris-nord">à 66 % par Ceetrus</a> et 34 % par SNCF Gares & Connexions.</p>
<p>Espace ferroviaire ou commercial ? Encore faudrait-il être plus clair sur qui décide. Reste alors à s’interroger plus franchement sur ce « besoin » de rénover les gares, et le modèle de financement de ces grands travaux… Comme l’affirme une (nouvelle !) tribune du même collectif d’opposition publiée le 17 octobre, « la vraie modernité, la vraie rupture n’est pas dans le <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/17/la-gare-du-nord-merite-le-meilleur-mais-ou-est-le-meilleur_6015833_3232.html">bourrage bétonné de mètres carrés rentables</a> ». Ce qui ressort de cette polémique est bien que le futur des gares est une question politique, et qui n’a pas fini de mobiliser.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/125442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Albane Grandazzi a reçu des financements de SNCF Voyages pour réaliser sa thèse de doctorat (2015-2018). </span></em></p>Espace ferroviaire ou commercial ? L’opposition entre ces deux visions explique le vif débat autour du projet pour la gare parisienne, qui doit faire peau neuve d’ici 2024.Albane Grandazzi, Chargée de recherche & d'enseignement, Grenoble École de Management (GEM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1192072019-06-24T20:58:35Z2019-06-24T20:58:35ZMythes et réalités autour des entreprises mondialisées<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/280511/original/file-20190620-149835-ihk8po.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C997%2C622&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'échec de la fusion Alstom-Siemens a révélé que l'objectif d'expansion internationale restait (à tort) une nécessité pour beaucoup de décideurs. </span> <span class="attribution"><span class="source">Leonid Andronov / Shutterstock </span></span></figcaption></figure><p>Le veto à la fusion entre Alstom et Siemens par l’Autorité européenne de la concurrence au début de l’année 2019 a suscité une vague de protestations dans les milieux économiques et politiques. Malgré les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tLdKZFNJEYc">explications</a> de la Commissaire européenne chargée de la concurrence, Margrethe Vestagen, le ministre français de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, a exprimé avec force <a href="https://www.cnbc.com/2019/02/10/le-maire-blasts-eu-decision-to-block-alstom-siemens-merger.html">son désaccord</a> avec cette décision, affirmant que les entreprises européennes doivent se renforcer sur la scène mondiale :</p>
<blockquote>
<p>« Regardons la réalité en face – nous sommes confrontés à un énorme défi avec l’essor de l’industrie chinoise. Qu’est-ce qu’on fait ? Devons-nous diviser les forces européennes, ou essayer de fusionner les forces européennes d’un point de vue industriel ? ».</p>
</blockquote>
<p>« Souvent, les entreprises européennes sont en concurrence à l’échelle mondiale avec des entreprises américaines ou asiatiques qui sont très fortes sur leurs marchés nationaux », a de son côté réagi Peter Altmaier, un proche allié d’Angela Merkel, dans une <a href="https://www.ft.com/content/6757ca9a-3048-11e9-8744-e7016697f225">interview</a>. « L’Europe doit donc aussi permettre aux entreprises d’exister et de devenir des acteurs mondiaux suffisamment grands pour être réellement compétitifs », a-t-il ajouté.</p>
<p>Être ou ne pas être mondial, telle serait donc la clé du succès, pourrait-on comprendre à la lecture de ces prises de position. Mais sommes-nous si sûrs que la mondialisation, et plus particulièrement la mondialisation des entreprises, est si répandue à travers le monde ? Ou est-ce plus dans les mots et les récits ? Un examen plus approfondi de la recherche sur les multinationales fournit une perspective plus ambiguë.</p>
<h2>Une perception incomplète de la mondialisation</h2>
<p>Dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/s41267-018-0192-2">éditorial</a> que j’ai écrit avec Alain Verbeke (Université de Calgary, Vrije Universiteit Brussel et University of Reading) et Tanja Matt (Technical University of Munich) dans le <em>Journal of International Business Studies</em>, nous explorons la question de la mondialisation des entreprises. Au niveau macroéconomique, le concept renvoie à la croissance des relations d’échanges entre un pays donné et tous les autres pays du monde, mesurées par les flux commerciaux et les investissements étrangers directs (IED), auxquels s’ajoutent les autres types d’échanges (capitaux, personnes, technologies, idées, pratiques institutionnelles efficaces).</p>
<p>Il est largement reconnu par les spécialistes de l’économie et de la gestion que la mondialisation est à l’origine d’avantages nets découlant d’une utilisation moindre des ressources par unité de production et de la diffusion internationale de meilleures pratiques industrielles, allant de systèmes comptables de haute qualité aux technologies brevetées. De plus, la mondialisation des flux d’information a considérablement amélioré la prise de conscience mondiale des grands défis tels que les impacts du changement climatique.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1093636941931864064"}"></div></p>
<p>Malheureusement, dans les récits populaires diffusés par de nombreux chefs d’entreprise et dirigeants politiques, la mondialisation des entreprises a été associée à de nombreux mécontentements – la plupart du temps dénués de faits solides mais motivés par des perceptions d’effets sociaux présumés et indésirables tels que la hausse des inégalités.</p>
<p>Le rôle de la mondialisation des entreprises a en effet été avant tout d’élargir l’accès géographique à des médicaments qui sauvent des vies comme les vaccins et à des services médicaux (contribuant ainsi à créer un bien public qui, en soutenant la surpopulation humaine, a contribué à la disparition de nombreux autres biens collectifs et au développement de plusieurs maux collectifs). Elle a également facilité la distribution de biens essentiels pour répondre aux besoins fondamentaux et la propagation de pratiques institutionnelles et de méthodes de gestion qui améliorent l’efficacité.</p>
<p>La plupart des retombées négatives des activités de commerce international, à l’exception de cas très visibles d’abus de position dominante sur le marché, ont été surtout engendrées par des institutions sociales inefficaces, censées réglementer les activités économiques mais n’y parvenant pas.</p>
<h2>Une question mal connue</h2>
<p>Les personnes qui critiquent la mondialisation au niveau macroéconomique ne peuvent généralement pas réfuter l’argument des avantages nets de la mondialisation (avec la réserve que des inégalités se matérialiseront également, exigeant des mesures politiques pour améliorer la justice distributive). Comme le personnage de Miguel de Cervantes dans L’ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, les critiques qui prétendent que les entreprises mondialisées sont une présence maligne dans les pays hôtes et se nourrissent de processus décisionnels malveillants sont, en fait, opposés à des ennemis en grande partie imaginaires. Ils attaquent des moulins à vent, qu’ils pensent être des géants féroces.</p>
<p>Il y a, cependant, un récit récent de démondialisation au niveau macroéconomique avec des retombées négatives au niveau de l’entreprise, comme l’observe un <a href="https://www.economist.com/briefing/2017/01/28/the-retreat-of-the-global-company">article publié dans The Economist</a> : avec la montée d’un « capitalisme plus fragmenté et provincial, et très probablement moins efficace (…) l’engouement pour les entreprises mondialisées sera considéré comme une période transitoire de l’histoire économique ».</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280509/original/file-20190620-149818-1l6fnkn.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les entreprises mondialisées s’apparentent aux moulins de Don Quichotte…</span>
<span class="attribution"><span class="source">BestPhotoStudio/Shutterstock</span></span>
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<p>Mais qui a, ou a jamais eu, une « passion déraisonnable » pour l’entreprise mondialisée ? Quelles sont exactement ces entreprises mondialisées, supposées être le résultat d’un processus d’expansion des entreprises ? Un examen plus approfondi de la réalité montre que les entreprises mondialisées à part entière étaient et sont toujours l’exception plutôt que la règle dans le commerce international.</p>
<p>Peu – voire aucune – des plus grandes entreprises du monde sont en mesure d’atteindre et de maintenir sur de plus longues périodes une répartition géographique globale et équilibrée de leurs activités et de leurs ventes. Dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1057/palgrave.jibs.8400073">article</a> publié il y a près de deux décennies, mais toujours largement valable, Alain Verbeke et Alan M. Rugman ont identifié seulement neuf « entreprises mondialisées » dans le classement <em>Fortune</em> Global 500, définies comme ayant une distribution équilibrée de leurs ventes dans le monde (c’est-à-dire ayant moins de 50 % de leurs ventes dans leur région de résidence et 20 % au moins dans chacune des deux régions hôtes de la triade constituée par les États-Unis, l’Europe et l’Asie).</p>
<h2>Quelques dizaines d’entreprises mondialisées</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.emeraldinsight.com/doi/abs/10.1108/MBR-04-2014-0015?fullSc=1">travail ultérieur</a> avec Chang Hoon Oh, Alan M. Rugman a confirmé la quasi-absence d’entreprises mondialisées dont les ventes et les actifs sont répartis uniformément dans le monde. Dans une évaluation plus récente des entreprises du <em>Fortune</em> Global 500, nous avons eu l’occasion de confirmer – encore une fois – que si le nombre d’entreprises mondialisées a augmenté, il reste une forte minorité (environ 30).</p>
<p>Il semble donc qu’il y ait un grand fossé entre les discours sur la mondialisation des entreprises et la réalité des activités des entreprises. Dans la plupart des cas, même pour les plus grandes entreprises, le niveau d’internationalisation pertinent n’est pas l’échelle mondiale mais régionale, comme le préconise Pankaj Ghemawat dans un <a href="https://ghemawat.com/books/3729/The%20New%20Global%20Road%20Map">livre récent</a>, entre autres. La permanence de ce fossé génère de nombreux mythes autour de la mondialisation, porteurs de grandes craintes et de nombreux raccourcis comme les arguments de Bruno Le Maire pour l’affaire Alstom-Siemens dans l’industrie ferroviaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/280510/original/file-20190620-149831-1i8h221.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">CRRC est une grande entreprise mais elle n’est pas forcément mondialisée…</span>
<span class="attribution"><span class="source">Testing/Shutterstock</span></span>
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<p>Dans ce secteur, il existe en effet une société chinoise (CRRC, ou <em>China Railway Rolling Stock Corporation</em>) de taille adéquate pour le marché chinois et faisant des affaires à la manière chinoise, mais presque uniquement en Chine. Et il y a aussi une grande entreprise américaine aux États-Unis (GE). Mais pouvons-nous si facilement déduire du cumul de marchés régionaux que nous avons un marché mondial ? C’est un raccourci dangereux pour le vrai consommateur européen, qui pourrait être la victime locale de ce mythe mondial !</p>
<p>Les mythes prospèrent souvent du fait qu’ils racontent des histoires convaincantes pour des problèmes non résolus. La meilleure façon d’y faire face est d’élaborer des études empiriques sur la mondialisation des entreprises, en s’appuyant sur des données adéquates au niveau de l’entreprise. Vous pouvez être assurés que ces études démontreront surtout la vulnérabilité, plutôt que la férocité, des quelques entreprises mondialisées, des quelques entreprises nées mondialisées et des quelques chaînes de valeur véritablement mondiales qui existent actuellement…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119207/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Regis Coeurderoy ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les multinationales dont les ventes et les actifs sont répartis uniformément dans le monde sont moins nombreuses et plus vulnérables qu’on ne le pense.Regis Coeurderoy, Professor in Strategic Management and Innovation , ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1112872019-02-13T00:15:36Z2019-02-13T00:15:36ZInfrastructures : comment combler les faiblesses africaines dans les négociations avec la Chine<p>« On ne négocie pas avec la Chine ! » Voilà les premières réponses des diplomates et fonctionnaires africains lorsqu’on les a interrogés dans le cadre d’un <a href="http://www.lse.ac.uk/international-relations/assets/documents/global-south-unit/WPS2.pdf">projet de recherche en cours</a> sur les pratiques de négociation avec la Chine quand il s’agit projets d’infrastructures. Il existe en effet une perception partagée selon laquelle les conditions imposées par les entreprises et banques de développement chinoises sont peu ou pas négociables, de peur que l’offre de financement n’aille ailleurs.</p>
<p>La Chine est actuellement le <a href="https://www.theeastafrican.co.ke/business/New-US-fund-to-rival-Chinese-push-into-Africa/2560-4840700-l6y8e4z/index.html">premier pourvoyeur</a> de financement d’infrastructures sur le continent – comme l’a encore illustré un récent engagement de <a href="http://www.xinhuanet.com/english/2018-09/03/c_137441596.htm">60 milliards de dollars</a> pris lors du Forum Chine-Afrique de septembre 2018. Les <a href="https://www.thebusinessyear.com/top-10-china-infrastructure-projects-in-africa-2018/focus">grands projets</a> prévus <a href="https://www.businessinsider.co.za/here-are-150-million-rand-projects-in-africa-funded-by-china-2018-9">comprennent</a> des centrales hydroélectriques en Angola et en Guinée, ou encore une raffinerie de pétrole au Nigeria et la construction d’une ville nouvelle en Égypte.</p>
<p>Pourtant, une observation de plus près sur le terrain révèle que certains gouvernements africains sont bien meilleurs que d’autres pour négocier avec les Chinois. Les projets de chemin de fer en Afrique de l’Est semblent en être un bon exemple : au Kenya, le <em>standard gauge railway</em> est le plus grand projet d’infrastructure depuis l’indépendance du pays en 1963. La China Eximbank <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-40171095">a fourni</a> la plus grande partie du financement sous forme de prêt de la Phase 1 (472 km de voie entre Nairobi et Mombasa) pour un coût de 3,2 milliards de dollars. Chez le voisin éthiopien, une ligne de train électrique plus moderne reliant Addis-Abeba à Djibouti, qui est <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-37562177">également financée par la Chine</a>, a ouvert il y a deux ans. Le coût de ce dernier est de 3,4 milliards de dollars (pour 756 kilomètres). Le gouvernement kenyan <a href="https://www.bbc.com/news/world-africa-40171095">défend</a> cette différence de coût par des critères techniques liés au terrain et à la nécessité de transporter des volumes de fret plus importants. Pourtant, des <a href="https://www.theeastafrican.co.ke/business/-Hidden-traps-in-Kenya-SGR-deal-with-China/2560-4933582-e9l1hjz/index.html">révélations récentes</a> confirment que des dysfonctionnements majeurs ont eu lieu en amont notamment dans le processus de négociation.</p>
<p>En apparence, les gouvernements africains semblent avoir une marge d’action limitée. Pourtant, ils peuvent <a href="https://www.routledge.com/New-Directions-in-AfricaChina-Studies/Alden-Large/p/book/9781138714670">apprendre les uns des autres</a>. Malgré des clauses contractuelles initiales très contraignantes, un contrat favorisant la création d’emplois (notamment pour les travailleurs qualifiés), le transfert de connaissances et de technologies, le respect des normes environnementales et de construction, et l’utilisation de matériaux de qualité, reste possible. Ceci dépend de quatre conditions :</p>
<h2>1. Éviter les négociations fragmentées</h2>
<p>Généralement, après des réunions bilatérales ou multilatérales sino-africains et les d’engagements financiers qui s’en suivent, des contractants chinois provinciaux ou nationaux, soutenus par la mission économique et commerciale chinoise et l’ambassade de Chine dans les pays africains, établissent des contacts initiaux avec le cabinet du premier ministre, les ministères stratégiques (notamment ceux des Affaires étrangères, des Finances, et de la Planification) et les ministères techniques (notamment ceux des Transports et travaux publics, de l’Agriculture, ou du Logement) à la recherche de projets d’infrastructures internes prioritaires.</p>
<p>Dans certains pays comme le Togo et le Cameroun, ces ministères clés prennent la tête des processus de négociation, tandis que d’autres, comme le Bénin et le Kenya, permettent aux ministères techniques de poursuivre des négociations décentralisées. Cependant, dans ce deuxième cas de figure, afin d’accélérer le processus, ministères techniques et contractants chinois (toujours appuyés par les représentants politiques et économiques sur place) peuvent être amenés à contourner ces ministères stratégiques et autres acteurs clés et à engager des <a href="http://www.lse.ac.uk/international-relations/assets/documents/global-south-unit/WPS2.pdf">cycles de négociations parallèles</a> et décentralisées, souvent sans expérience de négociation préalable avec les Chinois. En pratique, de tels accords peuvent être moins bénéfiques pour les pays africains et favorisent les pratiques de corruption. Une <a href="https://www.reuters.com/article/us-kenya-corruption-railway/kenya-arrests-two-top-officials-for-suspected-corruption-over-new-3-billion-railway-idUSKBN1KW07L">enquête pour corruption</a> a par exemple été ouverte dans le cadre du projet de chemin de fer au Kenya. Il est désormais avéré que ce contrat, très coûteux et peu avantageux, est également lié à des problèmes de coordination et de <a href="https://www.theeastafrican.co.ke/business/-Hidden-traps-in-Kenya-SGR-deal-with-China/2560-4933582-e9l1hjz/index.html">contournement d’acteurs clés</a> (Kenya Railways en particulier) pendant les négociations.</p>
<p>Lorsque tous les ministères concernés sont impliqués dans une négociation, cela peut en effet prendre plus de temps. Le processus est toutefois plus cohérent et le projet résultant moins susceptible d’enfreindre les réglementations nationales.</p>
<h2>2. Renforcer le pouvoir des négociateurs africains</h2>
<p>Deuxièmement, un résultat (dés)avantageux pour les gouvernements africains dépend des formes d’intervention du cabinet présidentiel au cours du processus de négociation. Souvent guidée par des motivations politiques et par la nécessité de respecter les promesses électorales, notamment en ce qui concerne la construction des infrastructures, la présidence peut être amenée à intervenir pendant le processus sous forme de pression sur les fonctionnaires. Cela aboutit généralement à un manque d’application de la réglementation nationale. Au Bénin, par exemple, lors de négociations sur l’axe interrégional routier Akassato-Bohicon en 2010, les entrepreneurs chinois mécontents de certaines conditions imposées par les fonctionnaires et experts du ministère des Travaux publics se sont plaints directement auprès du président Yayi Boni qui a accepté d’intervenir – aboutissant ainsi au contournement des réglementations nationales en matière de construction et d’emploi.</p>
<p>Pourtant, l’intervention présidentielle peut s’avérer utile lorsqu’elle consiste à fournir une expertise spécifique aux entités gouvernementales pendant les négociations. Au Bénin, sous l’actuelle présidence, au Togo, au Sénégal et en Tunisie, la présidence a été amenée à solliciter des cabinets d’avocats internationaux dont les experts disposaient d’une expérience professionnelle au sein de ministères stratégiques chinois tels que le ministère des Affaires étrangères, le ministère du Commerce et les banques de développement (dont la China Eximbank). Ces experts fournissaient ensuite des conseils techniques et judiciaires pour mieux comprendre le fonctionnement de ces institutions et leurs différents critères et conditions de prêt.</p>
<p>Une expertise supplémentaire peut donc avoir un impact à la table de négociation en faveur des gouvernements africains, si elle n’est pas ponctuelle, mais fait partie d’une stratégie institutionnalisée sur le long terme. En effet, la disparité des acteurs à la plupart des tables de négociation Afrique-Chine conduit à des styles de négociation différents. Les négociateurs africains sont en grande partie composés de chefs de division et de fonctionnaires dotés de compétences plus ou moins techniques, de ministres et parfois du président. Du côté chinois, la présence combinée de représentants d’ambassades, de missions économiques et commerciales, et de représentants d’entreprises publiques est un indicateur de cette double logique politico-économique où le marché et l’État négocient d’une seule voix pour l’optimisation des profits – aboutissant souvent à des tactiques de négociation agressives auxquels les négociateurs africains ne sont pas habitués.</p>
<p>Les négociateurs chinois adoptent souvent une approche à prendre ou à laisser. Pourtant les gouvernements africains n’intègrent pas suffisamment que la Chine dispose d’un <a href="https://www.press.uchicago.edu/ucp/books/book/chicago/S/bo22657847.html">surplus de matières premières</a>, et de construction, qu’ils cherchent à écouler. Ils ont donc besoin des marchés africains. Une autre technique de négociation serait de confronter plus régulièrement la Chine à d’autres pays comme la Turquie, les Émirats arabes unis et la Corée du Sud qui cherchent à financer des projets d’infrastructures sur le continent.</p>
<h2>3. Intégrer les préoccupations de la société civile</h2>
<p>Troisièmement, le succès des négociations dépend de la responsabilité des gouvernants vis-à-vis des préoccupations des populations et des sociétés civiles africaines. Malgré la <a href="http://afrobarometer.org/sites/default/files/publications/Dispatches/ab_r6_dispatchno122_perceptions_of_china_in_africa1.pdf">perception généralement positive</a> des Africains envers la Chine, tel que démontrée par une enquête Afrobarometer, effectuée sur 54 000 enquêtés dans 35 pays africains, une perception négative de la Chine en Afrique existe également.</p>
<p>Elle est due à la mauvaise qualité des produits chinois, au manque de transparence autour des contrats, à la perception croissante selon laquelle la présence chinoise en Afrique se traduit par une suppression d’emplois, ainsi qu’à la suspicion de corruption des élites africaines. Si les gouvernements africains ne tiennent pas compte de ces perceptions, les organisations de la société civile et les médias dénonceront à juste titre le favoritisme de leurs gouvernants envers la Chine, comme ce fut le cas au <a href="https://www.standardmedia.co.ke/business/article/2000229994/why-kenya-may-have-got-short-end-of-the-stick-in-sgr-locomotives-deal">Kenya</a>.</p>
<h2>4. Partager et accroître les connaissances</h2>
<p>Négocier avec la Chine est une pratique relativement nouvelle pour les gouvernements africains. Ils devraient saisir toutes les occasions pour effectuer un partage d’expérience et de bonnes pratiques. Un rôle existe également pour les universités africaines : malgré la présence d’instituts culturels et linguistiques mais aussi de l’<a href="https://qz.com/africa/1505985/uganda-schools-to-teach-chinese-lessons/">apprentissage</a> bientôt obligatoire du mandarin dès l’école primaire dans certains pays africains, le nombre de centres d’études asiatiques dans les universités africaines reste trop limité. Ils devraient créer plus de centres d’études asiatiques pour combler l’écart en matière d’information et de connaissances.</p>
<p>Certains ont <a href="https://www.cnbc.com/2018/04/25/africa-needs-to-know-what-it-wants-from-china-expert-says.html">fait valoir</a> par le passé que les gouvernements africains échouaient dans la négociation avec les Chinois parce qu’ils manquaient de stratégie. Ceci n’est que partiellement avéré : plusieurs gouvernements mettent en place des plans d’action et négocient des marges de manœuvre. Mais ce qui est requis est une approche plus coordonnée et cohérente – ce sur quoi la Chine a considérablement <a href="https://www.die-gdi.de/en/the-current-column/article/next-steps-for-chinas-new-development-agency-1/">avancé</a> de son côté. Pour les gouvernements africains, une absence d’accord reste en effet généralement préférable à un mauvais accord.</p>
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<p><em>Folashadé Soulé est senior research associate au programme de gouvernance économique globale de l’Université d’Oxford. Elle est docteure en science politique, mention relations internationales de Sciences Po Paris.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/111287/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Folashade Soule ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des pistes existent pour renforcer le pouvoir des négociateurs africains face à Pékin, principal pourvoyeur de financements sur le continent. Voici lesquelles.Folashade Soule, Senior Research Associate, University of OxfordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.