tag:theconversation.com,2011:/us/topics/uber-20153/articlesUber – The Conversation2023-12-05T16:57:22Ztag:theconversation.com,2011:article/2191372023-12-05T16:57:22Z2023-12-05T16:57:22ZGrève des livreurs Uber Eats : le dialogue social dans l'impasse ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/563297/original/file-20231204-21-ed3zwj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=21%2C19%2C1162%2C876&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les livreurs Uber Eats ont cessé le travail le premier week-end de décembre.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/harry_nl/49470038047">Flickr/Harry_nl</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis une dizaine d’années, les conditions de travail des livreurs des plates-formes font les gros titres des actualités françaises : conflictualité suite aux <a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/pedaler-plus-pour-gagner-moins-les-livreurs-deliveroo-protestent-contre-leur-precarite-746792.html">baisses successives des tarifications chez Deliveroo</a> depuis 2017, condamnations de <a href="https://actu.fr/ile-de-france/paris_75056/la-plateforme-de-livraison-take-eat-easy-jugee-a-paris-pour-travail-dissimule_54665351.html">Take Eat Easy</a> et <a href="https://www.radiofrance.fr/franceinter/travail-dissimule-la-plateforme-deliveroo-condamnee-a-verser-9-7-millions-d-euros-a-l-urssaf-4099330">Deliveroo</a> pour travail dissimulé. Dernière actualité en date, les livreurs Uber Eats se sont mobilisés le premier week-end de décembre, à l'appel du syndicat Union-Indépendants, des fédérations CGT Transports et SUD-Commerces, contre le nouveau système de rémunération dite dynamique lancé le 10 octobre dernier.</p>
<p>Ce système vise à introduire plus de variabilité dans la rémunération en fonction du temps et de la distance parcourue calculée par un algorithme, avec la promesse d’augmenter le revenu moyen, selon Uber Eats. Cependant, les livreurs et leurs représentants critiquent cette approche, constatant une diminution de leurs revenus et un changement unilatéral de leurs conditions de travail, sans consultation ni négociation.</p>
<h2>L’impasse de l’autorégulation</h2>
<p>Face à ces enjeux, comment améliorer les conditions de rémunération et de travail des livreurs des plates-formes ? Une proposition consisterait à encourager l’autorégulation des plates-formes, les incitant à prendre en compte les intérêts de toutes leurs parties prenantes, au-delà de la simple création de valeur pour les propriétaires d’entreprise.</p>
<p>Au-delà de l’augmentation des tarifs, l’autorégulation pourrait conduire à des conditions qui permettent de placer les individus en situation de développer leurs propres compétences. En rendant transparents les outils algorithmiques de gestion et en intégrant les travailleurs dans la gouvernance, cette autorégulation renforce leur poids dans la prise de décision sur les critères guidant leur travail.</p>
<p>En somme, l’autorégulation pourrait favoriser une conciliation entre les objectifs économiques des plates-formes et le bien-être des travailleurs, surtout pour celles mettant en avant un travail qualifié et un lien de confiance entre travailleurs et plate-forme, <a href="https://www.cairn.info/revue-rimhe-2021-2-page-27.htm">à l’instar des hôtes Airbnb</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1730474260605374883"}"></div></p>
<p>Cependant, ces approches d’autorégulation peinent à convaincre les plates-formes caractérisées par un travail peu qualifié et routinier, où les tâches peuvent être facilement parcellisées en microactions (aller au restaurant, récupérer la commande, se déplacer chez le client, livrer la commande, attendre une nouvelle mission, et retourner près des restaurants), surveillées à distance grâce à la géolocalisation et au prélèvement automatique de données smartphones.</p>
<p>Dans un marché où le principe du « <em>winner takes all</em> » (le gagnant rafle tout) prévaut, les entreprises oligopoles peuvent être tentées d’abuser de leur pouvoir, rendant l’autorégulation inefficace. Cette réalité a été mise en lumière lors d’une réunion interne le 21 novembre entre Uber Eats et les représentants internes des livreurs, où les revendications sur les rémunérations ont été ignorées.</p>
<p>Ce manque de réaction reflète une vision néo-taylorienne du travail, considérant les conflits comme le résultat d’une prétendue tendance à la paresse naturelle des travailleurs, lesquels refuseraient l’idéal méritocratique et le paiement à la juste valeur des efforts déployés dans l’accomplissement de leurs missions.</p>
<p>Aux yeux d’Uber Eats et de la <a href="https://www.federation-auto-entrepreneur.fr/presse/greve-livreurs-fnae-ne-soutiendra-mobilisation">Fédération nationale des autoentrepreneurs</a> (FNAE), la mobilisation des livreurs est vue comme illégitime. Face à cette résistance intraitable du travail réel, les plates-formes numériques nourrissent l’utopie du remplacement du travail humain par celui des machines, envisageant des <a href="https://siecledigital.fr/2023/04/21/uber-eats-lance-une-nouvelle-experimentation-de-livraison-autonome-dans-la-banlieue-de-washington/">voitures autonomes, drones ou robots</a> pour remplacer les livreurs. <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/en-attendant-les-robots-antonio-a-casilli/9782021401882">En attendant les robots</a>, prenons soin du présent…</p>
<h2>Le législateur face aux plates-formes</h2>
<p>Face aux plates-formes numériques peu enclines à améliorer les conditions de travail de leurs travailleurs, perçus comme indépendants et ayant la liberté de contracter ou de cumuler des activités, les autorités publiques à différents niveaux, qu’il s’agisse des régions (comme l’AB5 en Californie votée en 2019, remise en cause par la justice début 2023), des nations (comme la loi sur les « <em>riders</em> » en <a href="https://www.liberation.fr/economie/travailleurs-des-plateformes-en-espagne-le-grand-chamboule-tout-du-salariat-20211209_22MBH6KVBJH2NB6P5AQ3A4JDTE/">Espagne</a> obligeant la salarisation des livreurs depuis 2021) ou des instances supranationales, adoptent une approche de régulation du secteur.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1370314624441061379"}"></div></p>
<p>En Europe, un projet de directive européenne, <a href="https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/uber-heetch-deliveroo-que-prevoit-la-directive-europeenne-sur-les-travailleurs-des-plateformes/">proposé en décembre 2021, cherche</a> à instaurer une « présomption de salariat » avec cinq critères : la rémunération fixée par la plate-forme, le port d’uniforme obligatoire, l’interdiction de travailler pour d’autres entreprises, l’interdiction de refuser des missions, et des horaires fixés par la plate-forme avec supervision des prestations à distance.</p>
<p>Si au moins deux de ces critères sont présents, la plate-forme serait qualifiée d’« employeur » et soumise au code du travail national. Les eurodéputés doivent encore surmonter des divergences importantes, le texte final n’étant pas encore voté, et sa mise en application étant envisagée au mieux en 2025, voire plus tard.</p>
<p>Dans ce paysage régulateur, la France se démarque en cherchant à promouvoir le dialogue social entre travailleurs et plates-formes numériques, tout en rejetant le cadre salarial. Les élections professionnelles de l’Autorité des relations sociales des plates-formes d’emploi (ARPE), en mai 2022, ont ainsi constitué une expérimentation inédite. Cependant, cette initiative a été affaiblie par un taux de participation très bas des livreurs (de l’ordre de 1,83 %) et le refus de certains collectifs de participer à l’élection.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1526197567205392386"}"></div></p>
<p>De manière ironique, le dialogue social orchestré par l’ARPE a conduit à la conclusion d’un <a href="https://www.arpe.gouv.fr/wp-content/uploads/2023/07/Accord-garantie-minimale-revenus-les-livreurs.pdf">accord sectoriel en avril 2023</a>, établissant une garantie minimale de revenu horaire à 11,75 euros hors taxe, principalement sous l’impulsion de la FNAE.</p>
<p>Cet accord a suscité une vive controverse et une opposition, notamment de la part d’<a href="https://pbs.twimg.com/media/FvOc8ryWIAIC1_U">Unions-Indépendants</a>, car il garantissait une rémunération basée uniquement sur le temps actif de livraison, excluant le temps connecté et passé en attente de nouvelles commandes et en préparation par le restaurateur. Il s’est avéré que ce revenu minimal était inférieur à ce que percevaient déjà la majorité des livreurs avant la conclusion de l’accord.</p>
<h2>Heurs et malheurs du dialogue social</h2>
<p>Le mouvement de grève des livreurs Uber Eats du week-end dernier met clairement en évidence les limites de cette expérimentation du dialogue social. Les plates-formes dominantes utilisent en effet le dialogue social comme un moyen de légitimer leur modèle d’affaires en concluant des accords superficiels qui ne remettent pas en question leur mode de fonctionnement.</p>
<p>Ce dialogue social a également été entravé par le refus des grandes plates-formes d’ouvrir leurs algorithmes et d’engager des discussions à leur sujet. Dans le même temps, les plates-formes minoritaires, qui aspirent à adopter un modèle d’affaires respectueux des parties prenantes, en particulier des livreurs, se retrouvent invisibilisées.</p>
<p>Toutes ces difficultés font émerger un questionnement plus large : à l’heure où l’âge d’or des plates-formes semble derrière nous, il est impératif de réfléchir à la transition du modèle économique de ces plates-formes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219137/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Pour mieux protéger les travailleurs des plates-formes, la France vise, avec peu de succès pour l’instant, à renforcer le dialogue social. Le salariat ou l’autorégulation pourraient être des réponses.Sophia Galière, Maîtresse de conférences en sciences de gestion, Université Côte d’AzurPauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1998162023-02-28T18:14:36Z2023-02-28T18:14:36ZEntrepreneurs et autoentrepreneurs, la grande confusion<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/509794/original/file-20230213-24-a1ald3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C95%2C1962%2C1437&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
Depuis 2009, au moins la moitié des créations d'entreprises en France se font sous le statut de « microentreprise ».
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/harry_nl/49470038047">Flickr/École polytechnique</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Depuis les années 1970, la France a <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=GEN_095_0027">multiplié les politiques publiques</a> visant à favoriser l’entrepreneuriat pour stimuler la croissance. Ces deux dernières décennies, le nombre de créations annuelles d’entreprises a doublé, notamment sous l’effet de l’apparition du statut d’autoentrepreneur en 2009 (renommé « microentrepreneur » en 2017). Depuis, au moins la moitié des créations se font sous ce statut et aujourd’hui, un entrepreneur sur deux exerce sous ce régime. Le développement des plates-formes numériques <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-socio-economie-2020-2-page-175.htm">qui recourent à des sous-traitants au lieu de salariés</a>, comme Uber ou Deliveroo, a en effet accentué la tendance.</p>
<p><iframe id="SBz4x" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/SBz4x/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour autant, peut-on dire que tout travailleur indépendant sous le régime de l’autoentrepreneuriat est un entrepreneur ? Comme nous l’avons montré dans nos récents <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2017-3-p-57.htm">travaux</a>, certainement pas.</p>
<p>Le statut d’autoentrepreneur a été créé pour encourager l’entrepreneuriat en réduisant les formalités administratives et en proposant des facilités économiques (exemption de TVA et de faibles cotisations sociales). S’il est tout à fait adapté à des activités complémentaires ou occasionnelles (se posant ainsi en incitation à « l’entrepreneuriat hybride », c’est-à-dire au cumul entre un emploi salarié et une création d’entreprise), il semble <a href="https://www.cairn.info/revue-entreprendre-et-innover-2017-3-p-57.htm">important de rappeler</a> l’écart entre entrepreneur et autoentrepreneur dès lors qu’il s’agit d’une activité principale.</p>
<h2>Pas d’autres emplois à la clef</h2>
<p>Un entrepreneur a une volonté de croissance et devrait, à terme, créer des emplois et dynamiser l’économie de son territoire (si ce n’est de son pays). À l’inverse, la majorité des autoentrepreneurs, qui ne font que créer leur propre activité, ne peuvent pas ou ne veulent pas croître, n’auront pas d’employés et n’ont probablement qu’un effet limité sur le dynamisme économique local (notamment en raison de <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/1374690?sommaire=1374698">leurs faibles revenus</a>).</p>
<p>S’il s’agit bien de la création d’un emploi, il n’y en aura pas d’autres à la clef, c’est même implicite dans le nom originel du statut. Les « emplois » actuellement créés par les plates-formes (chauffeurs, livreurs, petits travaux, etc.) <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=F7haDwAAQBAJ">accentuent encore cet état de fait</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-culture-entrepreneuriale-est-elle-vraiment-plus-developpee-ailleurs-quen-france-195770">La culture entrepreneuriale est-elle vraiment plus développée ailleurs qu’en France ?</a>
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</em>
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<p>Au fil du temps, plusieurs modèles ont essayé de définir ce qu’est un entrepreneur. Traditionnellement, il a été défini comme une personne qui <a href="https://academic.oup.com/qje/article-abstract/79/3/373/1923759">porte une innovation</a>, qui <a href="https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-institutional-economics/article/frank-knight-uncertainty-and-knowledge-spillover-entrepreneurship/F300A918645A049FA78307C3FABE5865">assume le risque</a> de l’activité ou encore qui assure la <a href="https://www.taylorfrancis.com/books/mono/10.4324/9780203068489/social-economics-jean-baptiste-say-evelyn-forget">coordination d’une activité nouvelle</a>. Plus récemment, la recherche a proposé pour de compléter ce profil avec la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/088390269090023M">volonté de croissance</a>, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/104225879101500405">certains traits de personnalité</a> ou de l’analyser dans une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/pdf/10.1177/104225870102500404">perspective évolutionniste</a> (selon laquelle l’entrepreneuriat s’explique par la culture d’une société).</p>
<p>Or, il est facile de constater que le simple fait de travailler à son compte ne correspond aucunement à certaines de ces définitions, et seulement de manière partielle à d’autres :</p>
<p><iframe id="gbliG" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/gbliG/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Un travailleur indépendant n’a pas à être innovant ou orienté vers la croissance. Il peut parfaitement assurer sa subsistance en réalisant seul et de manière constante dans le temps une activité classique, qualifiée (artisanat d’art, graphisme, conseil aux entreprises, etc.) ou non (artisanat simple, services aux particuliers, taxi, etc.).</p>
<p>La réalité pratique et juridique va d’ailleurs en ce sens, puisque la majorité des aides financières à la création d’entreprise, notamment toutes celles à l’innovation, ne peuvent être obtenues sous statut d’autoentrepreneur.</p>
<p>Il est donc nécessaire de clarifier la différence entre entrepreneuriat et travail indépendant, de distinguer leurs effets, leurs intérêts et leurs difficultés, et de mettre en place des politiques publiques distinctes.</p>
<h2>Un besoin de mesures plus précises</h2>
<p>Que pouvons-nous faire pour cela ? Il est possible d’apporter des réponses en tant que chercheurs, décideurs publics ou même simples citoyens.</p>
<p>En tant que chercheurs, il semble nécessaire de distinguer dans nos travaux entrepreneurs et travailleurs indépendants (« self-employed »). Comment espérer influer sur les politiques publiques lorsque le champ académique lui-même n’est pas capable de dépasser ces limites conceptuelles ? Ce déficit de distinction conduit à survaloriser l’entrepreneuriat comme une <a href="https://www.cairn.info/revue-de-l-entrepreneuriat-2017-1-p-7.html">réponse « héroïque »</a> et viable aux difficultés rencontrées par certaines populations, en construisant des conclusions sur la prégnance du travail indépendant.</p>
<p>Or, si le travail indépendant constitue une réponse possible et viable au chômage, il a aussi d’importantes limites en termes de revenus, de sécurité et de capacité à démultiplier le gain économique. En l’état de la littérature, le champ de la recherche sur l’entrepreneuriat n’est aujourd’hui que peu capable de traiter les questions soulevées par le statut d’autoentrepreneur (contrairement par exemple à nos collègues sociologues, qui se sont saisis avec pertinence de ses ambiguïtés).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1215878610382475268"}"></div></p>
<p>Au niveau des décideurs publics, il semble nécessaire de mesurer de manière plus précise les résultats et les externalités des politiques publiques associées à l’entrepreneuriat. Cela passe par distinguer systématiquement création d’entreprise et création d’autoentreprises. De même, mesurer le niveau de vie à moyen terme des personnes ayant bénéficié d’aides à la création semble nécessaire. N’aurait-il pas été plus pertinent de les aider à trouver un emploi « classique » ? Est-il souhaitable de créer une classe de « faux entrepreneurs précaires » sous prétexte de faire baisser le taux de chômage ?</p>
<h2>Des services classiques, simples et locaux</h2>
<p>La récente réforme de l’assurance chômage va-t-elle pousser davantage de personnes <a href="https://theconversation.com/le-maintien-dans-lemploi-des-seniors-lenjeu-oublie-de-la-reforme-des-retraites-128960">notamment des seniors</a>, vers ces statuts précaires, peu rémunérateurs et peu créateurs de valeur pour le système économique ? De nouveaux questionnements et de nouveaux indicateurs sont nécessaires pour répondre à ces questions. Et ces indicateurs doivent aussi exister au niveau des organismes non gouvernementaux. Par exemple, aujourd’hui, l’OCDE mesure l’entrepreneuriat et l’emploi indépendant comme des synonymes.</p>
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<p>Enfin, en tant que citoyens, nous pouvons bien sûr réclamer une meilleure évaluation des politiques publiques liées à l’entrepreneuriat. Quel est le montant des fonds distribués par la BPI, pour combien d’emplois créés et à quel terme ? Quels sont les fonds réellement consacrés à l’accompagnement de travailleurs indépendants à l’activité potentiellement pérenne ? Doit-on subventionner des plates-formes pour qu’elles créent des autoentrepreneurs paupérisés ?</p>
<p>Il s’agit aussi de faire la part des choses : certes, le contexte médiatique sature l’opinion publique d’histoires d’entrepreneurs héroïques et multimilliardaires, ou encore de start-up disruptives et révolutionnaires. Mais l’immense majorité des travailleurs indépendants s’efforce tout simplement de fournir des services classiques, simples et locaux. Ces derniers méritent certainement davantage de considération.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199816/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Yves Ottmann travaille en tant que prestataire pour plusieurs entreprises de services aux travailleurs indépendants.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Andrés Davila Valdiviezo, Cindy Felio et Fernanda Arreola ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Les travailleurs des plates-formes numériques sont-ils des entrepreneurs comme les autres ?Jean-Yves Ottmann, Chercheur en sciences du travail, Université Paris Dauphine – PSLAndrés Davila Valdiviezo, Psychologue, chercheur en management, ESCE International Business SchoolCindy Felio, Psychologue, Chercheuse en Sciences de l’Information et de la Communication, Laboratoire MICA (EA 4426), Université Bordeaux MontaigneFernanda Arreola, Dean of Faculty & Research, ISC Paris Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1999202023-02-28T18:14:33Z2023-02-28T18:14:33ZConcilier ubérisation et souveraineté numérique, un défi de taille<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512689/original/file-20230228-24-s410ow.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C6%2C4256%2C2816&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La protection des données personnelles est une question essentielle pour les travailleurs ubérisés. </span> <span class="attribution"><span class="source">Pexels</span></span></figcaption></figure><p>Alors que le conflit entre les chauffeurs VTC et les plates-formes semble tourner en faveur des travailleurs, après de nombreuses années de combat social et juridique (succession des <a href="https://www.liberation.fr/economie/transports/a-lyon-uber-condamne-aux-prudhommes-a-requalifier-les-contrats-de-139-chauffeurs-20230120_FA7LIO62FBBCDNZ3IBS65FQVKU/">requalifications en contrat de travail</a>, vote de la <a href="https://www.mediapart.fr/journal/international/020223/au-parlement-europeen-uber-et-deliveroo-perdent-une-bataille">présomption de salariat par le Parlement européen</a>), un nouveau combat relatif à la protection des données émerge, autour de la sécurisation des données personnelles et de la protection des droits numériques.</p>
<p>Pour les travailleurs « ubérisés », ces questions sont peu abordées car les débats autour de la présomption de salariat et la requalification en contrat de travail dominent. Cependant, le travail sur les plates-formes impose de traiter cette matière qui relève aujourd’hui du code du travail et fait partie intégrante du combat juridique de ces travailleurs face à des plates-formes qui triomphent aux dépens du droit du travail. Car si ces entreprises imposent un statut indépendant à des travailleurs subordonnés, elles ne sauraient faire exception à la violation des droits sociaux en ce qui concerne la protection de la vie privée et des libertés individuelles.</p>
<h2>Un travail de régulation indispensable</h2>
<p>Le 20 décembre 2018, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) condamne Uber à <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/piratage-de-donnees-uber-mis-a-lamende-en-france-par-la-cnil-240511">400 000 euros d’amende</a> pour atteinte à la sécurisation des comptes des utilisateurs (clients et chauffeurs) en 2016, dont les données personnelles (nom, adresses mail, numéros de téléphone) avaient été piratées.</p>
<p>Cette sanction <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/cnil/id/CNILTEXT000037830841/">se justifie</a> par un « manque de précautions généralisé » étant donné que « le succès de l’attaque menée par les pirates a résulté d’un enchaînement de négligences ».</p>
<p>L’affaire <a href="https://www.clemi.fr/fr/ressources/nos-ressources-pedagogiques/ressources-pedagogiques/quand-les-donnees-personnelles-sechappent-laffaire-cambridge-analytica.html">Cambridge Analytica</a> a été, parmi d’autres facteurs, un accélérateur du travail de régulation effectué par l’UE, notamment à travers le <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees">Règlement général sur la protection des données</a> (RGPD) – un texte qui encadre le traitement des données personnelles dans l’UE – qui <a href="https://www.channelnews.fr/considere-comme-insuffisamment-efficace-le-rgpd-va-etre-corrige-122531#.Y_uTJ65hiWs.twitter">sera peut-être corrigé prochainement</a>. </p>
<p>La souveraineté numérique est intimement liée à la capacité des États à protéger les droits sociaux par la régulation politique. Or, le gouvernement actuel fait preuve d’une <a href="https://twitter.com/EmmanuelMacron/status/852561494810251264">vision de la souveraineté numérique</a> conforme à celle des GAFAM, sans investissements et accompagnements suffisants pour les entreprises. Or, un contexte politique favorable à l’ubérisation est sans doute moins résistant face aux géants du web et des dangers qu’ils représentent pour la démocratie.</p>
<p>Cette vision n’est ni avantageuse pour la French tech, qui dépend toujours des GAFAM, ni protectrice pour les travailleurs de plates-formes qui, du fait de la dérégulation autorisée au nom de la croissance et du travail, mènent leurs activités dans des conditions précaires. A contrario, une politique de souveraineté numérique forte peut prendre la forme, par exemple, du <a href="https://hal.science/hal-03418333">coopérativisme de plates-formes</a>, mouvement alternatif a l’ubérisation. Ce modèle démocratique de la propriété partagée et de la gouvernance participative permet aux travailleurs de devenir actionnaires et de prendre contrôle de leurs conditions de travail et toute autre décision liée à leurs droits du travail.</p>
<p>Les plaintes déposées par la <a href="https://www.bfmtv.com/economie/nouvelle-plainte-contre-uber-concernant-son-utilisation-des-donnees-personnelles_AD-202009290248.html">Ligue des droits de l’Homme</a> et <a href="https://www.tf1info.fr/justice-faits-divers/deconnexions-de-chauffeurs-une-plainte-visant-uber-deposee-devant-la-cnil-2189032.html">par des chauffeurs VTC</a>) contre Uber pour non-respect du RGPD se sont multipliées ces dernières années.</p>
<p>Entre attaques pour refus de transfert des <a href="https://www.liberation.fr/france/2020/06/12/la-ligue-des-droits-de-l-homme-depose-plainte-contre-uber-devant-la-cnil_1791034/?redirected=1">données aux chauffeurs</a>, <a href="https://www.leparisien.fr/economie/les-chauffeurs-uber-ne-veulent-pas-que-leurs-donnees-partent-aux-etats-unis-20-02-2021-8425680.php">exportation et commercialisation des données</a>, et <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2021/06/17/des-chauffeurs-bannis-d-uber-portent-plainte-contre-l-application_6084549_4408996.html">suspension automatisée</a>, Uber est confronté depuis plusieurs années à un contre-mouvement international organisé par plusieurs acteurs de la société civile (juristes, syndicats, députés, chercheurs, journalistes).</p>
<p>En réponse, la plate-forme semble céder à certaines de ces réclamations en autorisant, par exemple, l’accès aux données d’utilisation des VTC qui en font la demande. Cependant, en ce qui relève de l’article 49 (transfert des données hors UE sans consentement des intéressés), et de l’article 22 (décision fondée sur un traitement automatisé) du RGPD, la plate-forme résiste encore pour deux raisons : d’une part, le transfert des données des chauffeurs est crucial pour le développement de la voiture autonome et d’autres projets de la plate-forme, et d’autre part, son modèle organisationnel est incompatible avec le RGPD puisqu’il est totalement automatisé et recourt très peu à des interventions humaines, alors que l’article 22 du RGPD interdit précisément cette forme de management algorithmique.</p>
<h2>La régulation : combat social et choix politiques</h2>
<p>Le sol européen est confronté à deux visions contradictoires. D’une part, la vision libérale attire les investissements étrangers grâce aux pressions politiques comme en témoignent les <em>Uberfiles</em> sur <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/10/uber-files-revelations-sur-le-deal-secret-entre-uber-et-macron-a-bercy_6134202_4408996.html">l’implication d’Emmanuel Macron dans le développement d’Uber</a> et aux avantages fiscaux dans le cadre de l’accord entre l’administration fiscale néerlandaise et Uber, permettant à cette dernière de <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/13/uber-files-quand-les-pays-bas-aidaient-uber-a-freiner-un-controle-fiscal_6134619_4408996.html">payer moins d’impôts</a>.</p>
<p>D’autre part, la vision réglementaire traduit une longue tradition régulatrice du continent concrétisée par des textes comme le RGPD et la <a href="https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_21_6605">Directive européenne sur l’amélioration des conditions de travail des travailleurs des plates-formes</a> qui a contribué à l’adoption de la présomption de salariat par le parlement européen.</p>
<p>Si les deux visions adressent la question de la souveraineté numérique de l’Europe, les stratégies déployées pour y parvenir sont paradoxales. Tout en prônant la souveraineté numérique (par l’investissement dans la Frenchtech, le développement d’infrastructures nationales, etc.) Emmanuel Macron soutient le développement d’Uber, ou décerne la Légion d’honneur à Jeff Bezos.</p>
<p>La régulation politique représente un véritable travail de terrain, sans cesse menacé par le lobbying des plates-formes et par des politiques libérales sur fond de culte entrepreneurial, défendant volontiers l’hypothèse selon laquelle l’IA serait le vecteur de solutions à des problèmes sociaux profonds. <a href="https://www.youtube.com/watch?v=OPNx6sPqkkE">Selon Emmanuel Macron</a>, « Notre défaite collective, c’est que les quartiers aujourd’hui où Uber embauche (Uber comme d’autres), ce sont des quartiers où nous on ne sait rien leur offrir ».</p>
<p>Le combat des chauffeurs VTC prouve qu’une instance de régulation telle que la CNIL et qu’un texte de référence tel que le RGPD, ne peuvent être pleinement efficaces sans des initiatives citoyennes ambitieuses, informées et transnationales, et un positionnement politique et institutionnel plaçant le droit du travail au centre de la question de la souveraineté numérique.</p>
<p>La coopération transnationale entre les autorités de régulation est importante à ce titre, comme l’a illustré le travail des CNIL européennes pour le traitement de <a href="https://twitter.com/CNIL_en/status/935918586304040962">l’affaire du piratage des comptes chez Uber</a>. Mais elle reste insuffisante dans un paysage politique qui continue à défendre le modèle d’affaires des plates-formes sous de nouvelles formes, <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/12/04/uber-considere-les-travailleurs-comme-un-bricolage-temporaire-en-attendant-l-arrivee-des-voitures-autonomes_6152892_3232.html">comme le dispositif du dialogue social</a>, pour s’adapter aux pressions juridiques actuelles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199920/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Salma El Bourkadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Pour les travailleurs ubérisés, un nouveau combat relatif à la protection des données émerge, qui se heurte à de nombreux obstacles sociaux et politiques.Salma El Bourkadi, Docteure en Sciences de l'information et de la communication, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1985512023-01-26T18:10:24Z2023-01-26T18:10:24ZL’instabilité des revenus, une source de mal-être de plus en plus répandue<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506410/original/file-20230125-22-8la1n0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=46%2C40%2C3835%2C2543&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Uber, une entreprise emblématique de la _gig economy_.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:UBER_Eats_Delivery_Cyclist_Riding_Through_a_Busy_Oxford_Road_in_Manchester.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les entreprises de la <em>gig economy</em> (ou économie à la tâche) mettent régulièrement en avant la liberté dont jouissent leurs employés pour organiser leur emploi du temps comme l’une des principales raisons pour préserver le statut de travailleur indépendant (généralement des autoentrepreneurs en France). Le <a href="https://www.uber.com/us/en/u/flexibility/">site Internet d’Uber</a>, par exemple, recrute ses chauffeurs en valorisant la flexibilité que permet son application, le tout appuyé par des statistiques démontrant à quel point leurs chauffeurs tiennent à cette indépendance. D’autres acteurs comme les entreprises américaines de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">livraison</a> de nourriture <a href="https://dasher.doordash.com/en-us?source=dx_about_page&internal-referrer=legacy-signup">DoorDash</a> et <a href="https://www.instacart.com/company/shopper-community/10-items-or-less-the-importance-of-flexibility/">Instacart</a>, font appel aux mêmes arguments dans leur communication.</p>
<p>Il existe cependant un désagrément lié à cette flexibilité excessive, et celui-ci est rarement abordé : au lieu de recevoir un salaire horaire, les travailleurs indépendants sont rémunérés pour chaque tâche effectuée, sans garantie de salaire minimum. Sans <a href="https://theconversation.com/fr/topics/revenus-27531">revenus</a> garantis, ces travailleurs sont victimes d’une « volatilité de rémunération », c’est-à-dire que leurs revenus sont soumis à des fluctuations fréquentes.</p>
<p>Dans trois études récentes, je me suis intéressé à l’impact de la volatilité de rémunération sur la santé des travailleurs. Il en ressort que cette irrégularité et les difficultés à anticiper les rentrées d’argent futures constituent de véritables situations de mal-être.</p>
<h2>« Frustrant et déprimant »</h2>
<p>Dans ma première <a href="https://psycnet.apa.org/record/2023-22176-001">étude</a>, j’ai fait appel à 375 <em>gig workers</em> travaillant pour le Amazon Mechanical Turk (MTurk), une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plate-forme</a> web de production participative via laquelle les travailleurs effectuent des microtâches à faible valeur ajoutée (saisie informatique, etc.) en échange d’une rémunération. Comme ces travailleurs sont payés à des tarifs variables pour chacune des tâches qu’ils effectuent, ils subissent une instabilité dans leurs revenus. L’un des participants en témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Je peux gagner 80 dollars une journée, et peiner à atteindre 15 dollars le lendemain. C’est totalement imprévisible. »</p>
</blockquote>
<p>En partant du principe qu’une journée de travail comprend huit heures, cela revient à passer d’une rémunération horaire de 10 dollars un jour à 1,88 dollar le lendemain.</p>
<p>Mes conclusions ont montré que les travailleurs à la tâche qui rendaient compte d’une plus grande volatilité de salaire rapportaient également davantage de symptômes physiques tels que des maux de tête, de dos ou encore d’estomac. En effet, une plus grande instabilité dans les revenus engendre une grande anxiété à l’idée de ne pas arriver à boucler les fins de mois.</p>
<p>Un participant à l’étude a expliqué aimer travailler depuis son domicile et avoir le loisir d’organiser lui-même son emploi du temps, mais a aussitôt nuancé :</p>
<blockquote>
<p>« MTurk est tellement imprévisible en termes de revenus et de charge de travail que cela en devient frustrant et déprimant. »</p>
</blockquote>
<p>Si la problématique de la volatilité de salaire présente une pertinence évidente pour les travailleurs à la tâche, ils ne sont néanmoins pas les seuls à en être victimes. Les employés qui comptent sur les pourboires, comme les serveurs et serveuses, les barmen et barmaids, les voituriers ou encore les coiffeurs et coiffeuses, se confrontent eux aussi à une rémunération qui change constamment.</p>
<h2>Des revenus globalement inférieurs à la moyenne</h2>
<p>Dans le cadre d’une deuxième étude, j’ai interrogé chaque jour pendant deux semaines 85 employés qui travaillent aux États-Unis et qui reçoivent des pourboires dans le cadre de leur activité. Mes questions portaient sur leurs revenus et leur bien-être. Le graphique ci-dessous, qui détaille le montant des pourboires reçus chaque jour par l’un des participants, retranscrit bien la forte instabilité subie par certains employés.</p>
<p><iframe id="bmj4I" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/bmj4I/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Les résultats de l’étude indiquent par ailleurs que le fait de recevoir davantage de pourboires sur une journée n’entraîne pas nécessairement un meilleur ni un moins bon moral à l’issue de celle-ci. En revanche, une plus grande volatilité dans les pourboires sur les deux semaines de l’étude a engendré un plus grand nombre de symptômes physiques et davantage d’insomnies.</p>
<p>Une chose que les travailleurs à la tâche et ceux qui comptent sur les pourboires ont en commun est qu’ils perçoivent des revenus inférieurs à la moyenne. Si l’on peut dire que la volatilité de salaire n’est sans doute pas nocive en tant que telle, elle le devient lorsqu’elle est associée à une faible rémunération.</p>
<h2>La méditation ne sert pas à grand-chose</h2>
<p>Toutefois, on retrouve des tendances similaires dans ma troisième étude menée cette fois-ci auprès de 252 salariés occupant des postes à haute rémunération dans les domaines de la vente, de la finance et du marketing aux États-Unis. Commissions et bonus sont monnaie courante dans ces secteurs d’activité : ces travailleurs expérimentent donc eux aussi une volatilité dans leurs rémunérations, bien que celles-ci soient plus élevées.</p>
<p>Si les effets ne sont pas aussi prononcés parmi cette catégorie de travailleurs, j’ai tout de même observé le même schéma : les personnes confrontées à une plus grande instabilité dans leurs revenus sont aussi celles qui rapportent davantage de symptômes physiques et une moins bonne qualité de sommeil.</p>
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<p>J’ai également étudié la façon dont les travailleurs peuvent se protéger des effets néfastes de la volatilité de rémunération. La pleine conscience, par exemple, fait référence à la capacité d’un individu à se concentrer sur le moment présent, sans se soucier de l’avenir et sans penser au passé. Bien que les personnes capables d’adopter cet état aient tendance à faire preuve de <a href="https://www.nytimes.com/guides/well/be-more-mindful-at-work">résilience</a> face au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/stress-20136">stress</a>, elles se révèlent dans mon étude tout autant affectées par l’instabilité de leurs revenus.</p>
<p>Ces résultats montrent que la volatilité de rémunération présente les mêmes effets néfastes chez la plupart des individus. Le seul facteur qui réduit véritablement les effets observés de ce phénomène est le degré de dépendance d’un individu à des sources de revenus volatiles. Lorsque la part de revenus instables représente un pourcentage moindre du revenu global d’un individu, la volatilité de rémunération ne semble pas influer sur sa santé ou son sommeil.</p>
<h2>Coûts cachés</h2>
<p>Dès lors, que faire, alors ? Tout d’abord, le législateur se doit de prendre en considération les avantages mais aussi les inconvénients de ces nouveaux modes de travail. Les entreprises de la <em>gig</em> <em>economy</em> savent parfaitement mettre en lumière les avantages du statut de travailleur indépendant ; cependant, il comporte également des coûts cachés, qui ne reçoivent pas la même attention.</p>
<p>Comme l’a expliqué l’un des participants à mon étude :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’existe pas de garde-fou qui garantisse aux travailleurs indépendants un revenu juste pour une tâche donnée. Or, vous vous en doutez, la question de la rémunération constitue la principale source de stress, d’angoisse et d’incertitude dans le travail. »</p>
</blockquote>
<p>Garantir une meilleure protection juridique aux travailleurs indépendants peut contribuer à instaurer ces garde-fous. En parallèle, les entreprises pourraient trouver un équilibre en réduisant la dépendance des travailleurs à des modes de rémunération volatils, en choisissant plutôt de leur proposer un salaire de base plus important. Selon les conclusions de mes études, cette stratégie devrait en effet affaiblir le lien de causalité entre volatilité de la rémunération et bien-être des travailleurs.</p>
<p>En résumé, il est clair que si les modes de travail rendus populaires par la <em>gig economy</em> présentent des avantages, nous devons également prendre en compte les coûts cachés et œuvrer à améliorer les conditions de travail de cette portion importante de la population.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gordon M. Sayre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une série d’études montre que l’irrégularité des rentrées d’argent détériore le bien-être au travail aussi bien chez les auto-entrepreneurs des plates-formes que parmi les postes à responsabilité.Gordon M. Sayre, Assistant Professor of Organizational Behavior, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1951642022-12-06T19:02:17Z2022-12-06T19:02:17ZPlus ubérisé qu’Uber ? le microtravail numérique dans l’angle mort du droit<p>Vous connaissiez le <em>crowdfunding</em>, manière participative de financer un projet ? Place maintenant au <em>crowdworking</em>. Ces nouvelles formes de travail effectuées par « la foule », via un intermédiaire numérique, connaissent un essor certain mais se révèlent néanmoins être un phénomène difficile à évaluer.</p>
<p>Il repose sur des modèles plus flous encore qu’Uber ou Deliveroo : c’est par exemple <a href="https://www.wirk.io/intelligence-collective/">Wirk.io</a> ou <a href="https://www.malt.fr/">Malt</a>, qui font appel à des contributeurs volontaires, les contrôlent et les évaluent, pour aider des entreprises à être plus productives ; ce sont des sites tels que <a href="https://annuaire.cash/fiche/cashpirate/">CashPirate</a>, <a href="https://featurepoints.com/">FeaturePoints</a> ou <a href="https://www.winminute.com/">WinMinute</a> qui réalisent des sondages où les interrogés sont rémunérés.</p>
<p>Ce sont encore des plates-formes ou des applications proposant des microtâches, la plus connue étant Amazon Mechanical Turk, le « Turc mécanique d’Amazon » qui a donné lieu à la dénomination de <a href="https://www.lesechos.fr/2016/09/les-tacherons-de-lere-numerique-229868">« tâcherons du numérique »</a> pour désigner ceux qui effectuent les missions. Les équivalents français développent aussi un lexique dédié bien identifiable pour nommer leurs microtravailleurs : <a href="https://www.foulefactory.com/">« fouleurs »</a>, <a href="https://bemyeye.com/fr/earn-money/">« eyes »</a>, ou autres <a href="http://tv.clicandwalk.com/">« clicwalkers »</a> ont trouvé place dans les langages.</p>
<p>Ce microtravail numérique s’appuie sur des formes de <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a> qui bousculent le statut de salarié, la protection qui lui est liée et l’application de la réglementation sociale et fiscale. Les plates-formes classiques reposent sur du travail visible et officiellement indépendant : les chauffeurs Uber ou les livreurs Deliveroo sont inscrits en tant qu’autoentrepreneurs au registre du commerce.</p>
<p>Les microtravailleurs, eux, n’ont aucun statut et sont invisibilisés. Il suffit de s’inscrire sur la plate-forme en ligne ou de télécharger l’application, d’être ainsi réputé accepter les conditions générales d’utilisation et la relation contractuelle est formée.</p>
<p>En <a href="https://theconversation.com/fr/topics/droit-21145">droit</a>, c’est ce que l’on pourrait appeler un <a href="https://web.lexisnexis.fr/newsletters/avocats/10_2016/dossier5.pdf">« contrat d’adhésion »</a>. Contrat non négociable entre un professionnel et un particulier, à accepter dans sa globalité sans possibilité de le négocier, il se rencontre en droit de la consommation et entraîne l’application de mesures protectrices de la partie « faible », à savoir le consommateur, contre des clauses qui pourraient être abusives. Ici, ces relations, invisibles, restent pour l’instant dans l’angle mort de plusieurs branches du droit, celle du travail, de la consommation et même du droit civil classique.</p>
<h2>Un embryon de droits</h2>
<p>Selon les études disponibles, le « salaire » horaire moyen au niveau mondial via ces plates-formes est de <a href="https://www.ilo.org/global/publications/books/WCMS_721011/lang--fr/index.htm">2 euros de l’heure</a>, en violation des conditions minimales d’un travail décent. Mais bien difficile de faire appliquer le droit : face à l’invisibilité du microtravail numérique, il semble impossible de mobiliser les critères d’analyse traditionnels du travail salarié.</p>
<p>Quelles solutions juridiques alors ? Pour les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/plates-formes-31157">plates-formes</a> classiques, de livraison et de transport, un embryon de droits existe. En 2016, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/section_lc/LEGITEXT000006072050/LEGISCTA000033013020/2016-08-10/">loi El Khomri</a> a prévu le respect de quelques obligations au bénéfice de leurs travailleurs qui ont un statut juridique d’indépendant. Ils ont également droit à une sorte de <a href="https://www.actu-juridique.fr/social/une-representation-collective-des-travailleurs-des-plateformes-numeriques-a-peine-ebauchee/">représentation collective</a> depuis 2021.</p>
<p>Les juges, eux, ont la possibilité de procéder à une requalification de ces relations contractuelles en relations de travail salarié. C’est ce qu’a fait la Cour de cassation avec <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037787075/">Take It Easy</a> ou <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042025162?isSuggest=true">Uber</a>. Cette reconnaissance a posteriori de la qualité de salarié du travailleur ubérisé est toujours envisageable et entraîne donc l’application du droit du travail.</p>
<p>Mais ce qui vaut pour les plates-formes de type Uber ou Deliveroo, vaut-il pour celles de microtâches ?</p>
<h2>Un statut juridique en question</h2>
<p>Pour l’instant, la réponse est non. Et une décision judiciaire récente montre que les réponses du droit restent aujourd’hui limitées et inadaptées.</p>
<p>Une affaire contentieuse mettant en cause une application de microtravail numérique, Clic & Walk, start-up lilloise, pour délit de travail dissimulé a donné lieu en avril 2022 à une première décision de la <a href="https://www.courdecassation.fr/decision/624bdb60b47c2015fe6b7828">chambre criminelle de la Cour de cassation</a>. Revenons sur cette affaire.</p>
<p>Click & Walk offre à des entreprises la possibilité de collecter des données sur leur clientèle et de bénéficier d’études de marché. Celles-ci proviennent de particuliers, les « clickwalkers » qui téléchargent librement l’application et effectuent des évaluations ou des missions en échange de quelques euros. Pour les juges, on ne retrouvait pas là les éléments caractéristiques d’un contrat de travail salarié que la jurisprudence a fait émerger : un travail réel, une rémunération et un lien de subordination.</p>
<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Ce dernier a été défini en 1996 par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007035180/">Cour de cassation</a>, comme un « pouvoir pour l’employeur de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné ». Les juges ne l’ont pas observé en l’espèce.</p>
<p>Les <em>clickwalkers</em> sont, arguent-ils, « libres d’accepter ou non les missions disponibles sur l’application et de les abandonner » et « de gérer leur temps comme ils l’entendent ». Le contrôle n’interviendrait qu’après l’exécution de la tâche et non pendant ; la sanction est, elle, uniquement une non-rémunération, conséquence de la non-exécution d’un contrat souscrit volontairement.</p>
<p>Par ailleurs, ces « missions » effectuées par des consommateurs, recrutés pour leur profil et non pour leurs qualifications professionnelles, ne seraient pas des prestations de travail. Pour ces raisons, la Cour de cassation estime que les microtravailleurs ne sont pas des salariés : ainsi, pour les juges, Clic & Walk n’est-elle pas coupable du délit de travail dissimulé.</p>
<p>Une décision critiquable de notre point de vue, car ces tâches semblent avoir tout d’une réelle activité de travail. La possibilité de substituer des vacataires rémunérés voire des sondeurs et la valorisation économique des microtâches réalisées avec des marges énormes sur le client final sont les premiers arguments.</p>
<p>En observant l’existence de directives précises pour réaliser les photos des produits par exemple et un suivi des prestations effectuées ainsi que la possibilité de les rejeter et de ne pas les rémunérer, on pourrait bien identifier le lien de subordination. La <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2020/02/24/la-plate-forme-lilloise-clic-and-walk-condamnee-pour-travail-dissimule_6030615_3234.html">cour d’appel de Douai</a> avait d’ailleurs, elle, conclu en février 2020 à un délit de travail dissimulé sur la base d’un dossier pénal étayé et convaincant. Un intérêt tout particulier sera ainsi porté aux prochains contentieux par le projet universitaire que nous dirigeons.</p>
<h2>Un enjeu universitaire</h2>
<p>Comment encadrer et réguler cette dématérialisation de la relation d’emploi ? Pourquoi ne pas reconnaître l’existence de ce qui serait une forme particulière de travail dissimulé organisé par les applications numériques ? Peut-on appliquer d’autres cadres juridiques que celui du droit du travail ? Si oui lequel ? Le droit de la consommation et la protection des microtravailleurs contre les clauses abusives ? Le droit classique du droit des obligations et ses mécanismes d’indemnisation en cas d’inexécution contractuelle ?</p>
<p>Tels sont les enjeux d’un travail de recherche universitaire pluridisciplinaire associant chercheurs en droit, en économie et en gestion. Son approche se veut comparée entre France, Italie, Espagne, Belgique, Royaume-Uni et Québec, et européenne. Financé par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), le <a href="https://cercrid.univ-st-etienne.fr/fr/activites/les-projets-de-recherche/traplanum.html">projet TraPlaNum</a> a déjà conduit à un recensement des plates-formes ou applications numériques de microtravail de type marchand opérationnelles en France. Nous avons dénombré environ 1 000 plates-formes et 400 applications.</p>
<p>Ont été ciblées celles qui exploitent et valorisent, d’une manière ou d’une autre, une prestation de microtravail, moyennant une contrepartie financière, recherchée par la personne qui effectue la tâche. Les objectifs de cette étude empirique sont, outre leur repérage, de proposer une analyse de ces opérateurs pour comprendre leurs modèles économiques et leurs modalités contractuelles de fonctionnement notamment à travers les conditions générales d’utilisation qu’ils imposent.</p>
<p>Un premier <a href="https://livre.fnac.com/a17192143/Emmanuelle-Mazuyer-Regards-croises-sur-le-micro-travail-de-plateforme">ouvrage</a> sur le sujet va ainsi être publié en janvier 2023 et mettre en évidence les lacunes en termes de protection des microtravailleurs numériques et de régulation économique et d’encadrement juridique du microtravail de plate-forme. L’objectif est de sensibiliser les pouvoirs publics, les acteurs économiques et plus largement le grand public.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/195164/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le projet TraPlaNum mentionné dans cet article a reçu un financement de l'ANR. Les crédits afférents sont gérés selon les règles habituelles par l'Université Lyon 2. </span></em></p>Les premières jurisprudences ne reconnaissent pas (encore ?) ceux qui participent à des sondages rémunérés ou postent des avis sur des plates-formes comme travailleurs.Emmanuelle Mazuyer, Directrice de recherche au CNRS en droit, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1914522022-10-03T17:30:01Z2022-10-03T17:30:01ZEn matière de droit, le travail salarié et le travail indépendant convergent de plus en plus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/486772/original/file-20220927-26-htgx48.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C0%2C1920%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chauffeurs de la plate-forme Uber ont été reconnus comme des salariés, pas ceux de «&nbsp;Le Cab&nbsp;»&nbsp;: que comprendre&nbsp;?
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/users/jacksondavid-1857643/">Jackson David / Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les distinctions entre le travail salarié et le travail indépendant issues du développement du capitalisme prennent aujourd’hui une dimension nouvelle. Entre autonomisation des salariés, capacité d’initiative individuelle, et rupture de contrat de travail facilitée, l’évolution du salariat intègre de plus en plus de flexibilité. En parallèle, l’autoentrepreneuriat se développe mais parfois sans la liberté censée l’accompagner. Tout ceci a de quoi interroger le juriste. Le cas des chauffeurs VTC a par exemple donné lieu à des décisions en apparence opposées.</p>
<p>Les Ordonnances de septembre 2017, en particulier, ont contribué à remettre en question la nature du lien entre l’employeur et le salarié. Il n’en existe pas de définition légale, mais les juges, historiquement, avaient fait émerger, de jurisprudences en jurisprudences, <a href="https://droits.nvo.fr/droit-du-travail/les-criteres-du-contrat-de-travail/">trois éléments</a> caractérisant un contrat de travail salarié. Le salarié exécute un travail réel, perçoit pour cela une rémunération et est placé sous la subordination d’un employeur. Ce dernier point avait ainsi été défini en 1996 par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007035180/">Cour de cassation</a>, il s’agit du « pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner le manquement de son subordonné ».</p>
<p>Ces éléments, et en particulier ce dernier, ne correspondent, semble-t-il pas toujours à la réalité actuelle. Si <a href="https://www.gallimard.fr/Catalogue/GALLIMARD/Tel/Le-nouvel-esprit-du-capitalisme">dès les années 1990</a>, ces questionnements étaient posés, l’évolution de la norme aujourd’hui participe clairement au brouillage des frontières entre le salariat et le travail indépendant. C’est ce que nous expliquons dans nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2018-6-page-37.htm">travaux</a> et en particulier dans un article à paraître dans la Revue Interdisciplinaire, Management, Homme et Entreprise.</p>
<h2>Subordination et autonomie</h2>
<p>L’accent a, de fait, progressivement été mis sur la capacité d’initiative du salarié qui dispose de plus d’autonomie. Le contrôle de ce qu’il accomplit porte ainsi moins sur sa manière de réaliser son travail que sur les objectifs et résultats attendus.</p>
<p>Les nécessités de l’entreprise supposent dorénavant une certaine flexibilité du temps de travail qui a conduit alors à faire émerger une dimension forfaitaire du temps de travail. Le salarié ne travaille plus à l’heure, mais selon un quantum forfaitaire d’heures par mois ou encore, d’heures ou de jours par an (c’est par exemple le « forfait-jours »).</p>
<p>Le développement du télétravail pousse dans la même direction. Il conforte à la fois la flexibilité des entreprises et l’autonomie des salariés, aboutissant dans certains cas à étendre la responsabilisation du salarié en dehors de toute sphère de subordination.</p>
<p>Un passage semble ainsi s’opérer du modèle du « salarié subordonné » vers un « salarié autonome » assujetti au pouvoir de l’employeur. La surveillance y prend une nouvelle forme aux frontières du travailleur indépendant.</p>
<h2>Succès de l’autoentrepreneuriat</h2>
<p>Symétriquement, lorsque l’on s’intéresse au travailleur indépendant, on constate de plus en plus de rapprochement avec des éléments caractéristiques du contrat de travail salarié, en particulier le lien de subordination. C’est par exemple le cas lorsque le client de l’intéressé, ou son donneur d’ordre est unique et impose une organisation de travail.</p>
<p>Le développement de nouvelles formes de travail brouille ainsi les frontières entre les missions subordonnées et les missions indépendantes des travailleurs. La question qui se pose est : s’agit-il réellement d’une subordination ou d’une dépendance économique ?</p>
<p><iframe id="3Kpim" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/3Kpim/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Certes, le salariat demeure la forme d’organisation de travail dominante. En 2018, seuls <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4470764?sommaire=4470890#:%7E:text=Valeurs%20peu%20fiables.-,Lecture%20%3A%20en%202018%2C%20en%20France%2C%2011%2C4%20%25,la%20sylviculture%20et%20la%20p%C3%AAche.">12 % des travailleurs</a> en France étaient des indépendants sachant que la moyenne européenne est de 14 % de travailleurs indépendants. Ce nombre, décroissant pendant plusieurs décennies est <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4470790?sommaire=4470890">reparti à la hausse</a> depuis 2002.</p>
<p>Depuis sa création en 2008, le régime de l’autoentrepreneuriat a, en particulier, connu un succès important : ils étaient déjà plus d’un million fin 2016 et 2,2 millions fin 2021, dont presque <a href="https://www.urssaf.org/accueil/statistiques/nos-etudes-et-analyses/travailleurs-independants/nationale/2022-1/auto-entrepreneurs-Dec2022.html">1,3 million</a> déclarent un chiffre d’affaires positif. Le rythme des créations s’accélère même.</p>
<h2>Requalification ou non ?</h2>
<p>Au-delà de cette dynamique, la pratique des juges et l’évolution de la jurisprudence nous renseignent sur la convergence du salariat et du travail indépendant. Beaucoup de relations ont même été requalifiées en salariat par les juridictions. Les juges se fondent sur l’article <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031104496/#:%7E:text=%2DL%E2%80%99existence%20d%E2%80%99un,%E2%80%99%C3%A9gard%20de%20celui%2Dci.">L. 8221-6 du Code du travail</a> selon lequel un travailleur indépendant est présumé non-salarié, sauf preuve de l’existence d’un lien de subordination.</p>
<p>[<em>Plus de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd'hui</a>]</p>
<p>Les indices les plus fréquemment soulevés sont l’absence d’autonomie dans l’exercice de ses missions, l’imposition d’horaires de travail, l’absence de liberté dans l’<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000007043285/">organisation de la prestation de service</a>, l’exigence de comptes rendus, l’absence de savoir-faire distinct de celui de l’ensemble des salariés de l’entreprise, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000020708141/">l’intégration aux équipes</a> de salariés du donneur d’ordre, la mise à disposition de moyens matériels comme un bureau, voire une carte de visite et l’utilisation de papier à entête identifiant le donneur d’ordre plutôt que le travailleur indépendant.</p>
<p>Des décisions emblématiques ont été rendues en ce sens et montrent à quel point le travailleur indépendant peut être placé dans une situation de totale subordination relevant du salariat. Le travail ubérisé a notamment fait l’objet d’une attention particulière de la part des juges. Après l’affaire <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000037787075/">« Take Eat Easy »</a> jugée le 28 novembre 2018 sur des livreurs à domicile, la Cour de cassation s’est prononcée sur la situation de chauffeurs de VTC en <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000042025162?isSuggest=true">requalifiant leur relation de travail</a> avec la plate-forme Uber en contrats de travail dans un arrêt du 4 mars 2020.</p>
<p>Néanmoins, plus récemment, le 13 avril 2022, une <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000045652580?isSuggest=true">décision inverse</a> a été prise au moment d’étudier la situation des chauffeurs de VTC inscrits sur la plate-forme numérique « Le Cab ». La Cour de cassation a refusé la requalification en contrat de travail, parce qu’aucun des éléments de cette relation ne caractérisait un lien de subordination. La géolocalisation des chauffeurs par la société n’a pas été considérée comme un élément suffisant.</p>
<p>Cette évolution judiciaire qui limite la requalification de la relation commerciale en relation de travail subordonnée rend, selon nous, compte de la prise en compte de la construction de nouvelles formes de travail entre les plates-formes et les travailleurs indépendants. Entre la réalité des situations de nombreux travailleurs indépendants et l’autonomisation du salarié, on note une forme de convergence nécessitant de repenser l’activité professionnelle et les obligations et droits de chacun de ces acteurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191452/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Brigitte Pereira ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les évolutions de la loi et des pratiques mais aussi les hésitations de la jurisprudence semblent devoir conduire à revoir nos conceptions traditionnelles.Brigitte Pereira, Professeur de droit du travail, droit pénal des affaires et droit des contrats, HDR, EM NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1869372022-07-17T18:23:39Z2022-07-17T18:23:39ZLes « Uber Files » révèlent la stratégie du chaos de l’entreprise: peut-elle vraiment changer ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/474278/original/file-20220715-22-bp9ebb.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C7%2C4905%2C3245&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">350 millions : c'est le nombre de trajets réalisés avec l'application Uber en France depuis 2011. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/soest-germany-august-4-2019-uber-1497227390">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Depuis sa création en 2009, Uber a connu une histoire controversée, allant de violents <a href="https://www.sudouest.fr/economie/social/manifestation-des-taxis-les-images-des-violences-a-paris-7763710.php">conflits</a> entre chauffeurs à un logiciel secret prétendument utilisé pour <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/12/uber-files-quand-uber-trafiquait-son-application-pour-echapper-a-la-police_6134413_4408996.html">échapper aux forces de l’ordre</a>. Aujourd’hui, une fuite de plus de 124 000 documents nommés <a href="https://www.francetvinfo.fr/politique/affaire/uber-files/"><em>Uber Files</em></a> montre à quel point l’entreprise, sous la direction de son cofondateur et ancien PDG Travis Kalanick, a tiré parti de ce chaos pour se développer dans 40 pays.</p>
<p>Mes <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/rego.12456">recherches explorent</a> la relation entre Uber et les États. La stratégie de croissance à tout prix de l’entreprise a été inégale, façonnée et ralentie par des réglementations variables selon les marchés. Ces dernières années, Uber semble avoir calmé son approche et mis fin à certaines des activités les plus agressives décrites dans les documents fuités. Mais à mon avis, la stratégie qui est au cœur du succès de l’entreprise impose qu’elle sera toujours en conflit avec les lois des pays où elle opère.</p>
<p>Les <em>Uber Files</em> montrent que l’entreprise prenait des libertés avec la loi. Le modèle initial d’Uber – des citoyens conduisant d’autres citoyens dans leurs voitures privées sans permis ni licence d’aucune sorte – se situait juridiquement dans une zone grise. Dans des courriels, des cadres ont même plaisanté sur le fait qu’ils étaient des « pirates » et que le modèle de l’entreprise était « tout simplement illégal », lorsqu’ils se heurtaient à une opposition juridique pour aborder de nouveaux marchés.</p>
<p>Les documents divulgués révèlent également le rôle que le lobbying et les relations amicales avec des politiciens ont joué dans le succès d’Uber. La société a engagé de puissants lobbyistes, dont beaucoup étaient d’anciens membres ou associés de gouvernements nationaux qui avaient notamment promis de mettre fin au « copinage » entre politique et industrie. Parmi les rencontres avec les politiciens figuraient des personnalités telles que <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/10/uber-files-revelations-sur-le-deal-secret-entre-uber-et-macron-a-bercy_6134202_4408996.html">Emmanuel Macron</a> (alors ministre français de l’Économie) et le maire de Hambourg de l’époque (aujourd’hui chancelier d’Allemagne) Olaf Scholz.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-lobbying-une-activite-qui-reste-largement-meconnue-173450">Le lobbying, une activité qui reste largement méconnue</a>
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<p>Cette <a href="https://www.lemonde.fr/pixels/article/2022/07/10/uber-files-une-strategie-du-chaos-assumee-pour-conquerir-le-monde_6134211_4408996.html">stratégie du chaos</a> aurait également consisté à mettre en danger les chauffeurs de l’entreprise. Presque partout où Uber s’est implanté, les syndicats de taxis ont organisé des manifestations en signe de protestation qui pouvaient parfois devenir violentes. Des messages de Kalanick dans les dossiers d’Uber montrent que ce dernier considérait que la présence des chauffeurs Uber à une manifestation de chauffeurs de taxi en France « en valait la peine », car « la <a href="https://www.nouvelobs.com/social/20220711.OBS60800/la-violence-garantit-le-succes-une-enquete-revele-les-methodes-agressives-d-uber-pour-s-imposer-dans-le-monde-entier.html">violence garantit le succès</a> ».</p>
<p>Uber aurait également mis en place un « kill switch », un outil technologique permettant d’empêcher les autorités d’accéder aux données d’Uber lorsqu’elles font une descente dans ses bureaux.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/uber-et-si-on-oubliait-un-instant-les-taxis-et-les-chauffeurs-68180">Uber, et si on oubliait un instant les taxis et les chauffeurs ?</a>
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<p>L’entreprise s’est efforcée de prendre ses distances par rapport aux allégations des dossiers d’Uber. <a href="https://www.lefigaro.fr/societes/travis-kalanick-le-createur-d-uber-ejecte-de-son-siege-20190821">Une déclaration</a> publiée par la société attribue le contenu des fuites à l’ère Kalanick, et souligne le changement de direction et de valeurs.</p>
<p>Entre-temps, le porte-parole de Kalanick a déclaré que l’approche d’Uber en matière d’expansion n’était pas de son fait, mais qu’elle était au contraire « sous la supervision directe et faite avec l’approbation totale des groupes juridiques, de politique et de conformité d’Uber ».</p>
<h2>Ce qui a (et n’a pas) changé</h2>
<p>Cette stratégie du chaos a sans aucun doute fonctionné. Uber est désormais une entreprise <a href="https://www.leparisien.fr/politique/uber-files-lobbying-role-de-macron-cinq-minutes-pour-comprendre-les-revelations-sur-le-geant-du-vtc-11-07-2022-ZIEPLJGFEBCDTMQLUO6FNOQ57A.php">valorisée à 43 milliards de dollars</a> (42 milliards d’euros) et ses chauffeurs effectuent environ 19 millions de trajets par jour. Pourtant, elle se bat toujours avec la rentabilité et des concurrents agressifs.</p>
<p>En 2017, Kalanick a quitté ses fonctions et a été remplacé comme PDG par Dara Khosrowshahi. La plupart des dirigeants ont également changé depuis lors. Les accusations concernant une <a href="https://www.lepoint.fr/economie/harcelement-sexisme-litiges-uber-empetre-dans-les-affaires-09-06-2017-2134096_28.php">certaine culture de harcèlement et de sexisme sur le lieu de travail</a> semblent s’être taries.</p>
<p>L’entreprise s’est globalement éloignée de son activité d’origine pour s’orienter vers un service où des chauffeurs agréés utilisent des véhicules munis de permis spécifiques pour transporter des passagers (en d’autres termes, un taxi à l’ère du smartphone), et a introduit « Uber Eats », un service de livraison de nourriture. L’entreprise a également adopté une approche plus calme et plus civilisée de l’expansion. « Doucement, mais sûrement », semble être sa nouvelle devise.</p>
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<p>En voici deux exemples : Uber s’est implanté à Madrid en 2014 au mépris d’une loi espagnole exigeant que les entreprises et les chauffeurs possèdent une licence spécifique. Elle s’est implantée à Berlin la même année, en violation des lois allemandes sur la concurrence. L’entreprise a été interdite, a quitté les deux villes et est revenue plus tard en respectant la réglementation en vigueur.</p>
<p>Lorsqu’il a abordé l’expansion allemande en 2018, Khosrowshahi a admis que l’approche d’Uber s’était retournée contre elle, et s’est engagé à se développer de manière responsable. De même, en parlant de l’expérience en Espagne, Carles Lloret, PDG d’Uber pour l’Europe du Sud, a reconnu que « c’était une erreur de reproduire le modèle américain – plus libéral – sans tenir compte <a href="https://www.elmundo.es/economia/empresas/2017/04/20/58f7aca346163f1d3b8b4615.html">du contexte espagnol</a> ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme donne une conférence" src="https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/474287/original/file-20220715-26-330cip.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Travis Kalanick, co-fondateur et ancien PDG d’Uber.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://wordpress.org/openverse/image/1e9d649c-d7d0-4c2d-bacf-548d1a27d052">« Travis Kalanick » by jdlasica</a></span>
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</figure>
<p>Et pourtant, certaines choses n’ont pas changé. L’entreprise fait face à de multiples poursuites judiciaires, dont la plupart portent sur la question de savoir si ses travailleurs sont considérés comme des employés, et sa <a href="https://www.bfmtv.com/economie/uber-avance-vers-la-rentabilite_AD-202111050022.html">rentabilité</a> reste une question ouverte. Comme je l’explique <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/rego.12456">dans mes recherches</a>, ces deux éléments peuvent s’expliquer par la stratégie de fond de l’entreprise : celle de la « conformité litigieuse ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-limiter-le-pouvoir-du-lobbying-aupres-des-politiques-125986">Comment limiter le pouvoir du lobbying auprès des politiques ?</a>
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<p>Uber s’adapte aux règles existantes, mais seulement dans la mesure où cela est nécessaire pour fournir ses services. Dans le même temps, elle continue de lutter contre la législation partout – dépensant des milliards en lobbying et dans l’élaboration de connexions politiques – afin de rapprocher les règles existantes de ses préférences.</p>
<p>Les dirigeants d’Uber savent que leur modèle économique pourrait ne pas être viable, et encore moins s’ils sont obligés de classer les travailleurs comme des employés et de payer pour les droits et avantages qui y sont liés. La lutte contre les réglementations est une stratégie de survie.</p>
<p>Ils ont un modèle ultime en tête – aussi proche que possible de leur modèle initial. Bien qu’ils n’enfreignent plus ouvertement les lois, ils continuent à faire pression pour obtenir les réglementations qu’ils préfèrent par le biais des tribunaux ou en trouvant des échappatoires juridiques.</p>
<p>Dans un <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-eco/le-patron-d-uber-veut-reduire-la-voilure-pour-faire-face-a-la-chute-de-wall-street-20220509">mémo</a> récemment envoyé aux employés et divulgué à la presse, Khosrowshahi écrit : « Nous serons encore plus stricts sur les coûts dans tous les domaines. » L’entreprise sait que si elle est contrainte de reclasser les chauffeurs en tant que travailleurs (comme, par exemple la Cour suprême britannique <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/02/19/la-cour-supreme-britannique-considere-que-les-chauffeurs-uber-sont-des-employes_6070534_3210.html">l’a décidé</a>, la situation financière sera encore pire.</p>
<p>Au-delà d’une nouvelle tâche sur sa réputation, Uber a des problèmes très réels. La rentabilité est peut-être le problème le plus urgent pour l’entreprise, mais il en existe un bien plus important pour notre société.</p>
<p>Des applications comme Uber et les centaines d’autres qui ont suivi promettaient l’innovation. Au lieu de cela, elles ont surtout développé un modèle à la limite de l’exploitation et de la corruption qui sont aussi des caractéristiques du capitalisme chevronné. Compte tenu des allégations contenues dans les dossiers d’Uber, on peut également se demander s’il y aura un jour des conséquences pour ces entrepreneurs technologiques qui ont pour mauvaise habitude d’enfreindre les règles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186937/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jimena Valdez ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La fuite des documents d'Uber souligne la culture conflictuelle de l’entreprise. Même en changeant ses méthodes, elle se heurte toujours aux législations des pays dans lesquels elle est implantée.Jimena Valdez, Lecturer in Comparative Politics, City, University of LondonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1855152022-07-06T18:21:01Z2022-07-06T18:21:01ZAu Maroc, l’irruption des plates-formes de VTC transforme le secteur des transports<p>Au moment où dans plusieurs pays dits « du Nord » se développe un <a href="https://www.mediapart.fr/journal/economie/dossier/uber-deliveroo-les-batailles-de-l-uberisation">mouvement d’opposition</a> à l’<a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/le-pourquoi-du-comment-economie-social/pourquoi-parle-t-on-d-uberisation-de-la-societe-4723372">« ubérisation »</a> (innovation technologique devenue aujourd’hui synonyme de précarisation de l’emploi), les plates-formes numériques de transport et de livraison, qui se trouvent à l’origine de ce phénomène, se multiplient dans les pays dits « du Sud ». Avec certaines spécificités dues à l’état de développement de ces économies, comme le montrent le <a href="https://finance.yahoo.com/news/uber-set-monopoly-north-africa-145553449.html">cas de l’Afrique du Nord</a> en général et celui du Maroc en particulier.</p>
<p>Dans un <a href="https://omsn.ma/?p=10356">article pour l’Observatoire marocain de la souveraineté numérique</a>, nous dressons un bref état des lieux de l’histoire des plates-formes de transport au Maroc. En 2015, le géant américain Uber s’installe dans le pays mais le <a href="https://www.uber.com/fr-MA/blog/casablanca/uber-au-maroc">quitte au bout de trois ans</a> en raison des nombreuses résistances syndicales et juridiques auxquelles il est confronté. Un départ qui, en réalité, n’est pas définitif puisque, en 2019, Uber <a href="https://www.challenge.ma/uber-acquiert-careem-a-31-milliards-de-dollars-106776/">achète la plate-forme émiratie Careem</a>, qui opère au Maroc depuis 2015. Depuis, on a assisté dans le pays au lancement d’autres plates-formes de VTC (véhicule de transport avec chauffeur), qu’elles soient nationales (Roby, Yallah) ou internationales (Yassir, Heetch, InDriver). Selon un <a href="https://2m.ma/ar/sur-la-2/%D8%B5%D8%B1%D8%A7%D8%B9-%D8%A8%D9%8A%D9%86-%D8%B3%D8%A7%D8%A6%D9%82%D9%8A-%D8%B3%D9%8A%D8%A7%D8%B1%D8%A9-%D8%A7%D9%84%D8%A3%D8%AC%D8%B1%D8%A9-%D9%88%D8%B3%D8%A7%D8%A6%D9%82%D9%8A-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%B7%D8%A8%D9%8A%D9%82%D8%A7%D8%AA-%D9%81%D9%8A-%D8%BA%D9%8A%D8%A7%D8%A8-%D9%82%D8%A7%D9%86%D9%88%D9%86-%D9%8A%D9%86%D8%B8%D9%85-%D8%A7%D9%84%D9%86%D9%82%D9%84-%D8%B9%D8%A8%D8%B1-%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%B7%D8%A8%D9%8A%D9%82%D8%A7%D8%AA-%D9%81%D9%8A-%D8%A7%D9%84%D9%85%D9%84%D9%81-20211112/">documentaire diffusé sur la chaîne marocaine 2M</a>, le nombre de chauffeurs travaillant avec les plates-formes atteint les 12 000 en 2021. Ce nombre semble progresser chaque annnée en raison de l’augmentation du nombre des plates-formes exerçant dans le royaume.</p>
<p>L’implantation des plates-formes numériques dans le secteur du transport de personnes au Maroc s’explique notamment par les nombreuses failles de ce secteur, au premier rang desquelles le « système d’agrément ».</p>
<h2>Un système de transport centré autour de l’agrément</h2>
<p>L’agrément de transport de personnes a été mis en place au Maroc après son indépendance en 1956. Un dahir, ou décret du roi, du 12 novembre 1963 définit les conditions et les règles de l’organisation de ce secteur.</p>
<p>L’attribution d’un agrément de transport – c’est-à-dire, concrètement, de l’autorisation d’ouvrir une entreprise, individuelle ou non, spécialisée dans ce domaine ou dans d’autres secteurs de transport (transport de marchandises, transport maritime, transport aéronautique, etc.) – n’est pas un droit susceptible d’être revendiqué, mais un privilège octroyé par le pouvoir marocain (un don du roi ou du Maghzen, l’administration marocaine) souvent octroyé aux anciens membres de l’armée, aux artistes, aux athlètes, et à d’autres personnes influentes et partisanes du régime. Dans certains cas, ce privilège peut être attribué à des citoyens en situation économique fragile comme le <a href="https://www.cairn.info/revue-annales-de-geographie-2005-2-page-163.htm">souligne une circulaire du ministère de l’Intérieur du 22 décembre 1981</a>.</p>
<p>La centralisation de ce service public depuis l’indépendance du Maroc s’expliquait par la volonté de créer un système socioéconomique fortifiant le régime en affaiblissant l’opposition politique. Le pouvoir marocain a donc construit ce système des agréments pour maintenir sa suprématie, d’où le <a href="https://www.alousboue.ma/76015/">contrôle que continue d’exercer le ministère de l’Intérieur</a> sur le secteur des taxis, alors que c’est le ministère des Transports qui doit en être le seul titulaire.</p>
<p>Le monopole d’attribution des agréments de transport détenu par le ministère de l’Intérieur a donné lieu à une organisation chaotique, dommageable à la fois pour les chauffeurs (précarisation de l’emploi) et pour les clients (pénibilité au quotidien) en raison de l’absence d’une stratégie de libéralisation du secteur pour créer une forte compétitivité. Depuis quelques années, les autorités essayent d’introduire de nouveaux dispositifs juridiques afin de réglementer l’activité des chauffeurs. <a href="https://snrtnews.com/fr/article/transport-par-taxi-tout-savoir-sur-la-nouvelle-reforme-du-ministere-de-linterieur-41334">La plus récente de ces tentatives, qui date du mois d’avril 2022</a>, vise à mettre en place un ensemble de mesures dont la plus remarquable est la possibilité pour les chauffeurs titulaires d’un <a href="https://www.demarchesmaroc.com/permis-de-confiance/">« permis de confiance »</a> et de la carte professionnelle de conclure des contrats de délégation des permis d’exploitation des taxis. Cette décision a <a href="https://www.hespress.com/%D9%85%D9%87%D9%86%D9%8A%D9%88-%D8%A7%D9%84%D8%B7%D8%A7%D9%83%D8%B3%D9%8A%D8%A7%D8%AA-%D9%8A%D8%B1%D9%81%D8%B6%D9%88%D9%86-%D8%AF%D9%88%D8%B1%D9%8A%D8%A7%D8%AA-%D8%A7%D9%84%D8%AF%D8%A7%D8%AE%D9%84-">provoqué la colère de certains syndicats</a>, qui ont accusé les autorités d’absence de dialogue avec les instances représentatives et ont déploré le maintien du contrôle des propriétaires des agréments sur le secteur.</p>
<p>Cette instabilité est aggravée par l’arrivée des plates-formes de VTC, perçues comme des <a href="https://fr.hespress.com/48916-colere-des-taxis-careem-sexplique-partiellement.html">acteurs de plus en plus compétitifs exerçant de manière illégale</a> dans la mesure où il n’existe pas de cadre juridique les autorisant à fonctionner. Ainsi, la résistance syndicale qui persiste depuis 2015 n’a pas empêché ces entreprises de continuer d’opérer et d’attirer davantage de catégories de chauffeurs professionnels, dont <a href="https://2m.ma/ar/sur-la-2/">certains chauffeurs de taxi</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/a8aHPDme5qc?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les taxis contre Uber au Maroc (France 24, 13 septembre 2017).</span></figcaption>
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<p>Comment les autorités marocaines gèrent-elles cette situation dans un contexte juridique qui interdit les plates-formes numériques de transport ? À Casablanca par exemple, l’article 46 de la décision relative aux conditions d’exploitation des voitures de taxis souligne que toute voiture qui exerce sans permis de taxi sera retirée et placée dans la réservation municipale pour une durée d’un à six mois.</p>
<h2>Un flou juridique qui profite aux plates-formes de VTC</h2>
<p>Les plates-formes de transport se présentent comme des « intermédiaires » numériques. Cette définition est source de confusion juridique, ce qui leur a permis d’échapper aux règles auxquelles sont soumises les entreprises traditionnelles de transport dans les pays du Nord. Ce même scénario est en train de se reproduire au Maroc où leur croissance est importante.</p>
<p>Ce « laisser-faire » de la part des autorités est justifié par les deux « solutions » que semblent apporter les plates-formes : la création d’offres d’« emplois » (<a href="https://www.leconomiste.com/flash-infos/careem-plus-de-5-000-chauffeurs-avec-un-statut-d-auto-entrepreneur">par exemple, Careem a permis à plus de 5 000 chauffeurs de travailler</a>) et la réponse à une insuffisance en matière d’offre de transport accessible aux citoyens. Une autre explication réside dans les opérations de lobbying que mènent ces plates-formes auprès des décideurs marocains, comme c’est aussi le cas en Europe et aux États-Unis.</p>
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<p><a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-03663009/document">Notre travail de recherche</a> autour du phénomène de l’ubérisation en France montre en effet que la technologie innovante qu’offrent ces plates-formes en matière de facilitation de transport n’est pas suffisante pour accroître leurs parts du marché. L’influence des politiques à travers la promulgation de lois favorables ou l’annulation de décrets défavorables a été un axe crucial pour construire et maintenir leur hégémonie.</p>
<h2>Les effets délétères de l’expansion des plates-formes</h2>
<p>Les conséquences de ce bouleversement sont multiples mais la question de la précarisation de l’emploi et de la santé des chauffeurs constitue un sujet très médiatisé. C’est pour cette raison que l’on assiste à un glissement sémantique du terme d’ubérisation, d’une définition centrée sur l’aspect innovant qu’apportent ces technologies de transport à un <a href="https://www.cairn.info/revue-actuel-marx-2018-1-page-86.htm">mouvement régressif en matière de droit du travail</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-conductrices-uber-en-argentine-face-aux-inegalites-de-genre-184008">Les conductrices Uber en Argentine face aux inégalités de genre</a>
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<p>L’expérience européenne et américaine montre que ces plates-formes décident et changent leurs politiques de gouvernance relatives au taux de la commission, aux tarifs, aux chartes de travail, etc. sans négociation avec les chauffeurs. Cette absence de communication pose la question du droit du travail et, plus profondément, celle du contrôle des données par les géants du numérique.</p>
<p>Uber, qui fait partie de ces entreprises, inspire plusieurs débats sur les réels objectifs derrière sa technologie de mise en relation dans le cadre du transport de personnes ou de livraisons. Sa collecte et exploitation des données personnelles des usagers impose de réfléchir aux enjeux derrière cette pratique qui, pour certains, est la vraie source de son revenu et dont on ignore encore la finalité. Les États-nations, dorénavant menacés dans leur souveraineté par ces sociétés privées <a href="https://www.sciencespo.fr/public/chaire-numerique/wp-content/uploads/2021/05/RP-Puissances-des-plateformes-num%C3%A9riques-territoires-et-souverainet%C3%A9s-Dominique-BOULLIER-Mai-2021-1.pdf">« extraterritoriales »</a>, doivent réinventer leurs institutions politiques, développer une connaissance technique des infrastructures et des technologies, et réagir à ces changements accélérés du numérique en adaptant leur législation.</p>
<p>De ce point de vue, les réflexions autour de la souveraineté numérique au Maroc commencent déjà à aboutir à certaines décisions conséquentes, notamment <a href="https://m.le360.ma/politique/souverainete-numerique-le-maroc-interdit-lhebergement-des-donnees-sensibles-a-letranger-262738">l’interdiction d’hébergement des données sensibles à l’étranger</a>. Cette décision peut être perçue comme une avancée majeure en comparaison des autres pays d’Afrique. Cependant, le Maroc est encore loin de porter un projet politique pour reprendre le contrôle sur sa souveraineté numérique à l’instar de plusieurs pays du monde. Ce sont plutôt les unions politico-économiques qui pourraient faire face à l’hégémonie des plates-formes, d’où la nécessité pour le Maroc de mener un dialogue géopolitique autour de ces questions avec les pays d’Afrique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Salma El Bourkadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les autorités marocaines laissent les plates-formes de transport opérer dans le pays alors même que les exploitants de taxi doivent normalement recevoir un agrément.Salma El Bourkadi, Docteure en Sciences de l'information et de la communication, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1840082022-06-14T22:23:45Z2022-06-14T22:23:45ZLes conductrices Uber en Argentine face aux inégalités de genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466780/original/file-20220602-16-ihkcz4.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C0%2C3735%2C2492&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Vue aérienne de l’Obélisque de Buenos Aires, monument historique situé sur la Plaza de la Republica, à l’angle des avenues Corrientes et 9 de Julio.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Marianna Ianovska/Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dans une <a href="https://www.afd.fr/en/carte-des-projets/digital-labour-platforms-buenos-aires-metropolitan-area-work-conditions-and-gender-inequality">récente étude</a> conduite entre 2020 et 2021, nous avons analysé l’<a href="https://www.afd.fr/en/ressources/labour-market-trajectories-and-conciliation-efforts-among-female-uber-drivers">insertion professionnelle des femmes proposant leurs services en tant que conductrice de voiture de transport avec chauffeur (VTC)</a> via la plate-forme Uber dans la zone métropolitaine de Buenos Aires.</p>
<p>Nous avons cherché à comprendre l’expérience de ces conductrices pour analyser les barrières matérielles et symboliques auxquelles elles sont confrontées dans leur travail quotidien.</p>
<p>Pour y parvenir, nous avons mené de nombreux entretiens et nous sommes particulièrement intéressées aux trajectoires professionnelles d’un groupe de 14 conductrices âgées de 29 à 60 ans.</p>
<h2>VTC et division genrée du travail</h2>
<p>Historiquement, les sociétés ont assigné aux hommes et aux femmes des rôles spécifiques et ont facilité la construction de compétences différenciées. Ces différences aboutissent à un processus que nous appelons la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/00324728.2020.1851748">division genrée du travail</a> et qui a des effets très profonds sur le marché du travail.</p>
<p>La division genrée du travail explique en grande partie les <a href="https://www.oxfamfrance.org/inegalites-et-justice-fiscale/comprendre-et-combattre-inegalites-femmes-hommes/">inégalités vécues par les hommes et les femmes</a> en matière d’accès et de permanence au travail salarié, et en ce qui concerne la perception des revenus. Elle impacte également leur autonomie personnelle et économique, et donc la construction de leur identité.</p>
<p>Au cœur de l’activité des VTC se trouve l’aptitude à se déplacer dans l’espace public, le rapport à l’automobile et la connaissance technique des véhicules – des compétences souvent associées au genre masculin.</p>
<p>Comme c’est le cas dans <a href="http://www.senat.fr/rap/r15-835/r15-8350.html">d’autres pays, comme la France</a>, les femmes en Argentine ont moins facilement accès au permis de conduire que les hommes : <a href="https://www.ambito.com/informacion-general/mujeres/al-volante-y-un-gran-desafio-7-cada-10-conductores-son-hombres-n5140926">seulement 3 inscrits sur 10 sont des femmes</a>. Les femmes ont donc moins accès à la mobilité dans l’espace public. Cela implique aussi une faible insertion des femmes dans le secteur des VTC.</p>
<h2>Pourquoi y a-t-il plus de conductrices Uber ?</h2>
<p>Lors de nos recherches, le marché du travail argentin se caractérisait par un fort taux de chômage et de <a href="https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1935">sous-emploi</a>, et par un nombre important d’activités précaires. Cette situation était aggravée par la récession économique qui a commencé en 2018 et a empiré pendant la pandémie.</p>
<p>L’arrivée d’Uber en 2016 a favorisé le développement du marché des VTC. Bien que les femmes demeurent en minorité, elles constituaient <a href="https://labordoc.ilo.org/discovery/fulldisplay/alma995048891902676/41ILO_INST:41ILO_V2">11 % des travailleurs au cours du premier semestre 2018</a>. On estime pour l’année 2019 qu’<a href="https://www.cippec.org/publicacion/economia-de-plataformas-y-empleo-como-es-trabajar-para-una-app-en-argentina/">il y aurait environ 55 000 chauffeurs actifs</a> dans la zone métropolitaine de Buenos Aires, et en <a href="https://www.infobae.com/sociedad/2019/09/14/bajo-el-lema-juntas-en-el-viaje-uber-realizo-un-encuentro-con-mas-de-400-conductoras/">juin 2019 la participation des conductrices avait augmenté de 110 %</a> en un an.</p>
<p>Puisque cette profession est souvent considérée comme masculine, cette évolution pourrait constituer une remise en cause des idées reçues quant à des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0305750X1930511X">professions qui seraient genrées</a>. Toutefois, notre analyse des parcours professionnels montre aussi que la plupart de ces conductrices avaient déjà acquis les compétences nécessaires à ce travail en exerçant des métiers masculinisés ou impliquant la conduite. Par exemple, beaucoup d’entre elles travaillaient comme conductrices de taxi ou comme visiteuses médicales en utilisant leur propre voiture.</p>
<p>De plus, nous avons également rencontré des exemples encore plus parlants d’insertion en milieu professionnel masculin, comme dans le cas d’Alejandra. Alejandra a appris à conduire un camion et a postulé pour un emploi de livreuse de pain. Elle avait auparavant travaillé au service de prélivraison pour une agence automobile, incluant le nettoyage des voitures et la vérification des fluides.</p>
<h2>« J’ouvre et ferme l’appli quand je veux » : les limites du travail indépendant</h2>
<p>Uber ne possède pas de parc automobile et ne propose pas d’emplois classiques et salariés. Cependant, la plate-forme utilise des algorithmes pour attribuer les trajets à effectuer aux conducteurs, et fixe les tarifs en fonction de l’heure de la journée et de la disponibilité entre offre et demande. En outre, l’entreprise permet l’évaluation par les utilisateurs du service fourni par les conducteurs. Le score obtenu engendre des sanctions ou des récompenses de façon à influencer le travail des conducteurs.</p>
<p>Cependant, Uber recrute des personnes pour assurer le service en vertu d’un <a href="https://www.nber.org/papers/w22843">statut de « chauffeurs partenaires »</a> tout en favorisant le caractère indépendant de l’activité. Bien que <a href="https://theconversation.com/gig-workers-arent-self-employed-theyre-modern-day-feudal-serfs-179152">cette indépendance ait des limites</a>, comme suggéré ci-dessus, les conducteurs ont tendance à adopter l’idée d’autodétermination dans le travail. Une expression courante utilisée par les chauffeurs pour illustrer cette idée est : « J’allume et éteins l’application quand je veux », signifiant qu’il existe beaucoup de liberté pour organiser ses horaires de travail.</p>
<p>Nous avons questionné des femmes et des hommes sur le sens de cette idée d’indépendance promue par la plate-forme.</p>
<p>Les chauffeurs masculins évoquent majoritairement les notions d’entrepreneuriat et la possibilité de « devenir leur propre patron ». Comme Fabián, 23 ans, le dit :</p>
<blockquote>
<p>« La vérité, c’est que je reste avec Uber par commodité, tu es ton propre patron, personne ne t’embête, tu ne donnes d’explications à personne, tu n’as pas à suivre l’emploi du temps de quelqu’un d’autre. »</p>
</blockquote>
<p>Pour les conductrices, l’indépendance se traduit par un idéal qui consiste à concilier travail rémunéré et <em>care</em> – le soin accordé aux autres et notamment à sa famille –, ce qui se traduit par des expressions spontanées telles que « Uber est une opportunité parfaite pour une mère » ou « Je peux être instantanément avec mes enfants en cas de problème ».</p>
<iframe src="https://embed.acast.com/5f63618a37b1a24c4ff25896/6076a6f933692e3989918f59?cover=true&ga=false" frameborder="0" allow="autoplay" width="100%" height="110"></iframe>
<p>Le fait que ces expressions soient partagées aussi bien par les femmes ayant des enfants à charge que par celles n’en ayant pas montre que les conductrices considèrent que leur activité professionnelle permet de remplir les rôles féminins attendus.</p>
<h2>L’influence du genre dans les horaires de travail</h2>
<p>La nuit, les week-ends et les heures de conduite vers l’école ou le bureau sont associés à une forte demande et, par conséquent, à des tarifs plus élevés pour demander un chauffeur Uber.</p>
<p>Cependant, les possibilités de travail lors de ces périodes sont inégales entre les hommes et les femmes, les conductrices ayant plus de difficultés à accéder à ces créneaux horaires. Ainsi, les femmes se sentent plus exposées que les hommes lorsqu’elles conduisent la nuit en <a href="https://blogs.iadb.org/igualdad/en/insecurity-and-street-harassment-covid-19/">raison de l’insécurité et du harcèlement dans la rue</a>. Celles qui ont des responsabilités familiales ne peuvent pas assurer le travail de nuit, ni les périodes d’entrées et sorties d’école, car elles doivent accompagner leurs propres enfants. Cette même difficulté s’applique aux week-ends, lorsque les écoles sont fermées et que les conductrices n’ont pas d’aide pour la garde des enfants. Tous ces obstacles impliquent un <a href="https://www.afd.fr/en/ressources/gender-inequalities-platform-economy-cases-delivery-and-private-passenger-transport-services-buenos-aires-metropolitan-area">écart important entre les sexes en termes d’heures travaillées et de revenus</a>.</p>
<p>Alejandra, conductrice de 43 ans, explique comment elle perçoit la situation :</p>
<blockquote>
<p>« Ici, ce qui détermine combien tu gagnes, c’est le nombre de trajets que tu fais. Donc, si vous faites 12 heures d’affilée, vous gagnez la même chose que n’importe quel homme qui fait 12 heures d’affilée. Il n’y a pas d’inégalité là-dedans. Mais il est très difficile pour une femme de faire 12 heures de suite. »</p>
</blockquote>
<p>Dans le même sens, María del Carmen, une conductrice de 39 ans, dénonce avec ses propres mots les inégalités vécues par les conductrices :</p>
<blockquote>
<p>« Je sais que la nuit, on gagne beaucoup mieux sa vie, on fait les trajets au frais, le tarif est plus cher. Et la même chose se produit tôt le matin. Mais j’ai cet obstacle, enfin, je n’appellerais pas ça un obstacle, mais il est vrai que j’ai un petit enfant, donc je dois m’adapter à ses horaires, je dois travailler quand on s’en occupe. »</p>
</blockquote>
<p>Le dernier témoignage est celui de Melisa, une conductrice de 29 ans qui ne craint pas les dangers de l’obscurité et ouvre l’application à l’aube :</p>
<blockquote>
<p>« Mon fils dort avec ma grand-mère. Alors je travaille à l’aube, puis, je rentre à 8h, viens le chercher, l’emmène au jardin d’enfants, je le laisse là et je travaille jusqu’à 16h, 17h quand il sort. »</p>
</blockquote>
<h2>Rééquilibrer les tâches domestiques entre les hommes et les femmes</h2>
<p>La progression de la part des femmes qui conduisent pour Uber permet de remettre en cause les idées reçues sur le genre des professions. Cependant, ces femmes restent confrontées à de <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13545701.2022.2044497">nombreux obstacles pour réussir leur travail indépendant</a>. La répartition inégale des tâches familiales est sans aucun doute la plus considérable, car elle influence les horaires de travail et, par conséquent, les revenus générés. Par conséquent, il est urgent que les politiques publiques sur le <a href="https://theconversation.com/les-mots-de-la-science-c-comme-care-158918"><em>care</em></a> contribuent à <a href="https://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/---americas/---ro-lima/---ilo-buenos_aires/documents/publication/wcms_635285.pdf">cette lente conquête</a>, en redoublant d’efforts pour parvenir à une répartition plus équitable entre les sexes des activités non rémunérées effectuées à domicile.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184008/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les plates-formes de VTC offrent des avantages incontestables pour les femmes conductrices d’Uber. Dans ce métier fortement masculinisé, les inégalités n’en restent pas moins criantes.Cecilia Poggi, Economist, Social Protection Research Officer, Agence française de développement (AFD)Marina Garcia, Chercheuse en sociologie, Universidad Nacional de General SarmientoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830802022-06-10T14:09:41Z2022-06-10T14:09:41ZDans la tête d’un chauffeur Uber : seul face à lui-même<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/467535/original/file-20220607-20-e7cc58.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C667&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le modèle Uber entrave toute possibilité de collectif, annihile tout pouvoir d'agir des chauffeurs et génère chez eux d'importants phénomènes de dissonance cognitive.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>À compter de la mi-juin, la plate-forme Uber étendra ses services à tout le territoire québécois. À l’échelle mondiale, la multinationale est implantée dans près de <a href="https://s23.q4cdn.com/407969754/files/doc_downloads/2021/07/Uber-2021-ESG-Report.pdf">10 000 villes et 71 pays, et compte plus de 3,5 millions de travailleurs</a>.</p>
<p>Ce modèle, basé sur le travail à la demande et la distribution algorithmique des tâches, transforme fondamentalement les manières de penser, de faire et d’organiser le travail, individuellement et collectivement.</p>
<p>L’étendue du service Uber à l’ensemble de la province offre l’occasion de se pencher sur la réalité du travail de ces milliers de chauffeurs et livreurs du Québec. À quoi ressemble leur travail au quotidien ? Comment créent-ils des liens sociaux ? Afin de tenter de répondre à ces questions, j’ai effectué de l’observation sur des groupes Facebook de chauffeurs et interrogé une cinquantaine de travailleurs Uber du Québec.</p>
<p>Doctorante en communication à l’UQAM et étudiante chercheure à l’INRS, ma thèse se penche sur leur profil et leurs motivations, le rapport qu’ils entretiennent au collectif et à la mobilisation et plus globalement les enjeux psychosociaux du travail médié par les algorithmes.</p>
<h2>Un travail atomisé ponctué d’interactions éphémères ou robotisées</h2>
<p>Bien que les travailleurs Uber soient amenés à croiser de nombreuses personnes au quotidien (clients, restaurateurs, passagers), leur activité est essentiellement solitaire sur le plan professionnel. D’une part, leur travail se déroule sans jamais rencontrer un humain de chez Uber ; leur inscription sur la plate-forme s’effectue en ligne, et leurs tâches quotidiennes leur sont distribuées par un algorithme via l’application.</p>
<p>Si un problème les pousse à contacter le service technique de la compagnie, les personnes avec qui ils échangent sont situées dans des <a href="https://www.degruyter.com/document/doi/10.1525/9780520970632/html">centres d’appels délocalisés à l’extérieur du pays</a>. Qui plus est, les réponses qu’ils obtiennent sont le plus souvent formatées par des scripts, prolongeant ainsi le rapport robotisé au travail.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme qui porte un masque au volant d’une voiture avec une insigne Uber" src="https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467558/original/file-20220607-18-79q23t.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’organisation du travail limite les possibilités de socialisation et pousse les chauffeurs à se définir exclusivement par rapport à eux-mêmes, entravant le collectif de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Concernant les quelques moments où les travailleurs peuvent se croiser, dans les restaurants en attendant les commandes ou dans la zone d’attente de l’aéroport, les interactions se résument à des formules de politesse ou à des échanges brefs à propos du nombre de commandes obtenues dans la journée, comme l’exprime Katia, livreuse Uber Eats à Montréal :</p>
<blockquote>
<p>Quand je croise un autre livreur, je lui dis « Salut ! Ah Uber, ça roule ce soir ! » ou « Ça roule pas », puis c’est tout. Après, je m’en vais et j’ai peu de chances de le revoir. Si je le recroise, je lui dis bonjour, mais je connais même pas son nom.</p>
</blockquote>
<h2>Un climat teinté de compétition</h2>
<p>Certes, les groupes Facebook de chauffeurs Uber constituent un lieu d’échange pour partager des informations et ventiler à propos de situations frustrantes. Cependant, ces espaces jouent un rôle très limité dans la construction d’un collectif, se révélant inadéquats pour des conversations élaborées sur le travail.</p>
<p>L’architecture des groupes favorise les interactions sur un temps court, les publications s’évanouissant rapidement dans le fil de discussion. Des échanges constructifs demanderaient des conversations sur un temps long, dans un climat d’écoute et de confiance. Or, la compétition ressentie par les chauffeurs conjuguée au mode d’interaction bref et anonyme des réseaux socionumériques contribue plutôt à un climat hostile, comme le dit Diane, livreuse Uber Eats à Laval :</p>
<blockquote>
<p>Je pense que les commentaires négatifs sont faits pour décourager les autres parce que c’est pas un groupe où on s’encourage, c’est un groupe où on essaie de décourager les autres parce que c’est la compétition. Moi si je veux gagner ma vie, faut que je pogne plus de courses que toi.</p>
</blockquote>
<h2>Le collectif perçu comme une menace à leur activité et leur identité</h2>
<p>Étonnamment, cette absence de collectif n’est globalement pas perçue comme un manque par la plupart des travailleurs interrogés dans le cadre de ma thèse. Malgré des conditions de travail difficiles sur lesquelles ils n’ont pas de contrôle, les travailleurs n’ont pas tendance à se tourner vers le rassemblement et la mobilisation dans le but d’établir un rapport de force avec Uber.</p>
<p>À l’inverse, le collectif est plutôt perçu comme une menace pour la plupart d’entre eux. Le climat compétitif ressenti par les chauffeurs les pousse à développer tout un répertoire de tactiques et de bricolages individuels pour se démarquer des autres, comme en témoigne Bertrand, chauffeur Uber à Québec.</p>
<blockquote>
<p>On va tous sur le groupe Facebook pour la même chose, trouver des semblables et voir s’ils peuvent nous donner des trucs et des astuces pour mieux comprendre comment ça marche, avoir des informations. Mais on comprend vite que non, on est tous dans le même bain, on est tous là pour travailler pour notre poche.</p>
</blockquote>
<p>Parmi les tactiques utilisées pour optimiser leurs revenus, certains chauffeurs vont par exemple appeler le client pour connaître sa destination avant d’aller le chercher. S’ils jugent que la course est trop peu rentable au regard de la distance à parcourir jusqu’au client, ils annuleront la course. D’autres encore utilisent deux téléphones pour conserver un accès à la carte indiquant où se situent les zones de majoration pendant qu’ils réalisent une course.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="application uber sur un téléphone samsung montrant plusieurs voitures disponibles" src="https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/467536/original/file-20220607-13238-andol3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Au Québec, les utilisateurs d’Uber sont aujourd’hui nombreux à apprécier la facilité d’utilisation de l’application et le côté pratique du service.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<h2>Aucun sentiment d’appartenance</h2>
<p>Dans ce contexte, un collectif de travail qui proposerait d’harmoniser les pratiques et de remplacer les tactiques individuelles par des stratégies collectives, s’apparente pour bien des travailleurs à une perte de leur avantage concurrentiel.</p>
<p>Maintenant que les luttes des chauffeurs Uber contre les taxis, la Ville de Montréal et le gouvernement se sont épuisées avec <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1740570/taxi-loi-17-reforme-industrie-atrq">l’adoption de la loi 17 en 2020</a>, il n’existe plus pour eux d’ennemi commun.</p>
<p>Pour se définir, ils doivent maintenant se construire une identité à partir de leur propre groupe d’appartenance. Or, lorsqu’ils se comparent à leurs collègues, ils ont tendance à le faire par la négative. Ils cherchent à se détacher de la figure du chauffeur précaire et miséreux qui travaille 60 heures par semaine, ou encore de celle du chauffeur victime qui ne sait pas utiliser l’application intelligemment. Ainsi, les travailleurs Uber partagent une pratique commune, sans toutefois faire partie d’une communauté caractérisée par un sentiment d’appartenance.</p>
<h2>Une atomisation lourde de conséquences</h2>
<p>L’organisation du travail du modèle Uber, en atomisant les travailleurs, les amène à se définir exclusivement par rapport à eux-mêmes, engendrant plusieurs conséquences.</p>
<p>Chacun doit apprendre seul comment fonctionne l’activité et se débrouiller avec ses propres défis, en bricolant ses propres tactiques, sachant que tous les chauffeurs n’ont pas les mêmes ressources. Par ailleurs, sans possibilité de rassemblement et de dialogue, les travailleurs sont privés de l’occasion de développer une réflexivité critique collective sur leurs conditions de travail. L’absence d’échanges, d’écoute et de présence à l’autre entrave toute relation significative et toute solidarité ; l’activité est réduite à son seul rapport à l’objet technique.</p>
<p>De fait, sans pouvoir d’agir collectif face à une organisation du travail rigide et intransformable, les dysfonctionnements et les problèmes de santé des travailleurs sont toujours traités <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00464801v2/document">comme des réalités singulières plutôt que relevant de l’organisation du travail</a>, comme le dit Kader, chauffeur Uber à Montréal :</p>
<blockquote>
<p>Je ne me suis jamais vidé le cœur sur le groupe Facebook. Quand je fais un simple commentaire, je me sens attaqué par d’autres. Souvent, des chauffeurs qui parlent honnêtement se font attaquer verbalement. Il y a des souffrances parmi les chauffeurs, on pourrait en discuter. Mais le climat sérieux que ça demanderait, ça n’existe pas dans le groupe.</p>
</blockquote>
<p>Les profils de chauffeurs Uber québécois sont très variés. Par exemple, l’impossibilité de négocier les faibles revenus n’a pas les mêmes conséquences pour un ingénieur en Tesla qui exerce l’activité 3 heures par semaine dans le but de se changer les idées, ou pour un immigrant qui travaille 60 heures par semaine pour faire vivre sa famille.</p>
<h2>Faibles revenus et manque de transparence</h2>
<p>Si l’activité Uber constitue un complément de revenu pour certains individus, le modèle exploite aussi la précarité existante d’une partie de la population ; chez ceux qui exercent l’activité comme seule source de revenus, il s’agit le plus souvent d’un choix faute de mieux.</p>
<p>Bien que la majorité des chauffeurs interrogés, tous profils confondus, n’aspirent pas à devenir salariés et se montrent frileux à l’idée de se syndiquer, nombreux sont ceux qui déplorent les faibles revenus et le manque de transparence de la plate-forme relativement au fonctionnement de l’algorithme et du système de rémunération.</p>
<p>Devant cette situation, ils voient dans le gouvernement la seule partie prenante qui soit réellement en mesure d’instaurer un rapport de force avec Uber afin de forcer la plate-forme à offrir de meilleures conditions de travail à ses chauffeurs.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183080/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lucie Enel a reçu des financements du Conseil de recherche en sciences humaines du Canada, du Fonds de recherche du Québec - Société et culture, du Centre interuniversitaire de recherche sur la science et la technologie, de la Fondation J.A. DeSève. </span></em></p>Les chauffeurs Uber doivent gérer seuls le paradoxe entre la rhétorique d’Uber (flexibilité, liberté, autonomie) et leurs conditions de travail parfois difficiles.Lucie Enel, Doctorante en communication, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1743102022-01-26T19:29:05Z2022-01-26T19:29:05ZL’ubérisation mondiale de l’enseignement supérieur est-elle éthique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/439191/original/file-20220103-84343-1prkxqh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=386%2C835%2C1693%2C1122&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’essor des outils numériques a entraîné l’irruption de nouveaux acteurs dans l’économie de l’apprentissage.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:University_of_Exeter_Building-One.jpg">Wikimedia commons</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Fin 2021, une nouvelle faille s’est ouverte dans le modèle économique d’Uber : La <a href="https://www.economist.com/britain/2021/12/11/a-court-bashes-uber-into-compliance-again">Haute Cour de Londres a condamné la plate-forme</a> pour sa relation contractuelle avec les chauffeurs que la société insiste à considérer (et à traiter) comme des « entrepreneurs » indépendants et non comme des employés subordonnés. Cette décision fait suite à un arrêt similaire de la Cour suprême en février 2021, qui exhortait Uber à reconnaître certains droits à ses chauffeurs, tels que le <a href="https://www.theguardian.com/technology/2021/feb/19/uber-drivers-workers-uk-supreme-court-rules-rights">salaire minimum et les congés payés</a>.</p>
<p>Ces arrêts ne représentent pas seulement un risque juridique pour la plate-forme, au Royaume-Uni et ailleurs, mais appellent, une fois de plus, à un examen de la base éthique du modèle économique de l’entreprise.</p>
<p>Certains commentateurs ont été si critiques qu’ils ont demandé aux régulateurs de « <a href="https://hbr.org/2017/06/uber-cant-be-fixed-its-time-for-regulators-to-shut-it-down">fermer Uber</a> », arguant que son modèle commercial est intentionnellement « fondé sur la violation de la loi » comme moyen de créer un avantage concurrentiel. L’ubérisation de notre économie montre-t-elle son côté obscur ?</p>
<h2>« Gig economy »</h2>
<p>Le modèle commercial innovant d’Uber a connu un tel succès qu’il a été reproduit par de nombreux autres acteurs de la « gig economy » (économie à la tâche), néologisme désignant la transformation des relations permanentes entre employeurs et travailleurs en une prestation de service temporaire et contractuelle (un « gig ») facilitée par un orchestrateur de réseau. Cette ubérisation a eu lieu dans de nombreuses autres activités économiques, comme la livraison de nourriture (Foodora, Deliveroo et Uber lui-même), le tourisme (Airbnb, Couchsurfing), et même les soins de santé, avec les services de consultation en ligne.</p>
<p>Pourtant, cette innovation commerciale semble entraîner un risque de régression sociale. Par exemple, certains chercheurs ont souligné comment, en Australie, la Fair Work Commission soutient que les travailleurs de l’économie des petits boulots sont victimes d’une <a href="https://theconversation.com/how-to-stop-workers-being-exploited-in-the-gig-economy-103673">« exploitation moderne »</a>, car les droits fondamentaux des travailleurs ne leur sont pas appliqués. D’autres critiques pointent les « <a href="https://theconversation.com/uber-might-not-take-over-the-world-but-it-is-still-normalising-job-insecurity-127234">pratiques d’emploi parasitaires</a> » d’Uber, car l’entreprise réalise des profits privés en profitant des systèmes de protection sociale et des incitations économiques existantes (un exemple de <a href="https://sk.sagepub.com/reference/sage-encyclopedia-of-business-ethics-and-society-2e/i19117.xml">« free riding »</a>, c’est-à-dire de « passager clandestin », un problème bien connu dans les sciences sociales).</p>
<p>Au Royaume-Uni, la création d’une plate-forme en ligne pour fournir des services de santé mentale a été considérée comme une « dévalorisation » et soulève de sérieuses inquiétudes quant à la <a href="https://theconversation.com/mental-health-services-in-england-are-being-uberised-and-thats-bad-for-patients-and-therapists-167065">perte de l’approche centrée sur la personne</a>, qui constitue un principe fondamental de la thérapie.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439186/original/file-20220103-37443-506fi2.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le modèle économique d’Uber n’a pas tardé à dépasser le secteur des transports.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/tamaiyuya/49268172768">Yuya Tamai/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En ce qui concerne le monde de l’éducation, en particulier les établissements d’enseignement supérieur, il a été affirmé que le <a href="https://theconversation.com/business-schools-en-route-pour-luberisation-des-enseignants-chercheurs-121069">processus d’ubérisation a déjà commencé</a>. En effet, on retrouve dans ce secteur au moins trois dimensions qui caractérisent le processus.</p>
<p>Premièrement, avec la numérisation de l’apprentissage, de nouveaux acteurs entrent dans le secteur en tant que « fournisseurs » d’éducation (par exemple, LinkedIn Learning), offrant des expériences d’apprentissage à la demande. Deuxièmement, nous assistons à l’essor des <a href="https://www.managementdelaformation.fr/gestion-de-la-formation/2021/10/06/la-formation-dans-les-entreprises-globales-1-les-universites-d-entreprise/">« universités d’entreprise »</a>, qui, par exemple dans la formation en sciences sociales, en management et en économie ou encore en technique et ingénierie, entrent en concurrence avec les établissements d’enseignement traditionnels dans la transmission de compétences, en particulier avec les programmes de formation des cadres.</p>
<p>Ces deux nouveaux acteurs, malgré leur savoir-faire spécifique et leur expérience professionnelle, ne disposent cependant pas du même niveau de ressources pédagogiques et d’expérience que les universités et autres établissements d’enseignement bien établis.</p>
<p>Enfin, une troisième dimension de l’ubérisation peut être trouvée au sein même des établissements d’enseignement supérieur. Elle fait référence aux différents accords contractuels qui coexistent pour le corps enseignant. Dans les écoles de management et facultés d’économie-gestion, par exemple, les normes d’accréditation EQUIS exigent que les écoles disposent d’un « corps professoral de base bien qualifié » composé de professeurs permanents, suffisant pour créer une <a href="https://www.efmdglobal.org/wp-content/uploads/2021_EQUIS_Standards_and_Criteria-1.pdf">« communauté académique viable »</a> et active tant dans la recherche que dans l’enseignement.</p>
<p>Comme dans d’autres facultés et dans de nombreux contextes géographiques (des États-Unis à l’Italie, en passant par le Royaume-Uni et la France), les établissements d’enseignement supérieur ont également souvent recours, en plus de ce corps professoral permanent, à un certain nombre de professeurs vacataires. Ceux-ci sont engagés (souvent temporairement, parfois avec un contrat à durée indéterminée sur une base horaire) pour soutenir la capacité des institutions à enseigner des classes spécifiques, à gérer certains projets (par exemple, l’encadrement et la supervision d’étudiants), ou à intervenir dans des programmes spécifiques (par exemple, dans la formation de professionnels).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1166274271401971712"}"></div></p>
<p>Il existe plusieurs bonnes raisons de soutenir la coexistence d’un corps professoral permanent et d’un corps professoral auxiliaire, notamment : fournir un soutien essentiel au corps professoral de base ; améliorer la pertinence professionnelle des cours proposés ; élargir le champ de l’enseignement commercial (par exemple, introduire des cours sur l’intelligence artificielle) ; créer de nouvelles formes d’emploi (certaines personnes ne sont pas intéressées par un travail subordonné et/ou à temps plein dans l’éducation).</p>
<p>Pourtant, il semble raisonnable de se demander si certains aspects de l’ubérisation de l’éducation ne soulèvent pas des préoccupations éthiques pour les établissements d’enseignement supérieur, notamment liées à la précarité de certains de ces intervenants vacataires, en particulier ceux en quête d’un emploi « permanent » dans ce secteur. Au reste, la pandémie semble avoir <a href="https://www.theguardian.com/education/2020/jun/03/my-gig-work-as-a-professor-is-more-precarious-than-ever-in-this-pandemic">accentué la précarité</a> des professeurs non permanents (1,3 million aux États-Unis).</p>
<h2>Similitudes</h2>
<p>Si nous analysons le modèle commercial d’Uber en associant la perspective de la théorie des parties prenantes (« stakeholder theory ») à la responsabilité sociale des entreprises, comme nous le suggérons dans nos <a href="https://www.cambridge.org/core/books/abs/stakeholder-theory/stakeholder-theory-and-corporate-social-responsibility/28C25B8074B41CD208725E45E5FEC820">recherches</a>, nous sommes en mesure d’identifier les forces et les faiblesses du processus de création de valeur de cette entreprise innovante.</p>
<p>Il ne fait aucun doute qu’Uber a créé de la valeur pour de nombreuses parties prenantes. Les clients, en particulier les jeunes générations, aiment l’innovation qui a transformé le service de taxi en une simple application sur leur smartphone, et apprécient les fonctions de sécurité supplémentaires (identification du chauffeur et suivi de la course) fournies par la plate-forme, sans parler de ses prix généralement plus bas.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=348&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439187/original/file-20220103-106565-1udq2cc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=437&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="license">Author provided</span></span>
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</figure>
<p>Les actionnaires ont eux aussi clairement profité du succès du modèle économique d’Uber : Le cours de l’action <a href="https://www.bbc.com/news/business-56123668">a augmenté de 62 % au cours de l’année 2020</a>, enregistrant des performances bien supérieures à celles de son principal concurrent, Lyft.</p>
<p>Enfin, les employés (du moins, certains d’entre eux) apprécient la façon dont Uber crée de nouvelles opportunités d’emploi, en rendant accessibles des formes de travail à temps partiel qui les aident à arrondir leur salaire mensuel, sans investir les ressources nécessaires pour devenir un chauffeur de taxi professionnel.</p>
<p>Malgré ces avantages, une analyse éthique basée sur la théorie des parties prenantes demande une approche équilibrée, selon laquelle intérêts de toutes les parties prenantes sont pris en considération. Cet équilibre harmonieux semble cependant être clairement compromis à la lumière de la condamnation d’Uber. En particulier, la Cour suprême a considéré dans son jugement <a href="https://www.bbc.com/news/business-56123668">quatre éléments clés</a> pour exiger que l’entreprise traite ses chauffeurs comme des travailleurs subordonnés :</p>
<ul>
<li><p>Uber fixait le tarif, ce qui signifiait qu’ils dictaient combien les chauffeurs pouvaient gagner ;</p></li>
<li><p>Uber fixait les termes du contrat et les chauffeurs n’avaient pas voix au chapitre ;</p></li>
<li><p>Les demandes de transport sont limitées par Uber qui peut pénaliser les chauffeurs s’ils refusent trop de transports ;</p></li>
<li><p>Uber surveille le service d’un chauffeur par le biais du classement par étoiles et a la capacité de mettre fin à la relation si, après plusieurs avertissements, le service ne s’améliore pas.</p></li>
</ul>
<p>Comment les établissements d’enseignement supérieur se comparent-ils à Uber dans la manière dont ils traitent leur personnel enseignant ? Si nous examinons les quatre mêmes aspects clés identifiés ci-dessus, nous pourrions trouver des similitudes (et quelques différences) avec la relation contractuelle sous laquelle certains établissements engagent leurs professeurs vacataires temporaires (certains enseignants payés à l’heure sont engagés dans certains contextes sur une base permanente, contrairement aux chauffeurs Uber) :</p>
<ul>
<li><p>Fixation du tarif : Les écoles de commerce fixent le taux de rémunération horaire des professeurs adjoints qui enseignent dans leurs programmes (toutefois, cela fait l’objet d’un certain degré de négociation avec chaque enseignant, en fonction de son expérience professionnelle et/ou de ses qualifications) ;</p></li>
<li><p>Fixation des termes du contrat : Les établissements fixent les conditions générales du contrat ; toutefois, ici aussi, certains éléments peuvent être négociés individuellement ;</p></li>
<li><p>Contrôle de la prestation de services : Les vacataires acceptent de fournir des services d’enseignement ; le nombre d’étudiants affectés à chaque classe est géré et contrôlé par l’administration de l’institution. Les vacataires peuvent exprimer leurs préférences mais n’ont pas le pouvoir contractuel de négocier le nombre d’étudiants qui assisteront à leurs cours (en d’autres termes, ils n’ont pas le droit de refuser de fournir leurs services à un étudiant, sauf en cas de mesures disciplinaires) ;</p></li>
<li><p>Suivi de la qualité : Les écoles et universités contrôlent typiquement les performances d’enseignement de l’ensemble de leur personnel (permanent et auxiliaire) via les évaluations des étudiants et d’autres moyens, et peuvent décider de modifier ou de ne pas renouveler le contrat des professeurs vacataires temporaires chaque semestre ou année universitaire.</p></li>
</ul>
<p>Si l’ubérisation du secteur de l’éducation, à travers les continents, est un phénomène réel, nombre d’institutions d’enseignement supérieur devraient s’inquiéter du fait que leurs relations contractuelles avec les professeurs vacataires temporaires pourraient potentiellement présenter certains risques juridiques n’étant pas sans rappeler ceux auxquels Uber est confronté avec ses chauffeurs. En outre, d’un point de vue éthique, cette préoccupation apparaît encore plus évidente dans un secteur en <a href="https://www.chronicle.com/article/how-the-university-became-neoliberal/">voie de « néolibéralisation »</a>
dont les acteurs affichent néanmoins bien souvent dans leur mission et leurs valeurs une aspiration claire à contribuer au progrès social et environnemental.</p>
<p>L’introduction de nouveaux cours sur la responsabilité sociale, la diversité et le bien-être dans les cursus ou la nomination de responsables du développement durable dans les établissements d’enseignement supérieur, bien qu’il s’agisse d’actions louables, ne suffiront pas à mettre un terme aux critiques à l’égard de l’ubérisation de l’éducation si cela entraîne une atteinte aux droits des travailleurs. Dans ce cas, les étudiants n’hésiteraient pas à accuser les établissements de « bla-bla-bla ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174310/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simone de Colle ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Certaines pratiques reprochées à la plate-forme dans sa relation avec ses chauffeurs se retrouvent dans le secteur de l’éducation.Simone de Colle, Associate Professor, Business Ethics & Strategy, IÉSEG School of ManagementLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1734422021-12-14T19:56:15Z2021-12-14T19:56:15ZLa « jouissance cynique », un moteur de l’activité des VTC<p>Pourquoi est-il si difficile de réformer les plates-formes de véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC), en conférant notamment un statut de salarié aux conducteurs ? En dépit de timides avancées et des protestations de leurs travailleurs sur le mode de rémunération, des sociétés comme Uber et Lyft continuent largement de résister à cette classification, déclarant que cela les obligerait à <a href="https://www.nytimes.com/2021/06/09/business/economy/uber-lyft-gig-workers-new-york.html">modifier leur modèle commercial</a> et à risquer une augmentation des coûts de main-d’œuvre de 20 à 30 %.</p>
<p>Au-delà de l’argument de perte de compétitivité avancé par les plates-formes, une autre raison est sans doute à aller chercher du côté du mode de management des chauffeurs, qui semble s’articuler autour de la notion de « jouissance cynique » que nous avons caractérisée dans nos <a href="https://www.researchgate.net/publication/348182862_Who_is_pulling_the_strings_in_the_platform_economy_Accounting_for_the_dark_and_unexpected_sides_of_algorithmic_control">recherches récentes</a>.</p>
<p>S’il y a une définition positive du cynisme (par exemple lorsque le philosophe antique Diogène résiste au pouvoir en optant pour une vie frugale) nous nous concentrerons ici sur son effet autodestructeur : le chauffeur adopte un comportement transgressif pour trouver l’énergie de faire le « sale boulot », ce qui reproduit le statu quo et ne change rien à sa situation. La jouissance cynique permet dans un premier temps de motiver les chauffeurs, mais constitue durablement un désastre en termes de relations publiques et un frein à la transformation de l’entreprise.</p>
<p>L’observation de forums publics (par exemple, <a href="https://uberzone.fr/">uberzone.fr</a> ou <a href="https://www.uberpeople.net/">Uberpeople.net</a>) permet d’observer le mode d’identification des chauffeurs aux plates-formes. Celui-ci est structuré par un fantasme, au sens clinique du terme, c’est-à-dire l’adhésion affective à une structure narrative qui comporte à la fois un scénario idéalisé et un scénario catastrophe. Ce fantasme produit en effet une forme d’excitation, mais teintée de cynisme, qui « agrippe » les conducteurs à la plate-forme.</p>
<h2>« Retour en enfance »</h2>
<p>Le volet idéaliste du fantasme inclut la publicité de ces plates-formes qui décrivent le statut d’autoentrepreneur comme un eldorado de liberté. Par exemple, les interpellations publicitaires cherchent à valoriser les travailleurs, comme dans la campagne illustrée <a href="https://www.adweek.com/creativity/lyft-wrote-giant-thank-you-notes-to-its-drivers-on-these-out-of-home-ads/">ci-dessous</a> par Lyft, qui répertorie les nombreuses identités alternatives de leurs chauffeurs : étudiants en architecture, militants, mères de famille, artisans, poètes, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"938236842998198278"}"></div></p>
<p>Un tel discours gratifiant reconnaît publiquement l’identité réelle ou supposée de leurs chauffeurs, en dehors de la conduite automobile, et présente ainsi Lyft comme une entreprise bienveillante. Pourtant, une telle gratitude publique sert également à masquer le fait que ces chauffeurs ne sont, dans beaucoup d’États, ni officiellement reconnus, ni rémunérés, en tant que travailleurs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=634&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=634&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=634&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=797&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=797&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/436338/original/file-20211208-27-7uqcrz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=797&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Capture d’écran des badges ludiques proposés par Uber.</span>
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</figure>
<p>Le volet béatifique du fantasme se voit également renforcé par la <a href="https://theconversation.com/la-gamification-juste-un-jeu-ou-un-reel-enjeu-153809">gamification</a> qui prend la forme d’un « retour en enfance » auxquels Uber et Lyft ont recours pour manager les conducteurs. De temps en temps, lorsqu’un chauffeur Lyft termine un trajet, il reçoit ainsi un nouveau badge. Le badge « Early Riser » est obtenu lorsqu’un trajet est terminé entre 4h00 et 8h00. Gagner une récompense telle que « Night Hero » peut améliorer l’humeur et la motivation d’un conducteur au travail.</p>
<p>Quelques articles de presse grand public ont étudié la dimension psychosociale du management algorithmique, dont notamment un <a href="https://www.nytimes.com/interactive/2017/04/02/technology/uber-drivers-psychological-tricks.html">article</a> remarqué du New York Times sur Uber en 2017, ou encore un <a href="https://www.theguardian.com/business/2018/nov/20/high-score-low-pay-gamification-lyft-uber-drivers-ride-hailing-gig-economy">autre</a> du Guardian, un an plus tard, sur la gamification et les plates-formes de la « gig economy », signé d’une sociologue et ancienne chauffeure pour Lyft. On y apprend notamment que les entreprises de VTC ont recours aux sciences du comportement pour attirer une main-d’œuvre indépendante et augmenter ainsi leurs flottes.</p>
<h2>« Ils arnaquent des milliers de conducteurs »</h2>
<p>Cependant, ces scénarios flatteurs et infantiles s’accompagnent d’autres, beaucoup plus sombres, qui génèrent notamment une forme de victimisation et de paranoïa chez les chauffeurs. Sur le forum Uberpeople.net, des exemples de cette suspicion généralisée impliquent le bénéfice financier que la plate-forme tirerait illégalement de la pratique de la fixation dynamique des prix, comme l’illustre ce post de novembre 2017 :</p>
<blockquote>
<p>« Peu importe qu’ils le manipulent manuellement ou automatiquement. Ils le manipulent. Tout le monde sait ça. Ce n’est pas comme si c’était réglementé par le gouvernement. Vous travaillez pour Uber, vous vous faites manipuler. Ceux qui sont peut-être un peu plus intelligents que la moyenne manipulent l’Uber en retour. »</p>
</blockquote>
<p>Ou encore cet autre, mis en ligne en septembre 2018 :</p>
<blockquote>
<p>« J’étais dans une zone de boost 1,3x et ils m’ont payé avec un 1,2x. Petite différence mais je suis sûr qu’ils arnaquent des milliers de conducteurs. »</p>
</blockquote>
<p>Ces chauffeurs se disent « volés » par Uber mais, cyniquement, affirment dans le même temps que manipuler Uber en retour reste la meilleure défense.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"932734091329490945"}"></div></p>
<p>Sur uberzone.fr, Uber se voit également reprocher de soutenir les clients qui cherchent à obtenir une course gratuitement et à se faire rembourser illégalement. Comme le relate un participant du forum en novembre dernier :</p>
<blockquote>
<p>« Un gros [c…] s’est plaint auprès de la plate-forme, en disant que je ne lui ai pas rendu la monnaie (car le chauffeur n’avait pas de monnaie bien sûr) et qu’il réclamait le reste de son argent… J’ai sorti les extraits vidéo où on voit clairement ce qu’il a payé… (merci ma caméra !) Certains sont prêts à tout pour être remboursés ou même avoir une petite réduction, quitte à mentir… Le passager peut dire ce qu’il veut, ils le croiront lui, croyez-moi … »</p>
</blockquote>
<p>Dans ce cas de scénario catastrophe où un client prétendument fraudeur cherche à être remboursé, le management d’Uber est dépeint comme une cabale, conspirant avec les clients pour préserver le pouvoir, tout en « volant » silencieusement de l’argent aux conducteurs honnêtes.</p>
<h2>Leadership violent</h2>
<p>Cette jouissance cynique peut cependant revêtir des aspects lucratifs : certains conducteurs deviennent ainsi des influenceurs, filment les discussions avec les clients fraudeurs à leur insu et diffusent les vidéos sur YouTube en relatant leurs expériences, avec parfois plusieurs milliers de vues. Par exemple, le compte <a href="https://www.youtube.com/channel/UCKhK5Ysw9DpHNNEVSAu0yIA">« Ryan is driving »</a> compte aujourd’hui près de 879 000 abonnés.</p>
<figure>
<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/F7ORQPHMUoY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Adventures As An Uber Driver (« mes aventures de chauffeur Uber »), Ryan is driving (2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Le climat de soupçon généralisé mêlé au sentiment d’être assiégé par un management manipulateur et infantilisant contribue à un climat affectif dans lequel le conducteur, constamment sous tension, ressent des émotions primitives comme l’humiliation ou l’agressivité. Par exemple, un conducteur décrit la rivalité avec les bus :</p>
<blockquote>
<p>« Le pire c’est les chauffeurs de bus… JE NE PEUX PLUS ME LES VOIR… (sic) j’en deviens agressif, je fais comme eux… j’ai l’impression qu’ils veulent t’humilier devant le client (gratuitement)… »</p>
</blockquote>
<p>Comble de la paranoïa, les conducteurs qui s’estiment brimés « devant le client » prêtent au chauffeur de bus une intention malveillante liée à son identité de conducteur de VTC. Cette agressivité apparaît également dans les chiffres (<a href="https://www.uber-assets.com/image/upload/v1575580686/Documents/Safety/UberUSSafetyReport_201718_FullReport.pdf">6 000 agressions sexuelles ont été signalées</a> à Uber aux États-Unis entre 2017 et 2018), si bien que ces comportements sont aujourd’hui pris très au sérieux par la direction <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/12/12/agressions-sexuelles-le-patron-d-uber-france-promet-de-nouvelles-mesures_6022682_3224.html">d’Uber France qui a lancé une campagne de communication sur le sujet pour rassurer les clients</a>.</p>
<p>Par ailleurs, cette culture de la jouissance cynique a longtemps été partagée par le top management d’Uber. L’ancien président-directeur général Travis Kalanick en personne a ainsi été <a href="https://www.youtube.com/watch?v=gTEDYCkNqns">filmé</a> en train de crier comme un despote à son propre conducteur : « Certaines personnes n’aiment pas assumer la responsabilité de leur propre m… ».</p>
<p>Cette image d’un leadership violent a également été amplifiée par les critiques à l’encontre du département des ressources humaines (DRH) d’Uber, accusé de perpétuer une <a href="https://www.theverge.com/2020/2/19/21142081/susan-fowler-uber-whistleblower-interview-silicon-valley-discrimination-harassment">culture interne</a> de sexisme. Début 2017, une salariée a ainsi relaté avoir reçu une proposition sexuelle par son manager lors du jour de sa prise de poste ; or, si la qualification de harcèlement fut reconnue par la DRH, le manager restera protégé car il est un « high performer ». La jouissance cynique consiste ici à tolérer des pratiques abusives au nom du surplus de motivation qu’elles procurent à l’entreprise.</p>
<p>Dans ce contexte, certains chauffeurs cyniques restent fatalistes, tandis que d’autres <a href="https://theconversation.com/les-chauffeurs-uber-en-greve-quelles-conditions-de-travail-a-lere-de-la-precarite-116695">manifestent</a> publiquement pour modifier leurs conditions de travail, ou en <a href="https://www.susanjfowler.com/blog/2017/2/19/reflecting-on-one-very-strange-year-at-uber">lançant l’alerte</a> sur la culture du harcèlement chez Uber. Mais ces initiatives courageuses seront-elles suffisantes pour juguler les dégâts de cette « jouissance cynique » pour les plates-formes de VTC ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173442/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Édouard Pignot ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche identifie un comportement transgressif chez les chauffeurs qui leur permet de trouver l’énergie pour faire le « sale boulot », mais qui constitue aussi un frein au changement.Édouard Pignot, Enseignant-chercheur en psychologie des organisations, Pôle Léonard de VinciLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1575152021-03-28T16:38:00Z2021-03-28T16:38:00ZPlates-formes : l'organisation syndicale, une réponse à la désillusion des chauffeurs Uber<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/390613/original/file-20210319-21-s9l7g6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C1%2C1276%2C848&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un rapport sur la régulation des relations entre travailleurs indépendants et plates-formes numériques a été rendu le 12 mars 2021 à la ministre du Travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/en/photo/655303">PxHere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le mardi 16 mars, le géant Uber a reconnu un <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2021/03/17/uber-reconnait-aux-chauffeurs-britanniques-un-statut-de-travailleur-salarie-une-premiere_6073386_3234.html">statut de salarié</a> à ses chauffeurs du Royaume-Uni. Cette décision, inédite pour l’entreprise, donne de l’espoir pour les chauffeurs du reste des pays où la société est implantée.</p>
<p>En France, la ministre du Travail, Élisabeth Borne, a missionné fin décembre 2020 trois spécialistes pour réfléchir sur la régulation des relations entre travailleurs indépendants et plates-formes numériques. Leur <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/03/12/les-travailleurs-des-plates-formes-numeriques-devraient-elire-des-representants-en-2022_6072907_823448.html">rapport</a> a été rendu le 12 mars 2021, l’objectif initial étant que l’ordonnance soit déposée au plus tard le 24 avril 2021.</p>
<p>Se questionner sur la représentation syndicale des travailleurs des plates-formes semble nécessaire pour répondre aux difficultés qu’ils peuvent rencontrer. L’apparition des plates-formes a donné à ces travailleurs un grand espoir qui a rapidement laissé place à une forte désillusion.</p>
<p>Notre analyse, basée sur une <a href="https://www.researchgate.net/publication/348735072_FAIRE_FACE_AUX_DIFFICULTES_D%E2%80%99UNE_CARRIERE_PROTEENNE_Le_cas_des_chauffeurs_Uber">recherche</a> auprès de 30 chauffeurs travaillant pour Uber, montre que ces travailleurs ont choisi de collaborer avec les plates-formes pour l’aspect financier et l’autonomie qui était mise en avant par ces dernières.</p>
<h2>Désillusion des chauffeurs</h2>
<p>Rapidement, la liberté recherchée par le chauffeur est limitée, entrainant une désillusion des chauffeurs. Par exemple, aucune négociation sur les marges prises par la plate-forme Uber n’est possible.</p>
<p>Un interviewé le confirme :</p>
<blockquote>
<p>« Quand j’ai signé mon contrat avec la plate-forme, je n’ai pas pu négocier quoi que ce soit ».</p>
</blockquote>
<p>Les chauffeurs sont également très contraints par le type de voiture qu’ils doivent acheter. Leurs options en termes de couleur ou d’année de fabrication du véhicule restent limitées. La relation avec le client prive également le chauffeur de son autonomie : les clients peuvent réagir directement auprès de la plate-forme en évaluant le conducteur et la qualité de la prestation sans que cette évaluation soit toujours analysée par la plate-forme. Si cette dernière est trop faible, le chauffeur peut être déconnecté et exclu de la plate-forme sans préavis. Il doit alors recontacter la plate-forme et perd quelques jours de chiffre d’affaires.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390610/original/file-20210319-19-11ijeek.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chauffeurs Uber sont contraints dans le choix de leur voiture, qui doit respecter certains standards.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/paris-france-august-8-2014-black-270270794">Shutterstock</a></span>
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<p>La désillusion porte aussi sur la marge que prend la plate-forme. Uber a modifié sa marge unilatéralement en 2017 en passant de 20 à 25 %. Les bonus promus sont aussi peu présents sur le long terme et amènent les chauffeurs à rencontrer des difficultés financières importantes pour rembourser leurs prêts.</p>
<p>Enfin, la désillusion reste très forte au niveau social : leur image a été ternie par <a href="https://www.numerama.com/politique/577842-3-045-agressions-sexuelles-9-meurtres-uber-rend-public-un-bilan-terrifiant.html">certains actes</a> de chauffeurs comme des agressions sexuelles, et ce malgré une communication active des plates-formes sur le sujet.</p>
<h2>Organiser une représentation syndicale</h2>
<p>Face à cette grande désillusion, les chauffeurs ont réagi et mis en place des stratégies différentes. La première consiste à organiser une représentation syndicale de leur activité (six cas). Ne se considérant pas comme des salariés classiques, les chauffeurs ont cherché à créer leur propre structure syndicale et une certaine méfiance envers les syndicats traditionnels a été observée.</p>
<p>Néanmoins, certains collectifs de chauffeurs ont été <a href="https://www.sudouest.fr/2020/02/13/de-uber-a-deliveroo-les-travailleurs-des-plateformes-s-organisent-et-creent-leur-premier-syndicat-7189100-5458.php">soutenus</a> par les syndicats classiques comme la CGT ou la CFDT. Leurs revendications portent en grande partie sur leur souhait de conserver leur indépendance, de pouvoir négocier avec les plates-formes et de modifier ainsi le rapport de force.</p>
<p>La stratégie n’est pas de quitter ou de faire disparaître la plate-forme mais de la faire évoluer. Les chauffeurs se montrent particulièrement pro-actifs, notamment car ils font face à des enjeux financiers importants. Plusieurs actions ont été organisées, comme l’<a href="https://www.latribune.fr/economie/france/manifestation-de-vtc-les-chauffeurs-reclament-l-application-de-la-loi-sans-delai-759148.html">intervention</a> auprès de l’ex-ministre des Transports Élisabeth Borne, ou encore des <a href="https://france3-regions.francetvinfo.fr/paris-ile-de-france/paris/paris-chauffeurs-vtc-appellent-bloquer-peripherique-ce-vendredi-1612969.html">blocages sur le périphérique</a>. Dans certains cas, les revendications ont pu être violentes et aller à l’encontre de la stratégie initiale.</p>
<h2>L’illégalité comme mode de survie</h2>
<p>La deuxième stratégie consiste à contourner le système en adoptant des comportements déviants (dix cas). Par exemple, les chauffeurs allongent dangereusement leur temps de travail pour compenser la perte de bénéfices qu’ils subissent.</p>
<p>L’un d’entre eux témoigne :</p>
<blockquote>
<p>« Je travaille 70 heures par semaine ».</p>
</blockquote>
<p>Cet allongement du temps de travail a des conséquences sur la santé des chauffeurs. Les difficultés rencontrées augmentent le stress, qui génère un comportement déviant, qui à son tour augmente encore le stress. Certains partagent leur voiture avec d’autres conducteurs pour réduire leurs coûts d’exploitation.</p>
<p>Enfin, d’autres ne déclarent pas tous leurs revenus aux services fiscaux, ou cumulent leurs revenus avec les indemnités de chômage. Parmi eux, certains vont même jusqu’à anticiper comment réagir s’ils se faisaient prendre à ne pas respecter les règles.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/390853/original/file-20210322-23-1cz7bx7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’allongement du temps de travail augmente la fatigue des chauffeurs Uber.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/side-view-young-african-businessman-yawning-468015065">Shutterstock</a></span>
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</figure>
<p>Ces chauffeurs font le choix de rester dans cette illégalité pour survivre. L’investissement réalisé ayant été trop important, revenir en arrière n’est pas possible. Pour mettre en place ces différentes stratégies, ils s’appuient sur un véritable réseau, et bénéficient des conseils d’autres chauffeurs. Étant régulièrement sur la route, ils communiquent via des groupes Facebook ou sur WhatsApp.</p>
<h2>Quitter son emploi</h2>
<p>La troisième stratégie identifiée est de quitter cette activité professionnelle difficile, en espérant la reprendre lorsque les conditions seront meilleures. Pour certains, reprendre un emploi salarié semble la solution tandis que d’autres optent pour la création d’une entreprise.</p>
<p>Analyser la représentation syndicale des travailleurs des plates-formes sans prendre en compte les difficultés qu’ils peuvent rencontrer ne permet d’aborder qu’une partie du problème. La prise en compte des comportements déviants et des choix de réorientation doivent conduire le législateur à engager une véritable réflexion sur les plates-formes. Nous invitons les pouvoirs publics à repenser le rapport de force entre travailleurs et plates-formes. Requalifier les chauffeurs en tant que salariés n’est pas forcément la réponse souhaitée par les chauffeurs. Leur permettre de réaliser une activité rentable et en toute autonomie semble être la solution souhaitée par les chauffeurs.</p>
<p>Au niveau syndical, les organisations doivent poursuivre la prise en compte de ces statuts particuliers et leur souhait d’indépendance, dans un contexte où la crise de la Covid-19 vient complexifier cette activité qu’il convient de préserver.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/157515/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les actions collectives de ces travailleurs indépendants ont déjà permis de modifier leur rapport de force avec la plate-forme.Pauline de Becdelièvre, Maître de conférence/ enseignant-chercheur, École Normale Supérieure Paris-Saclay – Université Paris-SaclayFrançois Grima, Professeur des Universités, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Lionel Prud'homme, Directeur, HR Management School, IGS-RHLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1403882020-06-15T20:28:12Z2020-06-15T20:28:12ZVTC : comment mieux harmoniser la qualité de service ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/340598/original/file-20200609-21214-19n5akd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C26%2C5973%2C3341&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chauffeurs n’ont pas le statut de salarié et travaillent parfois pour plusieurs entreprises de VTC en parallèle.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/kARZuSYMfrA">Dan Gold / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>Il y a dix ans à San Francisco, UberCab (soit SuperTaxi), devenu Uber, lançait la première application de mise en relation d’utilisateurs avec des conducteurs réalisant des services de transport. Depuis, les services concurrents de voiture de transport avec chauffeur (VTC) prolifèrent à travers le monde.</p>
<p>Que ce soient Lyft aux États-Unis et en Europe, Didi Chunxing en Chine, Bolt, Kapten, Caocao, Marcel ou le luxueux Wheely qui ne propose que des Mercedes-Benz en France, TemTem en Algérie, OTO en Tunisie, Careem au Maroc ainsi que Snapp en Iran, ces services de transport de porte à porte ont transformé l’expérience et les comportements des consommateurs dans leurs déplacements quotidiens.</p>
<p>Afin de comprendre l’engouement pour ce type de service en France notamment en comparaison d’autres services de transports relativement semblables (taxis ou voiture personnelle) ou plus éloignés (transports publics), nous avons entrepris un travail de recherche qui vise à identifier les raisons de la satisfaction ou de l’insatisfaction des consommateurs à l’égard des services de VTC.</p>
<p>Si les répondants évoquent des avantages comme le confort, le coût modéré par rapport au plaisir d’être servi, ou encore le gain de temps permis par la simplification de la commande et du paiement, nous souhaitons nous attarder sur deux facteurs qui affectent particulièrement le niveau de satisfaction : d’une part la performance de l’interface permettant de commander une course, et d’autre part la qualité de service, de l’aspect des équipements à la manière d’être du conducteur qui, rappelons-le, n’est en aucun cas salarié de l’entreprise de VTC. Ainsi, la qualité globale du service dépend, pour chaque course, de deux « fournisseurs ».</p>
<p>Dès lors, la question de l’harmonisation de la qualité de service de bout en bout se pose.</p>
<h2>Le design de l’interface au cœur du service</h2>
<p>La véritable innovation proposée par les services de VTC repose avant tout dans la capacité à fournir une plate-forme ergonomique de mise en contact immédiate et géolocalisée de l’offre et la demande de mobilité.</p>
<p>Les réponses des personnes interrogées reflètent ainsi l’importance du rôle de l’interface de l’application dans l’expérience des utilisateurs et la valeur perçue du service. Certains répondants décrivent les sites Web ou applications des VTC comme « ergonomiques » (répondant 7), « riches en informations » (répondant 1), « assez faciles à utiliser » (répondant 3).</p>
<p>En outre, la satisfaction à l’égard du service augmente de 19 % lorsque l’accessibilité de celui-ci progresse et elle atteint 52 % lorsque la perception de la qualité de l’application présente une amélioration.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=415&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340600/original/file-20200609-21238-12tddkx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=522&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Trois exemples d’interfaces d’application VTC (de gauche à droite : Uber, Heetch, Caocao) lors de la commande d’une course allant de la place de la Bastille à la place de la République à Paris.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Capture d’écran des applications</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Parmi les aspects fréquemment mentionnés par les répondants, on trouve : une « conception simple » qui permet aux clients de naviguer sur le site Web ou sur l’application et de connaître sa localisation ; qui présente « suffisamment d’informations » sur les services offerts par l’entreprise (répondant 23) ; ou encore une application « facile à charger » qui s’affiche dans les zones où la 4G n’est pas accessible.</p>
<p>Au contraire, si l’application est conçue comme un labyrinthe et que ses options pour choisir ou modifier la destination ne sont pas faciles à identifier, les consommateurs peuvent se sentir frustrés et subir une sorte de fardeau psychologique supplémentaire lors de l’utilisation de l’application.</p>
<p>Lorsqu’on leur a demandé quelle était leur source de satisfaction et d’insatisfaction avant la course, les répondants ont répondu : « L’application est très claire et bien structurée. On ne s’y perd pas… » (répondant 24) ; ou encore, a contrario, « parfois, nous ne pouvons pas réserver le voyage à l’avance, car le service est temporairement indisponible » (répondant 19).</p>
<p>Les résultats montrent en outre qu’une augmentation de la satisfaction, notamment liée au gain de temps permis par la facilité d’utilisation de l’interface, accélère la fidélité de 71 % et augmente le bouche-à-oreille, notamment électronique (<em>electronic word of mouth</em> ou eWOM) jusqu’à 68 %.</p>
<p>Ainsi, dans un environnement de plus en plus <a href="https://www.journaldunet.com/economie/transport/1423222-vtc-qui-a-la-plus-grosse-audience-en-france/">concurrentiel</a>, les entreprises de VTC ont tout intérêt à perfectionner le design de leur interface et à en simplifier l’utilisation au maximum.</p>
<h2>Quelle marge de manœuvre réelle sur la qualité ?</h2>
<p>Mais le service VTC ne s’arrête pas là. L’expérience des consommateurs au cours de la course impacte directement leur satisfaction à l’égard des services de VTC. La qualité des équipements tels que des voitures bien entretenues ainsi que la compétence des chauffeurs en matière de conduite, mais aussi de relationnel client (serviabilité, politesse, empathie, attention personnalisée) jouent un grand rôle.</p>
<p>Les clients ont tendance à juger l’entreprise de VTC globalement fiable s’ils vivent une bonne expérience avec le chauffeur lors de leur course. L’accessibilité du chauffeur fait partie des facteurs qui peuvent consolider ou au contraire rompre la relation du consommateur avec l’entreprise de VTC.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/340602/original/file-20200609-21178-gtyk6l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le chauffeur est aussi considéré comme un fournisseur de service devant adopter un bon relationnel pour satisfaire ses clients..</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/transport-business-trip-destination-people-concept-595935458">F8 studio/Shutterstock</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Cela se traduit notamment par la formulation de bons ou mauvais commentaires pour l’entreprise ou par une notation plus ou moins sévère du conducteur. En effet, les plates-formes de VTC sont construites sur un système d’<a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/surveillez-votre-note-uber-peut-desormais-vous-bloquer-1360584">évaluation croisée</a> : le client évalue le service reçu et le prestataire évalue le client.</p>
<p>À noter que les clients attendent beaucoup d’une course réalisée dans un contexte sensible à savoir lorsque le temps est contraint : trajet pour se rendre à l’aéroport, un concert, une réunion, une salle de classe ou un rendez-vous avec un médecin. Ainsi, la ponctualité, la paix et le confort que les consommateurs ressentent lors d’un voyage constituent une priorité.</p>
<h2>Une harmonisation possible ?</h2>
<p>Les services de VTC fonctionnent sur la base de modèles économiques de <a href="https://www.huffingtonpost.fr/joffrey-ouafqa/economie-collaborative-et-service-a-la-personne_b_8049506.html">pair à pair</a>. Les plates-formes jouent donc uniquement un rôle d’intermédiaire. En effet, malgré des procédures en cours de requalification des travailleurs indépendants en salariés, les chauffeurs ne sont ni employés ni véritablement formés par les entreprises qui gèrent les plates-formes.</p>
<p>Il est même très fréquent que les chauffeurs travaillent en parallèle pour plusieurs plates-formes sans pour autant modifier leur comportement vis-à-vis d’un client, quelle que soit sa provenance.</p>
<p>De plus, les conducteurs utilisent leurs propres voitures privées pour fournir la prestation de service (ou en <a href="https://www.leparisien.fr/hauts-de-seine-92/ile-de-france-600-chauffeurs-vtc-obliges-de-rendre-les-cles-de-leur-voiture-25-03-2019-8039505.php">louent une</a> auprès d’une entreprise spécialisée par le biais de l’entreprise de VTC).</p>
<p>La qualité et l’entretien des voitures ne sont donc pas strictement contrôlés par l’entreprise de VTC comme peuvent l’être les voitures constituant une flotte de location par exemple. Pourtant, les consommateurs attribuent l’état des voitures et le comportement des chauffeurs à la plate-forme VTC.</p>
<p>Les gestionnaires de service ont toujours la possibilité d’imposer des réglementations aux chauffeurs pour l’entretien de leurs voitures et l’utilisation de climatiseurs pour les zones et la période de l’année où le climat le demande par exemple.</p>
<p>Il reste également possible de prêter une attention stricte au recrutement des chauffeurs de services de VTC ou d’organiser des cours pour les conducteurs et leur enseigner l'éthique, les codes vestimentaires et les codes pour l’entretien des véhicules.</p>
<p>Mais, rien ne garantit un niveau élevé ni une harmonisation de la qualité de service dans les faits.</p>
<p>Ainsi, le modèle d’affaires de pair à pair, devenu une référence en matière d’optimisation des coûts possèdent quelques limites quand il s’agit de délivrer une expérience de qualité. Effectivement, celle-ci ne s’arrête pas au moment de la commande de la course.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1071900613280231424"}"></div></p>
<p>Si en dépit du système de notation des chauffeurs, il reste compliqué pour les entreprises de VTC de garantir un niveau de service optimal lors des courses, il leur est cependant possible d’agir sur le rapport qualité/prix en diminuant le coût du trajet.</p>
<p>Ce coût est principalement déterminé automatiquement en fonction de l’itinéraire et des conditions de demande des services de VTC. Ainsi les gestionnaires de plate-forme gagneraient à accorder une attention toute particulière aux algorithmes de calcul des coûts de voyage ou aux programmes récompensant la fidélité des clients pour améliorer leur image.</p>
<p>Cela permettrait notamment de gagner la confiance des consommateurs. Ces derniers ont souvent l’impression d’être « arnaqués » par un système qui <a href="https://www.numerama.com/vroom/478932-uber-comment-est-calcule-le-prix-dune-course.html">tire parti</a> de l’évolution de la demande ou des conditions de circulation et qui ne tient compte des « erreurs » de calcul de prix qu’a posteriori après une demande auprès du service clients.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/140388/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Ce service de transport est fourni par la plate-forme (commande) et par le chauffeur (livraison). Il reste donc difficile de garantir une expérience optimale de bout en bout et lors de chaque course.Jean-Eric Pelet, Enseignant chercheur en marketing et systèmes di'information, ESCE International Business SchoolSomayeh Zamani, Associate professor, faculty member at the Isfahan Hasht Behesht Higher Education Institute, University of IsfahanLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1343652020-03-24T19:20:59Z2020-03-24T19:20:59ZLa preuve par trois : Les géants du numérique à la conquête du monde<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/322144/original/file-20200322-22610-oj6jho.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C5%2C986%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Amazon, simple revendeur de livres à son lancement en 1994, est aujourd’hui l’une des entreprises les plus puissantes de la planète.
</span> <span class="attribution"><span class="source">Rvlsoft / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>La preuve par 3 : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Julien Pillot, enseignant-chercheur en économie et stratégie à l’INSEEC School of Business & Economics, décrypte <strong>les stratégies des géants du numérique pour devenir incontournables</strong> chez le consommateur au travers l’étude de 3 cas : Uber, Amazon et Airbnb.</em></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-airbnb-le-pari-gagne-de-leffet-volume-131414">Airbnb, le pari gagné de l’effet volume</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322140/original/file-20200322-22594-1x6ro8j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Airbnb, qui n’était pourtant pas un pionnier sur son marché, est parvenu en un temps record à devenir le premier hôtelier planétaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">AlesiaKan/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dès son lancement en 2008, la plate-forme de location de logements entre particuliers a enclenché un cercle vertueux en proposant une offre abondante qui a entraîné la demande.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/6ApwYaNmcO9uwYVE44m74L"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-airbnb-le-pari-gagn%C3%A9-de-leffet-volume/id1516230224?i=1000476394983"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-uber-la-croissance-plutot-que-les-profits-131498">Uber, la croissance plutôt que les profits</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322141/original/file-20200322-22622-1xmbue3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La stratégie de l’entreprise américaine l’oblige à brûler énormément de cash.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NYCStock/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’opérateur de services de transport en voiture a acquis sa position de leader mondial en se constituant rapidement une base de chauffeurs très large. Une stratégie qui reste toutefois risquée.</p>
<iframe src="https://player.acast.com/5e69020345f6295e08d5a28b/episodes/podcast-uber-la-croissance-plutot-que-les-profits?theme=default&cover=1&latest=1" frameborder="0" width="100%" height="110px" allow="autoplay"></iframe>
<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2chlGlTTBEPlLBrM9TTbxX"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-uber-la-croissance-plut%C3%B4t-que-les-profits/id1516230224?i=1000476394989"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<h2><a href="https://theconversation.com/podcast-amazon-une-marketplace-pour-assecher-la-concurrence-131497">Amazon, une marketplace pour assécher la concurrence</a></h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=490&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/322142/original/file-20200322-22618-1t7851m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=615&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Pour le fondateur Jeff Bezos, les marges de ses concurrents constituent une « opportunité » pour son entreprise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Steve Jurvetson/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En offrant la possibilité à des vendeurs indépendants de faire connaître leurs produits, la plate-forme sélectionne les <em>best sellers</em> qu’il distribuera lui-même à l’avenir… en cassant les prix.</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/40AFgxNutHJSn5v5zXGgxC"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-amazon-une-marketplace-pour-ass%C3%A9cher-la-concurrence/id1516230224?i=1000476394977"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/134365/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Les succès d’Airbnb, d’Uber ou encore d’Amazon reposent sur des modèles qui visent à les rendre incontournables chez les consommateurs. Décryptage.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1314982020-03-22T15:38:49Z2020-03-22T15:38:49ZPodcast : Uber, la croissance plutôt que les profits<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/314717/original/file-20200211-146714-1o6ccd9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La stratégie de l'entreprise américaine l'oblige à brûler énormément de cash.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/image-photo/new-york-city-may-10-2019-1394391065">NYCStock / Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Dix ans après son lancement, Uber, le premier opérateur mondial de service de transport en voiture, est présent dans 63 pays, couvre 700 villes, effectue une moyenne de 14 millions de courses par jour, compte plus de 90 millions de clients actifs par mois, et dégageait en 2018 un chiffre d’affaire de plus de 11 milliards de dollars. </p>
<p>Cependant, le business model d’Uber reste très fragile. L’entreprise a encore perdu 1,8 milliard de dollars en 2018. Sa stratégie de déploiement de l’offre lui demande en effet de brûler énormément de cash. Pour l’instant, les investisseurs suivent… mais jusqu’à quand ?</p>
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<p><a href="https://open.spotify.com/episode/2chlGlTTBEPlLBrM9TTbxX"><img src="https://images.theconversation.com/files/237984/original/file-20180925-149976-1ks72uy.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=268&fit=clip" width="268" height="82"></a>
<a href="https://podcasts.apple.com/au/podcast/podcast-uber-la-croissance-plut%C3%B4t-que-les-profits/id1516230224?i=1000476394989"><img src="https://images.theconversation.com/files/233721/original/file-20180827-75984-1gfuvlr.png" alt="Listen on Apple Podcasts" width="268" height="68"></a></p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/316809/original/file-20200224-24655-nzeb7o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em><strong>La preuve par trois</strong> : les experts de The Conversation déclinent 3 aspects d’une question d’actualité en 3 épisodes à écouter, à la suite ou séparément ! Dans cette série, Julien Pillot, enseignant-chercheur en Economie et Stratégie à l’INSEEC School of Business & Economics, décrypte les stratégies des géants du numérique pour devenir incontournables chez le consommateur au travers l’étude de trois cas : Amazon et Airbnb, et Uber auquel est consacré ce deuxième épisode.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/131498/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>L’opérateur de services de transport en voiture a acquis sa position de leader mondial en se constituant rapidement une base de chauffeurs très large. Une stratégie qui reste toutefois risquée.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1247232019-12-12T17:23:40Z2019-12-12T17:23:40ZTraverser New York en hélicoptère : une étape pas si futile de l’expansion d’Uber<p>Le nouveau service nommé Uber Copter – qui n’est bien sûr ni écologique ni économique –, en phase de test à New York depuis l’été dernier, n’a de sens pour Uber que dans la logique de créer une <a href="https://www.01net.com/actualites/uber-prepare-le-lancement-d-uber-copter-son-service-d-helicoptere-partage-1710212.html">plate-forme multimodale</a> dédiée aux transports urbains. Cette plate-forme devra à terme intégrer l’aérien pour bien appréhender le désormais célèbre <a href="https://techcrunch.com/2019/10/18/who-will-own-the-future-of-transportation/">« future of transportation »</a>.</p>
<p>Uber montre ainsi que sa force de frappe réside en sa capacité de transporter tout type de client, en solo ou en mode partagé, d’un point A à un point B en mobilisant tout type de support : du vélo électrique via Jump jusqu’à l’hélicoptère via Uber Copter. L’idée centrale qui fut présentée et déroulée le 11 juin dernier lors de la conférence <a href="https://www.01net.com/actualites/uber-s-apprete-a-devoiler-de-nouveaux-details-sur-ses-taxis-volants-1708201.html">Uber Elevate</a> est de proposer une offre de transport intégrée qui puisse être accessible depuis sa plate-forme unique. Pour le moment, cette offre héliportée ne repose pas sur des véhicules volants électriques malgré les annonces spectaculaires de l’entreprise.</p>
<h2>Un écosystème à inventer</h2>
<p>Il s’agit donc concrètement d’ajouter <a href="https://www.nextinpact.com/brief/uber-copter-s-ouvre-a-tout-le-monde---200-dollars-pour-rejoindre-jfk-9872.htm">Uber Copter</a> à l’offre Uber. Ainsi les voyageurs new-yorkais intéressés et prévoyants – les réservations peuvent s’effectuer cinq jours à l’avance – commenceront par louer un vélo électrique Jump ou un VTC Uber pour rejoindre Lower Manhattan et son héliport. Ils poursuivront en hélicoptère jusqu’à l’aéroport JFK. Ensuite un avion les transportera jusqu’au bout du monde… où un autre véhicule Uber les attendra pour finir le trajet ! Seul l’avion n’est, pour le moment, pas pris en compte, dans cette planification porte-à-porte pour un prix d’environ 200 à 220 dollars tout compris !</p>
<figure>
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<figcaption><span class="caption">Uber lance Ubercopter entre Manhattan et l’aéroport JFK (BFM TV, juillet 2019).</span></figcaption>
</figure>
<p>Paradoxalement, ce tarif devient (très) intéressant à New York car il intègre les transports au sol, ce que ne proposent pas – ne peuvent pas proposer – les sociétés de taxi exclusivement héliportées (comme celles mobilisées par Uber en juin dernier lors du <a href="http://www.leparisien.fr/festival-de-cannes/festival-de-cannes-on-a-teste-l-ubercopter-l-uber-des-airs-cannois-24-05-2017-6979998.php">festival de Cannes</a>).</p>
<p>Uber ne possède bien évidemment pas d’hélicoptère, tout comme il ne possède pas de voiture. Ce service aérien localisé à NYC est en phase de test. Il est toutefois mis en lumière avant le lancement de <a href="https://www.uber.com/fr/fr/elevate/uberair/">Uber Air</a>, prévu d’ici 2023, qui proposera des transports « dans les airs » par drone-taxi. L’écosystème d’Uber Air reste totalement à inventer mais <a href="https://www.futura-sciences.com/tech/actualites/drone-taxis-volants-nasa-uber-planchent-regulation-trafic-64520/">sa complexité</a> ne fait aucun doute tant les défis sont nombreux (aéronefs, pilotes, aérogares, passagers, bagages, contexte juridique, contrôles et régulation).</p>
<h2>Redorer le blason d’Uber</h2>
<p>D’ici là, le service Uber Copter permet à l’entreprise de tenter de faire bonne figure et de redresser une image écornée. Il s’agit de réagir à la fois face aux chiffres des agressions enfin dévoilées (<a href="https://information.tv5monde.com/terriennes/ubercestover-un-hashtag-pour-denoncer-les-agressions-sexuelles-bord-d-uber-234628">sur les passagères en particulier</a>) et face aux données financières très peu encourageantes (pertes au second trimestre 2019 d’environ 1,3 milliard de dollars, <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/uber-face-a-une-perte-record-de-plus-de-5-milliards-de-dollars_2093871.html">croissance significativement ralentie</a> et doublement des dépenses à 8,65 milliards de dollars).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1108247993457786880"}"></div></p>
<p>Les annonces récentes de <a href="https://lexpansion.lexpress.fr/actualite-economique/l-entreprise-de-vtc-uber-va-supprimer-un-tiers-de-ses-emplois-dans-le-marketing_2092219.html">suppressions d’emplois</a> ne sont pas, non plus, compatibles avec l’affichage d’une bonne santé économique – celle dont la bourse a besoin – et technologique – celle dont le voyageur a besoin – qui contribuent à porter l’image disruptive d’Uber !</p>
<p>Concernant le modèle d’affaire, le déploiement new-yorkais d’Uber Copter, qui annonce surtout la sortie d’Uber Air, est en totale conformité avec sa stratégie d’expansion et de captation.</p>
<p>Sur la forme, il s’agit de proposer à tout voyageur potentiel – pas uniquement aux abonnés de type platinium ou diamond – un écosystème au sein duquel il trouvera tout type de solutions de transport – éventuellement partagées – afin d’encapsuler l’intégralité de son voyage et de capter ses données de mobilité.</p>
<p>Sur le fond, il s’agit de traiter ces données afin de les optimiser pour proposer :</p>
<ul>
<li><p>en interne – grâce à une <a href="https://www.journaldunet.com/solutions/dsi/1420646-comment-uber-mise-sur-l-ia-a-grande-echelle-pour-optimiser-ses-services/">intelligence artificielle</a> maison – encore plus de solutions adaptées à ce type de voyageur</p></li>
<li><p>en externe la <a href="https://www.20minutes.fr/economie/2614515-20190927-uber-application-centralisera-tous-modes-transport-compris-publics">revente de ces données massives</a> à toutes les entreprises qui seraient intéressées de savoir d’où, quand, avec qui, à quel prix et vers quelle destination Monsieur Dupond ou Madame Smith voyagent.</p></li>
</ul>
<h2>Transporter, manger, voler, payer…</h2>
<p>La société Uber continue néanmoins à brouiller les pistes et à afficher un appétit d’expansion spectaculaire. Le fil rouge est toujours celui d’un écosystème le plus vaste possible qui encapsulerait le voyageur et qui saurait satisfaire toutes ses demandes de service (transport, restauration, paiement, etc.)</p>
<p>Elle mise notamment sur trois activités actuellement émergentes :</p>
<ul>
<li><p>Uber attend beaucoup de sa participation, comme membre fondateur, au consortium <a href="https://www.zdnet.fr/actualites/facebook-lance-sa-crypto-monnaie-libra-crypto-monnaie-un-tueur-de-bitcoin-39886257.htm">Libra Association</a> porté par Facebook et sa vingtaine de <a href="https://libra.org/fr-FR/association/#founding_members">partenaires</a> (Lyft, Vodafone, Iliad, Coinbase, etc.). Uber pourrait ainsi avoir accès à des données financières sensibles. Il s’agit des montants des paiements effectués via le controversé <a href="https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/le-g7-demythifie-les-cryptos-stables-et-douche-les-espoirs-dun-lancement-rapide-du-libra-1141233">libra</a>. Uber pourrait surtout bénéficier de la synergie des usages et paiements en libra que les chauffeurs VTC devront probablement accepter !</p></li>
<li><p>Uber mise aussi sur les commandes de véhicules hors connection, sans smartphone, par l’intermédiaire de <a href="https://www.clubic.com/uber/actualite-868258-uber-teste-reservation-courses-smartphone.html">bornes fixes</a>. L’enjeu est réel dans les territoires à couverture Internet hachée ou discontinue (Europe de l’Est, Asie du Sud Est) ou avec une couverture peu stable mais sur des marchés prometteurs (<a href="https://www.jeuneafrique.com/866846/economie/cote-divoire-uber-la-licorne-americaine-des-vtc-se-lance-dans-les-rues-dabidjan/">Afrique)</a>.</p></li>
<li><p>Uber continue aussi bien sûr à miser sur sa filiale Uber Eats. Cette entité centrée sur la livraison de repas en zone urbaine montre une belle croissance dans le monde avec 250 villes impliquées – dont une quarantaine en <a href="https://www.frenchweb.fr/face-a-deliveroo-uber-eats-poursuit-sa-montee-en-puissance-dans-lhexagone/337813">France</a> – ce qui en fait un acteur majeur de la restauration avec de Deliveroo et d’autres (You2You, Stuart). Il reste toutefois à traiter sérieusement les légitimes questions posées autour des conditions de travail et des statuts des <a href="https://www.coursierjob.com/entreprises/comparatif/">livreurs/coursiers à vélo</a>, en scooter ou, de plus en plus, en voiture !</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1145434904039251970"}"></div></p>
<h2>Quid du « future of transportation » ?</h2>
<p>Certes, Uber est un géant, mais un géant qui perd encore beaucoup d’argent et qui doit redresser la barre rapidement. Pour ce faire, Uber doit clarifier son discours, rassurer les parties prenantes et rendre un peu plus lisible sa stratégie mondiale. En effet, la stratégie actuelle du géant californien et de ses filiales telles que Uber Eats, <a href="https://www.careem.com/en-ae/">Careem</a>, Otto, <a href="https://www.jump.com/fr/fr/">Jump</a>, ou encore deCarta, reste celle d’une expansion tous azimuts autour de la thématique de la mobilité.</p>
<p>L’idée est toujours de collecter – en <a href="https://help.uber.com/fr-CA/riders/article/envoyer-une-demande-au-responsable-de-la-protection-des-donn%C3%A9es-duber?nodeId=489292a2-27ce-42f5-9a47-d4dd017559fd">toute transparence</a> – le plus de données possibles, et de préférence des données de qualité. Autrement dit, les seules données qui seront rentables à traiter et à monétiser, peu importe qu’elles proviennent d’un voyage à vélo, à trottinette, en voiture, en <a href="https://www.presse-citron.net/ces-2019-voici-le-premier-drone-taxi-signe-uber/">drone</a> ou en hélicoptère.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/124723/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marc Bidan est membre du conseil national des universités au sein de la section des sciences de gestion et du management </span></em></p>Quelle que soit l’issue du projet Uber Elevate, la conquête des airs par le géant de la mobilité illustre sa volonté de proposer une plate-forme multimodale intégrant tous les transports urbains.Marc Bidan, Professeur des Universités - Management des systèmes d’information - Polytech Nantes, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1195522019-06-30T20:17:09Z2019-06-30T20:17:09ZLibra : les dangers du développement d’une monnaie privée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/281578/original/file-20190627-76717-9unngf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=11%2C14%2C986%2C645&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le Libra peut-il se substituer à la monnaie des banques centrales ?</span> <span class="attribution"><span class="source">Ascannio / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Nous sommes le <a href="https://www.liberation.fr/futurs/2012/05/19/facebook-entre-sans-panache-a-wall-street_819828">19 mai</a> 2020. Mark Zuckerberg déploie Calibra, comme annoncé moins d’un an plus tôt : Facebook, WhatsApp, et Instagram, qui ne forment <a href="https://www.bbc.com/news/technology-47001460">plus qu’un seul et même service</a>, sont dotés d’un portefeuille électronique permettant à leurs plus de 3 milliards d’utilisateurs d’échanger en Libra. Cette <a href="https://www.nouvelobs.com/economie/20190617.OBS14526/libra-10-choses-a-savoir-pour-tout-comprendre-a-la-future-monnaie-virtuelle-de-facebook.html">nouvelle cryptomonnaie</a> est gérée par le <a href="https://libra.org/en-US/association/">consortium</a> formé autour de l’entreprise californienne. Les biens et services vendus par ses membres, tels que eBay ou Uber, deviennent payables en Libra, pendant que leurs salariés sont encouragés à recevoir tout ou partie de leur salaire en Libra.</p>
<p>Janeth réside au Royaume-Uni. Après une soirée avec une amie, l’application Facebook leur propose de partager la note : voilà le portefeuille de Janeth crédité. Elle qui envoie régulièrement des fonds à sa famille en Zambie trouve immédiatement dans le Libra une alternative économique et pratique aux antiques MoneyGram ou Western Union. Le Libra se met vite à circuler dans plusieurs pays d’Afrique, où la majorité de la population possède un smartphone connecté à défaut d’un compte bancaire. Luis est Vénézuélien. Cela fait déjà plusieurs années qu’il <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1161305/bitcoin-venezuela-cryptomonnaie-bolivar-devaluation">survit grâce au bitcoin</a>, dans un pays dont la monnaie nationale a perdu la majeure partie de sa valeur. Ce recours étant devenu de plus en plus difficile et risqué, Luis convertit ses avoirs en Libra et incite ses proches à l’imiter. En quelques semaines, une grande part de la population fait de même, précipitant le bolivar dans une nouvelle crise.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1141202705941258241"}"></div></p>
<p>Un réseau social et une monnaie ont en commun de faire l’objet de l’effet de réseau : leur utilité s’accroît à mesure que le nombre de leurs utilisateurs augmente. À travers l’exercice d’anticipation qui vient d’être fait, on voit que l’effet de réseau lié à l’usage de la monnaie conjugué à celui déjà en place avec la plate-forme sociale peut mener à ce que l’adoption du Libra soit rapide et massive, notamment tirée par les pays en développement. Facebook ne manquera pas de rendre l’usage du Libra pratique et ludique, ce qui l’immiscera dans une part croissante des échanges avec l’élargissement progressif de la gamme de ce qui est payable avec cette monnaie.</p>
<p>Le corollaire de l’effet de réseau est qu’il sera alors de plus en plus intenable de ne pas en être utilisateur : à mesure qu’un standard est adopté, le coût d’opportunité pour ceux qui ne l’adoptent pas – et qui s’en retrouvent exclus – est croissant. Compte tenu de la puissance de Facebook, il ne faut donc pas sous-estimer son potentiel de colonisation du domaine monétaire. Mais au-delà de la fascination que les nouvelles technologies peuvent présenter, il est important d’en saisir les risques, et d’en permettre la mobilisation au service d’un projet de société partagé plutôt qu’en faveur d’intérêts purement privés.</p>
<h2>Générateurs d’inégalités</h2>
<p>Car au-delà de la mise en avant du caractère altruiste de l’initiative, le Libra constitue avant tout une monnaie privée, gérée par des entreprises répondant à des intérêts privés. Faire reposer nos sociétés sur ce type de système d’échange apparaît dangereux à plusieurs égards. Il faut d’abord constater que l’exclusion financière ciblée par Facebook, qui concerne 30 % de la population mondiale, résulte en grande partie de la fourniture commerciale des services bancaires et financiers. Si des populations sont non bancarisées, c’est parce qu’elles ne sont pas attractives pour des institutions guidées par des objectifs de rentabilité.</p>
<p>En France comme ailleurs, la fourniture de services bancaires de base aux plus démunis se fait grâce au cadre réglementaire imposé aux banques privées, ou grâce aux banques publiques. Plus largement, la dématérialisation de la monnaie est source de nouvelles formes d’exclusion, alors que la <a href="https://www.ledauphine.com/france-monde/2019/01/17/les-chiffres-qui-montrent-la-fracture-numerique-en-france?fbclid=IwAR1rHSd1n6tN4IHtEG0uxaZfNpUigLbFmsNpks52Lj1oEQ_-931ROJwyZ-4">fracture numérique</a> (qu’elle soit géographique, générationnelle, ou sociale) est encore loin d’être résorbée, et que la disparition des services traditionnels touche en premier lieu les plus défavorisés.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281580/original/file-20190627-76713-1rbf9j3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Même si le consommateur ne s’en rend pas compte, chaque transaction numérique bénéficie à un intermédiaire.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jacob Lund/Shutterstock</span></span>
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<p>Les systèmes privés de paiement électronique ont ensuite montré qu’ils avaient tendance à être générateurs d’inégalités. C’est le cas des paiements par carte par exemple : même s’ils ne sont pas visibles du consommateur, des coûts leur sont associés, et la répartition de ces coûts peut avoir des effets redistributifs. En effet, comme les prix sont les mêmes quel que soit le mode de paiement, les personnes qui paient en espèces <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1652260">subventionnent</a> celles qui payent par cartes : la redistribution opérée par ces systèmes est alors régressive. Si les commissions sont payées par l’utilisateur, par exemple pour les envois de fonds, elles sont souvent dégressives avec les volumes : elles pèsent alors davantage sur les plus pauvres, dont la valeur moyenne des transactions est inférieure.</p>
<p>Les systèmes de paiements électroniques sont ensuite extractifs. Alors qu’un paiement en espèce se fait de pair à pair et sans frais, un paiement électronique fait intervenir un tiers, qui se rémunère en prélevant une fraction de chaque transaction dont il est le médiateur. Avec la généralisation de ces systèmes, l’ensemble des transactions quotidiennes devient source de profit, les revenus ainsi générés étant rapatriés vers les sièges des multinationales du paiement et in fine vers les centres financiers mondiaux. Ainsi, le fait qu’au Kenya la majorité des transactions électroniques soient gérées par une multinationale basée à Londres entraîne des <a href="http://roape.net/2019/06/11/another-false-messiah-the-rise-and-rise-of-fin-tech-in-africa/">transferts</a> significatifs du sud vers le nord.</p>
<h2>Blockchain fermée et consommateur captif</h2>
<p>Enfin, de tels systèmes sont néfastes aux libertés individuelles. S’il est largement adopté, le portefeuille Calibra pourrait devenir un véritable <a href="https://aeon.co/essays/if-plastic-replaces-cash-much-that-is-good-will-be-lost">panoptique</a> financier à l’intérieur duquel toutes les actions de la vie sociale d’un individu sont rendues observables, sans que l’individu ne puisse s’en extraire. C’est le modèle adopté en Chine par Alipay, qui regroupe au sein d’une même application l’ensemble des besoins supposés d’un individu, et les relie par un même moyen de paiement. </p>
<p>La gestion privée de la monnaie amène alors deux questions lourdes d’implications. La première est celle de la confidentialité des données générées par les utilisateurs. On voit mal Facebook résister à la tentation d’exploiter les données de transactions qu’il sera à même de capter grâce à Calibra. La deuxième est celle du contrôle de l’usage de la monnaie. Demain, peut-être votre smartphone vous signalera-t-il que « cette personne n’étant pas de confiance, vous n’êtes pas autorisés à lui envoyer de l’argent » ou que « en raison d’un comportement inapproprié de votre part, votre portefeuille électronique a été bloqué ».</p>
<p>Bien que misant sur l’image d’ouverture et de transparence des cryptomonnaies, il faut noter qu’à la différence du bitcoin par exemple, basé sur une blockchain ouverte, le Libra sera basé sur une blockchain fermée, les « nœuds » en permettant le fonctionnement ne pouvant qu’être les membres de la Libra Association. Pour <a href="https://ftalphaville.ft.com/2019/06/18/1560848464000/Alphaville-s-Libra-cheat-sheet/">certains</a>, Facebook utiliserait uniquement le terme à la mode de blockchain pour pouvoir s’épargner les obligations légales que l’entreprise devrait autrement respecter. Si d’après le <a href="https://libra.org/en-US/white-paper/">livre blanc</a> qui a été publié par Facebook, le système devrait à l’avenir évoluer vers un système de blockchain ouverte, rien ne permet d’assurer que ce sera effectivement le cas.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281582/original/file-20190627-76726-1kkdydl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Contrairement au bitcoin, le Libra reposera sur un système de blockchain fermée.</span>
<span class="attribution"><span class="source">TrifonenkoIvan/Shutterstock</span></span>
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<p>Par ailleurs, le fait que le Libra soit basé sur un nouveau langage informatique développé par Facebook, plutôt que sur un langage standard et partagé par la communauté du web, apparaît contradictoire avec une démarche d’open source. A l’heure actuelle <a href="https://onezero.medium.com/thoughts-on-libra-blockchain-49b8f6c26372?gi=345d28a6fbe6">rien ne semble garantir</a> que le système ne puisse faire l’objet d’altération ou de censure.</p>
<p>En bref, il faut garder à l’esprit que le Libra servira d’abord les entreprises qui le portent. En disposant de leur propre monnaie, celle-ci est rendue captive du réseau que ces entreprises forment, la monnaie ne pouvant ainsi pas être employée auprès des entreprises concurrentes. Ce faisant, il s’agit de rendre le consommateur lui-même captif d’un certain <a href="https://theconversation.com/facebook-cree-son-propre-ecosysteme-daffaires-avec-sa-cryptomonnaie-libra-118964">écosystème d’affaires</a>.</p>
<h2>Quelles réponses en commun ?</h2>
<p>La première réponse à apporter aux diverses initiatives visant à parachever la privatisation de la monnaie est bien sûr celle de la régulation. Mais outre le fait que le pouvoir des entreprises multinationales telles que Facebook semble bien souvent dépasser celui des États, la régulation restera insuffisante si des alternatives désirables ne sont pas proposées. Bonne nouvelle, il existe déjà d’autres types de monnaies, qu’il s’agit donc d’encourager et de développer.</p>
<p>Pour l’échelon national, voire international, la plupart des banques centrales ainsi que la Banque des règlements internationaux étudient les <a href="https://www.bis.org/cpmi/publ/d174.htm">potentiels</a> des CBDC (<em>central bank digital currencies</em>), c’est-à-dire les monnaies numériques de banque centrale. L’idée est de pouvoir continuer à disposer d’un équivalent numérique du cash, c’est-à-dire d’un moyen de paiement public. Avec les CBDC, les citoyens pourraient avoir un compte directement auprès de la banque centrale, qui constituerait le tiers nécessaire à l’organisation du système de paiements sans que celui-ci ne soit contrôlé par des entités privées.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=434&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/281583/original/file-20190627-76697-ucmj4x.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=546&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’euko, l’alternative monétaire du Pays basque.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.euskalmoneta.org">Euskalmoneta.org</a></span>
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</figure>
<p>À un échelon inférieur, existent également de nombreuses monnaies locales, qui donnent un sens à l’argent dans le but que celui-ci serve la réalisation de projets respectueux de l’homme et de l’environnement. Ces monnaies passent elles aussi à des versions électroniques, qu’elles soient basées sur des systèmes de blockchain (comme le <a href="https://www.rts.ch/info/economie/8482339-la-monnaie-alternative-leman-entre-dans-l-ere-electronique.html">léman</a>, qui circule dans la zone limitrophe franco-suisse) ou qu’elles utilisent un système de paiement électronique plus conventionnel (comme l’<a href="https://www.sudouest.fr/2017/01/18/pays-basque-l-eusko-la-monnaie-locale-passe-au-numerique-3116371-4018.php">eusko</a>, au Pays basque). Ces monnaies montrent dans tous les cas que la digitalisation peut prendre des formes multiples, et servir des projets divers. Elle peut être impulsée par des collectifs citoyens définissant les fins à donner à la technologie. Ces finalités, sociales ou environnementales, font l’objet de projets collectifs ancrés dans les territoires, que la technologie sert à réaliser.</p>
<p>Les CBDC et les monnaies locales montrent qu’il est possible de cocréer les outils monétaires et financiers que nous voulons pour nos sociétés. Plutôt que d’être gérée comme une ressource privée, le caractère de bien public de la monnaie devrait être sauvegardé. Mieux encore, elle pourrait faire l’objet d’une gestion commune, c’est-à-dire inclusive et délibérative. L’enjeu est aujourd’hui de favoriser le développement de dispositifs monétaires citoyens avant qu’un standard privé ne s’établisse et n’empêche toute alternative. Si la technologie ouvre effectivement de nombreuses possibilités d’évolution de nos systèmes monétaires et financiers, la question est de savoir qui les utilisera et selon quels objectifs. Pour l’heure, ce sont surtout les géants du web qui les exploitent, et qui en préemptent les évolutions dans une direction qui n’est pas celle du bien commun. Il faut que les États et les sociétés civiles s’investissent activement et rapidement dans la cocréation d’alternatives souhaitables pour réellement « mettre l’argent au service de tous », comme prétend le faire Facebook.</p>
<hr>
<p><em>Cliquez <a href="https://actus.ulb.be/fr/12-mois-12-experts/2019-2020">ici</a> pour retrouver le dossier « 12 mois,12 experts » de l'Université Libre de Bruxelles.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/119552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tristan Dissaux bénéficie d'une bourse de recherche de l'Université Libre de Bruxelles. Il est membre de la Research Association on Monetary Innovation and Community and Complementary Currency Systems.</span></em></p>L’essor des échanges en monnaies du type de celle proposée par Facebook risque de s’accompagner d’un creusement des inégalités et d’un recul des libertés individuelles.Tristan Dissaux, Chercheur post-doctorant au CERMi, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1173492019-05-19T20:02:01Z2019-05-19T20:02:01ZLyft, Pinterest, Uber… les investisseurs seront-ils les pigeons des licornes ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/275172/original/file-20190517-69192-hifrno.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=16%2C5%2C958%2C660&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Wall Street, le 10 mai 2019, jour de l'entrée en bourse de la plate-forme de VTC Uber.</span> <span class="attribution"><span class="source">Rblfmr / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 18 avril 2019, la société Pinterest, qui édite le célèbre site de partage de photos lancé en 2010 et qui revendique aujourd’hui 250 millions d’utilisateurs, a été introduite en bourse. Un objectif ambitieux qui a été salué par le marché. Elle a levé environ 1,4 milliard de dollars pour une valorisation totale de 12,7 milliards de dollars. La fourchette indicative de placement avait été fixée à 15-17 dollars, mais le succès de l’opération a permis de <a href="https://investir.lesechos.fr/actions/actualites/pinterest-valorise-12-7-mds-pour-son-ipo-espoir-pour-les-techs-1842439.php">placer les titres à 19 dollars</a>. À la clôture de la séance du vendredi 17 mai, les titres s’échangeaient à près de 27 dollars, confirmant la réussite de l’opération.</p>
<p>Cette introduction s’inscrit dans un flux spectaculaire. Uber, le géant de la réservation de VTC en ligne s’est introduit en bourse le 10 mai pour une valorisation <a href="https://www.businessinsider.fr/uber-seffondre-apres-avoir-enregistre-la-plus-grosse-perte-de-lhistoire-des-etats-unis-suite-a-une-introduction-en-bourse/">moins élevée que prévu</a> à 75,5 milliards de dollars (des montants de <a href="https://www.usine-digitale.fr/article/uber-viserait-une-valorisation-de-100-milliards-de-dollars-avec-son-ipo.N829470">100 à 120 milliards</a> avaient même été un moment évoqués). Son cours a immédiatement chuté, avant de se reprendre progressivement pour revenir légèrement en dessous de son prix d’introduction au 17 mai (41,94 dollars vs. <a href="https://www.nytimes.com/2019/05/10/technology/uber-stock-price-ipo.html">45 dollars</a>)). Son concurrent <a href="https://www.lopinion.fr/edition/wsj/bourse-lyft-ouvre-bal-start-up-aux-pertes-geantes-182044">Lyft s’est aussi introduit</a> en mars 2019 avec un parcours boursier décevant depuis lors (un recul de plus de 30 % au 17 mai).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C16%2C988%2C751&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=464&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275171/original/file-20190517-69174-iphdhr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=583&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un petit cupcake pour fêter l’entrée de Pinterest en bourse ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rblfmr/Shutterstock</span></span>
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<p>D’autres opérations retentissantes comme <a href="https://www.capital.fr/entreprises-marches/airbnb-se-preparerait-a-entrer-en-bourse-entre-juillet-2019-et-fin-2020-et-ses-salaries-sont-deja-recompenses-1295843">Airbnb</a> ou Slack sont attendues prochainement. Mais quelles sont les caractéristiques communes à ces <a href="https://www.europe1.fr/economie/quest-ce-quune-licorne-des-nouvelles-technologies-2516455">licornes</a>, outre leur appartenance au secteur technologique lié à la consommation de services via Internet ?</p>
<h2>Des sociétés qui ne gagnent pas (encore) d’argent</h2>
<p>Les trois entreprises ont connu une croissance très soutenue sur les dernières années et un <a href="https://www.journaldunet.fr/business/dictionnaire-comptable-et-fiscal/1198545-resultat-operationnel-definition-et-calcul/">résultat opérationnel</a> négatif. C’est particulièrement le cas pour Lyft dont le résultat d’exploitation négatif pèse près de 50 % de son chiffre d’affaires, ce qui signifie que l’entreprise perd près de 5 euros sur chaque transaction de 10 euros tandis que, dans le même secteur d’activité, Uber ne perd « que » 3 euros. De ce point de vue là, le modèle économique de Pinterest fondé sur la publicité semble aujourd’hui plus mûr, quoique toujours déficitaire.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=136&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=136&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=136&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=171&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=171&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275167/original/file-20190517-69213-1156z5g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=171&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Documents S-1 d’introduction en bourse des sociétés (SEC).</span></span>
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<h2>Des investisseurs qui parient sur l’avenir</h2>
<p>Pourquoi des investisseurs acceptent-ils de débourser des sommes très élevées pour investir dans des entreprises déficitaires ? Parce qu’ils achètent le futur de l’entreprise et non son passé, même si celui-ci peut éclairer l’avenir. Ce type d’entreprise met du temps à devenir bénéficiaire et « brûle du cash » en faisant appel régulièrement aux investisseurs. L’introduction en bourse est censée être la dernière étape, une consécration, et les entreprises qui y parviennent ne sont pas légion. D’autres, beaucoup plus nombreuses, ont échoué lors des stades précédents et perdu tout ou partie des fonds investis. Ce sont les exemples des réussites de leurs prédécesseurs qui poussent les investisseurs à prendre le risque, celui-ci s’atténuant au fur et à mesure de la pérennisation du développement de l’entreprise. Conformément à l’équilibre rentabilité – risque cher à la <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2008-1-page-133.htm">théorie financière moderne</a>, la rentabilité attendue par les investisseurs est également censée diminuer progressivement.</p>
<h2>Des prédécesseurs aux parcours différents</h2>
<p>Pour apprécier a posteriori le devenir d’entreprises introduites en bourse dans des domaines similaires à ceux analysés ici, nous nous sommes penchés sur les cas de Facebook (2012), Google (2004), Netflix (2002) et Twitter (2013). Les dates d’introduction étant différentes, nous avons choisi comme date de référence (N), l’année des derniers comptes connus lors de l’introduction et ramenés en base 100 à des fins de comparaison de l’évolution du chiffre d’affaires.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=457&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275168/original/file-20190517-69178-id4x39.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=574&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">S-1 et 10-K des sociétés (SEC)</span></span>
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<p>Comme on peut le constater, même si ces entreprises avaient déjà atteint des niveaux d’activité conséquents (le chiffre d’affaires de Facebook au moment de son introduction est tout de même de près de 4 milliards de dollars), leur croissance explose postérieurement à l’introduction, validant l’intuition des investisseurs.</p>
<p>Les profils en termes de <a href="https://www.my-business-plan.fr/marge-operationnelle">marge d’exploitation</a> sont eux très différents. Facebook et Google avaient déjà des marges très confortables au moment de l’introduction (respectivement près de 50 % et environ 35 %), et celles-ci sont toujours les mêmes six ans plus tard. Quant à Netflix et Twitter, ces sociétés ne sont parvenues à dégager une marge opérationnelle positive que respectivement 2 ans et 5 ans plus tard, toutes les deux dans des proportions beaucoup plus faibles (respectivement 7,5 % et 14,9 %). Toutefois, il faut souligner que leur niveau d’activité était lui aussi beaucoup plus modeste lors de l’introduction (chiffre d’affaires respectif de 76 et 317 millions de dollars).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=425&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/275169/original/file-20190517-69199-1munvw1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=534&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">S-1 et 10-K des sociétés (SEC).</span>
</figcaption>
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<h2>Des entreprises au profil de risque accru</h2>
<p>Si on compare ces résultats aux profils de Lyft, Pinterest et Uber, on peut se demander si ces entreprises et surtout les investisseurs ne font pas preuve d’un optimisme trop important, en particulier dans le cas des deux compagnies de VTC. Elles ont déjà un niveau d’activité important (plus de <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/tourisme-transport/les-dix-chiffres-fous-duber-1009122">11 milliards de dollars de chiffre d’affaires pour Uber</a>) et pour autant dégagent toujours des marges opérationnelles très négatives qui ne pourront pas devenir positives avant vraisemblablement plusieurs années – si elles y parviennent. En outre, le champ de leur activité est plus réduit (VTC, échanges de photos) et extrêmement concurrentiel, même si Uber par exemple cherche à diversifier son portefeuille d’activité (Uber Eats, Uber Freight).</p>
<p>La soif des investisseurs voulant être sûrs de « rentrer » le plus tôt possible dans le futur Google ou Facebook rencontrant l’appétit des dirigeants – fondateurs et celui des investisseurs passés qui souhaitent réaliser leur plus value poussent-ils au crime ? L’avenir nous dira si la formule de Warren Buffet est vérifiée :</p>
<blockquote>
<p>« Dans une opération, il y a toujours un pigeon ; si vous ne savez pas qui c’est, c’est certainement vous ! »</p>
</blockquote>
<p>Mais il est incontestable que le niveau de risque des introductions des valeurs Internet s’est récemment accru.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/117349/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jérôme Caby ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le succès sur les marchés de ces sociétés de l’économie numérique, qui viennent de s’introduire à Wall Street, paraît plus incertain que celui de leurs prédécesseurs.Jérôme Caby, Professeur des Universités, IAE Paris – Sorbonne Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1166952019-05-07T18:53:04Z2019-05-07T18:53:04ZLes chauffeurs Uber en grève: quelles conditions de travail à l'ère de la précarité ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/273127/original/file-20190507-103060-1chhbwg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les chauffeurs du géant Uber prévoient une journée nationale d'action pour protester contre leurs conditions de travail. À Montréal, les chauffeurs appellent à une grève d'un jour. </span> <span class="attribution"><span class="source">Dan Gold/Unsplash</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des dernières semaines, Uber aurait diminué les revenus de ses chauffeurs et augmenté les prix et ce, <a href="https://www.marketwatch.com/story/uber-ipo-5-things-you-need-to-know-about-potentially-the-biggest-ipo-in-years-2019-04-12">afin de gagner la faveur des marchés financiers avant son premier appel public à l'épargne </a> jeudi, le 9 mai, le plus important depuis des années. </p>
<p>Les chauffeurs ont réagi, eux qui ne s'attendent pas à récolter les bénéfices de l'introduction en bourse d'Uber. Dans plusieurs grandes villes américaines, ils ont déclaré qu'ils éteindraient leurs applications durant deux heures, aujourd'hui, le 8 mai, <a href="https://www.reuters.com/article/us-uber-ipo-strike-new-york/ride-hailing-drivers-in-new-york-to-strike-ahead-of-uber-ipo-idUSKCN1S922A">dans le cadre d'une Journée nationale d'action coordonnée</a>. L'initiative a fait boule de neige dans le monde, dont ici au Canada. À Montréal, aujourd'hui, <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2019/05/07/des-chauffeurs-duber-veulent-perturber-le-service-mercredi-a-montreal">les chauffeurs montréalais d’Uber iront plus loin que leurs collègues américains</a>: ils « vont désactiver leurs applications toute la journée dans l’ensemble de la région métropolitaine », peut-on lire dans un communiqué émis aujourd'hui.</p>
<p>Uber est l'une des entreprises les plus prospères <a href="https://theconversation.com/la-gig-economy-vers-une-economie-a-la-tache-mondialisee-70982">de la « gig » économie, soit l'économie dite « collaborative », à la pièce, du partage, ou précaire</a>, selon les points de vue. Elle s'étend maintenant à un large éventail d'industries, dont les courriers, le covoiturage, les médias et bien d'autres. </p>
<p>Sur papier, travailler dans cette économie dite collaborative a l'air très bien. </p>
<p>Les travailleurs ont des horaires flexibles et peuvent habituellement faire leurs heures quand et comme bon leur semble. Ils peuvent compléter leur revenu à partir d'un emploi existant, gagner de l'argent entre deux emplois ou même travailler à temps plein. Les entreprises ont des coûts de main-d'œuvre moins élevés parce qu'elles n'ont pas à dépenser en indemnités de vacances, de maladie et dans d'autres avantages sociaux. Elles n'ont pas non plus à investir dans la sécurité des travailleurs, qui est laissée à leur propre discrétion.</p>
<p>Et surtout, les employeurs n'ont pas à s'inquiéter de payer leurs travailleurs lorsqu'il n'y a pas de demande pour leur service. Si personne n'a besoin d'un chauffeur en ce moment même, Uber n'a effectivement aucun coût à défrayer. Ce manque de sécurité du revenu est l'une des principales causes de la tension croissante entre les travailleurs et les entreprises. Dans l'économie collaborative, les entreprises traitent en toute légalité les travailleurs comme des entrepreneurs indépendants plutôt que comme des employés permanents. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=130%2C122%2C4672%2C3009&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=405&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272872/original/file-20190506-103045-zomj50.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=509&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des voitures sur le pont Queensboro à New York. Les chauffeurs du géant Uber organisent une journée nationale d'action pour protester contre leurs conditions de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP/Frank Franklin II)</span></span>
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<p>Une récente <a href="https://www.wired.com/story/feds-rule-companys-gig-workers-contractors/">lettre d'opinion sur les travailleurs contractuels rédigée par le département du Travail des États-Unis</a> confirme que cela ne devrait pas changer de sitôt. Les conséquences sont importantes: cela signifie que les travailleurs n'ont pratiquement aucune sécurité, que ce soit en termes d'emploi ou de salaire. </p>
<h2>Peu ou pas de présence syndicale</h2>
<p>Les avantages sociaux, la sécurité et la protection de l'emploi sont des conditions de travail que les syndicats ont gagnés et maintenus. Les syndicats sont peu ou pas présents dans l'économie collaborative, <a href="https://www.theguardian.com/us-news/2019/mar/22/uber-lyft-ipo-drivers-unionize-low-pay-expenses">malgré des demandes en ce sens</a>, notamment en raison de l'opposition des entreprises. Il y a un fait indéniable révélé par toute une littérature économique: <a href="https://www.jstor.org/stable/2171852?seq=1#metadata_info_tab_contents">la présence d'un syndicat fait augmenter les salaires des travailleurs, en particulier pour les emplois peu qualifiés</a>. </p>
<p>Une autre <a href="https://doi.org/10.1093/qje/qjr058">étude</a> - encore plus pertinente pour l'économie du partage - s'est penchée sur les résultats en bourse des entreprises du secteur privé aux États-Unis pendant trois décennies. Elle a constaté que la présence d'un syndicat diminue considérablement la valeur à long terme des actions des entreprises cotées en bourse. </p>
<p>Ainsi, non seulement des entreprises comme Uber veulent éviter la syndicalisation de leurs travailleurs pour maintenir les salaires à un bas niveau, mais avec leur arrivée en bourse, actuelle ou à venir, elles ont probablement aussi un œil sur la valeur future de leurs actions.</p>
<h2>Les avantages de l'action collective</h2>
<p>Les grèves du 8 mai ont été initiées notamment par <a href="https://drivers-united.org/">« Rideshare Drivers United »</a> un groupe de chauffeurs Uber et Lyft « qui construisent (une) organisation pour lutter pour la dignité de notre travail et une vie meilleure ». Ils sont aidés par des organisation de défense comme <a href="https://www.gigworkersrising.org/">Gig Workers Rising</a>. Ces groupes qui organisent la grève jouent le rôle traditionnellement joué par les syndicats. </p>
<p>Organiser une grève est difficile. Supposons que vous êtes un chauffeur Uber à Los Angeles, le 8 mai, et que vous vous attendez à ce que tous les autres chauffeurs éteignent leurs applications dans le cadre de la Journée d'action. </p>
<p>Vous pourriez faire beaucoup plus d'argent que normalement en étant le seul chauffeur Uber disponible à Los Angeles. Dans <a href="http://www.hup.harvard.edu/catalog.php?isbn=978067674537514">son ouvrage classique publié en 1965 sur le sujet</a>, Mancur Olson explique pourquoi les grands groupes souffrent de ce type de problème de « parasitisme », ce qui explique pourquoi les petits groupes ont plus de facilité à organiser et à influencer la politique. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=472&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272559/original/file-20190503-103078-19ixhpp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=593&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les chauffeurs de taxi à Montréal ont organisé une grève d'une journée le mois dernier pour protester contre un projet de loi qui, selon eux, mettrait leur industrie en faillite. Les chauffeurs d'Uber ont pris la part du lion ce jour-là.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Ryan Remiorz</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Alors que les travailleurs de l'économie collaborative pourraient potentiellement bénéficier d'un syndicat, le moment pourrait difficilement être pire. Aux États-Unis, l'affiliation syndicale <a href="https://www.economist.com/united-states/2018/07/19/how-the-decline-of-unions-will-change-america">est en baisse depuis des décennies</a>, <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-630-x/11-630-x2015005-fra.htm">tout comme au Canada.</a></p>
<h2>Un rôle pour le gouvernement ?</h2>
<p>En l'absence d'une organisation efficace pour défendre les intérêts de ses travailleurs, le modèle d'affaires qui fait le succès d'Uber présente des défis complexes pour les législateurs.</p>
<p>Les travailleurs de l'économie collaborative font des investissements coûteux qui les lient à l'emploi qu'ils choisissent. Dans le cas d'Uber, cela signifie acheter une voiture et payer les coûts associés à l'assurance, au respect des normes de sécurité, etc. En revanche, Uber n'est pas lié à un conducteur en particulier de la même manière. Il en résulte que de nombreux travailleurs de l'économie collaborative ne sont plus qu'à un doigt d'une situation financière précaire, voire catastrophique. </p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/272556/original/file-20190503-103057-1cny3oo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des manifestations anti-Uber de chauffeurs de taxi comme celle-ci à Varsovie, en Pologne le 8 avril 2019, ont eu lieu dans plusieurs villes à travers le monde.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La sécurité financière des travailleurs de l'économie collaborative n'est pas le seul enjeu des politiques gouvernementales. Les entreprises comme Uber continuent d'accroître leur présence. Grâce à son propre succès, Uber a également accéléré de manière significative le déclin de l'industrie du taxi. </p>
<p>Certains chauffeurs proches de l'âge de la retraite ont vu leurs plans s'effondrer à mesure que la valeur des permis de taxi a chuté. L'impact sur la santé mentale de ces travailleurs a été si important <a href="https://www.nytimes.com/2018/12/02/nyregion/taxi-drivers-suicide-nyc.html">que le suicide chez les chauffeurs est maintenant une tendance perceptible</a>. À Québec, <a href="https://www.lesoleil.com/actualite/taxi-desespoir-en-direct-a-la-tele-pour-un-chauffeur-video-c0687ace5faaa338ec4218f74720f891">un chauffeur a essayé d’attenter à sa vie en direct à la télévision</a>.</p>
<p>Les chauffeurs de taxis <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1159892/taxi-proprietaires-moyens-pression-greve-lundi-montreal-quebec">ont fait des grèves tant à Montréal qu'à Québec, en mars,</a> à la suite du dépôt, par le ministre québécois des Transports, François Bonnardel, d'un projet de loi qui prévoit une forte déréglementation de l'industrie du taxi et une régularisation des activités d'Uber ou d'entreprises similaires.</p>
<p>La libre concurrence sur le marché, l'esprit d'entrepreneuriat et l'innovation sont sans aucun doute une grande source de bien-être pour les consommateurs. Il n'en va pas toujours de même pour les travailleurs. Les décideurs politiques feraient bien d'agir tandis que la situation peut encore être gérée.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/116695/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Arvind Magesan a reçu des financements du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada.
</span></em></p>Les chauffeurs d'Uber, l'une des entreprises les plus prospères de l'économie dite collaborative, ferment leurs applications lors d'une journée de protestation, afin de dénoncer leur précarité.Arvind Magesan, Associate Professor of Economics, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1083002018-12-09T20:07:34Z2018-12-09T20:07:34ZPodcast : Uber, ou l’algorithme de la dépendance économique<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/249033/original/file-20181205-186064-c12mum.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C185%2C4256%2C2822&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L’algorithme d'Uber, un outil puissant au service de sa stratégie.</span> <span class="attribution"><span class="source">IgorGolovniov / Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>En France, Uber a renforcé sa communication sur ses offres à bas prix, renouant ainsi avec le low-cost qui lui a permis de conquérir des parts de marché en France et ailleurs.</p>
<p>Objectif ? Devenir le « Amazon » du transport en couvrant le plus de segments du marché de la mobilité possibles. Et ainsi s’attirer la fidélité d’un nombre conséquent et toujours croissant de chauffeurs et de clients dans un secteur où les effets réseau sont décisifs. Quitte à créer des situations de dépendances ?</p>
<h2>Pour aller plus loin :</h2>
<ul>
<li>Une des affiches de la récente campagne d’Uber Express Pool</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249036/original/file-20181205-186070-102s3rs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><span class="source">Uber France</span></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Profils comparés des chauffeurs en France et aux États-Unis</li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=144&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=144&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=144&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249037/original/file-20181205-186058-spzbgd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=182&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<ul>
<li>Quelques Uber facts (2017-2018)</li>
</ul>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=364&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/249039/original/file-20181205-186064-1nb6luz.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=458&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
</figure>
<hr>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/255110/original/file-20190123-135139-13qew4m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
</figcaption>
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<p><em>« C’est dans la boîte ! », le Podcast de la stratégie d’entreprise signé The Conversation France, vous propose l’étude de cas d’une multinationale bien connue des consommateurs et des citoyens. Julien Pillot, enseignant-chercheur à l'INSEEC School of Business and Economics, et Thibault Lieurade, chef de rubrique Économie + Entreprise, vous donnent rendez-vous deux fois par mois pour décrypter les aspects stratégiques les moins visibles… qui sont aussi les plus essentiels !</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/108300/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Pillot est coordinateur du think tank trans-partisan "Le Jour d'Après" qui entend participer aux débats sur les réformes structurelles nécessaires à la modernisation et l'efficacité de notre modèle social, économique et institutionnel, en dépassant les clivages partisans.</span></em></p>Le spécialiste des VTC analyse en temps réel la structure de l’offre et de la demande dans une zone donnée. Mais son algorithme sert également sa stratégie de long terme.Julien Pillot, Enseignant-Chercheur en Economie et Stratégie (Inseec U.) / Pr. et Chercheur associé (U. Paris Saclay), INSEEC Grande ÉcoleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1049082018-10-14T18:07:18Z2018-10-14T18:07:18ZBig data et innovation : c’est pour aujourd’hui ou pour demain ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/240504/original/file-20181014-109207-mcyilo.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C162%2C4031%2C2583&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Crépuscule.</span> <span class="attribution"><span class="source">Franki Chamaki/Unsplash</span></span></figcaption></figure><p><em>Cet article est co-publié avec le <a href="http://blog.cnam.fr/">blog du CNAM</a>.</em></p>
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<p>Dans le maelstrom du « big data-numérique-digital-IA » qui mélange buzz superficiel et réelles ruptures, il est important de s’interroger sur le caractère innovant des <em>données massives</em>. En effet, innovation et big data (données massives) sont deux termes à la mode, souvent associés et parés de nombreuses promesses, mais il ne suffit pas de parler d’innovation pour être innovant. Quelle(s) innovation(s) se cache(nt) réellement derrière les données massives ?</p>
<p>En mobilisant des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%A9fixes_du_Syst%C3%A8me_international_d%27unit%C3%A9s">tera, peta, exa, zetta ou des yotta</a> données, les ordres de grandeur de la capture, du stockage, de la recherche, du partage, de l’analyse ou la visualisation des données sont bouleversés. De nouveaux outils se développent avec l’avènement de dimensions inconnues jusque-là, mais ceci ne dit que peu de choses des usages, des transformations positives dans la vie des citoyens ou des acteurs économiques.</p>
<p>Le secteur des services a été fortement transformé par l’arrivée des données massives. On peut penser à des services comme Uber, Deliveroo, aux recommandations d’Amazon, à l’assistance au diagnostic médical, à l’identification d’images, aux messages et échanges automatiques… La valeur ajoutée, la pertinence du service ou l’utilité sociale de ces nouveaux outils n’est pas nulle, mais il y a longtemps que l’on peut prendre un taxi, acheter un livre, cibler une campagne marketing ou identifier une personne. L’arrivée d’un <a href="https://theconversation.com/go-une-belle-victoire-des-informaticiens-56245">ordinateur champion du monde de Go</a> ne change pas vraiment la vie ou la motivation des joueurs de go, ni même des non-joueurs.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/240505/original/file-20181014-109216-1uclms7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Lee Sedol contre Alpha Go.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/erikbenson/25717574115">Buster Benson/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Les outils de traitement des données massives optimisent des paramètres connus : plus rapide, plus de variables, plus de variété, moins coûteux, plus de personnes, sans personne… Dans cette « compétition paramétrique » on accélère le connu, on remonte à la surface une abondance de données existantes, pas forcément connectées jusque-là. L’enjeu est aussi de tirer les données massives vers l’innovation, c’est-à-dire de passer de l’optimisation de propriétés connues à la conception de propriétés nouvelles dans une perspective de partage de la valeur et non de sa captation par quelques acteurs de la « nouvelle économie ».</p>
<h2>Course à l’appropriation des données</h2>
<p>Si le traitement des données massives peut être tiré par des start-up très dynamiques, seuls les grands groupes peuvent aujourd’hui valider un prototype de voiture autonome ou développer des programmes de traitement contre le cancer. Les traces numériques massivement disséminées modifient la manière d’appréhender nos individualités. La course à l’appropriation des données est lancée. Les directives européennes comme le <a href="https://www.cnil.fr/fr/reglement-europeen-protection-donnees">RGPD</a> (règlement général pour la protection des données européen) poussent vers un statut privé. Le <a href="https://www.aiforhumanity.fr/pdfs/9782111457089_Rapport_Villani_accessible.pdf">rapport de Cédric Villani</a> revendique clairement une intelligence artificielle pour l’humanité. Nos modes de consommation et nos interactions sociales se transforment grâce à l’omniprésence des ordinateurs et plus largement des machines.</p>
<p>Il est temps que les big data produisent un big bang. Il ne s’agit pas juste d’ouvrir les données, mis de s’en libérer pour leur associer des propriétés innovantes et ne pas rester fixer sur des améliorations, des accélérations et des approches strictement marchandes. Il faut que les citoyens s’approprient les données massives afin de donner ensemble un sens à cette avalanche d’informations mais aussi pour faciliter leur intégration au processus d’innovation et de décision au sein des organisations et des entreprises. Seule l’innovation permettra d’imaginer le citoyen de demain. Cet enjeu stratégique passe par une éducation et une formation aux outils numériques et à leurs usages.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/104908/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Il est temps que les big data produisent un big bang ! Innovation et données massives sont deux termes à la mode mais il ne suffit pas de les évoquer pour être innovant. Qu’attendons-nous ?Avner Bar-Hen, Professeur du Cnam, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Gilles Garel, Professeur titulaire de la chaire de gestion de l’innovation, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1007172018-08-28T20:32:50Z2018-08-28T20:32:50ZL’entrepreneuriat en Europe, tendances réelles et espoirs politiques<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/232903/original/file-20180821-149481-1w16m08.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C284%2C5211%2C2760&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le travailleur indépendant est-il un entrepreneur comme les autres ?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/fr/download/confirm/692593897?src=8eIlOQIRqSTbRJ6JdAUssA-2-83&size=huge_jpg">Shutterstock</a></span></figcaption></figure><p>Le soutien et la défense de l’entrepreneuriat comme du travail indépendant ont occupé une place importante dans la campagne présidentielle du candidat Emmanuel Macron en 2017. Probablement autant par conviction militante que par effet d’aubaine… Le regain de l’entrepreneuriat en France, comme en Europe et au sein des pays de l’OCDE, est en effet une tendance sur laquelle les observateur∙trice∙s internationaux s’accordent largement. <a href="https://data.oecd.org/fr/emp/taux-d-emploi-non-salarie.htm">Selon l’OCDE</a>, la plupart des pays connaissent aujourd’hui un taux d’emploi non salarié supérieur à 15 %. Mais là n’est pas l’essentiel, car à y regarder de plus près, ces données révèlent plusieurs enseignements importants.</p>
<p>D’abord, de manière assez surprenante, ce ne sont pas les pays anglo-saxons, aux politiques publiques réputées les plus libérales, qui affichent les taux les plus élevés de travailleur non salarié. Des pays comme l’Irlande ou le Royaume-Uni, avec 15,4 %, se situent par exemple dans la même tranche que les pays d’Europe du Sud comme l’Espagne, avec 16,5 %, ou le Portugal, avec 17,0 % ; des taux concordant néanmoins avec la moyenne européenne puisque l’Europe des 28 qui enregistre 15,5 %.</p>
<h2>La France au niveau de l’Allemagne et du Japon</h2>
<p>Mais cette moyenne masque un deuxième enseignement : la grande disparité des situations en Europe. Comparons avec les pays de l’OCDE situés hors Europe : on remarquera par exemple que l’Italie, avec ses 23,2 % de travailleur∙se∙s concerné∙e∙s, affiche un taux comparable à celui du Chili, à 27,4 %, ou encore à celui de la Corée du Sud, à 25,4 %. Quant au champion européen du travail non salarié, la Grèce, son taux de 34,1 % de travailleur∙se∙s indépendant∙e∙s au sein de sa population active se rapproche de celui de la Turquie, à 32,7 %. Un taux qui reste toutefois loin du niveau enregistré en Colombie, où plus d’un actif sur deux est travailleur∙se∙s indépendant∙e∙s (51,9 % exactement).</p>
<p>Pour ce qui est de la France, avec 11,6 % de travailleur∙se∙s non-salarié∙e∙s, elle se situe sensiblement dans la même tranche que l’Allemagne (10,2 %) et le Japon (10,4 %). Enfin, pour clore cette revue d’effectif, soulignons que ce sont les pays scandinaves sociaux-démocrates qui développent le moins le travail non salarié. La Suède en compte 9,9 %, le Danemark tout juste 8,2 %, et la Norvège seulement 6,5 %.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=500&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/233670/original/file-20180827-75987-14aav1o.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=628&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Taux d’emploi non salarié en Europe.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://data.oecd.org/fr/emp/taux-d-emploi-non-salarie.htm">OCDE, 2017</a></span>
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<h2>Les statuts biaisent les comparaisons</h2>
<p>Ces chiffres peuvent apparaître en décalage avec les observations faites par tout un chacun de start-up florissantes ou de plates-formes collaboratives toujours plus nombreuses et très demandeuses en travailleur∙se∙s. D’autant plus que la plupart des taux ont régressé entre 2016 et 2017, y compris dans les pays anglo-saxons, la France et l’Allemagne !</p>
<p>Alors, comment l’expliquer ? Le premier élément est d’ordre juridique, ce qui se répercute dans les statistiques. Par exemple, en France, les gérant∙e∙s d’une société commerciale peuvent être salarié∙e∙s ou assimilé∙e∙s. C’est le cas notamment dans les Sociétés par actions simplifiées (SAS), les Société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU), les Sociétés anonymes (SA) et enfin les Sociétés à responsabilité limitée (SARL). Dans ce cadre-là, les gérant∙e∙s n’entrent pas dans les chiffres du non-salariat puisqu’ils et elles ne le sont statutairement pas.</p>
<p>Ces cas n’existent pas en Allemagne, en Italie ou en Espagne. Ces pays ont eux fait le choix de créer des statuts juridiques intermédiaires entre salariat et indépendance. Ces statuts permettent de reconnaître la dépendance économique partielle envers le∙la donneur∙se d’ouvrage, d’assurer une couverture sociale minimum pour le∙la travailleur∙se, et de prévenir le salariat déguisé.</p>
<p>Seconde explication de ce décalage entre chiffres et réalité observée : le développement des plates-formes collaboratives et des modèles hybrides de gestion d’activité professionnelle qu’elles mobilisent. On évalue aujourd’hui le nombre de micro-travailleur∙se∙s des plates-formes à moins d’un million, dont un cinquième vit en Inde et un quart aux États-Unis. Une population mince qui n’induit pas systématiquement un statut d’indépendant puisque la France comptait, en 2015, 2 250 salarié∙e∙s parmi les travailleur∙se∙s des plates-formes. Par exemple, les 14 000 chauffeur∙se∙s de véhicule Uber en France sont pour moitié salarié∙e∙s car gérant∙e∙s d’une SASU. De même, lorsque la plate-forme Deliveroo a voulu contraindre ses livreur∙se∙s à devenir indépendant∙e∙s, ils et elles ont vivement protesté. Aujourd’hui encore, la plate-forme fait face en effet à une succession d’<a href="https://www.latribune.fr/technos-medias/start-up/deliveroo-ubereats-glovo-en-greve-les-coursiers-denoncent-leur-statut-precaire-784531.html">actions collectives en France</a> et en Belgique soutenues par CLAP, le Collectif des livreurs autonomes de Paris.</p>
<h2>De l’entrepreneuriat individuel à <em>l’entrepreunariat populaire</em></h2>
<p>Les causes du développement ressenti de l’entrepreneuriat individuel ne sont donc pas à chercher dans les statuts et les chiffres, mais plutôt dans les comportements. Une manière inédite de concevoir l’articulation entre le travail et le loisir a contribué à l’essor d’une forme <em>d’entrepreneuriat informel</em>. Autrement dit, ces activités sont non déclarées mais restent bel et bien à finalité lucrative. C’est le cas par exemple de la création d’objets d’art durant les temps de loisir et de leur revente via des plates-formes collaboratives (Etsy, Leboncoin, Ebay…), ou d’activité non professionnelle comme le covoiturage, la location immobilière ou mobilière (camping-car, bateau…).</p>
<p>Il s’agit donc davantage d’auto-emploi que de projet entrepreneurial à proprement parler. Ce phénomène découle pour partie de discriminations à l’embauche (âge, genre, origine ethnique ou nationalité…) plus difficiles à vivre en période de chômage de masse. L’auto-emploi peut aussi répondre à des logiques de promotions professionnelles lorsque le.la travailleur∙se∙ fait face à un plafond de verre.</p>
<p>À ce sujet, la sociologue Sarah Abdelnour parle très justement d’<a href="https://www.puf.com/content/Moi_petite_entreprise">« entrepreneuriat populaire »</a>. Un terme à double-sens : d’un côté, l’entrepreunariat devient accessible à tous via les politiques publiques d’incitation, et de l’autre, il se développe dans les quartiers populaires pour répondre à la question du chômage. Le travail non-salarié n’est donc pas toujours synonyme d’entrepreneuriat et les nouvelles formes ne se mesurent pas facilement. Ces nouvelles formes restent néanmoins des réalités, mais elles se rencontrent au quotidien dans les comportements et les manières d’être bien plus que dans des démarches structurées de développement d’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/100717/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thiphaine Le Gauyer mène sa thèse CIFRE dans le cadre de la Chaire de recherche AGIPI KEDGE sur le travail indépendant et les nouvelles formes d’entrepreneuriat en Europe</span></em></p>Comment expliquer les grandes disparités européennes en matière de travail indépendant ? Le niveau de protection sociale dans les différents pays n’offre qu’une réponse très incomplète…Thiphaine Le Gauyer, Doctorante en Sociologie, Aix-Marseille Université (AMU)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/987142018-06-24T21:36:29Z2018-06-24T21:36:29ZPlateformes numériques : vers un déplacement de la frontière public/privé ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/224547/original/file-20180624-26555-850qyk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=17%2C8%2C5973%2C4113&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un monde d'algorithmes.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://visualhunt.com/f2/photo/6898950/7a0fd3b3d9/">Genista on VisualHunt</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les plateformes numériques sont devenues un objet d’étude important dans la littérature. Les questions posées se situent à deux niveaux : les innovations permises par les algorithmes et les règles de gouvernance qui en découlent.</p>
<p>M. Kenney et J. Zysman (<a href="http://www.brie.berkeley.edu/wp-content/uploads/2015/01/BRIE-WP-2016-9.pdf">What is the Future of Work ?</a>) les définissent comme des structures de gouvernance privées activées par des algorithmes et des logiciels, qui fonctionnent dans l’infonuage (cloud) et opèrent sur des données. La numérisation facilite l’abstraction et la virtualisation d’une activité en fabricant une image (un avatar) qui la représente dans le monde virtuel. D’où la possibilité d’imaginer une large gamme de procédures entre de multiples acteurs.</p>
<p>Il existe une variété de plateformes : de transaction, d’innovation ou intégrées. Elles configurent des marchés bifaces ou multifaces en mettant en connexion des acteurs multiples : acheteurs, vendeurs, innovateurs, etc. La logique technique d’intermédiation se double d’une logique de capitalisation, c’est-à-dire de captation de valeur par le développement de la connectivité.</p>
<p>En modifiant la destination d’un bien de consommation ou d’un logement pour en faire des services échangés sur un marché, Uber et Airbnb provoquent un acte « capitaliste rationnel » (<a href="https://bit.ly/2Ma8vVK">A. Ravanelle, 2015</a>). D’où la conclusion que les plateformes numériques constituent des ensembles d’entreprises utilisant des algorithmes dans le but d’obtenir des profits.</p>
<h2>La transformation algorithmique</h2>
<p>Les algorithmes ne sont pas a priori bons, mauvais ou neutres. Tout dépend de la façon dont les firmes les utilisent : (<a href="https://academic.oup.com/jeclap/article/7/9/585/2547746">A. Ezrachi et M. E. Stucke, Journal of European Competition Law & Practice</a>, 2016). La question est de savoir si les algorithmes font prévaloir le bien-être des utilisateurs ou s’ils sont conçus pour créer des positions dominantes sur le marché. Une forte croissance du réseau par rapport aux concurrents enclenche une dynamique « the-winner-take-all » et aboutit à des situations de marché quasi-monopolistiques.</p>
<p>Ces situations sont issues de relations faites à la fois de concurrence et de coopération entre les plateformes et leurs applications respectives, et qui s’inscrivent dans une stratégie qualifiée de ‘Frenemy’. Apple (iOS) et Google (Android) ont façonné des écosystèmes formés d’annonceurs, de fabricants de smartphones, de développeurs d’applications, etc., et fournissent aux consommateurs des biens et services gratuits. La concurrence s’affaiblit et les choix des utilisateurs diminuent lorsque se conjuguent des stratégies d’extraction des données et de captation de la valeur : d’un côté, coopération pour extraire des données et pour filtrer des informations qui sont triées par les algorithmes de façon à supprimer les contenus idéologiquement dissonants (<a href="https://bit.ly/2McznnR">D. Lazer, The rise of the social algorithm, Social Sciences, 2015</a>), de l’autre concurrence entre les plateformes pour maximiser la captation du surplus des consommateurs. Selon cet auteur, que les organisations sociales soient régulées par des codes n’est pas nouveau : les codes sociaux et organisationnels -les règles- ont toujours donné naissance à des ‘bulles de filtrage’ pour normer les comportements.</p>
<p>En revanche ce qui importe, c’est le type d’interaction entre le code social et le code inscrit dans l’algorithme. Les normes de gouvernance entrent en conflit avec les règles publiques existantes. Les plateformes modifient les formats de la prestation de service en cherchant à faire prévaloir le code de programmation inscrit dans l’algorithme sur le code juridique et donc sur les normes sociales incorporées dans la loi. La loi est devenue en quelque sorte la contrainte qu’il faut contourner. M. Kenney et J. Zysman indiquent que, dans la Silicon Valley, une façon de la contourner est d’appliquer la maxime « Don’t ask permission, ask forgiveness », ce qui signifie que les entreprises sont incitées à introduire de nouveaux modèles d’affaires et, en cas de réussite, à opposer de la résistance aux autorités publiques. Dans ce contexte, si l’espace n’est pas régulé par le droit ou si le cadre juridique n’est pas clairement défini, de nouvelles régulations sont nécessaires ou, à tout le moins, de nouvelles interprétations des règles juridiques.</p>
<h2>Contrôle et surveillance</h2>
<p>Les plateformes construisent des règles de gouvernance qui définissent ce qui peut être fait, par qui et selon quelles modalités. Dans la mesure où la valeur d’un service augmente avec le nombre de ses utilisateurs, le mécanisme de co-création de valeur crée des effets de réseau. Le client devient un acteur de la production, il est incorporé dans l’entreprise en suscitant de nouvelles connexions et en créant des effets de réputation fondés sur la qualité du service.</p>
<p>L’accumulation rapide de données permet de marginaliser les firmes entrantes de taille plus modeste, de rendre de meilleurs services et de renforcer les avantages initiaux. L’extension du réseau est facteur de croissance, l’échelle des opérations est déconnectée de la taille de l’entreprise (<a href="http://ssrn.com/abstract=980568">Scale without Mass, Brynjolfsson, McAfee, Sorell et Zhu, Working paper, 2008</a>). En diffusant rapidement de nouveaux processus à travers l’organisation, y compris hors des frontières, les plateformes accroissent leur pouvoir de marché.</p>
<p>Sous le couvert d’innovations technologiques et organisationnelles, le capitalisme des plateformes provoque une érosion de la protection des travailleurs. Le processus est alimenté par les évaluations fournies par les usagers, ce qui permet à Uber de déconnecter à tout moment les chauffeurs de l’application. La collaboration et le partage s’effacent au profit du contrôle et de la surveillance. Dans ce contexte, les chauffeurs sont considérés comme des entrepreneurs indépendants, les employeurs disparaissent dans les formes d’organisation qui ne font que de l’intermédiation technologique. Si le travail des chauffeurs est rationalisé par la technologie, cela ne signifie pas qu’ils sont devenus ipso facto des micro-entrepreneurs. En fait, en Europe et dans de nombreux cas aux Etats-Unis, la justice a confirmé que le service Uber relevait du domaine de transport et ne pouvait pas être considéré comme un simple service d’interface. L’enjeu est important : un état de dépendance économique s’accompagne de la couverture des charges et du bénéfice de la protection sociale.</p>
<p>Est-ce au marché à fixer les règles ? Sûrement pas. D’autant qu’à cela s’ajoutent des formes de discrimination. On note qu’aux Etats-Unis (<a href="https://bit.ly/2JRR1Rc">J.B. Schor et W. Attwood-Charles, The sharing economy, Sociology Compass, 2017</a>) Airbnb segmente les utilisateurs en catégories selon les actifs possédés, le niveau d’éducation, la couleur de la peau et le sexe. Si les plateformes numériques représentent pour les acteurs des modalités innovantes d’interagir et de réaliser des transactions, il faut s’interroger sur l’extension de la sphère privée au sein d’un espace numérique qui se présente comme un espace public : qui contrôle les algorithmes et les processus de tri qu’ils contiennent ? Sur quelles règles sont-ils établis ? Comment les bases de données privées sont-elles construites, qui les utilise et dans quel but, qui devrait y avoir accès ?</p>
<p>Le cœur de la dynamique du marché est ébranlé à la fois par l’élimination des remises en cause des positions dominantes grâce à un verrouillage du marché (acquisitions, pratiques anticoncurrentielles) et par les manipulations, le contrôle et la surveillance dont les utilisateurs sont l’objet sans en avoir conscience. Dans un monde qui se transforme en raison de l’extension de la logique industrielle aux activités de services qui reposent sur des processus formalisables et numérisables et qui adoptent des règles et des algorithmes clairement prescrits pour leur exécution, la diversité des idées et des opinions risque de s’estomper.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/98714/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bernard Guilhon ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les plateformes numériques sont devenues un objet d’étude important. Autour de deux questions : les innovations permises par les algorithmes et les règles de gouvernance qui en découlent.Bernard Guilhon, Professeur de sciences économiques, SKEMA Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/960502018-05-30T22:05:51Z2018-05-30T22:05:51ZDe l’artiste plasticien au chauffeur Uber, réinventer l’accompagnement des travailleurs autonomes<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/220793/original/file-20180529-80653-cbjn71.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=3%2C0%2C2419%2C1434&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">De plus en plus de travailleurs sont autonomes, et cumulent parfois plusieurs emplois.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/651366">Pxhere</a></span></figcaption></figure><p>Alors que le nombre de travailleurs autonomes augmente, de nouvelles formes d’accompagnement se mettent en place. Fondée à la fin des années 1990 en Belgique pour assister les artistes indépendants, l'entreprise sociale SMart a rencontré un tel succès qu’elle a progressivement élargi son champ d’action, essaimant dans plusieurs pays européens. Décryptage d’une réussite.</p>
<h2>Des travailleurs atypiques</h2>
<p>Emeric, 42 ans, fait partie de ceux qu’on appelle les « travailleurs au projet » ou « travailleurs autonomes ». Il est menuisier ébéniste et membre d’un collectif d’artistes plasticiens. Il réalise des projets d’ameublement sur mesure pour une clientèle aisée. Pendant plusieurs années, il a gagné chichement sa vie, sous statut d’indépendant. Ses collaborations ponctuelles au collectif d’artistes s’encastrent difficilement dans ce statut, qui suppose une activité régulière et reconnue.</p>
<p>Depuis quelques mois, il loue depuis un étage de sa maison sur Airbnb. Ce revenu complémentaire lui permet de sélectionner les projets sur lesquels il souhaite travailler, d’assouvir sa passion des voyages, et de consacrer du temps à des activités créatives, parfois rémunérées.</p>
<p>Son activité ne rentre pas dans les catégories établies du marché du travail, qui classe les travailleurs soit comme indépendants, soit comme salariés, avec dans les deux cas une activité régulière et bien définie. Dans ce contexte qui ne propose pas de reconnaissance spécifique pour ces travailleurs atypiques, par exemple en termes d’accès à la sécurité sociale, nous nous intéressons à l’accompagnement de leurs trajectoires professionnelles.</p>
<h2>Travailleurs autonomes : une population en croissance</h2>
<p>Partout en Europe, le nombre de ces travailleurs « au projet » ou « autonomes » va croissant – un <a href="http://www.i-wire.eu/">projet européen qui s’est clôturé récemment</a> s’y est d’ailleurs spécifiquement intéressé. Il est toutefois difficile de produire à ce sujet des chiffres précis, dans la mesure où les données statistiques disponibles ne reflètent pas les nouvelles réalités du marché du travail.</p>
<p>Un travail exploratoire a cependant été mené <a href="http://www.efip.org/sites/default/files/efip_report_french.pdf">au niveau européen en 2012</a> par l’économiste Stéphane Rapelli à propos des indépendants professionnels ou « Ipros ». Il s’agit de travailleurs indépendants sans employé, n’exerçant pas dans les secteurs de l’agriculture, de l’artisanat ou du commerce, et engagés dans des activités de nature intellectuelle et/ou de service. De 2000 à 2011, la croissance de ces IPros a été de plus de 80 %, là où le nombre global de travailleurs indépendants est resté globalement stable. Ces travailleurs accumulent les contrats ponctuels pour une prestation donnée.</p>
<p>Les travailleurs autonomes exercent des métiers variés : musiciens, comédiens, graphistes, développeurs web, écrivains, journalistes freelance, architectes, professeurs… Mais aussi, de plus en plus, des chauffeurs ou livreurs dans le cadre de plates-formes en ligne de type Uber, Deliveroo et autres Foodora.</p>
<p>Parmi eux, nombreux sont ceux qui, comme Emeric, cumulent plusieurs jobs, ce que reflète la <a href="https://theconversation.com/slashers-pluriactivite-et-transformations-du-travail-opportunite-ou-menace-pour-le-management-84939">croissance des travailleurs « pluriactifs » en Europe</a>. Ces travailleurs sont parfois employés, parfois indépendants, parfois donneurs d’ordres voire employeurs lorsqu’ils sous-traitent des missions. Dans certains cas, une partie de ce travail n’est pas reconnue en amont de la prestation faisant l’objet d’un contrat avec le client. C’est par exemple le cas des répétitions pour un musicien ou un comédien.</p>
<p>Par leur situation atypique, la reconnaissance de leur activité professionnelle requiert souvent une complexe gymnastique administrative. Les zones d’ombre sont nombreuses, les empêchant souvent de bénéficier d’une protection sociale correcte, qu’il s’agisse d’allocations de chômage, de congés maladie ou de cotisations pour la retraite.</p>
<p>Pour offrir des solutions à ces travailleurs atypiques et les représenter auprès des acteurs établis du marché du travail (État, syndicats, représentants des employeurs), des organisations intermédiaires ont été créées, dont certaines par les travailleurs concernés eux-mêmes.</p>
<h2>Le modèle SMart, société mutuelle pour artistes</h2>
<p><a href="http://www.smartfr.fr/smart/">SMart</a> a été créée en 1998 en Belgique. Il s’agissait alors d’aider les artistes à sécuriser leurs trajectoires professionnelles. Pour répondre à ce besoin, SMart a conçu un ensemble d’outils, dont une plate-forme en ligne facilitant la gestion administrative du travail.</p>
<p>Un dispositif de facturation et un compte virtuel permet au travailleur d’être rémunéré par SMart avant que le donneur d’ordre n’effectue le paiement. Ce système lui offre également la possibilité de bénéficier d’un contrat de travail sur une année entière, de façon à lisser les revenus, souvent très irréguliers, dans le temps. Le travailleur peut même gérer sa propre « entreprise virtuelle » au travers d’un « compte budget » pouvant être utilisé pour payer la rémunération de collaborateurs ou d’autres frais de fonctionnement.</p>
<p>De nouveaux services ont rapidement vu le jour : location de matériel, services juridiques, mise en réseau, contribution à la création d’espaces de travail partagés (<a href="http://www.brusselsartfactory.be/">Brussels Art Factory</a>, <a href="http://www.lagrappe.eu/">La Grappe</a> à Lille ou l’espace Spinoza à Paris). En outre, des ateliers ou des formations sont régulièrement proposés aux membres.</p>
<h2>Essaimage géographique et sectoriel</h2>
<p>Si, à l’origine, SMart a été créée par et pour les artistes, le succès de l’organisation l’a vite amenée à proposer ses services à tous les travailleurs autonomes ou au projet, de l’univers de la formation à celui du design en passant par la communication ou la mode. Après la Belgique, SMart s’est implantée dans plusieurs pays européens dont la France, l’Espagne ou la Suède, en collaboration avec des partenaires locaux et en adaptant à chaque fois son modèle aux spécificités locales.</p>
<p>SMart est ainsi passée de quelques centaines de membres au début des années 2000 à plus de 100 000 membres actuellement. En 2016, la structure s’est transformée en coopérative et est en passe de devenir la plus grande coopérative de travailleurs en Europe. Elle est également devenue une interlocutrice majeure en termes de promotion et de représentation des travailleurs autonomes. Le rôle joué récemment par SMart dans la <a href="https://www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/cercle-159546-la-faillite-de-take-eat-easy-remet-elle-en-cause-luberisation-2023860.php">représentation et la défense des coursiers de Take Eat Easy</a>, puis de Deliveroo, en témoigne.</p>
<h2>Un modèle innovant en quête de légitimité</h2>
<p>Pourtant, malgré ce succès, le développement de SMart lui a rapidement attiré l’hostilité de nombreux acteurs établis du marché du travail : syndicats, agences d’intérim, plates-formes en ligne et, dans une certaine mesure, pouvoirs publics. En particulier, certains l’accusent de banaliser la précarité du travail au projet, sous la forme de ce qui est appelé aujourd’hui le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/13533312.2014.899123">« projectariat »</a>. On a également reproché à SMart de marginaliser les syndicats, d’agir comme employeurs sans en assumer toute la responsabilité et, plus globalement, de se développer sur les plates-bandes des acteurs reconnus de la concertation sociale.</p>
<p><a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/bjir.12281">Dans notre étude</a>, nous nous sommes intéressés aux facteurs qui ont permis à la coopérative de se développer en dépit de cette hostilité. En dépit, aussi, d’un marché du travail très réglementé, en particulier dans des pays comme la Belgique et la France, où l’innovation dans ce secteur est très difficile à introduire et à diffuser si elle n’est pas portée par les acteurs établis.</p>
<p>Les résultats révèlent que le succès de SMart repose notamment sur sa capacité à transgresser les frontières établies sur le marché du travail : distinction employeur-employé, distinction entre travailleur indépendant et salarié, distinctions entre les métiers, distinction des rôles sur le marché du travail…</p>
<h2>Pragmatisme, réflexivité et remise en question, les trois piliers de SMart</h2>
<p>Les actions qui ont permis à SMart de gagner sa légitimité sur le marché du travail peuvent être classées en trois catégories faisant appel des qualités distinctes :</p>
<ul>
<li><p>le pragmatisme : l’action de SMart est toujours restée ciblée sur les besoins de ses membres, cherchant à y répondre sans attendre l’intervention ou l’autorisation des pouvoirs publics. Cet approche lui a permis de développer de nombreux services et outils, de croître rapidement et de gagner en légitimité auprès des nombreux travailleurs autonomes. Ainsi, lorsque les acteurs du marché du travail se sont opposés au « modèle SMart », l’organisation regroupait déjà un grand nombre de travailleurs qui pouvaient difficilement être abandonnés ;</p></li>
<li><p>la réflexivité : SMart s’est toujours positionné sur une démarche de <a href="http://smartbe.be/fr/services/education-permanente/">réflexion et de communication</a>, afin de justifier la pertinence de ses actions. Quoi qu’on pense de ces justifications, SMart a pris une place importante dans le débat public sur les travailleurs autonomes. Malgré les critiques que son attitude « fonceuse » a pu provoquer, SMart a gagné en visibilité en se reposant sur ses réalisations concrètes.</p></li>
<li><p>la remise en question : le modèle SMart ayant fait ses preuves, les critiques ne se portent plus tellement sur les solutions offertes par SMart, mais sur sa légitimité à développer ses solutions en tant qu’initiative privée, bien que coopérative et sans but lucratif. Face aux appels à un « SMart public » identifiés dans certains de nos entretiens, SMart réaffirme sa vocation de service aux membres. À travers la création de la coopérative, la structure renforce d’ailleurs leur participation à toutes les prises de décisions. Déjà bien reconnue dans les réseaux d’économie sociale et solidaire, SMart revendique ainsi une action économique au service des travailleurs et de la société, même si certains auraient préféré que cette action soit plutôt portée par les syndicats et les pouvoirs publics.</p></li>
</ul>
<p>À l’heure des discussions sur les conditions de travail et la protection des travailleurs autonomes, notamment ceux des plates-formes Uber et <a href="https://www.lecho.be/opinions/carte-blanche/Deliveroo-faire-entrer-le-droit-du-travail-dans-le-XXIe-siecle/9973066">Deliveroo</a>, l’expérience de SMart, si imparfaite soit-elle, constitue un apport intéressant au débat. Elle constitue en effet une alternative tant aux schémas classiques de protection sur le marché du travail qu’aux tendances à « l’uberisation » de l’économie. Ainsi, elle contribue à renforcer la protection sociale des travailleurs aux statuts atypiques, toujours plus nombreux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/96050/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span><a href="mailto:v.xhauflair@uliege.be">v.xhauflair@uliege.be</a> a reçu des financements du Fonds Baillet Latour (Belgique). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benjamin Huybrechts et François Pichault ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Le nombre de travailleurs autonomes est en rapide augmentation. Pour les accompagner administrativement, de nouvelles structures émergent. Analyse du succès de la belge SMart, leader du secteur.Benjamin Huybrechts, Professeur associé en entrepreneuriat et organisation, EM Lyon Business SchoolFrançois Pichault, Professeur titulaire à HEC Liège , Université de LiègeVirginie Xhauflair, Associate professor, Université de LiègeLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.