tag:theconversation.com,2011:/us/topics/vaccination-20833/articlesvaccination – The Conversation2024-03-15T10:15:05Ztag:theconversation.com,2011:article/2258412024-03-15T10:15:05Z2024-03-15T10:15:05ZPourquoi il y a une pénurie mondiale de vaccins contre le choléra<p>_En février 2024, l'Organisation mondiale de la santé a annoncé que l'Afrique australe était confrontrée à la <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season">flambée régionale</a> de choléra la plus meurtrière depuis au moins dix ans. L'épicentre de la catastrophe se trouve au Malawi, au Zimbabwe et au Mozambique, où les cas de choléra ont plus que <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season">quadruplé</a> entre 2022 et 2023. Plus de 1 600 décès ont été signalés dans ces trois pays. </p>
<p><em>D'ores et déjà, 2024 menace d'être une nouvelle année dévastatrice pour le choléra dans la région, le <a href="https://www.lemonde.fr/afrique/article/2024/01/29/le-changement-climatique-fait-flamber-le-cholera-en-afrique_6213704_3212.html">réchauffement climatique</a> et les pluies et tempêtes exceptionnellement fortes ayant favorisé la propagation de la maladie. Le Zimbabwe, le Mozambique et le Malawi ont signalé plus de <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season">13 000</a> cas de la maladie jusqu'à présent en 2024.</em></p>
<p><em>La bactérie du choléra se transmet par la consommation d'aliments et d'eau contaminés par les selles d'une personne infectée. Les vaccins oraux permettent d'endiguer les épidémies et de limiter la propagation de la maladie. Mais il y a une pénurie mondiale de vaccins.</em></p>
<p><em>Entre janvier 2023 à janvier 2024, 14 pays ont demandé en urgence <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(24)00467-7/fulltext">76 millions de doses</a> de vaccin oral contre le choléra. Seules 38 millions de doses étaient disponibles. Les stocks <a href="https://reliefweb.int/report/world/global-cholera-vaccine-stockpile-runs-empty-16-countries-report-outbreaks">se sont épuisés</a> au début de l'année 2024.</em></p>
<p><em>Nadine Dreyer s'est entretenue avec la vaccinologue Edina Amponsah-Dacosta au sujet de l'impact de la pénurie de vaccins et de ce qui est fait pour sécuriser les stocks en prévision de futures épidémies sur le continent.</em>_</p>
<h2>Les stocks mondiaux de vaccins oraux contre le choléra sont épuisés. Pourquoi ?</h2>
<p>Contrairement aux vaccins administrés régulièrement, comme ceux contre la rougeole, le vaccin contre le choléra est mis au point en fonction des besoins : lors d'épidémies et de crises humanitaires, par exemple. </p>
<p>Le financement est <a href="https://www.pih.org/article/why-global-cholera-vaccine-shortage-goes-unnoticed-despite-high-demand#:%7E:text=There's%20limited%20funding%20to%20purchase,by%20EuBiologics%20in%20South%20Korea.">limité</a> pour l'achat de vaccins contre le choléra, ce qui restreint la production. </p>
<p>Il n'existe qu'un seul vaccin recommandé pour la vaccination de masse lors des épidémies de choléra: <a href="http://eubiologics.com/eng/sub2_1.php">Euvichol-Plus</a>.</p>
<p>Ce vaccin est fabriqué exclusivement par EuBiologics, une société biopharmaceutique internationale basée à Séoul, en Corée du Sud.</p>
<p>La capacité de production de cette société est limitée. Ainsi, lorsque le besoin en vaccin augmente, la demande dépasse la production.</p>
<p>Il n'y a donc généralement qu'un stock limité disponible. </p>
<p>Traditionnellement, il n'y a pas eu de flambées épidémiques dans plusieurs pays en même temps, comme c'est le cas actuellement en <a href="https://www.afro.who.int/health-topics/disease-outbreaks/cholera-who-african-region#:%7E:text=Depuis%20le%20d%C3%A9but%20de%20la,ratio%20de%20fatalit%C3%A9%20de%202,4%25.">Afrique australe et orientale</a> ainsi que dans certaines parties de la <a href="https://who-global-cholera-and-awd-dashboard-1-who.hub.arcgis.com/">Méditerranée orientale, des Amériques et de l'Asie du Sud-Est</a>.</p>
<p>C'est l'une des principales raisons de la pénurie actuelle.</p>
<p>EuBiologics a identifié certaines étapes du processus de fabrication qui pourraient être affinées et raccourcies, tout en garantissant que le vaccin reste sûr et efficace.</p>
<p>Une version simplifiée et peu coûteuse d’<a href="https://www.ivi.int/euvichol-s-simplified-formulation-of-oral-cholera-vaccine-licensed-by-korean-regulatory-agency/">Euvichol-S</a>, a été approuvée par l'Organisation mondiale de la santé et contribuera à atténuer la pénurie. Plus de 15 millions de doses d'Euvichol-S sont attendues en 2024. </p>
<h2>Que fait-on pour remédier à la pénurie de vaccins en Afrique australe ?</h2>
<p>Plusieurs stratégies ont été mises en place pour lutter contre l'épidémie.</p>
<p>Tout d'abord, en octobre 2022, <a href="https://www.who.int/news/item/19-10-2022-shortage-of-cholera-vaccines-leads-to-temporary-suspension-of-two-dose-strategy--as-cases-rise-worldwide">l'OMS a temporairement suspendu le schéma de vaccination standard à deux doses</a> en faveur d'une dose unique afin d'épuiser les stocks existants.</p>
<p>Deux doses assurent une protection de deux ou trois ans, mais une seule dose reste sûre et efficace. Avec une seule dose, nous sommes en mesure d'assurer un certain niveau de sécurité jusqu'à un an ou un peu plus, ce qui, espérons-le, sera suffisant pour vaincre les épidémies actuelles.</p>
<p>Deuxièmement, des pays comme la Zambie et le Zimbabwe ont pris des mesures pour donner la priorité à la distribution des vaccins dans les zones qui en ont le plus besoin. </p>
<p>Un exemple de zone prioritaire serait une zone dévastée par la sécheresse ou les inondations, présentant un taux élevé de transmission et aucun accès à l'eau potable et à l'assainissement.</p>
<p>L'année dernière, les cas de choléra ont augmenté au Malawi et au Mozambique à la suite du <a href="https://www.savethechildren.net/news/southern-africa-four-fold-surge-cholera-cases-puts-tens-thousands-children-risk-cyclone-season#:%7E:text=Last%20year%2C%20cholera%20cases%20surged,and%20ended%20in%20mid%2D2023.">cyclone Freddy</a>, le cyclone tropical ayant la plus longue durée de vie de l'histoire. Il a traversé le sud de l'océan Indien pendant plus de cinq semaines en février et mars. </p>
<h2>La mise au point de nouveaux vaccins contre le choléra progresse-t-elle ?</h2>
<p>En Afrique, moins de <a href="https://www.dst.gov.za/index.php/media-room/latest-news/4149-boosting-local-vaccine-manufacturing-capacity#:%7E:text=Africa%20products%20than%201,critical%20vaccines%20to%20save%20lives.">1%</a> des doses de tous les vaccins sont fabriquées localement.</p>
<p>Pendant la pandémie de COVID-19, les pays africains ont été relégués en <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8276532/">queue de peloton</a> pour l'obtention de vaccins salvateurs. Cela nous a fait réaliser que nous devions disposer de notre propre capacité de production locale.</p>
<p>Dans le cas du choléra, nous constatons qu'il est risqué de dépendre d'un seul fabricant en Corée du Sud alors que la plupart des épidémies se produisent dans plusieurs pays africains.</p>
<p>Le problème a été reconnu et des mesures ont été prises pour y remédier. De nombreux investissements ont été réalisés pour augmenter <a href="https://www.dst.gov.za/index.php/media-room/latest-news/4149-boosting-local-vaccine-manufacturing-capacity">la capacité de production de vaccins contre le choléra</a>. </p>
<p>Deux fabricants entrent en jeu au niveau mondial, l'un en Afrique du Sud et l'autre en Inde.</p>
<p><a href="https://www.ivi.int/biovac-signs-deal-with-ivi-to-develop-and-manufacture-oral-cholera-vaccine-for-african-and-global-markets/">Biovac</a>, une société biopharmaceutique basée au Cap, a reçu des capitaux d'investissement pour développer des vaccins contre le choléra et d'autres maladies.</p>
<p>Elle a conclu un accord novateur de licence et de transfert de technologie avec l’<a href="https://www.biovac.co.za/wp-content/uploads/2022/11/Biovac-IVI-OCV-Technology-Transfer-Press-Release-23-Nov-2022.pdf">International Vaccine Institute</a>, une organisation internationale à but non lucratif dont le siège se trouve en Corée du Sud, pour la fabrication du vaccin.</p>
<p>Le premier lot de vaccins fera l'objet d'essais cliniques entre 2024 et 2025, et les licences devraient être accordées à partir de 2026. Cela signifie que nous ne verrons pas de vaccins contre le choléra fabriqués localement avant 2026.</p>
<p>En Inde, la société pharmaceutique <a href="https://www.science.org/content/article/world-s-stockpile-cholera-vaccine-empty-relief-way">Biological E</a> prévoit de fabriquer la version simplifiée d'Euvichol-plus. </p>
<p>Mais la vaccination ne remplace pas l'approvisionnement en eau potable, l'assainissement adéquat et les bonnes pratiques d'hygiène.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/225841/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Edina Amponsah-Dacosta bénéficie d'un financement de recherche dans le cadre du Research Scholars Program de Gilead Sciences.</span></em></p>Le stock mondial de vaccins contre le choléra est épuisé, ce qui est préoccupant pour l'Afrique australe. Quelles sont les raisons et les mesures prises pour remédier aux pénuries en Afrique ?Edina Amponsah-Dacosta, Research Officer / EIDM Specialist, University of Cape TownLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2082072023-09-21T16:31:27Z2023-09-21T16:31:27ZL’antivax, cet ennemi trop fantasmé<p>La pandémie de Covid-19 a suscité un grand intérêt pour ce qu’on appelle « l’hésitation vaccinale », non seulement de la part des autorités et des experts, mais aussi d’un public soucieux de mettre fin à la pandémie. La figure de l’« antivax », souvent représenté comme un être profondément irrationnel, complotiste, chevillé aux réseaux sociaux, s’est érigée comme un épouvantail, s’inscrivant dans l’imaginaire collectif.</p>
<p>Cette image caricaturale <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2019-2-page-221.htm">sert souvent de miroir</a> à celles et ceux qui se revendiquent de la méthode scientifique. En sachant qui sont nos adversaires, nous pouvons mieux identifier qui nous sommes…</p>
<p>Pourtant, de nombreuses enquêtes d’opinion ont tenté d’identifier les attitudes du public par rapport à la vaccination et de peindre cette réalité sous un jour plus nuancé. Nous avons contribué à ces efforts, notamment à travers le <a href="https://motivationbarometer.com/">« baromètre de la motivation »</a>, une recherche de grande ampleur menée en Belgique pendant toute la durée de la pandémie.</p>
<p>Sur base de l’expérience acquise dans ce cadre, et plus largement sur foi de la littérature récente sur ces questions en sciences psychologiques, nous aimerions tirer quelques leçons dans le domaine de la psychologie de la vaccination.</p>
<h2>De « l’antivax » à « l’hésitant vaccinal »</h2>
<p>L’hésitation vaccinale correspond au fait de refuser de se faire vacciner, ou de tarder à le faire, en dépit de la disponibilité d’un vaccin. Il s’agit donc souvent d’un comportement « par omission », ce qui le rend d’autant plus difficile à cerner pour les psychologues.</p>
<p>En effet, ce non-comportement peut découler d’une variété de facteurs qui ne correspondent pas forcément à une opposition radicale à la vaccination, comme tendrait à le suggérer l’image caricaturale de l’antivax évoquée plus haut.</p>
<p>On peut, par exemple, être favorable au principe de la vaccination, mais ne pas se faire vacciner (ou ne pas faire vacciner son enfant) pour des raisons logistiques : manque de temps, infrastructures non disponibles, difficultés de mobilité… Ou encore parce qu’on se sent <a href="https://europepmc.org/article/ppr/ppr552049">« peu à risque »</a>, parce que l’on a l’impression que « ça ne sert à rien », etc.</p>
<p>Par ailleurs, certaines personnes sont opposées à un vaccin spécifique, mais pas à un autre. D’autres peuvent considérer que le vaccin est sûr pour la plupart des gens, mais pas pour elles (étant donné leur histoire médicale ou leurs expériences précédentes…). Bref, ce qu’on appelle l’hésitation vaccinale correspond à des réalités psychologiques fort variées.</p>
<p>Ce préalable étant posé, est-il légitime d’associer hésitation vaccinale et conspirationnisme ?</p>
<h2>Les hésitants vaccinaux sont-ils des complotistes ?</h2>
<p>Une vaste <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352250X22001105">étude</a> internationale révèle un lien solide entre l’adhésion à des théories du complot sans rapport direct avec la vaccination (par exemple, à propos de la mort de Lady Di) et l’hésitation vaccinale.</p>
<p>Comment interpréter une telle association ? Il est tentant de voir le conspirationnisme comme la <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0277953622002325">source des attitudes d’opposition à la vaccination</a>. Après tout, la vaccination de masse est une vaste entreprise impliquant de nombreuses institutions et organisations (industries pharmaceutiques, organes de veille sanitaire, médecins…) qui ont le don de susciter la méfiance des personnes attirées par des théories du complot.</p>
<p>Toutefois, à l’inverse, l’adhésion à des théories conspirationnistes permet aussi de rationaliser le refus de se faire vacciner. En d’autres termes, on se trouve face au problème de « l’œuf ou la poule » : si l’hésitation vaccinale peut découler du conspirationnisme, ce dernier peut aussi justifier la non-vaccination a posteriori.</p>
<p>Il se peut ainsi que l’on hésite à se faire vacciner en <a href="https://theconversation.com/us/topics/needle-phobia-31925">raison de la peur des seringues, très commune</a>. Dans le cas d’une telle crainte – bien ancrée, mais dont on admettra aisément le caractère irrationnel, les supposées manigances de « Big Pharma » peuvent agir comme un paravent utilisé pour masquer une réelle panique à l’idée de voir une aiguille pénétrer dans ses muscles.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Photo d’une personne en train de recevoir une injection" src="https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/546967/original/file-20230907-29-ba1i96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La crainte des piqûres peut dans certains cas expliquer l’hésitation vaccinale, sans que cette motivation soit clairement exprimée.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/jWPNYZdGz78">Steven Cornfield/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://artlibre.org/licence/lal/en">FAL</a></span>
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</figure>
<p>La question de la poule et de l’œuf n’est donc pas toujours évidente à démêler quand on envisage les relations entre vaccination et complotisme. Cependant, une <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/19485506231181659">étude récente</a> suggère que la fonction de rationalisation jouée par le conspirationnisme est plus importante que celle de déterminant.</p>
<p>Bref, il serait simpliste de réduire les causes de l’hésitation vaccinale au conspirationnisme.</p>
<h2>Croire et « croiver »</h2>
<p>Lorsque les gens expriment leur positionnement par rapport à la vaccination, ou par rapport à une théorie conspirationniste, ils ne font pas que révéler une attitude fermement ancrée. Ils expriment aussi la façon dont ils se situent dans leur univers social. Dire « je suis contre la vaccination », peut signifier « je suis libre »/« je ne me laisserai pas faire ». On l’oublie souvent : les attitudes ont une fonction expressive.</p>
<p>Sur la base d’entretiens menés dans un quartier populaire bruxellois, le sociologue Renaud Maes constate que l’opposition à la vaccination chez les jeunes reflète en fait une <a href="https://revuenouvelle.be/La-spirale-de-la-desaffiliation">forme de défiance vis-à-vis du monde médical</a> (qui facturerait des soins non nécessaires) et des autorités (qui chercheraient à les surveiller).</p>
<p>Imaginons quelqu’un qui réponde « tout à fait d’accord » à l’affirmation « les vaccins à ARN messager sont dangereux », dans un questionnaire. Cela reflète-t-il une croyance ? Sebastian Dieguez <a href="https://eliotteditions.fr/10-croiver/">propose</a> la distinction entre « croire » et « croiver » pour caractériser la différence entre deux sens possibles de ce verbe : comme conviction de l’existence d’une réalité (penser que ces vaccins sont effectivement dangereux) d’une part, comme posture manifestant une identité (par ex. son refus d’être un « mouton ») d’autre part.</p>
<p>Ces deux postures n’appellent pas les mêmes réponses. Pour démonter une « croyance », on pourra s’armer de faits. En revanche, s’attaquer à une « croivance » demandera d’en identifier les <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/0963721420969364">racines</a>. À quelle motivation plus profonde répond l’expression de cette affirmation ? Est-il possible de concilier cette motivation et la vaccination (qui, après tout, n’est ici qu’un prétexte) ?</p>
<p>Bien sûr, plutôt que de voir la croyance et la « croivance » comme des réalités dichotomiques, on peut les envisager comme les extrêmes d’un continuum.</p>
<h2>Réactance</h2>
<p>Nous n’avons pas pris l’exemple de l’affirmation « je suis libre » au hasard. Ce qu’on appelle la réactance ou la volonté d’affirmer sa liberté, en réagissant à des injonctions visant à la contraindre, est une des variables psychologiques les <a href="https://psycnet.apa.org/buy/2018-03974-001">plus intimement associées</a> à l’hésitation vaccinale.</p>
<p>À bien des égards, l’opposition à la vaccination est, pour certains de celles et ceux qui la revendiquent, analogue au comportement du célèbre manifestant chinois bravant seul une colonne de chars sur la place Tien Anmen, en 1989…</p>
<p>La théorie de la <a href="https://books.google.be/books?id=6ZxGBQAAQBAJ">réactance</a> postule que les individus sont attachés à leur liberté et sont dès lors susceptibles de réagir à des messages vécus comme contraignant celle-ci de façon opposée à ce que prescrivent ces messages. Ce faisant, ils espèrent recouvrer leur liberté menacée.</p>
<p>Une <a href="https://psycnet.apa.org/record/2018-03974-001">étude menée dans 24 pays</a> montrait en 2018 que la tendance à la réactance était l’un des principaux corrélats psychologiques des attitudes d’opposition à la vaccination. Une autre met en évidence que cette réactance explique fort bien les <a href="https://iaap-journals.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/aphw.12285">réponses de personnes hésitantes à des politiques d’obligation vaccinale</a>.</p>
<p>Exprimer des attitudes ou croyances contraires à des normes vécues comme contraignantes peut ainsi répondre à une telle motivation. On se situera alors clairement, là encore, dans le domaine de la « croivance ». À la lumière de ces résultats, les travaux sur la réactance et sur la réalité de l’effet de retour de flamme gagneraient à être davantage intégrés pour mieux appréhender l’impact des attitudes vaccinales sur la réaction aux messages de santé.</p>
<h2>L’hésitation vaccinale : une attitude fluctuante</h2>
<p>Lorsqu’on consultait les <a href="https://motivationbarometer.com/fr/portfolio-item/18-vaccinatiebereidheid-en-motivatie/">résultats</a> du baromètre de motivation en décembre 2020, alors que le vaccin n’était pas disponible, il était légitime de s’interroger sur l’enthousiasme de la population belge à se faire vacciner (le même constat s’applique dans de <a href="https://www.mdpi.com/2076-393X/9/8/900">nombreux pays</a>). Une proportion considérable de répondants hésitait ou s’opposait à la vaccination.</p>
<p>En revanche, lorsque nous avons interrogé ces mêmes personnes <a href="https://motivationbarometer.com/fr/rapporten-2/">quelques mois plus tard</a>, la plupart manifestaient des attitudes bien plus favorables. C’était un cas classique de « bandwagoning » (« prise du train en marche ») : à mesure que les personnes de leur entourage se faisaient vacciner, bon nombre d’hésitants de la première heure tendaient à faire de même. Pourquoi ?</p>
<p>L’influence du comportement des autres membres de sa communauté joue ici un rôle capital. Dans une <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10410236.2021.1973702">étude</a> ingénieuse, les auteurs ont présenté un site web de prise de rendez-vous en vue d’une vaccination. Selon la condition, soit 25 %, soit 75 % des places étaient déjà prises.</p>
<p>Les répondants s’inscrivaient bien davantage dans cette dernière condition.</p>
<p>Les normes sociales – ce que les membres de notre groupe font ou jugent désirable de faire – jouent un rôle déterminant dans nos attitudes. En situation d’incertitude, elles sont un puissant guide, une preuve sociale, permettant d’orienter nos conduites. Pour vous en convaincre, imaginez-vous en présence d’une foule s’enfuyant devant un nuage de fumée dont vous ignorez l’origine. Ne serez-vous pas tenté de courir avec elle ?</p>
<p>Et de fait, des <a href="https://bpspsychub.onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/bjhp.12550">études récentes</a> montrent que le lien entre conspirationnisme et l’intention de se faire vacciner s’annulait si on prenait en compte les normes perçues. Autrement dit, si on croit que son entourage trouve important de se faire vacciner, on se fait vacciner bien plus, quel que soit le niveau de conspirationnisme. Ce dernier ne prédit l’intention de se faire vacciner que lorsque l’on ne perçoit pas de norme provaccination dans son entourage.</p>
<h2>Rapport à la science et attitudes vaccinales</h2>
<p>Étant donné les résultats spectaculaires de la vaccination, qui constitue l’une des réponses les plus efficaces apportées par la science pour lutter contre les maladies infectieuses, on peut se demander si l’opposition à la vaccination se nourrit d’un manque de culture scientifique.</p>
<p>Une fois encore, la réponse à cette question est plus nuancée qu’il n’y paraît. Certes, l’adhésion à des systèmes de croyances concurrents peut expliquer en partie les attitudes d’opposition à la vaccination. Ainsi l’adhésion à certaines croyances religieuses, telle que la providence divine, <a href="https://www.editions-vendemiaire.com/catalogue/collection-chroniques/antivax-francoise-salvadori-et-laurent-henri-vignaud/">a pu jouer un rôle</a> dans la résistance à la vaccination (et continue à le faire dans certaines communautés).</p>
<p>En Occident, d’un autre côté, une forme de spiritualisme laïque, selon lequel seule l’expérience personnelle, voire l’intuition, seraient plus « vraies » que des propositions générales et abstraites, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X22014633">semble autrement plus important</a>. Son effet sur la vaccination s’explique par une confiance plus faible dans la science.</p>
<p>Dans le même temps, de nombreuses personnes opposées à la vaccination manifestent une véritable foi en la science et <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2019-2-page-221.htm?ref=doi">se réclament de celle-ci</a> pour justifier leurs attitudes. Dans leur esprit, la pratique de la science aurait été pervertie par des intérêts financiers ou politiques. Celles et ceux qui promeuvent la vaccination (des experts universitaires aux autorités) ne pratiqueraient donc pas une science « neutre » et « véritable », dont eux se revendiquent être garants.</p>
<p>En ce sens, c’est moins une absence de culture scientifique, qu’une absence de confiance dans les institutions scientifiques qui nourrit leur défiance.</p>
<h2>Le messager souvent plus important que le message</h2>
<p>Pour un public incertain, peu sûr de ses connaissances médicales, le contenu des messages centrés sur les bénéfices de la vaccination est souvent moins important que leur source – puis-je lui faire confiance ou pas ?</p>
<p>Ainsi, dans une étude menée aux États-Unis auprès de participants chrétiens non vaccinés, un message provaccination s’avérait beaucoup plus efficace si sa source (le directeur d’une importante agence de santé) <a href="https://www.pnas.org/doi/full/10.1073/pnas.2106481118">mettait en exergue sa foi chrétienne que s’il ne le faisait pas</a>. En fait, on constate même qu’un même message de santé peut être accepté ou rejeté selon que ceux qui le professent proviennent d’un groupe auquel on s’identifie ou pas…</p>
<p>Par exemple, aux États-Unis, des électeurs républicains <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/13684302221118534">adhéraient</a> plus à des mesures sanitaires si elles étaient recommandées par des élus républicains que démocrates alors que l’inverse se produisait pour des démocrates… quand bien même cette appartenance politique n’avait aucune pertinence par rapport à leurs compétences médicales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1426921538083856387"}"></div></p>
<p><em><sub>Ce tweet de la vice-présidente des États-Unis Kamala Harris avait plus de chance d’être entendu par les sympathisants démocrates que républicains… </sub></em></p>
<p>Ces résultats soulignent le fait que la confiance dans les autorités, nécessaire pour mettre en œuvre des comportements de santé comme la vaccination, est ancrée dans l’appartenance à une collectivité dont on se définit comme membre. On a confiance en un message dans la mesure où sa source représente bien un groupe auquel on s’identifie.</p>
<h2>Hésitation vaccinale et rationalité</h2>
<p>Il importe de souligner que les processus psychologiques mis en évidence s’appliquent tout autant aux personnes qui sont favorables à la vaccination.</p>
<p>Lorsque ces dernières font part de leur enthousiasme pour la vaccination, elles aussi répondent à des motivations bien plus diverses qu’une simple adhésion à un message de santé. Il peut s’agir de revendiquer une <a href="https://www.cairn.info/revue-deviance-et-societe-2019-2-page-221.htm">image de « rationalité »</a>, de démontrer son <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S027795362100527X">altruisme</a>, de maintenir un <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/07334648221081982">sentiment de contrôle sur sa destinée</a> ou la croyance que le monde est <a href="https://academic.oup.com/tbm/article/12/2/284/6509471?login=false">juste</a>, etc.</p>
<p>Elles aussi sont sujettes <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10810730.2021.1899346">à des normes sociales</a> et à l’<a href="https://www.ssph-journal.org/articles/10.3389/ijph.2021.636255/full">influence d’autorités en qui elles ont confiance</a>. Et elles aussi tendent à rationaliser leurs choix de santé dans un sens qui les arrange…</p>
<p>Et si un anti-vaccin peut finir par se ranger à la vaccination, le mouvement inverse peut se produire, <a href="https://theconversation.com/vaccination-une-hesitation-francaise-150773">lors d’une crise sanitaire mal gérée par exemple</a>. En matière de lutte contre l’hésitation vaccinale, <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/09636625211011881">il ne sert donc à rien de ridiculiser</a> ceux qu’on désigne comme « antivax », car cela risquerait de renforcer leurs postures.</p>
<p>On sera mieux avisé d’essayer de cerner les mécanismes qui motivent les prises de position de chacun, afin mieux comprendre l’origine de ces attitudes et ce qui est susceptible de les (et de nous) faire évoluer…</p>
<hr>
<p><strong><em>Pour aller plus loin :</em></strong></p>
<p><em>- Olivier Klein et Vincent Yzerbyt sont les auteurs de <a href="https://www.editions-ulb.be/fr/book/?GCOI=74530100520450">« Psychologie de la vaccination »</a>, un livre de vulgarisation scientifique présentant les recherches sur l’hésitation vaccinale, paru en 2023 aux Éditions de l’Université de Bruxelles.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208207/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Klein est membre du think thank INES (<a href="https://inesthinktank.be">https://inesthinktank.be</a>). Il a reçu des financements du FRS-FNRS (fonds national belge de la recherche scientifique) et de l'institut national d'assurance malade invalidité (Belgique). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Vincent Yzerbyt est membre du think tank InES (<a href="https://inesthinktank.be/">https://inesthinktank.be/</a>). Pour les travaux dans le cadre de la pandémie, il a reçu des financements du Fonds National de la Recherche scientifique (FWB, Fédération Wallonie-Bruxelles, Belgique), de l'INAMI (INAMI Institut national d'assurance maladie-invalidité, Belgique) et du ministère de l'enseignement supérieur de la FWB.</span></em></p>Comprendre les ressorts de l’hésitation vaccinale est essentiel pour mieux convaincre. Loin du cliché de l’antivax complotiste, les recherches de ces dernières années dépeignent un tableau nuancé.Olivier Klein, Professeur de psychologie sociale, Université Libre de Bruxelles (ULB)Vincent Yzerbyt, Professeur de Psychologie sociale, Université catholique de Louvain (UCLouvain)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2078612023-06-28T20:06:33Z2023-06-28T20:06:33ZPoulets soldats et éleveurs sentinelles, alliés dans la vaccination contre la grippe aviaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/533142/original/file-20230621-17-eg40ue.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C70%2C4243%2C2752&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En France en 2022, 21 millions de volailles ont été abattues dans les zones infectées par la grippe aviaire. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://get.pxhere.com/photo/chicken-rooster-bird-comb-fowl-galliformes-poultry-beak-livestock-adaptation-neck-1616035.jpg">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Le virus H5N1 de grippe aviaire hautement pathogène (HPAI) a été détecté pour la <a href="https://academic.oup.com/cid/article/34/Supplement_2/S58/459477">première fois</a> à Hongkong en 1997, d’où il s’est diffusé au reste de la planète, avec une mortalité de 52 % lorsqu’il se transmet des oiseaux aux humains <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2023-DON461">(873 cas, 456 décès)</a>. </p>
<p>Depuis 2021, une souche de ce virus circule chez les oiseaux sauvages et les volailles domestiques en Europe et dans les deux Amériques, avec une forte mortalité aviaire, mais peu de cas humains (5 depuis début 2023). Les autorités internationales en charge de la santé animale et humaine sont particulièrement attentives aux mutations de ce virus, et prescrivent des mesures prophylactiques sévères pour en contrôler la diffusion.</p>
<p>En 2022, 21 millions de volailles ont été abattues en France dans les zones infectées par la grippe aviaire, notamment dans le Gers, les Landes, la Vendée, la Sarthe et la Bretagne, avec un coût estimé à 1,5 milliard d’euros en indemnisations pour l’État. </p>
<p>Les services sanitaires venus pour « dépeupler » les bâtiments au gaz carbonique ont été débordés par l’ampleur de l’épizootie de H5N1, et beaucoup d’éleveurs ont dû euthanasier leurs volailles eux-mêmes, parfois sans autre moyen que de couper la ventilation dans les bâtiments. Ces abattages sanitaires ont porté atteinte non seulement à la viabilité de la filière avicole mais <a href="https://theconversation.com/grippe-aviaire-quelles-alternatives-a-labattage-des-animaux-66788">aussi au moral des éleveurs et aux règles de bien-être animal</a>.</p>
<h2>De fortes disparités selon les élevages</h2>
<p>Des mesures de confinement, appelées « mises à l’abri », et des gestes d’hygiène, dits de « biosécurité », ont été imposés aux éleveurs de volailles pour les protéger du risque de transmission de la grippe aviaire par les oiseaux sauvages. </p>
<p>Comme le souligne un rapport de l’Assemblée nationale, les petits élevages en plein air ont été fortement impactés par ces mesures, dont le coût économique est plus facile à intégrer dans les <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/organes/commissions-permanentes/affaires-economiques/missions-de-la-commission/mi-grippeaviaire">grands élevages industriels</a>. La Confédération paysanne a dénoncé ces mesures et négocié avec les autorités sanitaires leur aménagement pour les <a href="https://www.confederationpaysanne.fr/mc_nos_positions.php?mc=956">petits élevages en plein air</a>.</p>
<p>Les rapporteurs de l’Assemblée comme les syndicats paysans soulignent que la biodiversité des élevages peut être un facteur d’immunité contre les virus émergents, qui sont atténués lorsque plusieurs espèces animales coexistent, alors que les mesures de biosécurité dans des élevages clos peuvent accentuer la vulnérabilité des volailles, fragilisées par la consommation d’antibiotiques et la standardisation génétique.</p>
<p>Dans ce contexte, les éleveurs de volailles ont demandé aux autorités sanitaires de rendre accessible la vaccination contre la grippe aviaire. La régulation européenne interdisait jusque là cette vaccination, car elle empêche de contrôler si les volailles exportées sont indemnes du virus, mais elle a levé cette interdiction par un <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=uriserv%3AOJ.L_.2023.052.01.0001.01.FRA&toc=OJ%3AL%3A2023%3A052%3ATOC">règlement du 20 février 2023</a>.</p>
<h2>Des vaccins en expérimentation</h2>
<p>En Asie, les pays qui ont une forte consommation nationale de volailles, comme la Chine et le Vietnam, vaccinent leurs élevages contre la grippe aviaire, tandis que les pays à forte exportation, comme la Thaïlande, ne le font pas. En France, 40 % de la valeur produite par le secteur avicole vient de l’exportation, alors même que la moitié de la viande de volaille consommée est importée. Seuls les oiseaux élevés dans des parcs zoologiques français sont vaccinés contre la grippe.</p>
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<p>L’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) a conduit des expérimentations sur la vaccination des palmipèdes à foie gras, qui portent les virus de grippe aviaire de façon asymptomatique et produisent une <a href="https://www.anses.fr/fr/system/files/SABA2022SA0165.pdf">forte valeur ajoutée</a>. </p>
<p>Ces expérimentations ont d’abord été menées dans des fermes du Sud-Ouest, puis dans des animaleries du laboratoire de référence à Ploufragan (Côtes-d’Armor). Les résultats ont été jugés suffisamment positifs pour que le ministère de l’Agriculture annonce une campagne de vaccination des canards d’élevage à l’automne 2023, en tenant compte <a href="https://agriculture.gouv.fr/experimentation-de-vaccination-des-canards-mulards-en-elevage-contre-un-virus-iahp">d’un délai de fabrication de 6 à 8 mois</a>.</p>
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<img alt="Transport de poulets… à bicyclette (Suzhou, Chine).,8 juin 2009. La forte consommation de volaille en Asie a favorisé l’usage des vaccins après les épidémies de grippe aviaire" src="https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/532939/original/file-20230620-21-e74oss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À Suzhou, en Chine en juin 2009. La forte consommation de volaille en Asie a favorisé l’usage de la vaccination après les épidémies de grippe aviaire.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Bicyclette_et_poulets_%28Suzhou,_Chine%29.jpg">Gérald Tapp/Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nd/4.0/">CC BY-ND</a></span>
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</figure>
<p>La difficulté technique de la vaccination des volailles élevées pour la viande tient à leur courte durée de vie par comparaison avec d’autres animaux d’élevage (environ 60 jours), alors qu’il faut deux doses pour que le vaccin soit efficace.</p>
<p>Les éleveurs soulignent que la première dose peut être injectée dès la naissance (comme cela se fait pour la vaccination contre la maladie de Newcastle), mais les laboratoires pharmaceutiques, d’après le rapport de l’Assemblée nationale, estiment que le coût de la vaccination tient pour 75 % à la manipulation du vaccin et au suivi post-vaccinal. </p>
<p>La vaccination ne pourra être menée en France à grande échelle du fait de la diversité des espèces aviaires élevées et des souches virales concernées. Elle est recommandée par l’Anses pour les canards à titre préventif et expérimental, et pour les volailles en cas de flambée de H5N1 HPAI comme mesure d’urgence. Dans une zone vaccinée, l’Anses recommande l’abattage du seul élevage touché par la grippe aviaire, et non des élevages situés à proximité comme pour les élevages non vaccinés.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/SIqX6Q7GQ9Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La grippe aviaire, nouvelle pandémie humaine ? (France24/Youtube, mars 2023).</span></figcaption>
</figure>
<p>Les experts des virus de grippe aviaire soulignent en effet que la vaccination ne permettra pas aux autorités sanitaires qui la prescrivent d’éviter les autres mesures sanitaires : la surveillance des souches de virus en temps ordinaire et l’abattage des volailles en <a href="https://www.science.org/content/article/wrestling-bird-flu-europe-considers-once-taboo-vaccines">cas d’urgence</a>. Des accidents de vaccination risquent en effet de laisser passer des souches de H5N1 HPAI qui peuvent muter et s’amplifier dans la niche écologique ouverte par la destruction des autres souches.</p>
<h2>Des poulets soldats pour prévenir de la présence du virus</h2>
<p><a href="https://www.epizone-eu.net/en/home/show/faq-diva-vaccines-and-diagnostics.htm">Le système DIVA</a> (pour <em>differentiating infected from vaccinated animals</em>) est prescrit par les autorités sanitaires pour distinguer les virus introduits par la vaccination de ceux qui annoncent un nouveau foyer d’infection. </p>
<p>Ce système peut s’inspirer des mesures adoptées à Hongkong, où des volailles non vaccinées sont placées à l’entrée des fermes pour servir de sentinelles, car elles portent les anticorps des virus qui entrent dans la ferme et peuvent parfois en mourir, alors que les volailles vaccinées invisibilisent ces virus. Le terme chinois <em>shaobingji</em> signifie littéralement que ces poulets sont des soldats qui lancent l’alerte quant à <a href="https://limn.it/articles/hong-kong-as-a-sentinel-post/">présence du virus</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=658&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/534754/original/file-20230629-27-u2e936.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=826&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vaccination de volailles à Hong Kong.</span>
<span class="attribution"><span class="source">F.Keck</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La vaccination offre ainsi aux éleveurs, entre l’angoisse au quotidien de trouver une volaille malade et la désolation de devoir abattre tout un « lot » en cas de crise, un espoir de renouer le <a href="https://hal.science/hal-01207044/file/C30Larrere.pdf">« contrat domestique »</a> qui les lie à leurs animaux, dont ils échangent la chair et les œufs contre du soin.</p>
<p>Les termes du débat sur la grippe aviaire – entre confinement et vaccination – semblent en effet rejouer celui qui eut lieu autour du Covid-19 trois ans auparavant, comme si les populations humaines et aviaires étaient soumises à la même « biopolitique » consistant, selon les mots de Michel Foucault, à « faire vivre et laisser mourir » les <a href="https://journals.openedition.org/lhomme/29305">populations</a>. </p>
<p>Lorsqu’ils sont vaccinés, les animaux cessent d’être perçus comme des marchandises qu’on peut envoyer à l’équarrissage en cas de défaut, pour apparaître à nouveau comme des vivants dont on prend soin parce qu’on partage certaines de leurs maladies. L’Anses recommande ainsi fortement aux éleveurs de volailles de se vacciner contre la grippe.</p>
<h2>Des éleveurs sentinelles pour identifier les oiseaux malades</h2>
<p>L’insistance des experts sur la nécessité de continuer à surveiller les oiseaux sauvages et les volailles domestiques montre aussi que la vaccination, si elle peut alléger la charge morale qui pèse sur les éleveurs, ne résout nullement les problèmes écologiques que pose un élevage industriel à forte valeur ajoutée, tourné vers l’exportation.</p>
<p>Dans un contexte de changement climatique, qui affecte aussi les <a href="https://www.nationalgeographic.fr/animaux/le-rechauffement-climatique-bouleverse-la-migration-des-oiseaux">trajectoires migratrices des oiseaux sauvages</a> et les conduit à rester plus longtemps en France, les éleveurs de volailles peuvent jouer le rôle de sentinelles en reportant les cas d’oiseaux malades trouvés dans leurs champs. </p>
<p>L’<a href="https://www.ofb.gouv.fr/ce-quil-faut-savoir-sur-linfluenza-aviaire">Office français de la biodiversité</a> et la <a href="https://www.lpo.fr/la-lpo-en-actions/agir-pour-la-faune-en-detresse/faq-grippe-aviaire">Ligue de protection des oiseaux</a> ont ainsi souligné que le nombre d’oiseaux sauvages porteurs de la grippe aviaire avait tellement augmenté que les spécialistes de la faune sauvage ne suffiront pas à les compter.</p>
<p>On ne parle pas encore de vacciner les oiseaux sauvages contre la grippe, ce qui serait techniquement impossible et moralement douteux, car cela pousserait très loin le projet humain de domestiquer les animaux sauvages. Mais la grippe aviaire, en obligeant les autorités sanitaires à innover dans les stratégies prophylactiques jusque-là appliquées aux épizooties (abattage, vaccination et surveillance), brouille déjà la coupure entre le domestique et le sauvage, qui a séparé dans les sociétés industrialisées la gestion de l’élevage et la surveillance de la faune.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207861/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Keck a reçu des financements du Fonds Axa pour la recherche, de l’Agence nationale de la recherche, du DIM One Health et de l’Institut canadien pour la recherche avancée. </span></em></p>La vaccination contre la grippe aviaire offre aux éleveurs un espoir, plutôt qu’être pris entre l’angoisse de trouver un oiseau malade et la désolation de devoir abattre tout son élevage.Frédéric Keck, Anthropologie, EHESS, CNRS, Laboratoire d'anthropologie sociale, Collège de France, Auteurs historiques The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2055542023-05-26T14:05:02Z2023-05-26T14:05:02ZLe sexe oral est devenu le principal facteur de risque du cancer de la gorge<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/525745/original/file-20230511-19-88mm2l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C2%2C988%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le virus du papillome humain (VPH), premier responsable du cancer du col de l’utérus, est la cause principale du cancer de la gorge.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Depuis une vingtaine d’années, le nombre de cancers de la gorge a connu une augmentation rapide dans les pays occidentaux, au point qu’on en est venu à parler d’<a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3294514/pdf/10-0452_finalS.pdf">épidémie</a>. Cette hausse est imputable à un type particulier de cancer, le cancer oropharyngé (qui touche la zone des amygdales et de l’arrière de la gorge). Le <a href="https://cancer.ca/fr/cancer-information/cancer-types/oropharyngeal/risks#:%7E:text=L%E2%80%99infection%20au%20virus%20du,du%20cancer%20de%20l%E2%80%99oropharynx.">virus du papillome humain</a> (VPH), premier responsable du cancer du col de l’utérus, en est la cause principale. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le cancer de l’oropharynx est désormais plus fréquent que celui du col de l’utérus.</p>
<p>Le VPH est transmis par voie sexuelle. Pour le cancer de l’oropharynx, le plus important facteur de risque est le nombre de partenaires avec qui une personne a eu des rapports sexuels buccogénitaux. Les personnes qui en ont eu avec six partenaires ou plus au cours de leur vie ont <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa065497">8,5 fois plus</a> de risques de développer un cancer de l’oropharynx que celles qui ne pratiquent pas ce type de sexualité.</p>
<p>Les études sur les tendances comportementales montrent que la sexualité orale est <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3901667/pdf/pone.0086023.pdf">très répandue dans certains pays</a>. Dans une étude que mes collègues et moi-même avons menée au Royaume-Uni auprès d’un millier de personnes ayant subi une amygdalectomie pour des raisons non liées au cancer, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763631/pdf/ciy1081.pdf">80 % des adultes ont déclaré avoir eu des rapports buccogénitaux</a> à un moment ou à un autre de leur vie. Heureusement, seul un faible nombre de ces personnes développent un cancer de l’oropharynx. On ne sait pas très bien pourquoi.</p>
<p>La théorie la plus répandue est que la plupart des gens attrapent des infections à VPH et sont capables de les éliminer. Cependant, un petit nombre de personnes ne peuvent pas s’en débarrasser, peut-être en raison d’une déficience d’un aspect de leur système immunitaire. Chez elles, le virus peut se répliquer continuellement et, au fil du temps, il s’insère à des positions aléatoires dans l’ADN de l’hôte, ce qui peut engendrer un cancer.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Graphique montrant un cancer de l’oropharynx" src="https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/522308/original/file-20230421-2957-le0097.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’oropharynx est le segment central de la gorge (pharynx).</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="http://www.scientificanimations.com/wiki-images/">(Wikimedia)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La vaccination des jeunes filles contre le VPH a été mise en place dans de nombreux pays pour prévenir le cancer du col de l’utérus. <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763631/pdf/ciy1081.pdf">Des preuves</a> de plus en plus nombreuses, bien qu’indirectes, indiquent qu’elle pourrait aussi être efficace pour prévenir l’infection de la gorge par le virus. Certaines données suggèrent également que les garçons sont protégés par <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6763631/pdf/ciy1081.pdf">l’immunité collective</a> <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2749588">dans les pays</a> où la couverture vaccinale des filles est importante (plus de 85 %). Tous ces éléments devraient permettre, d’ici quelques décennies, de réduire la prévalence du cancer de l’oropharynx.</p>
<p>Du point de vue de la santé publique, c’est une bonne chose, mais uniquement si la couverture est élevée chez les filles – plus de 85 % – et si l’on reste dans la « collectivité » couverte. Cela ne garantit toutefois pas une protection individuelle – surtout à l’ère des voyages internationaux – dans les cas où quelqu’un a des rapports sexuels avec une personne originaire d’un pays où la couverture est faible. Et cela n’offre assurément pas de protection dans les pays où la couverture vaccinale des filles est faible, comme <a href="https://progressreport.cancer.gov/prevention/hpv_immunization">aux États-Unis, où seulement 54,3 %</a> des adolescentes âgées de 13 à 15 ans avaient reçu deux ou trois doses de vaccin contre le VPH en 2020.</p>
<h2>Vacciner les garçons</h2>
<p>Cela a conduit plusieurs pays, dont le Royaume-Uni, l’Australie et les États-Unis, à étendre leurs recommandations en matière de vaccination contre le VPH aux jeunes garçons, ce que l’on appelle une politique de vaccination neutre sur le plan du sexe.</p>
<p>Une politique de vaccination universelle ne garantit toutefois pas une bonne couverture. Une proportion importante de certaines populations est opposée à la vaccination contre le VPH pour des raisons de sécurité, de nécessité ou, plus rarement, parce qu’elle craint que cela encourage la promiscuité sexuelle.</p>
<p>Parallèlement, des études sur la population montrent qu’il arrive que de jeunes adultes, dans le but de s’abstenir de rapports sexuels avec pénétration, vont commencer par avoir des rapports sexuels oraux.</p>
<p>La pandémie de coronavirus a également engendré son lot de défis. Tout d’abord, il n’a pas été possible de sensibiliser les jeunes dans les écoles pendant un certain temps. Ensuite, on observe dans de nombreux pays une croissance de la réticence vis-à-vis des vaccins, ou des attitudes « antivax », ce qui peut contribuer à une réduction de la couverture vaccinale.</p>
<p>Comme toujours, lorsqu’il s’agit de populations et de comportements, rien n’est simple ni évident.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/205554/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hisham Mehanna est consultant pour MSD et Merck. Il reçoit des financements de Cancer Research Uk, du National Institute for Health Research et du MRC, ainsi que d'Astra Zeneca, de GSK et de GSK Bio. Il est conseiller auprès de l'Oracle Trust, une organisation caritative de défense des patients atteints de cancer de la tête et du cou.</span></em></p>Depuis une vingtaine d’années, le nombre de cancers de la gorge a connu une augmentation rapide dans les pays occidentaux, au point qu’on en est venu à parler d’épidémie. Le VPH est en cause.Hisham Mehanna, Professor, Institute of Cancer and Genomic Sciences, University of BirminghamLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2053152023-05-09T18:23:07Z2023-05-09T18:23:07ZRéintégration des professionnels de santé non vaccinés : l’expertise scientifique éclaire une décision éthique et politique<p>« La vérité scientifique, qui n’exclut pas les nuances et peut évoluer, doit être la référence qui guide les décisions politiques et permet d’apaiser les tensions trop nombreuses, » soulignait l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques (OPECST) dans son rapport du 9 juin 2022 (<a href="https://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/opecst/OPECST_2022_rapport_659.pdf">« Les effets indésirables des vaccins contre la Covid-19 et le système de pharmacovigilance français »</a>).</p>
<p>Cette exigence a été honorée par la Haute autorité de santé (HAS) qui a présenté, les 29 et 30 mars 2023, deux études portant sur les <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3424589/fr/obligations-vaccinales-des-professionnels-la-has-publie-le-1er-volet-de-ses-travaux">« obligations vaccinales des professionnels »</a>, menées à la suite d’une consultation. Au-delà de préconisations qui soulignent le caractère insatisfaisant de toute pratique systématisée en santé publique sans tenir compte du contexte, de sa pertinence et de son acceptabilité, la HAS ne retient plus comme obligatoire que la vaccination préventive des professionnels de santé contre l’hépatite B. Elle reste « fortement recommandée » pour le Covid-19, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite.</p>
<p>Le refus du consentement de quelques soignants à une prescription médico-scientifique aura contribué à ce qu’une nouvelle doctrine de la stratégie vaccinale soit proposée, non pas pour cautionner une position qui pouvait s’avérer déontologiquement contestable, mais afin de viser à plus de rigueur et d’efficacité si l’éventualité d’une nouvelle pandémie imposait des restrictions aux libertés individuelles.</p>
<h2>Une question et une réflexion d’actualité</h2>
<p>Avant de reprendre la genèse et le fond du débat abordé dans mon <a href="https://theconversation.com/debat-retablir-dans-leurs-droits-les-professionnels-non-vaccines-pour-une-amnistie-presidentielle-et-une-convention-citoyenne-182304">article du 2 mai 2022</a>, rappelons les éléments d’actualité qui suscitent quelques controverses déontologiques au moment où l’OMS, le 5 mai 2023, annonce que <a href="https://www.latribune.fr/economie/international/Covid-19-l-oms-leve-son-plus-haut-niveau-d-alerte-mais-appelle-a-rester-vigilant-961428.html">« le Covid-19 n’est plus une urgence sanitaire de portée internationale »</a>.</p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000046114630">loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022</a>, mettait fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la Covid-19 (le 1<sup>er</sup> août l’obligation vaccinale de certains professionnels était abrogée). Elle fixait dans son article IV que, « lorsque, au regard de l’évolution de la situation épidémiologique ou des connaissances médicales et scientifiques, telles que constatées par la Haute autorité de santé, l’obligation prévue au I n’est plus justifiée, celle-ci est suspendue par décret, pour tout ou partie des catégories de personnes mentionnées au même I ».</p>
<p>Tenant compte des préconisations de la HAS sollicitées par le législateur, un décret vient de donner, le 14 mai, les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047542116">conditions de réintégration des professionnels non vaccinés</a>.</p>
<p>Toutefois, le 4 mai les députés estimaient qu’un décret n’a pas la portée d’une abrogation. Ils votaient en première lecture une proposition de loi portant abrogation de <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0991_proposition-loi">l’obligation vaccinale contre la Covid-19</a> dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d’aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus :</p>
<blockquote>
<p>« […] La présente proposition de loi entend, en son article 1<sup>er</sup>, abroger les dispositions de la loi n° 2021 1040 du 5 août 2021 relatives à l’obligation vaccinale et ainsi permettre aux professionnels et étudiants suspendus car non vaccinés de reprendre leur activité. »</p>
</blockquote>
<p>Entre suspension et abrogation, la distinction n’est pas anodine. Elle peut en effet être interprétée comme une réhabilitation de professionnels ayant dérogé à la règle générale et compromettre toute décision d’obligation vaccinale en cas de nouvelle crise sanitaire qui la justifierait.</p>
<h2>Rappeler l’efficacité de la vaccination</h2>
<p>Rappelons la <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/13/rap-enq/r2698.asp">mise en mise en garde, en 2010, de la Commission d’enquête</a> sur la manière dont avait été programmée, expliquée et gérée la campagne de vaccination contre la grippe A (H1N1). Elle avertissait que « la défiance à l’égard de la vaccination constitue un défi pour l’avenir. Demain, il nous faudra peut-être faire face à une nouvelle pandémie d’une gravité plus sévère. La mobilisation du corps social sera alors indispensable. Comment ferons-nous si l’on ne croit plus aux mesures de santé publique ? »</p>
<p>C’est avec la même préoccupation d’un risque d’opposition des professionnels à des mesures considérées contraignantes au regard de choix individuels, que nombre d’instances, dont la Fédération hospitalière de France (FHF), à travers une position de son président Arnaud Robinet, ont exprimé <a href="https://www.fhf.fr/sites/default/files/2023-03/CP%20FHF%2030-03%20Vf.pdf">leurs réticences à l’encontre des récentes préconisations de la HAS</a> : « Je tiens à dire clairement que la suspension de l’obligation n’enlève rien à l’efficacité des vaccins : ils restent fortement recommandés pour les personnes à risque, mais aussi pour les professionnels de l’hôpital. Depuis trois ans, la pandémie nous demande de nous adapter. La décision de la HAS est une nouvelle étape, et nous devons rester vigilants vis-à-vis du Covid, mais aussi de toutes les épidémies qui arrivent et qu’il faut prévenir. »</p>
<p>Quant à l’Académie nationale de médecine, la plus déterminée à soutenir l’obligation vaccinale des professionnels y compris pour des raisons d’ordre moral et d’exemplarité, elle rappelait :</p>
<blockquote>
<p>« Loin d’être une atteinte à la liberté individuelle, les obligations vaccinales qui s’appliquent aux professionnels de santé sont des mesures préventives indispensables pour éviter la transmission nosocomiale des infections ; admises par les soignants parmi les pratiques visant à protéger les malades hospitalisés, de plus en plus âgés et fragiles, elles font l’honneur de leur profession. L’Académie nationale de médecine recommande que les vaccinations annuelles, chaque automne, contre la grippe et contre la Covid-19 soient incluses dans les obligations vaccinales des professionnels exerçant dans les secteurs sanitaire et médico-social. » (Communiqué du 31 mars <a href="https://www.academie-medecine.fr/wp-content/uploads/2023/03/23.3.31-PCRA-45-Vaccinations-obligatoires-des-soignants.pdf">« Vaccinations obligatoires des soignants : l’honneur d’une profession »</a>)</p>
</blockquote>
<p>Cette décision de réintégration est en fait sans autre conséquence qu’éthique ou politique, dès lors qu’elle ne concernerait que près de 4000 professionnels (dont certains ne l’auront pas attendue pour réorienter leurs activités) sur les 637 644 infirmiers et 400 000 aides-soignants exerçant au 1<sup>er</sup> janvier 2022. Il apparaît néanmoins clairement que son impact dépasse le champ d’une procédure administrative. Elle éveille des controverses relatives au processus décisionnel au cours de la crise, aux modalités d’arbitrage et d’accompagnement de décisions, voire de leur réversibilité, notamment quand elles se seraient avérées inappropriées, du moins dans leur forme et au regard de certaines de leurs conséquences.</p>
<h2>Une nouvelle doctrine de la stratégie vaccinale</h2>
<p>Santé publique France a évalué à <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/recensement-national-des-cas-de-Covid-19-chez-les-professionnels-en-etablissements-de-sante">158 336 le nombre des professionnels en établissement de santé contaminés par le SARS-CoV-2</a> entre le 1ᵉʳ mars 2020 et le 7 février 2023. Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/enquetes-etudes/signalement-d-infections-a-sars-cov-2-nosocomiales.-mars-2020-janvier-2022.-point-au-20-janvier-2022">nombre d’infections nosocomiales, entre le 1ᵉʳ mars 2020 et le 14 janvier 2022, est de 6 505</a>.</p>
<p>La protection contre tout risque de transmission évitable, tant des personnes reçues dans un établissement de santé ou résidentes dans une structure médico-sociale que des professionnels auprès d’eux, constitue un impératif qui ne saurait tolérer la moindre négligence.</p>
<p>C’est sur la base d’une expertise scientifique et de données internationales que la HAS a éclairé la décision politique concernant la réintégration des professionnels non vaccinés. Mais davantage encore, elle propose une nouvelle doctrine de la stratégie vaccinale qui sera complétée par une évaluation « attendue pour juillet 2023, [qui] concernera les vaccinations actuellement recommandées pour les professionnels, à savoir ; les vaccins contre la coqueluche, la grippe, l’hépatite A, la rougeole, les oreillons, la rubéole et la varicelle. »</p>
<p>Dans son étude du 30 mars 2023 <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3424589/fr/obligations-vaccinales-des-professionnels-la-has-publie-le-1er-volet-de-ses-travaux">« Obligations vaccinales des professionnels : la HAS publie le 1ᵉʳ volet de ses travaux »</a>, elle préconise que :</p>
<blockquote>
<p>« soient respectées les recommandations du Haut conseil de la santé publique (HCSP) sur les gestes barrières en milieu de soins. [Que] la vaccination contre la Covid-19 soit fortement recommandée, y compris les rappels à distance de la primo-vaccination, pour les étudiants et professionnels des secteurs sanitaire et médicosocial (exerçant en établissements ou libéraux) et les étudiants et professionnels des services de secours et d’incendie (notamment les sapeurs-pompiers professionnels et bénévoles), en particulier pour les professions en contacts réguliers avec des personnes immunodéprimées ou vulnérables. »</p>
</blockquote>
<p>Elle souligne encore que :</p>
<blockquote>
<p>« La vaccination ne remplace pas les autres mesures de prévention des infections des professionnels et des personnes avec lesquelles ils sont en contact. Le respect des mesures d’hygiène, l’utilisation d’un matériel adapté et de protections individuelles, la surveillance et la prise en compte des infections associées aux soins, ainsi que la formation des personnels pour prévenir ces risques constituent une priorité. »</p>
</blockquote>
<p>Le juste équilibre entre bonnes pratiques professionnelles, préconisation de la vaccination et respect des gestes barrières constitue un repère qui engage au discernement personnel, chacun devant apprécier le champ de ses responsabilités pour soi et envers les autres.</p>
<p>Dans son étude du 29 mars <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2023-03/obligations_et_recommandations_vaccinales_des_professionnels__actualisation_des_reco_et_obligations_pour_les_etudiants_et_pr.pdf">« Obligations et recommandations vaccinales des professionnels »</a>, la HAS rappelle que :</p>
<blockquote>
<p>« Toute décision de rendre ou de maintenir obligatoire une vaccination pour des professionnels de santé ne doit s’appliquer qu’à la prévention d’une maladie grave, et avec un risque élevé d’exposition pour le professionnel, et un risque de transmission à la personne prise en charge, et pour laquelle existe un vaccin efficace et dont la balance bénéfices/risques est largement en faveur ».</p>
</blockquote>
<p>La balance bénéfices/risques appréciée dans l’évaluation de la pertinence et de l’acceptabilité d’une décision en termes de recherche menée sur une personne, ne conclut pas à un avis favorable à l’obligation vaccinale.</p>
<p>Le principe essentiel à toute démarche scientifique, et donc à une décision en santé publique fondée, acceptable et soutenable, est celui d’une approche circonstanciée selon des critères identifiés, rigoureux, transparents, évalués avec méthode :</p>
<blockquote>
<p>« La HAS préconise de faire évoluer le cadre juridique actuel afin que l’obligation vaccinale des professionnels soit fondée sur des critères liés à la catégorie professionnelle (en fonction du risque d’exposition professionnelle et/ou de la personne prise en charge) et aux actes à risque susceptibles d’être réalisés, plutôt que sur une liste d’établissements ou organismes dans lesquels ils exercent. »</p>
</blockquote>
<p>Du reste la préconisation de lever l’obligation de vaccination contre la Covid-19 adoptée par la HAS est elle-même conjoncturelle et pourrait être revue en cas d’urgence sanitaire le justifiant. Et elle ne remet pas en question ses précédents avis rendus dans des contextes sanitaires différents.</p>
<p>La crise sanitaire aura imposé en bien des domaines un devoir de « vérité scientifique ». Il s’avère d’autant plus nécessaire quant l’on sait ce qu’a été l’<a href="https://theconversation.com/fin-de-mission-du-conseil-scientifique-Covid-19-usage-et-mesusage-de-lexpertise-scientifique-en-temps-de-pandemie-188019">approche ambivalente des responsables politiques</a>, comme je l’avais évoquée le 2 août 2022.</p>
<p>Face à l’urgence de décider dans un contexte évolutif d’incertitude, de peurs et de défiance, la décision publique est difficile à arbitrer dès lors que la constitution de données probantes est dépendante d’une temporalité inhérente à la rigueur de la méthodologie scientifique. Les principes et repères comme ceux proposés par la HAS constituent un référentiel.</p>
<h2>L’urgence d’un cadre éthique</h2>
<p>Je l’ai déjà indiqué, <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/soignants-non-vaccines-cette-reintegration-n-est-pas-une-rehabilitation-tempere-emmanuel-hirsch-professeur-dethique-medicale_5268010.html">cette réintégration n’est pas une réhabilitation […] Il faudrait que l’on anticipe les événements futurs et qu’il y ait un débat réel sur l’obligation vaccinale pour tous</a>.</p>
<p>Il manque une concertation nationale à la suite de la pandémie. Comme si aucun de ses enjeux (limitations de l’accès en réanimation, déprogrammations, décrochages sociaux, souffrances psychiques, deuils, hommages aux victimes, etc.) ne justifiait une restitution.</p>
<p>Au-delà de la préconisation de la HAS, il y a des enjeux relevant également d’une approche éthique. Dans sa réponse à la saisine du ministre des Solidarités et de la Santé du 18 décembre 2020, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) récapitulait déjà avec justesse les <a href="https://www.ethique.fr/sites/default/files/publications/saisine_vaccins.pdf">« enjeux éthiques d’une politique vaccinale contre le SARS-CoV-2 »</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Ce que le contexte pandémique a aussi fait émerger, au-delà de l’urgence sanitaire, c’est l’urgence de se donner un cadre éthique qui sous-tende la politique en matière de vaccination. La vaccination est avant tout un enjeu de santé publique et illustre, plus que d’autres champs de la médecine, un conflit éthique entre les intérêts de la société et les intérêts individuels. Car ce n’est pas seulement protéger celui auquel le vaccin est administré. La vaccination protège aussi les autres, ce qui met en évidence le caractère altruiste et l’utilité sociale de la vaccination. »</p>
</blockquote>
<p>En situation de crise non anticipée, le principe de réalité n’exonère pas de l’exigence de penser le processus décisionnel dans sa complexité, particulièrement lorsque nos valeurs sont engagées. Car il convient de concilier des enjeux parfois contradictoires, au regard d’une conception subjective du « moindre mal » ou du préférable.</p>
<p>Ainsi, le 30 juin 2020, la HAS considérait que « face au risque épidémique et à la lumière des données disponibles sur la protection des vaccins contre la transmission, la <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3221338/fr/strategie-de-vaccination-contre-le-sars-cov-2-recommandations-preliminaires-sur-la-strategie-de-priorisation-des-populations-a-vacciner">vaccination des professionnels de santé et plus généralement de ceux qui sont en contact avec des personnes vulnérables revêt un enjeu éthique autant que de santé publique</a> ».</p>
<p>Toutefois, une <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-07/er1235_0.pdf">étude présentée en juillet 2022 par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS)</a> démontrait que le curseur éthique ou déontologique pouvait procéder de logiques d’adaptations discutables : « 19 % des personnels hospitaliers déclarent avoir été incités à se rendre sur leur lieu de travail alors qu’ils étaient cas contact ou avaient des symptômes du Covid-19, contre 4 % pour l’ensemble des personnes en emploi. »</p>
<p>Ce qui apparaît comme un ajustement nécessaire, qui peut s’avérer nécessaire au regard de considérations estimées supérieures, n’a pas été admis pour des professionnels de santé opposés à la vaccination obligatoire. Rien ne permet d’affirmer aujourd’hui, d’une part que leur absence dans les services ou les établissements n’a pas été dommageable à la qualité des soins et de l’accompagnement, mais également qu’ils auraient eux-mêmes pu évoluer dans leur choix si à l’obligation avait été préférée une approche personnalisée et confiante, donnant le temps parfois nécessaire à l’acceptation d’une mesure qui a priori pouvait inquiéter.</p>
<p>Le 9 mars 2021, dans son communiqué <a href="https://www.academie-medecine.fr/la-vaccination-des-soignants-contre-la-Covid-19-doit-devenir-obligatoire/">« La vaccination des soignants contre la Covid-19 doit devenir obligatoire »</a>, l’Académie nationale de médecine soutenait « que l’hésitation vaccinale est éthiquement inacceptable chez les soignants ».</p>
<p>L’enjeu à la fois éthique et politique est d’intégrer au processus décisionnel le temps de « l’hésitation », de la délibération indispensable à une démarche de consentement ou de refus argumenté. C’est ce qu’il convient d’envisager en termes de responsabilisation, car il n’est pas sans importance de considérer que la responsabilité administrative et juridique d’un établissement est également de mettre en œuvre toute mesure de protection de ses salariés.</p>
<p>Qu’en a-t-il été alors de l’attention portée aux risques consécutifs à l’hospitalisation des personnes qui avaient refusé la vaccination, y compris en réanimation ?</p>
<p>Les interventions à venir, favorables ou non à la réintégration des professionnels non vaccinés, sont importantes à analyser. Il s’agit là d’un moment qui symbolise un retour à un rétablissement de pratiques normalisées, en rupture avec l’état d’exception.</p>
<p>La démarche scientifique voulue par les parlementaires le 30 juillet 2022 permet d’identifier les critères présentés par la HAS et, a posteriori, d’observer que cet examen aurait pu être mené avant la crise et ne pas être la conséquence d’une crise de confiance au sein de la communauté des soignants. Certains opposants à la vaccination exprimaient en effet leur refus d’une prescription qui s’ajoutait à d’autres décisions dont on reconnaît désormais le caractère erratique et les effets préjudiciables.</p>
<p>Le 6 mars 2021, le Conseil national de l’Ordre des médecins affirmait que <a href="https://www.conseil-national.medecin.fr/publications/communiques-presse/vaccination-soignants-exigence-ethique">« la vaccination des soignants est une exigence éthique »</a>. Ne conviendrait-il pas de nous concerter sur ce que sont des « exigences éthiques » en temps de crise sanitaire ? L’obligation vaccinale des professionnels de santé doit-elle être considérée, rétrospectivement, tant du point de vue de sa valeur d’exemplarité, de l’observance des règles de bonnes pratiques suscitant le risque d’une défiance à l’égard de l’expertise scientifique et de l’autorité publique, que du point de vue de son efficacité épidémiologique ?</p>
<h2>L’apport de la vaccination</h2>
<p>Depuis le 5 mai 2023, l’OMS ne considère plus le Covid comme une urgence sanitaire de portée internationale. Rappelons tout de même qu’au plan mondial, <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2023/05/05/Covid-19-l-oms-annonce-la-levee-de-l-etat-d-urgence-sanitaire-mondial_6172214_3244.html">765 millions de personnes ont été infectés, plus de 20 millions sont décédées</a>. Le 3 mai 2023, Santé publique France indiquait dans notre pays <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-Covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-Covid-19-en-france-et-dans-le-monde">166 811 décès depuis le début de la pandémie</a>.</p>
<p>L’OMS a également rappelé aux professionnels ce qu’a été le privilège de bénéficier de l’accès à une vaccination qui a directement contribué à sortir de la crise du SARS-CoV-2.</p>
<blockquote>
<p>« Il a été démontré que la vaccination contribue à réduire les décès et les maladies graves dus au Covid-19 et à réduire la transmission. […] La vaccination d’une proportion importante de la population protège également les personnes vulnérables, y compris celles qui ne peuvent pas recevoir de vaccins, ou la faible proportion de personnes qui pourraient rester à risque d’infection après la vaccination. Le fait de ne pas vacciner largement permet également la circulation continue du virus et la génération de variantes, y compris certaines qui peuvent présenter un risque plus élevé. […] Elle a également contribué à permettre le retour à un fonctionnement sociétal normal et la réouverture des économies. » (« <a href="https://www.who.int/fr/news/item/17-05-2022-statement-for-healthcare-professionals-how-Covid-19-vaccines-are-regulated-for-safety-and-effectiveness">Déclaration à l’intention des professionnels de la santé : comment les vaccins contre la Covid-19 sont réglementés pour des raisons d’innocuité et d’efficacité</a> », 17 mai 2022)</p>
</blockquote>
<p>Hommage rendu à la communauté des professionnels de santé qui, dans le monde, se sont engagés à nos côtés pour lutter contre le SARS-CoV-2, auquel je m’associe. Leur exigence éthique s’est exprimée dans les circonstances les plus redoutables bien au-delà de l’acceptation de la vaccination obligatoire, en termes d’obligations morales tout autant que sanitaires.</p>
<hr>
<h2>Pour en savoir plus</h2>
<ul>
<li><a href="https://www.editionsducerf.fr/librairie/livre/19842/une-ethique-pour-temps-de-crise"><em>Une éthique pour temps de crise</em></a>, aux éditions du Cerf (chapitre « Déroger à la vaccination, est-ce bafouer le bien public ? »)</li>
</ul><img src="https://counter.theconversation.com/content/205315/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le Covid n’est plus une urgence sanitaire mondiale et, le 14 mai, les conditions de réintégration des professionnels de santé non vaccinés étaient annoncées. Retour sur une longue réflexion éthique.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2011202023-03-14T20:01:07Z2023-03-14T20:01:07ZDormir moins de six heures par nuit diminue la réponse immunitaire induite par la vaccination<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/514925/original/file-20230313-24-tnn95d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C33%2C7360%2C4869&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Mieux vaut avoir son quota de sommeil lorsque l’on se fait vacciner.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/uN8TV9Pw2ik">CDC / Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>À ce jour, la pandémie de SARS-CoV-2 a entraîné plus de <a href="https://covid19.who.int/">750 millions de cas confirmés et plus de 6,8 millions de décès</a>. La vaccination a joué un rôle majeur pour contenir la pandémie, protéger les systèmes de soins, et sauver des vies.</p>
<p>Dans des sociétés de plus en plus mondialisées, les virus émergents constituent des menaces croissantes. De nouvelles souches de grippe, de nouveaux variants du SARS-CoV-2 sont continuellement identifiés. Dans un tel contexte, la vaccination constitue un outil majeur de santé publique.</p>
<p>Au-delà de la mise au point de nouveaux vaccins, serait-il possible d’améliorer l’efficacité vaccinale de ceux qui existent en jouant sur certains facteurs comportementaux ? La réponse pourrait être positive. En effet, divers travaux de recherche suggèrent que la durée du sommeil influence l’efficacité de la vaccination.</p>
<h2>De quoi dépend la protection vaccinale ?</h2>
<p>La protection conférée par un vaccin dépend de l’ampleur de la réponse immunitaire. Le taux d’anticorps produits suite à la vaccination, aussi appelée « réponse humorale », constitue un témoin de cette réponse immunitaire. Il est considéré comme un <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33674800/">biomarqueur clinique de protection et un indicateur précoce de l’immunité</a>.</p>
<p>Plusieurs études ont démontré que la production d’anticorps après une vaccination pouvait être réduite en présence de divers facteurs démographiques et cliniques. Ainsi, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34117873/">être de sexe masculin</a>, <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33955644/">avoir un âge avancé, présenter un surpoids ou une obésité, avoir des antécédents de tabagisme, souffrir d’hypertension</a> sont autant de facteurs de risque qui peuvent influer négativement sur l’efficacité de la vaccination.</p>
<p>Malheureusement, aucun d’entre eux ne peut être modifié rapidement dans l’optique d’optimiser la réponse humorale. Mais d’autres facteurs pourraient également entrer en jeu, comme la durée de sommeil.</p>
<h2>Les effets du sommeil sur la réponse à la vaccination</h2>
<p>En 2002, nous avions rapporté dans le Journal of the American Medical Association que la <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/1032061">réponse des anticorps suite à une vaccination contre la grippe était réduite de moitié chez des volontaires à qui nous faisions subir une restriction de sommeil en laboratoire</a>, par rapport à des témoins.</p>
<p>Si un tel effet du sommeil était confirmé, nous aurions donc la possibilité de modifier relativement aisément ce comportement, en vue d’optimiser la réponse vaccinale, notamment dans le contexte de la pandémie de Covid-19.</p>
<p>Suite à nos travaux, d’autres équipes ont ensuite mené des études pour déterminer les effets d’une durée de sommeil insuffisante sur la production d’anticorps suite à des vaccinations contre la grippe et l’hépatite. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/14508028/">Leurs résultats</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21632713/">ont cependant été</a> <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22217111/">quelque peu mitigés</a>, probablement en raison de différences méthodologiques, notamment en ce qui concernait les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3397812/">tailles d’échantillon</a>, qui pour certaines, étaient limitées.</p>
<p>De façon à mieux informer la communauté scientifique et le public sur ce sujet, nous avons décidé d’effectuer une méta-analyse des données existantes sur le sujet, afin de les résumer et d’estimer avec précision la « taille de l’effet ». Cette mesure statistique permet de déterminer si <a href="https://www.utstat.toronto.edu/%7Ebrunner/oldclass/378f16/readings/CohenPower.pdf">l’effet d’un sommeil insuffisant sur la réponse humorale est faible, moyen ou fort</a>.</p>
<p>Une méta-analyse est en quelque sorte une <a href="https://theconversation.com/meta-analyses-de-lart-de-bien-melanger-torchons-et-serviettes-81286">« analyse d’analyses »</a>. Ce travail consiste à effectuer une revue systématique de la littérature afin de recenser toutes les études jugées pertinentes sur le sujet, puis à utiliser des techniques statistiques afin de combiner leurs résultats. Cela permet d’obtenir des estimations plus robustes que celles issues d’une unique étude.</p>
<p>Les résultats de nos travaux ont été <a href="https://doi.org/10.1016/j.cub.2023.02.017">publiés dans la revue scientifique <em>Current Biology</em></a>.</p>
<h2>Des résultats clairs pour les vaccins contre la grippe et l’hépatite</h2>
<p>Le principal résultat de notre travail est qu’une durée insuffisante de sommeil, autrement dit inférieure à six heures par nuit, chez les adultes âgés de 18 à 60 ans, est associée à une forte diminution de la réponse à la vaccination (la durée du sommeil auto-rapportée, c’est-à-dire estimée par les participants, n’étant que modestement corrélée à la durée du sommeil objective, nous présentons ici les résultats obtenus lorsque le sommeil a été mesuré de façon objective).</p>
<p>Ce résultat a été obtenu à partir d’études ayant examiné le lien entre la durée du sommeil et les réponses immunitaires aux vaccins contre la grippe et l’hépatite.</p>
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<p>À l’heure actuelle, il n’existe pas de données comparables pour les vaccins Covid-19. Néanmoins, afin d’obtenir une comparaison pertinente pour la pandémie de SARS-CoV-2, nous avons comparé nos résultats à la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34614326/">décroissance au cours du temps des taux d’anticorps suite au vaccin à ARNm Pfizer-BioNTech contre le Covid-19</a>, un effet qui rend nécessaire les rappels vaccinaux.</p>
<p>La diminution des taux d’anticorps lors d’un sommeil insuffisant était identique à l’affaissement des anticorps observé deux mois après inoculation du vaccin Pfizer/BioNTech.</p>
<h2>Des différences entre hommes et femmes</h2>
<p>Lorsque les données étaient analysées séparément pour les hommes et les femmes, un sommeil insuffisant était associé à une forte réduction des taux d’anticorps chez les hommes.</p>
<p>En revanche, chez les femmes, cette association n’était pas significative, probablement en raison des grandes variations des taux d’hormones sexuelles observées au cours de la vie d’une femme, qui dépendent notamment <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28992436/">du cycle menstruel, de la prise de contraception hormonale, du statut ménopausique, et de l’hormonothérapie substitutive au cours de la ménopause</a>.</p>
<p>Fait important, aucune des études incluses dans notre méta-analyse ne tenait compte de l’influence des taux d’hormones sexuelles de la femme sur la réponse immunitaire au vaccin, alors que les effets des hormones sexuelles sur la fonction immunitaire sont bien connus. La testostérone, les œstrogènes et la progestérone, en particulier, sont présentes à des concentrations différentes selon le sexe. Or, les œstrogènes stimulent la réponse humorale, alors que la testostérone et la progestérone ont des effets immunosuppresseurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Représentation schématique des effets de la durée du sommeil sur la réponse des anticorps à la vaccination" src="https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=369&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/514926/original/file-20230313-24-x6vdql.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=464&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La durée du sommeil a des effets sur la réponse immunitaire humorale à la vaccination.</span>
<span class="attribution"><span class="source">DR</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<h2>Quelles sont les prochaines étapes ?</h2>
<p>Notre méta-analyse suggère que s’assurer d’une durée de sommeil suffisante aux alentours de la vaccination peut améliorer la réponse humorale à diverses souches de virus.</p>
<p>On peut réalistement espérer que cette recommandation serait suivie d’effets, car des approches comportementales visant à étendre la durée du sommeil à domicile se sont déjà avérées <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34507028/">faisables, acceptées et efficaces au sein de diverses populations</a>.</p>
<p>De nombreuses questions doivent encore être élucidées. Des études à grande échelle sont notamment indispensables pour définir la fenêtre temporelle durant laquelle l’optimisation de la durée du sommeil est la plus bénéfique, avant et après la vaccination. Il faudra aussi déterminer l’impact des hormones sexuelles dans la relation entre la durée du sommeil et la réponse des anticorps à la vaccination chez les femmes. Enfin, il sera nécessaire d’estimer avec plus de précision l’ampleur de la dette de sommeil susceptible d’avoir un effet délétère sur la réponse immunitaire.</p>
<p>Des millions de personnes seront encore vaccinées contre le coronavirus SARS-CoV-2 et d’autres virus, ou recevront des rappels. Ces campagnes constituent une occasion sans précédent de recueillir de données sur la durée du sommeil au moment de la vaccination, ainsi que sur les niveaux d’hormones sexuelles, afin d’étudier en détail le rôle joué par la durée du sommeil dans la réponse immunitaire à la vaccination.</p>
<p>Une chose est certaine, nos résultats indiquent que dormir suffisamment est essentiel pour le bon fonctionnement de notre organisme. Comme le soulignent les experts de la National Sleep Foundation, une organisation américaine visant à promouvoir l’importance du sommeil, il est recommandé <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29073412/">aux adultes de moins de 65 ans de dormir entre 7 et 9 heures par nuit, et 7 à 8 heures pour les adultes de plus de 65 ans</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201120/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eve Van Cauter n'a pas de conflit d'intérêt financier à déclarer en lien avec ce travail.
Elle est membre du conseil consultatif scientifique de Sleep Number Corporation (Minneapolis, MN, USA), consultante pour Calibrate Health, Inc (Delaware, USA) et directrice d'un projet de recherche sur le thème « Circadian Misalignment in Adrenal Insufficiency » financé par Takeda Pharmaceutical Company.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Karine Spiegel ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une méta-analyse récente révèle que, chez les adultes âgés de 18 à 60 ans, une durée de sommeil inférieure à six heures par nuit est associée à une forte diminution de la réponse à la vaccination.Karine Spiegel, Chercheuse, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon Inserm U1028 - CNRS UMR5292 - UCBL - UJM, InsermEve Van Cauter, Professor Emeritus, Department of Medicine Section of Endocrinology, Diabetes and Metabolism Committee on Molecular Metabolism Committee of Clinical and Translational Science, University of ChicagoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1988012023-02-02T19:10:21Z2023-02-02T19:10:21ZCovid-19 : non, notre système immunitaire n’a pas été affaibli par les mesures sanitaires<p>À l’automne 2022, une épidémie de bronchiolite précoce et d’une ampleur inhabituelle a touché la France et d’autres pays de l’hémisphère nord, comme le Canada ou les États-Unis. Diverses explications ont été proposées pour rendre compte de ce phénomène exceptionnel.</p>
<p>Une théorie a été avancée en particulier : celle de la « dette immunitaire ». Dans sa version initiale, elle a été présentée par ses auteurs comme la conséquence d’un « défaut de stimulation » du système immunitaire, en l’absence d’agents pathogènes. Trop protégé et « inactif », notre système immunitaire « s’affaiblirait », à la manière d’un muscle non sollicité. Dans le cas présent, un tel état serait la conséquence des mesures sanitaires (masques, distanciation, confinement, etc.) mises en œuvre en 2020 et 2021. </p>
<p>Mais cette théorie, séduisante par sa simplicité, achoppe sur plusieurs incohérences. Explications.</p>
<h2>La théorie de la dette immunitaire</h2>
<p>Elle a été proposée pour la première fois au printemps 2021 par des pédiatres français dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.idnow.2021.05.004">article publié dans la revue <em>Infectious Diseases Now</em></a>. Précisons qu’il s’agissait d’un article d’opinion, et non d’une publication proposant un modèle épidémiologique solide ou des données expérimentales relevant de la microbiologie et de l’immunologie.</p>
<p>Dans son principe, elle s’inspire <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.299.6710.1259">de l’hypothèse hygiéniste</a>, formulée initialement <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.299.6710.1259">à la fin des années 1980 par l’épidémiologiste David P. Strachan</a>. Selon ce chercheur, dont l’hypothèse <a href="https://doi.org/10.1136/bmj.38069.512245.fe">ne fait toujours pas consensus dans le milieu scientifique</a>, la propension à développer des allergies (atopie) serait liée à la diminution d’infections virales (notamment respiratoires) dans l’enfance, en raison du renforcement des normes sociales d’hygiène.</p>
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<p>Or, pendant la pandémie de Covid-19, les mesures sanitaires non pharmaceutiques
prises par les autorités pour limiter la circulation du coronavirus SARS-CoV-2 ont aussi impacté d’autres maladies. Ainsi, les cas d’infections par le virus influenza (<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/grippe/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-grippe.-bilan-de-la-surveillance-saison-2020-2021">grippe</a>), le virus respiratoire syncytial (VRS, significativement impliqué dans les <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/bronchiolite-bilan-de-la-surveillance-hivernale-2020-2021">bronchiolites</a> et pneumonies du nourrisson) ou d’<a href="https://doi.org/10.1016/j.lana.2021.100015">autres pathogènes respiratoires</a> ont beaucoup diminué, ou ont été modifiés dans leur temporalité, comparativement aux années prépandémiques. </p>
<p>Établissant un parallèle avec l’hypothèse hygiéniste de Strachan, les promoteurs de la théorie de la dette immunitaire affirment que, dans une telle situation, le système immunitaire serait « comptable » d’une « dette » à l’égard des agents infectieux. Le retard pris dans le calendrier vaccinal, associé à une moindre exposition aux virus et bactéries, se serait traduit, une fois les mesures sanitaires levées, par d’importantes vagues épidémiques. </p>
<p>Selon les tenants de cette hypothèse, ce mécanisme expliquerait non seulement la recrudescence des bronchiolites, mais également d’autres infections, comme celles à <a href="https://www.telegraph.co.uk/news/2022/12/07/strep-kills-children-Covid-did-first-year/">streptocoque</a>, dont une multiplication de cas graves (formes invasives) <a href="https://www.who.int/fr/emergencies/disease-outbreak-news/item/2022-DON429">a été rapportée</a>.</p>
<p>La théorie de la dette immunitaire a largement circulé, reprise par <a href="https://www.wsj.com/articles/post-Covid-19-world-risks-having-to-pay-off-immunity-debt-11624863679">les médias</a> et par des <a href="https://www.liberation.fr/checknews/olivier-veran-a-t-il-raison-de-lier-la-virulence-de-lepidemie-de-bronchiolite-a-levitement-du-virus-pendant-deux-ans-en-raison-du-port-du-masque-20221116_ET67SCPBIRDBLOULU6FW6TRROU/">personnalités politiques</a>. Pourtant, plusieurs arguments mettent à l’épreuve sa solidité.</p>
<h2>Lacune immunitaire</h2>
<p>Comme le montre <a href="https://doi.org/10.1016/j.idnow.2021.05.004">le titre de leur article</a>, les promoteurs de la notion de dette immunitaire tendent à superposer celle-ci avec le phénomène - bien documenté - de lacune immunitaire (« <a href="https://jamanetwork.com/journals/jama/article-abstract/347965">immunity gap</a> » en anglais). Ils les assimilent même complètement pour <a href="https://doi.org/10.1016/j.idnow.2022.12.003">soutenir que la théorie de la dette immunitaire est confirmée</a>.</p>
<p>Le concept populationnel et statistique de lacune immunitaire a été décrit dès les années 1960 : si, au sein d’une population, une proportion d’individus immunitairement « naïfs » vis-à-vis d’un pathogène (autrement dit, qui n’y ont jamais été exposés) se retrouve en contact avec lui, alors le risque est de voir émerger une épidémie avec explosion des cas.</p>
<p>Il faut souligner que, dans ce modèle, l’augmentation des cas ne résulte pas d’un changement de la virulence du pathogène, ni d’un système immunitaire « affaibli » : la propagation du microbe est simplement facilitée, car il n’existe pas de mémoire immunitaire spécifique préexistante le concernant, puisque les individus naïfs ne l’ont jamais croisé.</p>
<p>Une telle situation peut aussi se produire dans le cas d’une persistance limitée de la mémoire immunitaire spécifique (qui résulte du <a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">système immunitaire adaptatif</a>, basé sur les anticorps). Elle peut aussi être le fait d’une couverture vaccinale insuffisante, un problème également pointé par les auteurs de la théorie de la dette immunitaire. </p>
<p>Il faut cependant bien comprendre que la théorie de la dette immunitaire se distingue de la lacune immunitaire, et ce pour deux raisons. D’une part, elle postule un affaiblissement non seulement du système immunitaire adaptatif, mais également du système immunitaire inné. D’autre part, cette théorie postule que la dette qui résulterait de cet affaiblissement se situerait à l’échelle de l’individu, et non à l’échelle de la population. </p>
<h2>Notre système immunitaire ne connaît pas de « pause »</h2>
<p>L’idée sous-jacente à la théorie de la dette immunitaire, qui est celle d’une discontinuité de l’activité du système immunitaire, fait écho à une représentation de ce dernier qui n’est plus d’actualité. </p>
<p>La conception d’un système immunitaire qui devrait être « formé » et « renforcé » trouve en effet son origine dans le premier quart du 20e siècle. À cette époque, l’immunologie était <a href="https://doi.org/10.1590/S0104-59701996000200006">réduite à l’opposition anticorps/antigènes (terme désignant un élément reconnu comme étranger par l’organisme)</a>, les premiers n’étant supposés actifs qu’à l’occasion de la rencontre des seconds.</p>
<p>Or, on sait aujourd’hui que les systèmes immunitaires inné et adaptatif sont déjà fonctionnels <a href="https://doi.org/10.1126/scitranslmed.3008748"><em>in utero</em></a>, sans qu’ils aient préalablement rencontré de pathogènes. Certes, les nouveau-nés développent leur répertoire immunologique après la naissance, mais ils ne sont pas dépourvus de toute défense immunitaire lorsqu’ils viennent au monde. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>Rappelons aussi que le système immunitaire inné reconnaît non seulement <a href="https://doi.org/10.1038/ni.1863">les organismes étrangers</a>, mais aussi l’immense diversité des micro-organismes qui vivent en nous (notre microbiote) ou sont ingérés avec notre alimentation, qui le stimulent eux aussi. Il est donc capable d’un premier niveau (faiblement) spécifique de réponse immunitaire.</p>
<p>En outre, quand bien même une « dette immunitaire » existerait, personne n’a vécu depuis février 2020 dans un environnement aseptique. Les micro-organismes, pathogènes ou non, sont partout : dans notre environnement, dans l’air, dans les objets que nous manipulons, les personnes qui nous entourent, nos aliments, nos boissons… L’isolement complet n’existe pas, ni l’absence de stimulation, ainsi que le montrent les <a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer?facet=none&Metric=Confirmed+cases&Interval=Cumulative&Relative+to+Population=false&Color+by+test+positivity=false&country=%7EOWID_WRL">centaines de millions d’individus</a> infectés par le SARS-CoV-2 depuis 3 ans, dont <a href="https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/donnees-de-laboratoires-pour-le-depistage-a-compter-du-18-05-2022-si-dep/">28 millions rien qu’en France en 2022</a>, incluant des réinfections. </p>
<p>Autrement dit, notre système immunitaire (adaptatif comme inné) ne connaît pas de « pause » : <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2018.03.013">il fonctionne en permanence</a>, y compris en l’absence de pathogènes, qu’il n’a donc pas « besoin » de rencontrer pour demeurer actif. </p>
<p>Soulignons par ailleurs que, même en temps normal, l’immunité conférée par certains virus après une infection ne dure pas suffisamment longtemps pour éviter la réinfection après quelques mois. C’est bien entendu le cas du SARS-CoV-2, mais aussi du <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/2010624/">VRS</a>. Fin 2022, la protection procurée par les infections des années précédentes aurait de toute façon déjà décliné.</p>
<p>Un autre argument vient fragiliser la théorie de la dette immunitaire : plusieurs pays qui avaient adopté des mesures sanitaires moins contraignantes ont aussi été touchés par des épidémies de bronchiolites atypiques.</p>
<h2>De précédentes épidémies de bronchiolite</h2>
<p>Si une dette immunitaire existait, les pays dans lesquels les mesures de protection n’ont pas été généralisées ne devraient pas en faire les frais. </p>
<p>Or, la recrudescence de cas de bronchiolites liés à une infection virale a également été enregistrée dans les pays n’ayant pas appliqué de politique de santé publique forte en faveur du port du masque chez les enfants. C’est par exemple le cas du <a href="https://www.gov.uk/government/publications/emergency-department-weekly-bulletins-for-2022">Royaume-Uni</a>, de la <a href="https://sweden.postsen.com/news/57867/Epidemiologist-The-RS-virus-could-be-widespread-this-year.html">Suède</a>, ou de <a href="https://www.cdc.gov/surveillance/nrevss/rsv/natl-trend.html">certains états américains</a>).</p>
<p>Par ailleurs, des vagues épidémiques importantes de bronchiolite avaient déjà eu lieu en 2021, durant l’été puis l’automne, non seulement en <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/bronchiolite/documents/bulletin-national/bulletin-epidemiologique-bronchiolite-semaine-15.-saison-2021-2022">France</a>, mais aussi au <a href="https://www.clinicaltrialsarena.com/comment/rsv-uk-children/">Royaume-Uni</a> et dans d’autres pays. </p>
<p>Pourquoi une telle situation ? Plusieurs facteurs peuvent l’expliquer, sans qu’il soit besoin de recourir à la théorie de la dette immunitaire.</p>
<h2>D’autres virus impliqués</h2>
<p>Si l’on a beaucoup parlé du VRS et de son implication dans la bronchiolite, il ne faut pas oublier que cette maladie peut être causée par divers autres virus (SARS-CoV-2 et autres coronavirus, metapneumovirus, adénovirus, etc.).</p>
<p>Dans le cas présent, il pourrait être intéressant de vérifier, par des tests de dépistage, quels virus ont été à l’origine de ces vagues épidémiques, et de déterminer si des co-infections se sont produites.</p>
<p>C’est d’autant plus important que la question des interactions entre virus constitue une autre piste qui pourrait expliquer au moins en partie la situation de ces derniers mois. Il est en effet possible d’envisager pour expliquer ce phénomène une augmentation de la sévérité clinique lors de <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(22)00383-X">co-infections associées au SARS-CoV-2</a>. </p>
<p>On connaît encore mal la façon dont les virus interfèrent les uns avec les autres, mais ce type de piste n’est pas à écarter, tout comme celle de l’impact du SARS-CoV-2 sur notre immunité, qui est aussi à explorer.</p>
<h2>Un système immunitaire épuisé ?</h2>
<p>La recrudescence de formes éventuellement plus fréquemment sévères d’infections virales respiratoires ou bactériennes, voire fongiques, sont à l’étude. Ces recherches s’intéressent notamment à la <a href="https://doi.org/10.1038/s41590-021-01113-x">perturbation du système immunitaire résultant d’une infection par le SARS-CoV-2</a>, qui pourrait <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2022.1034159">affecter le fonctionnement des lymphocytes B impliqués dans la mémoire immunitaire notamment</a>.</p>
<p>Les découvertes des quinze dernières années en immunologie/immuno-oncologie ont aussi montré qu’une inflammation chronique ou des infections répétées <a href="https://doi.org/10.1016/j.celrep.2020.108078">épuisent le système immunitaire et induisent un risque autoimmun</a>.</p>
<p>Il ne s’agit pour l’instant que de pistes qui doivent être approfondies, mais qui paraissent solides, car reposant sur des mécanismes biochimiques immunitaires documentés survenant après une infection virale. Par ailleurs, elles sont compatibles avec la survenue, durant l’année 2021, d’autres épidémies que celles de Covid-19 (épidémies de bronchiolite notamment, comme mentionnée précédemment).</p>
<p>Certes, un « rattrapage » lié à une moindre exposition des jeunes enfants durant la pandémie ou à un retard vaccinal (soulignons toutefois qu’il n’existe pas à ce jour de vaccin contre le <a href="https://science.gc.ca/site/science/fr/blogues/anciens-blogues/resumes-articles-scientifiques-laboratoire-national-microbiologie/decouvrir-mecanismes-biologiques-vaccin-vrs">VRS</a> ni contre le <a href="https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/streptocoques-b#vaccin">streptocoque A</a>), sur le modèle de la lacune immunitaire, pourrait avoir été une composante des vagues d’épidémies inhabituelles observées récemment. Cependant, la théorie de la dette immunitaire, qui apparaît très spéculative, n’est pas confirmée, et ne peut donc pas être mobilisée comme si elle était validée scientifiquement pour expliquer cette situation. </p>
<p>Non seulement les mesures barrière n’ont pas affaibli notre système immunitaire, mais elles ont permis de <a href="https://doi.org/10.1093/jtm/taac055">limiter la circulation d’un virus émergent</a> dont les conséquences à long terme sur la santé humaine restent largement méconnues. Il convient désormais de poursuivre les recherches cliniques, physiopathologiques et épidémiologiques pour mieux les appréhender.</p>
<hr>
<p><em>Ont également participé à la rédaction de cet article : Éric Billy, chercheur en immuno-oncologie (salarié du NIBR à Bâle, il s’exprime en son nom propre), Franck Clarot, médecin légiste et radiologue, Jérôme Guison, médecin interniste, Alexander Samuel, docteur en biologie moléculaire.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198801/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon la théorie de la « dette immunitaire », l’ampleur des épidémies survenues fin 2022, telle que celle de bronchiolite, serait la conséquence des mesures anti-Covid-19. Une hypothèse peu plausible.David Simard, Docteur en philosophie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Frédéric Fischer, Maître de conférences en biochimie et biologie moléculaire, Université de StrasbourgLonni Besançon, Phd en Human Computer Interaction, Linköping UniversityMichaël Rochoy, Docteur en médecine générale, chercheur associé, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980242023-01-19T17:54:13Z2023-01-19T17:54:13ZLes vaccins à ARN, une nanotechnologie en plein essor<p>Mardi 17 janvier, Moderna a annoncé avoir obtenu des résultats préliminaires positifs lors d’un essai de phase 3 visant à évaluer l’efficacité, chez les personnes âgées, <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/sante/maladie-enfant/bronchiolite-moderna-annonce-des-resultats-intermediaires-positifs-pour-un-vaccin_168866">d’un vaccin à ARN messager (ARNm) dirigé contre le virus respiratoire syncytial (VRS)</a>, responsable de la bronchiolite.</p>
<p>La pandémie due au coronavirus SARS-CoV-2 avait déjà révélé le formidable potentiel de ce type de vaccins. Développés en quelques mois, ils ont rapidement permis de contenir les vagues successives de Covid-19, et de limiter leurs dégâts.</p>
<p>Au cœur de ce succès se trouve, bien entendu, la molécule d’ARNm. Mais tout le crédit ne lui revient pas : d’autres actrices, moins connues, contribuent largement à l’efficacité de ces vaccins. Il s’agit des nanoparticules lipidiques, qui non seulement « encapsulent » l’ARNm pour le protéger et le transporter, intact, à l’intérieur des cellules, mais exacerbent aussi la réponse immunitaire. Ce qui présente des avantages, mais également certains inconvénients. Explications.</p>
<h2>L’ARN ne fait pas tout</h2>
<p>Alors que les vaccins classiques contenaient des fragments du virus contre lequel on cherchait à « éduquer » le système immunitaire (ou bien ledit virus « inactivé » ou « atténué »), les vaccins à ARNm <a href="https://theconversation.com/comment-fonctionnent-les-vaccins-a-arn-et-a-adn-125267">ne contiennent qu’un « plan de montage »</a> : la molécule d’ARNm. Après injection, celle-ci pénètre dans les cellules où elle sera lue et utilisée pour fabriquer un fragment de virus qui stimulera les défenses immunitaires (l’« antigène », terme désignant un élément reconnu comme étranger par l’organisme). Ainsi « éduqué », le système immunitaire sera prêt à réagir s’il devait, plus tard, croiser le virus lui-même.</p>
<p>Les molécules d’ARNm sont donc centrales dans les vaccins à ARN. Mais seules, elles ne serviraient pas à grand-chose. Très fragiles, elles se dégradent en effet très rapidement, en particulier en présence d’enzymes, très nombreuses dans notre organisme.</p>
<p>Pour les protéger et s’assurer qu’elles arrivent à bon port après injection, les ARNm sont « emballés » dans de minuscules « nanocapsules » lipidiques. Les vaccins à ARN sont donc des « nanovaccins ». Précisons que ces nanoparticules lipidiques <a href="https://www.scientifique-en-chef.gouv.qc.ca/impacts/ddr-les-vaccins-a-arn-contiennent-des-nanoparticules-dangereuses-faux/">n’ont rien à voir avec les nanoparticules toxiques qui font actuellement débat</a>.</p>
<p><a href="https://www.mdpi.com/2076-393X/9/1/65">Les nanoparticules vaccinales sont constituées de quatre éléments essentiels</a> :</p>
<ul>
<li><p>des lipides ionisables, chargés positivement, qui se lient aux charges négatives de l’ARN messager ;</p></li>
<li><p>des phospholipides (des constituants essentiels des membranes cellulaires) ;</p></li>
<li><p>du cholestérol (autre constituant essentiel des membranes cellulaires, en association avec les phospholipides) ;</p></li>
<li><p>des lipides conjugués à des chaînes de polyéthylène glycol, qui stabilisent l’ensemble.</p></li>
</ul>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=684&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505210/original/file-20230118-11-a8h93s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=859&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Structure d’une particule lipidique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.mdpi.com/2076-393X/9/1/65">Michael D. Buschmann M. D. et al (2021) « Nanomaterial Delivery Systems for mRNA » -- Vaccines</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><em>In vivo</em>, les lipides ionisables qui constituent les nanoparticules vaccinales permettent à celles-ci d’entrer dans la cellule en étant internalisées dans des sortes de vésicules appelées endosomes. Une fois dans la cellule, l’ARN est libéré, lu et traduit en protéines. Reconnues étrangères par l’organisme, ces dernières déclenchent la réponse vaccinale.</p>
<p>Les nanoparticules lipidiques protègent donc l’ARN d’une dégradation rapide et assurent sa captation par les cellules au site d’injection. Elles exercent aussi d’autres actions déterminantes pour l’efficacité des vaccins à ARN. Mais elles sont aussi impliquées dans certains de leurs effets indésirables.</p>
<h2>Effet adjuvant et stimulation des réponses immunes</h2>
<p>Comme tout vaccin, les vaccins à ARN doivent stimuler les cellules immunitaires appelées « cellules présentatrices d’antigène » pour qu’une réponse immune efficace se développe.</p>
<p>Dans les vaccins classiques basés sur des protéines antigéniques, cette action de stimulation des cellules présentatrices d’antigène est exercée par un adjuvant présent dans le vaccin. Les vaccins à ARN sont quant à eux dépourvus d’adjuvant, car <a href="https://www.cell.com/immunity/fulltext/S1074-7613(22)00555-6">ce rôle est joué par les lipides chargés positivement</a> qui font partie des nanoparticules.</p>
<p>L’effet adjuvant des nanoparticules lipidiques aboutit à une stimulation robuste des lymphocytes spécifiques de l’antigène dans les ganglions lymphatiques qui drainent le site d’injection. Ces réponses immunes <a href="https://www.cell.com/immunity/fulltext/S1074-7613(21)00490-8">sont plus puissantes que celles obtenues avec les adjuvants classiques</a> et impliquent notamment des cellules immunitaires appelées « lymphocytes T folliculaires », qui orchestrent la production d’anticorps capables de neutraliser le virus avec une très grande efficacité.</p>
<p>Des études menées chez des individus vaccinés ont révélé que ces lymphocytes T folliculaires spécifiques de l’antigène vaccinal <a href="https://www.cell.com/cell/fulltext/S0092-8674(21)01489-6?_returnURL=https%3A%2F%2Flinkinghub.elsevier.com%2Fretrieve%2Fpii%2FS0092867421014896%3Fshowall%3Dtrue">peuvent persister plusieurs mois dans les ganglions d’individus vaccinés</a>.</p>
<p>Les mécanismes précis de l’activité adjuvante des nanoparticules lipidiques n’ont été que partiellement élucidés pour l’instant. On sait qu’ils reposent notamment sur la stimulation de différentes populations de globules blancs, en particulier les cellules dendritiques qui présentent les antigènes aux lymphocytes T, et sur la production d’hormones du système immunitaire nécessaires à l’activation des réponses immunes (cytokines et de chimiokines).</p>
<p>Ces messagers chimiques entraînent en parallèle une réaction inflammatoire à l’origine d’effets indésirables, qui définissent la <a href="https://www.academie-medecine.fr/le-dictionnaire/index.php?q=r%C3%A9actog%C3%A9nicit%C3%A9">réactogénicité</a> du vaccin, autrement dit sa propension à produire des réactions adverses, le plus souvent bénignes et transitoires.</p>
<h2>Effets indésirables avérés et supposés</h2>
<p>La <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmoa2034577">réactogénicité des vaccins à ARN</a> se traduit par des symptômes tels que douleur au site d’injection, fièvre, maux de tête, fatigue. Ils surviennent fréquemment, mais disparaissent en quelques jours.</p>
<p>Des travaux récents suggèrent que le polyéthylène glycol pourrait engendrer une réactogénicité plus importante, qui surviendrait chez des individus sensibilisés par une exposition préalable à ce composant via certains produits pharmaceutiques ou cosmétiques. Cependant, le <a href="https://www.nature.com/articles/s41565-021-01001-3">rôle du polyéthylène glycol dans de rares réactions allergiques graves est controversé</a>.</p>
<p>Il arrive aussi que la réaction inflammatoire au vaccin gagne les ganglions des aisselles et du cou qui drainent le site d’injection des vaccins à ARN messager. Ils sont alors le siège d’un gonflement perceptible et parfois gênant. Ce phénomène, très vraisemblablement attribuable aux nanoparticules lipidiques s’observe le <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2468294222000375?via%3Dihub">plus fréquemment après la deuxième dose du vaccin Moderna</a>.</p>
<p>Dans la très grande majorité des cas, le gonflement disparaît en quelques jours. Lorsqu’il persiste plus de deux semaines, des examens complémentaires sont indispensables pour ne pas retarder le diagnostic <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmed.2022.963393/full">d’une pathologie maligne préexistante</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/securite-des-vaccins-anti-sars-cov-2-pourquoi-il-ne-faut-pas-relacher-la-vigilance-172641">Sécurité des vaccins anti-SARS-CoV-2 : pourquoi il ne faut pas relâcher la vigilance</a>
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<p>Enfin, la myocardite-post-vaccinale est une complication très rare des vaccins ARN anti-Covid-19, reconnue par les autorités réglementaires. <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanres/article/PIIS2213-2600(22)00059-5/fulltext">Son pronostic est heureusement favorable, avec une guérison rapide dans la majorité des cas</a>. Si l’implication des nanoparticules lipidiques n’a pas été démontrée, elle est plausible. En effet, ces myocardites font intervenir une <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s00392-022-02129-5">importante réaction inflammatoire et une infiltration du cœur par des lymphocytes T</a>. Il pourrait en être de même dans les <a href="https://www.journal-of-hepatology.eu/article/S0168-8278(22)00234-3/fulltext">quelques cas d’hépatite rapportés après vaccination</a>.</p>
<h2>Aux confins de la nanomédecine et de l’immunologie</h2>
<p>Les vaccins à ARN présentent de nombreux avantages. Ils peuvent être développés très rapidement et produits en masse dès que l’on a déterminé la séquence génétique permettant de produire l’antigène qu’ils contiennent. C’est ainsi que les nouveaux vaccins anti-Covid-19 dirigés contre des sous-variants du variant Omicron ont pu être rendus disponibles en quelques mois seulement.</p>
<p>Autre avantage : un même vaccin peut contenir plusieurs ARNs protégeant contre différents virus ou variants viraux. Ainsi, une équipe américaine vient de produire un vaccin contenant les ARNs codants pour 20 variants de l’hémagglutinine du virus influenza (la protéine qui lui permet de s’arrimer aux cellules qu’il infecte), <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abm0271">ouvrant la voie vers un vaccin antigrippe universel</a>. Pour prévenir les infections respiratoires les plus fréquentes, un <a href="https://www.pharmacytimes.com/view/combination-flu-Covid-19-rsv-mrna-vaccine-could-change-immunizations-landscape">vaccin ARN qui protège simultanément contre le Covid-19, la grippe et le VRS</a> est aussi en développement.</p>
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<p>La capacité des vaccins ARN à induire des <a href="https://www.annualreviews.org/doi/abs/10.1146/annurev-med-042420-112725">réponses immunitaires puissantes</a> constitue un autre atout majeur. Cela permet d’envisager leur utilisation pour le contrôle de virus qui n’ont pu être maîtrisés par des vaccins traditionnels, comme le VIH et le cytomégalovirus. Pour cette même raison, les scientifiques espèrent qu’ils permettront aussi des avancées majeures dans la lutte contre le cancer. Des résultats très prometteurs <a href="https://www.merck.com/news/moderna-and-merck-announce-mrna-4157-v940-an-investigational-personalized-mrna-cancer-vaccine-in-combination-with-keytruda-pembrolizumab-met-primary-efficacy-endpoint-in-phase-2b-keynote-94/">contre le mélanome malin avancé ont d’ailleurs déjà été rendus publics</a>.</p>
<p>Les vaccins ARN anti-Covid ont donc ouvert une nouvelle ère en vaccinologie, celle des « nanovaccins ». Leur optimisation implique de nouvelles recherches, aux confins de la nanomédecine et de l’immunologie. Les vaccins déployés durant la pandémie de Covid-19 présentaient une balance bénéfice-risque indubitablement positive. Les futurs vaccins à ARN devront quant à eux continuer à faire l’objet d’une surveillance attentive, afin d’identifier les patients à risque de développer des réactions indésirables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198024/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michel Goldman est membre des conseils d'administration de la Tuberculosis Vaccine Initiative et de Friends of the Global Fund Europe. Il représente la Fédération Européenne des Académies de Médecine au Civil Society Forum de l'agence européenne HERA. Il a fondé l'Institut d'Immunologie Médicale de l'Université libre de Bruxelles en partenariat avec GlaxoSmithKline et a été directeur exécutif de l'Innovative Medicines Initiative. Il est membre de l'Advisory Board d'AstraZeneca sur les anticorps monoclonaux.</span></em></p>Les vaccins à ARN ont permis de rapidement modifier le cours de la pandémie de Covid-19. Leur efficacité est due non seulement à la molécule d’ARN, mais aussi aux nanocapsules qui la protègent.Michel Goldman, Président de l'institut I3h, Université Libre de Bruxelles (ULB)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974452023-01-09T20:29:24Z2023-01-09T20:29:24ZCovid en Chine : pourquoi une telle explosion des cas ? Quelles conséquences pour l’Europe ?<p>Avec près de <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-en-chine-pres-de-60-000-personnes-sont-mortes-depuis-un-mois-dans-des-structures-medicales-affirment-les-autorites-sanitaires-du-pays_5602328.html">60 000 morts tout juste annoncés entre le 8 décembre 2022 et le 12 janvier 2023</a>, la Chine est actuellement submergée par une importante vague d’infections et de décès due au Covid. Malgré ce communiqué récent, nous ne connaissons toutefois toujours pas exactement la gravité de la situation, du fait des lacunes dans les rapports officiels… Tout porte néanmoins à croire que la situation est très difficile. Selon plusieurs médias, les <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/chine-90-des-habitants-d-une-province-infectes-par-le-Covid-19_5591523.html">hôpitaux et les morgues débordent et certaines provinces, comme le Henan, verraient leur population infectée à 90 %</a>.</p>
<p>Au-delà de la fin de sa politique du zéro Covid début décembre, comment la Chine en est-elle arrivée là ? Et comment la situation peut-elle évoluer ?</p>
<p>Malgré la perception populaire selon laquelle la vague actuelle d’infections est le résultat direct de la levée des restrictions il y a un mois, ce n’est pas tout à fait vrai. Les cas étaient <a href="https://www.voanews.com/a/china-s-Covid-spike-not-due-to-lifting-of-restrictions---who-director/6876253.html">déjà en augmentation</a> à ce moment.</p>
<p>En tant qu’épidémiologiste, je pense que cette explosion est en grande partie due au fait que la Chine a poursuivi sa stratégie de zéro Covid trop longtemps après avoir vacciné sa population.</p>
<h2>Une mauvaise coordination par rapport à sa campagne de vaccination</h2>
<p>Nous savons en effet que l’immunité conférée par les vaccins diminue <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(22)00152-0/fulltext">dans les mois qui suivent</a> l’injection. Un article actuellement en prépublication (donc une étude qui doit encore être examinée par d’autres scientifiques) a montré que, <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.10.02.22280610v2">huit mois après le rappel, une grande partie de la protection contre l’infection est perdue</a>. La protection contre les formes graves de la maladie est plus durable, mais elle s’amenuise également.</p>
<p>Or, la campagne de vaccination de la Chine a été en grande partie <a href="https://ourworldindata.org/Covid-vaccinations">achevée en février 2022</a>. Si l’on se fie à ces résultats préliminaires, son effet protecteur contre l’infection aurait donc largement disparu à l’automne. Quant à la protection contre les formes graves (et la mort), elle aurait également diminué.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/fin-du-zero-Covid-en-chine-consequences-et-risques-pour-une-population-peu-immunisee-196614">D’autres pays avaient eu recours à une politique zéro Covid</a>, et y ont également mis fin – tous avant la Chine. La Nouvelle-Zélande, par exemple, a pris cette décision peu après avoir terminé sa campagne de vaccination. Sans surprise, cette réouverture du pays a provoqué une recrudescence des infections… mais avec un <a href="https://ourworldindata.org/Covid-deaths">taux de mortalité</a> limité.</p>
<p>Autre point : La vaccination reste le moyen le plus sûr de se protéger contre le Covid… Mais de nouvelles recherches, toujours en prépublication, montrent que la <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.10.02.22280610v2">protection contre les formes graves de la maladie grave est maintenue un peu plus longtemps après une infection naturelle</a> et encore plus longtemps en cas d’« immunité hybride » (c’est-à-dire si une personne a été à la fois vaccinée et infectée de façon naturelle).</p>
<p>Moins au contact du Covid que la majorité des autres pays de la planète et moins protégée du fait de la baisse des effets de la vaccination, une assez faible part de la population chinoise disposait d’une immunité hybride lorsque la vague actuelle a commencé. Laissant ainsi la population plus vulnérable.</p>
<p>En outre, des <a href="https://www.chinadaily.com.cn/a/202211/12/WS636f7763a3104917543295a1.html">rapports suggèrent</a> que les taux de vaccination des personnes âgées (public particulièrement vulnérable au Covid) en Chine sont inférieurs à ceux des jeunes. Cela entraînerait également une augmentation des formes graves et des décès, parallèlement aux infections.</p>
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<h2>Comment les choses pourraient-elles évoluer ?</h2>
<p>Comme toutes les vagues précédentes, sans surprise, celle qui sévit actuellement en Chine culminera avant d'entamer son déclin. Mais quand son pic se produira, et quelle hauteur il atteindra, dépend du nombre d’infections qui se seront réellement produites – ce que nous ne savons pas, du fait du manque de données fiables.</p>
<p>Une société britannique de données sur la santé, Airfinity, a en effet estimé que depuis le 1<sup>er</sup> décembre, il y aurait eu <a href="https://www.airfinity.com/articles/airfinitys-Covid-19-forecast-for-china-infections-et-morts">33,2 millions d’infections et 192 400 décès</a>… Mais des notes ayant fuité d’une réunion de la Commission nationale chinoise de la santé organisée fin décembre laissent entendre qu’<a href="https://edition.cnn.com/2022/12/23/china/china-Covid-infections-250-million-intl-hnk/index.html">environ 250 millions de personnes</a> (18 % de la population) auraient été infectées au cours des 20 premiers jours de ce mois ! Les implications en termes de dynamique épidémique de ces deux chiffres sont très différentes.</p>
<p>Si les vrais taux d’infection se situent dans la partie supérieure des valeurs estimées, le pic sera très élevé mais de relativement courte durée. Nous pourrions donc nous attendre à ce que le nombre de cas commence à baisser au cours des prochaines semaines. Si les taux d’infection sont à l’extrémité inférieure, les infections pourraient par contre rester élevées, avec possibilité de nouveaux pics pendant un certain temps.</p>
<p>Au Royaume-Uni, les taux d’infection dans les groupes plus âgés ont généralement été <a href="https://coronavirus.data.gov.uk/details/cases?areaType=nation&areaName=England">inférieurs à ceux des personnes plus jeunes</a> – jusqu’à récemment, où les taux d’infection chez les plus de 60 ans sont alors passés devant. Cela est notamment dû au fait que, par précaution, les personnes âgées se mélangeaient généralement moins que les jeunes au début de la pandémie et qu’ils ressortent désormais davantage. Si cette tendance est suivie en Chine, le pays pourrait connaître une persistance des taux élevés de formes graves et de décès même après la baisse des taux d’infection.</p>
<p>Le Nouvel An chinois qui approche (début le 22 janvier), le premier sans restriction depuis le début de la pandémie (fin des quarantaines, etc.), pose également beaucoup de questions. Si les infections continuent à croître d’ici là, les voyages, rassemblements familiaux et célébrations associées augmenteront potentiellement encore les taux d’infection – et les pressions sur les services de santé déjà débordés.</p>
<h2>Quelles options reste-t-il à la Chine ?</h2>
<p>Il est peut-être trop tard pour vraiment modifier le cours de cette épidémie. Les estimations du <a href="https://www.chinadaily.com.cn/a/202211/29/WS63855959a31057c47eba1912.html">nombre de reproduction du virus</a>, ou R0 (le nombre moyen de personnes à qui une personne infectée transmet le virus), sont évalués entre 10 et 18 pour les variants en cause lors de cette vague – ce qui est <a href="https://theconversation.com/omicron-les-problemes-que-pose-un-variant-trois-fois-moins-severe-mais-deux-fois-plus-transmissible-174587">parmi les plus élevés connus (avec la rougeole)</a>.</p>
<p>Avec un R0 si élevé, les interventions non pharmaceutiques telles que les confinements, les fermetures d’écoles et le port de masques pourraient ne <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abd9338">pas être suffisantes</a> pour contrôler la propagation du virus.</p>
<p>La Chine peut en revanche stimuler la vaccination au sein de sa population la plus âgée. Il n’est pas forcément trop tard pour que cela ait un effet bénéfique, car beaucoup de ces personnes évitent peut-être encore de se mélanger par crainte de la maladie et n’ont donc pas encore été exposées.</p>
<h2>Quels risques pour le reste du monde ?</h2>
<p>Contrairement à la Chine au début de cette vague qui la frappe, la plupart des autres pays, où le SARS-CoV-2 a largement circulé, disposent désormais d’une immunité et d’une protection élevées dans leurs populations contre les formes graves et les décès dus au Covid. Le <a href="https://www.ecdc.europa.eu/en/news-events/impact-surge-china-Covid-19-cases">Centre européen de prévention et de contrôle des maladies</a> a de ce fait noté que la situation chinoise « ne devrait pas impacter la situation épidémiologique du Covid-19 » en Europe.</p>
<p>De plus, de ce que l’on sait, la majorité des variants identifiés en Chine sont issus des <a href="https://www.who.int/news/item/04-01-2023-tag-ve-statement-le-3-janvier-rencontre-sur-la-situation-Covid-19-en-chine">lignées BA.5.2 et BF.7</a> : ces lignées ont culminé en Europe l’été dernier et, avec le développement d’une immunité adaptée et efficace, elles <a href="https://cov-spectrum.org/explore/Europe/AllSamples/Past6M/variants?nextcladePangoLineage=BA.5.2*&">déclinent désormais</a>. Donc toute nouvelle introduction en provenance de Chine ne devrait pas augmenter considérablement le nombre d’infections.</p>
<p>La principale préoccupation pour l’Europe vient d’ailleurs : il s’agit du <a href="https://Covid.cdc.gov/Covid-data-tracker/#variant-proportions">variant XBB.1.5, qui s’implante rapidement aux États-Unis</a> depuis un mois. (<em>Toujours plus transmissible, il est le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/covid-19-ce-que-l-on-sait-de-xbb-1-5-le-nouveau-variant-d-omicron-qui-se-propage-aux-etats-unis_5577804.html">produit de la recombinaison de deux autres variants</a> comme l'indique son nom en « X ». Il est déjà présent dans une trentaine de pays, dont la France, où il se diffuse peu pour l'heure, ndlr</em>)</p>
<p>Bien sûr, il existe un risque qu’un autre variant, inédit, émerge en Chine en raison du grand nombre d’infections… comme il pourrait apparaître ailleurs dans le monde.</p>
<p>À partir du <a href="https://www.gov.uk/foreign-travel-advice/china">5 janvier</a>, les personnes voyageant de la Chine vers l’Angleterre doivent passer un test Covid avant le départ. D’<a href="https://www.theguardian.com/world/2023/jan/04/eu-to-require-travellers-from-china-to-take-pre-departure-Covid-tests">autres pays</a> ont aussi adopté cette démarche. (<em>L’Europe « encourage » ainsi ses États membres à demander un test négatif à l’embarquement en Chine, et à le compléter par des tests aléatoires à l’arrivée. Un séquençage des résultats positifs pourrait être recommandé pour identifier les nouveaux variants. Les eaux usées des toilettes des avions pourraient également être analysées dans cette optique, comme pour avoir une estimation du nombre de passagers contaminés, ndlr.</em>)</p>
<p>Mais nous savons depuis bien avant le Covid que le contrôle aux points d’entrée et de sortie d’un pays est <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/16/23/4638">largement inefficace</a> pour contrôler la propagation internationale de maladies infectieuses. Un tel dépistage s’est d’ailleurs avéré <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2020.25.5.2000080?crawler=true">peu utile</a> dès le <a href="https://theconversation.com/pour-arreter-le-variant-omicron-fermer-les-frontieres-nest-pas-la-solution-172746">début de la pandémie</a>.</p>
<p>Et même si les tests aux frontières étaient efficaces pour contrôler la propagation du virus, son mérite dans des pays comme le Royaume-Uni ou en Europe – où le SARS-CoV-2 et nombre de ses variants circulent déjà – serait limité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197445/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Paul Hunter est consultant pour l'Organisation mondiale de la santé. Il reçoit des financements du National Institute for Health Research, de l'Organisation mondiale de la santé et du Fonds européen de développement régional.</span></em></p>La Chine connaît une vague de Covid sans précédent qui coïncide avec sa levée des restrictions. Mais la fin de la politique zéro Covid n’explique pas tout : le point sur les données complémentaires.Paul Hunter, Professor of Medicine, University of East AngliaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1968192022-12-20T15:58:08Z2022-12-20T15:58:08ZLouis Pasteur : l’empreinte toujours d’actualité d’un révolutionnaire en blouse<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/501896/original/file-20221219-18-dfqqrh.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C27%2C1547%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Louis Pasteur était un expérimentateur hors pair.</span> <span class="attribution"><span class="source">DR</span></span></figcaption></figure><p>Toutes les plus grandes découvertes scientifiques n’ont pas donné lieu à des prix Nobel.</p>
<p>Ainsi, <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-0691.2012.03945.x">Louis Pasteur</a>, dont on célèbre le bicentenaire de la naissance (1822-1895), est sans doute le microbiologiste le plus connu au monde et l’un de ceux dont l’impact reste le plus important. On lui doit notamment la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK24649/">théorie des germes responsables de maladies</a> et l’invention du processus de pasteurisation – qui porte son nom – pour conserver les aliments.</p>
<p>Il a également développé les vaccins <a href="https://doi.org/10.1111%2Fj.1365-2249.2012.04592.x">contre la rage</a> et la <a href="https://www.cdc.gov/anthrax/basics/anthrax-history.html">maladie du charbon</a>, et a apporté une contribution majeure à la <a href="https://www.vbivaccines.com/evlp-platform/louis-pasteur-attenuated-vaccine/#">lutte contre le choléra</a>.</p>
<p>Mais il est mort en 1895… Six ans avant l’attribution du premier <a href="https://www.nobelprize.org/">prix Nobel</a> ! Le prestigieux prix, <a href="https://www.nobelprize.org/the-nobel-prize-organisation/#">jamais attribué à titre posthume</a>, ne figurera donc jamais à son palmarès.</p>
<p>À l’heure du <a href="https://theconversation.com/Covid-19-un-hiver-imprevisible-sous-le-sceau-de-la-diversification-massive-et-inedite-domicron-192897">Covid-19</a> et où les <a href="https://theconversation.com/comment-les-changements-environnementaux-font-emerger-de-nouvelles-maladies-130967">maladies infectieuses émergentes ou réémergentes</a> représentent une menace croissante – polio, <a href="https://theconversation.com/variole-du-singe-cette-circulation-de-la-maladie-est-completement-nouvelle-183517">monkeypox (variole du singe)</a> ou <a href="https://doi.org/10.12703/b/9-9">rage</a> –, il est impressionnant de se remémorer l’héritage de Pasteur. Ses efforts ont bouleversé la façon dont nous percevons les maladies infectieuses et dont nous pouvons les combattre par le biais des vaccins.</p>
<p>J’ai travaillé dans des <a href="https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/">laboratoires médicaux et de santé publique</a> en me spécialisant dans les virus et autres microbes, tout en <a href="https://www.health.txstate.edu/cls/">formant de futurs scientifiques en biologie médicale</a>. Ma carrière a débuté en virologie, alors que je travaillais à la <a href="https://scholar.google.com/citations?user=8XtvOZ8AAAAJ&hl=en">détection et la surveillance de la rage</a> – entre autres agents zoonotiques. Et, un siècle plus tard, elle repose toujours largement sur les travaux pionniers de Pasteur en microbiologie, immunologie et vaccinologie.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration en noir et blanc de Pasteur au milieu de patients" src="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=492&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486641/original/file-20220926-8928-88tfgu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=618&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Louis Pasteur (à droite) supervisant l’administration de son vaccin contre la rage à l’Institut portant son nom à Paris, en 1886.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/an-illustration-shows-french-biologist-louis-pasteur-right-news-photo/1266883710">Library of Congress/Interim Archives via Getty Images</a></span>
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<h2>En premier lieu, un chimiste</h2>
<p>Selon moi, les plus grandes contributions de Pasteur à la science sont ses remarquables réalisations dans le domaine de la microbiologie médicale et de l’immunologie… Toutefois, son parcours commence par la chimie organique.</p>
<p>Étudiant, Pasteur est fortement influencé par un de ses maîtres, le <a href="https://www.britannica.com/biography/Jean-Baptiste-Andre-Dumas">chimiste français Jean-Baptiste-André Dumas</a>. Pendant cette période, le jeune homme, curieux, s’intéresse à de nombreux domaines, allant des origines de la vie à l’étude de la <a href="https://www.pasteur.fr/en/institut-pasteur/history/early-years-1847-1862">lumière polarisée et de la cristallographie</a>.</p>
<p>En 1848, quelques mois seulement après avoir obtenu son doctorat, Pasteur se lance dans l’analyse des propriétés des cristaux formés lors de la fabrication du vin : il découvre qu’ils se <a href="https://journals.openedition.org/bibnum/443">présentent sous des formes « inversées » (comme nos mains)</a>, une propriété connue sous le nom de chiralité. Cette découverte, qui a un impact sur la lumière, est devenue le fondement d’une sous-discipline de la chimie connue sous le nom de <a href="https://doi.org/10.1002/hlca.201900098">stéréochimie</a>, ou étude de la disposition spatiale des atomes dans les molécules. L’<a href="https://doi.org/10.1007/BF03401596">hypothèse est révolutionnaire</a>.</p>
<p>Ces découvertes vont le conduire à soupçonner ce qui allait être prouvé bien plus tard, par la biologie moléculaire : tous les processus de vie découlent de l’arrangement précis des atomes au sein des molécules biologiques…</p>
<h2>Vin et bière : de la fermentation à la théorie des germes</h2>
<p>La bière et le vin étaient <a href="https://ageofrevolutions.com/2016/12/05/intoxication-and-the-french-revolution/">essentiels à l’économie de la France</a> et de l’Italie dans les années 1800. Mais il n’était pas rare que les produits se gâtent et deviennent amers sinon dangereux à boire. À l’époque, la notion de « génération spontanée », selon laquelle la vie peut naître à partir d’une matière non vivante, est alors considérée comme le coupable de l’altération du vin…</p>
<p>Bien des scientifiques ont tenté de réfuter cette théorie, en vain. En 1745, le biologiste anglais <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/pdf/10.1098/rstl.1748.0072">John Turberville Needham</a> pense même avoir mis au point l’expérience parfaite en faveur de la génération spontanée : un protocole pour montrer que les micro-organismes peuvent se développer sur les aliments même après ébullition (la chaleur étant connue pour tuer les microbes). Après avoir fait bouillir du bouillon de poulet, il le place dans une fiole, qu’il fait chauffer à son tour avant de le sceller. Et au bout de quelque temps, victoire ! il constate bien le développement de nouveaux micro-organismes.</p>
<p>Cependant, son expérience <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17940406/">présente deux défauts majeurs</a> : d’une part, le temps d’ébullition adopté n’était pas suffisant pour tuer tous les microbes présents ; d’autre part, ses flacons n’étaient fermés que dans un second temps, ce qui permettait leur contamination microbienne.</p>
<p>Pour mettre fin à cette bataille scientifique aux conséquences majeures, l’Académie des sciences française décide d’organiser une sorte de concours de la meilleure expérience <a href="https://doi.org/10.1080/00033798800200281">pour prouver ou réfuter la génération spontanée</a>. Pasteur s’y inscrit. Il conçoit une série d’expériences, qu’il compilera en 1861 dans un de <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffimmu.2012.00068">ses essais les plus importants. :« Mémoire sur les corpuscules organisés qui existent dans l’atmosphère – examen de la doctrine des générations spontanées »</a>.</p>
<p>Le chimiste-biologiste touche-à-tout considère l’une de ces expériences comme « inattaquable et décisive » car, contrairement à Needham, après avoir véritablement stérilisé ses cultures, il les préserve de toute contamination ultérieure grâce à un procédé aussi simple qu’élégant : l’utilisation de ses désormais célèbres flacons à col de cygne, dont le long col en forme de S permettait à l’air de circuler tout en empêchant les éventuelles particules présentes d’atteindre le bouillon pendant le chauffage. Et de fait, ses flacons sont restés vierges de toute croissance microbienne.</p>
<p>Ce qui prouva, définitivement, que si l’air n’était pas admis directement, alors aucun « micro-organisme vivant n’apparaissait, même après des mois d’observation » ; à l’inverse, si de la poussière était introduite, des microbes apparaissaient. La controverse est définitivement close.</p>
<p>Grâce à ce processus, Pasteur a non seulement réfuté la théorie de la génération spontanée, mais il a également démontré que les micro-organismes étaient partout. Ce sont eux qui gâtent aliments et vins qu’ils contaminent – et des entités apparues de rien. la <a href="https://doi.org/10.3389%2Ffimmu.2012.00068">théorie moderne des germes de la maladie est née</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AJByE5jO6Ys?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Les découvertes de Pasteur restent de première importance aujourd’hui.</span></figcaption>
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<h2>Aux origines de la vaccination</h2>
<p>Dans les années 1860, alors que l’industrie de la soie était dévastée par deux maladies qui <a href="https://www.pasteur.fr/fr/institut-pasteur/notre-histoire/deuxieme-epoque-1862-1877">infectaient les vers à soie</a>, Pasteur <a href="https://doi.org/10.1111/j.1469-0691.2012.03945.x">met au point un procédé ingénieux</a> permettant d’examiner les œufs de vers à soie au microscope et de préserver ceux qui étaient sains. À l’instar de ses efforts dans le domaine du vin, il a pu appliquer ses observations aux méthodes industrielles et est devenu une sorte de <a href="https://doi.org/10.3390%2Fbiom12040596">« héros français »</a>, à tout le moins un de ses scientifiques les plus connus.</p>
<p>Même <a href="https://www.biography.com/scientist/louis-pasteur">avec une santé défaillante</a> suite à une grave attaque cérébrale qui l’a laissé partiellement paralysé, Pasteur va poursuivre son travail. En 1878, il identifie notamment et réussit à cultiver la bactérie <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2012.00068">responsable du choléra aviaire</a>.</p>
<p>Il remarque également que les anciennes cultures bactériennes n’étaient plus nocives et que les poulets vaccinés avec ces dernières pouvaient survivre à l’exposition aux souches sauvages et toujours virulentes de la bactérie. Autre observation fondamentale : des poulets apparemment sains pouvaient excréter les bactéries nocives… Un constat qui a contribué à établir un concept important, devenu très familier à l’ère du Covid-19 : les individus asymptomatiques, des « porteurs sains », peuvent aussi propager des germes.</p>
<p>Après le choléra aviaire, Pasteur se tourne vers la prévention de l’<a href="https://rarediseases.org/rare-diseases/anthrax/">anthrax (maladie du charbon)</a>, un fléau alors très répandu chez le bétail et d’autres animaux – causé par la bactérie <em>Bacillus anthracis</em>. S’appuyant sur ses propres travaux et sur ceux du médecin allemand <a href="https://doi.org/10.12816/0003334">Robert Koch</a>, Pasteur développe le concept des <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2012.00068">versions « atténuées », ou affaiblies, des microbes</a> pour les utiliser dans les vaccins.</p>
<p>À la fin des années 1880, il démontre sans l’ombre d’un doute que l’exposition du bétail à une forme affaiblie virus via un vaccin (en l’occurrence contre la maladie du charbon) pouvait entraîner ce que l’on appelle désormais l’immunité – et réduire considérablement la mortalité du bétail, et bientôt de l’être humain.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Image de synthèse du virus de la rage, qui ressemble ici à une pomme de pin" src="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=337&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486643/original/file-20220926-25-dha566.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le virus mortel de la rage (en brun). Bien qu’elle puisse être évitée par la vaccination, la rage tue encore chaque année environ 59 000 personnes dans le monde.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/illustration/rabies-virus-illustration-royalty-free-illustration/1191008423">Nano Clustering/Science Photo Library via Getty Images</a></span>
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<h2>La percée du vaccin contre la rage</h2>
<p>De mon point de vue professionnel, la découverte de Louis Pasteur de la vaccination contre la rage est la plus importante de toutes ses réalisations.</p>
<p>La rage, qui se transmet de l’animal à l’homme <a href="https://doi.org/10.12703/b/9-9">par morsure</a>, a été qualifiée de <a href="https://www.goodreads.com/book/show/13403051-rabid">« virus le plus diabolique du monde »</a>.</p>
<p>Travailler avec ce pathogène reste incroyablement dangereux car, sans vaccination, à partir du moment les symptômes apparaissent, la <a href="https://www.elsevier.com/books/rabies/wilson/978-0-323-63979-8">mortalité avoisine les 100 %</a>. <a href="https://gallica.bnf.fr/blog/09122022/pasteur-et-la-decouverte-du-vaccin-contre-la-rage?mode=desktop">Grâce à une observation astucieuse</a>, Pasteur découvre que faire sécher de la moelle épinière de lapins et de singes enragés morts permettait d’obtenir une forme affaiblie du virus. En utilisant cette version affaiblie comme vaccin avant d’exposer progressivement des chiens au virus de la rage, il réussit à les immuniser efficacement.</p>
<p>Puis vient le passage à l’Homme. En juillet 1885, <a href="https://www.pbs.org/newshour/health/louis-pasteurs-risky-move-to-save-a-boy-from-almost-certain-death">Joseph Meister, un garçon de 9 ans, est mordu par un chien enragé</a>… La mort du garçon étant presque certaine, sa mère l’emmène à Paris pour voir Pasteur, car elle avait entendu qu’il travaillait à la mise au point d’un traitement.</p>
<p>Pasteur accepte de s’occuper de l’enfant. Avec deux médecins, il lui administre une série d’injections pendant plusieurs semaines. La survie du jeune Joseph va provoquer une stupéfaction mondiale : pour la première fois, un remède permettait de survivre à cette maladie mortelle. Cette découverte ouvre la voie à l’utilisation généralisée du vaccin antirabique du biologiste français, ce qui permettra de <a href="https://doi.org/10.3390%2Ftropicalmed2020005">réduire considérablement la mortalité due à la rage</a>.</p>
<h2>Une vie digne du Nobel</h2>
<p>Pasteur a dit un jour que « dans les domaines de l’observation, le <a href="https://www.nhlbi.nih.gov/directors-messages/serendipity-and-the-prepared-mind">hasard ne favorise que les esprits préparés</a> ». Lui était prêt.</p>
<p>Il a su utiliser ce qu’il voyait lorsque de ses expériences pour se confronter à certains des dilemmes les plus dramatiques auxquels l’humanité a été confrontée.</p>
<p>Bien que Louis Pasteur soit décédé avant l’instauration du prix Nobel, ses découvertes et sa contribution aux sciences dans les domaines de la médecine, des maladies infectieuses, de la vaccination, de la microbiologie et de l’immunologie le placent parmi les plus grands scientifiques de tous les temps.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/196819/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rodney E. Rohde a reçu des financements de l'American Society of Clinical Pathologists (ASCP), de l'American Society for Clinical Laboratory Science (ASCLS), du ministère américain du Travail (OSHA) et d'autres entités/fondations publiques et privées. Il est affilié à l'ASCP, à l'ASCLS et à l'ASM, et fait partie de plusieurs conseils consultatifs scientifiques (voir <a href="https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/service/">https://rodneyerohde.wp.txstate.edu/service/</a>).</span></em></p>À l’occasion du bicentenaire de sa naissance, il est important de rappeler l’impact fondamental de Louis Pasteur : médecine, biologie… ont été bouleversées par son esprit curieux et ses expériences.Rodney E. Rohde, Regents' Professor of Clinical Laboratory Science, Texas State UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1880972022-08-03T17:56:35Z2022-08-03T17:56:35ZMVA-Imvanex : les atouts d’un « vieux » vaccin antivariolique contre la variole du singe<p>1977, le dernier cas connu de variole était enregistré. Trois ans plus tard, le 8 mai 1980, l’OMS prononçait l’éradication mondiale de la maladie. On aurait pu penser que les recherches sur les vaccins dirigés contre le virus responsable de cette infection allaient prendre fin…</p>
<p>Cela n’a pas été le cas, et ce pour plusieurs raisons.</p>
<p>Tout d’abord parce que bien que la maladie ait été éradiquée, le virus de la variole (VARV), lui, ne l’était pas. Des souches existaient (et existent) toujours, conservées dans des laboratoires dédiés et sécurisés – alimentant ainsi la crainte de les voir utilisées comme arme biologique.</p>
<p>Ensuite parce que si la variole dans sa « version » spécifiquement humaine a disparu, d’autres infections ont émergé au cours du XX<sup>e</sup> siècle, provoquées par des pathogènes de la même famille (poxvirus) : les virus de la Vaccine (VACV), Cowpox (CPXV) et Horsepox qui sont proches et dont les <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/j.1365-2133.1994.tb04969.x">infections restent assez anecdotiques</a>, et le virus Monkeypox (MXV), <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35148313/">responsable depuis les années 1970 d’épidémies régulières dont la fréquence tend à augmenter avec le temps</a>.</p>
<p>Enfin parce qu’on a découvert, au début des années 1980, que les vaccins antivarioliques pouvaient être utilisés comme des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28057259/">« plateformes vaccinales » de nouvelle génération, très utiles en vaccinologie moderne</a>. On introduit dans le génome du virus utilisé dans le MVA un bout d’ADN codant pour une protéine d’un autre pathogène (spicule du SARS-CoV-2 par exemple) : après injection du vaccin, cette protéine virale va être exprimée, ce qui va permettre à l’organisme de développer une réponse anticorps protectrice contre celle-ci. Cette technique a été utilisée pour les vaccins anti Covid-19 d’Astra Zeneca et Janssen, qui se sont servis d’adénovirus utilisés comme « plateformes ».</p>
<h2>Aux origines d’un vaccin devenu incontournable</h2>
<p>Le vaccin contre la variole est, historiquement, considéré comme le premier depuis qu’Edward Jenner en 1798 a recouru à l’injection du virus présent chez la vache (Cowpox) pour protéger contre la variole humaine. Il imaginait ainsi une alternative plus sure et plus efficace à la variolisation (inoculation du « vrai » virus de la variole).</p>
<p>Les techniques de production des vaccins antivarioliques vont ensuite s’industrialiser et abandonner le virus Cowpox pour le VACV. Cultivées sur des peaux d’animaux autres que leur hôte habituel, ces souches virales vont certes conserver leur capacité à provoquer une réaction immunitaire mais devenir moins virulentes : on parle de virus « atténués ». Elles conservent également, malheureusement, la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21198662/">capacité de se répliquer et peuvent poser des problèmes de tolérance et de sécurité des vaccins qui les emploient</a> – tel Dryvax.</p>
<p>La variole étant associée à une lourde mortalité et une lourde morbidité, ces inconvénients ne sont devenus problématiques que lorsque l’incidence de la maladie a commencé à décroître. Ce qui a poussé à rechercher des vaccins plus sûrs.</p>
<p>Dans les années 1970-1980, il n’existait toutefois qu’un seul autre type de vaccin : les vaccins à virus inactivés, sans agent infectieux vivant. Or si ces derniers sont mieux tolérés, ils sont de moins bons immunogènes – l’inactivation (par la chaleur, produits chimiques…) dénaturant ici les éléments viraux nécessaires à l’établissement d’une bonne réponse immunitaire. La technique ne fut donc pas retenue.</p>
<p>L’amélioration des techniques d’atténuation a donc été privilégiée, aboutissant à des <a href="https://theconversation.com/variole-du-singe-le-point-sur-les-vaccins-et-traitements-antiviraux-183964">vaccins de deuxième puis de troisième générations</a>.</p>
<p>Les <strong>vaccins de deuxième génération</strong> (tel ACAM 2000) ont été produits via des cultures cellulaires ayant enfin les conditions de stérilité nécessaires. Leur profil de tolérance reste toutefois non optimal, et ils ne peuvent être utilisés chez les sujets immunodéprimés ou souffrants d’eczéma par exemple. Ils représentent cependant la majorité des stocks de vaccins antivarioliques disponibles (les États-Unis ont commandé plus de 200 millions de doses en 1999-2001).</p>
<p>La poursuite des efforts d’atténuation des souches initiales ont conduit à la production de deux souches utilisées pour les <strong>vaccins de troisième génération</strong> : LC16m8, développé par Kaketsuken au Japon, et MVA (Modified Ankara Vaccine), développé par la société Bavarian Nordic au Danemark.</p>
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<h2>MVA : un vaccin de troisième génération contre la variole humaine…</h2>
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<img alt="Dose d’Imvanex « suspension for injection, Smallpox vaccine »" src="https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=973&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=973&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=973&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1223&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1223&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477390/original/file-20220803-11-hia8e7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1223&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le MVA (Modified Ankara Vaccine), commercialisé en Europe sous le nom Imvanex, utilise une souche du virus de la vaccine atténuée, ce qui permet de supprimer les effets secondaires des générations de vaccins plus anciennes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Daniel Lelièvre</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>La souche virale utilisée dans le MVA a vu sa virulence largement atténuée suite à sa longue mise en culture sur des cellules d’embryon de poulet. Elle y a <a href="https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jgv/10.1099/0022-1317-72-5-1031">perdu une grosse partie de son génome</a>… et la majeure partie de ses effets indésirables.</p>
<p>Bien que produit peu de temps avant l’annonce de l’éradication de la variole, le vaccin a pu être utilisé sur le terrain, ayant obtenu en 1977 une autorisation de mise sur le marché en Bavière (Allemagne). Il est actuellement disponible sous différentes appellations selon les régions/pays : Imvanex en Europe, Imvamune au Canada et Jynneos aux États-Unis.</p>
<p>Son excellent profil de tolérance a ainsi pu être observé chez les plus de 120 000 personnes auxquelles il a été administré avant l’arrêt de la vaccination antivariolique. Contrairement aux vaccins des générations précédentes, le MVA n’induit pas de réaction cutanée lorsqu’il est administré par scarification. Les études cliniques ont toutefois montré que la méthode optimale était l’injection sous-cutanée.</p>
<p>Mais sa bonne tolérance allait-elle de pair avec une bonne efficacité ? Des <a href="https://www.fda.gov/media/131870/download">études d’immunogénicité ont été effectuées dans un deuxième temps</a>. Sept essais cliniques ont ainsi été réalisés (essais Pox-MVA-005, 006, 008, 011, 013, 023, 024). Ils ont permis d’inclure près de 7500 sujets d’âge différents, ayant ou non déjà été vaccinés avec un produit d’une génération antérieure, présentant ou non des problèmes de santé (482 sujets infectés par le VIH inclus dans l’essai Pox-MVA-011), recevant une ou deux (la plupart du temps) doses de vaccin – administré alors 28 jours après la première.</p>
<p>L’objectif principal de ces essais était d’analyser la capacité d’induire une réponse anticorps neutralisante. Les résultats ont été positifs : une seule dose suffisait chez les sujets ayant été vaccinés dans l’enfance contre la variole, deux étaient nécessaires chez les sujets vierges de vaccination (chez eux, une dose permettait d’induire une réponse anticorps au bout de deux semaines, mais elle n’atteignait son plateau que deux semaines après la deuxième dose).</p>
<p>À noter que s’il n’a pas été possible d’apprécier son efficacité clinique réelle, elle a pu être abordée de manière indirecte : dans l’essai MVA-Pox-006, la réaction cutanée induite par un autre vaccin (ACAM 2000) a été atténuée par l’injection du MVA.</p>
<h2>… efficace aussi contre la variole dite « du singe »</h2>
<p>L’<a href="https://theconversation.com/symptomes-evolution-traitement-ce-quil-faut-savoir-de-la-variole-du-singe-186277">efficacité du MVA contre la variole dite du singe</a> (provoquée par le virus Monkeypox) a d’abord été suggérée de manière indirecte.</p>
<p>Elle pouvait être suspectée, sachant que le vaccin utilisé contre la variole humaine est déjà dérivé d’un virus présent chez l’animal. Puis, un <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2396013/">premier cas d’infection par le virus Monkeypox a été observé scientifiquement</a> : survenue chez un enfant non vacciné contre la variole, la maladie ne s’est pas propagée chez ses proches vaccinés dans le passé.</p>
<p>Cette protection s’est ensuite amenuisée au fil du temps, à mesure que les dernières campagnes de vaccination contre la variole s’éloignaient. Ainsi, si on estimait la protection induite par la vaccination antivariolique à environ 85 % en Afrique dans les années 1980 (soit environ cinq ans après l’arrêt de la vaccination antivariolique), une <a href="https://journals.asm.org/doi/10.1128/CVI.00148-07">étude de 2003 aux États-Unis</a> (soit 33 ans après) menée après une épidémie a montré que la protection avait largement chuté. Seuls 24 % des cas ayant contracté le MKP avaient été vaccinés contre la variole.</p>
<p>Les données d’efficacité du MVA ont ensuite été obtenues dans les modèles animaux, notamment chez les macaques. <a href="https://www.microbiologyresearch.org/content/journal/jgv/10.1099/vir.0.010207-0">Vaccinés, ces singes sont protégés de toute issue fatale</a>.</p>
<p>Enfin, entre 2017 et 2019, <a href="https://cdn.who.int/media/docs/default-source/blue-print/day-2_-brett-petersen_drc-vaccine-study_monkeypox-meeting_03june2022.pdf">1600 volontaires ont été inclus dans un essai de phase 2 en République démocratique du Congo visant à étudier la réponse immunitaire anti-virus Monkeypox du MVA</a>. Outre la confirmation de la très bonne tolérance du vaccin, l’essai a prouvé l’induction d’une réponse d’anticorps neutralisants anti-virus Monkeypox efficace avec un pic de production au jour 42 (14 jours après la deuxième dose). Il était suivi d’une diminution rapide chez les participants jamais vaccinés, et d’un maintien à des niveaux plus stables chez ceux qui avaient été vaccinés dans l’enfance avec diminution lente jusqu’à deux ans après l’injection.</p>
<h2>Quelle stratégie vaccinale adopter ?</h2>
<p>Si le vaccin MVA semble efficace contre l’infection par le virus Monkeypox, la question se pose de son utilisation pratique dans le contexte d’une flambée épidémique telle que nous la connaissons actuellement : <a href="https://www.cdc.gov/poxvirus/monkeypox/response/2022/world-map.html">plus de 25 000 cas à l’échelle mondiale</a>, dont 2239 en France début août.</p>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0264410X11009546">stratégies de vaccination développée contre la variole</a>, notamment celle dite « en anneau », ont également été utilisées avec les vaccins contre le <a href="https://www.bmj.com/content/1/6123/1317">méningocoque</a>, les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/22108037/">oreillons</a> et, plus récemment, <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(16)32621-6/fulltext">Ebola</a>.</p>
<p>L’objectif de cette stratégie est de stopper la propagation de la maladie en ne vaccinant que les individus les plus susceptibles d’être infectés. Elle passe par l’identification de qui une personne contaminée est susceptible d’infecter ou d’avoir infecté, et d’avoir à disposition pour ces contacts des vaccins fournissant une prophylaxie post-exposition – c’est-à-dire capable d’induire une réponse immunitaire protectrice rapide (pour leur éviter de développer la maladie s’ils ont été contaminés).</p>
<p>Les stratégies de vaccination en anneau intègrent généralement également les contacts des contacts, pour essayer de contenir au mieux l’infection.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Plus on inclut de contacts et de contacts secondaires, plus l’efficacité attendue est haute" src="https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/477376/original/file-20220803-22-r88iag.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La stratégie de vaccination en anneau consiste à ne vacciner que l’entourage des personnes à risque et/ou infectées : leurs contacts, et les contacts de leurs contacts.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Jean-Daniel Lelièvre</span>, <span class="license">Author provided</span></span>
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<h2>Quel est le niveau de protection obtenu ?</h2>
<p>Les données disponibles montrent que les anticorps antivarioliques administrés par voie intramusculaire permettent de <a href="https://academic.oup.com/cid/article/39/6/819/358180">prévenir l’infection chez les sujets qui avaient des contre-indications à la vaccination avec des vaccins de première et deuxième générations</a>.</p>
<p>Ce rôle important des anticorps a été confirmé chez le macaque, chez qui la déplétion des lymphocytes B – aboutissant à celle des anticorps – après vaccination <a href="https://www.nature.com/articles/nm1261">abolit la protection contre une infection par le virus Monkeypox</a>.</p>
<p>Nous avons vu que la réponse anticorps n’atteignait son pic qu’après la deuxième dose. Or, cela semble impliquer qu’une vaccination post-infection n’a pas d’intérêt… puisque le délai d’induction de la réponse optimale (42 jours) est supérieur au temps d’incubation de la maladie (5 à 21 jours).</p>
<p>Plusieurs éléments permettent de tempérer cette première conclusion hâtive.</p>
<p>Tout d’abord, un délai important ne remet pas en cause la stratégie en anneau. Si la réponse anticorps est maximale à J+42, cela ne veut pas dire qu’elle n’apparaît pas plus tôt et n’est pas efficace plus précocement chez certains sujets.</p>
<p>Par ailleurs, pour importante qu’elle soit, la réponse anticorps n’est pas la seule à prendre en compte. La protection suite à une vaccination peut aussi être portée par une réponse anticorps non neutralisante (non étudiée dans le contexte Monkeypox mais pour laquelle on dispose de données pour les vaccins contre le Covid-19), la réponse lymphocytaire T ou la réponse immunitaire innée. L’injection du MVA est aussi associée à l’induction d’une forte réponse immunitaire innée de type interféron (efficace contre les infections virales) <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/21198662/">bien supérieure à celle suivant l’administration de vaccins antivarioliques de deuxième génération</a>.</p>
<p>Une dose unique de MVA s’est avérée susceptible de protéger les macaques contre une infection sévère avec le virus Monkeypox <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0804985105">dès le quatrième jour suivant la vaccination</a>.</p>
<p>Toutefois, deux éléments importants sont à prendre compte. Premièrement, la dose de vaccin utilisée est importante puisqu’elle est la même que chez l’Homme et le macaque, alors que le poids de ce dernier est en moyenne dix fois inférieur. Deuxièmement, si la première dose protège d’une l’évolution fatale, <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.0804985105">elle ne protège pas de l’infection comme le montrent les lésions cutanées développées</a>.</p>
<p>Dès lors, il est difficile de conclure quant à l’efficacité de la seule vaccination en anneau.</p>
<p>Devant la difficulté de sa mise en place et la nécessité de l’induction d’une protection tant individuelle que collective, une <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3351443/fr/monkeypox-une-vaccination-preventive-proposee-aux-personnes-les-plus-a-risque-d-exposition">vaccination des populations les plus touchées</a> actuellement (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes ou HSH, personnes trans avec des partenaires sexuels multiples, personnes en situation de prostitution, professionnels des lieux de consommation sexuelle) a rapidement été mise en place. (<em>Le <a href="https://twitter.com/FrcsBraun/status/1554911757520588800?cxt=HHwWgMC-waqAlJQrAAAA">ministre de la Santé, François Braun,</a> ayant déclaré que « la France avait de quoi vacciner la population cible</em> (…)<em>, à savoir 250 000 personnes » ; plus de 16 000 injections ont déjà été réalisées, ndlr</em>).</p>
<h2>Quel futur pour la vaccination anti-Monkeypox ?</h2>
<p>Le MVA s’impose donc comme un acteur déterminant de la lutte contre l’infection par le virus Monkeypox.</p>
<p>Si son efficacité biologique est plutôt bien évaluée, la vaccination large de la population actuellement la plus concernée par l’infection permettra d’apprécier précisément son efficacité clinique et aidera à déterminer les corrélats de protection induits par la vaccination, c’est-à-dire définir si un dosage biologique (anticorps neutralisant le plus souvent) permet de prédire la protection clinique.</p>
<p>Des études restent à mener pour préciser les modalités les plus pertinentes de la vaccination. Si les études chez l’animal ont montré qu’un intervalle trop court entre deux doses était <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32218996/">préjudiciable à l’induction d’une bonne réponse anticorps</a>, on ne connait pas le délai optimal entre celles-ci. Il faudra également déterminer le nombre de doses nécessaires chez les sujets immunodéprimés, et préciser comment générer une réponse à long terme.</p>
<p>Il n’est pas à exclure non plus, enfin, que la recherche doivent <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0042353">envisager la mise au point de nouveaux vaccins</a>, malgré les difficultés inhérentes à ce virus. L’émergence de nouvelles épidémies restant en effet possible…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188097/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Daniel Lelièvre a reçu des fonds de l'ANRS et de l'Inserm.</span></em></p>Alors que l’épidémie de Monkeypox (variole dite du singe) se développe en Europe, un ancien vaccin contre la variole confirme son efficacité. Comment le sait-on ? Comment fonctionne-t-il ?Jean-Daniel Lelièvre, PU-PH chef de service - directeur du département clinique du VRI - Expert vaccin HAS, OMS, EMA, InsermLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1875522022-07-26T21:20:20Z2022-07-26T21:20:20ZCovid : retour sur 30 mois de tribulations d’un virus humain chez l'animal<p>Depuis deux ans, l’Homme a amplifié et distribué le virus du Covid sur toute la planète, exposant au passage une grande partie du règne animal qui le côtoie… Quel bilan peut-on tirer aujourd'hui des affinités virales non humaines et du fameux risque si médiatisé du « réservoir animal » ?</p>
<p>En novembre 2020, comme responsable Vétérinaire du Parc Zoologique de Paris, je faisais un <a href="https://theconversation.com/des-chauves-souris-aux-visons-les-roles-passes-actuels-et-futurs-des-animaux-dans-la-covid-19-138279">premier point sur les confrontations entre l’animal et le virus du SARS-CoV-2</a>, fussent-elles imaginées, expérimentales ou « naturelles ». Après avoir prédit de grands risques de contamination sur d’innombrables espèces par le calcul théorique, il s'est finalement avéré que le vison d’Amérique était ce que l’humain avait rendu de plus exposé à ce virus. La raison étant que nous en faisons des élevages si denses qu’ils favorisent la dissémination virale.</p>
<p>En deux ans, la biographie scientifique humaine du SARS-CoV-2 s'est développée pour être particulièrement denses et exhaustive. Rarement un virus n’a été aussi intensément suivi, ses moindres variants génétiques traqués quasiment en temps réel, la plus infime modification spatiale d’une de ses protéines épiée : plus de 180 000 articles ont été publiés depuis le 1<sup>er</sup> janvier 2020 jusqu’à aujourd’hui.</p>
<p>De ce volume impressionnant, 5 à 6 % des articles portent sur les infections animales, chiffre plutôt stable au fil des mois.</p>
<h2>Le lion, le rat et le Covid…</h2>
<p>41 : il s’agit du nombre d’espèces sur lesquelles une infection au SARS-CoV-2 a été constatée comme possible jusqu’en juillet 2022. Pour 14 d’entre elles, cette contamination a été provoquée expérimentalement, mais <a href="https://vis.csh.ac.at/sars-ani/">pour les 27 autres, il s’agit d’infections <em>in natura</em></a> – terme ici plutôt erroné, car ces passages dits « naturels » sont en fait, le plus souvent, originaire d’une source primaire humaine, donc d’animaux vivants en milieu plus anthropisé que « naturels »…</p>
<p>Cela ne représente que 0,75 % des espèces de mammifères décrites sur la planète. Au-delà de ce chiffre probablement sous-évalué mais finalement assez réduit, penchons-nous sur le nombre d’« évènements » identifiés, à savoir les cas où un ou plusieurs animaux d’une même unité ont été diagnostiqués infectés hors étude expérimentale : il est de l’ordre de <a href="https://vis.csh.ac.at/sars-ani/">700 à 1000 évènements</a>, allant d’un seul animal jusqu’à plusieurs milliers (élevage de visons, cerfs de Virginie, etc.)</p>
<p>La définition d’un animal infecté est déjà une étiquette difficile à poser. <em>Stricto sensu</em>, ne devraient être intégrés que les animaux pour lesquels une multiplication du virus dans les tissus a été prouvée, c’est-à-dire une détection de virus dit « vivant » et en réplication. Ainsi, les études dites « sérologiques », dans lesquelles n’est mise en évidence que la présence d’anticorps, formulent généralement l’hypothèse d’une infection préalable, mais cela reste difficilement vérifiable en l’absence d’un examen clinique antérieur pour constater l’infection.</p>
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<img alt="Un écouvillon est enfoncé dans la narine d’un puma allongé" src="https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/475623/original/file-20220722-18-5a85e2.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Écouvillonnage nasal d’un puma lors d’un contrôle de routine sous anesthésie au Parc Zoologique de Paris. Quatre cas d’infection de SARS-CoV-2 ont été rapporté depuis 2020 chez cette espèce en captivité.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Parc Zoologique de Paris/MNHN</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Certains cas rapportés posent d’ailleurs question quant aux méthodes employées pour conclure à l’infection de l’animal. Citons deux exemples :</p>
<ul>
<li><p>Le premier est un <a href="https://europepmc.org/article/ppr/ppr440367">centre de soins de la faune sauvage au Brésil qui rapporte une infection des lamantins</a> en réhabilitation après avoir trouvé du SARS-CoV-2 sur un écouvillon fait dans le nez des siréniens. En réalité, ces animaux en soins sont gardés à l’année dans une eau qui n’est pas stérilisée, dans un milieu très urbanisé où il est très probable qu’un grand nombre de copies virales subsistent dans l’environnement. Trouver de l’ARN viral sur le nez d’un animal aquatique qui passe 24h/24 dans un tel milieu, soigné par des humains, n’est guère très étonnant. Il est ainsi difficile d’en conclure quoi que ce soit sur une infection, une réplication du virus dans les poumons du lamantin, et encore plus sur sa capacité à devenir réservoir.</p></li>
<li><p>Le deuxième exemple est celui de la méthode sérologique employée. Après avoir sorti de nombreuses publications sur les taux de séropositivité SARS-CoV-2 parfois élevé chez les chats périurbains ou les cervidés sauvages, certaines équipes commencent à citer des <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35352999/">biais méthodologiques, comme la présence encore non élucidée d’anticorps réagissant aux tests dits « spécifiques » du virus chez certains chats</a>, en particulier sur des échantillons pris bien avant la période pandémique. Il est ainsi possible qu’en recherchant des anticorps dirigés contre certaines régions virales, on découvre une immunité déjà existante contre d’autres (corona)virus possédant des séquences antigéniques similaires, brouillant ainsi les pistes si on ne double pas avec d’autres tests.</p></li>
</ul>
<p>Cependant, le <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.01.20.476458v1.full">Canada</a> et les États-Unis ont bien découvert que le virus circulait chez le cerf à queue blanche depuis des mois. On peut trouver plusieurs raisons à cela : dans les premières hypothèses théoriques de sensibilité au virus, cette espèce de cervidé avait été classée <a href="https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2010146117">comme à haut risque</a>, du fait de la conformation de son récepteur ACE2. De plus, il s’agit d’un des cervidés les plus nombreux sur la planète : on compte plus de 33 millions d’individus en Amérique de nord.</p>
<p>Cette densité et sa gestion cynégétique locale intensive en font une espèce quasi urbaine dans de nombreuses villes américaines, très proches des activités humaines. Il en résulte un <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-021-04353-x">taux d’incidence très élevé, estimé entre 20 et 40 %</a>, portant toujours sur les animaux chassés.</p>
<p>Il est alors intéressant d’observer la situation des cervidés chassés de l’autre côté de l’Atlantique : nos cerfs élaphes, daims ou chevreuils sont certes un moins nombreux (aucune de ces espèces ne dépasse les 10 millions d’individus sur toute l’Europe) et sont eux aussi chassés, mais gérés avec bien moins de proximité humaine. De nombreux pays (Suède, Allemagne, Autriche, France, etc.), alarmés par la découverte américaine, ont mené des études sur leurs cerfs sauvages. Résultat : aucun animal infecté, <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9031146/">aucun séropositif</a>.</p>
<p>Signalons d’ailleurs que le <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/rapports-publications/releve-maladies-transmissibles-canada-rmtc/numero-mensuel/2022-48/numero-6-juin-2022/surveillance-faune-ontario-quebec-sras-cov-2.html">Canada a élargi ses recherches à d’autres espèces sauvages connues comme sensibles (raton laveur, vison…)</a> et n’a détecté aucun animal positif en Ontario et au Québec. La diffusion du virus vers la faune sauvage dite périurbaine semble ainsi pour le moment bien plus anecdotique que ne le prévoyaient les simulations alarmistes de 2021.</p>
<h2>Des variants et des animaux</h2>
<p>Les virus trouvés chez les animaux sont souvent séquencés et répertoriés dans les grandes bases de données génomiques en ligne pour que, selon les principes de la science ouverte, l’<a href="https://www.nature.com/articles/s41597-022-01543-8">information profite à tous en temps réel</a>.</p>
<p>La consultation de ces bases nous apprend que les variants les plus retrouvés chez les animaux sont Alpha, mais surtout Beta et Delta. La majorité des cas où des animaux sauvages en captivité ont démontré des symptômes – très souvent passagers et légers – est d’ailleurs associée au variant Delta, connu pour sa contagiosité augmentée et surtout une sévérité des signes plus importante chez notre espèce. Ce fut particulièrement le cas pour les cas de lions, tigres ou léopard des neiges de zoo en 2021 dans l’hémisphère Nord.</p>
<p>Depuis 2020, les chercheurs savent que la cible cellulaire du virus, le fameux récepteur « ACE2 », en fait une menace importante puisque cette molécule est assez bien conservée à travers les plus de 6000 espèces de mammifères. C’est pour cette raison que l’infection expérimentale finit par fonctionner sur beaucoup d’espèces : en administrant de très grandes quantités de virus, on arrive à obtenir un schéma infectieux qui ne se produit pas ou peu avec des expositions plus réduites sur le terrain. Par exemple, en conditions expérimentales, on arrive très difficilement à infecter les bovins, seul un faible pourcentage se contaminent… mais cela ne se produit heureusement pas naturellement au sein des 1,5 milliard de vaches de la planète.</p>
<p>L’adéquation entre la protéine « Spike » de SARS-CoV-2 et l’ACE2 humain est très précise, une horlogerie fine qui fonctionne donc moins bien avec l’ACE2 des mammifères non humains… sauf si des mutations « améliorent » la situation.</p>
<p>C’est le cas de la fameuse mutation « N501Y », notamment apparue avec le variant Alpha, et qui, même s’il n’y pas de « filiation » entre les variants, existe jusqu’aux variants « Omicron » actuels. La substitution de ce seul acide aminé en position 501, au milieu des 1272 autres que comportent la protéine « Spike », non seulement augmente les capacités de contagion du virus, mais aussi permet quasiment à elle seule la <a href="https://www.nature.com/articles/s41392-021-00704-2">liaison de l’ACE2 de souris avec le virus</a>, ce qui ne fonctionnait initialement pas sur les souches originelles du SARS-CoV-2.</p>
<p>Dans la communauté scientifique, on peut noter deux types de réactions à cette information : certaines équipes y voient un <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00215-2">marqueur de l’origine possiblement animale d’Omicron</a>, tandis que d’autres voient surtout le <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-30698-6">risque de son expansion chez les rongeurs</a>, qui pourrait alors devenir un réservoir majeur sous nos pieds. De très nombreux pays <a href="https://www.researchgate.net/publication/361960941_Monitoring_Urban_Zoonotic_Virus_Activity_Are_City_Rats_a_Promising_Surveillance_Tool_for_Emerging_Viruses">surveillent les rongeurs urbains</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8447303/">depuis 2021</a>, et les résultats prouvent jusqu’ici que ces animaux ne sont pas porteurs du SARS-CoV-2.</p>
<p>Les craintes de voir naître un « incubateur à variants » proche de l’Humain se sont focalisées sur les chiens, chats et rongeurs, si nombreux et si proches des activités humaines…</p>
<p>Ce sont toutefois les visons d’Amérique et les cerfs de Virginie qui ont montré les circulations intra-espèces les plus nombreuses et durables. Pour ces deux espèces, comme pour les <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-022-00322-0">hamsters d’animalerie à Hongkong</a>, de <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.02.22.481551v3">rares cas de « retour » viral à l’Homme sont documentés ou craints</a>, mais ils restent finalement anecdotiques face aux contaminations interhumaines.</p>
<p>Les suivis réalisés sur les visons et les cerfs de Virginie montrent d’ailleurs que le virus n’a <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-30698-6">pas drastiquement augmenté le nombre de mutations pour circuler chez ces espèces</a> : au bout de deux ans, il n’y a ainsi aucun signe d’une adaptation à un autre hôte que nous.</p>
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<h2>Faut-il vacciner les animaux ?</h2>
<p>Sur le socle désormais incontournable du concept <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">« une seule santé » (One Health)</a>, le fameux principe de la balance bénéfice-risque, si souvent débattu au sujet de la vaccination humaine, s’applique tout autant pour l’animal. Quelques voix s’élèvent pour proposer de déplacer l’outil vaccinal depuis la population humaine vers les populations animales, de manière à prévenir le risque de transmission et l’apparition de réservoirs.</p>
<p>Historiquement, les premiers vaccins humains furent évalués sur des animaux assez tôt en 2020, menant ensuite à l’injection de milliards de doses humaines de plus d’une trentaine de vaccins différents. Le nombre de vaccins mis sur le marché pour les animaux est au contraire resté très restreint et se compte sur les doigts d’une patte.</p>
<p>Il est d’ailleurs intéressant de noter que les premières motivations pour mettre ces vaccins sur le marché n’étaient pas tant d’empêcher la création de réservoirs que de sauvegarder la filière d’élevage des animaux à fourrure…</p>
<p>Le vaccin russe Carniva-Cov, le vaccin finlandais Furcovac et même le vaccin américain/européen de chez Zoetis : tous visaient prioritairement les carnivores élevés pour leur fourrure, visons en tête : l’objectif annoncé de ces vaccins est alors un mélange assez flou entre la prévention du risque « réservoir » et surtout la protection d’un élevage économique important, pour éviter une perte sèche comme celle du Danemark où furent euthanasiés plus de 17 millions de visons en 2020.</p>
<p>Au titre des bénéfices à tirer de la vaccination animale, la protection de l’individu ou de son espèce n’est pas vraiment un argument : les formes graves sont rares chez les animaux, et le niveau de protection conféré par les vaccins peu connu et probablement variable entre les espèces. Prenons l’exemple des gorilles ou des tigres : il s’agit d’espèces sensibles à ce virus mais, en deux ans, on ne compte que quelques dizaines de cas – bénins – sur les milliers de tigres ou les centaines de gorilles en captivité, et aucun cas prouvé dans le milieu sauvage. Pas vraiment de quoi déclencher un plan vaccinal massif des individus sauvages comme captifs…</p>
<p>La seule exception pour le moment est celle des furets à pieds noirs aux USA : après être passée « à deux griffes » de l’extinction, la population sauvage reste sous la barre des 350 individus : en 2020 et 2021, plusieurs centres de reproduction fournissant des animaux pour la réintroduction ont <a href="https://theconversation.com/le-concept-one-health-doit-simposer-pour-permettre-lanticipation-des-pandemies-139549">vacciné une partie de leur cheptel</a>, mais ont en même temps noté que les furets infectés ne faisaient pas de formes graves et récupéraient facilement seuls.</p>
<p>De même, la protection des animaux domestiques n’est pas non plus un objectif sérieux : si le nombre de chiens sur la planète avoisine le milliard et qu’ils se contaminent parfois auprès de leur maître positif, ils <a href="https://theconversation.com/covid-19-et-si-mon-animal-etait-contamine-135726">font des formes cliniques courtes et peu importantes et ne transmettent quasiment pas le virus à leurs congénères canins, et encore moins à l’homme</a>. Le chien domestique reste un vecteur « passif » du virus entre deux personnes proches, mais au même titre qu’un tissu ou un objet, ce que le vaccin ne résoudra nullement.</p>
<p>À l’inverse, au titre des risques, la liste est plus longue : impact des injections sur le bien être des animaux sauvages, effets sur le système immunitaire de nombreuses espèces… et surtout l’imprévisible comportement du virus chez une espèce animale vaccinée. On sait par exemple que pour les virus influenza, des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3165837/">vaccinations de masse des oiseaux peuvent avoir un effet pervers d’échappement antigénique et de sélection des souches virales avec le temps</a>. Il paraît ainsi plutôt dangereux de lancer une vaccination préventive massive des chiens, chats ou autres espèces sauvages et de créer un risque plus grand que les cas anecdotiques de passage de l’animal vers l’homme.</p>
<h2>Quelle conclusion après deux ans de ping-pong viral entre l’Homme et l’animal ?</h2>
<p>Le premier constat est une confirmation virologique de l’origine animale et du profil « généraliste » de ce virus grâce notamment à son récepteur ACE2 très répandu chez les mammifères.</p>
<p>Il s’est adapté et spécialisé sur l’espèce humaine mais conserve un profil global lui permettant toujours de passer, moins facilement, sur d’autres espèces tandis que son profil génétique s’adaptait toujours plus finement à nos cellules. Ce qui fait que nous restons son hôte principal.</p>
<p>Le second constat est d’ordre presque philosophique : le SARS-CoV-2 se révèle un formidable miroir, qui nous renvoie assez brutalement l’image de nos relations actuelles avec l’animal : celles oubliés, comme l’industrie de la fourrure que certains pensaient éteinte, ou celles paradoxales, comme ces 30 millions de cervidés qui sont intensivement chassés mais viennent aussi brouter dans les quartiers résidentiels américains.</p>
<p>Les tribulations de ce virus chez l’animal nous enseignent finalement la même leçon que son apparition en 2019 : nous devons rapidement remettre de la distance avec l’animal, pour notre bien à tous.</p>
<hr>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=484&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/328409/original/file-20200416-192725-wmbl1n.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=609&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article fait partie de la série « Les belles histoires de la science ouverte », publiée avec le soutien du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Pour en savoir plus, veuillez consulter la page <a href="https://www.ouvrirlascience.fr/">Ouvrirlascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187552/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexis Lécu ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Venu de l’animal, le virus du Covid est aujourd’hui bien installé chez l’Homme. À quel point les espèces qui nous entourent sont-elles vulnérables ? Et quel risque entoure les échanges entre espèces ?Alexis Lécu, Docteur Vétérinaire, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1875652022-07-24T15:48:59Z2022-07-24T15:48:59ZDébat : L’obligation vaccinale… pour certains ou pour tous ?<p>Dans son <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3356224/fr/avis-n2022-0044/ac/sespev-du-21-juillet-2022-du-college-de-la-haute-autorite-de-sante-relatif-a-l-obligation-de-vaccination-contre-la-covid-19-des-professionnels-des-secteurs-sanitaire-et-medico-social#:%7E:text=Voir%20aussi-,Avis%20n%C2%B02022.0044%2FAC%2FSESPEV%20du%2021%20juillet%202022,secteurs%20sanitaire%20et%20m%C3%A9dico%2Dsocial">avis du 21 juillet 2022 relatif à l’obligation de vaccination contre le Covid-19 des professionnels des secteurs sanitaires et médico-social</a>, la Haute Autorité de santé rappelle que, « interrogée en juillet 2021 au sujet de l’obligation vaccinale, elle avait considéré que la couverture vaccinale des professionnels de santé, et plus largement de ceux qui ont des contacts fréquents et rapprochés avec des personnes vulnérables, revêtait un enjeu éthique autant que de santé publique ».</p>
<p>Le ministre de la Santé et de la prévention ayant saisi la HAS « pour obtenir son avis sur la pertinence du maintien ou de la levée de cette obligation de vaccination », l’instance maintient sa position opposée à toute évolution :</p>
<blockquote>
<p>« Au vu du contexte épidémique dynamique, des incertitudes sur l’évolution de l’épidémie dans les prochains mois, et de l’efficacité d’un schéma vaccinal complet à réduire le risque d’être infecté et de transmettre la maladie, la HAS considère que les données ne sont pas de nature à remettre en cause l’obligation vaccinale des personnels des secteurs sanitaire et médico-social qui concourt à une meilleure protection des personnes soignées ou accompagnées, au premier rang desquelles les plus vulnérables. »</p>
</blockquote>
<p>Elle rejoint l’Académie nationale de médecine qui affirmait sa position du 19 juillet 2022 que <a href="https://www.academie-medecine.fr/reintegrer-les-soignants-non-vaccines-contre-la-covid-19-serait-une-faute/">« réintégrer les soignants non vaccinés contre le Covid-19 serait une faute »</a>.</p>
<p>« Enjeu éthique », « faute »… Au-delà d’arguments scientifiques qui ne sauraient être contestés dès lors que des instances compétences en légitiment la pertinence, je ne suis pas certain que ces positions de jugement moral abordent le fond de la question politique à laquelle l’exécutif est confronté. Car si pour l’exemplarité et à juste titre – du fait d’une proximité évidente avec des personnes en situation de vulnérabilité – les professionnels du sanitaire et du médico-social doivent être vaccinés, considérons que nous sommes collectivement vulnérables au risque de contamination et donc responsables nous aussi à l’égard de la stratégie vaccinale.</p>
<p>Dès lors ne persistons pas à esquiver un enjeu qui s’impose à nous : <a href="https://theconversation.com/debat-lobligation-vaccinale-une-exigence-ethique-et-politique-157257">devons-nous décider d’une vaccination obligatoire</a> et donc systémique de l’ensemble de la population ?</p>
<h2>Au-delà des professions de santé</h2>
<p>Si des moyens (à préciser du fait de leurs conséquences en termes de libertés individuelles et de préservation de la confidentialité) devaient être mis en œuvre pour contrôler l’effectivité de la décision, quelles mesures seraient appliquées aux intervenants en contact direct avec des personnes dans la vie publique, je pense par exemple aux enseignants, à nos interlocuteurs dans les administrations mais aussi aux modalités pratiques d’une même exigence de sécurité sanitaire dans les entreprises ou dans les transports ?</p>
<p>À aucun moment ces aspects de santé publique n’ont été sérieusement abordés dans les débats parlementaires de ces derniers jours, et encore moins dans les prises de position de l’exécutif. Le principe d’égalité et celui de réciprocité constituent deux considérations qu’il nous faut appliquer aux approches de l’obligation vaccinale pour tous.</p>
<p>Ayant compris que le contexte démocratique actuel n’était pas favorable aux concertations qui permettraient d’examiner la justification de l’obligation vaccinale, dès le 2 mai 2022 <a href="https://theconversation.com/debat-retablir-dans-leurs-droits-les-professionnels-non-vaccines-pour-une-amnistie-presidentielle-et-une-convention-citoyenne-182304">j’ai développé des arguments en faveur d’une révision de l’interdiction d’exercice des professionnels pour motif de non vaccination</a>. Il me semblait que l’on pouvait se permettre cette ouverture et l’accompagner d’un débat qui, je le constate, intervient dans le contexte des débats parlementaires relatifs à la « loi sanitaire » alors qu’il aurait pu être anticipé.</p>
<p>Les prises de positions nécessairement contradictoires font apparaître que les règles auraient pu être revues sans pour autant donner à penser que les professionnels seraient alors en quoi que ce soit légitimés dans un choix personnel que je réprouve, ne serait-ce que d’un point de vue déontologique.</p>
<p>Je reprends donc en quelques points mon argumentation qui visait à envisager un mode de médiation et de réintégration au cas par cas dans une vie professionnelle dont je sais en quoi elle s’exerce dans la responsabilité et le souci de l’autre. Il est excessif d’évaluer le sens d’un engagement à l’aune d’un refus qui n’équivalait pas à l’expression d’une irresponsabilité.</p>
<p>D’autres professionnels – eux vaccinés – ont pour leur part fait le choix de mettre un terme à leur activité dans des établissements hospitaliers ou du médico-social, opposés à d’autres formes de contraintes qui dénaturaient les valeurs de leur métier. Ils sont plus nombreux que ceux qui ont été exclus pour refus de vaccination, et ne sont pas davantage que les autres irresponsables dans leurs choix. Ils fragilisent pourtant ceux qui sont accueillis dans les établissements, mais tout autant leurs collègues en devoir de suppléer aux carences (parfois même quand ils sont contaminés) !</p>
<h2>Une exigence de cohérence et d’apaisement</h2>
<p>Réintégrer les professionnels qui n’ont pas accepté la vaccination obligatoire relevait selon moi d’un choix politique, dès lors que les instances scientifiques n’estimaient pas cette mesure incompatible avec la situation sanitaire actuelle.</p>
<p>Il ne s’agissait en rien d’une réhabilitation, et les pouvoirs publics n’y auraient pas perdu leur crédibilité à imposer demain de telles mesures si les contraintes l’imposaient.</p>
<p>D’un point de vue strictement éthique, trois considérations peuvent éclairer les instances publiques. Bien que je respecte les récentes positions de la HAS et de l’Académie nationale de médecine, je me demande si l’interdiction professionnelle est aujourd’hui nécessaire et proportionnelle aux risques sanitaires tels qu’ils sont évalués (et dont on constate qu’ils n’ont pas justifié jusqu’à présent de dispositifs particuliers en dépit d’un rebond épidémique) ? N’est-il pas fondé, pour toute mesure adoptée dans l’urgence, d’évaluer sa pertinence et donc sa réversibilité possible selon ces critères qui tiennent compte de la complexité des arbitrages sur la base d’expertises scientifiques évoluant en fonction de l’acquisition des connaissances (ce qui est le cas à propos de l’efficacité des vaccins) ?</p>
<p><a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/446939/3513870">Santé Publique France a dénombré 97 492 cas d’infections nosocomiales</a> avec pour conséquences des complications souvent graves, mais plus encore 310 décès de personnes hospitalisées. Je ne minimise donc pas l’importance de règles sanitaires strictes qui de toute évidence ne sont pas limitatives à la vaccination (cela d’autant plus que la majorité des contaminations nosocomiale est attribuée à des personnes hospitalisées).</p>
<p>Dès lors qu’il convient d’être soucieux de professionnels plus exposés que d’autres au risque de transmission du virus, encore conviendrait-il de nous assurer que, bien que contaminés, certains d’entre eux ne sont pas requis pour maintenir leur activité dans des services qui manquent de collaborateurs, ce qui semble le cas.</p>
<p>Je comprends parfaitement l’argumentation présentée par l’Académie nationale de médecine mais ne considère pas comme « une faute » ou « un revirement » l’éventualité de leur permettre de reprendre leurs activités. Si la décision de réintégration avait été prise, elle devait être accompagnée d’un entretien personnel de réintégration favorisant un dialogue de fond, ainsi que d’une démarche d’explicitation notamment à destination des professionnels qui, à juste titre, ont considéré qu’accepter la vaccination était un acte de responsabilité et de solidarité qui relevait de leur déontologie.</p>
<p>Pour avoir échangé ces derniers jours, suite à mes prises de position défavorables au maintien d’une mesure qui devrait être suspendue, j’ai compris que, comme la société dans son ensemble, ils aspirent à ce que l’on renonce au registre de la vindicte, de l’opprobre et de l’opposition des uns aux autres, car il dégrade la vie démocratique et les relations professionnelles.</p>
<p>L’Académie nationale de médecine évoque à juste titre un nécessaire « climat de confiance » ainsi que la « cohésion ». Je partage cette préoccupation, y ajoutant une exigence de cohérence et d’apaisement dont dépendra demain l’acceptabilité de mesures dont nous ne pourrions nous exonérer.</p>
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<h2>Envisager une concertation nationale ?</h2>
<p>À la défiance qui s’est renforcée au cours de ces deux années de pandémie entre la société civile et les instances gouvernementales, doit désormais répondre la réhabilitation d’un principe de confiance réciproque. Une telle visée se construit dans la concertation indispensable, comme l’exprimait le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) dans son <a href="https://www.ccne-ethique.fr/node/398">avis n° 137 du 2 septembre 2021</a>.</p>
<p>N’oublions pas que nombre des professionnels qui ont été interdits d’exercice étaient, dès février-mars 2020, sur le front dans les hôpitaux et les Ehpad sans bénéficier de dispositifs de protections. Ils ont défendu les valeurs du soin au point d’être considérés, un temps donné, comme nos héros !</p>
<p>C’est pourquoi je témoigne de ma sollicitude à leur égard, sans cautionner un choix personnel entachant l’exemplarité exigée des bonnes pratiques professionnelles, et me situais du côté de ceux qui interviennent aujourd’hui en faveur de leur réintégration. Mais je demande, de surcroît, aux instances publiques d’organiser une concertation nationale consacrée à l’obligation vaccinale.</p>
<p>Car il s’agit là de la question qui s’impose à nous, aussi délicate soit-elle, si l’on souhaite parvenir à une position incontestable face aux dilemmes de choix politiques dont les aspects éthiques ne sont pas réductibles à la seule appréciation d’instances scientifiques dans un contexte donné. Cela ne m’empêche pas d’en comprendre les prudences et leur respect du principe de précaution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/187565/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’obligation vaccinale des professionnels de santé est maintenue. Pourra-t-on encore, demain, éviter l’obligation vaccinale pour tous ? Arguments et réflexions sur un sujet complexe.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1846152022-06-19T23:37:05Z2022-06-19T23:37:05ZReprise de l’épidémie de Covid : pourquoi les variants Omicron BA.4 et BA.5 gagnent la France<p><em>Oubliée des médias pendant plusieurs semaines, l’épidémie de Covid refait parler d’elle avec les variants BA.4 et BA.5 qui s’installent en France, avec <a href="https://covidtracker.fr/">plus de 100 000 cas positifs par jour début juillet</a>. Spécialistes de l’épidémiologie et de l’évolution des maladies infectieuses au sein de l’unité « Maladies infectieuses et vecteurs : Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle » (Université de Montpellier, CNRS, IRD), Mircea Sofonea, maître de conférences, et Samuel Alizon, directeur de recherche, décryptent la situation dans l’Hexagone. Que peut-on dire de ces variants ? Vont-ils entraîner une nouvelle vague cet été ?</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Le variant Omicron, devenu majoritaire au niveau mondial, continue à se répandre et à évoluer. Mais ses nouveaux avatars sont désormais désignés comme BA.1, BA.2, puis BA.4 et BA.5… Comment s’y retrouver ?</strong></p>
<p><strong>Samuel Alizon :</strong> Effectivement, il y a de quoi se perdre dans ce foisonnement de nomenclatures ! Les lettres grecques ont été introduites par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2021 avec le variant Alpha. C’est probablement la pire des classifications, car elle a été élaborée sans prendre en compte la biologie de l’évolution. Celles de <a href="https://cov-lineages.org/">Pango</a> ou <a href="https://clades.nextstrain.org/">Nextclade</a> sont bien plus adaptées. D’ailleurs, l’OMS semble avoir arrêté ses mises à jour et regroupe sous le terme générique d’Omicron tous les variants de type BA.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=209&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=262&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=262&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/468333/original/file-20220611-45684-b4361z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=262&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Circulation des lignées de SARS-CoV-2 en France de septembre de septembre 2021 à mars 2022 (A) et fréquence des infections causées par la lignée BA.2 (B).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Sofonea et coll. (2022, Emerging Infectious Diseases)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous avons modélisé la circulation des lignées de variants en France dans un <a href="https://wwwnc.cdc.gov/eid/article/28/7/22-0033_article">travail récent</a> (voir ci-dessus) et la première vague Omicron causée par la lignée BA.1 ressort dès fin 2021. Celle-ci a rapidement été supplantée par lignée BA.2, qui a causé une seconde vague hospitalière en avril 2022. Maintenant ce sont les lignées BA.4 et BA.5 qui prennent le pas.</p>
<p><strong>Mircea T. Sofonea :</strong> Ces lignées ont été identifiées courant mai, mais elles auraient vraisemblablement émergé au cours du mois de décembre 2021 en Afrique du Sud, potentiellement à partir de BA.2, la lignée majoritaire en France depuis mars 2022.</p>
<p>Tandis que le variant BA.2 était aussi différent de BA.1 que le variant Delta l’était du variant Alpha, la divergence évolutive entre BA.4 et BA.5 est plus limitée.</p>
<p>Toutefois, même si le nombre de nouvelles mutations est limité, certaines interpellent. Ainsi, la mutation 452R de la protéine Spike est connue pour conférer une plus grande affinité avec le récepteur humain ACE2, utilisé par le virus pour pénétrer dans nos cellules. La mutation 486V, toujours dans la protéine Spike, confère quant à elle une assez grande capacité d’évasion immunitaire au virus.</p>
<p>Néanmoins, il convient d’être prudent avec le raisonnement par analogie appliqué aux mutations isolées. Car l’effet de ces dernières n’est ni absolu ni cumulatif ; il dépend de l’ensemble du génotype, avec de potentiels phénomènes synergiques et antagonistes, y compris pour des positions éloignées sur le génome (on parle d’épistasie).</p>
<figure><a href="https://nextstrain.org/ncov/gisaid/global/6m?c=emerging_lineage&d=tree,frequencies&f_pango_lineage=BA.1,BA.2.12,BA.4,BA.5&label=clade:21M%20%28Omicron%29&lang=fr&p=full" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/467978/original/file-20220609-21-32q1uc.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Généalogie des lignées BA.1, BA.2, BA.4 et BA.5 inférée par l’équipe de nextrstrain.org selon la terminologie nextstrain, BA.1 correspond à 21K, BA.2 à 21L, BA.4 à 22A et BA.5 à 22B.</figcaption></a></figure>
<p><strong>TC : Ces mutations sont-elles des innovations de ces variants, ou BA.4 et BA.5 « piochent-ils » dans toutes les possibilités qui ont été testées par leurs prédécesseurs – Delta, Gamma, Beta, Alpha ?</strong></p>
<p><strong>MTS :</strong> Rappelons qu’Omicron n’est pas le descendant de précédents variants, mais un cousin éloigné, et que les virus ne mutent pas de façon volontaire ni dirigée. Les mutations détectées dans le génome d’une nouvelle lignée sont apparues par hasard.</p>
<p>La mutation 452R n’était pas présente dans les lignées BA.1 ou BA.2, mais on la trouvait bien chez le variant Delta. C’est d’ailleurs une des trois mutations recherchées dans les tests de criblages actuellement réalisés sur tous les tests PCR positifs en France.</p>
<p>La mutation 486V n’est associée à aucune des lignées circulant au sein de notre espèce, mais des <a href="https://science.sciencemag.org/content/early/2021/01/22/science.abf9302">expériences dites de <em>deep mutational scanning</em></a>, qui consistent à générer des protéines avec des mutations, l’avaient identifiée comme étant potentiellement impliquée dans l’évasion à l’immunité.</p>
<figure><a href="https://outbreak.info/compare-lineages?pango=BA.2&pango=BA.4&pango=BA.5&pango=BA.2.12.1&pango=B.1.1.7&pango=B.1.617.2&pango=B.1.351&pango=P.1&gene=S&threshold=75&nthresh=1&sub=false&dark=false" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/467980/original/file-20220609-14-8iv6cm.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=149&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Mutations présentes dans la protéine Spike pour les lignées Omicron/BA ainsi que pour les variants Alpha (B.1.1.7), Beta (B.1.351), Gamma (P.1) et Delta (B.1.617.2).</figcaption></a></figure>
<p><strong>SA :</strong> Concernant les différences entre variants, deux mécanismes génétiques sont impliqués : les mutations et la recombinaison. Cette dernière permet un brassage de portions entières du génome lorsque <a href="https://theconversation.com/covid-19-quel-est-le-risque-quand-deux-variants-se-retrouvent-dans-une-meme-cellule-174956">deux virus de lignées différentes « co-infectent » un même hôte</a>.</p>
<p>Au niveau biologique, plusieurs hypothèses coexistent pour expliquer l’émergence de variants : la circulation accrue dans une population, l’implication d’un réservoir animal ou les infections chroniques chez des personnes immunodéprimées. En effet, ces dernières ne parviennent pas à éliminer le virus, qui cause donc des infections plus longues et plus létales. Une prépublication (donc à prendre avec précautions, car non encore relue par les pairs) d’une équipe de New York décrit ainsi l’évolution intra-patient d’un virus BA.1 avec l’accumulation de mutations clés et, surtout, <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2022.05.25.22275533v1">sa transmission à au moins cinq autres personnes</a>.</p>
<p>Dans le cas de BA.4 ou BA.5, comme leurs différences avec BA.2 sont assez limitées, il pourrait ne s’agir que de mutations fixées au fur et à mesure de la circulation du virus.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi BA.4 et BA.5 se propagent-ils maintenant en France ?</strong></p>
<p><strong>SA :</strong> On peut facilement estimer un avantage de croissance d’une lignée par rapport à une autre dans une population. Selon notre équipe, celui de BA.5 est de l’ordre de 9 % en France par rapport à BA.2.</p>
<p>En revanche, il est compliqué de savoir d’où provient cet avantage. BA.5 se propage-t-il plus, car il est plus contagieux ? Ou bien parce qu’il échappe mieux à l’immunité ? Une <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.05.26.493539v1">prépublication par une équipe japonaise</a> et une <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04980-y">publication par une équipe chinoise</a> mettent en avant le rôle de l’échappement immunitaire, notamment via la mutation 486V.</p>
<p>Quelle que soit l’origine de cet avantage, cela peut contribuer à un rebond épidémique en France.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1534627321038131205"}"></div></p>
<p><strong>MTS :</strong> Un second mécanisme est aussi à l’œuvre dans l’Hexagone : l’immunité anti-SARS-CoV-2 – essentiellement hybride, c’est-à-dire à la fois post-vaccinale et post-infectieuse – décline avec le temps depuis le dernier événement immunogène (qu’il s’agisse d’une infection ou de la vaccination).</p>
<p>Si la protection conférée par une infection Omicron ou une 3<sup>e</sup> dose de vaccin reste notable après cinq mois vis-à-vis d’une forme grave, elle est revanche très diminuée vis-à-vis d’une infection quelconque. La susceptibilité de la population au virus (c’est-à-dire le pendant de l’immunité collective), se reconstitue donc avec le temps, ouvrant à terme la possibilité d’une reprise épidémique.</p>
<p>En résumé, BA.4 et BA.5 se propagent à la faveur du vieillissement de notre immunité, et le font plus rapidement que BA.2, car ils bénéficient d’un double avantage de contagiosité et d’échappement immunitaire. BA.4 et BA.5 induisent donc une vague plus tôt que BA.2 ne l’aurait fait.</p>
<p><strong>TC : La situation au Portugal a pu inquiéter. Mais peut-on tirer des enseignements des tendances observées dans les autres pays ?</strong></p>
<p><strong>MTS :</strong> Je suis réservé sur les comparaisons interpays : elles sont de plus en plus délicates, car la circulation courante dépend, outre des mesures sanitaires en place, de l’historique épidémiologique et immunologique, de plus en plus différencié selon les pays.</p>
<p>Au niveau de la France, il est même toujours difficile de comparer quantitativement le relâchement des mesures contribuant à la reprise, et le contexte estival qui la limite, avec des jours plus longs et plus chauds favorisant les interactions sociales en milieu aéré.</p>
<p><strong>SA :</strong> Le Portugal est un des pays européens où la vague BA.4/BA.5 est la plus avancée et s’accompagne d’une hausse des hospitalisations. Il est compliqué de savoir pourquoi elle y a débuté si précocement, mais, comme pour tous les débuts d’épidémies, le <a href="https://www.larecherche.fr/covid-19-coronavirus-epid%C3%A9miologie/les-hasards-variables-des-%C3%A9mergences-virales">rôle d’événements aléatoires du type « super-propagation » y est probablement pour beaucoup</a>.</p>
<p>Au niveau mondial, en Afrique du Sud, la vague BA.4/BA.5 semble sur le déclin. Aux États-Unis, en revanche, BA.2 a d’abord été remplacé par la lignée BA.2.12, mais celle-ci semble en voie de remplacement par BA.5.</p>
<figure><a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer?time=2021-07-13..latest&uniformYAxis=0&Metric=Cases+and+deaths&Interval=7-day+rolling+average&Relative+to+Population=true&Color+by+test+positivity=false&country=DEU~FRA~PRT~USA" target="_blank"><img src="https://images.theconversation.com/files/467984/original/file-20220609-8955-p73uas.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=532&fit=crop&dpr=1"><figcaption>Nombre de cas dépistés et décès chaque jour attribuables au Covid-19 en France, Allemagne et Portugal. On note le pic de BA.2 en France et en Allemagne en mars-avril, mais pas au Portugal qui, en revanche, a un pic BA.5 en juin. L’illustration provient de ourworldindata.org.</figcaption></a></figure>
<p><strong>TC : Peut-on anticiper les conséquences de ces remplacements entre variants sur les futurs pics épidémiques ?</strong></p>
<p><strong>SA :</strong> En 2021, en France, un nouveau variant remplaçait les anciens, car il était plus contagieux. Depuis décembre 2021, c’est plutôt l’évasion immunitaire qui mène le bal.</p>
<p>Ceci rend la modélisation de scénarios délicate. Les modèles de <a href="https://covid-ete.ouvaton.org/">notre équipe</a>, comme de ceux de l’<a href="https://research.pasteur.fr/fr/team/mathematical-modelling-of-infectious-diseases/">Institut Pasteur</a> ou de l’<a href="https://www.epicx-lab.com/covid-19.html">Institut Pierre Louis d’Epidémiologie et de Santé publique</a> tenaient déjà compte de la couverture vaccinale dans la population et du pourcentage de personnes ayant eu une infection naturelle.</p>
<p>En revanche, inclure le temps écoulé depuis la dernière vaccination ou infection naturelle est un défi, car, après deux ans de pandémie, deux campagnes vaccinales et une énorme vague BA.1, tout le monde a désormais une immunité différente !</p>
<p><strong>MTS :</strong> Nous avons développé des outils pour prendre en compte cette hétérogénéité de l’immunité dans les populations. Vu nos contraintes, <a href="https://covid-ete.ouvaton.org/Rapport18.html">nous nous focalisons pour le moment sur le temps long</a>, mais, en théorie, il devrait être possible d’utiliser ce cadre pour explorer des scénarios prospectifs à court terme.</p>
<p>Pour le moment, difficile de dire quelle sera l’ampleur exacte de la nouvelle vague épidémique qui débute. Cette vague, au sens génétique ou virologique, est déjà bien avancée et BA.5 deviendra majoritaire vraisemblablement d’ici le 20 juin. Si on peut compter sur l’été pour diminuer l’incidence par rapport à l’hiver, il n’empêchera pas, à lui seul, une vague de contamination. Pour mémoire, un des pics de circulation en France demeure août 2020, et la 4<sup>e</sup> vague (de Delta) avait connu son pic en juillet 2021.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184615/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Alizon est directeur de recherche an CNRS et a reçu des financements de la Région Occitanie et de l'ANR (projet PHYEPI) pour travailler sur le SARS-CoV-2. Ses recherches ont aussi été financées par le CNRS et l'INSERM (ATIP-Avenir), le Conseil de la Recherche Européen, la Fondation pour la Recherche Médicale, la Ligue contre le Cancer et l'Université de Montpellier.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mircea T. Sofonea et Samuel Alizon ont reçu des financements de la Région Occitanie (ANR PHYEPI) et de l'Université de Montpellier.</span></em></p>La récente poussée de contaminations par les variants Omicron BA.4 et BA.5 au Portugal et en Afrique du Sud inquiète en France. Déjà présents dans l'Hexagone, quel peut être leur impact ?Samuel Alizon, Directeur de Recherche au CNRS, Institut de recherche pour le développement (IRD)Mircea T. Sofonea, Maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses, laboratoire MIVEGEC, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1820852022-05-12T19:00:54Z2022-05-12T19:00:54ZQuel effet de la gestion du président Bolsonaro sur la mortalité due au Covid-19 au Brésil ?<p>Le Brésil fait partie des trois pays, avec les États-Unis et l’Inde, les plus affectés par la pandémie de Covid-19, que ce soit en termes de décès ou de cas confirmés (660 000 et 30 millions respectivement). Les doutes qui subsistent quant à la fiabilité des données officielles (surtout pour les infections, mais également pour les morts) ne sont pas en mesure de <a href="https://www.thelancet.com/action/showPdf?pii=S0140-6736%2821%2902796-3">remettre en question ce palmarès funeste</a>.</p>
<p>Dans un article publié fin 2021, nous mettions en lumière les facteurs de risque associés à la probabilité d’y être <a href="https://doi.org/10.1057/s41287-021-00487-w">contaminé par et de succomber au virus au cours de la première vague</a> de la pandémie (octobre 2020). À côté des éléments de vulnérabilités socio-économiques communs avec d’autres pays et aujourd’hui bien documentés (pauvreté, <a href="http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/informalite">informalité</a>, résidence dans les favelas, identité ethnoraciale…), le Brésil se démarquait par le rôle néfaste joué par son président, Jair Bolsonaro, dans la diffusion de la pandémie et que nous avons qualifié d’<em>effet Bolsonaro</em>.</p>
<p>Deux vagues plus loin, qui se sont soldées par 500 000 décès et 20 millions de cas de contamination supplémentaires mais ont vu l’arrivée des vaccins, ces résultats tiennent-ils toujours ? S’il est évident que l’attitude négationniste du président a entravé la mise en place d’une stratégie efficace de lutte contre la pandémie, il est beaucoup plus ardu de montrer quelle a été sa traduction sur le terrain et d’en quantifier les effets. <a href="https://dial.ird.fr/wp-content/uploads/2021/11/DOCUMENT-TRAVAIL-2022-03.pdf">C’est ce que nous tentons de faire une nouvelle étude</a>.</p>
<h2>Comment évaluer un éventuel impact de l’action présidentielle</h2>
<p>Pour tenter de répondre à cette question, deux approches sont en théorie envisageables, en fonction de l’unité d’analyse retenue : individuelle ou géographique.</p>
<p>Pour mettre en œuvre la première approche, il faudrait pouvoir disposer de données individuelles sur un échantillon représentatif de la population, qui à la fois informent sur le statut de chacun face à la maladie (décédé ou pas, contaminé ou pas), et de descripteurs sociopolitiques. Or d’une part, par définition, les enquêtes socio-économiques ne portent que sur les survivants (les morts ne parlent pas), tandis que les enquêtes et registres épidémiologiques sont en général très pauvres en information sur les caractéristiques individuelles (au mieux le sexe et âge, parfois les facteurs de co-morbidité), et n'incluent en aucun cas les préférences politiques.</p>
<p>La seule alternative possible consiste à mener l’analyse au niveau des localités. Si cette dernière ne permet pas de mesurer les risques individuels d’être affectés par la pandémie, elle présente de nombreux autres avantages.</p>
<p>Outre la possibilité de croiser un très large spectre d’indicateurs issus d’une multiplicité de bases de données indépendantes, cette approche se justifie pour trois autres raisons majeures :</p>
<ul>
<li><p>Elle permet de couvrir de manière exhaustive l’ensemble du pays,</p></li>
<li><p>La diffusion du virus dépend largement des interactions sociales,</p></li>
<li><p>Face au déni du gouvernement Bolsonaro, les politiques ont été conduites à l’échelle locale (États, municipalités). L’analyse porte donc sur les 5 570 municipalités du pays et a mobilisé le traitement de dizaines de millions d’observations.</p></li>
</ul>
<p>Le premier résultat clef est la confirmation que le Covid-19 a fait, toutes choses égales par ailleurs, plus de ravages dans les municipalités les plus favorables au président Bolsonaro (telles qu’appréciées à partir de ceux qui ont voté pour lui au premier tour de l’élection présidentielle de 2018, la dernière information disponible à ce niveau de détail).</p>
<p>Cet effet net mérite d’être d’autant plus souligné qu’en moyenne on observe la tendance… inverse : en effet, dans l’absolu, les municipalités bolsonaristes ont été plus épargnées par le Covid du fait qu’elles sont plus « blanches », plus éduquées, plus riches, etc. Autant de facteurs protecteurs face à la pandémie.</p>
<p>Une fois prises en compte ces caractéristiques structurelles, on identifie bien un <em>effet Bolsonaro</em> spécifique. Ce constat est à la fois le plus durable (il vaut pour toutes les sous-périodes) et le plus robuste. En dehors de l’âge, le seul autre facteur d’inégalité socio-économique qui se maintient au cours du temps est la pauvreté, à l’instar de ce qui a pu être observé en France.</p>
<p>Le discours de déni du président a induit ses partisans à adopter plus souvent des comportements à risque et à en subir les effets, avec pour conséquence directe d’accroître la probabilité d’infection de l’ensemble de la population qui les côtoie.</p>
<p>Le seul point positif à mettre à l’actif du président est sa <a href="https://journals.openedition.org/regulation/20124">politique massive de transfert monétaire d’urgence à l’attention des travailleurs informels</a>. Mais elle n’a partiellement protégé ces derniers en leur permettant de survivre sans emploi à la maison que lorsqu’elle était la plus massive, soit en début de pandémie.</p>
<h2>Les mécanismes de l’<em>effet Bolsonaro</em></h2>
<p>Pour aller plus avant, il convient de s’interroger sur les mécanismes qui ont conduit à cet <em>effet Bolsonaro</em>. Avec les données existantes, l’adhésion à deux des principales politiques qui ont été mises en œuvre au Brésil comme dans le monde, à savoir les mesures de distanciation sociale et la vaccination, peut être testée.</p>
<p>Concernant le confinement, face à l’incurie du gouvernement fédéral, les décisions ont été variables et prises en ordre dispersé par les autorités locales. Malgré tout, ces mesures ont été remarquablement suivies, comme en atteste la réduction drastique des déplacements des Brésiliens (données issues des comptes Facebook et Google), qui atteint près de 50 % dans les premiers mois de la pandémie.</p>
<p>Le relâchement des restrictions et des comportements a conduit à un quasi-retour à la normale à la fin de l’année 2020. Le rebond de la pandémie au deuxième trimestre 2021 s’est traduit par une nouvelle phase de confinement, mais celle-ci fut beaucoup moins respectée que lors de la première vague en dépit de sa plus grande gravité.</p>
<p>Dans ce contexte général, les résultats montrent que plus les municipalités sont favorables à Bolsonaro et moins leur population a limité ses sorties hors du domicile. Ce qui vient conforter les <a href="https://covidcrisislab.unibocconi.eu/sites/default/files/media/attach/CovidEconomics12-109-142-%25281%2529.pdf">conclusions de deux études</a> <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3582908">réalisées au début de la crise sanitaire</a>.</p>
<p>Ceci est vrai quelle que soit la période considérée, à l’exception de la fin 2020, lorsque la pandémie était au plus bas. De la même manière, une municipalité plus pauvre est associée à la fois à une plus grande mobilité relative et un taux de mortalité élevé.</p>
<p>Cependant, l’effet protecteur du confinement n’est que partiel comme en atteste le cas des municipalités plus âgées qui restent plus souvent touchées par la pandémie malgré des comportements plus prudents en matière de déplacement.</p>
<p>La vaccination constitue le second facteur potentiel par lequel l’<em>effet Bolsonaro</em> est susceptible d’avoir eu un impact sur la mortalité.</p>
<p>Après un démarrage poussif et en dépit de la résistance constante du président Bolsonaro, la campagne a été particulièrement efficace et le retard initial rattrapé. À la mi-mars 2022, 180 millions de Brésiliens avaient reçu au moins une dose et 168 millions le schéma de vaccination complet (85 % et 74 % de la population respectivement), soit des niveaux comparables à ceux de la France.</p>
<p>Cette fois, toute chose égale par ailleurs, la propension à voter Bolsonaro n’a en fait aucun effet sur la proportion de vaccinés (deux doses). Il est même positif, si l’on considère ceux qui ont pris au moins une dose.</p>
<p>Néanmoins, il apparaît que, dans un premier temps et conformément à l’intuition, les municipalités bolsonaristes se sont moins vaccinées que les autres. Ce n’est que dans un second temps qu’elles ont rattrapé leur retard. Tout se passe comme si les partisans du président avaient d’abord suivi sa propagande anti-vaccins avant de se raviser, à mesure que les résultats nationaux et internationaux apparaissaient de plus en plus probants.</p>
<p>Le programme national d’immunisation, assis sur la tradition historique du Brésil, reconnu comme l’un des pays les plus efficaces au monde en la matière, a eu raison des clivages politiques pourtant exacerbés par la rhétorique bolsonariste.</p>
<p>Elle n’a pas pris, notamment parce que le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27658738/">Brésil est l’un des pays où le rejet de la vaccination dépend le moins des convictions religieuses</a>, limitant ainsi d’autant le soutien des groupes évangéliques, traditionnels supporteurs du président.</p>
<h2>Un flot de déclarations ouvertement mensongères ou trompeuses</h2>
<p>Finalement, un faisceau de preuves convergentes accable le Président pour sa responsabilité dans l’hécatombe brésilienne de Covid-19. Pourtant, et en dépit de sa <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/10/21/bresil-la-gestion-criminelle-de-la-pandemie-de-covid-19-de-jair-bolsonaro_6099363_3210.html">condamnation fin 2021 par une commission d’enquête parlementaire</a> pour dix chefs d’accusation dont celui de crime contre l’humanité, sa popularité ne semble pas en avoir été affectée. Il s’emploie même à en tirer profit dans la perspective des prochaines élections pésidentielles, en octobre 2022, au motif qu’il aurait… arrêté la pandémie !</p>
<p>Après avoir déclaré qu’il ne s’agissait que d’une petite grippe (<em>uma gripezinha</em>), Jair Bolsonaro a enfreint ouvertement les consignes de distanciation sociale en participant à des manifestations et en multipliant les bains de foule, la plupart du temps sans porter de masque lui-même – remettant ainsi en question les mesures prises par les autorités (gouverneurs d’États et maires de municipalités).</p>
<p>Deux de ses ministres de la santé, issus du monde médical, ont été successivement démis car soupçonnés d’être trop indépendants et favorables aux mesures de restriction et d’hygiène. Ils ont finalement été <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34161187/">remplacés par un militaire sans expérience</a>. (<a href="https://www.france24.com/fr/am%C3%A9riques/20210316-covid-19-au-br%C3%A9sil-jair-bolsonaro-nomme-un-quatri%C3%A8me-ministre-de-la-sant%C3%A9-depuis-le-d%C3%A9but-de-la-pand%C3%A9mie"><em>Qui sera lui-même remplacé après quelques mois, ndlr</em></a>)</p>
<p>À de nombreuses reprises, Bolsonaro a vanté les bienfaits de l’hydroxychloroquine, affirmant à rebours de toutes les dernières études que son efficacité a été scientifiquement démontrée. En août dernier, il déclarait que le port du masque n’avait quasiment aucune efficacité (<em>eficácia quase nenhuma</em>). À la mi-octobre, et alors que plus de 150 000 personnes étaient officiellement décédées du Covid-19, il a affirmé que la pandémie était largement surestimée (<em>superdimensionada</em>). À la mi-novembre, il maintenait cette affirmation et mettait en doute l’arrivée de la seconde vague au Brésil (« conversinha de segunda onda »).</p>
<p>Les annonces fracassantes n’ont pas cessé. Le 5 mai 2021 dernier, s’adressant aux membres de la <em>Comissão Parlamentar de Inquérito (CPI) da Covid</em>, la commission parlementaire chargée d’enquêter sur la gestion de la pandémie par le gouvernement, il a qualifié de canailles (<em>canalhas</em>) ceux qui refusent de reconnaître l’efficacité du traitement précoce par hydroxychloroquine. Il a également menacé la Cour suprême (STF) et a attaqué la Chine, puisque selon lui le virus aurait été créé dans un laboratoire asiatique.</p>
<p>Une étude de journalisme de vérification (<em>fact-checking</em>) a analysé les déclarations publiques du président liées au Covid-19 entre le 11 mars et le 11 septembre 2020 : sur 1 417 occurrences, 653 se sont avérées ouvertement mensongères ou trompeuses. Une persévérance dans cette voie <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.10.20.20215962v1">confirmée par d’autres études</a>.</p>
<p>Parmi les fausses informations qu’il a relayées ou inventées, on trouve, pêle-mêle, l’annonce que les lits d’hôpitaux seraient vides comme les cercueils supposés contenir les morts du Covid-19, que le Brésil aurait atteint le stade de l’immunité collective ou encore que le <em>Supremo Tribunal Federal</em> (STF) l’aurait empêché de mener sa politique pour contenir l’épidémie… Début 2022, le <a href="https://www.leparisien.fr/societe/sante/covid-19-le-variant-omicron-na-tue-personne-au-bresil-minimise-le-president-bolsonaro-12-01-2022-BE5N43WZYRBMFOYVQQ4KDOZ57A.php">président affirmait même qu’au Brésil, le variant Omicron n’avait tué personne</a>.</p>
<hr>
<p><em>Les auteurs remercient Marta Castilho, Valéria Pero et João Saboia, de l’université fédérale de Rio, qui ont contribué à la rédaction la <a href="https://dial.ird.fr/wp-content/uploads/2021/11/DOCUMENT-TRAVAIL-2022-03.pdf">publication scientifique à la base de cet article</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182085/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>L’attitude de Jair Bolsonaro et son déni face au Covid a-t-il eu un effet mesurable sur l’impact de l’épidémie au Brésil ? Il est désormais prouvé que oui.François Roubaud, Économiste, statisticien, directeur de recherche à l’IRD et membre de l’UMR LEDa - DIAL, Institut de recherche pour le développement (IRD)Mireille Razafindrakoto, Directeur de recherche IRD, Institut de recherche pour le développement (IRD)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1823042022-05-02T19:05:33Z2022-05-02T19:05:33ZDébat : Rétablir dans leurs droits les professionnels non-vaccinés ? Pour une amnistie présidentielle et une convention citoyenne<p>Rétablir dans leurs droits les professionnels non vaccinés ? Il n’aurait pas été anodin de formuler cette question un 1<sup>er</sup> mai.</p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044315202">loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021</a> portant diverses dispositions de vigilance sanitaire prolonge l’effectivité de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 de la date du 31 décembre 2021 au 31 juillet 2022. Convient-il d’attendre cette échéance pour réintégrer les professionnels qui ont refusé l’obligation vaccinale relative au SARS-CoV-2 et n’exercent plus leur activité ?</p>
<p>Le président de la République a évoqué le 29 avril 2022 une telle éventualité que pourrait justifier une stabilisation confirmée de la situation sanitaire. S’agirait-il d’une amnistie présidentielle ?</p>
<p>Dans ce cas, si sa justification tenait au souci d’apaisement, de « réparation » attendu dans bien des champs de la vie sociale, n’affaiblirait-elle pas l’autorité publique dans ses choix décisionnels au cas où des rebonds de la pandémie imposeraient à nouveau des mesures d’urgence contraignantes ?</p>
<p>Une convention citoyenne portant sur l’obligation vaccinale en situation de crise sanitaire ne devrait-elle pas alors accompagner cette mesure politique ? Elle permettrait d’examiner et de discuter le champ de nos responsabilités à travers une consultation étayée par l’expérience des derniers mois et les données scientifiques, et ainsi d’associer la société civile aux dispositifs que pourrait préconiser notre représentation nationale après le 31 juillet 2022.</p>
<p>Du 20 juillet 2020 au 25 janvier 2022, Santé publique France dénombre <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/recensement-national-des-cas-de-covid-19-chez-les-professionnels-en-etablissements-de-sante">102 837 cas de Covid-19 chez les professionnels exerçant en établissement de santé</a> (dont 23 167 infirmiers et 19 635 aides-soignants), ainsi que 19 décès (aucun n’est intervenu depuis décembre 2020). <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/enquetes-etudes/signalement-d-infections-a-sars-cov-2-nosocomiales.-mars-2020-novembre-2021.-point-au-2-decembre-2021">Santé publique France reporte 6505 signalements d’infections à SARS-CoV-2 nosocomiales</a> entre mars et janvier 2022.</p>
<p>Cela doit nous inciter à des approches prudentes lorsque l’enjeu supérieur est la protection de la santé des personnes dans le contexte des pratiques soignantes à l’hôpital ou dans des établissements médico-sociaux comme le sont les Ehpad.</p>
<h2>Réfléchir à une convention citoyenne ?</h2>
<p>Dans cette perspective, quelques repères sont de nature à préciser le cadre et les enjeux de cette convention citoyenne.</p>
<p>Rappelons que la vaccination préventive du SARS-CoV-2 s’est imposée dès juillet 2020 dans les controverses publiques comme un marqueur de l’adhésion ou non « aux justes exigences de la morale, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique » (<a href="https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/">« Déclaration universelle des droits de l’homme »</a>, Assemblée générale des Nations unies, 10 décembre 1948, art. 29-2).</p>
<p>Cette exigence de santé publique constitue certainement l’expression la plus évidente des tensions éthiques et de gouvernance révélées et accentuées par les impacts d’une crise qui imposait des décisions d’intérêt général dans un contexte d’incertitude.</p>
<p>Le défi était de donner à comprendre, et tout autant à être assuré, que l’obligation vaccinale ne procédait pas d’une obstination politique disproportionnée au regard d’une analyse objective des circonstances, mais de la conviction qu’il s’agissait là du recours obligé à une riposte collective que les avancées inattendues des biotechnologies appliquées à la conception des vaccins rendaient tangibles.</p>
<p>Le privilège des pays qui disposent du système sanitaire et des ressources financières conditionnant la soutenabilité d’une stratégie vaccinale, est d’avoir pu s’autoriser une contestation de la vaccination motivée par une certaine conception de la liberté individuelle. D’autres nations dans le monde regrettent de n’avoir pas pu bénéficier d’une obligation universelle à accéder à la vaccination (y compris pour leurs soignants), faute de disposer de doses en dépit des besoins…</p>
<p>La <a href="https://modelisation-covid19.pasteur.fr/evaluate-control-measures/impact-partially-vaccinated-population/">position prônée le 29 juin 2021 par l’Institut Pasteur</a> devait-elle conduire l’État à imposer la vaccination obligatoire en termes d’efficacité ? : « Les personnes non vaccinées contribuent à la transmission de façon disproportionnée : une personne non vaccinée a 12 fois plus de risque de transmettre le SARS-CoV-2 qu’une personne vaccinée. […] » Notre gouvernement n’a pas choisi l’obligation vaccinale pour tous, lui préférant la forte incitation du passe vaccinal.</p>
<p>Il conviendrait de savoir si cette stratégie était la plus pertinente, alors que certains y ont interprété une incertitude sur l’efficacité du vaccin et donc une position de prudence.</p>
<p>Six mois après la position de l’Institut Pasteur, le 25 janvier 2022, le <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/covid-19-le-vaccin-est-un-peu-un-medicament-avec-une-action-formidable-pour-jean-francois-delfraissy_4929057.html">président du Conseil scientifique Covid-19</a> affirmait ainsi sur France Info que, si le vaccin a « une action formidable pour lutter contre les formes sévères », les scientifiques observaient néanmoins « une action limitée dans le temps et limitée sur la transmission ».</p>
<h2>Un vaccin attendu… mais « mal aimé »</h2>
<p>Le vaccin ARN messager a bénéficié d’autorisations de mise sur le marché à travers des procédures validées dans l’urgence. Mais <a href="https://theconversation.com/que-repondre-a-ceux-qui-hesitent-a-se-faire-vacciner-contre-la-covid-19-153131">sans lever les incertitudes et les craintes exprimées</a> par des personnes qui n’étaient pas toutes réductibles à la catégorie des « anti-vaccins » d’être incluses dans une expérimentation présentant des risques non négligeables. Ceci en <a href="https://www.inrae.fr/actualites/avantages-desavantages-risques-ce-quil-faut-savoir-vaccins-arn">dépit des arguments développés par les instances scientifiques</a>.</p>
<p>Revenons sur les <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043909676">conditions de mise en œuvre de l’obligation vaccinale</a>.</p>
<p>Elle s’est <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/je-suis-un-professionnel-de-sante-du-medico-social-et-du-social/obligation-vaccinale">imposée aux professionnels, étudiants ou bénévoles</a> intervenant dans le secteur de la santé ou du médico-social, les sapeurs-pompiers et personnes assurant la prise en charge des victimes, aux personnels naviguant et militaires affectés aux missions de sécurité civile, et aux prestataires de service et distributeurs de matériels.</p>
<p>D’emblée, nombre de professionnels de santé ont difficilement admis cette préconisation au sein de leur communauté. Théoriquement, ils étaient pourtant plus que d’autres en mesure d’en saisir les enjeux, ne serait-ce que pour se protéger et protéger autrui, ou par souci d’exemplarité. De surcroît ils acceptaient déjà quatre vaccins obligatoires.</p>
<p>Depuis le début de la crise sanitaire n’avaient-ils pas démontré leur esprit d’engagement, y compris lorsqu’ils ne disposaient pas des moyens de protection indispensables, pour être de la sorte menacés d’exclusion de l’hôpital ou de l’Ehpad, de perte d’emploi et de relégation sociale s’ils ne se soumettaient pas à l’injonction vaccinale ? Était-il dès lors inconcevable d’envisager les conditions d’un pacte de confiance alternatif à des procédures systématiques de vaccination, appliquées sans esprit critique, qui voulant imposer un comportement exemplaire et responsable s’avéraient pour certains professionnels plus proches de la soumission et d’une intrusion dans la sphère privée que d’un consentement libre, éclairé et exprès ?</p>
<h2>Éviter les discriminations</h2>
<p>Dans un remarquable document adopté le 27 janvier 2021, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe :</p>
<blockquote>
<p>« […] Demande [donc] instamment aux États membres et à l’Union européenne : de s’assurer que les citoyens et citoyennes sont informés que la vaccination n’est pas obligatoire et que personne ne subit de pressions politiques, sociales ou autres pour se faire vacciner, s’il ou elle ne souhaite pas le faire personnellement ; de veiller à ce que personne ne soit victime de discrimination pour ne pas avoir été vacciné, en raison de risques potentiels pour la santé ou pour ne pas vouloir se faire vacciner. » (« Vaccins contre la Covid-19 : considérations éthiques, juridiques et pratiques », Conseil de l’Europe, Résolution 2361 (2021), 7.3.1, 7.3.2, 27 janvier 2021)</p>
</blockquote>
<p>Qu’a-t-on fait de cette préconisation ?</p>
<p>Le triptyque de la méthode gouvernementale – <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/une_strategie_et_un_agenda_de_reouverture_mai_2021.pdf">« progressivité, prudence et vigilance »</a> – rappelé le 12 mai 2021, semble intégré comme mode de conduite au sein de la société. Il contribue, en dépit de contestations récurrentes mais somme toute peu représentatives, à une adhésion pour le moins tacite aux dispositions prescrites lorsqu’elles s’imposent sans susciter d’objections majeures.</p>
<p>Cette relation de confiance qui bénéficie également de l’efficacité plutôt reconnue de la stratégie vaccinale, pourrait toutefois être entamée demain par l’atténuation de l’efficacité attribuée à la vaccination du point de vue de la contamination et de la transmission du SARS-CoV-2. Peut-on en effet affirmer qu’il s’agit encore du « bouclier vaccinal » qui avait été présenté comme l’arme absolue nous permettant de retrouver nos libertés (pour autant qu’on en avait été véritablement spolié…) du fait de sa capacité d’atténuer l’intensité des contaminations ?</p>
<p>Le président de la République a provoqué une vive controverse le 4 janvier 2022 en exprimant son « envie » présidentielle – « les non-vaccinés, j’ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au bout. <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/une_strategie_et_un_agenda_de_reouverture_mai_2021.pdf">C’est ça, la stratégie</a>. »</p>
<p>Conviendra-t-il, sur la base de données épidémiologiques, que nous sommes parvenus « au bout », ne serait-ce que provisoirement, d’une phase active de la crise sanitaire ? Estimera-t-il que le contexte social serait désormais favorable à se concerter afin de tirer des enseignements indispensables à l’anticipation de circonstances analogues qui risquent de se reproduire dans les prochains mois ?</p>
<p>Nous gagnerions tous de ce temps de réflexion approfondie en dehors de l’état d’urgence. Dès lors, l’amnistie présidentielle prendrait la signification non pas d’un renoncement au devoir pour chacun d’assumer ses obligations, mais à l’exigence de dialogue afin de mieux donner à comprendre ce que sont les responsabilités engagées et à d’en saisir plus justement leur bien-fondé.</p>
<h2>Rétablir dans leurs droits les professionnels non vaccinés ?</h2>
<p>Cette éventualité apparaît recevable aujourd’hui. Elle relève d’une capacité de faire confiance à l’écoute, à la concertation ainsi qu’à l’esprit de responsabilité. Et elle ne consiste pas à relativiser l’impératif de l’obligation vaccinale de professionnels qui, dans un contexte qui le justifiait, imposait une règle de bonne pratique aux professionnels concernés.</p>
<p>C’est dire qu’au-delà d’une amnistie présidentielle, cette démarche politique doit être accompagnée de l’initiative d’une convention citoyenne portant sur l’obligation vaccinale et plus largement sur les mesures contraignantes en situation de crise sanitaire.</p>
<p>Nous avons acquis, depuis le premier confinement, une expérience, une expertise et une intelligence collectives à reconnaître et à valoriser afin de contribuer aux choix futurs et de leur conférer une légitimation qui, comme pour la vaccination, a parfois manqué aux instances publiques et à la société dans son ensemble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182304/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuel Hirsch ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les professionnels de santé non vaccinés contre le Covid ne peuvent plus exercer : faut-il lever cette interdiction ? Un échange citoyen est nécessaire pour revenir sur les responsabilités de chacun.Emmanuel Hirsch, Professeur d'éthique médicale, Université Paris-SaclayLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1802272022-03-29T19:29:15Z2022-03-29T19:29:15Z« Malgré des contaminations en hausse, nous sommes en train de sortir de l’exceptionnalité Covid »<p><em>Avec près de 150 000 contaminations en une journée, soit une augmentation de 50 % en une semaine, la France voit-elle se profiler une nouvelle vague de Covid ? Comment se faire une idée cohérente de la situation épidémique, alors que les chiffres en hausse semblent mettre en porte-à-faux le relâchement des mesures barrière et l’abandon de l’obligation du masque dans de nombreux espaces. Le Pr Karine Lacombe, infectiologue et Cheffe de Service des maladies infectieuses et tropicales (Hôpital Saint-Antoine, Paris), analyse l’évolution actuelle du Covid et de la grippe, dans le pays et à l’hôpital.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation-France : Le Covid était passé au second plan de l’actualité, mais il refait parler de lui avec la forte remontée des contaminations. Où en est-on finalement de l’épidémie ?</strong></p>
<p><strong>Karine Lacombe :</strong> Le virus, actuellement le variant Omicron BA.2, n’a jamais disparu… Sa transmission ne s’est jamais interrompue. Pourtant, malgré l’<a href="https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus/carte-et-donnees">augmentation par vague des cas positifs</a>, on n’assiste pas à une augmentation en parallèle des hospitalisations et surtout des passages en réanimation.</p>
<p>Ainsi, en Île-de-France, au 23 mars, on avait 294 personnes en soins critiques (108 à l’AP-HP) et 1430 personnes en hospitalisation complète (509 à l’AP-HP). C’est très faible par rapport à ce que l’on a pu connaître…</p>
<p>Clairement, l’épidémie prend un visage différent par rapport à ses débuts. La vaccination massive a eu en ce sens un impact majeur, ceci en moins d’un an.</p>
<p>On a maintenant des articles scientifiques, parus notamment <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa2119451">dans le New England Journal of Medecine</a>, qui montre que même si le vaccin protège moins d’Omicron, il y a tout de même une diminution de la transmission chez les personnes vaccinées. Comme c’est un virus hautement contagieux, il persiste bien sûr des contaminations – mais moindre.</p>
<p>On constate également l’effet de la vaccination au niveau des hospitalisations. Entre les personnes triplement vaccinées et celles qui sont doublement vaccinées, il y a moins d’hospitalisation et de décès chez les premières. Et l’immunisation se développe aussi suite à une infection.</p>
<p>D’où le fait que, malgré des transmissions en forte hausse, on reste à un niveau limité d’hospitalisation et de passage en réanimation.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1507339995962658832"}"></div></p>
<p><strong>T.C.-F. : Qui, désormais, est donc principalement hospitalisé ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Le profil des personnes qui sont actuellement hospitalisées, qui vont en réanimation et qui décèdent, est complètement différent de ce qui s’observait en début d’épidémie : ce sont majoritairement des personnes très âgées et immunodéprimées.</p>
<p>Pour les premières, il s’agit patients qui étaient déjà en situation de fragilité avec des pathologies associées, une qualité de vie très altérée – avec des situations cardiaque, rénale, neurologique compliquées. On a, chez eux, l’impression qu’attraper le Covid ne se manifeste pas un problème respiratoire comme ce qu’on notait précédemment, mais plus par un basculement, une détérioration de l’état général.</p>
<p>Les secondes sont les personnes qui n’ont pas pu être protégées par la vaccination ou les <a href="https://theconversation.com/avec-omicron-nous-assistons-plus-a-une-autre-forme-depidemie-qua-une-simple-nouvelle-vague-174713">anticorps monoclonaux</a>. Le variant Omicron BA.2 apparaît assez résistant à la plupart des molécules disponibles – <a href="https://www.vidal.fr/actualites/28483-omicron-et-anticorps-monoclonaux-un-arsenal-tres-reduit-mais-des-alternatives.html">seul Evusheld conservant une efficacité</a>. Elles-mêmes ne font en général pas de forme grave respiratoire, même s’il peut y avoir atteinte pulmonaire.</p>
<p>Ces deux publics fragiles sont également sensibles à la plupart des autres viroses respiratoires – la grippe, mais pas seulement (infections dues aux <a href="https://www.em-consulte.com/article/204013/metapneumovirus-humain#:%7E:text=Le%20m%C3%A9tapneumovirus%20humain%20(MPVH)%20est,sains%20ou%20les%20sujets%20immunod%C3%A9prim%C3%A9s.">métapneumovirus</a>, etc.) Chez la plupart des gens, ils donnent des syndromes respiratoires limités qui durent quelques jours, mais qui ici les amènent à l’hôpital avec des pneumonies, etc.</p>
<p>On continue donc de recevoir des patients, mais ça devient peu à peu une pathologie de spécialité : maladies infectieuses, immunodépression… Si on avait un niveau de contamination comme celui que l’on a maintenant, et touchant tout le territoire, avec la pathogénicité que l'on avait lors de la première vague, on serait absolument débordé.</p>
<p><strong>T.C.-F. : Peut-on donc dire que l’on entre dans une nouvelle phase de l’épidémie ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Il semble effectivement que le profil de l’épidémie change : celle-ci devient vraisemblablement endémique. Du fait d’une population désormais très largement immunisée – que ce soit par la vaccination ou par l’exposition au virus suivie de guérison.</p>
<p>Si le Covid nous a appris une leçon, c’est bien qu’il faut rester très humble devant les connaissances qu’on a… Quand je repense aux débuts de la pandémie en France, je me dis qu’on n’aurait jamais pu imaginer à une telle intensité. Jamais je n’aurais cru que dans notre hôpital, on doublerait le nombre de lits et que ce ne serait que du Covid – mais qu’on serait submergé malgré tout. Même quand on en parle maintenant, avec le recul, ça semble être irréel, de la science-fiction. On a été dans une réalité parallèle.</p>
<p>Aujourd’hui, pour l’heure, les signaux semblent plutôt positifs et malgré le <a href="https://covidtracker.fr/">très haut niveau de contamination</a>, nous n’avons aucun indicateur qui soit au rouge à l’hôpital.</p>
<p><strong>T.C.-F : Et ce, finalement, malgré l’absence de traitement…</strong></p>
<p><strong>K.L.</strong> En fait, il y a un point dont on ne parle pas beaucoup : le peu de prescriptions de <a href="https://theconversation.com/antiviraux-anticorps-immunomodulateurs-ou-en-est-on-des-traitements-anti-covid-19-176133">médicaments antiviraux</a> en médecine de ville, alors que l’on dispose maintenant de plusieurs molécules pour traiter de façon précoce le Covid chez les personnes à risque de formes graves. Il s’agit en l’occurrence du <a href="https://www.vidal.fr/actualites/28674-paxlovid-dans-la-covid-19-l-autorisation-d-acces-precoce-en-pratique.html">Paxlovid (nirmatrelvir/ritonavir)</a>.</p>
<p>Difficile encore de comprendre pourquoi. Manque de formation des praticiens ? Manque d’information des patients ? Mais c’est assez frappant.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue en gros plan d’une boite de Paxlovid" src="https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454850/original/file-20220328-23-14vyd27.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=499&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le Paxlovid est un antiviral efficace contre le SARS-CoV-2 qui peut être prescrit en médecine de ville.</span>
<span class="attribution"><span class="source">rarrarorro/Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Si ces traitements ne sont pas parfaits, ils permettent tout de même une diminution des hospitalisations et des décès – d’où une autorisation de mise sur le marché européen puis un <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/arrivee-d-un-nouveau-medicament-contre-la-covid-19-la-france-deploie-le">accès précoce validé en France</a>. Ils ne limitent pas l’intensité de la réplication virale, mais diminuent de 83 % le risque d’être hospitalisé et de faire une forme grave (en essais thérapeutiques, d’après le dossier d’autorisation de mise sur le marché).</p>
<p><strong>T.C.-F. : La possibilité d’une moindre dangerosité d’Omicron a été évoquée. Que constatez-vous auprès de vos patients ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> C’est difficile à dire. Pour déterminer exactement les symptômes d’Omicron, il aurait fallu qu’on puisse analyser uniquement des personnes qui n’ont jamais été en contact avec le virus – non vaccinées et jamais contaminées. Aujourd’hui, cette population est extrêmement limitée : ceux qui attrapent Omicron ont déjà été touchés auparavant ou vaccinés, donc les symptômes sont atténués.</p>
<p>On ne peut pas dire de façon formelle qu’Omicron est moins pathogène en tant que tel… Mais il parait moins l’être aujourd’hui car la population est largement immunisée.</p>
<p>Ce qu’on observe chez les patients, c’est qu’il touche plutôt la sphère ORL, et provoque plus de symptômes types trachéite, angine, catarrhe oculo-nasal (une inflammation aiguë ou chronique d’une muqueuse, ici avec yeux qui pleurent, nez qui coule, etc.). Et l’on a moins de signes neurologiques (beaucoup moins d’anosmie, d’agueusie), moins également de troubles digestifs, rénaux ou pulmonaires.</p>
<p>Mais là encore, l’évaluation de l’atteinte pulmonaire est à prendre avec précaution : les personnes immunodéprimées, qui n’ont pas d'anticorps protecteur, peuvent faire des formes pulmonaires.</p>
<p>Donc peut-être que lorsque l’on a été vacciné et que l’on attrape Omicron, on dispose d’une bonne immunité des voies respiratoires basses ou profondes (poumons, etc.), mais d’une immunité des muqueuses des voies aériennes hautes (sphère ORL) moins bonne. D’où le sentiment que ce dernier ne donne pas tout à fait les mêmes symptômes… En fait, ça pourrait être simplement que l’on n’a pas la même immunité pour y faire face.</p>
<p>On a aussi entendu parler du croup, qui toucherait les enfants. Il s’agit d’un abus de langage. Car le croup, que l’on trouve à l’origine avec la diphtérie, donne une <a href="https://www.msdmanuals.com/fr/accueil/probl%C3%A8mes-de-sant%C3%A9-infantiles/affections-respiratoires-chez-le-nourrisson-et-l-enfant/croup">angine avec de très grosses membranes blanches qui occultent le pharynx et peuvent entraîner des asphyxies</a>. Si Omicron, BA.2 notamment, donne des trachéites très particulières, elles ne montrent pas du tout ces fameuses membranes blanches…</p>
<p><strong>T.C.-F. : Une autre inquiétude avait été que le SARS-CoV-2 ne fasse « alliance » avec l’autre fléau viral de l’hiver : la grippe… Absente des médias, la grippe s’est-elle installée en France ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Il y a clairement une vraie épidémie de grippe, qui a commencé vers mi-février – ce qui est assez tardif : en général, on a les premiers cas en décembre avec un pic en février-mars. Là, l’épidémie est toujours en augmentation, on n’est pas encore au pic.</p>
<p>On était à 214 consultations pour infections respiratoires aiguës pour 100 000 habitants sur la semaine du 14 au 20 mars, on est maintenant à 313. De façon plus général, l’<a href="https://www.sentiweb.fr/">augmentation de leur taux d’incidence est liée en particulier à la circulation des virus grippaux</a>, les autres virus respiratoires circulant pour l’heure faiblement… hors SARS-CoV-2, bien sûr.</p>
<p>Nous avons beaucoup de cas, et notamment de grippes graves (pneumonie grippale, avec une surinfection bactérienne). Je suis d’ailleurs très surprise du nombre de cas avec hospitalisation : ça fait longtemps que l’on n’avait pas atteint de tels niveaux.</p>
<p>Est-ce que cela vient du fait que les gens se sont peu vaccinés ? Ou que la grippe échappe cette année à la vaccination ? Ça semble plutôt être la seconde raison.</p>
<p>Il est en effet possible que la composition du vaccin mis sur le marché en octobre dernier ne soit pas optimale. On s’y attendait car l’an dernier il y a eu peu de cas… Or ce type de vaccins est mis au point d’une année sur l’autre en se référant aux souches en circulation précédemment. Les laboratoires n’ont donc pas forcément eu accès à des données suffisantes.</p>
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<img alt="Une dame âgée se fait vacciner" src="https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454853/original/file-20220328-23-18430nu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Grippe et Covid sévissent cet hiver. Si contre la première le vaccin a une efficacité apparemment limitée, contre le second elle a montré ses atouts – grâce aux rappels.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rido/Shutterstock</span></span>
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<p>Quant aux risques d’une co-infection grippe-Covid, franchement je pense que c’est un phénomène à la marge. Tous les virus respiratoires peuvent coexister chez une même personne – un rhino et un entérovirus, etc. Alors pourquoi pas ces deux-là aussi, mais ils ne vont pas avoir ensemble une synergie particulière et créer des symptômes inédits !</p>
<p>On a bien vu que quand il y a deux variants du SARS-CoV-2 présents en même temps, par exemple <a href="https://theconversation.com/deux-variants-peuvent-se-retrouver-dans-une-meme-cellule-avec-quels-risques-174956">Omicron et Delta</a>, le résultat n’a pas pris le dessus sur Omicron BA.2.</p>
<p>Nous sommes maintenant bien équipés à l’hôpital et nous disposons de machines PCR dites multiplex qui nous permettent, en moins de 24 heures, de déterminer si un patient qui vient d’entrer est atteint du Covid, de la grippe ou d’un autre virus s’en prenant aux voies respiratoires, et de réagir en conséquence.</p>
<p><strong>T.C.-F. : Après ces deux années difficiles, comment voyez-vous les semaines à venir malgré la remontée des cas ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> En gardant en tête l’humilité nécessaire évoquée plutôt, nous sommes assez confiants sur le fait que le Covid va avoir un faible impact sur le système hospitalier.</p>
<p>Il y a des signes assez parlant : le Covid y est entré dans une espèce de… routine. Nous n’avons plus désormais de secteur qui lui soit spécifiquement dédié. Quand un patient arrive à l’hôpital pour une infection, il va en maladie infectieuse bien sûr. Mais s’il arrive pour une hémorragie digestive et qu’on le découvre positif après un test, il restera pris en charge en gastro-entérologie. Comme « avant ».</p>
<p>On est en train de sortir de l’exceptionnalité Covid, et ça c’est extrêmement important. On voit que l’on se dirige vers le « vivre avec », que l’on passe un nouveau cap. Nous ne sommes enfin plus dans la catastrophe perpétuelle : on voit la porte de sortie.</p>
<p>Cette porte, ce n’est pas la disparition du Covid, c’est vivre avec lui, avec les outils pour faire face. Maîtriser la situation plutôt qu’être submergé par elle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180227/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karine Lacombe a reçu des financements pour de l’expertise scientifique ponctuelle et de l’aide à la participation à des réunions scientifiques (financement personnel) et un soutien à la recherche clinique (financement de mon institution) : Gilead, MSD, Janssen, Sobi, GSK, ViiV Healthcare. Karine Lacombe participe au Think Thank de l’Express pour analyser les projets des candidats à la Présidentielle 2022 (responsable de la recherche et de la santé) et biotech SPIKIMM (expertise pour le développement clinique d’un Ac monoclonal de l’Institut Pasteur).</span></em></p>Après avoir été brièvement comme oubliée, l’épidémie de Covid refait l’actualité avec des contaminations en forte hausse. Le prélude à une nouvelle vague, alors que la grippe s’installe ?Karine Lacombe, Infectiologue, cheffe de service des maladies infectieuses de l'Hôpital Saint-Antoine, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1801032022-03-28T18:31:14Z2022-03-28T18:31:14ZLes hommes meurent plus du Covid-19 que les femmes : de combien ? et pourquoi ?<p>Le Covid-19 tue plus les hommes que les femmes. Sachant que c’est vrai aussi de la mortalité générale : en France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge.</p>
<p>En quoi la <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">surmortalité masculine pour les décès par Covid-19</a> diffère-t-elle de celle observée habituellement pour l’ensemble des décès ? Et quelles en sont les raisons ?</p>
<h2>La surmortalité masculine en temps normal</h2>
<p>En France, à tout âge, un homme a un risque de mourir dans l’année plus élevé qu’une femme du même âge. Un homme de 70 ans a par exemple un risque double de celui d’une femme de 70 ans. De même à 40 ans, le risque est double, même s’il est bien plus faible qu’à 70 ans, à la fois pour les hommes et les femmes.</p>
<p>Les hommes sont biologiquement plus fragiles que les femmes mais les <a href="https://www.ined.fr/fr/publications/editions/manuels/demographie-analyse-et-synthese-iii/">écarts viennent surtout de leurs activités et leurs comportements</a>. Tout au long de la vie, ils prennent plus de risques et ont plus fréquemment des comportements nocifs pour la santé, notamment ils fument plus et boivent davantage d’alcool. Les femmes de leur côté sont en général plus attentives à leur santé et consultent plus souvent les médecins.</p>
<p>Il en résulte une surmortalité des hommes par rapport aux femmes pour l’ensemble des causes de décès en temps normal. Elle est plus ou moins importante selon l’âge avec un profil à deux « bosses » (voir figure 1 ci-dessous, en mauve). Elle atteint des sommets aux âges de jeune adulte – les décès, très peu fréquents à ces âges, sont dus principalement aux morts violentes (suicides et accidents, notamment ceux de la circulation) –, et entre 55 et 74 ans.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="On peut observer les deux bosses, comme jeune adulte et entre 65 et 74 ans" src="https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=675&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=675&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=675&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=849&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=849&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454772/original/file-20220328-21-1owq9nj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=849&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Le Covid-19 a augmenté la surmortalité masculine à partir de la cinquantaine</h2>
<p>La surmortalité masculine due au Covid-19 a un profil distinct (figure 1, en rouge). Elle est moindre que celle pour l’ensemble des décès avant la cinquantaine, mais plus importante à partir du groupe d’âge 55-64 ans. À ces âges, cela pourrait venir d’un plus grand risque pour les hommes d’être contaminés, du fait de leurs comportements : moindre respect des gestes barrière, plus grande interaction sociale, moins de télétravail.</p>
<p>Les <a href="http://beh.santepubliquefrance.fr/beh/2018/10/2018_10_1.html">comorbidités (hypertension, diabète), plus fréquentes chez eux à partir de la cinquantaine</a>, entraîneraient aussi une plus grande létalité (risque de mourir quand on est atteint).</p>
<h2>Une bosse de surmortalité masculine à 25-34 ans lors de la première vague de Covid-19</h2>
<p>La surmortalité masculine pour ce qui est des décès par Covid-19 a évolué depuis le début de la pandémie (voir la figure 2 ci-dessous).</p>
<p>Quelle que soit la période, elle atteint un maximum vers 65-74 ans. Mais se rajoute au 1<sup>er</sup> semestre 2020 une première bosse à 25-34 ans. Elle pourrait s’expliquer par des comportements plus à risque chez les jeunes hommes, un peu comme pour la mortalité accidentelle. Et aussi par la très forte mortalité par Covid-19 chez les jeunes adultes étrangers.</p>
<p>La première vague a en effet été <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4627049">particulièrement meurtrière chez les personnes nées à l’étranger</a>, en particulier celles nées en Afrique ou en Asie. Ces dernières résident en effet souvent dans les régions les plus touchées par cette vague (Île-de-France, Grand Est) et exercent des métiers ne permettant pas le télétravail et exposant beaucoup à l’infection. Et <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4627049">parmi les étrangers nés en Afrique ou en Asie</a> la mortalité a été plus élevée chez les hommes que chez les femmes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Courbes de l’évolution de la mortalité par semestre en 2020 et 2021" src="https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=629&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=629&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=629&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454773/original/file-20220328-25-14vod2q.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=790&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>La vaccination a réduit la surmortalité masculine par Covid-19</h2>
<p>Cette <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">première bosse à 25-34 ans disparaît ou se réduit ensuite</a>, la reprise partielle des activités exposant alors hommes et femmes au virus de façon plus égale.</p>
<p>La bosse principale, centrée vers 65-74 ans, s’affaisse en partie au 2<sup>e</sup> semestre 2021, peut-être en lien avec la vaccination. À ces âges, la proportion de personnes non vaccinées est plus élevée chez les femmes que chez les hommes : <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">plus de 10 % contre moins de 8 %</a>.</p>
<p>Cet écart pourrait venir de ce que les hommes auraient été considérés comme prioritaires pour la vaccination plus souvent que les femmes du même âge, du fait de comorbidités plus fréquentes. Se rajouterait une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0262192">plus forte réticence des femmes à la vaccination</a> en comparaison des hommes, qui n’est d’ailleurs pas propre à celle contre le Covid-19 mais s’observe aussi pour d’autres vaccins.</p>
<p>Les hommes auraient ainsi été plus attentifs à leur santé que les femmes concernant la vaccination contre le Covid-19 – ou au moins plus respectueux des directives sanitaires. Une exception, donc, car comme rappelé plus haut, ils ont en général des comportements moins favorables à la santé que les femmes.</p>
<h2>La France dans les comparaisons internationales</h2>
<p>La surmortalité masculine concernant les décès dus au Covid-19 se situe en France dans la moyenne quand on la compare à celle observée dans d’autres pays (voir la figure 3 ci-dessous) : elle est plus élevée en Italie et en Espagne qu’en France, et moindre en Angleterre-Galles et aux États-Unis.</p>
<p>Les profils par âge se ressemblent dans les pays latins (Italie, Espagne, France), avec une bosse très marquée entre 60 et 70 ans. La bosse est moins marquée en Angleterre-Galles et aux États-Unis, où elle s’observe plutôt à des âges un peu plus jeunes.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=624&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=624&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=624&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/454774/original/file-20220328-17-182n48a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=785&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Seules des analyses plus fines, qui prendraient en compte les comorbidités et les vaccinations détaillées par sexe et âge, pourraient permettre de comprendre ces différences de profil. Mais ce type d’information n’est pour l’heure pas disponible dans tous les pays. Espérons qu’il le devienne prochainement afin de mieux comprendre la surmortalité masculine pour le Covid-19.</p>
<hr>
<p><em>Ce texte est adapté d’un article publié en mars 2022 par les auteurs dans la revue Population et Sociétés n° 598, <a href="https://www.cairn.info/revue-population-et-societes-2022-3-page-1.htm">« La Covid-19 plus meurtrière pour les hommes que pour les femmes »</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/180103/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Gilles Pison a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche française et des National Institutes of Health américains.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>France Meslé a reçu des financements de Fonds AXA pour la recherche, Fondation SCOR, Agence nationale de la recherche.</span></em></p>Le Covid-19 tue davantage les hommes que les femmes. Est-ce plus que la mortalité habituelle, qui frappe également davantage les hommes à un même âge ? Et quelles en sont les raisons ?Gilles Pison, Anthropologue et démographe, professeur au Muséum national d'histoire naturelle et chercheur associé à l'INED, Muséum national d’histoire naturelle (MNHN)France Meslé, Démographe, Institut National d'Études Démographiques (INED)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1796212022-03-21T20:07:48Z2022-03-21T20:07:48ZGuerre en Ukraine : explosion à venir de l’épidémie de Covid ?<p>L’invasion de l’Ukraine par la Russie a déjà – et continuera d’avoir – des conséquences sanitaires et socio-économiques dramatiques pour le peuple ukrainien. L’une de ces conséquences sera presque certainement l’augmentation de la charge du Covid.</p>
<p>Le 10 février 2022, l’Ukraine a signalé <a href="https://ourworldindata.org/coronavirus/country/ukraine">37 000 nouveaux cas de Covid</a>, soit son total quotidien le plus élevé depuis le début de la pandémie. Depuis l’apparition du SARS-CoV-2, le pays a enregistré plus de 5 millions de cas confirmés et plus de 100 000 décès. Plus d’un million de ces cas sont survenus depuis le début de l’année 2022, avec une forte augmentation des infections en février. Les décès ont également augmenté.</p>
<p>Après l’invasion, l’Ukraine a d’abord ralenti la communication de ces données avant de s’arrêter complètement. Il n’existe désormais aucune mesure de l’évolution de Covid dans le pays. À partir de maintenant, toutes les statistiques sur les cas et les décès seront donc sous-estimées.</p>
<p>Mais ce qui est clair, c’est que la guerre a commencé à un moment où l’épidémie était manifestement en augmentation.</p>
<p>Ce problème est aggravé par le fait que la <a href="https://ourworldindata.org/coronavirus/country/ukraine">couverture vaccinale contre le Covid du pays est faible</a>, 36 % seulement de la population ayant reçu une ou plusieurs doses de vaccin. Une proportion élevée d’Ukrainiens reste donc susceptible non seulement d’attraper le Covid, mais aussi de subir les conséquences potentielles d’une hospitalisation et d’un décès – qui sont bien plus probables chez les personnes non vaccinées.</p>
<p>Ainsi, même en temps de paix, il y aurait eu lieu de s’inquiéter de la manière dont les <a href="http://www.eiu.com/industry/article/1739271957/ukraine-health-system-ill-equipped-to-cope-with-coronavirus/2020-03-25">systèmes de santé relativement fragiles</a> en Ukraine pourraient gérer de nouvelles vagues d’infections par le coronavirus. Or, il est encore plus difficile de fournir des soins lors de conflits.</p>
<p>Les gens cherchant à se mettre à l’abri par tous les moyens, les épidémies en deviennent presque impossibles à contrôler.</p>
<h2>Des conditions optimales pour la transmission</h2>
<p>À la mi-mars 2022, on estime que <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-60555472">trois millions de résidents ukrainiens</a> ont fui leur pays. Les groupes humanitaires et les agences sanitaires qui s’occupent de la santé des réfugiés sont donc susceptibles de recevoir un grand nombre de personnes non vaccinées ou partiellement vaccinées contre le Covid. En outre, il existe déjà des <a href="https://www.who.int/publications/m/item/weekly-epidemiological-update-on-covid-19---15-march-2022">niveaux élevés de Covid en Europe</a>, et la charge de coronavirus chez les Ukrainiens, bien qu’essentiellement inconnue, est susceptible d’être importante.</p>
<p>Daté du 18 février 2022, le <a href="https://ourworldindata.org/grapher/positive-rate-daily-smoothed?tab=chart&country=%7EUKR">dernier taux de positivité connu pour l’Ukraine était de 60 %</a> (proportion de tests Covid positifs). Il s’agit d’une valeur incroyablement élevée, qui indique qu’il existait déjà des foyers incontrôlés dans le pays avant le début de la guerre. Cela suggère que même si le nombre de cas a récemment atteignait déjà un niveau record, il était <a href="https://publichealth.jhu.edu/2020/covid-19-testing-understanding-the-percent-positive">probablement sous-estimé</a> de manière significative.</p>
<p>Cela signifie que les personnes vulnérables aux pires effets du Covid se mélangent à des groupes dans lesquels le virus est susceptible de circuler massivement. Le fait d’être déplacé ou de s’abriter du conflit ne fait qu’accroître ce risque.</p>
<p>Les <a href="https://www.wsj.com/articles/nearly-1-million-child-refugees-have-fled-ukraine-for-poland-since-war-began-11647428401">logements d’urgence dans les pays voisins</a>, avec des dizaines ou des centaines de lits regroupés dans une seule pièce, offrent un abri et un répit aux réfugiés… Cependant, la promiscuité qui y règne donne aussi un terrain propice au développement des maladies infectieuses respiratoires.</p>
<p>La transmission des coronavirus y est donc probable. D’autres infections, comme la grippe ou la tuberculose, pourront également y constituer un problème de santé publique. Il est aussi probable que l’on observe le développement d’autres épidémies de maladies infectieuses, allant de la <a href="https://www.unhcr.org/uk/news/latest/2017/10/59d4b5f24/unhcr-tackles-diarrhoea-outbreaks-bangladesh-camps.html">diarrhée</a> à la <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.04.28.21256211v1.full">gale</a>.</p>
<p>C’est peut-être la rougeole qui est le meilleur analogue de Covid dans cette situation. Il s’agit d’un virus respiratoire hautement infectieux, souvent grave chez les enfants non vaccinés, et dont les épidémies sont très fréquentes lorsque les <a href="https://gh.bmj.com/content/5/9/e003515">soins de santé de routine sont interrompus</a>, comme dans les crises humanitaires et les zones de conflit.</p>
<p>Le <a href="https://www.news-medical.net/health/What-is-R0.aspx">nombre de reproduction de base</a> (R₀) de la rougeole (nombre de personnes qu’une personne infectée infectera en moyenne dans une population donnée) est <a href="https://www.thelancet.com/journals/laninf/article/PIIS1473-3099(17)30307-9/fulltext">souvent estimé entre 12 et 18</a>. Le R₀ d’Omicron est encore en cours d’estimation, mais ce variant est connu pour être plus infectieux que les précédents. <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35262737/">Une estimation le situe à 8,2</a> (<em>certains le font même monter à <a href="https://theconversation.com/omicron-les-problemes-que-pose-un-variant-trois-fois-moins-severe-mais-deux-fois-plus-transmissible-174587">plus de 10</a>, ndlr</em>). Comme il se propage facilement, le risque d’épidémie dans les zones de conflit et les abris pour réfugiés est élevé, comme pour la rougeole.</p>
<h2>Le risque de voir émerger un autre variant</h2>
<p>Un autre facteur à prendre en compte est que plus le nombre de cas de Covid est élevé, plus le <a href="https://www.scientificamerican.com/article/omicron-is-here-a-lack-of-covid-vaccines-is-partly-why1/">risque d’apparition de nouveaux variants est grand</a>.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/covid-19-in-india-an-unfolding-humanitarian-crisis-159654">variant Delta est presque certainement né de la catastrophe</a> qu’a été la vague de printemps en Inde en 2021, qui a entraîné des centaines de milliers, voire des millions, de <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)02796-3/fulltext">décès dus au Covid</a>. Et on pense que les variants Alpha et Bêta sont apparus respectivement au Royaume-Uni et en Afrique du Sud, à l’occasion de flambées incontrôlées.</p>
<p>Or chaque nouveau variant vient avec de nouveaux risques, par exemple en ce qui concerne l’efficacité des vaccins.</p>
<p>La tragédie qui se déroule en Ukraine menace les efforts déployés dans le monde entier pour lutter contre le nouveau coronavirus. Les populations déplacées et réfugiées ont besoin de soutien, non seulement en Ukraine mais aussi ailleurs, par exemple au Tigré ou auprès des réfugiés afghans qui ont fui le régime des talibans.</p>
<p>Pour maîtriser la pandémie de Covid, il faut une coopération mondiale en matière de santé publique et des populations hautement vaccinées aux quatre coins du monde.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/179621/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Michael Head a reçu des financements de la Fondation Bill & Melinda Gates et du ministère britannique du développement international.</span></em></p>La situation sanitaire en Ukraine devient dramatique. Le conflit vient en effet mettre en péril le contrôle déjà précaire de l’épidémie de Covid au sein d’une population vulnérable car peu vaccinée.Michael Head, Senior Research Fellow in Global Health, University of SouthamptonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1772922022-03-13T17:39:38Z2022-03-13T17:39:38ZComment le variant Omicron BA.2 a repoussé les limites initiales du Covid-19<p><em>Si l’épidémie de Covid est passée au second plan de l’actualité, elle n’en est pas finie pour autant. Le SARS-CoV-2 continue de circuler et d’évoluer rapidement. Chercheurs au sein de l’unité « Maladies infectieuses et vecteurs : Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle » (Université de Montpellier, CNRS, IRD), Mircea Sofonea, maître de conférences, et Samuel Alizon, directeur de recherche, spécialistes de l’épidémiologie et de l’évolution des maladies infectieuses, font le point sur Omicron maintenant qu’il a conquis le monde. Comment expliquer ses sous-variants, que sait-on désormais de ses capacités et de l’efficacité de notre système immunitaire face aux futurs variants ?</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation : Où en est-on de la circulation des variants de SARS-CoV-2, en France et plus généralement ?</strong></p>
<p><strong>Samuel Alizon :</strong> Partout dans le monde, depuis décembre 2021, le variant Omicron, et plus précisément la lignée BA.1 (ou 21K, dans la classification <a href="https://nextstrain.org/ncov/gisaid/global">Nextstrain</a>, a supplanté le variant Delta (lignée B.1.617.2). Ce remplacement s’est fait encore plus rapidement que celui du variant Alpha par Delta courant 2021. En France et partout ailleurs, on voit aussi se propager depuis janvier sa sous-lignée BA.1.1.</p>
<p>De manière encore plus inattendue, dans certains pays dont le Danemark, l’Afrique du Sud ou l’Inde, c’est une <a href="https://www.who.int/fr/news/item/22-02-2022-statement-on-omicron-sublineage-ba.2">lignée cousine notée BA.2</a> qui est rapidement devenue majoritaire. Autant la divergence de BA.1.1 depuis BA.1 est récente (environ octobre 2021), autant on pense que l’ancêtre commun à BA.1 et BA.2 remonte à mars 2021. En résumé, ces deux lignées ont une origine commune (elles partagent plus de 30 mutations) mais elles sont déjà <a href="https://nextstrain.org/ncov/gisaid/global?c=pango_lineage&d=tree,frequencies&f_pango_lineage=BA.1,BA.1.1,BA.2&label=clade:21M%20%28Omicron%29&lang=fr&p=full">presque aussi divergentes que Delta l’était de Alpha</a> (par plus de 35 mutations).</p>
<p>En France, grâce à une collaboration avec le laboratoire CERBA et le CHU de Montpellier, notre équipe a estimé que le variant Omicron/BA.1 était devenu majoritaire <a href="https://covid-ete.ouvaton.org/Rapport16.html">pendant la 3<sup>e</sup> semaine de décembre</a> et hégémonique peu après. Depuis fin janvier, le pourcentage de BA.2 parmi les dépistages a doublé tous les dix jours en janvier pour devenir majoritaire à la fin février.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Amérique du Nord, Russie, Europe, Australie et Afrique du Sud sont les régions les plus touchées par Omicron" src="https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=305&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451053/original/file-20220309-17-1qyv7p7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=383&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le variant Omicron est devenu majoritaire sur la planète depuis la troisième semaine de décembre, avec sa lignée BA.1. C’est désormais BA.2 qui est en pleine croissance. (Présence mondiale d’Omicron au 11 février 2022. En rouge foncé, 100 000 cas confirmés et plus ; en gris, pas de données.).</span>
<span class="attribution"><span class="source">newsnodes.com/omicron_tracker/Questzest</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>T.C. : Au-delà de BA.1 et BA.2, on évoque une troisième branche dans le groupe Omicron : BA.3. Qu’en est-il ?</strong></p>
<p><strong>Mircea T. Sofonea :</strong> Le sous-lignage d’Omicron BA.3 est connu depuis le 18 novembre 2021, date de son premier séquençage en Afrique du Sud, soit moins d’un mois après la détection de BA.1 au Botswana. Il présente 34 mutations sur sa protéine Spike (d’ailleurs écourtée de six acides aminés) comparée à la souche initiale de référence du SARS-CoV-2 (Wuhan-Hu-1), un nombre intermédiaire entre les sous-lignages BA.1 (39) et BA.2 (31), vis-à-vis desquels il ne présente qu’une <a href="https://doi.org/10.1101/2022.02.11.480029">seule mutation propre</a>.</p>
<p>C’est sur la base de ces arguments que certains auteurs évoquent une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/jmv.27601">recombinaison entre BA.1 et BA.2 comme origine de BA.3</a>.</p>
<p>Bien qu’il soit présent dans au moins une vingtaine de pays (du sud de l’Afrique, en Europe et aux États-Unis) et qu’il possède a priori (approches <em>in silico</em>) un profil mutationnel le rendant <a href="https://doi.org/10.1101/2022.02.11.480029">plus transmissible que BA.1</a>, il demeure ultra-minoritaire. Seules 543 séquences BA.3 ont en effet été déposées sur la base de données GISAID au 5 mars 2022, représentant moins de <a href="https://outbreak.info/">0,05 % des séquences mondiales d’Omicron</a>. En France, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/417270/3382271">17 séquences de BA.3 ont été rapportées au 28 février 2022</a>, relevant majoritairement d’un même cluster.</p>
<p>Cette faible propagation rend impossible à ce stade la quantification précise de son avantage de transmission ou d’un différentiel de virulence, mais constitue un signal optimiste sur le risque que ce sous-lignage représente sur le court terme. Ce qui exclut sa classification comme variant à part entière.</p>
<p><strong>T.C. : Reste que cet « ensemble Omicron » présente une diversité importante… Plus que ce qui s’observait chez les variants précédents ? Peut-on considérer qu’il y a en fait plusieurs variants Omicron ?</strong></p>
<p><strong>M.T.S. :</strong> Pour le moment l’appellation « variant Omicron » de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) renvoie bien à l’ensemble des lignages BA.1, BA.1.1, BA.2 et BA.3… Mais il convient en effet de souligner les différences non seulement entre le groupe Omicron et les autres variants, et celles entre BA.1 et BA.2, notables sur le plan virologique et épidémiologique.</p>
<p>Rappelons, contre l’intuition fantasmée d’une évolution virale linéaire, que le groupe Omicron n’est pas issu du variant Delta mais a vraisemblablement émergé à la même période : soit dans les <a href="https://nextstrain.org/ncov/gisaid/global">premiers mois de 2020</a>, à la faveur de l’<a href="https://theconversation.com/emergence-des-variants-du-sars-cov-2-que-peut-on-esperer-ou-craindre-dans-un-futur-proche-174069">infection chronique d’un hôte immunodéprimé</a> ou d’une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2588933821000558">rétrozoonose</a> depuis un réservoir murin.</p>
<p>Ces deux hypothèses permettraient en effet d’expliquer l’accumulation importante de mutations dans ce groupe au moment de sa détection : au moins 31 sur sa seule protéine Spike, soit plus du double de celle du variant Delta.</p>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2022.01.019">études structurales et fonctionnelles de la protéine Spike d’Omicron</a> (au moyen de <a href="https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2021/04/msc200425/msc200425.html">cryo-microscopes électroniques à haute résolution</a> dont la France manque cruellement) ont permis de mettre en évidence les nombreuses conséquences (synergiques) de ces mutations sur <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2022/02/09/omicron-une-biologie-et-une-dynamique-virale-differentes-de-celles-observees-chez-les-precedents-variants/">sa virologie, sa pathogénicité et son épidémiologie</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Vue 3D de la protéine Spike" src="https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/451060/original/file-20220309-15-1hdo7ib.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Une trentaine de mutations ont été localisées sur la seule protéine Spike d’Omicron (en jaune, substitution d’un de ses acides aminés par un autre, en rouge perte et en vert gain).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Opabinia regalis, d’après Structure, Function, and Antigenicity of the SARS-CoV-2 Spike Glycoprotein, in Cell</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>T.C. : Maintenant qu’on a un peu plus de recul, quelles informations peut-on tirer de l’étude de ces mutations ?</strong></p>
<p><strong>M.T.S. :</strong> De nombreuses capacités d’Omicron ont en effet pu être identifiées ou précisées :</p>
<p>● Affinité accrue pour le récepteur cellulaire humain ACE2 mais une moindre capacité de fusion membranaire,</p>
<p>● Exploitation d’une seconde voie d’entrée dans les cellules par <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-022-04474-x">endocytose</a> (indépendante d’une enzyme nécessaire à l’<a href="https://doi.org/10.1101/2021.12.31.474653">entrée des autres variants</a>),</p>
<p>● Potentiel de réplication augmenté dans l’épithélium (tissu composé de cellules jointives) des voies aériennes supérieures (bouche, nez, gorge, etc.) et diminué dans celui des <a href="https://doi.org/10.1101/2022.01.19.476898">voies aériennes inférieures (poumons…)</a>,</p>
<p>● Délai intercontamination (intervalle sériel) <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1056487/Technical-Briefing-36-22.02.22.pdf">raccourci de 4,1 (Delta) à 3,7 jours</a>,</p>
<p>● <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-04388-0">Échappement immunitaire</a>, à l’origine d’une réduction importante de la neutralisation par les anticorps d’origines post-infectieuse, vaccinale ou thérapeutique (anticorps monoclonaux).</p>
<p>La conjugaison de ces propriétés confèrent à Omicron une transmissibilité multipliée par un facteur <a href="http://covid-ete.ouvaton.org/Rapport16.html">deux</a> à <a href="https://doi.org/10.1002/jmv.27560">trois</a> et une <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4025932">létalité réduite d’environ 70 %</a> par rapport au variant Delta.</p>
<p>Notons toutefois que cette baisse de virulence n’est pas homogène selon l’âge : des collègues britanniques ont ainsi montré que le risque d’hospitalisation dû à une infection par Omicron est <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=4025932">équivalent à celui de Delta chez les moins de 10 ans</a>, mais quatre fois moindre chez les 60-69 ans.</p>
<p><strong>T.C. : Qu’en est-il de la vaccination avec Omicron ?</strong></p>
<p><strong>M.T.S. :</strong> Selon la <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1058464/Vaccine-surveillance-report-week-9.pdf">dernière synthèse publique britannique</a>, l’efficacité vaccinale vis-à-vis de l’infection symptomatique par Omicron est faible et décroît rapidement. Avec seulement deux doses, la protection n’est plus que de 10 % après 6 mois, contre plus de 40 % pour Delta. En revanche, elle se maintient au-dessus de 40 % jusqu’à 6 mois après la 3<sup>e</sup> dose. Heureusement, l’efficacité vaccinale vis-à-vis de l’hospitalisation dépasse les 75 % jusqu’à six mois après le rappel.</p>
<p>Dans l’état actuel des connaissances, <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1060030/vaccine-surveillance-report-week-10.pdf">ces estimations sont équivalentes</a> entre les deux sous-lignagnes principaux d’Omicron, BA.1 et BA.2, <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1060337/Technical-Briefing-38-11March2022.pdf">lesquels présentent des sévérités comparables</a>. Les deux différences notables entre eux résident dans un avantage de <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.02.14.480335v1">transmission relatif de 40 % pour BA.2</a> – en lien avec une réplication plus rapide dans le nasopharynx, et un intervalle sériel encore plus court (<a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1056487/Technical-Briefing-36-22.02.22.pdf">3,3 jours</a>) – ainsi qu’une <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2022.02.15.480166v1">absence de neutralisation détectable</a> par les seuls anticorps monoclonaux encore actifs sur BA.1, à savoir le sotrovimab et la bithérapie tixagévimab/cilgavimab.</p>
<p><strong>T.C. : Sommes-nous encore bien immunisés contre de nouvelles lignées ?</strong></p>
<p><strong>M.T.S. :</strong> Entre l’immunité post-infectieuse et l’immunité vaccinale, moins d’un dixième de la population française est désormais immunologiquement « naïf » vis-à-vis du virus du Covid-19.</p>
<p>La vague d’Omicron BA.1 a conféré une immunité collective croisée vis-à-vis de BA.2, les <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1060337/Technical-Briefing-38-11March2022.pdf">réinfections étant rares</a>. Mais celle-ci est en partie temporaire, comme on le voit avec le vaccin.</p>
<p>Le SARS-CoV-2 ne pouvant être éradiqué (contagiosité élevée, immunité imparfaite et déclinante, réservoirs animaux), de nouveaux variants émergeront, sélectionnés en particulier sur leur capacité à contourner la réponse immunitaire. Le moment de leur apparition et leurs propriétés antigéniques sont pour le moment imprédictibles.</p>
<p>Le renouvellement de la vaccination, si possible par des formes actualisées ou plus robustes, sera toujours d’actualité, au moins pour les personnes vulnérables. Il faudrait d’ailleurs déjà plancher sur l’optimisation du calendrier des prochaines campagnes de vaccination et des critères de retours, temporaires et localisés, des gestes barrières, en cas de reprises épidémiques.</p>
<p><strong>T.C. : Vous parlez de l’émergence de nouveaux variants qui va se poursuivre. La coexistence entre variants est-elle possible ?</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> Cela va beaucoup dépendre de l’immunité croisée. Selon la théorie de la dynamique des populations, dans les situations les plus simples, deux espèces ne peuvent pas coexister si elles exploitent la même « niche écologique ». Les variants Omicron semblent amorcer un tournant avec la colonisation d’une nouvelle « niche » dans les voies respiratoires supérieures.</p>
<p>Si on aborde la question du côté immunologique, cette coexistence pourrait être facilitée par le fait que l’immunité générée suite à une infection par Delta ou à la vaccination s’étend peu aux voies respiratoires supérieures, peu irriguées par le système immunitaire. De plus, les premiers résultats suggèrent que l’immunité naturelle suite à une infection Omicron protégerait peu contre les autres variants.</p>
<p>Enfin, il faut préciser à quelle échelle on se place pour parler de coexistence. <a href="https://theconversation.com/deux-variants-peuvent-se-retrouver-dans-une-meme-cellule-avec-quels-risques-174956">On sait que deux variants peuvent coexister au sein d’une même personne</a>, comme le démontrent l’existence d’un <a href="https://www.cell.com/cell/abstract/S0092-8674(21)00984-3">virus recombinant</a> entre le variant Alpha et d’autres lignées, ou de récentes co-infections par Omicron et Delta au Royaume-Uni.</p>
<p>À l’échelle inverse, on voit depuis le début de l’épidémie certains variants demeurer majoritaires dans certains pays uniquement. Là encore, l’écologie scientifique nous enseigne que les contraintes géographiques facilitent la coexistence des espèces.</p>
<p><strong>T.C. : L’émergence d’Omicron et BA.2, qui écrasent tous les autres variants, marque-t-elle un « essoufflement » de l’épidémie en termes de capacité de diversification ?</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> Du point de vue de l’évolution virale, c’est plutôt le contraire. Il est impressionnant de voir que BA.2 diffère de la séquence de SARS-CoV-2 de Wuhan par près de 80 mutations, alors que pour BA.1 on est à 70 et pour Delta « seulement » à 50.</p>
<p>Plus un virus circule, plus il évolue rapidement. Et le variant Omicron circule extrêmement vite… Un autre exemple de cette circulation massive vient des rares suivis des réservoirs animaux : des analyses de données de séquençage suggèrent que des lignées cryptiques semblent infecter la <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-022-28246-3">faune des égouts de New-York</a>.</p>
<p>L’augmentation de la « biodiversité » de ce virus fragilise les espoirs de voir d’aboutir à des « culs-de-sac évolutifs », c’est-à-dire des situations où les mutations nécessaires à sa propagation (par exemple lui permettant un échappement immunitaire) soient tellement coûteuses qu’elles ne peuvent pas se propager. En effet, le risque est élevé qu’une des innombrables lignées trouve une solution viable.</p>
<p>Il faut aussi <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-peu-de-chances-pour-que-le-coronavirus-sars-cov-2-perde-sa-virulence-166835">se méfier de la croyance séculaire selon laquelle les virus deviendraient moins virulents avec le temps</a>. Comme le montre la découverte cette année d’un variant de VIH plus virulent que la moyenne circulant depuis la fin des années 1990, c’est plutôt le contraire. Certes, la létalité des infections diminue, mais cela reflète avant tout l’amélioration de la réponse sanitaire, des vaccins ou des traitements.</p>
<p>Un des enseignements de la modélisation est qu’il faut se méfier de nos biais de perception. En phase de croissance épidémique, l’inquiétude augmente, et, à l’inverse, en phase de décroissance, nous avons tendance à être plus optimistes… La difficulté pour les scientifiques est de s’en tenir aux faits. De ce point de vue, il nous manque encore beaucoup de certitudes concernant les variants Omicron. Quelles sont la durée et la portée de l’immunité post-infectieuse ? Quels sont les effets à long terme des infections ? Verra-t-on, comme pour les autres variants, des Covid longs se déclarer dans les mois à venir ?</p>
<p>Sur toutes ces questions essentielles, nous guettons les résultats des équipes de recherche à l’étranger qui ont bien plus de moyens pour travailler.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/177292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Alizon est directeur de recherche au CNRS et a reçu des financements de la Région Occitanie (projet PHYEPI) et de l'ANRS-MIE (projet MODVAR) pour travailler sur le SARS-CoV-2. Ses recherches ont aussi été financées par le CNRS et l'INSERM (ATIP-Avenir), le Conseil de la Recherche Européen, la Fondation pour la Recherche Médicale, la Ligue contre le Cancer et l'Université de Montpellier,</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mircea T. Sofonea a reçu des financements de la Région Occitanie (ANR PHYEPI) et de l'Université de Montpellier. </span></em></p>Omicron s’est imposé au niveau mondial et le décryptage de ses capacités permet de l’expliquer : « sous-variants » dans le variant, recombinaison, capacités améliorées… Quel futur cela présage-t-il ?Samuel Alizon, Directeur de Recherche au CNRS, Institut de recherche pour le développement (IRD)Mircea T. Sofonea, Maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses, laboratoire MIVEGEC, Université de MontpellierLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1768332022-02-11T15:07:21Z2022-02-11T15:07:21ZConvoi des camionneurs : aux origines d’un mouvement en pleine dérive<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445807/original/file-20220210-19-f3uw1s.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=28%2C0%2C4764%2C3305&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des camionneurs et leurs partisans bloquent l'accès menant au pont Ambassador, reliant Détroit et Windsor, mercredi 9 février 2022. </span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Nathan Denette</span></span></figcaption></figure><p>Depuis le 28 janvier, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Convoi_de_la_libert%C3%A9">convoi « de la liberté »</a> occupe la colline parlementaire à Ottawa. La manifestation s’est rapidement transformée en occupation, devant le symbole principal de la démocratie canadienne.</p>
<p>La police municipale a rapidement été dépassée par les événements. Le premier ministre ontarien, Doug Ford, se défile et le premier ministre canadien, Justin Trudeau, longe les murs. Pourtant, le discours des organisateurs laissait peu de doutes sur la possibilité que cette mobilisation se transforme en une crise majeure pour la sécurité publique.</p>
<p>Son impact économique est majeur : le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861160/pont-ambassador-windsor-ferme-manifestation-camionneurs-vaccin">mouvement bloque depuis plusieurs jours l’accès au pont Ambassador</a>, qui relie Windsor à Détroit, provoquant des pénuries de pièces dans les usines ontariennes de Ford et de Toyota et des arrêts dans la production. On parle de <a href="https://www.newsweek.com/trucker-blockade-us-canada-border-causes-over-1b-losses-daily-1678091?utm_term=Autofeed&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#Echobox=1644521796">pertes d’un milliard de dollars par jour</a>.</p>
<p>L’événement qui a déclenché le mouvement a été l’annonce, en novembre 2021, par le ministre des Transports canadien, qu’une <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/nouvelles/2022/01/les-exigences-pour-les-camionneurs-qui-entreront-au-canada-seront-en-vigueur-a-partir-du-15-janvier-2022.html">preuve vaccinale</a> serait exigée pour les travailleurs du transport à partir de la mi-janvier 2022. Cette exigence s’inscrivait dans la batterie de mesures mises en place par le gouvernement fédéral dans la lutte contre la <a href="https://sante-infobase.canada.ca/covid-19/resume-epidemiologique-cas-covid-19.html">propagation rapide</a> du variant Omicron. Elle ressemble aux obligations applicables aux citoyens et non-résidents arrivant au Canada par voie aérienne.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Des camions arborent l’unifolié, devant un policier" src="https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445813/original/file-20220210-45987-273c38.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des camions bloquent une rue d’Ottawa, le 8 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Adrian Wyld</span></span>
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<p>Les appuis à la vision des protestataires <a href="https://abacusdata.ca/freedom-convoy-public-reaction-february-2022/">varient significativement</a> en fonction des affiliations politiques. Elle est la plus forte chez les électeurs du Parti populaire (82 %), du Parti vert (57 %) et du Parti conservateur (46 %). Inversement, les électeurs du Parti libéral (75 %), du NPD (77 %) et du Bloc Québécois (81 %) disent avoir peu en commun avec la manière de voir des protestataires.</p>
<p>En tant que chercheurs en sociologie politique, dont nous analysons les dynamiques au Canada et en Europe de l’Ouest, nous croyons essentiel de saisir les protestations actuelles dans leur dimension politique, idéologique et sociohistorique.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ladhesion-aux-complots-et-aux-populismes-une-question-deducation-174929">L’adhésion aux complots et aux populismes, une question d’éducation ?</a>
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<h2>Une mobilisation de travailleurs sans mobilisation de classe</h2>
<p>Ce mouvement dit « de camionneurs » n’en est pas exactement un. Il est loin de faire l’unanimité au sein de la profession. L’Alliance canadienne du camionnage a <a href="https://www.canada.ca/fr/transports-canada/nouvelles/2022/01/declaration-commune-des-ministresalghabra-oregan-et-qualtrough-et-du-president-de-lalliance-canadienne-du-camionnage.html">dénoncé sans équivoque l’usurpation de la représentation des camionneurs</a> par les organisateurs du convoi. On estime entre <a href="https://www.thestar.com/business/2022/01/25/trucker-convoys-4-million-in-fundraising-frozen-by-gofundme.html">85 %</a> et <a href="https://twitter.com/OmarAlghabra/status/1486791464248123393">90 %</a> le taux de vaccination chez les transporteurs, ce qui s’apparente à la moyenne canadienne.</p>
<p>Suite logique de décennies de <a href="https://readpassage.com/p/the-trucker-convoy-is-not-a-workers-revolt/">dérégulation</a> du secteur du transport, le convoi met de l’avant une conception très individualiste, voire libertarienne du travail. Ce ne sont pas les mauvaises conditions d’emploi qui sont dénoncées, mais les régulations gouvernementales portant atteinte aux libertés individuelles de petits entrepreneurs du transport.</p>
<p>Il est donc plus approprié de parler d’une « arsenalisation » d’une opposition aux mesures sanitaires, (« weaponization » : soit le fait d’outiller un mouvement politique), par des entrepreneurs politiques de la droite populiste canadienne et américaine.</p>
<h2>Qui sont les organisateurs de ce mouvement ?</h2>
<p>Les entrepreneurs politiques à l’origine du mouvement sont des figures clés de formations politiques de l’Ouest canadien. Patrick King, militant albertain complotiste, ethnonationaliste est le cofondateur du parti Wexit Canada. Depuis devenue « Maverick Party », cette formation réclame la <a href="https://theconversation.com/canadian-populism-got-shut-out-this-election-but-its-still-a-growing-movement-168133">séparation des provinces de l’Ouest du reste du Canada</a>. Tamara Lich est la coordinatrice régionale du même parti, en Alberta. B.J. Dichter, enfin, est un ancien candidat du Parti conservateur du Canada, désormais partisan du Parti Populaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Justin Trudeau" src="https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=408&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445809/original/file-20220210-27-8trphe.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=513&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le premier ministre Justin Trudeau durant une période de questions à la Chambre des communes, à Ottawa, le 10 février 2022. Il est critiqué sévèrement pour sa gestion nonchalante de la crise.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span>
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<p>Les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1861083/convoi-camionneurs-ottawa-preoccupation-ingerence-etrangere-partis-politiques">sources de financement</a> du convoi sont obscures. De nombreux dons anonymes en <a href="https://thetyee.ca/Analysis/2022/02/08/Canada-Must-Investigate-Convoy-Money/">provenance des États-Unis</a> ont transité par la plate-forme GoFundMe <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/2022-02-04/gofundme-ne-distribuera-pas-les-millions-aux-camionneurs.php">avant que ces avoirs soient retournés aux donateurs</a>.</p>
<h2>Des racines dans la droite libertarienne de l’Ouest</h2>
<p>Le mouvement actuel est l’une des illustrations récentes de résistances régionales au Canada. Il s’inscrit dans le temps long de la politique protestataire de l’ouest. Caractérisés par une <a href="https://theconversation.com/canadian-populism-got-shut-out-this-election-but-its-still-a-growing-movement-168133">importante dimension populiste</a>, une série de « partis tiers » sont ainsi parvenus à convertir une insatisfaction collective en une accumulation de capital politique sur la scène provinciale, voire nationale. À droite de l’échiquier politique, ces formations partagent un contenu idéologique : un conservatisme social et fiscal et, chez certaines, un ancrage dans le suprémacisme anglo-saxon.</p>
<p>Comme <a href="http://www.albertausa.org/">d’autres formations</a> de l’ouest canadien avant lui, le mouvement actuel mobilise une série de références à <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Alt-right">l’alt-right américaine</a>, du drapeau des Confédérés, en passant par son opposition au gouvernement « central », ou l’appel à un » 6 janvier » canadien, en référence <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Assaut_du_Capitole_par_des_partisans_de_Donald_Trump">à l’invasion du Capitole, à Washington, par des militants de Donald Trump</a>. Le convoi est d’ailleurs <a href="https://globalnews.ca/news/8602177/freedom-convoy-protest-us-far-right-support/">soutenu par une partie de la droite conservatrice</a> américaine, dont certains membres ont vraisemblablement <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2022/02/02/freedom-convoy-alberta-blockade-vaccine-mandate-protests/">participé au mouvement</a>.</p>
<h2>Quelles sont les stratégies du mouvement ?</h2>
<p>La polarisation activée par le mouvement se nourrit de trois stratégies de cadrage. Une première est conjoncturelle. Elle active la polarisation entre les partisans et des détracteurs des restrictions sanitaires mises en place par le fédéral et les provinces. Elle permet d’aller chercher les opposants aux mesures sanitaires de la première heure, <a href="https://theconversation.com/ladhesion-aux-complots-et-aux-populismes-une-question-deducation-174929">dont plusieurs s’inscrivent dans le mouvement complotiste</a>.</p>
<p>Un second cadrage est structurel. Il s’inscrit dans la dynamique fédérale canadienne. Il active le <a href="https://centre.irpp.org/research-studies/the-persistence-of-western-alienation/">sentiment d’aliénation</a> d’électeurs de l’Ouest canadien, cultivant une forme de défiance à l’égard du gouvernement fédéral, des politiques autonomistes, des projets séparatistes. Ce <a href="https://centre.irpp.org/wp-content/uploads/sites/3/2020/09/CoT-2021-Report-6-Respect-Influence-and-Fairness-in-the-Canadian-Federation.pdf">sentiment d’être ignoré</a> dans la politique nationale, spécifique à l’ouest et particulièrement aux Prairies, est différente du souverainisme québécois.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Bidons d’essence jaunes" src="https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445811/original/file-20220210-21-2c4183.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des bidons d’essence à l’arrière d’un camion stationné sur la rue Albert, à Ottawa, le 10 février. Les camionneurs disent se préparer à un long siège.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Justin Tang</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>À cela s’ajoute un cadrage populiste mettant de l’avant une polarisation entre un « nous, méritants », les travailleurs (camionneurs), et un « eux, malhonnêtes et corrompus », les élites libérales du centre et une partie des travailleurs issus de l’immigration. Dans le discours des organisateurs du convoi, ce « nous » a aussi été associé à la défense d’une <a href="https://globalnews.ca/news/8543281/covid-trucker-convoy-organizers-hate/">identité blanche</a> et anglo-saxonne.</p>
<p>Lorsque l’on superpose ces trois cadrages, le Parti libéral du Canada apparaît systématiquement dans le <a href="https://theconversation.com/from-sunny-ways-to-pelted-with-stones-why-do-some-canadians-hate-justin-trudeau-167607">pôle ciblé</a>.</p>
<h2>Résonances variables</h2>
<p>L’opposition aux mesures sanitaires semble en fait former l’unique trait d’union entre les protestataires de l’Ouest et ceux du Québec. L’appui aux mesures sanitaires y est par ailleurs à son plus <a href="https://www.tvanouvelles.ca/2022/01/11/lappui-aux-mesures-sanitaires-a-son-plus-bas-1">bas</a>. Mais contrairement à Ottawa, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859895/manifestation-quebec-convoi-mesures-sanitaires">il n’y a pas eu de violences et d’occupation</a> lors de la manifestation organisée le 5 février dans les rues de Québec.</p>
<p>Autrement, loin d’appuyer l’organisation de ce convoi, les politiciens québécois ont surtout lancé des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1859130/veille-convoi-antimesures-quebec-politiciens">appels au calme</a>, et invité à de la fermeté dans l’application de la loi. Seul le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1858673/chef-pcq-soutient-camionneurs-mecontents">Parti conservateur du Québec</a> d’Éric Duhaime s’est distingué par son soutien aux camionneurs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Manifestants arborant des drapeaux" src="https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445814/original/file-20220210-27-1iikucy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Des manifestants anti-mesures sanitaires sont dirigés par des policiers alors qu’ils se dirigent vers l’Assemblée nationale du Québec, le 5 février 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jacques Boissinot</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Hors du pays, le mouvement essaime, <a href="https://www.lapresse.ca/international/europe/2022-02-11/la-presse-en-france/le-convoi-de-la-liberte-fonce-vers-paris.php">notamment en France</a>, <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/02/07/comment-le-convoi-de-la-liberte-des-camionneurs-canadiens-tente-de-s-exporter-en-france_6112700_4355770.html">soutenu par l’extrême droite</a>, ailleurs en <a href="https://www.politico.eu/article/ottawa-truckers-convoy-far-right-worldwide/">Europe</a> et <a href="https://www.journaldemontreal.com/2022/02/08/un-convoi-de-la-liberte-jusquen-nouvelle-zelande-1">jusqu’en Nouvelle-Zélande</a>.</p>
<p>Le convoi apparaît plutôt comme un révélateur de la capacité d’organisation et de perturbation des structures d’extrême droite, aussi minuscules soient-elles à la base : le Maverick Party (Wexit) n’avait obtenu que 35 278 voix lors de l’élection fédérale de 2021… principalement à l’ouest.</p>
<h2>Des dérives inquiétantes</h2>
<p>Ce n’est pas la première fois que la droite canadienne trouve des soutiens dans des mobilisations extra-parlementaires. Par le passé, des mouvements pro-pipelines avaient déjà mobilisé <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/convoy-pipeline-immigration-1.5024863">des convois</a> avec « United we Roll » ; ou à l’émulation des <a href="https://globalnews.ca/news/4770509/yellow-vest-protests-canada/">manifestations</a> de types « gilets jaune » en 2019. On a aussi vu d’autres mobilisations de « citoyens » (« energy citizen », « I <3 Oil ») soutenues dans l’ouest… par les <a href="https://cjc-online.ca/index.php/journal/article/view/3312">lobbys pétroliers</a>.</p>
<p>Certaines mouvances, présentes dans le convoi, ont recours à une rhétorique violente, allant jusqu’à une <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1860092/pat-king-manifestation-camionneurs-ottawa">incitation à la violence armée</a> défiant ouvertement l’État de droit.</p>
<p>Le mouvement actuel prend racine dans certaines tendances qui ne sont pas nouvelles dans la politique canadienne, mais qui bénéficient d’un <em>momentum</em> : l’épuisement collectif doublé de l’opportunisme insouciant de plusieurs politiciens fédéraux.</p>
<p>Ce qui en fait un mouvement à surveiller, tient à l’escalade des moyens mobilisés (perturbateurs, violents), à son arsenalisation par l’alt-right <a href="https://www.nytimes.com/2022/02/07/world/canada/canada-protests-right-populists.html">canadienne</a> et américaine, ainsi qu’à sa capacité d’innovation tactique (le siège et le blocage).</p>
<p>Celle-ci donne à une poignée d’individus la capacité d’engendrer des perturbations majeures au fonctionnement de l’État de droit et au travail des gouvernements élus (provinciaux et fédéral). Elles capturent le débat politique. Manifester, contester et discuter font partie d’un répertoire normal, souhaitable dans une démocratie représentative parlementaire. Mais les tactiques et stratégies actuelles ne s’inscrivent pas dans ce registre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176833/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le mouvement prend racine dans des tendances qui ne sont pas nouvelles dans la politique canadienne. Ce qui en fait un mouvement à surveiller est l’escalade des moyens (perturbateurs et violents).Frédérick Guillaume Dufour, Professeur en sociologie politique, Université du Québec à Montréal (UQAM)Djamila Mones, Doctorante en Sociologie | PhD Candidate in Sociology, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1766292022-02-09T16:28:49Z2022-02-09T16:28:49ZDécrochage de la population aux mesures sanitaires : une Santé publique plus autonome est nécessaire<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/445462/original/file-20220209-17-elbogx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C3000%2C2263&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le premier ministre du Québec, François Legault, annonce un allègement des mesures sanitaires, le 8 février, à Québec, en compagnie du directeur par interim de la Santé publique, Luc Boileau, et du ministre de la Santé, Christian Dubé.
La nomination de Luc Boileau fait suite à une baisse de soutien envers les mesures et la Santé publique. </span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jacques Boissinot</span></span></figcaption></figure><p>Certains problèmes sociopolitiques sont tellement complexes que la recherche les appelle « wicked problems ». Ils se distinguent non seulement par une grande complexité, mais également par un haut niveau d’incertitude (pensez au réchauffement climatique). Cela a pour conséquence de rendre extrêmement difficile pour les décideurs politiques de trouver une solution efficace et consensuelle qui puisse les résoudre définitivement.</p>
<p>La pandémie de Covid-19 en fait partie.</p>
<p>Prenez pour exemple la solution qu’incarne la vaccination. Celle-ci provoque en elle-même un nouveau problème qui vient de s’exprimer bruyamment à Ottawa, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1860371/manifestation-camionneur-appel-aide-police-ottawa-sloly">avec le siège des camionneurs</a>, puis à Québec, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1860138/manifestation-police-camionneurs-quebec-convoi-mesures-sanitaires">lors d’une manifestation samedi</a> : bien que majoritaire, l’adhésion à la vaccination n’est pas consensuelle et implique (on le voit) des considérations idéologiques. À cela s’ajoutent les implications des variants sur l’efficacité de cette solution.</p>
<p>En bref, face à ce type de problème, les solutions génèrent souvent en elles-mêmes une multitude d’autres problèmes. Traduire le concept de « wicked problem » par « maudit problème » ne serait donc pas de trop.</p>
<p>Doctorant en science politique spécialisé dans l’utilisation de la science dans les politiques publiques et l’administration, je m’intéresse précisément à la manière dont les gouvernements cherchent à solutionner de tels problèmes. Face aux incertitudes qu’ils génèrent, la présence d’institutions apparaissant comme neutres et autonomes est essentielle. La Santé publique devrait jouer ce rôle. Mais le peut-elle ?</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="manifestants tenant des drapeaux canadiens" src="https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=382&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445227/original/file-20220208-13-ydhttb.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=480&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des camionneurs et leurs supporteurs dans les rues d’Ottawa, le 5 février 2022. La solution vaccinale s’est heurtée à des considérations idéologiques fortes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Nathan Denette</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Peut-on résoudre un « maudit problème » ?</h2>
<p>Par définition, il est extrêmement difficile de résoudre un « maudit problème ». Le réchauffement climatique le montre bien. Il reste cependant possible de mieux les gérer et de tenter de limiter les coûts sociaux, économiques et surtout humains qui en découlent.</p>
<p>Dans un <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s11077-021-09442-2">récent article</a>, le professeur en politiques publiques environnementales Graeme Auld affirme que face à ce type de problème, les systèmes politiques devraient être dotés « d’institutions thermostatiques ». En d’autres termes d’institutions capables de s’adapter, tel un thermostat, aux changements de leur environnement afin de mener à bien certains objectifs primordiaux comme la vaccination ou le respect des mesures sanitaires.</p>
<p>Concrètement, cela veut dire que les institutions doivent être assez robustes pour résister aux pressions de court terme afin de pouvoir réaliser des objectifs indispensables sur le long terme (comme dans le cas du réchauffement climatique). Une institution affaiblie, critiquée, ou délégitimée a en effet moins de chances de réussir sur le temps long.</p>
<p>Par conséquent, la durabilité et l’autonomie des institutions sont essentielles. Or, ce sont justement ces éléments qui semblent manquer, alors que la fatigue s’est emparée de toute la société québécoise. Et ces derniers mois, cette fatigue coïncide précisément avec les difficultés d’une institution centrale dans la lutte contre la Covid-19 : la Santé publique.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=454&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445152/original/file-20220208-15-yas5s4.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=570&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les institutions semblent s’être affaiblies face à la pandémie. Ici les résultats d’un récent sondage Léger montrant la forte diminution de la satisfaction à l’égard des mesures mises en place pour combattre la Covid-19.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Léger)</span></span>
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</figure>
<h2>Couvre-feu « maudit » et transparence</h2>
<p>Comment garantir la durabilité des institutions ? D’une part, faire preuve de davantage de transparence dans les décisions prises. L’imposition au Québec d’un deuxième couvre-feu en moins d’un an, en décembre, le montre : une mesure opaque et peu transparente a très peu de chances de passer l’épreuve de la durabilité et risque d’entamer durement le capital confiance du gouvernement <em>et</em> de la Santé publique avec lui.</p>
<p>En effet, la démonstration scientifique de l’efficacité de cette mesure exceptionnelle <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1851196/msss-revue-editeur-predateur-publication-scientifique">n’a pas été solidement établie</a>. Pire, on a appris que la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1856177/sante-publique-montreal-mylene-drouin-opposee-couvre-feu-quebec">Santé publique de Montréal s’était opposée à l’imposition d’un couvre-feu</a>. Des résultats préliminaires d’une étude que je réalise sur le premier couvre-feu montrent que lors des conférences de presse, c’est François Legault (fonction politique) qui justifie le plus la mesure comparativement à Horacio Arruda (fonction scientifique). Dans ces conditions, la Santé publique fait difficilement valoir son autonomie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/imprecises-et-alarmistes-les-projections-de-la-sante-publique-influencent-pourtant-les-decisions-des-elus-156723">Imprécises et alarmistes, les projections de la Santé publique influencent pourtant les décisions des élus</a>
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<p>Résultat : la diminution de l’adhésion aux mesures (désormais constatée) peut apparaitre comme une conséquence naturelle et malheureusement contre-productive. Pour exemple, le <a href="https://www.inspq.qc.ca/covid-19/sondages-attitudes-comportements-quebecois/25-janvier-2022">score d’adhésion aux mesures sanitaires de l’INSPQ</a> est plus de 10 points en-dessous de ce qu’il était il y a un an (51 % fin janvier 2021 contre 39 % aujourd’hui). <a href="https://leger360.com/fr/sondages/tracker-nord-americain-de-leger/">Selon un récent sondage Léger</a>, le consensus autour de François Legault face à la Covid-19 s’est fissuré (94 % de satisfaits en mars 2020 contre 65 % aujourd’hui). La question des institutions « thermostatiques » se pose donc légitimement si l’on souhaite en finir avec ce « maudit problème », d’autant plus après les récents événements autour de la vaccination.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445156/original/file-20220208-22-1wihjn1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La société québécoise est plus rétive à l’adhésion aux mesures sanitaires. Ici le score d’adhésion aux mesures construit par l’INSPQ indiquant une stabilisation autour de 10 points en dessous de son niveau d’il y a un an.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(INSPQ)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Une santé publique plus autonome est nécessaire</h2>
<p>Davantage d’autonomie pour la Santé publique permettrait d’éviter de colorer politiquement l’expertise. Autrement dit, une baisse du soutien envers le premier ministre ne devrait pas être dommageable pour la Santé publique. C’est pourtant ce qu’il semble s’être passé en janvier avec la <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1853290/depart-directeur-national-sante-publique-quebec-pandemie-covid-19">démission du Directeur de la Santé publique Horacio Arruda</a>, alors même que son poste n’est ni politique, ni électif.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Horacio Arruda" src="https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=406&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445464/original/file-20220209-15-owvr3m.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=510&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’ex-directeur de la Santé publique du Québec, Horacio Arruda, lors d’une conférence de presse à Montréal, le 5 janvier 2022, un peu avant sa démission.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse canadienne/Paul Chiasson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il est donc important de faire de la Santé publique une institution plus autonome afin qu’elle puisse mieux s’adapter aux contextes difficiles et faire avant tout prévaloir son expertise. C’est ce qu’a également conseillé le Collège des médecins récemment.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1481007934314360835"}"></div></p>
<p>Bien qu’il l’ait fait à son corps défendant, le gouvernement semble aujourd’hui l’avoir compris. Le nouveau directeur de la Santé publique, Luc Boileau, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1857663/directeur-national-sante-publique-taxe-sante-independance">a refusé de prendre position sur la « taxe des non-vaccinés »</a>. Ses conférences <a href="https://www.ledevoir.com/politique/quebec/664455/le-scientifique-en-chef-reclame-plus-d-independance-pour-la-sante-publique">sont désormais indépendantes du gouvernement</a>, ce qu’a salué le Scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, qui estimait « qu’une certaine confusion s’est créée au fil des mois sur les raisons qui motivent la gestion de la pandémie de Covid-19 et des mesures sanitaires. Est-ce que c’est vraiment l’avis des experts, ou c’est le politique qui entre ? C’est difficile à démêler, des fois ».</p>
<h2>Des évolutions fragiles</h2>
<p>Un pas semble donc avoir été franchi vers la création d’une « institution thermostatique » en offrant davantage d’autonomie, ou plutôt de place (ne nous précipitons pas) à la Santé publique. Ceci ouvre en effet la possibilité d’une gestion moins exposée à la personnalisation politique (surtout avec les élections qui s’en viennent) et aux dangers que la politisation implique dans la lutte contre la pandémie.</p>
<p>Le recul de la semaine passée sur la « contribution santé » des non-vaccinés est à ce titre un pas de plus pour préserver la Santé publique d’une politisation excessive et dommageable dans le récent contexte de contestations.</p>
<p>Cependant, ce pas reste fragile : les recommandations de la Santé publique et le processus décisionnel demeurent opaques, alors que la transparence permettrait de renforcer la démocratie tout en incluant la population. Ceci pourrait également permettre de faire reculer les mouvements anti-vaccinaux et celui des camionneurs, <a href="https://2g2ckk18vixp3neolz4b6605-wpengine.netdna-ssl.com/wp-content/uploads/2022/02/Legers-North-American-Tracker-February-7th-2022.pdf">lequel demeure soutenu par un tiers de la population selon un sondage du 7 février</a>.</p>
<p>En effet, leur seul argument raisonnablement tenable reste celui de l’opacité gouvernementale. Et qui sait, ceci pourrait peut-être nous aider à régler une bonne fois pour toutes ce « maudit problème ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176629/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Lemor a reçu des financements du FRQSC dans le cadre d'un stage en évaluation réalisé à l'INSPQ. </span></em></p>La Santé publique souffre ces derniers mois d’une baisse de confiance. Le manque d’autonomie et de transparence durant la pandémie et la coloration politique de l’expertise peuvent en être la source.Antoine Lemor, Political science PhD candidate and lecturer, Université de MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1757032022-01-31T19:07:15Z2022-01-31T19:07:15ZAffaire Djokovic : retour sur une crise en quatre actes<p>L’Open d’Australie vient de s’achever avec le 21<sup>e</sup> titre en Grand Chelem de l’Espagnol Rafael Nadal, qui devient le joueur le plus titré de l’histoire à ce jour dans les tournois majeurs. Pourtant, cette édition 2022 restera également marquée par l’affaire Djokovic.</p>
<p>Avant le début de la quinzaine australienne, le monde du tennis se réjouissait de se retrouver à Melbourne pour lancer la saison. Si l’Open d’Australie 2021 avait été marqué par de nombreux matchs joués à huis clos, l’édition 2022 annonçait une <a href="https://www.msn.com/fr-fr/actualite/france/open-d-e2-80-99australie-jauge-de-50-25-masque-obligatoire-e2-80-a6-les-mesures-sanitaires-d-c3-a9voil-c3-a9es/ar-AASIZRi?ocid=uxbndlbing">jauge à 50 % de spectateurs</a>. De quoi ravir les fans de tennis et les joueurs eux-mêmes, heureux de rejouer devant un public. Toutefois, la fête a été gâchée avant même que le tournoi ne débute. La raison ? L’expulsion du numéro 1 mondial, le Serbe Novak Djokovic.</p>
<p>Si une crise, par essence, plonge ses protagonistes dans une zone de perturbation, elle se compose de <a href="https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/communication-crise-0">phases distinctives</a> qui permettent d’éclairer ce qui est devenu aujourd’hui l’affaire Djokovic. Reprenons chacune de ces phases afin de comprendre comment cette situation aurait pu être gérée bien différemment.</p>
<h2>Premiers signaux</h2>
<p>La première des phases est appelée « phase de gestation ». Lors de cette période se déroulant avant l’éclatement de la crise, des éléments peuvent apparaître comme autant de symptômes d’une maladie. Il convient donc à tout gestionnaire de les identifier avant que ne survienne une crise majeure.</p>
<p>L’exemple de la restauration est assez représentatif. Si un établissement se laisse aller sur ses conditions d’hygiène, il est fort probable que certains clients souffrent d’intoxications alimentaires. Malheureusement, il se peut aussi que l’un de ses clients en décède. L’inaction conduit dans ce cas à un drame (phase aiguë) alors que le gestionnaire savait comment agir pour éviter ce drame (phase de gestation).</p>
<p>Dans l’affaire qui nous intéresse, les signaux d’alerte ne manquaient pas. Novak Djokovic n’a jamais caché le rapport particulier qu’il entretenait avec son corps. Pour le tennisman, son corps n’est pas seulement un instrument de travail, il s’agit d’un temple, d’un lieu qu’il a sanctuarisé. Sa <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/vrai-ou-fake-le-rapport-de-novak-djokovic-avec-la-science_4925003.html">défiance vis-à-vis du corps médical</a> n’est pas récente. Dans sa jeunesse, les médecins n’avaient pas réussi à diagnostiquer que la cause de certains de ces maux était liée à son intolérance au gluten. Ce qu’il a perçu comme un échec de la science a façonné l’homme qu’il est aujourd’hui.</p>
<p>Un autre élément aurait dû conduire les organisateurs à une grande vigilance : ses nombreux propos au sujet de la vaccination et <a href="https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/vaccin/vrai-ou-fake-le-rapport-de-novak-djokovic-avec-la-science_4925003.html">son refus obstiné de se faire injecter</a> une dose contre la Covid-19. Il était donc certain que le joueur serbe, au regard de ses <a href="https://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/-on-devrait-avoir-la-liberte-de-choisir-indique-novak-djokovic-a-propos-de-la-vaccination/1299426">déclarations</a> ou de ses silences sur son statut vaccinal, allait s’appuyer sur l’un de motifs d’exemption envisagés par le tournoi.</p>
<p>Enfin, comment oublier le fiasco de l’Adria Tour ? Cette compétition, organisée en 2020 dans les Balkans par Novak Djokovic avec les meilleurs joueurs mondiaux, s’était transformée en un <a href="https://www.abc.net.au/news/2020-06-24/novak-djokovic-charity-tennis-tournament-became-coronavirus-mess/12387086">cluster géant</a>. Tout semblait écrit à l’avance…</p>
<h2>Diffusion massive</h2>
<p>La « <strong>phase aiguë</strong> » correspond donc à l’apparition de la crise. Cette étape se caractérise par une pression médiatique forte : le journaliste investigue, recherche les causes de la situation et, dans un monde hyperconnecté, la diffusion de l’information <a href="https://www.cairn.info/revue-securite-et-strategie-2012-3-page-50.htm">devient massive</a>. Cette phase correspond également à un traitement de l’information focalisé sur la crise en tant que telle. Cette concentration pourrait être comparée à l’effet d’une loupe : l’analyse est réalisée sur un point précis et a tendance à éluder, parfois, d’autres raisons pouvant expliquer la crise.</p>
<p>Dans le cas de Novak Djokovic, la phase aiguë correspond à la période de sa mise en rétention (le 5 janvier 2022) à son départ du territoire australien (le 16 janvier 2022). Lors de ces 12 jours, la pression médiatique sera des plus fortes : qu’il s’agisse de journalistes relayant tous les <a href="https://www.leparisien.fr/sports/tennis/novak-djokovic-en-australie-huit-heures-de-detention-incident-diplomatique-visa-refuse-et-sursis-recit-dune-folle-nuit-06-01-2022-ZWLC2M23SVAPXCWGHXPDQUVB6E.php">éléments en lien avec l’affaire</a>, de joueurs professionnels <a href="https://www.lequipe.fr/Tennis/Actualites/-je-suis-desole-pour-lui-mais-il-connaissait-les-conditions-dit-rafael-nadal-a-propos-de-novak-djokovic/1308736">donnant leur opinion</a> ou de politiciens se positionnant sur la situation du Serbe, tous vont focaliser l’attention sur les moindres faits et gestes du numéro 1 mondial. Durant cette période, une seule stratégie semble payer : humilité et transparence.</p>
<p><iframe id="lxkjm" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/lxkjm/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Il convient ici de rappeler que Novak Djokovic n’a <a href="https://www.tennisactu.net/news-open-d-australie-non-vaccine-sandgren-n-a-pas-demande-d-exemption-94438.html">pas été le seul</a> à avoir dû renoncer au tournoi australien pour non-respect des conditions sanitaires, mais il était le plus connu et a été certainement une sorte de paratonnerre pour les autres joueurs moins connus. Rappelons-nous du <a href="https://www.clai-communications.com/en/findus-and-the-horsegate/">« horsegate »</a> qui a touché l’entreprise agroalimentaire Findus, en 2013, après des révélations sur la présence de viande de cheval dans ses produits : cette dernière n’était pas la seule à avoir été impactée par cette crise mais elle était la plus connue. Elle a donc porté seule le poids des évènements, car il était plus simple médiatiquement de parler d’une marque connue de tous que d’une entreprise bien plus obscure.</p>
<h2>Cicatrisation</h2>
<p>À ce jour, nous rentrons dans une « <strong>phase chronique</strong> » : l’affaire s’éloigne dans le temps, mais toute nouvelle information peut conduire à refocaliser l’attention des médias. Loin de la question du « jouera/jouera pas », les éléments chroniques nous offrent un autre éclairage sur la crise. Certes, la fédération australienne aurait pu travailler en amont de l’affaire mais nous apprenons comment l’application de normes sanitaires était devenue complexe, les <a href="https://www.abc.net.au/news/2022-01-23/craig-tiley-novak-djokovic-australian-open-tennis-australia/100775962">règles changeant régulièrement</a>. Cette question a fait l’objet de recherches soulignant la nécessité d’avoir des principes clairs en stratégie organisationnelle.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1331671582713016322"}"></div></p>
<p>Cette phase demeure des plus délicates car les crises dépassent les frontières et se répandent à une vitesse jamais connue. L’affaire Djokovic en est assez emblématique : l’exclusion d’un joueur de tennis en pleine crise sanitaire le porte à la fois comme le héros sacrifié d’une nation, le symbole de protocoles fragiles voire d’égérie antivax. La crise s’étend bien au-delà de son point d’origine. Dans cette phase, les raisons ayant conduit à la crise deviennent moins manichéennes.</p>
<p>Ce que cette crise nous apprend est qu’il faut être vigilant dans le cadre d’accusations. Certes, Novak Djokovic ne souhaitait pas être vacciné mais il faut certainement regarder du côté de l’organisation du tournoi qui semble avoir perdu pied sur les motifs d’exemption à une injection.L’afflux des prises de paroles sur les évolutions sanitaires a conduit à une incompréhension progressive sur ce qui était autorisé ou non.</p>
<p>Enfin, la phase dite de « <strong>cicatrisation</strong> » vise à dresser le bilan de la crise et d’en tirer des enseignements pour l’avenir. Il apparaît donc que cette période va conduire l’ATP à produire des règles claires, duplicables pour éviter que d’autres affaires similaires ne surviennent. Déjà, des interrogations émergent quant à la participation de Novak Djokovic au <a href="https://www.lequipe.fr/Tennis/Article/Pourquoi-la-participation-de-novak-djokovic-a-roland-garros-ne-depend-peut-etre-pas-du-seul-vaccin/1311371">prochain tournoi de Roland-Garros</a>, qui débute en mai prochain.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175703/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Xavier Menaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La recherche met en évidence un processus d’évolution des crises qui montre que l’exclusion du numéro 1 mondial du tournoi australien pourrait encore faire des vagues dans les semaines à venir.Xavier Menaud, Enseignant en Marketing et Communication, PSB Paris School of BusinessLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1751862022-01-19T15:05:52Z2022-01-19T15:05:52ZCovid-19 et myocardite : le virus est plus dangereux que le vaccin<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/441548/original/file-20220119-15-1gf2ig5.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=61%2C0%2C6816%2C4540&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La myocardite est une inflammation du muscle cardiaque habituellement provoquée par un virus. </span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Dès les premiers cas de Covid-19, il est apparu que le <a href="https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIRCRESAHA.121.317997">cœur était une cible de choix</a> du coronavirus, avec des risques de troubles cardiovasculaires sérieux. Un nombre important de patients hospitalisés présentent ainsi des signes de lésions cardiaques, et beaucoup demeurent affectés même après la fin de leur infection.</p>
<p>Que l’on débatte de la sécurité des vaccins anti-Covid et de leur risque pour la santé cardiovasculaire n’est guère étonnant. <a href="https://www.sports.fr/football/mercato/eriksen-de-retour-premier-league-520036.html">L’arrêt cardiaque très médiatisé du footballeur danois Christian Eriksen</a> en plein tournoi de l’Euro a lancé un mythe persistant sur les <a href="https://www.science20.com/w_glen_pyle/a_false_start_for_sudden_cardiac_death_in_athletes_and_covid19_vaccines-255817">dangers de la vaccination pour les athlètes</a>.</p>
<p>La polémique à propos des vaccins anti-Covid <a href="https://www.sfcardio.fr/publication/myocardite-et-covid-19-mythe-ou-realite">se concentre sur le risque de myocardite après la vaccination</a>, en particulier chez les jeunes. Mais que disent les données ?</p>
<h2>Qu’est-ce qu’une myocardite ?</h2>
<p>La myocardite est une inflammation du muscle cardiaque habituellement causée par un virus comme <a href="https://www.nature.com/articles/s41569-020-00435-x">l’influenza, le coxsackie, l’hépatite ou l’herpès</a>. Les autres causes comprennent les bactéries, les mycoses, les toxines, la chimiothérapie et les maladies auto-immunes.</p>
<p>Certains virus provoquent des lésions directes au cœur, tandis que d’autres l’endommagent indirectement via le système immunitaire. En effet, ce dernier réagit aux infections en libérant dans l’organisme des molécules appelées <a href="https://www.passeportsante.net/fr/parties-corps/Fiche.aspx?doc=cytokines-role-dans-communication-cellules">cytokines</a> qui régulent la réponse immunitaire. Or, il arrive que les taux de cytokines atteignent des niveaux trop élevés, et cette « vague de cytokines » va venir abîmer le muscle cardiaque.</p>
<h2>La myocardite en chiffres</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un joueur de soccer en action" src="https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440920/original/file-20220114-28-6aopnv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alphonso Davies, 21 ans, de l’équipe nationale de foot canadienne, a subi une inflammation cardiaque après avoir contracté le Covid-19.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Efrem Lukatsky)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Avant le Covid-19, l’incidence de la myocardite se situait <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0735109716364658?via%3Dihub">entre un et dix cas pour 100 000 personnes par an</a>. Fait intéressant, le risque le plus élevé touchait les hommes de 18 à 30 ans, et <a href="https://www.myocarditisfoundation.org/about-myocarditis/">plus particulièrement les individus actifs et en bonne santé</a>.</p>
<p>Selon <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/70/wr/mm7035e5.htm">l’Agence américaine de santé publique (CDC)</a>, le risque après une infection au Covid-19 est de l’ordre de 146 cas pour 100 000 personnes. Le risque le plus important concerne les hommes, principalement les adultes de plus de 50 ans et les enfants de moins de 16 ans. Un cas typique est celui du footballeur Alphonso Davies, 21 ans, de l’équipe nationale du Canada, qui a subi une inflammation cardiaque après avoir contracté le coronavirus.</p>
<h2>Myocardite post-vaccinale</h2>
<p>La myocardite consécutive à la vaccination anti-Covid est rare et le risque est beaucoup plus faible que pour les myocardites liées au Covid-19.</p>
<p>Selon une <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2110737">étude israélienne</a>, le taux de myocardite post-vaccinale est de 2,13 cas pour 100 000 vaccinés, c’est-à-dire à l’intérieur de la fourchette normale de fréquence pré-Covid-19. Ce résultat concorde avec d’autres études américaines et israéliennes qui situent <a href="https://www.nature.com/articles/s41569-021-00662-w">l’incidence globale de la myocardite post-vaccinale entre 0,3 et 5 cas pour 100 000 personnes</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une jeune personne portant un masque reçoit un vaccin" src="https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440922/original/file-20220114-22-icdnc7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les myocardites postvaccinales sont rares et la grande majorité des cas, bénins, guérissent rapidement.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après une vaccination à ARN messager, l’incidence la plus élevée de myocardite post-vaccinale est survenue chez les <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2109730">hommes de moins de 30 ans</a> trois à quatre jours après la deuxième dose. Chez les mineurs, les données pédiatriques indiquent un âge médian de 15,8 ans, à 90,6 % de sexe masculin, blancs (66,2 %) ou hispaniques (20,9 %). Pour ce groupe d’âge, on ne dispose pas encore de données fiables sur les injections de rappel.</p>
<p>La plupart des études montrent un bénéfice clair de la vaccination par ARNm en ce qui concerne la myocardite. Une seule étude, réalisée par <a href="https://www.nature.com/articles/s41591-021-01630-0">l’équipe de Martina Patone de l’Université d’Oxford</a>, conclut de manière plus équivoque en ce qui concerne les individus de moins de 40 ans. Celle-ci se base uniquement sur les taux de myocardite. Toutefois, si l’on tient compte de tous les effets néfastes, cardiaques ou non, du Covid-19, il demeure très avantageux d’immuniser les personnes plus jeunes avec des vaccins autres que Moderna – ce dernier, <a href="https://www.bmj.com/content/375/bmj-2021-068665">selon les recherches, présenterait tout de même un risque de myocardite plus élevé que celui de Pfizer</a>.</p>
<h2>Réparer les dommages</h2>
<p>Le <a href="https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIRCRESAHA.118.313578">traitement de la myocardite</a> varie selon sa gravité. Dans sa forme légère, il suffit à un adulte de prendre du repos et des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) comme l’ibuprofène. Les cas plus graves nécessitent des médicaments ou même une assistance ventriculaire, un dispositif mécanique implanté par chirurgie. Si ce traitement ne marche pas, il faut alors recourir à la transplantation cardiaque.</p>
<p>Dans le cadre d’une <a href="https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIRCULATIONAHA.121.056583">étude multicentrique de patients de moins de 21 ans</a>, ceux atteints de symptômes légers ne recevaient aucun traitement anti-inflammatoire ou seulement des AINS. Les patients présentant des symptômes plus graves pouvaient se voir administrer des traitements plus puissants, par immunoglobuline intraveineuse, aux glucocorticoïdes ou à la colchicine, en plus des AINS.</p>
<h2>C’est grave, docteur ?</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Illustration du cœur" src="https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=720&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440924/original/file-20220114-28-2c4vs6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=905&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les adultes qui développent une myocardite suite à une infection à la Covid-19 s’en tirent moins bien que ceux qui ont une myocardite sans lien avec la Covid-19. Leur taux de décès est plus élevé.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus de 80 % des cas de myocardite non liés à la Covid-19 ou à la vaccination guérissent sans problème, tandis que 5 % des patients en meurent à moins de recevoir une transplantation cardiaque dans l’année qui suit.</p>
<p>Les adultes qui développent une <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/eci.13679">myocardite suite à une infection à la Covid-19 s’en tirent moins bien</a> que ceux qui ont une myocardite sans lien avec la Covid-19. Leur taux de décès est plus élevé.</p>
<p>Il convient de noter qu’en plus de la myocardite, le Covid-19 provoque d’autres maladies cardiaques et leur pronostic, par ailleurs, est moins favorable que pour les cas non associés à l'infection.</p>
<p>Quant aux myocardites post-vaccinales, la grande majorité des cas sont légers et guérissent rapidement. Chez les adultes, <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2109730">95 % des cas sont considérés comme légers</a>. De même, chez les enfants – avec <a href="https://www.ahajournals.org/doi/10.1161/CIRCULATIONAHA.121.056583">98,6 % de cas bénins</a> et aucun besoin d’assistance cardiaque mécanique. Tous les enfants touchés au cœur ont vu leur fonction cardiaque se normaliser complètement lors du suivi et on ne note aucun décès.</p>
<h2>Le message à retenir</h2>
<p>Compte tenu de l’évolution constante de la pandémie mondiale et des connaissances, il peut être difficile pour le public d’assimiler toutes les informations sur les risques et les avantages des vaccins.</p>
<p>C’est pourquoi il est utile de se tourner vers les conseils des organisations médicales dont le mandat est de protéger la santé et le bien-être de la société.</p>
<p>Compte tenu de toutes les recherches disponibles, des organisations comme <a href="https://www.heart.org/en/coronavirus/coronavirus-questions/questions-about-covid-19-vaccination">l’Association américaine de cardiologie</a> (AHA), la <a href="https://ccs.ca/app/uploads/2021/04/CCS_Vaccine_Info_FR_v2.pdf">Société canadienne de cardiologie</a>, la <a href="https://www.coeuretavc.ca/comment-vous-pouvez-aider/militez-pour-la-sante/vaccins-contre-la-covid-19--ce-que-nous-faisons">Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada</a>, la <a href="https://cps.ca/fr/documents/position/le-vaccin-contre-la-covid-19-pour-les-enfants">Société canadienne de pédiatrie</a> et <a href="https://www.aap.org/en/pages/2019-novel-coronavirus-covid-19-infections/children-and-covid-19-vaccination-trends/">l’Académie américaine de pédiatrie (APA)</a> encouragent toutes les personnes admissibles à se faire vacciner contre le Covid-19.</p>
<p>C’est ce message que nous devrions tous prendre à cœur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175186/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Glen Pyle reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada, de la Fondation des maladies du cœur du Canada et du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada. Il est co-responsable de COVID-19 Ressources Canada "La science expliquée", membre de Science Up First, et fait partie du conseil consultatif de Royal City Science.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jennifer H. Huang ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La myocardite consécutive à la vaccination contre la Covid-19 est rare, et les conséquences peu graves. Le risque de lésions cardiaques plus lourdes est tout autre en cas d'infection au Covid-19.Glen Pyle, Professor, Laboratory of Molecular Cardiology, University of GuelphJennifer H. Huang, Associate Professor of Pediatric Cardiology, Oregon Health & Science UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1750832022-01-18T18:29:42Z2022-01-18T18:29:42ZIrriter ne suffit pas : ce que le désarroi de la presse étrangère nous dit de l’« emmerder » présidentiel<p>C’est peu dire que la formule « j’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés », employée début janvier par Emmanuel Macron, a défrayé la chronique et suscité d’innombrables commentaires, ce qui était sans doute son but. Mais très vite, cette saillie a donné lieu à une seconde discussion, à côté de la controverse politique : la presse internationale, les correspondants des grands médias à l’étranger et les agences de presse ont fait part de <a href="https://www.liberation.fr/international/emmerder-les-non-vaccines-pour-les-medias-etrangers-le-casse-tete-de-la-traduction-20220105_KN6O6JIOH5BPXMUCAWLCUYU57M/">leur désarroi face à la nécessité de traduire cette formule</a>, <a href="https://stronglang.wordpress.com/2022/01/06/merde-emmerder-les-emmerde/">au point d’attirer l’attention des linguistes</a>.</p>
<p>L’exemple le plus commenté est celui des <a href="https://www.lefigaro.fr/international/annoy-piss-off-hassle-comment-macron-a-emmerde-la-presse-etrangere-20220106">médias anglophones</a> : on a ainsi vu fleurir les débats sur les mérites respectifs de <a href="https://www.lefigaro.fr/international/annoy-piss-off-hassle-comment-macron-a-emmerde-la-presse-etrangere-20220106">« fuck »</a> (« niquer », qui n’a pas fait recette) ou <a href="https://www.theguardian.com/world/2022/jan/04/macron-declares-his-covid-strategy-is-to-piss-off-the-unvaccinated">« piss off »</a> (l’occasion de rappeler l’existence en français du verbe « compisser »), mais aussi, dans un registre moins vert, de <a href="https://www.rnz.co.nz/news/world/459085/covid-19-president-macron-warns-he-will-hassle-france-s-unvaccinated">« hassle »</a> et <a href="https://www.cnbc.com/2022/01/05/macron-french-president-wants-to-annoy-the-unvaccinated-.html">« annoy »</a>, « irriter ».</p>
<p>Au moment du bilan, il semble que « piss off » ait recueilli l’assentiment d’une grande partie des rédactions, du moins de celles dont les codes éditoriaux permettent l’utilisation de ce vocabulaire. Les autres ont opté pour « hassle » ou « annoy », quitte à l’accompagner d’un commentaire signalant l’inadéquation de la traduction et la vulgarité du terme d’origine. Dans <a href="https://www.ouest-france.fr/politique/emmanuel-macron/le-casse-tete-de-la-presse-etrangere-pour-traduire-le-verbe-emmerder-d-emmanuel-macron-2febedc2-56ec-4601-90a4-b4d1ef042f8f"><em>Ouest-France</em></a>, le journaliste Johann Fleuri signale des problèmes équivalents en italien, en allemand, en espagnol et en japonais. De ce point de vue, l’affaire de la traduction d’« emmerder » offre aussi un aperçu sur les pratiques rédactionnelles différentes d’un pays ou d’un média à l’autre.</p>
<p>La vulgarité du terme initial contribue aussi à la difficulté de traduction pour des raisons très pratiques : dans bien des contextes, un doute peut être levé en consultant des <a href="https://www.clarin.eu/resource-families/parallel-corpora">corpus parallèles</a>, des bases de données de textes traduits mis en regard, qui permettent de voir comment une expression a été traduite par d’autres, ou de vérifier la correspondance en sens inverse. Mais ces bases de données relèvent généralement d’un registre écrit, en particulier juridique (les institutions internationales étant de grandes pourvoyeuses de textes traduits). On serait bien en peine d’y trouver le verbe « emmerder ». Même les <a href="https://www.sketchengine.eu/europarl-parallel-corpus/">protocoles traduits du Parlement européen</a> ne contiennent qu’une occurrence de ce verbe, traduite par « annoy ». Mais on peut aussi y vérifier que ce verbe, d’ordinaire, correspond à « irriter ».</p>
<p>La difficulté la plus importante n’est bien sûr pas de cet ordre. La différence entre « irriter » et « emmerder » correspond à une <a href="https://ling.yale.edu/sites/default/files/files/horn/Gutzmann,%20D%20(2012)%20Expressives%20and%20beyond.pdf">dimension expressive du sens</a> et à une attitude de la personne qui parle. On dira que les conditions de vérité d’« irriter » et « emmerder », dans cette phrase, sont semblables : s’il est vrai qu’une décision emmerde les non-vaccinés, il est généralement vrai qu’elle les irrite. Mais les conditions d’usage, elles, sont différentes : on ne fait pas la même chose quand on dit vouloir irriter quelqu’un que quand on dit vouloir l’emmerder. Le piège est en fait de se laisser captiver par le mot et en particulier par la métaphore scatologique, au lieu de voir que le sens à traduire n’est pas celui du mot, mais celui de l’acte consistant à prononcer ce mot. Ce point est d’autant plus important que comme le montre un examen attentif, « emmerder » a de toute façon toujours plus à voir avec la parole qu’avec la défécation.</p>
<h2>Les verbes scatologiques du français : un premier aperçu</h2>
<p><a href="https://languagelog.ldc.upenn.edu/nll/?p=53253">Les commentateurs anglophones</a> ont beaucoup relevé qu’« emmerder » veut littéralement dire « couvrir de merde », ce qui est effectivement le sens de ce verbe à l’origine, comme l’atteste <a href="https://lecteur-few.atilf.fr/index.php/page/lire/e/92499">par exemple le grand dictionnaire étymologique de Bloch et Wartburg</a>, qui fait autorité pour le français et ses variétés régionales.</p>
<p>Cette insistance sur le sens étymologique masque un constat indiscutable : « emmerder » n’est plus utilisé en ce sens en français contemporain. Pour comprendre ce qu’il en est du sens contemporain de ce verbe, il est nécessaire de faire un détour par ses concurrents, les verbes formés à partir de « chier ». On trouve bien sûr « conchier », qui permet de construire la chose ou la personne couverte d’excréments comme complément d’objet direct.</p>
<p>En réalité, ce verbe s’emploie essentiellement de façon ironique, sarcastique ou imagée, comme un concurrent expressif de « haïr », « honnir ». On trouve aussi une construction prépositionnelle de « chier » : « chier sur » quelque chose, ou « chier dessus » avec un pronom objet indirect (« il s’est chié dessus »). Enfin et surtout, il existe une construction dite causative : « faire chier ». C’est le concurrent direct d’« emmerder », y compris dans des emplois secondaires, notamment pronominaux : « se faire chier » ou « s’emmerder » veulent tous les deux dire à la fois « consentir à des efforts pénibles » et « s’ennuyer ». Notons d’ailleurs que « ennuyer » peut fonctionner comme variante polie d’« emmerder » au sens d’« irriter », comme « s’ennuyer » peut marginalement vouloir dire « se donner du mal » (par exemple : « On ne va pas s’ennuyer avec ça. »). « Chiant » et « emmerdant » sont également synonymes, et « ennuyeux » est leur doublon poli. Cette pluralité des sens fonctionne donc comme un petit système cohérent. Et pourtant, il manque quelque chose à cette description, précisément le je-ne-sais-quoi qui a contribué à mettre le feu aux poudres quand l’interview présidentielle a été publiée.</p>
<h2>Quand dire merde, c’est faire</h2>
<p>Comme n’ont pas manqué de le faire remarquer certains opposants, dans « j’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés », on a vite fait d’entendre « j’emmerde les non-vaccinés », au sens de « je me moque bien de leur avis, je compte bien les ignorer quoi qu’ils disent, et je ne me prive pas de leur dire ». Cela nous renvoie au fait qu’« emmerder » a une relation toute particulière à la première personne du singulier, « je ». Dans cet emploi, le sens d’« emmerder » renvoie à un acte de parole : le sujet du verbe est la personne prononçant ce verbe, et le fait de prononcer la phrase suffit à la rendre vraie : l’un des meilleurs moyens d’« emmerder » quelqu’un en ce sens, c’est justement de lui dire « je t’emmerde » ou « je vous emmerde ». </p>
<p>À moins de dire tout simplement à cette personne « Merde ! », pas comme une expression de surprise, de découragement ou de fatigue, qui s’adresserait autant à soi-même qu’à un tiers, ni comme l’encouragement des comédiens superstitieux, mais bel et bien comme une façon de contredire quelqu’un et de l’envoyer promener. Le « Merdre ! » placé par Alfred Jarry <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_vuzhkEkNSQ">dans la bouche du Père Ubu</a> en est la forme la plus emphatique. On trouve, dans le même sens, un emploi à la première personne de « dire merde », voire, chez Marcel Aymé par exemple, « je vous dis <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/cinq">cinq lettres</a> ». Ainsi, Raymond Queneau, dans son <em>Art Poétique</em> :</p>
<blockquote>
<p>Ce soir,<br>
Si j’écrivais un poème<br>
pour la postérité ?<br>
fichtre<br>
la belle idée<br>
je me sens sûr de moi<br>
j’y vas<br>
et à la postérité<br>
j’y dis merde et remerde<br>
et reremerde<br>
drôlement feintée<br>
la postérité<br>
qui attendait son poème<br>
ah mais »</p>
</blockquote>
<p>Dès lors, on est tenté de considérer qu’« emmerder » est ici un verbe de parole, à valeur <a href="https://plato.stanford.edu/entries/speech-acts/">« performative »</a>, comme le seraient par exemple « promettre » ou « souhaiter la bienvenue ». Nous aurions donc affaire à un verbe désignant une action accomplie par le fait de prononcer une phrase où ce verbe est conjugué à la première personne. En linguistique, on parlerait plus précisément de verbe <a href="https://www.e-periodica.ch/cntmng?pid=rlr-001:1976:40::525">délocutif</a>, c’est-à-dire un verbe de parole tiré de la formule prononcée (« saluer » est un verbe délocutif en français, comme l’est « to welcome » en anglais). La « merde » dans « emmerder », ce n’est pas l’excrément, c’est le mot « merde ».</p>
<p>Gardons en tête que dans l’usage, « emmerder » ne renvoie plus à des excréments concrets. Il me semble plausible de postuler qu’aujourd’hui, la valeur centrale autour de laquelle gravitent tous les emplois du verbe, c’est cette valeur performative du verbe de parole, renvoyant à l’exclamation agressive « merde ! »</p>
<p>Contrairement à ce qu’une interprétation étroite de la notion de verbe de parole ou verbe délocutif peut suggérer, le sens de « dire merde » ou « emmerder » n’est pas vraiment « prononcer le mot merde » : c’est plutôt « faire ce qu’on fait quand on dit merde. » Cette paraphrase d’apparence redondante correspond à ce que le philosophe Ludwig Wittgenstein appelle un <a href="https://plato.stanford.edu/entries/wittgenstein/#MeanUse">jeu de langage</a> ; pour comprendre le sens de « dire merde » ou « emmerder », il ne suffit pas de comprendre ce que veut dire « merde », il faut aussi comprendre ce que fait concrètement quelqu’un qui dit « merde » à quelqu’un d’autre. En l’occurrence, dire « merde » à quelqu’un, c’est l’emmerder au sens que les rédactions étrangères avaient retenu : c’est irriter ou plutôt contrarier délibérément cette personne. Si l’on adopte ce point de vue, le verbe « emmerder » n’a en réalité qu’un seul sens : « faire ce qu’on fait quand on dit merde à quelqu’un », y compris – et c’est tout le sel de l’histoire – quand on s’y prend autrement qu’en prononçant le mot fatidique.</p>
<h2>J’ai très envie…</h2>
<p>Voilà qui nous amène à un aspect de la performativité qui n’a pas encore été évoqué ici. La performativité va de pair avec des conventions sociales, et la personne qui dit « Je » doit disposer d’un pouvoir efficace ou reconnu. Ainsi, tout le monde peut prononcer la phrase « je déclare la séance ouverte » lors d’une réunion. Mais seule la personne assurant la présidence de la réunion accomplit réellement l’acte d’ouverture en prononçant la phrase. La deuxième moitié de la phrase présidentielle prend tout son sens ici : « j’ai très envie d’emmerder les non-vaccinés, alors on va continuer jusqu’au bout ». On ne saurait mieux dire qu’une volonté exprimée à la première personne, quand elle est celle d’un Président de la République, est immédiatement effective.</p>
<p>Car c’est bien d’une « envie d’emmerder » qu’il est question. À aucun moment le Président ne dit « J’emmerde ». « Avoir envie de » est une tournure figée, d’aucuns diraient grammaticalisée, comparable à un auxiliaire. Ce n’est pas le verbe principal de la phrase, qui est bien « emmerder ». La phrase précédente est là pour nous le montrer, puisqu’il y est fait référence à Georges Pompidou (« ne pas emmerder les Français ») : c’est bien d’emmerdes qu’il est question, pas d’envies. Mais les énoncés performatifs sont toujours très figés sur le plan de la forme, si bien que l’insertion de cet auxiliaire suffit à poser un filtre sur l’interprétation performative, à plus forte raison quand l’auxiliaire est modal, c’est-à-dire instille une forme de virtualité dans le propos (avoir envie de faire, ça n’est pas encore faire). Mais la suite de la phrase suggère que ce filtre ne bloque en rien l’efficacité de l’acte performatif. La phrase est donc en suspens dans un entre-deux, elle donne à voir le « j’emmerde » et ses implications concrètes, sans totalement l’expliciter. L’acte performatif est simultanément accompli et retenu.</p>
<h2>Emmerder : pour une compréhension globale</h2>
<p>Si l’on se concentre sur les effets de l’acte d’emmerder sur les personnes qu’il vise, on capture certes l’essentiel du sens du jeu de langage réalisé par le Président. Mais on laisse entre parenthèses les particularités de la phrase réellement prononcée. On minore notamment le rapport étroit entre une telle phrase à la première personne et le statut particulier d’une parole présidentielle sous la V<sup>e</sup> République, où tout ce que dit le chef de l’État est pourvu d’une performativité éminente.</p>
<p>« Emmerder » veut dire « contrarier quelqu’un comme on le fait quand on lui dit merde », et c’est au contexte qu’on laisse le soin de déterminer si on le fait réellement en disant merde, ou autrement – et comment. Chaque parcelle de sens dans la phrase réellement prononcée mais aussi dans la situation environnante contribue à fixer le sens exact du verbe. On ne peut donc pas appréhender celui-ci si l’on reste fixé sur un mot, à plus forte raison si on se laisse fasciner par l’image scatologique comme certains commentateurs, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=f-M_jdoY00o">fût-ce sur le mode de l’humour</a>, puisque la différence entre « emmerder » et « faire chier » se réduit justement au fait qu’« emmerder » ne fait pas référence aux excréments.</p>
<p>Le président, ici, ne veut pas seulement contrarier les non-vaccinés, il entend bien le leur dire ès-qualités. Et c’est très exactement ce qu’il fait en prononçant cette phrase dans une interview : dire, c’est faire. Toutes les composantes du sens font bloc ici, et se renforcent réciproquement, à commencer par le choix d’un terme transgressant les règles ordinaires du langage politique : en soi, cette transgression est déjà une démonstration de puissance, et de façon aussi paradoxale que cela puisse paraître, une marque de solennité. Dans une telle phrase, jurer, irriter et légiférer ne font qu’un. Ce régime de la parole, d’aucuns l’appelleront le pouvoir.</p>
<hr>
<p><em>L’auteur remercie S. pour ses remarques précieuses avant et pendant la rédaction de l’article.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/175083/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>L'auteur remercie S. pour ses commentaires avant et pendant la rédaction de cet article.</span></em></p>L’expression employée par le président de la République marque par sa valeur performative.Pierre-Yves Modicom, Maître de conférences en études germaniques, Université Bordeaux MontaigneLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.