tag:theconversation.com,2011:/us/topics/uefa-105967/articlesUEFA – The Conversation2022-06-02T17:46:34Ztag:theconversation.com,2011:article/1842022022-06-02T17:46:34Z2022-06-02T17:46:34ZIncidents aux abords du Stade de France : des problèmes de gestion anciens<p>Au lendemain des incidents qui ont <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Quinze-personnes-toujours-en-garde-a-vue-apres-les-incidents-du-stade-de-france/1336081">précédé</a> la rencontre de finale de Coupe d’Europe opposant Liverpool au Real de Madrid au Stade de France, chacun - hommes politiques, policiers, dirigeants français et européens du football, tabloïds anglo-saxons et bien d’autres - va de ses commentaires tantôt acerbes sur la gestion des foules par les forces de l’ordre, tantôt destinés à incriminer les autres, forcément responsables des incidents.</p>
<p>Mais qu’y a-t-il de nouveau dans ces incidents et dans les problèmes de sécurisation des rencontres sportives ?</p>
<h2>Il y a 37 ans, le drame du Heysel</h2>
<p><a href="https://www.cairn.info/revue-vingtieme-si%C3%A8cle-revue-d-histoire-2005-1-page-61.htm">En 1985</a>, alors que nombre d’incidents et de morts avaient précédé la rencontre Liverpool-Juventus de Turin, une mauvaise gestion des foules avait participé à engendrer quelques échauffourées entre les supporters les plus extrémistes. Au point de déclencher au sein du stade du Heysel en Belgique une panique générale, causant la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Drame_du_Heysel">mort par étouffement et écrasement</a> d’une trentaine de spectateurs.</p>
<p>Les images télévisées étaient fortes, pour ne pas dire monstrueuses. Le match fut retardé. Les morts et les blessés furent évacués sur des civières en amont du coup d’envoi. Le match se déroula néanmoins, la Juve gagna. Michel Platini brandit la coupe.</p>
<p>Il fut marqué à vie par ces événements au point qu’une de ses premières déclarations en tant que président de l’UEFA fut de faire de la lutte contre ce type de problème l’une des pierres angulaires de sa mandature.</p>
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<figcaption><span class="caption">Michel Platini, 1985 (INA).</span></figcaption>
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<h2>Quelques efforts européens depuis 1985</h2>
<p>S’il n’y a pas eu un affrontement massif, ces morts et blessés ont été dus pour l’essentiel à un défaut dans la sécurité́ passive (présence de stadiers, de réelle ségrégation des publics, de mesures d’évacuation, etc.) du stade malgré́ la présence de 2 290 policiers.</p>
<p>La même année, ce défaut sera réparé́ le 19 août 1985 par <a href="https://rm.coe.int/168007a093">l’édiction de la convention européenne</a> « sur la violence et les débordements de spectateurs lors de manifestations sportives et notamment de matches de football ».</p>
<p>Il s’agit ici d’un effort rétroactif pour réglementer et contrôler un phénomène pourtant prévisible. Les très (trop) nombreuses déclarations politiques « sportives ou étatiques » constituent pour leur part une <a href="https://www.cairn.info/outsiders--9782864249184.htm">« campagne périodique des entrepreneurs moraux »</a> visant à̀ instaurer des normes et un contrôle social afin de rassurer la population.</p>
<p>En 1993, le Comité permanent du Conseil de l’Europe <a href="https://rm.coe.int/09000016804e1751">adopta la recommandation n° 1/93</a>, « concernant les mesures à prendre par les organisateurs de matches de football et les pouvoirs publics ».</p>
<p>Cette recommandation établissait une « liste standard de contrôle des mesures à prendre par les organisateurs de matches de football et les pouvoirs publics ». Il s’agit d’une check-list en 70 points de contrôle, de prévention et d’organisation à observer pour l’organisation des rencontres sportives et à répartir en fonction des différents intervenants : propriétaire du stade, organisateur, fédération, Union européenne de Football Association (UEFA), pouvoirs publics et autres.</p>
<p>En 1994, cette recommandation fut renforcée par la <a href="https://www.coe.int/fr/web/sport/violence-convention">recommandation européenne, n°1/94</a>,« concernant les mesures en vue des manifestations sportives à haut risque en salle », prévoyant le même type de mesure en matière de protection, de prévention et de recommandations concernant notamment la vente des billets et le renforcement des mesures de sécurité pour les sports pratiqués en salle que pour ceux prévus pour les stades.</p>
<h2>La conjonction de multiples facteurs</h2>
<p>Accueil des publics, filtrage, palpations, vente des billets, contrôle de la billetterie, sécurisation des abords des stades, partage des rôles entre forces de l’ordre et organisateur, réunions préalables, chaînes de commandement… tout est prévu… ou presque… puisque nous n’avons pas pu échapper aux incidents du 28 mai.</p>
<p>En France, la loi <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000509542">Alliot-Marie de 1993</a> et la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000531809">loi d’orientation à la sécurité publique</a> de 1995, suivies de différentes lois d’orientation à la sécurité publique, sont venues renforcer directement ou indirectement un arsenal <a href="https://book.coe.int/fr/sports-monographies/3101-sports-et-violences-en-europe.html">tout à la fois préventif, coercitif et répressif</a> qui a permis que de nombreux matches se déroulent sans incident.</p>
<p>Alors, comment analyser avec le plus de distance et de discernement ce qui s’est passé ? La conjonction de multiples facteurs semble avoir donné lieu à cette situation catastrophique.</p>
<p>Contrairement à ce qu’a avancé le ministre de l’Intérieur, les supporters anglais aux abords du stade n’étaient pas des <a href="https://www.france24.com/en/france/20220530-french-minister-blames-ticket-fraud-for-stadium-violence-in-champions-league-final">hooligans anglo-saxons porteurs de faux billets</a>.</p>
<p>Nulle volonté de casser ou de provoquer des affrontements chez les fans anglais venus au stade de France, contrairement aux <a href="https://www.researchgate.net/publication/266207411_Hooligans_Casuals_Independents_Decivilisation_or_Rationalisation_of_the_Activity">actions habituelles des hooligans</a>.</p>
<p>À quelques jours des élections législatives, la déclaration du ministre semble avant tout très politique.</p>
<h2>Des manquements</h2>
<p>Reprenons les facteurs de risques un à un. Les forces de l’ordre tout d’abord. Il y a à n’en point douter eu des choix d’intervention tout à fait contestables, au regard des publics qui s’agglutinaient et s’impatientaient. Nul hooligan, mais des supporters, énervés certes de ne pouvoir entrer dans le stade, mais aussi des femmes, des familles, des gens de tous âges.</p>
<p>Il y a là un réel problème déontologique dans la doctrine du maintien de l’ordre actuellement en France qui semble dépassée, <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/279024-maintien-de-lordre-une-doctrine-en-debat">privilégiant la dispersion à la prévention, et la répression à la dissuasion</a>. Cette doctrine se conjugue avec des problèmes dans la chaîne de commandement.</p>
<p>À ce problème s’en ajoutent deux autres : le « manque d’habitude » en matière d’accueil des foules sportives et des « mesures barrières » insuffisantes.</p>
<p>Manque « d’habitude » qu’induisent les décisions trop souvent répétées d’interdire de déplacements lors des rencontres de championnat à risques ou dans le cadre des derbys les supporters les plus problématiques. La prévention par l’absence est une solution radicale, certes, mais comment habituer les personnels à anticiper, à agir, à réagir face à des débordements potentiels par de telles mesures ?</p>
<p>Comment anticiper les problèmes à venir ? Car le « manque d’habitude » s’applique aussi bien aux forces de l’ordre qu’aux organisateurs et à leur service de sécurité. Le sociologue Raymond Boudon appelait cela <a href="https://www.puf.com/content/Effets_pervers_et_ordre_social">« les effets pervers »</a>, c’est-à-dire les conséquences inattendues de décisions prises.</p>
<p>Ce « manque d’habitude » est donc accompagné de l’absence de « mesures barrières » suffisantes. Des pré-filtrages ont été mis en place certes, mais pas en assez grand nombre, avec des personnels insuffisamment instruits des procédures, peut-être, dans tous les cas, capables de canaliser les foules et de les orienter vers d’autres dispositifs permettant de vérifier l’authenticité des billets, proposant des solutions d’attente, etc.</p>
<h2>Les problèmes de billetterie</h2>
<p>Le stade de France, c’est un peu moins de la moitié de la population de la ville de Rennes ou du XIX<sup>e</sup> arrondissement parisien. C’est une ville et ses habitants qui doivent s’installer en moins d’une heure dans le stade après avoir été partiellement fouillés, palpés, filtrés, répartis.</p>
<p>Là encore, il faut une certaine habitude, mais aussi une résistance tant physique que morale des personnels qui assurent ce travail. Comment imaginer qu’au XXI<sup>e</sup> siècle la billetterie prévue soit en papier en partie du moins ? C’est déjà accepter que la fraude puisse s’organiser tant les imprimantes et logiciels sont aujourd’hui capables de reproduire et créer n’importe quoi.</p>
<p>Il s’agit d’une faute quasi impensable qui n’a pu que retarder l’entrée et créer des situations ubuesques dans lesquelles bousculades, impatiences, vociférations et provocations ont pris forme avant d’être réprimées.</p>
<p>À ces facteurs viennent s’ajouter les <a href="https://www.sofoot.com/greve-ratp-la-ligue-des-champions-vaut-bien-une-greve-515119.html">grèves de transports</a> non anticipées par les organisateurs et le gouvernement qui auraient pu prévoir des moyens de substitution.</p>
<p>Sans compter les jeunes émeutiers venus pour provoquer, semer le trouble, par bêtise ou par jeu, pour voler, confirmant ainsi la <a href="https://www.jstor.org/stable/2094589">« théorie des opportunités »</a>. N’y a-t-il pas fréquemment aux abords des grands événements des pickpockets et des vols ?</p>
<p>À la question : serons-nous prêts pour la Coupe du Monde de rugby 2023 et les JO de 2024, la réponse est sans aucun doute positive.</p>
<p>Les incidents dont le monde entier se raille et dont se défendent hommes politiques et dirigeants constituent un fiasco certes, mais qui auraient pu avoir des conséquences beaucoup plus graves.</p>
<p>Ces incidents constituent une excellente « révision » et remise en cause des procédures, des hommes, des moyens tant matériels qu’humains. Ces incidents, à condition d’en reconnaître chacun sa responsabilité, sont « utiles » et constituent un avertissement de ce qui doit être pensé, réfléchi et mis en œuvre dans un an (Coupe du Monde de rugby) ou deux ans (JO 2024).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184202/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Dominique Bodin est maire de la ville de Bain-de-Bretagne</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Luc Robène ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un manque d’anticipation, d’organisation, de concertation et de préparation explique les débordements lors du match de la coupe d’Europe sans pour autant qu’il s’agisse d’un phénomène récent.Dominique Bodin, Professeur des universités en sociologie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Luc Robène, Professeur des Universités en Sciences de l’Éducation, Université de BordeauxLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1835112022-05-26T19:03:58Z2022-05-26T19:03:58ZLiverpool–Real Madrid, une finale débarrassée des enjeux politiques et économiques ?<p>Comme un air de 1981 ? Cette année-là, le club de football anglais de Liverpool soulevait sa troisième coupe d’Europe en gagnant la finale à Paris, au Parc des Princes, contre les Espagnols du Real Madrid. Plus de quarante ans plus tard, ce samedi 28 mai, les deux équipes se retrouvent en finale de la plus prestigieuse des compétitions de clubs d’Europe, une fois de plus dans la capitale française.</p>
<p>Les Madrilènes ont obtenu leur qualification en demi-finale contre Manchester City, connu pour être la propriété du gouvernement des Émirats arabes unis. Grâce aux ressources qui lui ont été prodiguées par cet État riche en pétrole et en gaz, ce club avait atteint la finale du championnat d’Europe de football de la saison dernière.</p>
<p>Les <em>Citizens</em> s’étaient alors <a href="https://fr.uefa.com/uefachampionsleague/match/2029498--man-city-vs-chelsea/">inclinés contre Chelsea</a>, autre équipe anglaise, alors propriété de Roman Abramovitch, oligarque russe étroitement lié à des intérêts gaziers, au gouvernement de son pays et à son président Vladimir Poutine. L’invasion de l’Ukraine lui a valu d’être sanctionné par plusieurs pays, mais aussi d’être contraint de <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-gouvernement-britannique-s-inquiete-pour-la-vente-de-chelsea-qui-pourrait-echouer/1333468">vendre le club londonien</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ligue-des-champions-un-titre-pour-chelsea-une-victoire-pour-gazprom-161725">Ligue des champions : un titre pour Chelsea, une victoire pour Gazprom</a>
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<p>Lorsque l’avant-centre français <a href="https://www.eurosport.fr/football/ligue-des-champions/2021-2022/karim-benzema-qualifie-le-real-madrid-en-demi-finale-apres-un-match-fou-contre-chelsea-2-3_sto8882762/story.shtml">Karim Benzema a marqué en prolongation</a> le but de la victoire du Real en demi-finale, un sentiment de nostalgie semblait planer sur le football européen. Les « nouveaux riches » du football, alimentés par le gaz et le pétrole, ont été vaincus : la finale de cette saison serait une affaire de vieille école. La réalité semble bien plus nuancée.</p>
<h2>L’idéologie du marché libre</h2>
<p>Le but de Benzema a peut-être été un soulagement pour l’UEFA. La saison de l’instance organisatrice de la compétition a en effet été difficile. La Ligue des champions a débuté avec l’entreprise publique russe Gazprom comme sponsor principal et la finale devait se dérouler dans la ville natale de Vladimir Poutine, Saint-Pétersbourg.</p>
<p>À la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie fin février, l’UEFA a rapidement décidé de déplacer sa finale à Paris et de <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/guerre-en-ukraine-l-uefa-rompt-son-contrat-de-sponsoring-avec-gazprom-20220228">rompre l’accord de sponsoring avec Gazprom</a>. Le Stade de France renverra-t-il une image positive aux fans et aux observateurs déplorant l’influence de la politique et de l’argent des États sur le football ?</p>
<p>Il reste bon de rappeler que l’affiche « Liverpool–Real Madrid » n’est pas simplement affaire de vieilles fortunes ou de football européen d’antan. Les deux clubs ont toujours eu des liens politiques forts, les <em>Reds</em> avec la gauche anglaise et les <em>Merengues</em> avec la droite ibérique. Que nous le voulions ou non, le football et la politique ont toujours eu une relation symbiotique.</p>
<p>En outre, au cours des trois dernières décennies, les deux clubs ont ouvertement embrassé et adhéré à l’idéologie du marché libre. Ils figurent en bonne place dans la <a href="https://www2.deloitte.com/ch/fr/pages/press-releases/articles/top-20-clubs-in-the-deloitte-football-money-league.html">« Football Money League »</a> du cabinet de conseil Deloitte, générant à eux deux plus d’un milliard d’euros par an. Le football reste un grand business et un jeu d’argent.</p>
<p>Il ne faut d’ailleurs pas oublier qu’il y a un peu plus d’un an, Liverpool et le Real Madrid ont soutenu le projet avorté de Super League. Celui-ci devait accélérer le flux de revenus vers ces clubs déjà riches, au détriment de tous les autres en Europe. Les propriétaires de Liverpool se sont finalement retirés du projet, du moins pour le moment, mais le président du Real Madrid, Florentino Perez, semble toujours vouloir le mener à bien. Différents rapports suggèrent qu’il pourrait utiliser le <a href="https://www.eurosport.fr/football/creation-de-la-super-ligue-les-mysteres-des-douze-salopards_sto8280671/story.shtml">soutien financier de sources du Golfe</a> et de l’Asie de l’Est pour y parvenir.</p>
<h2>Au-delà des socios…</h2>
<p>Deux finalistes piliers du football de marché libre, cela se comprend aussi au travers d’une visualisation des accords commerciaux les plus lucratifs. Ceux de Liverpool révèlent que le propriétaire du club – l’américain Fenway Sports Group – a constitué un portefeuille qui positionne le club au sein d’un ensemble d’entreprises de divertissement. L’inclusion de célébrités et de stars du sport de haut niveau, comme les basketteurs américains LeBron James et Kevin Durant, témoigne de la dynamique d’incursion des industries du divertissement américaines dans les actifs sportifs culturels européens.</p>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le Real Madrid apparaît, lui, comme un club d’un genre très différent, détenu par ses membres – appelés socios – qui votent pour l’entrée et la sortie des dirigeants du club. S’il peut donc sembler plus proche d’un modèle démocratique, une visualisation de ses accords et relations commerciales montre à quel point le club est devenu étroitement lié à l’Asie.</p>
<p>Les liens du Real, avec la région du Golfe en particulier, signifient que l’influence de l’argent du pétrole et du gaz sera toujours profondément ressentie à Paris, même sans la présence d’un club officiellement propriété d’un État ou d’un oligarque.</p>
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<p>Attention donc pour les puristes du football, la finale du la Ligue des Champions 2022 ne représente une sorte de normalisation du football. Nous ne sommes plus en 1981 et le football reste aujourd’hui commercial, politique et idéologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183511/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick teaches on UEFA's Certificate in Football Management programme.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Paul Widdop ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Même affiche et même lieu qu’en 1981 : un parfum de football d’antan ? Certes, les clubs ne sont certes pas propriété d’un État ou d’un oligarque, mais l’analyse demande néanmoins une certaine nuance.Simon Chadwick, Global Professor of Sport | Director of Eurasian Sport, EM Lyon Business SchoolPaul Widdop, Researcher of Sport Business, University of ManchesterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1731142021-12-21T19:14:46Z2021-12-21T19:14:46ZCoupe du Monde tous les deux ans : une chance pour le football africain ?<p>La Confédération africaine de Football (CAF) a confirmé par <a href="https://fr.cafonline.com/press-release/news/les-associations-membres-de-la-caf-soutiennent-a-l-unanimite-la-proposition-de-c">communiqué</a> qu’elle soutiendrait le projet consistant à organiser dorénavant la Coupe du Monde tous les deux ans porté par la FIFA et son président, Gianni Infantino.</p>
<p>Pour ce dernier, qui se trouve à la tête de l’instance internationale depuis 2015, c’est un premier succès en vue de la mise en œuvre de cette réforme majeure, dont le but est surtout d’apporter de nouvelles ressources à la FIFA. Sa principale source de revenus est, en effet, la Coupe du Monde, organisée tous les quatre ans depuis sa création en 1930. Les autres compétitions de la FIFA (Coupe du monde féminine, Coupe du Monde des clubs, Coupes du Monde masculine et féminine U20 et U17) ne sont pas aussi rémunératrices. Ainsi, sur la période 2011-2014, la Coupe du Monde 2014 organisée au Brésil a représenté 4,8 des <a href="https://www.bfmtv.com/economie/entreprises/culture-loisirs/la-fifa-un-empire-financier-qui-brasse-des-milliards_AN-201505280174.html">5,7 milliards de dollars de revenus de la FIFA</a>, soit 84,2 %. Le cycle actuel, 2019-2022, s’appuie en grande partie sur le rendez-vous qatari de novembre 2022 et ses <a href="https://publications.fifa.com/fr/annual-report-2020/2020-financials-and-2022-budget/2022-budget/">4,6 milliards de revenus</a> prévus.</p>
<p>La <a href="https://www.fifa.com/fr/tournaments/mens/confederationscup">Coupe des confédérations</a>, lancée en 1992 et abandonnée en 2019, n’a pas été couronnée de succès commercial – même si elle aura été importante politiquement pour démontrer l’universalité du football, dans la mesure où elle offrait la possibilité aux nations championnes d’Afrique ou d’Asie de disputer des rencontres face aux mastodontes du football mondial. L’accroissement du nombre d’équipes qualifiées pour la phase finale de la Coupe du Monde (celle de 2026, tenue conjointement aux États-Unis, au Mexique et au Canada, accueillera 48 équipes, contre 32 précédemment) répond d’ailleurs à ce même impératif politique.</p>
<h2>La lutte pour le contrôle du football mondial</h2>
<p>Le communiqué de la CAN et l’engagement des 52 nations qui l’ont signé constituent certainement un pas important franchi par la FIFA dans sa lutte pour le leadership dans le football face à l’UEFA, la très puissante confédération européenne.</p>
<p>En effet, depuis 1974 et l’élection du Brésilien Joao Havelange à la tête de la FIFA, les stratégies de conquête de pouvoir de l’institution mondiale s’établissent contre l’Europe. D’ailleurs, l’UEFA, est logiquement opposée au changement de fréquence de la Coupe du monde, estimant par la voix de Aleksander Céférin, son président, qu’une telle réforme risquerait de <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/L-uefa-repond-sechement-a-la-fifa-sur-l-idee-d-une-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans/1287233">dévaluer la compétition</a>. Une position soutenue par la <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-conmebol-finalement-opposee-au-projet-de-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans/1284357">Comnebol</a>, la confédération sud-américaine de football. En revanche, les confédérations asiatique (AFC) et d’Amérique du Nord, centrale et Caraïbes (Concacaf) <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-confederation-asiatique-d-accord-pour-etudier-la-faisabilite-d-une-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans/1285338">y sont favorables</a>.</p>
<p>Il faut dire que, longtemps, les derniers tours des Coupes du monde ont consisté essentiellement en des affrontements entre pays européens et sud-américains. Joao Havelange (1974-1998), puis son successeur Sepp Blatter (1998-2015) ont cherché à donner plus de place et de visibilité aux autres continents, notamment en augmentant le nombre d’équipes participant à la phase finale (de 16 à 24 en 1982, puis à 32 en 1998, et donc à 48 à partir de 2026), ce qui permet de diminuer mécaniquement la part européenne, même si celle-ci reste importante (13 équipes sur 32 pour l’édition 2022).</p>
<p>Il faut rappeler à cet égard que même si les fédérations européennes ont plus de moyens financiers, chaque fédération ne dispose que d’une seule voix au sein des congrès et assemblées générales de la FIFA. Autrement dit, la parole de la France ou de l’Allemagne vaut autant que celle du Soudan du Sud ou de la Malaisie.</p>
<p>Mais depuis les années 1990 et les changements provoqués par les <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=ijYv5pMAVGYC">arrêts Bosman et Malaja</a> qui permettent la libre circulation des joueurs en Europe, ainsi que les réformes de la compétition de clubs phare, la Ligue des Champions, qui ont accru le nombre de clubs qualifiés provenant des pays les plus riches, le football de clubs rivalise en termes d’exposition médiatique avec la Coupe du Monde. Dans le cadre de la Ligue des Champions, tous les meilleurs footballeurs du monde se rencontrent désormais tous les ans et assurent à l’Europe une « machine à cash » lui offrant une puissance financière et une résonance médiatique que lui envie la FIFA.</p>
<h2>Les grandes manœuvres de la FIFA</h2>
<p>Une Coupe du Monde tous les deux ans : l’idée avait déjà germé <a href="https://www.letemps.ch/sport/une-coupe-monde-football-deux-ans-2008">sous Sepp Blatter</a>, mais il avait rapidement rétropédalé à la suite de la levée de boucliers des clubs. Cette fois, le projet a une belle chance de passer.</p>
<p>Porté par <a href="https://www.liberation.fr/sports/2020/10/18/canon-encore-fumant_1802765/">Arsène Wenger</a>, une figure du football international, il comprend une refonte du calendrier qui permettrait aux clubs de bénéficier de leurs joueurs <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-du-monde/fifa-wenger-detaille-son-projet-de-calendrier-avec-une-coupe-du-monde-tous-les-deux-ans_AV-202109090286.html">vingt jours de plus que dans la formule actuelle</a>.</p>
<p>Un « geste » vers les clubs, un autre vers les pays n’ayant qu’une faible exposition mondiale : le plan pourrait emporter une majorité de voix en assemblée générale FIFA avec un bloc Afrique-Asie-Océanie opposé au bloc Europe-Amérique du Sud (ce dernier rapprochement vient notamment de se manifester par <a href="https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/La-ligue-des-nations-integrera-des-pays-d-amerique-du-sud-a-partir-de-2024/1305865">l'inclusion d'équipes sud-américaines</a> dans les prochaines éditions de la Ligue des Nations organisée par l'UEFA et jusqu'ici réservée exclusivement aux sélections européennes). En projet : une Coupe du Monde tous les deux ans et un plateau d’équipes augmenté de 50 % (changement déjà entériné, en vigueur dès 2026), qui permet plus de rentrées d’argent aux fédérations (que la FIFA a par ailleurs <a href="https://www.francsjeux.com/2021/03/23/a-la-fifa-les-comptes-tombent-toujours-juste/74315">soutenues durant la période d’arrêt liée au Covid-19</a>).</p>
<p>Si l’on comprend les enjeux financiers pour les fédérations africaines, on serait légitiment en droit de se poser la question de la position de la CAF, et surtout du devenir de sa compétition phare, la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), qui a lieu tous les deux ans, voire du Championnat d’Afrique des nations (<a href="https://www.jeuneafrique.com/166228/societe/football-mais-au-fait-c-est-quoi-le-chan/">CHAN</a>), le même format réservé aux joueurs qui jouent en Afrique.</p>
<h2>Les difficultés du football africain</h2>
<p>La Coupe d’Afrique des Nations est la seule compétition rentable du continent : les droits marketing et télévisuels sont vendus sous forme de packages, en rajoutant toutes les compétitions organisées par la CAF (Ligue des champions africaine, Coupe de la confédération, CAN féminine, CHAN, CAN u20 et CAN U17), mais la plupart des diffuseurs n’utilisent que les droits sur les matchs de la CAN.</p>
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<figcaption><span class="caption">La médiatisation du football africain : enjeux et perspectives, SIREM sports, 3 juillet 2020.</span></figcaption>
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<p>En dehors de la CAN, les compétitions continentales organisées en Afrique coûtent souvent plus d’argent qu’elles n’en rapportent. Par exemple, faute de moyens, les dotations de la Ligue des champions africaine sont souvent <a href="https://www.jeuneafrique.com/639520/societe/football-la-ligue-des-champions-une-competition-rarement-rentable/">trop faibles pour couvrir les frais</a> des clubs qui y participent.</p>
<p>D’autre part, la fréquence biennale de la CAN a longtemps été présentée comme un outil de développement des infrastructures, notamment sportives. Il faut dire qu’avec ses quatre poules (six depuis 2019), ce sont autant de stades qui sont construits ou remis aux normes, et qui devraient permettre de meilleures conditions de pratique.</p>
<p>Pour autant, la compétition phare du football africain se retrouve confrontée à un problème de format et de position sur le calendrier international. Depuis 2012, la compétition ne s’est jamais déroulée dans le pays prévu, que ce soit à cause de situations politiques incertaines (<a href="https://www.bbc.com/afrique/sports/2011/09/110928_can2013">Libye 2013</a> et <a href="https://www.france24.com/fr/20140823-libye-organisation-coupe-afrique-nations-2017-can-football-tripoli-caf">2017</a>), de conflit institutionnel (<a href="https://www.lefigaro.fr/sports/football/can/actualites/can-2015-le-maroc-perd-l-organisation-722096">Maroc, 2015</a>) ou de retard dans la construction des stades (<a href="https://www.jeuneafrique.com/674970/societe/football-la-can-2019-officiellement-retiree-au-cameroun-par-la-caf/">Cameroun, 2019</a>). La 33<sup>e</sup> édition, qui aurait dû se dérouler cette année, a été décalée à janvier et février 2022 pour cause de Covid-19. Et à quelques semaines de l’ouverture d’une compétition déjà perturbée par le retard dans la livraison de son stade principal, l’association des Clubs européens (ECA) <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/coupe-d-afrique-des-nations/le-courrier-de-menace-des-clubs-europeens-pour-la-can-2022_AV-202112150299.html">menace de ne pas libérer les joueurs</a> en raison d’une absence de protocole sanitaire délivré par la CAF pour éviter des quarantaines à leur retour.</p>
<p>Si de solutions de remplacement ont été trouvées chaque fois, l’édition 2015, prévue au Maroc (avec un remplacement par la Guinée équatoriale au dernier moment) symbolise les difficultés rencontrées par la compétition. Le royaume chérifien, qui venait d’accueillir la Coupe du monde des clubs avec, entre autres le Real Madrid, <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique-foot/20141108-maroc-maintient-demande-report-can2015-coupe-afrique-nations-football-ebola-ca">demandait un report</a> de la CAN au mois de juin pour mieux l’accueillir. Mais en toile de fond se posait le problème de la libération des joueurs internationaux africains évoluant en Europe (57 % lors de l’édition 2019) que les clubs <a href="https://www.rfi.fr/fr/afrique-foot/20210315-%C3%A9liminatoires-can-2021-de-nombreux-clubs-europ%C3%A9ens-bloquent-leurs-internationaux">rechignent à voir partir</a> un mois en pleine saison.</p>
<p>Cette dépendance à l’égard de l’Europe avait déjà entraîné le passage des compétitions des <a href="https://www.eurosport.fr/football/la-can-les-annees-impaires_sto2326697/story.shtml">années paires aux années impaires</a> pour éviter les doublons les années de Coupe du monde. En 2017, la CAF choisit de déplacer la compétition au mois de juin et de l’élargir à 24 équipes <a href="https://www.jeuneafrique.com/459233/societe/ete-a-24-equipes-revolution-de-can-prevue-2019/">dès l’édition de 2019</a>, avant de revenir sur cette décision pour la CAN 2021 au Cameroun, <a href="https://www.eurosport.fr/football/foot-la-can-2021-se-jouera-au-cameroun-en-hiver-et-non-plus-en-ete-federation_sto7611164/story.shtml">pour des raisons climatiques</a>. L’édition 2023 est <a href="https://www.goal.com/fr/news/la-can-2023-programmee-durant-lete/jzkyiomyw2fe1gbo5l9a9yzd8">déjà menacée</a>, la Coupe du monde 2022 au Qatar se terminant au mois de décembre, soit quelques semaines seulement avant une éventuelle compétition africaine.</p>
<p>D’autre part, il faut également tenir compte de la dépendance accrue du football africain à la FIFA depuis cinq ans et <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/sport/election-caf-le-malgache-ahmad-ahmad-nouveau-patron-du-foot-africain_1889858.html">l’élection à la tête de la CAF d’Ahmad Ahmad</a>, d’abord largement soutenu, puis lâché par Infantino. Exsangue financièrement après la <a href="http://www.tribunedafrique.com/la-caf-annule-son-contrat-dun-milliard-de-dollars-avec-lagardere-sports/">rupture en 2019 (en raison d’une contestation de la procédure) du contrat</a> signé avec l’agence de marketing Lagardère Sport, qui devait assurer à la CAF au minimum un milliard de dollars jusqu’en 2028, l’organisation espère bénéficier des retombées d’une <a href="https://telquel.ma/2020/02/19/mais-ou-va-largent-de-la-fifa-destine-a-la-caf%E2%80%89-4-5_1669573">augmentation des subventions CAF</a> provenant de la FIFA. Dans le cadre de son programme <a href="https://www.fifa.com/fr/football-development/fifa-forward">FIFA Forward</a>, de développement du football, la FIFA finance en effet à hauteur de 12 millions de dollars annuels des projets liés à la pratique du sport-roi (et un million minimum à chaque fédération). Une augmentation des revenus de l’institution augmenterait de fait ces subventions, en plus d’augmenter les montants reversés par les droits TV et marketing. Le 20 décembre, Gianni Infantino a réuni en visioconférence 207 des 211 fédérations membres de la FIFA et a promis une augmentation des subventions de <a href="https://www.ouest-france.fr/sport/football/fifa/coupe-du-monde-tous-les-deux-ans-la-fifa-decide-de-ne-rien-decider-c9bd441e-6234-11ec-8679-ab0fdb9344df">19 millions de dollars</a> par fédération, par cycles de quatre ans.</p>
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<h2>Un coup à jouer pour la CAF</h2>
<p>Quel gage doit donc donner l’Afrique ? Modifier la fréquence de son tournoi, en le passant à un format quadriannuel, comme le demandent un certain nombre d’acteurs, <a href="https://www.lefigaro.fr/sports/scan-sport/actualites/infantino-propose-d-organiser-la-can-tous-les-quatre-ans-991500">dont Gianni Infantino lui-même</a> ?</p>
<p>Paradoxalement, le passage à une Coupe du Monde tous les deux ans pourrait conforter le format biennal actuel. En négociant que la Coupe d’Afrique des Nations devienne qualificative pour la Coupe du Monde, la CAF augmenterait la valeur de sa compétition en bénéficiant de la force commerciale de la maison de Zurich et pourrait continuer de l’organiser les années impaires.</p>
<p>La situation actuelle ouvre donc de nombreuses possibilités. En négociant bien, les neuf places africaines en Coupe du Monde pourraient revenir aux quatre demi-finalistes, les cinq autres places étant réparties à travers un système de barrages avec un mix entre les douze huitièmes de finalistes et des équipes en fonction de leur classement FIFA, ce qui offrirait une deuxième chance aux « grosses » sélections ayant raté leur tournoi.</p>
<p>Une chose est certaine, l’Afrique doit proposer quelque chose, au risque de n’être qu’une arme dans le combat pour la puissance de la FIFA dans la lutte contre les confédérations européenne et sud-américaine. Le match international ouvert au Caire ne fait que commencer. À la CAF de jouer…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/173114/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hervé Kouamouo ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les dirigeants du football africain ont accepté de soutenir la FIFA dans son projet de Coupe du Monde tous les deux ans. Réelle opportunité ou danger pour le football du continent ?Hervé Kouamouo, Doctorant en sciences sociales du sport, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1724482021-11-23T20:06:56Z2021-11-23T20:06:56ZTransnistrie : exister grâce au football ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/433507/original/file-20211123-21-xy9pp5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=1%2C3%2C1328%2C875&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une affiche en l'honneur du Sheriff, dans le centre de Tiraspol, début novembre 2021. Le slogan proclame : « Sans passé, il n'y a pas d'avenir. »</span> <span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Phénomène géopolitique et sportif exceptionnel, la présence en Ligue des Champions du Sheriff Tiraspol, qui <a href="https://www.uefa.com/uefachampionsleague/match/2032695--sheriff-vs-real-madrid/">affronte</a> ce mercredi soir le prestigieux Real Madrid, illustre la schizophrénie de la <a href="https://www.jstor.org/stable/26983026">Transnistrie</a>. Ce territoire, qui a fait de facto sécession de la Moldavie en 1992, oscille constamment entre son appartenance juridique à ce pays et sa proximité avec la Russie, qui le soutient financièrement à bout de bras et y dispose d’une <a href="https://www.ege.fr/infoguerre/2019/12/jeux-dinfluence-moldavie">base militaire</a>.</p>
<p>Principale équipe de football de la région séparatiste, construite et financée par la tentaculaire <a href="https://rmcsport.bfmtv.com/football/ligue-des-champions/tiraspol-la-holding-sheriff-le-faiseur-de-rois-de-la-transnistrie_VN-202111020190.html">holding Sheriff</a> contrôlée par l’oligarque Viktor Gouchane, le club joue néanmoins dans le championnat moldave et ses joueurs ont l’autorisation d’évoluer au sein de l’équipe nationale de Moldavie. Le système politico-économico-sportif de la Transnistrie est absolument incomparable. Analyse d’une construction géopolitique inédite, entre sport, corruption et blanchiment d’argent.</p>
<h2>Un « pays qui n’existe pas » ?</h2>
<p>« Toutes les choses que vous verrez ici sont fausses », prévient un passant dans les rues de Tiraspol, la capitale de la Transnistrie. L’arrivée du Real Madrid, <a href="https://sheriff-sport.com/sherif-prinimaet-samyj-titulovannyj-klub-mira/">« le club le plus titré au monde »</a> selon le site Internet officiel du Sheriff, approche et les autorités locales ont donné des consignes. Les bancs sont repeints, les trottoirs sont fleuris, les drapeaux sont hissés. Partout, la faucille et le marteau côtoient les couleurs russes et transnistriennes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=361&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433510/original/file-20211123-23-6rn2az.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=454&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Statue de Lénine à Tiraspol. Sur le bâtiment, les drapeaux transnistrien et russe.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Tout sauf un hasard, l’hôtel de luxe qui accueille l’équipe madrilène s’appelle <a href="https://hotelrussia.md/">« Rossia »</a>. <a href="https://novostipmr.com/ru/news/21-08-13/v-pridnestrove-sozdan-shtab-v-podderzhku-edinoy-rossii">L’antenne locale de Russie unie</a>, le parti de Vladimir Poutine, se trouve dans le bâtiment voisin.</p>
<p>À l’instar des plus belles heures de l’URSS, Tiraspol, où résident 130 000 des 500 000 habitants de la Transnistrie, ressemble à un village Potemkine que les ouvriers cherchent à embellir pour l’occasion. Ici, la plupart des gens disposent de quatre passeports (ukrainien, russe, transnistrien et moldave), comme pour compenser le fait que le passeport transnistrien ne vaut rien à l’échelle mondiale. Et pour cause, la Transnistrie n’est pas reconnue par les Nations unies.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433515/original/file-20211123-17-19baetd.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Devant la Maison des Soviets.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
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<p><a href="https://www.lejdd.fr/International/voyage-en-transnistrie-le-pays-qui-nexiste-pas-3935025">« Pays qui n’existe pas »</a>, <a href="https://www.lapresse.ca/suite/2019-06-20/voyage/transnistrie-incursion-en-territoire-non-reconnu">« musée soviétique à ciel ouvert »</a>, <a href="https://www.lefigaro.fr/mon-figaro/2014/04/01/10001-20140401ARTFIG00369-dans-l-etat-fantome-de-transnistrie.php">« État fantôme »</a>, « excroissance russe »… les expressions pour qualifier la République moldave pridnestrovienne (PMR), plus connue sous le nom de Transnistrie (littéralement « la terre autour du Dniestr », du nom du fleuve sur la rive gauche duquel elle se situe), ne manquent pas. Pourtant, aucune n’est tout à fait vraie. Si la zone séparatiste dispose de tous les attributs d’un État à l’échelle locale (drapeau, hymne, monnaie, armée), elle possède néanmoins de nombreuses spécificités qui rendent son existence unique.</p>
<p>Tout d’abord, Moscou ne reconnaît pas l’indépendance de la Transnistrie, contrairement à celles des territoires sécessionnistes géorgiens que sont <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/la-russie-reconnait-l-independance-de-l-abkhazie-et-de-l-ossetie-du-sud_554388.html">l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud</a>. Il s’agit, pour le Kremlin, de ne pas froisser un peu plus les autorités moldaves, déjà en proie à des <a href="https://www.ifri.org/sites/default/files/atoms/files/rnv_110_vardanean_moldavie_russie_occident_2018.pdf">velléités européennes</a>.</p>
<p>Néanmoins, la présence de la <a href="https://stringfixer.com/fr/14th_Army_involvement_in_Transnistria">14ᵉ armée</a> de la Garde, le Groupe opérationnel des forces russes en Transnistrie, composé de 1 500 soldats et de plus de 22 000 tonnes de matériel militaires et de munitions, laisse penser le contraire. De plus, alors que les banques internationales refusent de s’y installer, Vladimir Poutine reste le principal banquier de la région et son protecteur majeur.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433514/original/file-20211123-28-1gmqo00.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=477&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans ce magasin, on peut aussi bien acheter des photos de Poutine et de Staline que des jouets pour enfants dérivés de l’application pour smartphone Talking Tom.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Ce double jeu de la Russie est l’illustration d’une diplomatie à deux vitesses destinée à conserver un contrôle relatif sur la Transnistrie tout en ne rompant pas le contact avec Chișinău, la capitale moldave. Aujourd’hui, l’indépendance de la Transnistrie n’est reconnue par aucun pays au monde.</p>
<p>En outre, <a href="https://www.osw.waw.pl/sites/default/files/punkt_widzenia_26_en.pdf">l’émergence de la Transnistrie des cendres de l’URSS en 1992</a> n’est pas à proprement parler le fruit d’une guerre interethnique – même si la question de la mise en danger du statut de la langue russe est avancée – mais plutôt d’un conflit instrumentalisé par l’élite post-soviétique locale qui voyait d’un mauvais œil l’indépendance de la Moldavie et la rupture des relations avec Moscou. En effet, la province représente 40 % de la production industrielle du pays, et il s’agit pour les élites locales de conserver un contrôle économique sur la région afin de continuer à faire des affaires en paix. Phénomène géopolitique rare dans ce contexte, la Transnistrie ne dispose donc pas de « nation titulaire » mais est composée de Moldaves, d’Ukrainiens et de Russes qui <a href="https://fr.obsfr.ru/report/15204/12059/">cohabitent désormais en paix</a>. L’identité locale repose avant tout sur l’utilisation politique de son passé soviétique, comme l’illustrent les nombreuses références à l’URSS dans les rues de la ville.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433546/original/file-20211123-24-16pbg3f.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une affiche représentant le Soviétique Iouri Gagarine, premier homme de l’histoire a avoir été dans l’espace, dans le centre de Tiraspol.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span></span>
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<h2>Le Sheriff : l’empire tentaculaire de Viktor Gouchane</h2>
<p>Si, parfois, le temps semble s’être arrêté à l’époque soviétique en Transnistrie, la région est pourtant à la solde d’un conglomérat bien capitaliste : la holding Sheriff. Les rues de Tiraspol sont parsemées de boutiques, d’entreprises ou de supermarchés sur lesquels figure le logo en forme d’étoile de la firme.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433517/original/file-20211123-25-1s29saw.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=504&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Publicité pour des cours de natation dispensés au Centre sportif du Sheriff.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Créée en 1993 par Viktor Gouchane et Ilya Kazmaly, deux anciens des services secrets soviétiques et russes, elle contrôle de nombreux pans cruciaux de l’économie locale. Au milieu des années 1990, elle prend possession du commerce des cigarettes et de l’alcool, avant de lancer en 1996 une chaîne de supermarchés Sheriff, de créer l’année suivante le club de football du Sheriff Tiraspol puis de racheter en 2002 200 entreprises publiques, dont le principal opérateur téléphonique et le seul fournisseur d’accès Internet de la région. Dans la foulée, Igor Smirnov, le premier « président » de Transnistrie au pouvoir entre 1991 et 2011, accorde au Sheriff le statut d’<a href="https://www.kommersant.ru/doc/4593870">« importateur spécial »</a> qui lui permet d’être exonéré de taxes et de droits de douane.</p>
<p>Une dizaine d’années plus tard, en 2012, l’oligarque Viktor Gouchane devient le seul et unique propriétaire de la firme. Il décide de passer à la vitesse supérieure et à prendre le contrôle de l’espace politique local. Dans un premier temps, il se heurte à Evgueni Chevtchouk, président de la PMR entre 2011 et 2016, qui critique ses méthodes. Mais fin 2020, les élections au Conseil suprême de la PMR voient le Parti du Renouveau (Obnovlenie), créé et financé par le Sheriff en 2006, obtenir <a href="https://www.intellinews.com/breakaway-transnistria-fully-under-sheriff-s-control-as-obnovlenie-party-sweeps-board-in-parliament-election-198054/">29 des 33 sièges au Parlement</a>.</p>
<p>En 2021, la firme contrôle donc 60 % de l’économie locale et la quasi-totalité de la politique. Aujourd’hui, la région s’apparente à une matriochka (poupée russe) au sein de laquelle le Sheriff est un <a href="https://www.osw.waw.pl/sites/default/files/punkt_widzenia_26_en.pdf">demi-État</a> dans la Transnistrie, qui est elle-même un État dans l’État moldave.</p>
<h2>Le Sheriff Tiraspol : un club schizophrène ?</h2>
<p>Dans ce contexte, l’univers du sport en Transnistrie est révélateur des enjeux géopolitiques qui parcourent la région.</p>
<p>En 1997, Gouchane et Kazmaly décident de créer le club de football du Sheriff Tiraspol en lieu et place du Tiligul, l’un des premiers clubs privés de l’URSS. Nommé après le conglomérat et la capitale de la région, le Sheriff a pour objectif de nettoyer l’image de la Transnistrie grâce au football et de tenter de faire reconnaître son indépendance à l’échelle mondiale (tout en évoluant, nous l’avons dit, au sein du championnat de Moldavie). Pourtant, les rumeurs de blanchiment d’argent et de corruption qui entourent le jeune club en quête de notoriété lui valent régulièrement d’avoir mauvaise presse.</p>
<p>Face émergée de l’empire de la holding, le Sheriff Tiraspol performe : en 21 saisons dans le championnat moldave, il est sacré champion 19 fois et participe quasiment chaque année aux différentes coupes d’Europe – sa qualification cette saison pour la phase finale de la Ligue des Champions constitue sans doute le plus grand exploit de son histoire, encore magnifié par sa victoire sur le terrain du Real Madrid au match aller, qui a sidéré les observateurs.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1443169955810320388"}"></div></p>
<p>Club phare de la région aux infrastructures ultramodernes et au budget gardé secret, il est le bijou de Viktor Gouchane, son propriétaire officieux, dont les méthodes sportives sont pour le moins musclées. Florin Motroch, milieu de terrain roumain, <a href="https://www.sports.ru/tribuna/blogs/urbanhymns/2964591.html">rapporte</a> à sports.ru qu’un jour Gouchane est entré dans les vestiaires du Sheriff en furie avant de lancer au sol une grenade non dégoupillée pour effrayer les joueurs et les sommer d’augmenter leur niveau de jeu.</p>
<p>En mobilisant des athlètes de haut niveau, des oligarques et des hommes et des femmes politiques pour construire le Sheriff Tiraspol et faire exister la Transnistrie grâce au sport, le système politico-économico-sportif transnistrien mis en place par Viktor Gouchane s’apparente à la <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-sportokratura-sous-vladimir-poutine-une-geopolitique-du-sport-russe-160805">Sportokratura</a> de Vladimir Poutine, à ceci près que le caractère clientéliste et corrompu du Sheriff semble encore plus notable qu’en Russie. Quand son club phare est en Ligue des Champions et se frotte à des clubs de renom comme l’Inter de Milan ou encore le Real Madrid, le pays qui n’existe pas <em>de jure</em> apparaît <em>de facto</em> « sur la carte » mentale des supporters de football du monde entier. Un premier pas vers la reconnaissance ? La situation est plus complexe.</p>
<p>Depuis sa création, nous l’avons dit, le club participe au championnat moldave – une condition <em>sine qua non</em> pour obtenir l’autorisation de l’UEFA de prendre part aux compétitions européennes. En outre, les meilleurs athlètes de la Transnistrie concourent nationalement sous les couleurs moldaves. De son côté, Chișinău se soumet à cette situation dans la mesure où le niveau et les moyens sportifs de la Transnistrie sont plus élevés qu’ailleurs en Moldavie. Ce jeu de dupes entre la Moldavie et la Transnistrie à travers le sport illustre le <em>statu quo</em> accepté par les deux parties et la nature véritablement schizophrène de leurs relations. Pour l’heure, les uns comme les autres y trouvent leur compte…</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/433535/original/file-20211123-13-z74c99.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dans le centre de Chișinău (Moldavie), les vestiges du sport soviétique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">L. Aubin</span></span>
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</figure><img src="https://counter.theconversation.com/content/172448/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Lukas Aubin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Sheriff Tiraspol est le club phare de la Transnistrie sécessionniste, qui a proclamé en 1992 une indépendance qu’aucun pays au monde ne reconnaît. Le football lui offre une vitrine inespérée.Lukas Aubin, Docteur en Études slaves contemporaines : spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport, Université Paris Nanterre – Université Paris LumièresLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1660342021-08-12T21:15:01Z2021-08-12T21:15:01ZLionel Messi au PSG, une pièce maîtresse dans le plan de jeu du Qatar<p>La séquence du transfert de Lionel Messi du FC Barcelone au Paris Saint-Germain s’est achevée ce mercredi 11 août avec une journée consacrée à la présentation aux supporters et aux médias, au lendemain de la signature de son contrat avec le club de la capitale.</p>
<p>Selon <a href="https://www.leparisien.fr/sports/football/psg/psg-lionel-messi-touchera-41-millions-deuros-net-par-an-11-08-2021-BUZMZ5O3FBA77PEIOOEEJE2DOE.php">Le Parisien</a>, le salaire de l’Argentin s’élèvera à 41 millions d’euros nets par an (plus que ses nouveaux coéquipiers Neymar, environ 36 millions, et Kylian Mbappé, 18 millions), un montant auquel il faut ajouter les primes, ce qui représenterait un total de 120 millions d’euros sur deux ans. Le monde du football attend avec impatience de voir ce que le nouveau joueur le plus cher de la Ligue 1, qui a marqué <a href="https://www.independent.co.uk/sport/football/lionel-messi-barcelona-goals-record-b1897701.html">672 buts pour le FC Barcelone</a>, peut apporter au championnat français.</p>
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<figcaption><span class="caption">Lionel Messi accueilli comme un roi à Paris (France 24, 11 août 2021).</span></figcaption>
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<p>Les propriétaires du PSG, quant à eux, regardent un peu plus loin, en se concentrant sur 2022. Depuis que Qatar Sports Investments (QSI) en a acquis une <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/football/14393012">participation majoritaire en 2011</a>, le club a déjà <a href="https://www.goal.com/en-ie/lists/how-much-have-psg-spent-on-transfers-since-qatar-takeover/hz1zvwykh4mv11vep6qdtygex">beaucoup dépensé</a> pour dominer le football français et remporter des succès sur la scène européenne.</p>
<h2>Objectif : le sacre européen</h2>
<p>Le titre national est presque devenu une routine, à l’exception de quelques surprises comme la saison dernière, lorsque le club s’est classé deuxième <a href="https://www.theguardian.com/football/2021/may/23/european-roundup-lille-win-at-angers-to-seal-first-ligue-1-title-in-10-years">derrière Lille</a>. En revanche, le trophée de la Ligue des champions se révèle toujours insaisissable.</p>
<p>L’arrivée de Messi donne le sentiment que la saison à venir sera cruciale dans cette optique. En effet, elle intervient quelques semaines après le recrutement d’autres grands joueurs comme le gardien de but de l’Italie, <a href="https://www.bbc.co.uk/sport/football/57390443">Gianluigi Donnarumma</a>, élu meilleur joueur de l’Euro 2020, ou encore le défenseur du Real Madrid <a href="https://www.skysports.com/football/news/11820/12351017/sergio-ramos-paris-saint-germain-sign-former-real-madrid-captain-on-two-year-deal">Sergio Ramos</a>. Tout autre résultat qu’un titre européen serait en conséquence considéré comme un échec.</p>
<p>Si le PSG y parvient, le symbolisme d’une telle victoire serait frappant, car cinq mois plus tard seulement, le Qatar accueillera la <a href="https://www.fifa.com/tournaments/mens/worldcup/qatar2022">Coupe du monde de football 2022</a>. Ce serait alors une année triomphale pour le petit État du Golfe et ses investissements dans le football, sur le terrain comme en dehors.</p>
<p>Depuis 1971, date à laquelle le <a href="https://www.britannica.com/place/Qatar/History">Qatar a cessé d’être un protectorat britannique</a>, la famille régnante du pays s’efforce de trouver la meilleure façon d’utiliser ses richesses naturelles. Confronté à la nécessité de diversifier son économie pour ne plus dépendre du gaz et du pétrole, le pays a lancé en 2008 sa <a href="https://www.gco.gov.qa/en/about-qatar/national-vision2030/">« Vision nationale 2030 »</a>.</p>
<p>L’objectif est de « transformer le Qatar en une société avancée capable de mettre en œuvre un développement durable ». Cette vision a donné naissance à une stratégie de développement dont le sport et le football sont des éléments importants.</p>
<p>L’organisation de la Coupe du monde, un tournoi de quatre semaines, vise ainsi à promouvoir le développement des infrastructures et le tourisme à long terme. L’acquisition du PSG fait également partie du plan : elle permet de gagner de l’argent et d’étendre l’influence qatarie dans le monde entier.</p>
<p>Cela signifie que, plutôt que d’être l’événement principal, l’arrivée de Lionel Messi apparaît finalement relativement accessoire par rapport aux larges ambitions du Qatar. Le gouvernement utilise en effet le football depuis des années comme un moyen d’atteindre des objectifs politiques.</p>
<h2>Renforcer la « marque Qatar »</h2>
<p>Le recrutement en 2017 par le PSG du Brésilien Neymar, ancien coéquipier de Messi à Barcelone, en est un exemple parfait. Le Qatar a utilisé ce contrat record de <a href="https://www.theguardian.com/commentisfree/2017/sep/01/neymar-transfer-barcelona-soft-power-asian-governments">222 millions d’euros</a> pour montrer au monde (et à ses voisins immédiats, l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis) sa puissance et son indépendance financières. Cette signature a également symbolisé la façon dont le gouvernement de Doha considère le football comme un élément de son arsenal de soft power, un moyen d’attirer l’attention du monde via la signature des meilleurs footballeurs de la planète.</p>
<p>L’arrivée de Lionel Messi au PSG peut être analysée de la même manière. Sa contribution attendue au succès du club permettra au Qatar de poursuivre sa projection de soft power, tout en renforçant le statut, l’image et la réputation de la « marque Qatar ».</p>
<p>Toutefois, la façon dont le club de la capitale respecte les règles du fair-play financier de l’UEFA, qui interdisent depuis 2010 à un club de dépenser plus qu’il ne gagne, <a href="https://www.lemonde.fr/sport/article/2021/08/11/football-l-uefa-envisage-d-adapter-le-fair-play-financier-a-des-temps-differents_6091201_3242.html">fait débat</a>. Le président de QSI et du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, a assuré, lors d’une conférence de presse le mercredi 11 août, que le recrutement était conforme aux exigences de l’instance du football européen, mettant en avant les <a href="https://www.cnbc.com/2021/08/11/messi-psg-president-says-world-will-be-shocked-by-revenues.html">importants revenus</a> que Lionel Messi allait générer.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/6f1AXZknpEA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Le président du PSG Nasser Al-Khelaïfi garantit que le recrutement de Lionel Messi respecte les règles du fair-play financier (Le Huffington Post, 11 août 2021).</span></figcaption>
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<p>Les mauvaises langues rappelleront que Nasser Al-Khelaïfi est par ailleurs <a href="https://www.ecaeurope.com/about-eca/structure/executive-board/nasser-al-khelaifi/">président de l’Association européenne des clubs</a>, une position qui lui permet de <a href="https://www.cbssports.com/soccer/news/psgs-al-khelaifi-re-elected-to-uefa-executive-committee-rebuffs-super-league-and-mbappe-to-real-rumors/">siéger au Conseil exécutif de l’UEFA</a>. On pourra également rappeler qu’il a <a href="https://www.rfi.fr/en/sports/20210420-psg-president-al-khelaifi-takes-uefa-s-side-in-war-over-european-super-league-football-sport">vivement soutenu</a> l’UEFA face aux grands clubs européens qui envisageaient de faire sécession en créant une Super Ligue en avril dernier. L’échec de ce projet peut donc être vu comme une autre victoire qatarie en matière de soft power.</p>
<p>Désormais, le gouvernement de Doha veut que 2022 soit l’année du Qatar, sur le plan footballistique et au-delà. Lionel Messi a été recruté pour jouer un rôle dans ce plan de jeu hautement tactique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166034/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Simon Chadwick ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Avec le joueur argentin, les propriétaires qataris du club parisien se donnent toutes les chances de remporter un titre européen à quelques mois du début de la Coupe du monde 2022.Simon Chadwick, Global Professor of Eurasian Sport | Director of Eurasian Sport, EM Lyon Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1643732021-07-13T15:03:24Z2021-07-13T15:03:24ZFootball : avec la victoire de l’Italie, une Europe qui rebondit<p>Qu’on soit amateur de football ou spécialiste de l’UE, comment résister à la tentation du tournoi reflet de la politique ? Pour commenter la victoire de l’équipe d’Italie sur celle d’Angleterre en finale du Championnat d’Europe des nations dimanche soir, Jean Quatremer, correspondant permanent de <em>Libération</em> à Bruxelles a twitté « UE 1 – Brexit 0 ». Pourtant, si l’Angleterre l’avait emporté, les Brexiters auraient bien sûr exulté.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1414343238333386762"}"></div></p>
<p>Surdéterminer les faits politiques et sociaux par les résultats footballistiques est un jeu. Ce jeu permet d’évoquer de façon libératrice et jubilatoire des phénomènes sérieux, un peu à la façon du cadavre exquis et de la libre association d’idées pratiqués au sein du mouvement surréaliste. Ici, comme sur une boule à facettes, le spectacle de l’Euro de football expose des fragments de l’Europe du moment. En voici quelques exemples.</p>
<h2>Les Européens retrouvent la joie de vivre</h2>
<p>Dans une vue d’ensemble, ce tournoi de football a montré le rebond de l’Europe. La phase finale de ce championnat qui se joue tous les quatre ans depuis 1960 était programmée en 2020. L’UEFA, qui organisait ce tournoi continental, a tenu à nommer cette compétition jouée en 2021 « Uefa euro 2020 ». Avec cette dénégation, l’UEFA ne pouvait mieux rappeler qu’en 2020 l’Europe était sinistrée par le Covid-19 : elle en était alors l’épicentre. Près d’un an et demi après le début de la pandémie, au moment de cet euro de foot, le <a href="https://graphics.reuters.com/world-coronavirus-tracker-and-maps/regions/europe/">nombre de décès</a> sur le continent européen approche 1 300 000. L’UE et ses 27 pays ont été bien plus touchés que d’autres pays comparables de l’OCDE : on <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/cases-2019-ncov-eueea">compte 750 000 décès</a>, dont 130 000 en Italie, dans l’UE. </p>
<p>Le nombre de décès est également de 130 000 au Royaume-Uni, dont le départ de l’UE a coïncidé avec la crise sanitaire. L’euro de foot a pu être reporté à 2021 car la courbe des décès s’est singulièrement ralentie dans une grande partie du continent européen, et notamment dans l’UE et au Royaume-Uni. Car, après avoir été l’une des entités les plus frappées en nombre de cas et de décès en 2020, l’UE est devenue en 2021 l’un des territoires dont les habitants sont le <a href="https://covid19-vaccine-report.ecdc.europa.eu/">plus vaccinés</a>. Elle l’est notamment plus que ceux des pays de l’OCDE qui, ayant su en 2020 et sans confiner déjouer l’épidémie quand les Européens ne parvenaient à s’en protéger, n’ont pas donné un an plus tard la priorité à la vaccination. Il s’agit par exemple du Japon, de la Corée du Sud, de Taïwan, de l’Australie, de la Nouvelle-Zélande qui sont aujourd’hui exposés et un peu coupés du monde avec leur politique « Covid free ».</p>
<p>L’euro de football a montré que les Européens s’étaient en grande partie extraits de cette tragique nasse pandémique : joie de vivre, stades à jauges pour partie remplis, voyages avec gestes barrières et masques des supporters entre les onze villes à matchs. Il a aussi montré la cristallisation d’une société européenne : l’UEFA a voulu interdire dans les stades de l’euro de foot la <a href="https://www.francetvinfo.fr/euro/loi-homophobe-en-hongrie-comment-le-drapeau-lgbt-a-cause-un-bras-de-fer-entre-l-uefa-et-les-dirigeants-europeens-en-neuf-actes_4675501.html">contestation d’une nouvelle loi hongroise</a> qui assimile la pédophilie à l’homosexualité et qui prétend cacher aux mineurs la pluralité des orientations sexuelles au profit d’une norme unique. </p>
<p>Cette interdiction a suscité dans toute l’Europe un tollé et un débat jusques et y compris au Conseil européen des <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/06/25/tolle-au-conseil-europeen-contre-orban-et-la-loi-homophobe-adoptee-en-hongrie_6085678_3210.html">chefs d’États et de gouvernement des 27 fin juin 2021</a>. Viktor Orban s’est fait copieusement admonester par un grand nombre de ses homologues, prêts à se battre politiquement pour que l’UE soit une terre de libertés, de joie et de pluralisme pour tous les Européens sans exception.</p>
<h2>L’Angleterre du Brexit rate sa finale</h2>
<p>La squadra azzura a offert aux Italiens un moment de fête libérateur bien mérité après tant de mois marqués par la litanie des décès, des hospitalisations, des covids longs, des confinements et du chômage partiel. Il le fut d’autant plus que la prospère et industrieuse Lombardie fut la première région européenne à être, spectaculairement et tragiquement, victime du Covid-19 en février 2020. On avait pu voir dans le flamboyant parcours de <a href="https://fr.uefa.com/uefachampionsleague/clubs/52816--atalanta/">l’Atalante Bergame</a> en Ligue des champions, la compétition européenne des meilleurs clubs de football, la résistance de toute une région ; puis dans son élimination par le Paris-Saint-Germain le symbole de l’ampleur stupéfiante prise par la pandémie dans <a href="https://catalyst.nejm.org/doi/full/10.1056/CAT.20.0080">cette ville</a>.</p>
<p>Pour autant, si l’Angleterre l’avait emporté, ou bien l’Espagne (éliminée en demi-finale par l’Italie), on aurait pu faire le même commentaire tant ces deux pays ont été durement frappés par la pandémie. À dire vrai, la plupart des pays de l’UE, ou de son système territorial qui inclut les quatre pays de l’<a href="https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/169/l-espace-economique-europeen-eee-la-suisse-et-le-nord">AELE</a> (association européenne de libre-échange), la Turquie (en union douanière) et même encore, de façon bien sûr distendue, le Royaume-Uni (<a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:22020A1231(01)&from=EN">traité de commerce et de coopération</a>) ont un nombre élevé de décès pour 100 000 habitants. Ce ratio est faible surtout au Danemark (dont l’équipe fut le quatrième demi-finaliste), en Finlande, en Norvège, et en Islande.</p>
<p>Un mot sur cette Islande. Cette petite nation ne s’est pas qualifiée pour la phase finale qui vient de s’achever. Mais elle avait fait sensation lors du précédent euro qui s’était joué en 2016 en France : elle avait sorti l’Angleterre en huitième de finale le 27 juin, soit quatre jours après le référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l’UE.</p>
<p>Cette année encore, on peut bien entendu voir dans l’échec des Anglais un nouvel écho au Brexit : sortir de l’UE ne vous rend pas plus fort, il y a donc une morale politique au sport. Les Anglais en effet furent comme tétanisés, déjouant tout au long du match, gérant leur avantage intial (but de Shaw dès la 2<sup>e</sup> minute) sans chercher à attaquer ni à faire la différence, avant de ne réussir que deux penaltys sur cinq dans l’épreuve finale de tirs au but. Tout cela alors que les clubs anglais brillent dans les compétitions européennes de clubs et que cette finale se jouait à domicile, dans le fameux stade de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Stade_de_Wembley">Wembley</a> à Londres.</p>
<h2>L’équipe d’Italie, une image du renouveau européen</h2>
<p>L’équipe qui l’a finalement emporté est donc celle d’Italie. La <em>squadra azzura</em> n’avait pas remporté cette compétition depuis 1968. Elle avait perdu deux fois en finale, en 2000 contre la France <a href="https://www.youtube.com/watch?v=wds8wvRPv8E">et en 2012</a>, par quatre buts d’écart, contre l’Espagne. Elle n’était pas même parvenue à se qualifier pour le mondial russe en 2018 – une affliction nationale.</p>
<p>On peut voir dans cette équipe nouvelle la représentation du rebond européen. Contrairement à ses illustres devancières ayant remporté la coupe du monde en 1982 et en 2006, elle n’est emmenée ni par une star ni par un de ces héros dont la planète football aime à célébrer les exploits. Pas de Paolo Rossi (1982). Pas d’Andrea Pirlo (2006). Pas de Marco Materrazzi (à l’origine de l’expulsion de Zidane en 2006). Cette équipe est d’abord un collectif. L’entraîneur, Roberto Mancini, l’a assez répété : les joueurs de son équipe peuvent jouer à tous les postes ou presque ; ce qui compte c’est le système de jeu, la vision commune et l’interdépendance des joueurs entre eux. </p>
<p>On peut y voir une métaphore tant de l’UE que du gouvernement italien. Ce dernier est depuis février 2021 un gouvernement d’union nationale qui ne dit pas son nom : certes caractérisé par la présence d’experts, tous les partis sauf un s’y trouvent et le soutiennent. Le président du conseil des ministres est Mario Draghi. Ancien président de la BCE (2011-2019) il systématisa le sauvetage de la zone euro par une politique hétérodoxe de rachat des dettes publiques des États membres par la BCE sur le marché secondaire : la BCE ferait ce qu’il faut quoi qu’il en coûte, avait-il expliqué (« <a href="https://www.youtube.com/watch?v=tB2CM2ngpQg">what ever it takes</a> »). Une attitude alors innovante, une prise de risque audacieuse, et un pari gagnant.</p>
<p>C’est ce que font aujourd’hui les Européens de façon globale. Depuis mars 2020, les chefs d’État et de gouvernement, le collège des commissaires, la présidente de la BCE, le parlement européen n’ont jamais autant joué collectif et ne cessent de réinventer leur jeu européen. Le fameux <a href="https://theconversation.com/le-plan-de-relance-et-la-realite-de-leurope-139634">plan de relance</a> de l’économie européenne est très hardi. Il l’est par son montant, par son financement par des bons du Trésor européens (une dette publique commune) et aussi car il va de pair avec une suspension à l’unanimité des fameux critères de Maastricht. </p>
<p>Il se trouve que l’Italie est le pays qui est le plus grand bénéficiaire de ce plan nommé <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/de-next-generation-eu-a-france-relance-quels-liens-entre-les-plans-de-relance-europeen-et-fran/">Next generation EU</a> que parvient à incarner Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne. Mentionnons-le au passage : la <a href="https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2019-2024_fr">Commission</a> est un gouvernement collégial ; elle prend ses décisions collectivement avec ses 27 membres ensemble. Les Italiens étaient fâchés avec la construction européenne depuis une quinzaine d’années ; ils étaient nombreux à la trouver trop peu solidaire. <a href="https://theconversation.com/comment-lunion-europeenne-est-devenue-un-probleme-en-italie-97552">Ils estimaient que l’UE n’était plus une équipe</a>. En 2018, les électeurs italiens avaient d’ailleurs donné une majorité des sièges de députés à des formations politiques eurosceptiques.</p>
<p>Durant l’euro de football, l’Italie a donné le sentiment de prendre du plaisir à jouer. Elle a brillé par son jeu vif, imaginatif et sa réussite offensive. À l’image du plaisir retrouvé des Italiens d’être dans l’UE. Une UE dont la pandémie a révélé les fragilités mais aussi les ressources et la capacité à se serrer les coudes pour faire face à la crise sanitaire et ses conséquences économiques. À l’image de la cohésion des joueurs de l’équipe d’Italie qui, s’ils n’ont emporté demi-finale et finale qu’à l’épreuve des tirs au but, n’ont jamais rien lâché et ont cru jusqu’au bout en eux et à leur collectif.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164373/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sylvain Kahn ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Surdéterminer les faits politiques et sociaux par les résultats footballistiques est un jeu qui permet d’évoquer de façon libératrice et jubilatoire des phénomènes sérieux.Sylvain Kahn, Professeur agrégé d'histoire, docteur en géographie, Centre d'histoire de Sciences Po, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1630942021-06-21T18:37:47Z2021-06-21T18:37:47ZL’Euro de football, passeur d’Europe ?<p>Depuis le 11 juin, la 16<sup>e</sup> édition du Championnat d’Europe de football (« l’Euro de football ») donne l’occasion aux Européens de vibrer pour le football et de retrouver le chemin des stades après la crise sanitaire qui a durement frappé le Vieux Continent et imposé le report des grandes compétitions sportives.</p>
<p>Comme toute grande compétition mettant en jeu des nations, l’Euro nous révèle la double réalité du football – et, de manière générale, du spectacle sportif : d’une part, le référent apparent, c’est-à-dire la confrontation d’équipes européennes sur le terrain qui s’accomplit dans un cadre réglementaire et ritualisé ; de l’autre, le référent caché ou la manifestation « symbolique », c’est-à-dire toutes les images et les imaginaires produits par le spectacle d’équipes représentant des nations européennes, mis en scène/diffusés/commentés par les médias et <a href="https://journals.openedition.org/lectures/24245">relayés par l’ensemble du corps social</a>.</p>
<p>Cet événement sportif européen intéresse ainsi les sciences sociales parce qu’il constitue non seulement un <a href="https://www.fayard.fr/sciences-humaines/sport-et-civilisation-9782213028569">« laboratoire du social »</a> mais également un fait social européen où se donnent à voir – le temps de la compétition – des <a href="https://journals.openedition.org/lectures/27083">valeurs, des institutions et un espace européens</a>.</p>
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<p>Réunissant 24 équipes nationales, cette compétition offre une image dynamique et festive d’une Europe unie et volontaire. Pour la première fois de son histoire, l’Euro de football se joue en effet des frontières, ses matchs se déroulant dans 11 villes réparties dans 11 pays européens différents (de Séville à Bakou en passant par Londres ou Budapest). Cette décision a été prise en 2012 par Michel Platini, alors président de l’UEFA, pour célébrer les 60 ans de cette compétition intitulée à l’origine « Coupe d’Europe des nations ». Dans un entretien au <em>Monde</em> en 2020, l’ex-président de l’UEFA (2007-2015) rappelait qu’à cette occasion, on devait « pouvoir donner la possibilité à des pays d’accueillir la compétition au moins une fois dans leur histoire. C’était le sens de cette idée : un Euro pleinement européen ».</p>
<p>Dès sa naissance, la Coupe d’Europe des nations a été associée à « l’Europe », sous-entendu la Communauté européenne (devenue l’UE en 1993), d’autant que l’UEFA qui l’organise – « Union des associations européennes de football »- est souvent présentée comme « l’Union européenne de football ». Existe-t-il un lien organique entre l’UEFA et l’UE ? Les compétitions européennes de football contribuent-elles à favoriser le sentiment d’appartenance européenne chez les peuples des États membres ?</p>
<h2>L’Europe « de l’Atlantique à l’Oural »</h2>
<p>Dans les compétitions européennes, les matchs opposant des équipes nationales donnent à voir des nations mais également un périmètre du continent européen – celui de l’UEFA avec ses <a href="https://fr.uefa.com/insideuefa/member-associations/">55 fédérations</a> membres – qui ne correspond ni à l’Europe de l’Union européenne (27 pays membres) ni à celle du Conseil de l’Europe (47).</p>
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<p>Par la temporalité de son organisation (la Coupe d’Europe des nations est née à peine quelques années après la Communauté européenne) et par la vision élargie qu’il offre de l’Europe, le football participe non seulement à la représentation de l’espace et du temps européens mais également à la croyance selon laquelle l’Euro symboliserait l’Europe et <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2012-1-page-9.htm">produirait de l’identité européenne</a>. Tout comme les élites pro-européennes, les milieux populaires – plutôt opposés à « l’Europe libérale » – sont paradoxalement <a href="https://www.cairn.info/revue-politique-europeenne-2010-1-page-107.htm">attachés à « l’Europe du football » et associent fréquemment l’Europe à l’UEFA.</a></p>
<p>Les hommes politiques l’ont bien compris et ne se privent pas d’utiliser le foot pour parler d’Europe. Ainsi, le 6 février 2021, dans une interview à France Info, le secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, Clément Beaune, déclarait :</p>
<blockquote>
<p>« L’Europe, ce n’est pas uniquement des sommets ou des directives. Ce sont aussi des moments que l’on partage comme l’Eurovision ou la Ligue des champions. »</p>
</blockquote>
<p>Le Finlandais Olli Rehn, ancien vice-président du Parlement européen, passionné de ballon rond, déclarait en 2015 avoir « découvert » l’Europe par le football :</p>
<blockquote>
<p>« Enfant, j’ai appréhendé l’Europe grâce aux clubs de football ! Ma vision politique de l’Europe n’est intervenue que bien plus tard. »</p>
</blockquote>
<p>Pourtant, la construction d’un espace européen du football n’est pas le fait d’une action volontariste de l’Europe communautaire ou de tout autre grand projet politique d’après-guerre, mais le résultat d’échanges de plus en plus soutenus entre dirigeants de clubs puis entre les instances professionnelles sportives qui se sont institutionnalisées pour contrôler l’espace européen du football.</p>
<h2>La double fonction européenne du football</h2>
<p>Les créations de l’Union des associations européennes de football (UEFA) en 1954, de la Coupe des clubs champions en 1955 et du Championnat d’Europe des Nations en 1958 (dont la première édition, nous l’avons dit, aura lieu en 1960) sont d’abord le fait d’acteurs associatifs de droit privé, en dehors de toute intervention communautaire. La naissance de l’UEFA participe d’un esprit paneuropéen alors largement répandu sur le continent. </p>
<p>À la différence des nombreuses autres organisations européennes créées à la même époque, l’UEFA englobe, dès sa fondation, des pays qui ne relèvent pas du périmètre strictement occidental ou atlantiste. Ainsi, l’URSS et les pays d’Europe de l’Est participent à sa fondation. L’espace européen du football naît peu après l’Europe économique et politique (la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1952), l’Europe des droits de l’homme (le Conseil de l’Europe, en 1949) et l’Europe de l’audiovisuel (l’Union européenne de Radiodiffusion, en 1950).</p>
<p>Malgré cette absence de lien organique, les institutions européennes assignent assez rapidement au football une double fonction : d’une part, forger une identité communautaire dépassant les clivages sociaux et nationaux ; d’autre part, offrir l’illusion d’une Europe qui ne dissout pas les nations.</p>
<p>Dans le contexte actuel d’une <a href="https://www.robert-schuman.eu/fr/questions-d-europe/0410-l-europe-et-la-souverainete-realites-limites-et-perspectives">perte de souveraineté des États-nations d’Europe</a> liée à l’application des traités européens successifs, il peut être légitime de poser la question de l’utilisation du sport <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2017-2-page-25.htm">à des fins européistes</a> dans un processus en miroir de l’instrumentalisation à des fins nationalistes observée au cours des années 1930-1940 ou pendant la guerre froide. L’Euro de football illustre cet usage européiste du sport : alors que la Commission européenne tente d’affaiblir l’idée de nation en orientant l’Europe d’une part vers un espace économique de libre-échange et, d’autre part, vers un espace politique du fédéralisme et du régionalisme, la mise en exergue d’équipes de football représentant la nation dans un championnat d’Europe serait-elle l’un des moyens de détourner le regard des peuples ? Dans ce cadre, la mise en scène d’un nationalisme sportif serait-il l’un des instruments de l’effacement de fait des États-nations ?</p>
<p>L’histoire de la construction européenne donne à voir ces deux aspects apparemment contradictoires : l’instrumentalisation des compétitions européennes pour « faire Europe » et la mise en lumière des nations d’Europe.</p>
<h2>Le football, vecteur de communication du projet européen ?</h2>
<p>Dans sa volonté de promouvoir son identité et son image auprès de ses citoyens et dans le monde, la Commission des communautés européennes s’est tournée vers le football dès les années 1950. Le Belge Paul-Henri Spaak, président de l’Assemblée commune de la CECA de 1952 et signataire pour la Belgique du Traité de Rome qui fonde le Marché commun européen, a très tôt apporté son soutien à l’éventuelle création d’un championnat européen disputé dans la ville de Strasbourg, où le Conseil de l’Europe vient d’établir son siège. Jean Monnet imaginait également en 1954 l’organisation d’un match annuel de football « Acier » contre « Charbon » dans le cadre de la CECA. </p>
<p>En 1966, dans sa recherche d’une adhésion des peuples au projet européen, le Service de Presse et d’Information de la Commission (qui deviendra en 1968 la DG X) formulait pour la première fois l’idée d’une Coupe du Marché commun dans l’objectif de fabriquer un « attachement » au projet européen. Cette initiative s’inscrivait dans les prémices d’une stratégie de communication de la CEE dont l’objectif était de <a href="https://www.cairn.info/revue-politix-2010-1-page-79.htm">fabriquer des euro-citoyens « ordinaires »</a></p>
<p>Le directeur général du Service commun d’information des Communautés européennes, Jacques-René Rabier, considérait qu’« une Coupe du Marché commun serait une manière de populariser l’idée européenne ». Convaincu, Rabier contacta l’UEFA en octobre 1966 pour proposer ce projet de tournoi de football mais, le 21 novembre 1966, il reçut un courrier de l’UEFA à Bruxelles lui signifiant un refus. Le secrétaire général de l’UEFA, Hans Bangerter, rappela que « conformément aux dispositions statutaires de l’UEFA, celle-ci est compétente pour autoriser ou rejeter l’organisation d’une nouvelle compétition internationale ». Suite à la fin de non-recevoir de l’UEFA, le projet a avorté. Cet échec témoigne de la difficulté d’initier une action dans un domaine où la CEE n’a pas de compétences explicites et où la volonté d’intervention n’est pas soutenue par le mouvement sportif européen.</p>
<p>Même si les réalisations concrètes de « l’Europe du sport » sont minimes, l’idée d’une identité européenne ou d’un attachement à l’Europe par le football a fait son chemin, du moins dans les milieux les plus liés à la construction européenne. Ainsi, dans les mouvements européistes, les think tanks, les institutions européennes ou encore les milieux universitaires européens, le sport – et notamment le football – est aujourd’hui considéré comme l’une des sphères les plus européanisées de la vie sociale. </p>
<hr>
<p><em>William Gasparini est titulaire de la <a href="https://f3s.unistra.fr/chaire-spe/">chaire européenne Jean Monnet « Le sport passeur d’Europe »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163094/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Gasparini a reçu des financements de la Commission européenne (Chaire Jean Monnet "Le sport passeur d'Europe", programme Erasmus+) . </span></em></p>De la CECA à l’UE, les institutions politico-économiques ont souvent cherché à utiliser le football, et notamment l’Euro, pour développer un sentiment d’appartenance européen chez les populations.William Gasparini, Professeur, sociologie du sport, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1625712021-06-11T16:15:37Z2021-06-11T16:15:37ZL’Europe de l’Euro<p>En 2020, l’Euro devait fêter ses 60 ans d’existence mais le Covid a retardé d’un an la célébration de cet anniversaire. Comparée à la Copa America (créée en 1916) ou à la Coupe du monde (1930), cette compétition de football quadriennale disputée par des équipes nationales est relativement jeune.</p>
<p>Son <a href="https://halldulivre.com/livre/9782262047122-histoire-du-football-paul-dietschy/">histoire</a> n’en porte pas moins les marques de l’évolution politique, économique et culturelle du vieux continent et constitue un miroir des enjeux contemporains de la mondialisation sportive.</p>
<h2>Européisme footballistique</h2>
<p>L’idée d’un championnat d’Europe des nations est ancienne et remonte aux débuts de l’histoire de la Fédération internationale de football association (FIFA).</p>
<p>Faute de moyens, il ne peut être organisé en 1906. Dans les années 1920, après avoir débattu d’une possible compétition continentale, la Fédération internationale crée finalement la Coupe du monde pensée par le Français Henri Delaunay, secrétaire de la Fédération française de football (FFF), mais dont la paternité est généralement attribuée à son compatriote Jules Rimet, président de la FIFA (1921-1954). La première édition a lieu en 1930.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17460263.2015.1071082">L’Europe du football n’en existe pas moins</a> sous la forme de projets que l’on pourrait qualifier d’européistes au sens où, comme les cartels industriels ou les réunions d’intellectuels de l’entre-deux-guerres, ils ne réunissent que partiellement le continent dans des compétitions internationales et élitaires. En 1927 sont créées la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coupe_Mitropa">Mitropa Cup</a> et la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coupe_internationale_europ%C3%A9enne">Coupe Internationale</a>.</p>
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<p>La première oppose chaque année les clubs d’Europe centrale (Autriche, Hongrie, Tchécoslovaquie) et d’Italie. La seconde les équipes nationales des mêmes pays sur une durée bi ou triannuelle. Les deux épreuves qui réunissent le gratin du football européen suscitent les passions nationales et les débordements des supporters, preuve que le football offre un nouveau vecteur au nationalisme.</p>
<h2>La revanche posthume d’Henri Delaunay</h2>
<p>Il faut attendre le milieu des années 1950 pour que des compétitions vraiment continentales voient le jour. Davantage que la construction européenne, ce sont les progrès techniques qui président à leur création.</p>
<p>Les avancées de l’aviation civile, l’installation de l’éclairage nocturne dans les stades et le désir de la presse spécialisée de meubler le milieu de semaine sont en grande partie à l’origine de l’invention de la Coupe des clubs champions (dont la première édition se tient lors de la saison 1955-1956).</p>
<p>La géopolitique du football est aussi en train de changer. Avec la décolonisation, l’Europe et l’Amérique latine risquent de perdre leur magistère sur la FIFA. En 1954, la formation des confédérations continentales est autorisée. L’Union des associations européennes de football (UEFA) <a href="https://www.peterlang.com/view/title/65151">voit alors le jour</a>. Sa première mission consiste à défendre les intérêts des fédérations du vieux continent au sein de la FIFA.</p>
<p>L’UEFA prend aussi en charge les compétitions de clubs (Coupe des clubs champions, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Coupe_des_villes_de_foires">Coupe des villes de foires</a>). Ses dirigeants rechignent toutefois à actualiser le nouveau projet d’Henri Delaunay, promu premier secrétaire général de l’UEFA, d’une Coupe d’Europe des nations.</p>
<p>Après sa mort en 1955, son fils Pierre en défend le principe contre l’Italien Barassi et le l’Anglais Rous, représentants de leurs fédérations nationales respectives, le premier en tant que président, le second comme secrétaire général). Ces derniers arguent de l’encombrement du calendrier et même du « caractère commercial » du projet. En 1958, les résistances tombent : la Coupe d’Europe des nations-Coupe Henri Delaunay est inscrite au calendrier. Son <a href="https://euro-2016-france.net/historique/trophee-uefa-euro">trophée</a>, réalisé par la maison Arthus-Bertrand en forme d’amphore grecque, est offert par la FFF.</p>
<h2>L’Europe de l’Atlantique à l’Oural</h2>
<p>La Coupe d’Europe des nations se déroule en deux temps : une première phase de qualification par matchs aller-retour ; une phase finale comprenant demi-finale et finale dans un même pays.</p>
<p>La première édition a lieu en France devant un public clairsemé et voit le triomphe des footballeurs socialistes : la Tchécoslovaquie, l’URSS et la Yougoslavie ont rejoint le pays hôte. C’est la sélection soviétique qui l’emporte.</p>
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<p>Il est plus facile pour le football de l’Est de s’imposer au niveau des sélections nationales. Les clubs « capitalistes » disposent de moyens nettement supérieurs aux clubs militaires ou ouvriers de l’Est. L’ombre de la guerre froide plane sur les débuts de la compétition. En quart de finale, la fédération espagnole a refusé que son équipe nationale joue contre l’URSS, au motif que prisonniers franquistes <a href="https://www.persee.fr/doc/mat_0769-3206_1985_num_3_1_403928">croupissent encore</a> dans les camps sibériens.</p>
<p>Mais dès 1964, Madrid accueille la phase finale et l’Espagne bat l’URSS en finale, en présence du <em>caudillo</em> Franco. Dès lors, ce qui devient ensuite championnat d’Europe signale la persistance du sentiment national et une Europe du football qui se joue du rideau de fer. Lorsqu’en 1968, les <em>azzurri</em> remportent le titre à domicile, les <em>piazze</em> des villes italiennes se remplissent d’une foule célébrant à nouveau la nation après les années sombres du fascisme.</p>
<p>En 1976, la Yougoslavie de Tito accueille la compétition. L’épreuve des tirs au but, jouée pour la première fois à l’issue de la finale opposant Tchécoslovaques et Allemands de l’Ouest, réunit l’Europe cathodique du football, subjuguée par la « feuille morte » victorieuse du Praguois Panenka.</p>
<h2>L’Euro de 8 à 24</h2>
<p>Le succès télévisuel de la phase finale appelle son élargissement.</p>
<p>À partir de 1980, le championnat d’Europe prend le nom d’Euro et est disputé par huit équipes réparties en deux poules dont les vainqueurs s’affrontent en finale. La compétition devient un haut lieu du tourisme sportif, d’autant que le nombre de participants à sa phase finale augmente : 8 en 1980, 16 en 1996 et 24 à partir de 2016, soit presque la moitié des fédérations membres de l’UEFA – qui compte aussi, parmi ses membres, la <a href="http://lactusport.fr/kazakhstan-israel-turquie-que-font-ils-en-zone-uefa/">Turquie, Israël et le Kazakhstan</a> pour des raisons sportives et politiques.</p>
<p>La confédération a voulu s’adapter aux conséquences de la prolifération étatique post-1991 (éclatement de l’URSS et de la Yougoslavie) et s’ouvrir aux petites fédérations dans une démarche autant clientéliste qu’égalitariste, car elle permet de satisfaire et d’obtenir les votes des petites fédérations, un dessein suivi par Michel Platini, président de 2007 à 2015. L’attribution à deux pays (Belgique-Pays-Bas, 2000), Autriche-Suisse (2008) ou Pologne-Ukraine (2012) permet aussi de satisfaire plus de fédérations candidates à l’organisation.</p>
<h2>Entre patriotisme consumériste et nationalisme agressif</h2>
<p>Les supporters-touristes de l’Euro sont généralement issus des classes moyennes et professent un <a href="https://journals.openedition.org/gc/816">patriotisme</a> festif et bon enfant dans le sillage des <em>roligans</em> danois, pacifiques amateurs de bière et de football.</p>
<p>Mais l’Euro dévoile aussi la face sombre du football. Dès 1980 en Italie, les matchs sont perturbés par des hooligans anglais xénophobes auxquels se joignent à partir de 1988 leurs homologues allemands, néerlandais puis russes, ces derniers étant soupçonnés d’être <a href="https://www.lexpress.fr/actualites/1/societe/euro-2016-l-arrestation-en-france-de-supporters-russes-absolument-inadmissible-selon-lavrov_1802504.html">manipulés par le régime de Poutine</a>.</p>
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<p>Malgré la construction de stades à places assises et une politique sécuritaire entamée en 1996 pour l’Euro anglais, mobilisant polices et services de renseignement de l’Europe occidentale, les agissements de ces groupuscules ultranationalistes constituent encore aujourd’hui, avec le terrorisme, une préoccupation majeure des organisateurs.</p>
<p>Le nationalisme se loge aussi dans le commerce très lucratif des maillots comme l’a révélé la <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/monde/euro-2020-tout-comprendre-a-la-polemique-sur-le-maillot-ukrainien_2152517.html">polémique</a> sur l’écusson ornant la tenue des Ukrainiens et qui constituerait un affront à la Russie. Les supporters des pays des Balkans qualifiés et de la Turquie font assaut de drapeaux, de symboles et de gestes martiaux suggérant que l’Euro est aussi la guerre menée par d’autres moyens.</p>
<h2>Le mega-event sportif en question</h2>
<p>Reste que l’événement est devenu l’une des poules aux œufs d’or de l’UEFA, avec la Ligue des Champions. L’édition 2016 a généré plus de 2 milliards de recettes et produit un bénéfice de 830 millions pour l’UEFA.</p>
<p>En France, elle a fourni l’occasion de construire cinq nouveaux stades (Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nice) le plus souvent financés par <a href="https://www.cairn.info/revue-pole-sud-2017-2-page-25.htm">d’ambigus partenariats public-privé</a>.</p>
<p>Comme la Coupe du monde, l’Euro est devenu une fête du printemps, du barbecue et de la promiscuité dans la fanzone, même si, Covid oblige, les stades des douze villes choisies pour fêter son soixantième anniversaire ne seront pas tous remplis. Tout en célébrant toujours la nation sportive, l’édition 2021 sonnera-t-elle le glas des <a href="https://librarysearch.lse.ac.uk/primo-explore/fulldisplay/44LSE_ALMA_DS21161988740002021/44LSE_VU1"><em>mega events</em></a> sportifs, fêtes de la consommation de masse et de la mobilité effrénée ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Dietschy a reçu des financements de l'Union européenne, du CIES de Neuchâtel, de la FIFA, de la Société Générale.</span></em></p>Retour sur l’histoire de la grande compétition qui oppose les meilleures sélections européennes depuis 1960 et dont la seizième édition vient de débuter.Paul Dietschy, Professeur d'histoire contemporaine, Directeur du Centre Lucien Febvre (EA 2273), Université de Franche-Comté – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.