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variant Delta – The Conversation
2022-02-15T17:25:19Z
tag:theconversation.com,2011:article/176645
2022-02-15T17:25:19Z
2022-02-15T17:25:19Z
Le séquençage des variants du Covid expliqué par ses spécialistes
<p>Fin 2019 débutait une épidémie due à l’émergence d’un nouveau virus, le SARS-CoV-2, qui allait causer une maladie inconnue, le Covid-19. Rapidement, le pathogène originel allait être remplacé par des mutants, des variants – Alpha, Delta… et Omicron qui domine aujourd’hui la scène internationale.</p>
<p>Comment identifie-t-on ces variants ? Comment les nomme-t-on ? Comment les classe-t-on ? Tout repose sur le « séquençage », la lecture du génome du virus : en l’occurrence un texte génétique d’environ 30 000 bases (ou « lettres »). C’est cette technique devenue incontournable et que <a href="https://theconversation.com/une-journee-en-immersion-dans-un-laboratoire-covid-19-152402">nous mettons en œuvre quotidiennement au laboratoire de virologie du CHU de Rouen</a>, que nous vous proposons de décrypter ici.</p>
<p>Pour commencer, quelques rappels de virologie. Le génome du SARS-CoV-2 contient les informations nécessaires à sa réplication et à la production de sa trentaine de protéines – dont les « briques », les acides aminés, sont assemblées d’après l’ordre des bases dans son génome.</p>
<p>Parmi ces protéines, la désormais célèbre protéine S permet au virus de se lier à sa cellule cible : elle joue donc un rôle majeur dans l’infection. Elle est aussi reconnue par les anticorps générés par notre système immunitaire, après maladie ou vaccination.</p>
<p>Depuis le début de l’épidémie, le génome du SARS-CoV-2 a changé : il a évolué du fait des nombreuses mutations qui s’y sont produites, sorte d’erreurs apparaissant lors de sa réplication. Elles peuvent être de différentes natures : substitution d’une base par une autre, insertion ou suppression d’une base (délétion)… ce qui entraîne un changement dans les acides aminés, et donc de la protéine associée.</p>
<p>Chaque mutation dans une protéine est identifiée par un code constitué d’une lettre désignant l’acide aminé avant mutation, sa position dans le texte génétique et la lettre de l’acide aminé après mutation. Ainsi, à la position 614 de la protéine S, le remplacement de l’acide aminé acide aspartique (codé D) par une glycine (codée G) s’écrit « D614G ».</p>
<p>Le suivi de l’évolution des mutations a permis de définir des clades et des lignages, correspondant à différents groupes de virus partageant les mêmes mutations.</p>
<p>Certaines mutations modifient les propriétés des virus, parfois au point d’avoir un impact sur l’épidémie elle-même : transmissibilité, tableau clinique et sévérité voire efficacité des outils diagnostiques ou des traitements et vaccins peuvent être affectés. Les virus concernés sont alors désignés comme variants. Ainsi, les mutations E484K (présentes notamment chez Bêta et Gamma), N501Y (chez Omicron, Alpha, Bêta et Gamma) et L452R (Delta) semblent liées à un échappement immunitaire et/ou à une augmentation de transmissibilité.</p>
<h2>« Ranger » les variants</h2>
<p>Pour s’y repérer et classer ces variants, deux modes de « rangement » (complémentaires mais qui ne se recouvrent pas) sont à disposition des scientifiques : les clades Nextstrain, identifiés par une année et une lettre (19, 20 ou 21 donnant par exemple 21K, 21L et 21M pour Omicron), et les lignages dits « Pangolin » (rien à voir avec l’animal), composés de lettres et de chiffres (BA.1, BA.2 et BA.3 toujours pour Omicron).</p>
<p>Ils correspondent, en gros, à des « familles » de virus. L’utilisation des clades et lignages (et d’une lettre grecque le cas échéant) permet d’assurer un consensus international quant à l’identité d’un variant.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Arbre montrant les relations de parenté entre les variants, et l’évolution depuis les premières souches de SARS-CoV-2" src="https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=345&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445060/original/file-20220208-19-zj37fm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=434&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Illustration des relations phylogénétiques entre les différents clades (familles) du SARS-CoV-2, tels que définis par le projet international Nextstrain.</span>
<span class="attribution"><span class="source">clades.nextstrain.org</span></span>
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<p>En fonction de l’impact potentiel d’un variant émergent sur la transmissibilité, la gravité, la présentation clinique et l’efficacité des mesures de contrôle et de prévention (outils diagnostiques, vaccination, molécules thérapeutiques), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le classe variant préoccupant (VOC), variant d’intérêt (VOI) ou variant à surveiller (VUM). Seuls les VOC sont associés à une lettre grecque. Ainsi, le variant Omicron regroupe plusieurs clades (21K/L/M) et plusieurs lignages (B.1.1.529 BA.1, BA.2 et BA.3).</p>
<p>En France, une analyse de risques sur les variants émergents du SARS-CoV-2 est réalisée conjointement par Santé publique France et les CNR (Centres nationaux de référence) des virus des infections respiratoires, tous les 15 jours.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau des variants préoccupants et d’intérêt en France début janvier 2022" src="https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=166&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=166&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=166&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=209&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=209&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/445061/original/file-20220208-20-d5tmj1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=209&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Classement des trois types de variants du SARS-CoV-2 en France, d’après l’analyse des risques au 2 janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-circulation-des-variants-du-sars-cov-2</span></span>
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</figure>
<h2>Repérer les mutations</h2>
<p>Nous entrons désormais dans le vif du sujet puisque la présence de mutations se détecte en laboratoire par séquençage. Des « séquenceurs » lisent le texte du génome d’un virus donné, ce qui permet par comparaison avec les séquences déjà connues, de noter les différences et donc repérer les variants et les analyser. On peut ainsi repérer la présence ou l’apparition de variants (anciens ou inédits), tracer leur diffusion dans l’espace et dans le temps et suivre l’évolution de l’épidémie.</p>
<p>Mais les données obtenues ne sont pas interprétables telles quelles et nécessitent une analyse bio-informatique. Les données brutes générées par le séquenceur doivent être traitées pour restituer une séquence virale lisible.</p>
<p>Lisant l’intégralité du texte génétique et pouvant donc repérer des variants inédits, le séquençage est particulièrement puissant… Mais cette technique reste longue : entre la préparation des échantillons, la « lecture » proprement dite dans l’automate, qui peut durer plusieurs dizaines d’heures, et le traitement des résultats jusqu’à validation, il se passe environ cinq jours. Malgré une amélioration de l’équipement, la plupart des laboratoires n’ont ainsi pas la capacité de séquencer la totalité des prélèvements positifs à SARS-CoV-2. Actuellement, en France, environ 1 à 2 % des cas de Covid-19 font l’objet d’un séquençage.</p>
<p>Pour le suivi au quotidien, les recommandations nationales imposent la réalisation d’une seconde RT-PCR, dite de criblage, sur la plupart des prélèvements positifs après la RT-PCR de dépistage. Le criblage permet de repérer des mutations précises, définies au préalable, et sert donc à traquer des variants déjà connus. Et le résultat est cette fois obtenu en 24 à 48 heures.</p>
<p>Les situations où le séquençage est nécessaire ont été définies en France à l’échelle nationale. Il s’agit notamment des cas positifs après retour de l’étranger, d’échecs de vaccination ou de traitements par anticorps monoclonaux ou des cas d’infections avec des excrétions virales prolongées, en particulier chez les personnes immunodéprimées. En parallèle, afin de surveiller la distribution et la circulation en temps réel des différents variants du SARS-CoV-2, un <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/enquetes-flash-evaluation-de-la-circulation-des-variants-du-sars-cov-2-en-france">séquençage aléatoire est réalisé de manière hebdomadaire, dans le cadre des enquêtes FLASH# nationales</a>.</p>
<h2>La puissance du séquençage</h2>
<p>Le séquençage prend tout son intérêt lorsque les jeux complets de données générées de chaque laboratoire (séquences génétiques, données cliniques et épidémiologiques) sont compilés et étudiés à grande échelle.</p>
<p>Cela permet par exemple de modéliser des outils diagnostiques, de traitement et des vaccins. Au niveau de l’épidémie, il permet aussi d’établir une cartographie, nationale ou internationale, des variants circulant à un instant donné, et de déceler précocement une émergence sur un ou plusieurs territoires ou dans une ou plusieurs populations.</p>
<p>C’est dans cette optique qu’a été mis en place, en France, le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/consortium-emergen">consortium EMERGEN</a>, coordonné par Santé publique France et l’ANRS-Maladies infectieuses émergentes (ANRS|MIE). Son objectif est d’assurer une surveillance génomique des infections à SARS-CoV-2. Une quarantaine de laboratoires du réseau ANRS-MIE sont impliqués. Depuis le 03 janvier 2021, 342 419 séquences au total ont été produites <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-circulation-des-variants-du-sars-cov-2#block-338801">chiffres Santé Publique France au 17 janvier 2022</a>, dont 2 117 provenant de notre laboratoire de Virologie, au CHU de Rouen.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="L’activité de séquençage en France a connu deux vagues, cet automne et en fin d’année" src="https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=333&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444857/original/file-20220207-13-19sg0kg.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=418&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Activité nationale de séquençage, basée sur le nombre de prélèvements reçus, semaines 2021-S5 à 2022-S1.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Consortium EMERGEN</span></span>
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<p>L’activité de séquençage et la répartition hebdomadaire des clades séquencés à Rouen, entre janvier 2021 et 2022, sont présentées ci-dessous. La proportion des différents clades doit être analysée en prenant en compte certains biais de sélection, puisque les recommandations de séquençage ont évolué au cours de l’année, conduisant à une surreprésentation de certains variants au détriment d’autres.</p>
<p>À l’échelle internationale, les données de séquençage du SARS-CoV-2 sont partagées, en temps réel, avec la communauté scientifique grâce à la <a href="https://www.gisaid.org/phylodynamics/global/nextstrain/">base de données GISAID, disponible en libre accès</a>. La France se place au 6<sup>e</sup> rang mondial des contributeurs sur GISAID, avec 193 655 séquences déposées depuis janvier 2020, et au 3<sup>e</sup> rang des pays de l’Union européenne, après l’Allemagne et le Danemark – comblant ainsi le retard précédemment constaté.</p>
<p>L’étude de la proportion des différents clades, tant au niveau local que national et international, montre un ralentissement de la diversification de l’épidémie avec de moins en moins de variants co-circulant sur un même territoire et à un même moment.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Ce schéma montre le remplacement progressif des variants anciens par les nouveaux : les souches initiales sont écrasées par Alpha, qui l’est par Delta avant qu’Omicron ne domine la planète" src="https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=103&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=103&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=103&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=129&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=129&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/444865/original/file-20220207-25-6ebiqp.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=129&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Circulation des clades de SARS-CoV-2 dans le monde, entre février 2021 et janvier 2022 (en rouge, Omicron ; en vert, Delta ; en violet, Alpha).</span>
<span class="attribution"><span class="source">nextstrain.org/ncov/gisaid/global</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ainsi, après cinq mois de circulation quasi exclusive du variant Delta en France, le variant Omicron a émergé rapidement à la fin de l’année 2021 et représentait <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde">95.6 % des virus séquencés au 10 janvier 2022</a>.</p>
<p>Ce variant est associé à une <a href="https://theconversation.com/variant-omicron-ba-2-quavons-nous-appris-de-lui-jusqua-present-176517">transmissibilité plus élevée mais à un risque d’hospitalisation et de sévérité plus faibles que pour Delta</a> (chez les vaccinés trois doses). Ces caractéristiques lui permettent d’avoir une meilleure diffusion dans la population.</p>
<p>S’il n’est pas évident à repérer, il reste identifiable par criblage selon les combinaisons de mutations ciblées par la technique. Ainsi, certaines délétions dans la protéine Spike présentes chez BA.1 mais pas chez BA.2 offrent de premiers indices qu’un séquençage complet peut confirmer. Début février 2022, le lignage BA.2 représentait entre 1 à 3 % des variants circulant sur le territoire français.</p>
<p>Le déploiement important du séquençage haut débit, tant à l’échelle nationale qu’internationale, permet désormais de repérer rapidement l’émergence d’un variant. Cela constitue un pilier majeur de lutte contre la pandémie puisqu’il permet une adaptation immédiate des stratégies de prévention : en préconisant de nouvelles doses vaccinales si les premières données suggèrent un échappement immunitaire, mise en place de jauges, confinement, télétravail…</p>
<p>De manière intéressante, le séquençage met actuellement en évidence un ralentissement de la diversification du SARS-CoV-2 : avec désormais une souche majoritaire écrasant tous les anciens clades ayant circulé depuis le début de l’épidémie il y a deux ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176645/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jean-Christophe Plantier a reçu des financements en tant que chef d’équipe de recherche de l'ANRS, Sidaction, Santé Publique France. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alice Moisan, Elodie Alessandri-Gradt et Fabienne De Oliveira ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>
Le « séquençage » du génome du SARS-CoV-2 est sur toutes les lèvres, pour repérer les variants, décrypter les conséquences des changements de sa protéine Spike… Mais concrètement, de quoi s’agit-il ?
Alice Moisan, AHU en virologie, Université de Rouen Normandie
Elodie Alessandri-Gradt, MCU-PH en virologie, CHU de Rouen, Université de Rouen Normandie
Fabienne De Oliveira, Ingénieure Hospitalier, Université de Rouen Normandie
Jean-Christophe Plantier, Professeur des Universités – Praticien Hospitalier en Virologie, Université de Rouen Normandie
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174713
2022-01-17T19:31:35Z
2022-01-17T19:31:35Z
« Avec Omicron, nous assistons plus à une autre forme d'épidémie qu'à une simple nouvelle vague »
<p><em>Depuis le printemps 2020, la France a connu cinq vagues de contaminations dues au SARS-CoV-2 et ses différents variants (depuis 2021). Quelle est aujourd’hui la situation dans le pays ? Quel effet a l’arrivée d’Omicron, tant sur les hospitalisations que pour les enfants ? Et comment l’hôpital a-t-il adapté la prise en charge des patients atteints du Covid ? Analyse et prise de recul par le Pr Karine Lacombe, infectiologue et Cheffe de Service des maladies infectieuses et tropicales (Hôpital Saint-Antoine, Paris).</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation-France : En France, où en est-on des vagues liées aux différents variants du SARS-CoV-2 ?</strong></p>
<p><strong>Karine Lacombe :</strong> Depuis novembre 2021, nous étions dans une cinquième vague où le variant Delta était majoritaire. Elle s’est manifestée par une augmentation des contaminations, qui s’est doublée 15 jours à 3 semaines plus tard d’une hausse des hospitalisations. Jusqu’à atteindre à la période de Noël un <a href="https://covidtracker.fr/">plateau élevé, lentement ascendant, des hospitalisations et des passages en réanimation</a>. On comptait 245 admissions par jour en soins critiques mi-décembre, 285 fin décembre et 345 actuellement.</p>
<p>Et, spécificité de la séquence présente, avant même qu’on ait une inflexion des contaminations et surtout de l’occupation des services de réanimation, on a vu émerger mi-décembre avec l’arrivée d’Omicron une espèce de sixième vague venant chevaucher la précédente. <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde">On a assisté depuis fin décembre à une augmentation fulgurante des contaminations, mais sans que ça se traduise encore en hospitalisation</a> : pour l’heure, les malades qui arrivent dans nos services sont surtout des patients Delta.</p>
<p>Nous procédons, chez les personnes hospitalisées, a des tests PCR combinés qui dépistent, entre autres, les SARS-CoV-2 et les virus grippaux. Pour l’heure, la grippe n’est pas encore trop présente mais ça va forcément monter. Et <a href="https://theconversation.com/deux-variants-peuvent-se-retrouver-dans-une-meme-cellule-avec-quels-risques-174956">en cas de co-infection</a>, comment va se comporter Omicron ? La grippe ? Les deux virus vont-ils entraîner des symptômes ? On ne peut pas savoir.</p>
<p><strong>T.C. : C’est encore tôt, mais que pouvez-vous déjà observer concernant le variant Omicron ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Il est possible que ce variant ait des propriétés différentes de celles de ses prédécesseurs, telles qu’une extrême contagiosité et des signes cliniques qui ne sont pas exactement les mêmes. On note ainsi des spécificités au niveau des patients : on a d’un côté des malades porteurs de Delta qui arrivent avec un Covid clair à l’hôpital… et d’autres qui arrivent avec diverses pathologies et chez qui on découvre, en les testant à leur arrivée aux Urgences, la présence passée inaperçue d’Omicron. Dans leur cas, on ne peut pas vraiment parler d’un Covid, puisque le Covid est une maladie avec des symptômes bien définis (le principal étant une pneumonie hypoxémiante, c’est-à-dire nécessitant de forts besoins en oxygène) et ici absents, mais plutôt d’un portage asymptomatique.</p>
<p>Donc on a pour l’instant plus une autre forme d’épidémie qu’une simple nouvelle vague. Mais on est au tout début de cette sixième séquence, il est donc difficile de voir où ça va mener. On a toutefois les exemples de l’Angleterre et de l’Afrique du Sud, qui aurait déjà passé son pic et où il semblerait qu’Omicron ait causé moins de formes Covid graves. En Angleterre, actuellement, sur dix personnes qui arrivent aux Urgences pour Covid, une passe en réanimation ; habituellement c’est une sur cinq… C’est pour ça qu’on entend parfois dire qu’il est deux fois moins pathogène.</p>
<p>À quoi est-ce dû ? Aux propriétés intrinsèques d’Omicron… ou au fait que 75 % de la population est vaccinée (90 % en France) ? Il est encore trop tôt pour le dire, nous aurons des statistiques précises d’ici une quinzaine de jours.</p>
<p><strong>T.C. : Y a-t-il déjà des données concernant les symptômes d’Omicron ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Les premières constatations cliniques que l’on fait, c’est qu’Omicron donnerait plutôt des formes d’affection « hautes » : de type pharyngite et laryngite, des maux de gorge qui évoquent les angines, le nez qui coule… Des choses touchant plutôt la sphère ORL, et pas le poumon profond à la différence de Delta. Chez les personnes vaccinées, en particulier ayant reçu trois doses, on a beaucoup de porteurs asymptomatiques ou développant de rares symptômes sur deux à trois jours – comme une espèce de grippe, avec un peu de mal de gorge, parfois un peu de fièvre, de courbatures et puis ça passe.</p>
<p>Il faut malgré tout rester prudent : la dernière semaine de décembre, 14 % des personnes hospitalisées pour Covid en réanimation chez nous avaient Omicron.</p>
<p>Autre point, nous avons <a href="https://geodes.santepubliquefrance.fr/#c=indicator&f=09&i=covid_hospit_clage10.hosp&s=2022-01-12&t=a01&view=map1"><strong>500 enfants hospitalisés en France</strong> pour un Covid</a> (on ne sait pas encore si c’est Omicron ou Delta), soit le nombre le plus élevé qu’on ait eu – et 80 % n’ont pas de comorbidités. Ce qui est proportionnellement normal : avec plusieurs centaines de milliers de personnes qui s’infectent tous les jours, les enfants sont forcément touchés. Mais en l’occurrence, c’est une épidémie qui a été fulgurante chez eux et les jeunes adultes.</p>
<p>Et se pose la question des PIMS (<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/surveillance-nationale-des-cas-de-syndrome-inflammatoire-multi-systemique-pediatrique-pims">syndrome inflammatoire multisystémique pédiatrique</a>) qui peuvent toucher les enfants trois à quatre semaines après leur Covid. On a eu quelques cas avec les autres variants, qu’en sera-t-il avec Omicron ? C’est quelque chose qui inquiète, et on n’en saura pas plus avant février-mars. (<em>Entre le 2 mars 2020 et le 26 décembre 2021, 826 cas de PIMS ont été signalés, dont 745 en lien avec le Covid-19. Le nombre de cas étant en augmentation depuis fin novembre indique <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/surveillance-nationale-des-cas-de-syndrome-inflammatoire-multi-systemique-pediatrique-pims">Santé publique France</a>, ndlr</em>)</p>
<p><strong>T.C. : Avec une telle propagation d’Omicron et la diffusion du vaccin, va-t-on arriver à l’immunité collective régulièrement mise en avant ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Peut-être par la force des choses… Mais ça ne serait pas une immunité homogène : il y aurait des niveaux différents au sein de chaque groupe de population, car <a href="https://theconversation.com/avoir-ete-malade-de-la-covid-19-ne-protege-pas-aussi-bien-quun-vaccin-surtout-face-au-variant-delta-165196">l’immunité acquise par la vaccination est plus solide et dure plus longtemps que celle acquise par l’exposition au virus – et encore plus quand on est vacciné après infection</a>. Malgré tout, ça devrait permettre de freiner la diffusion de l’épidémie – à moins qu’à un moment émerge un nouveau variant qui échappe totalement à notre système immunitaire.</p>
<p>C’est un peu ce qu’on voit avec Omicron, puisqu’il faut trois doses pour arriver à le maîtriser et que des personnes infectées par d’autres variants et non vaccinées se réinfectent facilement.</p>
<p><strong>T.C. : Vous avez indiqué que la hausse des contaminations ne s’accompagnait pas (encore) de celle des hospitalisations. La prise en charge des patients a-t-elle évolué en deux ans ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Nous avons effectivement réalisé énormément de progrès : on adapte désormais le type de traitement au profil du patient et au stade de la maladie auquel il se trouve.</p>
<p>On considère, pour simplifier, que le Covid se déroule en deux phases : une virale, qui commence deux à trois jours avant le début des symptômes et persiste trois à quatre jours après ; puis une inflammatoire, où le virus est moins présent mais où le patient développe une réponse inflammatoire exacerbée. Les médicaments développés visent ces deux phases.</p>
<p>Au début de l’épidémie, comme on avait plutôt des malades en phase inflammatoire, on s’est surtout concentré sur l’évaluation de médicaments capables de « casser » cette réaction, puisque c’est l’emballement de nos défenses immunitaires qui amène en réanimation. Le premier qui a vraiment montré son efficacité est un corticoïde (le <a href="https://www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=935">dexaméthasone</a>). D’autres ont ensuite joué sur la modulation de la réponse immunitaire.</p>
<p>Ce qui a permis de diminuer la mortalité en réanimation par deux : avant elle montait jusqu’à 30 %, on culmine maintenant plutôt autour de 15 %.</p>
<p>Ensuite, on a ensuite progressé dans le traitement de la phase virale. Normalement, lorsque l’on est exposé au virus, naturellement ou par vaccination, on développe des anticorps capables de reconnaître l’intrus et de guider notre réponse immunitaire. Or, certains n’ont pas d’anticorps et risquent des formes sévères de la maladie : par exemple les personnes immunodéprimées – et les non-vaccinées.</p>
<p>Des traitements capables de mimer l’action de ces anticorps ont été mis au point, les plus probants étant les <a href="https://www.vidal.fr/medicaments/utilisation/biotherapie-biosimilaire/anticorps-monoclonaux.html">anticorps monoclonaux</a> (<em>créés en laboratoire contre une cible bien précise, ici la protéine Spike, ndlr</em>). Autorisés chez les patients immunodéprimés, ils diminuent de 80 % le risque d’hospitalisation en cas de symptômes les cinq premiers jours de la maladie.</p>
<p>Malheureusement, plusieurs de ces <a href="https://ansm.sante.fr/actualites/traitements-par-anticorps-monoclonaux-actuellement-disponibles-contre-la-covid-19-et-utilisation-selon-les-variants">anticorps monoclonaux (tel Ronapreve)</a> très efficaces contre la souche originelle du SARS-CoV-2 et les précédents variants, dont Delta, ne marchent plus sur Omicron dont la Spike a beaucoup changé du fait de ses mutations (<a href="https://ansm.sante.fr/actualites/evusheld-une-nouvelle-bitherapie-danticorps-monoclonaux-contre-la-covid-19-autorisee-en-acces-precoce">Evusheld restant en partie efficace</a>).</p>
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<img alt="Modélisation 3D du cocktail d’anticorps monoclonaux Evulshed" src="https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440764/original/file-20220113-17-1u6jloq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=667&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le mélange d’anticorps monoclonaux Evusheld (Tixagevimab à droite, et Cilgavimab, à gauche) conserve une partie de son efficacité contre le variant Omicron.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Fvasconcellos, d’après Dong J, Zost SJ, Greaney AJ, Starr TN, Dingens AS, Chen EC (2021)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Quand un malade arrive à l’hôpital, on fait donc toujours une analyse sérologique pour rechercher la présence d’anticorps. S’il n’y en a pas, on peut proposer l’injection de monoclonaux.</p>
<p>Un autre type d’antiviral existe, mais à l’efficacité moins établie. L’un n’a d’ailleurs <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3304161/fr/covid-19-deux-nouveaux-traitements-evalues-par-la-has">pas eu son autorisation d’accès précoce en France</a> (le <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-03667-0">molnupiravir</a>, de MSD), et l’autre (développé par Pfizer) est en cours d’examen. Les données ne sont pas encore publiées et évaluées scientifiquement, juste <a href="https://www.pfizer.com/news/press-release/press-release-detail/pfizers-novel-covid-19-oral-antiviral-treatment-candidate">annoncées dans des communiqués de presse</a>.</p>
<p><strong>T.C. : Existe-il des traitements préventifs ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Le meilleur est bien sûr le vaccin, qui protège des formes graves ceux qui peuvent, physiologiquement, faire des anticorps. Et ceux qui ne le peuvent pas, peuvent recevoir des anticorps monoclonaux. Pour ces publics vulnérables, dont les personnes immunodéprimées, on peut les injecter à titre préventif – c’est de la prophylaxie préexposition (avant d’être exposé au virus) ou post-exposition immédiate.</p>
<p>On les utilise aussi en curatif précoce dans les cinq jours après le début des premiers symptômes. Au-delà de ces cinq jours, si on est encore malade, c’est que s’installe une forme grave, en particulier pulmonaire. On a alors recours aux immunomodulateurs et corticoïdes.</p>
<p><strong>T.C. : Comment l’hôpital se prépare-t-il, encore, à faire face ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> On a recommencé à déprogrammer des actes de chirurgie… mais c’est de plus en plus difficile : du personnel est parti, épuisé, entraînant la fermeture de lits. On se bat de nouveau au quotidien pour réinventer des solutions. En essayant par exemple d’accélérer la sortie des patients en les faisant rejoindre plus vite, selon leurs besoins, des centres de rééducation, des maisons de retraite temporaires ou des centres pour SDF Covid, etc. de façon à pouvoir vider les lits et prendre de nouveaux patients.</p>
<p>Ou alors on « détourne » des lits de certaines unités, en changeant leur destination. Par exemple dans des secteurs dédiés à des bilans (diabète, cardio-vasculaire…), on va apporter tout le matériel nécessaire (respirateurs et autres) pour les transformer en unité de soin intensif adaptée au Covid.</p>
<p>Mais d’une part, ça veut dire que les soins et analyses des malades initialement programmés dans ces unités sont décalés, d’un mois, trois mois… Et d’autre part, c’est très compliqué logistiquement parlant, et épuisant physiquement et nerveusement pour les soignants. Un autre souci, avec un Omicron aussi contagieux, ce sont les arrêts de travail pour cause d’infection. Heureusement, avec la vaccination obligatoire des soignants, il n’y a pas de formes graves mais tout de même pas mal de personnel arrêté.</p>
<p>Avec ce variant, ça n’est peut-être pas tant la gravité de la maladie que la désorganisation de la société qui risque de s’en suivre qui va être le principal problème.</p>
<p><strong>T.C. : Avec le recul, comment voyez-vous ces deux années écoulées ?</strong></p>
<p><strong>K.L. :</strong> Aujourd’hui, à chaque nouvelle vague, on a à gérer de nouvelles inconnues : comment les gens vaccinés vont-ils résister, quels signes cliniques vont dominer, comment « armer » (transformer) des lits supplémentaires en réanimation… Mais en 2020, on a vécu quelque chose d’inimaginable et on est passé juste à côté d’une terrible catastrophe.</p>
<p>On a réussi à faire face parce qu’on a été solidaires. À la fois à l’hôpital, où des liens très forts ont été créés et qui perdurent malgré la fatigue, et avec la population qui, quoi qu’on en dise, a été très impliquée. En un an, on en est par exemple à 90 % de vaccinés : qui l’aurait cru ? On ne se rend pas compte de l’effort logistique que représente un tel niveau de vaccination de la population, qui a elle-même accepté l’injection.</p>
<p>On a tendance à sous-estimer cela parce que ceux qui font le plus de bruit, c’est la minorité bruyante qui est contre (le vaccin, etc.) et ceux qui font de la désinformation. Globalement, on est tous allés dans le même sens.</p>
<p>On a été confronté à une crise sans précédent, qui nous a affectés mentalement, physiquement, socialement… Mais je pense que quand on va en sortir et qu’on se retournera sur ces trois années, même si notre démocratie a été mise en tension, on s’en sortira la tête haute.</p>
<p>Si j’ai un grand regret toutefois, c’est la difficulté de lutter contre la désinformation. Au nom de la liberté d’expression, on a laissé des sites diffuser en continu de fausses informations. On peut ne pas être d’accord sur certains points mais, à un moment, on ne peut pas aller contre la connaissance scientifique établie collégialement. Je ne parle pas des victimes de ces Fake-news, que l’on retrouve ensuite dans nos services, mais de ceux qui les promeuvent souvent dans un but économique ou personnel et qui abusent des publics vulnérables qui les écoutent. Cela, on n’a pas su le prendre en charge.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174713/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Karine Lacombe a reçu des financements pour de l’expertise scientifique ponctuelle et de l’aide à la participation à des réunions scientifiques (financement personnel) et un soutien à la recherche clinique (financement de mon institution) : Gilead, MSD, Janssen, Sobi, GSK, ViiV Healthcare.
Karine Lacombe participe au Think Thank de l’Express pour analyser les projets des candidats à la Présidentielle 2022 (responsable de la recherche et de la santé) et biotech SPIKIMM (expertise pour le développement clinique d’un Ac monoclonal de l’Institut Pasteur).</span></em></p>
Quelle est la situation sanitaire et hospitalière en France alors que le pays passe de Delta à Omicron ? Comment ont évolué prise en charge et traitement ? L'analyse de l'infectiologue Karine Lacombe.
Karine Lacombe, Infectiologue, cheffe de service des maladies infectieuses de l'Hôpital Saint-Antoine, Sorbonne Université
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174956
2022-01-14T19:47:42Z
2022-01-14T19:47:42Z
Covid-19 : quel est le risque quand deux variants se retrouvent dans une même cellule ?
<p><em>Joue-t-on à se faire peur avec les variants ? L’annonce d’une fusion entre Delta et Omicron sous une forme « Deltacron » a fait beaucoup parler… Directeur de Recherche au CNRS au laboratoire « Maladies Infectieuses et Vecteurs : Écologie, Génétique, Évolution et Contrôle » et à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), Samuel Alizon fait la part des choses sur les différents phénomènes et idées reçues qui entourent l’apparition des variants. Ce dont il faut se méfier… ou pas.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation France : On a à l’origine un virus unique, inconnu, découvert à Wuhan, en Chine. Deux ans plus tard, ses versions mutantes, les variants Alpha, Bêta, Delta, Omicron… sont légion. C’est sans fin ?</strong></p>
<p><strong>Samuel Alizon :</strong> <a href="https://theconversation.com/covid-19-que-sait-on-du-variant-delta-et-des-autres-163611">Comme tous les êtres vivants, le virus SARS-CoV-2 évolue</a>. À chaque infection sont produites des milliards de nouvelles particules virales et, parmi elles, certaines sont porteuses de mutations (des changements dans leur matériel génétique, ou génome). Ces mutants sont le moteur de l’évolution et ces processus de diversification intra-patient sont aujourd’hui <a href="https://science.sciencemag.org/content/early/2021/03/10/science.abg0821">bien étudiés</a>.</p>
<p>Une infection est initiée par une ou quelques particules virales seulement, qui sont rarement des mutantes. Et même dans ce cas, leurs mutations sont généralement « neutres », c’est-à-dire que les infections qu’elles entraînent sont semblables à celles causées par les virus non mutants (dits « sauvages » ou « historiques »). Une part infime de particules modifiées porteront un changement évolutif significatif.</p>
<p>Concernant cette évolution qui se produit au cours d’une infection, le suivi des personnes immunodéprimées est très intéressant. En effet, l’infection peut alors durer des mois, ce qui laisse le temps à plus de mutation d’émerger et de se fixer si elles ont un intérêt… Une <a href="https://www.cell.com/cell-host-microbe/fulltext/S1931-3128(22)00041-5">étude récente</a> menée chez une personne co-infectée par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et le SARS-CoV-2 pendant plus de six mois le montre : on voit se fixer dans la population virale des mutations lui permettant d’échapper peu à peu au système immunitaire affaibli.</p>
<p>Plus généralement, certains mutants peuvent se propager et prendre le pas sur les virus existants, car certaines des mutations qu’ils portent leur sont bénéfiques (on les dit « adaptatives »). Les exemples les plus récents ont pour noms variants Alpha, Bêta, Delta et maintenant Omicron… </p>
<p><strong>T.C. : À partir de quand parle-t-on d’un nouveau variant et pas d’une sous-famille du virus précédent ?</strong> </p>
<p><strong>S.A. :</strong> Ce qu’on voyait au début, c’était cette accumulation de mutations un peu au hasard et à une vitesse constante. C’est ce principe qui permet de suivre la propagation du virus à partir du séquençage des génomes – comme avec un arbre généalogique : si vous partez de l’ancêtre commun, vous avez toute une descendance de lignées, chacune un peu différente.</p>
<p>Or, fin 2020 - début 2021, on a vu apparaître ce qu’on appelle les « variants » du SARS-CoV-2. <a href="https://www.who.int/en/activities/tracking-SARS-CoV-2-variants/">L’OMS en distingue aujourd’hui deux types</a>, les variants d’intérêt et les variants préoccupants (Alpha, Béta, Gamma, Delta et Omicron), qui sont définis suivant deux critères :</p>
<p>● Premièrement par le fait qu’ils entraînent un type d’infection distincte… L’infection peut être plus contagieuse, plus virulente, échapper à l’immunité, aux traitements, etc. </p>
<p>● Deuxièmement, ils sont associés avec des manifestations au niveau épidémiologique, typiquement un rebond dans le nombre de cas.</p>
<p>Prenons un contre-exemple, vous vous souvenez peut-être qu’en France, <a href="https://doi.org/10.1016/j.cmi.2021.09.035">en Bretagne (Lannion)</a>, on avait détecté un mutant qui infectait plutôt les voies respiratoires basses et semblait plus virulent. On aurait pu le classer comme variant préoccupant (du fait qu’il causait des infections potentiellement plus virulentes) mais il ne s’est jamais beaucoup propagé : il n’y avait donc pas ce second critère épidémiologique.</p>
<p>Il existe un dernier critère, a priori peu utilisé pour définir un variant mais qui se constate dans ces cinq cas : ils ont plus de mutations que la moyenne. On l’a vu tout d’abord avec Alpha, détecté au Royaume-Uni. Ce qui frappait, c’est que par rapport aux lignées de SARS-CoV-2 qui circulaient jusque-là et avaient accumulé en moyenne une douzaine de mutations par rapport à la première séquence de Wuhan, <a href="https://virological.org/t/preliminary-genomic-characterisation-of-an-emergent-sars-cov-2-lineage-in-the-uk-defined-by-a-novel-set-of-spike-mutations/563">Alpha en avait 14 de plus</a>. Omicron en a une soixantaine, alors qu’en moyenne le variant Delta plafonne à un peu moins de 50.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Arborescence montrant les différences entre les nombreux variants de SARS-CoV-2 (Omicron, Delta, Alpha, etc.)" src="https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=568&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=714&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=714&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440837/original/file-20220114-25-b8850w.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=714&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En suivant les mutations chez les différentes souches de virus, il est possible de dresser leur arbre « généalogique ». Ce qui permet d’évaluer leurs divergences.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Soupvector/NextStrain.org</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p><strong>T.C. : Quels sont les traits les plus importants à suivre chez les variants ?</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> Déjà, le plus simple à suivre, celui qu’on voit en premier dans les dépistages, c’est leur vitesse de propagation. On a vu ainsi Alpha se propager et remplacer les lignées ancestrales. Dans notre équipe, nous avons été les premiers, mi-juin 2021, à montrer que le <a href="https://theconversation.com/covid-19-que-sait-on-du-variant-delta-et-des-autres-163611">variant Delta se propageait environ 1,8 fois plus rapidement que Alpha</a>. Et Omicron, lui, se propage <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.12.31.21268583v1">deux fois plus vite</a> que Delta en France.</p>
<p>Cette propagation plus élevée est quelque chose de composite : le virus peut se diffuser plus vite parce qu’il est intrinsèquement plus contagieux (on se base alors sur le calcul de son « R0 », soit le nombre de personnes qu’infecte une personne pendant son infection dans une population entièrement susceptible).</p>
<p>Mais la propagation peut aussi dépendre de la capacité à échapper à l’immunité préexistante. Dans le cas d’Omicron, <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.12.19.21268038v1">selon une prépublication d’une équipe sud-africaine</a>, il se pourrait que cette rapide propagation résulte un peu d’un R0 plus élevé et beaucoup d’un échappement à l’immunité.</p>
<p>L’échappement immunitaire est, en tant que tel, un autre trait important à suivre. Avec Omicron, c’est la première fois qu’un variant contourne de manière significative l’immunité naturelle et vaccinale. En soi, ce n’est pas une surprise car toute intervention en santé publique (même des traitements) exerce une pression de sélection sur les populations virales. Mais il est clair que cela démontre que l’évolution virale est une menace à prendre au sérieux dans une perspective d’immunité de groupe.</p>
<p>Enfin, la virulence est un autre trait problématique à suivre… Mais attention, il faut bien la définir : c’est, à immunité égale, le risque de développer des formes sévères suite à l’infection.</p>
<p>Jusqu’à Delta, hausse de la virulence et hausse de la contagiosité allaient de pair. Ceci est cohérent avec ce que l’on voit pour d’autres infections où une hausse de contagiosité est associée à une plus grande production de virus, ce qui signifie plus de cellules infectées donc plus de cellules détruites. </p>
<p><strong>T.C. : Mais le variant Omicron semble, lui, moins virulent ?</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> C’est l’occasion de rappeler que <a href="https://theconversation.com/de-delta-a-omicron-pourquoi-un-variant-chasse-lautre-173532">le variant Omicron est très récent</a>. Sa découverte date de moins de 2 mois ! Donc analyses et interprétations sont à prendre avec beaucoup de précautions, nous sommes loin des échelles de temps classiques en science.</p>
<p>Toutefois, avec ce cinquième variant, on voit effectivement pour le moment quelque chose d’inédit : une hausse de contagiosité avec, <a href="https://www.lemonde.fr/blog/realitesbiomedicales/2022/01/03/covid-19-ce-que-lon-sait-de-la-severite-de-linfection-a-omicron/">au vu des premières données</a>, une virulence moindre – de l’ordre du tiers de celle de Delta.</p>
<p>Comment l’expliquer ? Jusque-là, les lignées infectaient plutôt les voies respiratoires basses (poumons, etc.), où les réponses immunitaires sont assez fortes. Omicron, lui, semble mieux adapté que les autres aux voies respiratoires hautes (pharynx, larynx, etc.) où les cellules immunitaires sont moins abondantes. </p>
<p>Quand on sait que la réponse la virulence de l’infection, la pathologie – ce qui définit la maladie « Covid » – vient principalement d’une sur-réaction du système immunitaire, il est logique qu’une infection telle que celle causée par Omicron soit moins virulente.</p>
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<a href="https://theconversation.com/covid-19-pres-de-20-des-formes-graves-sont-dues-a-des-problemes-genetiques-et-immunitaires-171432">Covid-19 : près de 20 % des formes graves sont dues à des problèmes génétiques et immunitaires</a>
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<p>Pour utiliser des concepts de biologie de l’évolution, on pourrait y voir une colonisation de « niches écologiques » différentes. Ceci est aussi cohérent avec les observations faites : la réponse immunitaire est moins forte dans les voies respiratoires hautes donc Omicron a plus facilité à y échapper et, comme il est plus près de la sortie, il est plus contagieux…</p>
<p>Comme à ce stade les données sont limitées, autant spéculer pleinement ! Une possibilité pourrait être qu’une telle colonisation de niches distinctes conduise à une sorte de « spéciation » avec apparition de deux types de SARS-CoV-2 spécialisés pour exploiter les voies respiratoires hautes ou les voies respiratoires basses.</p>
<p>On en est évidemment encore très loin, mais la question se pose de savoir si les variants Delta et Omicron coexisteront ou pas localement. Cela dépendra beaucoup de l’intensité de l’immunité croisée entre ces deux variants sur le long terme.</p>
<p><strong>T.C. : Peut-on faire des projections sur l’évolution de la virulence du virus ? Certains ont avancé qu’il pourrait devenir moins dangereux…</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> C’est une hypothèse qui circule beaucoup en effet : pour un virus, tuer son hôte, c’est tuer la poule aux œufs d’or. Souvent, effectivement, la mort de l’hôte signifie la fin de l’infection. Mais ce n’est pas toujours le cas. Par exemple, le virus Ebola peut se transmettre après la mort de l’hôte.</p>
<p><a href="https://www.editionspoints.com/ouvrage/evolution-ecologie-et-pandemies-samuel-alizon/9782757887233">La question a plus d’un siècle</a>. En simplifiant, une des raisons pour lesquelles un parasite ne devient pas avirulent est qu’afin d’avoir une chance d’être transmis à de nouveaux hôtes, il doivent se répliquer. Ceci nécessite donc d’utiliser des ressources de leur hôte et, par conséquent, de lui nuire.</p>
<p>On a pourtant, c’est vrai, souvent l’impression que les infections deviennent moins virulentes avec le temps… mais il ne faut pas perdre de vue l’immunité. En l’occurrence, depuis le début de l’épidémie de Covid, les populations se sont immunisées ! Certaines personnes ont été infectées et la majorité de la population mondiale été vaccinée. Si la proportion de personnes hospitalisées parmi les personnes infectées a été plus faible lors de la vague Delta que lors de celle d’Alpha, ce n’est ainsi <a href="https://theconversation.com/pourquoi-il-y-a-peu-de-chances-pour-que-le-coronavirus-sars-cov-2-perde-sa-virulence-166835">pas parce que le virus est devenu moins virulent</a>.</p>
<iframe src="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer?facet=none&Metric=People+fully+vaccinated&Interval=7-day+rolling+average&Relative+to+Population=true&Color+by+test+positivity=false&country=~OWID_WRL&hideControls=true" loading="lazy" style="width: 100%; height: 600px; border: 0px none;" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Et si l’on se base sur d’autres virus comme le VIH, la virulence semble même plutôt avoir augmenté entre les années 1980 et 2000. Plus généralement, cette hypothèse qu’un virus va forcément devenir avirulent n’est pas étayée et, le plus souvent, on assiste plutôt à une immunisation des populations.</p>
<p>Dans le cas du SARS-CoV-2, comme notre équipe le soulignait déjà dans un <a href="https://covid-ete.ouvaton.org/Rapport12.html">rapport d’août 2020</a>, les admissions à l’hôpital se produisent généralement dix jours à deux semaines après l’infection. Or 95 % des événements de transmission secondaire ont lieu entre le deuxième et le onzième jour post-infection. Autrement dit, quand le virus commence à vraiment nuire à son hôte, il a déjà fini ou peu s’en faut de se transmettre à d’autres personnes. De son point de vue à lui, peu importe la mort ou la survie de cet hôte !</p>
<p>Enfin, il faut souligner que si, pour le moment, Omicron semble trois fois moins virulent que Delta (qui était deux fois plus virulent que les lignées ancestrales), pour des raisons a priori liées à la meilleure colonisation de ce nouvel environnement, il n’en reste pas moins 5 à 10 fois plus virulent que la grippe.</p>
<p><strong>T.C. : L’inquiétude a récemment été vive avec l’annonce controversée d’un possible nouveau variant, issu d’une fusion entre Delta et Omicron, surnommée « Deltacron »…</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> Il faut rassurer tout le monde ! L’hypothèse la plus probable, concernant <a href="https://www.france24.com/fr/europe/20220110-covid-19-l-existence-de-deltacron-fusion-de-delta-et-omicron-est-tr%C3%A8s-probable">ce qui a été décrit à Chypre</a> est une contamination des échantillons prélevés chez les malades lors de leur analyse… ou une co-infection.</p>
<p>Quand il y a une forte circulation virale comme en ce moment avec deux lignées de variants, certaines personnes peuvent être infectées par les deux en même temps. On parle de co-infection. </p>
<p>Pour savoir quelle souche infecte un individu, on lit (on « séquence ») le génome viral. Pour cela, on commence par couper ce génome en petits morceaux. Or, quand vous avez deux variants dans votre échantillon, à la fin du processus, vous obtenez « une soupe » où se mélangent leurs fragments.</p>
<p>La plupart des équipes concluront à une co-infection par deux lignées différentes… À Chypre, c’est pourtant une autre hypothèse, celle d’une recombinaison, qui a été avancée – une sorte de fusion entre eux.</p>
<p>En effet, au sein d’une personne co-infectée, deux variants peuvent parfois se retrouver dans une même cellule. Si cela se produit, des phénomènes de « recombinaison » peuvent survenir, au cours des cycles reproductifs des génomes des deux virus : tous deux vont s’échanger un petit fragment de leur génome, créant ainsi une sorte de « mélange de génome ».</p>
<p><a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0966842X16301330">Le phénomène était bien décrit pour les coronavirus</a>, et sans surprise, il existe aussi pour le SARS-CoV-2. Ce phénomène a été décrit <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2021.08.014">par des collègues britanniques</a>, non pas pour Delta et Omicron mais pour Alpha et d’autres lignées. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1372300356709982209"}"></div></p>
<p>Actuellement, les laboratoires de dépistage français détectent des individus infectés par les deux variants Omicron et Delta. Il est fort possible que parmi les milliards de virions produits par ces personnes co-infectées, certains soient des recombinants… Cependant, pour le moment, aucun recombinant entre Delta et Omicron circulant dans la population n’a encore été identifié. D’ailleurs, il faut souligner qu’il est également possible que des recombinaisons entre virus de lignées très proches se soient produites (lesquelles ne seraient pas détectables).</p>
<p>À un niveau individuel, il n’y a toutefois pour le moment aucune raison de s’alarmer. Comme pour les mutations en général, la majorité des virus recombinants sont a priori tellement mal adaptés qu’ils ne sont probablement pas viables. En effet, les contraintes sont si fortes sur les génomes viraux que toute variation, que ce soit une mutation ou une recombinaison, a toutes les chances de déséquilibrer l’ensemble du cycle de vie du virus. En outre, il n’y a pour le moment pas de données suggérant que la co-infection par différents variants serait plus létale.</p>
<p>Le souci potentiel avec la recombinaison se situe plutôt au niveau populationnel. Comme le prouvent les variants préoccupants, l’évolution virale peut fragiliser notre capacité à contrôler l’épidémie. Plus le virus circule, plus il y a d’infections et donc plus le risque d’émergence et de transmission de virus mutés augmente. Une circulation à encore plus grande échelle, comme actuellement en France, accélère encore plus l’évolution, avec un risque plus important de production et de transmission de virus recombinants. </p>
<p><strong>T.C. : L’évolution du SARS-CoV-2 va donc se poursuivre… Face aux variants, l’immunité collective est-elle un mythe ?</strong></p>
<p><strong>S.A. :</strong> La notion d’immunité collective est un peu mise à toutes les sauces. Je la décrirais comme le niveau d’immunité dans la population qui permet à la majorité de la population de ne pas se soucier de l’infection. Dans le cas du SARS-CoV-2, cela signifie en premier lieu ne plus revivre cette saturation du système hospitalier et l’épuisement de ses agents. Le niveau d’immunité à atteindre pour cela dépend de trois facteurs :</p>
<p>● La robustesse de notre mémoire immunitaire, qui tend à s’éroder naturellement. C’est pour cela que, pour de nombreuses infections, on effectue des rappels vaccinaux afin de la restimuler.</p>
<p>● Du virus, qui évolue. Pour la grippe, tous les ans les lignées qui circulent sont un peu (voire très) différentes, ce qui nécessite une mise à jour du vaccin.</p>
<p>● De l’environnement au sens large. Pour reprendre l’exemple de la grippe, il n’y a pas de cas en été : il n’y a pas besoin d’avoir beaucoup de personnes immunisées pour empêcher la circulation du virus. En hiver, c’est une autre affaire… Rappelons que les interventions non pharmaceutiques (port du masque, aération, ventilation etc.) diminuent aussi les seuils nécessaires pour obtenir une immunité collective.</p>
<p>En résumé, l’immunité collective est un but à atteindre, mais plusieurs méthodes de préventions permettent de la construire. Toutes ont des avantages et des inconvénients en termes d’efficacité, de coût (sanitaire, social, économique) et de robustesse. L’important est qu’il y a ait une discussion large sur comment sortir durablement de cette crise. C’était déjà une des conclusions de <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_27_juillet_2020.pdf">l’avis du Conseil Scientifique</a>… le 27 juillet 2020.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174956/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Alizon est directeur de recherche an CNRS et a reçu des financements de la Région Occitanie et de l'ANR (projet PHYEPI) pour travailler sur le SARS-CoV-2. Ses recherches ont aussi été financées par le CNRS et l'INSERM (ATIP-Avenir), le Conseil de la Recherche Européen, la Fondation pour la Recherche Médicale, la Ligue contre le Cancer et l'Université de Montpellier.</span></em></p>
Joue-t-on à se faire peur avec les variants ? L'annonce d'une « fusion » entre Delta et Omicron en « Deltacron » a fait beaucoup parler… Retour sur les idées reçues autour de leur apparition.
Samuel Alizon, Directeur de Recherche au CNRS, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174587
2022-01-13T20:02:38Z
2022-01-13T20:02:38Z
Omicron : les problèmes que pose un variant trois fois moins sévère, mais deux fois plus transmissible
<p><em>Identifié pour la première fois au Botswana et en Afrique du Sud en novembre 2021, le variant Omicron s’est rapidement propagé partout sur la planète. S’il semble entraîner moins de formes sévères que les précédents variants du SARS-CoV-2, il est beaucoup plus transmissible, ce qui fait peser un risque important sur les hôpitaux. Épidémiologiste et biostatisticien à l’École des Hautes Études en Santé Publique, Pascal Crépey nous explique pourquoi, et fait le point sur la situation française.</em> </p>
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<p><strong>The Conversation : Sait-on précisément où en est la propagation d’Omicron dans notre pays ? A-t-on assez de données pour suivre efficacement sa dissémination ?</strong></p>
<p><strong>Pascal Crépey :</strong> Aujourd’hui, nous avons une vision assez précise de la dynamique de ce variant sur le territoire. Mais cela n’a malheureusement pas toujours été le cas ces dernières semaines. En effet, identifier un variant peut se faire de deux façons, soit en lisant totalement sa séquence d’ARN (c’est le séquençage), soit en la passant, littéralement, au “crible” (on parle de criblage), c’est-à-dire en recherchant un certain nombre de mutations prédéfinies, dont l’absence ou la présence vont permettre de catégoriser ce variant sans avoir à le séquencer. Cette dernière approche est plus rapide, le résultat est obtenu en quelques heures, mais a des limites, puisqu’elle se focalise sur des quelques mutations déjà connues. </p>
<p>C’est de cette façon qu’on avait pu suivre le variant Alpha : son profil était différent de celui de la souche historique. Dans le cas d’Omicron, la situation était similaire, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive qu’une nouvelle version de ce variant avait émergé, acquérant une mutation qui brouillait les pistes, car elle faisait ressembler son profil avec celui du variant précédent. En effet, Delta peut acquérir certaines mutations d’Omicron et vice-versa. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Profils de criblages des différents variants." src="https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=162&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=204&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=204&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439881/original/file-20220108-87662-z0uuzq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=204&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Profils de criblages des différents variants.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.afro.who.int/sites/default/files/Covid-19/Techinical%20documents/FF_Technical%20Note_VOC%20Omicron_Fr.pdf">https://www.afro.who.int</a></span>
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<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=132&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=132&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=132&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=166&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=166&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/439880/original/file-20220108-17-xn88w5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=166&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.afro.who.int/sites/default/files/Covid-19/Techinical%20documents/FF_Technical%20Note_VOC%20Omicron_Fr.pdf">https://www.afro.who.int</a></span>
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<p>Le risque était qu’une partie des variants Omicron circulants passent sous les radars. Pour renforcer le système de détection la direction générale de la santé (DGS) a donc décidé mi-décembre de <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgs_urgent_2021_131_actualisation_doctrine_de_criblage.pdf">mettre à jour le système</a>, afin que les laboratoires d’analyse intègrent des marqueurs plus spécifiques d’Omicron. Mais ce genre d’adaptation prend du temps, car tous les laboratoires qui participent doivent modifier leurs protocoles, leurs logiciels, mettre en place des contrôles qualité… En outre, le grand nombre de tests pratiqués en ce moment a compliqué encore un peu plus les choses, en engorgeant les laboratoires.</p>
<p>Quoi qu’il en soit, selon le bulletin épidémiologique hebdomadaire de Santé Publique France du 13 janvier, durant la première semaine de 2022, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/maladies-et-infections-respiratoires/infection-a-coronavirus/documents/bulletin-national/covid-19-point-epidemiologique-du-13-janvier-2022">« 89 % des tests criblés montraient un profil compatible avec le variant Omicron »</a>. Comme pour le reste de l’Europe, en France ce variant aura remplacé le précédent en quelques semaines.</p>
<p><strong>TC : Omicron se répand donc beaucoup plus rapidement que les variants précédents…</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Effectivement. Alors que le nombre de reproduction initial (R0) du variant historique était situé autour de 2,5, le variant Alpha avait un R0 de 80 % supérieur, situé autour de 4. Le variant Delta était lui-même encore plus transmissible, avec un R0 compris entre 6 et 8. Or, le variant Omicron pourrait être jusqu’à 100 % plus transmissible, ce qui signifie son R0 se situerait autour de 12 ou 15.</p>
<p>Ce virus fait donc désormais partie des plus contagieux que l’on connaisse : le seul autre équivalent connu avec un tel R0 est le virus de la rougeole, qui se propage lui aussi par aérosol. Le point positif est que, puisqu’on ne connaît pas d’autre virus avec des R0 plus élevés, on peut espérer qu’Omicron n’a plus vraiment de marge de progression en termes de transmissibilité…</p>
<p>(<em>Le <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/media/multimedia/covid-19-le-r-ou-taux-de-reproduction-du-virus-c-est-quoi">nombre de reproduction R</a>, correspond au nombre moyen de personnes contaminées par chaque personne infectée, à un instant donné. On distingue le nombre de reproduction initial, R0 (au moment où l’agent pathogène est introduit au sein d’une population dans laquelle l’ensemble des individus sont susceptibles d’être infectés, sans mesure de contrôle) du nombre de reproduction effectif Rt, calculé ensuite. Rt est généralement inférieur à R0, car la proportion de sujets non immunisés à tendance à diminuer et en raison de la mise en place de mesures préventives, ndlr</em>)</p>
<p><strong>TC : Le virus semble provoquer moins de formes graves. Est-ce un fait acquis ? Cette moindre sévérité pourrait-elle compenser l’avantage en transmissibilité et alléger le fardeau hospitalier ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> D’après les <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1045619/Technical-Briefing-31-Dec-2021-Omicron_severity_update.pdf">dernières données britanniques</a>, la sévérité d’Omicron serait 30 à 50 % de celle de Delta. Cela est aussi confirmé par <a href="https://doi.org/10.1101/2022.01.11.22269045">les données américaines</a>. Ce qui nous ramène à un niveau qui est, au maximum, de l’ordre de la sévérité du variant historique, responsable de la première vague, voire qui pourrait s’avérer moitié moins sévère que ce variant.</p>
<p>Au point de vue individuel, il vaut donc certainement mieux être infecté par le variant Omicron que par l’un des précédents variants, car le risque de développer une forme grave est moins élevé. Mais d’un point de vue collectif, le problème est tout autre : étant donné que sa capacité à se transmettre est très importante, Omicron va infecter beaucoup plus de personnes que ses prédécesseurs. Donc globalement, il risque d’être responsable de davantage de formes sévères, de plus d’hospitalisations, de plus d’entrées en réanimation et donc de plus de morts que les autres variants. </p>
<p>Ce paradoxe apparent complique probablement la compréhension de la dynamique épidémique d’un grand nombre de personnes, politiques et médecins inclus.</p>
<p><strong>TC : On a beaucoup discuté de la fermeture des écoles. Jouent-elles un rôle important dans cette vague ? Omicron touche-t-il davantage les enfants ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Pour l’instant, l’augmentation d’incidence observée chez les enfants, qui s’accompagne d’une augmentation des hospitalisations pédiatriques, n’a rien de surprenant. Il s’agit en effet de la partie de la population qui est la moins protégée, et qui a néanmoins des contacts sociaux. Mécaniquement, s’il y a plus d’infections, le risque d’observer des hospitalisations augmente, même si le risque “individuel” pour un enfant de faire une forme grave reste très faible.</p>
<p>Concernant le rôle des écoles dans la dynamique épidémique : certes, elles jouent un rôle dans la propagation du virus, mais on constate que pour cette vague, l’augmentation des contaminations s’est produite pendant les vacances de Noël, alors que les établissements scolaires étaient fermés. Omicron se transmettant beaucoup plus, il n’a plus vraiment besoin des écoles pour diffuser. En outre, les écoles sont le miroir de ce qui se passe dans les foyers : il est difficile de savoir si les plus jeunes se contaminent chez eux ou en milieu scolaire. Donc oui, fermer les écoles pourrait éviter des contaminations, mais cette mesure ne suffirait certainement pas, à elle seule, à bloquer l’épidémie.</p>
<p><strong>TC : Les contaminations atteignent des niveaux record. Pour quand est attendu le pic de cette vague ? Quelles risquent d’être les conséquences pour l’hôpital ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Ce que l’on constate aujourd’hui, c’est que la dynamique de la maladie semble un peu différente de celle observée lors des vagues précédentes. Actuellement, les données hospitalières indiquent que les passages en services d’urgence se traduisent par un nombre d’hospitalisations plus faible que lors des vagues précédentes. Par ailleurs, ces hospitalisations entraînent pour l’instant moins d’admissions en réanimation, et les séjours ont aussi l’air d’être plus courts. Si cela se confirme, cela va forcément influer sur les lits disponibles, ce qui pourrait améliorer notre capacité à absorber la vague Omicron.</p>
<p>Mais on attend encore des données plus précises, car même si ces chiffres semblent encourageants, il reste encore trop d’inconnues pour être tout à fait rassuré, notamment parce que <a href="https://doi.org/10.1038/s41467-021-27163-1">les travaux que nous avons menés avec Simon Cauchemez</a>, de l’Institut Pasteur, ont mis en évidence un effet « cascade d’âge » durant les vagues épidémiques. </p>
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<img alt="Jeunes gens portant des masques en train de discuter à l’extérieur." src="https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=480&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440780/original/file-20220113-13-14qrmqi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=603&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À chaque vague de l’épidémie, les classes d’âge les plus jeunes ont été les premières à être touchées.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/e0A6lJA4mCI">Xingyue HUANG / Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>Au début d’une vague, ce sont d’abord les personnes les plus jeunes qui sont infectées, parce qu’elles ont plus de contacts sociaux que les autres classes d’âge. L’épidémie se propage ensuite de proche en proche, en remontant la pyramide des âges. Donc en début de vague, les personnes touchées sont forcément plus jeunes, ce qui signifie que le fardeau hospitalier est moins lourd. C’est ce que l’on observe à présent. Il est à craindre que, dans les semaines à venir, lorsque le virus touchera les personnes plus âgées, la situation se détériore. Reste à voir dans quelles proportions. Nous en saurons plus entre mi- et fin janvier, car c’est à cette période qu’est attendu le pic des contaminations.</p>
<p>Il faut aussi souligner que les situations sont très hétérogènes d’une région à l’autre. Dans certains endroits, comme en PACA, le fardeau hospitalier est déjà très lourd, tandis qu’ailleurs, comme dans l’Ouest, le contexte est plus favorable. De multiples facteurs expliquent ces disparités : climatiques, structurels, culturels, comportementaux… On sait notamment que les facteurs socio-économiques sont importants, ils influent à la fois sur le risque d’infection et sur la gravité de la maladie. </p>
<p>Il existe un lien entre le niveau de vie des populations et leur santé, moins bonne chez les plus pauvres. On sait aussi que la couverture vaccinale et le niveau d’éducation sont corrélés : plus la population a un niveau d’éducation élevée, plus la couverture vaccinale est importante. Cela se traduit par des écarts qui peuvent aller jusqu’à plus de 10 % d’une région à l’autre (83 % de la population a reçu une première dose dans le Finistère contre 70 % dans les Bouches du Rhône, par exemple).</p>
<p><strong>TC : Justement, quel rôle joue la vaccination ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Il existe des preuves claires que la vaccination est très efficace pour limiter le risque de survenue de formes graves. La stratégie vaccinale en place, et notamment l’administration d’une troisième dose, devrait donc nous permettre d’atténuer très largement la vague d’hospitalisation à venir.</p>
<p>Cela a déjà des conséquences sur les admissions en réanimation, qui pour l’instant sont encore davantage liées au variant Delta qu’au variant Omicron. La troisième dose influe sur les deux variants, et la plus grande sévérité de Delta qui explique qu’il provoque plus d’hospitalisations. Reste à voir ce qui va se passer à mesure que la vague d’Omicron progresse.</p>
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<img alt="Flacons du vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech." src="https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/440784/original/file-20220113-27-kfjknr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le vaccin à ARN de Pfizer-BioNTech.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/qqyIX177sY0">Mat Napo / Unsplash</a></span>
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</figure>
<p>On entend beaucoup parler de l’absence d’efficacité des vaccins contre la transmission. Or, on a tendance à confondre deux concepts distincts : transmission et excrétion. C’est vrai, une personne vaccinée, si elle est infectée, transmettra quasiment autant qu’une personne non-vaccinée. Cependant, son risque d’être infecté est réduit (de 80 % juste après la 2e ou 3e dose, à 50 % quelques mois plus tard). Et le meilleur moyen de ne pas transmettre est bien de ne pas être infecté ! </p>
<p>Malheureusement, cette protection contre l’infection n’est pas durable, car elle dépend des anticorps neutralisants produits juste après la vaccination et qui disparaissent en quelques mois. On constate néanmoins qu’après une troisième dose, l’efficacité contre l’infection à Omicron est similaire à celle que l’on observait contre Delta après la deuxième dose. </p>
<p><strong>TC : L’immunité collective est-elle désormais une chimère ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Non, l’immunité collective n’est pas du tout une chimère : nous l’avons déjà atteinte quatre fois, à chaque fois que nous avons passé le sommet d’une vague !</p>
<p>Il faut bien comprendre ce qu’est l’immunité collective : il s’agit du niveau d’immunité qui permet de faire passer le nombre de reproduction effectif en dessous de 1, donc d’entamer la phase décroissante de l’épidémie. Selon les projections, le pic de contaminations par Omicron pourrait survenir entre mi- et fin janvier : à ce moment-là, grâce à la vaccination et en raison des infections qui seront survenues, on aura atteint un niveau d’immunité dans la population qui permettra de casser le processus de croissance exponentielle de l’épidémie.</p>
<p>Mais l’immunité collective est temporaire : l’immunité individuelle baisse dans le temps et un nouveau variant pourrait lui échapper. C’est la raison pour laquelle il est illusoire de penser que laisser circuler le virus est une solution ! Premièrement, un tel laisser-aller a un coût humain important. Ensuite, plus le virus se réplique, plus il y a de variabilité génétique, et plus on augmente le risque d’émergence d’un variant qui aurait acquis des fonctions d’échappement immunitaire pouvant nous poser problème. C’est d’autant plus inquiétant qu’étant donné que les capacités de propagation d’Omicron sont maximales, son remplaçant potentiel devra avoir un autre avantage évolutif, qui pourrait justement être la capacité d’échapper à l’immunité.</p>
<p>On sait que les virus ne restent généralement pas bloqués très longtemps face à de tels obstacles, ils les contournent, comme les cours d’eau contournent les piles des ponts… Mieux vaut donc rester vigilant et se dire qu’il y a toujours un intérêt à diminuer la circulation virale.</p>
<p><strong>TC : Ce qui pose à nouveau la question de l’immunité vaccinale au niveau mondial ?</strong></p>
<p><strong>PC :</strong> Je pense que, malheureusement, la vaccination au niveau global dans un but d’éradication du virus n’est plus vraiment une option. Il faudrait en effet atteindre des niveaux de vaccination qui sont déjà difficilement atteignables en France ou en Europe, en raison notamment de l’hésitation vaccinale, alors même que ces pays payent déjà l’un des fardeaux épidémiques les plus importants…</p>
<p>Il est plus probable que l’on se dirige vers un scénario de type grippe, qui nécessitera une surveillance annuelle, et un regain de vigueur de l’épidémie en hiver, après une accalmie qui s’étendra de mai à septembre.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174587/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascal Crépey a reçu des financements de l'Agence nationale de la recherche (ANR) et de l'ANRS-Maladies Infectieuses Emergentes. </span></em></p>
En moins de deux mois, le variant Omicron a envahi notre pays. Que sait-on de lui et des conséquences de sa présence ? Le pic épidémique est-il passé ? Les hôpitaux risquent-ils d’être submergés ?
Pascal Crépey, Professeur, département Méthodes quantitatives en santé publique (METIS), EA 7449 REPERES, École des hautes études en santé publique (EHESP)
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174302
2022-01-04T19:02:54Z
2022-01-04T19:02:54Z
Pourquoi Omicron pourrait être le dernier variant « préoccupant »
<p>La question de savoir si les virus sont vivants reste controversée, cependant, comme tous les êtres vivants, ils évoluent. Ce fait est apparu très clairement au cours de la pandémie de SARS-CoV-2, le coronavirus responsable du Covid-19 : de nouveaux variants préoccupants <a href="https://www.who.int/en/activities/tracking-SARS-CoV-2-variants/">ont émergé régulièrement</a>, venant bousculer l’actualité.</p>
<p>Certains de ces variants se sont révélés plus efficaces que les précédentes versions du SARS-CoV-2 pour se propager d’une personne à l’autre et ont fini par les supplanter, devenant dominants. </p>
<p>Cette capacité de propagation améliorée a été attribuée à des mutations de leur protéine Spike (les protubérances en forme de champignon situées à la surface du virus). Ces protéines Spike mutées se lient plus fortement aux récepteurs ACE2 situés à la surface de nos cellules (notamment celles qui tapissent nos voies respiratoires). Or le virus s’attache à ces récepteurs pour entrer dans les cellules et commencer à s’y répliquer.</p>
<p>Ces mutations ont permis aux variants Alpha puis Delta de devenir dominants au niveau mondial. Et les <a href="https://theconversation.com/de-delta-a-omicron-pourquoi-un-variant-chasse-lautre-173532">scientifiques s’attendent à ce que la même chose se produise avec Omicron</a>.</p>
<p>Un virus ne peut cependant pas s’améliorer indéfiniment…</p>
<h2>Omicron, « meilleure » version possible du SARS-CoV-2 ?</h2>
<p>Les lois de la biochimie font que le SARS-CoV-2 finira par développer une protéine Spike se liant à l’ACE2 aussi fortement que possible. À partir de là, la capacité de propagation du virus ne sera plus limitée par son aptitude à se fixer à nos cellules ; d’autres facteurs viendront limiter sa diffusion, tels que la vitesse de réplication de son génome, celle à laquelle il peut pénétrer dans la cellule et la quantité de nouveaux virus qu’un humain infecté pourra produire et disséminer.</p>
<p>En principe, tous ces facteurs devraient finir par évoluer vers des performances maximales.</p>
<p>Omicron a-t-il atteint cet apogée ? Il n’y a, pour l’heure, aucune raison de penser que tel est le cas… Les études dites de « gain de fonction », qui examinent les changements dont le SARS-CoV-2 a besoin pour se propager plus efficacement, ont <a href="https://www.nature.com/articles/s41564-021-00954-4">identifié de nombreuses mutations</a> potentielles qui amélioreraient la capacité de la protéine Spike à se lier à nos cellules. Or Omicron ne les possède pas. En outre, des améliorations pourraient être encore apportées à d’autres aspects du cycle de vie du virus, comme la réplication du génome, ainsi que je l’ai mentionné plus haut.</p>
<p>Mais supposons un instant qu’Omicron est bien le variant « ultime », celui dont la capacité de propagation est maximale…
Et si, limité par les probabilités génétiques, Omicron ne pouvait bénéficier de nouvelles améliorations ? De la même manière que les zèbres n’ont pas développé d’yeux à l’arrière de leur tête pour éviter les prédateurs, il est en effet plausible que le virus du Covid ne puisse pas atteindre son maximum théorique : il devrait pour cela obtenir toutes les mutations potentielles nécessaires en même temps – ce qui serait par trop improbable.</p>
<p>Toutefois, même dans un scénario où Omicron serait le meilleur variant en termes de propagation entre humains, de nouveaux variants continueraient à apparaître, et contourneraient nos défenses immunitaires.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-dosages-des-vaccins-sont-differents-chez-les-enfants-et-les-adultes-171916">Après une infection virale, le système immunitaire s’adapte en produisant des anticorps</a>, qui se fixent sur l’intrus pour le neutraliser, et des lymphocytes T (des cellules immunitaires qui détruisent les cellules infectées). Les anticorps sont de petites molécules protéiques qui reconnaissent spécifiquement certaines portions du virus, tandis que les lymphocytes T reconnaissent les cellules infectées car elles présentent à leur surface des <a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">motifs moléculaires résultant de l’infection</a>. Si les mutations subies par le SARS-CoV-2 changent suffisamment son « apparence », il se peut donc que nos défenses immunitaires ne le reconnaissent plus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>C’est pourquoi Omicron réussit apparemment si bien à infecter des personnes déjà immunisées, que ce soit par la vaccination ou par une infection antérieure : les mutations qui permettent à sa protéine Spike de mieux se lier à nos récepteurs ACE2 réduisent également la capacité des anticorps <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.12.08.21267417v3.full.pdf">à reconnaître le virus et à le neutraliser</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/3pFQpiawX80?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>En revanche, les <a href="https://www.businesswire.com/news/home/20211208005542/en/">données de Pfizer suggèrent</a> que les lymphocytes T devraient répondre de la même manière à Omicron et aux variantes précédentes. On a en effet observé qu’en Afrique du Sud, où la <a href="https://ourworldindata.org/coronavirus/country/south-africa">plupart des gens sont immunisés</a>, le taux de mortalité du nouveau variant est plus faible.</p>
<p>C’est un point important à souligner : une exposition passée semble donc encore protéger contre les formes les plus graves de la maladie et contre le risque de décès. Nous sommes donc dans une situation de « compromis » : le virus peut se répliquer et réinfecter d’anciens malades, mais ceux-ci ne développent pas de signes cliniques aussi graves que la première fois.</p>
<h2>Futur possible</h2>
<p>C’est là que réside l’avenir le plus probable de ce virus. Même s’il se comporte comme un joueur professionnel et finit par maximiser toutes ses statistiques, il n’y a aucune raison de penser qu’il ne sera pas néanmoins contrôlé et éliminé par le système immunitaire. Les mutations qui améliorent sa capacité de propagation n’augmentent pas dramatiquement le nombre de décès.</p>
<p>Ce virus au mieux de ses capacités pourrait alors juste continuer à muter de manière aléatoire, se modifiant suffisamment au fil du temps pour que les défenses immunitaires, adaptées à de précédents variants, ne le reconnaisse plus suffisamment, ce qui se traduirait par des réinfections.</p>
<p>Nous pourrions avoir une saison de Covid chaque hiver, tout comme nous avons déjà une saison de grippe à la même période. Les virus de la grippe peuvent également présenter un profil de mutation de ce type, connu sous le nom de <a href="https://www.cdc.gov/flu/about/viruses/change.htm">« dérive antigénique »</a> : leurs modifications, à mesure que le temps passe, entraîne des réinfections. Les virus de la grippe qui résultent chaque année de ce processus ne sont pas nécessairement « meilleurs » (plus performants) que ceux de l’année précédente, mais simplement suffisamment différents pour échapper à l’immunité acquise précédemment.</p>
<p>Le meilleur argument en faveur de cette éventualité pour le SARS-CoV-2 est peut-être que le HCoV-229E, un coronavirus qui provoque un rhume classique, <a href="https://journals.plos.org/plospathogens/article?id=10.1371/journal.ppat.1009453">a déjà évolué en ce sens</a>.</p>
<p>Omicron ne sera donc pas le variant final, mais il pourrait être le dernier <a href="https://www.who.int/fr/news/item/26-11-2021-classification-of-omicron-(b.1.1.529)-sars-cov-2-variant-of-concern">variant dit « préoccupant » selon la terminologie de l’OMS</a>. Si nous avons de la chance (et il faut ici rappeler que l’évolution de cette pandémie est difficile à prévoir…), le SARS-CoV-2 pourrait devenir un <a href="https://theconversation.com/covid-19-will-probably-become-endemic-heres-what-that-means-146435">virus endémique</a>, qui mute lentement au fil du temps.</p>
<p>La maladie résultante entraînerait probablement des signes cliniques modérés, puisque la ou les expositions antérieures auraient forgé une immunité capable de limiter la probabilité d’hospitalisation et de décès. La plupart des gens s’infecteraient alors une première fois enfants, avant ou après une vaccination, et les réinfections ultérieures seraient à peine remarquées… Un nombre restreint de scientifiques continuerait à surveiller les modifications génétiques du SARS-CoV-2, mais les variants préoccupants appartiendraient désormais au passé. Jusqu’à ce qu’un autre virus franchisse à son tour la barrière des espèces…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174302/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ben Krishna ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
C’est dans sa nature, le virus du Covid va continuer à muter… Mais les variants peuvent-ils devenir toujours plus dangereux ? Il est possible qu’Omicron, si contagieux, ait atteint un optimum.
Ben Krishna, Postdoctoral Researcher, Immunology and Virology, University of Cambridge
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/174069
2021-12-20T18:42:49Z
2021-12-20T18:42:49Z
Émergence des variants du SARS-CoV-2 : que peut-on espérer (ou craindre) dans un futur proche
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/438458/original/file-20211220-120394-h7wy84.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C24%2C1080%2C971&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'émergence de nouveaux variants est un phénomène naturel. Les mutations sont sélectionnées selon l'environnement du virus.</span> <span class="attribution"><span class="source">Nanographics GmbH </span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Au début de l’année 2021, les bonnes nouvelles arrivaient enfin sur le front de la pandémie de Covid-19. Les premiers vaccins étaient disponibles et leur déploiement pouvait commencer à travers le monde, faisant espérer qu’on puisse apercevoir la lumière au bout du tunnel…</p>
<p>Malheureusement, l’euphorie aura été de courte durée, avec l’émergence fin 2020 du variant préoccupant « anglais » (<em>variant of concern</em>, B.1.1.7), nommé plus tard Alpha. Sa transmissibilité augmentée faisait craindre une accélération de la pandémie.</p>
<p>Le variant historique (Wuhan), qui avait cadenassé nos vies du jour au lendemain, avait un nombre de reproduction de base, ou R₀, de 3 (chaque personne infectée en pouvait infecter en moyenne trois autres). Les efforts inédits de la population (confinement, etc.) avaient fait descendre ce nombre en dessous de 1, indiquant que chaque malade contaminait moins d’un autre individu, laissant espérer une diminution du nombre de nouveaux cas.</p>
<p>Malheureusement, Alpha avait une transmissibilité environ 50 % plus importante que la souche historique, avec un nombre de reproduction de base approchant 5. Puis allait apparaître Delta (identifié en Inde), au <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34369565/">nombre de reproduction de base estimé à plus de 5</a>. Chaque nouveau variant, de par sa transmissibilité plus importante, allait ensuite supplanter son prédécesseur.</p>
<p>Si 2020 avait été l’année de l’épidémiologie du SARS-CoV-2, 2021 aura indéniablement été celle de son évolution.</p>
<h2>L’émergence des variants, un phénomène normal et pris en compte</h2>
<p>Les virus, comme toute entité vivante, évoluent en permanence. Ils s’adaptent à leur environnement afin de maximiser leur propagation. Mais là où il faut des années pour les espèces de vertébrés, les virus comme le SARS-CoV-2 sont infiniment plus rapide – un million de fois plus rapide que pour nos cellules, par exemple. C’est cette évolution biologique accélérée <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-variants-du-sars-cov-2-emergent-ils-maintenant-154223">mais normale et attendue</a>, que le monde entier observe depuis un an.</p>
<p>Le phénomène a été largement documenté sur d’autres virus, tels les virus influenza (grippe). Cela n’est d’ailleurs pas sans poser des contraintes pour le contrôle de ces virus, pour lesquels les vaccins doivent être constamment remis à jour.</p>
<p>Pour adapter nos réponses à ces émergences, il est particulièrement important de garder en tête que la détection de nouveaux variants dans une localité particulière ne veut pas dire qu’ils y sont apparus ni même qu’ils ne circulent qu’à cet endroit. L’exemple d’Omicron est particulièrement criant. Identifié en Afrique du Sud, il a aussi été détecté à Hongkong (confirmé le 15 novembre), au Botswana (confirmé le 24 novembre) et, après avoir commencé à le rechercher, les autorités sanitaires se sont rendu compte qu’il s’était déjà disséminé à travers le monde.</p>
<p>La fermeture des liaisons aériennes aura donc un impact extrêmement limité sur sa propagation… mais peut en revanche pousser de nombreuses autorités à ne plus divulguer ce genre d’informations afin de ne pas en subir les conséquences économiques. Or, lors d’une pandémie, le partage rapide de l’information est la meilleure arme pour préparer et adapter les outils existants, notamment les vaccins et les diagnostics.</p>
<p>Autre point majeur, il est important de bien caractériser les variants : quantifier transmissibilité, virulence et efficacité de l’immunité naturelle ou vaccinale sur les différents groupes de la population vont être déterminants pour adapter une réponse multisectorielle (restrictions, gestes barrières, vaccination, laboratoires d’analyse médicale, préparation des hôpitaux impliquent une coordination de secteurs et de ministères différents).</p>
<p>Depuis le début de l’émergence des variants, le monde redoute trois scénarios : une hausse de la transmissibilité, de la létalité associée à une infection et/ou un échappement immunitaire. Pour l’heure, on a principalement observé des variants avec une transmissibilité augmentée.</p>
<h2>Le cas Omicron</h2>
<p>Fin novembre 2021, la découverte du variant Omicron a déclenché une alerte mondiale car les premières données laissent à penser que ce variant hautement transmissible <a href="http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3981711">provoque plus de réinfections que les autres</a>. Si tel était bien le cas, cela signifierait que, parallèlement à une transmission élevée chez les personnes non immunisées, les personnes précédemment infectées ou vaccinées, seraient également à risque d’être réinfectées.</p>
<p>Avec une transmission très intense et un échappement immunitaire, c’est la pandémie qui redémarrerait – avec son cortège de restrictions. Ce variant ne semble cependant pas associé à une gravité clinique particulière et, actuellement, c’est toujours la 5<sup>e</sup> vague liée au variant Delta qui peut conduire à une saturation des hôpitaux. Le degré d’observance des gestes barrières et la <a href="https://www.vie-publique.fr/rapport/282890-avis-conseil-covid-08122021-concilier-enjeux-sanitaires-et-societaux">progression de la couverture vaccinale de rappel</a> auront donc un impact majeur.</p>
<p>Par contre, à court terme, la très forte diffusion d’Omicron au sein de la population non immunisée présentant des facteurs de risque pourrait mettre à mal le système de santé.</p>
<p>Alors que les précédents variants présentaient des évolutions relativement « proches » (quelques mutations en plus), <a href="https://theconversation.com/omicron-delta-alpha-comprendre-le-bal-des-variants-173532">ce variant est particulièrement différent</a> et possède plus d’une trentaine de mutations par rapport à Delta rien que pour la protéine Spike. Une surprise…</p>
<h2>L’impact de la population d’origine dans l’émergence d’un virus</h2>
<p>Bien qu’aujourd’hui l’histoire évolutive de ce variant reste inconnue, plusieurs hypothèses semblent possibles, liées à l’environnement dans lequel se trouve le virus.</p>
<p>Tout d’abord, une évolution « graduelle » est bien sûr possible. Les mutations observées ont pu s’accumuler de façon régulière, sans être détectées pendant des mois parce qu’elles n’engendraient pas de changements épidémiologiques majeurs – sur la transmissibilité, la létalité ou l’immunité engendrée. En d’autres termes, ce n’est qu’après une certaine accumulation de mutations qu’une combinaison particulière sur le virus a pu représenter un vrai tournant pour notre système immunitaire (dans sa capacité à le reconnaître, etc.)</p>
<p>Ce cas de figure se retrouve particulièrement au sein des populations faiblement vaccinées où le virus peut circuler et parcourir des « paysages adaptatifs » extrêmement compliqués sans être trop freiné – jusqu’à arriver au fameux variant Omicron. Ces « paysages » sont les milliers de combinaisons de mutations que le virus peut avoir avec chacune un impact sur les caractéristiques épidémiologiques compliqué à prédire. Sachant que ce virus possède environ 30 000 paires de bases, cela correspond à plus de 8.10<sup>17</sup> combinaisons possibles… Bien sûr, beaucoup de ces combinaisons vont engendrer des virus avec les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-les-variants-du-sars-cov-2-emergent-ils-maintenant-154223">mêmes caractéristiques ou non viables</a>, mais le champ des possibles reste énorme.</p>
<p>Une autre possibilité, plusieurs fois revenue sur le devant de la scène, est l’implication des longues durées d’infection chez les personnes immunodéprimées.</p>
<p>En effet, certaines personnes atteintes par le Covid, notamment celles ayant un système immunitaire déficient (par exemple atteintes de VIH, de cancers, greffées, etc.), peuvent rester infectées pendant des périodes relativement longues (de plusieurs semaines à plusieurs mois). Or, si le virus évolue quand il se transmet d’un individu à l’autre, il évolue également à l’intérieur des personnes infectées. Ainsi, les patients qui présentent des formes cliniques marquées par de longues durées d’infection peuvent permettre l’accumulation de mutations et ainsi « produire en interne » un nouveau variant différent de ceux circulant dans la population générale. Et qui peut développer « localement » des traits spécifiques adaptés à sa situation propre, notamment une capacité à échapper au système immunitaire.</p>
<p>Extrêmement compliquée à tester, cette hypothèse n’en reste pas moins possible biologiquement parlant. On sait que l’évolution intra-hôte du VIH est extrêmement importante et joue sur la diversité comme sur l’épidémiologie des virus au sein de la population.</p>
<p>Enfin, dernière possibilité, l’augmentation des pressions de sélection auxquelles est soumis le virus. En effet, plus une population est immunisée contre le virus circulant (de façon naturelle ou par vaccination), plus un variant présentant un avantage compétitif (comme une transmission plus importante ou un échappement immunitaire) va pouvoir se répandre.</p>
<p>La zone la plus dangereuse se situe donc à un niveau intermédiaire d’immunisation d’une population : ce qui applique des pressions de sélection sur le virus, qui favorisent des mutations potentiellement plus dangereuses, mais ne contraint pas suffisamment sa circulation pour limiter l’émergence de nouveaux variants.</p>
<p>Il est important de noter que ces explications ne sont pas exclusives : chacun de ces trois mécanismes évolutifs peut contribuer, de façon plus ou moins importante, à l’émergence de chacun des variants.</p>
<h2>Ce que cela veut dire pour la pandémie en cours</h2>
<p>Il est fort probable que de nouveaux variants soient identifiés dans les prochains mois, et que l’un d’eux présentant un échappement immunitaire important se retrouve sur le devant de la scène. Certaines mutations (dans le domaine de liaison au récepteur, ou RBD, 484K, K417N et L452R) <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.abl6251">sont déjà suivies à cet égard</a>. Mais il est très probable également que les vaccins continueront à conférer une protection contre les formes graves, même si leur efficacité contre l’infection pourra se retrouver diminuée.</p>
<p>Ce qui est absolument évident, c’est que pour évoluer (et faire émerger des variants) un virus a besoin de se transmettre. En cela, les taux de vaccination extrêmement hétérogènes entre les différentes régions du monde lui laissent un espace important. Des stratégies de vaccination originales, adaptées aux situations hétérogènes des pays aux ressources limitées ou instables, doivent être conçues.</p>
<p>Il est plus que temps de comprendre que cette pandémie se joue à un niveau planétaire, et que le virus ne rencontrera jamais de frontières suffisamment imperméables.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/174069/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Benjamin Roche a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jean-François Etard a reçu des financements de ANRS, ANR.</span></em></p>
Les variants du SARS-CoV-2 se suivent mais ne se ressemblent pas toujours… Quelle différence quand un variant émerge dans une population vaccinée ou pas ? Le point sur ce phénomène naturel crucial.
Benjamin Roche, Directeur de Recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Jean-François Etard, Directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement (IRD)
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tag:theconversation.com,2011:article/172928
2021-11-30T18:18:14Z
2021-11-30T18:18:14Z
Le variant Omicron semble moins virulent : un signe que le virus deviendrait endémique ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/434801/original/file-20211130-17-1o9b7wx.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=31%2C15%2C5108%2C3428&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un effort global de vaccination contre la Covid-19 est nécessaire.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://photos-cdn.aap.com.au/Image/20211128001600768094?path=/aap_dev14/device/imagearc/2021/11-28/71/6c/d8/aapimage-7ildvy6p57dfgyr68ql_layout.jpg">AP Photo/Denis Farrell</a></span></figcaption></figure><p>Nous n’en sommes qu’aux premières étapes de notre compréhension du variant Omicron. Pour le moment, nous savons qu’il présente un grand nombre de mutations en comparaison au virus d’origine, et qu’il semble se propager rapidement dans certaines régions du monde.</p>
<p>Certaines <a href="https://www.reuters.com/world/africa/safrican-doctor-says-patients-with-omicron-variant-have-very-mild-symptoms-2021-11-28/">observations préliminaires</a> en provenance de l’Afrique suggèrent qu’Omicron ne semble pas à l’origine de symptômes graves, bien que l’OMS ait <a href="https://www.afr.com/world/north-america/us-braces-for-omicron-as-who-urges-caution-20211129-p59d02">recommandé une certaine prudence</a>.</p>
<p>À l’heure actuelle, nous ne connaissons pas la capacité de ce nouveau variant à échapper aux vaccins. Nous ne savons pas non plus si cette capacité est plus grande que celle d’autres souches de SARS-CoV-2, comme Delta.</p>
<p>Il est très fréquent que les virus deviennent moins virulents (c’est-à-dire qu’ils provoquent une maladie moins grave) une fois qu’ils se sont établis au sein d’une population. L’exemple classique de ce type d’amenuisement est la myxomatose, maladie qui tuait 99 % des lapins lorsqu’elle a été introduite en Australie. Or, aujourd’hui, le virus responsable de cette maladie <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0166354212000319">cause beaucoup moins de mortalité</a>.</p>
<p>Certains experts <a href="https://theconversation.com/is-covid-19-here-to-stay-a-team-of-biologists-explains-what-it-means-for-a-virus-to-become-endemic-168462">ont prédit</a> que le virus responsable de la Covid-19 deviendrait de moins en moins virulent à mesure qu’il atteindrait un niveau endémique, un peu comme le virus de la grippe. En d’autres termes, ces virus s’installent dans un schéma prévisible d’infections dans un endroit donné. Il est donc possible que le variant Omicron représente la première étape de ce processus.</p>
<h2>Pourquoi certains variants deviennent dominants</h2>
<p>La biologie évolutive suggère que les variants ont davantage de chances de se développer s’ils prolifèrent plus rapidement dans la population humaine que les souches actuelles. Les souches présentant un <a href="https://www.newscientist.com/definition/r-number/">R0</a> plus élevé (le nombre moyen de personnes qu’une personne infectieuse est susceptible d’infecter) remplaceront celles ayant un R0 plus faible.</p>
<p>En outre, les souches qui rendent l’hôte infectieux plus tôt remplaceront celles qui mettent plus de temps à devenir infectieuses. Ainsi, les souches dont la période d’incubation est plus courte remplacent celles dont la période d’incubation est plus longue. Cela semble être le cas du variant Delta, <a href="https://www.thelancet.com/journals/lanepe/article/PIIS2666-7762(21)00264-7/fulltext">dont la période d’incubation est plus courte que celle des souches précédentes</a>.</p>
<p>L’évolution de la souche virale doit être considérée dans la population particulière au sein de laquelle le variant apparaît. L’évolution de la maladie devrait se dérouler différemment dans une population <a href="https://www.nbcnews.com/data-graphics/covid-19-omicron-variant-raises-alarm-africa-trails-world-vaccinations-rcna6807">faiblement vaccinée</a> que dans une population fortement vaccinée.</p>
<p>Dans une population largement non vaccinée, comme l’Afrique du Sud, où <a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer?zoomToSelection=true&facet=none&pickerSort=asc&pickerMetric=location&Metric=People+vaccinated+%28by+dose%29&Interval=7-day+rolling+average&Relative+to+Population=true&Align+outbreaks=false&country=%7EZAF">l’on note un taux de vaccination avoisinant 25 %</a>, et où le variant Omicron a été détecté pour la première fois, les souches présentant un R0 élevé auront davantage de chances de s’implanter. Or, dans une population fortement vaccinée, les souches qui ont la capacité d’échapper au vaccin seront plus susceptibles de dominer, même si elles présentent un R0 plus faible chez les personnes non vaccinées.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1464955483773616133"}"></div></p>
<h2>Des symptômes moins graves peuvent alimenter la propagation</h2>
<p>Vous attendriez-vous à ce qu’un variant à l’origine de symptômes moins graves de la Covid-19 prospère ? Il s’agit d’une question de compromis entre les symptômes et la transmissibilité.</p>
<p>Si les symptômes sont moins graves, les gens sont moins susceptibles de se présenter pour passer un test de dépistage, et donc moins susceptibles de s’isoler. Certaines personnes peuvent même ne pas se rendre compte qu’elles sont atteintes de la Covid-19.</p>
<p>Par conséquent, une souche à faible virulence (<a href="https://www.biologyonline.com/dictionary/virulence">soit une souche présentant une capacité moindre à provoquer des symptômes graves dans l’organisme</a>) pourrait se transmettre à un plus grand nombre de personnes que les souches très virulentes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="homme tenant un journal" src="https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=385&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/434303/original/file-20211129-21-1hdm902.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=484&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un kiosque de journaux à Pretoria, en Afrique du Sud, partage les dernières nouvelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://photos-cdn.aap.com.au/Image/20211128001600760334?path=/aap_dev14/device/imagearc/2021/11-28/fd/53/bc/aapimage-7ildkrmha0n12050h7vv_layout.jpg">AP Photo/Denis Farrell</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autre part, comme cela semble être le cas pour le variant Delta, certains variants peuvent provoquer une <a href="https://www.healthline.com/health/viremia#:%7E:text=Viremia%20is%20a%20medical%20term,multiply%20and%20produce%20other%20viruses.">virémie</a> plus élevée que d’autres, c’est-à-dire des niveaux plus élevés de virus dans l’organisme des personnes infectées. Plus le virus est présent, plus la personne est susceptible de transmettre la maladie avec succès. Cela s’explique par la <a href="https://www.britannica.com/science/dose-response-relationship">relation dose-réponse</a> – plus la dose infectieuse est élevée, plus la probabilité de contracter une infection est grande.</p>
<p>Bien que les détails du comportement exact de certaines mutations semblent toujours incompris, des niveaux plus élevés de virémie sont susceptibles d’entraîner des symptômes plus graves.</p>
<p>La raison pour laquelle Omicron est apparemment hautement transmissible, du moins dans le contexte africain, n’est pas encore clairement comprise. Ainsi, à l’heure actuelle, nous ne savons pas si elle produit des niveaux de virémie plus élevés que les autres souches. <a href="https://royalsocietypublishing.org/doi/10.1098/rstb.2016.0084">La transmission virale étant un processus complexe impliquant plusieurs étapes</a>, de nombreux éléments ont le potentiel d’être à l’origine du taux de transmission élevé d’Omicron.</p>
<h2>Rester à l’affût et attendre</h2>
<p>La suite des événements reste encore à déterminer. Les experts chercheront à en savoir davantage sur la transmissibilité d’Omicron, le niveau de virémie qu’il génère et la mesure dans laquelle il est capable d’échapper soit aux vaccins existants, soit aux réponses immunitaires résultant d’une infection antérieure.</p>
<p>Il est possible qu’Omicron se comporte très différemment dans une population fortement vaccinée que dans une population très faiblement vaccinée, comme c’est le cas dans la majeure partie de l’Afrique subsaharienne.</p>
<p>Néanmoins, l’émergence de ce nouveau variant souligne la nécessité <a href="https://www.unhcr.org/en-au/news/press/2021/5/60a7fc9b4/statement-no-one-safe-safe-need-global-response-covid-19.html">d’un effort de vaccination efficace à l’échelle mondiale</a> dans l’optique de vaincre la pandémie actuelle de Covid-19.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/172928/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Hamish McCallum reçoit des financements du Conseil australien de la recherche, de la Fondation nationale des sciences des États-Unis et de la DARPA.</span></em></p>
Si les symptômes de la Covid-19 causés par le variant Omicron sont moins graves, les personnes infectées seront moins susceptibles de passer des tests de dépistage et de s’isoler.
Hamish McCallum, Director, Centre for Planetary Health and Food Security, Griffith University
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tag:theconversation.com,2011:article/165186
2021-10-04T18:49:39Z
2021-10-04T18:49:39Z
Quelle stratégie de vaccination anti-Covid : contrôler ou éradiquer le coronavirus ?
<p>Le 4 octobre, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Arden <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/09/l-australie-et-la-nouvelle-zelande-actent-l-echec-du-zero-covid_6097738_3244.html">a acté l’échec de la stratégie « zéro-Covid »</a> mise en place dans son pays. Débordées par le variant Delta, les autorités ont renoncé à s’appuyer sur les sévères restrictions mises en place jusqu’ici pour empêcher la propagation du coronavirus, préférant désormais accélérer la vaccination. Une décision similaire a été prise par l’Australie voisine. </p>
<p>En France, la <a href="https://covidtracker.fr/">couverture vaccinale contre la Covid-19</a> a progressé rapidement au cours de ces derniers mois : au 8 octobre 2021, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/grands-dossiers/vaccin-covid-19/article/le-tableau-de-bord-de-la-vaccination">89 % des adultes de plus de 18 ans ont reçu une première dose et 87 % disposent désormais d’un schéma vaccinal complet</a>.</p>
<p><a href="https://vaccinetracker.ecdc.europa.eu/public/extensions/COVID-19/vaccine-tracker.html">En Europe</a>, à la même date, 80 % des plus de 18 ans ont reçu au moins une dose (74,5 % ayant un schéma vaccinal complet). Au total, 68 % de la population européenne a reçu au moins une injection, et 63,3 %, deux injections. Ces chiffres contrastent avec la situation internationale, de nombreux pays affichant une proportion de la population ayant reçu au moins une dose largement inférieure : <a href="https://covid19.who.int/">Brésil 62 %, Inde 36 % ou Nigeria 2 %</a>…</p>
<p>La couverture est notamment élevée dans les <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33521775/">tranches d’âge à risque accru de forme grave de Covid-19</a> (qui entraînent hospitalisation, éventuellement passage en réanimation et potentiellement décès), soit à partir de 40-50 ans. Cela explique le <a href="https://covid19-country-overviews.ecdc.europa.eu/#europe">découplage observé entre les courbes d’infections et de décès</a>. Ainsi, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-circulation-des-variants-du-sars-cov-2">malgré la dominance du variant Delta</a>, deux à trois fois plus infectieux que la souche initiale du SARS-CoV-2, la dernière vague observée cet été en France n’a <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde">pas entraîné une saturation des hôpitaux comparable aux précédentes</a>.</p>
<p>Ces observations interrogent quant à ce qui peut être envisagé à long terme grâce à la vaccination : pourrait-on faire disparaître la Covid-19 et son virus ? Ou faudra-t-il se contenter de mettre fin à l’épidémie et de continuer ensuite à vivre avec le virus ? Dans un cas comme dans l’autre, quelle stratégie vaccinale envisager ? Voici les éléments de réponses dont on dispose.</p>
<h2>Immunité naturelle et théorie</h2>
<p>Le variant Delta affiche un « R0 basique » (<a href="https://sph.umich.edu/pursuit/2020posts/how-scientists-quantify-outbreaks.html">constante biologique spécifique à chaque pathogène</a>) de quasiment 6, autrement dit une <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33587929/">personne infectée contamine théoriquement 6 personnes non immunisées</a>. Avec une telle infectiosité, une population non vaccinée serait presque entièrement infectée à terme : il faudrait que plus de 85 % des individus soient complètement protégés contre l’infection pour arrêter la transmission virale (selon la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32318-7/fulltext">formule seuil de l’immunité collective = 1-1/R</a>). L’application de cette théorie est plus complexe…</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Vue du SARS-CoV-2" src="https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/423909/original/file-20210929-27-1o8suga.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les nouveaux variants du SARS-CoV-2 (photo) sont typiquement plus infectieux que les précédents. Un malade porteur du Delta va, théoriquement, en contaminer six autres.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Niaid/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Car la <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.18.21262237v1.full.pdf">protection obtenue par une première infection n’est pas parfaite</a> : elle ne réduit le risque d’une nouvelle infection « que » de 73 % pendant les trois mois suivant, un pourcentage qui diminue probablement dans le temps. Il est donc très peu probable que la transmission virale s’arrête seule, même si la totalité de la population a été infectée.</p>
<p>L’immunité naturelle que nous développons après infection par un virus respiratoire (type coronavirus ou influenza) n’est, en effet, que partielle et de durée limitée : nous avons tous déjà eu des rhumes voire la grippe, et nous savons que nous en aurons encore… Ces virus se distinguent en cela de ceux des maladies infantiles (rougeole et autres), que nous n’attrapons (si nous n’avons pas été vaccinés) qu’une fois.</p>
<p>Néanmoins, si imparfaite soit-elle, cette immunité naturelle suffit à réduire notre vulnérabilité à des virus respiratoires « cousins » de celui qui nous infecté – on parle d’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/25513756/">immunité croisée, par exemple entre les souches de grippe</a>. Par transposition, on peut s’attendre à ce que les <a href="https://academic.oup.com/cid/advance-article/doi/10.1093/cid/ciaa1866/6041697">personnes infectées à plusieurs reprises par un variant de SARS-CoV-2</a> développent une protection contre une éventuelle forme grave de la Covid-19.</p>
<h2>L’efficacité de la vaccination contre l’infection</h2>
<p>Quel niveau de protection la vaccination permettrait, elle, d’atteindre ?</p>
<p>Les estimations les plus fiables proviennent d’études transversales avec test systématique des participants (sans tenir compte de la gravité des symptômes, etc.). Ainsi, une telle étude réalisée <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.18.21262237v1.full.pdf">dans des ménages anglais</a> a révélé qu’un schéma vaccinal complet (avec Pfizer-BioNTech) avait une efficacité de 80 % contre l’infection par le variant Delta.</p>
<p>En outre, ces travaux ont montré que la protection contre l’infection persistait dans le temps, mais diminuait plus vite chez les plus de 35 ans – d’environ 10 points de pourcentage dans les trois mois suivant la vaccination. La vaccination des personnes précédemment infectées leur conférait une protection comparable, avec une meilleure persistance dans le temps. Une <a href="https://www.cdc.gov/mmwr/volumes/70/wr/mm7034e4.htm?s_cid=mm7034e4_w">observation similaire a été faite chez des soignants américains</a> : l’efficacité vaccinale contre l’infection passait de 85 % à 73 % respectivement quatre et cinq mois après la double injection.</p>
<p>Il a aussi été montré que, vacciné, le <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.07.12.21260377v1">risque de transmettre le virus</a> en cas d’infection <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.08.18.21262237v1.full.pdf">semble être réduit</a>… mais les estimations varient et cet effet pourrait être moindre avec le variant Delta. Dans l’ensemble, ces éléments suggèrent que la vaccination permet d’atteindre une protection forte, mais imparfaite contre l’infection et la transmission.</p>
<p>En conséquence, il faudrait que près de 100 % de la population soit vaccinée pour arrêter la circulation virale. Pour éviter que se créent des niches de circulation virale, il conviendrait dans le même temps de s’assurer que tout le territoire soit couvert de façon homogène – avec des rappels si besoin pour maintenir le niveau de protection contre l’infection dans la durée.</p>
<h2>Une protection aussi contre les formes graves</h2>
<p>L’enjeu principal de la vaccination Covid-19 est la protection contre les formes graves. Quelques données sont déjà disponibles sur ce point.</p>
<p>Dans la prolongation (six mois) des essais cliniques Pfizer-BioNTech, il a été observé que l’<a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34525277/">efficacité vaccinale contre la Covid-19 ne diminuait que légèrement</a> – jusqu’à quatre mois après la vaccination, elle était encore d’environ 90 %, puis passait à près de 84 % entre quatre mois et six mois (fin de la collecte des données de ces travaux). Une étude menée aux États-Unis a montré que la <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=3909743">protection assurée par le vaccin vis-à-vis du risque d’hospitalisation</a> restait supérieure à 80 % dans toutes les tranches d’âge, malgré la présence du variant Delta et un intervalle de temps écoulé depuis la vaccination de plus de cinq mois.</p>
<p>Confinement et couvre-feu ont permis de ralentir la progression de l’épidémie – et les restrictions d’accès, le port du masque ainsi que le maintien des gestes barrières le permettent toujours. L’objectif est de gagner du temps et d’éviter au maximum la saturation des services de santé, jusqu’à ce que toutes les personnes à risque accru de développer des formes sévères aient été complètement vaccinées.</p>
<p>C’est d’autant plus important que les personnes qui ne sont pas encore vaccinées seront fort probablement infectées dans les prochains mois. Or elles ne sont pas à l’abri de complications, puisque le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33521775/">risque d’hospitalisation est de 1 % pour à 40-50 ans, tout comme le risque de décès dans la tranche d’âge 60-70 ans</a>.</p>
<p>En ce qui concerne les plus jeunes, leur vaccination n’a pas tant pour but de les protéger contre une forme grave (ils sont moins à risque) que de freiner la progression de l’épidémie dans la population non-vaccinée ou pas immunisée. Leur implication dans la campagne vaccinale permet d’envisager une alternative aux restrictions qui impactent la vie sociale – qui plus est aux effets plus durables.</p>
<h2>Contrôler ou éliminer : quelle stratégie au long terme ?</h2>
<p>Deux objectifs distincts peuvent être envisagés : contrôler la Covid-19, ou l’éliminer. Chacun implique des stratégies différentes.</p>
<p>Contrôler la maladie requiert de faire passer sous un seuil acceptable le nombre de formes sévères (sachant que ce seuil reste à définir), d’éviter les poussées épidémiques… ou de réagir par une riposte vaccinale si une telle vague se produit malgré tout. Avec la volonté d’établir une situation stable au long terme.</p>
<p>Cette stratégie implique de cibler les personnes les plus à risque de forme grave et de concevoir un schéma vaccinal permettant de maintenir une bonne protection – éventuellement avec des rappels ou une vaccination régulière pour répondre à l’évolution des souches. Le choix se fait en fonction de l’efficacité vaccinale contre les formes graves et son évolution dans le temps. Si la vaccination réduit le risque de transmission, il est possible de l’étendre à l’entourage des personnes vulnérables (famille, soignants).</p>
<p>C’est l’approche qui est employée contre la grippe dite saisonnière par exemple. La stratégie vaccinale mise en place s’adresse en priorité aux personnes de plus de 65 ans ou atteintes de comorbidité, et peut être élargie à leur entourage. Et comme les virus responsables mutent en permanence, les vaccins doivent être « remis à jour » tous les ans – avec une réussite plus ou moins importante. La vaccination contre la coqueluche (vaccination des nourrissons en ciblant l’entourage des nouveau-nés) est un <a href="https://vaccination-info-service.fr/Les-maladies-et-leurs-vaccins/Coqueluche">autre exemple</a>.</p>
<p>Cette stratégie serait tout à fait applicable à la Covid-19 en France, étant donné l’excellente efficacité vaccinale contre les formes graves y compris chez les personnes âgées, sur une durée d’au moins six mois et ce même en présence de nouveaux variants. Les campagnes annuelles de vaccination antigrippale constitueraient une <a href="https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2021-08/avis_n2021.0061.ac.seesp_du_23_ao%C3%BBt_2021_du_college_de_la_has_sur_la_campagne_de_rappel_vaccinal_contre_la_covid_19.pdf">bonne base logistique</a>.</p>
<p>L’intervalle entre les rappels serait à déterminer en fonction de la durée de protection, des souches circulantes et des vaccins disponibles. L’indicateur principal pour établir un tel programme serait le nombre d’hospitalisations et admissions en réanimation.</p>
<h2>Éliminer le virus, une stratégie moins évidente</h2>
<p>Le second objectif possible est d’éliminer la maladie. Il impliquerait cette fois d’éviter tout nouveau cas et d’arrêter la circulation du virus SARS-CoV-2. Cette stratégie a été choisie pour la variole (objectif atteint au niveau mondial), la poliomyélite (objectif atteint en Europe et sur la plupart des continents) ou la rougeole (objectif non atteint en France). L’objectif ultime étant d’éradiquer le virus sur un plan mondial, et ainsi pouvoir arrêter la vaccination.</p>
<p>Outre la volonté politique, sa faisabilité théorique repose sur <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/nejmra1200391">trois critères</a> : l’absence d’un réservoir animal dans lequel le virus peut « se replier » ; une faible proportion d’infections asymptomatiques (car elles rendent difficile la surveillance de la circulation du virus) ; et l’existence de vaccins efficaces.</p>
<p>Pour le SARS-CoV-2, les deux premières conditions ne sont pas remplies. L’hypothèse la plus probable quant à son origine est qu’il s’agit d’un virus « zoonotique », <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32387617/">possiblement issu</a> <a href="https://www.researchsquare.com/article/rs-871965/v1">d’une population de chauve-souris</a>. En outre, il entraîne environ 25 % d’<a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0249090">infections asymptomatiques</a>. Concernant les vaccins, la situation est plus favorable, même si leur performance actuelle nécessitait la vaccination répétée de la totalité de la population.</p>
<p>Quant à un objectif d’élimination seulement national ou européen, il se heurterait aux importations du virus SARS-CoV-2 depuis d’autres régions du monde. </p>
<p>(<em>L'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui espéraient pouvoir profiter de leur situation insulaire pour appliquer la stratégie « zéro Covid », <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/10/09/l-australie-et-la-nouvelle-zelande-actent-l-echec-du-zero-covid_6097738_3244.html">viennent d’en faire les frais</a>, ndlr</em>)</p>
<h2>Quelle stratégie demain ?</h2>
<p>Le statut de plusieurs facteurs à prendre en compte pour établir une stratégie vaccinale de long terme reste encore incertain : apparition de nouveaux variants plus transmissibles ou de formes de maladie plus graves et/ou échappant l’immunité vaccinale ; capacité des laboratoires à adapter leurs vaccins aux souches émergentes et à développer de nouvelles formulations plus efficaces contre l’infection au long terme (un vaccin en développement par Novax <a href="https://www.vidal.fr/actualites/26613-vaccin-novavax-nvx-cov2373-un-nouveau-venu-sur-le-podium.html">ouvre de nouvelles perspectives</a>) ; qualité de l’immunité après une première vaccination suivie d’infections sporadiques ; capacité de la communauté internationale à donner accès à la vaccination aux personnes à risque ou à une majeure partie de la population mondiale…</p>
<p>Il est donc peu réaliste d’envisager aujourd’hui une élimination du SARS-CoV-2. Ce constat ne doit pas distraire du fait que la stratégie de vacciner aussi les tranches d’âge avec moindre risque de Covid-19 grave permet de ralentir la progression de l’épidémie et ainsi de réduire la charge sur les services de soins et de gagner du temps pour la vaccination des personnes à risque accru de formes sévères. Définir à quel moment cette stratégie pourra être mise en retrait pour se concentrer sur le contrôle de la maladie et ses formes sévères relève de choix politiques – particulièrement importants en temps d’épidémie.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Judith Mueller est membre de la Commission technique des vaccinations (CTV) à la HAS.</span></em></p>
Si se débarrasser du virus reste une gageure, la vaccination permet une autre approche : le contrôler. Quelles sont les forces et faiblesses de ces deux stratégies ?
Judith Mueller, Professor in epidemiology, École des hautes études en santé publique (EHESP)
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tag:theconversation.com,2011:article/166736
2021-08-29T17:55:11Z
2021-08-29T17:55:11Z
Covid-19 et vaccination : la montée du variant Delta change-t-elle la donne pour les enfants ?
<p>En juillet la <em>Therapeutic Goods Administration</em> (<em>équivalent australien de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé français, ndlr</em>) a <a href="https://www.tga.gov.au/covid-19-vaccine-provisional-registrations">approuvé provisoirement</a> la vaccination des enfants de 12 à 15 ans par le vaccin anti-Covid-19 de Pfizer.</p>
<p>L’<em>Australian Technical Advisory Group on Immunisation</em> (ATAGI, commission technique des vaccinations australienne) a dans un premier temps recommandé <a href="https://www.health.gov.au/news/atagi-statement-regarding-vaccination-of-adolescents-aged-12-15-years">que soient prioritairement vaccinés les adolescents</a> de cette tranche d’âge affectés par des maladies chroniques, les jeunes Aborigènes et Indigènes du détroit de Torrès, ainsi que les enfants vivant dans des communautés isolées.</p>
<p>Cette recommandation a récemment <a href="https://www.health.gov.au/news/atagi-recommendations-on-the-use-of-covid-19-vaccines-in-all-young-adolescents-in-australia">été élargie à tous les adolescents de plus de 12 ans</a>, à l’image des stratégies mises en place dans des pays comme <a href="https://covid.cdc.gov/covid-data-tracker/#vaccination-demographic">les États-Unis</a> et <a href="https://health-infobase.canada.ca/covid-19/vaccination-coverage/">le Canada</a>. (<em>En France, au vu notamment des données de pharmacovigilance et d’efficacité des vaccins, ainsi que des bénéfices escomptés compte tenu de la situation épidémique, la Haute Autorité de Santé a préconisé la vaccination des adolescents dès 12 ans <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3269830/fr/covid-19-la-vaccination-des-adolescents-presente-des-benefices-individuels-et-collectifs">dans son avis du 3 juin 2021</a>. Elle est possible depuis le 15 juin 2021, et concerne le vaccin de Pfizer, Corminaty; ou celui de <a href="https://www.has-sante.fr/jcms/p_3280463/fr/strategie-de-vaccination-contre-le-sars-cov-2-place-du-vaccin-a-arnm-spikevax-de-moderna-chez-les-12-a-17-ans">Moderna</a>, Spikevax, ndlr.</em>)</p>
<p>Mais qu’en est-il des enfants de moins de 12 ans qui, en Australie, représentent une <a href="https://www.smh.com.au/politics/nsw/as-more-than-200-primary-kids-get-a-covid-diagnosis-in-one-weekend-hazzard-says-it-s-too-early-to-talk-about-school-20210822-p58kwt.html">large proportion</a> des nouvelles infections actuelles (ce qui n’était pas le cas l’an passé) ?</p>
<p>Les enfants doivent-ils se faire vacciner ? Quels bénéfices en espérer, pour eux et pour le reste de la communauté ? Et comment savoir si les vaccins sont sans danger et efficaces pour les plus jeunes ?</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1429389558789992452"}"></div></p>
<p><em>Tweet : « Très inquiétant. En Nouvelle-Galles du Sud, plus de 200 enfants âgés de moins de 10 ans ont été diagnostiqués Covid-19 au cours du week-end. Alors que le nombre de cas a dépassé les 800 pendant les deux jours du week-end, 204 cas ont été signalés chez des enfants âgés de 0 à 9 ans. Dans le même temps, 276 jeunes de 10 à 19 ans ont également contracté la maladie. »</em></p>
<h2>La Covid-19 chez les enfants</h2>
<p>Fort heureusement, tous ces mois de pandémie nous ont appris que les enfants avaient jusqu’à présent très peu de risque de développer des formes sévères de la Covid-19, ou d’en décéder.</p>
<p>Les données australiennes collectées du 1<sup>er</sup> janvier au 1<sup>er</sup> août de cette année indiquent que <a href="https://www1.health.gov.au/internet/main/publishing.nsf/Content/C50CAE02452A48A7CA2587320081F7BF/$File/covid_19_australia_epidemiology_report_47_reporting_period_ending_1_august_2021.pdf">2,5 % des enfants de moins de neuf ans</a> et 2,9 % des enfants et adolescents âgés de 10 à 19 qui ont contracté la Covid-19 ont dû être hospitalisés. En comparaison, ce pourcentage atteint 7,7 % chez les jeunes adultes âgés de 20 à 29 ans.</p>
<iframe title="Nombre d’hospitalisations et d’admissions en soins intensifs dues à la Covid-19, par groupe d’âge, du 1er janvier au 1ᵉʳ août 2021, en Australie." aria-label="table" id="datawrapper-chart-QLkTD" src="https://datawrapper.dwcdn.net/QLkTD/1/" scrolling="no" frameborder="0" style="border:none" width="100%" height="626"></iframe>
<p><a href="https://data.nsw.gov.au/search/dataset/ds-nsw-ckan-3dc5dc39-40b4-4ee9-8ec6-2d862a916dcf/details?">En Nouvelle-Galles du Sud</a>, le nombre de cas chez les enfants est en augmentation, mais cela ne s’est pour l’instant pas traduit par une augmentation des hospitalisations en service pédiatrique.</p>
<p>Des données récentes en provenance des États-Unis indiquent quant à elles que les admissions d’enfants à l’hôpital pour cause de Covid-19 <a href="https://covid.cdc.gov/covid-data-tracker/#new-hospital-admissions">sont plus nombreuses que l’an dernier à la même période</a>. Elles révèlent aussi une <a href="https://www.wsj.com/articles/more-kids-are-hospitalized-with-covid-19-and-doctors-fear-it-will-get-worse-11629624602">augmentation des infections par le variant Delta dans ces classes d’âges</a>.</p>
<p>Mais même si le taux d’hospitalisations a augmenté, il demeure bas. Chez les enfants et adolescents âgés de 17 ans et moins, il est de 0,38 pour 100 000 personnes, ce qui est bien inférieur aux taux enregistrés chez les adultes de 60 à 69 ans (5,63 per 100 000) ou chez ceux âgés de plus de 70 ans (8,07 per 100 000).</p>
<p>Toutefois, certains enfants souffrant de <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamanetworkopen/fullarticle/2780706">maladies chroniques</a> risquent davantage de développer des formes sévères de la maladie, c’est pourquoi l’ATAGI les a classés parmi les groupes prioritaires en matière de vaccination.</p>
<p>La question du risque de développement de <a href="https://www.england.nhs.uk/coronavirus/post-covid-syndrome-long-covid/">formes longues de la COVID-19</a>, se pose également. Cette complication de l’infection se manifeste par des symptômes de long terme : essoufflement, anxiété, diminution de l’attention et de la concentration…</p>
<p><a href="https://www.thelancet.com/journals/lanchi/article/PIIS2352-4642(21)00198-X/fulltext">Des résultats récents</a> paraissent toutefois plutôt rassurants : parmi les enfants sur lesquels portait cette étude, seule une petite proportion s’est avérée présenter de tels symptômes au-delà de quatre semaines après l’infection initiale par la Covid-19. En outre, au bout de huit semaines, presque tous les enfants avaient récupéré.</p>
<h2>Quels sont les bénéfices de la vaccination pour les enfants ?</h2>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/covid-19-quest-ce-que-le-variant-delta-plus-164910">variant Delta</a> est plus infectieux que les autres souches du coronavirus. Il infecte de ce fait davantage d’enfants. Provoque-t-il une maladie plus grave chez ces derniers ? Pour l’instant, il n’existe pas encore de consensus scientifique sur la réponse à cette question. Mais quoi qu’il en soit, il est certain qu’une petite proportion d’enfants tomberont davantage malades que les autres, et que leur état nécessitera une hospitalisation.</p>
<p><a href="https://www.bmj.com/content/bmj/374/bmj.n2030.full.pdf">Il pourrait donc être bénéfique</a> de vacciner les enfants afin de protéger chacun d’entre eux, à condition bien entendu que les vaccins s’avèrent sûrs et efficaces chez les jeunes enfants également. Avant de vacciner les enfants de moins de 12 ans, nous aurons donc besoin d’analyser les données des essais cliniques réalisés dans cette tranche d’âge afin d’en évaluer la sécurité et l’efficacité.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une jeune enfant portant un masque anti-Covid-19 et un ours en peluche" src="https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417526/original/file-20210824-19-gvlb96.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les enfants qui contractent la Covid-19 n’ont généralement pas besoin d’être hospitalisés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La raison pour laquelle il est important de mener des essais cliniques ciblant spécifiquement <a href="https://www.chop.edu/news/feature-article-covid-19-vaccines-clinical-trials-children">les enfants</a> est que leur système immunitaire diffère de celui des adultes. De ce fait, les enfants pourraient par exemple ressentir des effets secondaires différents après la vaccination, ou nécessiter une dose de vaccin plus faible.</p>
<h2>Où en sont les essais cliniques ?</h2>
<p>Les essais cliniques des vaccins à ARNm de <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2107456?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%20%200pubmed">Pfizer</a> et de <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2109522?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%20%200pubmed">Moderna</a> menés sur des enfants âgés de 12 ans et plus ont donné de bons résultats (<em>pour le moment, en Australie, le vaccin de <a href="https://www.tga.gov.au/covid-19-vaccine-spikevax-elasomeran">Moderna</a> n’est autorisé que pour les adultes, mais une autorisation provisionnelle pour les 12-17 ans <a href="https://www.health.gov.au/news/atagi-recommendations-on-the-use-of-covid-19-vaccines-in-all-young-adolescents-in-australia">pourrait être accordée début septembre</a>, ndlr</em>).</p>
<p>Concernant les moins de 12 ans, des enfants sont en cours de recrutement aux États-Unis dans le cadre de <a href="https://trials.modernatx.com/study/?id=mRNA-1273-P204">l’essai clinique KidCOVE</a> mené par Moderna. Jusqu’à présent, 7 000 enfants y ont déjà pris part. Dans le même temps, Pfizer ambitionne de recruter <a href="https://www.pfizer.com/science/coronavirus/vaccine/additional-population-studies">4 500 enfants âgés de moins de 12 ans</a>, aux États-Unis et dans d’autres pays.</p>
<p>Ces études portent sur trois classes d’âge différentes : les enfants âgés de six à onze ans, ceux âgés de deux à cinq ans, et ceux dont l’âge est compris entre six mois et moins de deux ans. Elles visent à évaluer la sécurité et la qualité des réponses immunitaires obtenues après deux injections de vaccins.</p>
<p><a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04796896?term=moderna+pediatric&cond=Covid19&draw=2&rank=1">Jusqu’à trois doses de vaccins différentes</a> – plus ou moins importantes – seront testées. Dans le cas du vaccin de <a href="https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04816643?term=pfizer+pediatric&cond=Covid19&draw=2&rank=1">Pfizer</a>, lesdites trois doses seront de 10 microgrammes, 20 microgrammes, et 30 microgrammes (cette dernière étant celle délivrée aux adolescents les plus âgés et aux adultes).</p>
<p>Concernant le vaccin anti-Covid-19 d’AstraZeneca, un essai clinique avait été entamé en mars 2021 au Royaume-Uni, <a href="https://covid19vaccinetrial.co.uk/volunteer">chez des enfants âgés de 6 à 17 ans</a>. Il a cependant été interrompu par mesure de précaution, à la suite de signalements de survenue caillots sanguins chez des adultes ayant reçu ce vaccin.</p>
<h2>Qu’en est-il des bénéfices collectifs ?</h2>
<p>La vaccination des jeunes enfants réduira-t-elle la transmission dans la communauté et améliorera-t-elle notre protection collective ? </p>
<p>Dans sa récente modélisation datée du 10 août 2021, le <a href="https://www.doherty.edu.au/uploads/content_doc/DohertyModelling_NationalPlan_and_Addendum_20210810.pdf">Peter Doherty Institute for Infection and Immunity</a> (<em>joint venture entre l’Université de Melbourne et le Royal Melbourne Hospital, ndlr</em>) n’a pas évalué l’impact de la vaccination des enfants de moins de 12 ans sur la réduction de la transmission communautaire.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un adolescent avec un masque et un pansement sur le bras." src="https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/417525/original/file-20210824-13-10prd1g.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">En Australie, le vaccin de Pfizer a été autorisé pour les 12 ans et plus, mais pas encore pour les plus jeunes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’autres modèles suggèrent toutefois que la <a href="https://theconversation.com/we-may-need-to-vaccinate-children-as-young-as-5-to-reach-herd-immunity-with-delta-our-modelling-shows-164942">vaccination des jeunes enfants</a> et des adolescents jouera un rôle important dans l’atteinte de l’immunité collective en Australie.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Vous vous demandez peut-être quand les enfants de moins de 12 ans pourront être vaccinés. Pour faire court : on ne le sait pas encore. Il faut toutefois garder à l’esprit que les enfants semblent toujours moins susceptibles de se retrouver hospitalisés pour cause de Covid-19 que ne le sont les adultes.</p>
<p>Actuellement, il est prévu que les premières données issues des essais cliniques visant à évaluer la sécurité et l’efficacité des vaccins chez les enfants de moins de 12 ans seront disponibles pour examen <a href="https://www.chop.edu/news/feature-article-covid-19-vaccines-clinical-trials-children">plus tard dans l’année</a>.</p>
<p>Des travaux ont montré que la plupart des cas observés chez les enfants à Sidney seraient dus à une <a href="https://www.smh.com.au/politics/nsw/household-transmissions-account-for-70-per-cent-of-sydney-s-covid-cases-20210817-p58ji7.html">transmission au sein du foyer</a>, souvent par un adulte infecté. Pour l’instant, la meilleure façon de protéger les jeunes enfants est donc de veiller à ce que le plus grand nombre possible d’adultes soient entièrement vaccinés. </p>
<p>Une couverture vaccinale communautaire élevée sera également bénéfique pour les plus jeunes, en ce sens qu’elle limitera la nécessité de fermer les écoles, ce qui peut avoir des <a href="https://www.who.int/pmnch/covid-19/toolkits/child/mental-health/en/">effets négatifs</a> sur l’éducation, la socialisation et la <a href="https://psyarxiv.com/369ey/">santé mentale</a> des enfants.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166736/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Nicholas Wood reçoit un financement du NHMRC sous forme de bourse de développement de carrière. Il est titulaire d'une bourse Churchill.</span></em></p>
Des essais cliniques sont en cours pour évaluer la sécurité et l’efficacité des vaccins anti-Covid chez les enfants de moins de 12 ans. Où en est-on ?
Nicholas Wood, Associate Professor, Discipline of Childhood and Adolescent Health, University of Sydney
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/166686
2021-08-25T19:09:18Z
2021-08-25T19:09:18Z
Les cas de Covid augmentent en Israël malgré une forte couverture vaccinale… Qu’en penser ?
<p>Israël affiche un des taux de vaccination les plus élevés au monde, avec quelques <a href="https://science.sciencemag.org/content/373/6557/838">78 % de sa population</a> de plus de 12 ans ayant reçu ses deux injections.</p>
<p>Si bien que beaucoup sont surpris que la Covid y fasse un retour en force, depuis la levée des restrictions sanitaires en juin dernier.</p>
<p>À titre de comparaison, le taux de vaccination actuel dans le pays est similaire à celui envisagé par l’Australie dans son plan d’assouplissement des restrictions – qui devrait prendre place lorsque <a href="https://theconversation.com/vaccination-rate-needs-to-hit-70-to-trigger-easing-of-restrictions-165407">70 % des plus de 16 ans seront complètement vaccinés</a>. (<em>en France, plus de 70 % de la population a reçu au moins une dose ; près de 62 % est complètement vacciné au moment de la publication de cet article, ndlr</em>)</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/suivez-levolution-de-la-vaccination-mondiale-163996">Suivez l’évolution de la vaccination mondiale</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Pourquoi une telle explosion des cas en Israël ? Quelles informations peut-on tirer de cet état de fait, en particulier pour des villes comme Sidney qui était en train de sortir de la pandémie ?</p>
<p>Disséquons la situation.</p>
<h2>Avec le variant Delta, l’immunité collective est beaucoup plus difficile à atteindre</h2>
<p><a href="https://www.statista.com/statistics/526596/age-structure-in-israel/">Près d’un quart de la population israélienne</a> est âgée de moins de 12 ans, si bien que le taux de vaccination total de la population n’est que de 60 % (en comptant la très faible proportion d’enfants de moins de 12 ans vaccinés du fait de vulnérabilités médicales spécifiques).</p>
<p>Même en tenant compte du déploiement du vaccin du laboratoire Pfizer, ce taux ne serait pas suffisant pour assurer une immunité de groupe <a href="https://theconversation.com/covid-is-surging-in-the-worlds-most-vaccinated-country-why-160869">vis-à-vis de la souche virale qui circulait l’an dernier</a>. Or le variant Delta qui a colonisé la planète depuis avril, est <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02259-2">bien plus contagieux</a> que ses prédécesseurs. Il présente un R0 de 6,4, ce qui signifie qu’une personne infectée en contamine en moyenne plus de six autres, en l’absence de restrictions ou de vaccination. Par comparaison, le R0 de la souche qui circulait en 2020 n’était que de 2,5.</p>
<p>En Israël, 60 % des personnes hospitalisées sont désormais vaccinées. Mais aucun vaccin n’étant protecteur à 100 %, dans les populations hautement vaccinées la <a href="https://www.covid-datascience.com/post/israeli-data-how-can-efficacy-vs-severe-disease-be-strong-when-60-of-hospitalized-are-vaccinated">plupart des nouveaux cas seront chez les personnes qui ont reçu le vaccin</a>. C’est ce que l’on appelle le « paradoxe de la vaccination ».</p>
<p>Il faut toutefois souligner que dans le pays, le <a href="https://www.npr.org/sections/goatsandsoda/2021/08/20/1029628471/highly-vaccinated-israel-is-seeing-a-dramatic-surge-in-new-covid-cases-heres-why">taux de personnes développant des formes sévères de la maladie</a> est beaucoup plus élevé chez les non vaccinés que chez les vaccinés : il est deux fois plus élevé pour les moins de 60 ans non vaccinés, et neuf fois plus élevé pour les plus de 60 ans non vaccinés. Il ressort donc que les vaccins restent très efficaces contre les conséquences graves.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1428844533211611137"}"></div></p>
<h2>Une levée des restrictions trop rapide</h2>
<p>Une chose est claire en Israël (ainsi qu’au Royaume-Uni ou aux États-Unis) : la levée des restrictions de déplacement et de port du masque après l’arrivée du variant Delta a entraîné une augmentation des cas. La couverture vaccinale, qui se situait alors aux alentours de 60 %, n’était pas suffisante pour l’empêcher.</p>
<p>Aux États-Unis, les États du Sud qui ont le taux de vaccination le plus bas voient également déferler les pires vagues. La majorité des personnes qui y sont hospitalisées ne sont pas vaccinées. L’Alabama, avec seulement 36 % de vaccinés complets (taux supérieur à celui de l’Australie), est submergé. Hôpitaux et unités de soins intensifs sont pleins, et le <a href="https://www.wfla.com/community/health/coronavirus/they-are-literally-suffocating-alabama-hospital-overwhelmed-by-severe-covid-19-patients/">personnel de santé est en crise</a>, avec nombre de ses agents de santé infectés et mis en quarantaine.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1428545419609530370"}"></div></p>
<p>Cette situation nous donne un aperçu de ce à quoi Sydney serait confronté si les restrictions étaient levées sans que la population soit correctement vaccinée.</p>
<p>Et cela inclut les enfants. Au Texas, les <a href="https://www.nbcnews.com/news/us-news/north-texas-runs-out-pediatric-icu-beds-amid-covid-surge-n1276783">unités de soins intensifs en pédiatrie sont complets</a> et il ne reste plus de lit disponible pour les nouveaux entrants. C’est un autre avertissement : passé 12 ans, les enfants doivent être vaccinés, et ce avant que ne soient levées les restrictions.</p>
<p>En Australie, le <a href="https://www.doherty.edu.au/uploads/content_doc/DohertyModelling_NationalPlan_including_adendmum.pdf">taux de 70 % de vaccinés parmi la population éligible</a> préconisé par le gouvernement fédéral pour commencer à lever les restrictions correspond à une couverture vaccinale de 56 % de la population totale (<em>les enfants de moins de 12 ans, ne sont pas encore éligibles</em>, <em>ndlr</em>).</p>
<p>Ce taux a été initialement choisi en se basant sur des modélisations qui envisageaient qu’une nouvelle épidémie démarrerait par une trentaine de cas. Or, le nombre de nouveaux cas quotidiens à Sydney pourrait plus probablement tourner autour du millier (en l’absence d’un changement de stratégie). Les conséquences pourraient de ce fait être bien pires que prévu.</p>
<h2>Récapitulatif</h2>
<p>La situation épidémique actuelle en Israël découle de plusieurs facteurs :</p>
<ul>
<li><p>Le variant Delta est capable de contourner en partie la protection offerte par les vaccins, une protection qui, de plus, semble <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/08/grim-warning-israel-vaccination-blunts-does-not-defeat-delta">s’estomper un peu avec le temps</a>, et ce même après injection des deux doses ;</p></li>
<li><p>Les restrictions ont peut-être été levées un peu prématurément ;</p></li>
<li><p>Le seuil de vaccination à atteindre pour bénéficier d’une immunité collective est plus élevé pour le variant Delta ; il devrait se situer aux alentours de 80 % de la population globale – au-dessus, donc, des 60 % actuellement atteints ̦ ;</p></li>
<li><p><a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-02259-2">Plus de 70 % des infections par le variant Delta</a> résultent d’une transmission asymptomatique, ce qui le rend plus difficile à contrôler ̦ ;</p></li>
<li><p>Les personnes vaccinées qui se retrouvent contaminées par le variant Delta (<em>car les vaccins ne sont pas efficaces à 100 %, ndlr</em>) <a href="https://www.nationalgeographic.com/science/article/evidence-mounts-that-people-with-breakthrough-infections-can-spread-delta-easily">s’avèrent aussi infectieuses que les personnes non vaccinées</a> (bien que la charge virale <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.07.28.21261295v1">diminue plus rapidement</a> chez elles).</p></li>
</ul>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CS7qJDbB5l5/ ?utm_source=ig_web_copy_link","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<h2>Des raisons d’être optimistes !</h2>
<p>Une bonne nouvelle nous arrive cependant de l’une des villes les plus vaccinées des États-Unis : à San Francisco, où <a href="https://sf.gov/data/covid-19-vaccinations">plus de 70 % de la population</a> a été vaccinée, les cas <a href="https://twitter.com/Bob_Wachter/status/1428411925315031047">commencent à diminuer</a>.</p>
<p>Cette situation est sans doute aussi en partie due à la réintroduction de certaines mesures, comme le port du masque.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1428496744212361217"}"></div></p>
<p>En Israël, un système de laissez-passer avec <a href="https://www.bbc.com/news/world-middle-east-58245285">preuve de vaccination ou test négatif</a> a été réintroduit pour toute personne de plus de trois ans fréquentant des espaces publics clos. Le pays a également <a href="https://www.haaretz.com/israel-news/israel-booster-covid-86-effective-preventing-infection-elderly-data-shows-delta-1.10130185">commencé une campagne de rappel vaccinal</a> chez les personnes de plus de 50 ans, avec injection d’une troisième dose.</p>
<p>Il semblerait que <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2111462">cette troisième dose améliore fortement l’immunité</a>, même chez les personnes dont le système immunitaire est défaillant. Les États-Unis vont eux-mêmes bientôt <a href="https://www.cdc.gov/media/releases/2021/s0818-covid-19-booster-shots.html">commencer à proposer cette troisième dose de rappel</a>.</p>
<p>De nombreux vaccins requièrent trois doses pour garantir une protection complète, et il est encore trop tôt pour savoir quel sera le calendrier définitif dans le cas présent. Nous pourrions finir par avoir besoin de trois doses à la base, puis de rappels réguliers, ou alors de <a href="https://bcmj.org/articles/what-evidence-extending-sars-cov-2-covid-19-vaccine-dosing-schedule">seulement deux doses, mais espacées plus efficacement</a>.</p>
<p>On peut toutefois être optimiste, car le programme de vaccination n’est pas gravé dans le marbre. Si cela s’avérait nécessaire pour lutter contre le variant Delta ou un autre, les vaccins pourront être mis à jour, ce qui augmentera leur efficacité et abaissera le seuil de vaccination requis pour atteindre l’immunité collective.</p>
<h2>Qu’en est-il des enfants ?</h2>
<p>En plus de déclencher des <a href="https://theconversation.com/is-it-more-infectious-is-it-spreading-in-schools-this-is-what-we-know-about-the-delta-variant-and-kids-163724">épidémies de variant Delta qui paralysent les écoles</a>, de nouvelles données montrent que les enfants de 0 à 3 ans <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamapediatrics/fullarticle/2783022">transmettent davantage le virus aux adultes que les enfants plus âgés</a>.</p>
<p>Au final, si l’on veut maîtriser complètement le SARS-CoV-2, il faudra donc vacciner les enfants, sous peine de voir l’épidémie frapper principalement les plus jeunes, avec des effets inconnus sur le long terme, ce qui pourrait avoir des <a href="https://www.forbes.com/sites/alisonescalante/2021/08/17/what-parents-need-to-know-about-long-covid-in-children/?sh=1053cefe8ec5">conséquences sanitaires générationnelles</a>.</p>
<p>Le virus de la Covid a muté pour devenir plus contagieux, plus résistant aux vaccins et <a href="https://www.thelancet.com/journals/landig/article/PIIS2589-7500(21)00175-8/fulltext">plus mortel</a>. En conséquence, on ne pourra pas envisager de « vivre avec la Covid » en toute sécurité avant qu’au moins 80 % de la population ne soit vaccinée – en tenant compte des rappels et autres mises à jour nécessaires pour s’attaquer efficacement au variant Delta.</p>
<p>Si nous mettons en place une stratégie de vaccination suffisamment ambitieuse, nous pouvons envisager de vivre avec la Covid comme nous le faisons avec la rougeole ; cette situation se traduirait par d’occasionnelles flambées épidémiques importées qui ne s’installeraient pas durablement.</p>
<p>Lever les restrictions en Australie avec seulement 60 % de la population vaccinée se traduira en revanche par une résurgence de la Covid, comme en Israël, aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Le <a href="https://www.theguardian.com/australia-news/2021/aug/13/sydney-hospitals-under-significant-strain-with-staff-shortages-as-covid-outbreak-grows">système de santé sera menacé</a> et ses personnels, durement sollicités.</p>
<p>Pour lever les restrictions en toute sécurité, un certain nombre de mesures devront être maintenues ou mises en place, telles que le port du masque, l’<a href="https://theconversation.com/how-to-use-ventilation-and-air-filtration-to-prevent-the-spread-of-coronavirus-indoors-143732">aération des lieux clos accueillant du public</a> (y compris les salles de classe), la vaccination des enfants. Il faudra également prévoir une troisième dose de rappel, à destination prioritaire des agents de santé de première ligne, afin de les protéger eux et le système de santé.</p>
<p>En résumé, on commence à apercevoir la lumière au bout du tunnel… Toutefois, pour l’heure, le port du masque et les autres mesures de restriction doivent rester en place. Nous devons tirer la leçon des situations observées en Israël et dans les autres pays, protéger les personnels de santé et les hôpitaux, vacciner les enfants, mettre en place des rappels, attendre les éventuelles mises à jour des vaccins destinés à répondre à l’émergence de nouveaux variants. Et mettre en œuvre une stratégie vaccinale la plus optimale possible, en garantissant un accès équitable aux vaccins, partout.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/166686/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>C Raina MacIntyre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Même dans des pays largement vaccinés comme Israël, l’épidémie de Covid peut connaître un rebond… Cette situation apparemment paradoxale est normale, et ne traduit pas une inefficacité du vaccin.
C Raina MacIntyre, Professor of Global Biosecurity, NHMRC Principal Research Fellow, Head, Biosecurity Program, Kirby Institute, UNSW Sydney
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/164276
2021-08-24T19:10:54Z
2021-08-24T19:10:54Z
Didier Raoult, le postmodernisme en étendard
<p>Directeur de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/IHU_M%C3%A9diterran%C3%A9e_Infection">institut hospitalo-universitaire (IHU) Méditerranée Infection</a>, Didier Raoult jouit d’une médiatisation rarement accordée à un scientifique. En mars 2020, un sondage Odoxa le classait en <a href="https://www.franceinter.fr/politique/sondage-coronavirus-pour-les-deux-tiers-des-francais-interroges-le-gouvernement-n-est-pas-a-la-hauteur">deuxième position</a> dans le palmarès des personnalités préférées des Français. Les vidéos du <a href="https://www.youtube.com/user/ifr48"><em>Bulletin scientifique</em></a>, réalisées dans son IHU et partagées sur les réseaux sociaux, dépassent quant à elles fréquemment le million de vues.</p>
<p>Durant la pandémie de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pand%C3%A9mie_de_Covid-19">Covid-19</a>, ses prises de position sur la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=00_vy-f22nE">faible dangerosité de l’épidémie</a> et <a href="https://www.youtube.com/watch?v=8L6ehRif-v8">en faveur d’un traitement à base d’hydroxychloroquine</a> ont suscité de nombreuses réactions.</p>
<p>Ce professeur de microbiologie, médecin de formation et <a href="https://science.sciencemag.org/content/335/6072/1033">chercheur de réputation internationale</a> s’est à de nombreuses reprises réclamé, dans ses communications publiques, <a href="https://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/">d’une « science postmoderne »</a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=7TI3Re57X2Y">en rupture avec les approches méthodologiques dominantes</a> dans les sciences biomédicales.</p>
<p>Mais quelles sont les significations du postmodernisme en sciences ? Et à quelle forme de postmodernisme Raoult assure-t-il se rattacher ?</p>
<h2>Distinguer sciences et croyances</h2>
<p>Le concept de postmodernité renvoie à celui de « modernité ». Fruit de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9forme_protestante">Réforme</a> et de la philosophie des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lumi%C3%A8res_(philosophie)">Lumières</a>, la modernité marque la rupture avec un Moyen-Âge, dont les institutions et la politique étaient dominées par le dogmatisme religieux.</p>
<p>L’idéal moderne repose d’une part sur la confiance en la raison comme moteur de progrès dans la connaissance, et d’autre part dans la croyance que l’organisation rationnelle de la société conduit à un progrès économique et social. </p>
<p>Dans cette perspective, la science joue un rôle crucial, en permettant d’éclairer les décisions politiques et de produire des innovations techniques et organisationnelles. Mais dès lors, il devient indispensable d’identifier clairement les savoirs scientifiques et de les distinguer des simples croyances.</p>
<p>Pour y parvenir, la méthode scientifique n’a cessé d’évoluer. Au début du XXᵉ siècle, le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cercle_de_Vienne">Cercle de Vienne</a>, a ainsi tenté de promouvoir une « <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Manifeste_du_Cercle_de_Vienne">conception scientifique du monde</a> » et de produire une méthode scientifique mêlant les deux grandes approches méthodologiques classiques que sont le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Rationalisme">rationalisme</a> et l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Empirisme">empirisme</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=797&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414647/original/file-20210804-19-6vwsed.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1002&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le philosophe Moritz Schlick (1882-1936) fut l’un des fondateurs du Cercle de Vienne. Son assassinat en 1936 par un de ses étudiants, sympathisant nazi, entraîna la fin du Cercle.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Schlick_sitting.jpg">© Österreichische Nationalbibliothek / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le Cercle postulait que tous les phénomènes naturels sont réductibles au niveau le plus fondamental de la matière. D’où l’idée d’unifier les sciences en une théorie universelle ayant pour base la physique et les mathématiques, en s’appuyant sur une méthode, « <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Empirisme_logique">l’empirisme logique</a> », imposant de procéder par induction, autrement dit à partir d’observations précises et à l’aide d’outils logiques. </p>
<p>Toute approche méthodologique n’incluant pas l’expérimentation pouvait ainsi être considérée comme non scientifique – ce qui posait problème pour la plupart des sciences humaines et une partie de la biologie, notamment celle concernant la théorie de l’évolution. En outre, quand la validation d’une théorie ne dépend que du respect de la méthode, il y a le risque d’un certain dogmatisme, d’une certitude de détenir une vérité absolue…</p>
<h2>Une approche amplement critiquée</h2>
<p>De nombreuses critiques de l’empirisme logique et de son <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9ductionnisme">approche réductionniste</a> ont émergé tout au long du XXᵉ siècle, en premier lieu de la part de philosophes des sciences, comme<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Willard_Van_Orman_Quine"> Willard Van Orman Quine</a> et <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Feyerabend">Paul Feyerabend</a>.</p>
<p>Quine a souligné que l’expérience ne possède pas la force logique d’imposer une seule théorie, <a href="https://books.google.fr/books/about/Du_point_de_vue_logique.html?id=5BKwAAAACAAJ&source=kp_book_description&redir_esc=y">plusieurs étant souvent possibles</a>. En conséquence, il serait naïf de croire que l’expérience constitue une manière infaillible de départager ou réfuter les théories.</p>
<p>Feyerabend a démontré que de multiples méthodes ont été employées à travers l’histoire pour produire des théories scientifiques. Il a défendu un « anarchisme méthodologique », ou plus exactement la <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/contre-la-methode-paul-feyerabend/9782020099950">nécessité d’une pluralité de méthodes scientifiques</a>.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=372&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414649/original/file-20210804-21-yblg0p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=467&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Le philosophe des sciences Paul Feyerabend (1924-1994), auteur de <em>Contre la méthode, Esquisse d’une théorie anarchiste de la connaissance</em></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier:Paul_Feyerabend_2.jpg">© Grazia Borrini-Feyerabend / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des critiques sont également venues de philosophes comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Thomas_Samuel_Kuhn">Thomas Kuhn</a> et de sociologues et philosophes des sciences comme <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bruno_Latour">Bruno Latour</a>, qui se sont attachés à démontrer que la science a une forte dimension sociale et humaine.</p>
<p>Kuhn <a href="https://www.google.fr/books/edition/La_structure_des_r%C3%A9volutions_scientifiq/5bKAPAAACAAJ?hl=fr">a introduit</a> les notions de « science normale » et de « science révolutionnaire ». Selon ses dires, la science normale vise à consolider l’ensemble des théories en place, qu’il nomme paradigme. Mais l’inadéquation de ce paradigme à expliquer de nouvelles observations pourrait mener à l’émergence d’une science révolutionnaire, et partant à un nouveau paradigme.</p>
<p>Quant à Latour, il considère que les théories scientifiques sont des constructions sociales et non de véritables descriptions de la réalité. D’après lui, <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/la_vie_de_laboratoire-9782707148483">la science expérimentale n’étudie pas la réalité</a> : elle ne fait qu’analyser en laboratoire ses constructions, lesquelles comportent de nombreux biais (sociaux, politiques et religieux). Et loin des vérités universelles de la science, il n’y aurait ainsi que des « vérités locales », n’ayant de valeur qu’au sein de certains groupes sociaux.</p>
<h2>Pluralisme méthodologique et examen par les pairs</h2>
<p>En ce début de XXIᵉ siècle, les dimensions contextuelles du développement des théories scientifiques sont largement acceptées par la plupart des scientifiques. </p>
<p>On ne doute plus de l’existence de biais sociaux et d’incertitudes liées à la méthodologie et à la complexité des phénomènes étudiés. Il est par ailleurs admis que des méthodes mêlant intuition, rationalité, modélisation mathématique, observation et expérimentation puissent être employées pour produire des descriptions de la réalité ou des théories explicatives. </p>
<p>Ainsi, la valeur scientifique d’une description ou d’une théorie ne repose plus sur la méthode employée pour la produire, mais sur l’examen critique, avant et après publication, par les pairs. Et ce sont à la fois la cohérence d’une étude avec ce qui est connu, sa reproductibilité, sa capacité à prédire les phénomènes, qui déterminent sa valeur. </p>
<p>Une théorie, pour être scientifique, doit pouvoir être réfutée empiriquement – le fameux argument de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9futabilit%C3%A9">réfutabilité</a> du philosophe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Karl_Popper">Karl Popper</a>. Et une théorie aujourd’hui non réfutée pouvant l’être demain, elle n’est jamais que « corroborée » : elle doit être considérée comme une approximation de vérité, ce qui interdit a priori tout dogmatisme.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=769&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414419/original/file-20210803-13-8gv9hb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=967&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le philosophe des sciences autrichien Karl Popper (1902-1994) est à l’origine de l’argument de réfutabilité : une hypothèse n’est scientifique que si elle peut être réfutée de manière empirique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Karl_Popper.jpg">© LSE library / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La science est devenue une activité hautement collective qui exige des scientifiques une grande tolérance à la critique, mais aussi un rejet des arguments idéologiques ou d’autorité. Ainsi, l’indépendance de la science vis-à-vis du religieux et du politique constitue une nécessité méthodologique, et non une revendication sociale.</p>
<p>In fine, bien qu’en rupture avec l’empirisme logique du Cercle de Vienne, cette approche reste fidèle à l’idéal moderne de la science. Laquelle, bien que n’étant pas source d’absolue vérité, est perçue comme une source de connaissances fiables, de progrès techniques et sociaux, ainsi que de liberté. </p>
<p>Mais il faut reconnaître que cette vision de la science n’est plus partagée par un certain nombre de chercheurs…</p>
<h2>Une science perçue comme outil de domination</h2>
<p>Le XXᵉ siècle fut le moment d’épanouissement de la modernité, mais aussi celui de sa crise. Il démontra que la science pouvait être mise au service des projets les plus atroces, comme durant les guerres et la colonisation, mais aussi être source d’inégalités, d’oppression et de violences extrêmes. D’où une critique radicale, émergeant dans les années 1960, à travers la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Philosophie_postmoderne">philosophie postmoderne</a>. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=890&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=890&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=890&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414421/original/file-20210803-17-hwb920.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1118&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le philosophe français Jean‑Francois Lyotard (1924-1998) a popularisé le paradigme de « postmodernisme » dans les milieux universitaires.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Jean-Francois_Lyotard.jpg">© Bracha L. Ettinger / Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Dans <em>La condition postmoderne</em>, le philosophe français <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean%E2%80%91Fran%C3%A7ois_Lyotard">Jean‑François Lyotard</a> va ainsi remettre en cause les schémas narratifs construits tant par les religions et les idéologies politiques que par la science pour donner une vision cohérente du monde et de la vie. Il y présente le savoir scientifique moderne comme normatif, indissociable du pouvoir et servant à légitimer l’action de l’État. Il l’oppose à une science postmoderne qui produirait « non pas du connu, mais de l’inconnu ».</p>
<p>Rationalité et preuves empiriques sont alors <a href="https://areomagazine.com/2017/03/27/how-french-intellectuals-ruined-the-west-postmodernism-and-its-impact-explained/">mises sur la sellette</a>, en considérant non seulement que la science moderne <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Science_en_action">ne décrit pas le réel</a>, mais aussi et surtout qu’elle constitue un outil de domination dont la forme et le contenu sont socialement déterminés. Ce qui interdit toute hiérarchisation des savoirs et mène au <a href="https://www.google.fr/books/edition/La_Peur_du_savoir/6mVYDwAAQBAJ ?hl=fr&gbpv=1&dq=La+peur+du+savoir.+Sur+le+relativisme+et+le+constructivisme+de+la+connaissance.+Ed+Agone&printsec=frontcover">relativisme</a> de ceux-ci.</p>
<p>Progrès social et liberté passeraient ainsi par une critique des savoirs scientifiques dits « universels », en faisant de la science un enjeu politique et identitaire. En témoigne l’essai <em>The Science Question in Feminism</em> : la philosophe américaine <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sandra_G._Harding">Sandra Harding</a> y affirme que la science moderne ayant été principalement produite par des hommes blancs hétérosexuels, elle est non seulement sexiste, mais aussi raciste, classiste et culturellement coercitive.</p>
<p>Cette politisation de la science modifie profondément la nature et les enjeux des controverses scientifiques. Dans une perspective moderne, les travaux scientifiques sont évalués par les scientifiques via la rationalité et les arguments empiriques. Mais d’un point de vue postmoderne, les théories scientifiques peuvent être <a href="https://as.nyu.edu/content/dam/nyu-as/philosophy/documents/faculty-documents/boghossian/bog_tls.html">jugées sur la base d’arguments politiques</a>, moraux ou émotionnels, et même publiquement via des sondages ou des référendums.</p>
<p>Dans ce contexte, <a href="https://www.scientificamerican.com/article/the-unfortunate-fallout-of-campus-postmodernism/">critiquer une théorie peut être assimilé à une attaque personnelle ou à celle d’une communauté dans son ensemble</a>. Ce qui peut déplacer les débats scientifiques vers l’espace judiciaire.</p>
<h2>La postmoderne attitude de Didier Raoult</h2>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=858&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1079&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1079&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/416099/original/file-20210813-23-1eapags.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1079&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Alice essaie de jouer au croquet avec un flamant rose comme maillet. Illustration pour le huitième chapitre d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll.</span>
<span class="attribution"><span class="source">The Victorian Web</span></span>
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<p>Dès 2013, Didier Raoult défend la vision postmoderne d’une science incapable de prédictions fiables et illégitime à éclairer les décisions politiques. Il affiche notamment un <a href="https://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/les-predictions-climatiques-sont-absurdes-08-10-2013-1740365_445.php">scepticisme</a> envers le changement climatique ou les annonces catastrophistes de grandes épidémies. Une position qu’il théorisera dans <em><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7135478/">Alice’s living croquet theory</a></em>, dont le nom est inspiré de la scène d’<em>Alice au pays des merveilles</em> durant laquelle Alice joue au croquet avec un flamant rose. Cette théorie postule que la dynamique entre des organismes vivants est tellement complexe qu’elle en devient imprévisible. Didier Raoult conclut qu’elle « <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7135478/">devrait nous inciter à une plus grande prudence dans la prévision des catastrophes</a> ».</p>
<p>Il n’est donc pas surprenant que le 20 février 2020 il adopte une position sceptique vis-à-vis de l’épidémie naissante de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/SARS-CoV-2">SARS-CoV-2</a> dans sa célèbre vidéo « <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=00_vy-f22nE">Coronavirus : moins de morts que par accidents de trottinette</a> ». Il y encense le pragmatisme du président Donald Trump qui minimise l’importance de l’épidémie et prédit sa disparition en été « la chose la plus intelligente qui ait été dite c’est par Trump », et raille l’immunologiste <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Anthony_Fauci">Anthony Fauci</a> « le grand scientifique qui dirige le NIH, lui, a dû devenir gâteux », jugé alarmiste.</p>
<p>En 2015 Didier Raoult fait paraître un essai titré <em>De l’ignorance et de l’aveuglement : Pour une science postmoderne</em>. Trois ans plus tard, il devient <a href="https://www.lepoint.fr/invites-du-point/didier_raoult/">chroniqueur</a> dans le journal Le Point, avec une tribune intitulée <em>La science post moderne</em>. S’il se garde bien de définir le postmodernisme, Didier Raoult le présente comme la solution à une science qu’il décrit comme improductive et sclérosée par les théories et les normes méthodologiques. Il renouvelle d’ailleurs sa critique dans un cours donné le 13 février 2020 et nommé <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=7TI3Re57X2Y"><em>Contre la méthode</em></a>. Il y défend la supériorité d’une recherche basée uniquement sur l’observation, et fait fi des normes et théories en se référant à Feyerabend et à son anarchisme méthodologique.</p>
<p>C’est dans ce contexte qu’on le voit <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=8L6ehRif-v8">promouvoir le 25 février 2020 un traitement à base d’hydroxychloroquine</a> contre la Covid-19 en l’absence de données validées par les pairs. Son refus catégorique et répété de réaliser un <a href="https://www.academie-medecine.fr/lessai-clinique-controle-randomise/">essai clinique randomisé contrôlé</a> n’a rien de surprenant lui non plus. Or, l’immense majorité des chercheurs, de même que les autorités sanitaires, jugent cette méthode incontournable pour mesurer l’efficacité d’un traitement. D’où une controverse sans fin…</p>
<p>Durant cette polémique, Didier Raoult s’est présenté comme un chercheur <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/25/didier-raoult-le-medecin-peut-et-doit-reflechir-comme-un-medecin-et-non-pas-comme-un-methodologiste_6034436_3232.html">en rupture avec une communauté scientifique dominée par « des maniaques de la méthodologie »</a>. Poursuivi par une <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/12/22/les-pr-raoult-et-perronne-vises-par-une-plainte-de-l-ordre-des-medecins_6064155_3244.html# :%7E :text=Plan %C3 %A8te-,Covid %2D19 %20 %3A %20les %20professeurs %20Didier %20Raoult %20et %20Christian %20Perronne %20vis %C3 %A9s,vis %C3 %A9 %20notamment %20pour %20 %C2 %AB %20charlatanisme %20 %C2 %BB.">plainte pour charlatanisme</a>, après des <a href="https://www.jeanmarcmorandini.com/article-442867-exclu-le-pr-raoult-affirme-dans-morandini-live-etre-victime-d-un-complot-qui-vient-de-tres-haut-a-la-fois-medical-et-politique-video.html">déclarations fracassantes</a> suggérant l’existence d’un complot médical et politique à son encontre, il a <a href="https://www.lemonde.fr/sciences/article/2021/05/18/bras-de-fer-judiciaire-entre-didier-raoult-et-une-specialiste-de-l-integrite-scientifique_6080545_1650684.html">porté plainte</a> contre la microbiologiste néerlandaise et consultante en intégrité scientifique Elisabeth Bik, après qu’elle a questionné certains de ses travaux sur le site <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/PubPeer">PubPeer</a> – plainte aussitôt <a href="https://www.sciencemag.org/news/2021/05/scientists-rally-around-misconduct-consultant-facing-legal-threat-after-challenging ?utm_campaign=NewsfromScience&utm_source=JHubbard&utm_medium=Twitter">dénoncée par de nombreux chercheurs</a>.</p>
<p>Enfin, son <a href="https://www.lexpress.fr/actualite/societe/sante/covid-19-pourquoi-les-propos-de-pr-raoult-sur-la-situation-en-islande-sont-trompeurs_2156790.html">scepticisme sur l’efficacité des vaccins Covid-19</a> contre le variant delta du SARS-CoV-2 a été considérée comme le franchissement d’une ligne rouge par plusieurs experts et pourrait bien lui valoir de <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/08/18/a-marseille-les-partenaires-de-l-ihu-veulent-accelerer-le-depart-de-didier-raoult_6091763_3244.html#xtor=AL-32280270-%5Bmail%5D-%5Bios%5D">quitter définitivement la direction de l’IHU</a> plus tôt que prévu. </p>
<p>On le voit, il y a chez Didier Raoult un positionnement postmoderne assumé, avec de fréquentes références aux théoriciens de cette approche, un rejet des normes scientifiques, des découvertes communiquées au public sans attendre l’examen par les pairs, ou encore une présentation des critiques qui lui sont adressées comme étant des attaques personnelles.</p>
<p>Mais qu’en est-il de sa méthodologie personnelle, qu’il présente comme postmoderne ?</p>
<h2>Un choix méthodologique teinté d’opportunisme ?</h2>
<p>Comme le directeur de l’IHU Méditerranée Infection l’explique dans ses ouvrages, sa méthodologie personnelle est de nature empiriste : la connaissance doit se construire par l’observation et la pratique, sans recours à une théorie, car celle-ci serait source de biais. Ce faisant, et notamment dans l’essai qu’il publie en 2015, il se réfère fréquemment au philosophe <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Francis_Bacon_(philosophe)">Francis Bacon</a>, considéré comme le père de l’empirisme.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=710&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414531/original/file-20210804-23-16biht1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=892&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le philosophe Anglais Francis Bacon (1561-1626), dans son <em>Novum Organum</em> (1620), prône l’empirisme en réaction au rationalisme dominant : une méthode basée sur l’observation et nécessitant une parfaite objectivité.</span>
<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Logique_de_la_d %C3 %A9couverte_scientifique">Karl Popper</a> a pourtant souligné qu’une approche purement empirique, c’est-à-dire sans cadre théorique, est difficilement compatible avec une recherche scientifique. Une critique particulièrement pertinente dans le domaine de recherche de Didier Raoult, la microbiologie. Celle-ci fait appel à de nombreux dispositifs dont le fonctionnement repose sur des théories. Par exemple, l’analyse du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/G %C3 %A9nome">génome</a> d’une bactérie nécessite de recourir à des banques de données et des outils mathématiques complexes. Ce qui implique notamment d’adhérer à la théorie fondamentale de la biologie moléculaire qui stipule que l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Acide_d %C3 %A9soxyribonucl %C3 %A9ique">acide désoxyribonucléique</a> est le support stable de l’information génétique. </p>
<p>De plus, une approche strictement empirique exige une objectivité absolue du scientifique. Elle n’est donc guère compatible avec le postmodernisme, celui-ci faisant de l’objectivité et de la neutralité du scientifique un mythe. En revanche, elle a l’avantage de présenter la recherche scientifique comme une aventure individuelle et héroïque : un petit nombre d’individus particulièrement doués, capables de rejeter normes, théories et critiques, feraient progresser à eux seuls la science. Une vision très en phase avec l’autoportrait que Didier Raoult aime à présenter à son public : « <a href="https://www.youtube.com/watch ?v=zUbiYhknaK0"><em>moi, je suis une star des maladies infectieuses, j’ai tout eu, j’ai un cursus qui fait rêver à peu près importe qui</em></a> ». </p>
<h2>Et demain, quelle place pour la science ?</h2>
<p>Une chose est sûre : la place accordée à la science dans la gouvernance est un enjeu majeur pour nos sociétés. </p>
<p>Dans les années à venir, nous serons confrontés à des menaces globales sans précédent dans l’histoire de l’humanité, comme le changement climatique et la pollution. Or une large coopération internationale sera nécessaire pour y faire face, avec a minima un consensus sur les menaces et la manière d’y répondre. Comment l’envisager sans des savoirs vérifiables et donc acceptables par le plus grand nombre ?</p>
<p>En réduisant la science à un outil d’oppression et une source de vérité locale, le postmodernisme fait perdre à la science toute légitimité particulière à éclairer les décisions politiques. Et cela peut s’avérer catastrophique, comme l’a illustré en 2017 <a href="https://www.lemonde.fr/donald-trump/article/2017/06/01/climat-donald-trump-annonce-le-retrait-des-etats-unis-de-l-accord-de-paris_5137402_4853715.html">la sortie des États-Unis de l’accord de Paris</a>, après que Donald Trump - que certains considèrent comme le <a href="https://newrepublic.com/article/143730/americas-first-postmodern-president">premier président postmoderne de l’histoire</a> – a relativisé les connaissances scientifiques sur le changement climatique. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/414642/original/file-20210804-23-1h4vqy6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Donald Trump, Mike Pence et le conseiller scientifique William N. Bryan lors d’un point presse quotidien sur le coronavirus (23 avril 2020)</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:White_House_Coronavirus_Update_Briefing_(49813119368).jpg">The White House from Washington, DC /Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Rappelons qu’au printemps 2020, <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/05/19/coronavirus-trump-poursuit-sa-croisade-en-faveur-de-l-hydroxychloroquine-qu-il-assure-prendre-preventivement_6040061_3210.html">Donald Trump</a> et <a href="https://www.franceinter.fr/monde/au-bresil-l-utilisation-de-la-chloroquine-encouragee-par-bolsonaro-contre-les-avis-scientifiques">Jair Bolsonaro</a> ont justifié leurs dénis de la menace en se référant aux déclarations de Didier Raoult sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine. Ce qui n’a pas été sans conséquence pour les États-Unis et le Brésil, <a href="https://www.worldometers.info/coronavirus/ ?fbclid=IwAR0h3ek0S_qG8zPoVqCWhBOSEm3rZciexfRlNERN6xkoxnviQfRNT743qzo#countries">pays parmi les plus endeuillés par le Covid-19</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164276/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Eric Muraille a reçu des financements de Fonds de la Recherche Scientifique (FRS-FNRS), Belgique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Alban de Kerchove d'Exaerde est Président de la Belgian Society of Neuroscience, Professeur à l'Université Libre de Bruxelles. Il a reçu des financements de l'ULB, FRS/FNRS, WELBIO, Fondation Simone et Pierre Clerdent, Fédération Wallonie Bruxelles, Fondation ULB . </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Bernard Feltz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Le directeur de l’IHU Méditerranée Infection s’est souvent réclamé du postmodernisme. Que signifie ce terme en science ? Et à quelle forme de postmodernisme Didier Raoult prétend-il se rattacher ?
Eric Muraille, Biologiste, Immunologiste. Maître de recherches au FNRS, Université Libre de Bruxelles (ULB)
Alban de Kerchove d'Exaerde, Directeur de Recherche(FNRS), Université Libre de Bruxelles (ULB)
Bernard Feltz, Professeur ordinaire émérite, Philosophie des sciences, UCLouvain
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/165195
2021-08-01T16:30:14Z
2021-08-01T16:30:14Z
Vacciné contre la Covid-19, faudra-t-il se faire re-vacciner?
<p><em>La prévalence croissante des <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant.html">nouveaux variants du coronavirus</a> soulève de plus en plus de questions sur le niveau de protection même après vaccination : ces évolutions du virus SARS-CoV-2 ne vont-elles pas échapper à l’immunité obtenue ? Le <a href="https://scholar.google.com/citations?user=6yMIM1MAAAAJ&hl=en&oi=ao">microbiologiste et spécialiste des maladies infectieuses William Petri</a>, de l’université de Virginie, répond en 6 points aux interrogations les plus fréquentes sur les vaccins et leur rappel.</em></p>
<hr>
<h2>1. Qu’est-ce qu’un rappel de vaccin ?</h2>
<p>Le rappel d’un vaccin est l’injection d’une dose supplémentaire, destinée à maintenir la protection immunitaire face à un pathogène donné. Le procédé est courant, car notre immunité peut <a href="https://doi.org/10.1038/s41577-020-00479-7">s’affaiblir dans le temps</a> de façon tout à fait naturelle. Par exemple, le <a href="https://www.cdc.gov/vaccines/parents/diseases/flu.html">vaccin contre la grippe</a> doit être refait tous les ans, ceux contre la <a href="https://www.cdc.gov/vaccines/vpd/dtap-tdap-td/hcp/recommendations.html">diphtérie et le tétanos</a> tous les dix ans.</p>
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<img alt="Particules virales de la grippe" src="https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=393&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413801/original/file-20210729-27-1gndaxu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=494&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains virus (ici la grippe) évoluant très vite exigent des vaccins remis à jour tous les ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Centers for Disease Control/CDC Influenza Laboratory</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Le vaccin injecté lors du rappel est souvent identique au premier. Mais pas obligatoirement : lorsque le virus ciblé est connu pour évoluer rapidement, son vaccin doit être modifié régulièrement afin s’y adapter : c’est par exemple le cas pour la <a href="https://www.cdc.gov/flu/prevent/keyfacts.htm">grippe saisonnière</a>, dont le vaccin doit être réajusté tous les ans sous peine d’obsolescence.</p>
<h2>2. A-t-on déjà besoin d’un rappel pour la Covid ?</h2>
<p>Début juillet aux États-Unis, après une intense campagne de vaccination de plusieurs mois, aucune autorité sanitaire (Centers for Disease Control and Prevention, the Food and Drug Administration and the Advisory Committee on Immunization Practices) n’en voit encore l’intérêt.<br>
(<em>ndlr : en <a href="https://www.france24.com/fr/moyen-orient/20210729-covid-19-isra%C3%ABl-appelle-les-plus-de-60-ans-%C3%A0-se-faire-injecter-une-troisi%C3%A8me-dose-de-vaccin">Israël</a>, les autorités incitent les plus de 60 ans à prendre une troisième dose. En France, la réflexion est en cours en ce qui concerne les publics les plus vulnérables et qui ont été vacciné les premiers</em>)</p>
<h2>3. Pourquoi les rappels ne sont-ils pas encore recommandés ?</h2>
<p>Même si le bénéfice d’un vaccin n’est pas éternel, le moment où il va s’estomper dans le cas de la Covid-19 n’est pas encore établi.</p>
<p>Ceci notamment parce que tous les vaccins actuellement autorisés contre la Covid-19 induisent une bonne immunité. Ils permettent bien aux <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2019.01787">lymphocytes B à « mémoire »</a> de notre système immunitaire d’enregistrer les propriétés des pathogènes auxquels nous sommes confrontés, et donc de lancer la production des anticorps adéquats en cas de nouvelle exposition. De haut niveau de lymphocytes B à mémoire ont en effet été détecté chez des personnes vaccinées (Pfizer) au moins <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03738-2">12 semaines</a> après injection.</p>
<p>D’autres études suggèrent également que ces vaccins, même s’ils n’empêchent forcément pas la contamination, offrent une certaine protection y compris contre les <a href="https://www.who.int/en/activities/tracking-SARS-CoV-2-variants/">souches émergentes de coronavirus</a>. Pour Johnson & Johnson, <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2101544">73 % et 82 % d’efficacité</a> contre les formes graves du variant Beta ont été constatée respectivement 14 et 28 jours après injection. Pour Pfizer, des résultats préliminaires laissent présager une <a href="https://doi.org/10.1101/2021.05.22.21257658">efficacité de 88 %</a> contre le variant Delta.</p>
<p>L’immunité sur le long terme <a href="https://doi.org/10.3389/fimmu.2019.01787">est également assurée</a> par les <a href="https://www.cnrtl.fr/definition/plasmoblaste">plasmoblastes</a>. Ces cellules, autres intervenants dans la production d’anticorps, n’ont pas besoin de rappel et ont été détectées onze mois après injection chez des <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03647-4">personnes vaccinées</a> : ce qui laisse bien supposer la mise en place d’une mémoire immunitaire efficace.</p>
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<img alt="Un lymphocyteB, acteur majeur de la production d’anticorps" src="https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413805/original/file-20210729-21-ndgl47.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Plusieurs cellules de notre système immunitaire participe à la production des anticorps (ici, lymphocyte B) et à leur mémorisation en cas de nouvelle rencontre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NIAID</span></span>
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<h2>4. Comment savoir si un rappel va devenir nécessaire ?</h2>
<p>Un signe du besoin d’un rappel serait la montée en puissance de l’épidémie chez les personnes vaccinées. Pour l’heure, les vaccins restent largement efficaces… Mais le niveau exact d’immunité individuelle qu’ils procurent est toujours en cours d’évaluation.</p>
<p>Pour évaluer cette immunité, les chercheurs se penchent notamment sur certains anticorps induits par les vaccins : ceux qui reconnaissent la <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2034577">protéine Spike</a>, permettant au coronavirus d’entrer dans les cellules, et qui auraient une importance majeure.</p>
<p>À l’appui de cette idée, une étude montrant que les vaccins à ARNm (Pfizer et Moderna), qui semblent les plus efficaces, génèrent un plus <a href="https://doi.org/10.1016/j.vaccine.2021.05.063">haut niveau d’anticorps dans le sang</a> que les vaccins à adenovirus (Johnson & Johnson et AstraZeneca). Une <a href="https://doi.org/10.1101/2021.06.21.21258528">étude préliminaire</a> suggère également que le niveau d’anticorps anti-Spike serait plus bas chez les anciens malades de la Covid-19 y compris après injection du vaccin d’AstraZeneca.</p>
<p>Bien sûr, le personnel médical aimerait pouvoir déjà proposer à leurs patients des tests sanguins capables de mesurer, de façon fiable, leur niveau de protection contre la Covid-19… Ce qui indiquerait, clairement, si quelqu’un a besoin d’un rappel.</p>
<p>Mais jusqu’à ce que les chercheurs sachent, de façon certaine, comment mesurer l’immunité induite par la vaccination, le signe à suivre quant à la nécessité d’un rappel sera, comme noté précédemment, l’évolution du nombre de contamination chez les personnes vaccinées… notamment passé un certain âge : en effet, après 80 ans la vaccination entraîne une <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03739-1">production moindre d’anticorps</a> et donc une immunité qui pourrait possiblement décliner plus rapidement qu’au sein de la population globale. Les personnes âgées pourraient également être <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03739-1">plus sensibles aux nouveaux variants</a>.</p>
<h2>5. Être immunodéprimé augmente-t-il le besoin d’un rappel ?</h2>
<p>L’immunodépression pourrait effectivement rendre nécessaire un rappel. Une étude a montré que, chez 39 greffés du rein sur 40 et un tiers des patients sous dialyse considérés, la vaccination n’avait <a href="https://doi.org/10.1126/sciimmunol.abj1031">pas entraîné une production d’anticorps décelable</a>. Même constat dans une autre étude, menée cette fois chez 20 patients atteints de <a href="https://doi.org/10.7326/M21-1451">maladies musculo-squelettiques</a> et sous traitement immunosuppresseur. Dans les deux cas, tous les patients étaient pourtant complètement vaccinés.</p>
<p>Ce qui ne veut pas dire que la vaccination est sans intérêt pour les personnes immunodéprimées. Au moins une étude montre qu’un rappel peut avoir un effet positif : chez un <a href="https://doi.org/10.7326/L21-0282">tiers de patients transplantés</a> vaccinés avec Pfizer ou Moderna, si les deux premières doses n’avaient pas permis de déceler d’anticorps, une réponse immunitaire est apparue avec la troisième.<br>
(<em>ndlr : En France, <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dgs_urgent_52_precisions_sur_la_vaccination_imd.pdf">La Direction générale de la Santé</a> recommande déjà cette troisième dose dans certains cas</em>)</p>
<p>Comment savoir, alors, si l’on est immunodéprimé et vacciné, si notre système immunitaire a besoin de cette stimulation complémentaire ? Des résultats préliminaires laissent penser qu’un <a href="https://doi.org/10.1101/2021.03.05.21252977">test ciblant spécifiquement les anticorps anti-Spike induits par un vaccin</a> pourrait aider à s’assurer si ce dernier a marché. Mais pour l’heure, aux États-Unis, ce genre de protocole n’est <a href="https://www.fda.gov/medical-devices/safety-communications/antibody-testing-not-cur%5B...%5Dcommended-assess-immunity-after-covid-19-vaccination-fda-safety">pas encore recommandé par la FDA</a>.</p>
<h2>6. Faut-il le même vaccin lors du rappel que lors des premières injections ?</h2>
<p>C’est très peu probable. Il a été démontré que les vaccins à ARNm (comme ceux de Pfizer et Moderna) pouvaient même être couplé avec les vaccins à adénovirus (comme AstraZeneca) <a href="http://dx.doi.org/10.2139/ssrn.3874014">sans perte d’efficacité</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165195/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>William Petri a reçu des financements de la NIH, de la Bill & Melinda Gates Foundation et de Regeneron, Inc.</span></em></p>
Alors que les premières vaccinations remontent à plusieurs mois et que le virus de la Covid multiplie les variants, faut-il prévoir une campagne de rappel ? Réponse en 6 points.
William Petri, Professor of Medicine, University of Virginia
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/165196
2021-07-28T19:34:49Z
2021-07-28T19:34:49Z
Avoir été malade de la Covid-19 ne protège pas aussi bien qu’un vaccin, surtout face au variant Delta
<p>En tant qu'immunologiste étudiant les <a href="https://scholar.google.com/citations?user=MEMHuGoAAAAJ&hl=en&oi=ao">réponses immunitaires aux infections respiratoires</a>, j’ai suivi l’émergence des nouveaux variants du coronavirus non sans une certaine appréhension, avec à l'esprit la question de savoir si la vaccination ou une infection antérieure pouvait offrir une protection suffisante contre ces souches, et notamment contre <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">le variant Delta hautement transmissible</a>, qui s’est <a href="https://covid.cdc.gov/covid-data-tracker/#global-variant-report-map">rapidement diffusé dans plus de 70 pays</a>.</p>
<p>Il existe deux façons de développer une immunité, autrement dit une capacité à résister à une nouvelle infection : après avoir été infecté par le virus, ou par la vaccination. Cependant, toutes les immunités ne se valent pas… Immunité induite par vaccin et immunité naturelle se distinguent en termes d’<a href="https://doi.org/10.1038/s41564-020-00813-8">intensité de réponse</a> et de <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2026116">durée de protection acquise</a>. De plus, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-020-2456-9">après une infection</a>, tout le monde ne bénéficie pas du même niveau d’immunité, alors que les effets des vaccins sont <a href="https://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMc2103916">très constants</a>.</p>
<p>Cette différence parait encore plus marquée lorsqu’on considère les <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03777-9">nouveaux variants</a>. Début juillet, deux études ont en effet montré que les vaccins contre la Covid-19, quoique légèrement moins efficaces que contre les anciennes souches virales, semblaient toujours fournir une <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMc2107799">excellente réponse immunitaire face aux nouveaux variants</a>. En regardant comment nos anticorps se liaient à ces derniers, les chercheurs ont constaté que les personnes infectées antérieurement pouvaient être <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03777-9">vulnérables à ces souches émergentes</a>, alors que les individus vaccinés avaient plus de chance d’être protégés.</p>
<p>Les vaccins constituent donc une voie à la fois sûre et fiable vers l’immunité, tant contre les anciennes souches de coronavirus que contre les nouvelles, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03777-9">parmi lesquelles le variant Delta</a>.</p>
<h2>L’immunité après une infection est imprévisible</h2>
<p>Pourquoi une telle différence entre immunité naturelle et immunité induite par les vaccins ? Rappelons déjà que la protection que nous confère notre système immunitaire découle de sa capacité à se souvenir d’une infection passée et de l’agent pathogène qui l’a causée. S’il devait être confronté à nouveau au même envahisseur, notre corps saurait comment se défendre en faisant appel à cette mémoire immunologique. Parmi les acteurs majeurs de notre protection figurent les anticorps (des protéines capables de se lier par exemple à un virus) et les lymphocytes T (des cellules immunitaires impliquées dans l’élimination des cellules infectées et des virus déjà neutralisés par les anticorps).</p>
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<img alt="Des essaims d’anticorps reconnaissent des virus ayant déjà infecté notre corps" src="https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413528/original/file-20210728-23-1xy2a3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Notre système immunitaire génère des anticorps (Y) capables de reconnaître tout virus auquel il a déjà été confronté.</span>
<span class="attribution"><span class="source">ktsdesign/Shutterstock</span></span>
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<p>Après une infection par le SARS-CoV-2, <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00675-9">anticorps</a> et lymphocytes T fournissent une <a href="https://doi.org/10.1126/science.abf4063">protection à la réinfection</a>. 84 % à 91 % des personnes ayant développé des anticorps contre la souche originelle de coronavirus étaient peu susceptibles d’être <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2034545">ré-infectés dans les six mois</a>, même si ladite première <a href="https://doi.org/10.1016/j.cell.2020.11.029">infection avait été légère</a>. Quant aux individus contaminés mais n’ayant développé aucun symptôme (on parle d’infections « asymptomatiques »), s’ils tendent à avoir <a href="https://doi.org/10.1038/s41564-020-00813-8">moins d’anticorps</a>, ils développent néanmoins également une immunité.</p>
<p>Chez certaines personnes, l’immunité naturelle peut donc être forte et de longue durée. Mais ce n’est pas toujours le cas. En effet, près de 9 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 ne généreront pas un <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2026116">niveau d’anticorps détectable</a>, et les lymphocytes T de près de 7 % des anciens malades <a href="https://doi.org/10.1126/science.abf4063">sont incapables de reconnaître le virus</a> 30 jours après l’infection.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>Même chez les individus qui développent une immunité, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-020-2456-9">la durée et l’intensité de la protection</a> sont très variables. Jusqu’à 5 % des anciens malades pourraient ainsi <a href="https://doi.org/10.1126/science.abf4063">perdre leur protection en quelques mois</a>. Or, sans une bonne défense, la réinfection est possible, parfois <a href="https://doi.org/10.1002/jmv.26637">après un mois seulement</a>. De très rares cas de <a href="https://doi.org/10.1001/jamainternmed.2021.2959">réhospitalisation</a> et même de <a href="https://doi.org/10.1016/j.jinf.2021.01.020">décès</a> après réinfection ont été documentés.</p>
<p>Un problème croissant est que les personnes qui avaient été infectées au début de l’épidémie par les premières souches virales, et qui ont été immunisées contre elles, pourraient s’avérer dans une certaine mesure vulnérables au variant Delta. Une étude récente révélait ainsi que <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03777-9">12 mois après infection</a>, 88 % des anciens malades possédaient des anticorps capables d’empêcher le coronavirus originel d’infecter des cellules en culture. En revanche, <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03777-9">moins de 50 % de ces personnes possédaient des anticorps capables de neutraliser le variant Delta</a>.</p>
<p>Pour mémoire, une personne infectée peut transmettre le coronavirus <a href="https://doi.org/10.1001/jamanetworkopen.2020.35057">même sans se sentir malade</a>. Ce qui est particulièrement problématique avec les nouveaux variants, puisqu’ils sont <a href="https://doi.org/10.1126/science.abg3055">plus facilement transmissibles</a> que la souche initiale.</p>
<h2>La vaccination offre une protection sûre</h2>
<p>Les vaccins contre la Covid-19 génèrent <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2022483">une réponse immunitaire impliquant à la fois des anticorps (réponse immunitaire dite « humorale ») et des lymphocytes T (réponse immunitaire « cellulaire »)</a> – et ces réponses sont plus fortes et fiables que celles induites par l’immunité naturelle. Une étude a ainsi révélé que six mois après une première dose du vaccin développé par Moderna, <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMc2103916">100 % des personnes testées possédaient encore des anticorps</a>. C’est, pour l’heure, la plus longue période de persistance attestée. Une autre étude a également montré que le niveau d’anticorps était plus élevé chez les vaccinés ayant reçu des injections des vaccins de Moderna ou de Pfizer que chez les <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2028436">anciens malades</a>.</p>
<p>Mieux encore, une <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2101765">étude israélienne</a> a évalué que le vaccin de Pfizer bloquait 90 % des infections après injection de deux doses, et ce même en présence des nouveaux variants. Or, une <a href="https://doi.org/10.1093/cid/ciab229">diminution des infections</a> se traduit par une limitation de la transmission du virus au sein de la population.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Personnel soignant en train de vacciner" src="https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/413529/original/file-20210728-27-1tzk8bd.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">La vaccination constitue une protection efficace, y compris contre les nouveaux variants.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Unsplash/Mat Napo</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc/4.0/">CC BY-NC</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il existe donc un avantage à se faire vacciner, y compris pour les personnes qui ont déjà été infectées par le coronavirus. Un étude impliquant le virus initial de la Covid-19 a même révélé que la vaccination effectuée après une première infection entraîne la production de quantités d’anticorps <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMc2101667">près de 100 fois supérieures</a> à celles résultant de l’infection seule, et que 100 % des personnes vaccinées après une infection possédaient des <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03777-9">anticorps capables de les protéger contre le variant Delta</a>.</p>
<p>Les vaccins contre la Covid-19 ne sont pas parfaits, mais ils engendrent des réponses immunitaires fortes, capables d’offrir une protection plus performante et durable que l’immunité naturelle – un avantage d’autant plus important aujourd’hui, alors que les nouveaux variants se sont imposés dans la plupart des pays.</p>
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<p><em>Ce texte est la version remise à jour d’un <a href="https://theconversation.com/why-you-should-get-a-covid-19-vaccine-even-if-youve-already-had-the-coronavirus-155712">article initialement publié</a> le 25 mai 2021.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/165196/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jennifer T. Grier ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Une infection par la Covid-19 entraîne normalement une immunité naturelle… mais pas toujours. Et cette immunité est moins fiable que celle due aux vaccins, une donnée importante face au variant Delta.
Jennifer T. Grier, Clinical Assistant Professor of Immunology, University of South Carolina
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/164910
2021-07-22T23:34:42Z
2021-07-22T23:34:42Z
Covid-19 : qu’est-ce que le variant « Delta Plus » ?
<p>En juin dernier, le gouvernement indien a indiqué qu’une nouvelle mutation avait été détectée chez le variant Delta du coronavirus SARS-CoV-2. Celle-ci se traduit par une modification au niveau de la protéine Spike, qui sert de « clé » au virus pour pénétrer dans les cellules qu’il infecte. </p>
<p>Baptisé « Delta Plus » en raison de cette mutation additionnelle, ce nouveau variant (aussi appelé AY.1 ou B.1.617.2.1) a été identifié en Inde chez <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/delta-plus-variant-very-localised-48-cases-found-till-now-says-govt-101624881866771.html">48 personnes</a> infectées par le variant Delta (sur un total de plus de 45 000 échantillons analysés). Delta Plus a été <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/6/23/india-says-covid-delta-plus-variant-of-concern-22-cases-found">classé comme « variant préoccupant »</a> par le ministère de la Santé indien, à cause notamment <a href="https://pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1730875">d’une transmissibilité accrue</a>.</p>
<p>En quoi ce variant diffère-t-il du variant Delta, et que sait-on de sa capacité à échapper à l’immunité vaccinale ?</p>
<h2>Le variant Delta</h2>
<p>Initialement détecté en Inde, le variant Delta du coronavirus SARS-CoV-2 est en train de devenir <a href="https://edition.cnn.com/videos/world/2021/07/01/delta-variant-outbreak-coronavirus-covid-19-icu-brunhuber-pkg-intl-hnk-vpx.cnn">majoritaire partout sur la planète</a>, selon l’Organisation mondiale de la Santé. Il a notamment joué un rôle majeur dans la <a href="https://theprint.in/health/delta-variant-behind-indias-2nd-wave-7-strains-circulating-in-around-varanasi-study-finds/672288/">violente seconde vague qui a frappé l’Inde au printemps dernier</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/linde-en-apnee-sous-la-deuxieme-vague-de-la-covid-19-160980">L’Inde en apnée sous la deuxième vague de la Covid-19</a>
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<p><a href="https://assets.researchsquare.com/files/rs-637724/v1_covered.pdf">Diverses études</a> ont établi que le variant Delta est capable de se répliquer plus rapidement et de se disséminer plus facilement que les autres variants, et qu’il se lierait plus fortement aux récepteurs situés à la surface des cellules pulmonaires.</p>
<p>Par ailleurs, dans une étude préliminaire qui n’a pas encore fait l’objet d’un examen par les pairs, des chercheurs indiens <a href="https://www.thehindu.com/news/cities/Delhi/delta-variant-led-to-most-post-vaccine-infections-in-delhi/article34730572.ece">ont découvert</a> que ce variant aurait été à l’origine des trois quarts des flambées infectieuses de la ville de Dehli chez des personnes vaccinées (8 % de ces infections auraient été dues au variant Kappa - ou B.1.617.1, et 76 % au variant Delta - ou B.1.617.2, le reste étant lié à d’autres variants de la lignée B.1).</p>
<h2>En quoi le variant Delta Plus diffère-t-il du variant Delta ?</h2>
<p>La nouvelle mutation du variant Delta a été initialement <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-57564560">détectée en Europe</a> au mois de mars 2021.</p>
<p><a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/delta-plus-variant-very-localised-48-cases-found-till-now-says-govt-101624881866771.html">En juin</a>, des patients malades de la Covid-19 se sont également avérés porteurs de ce nouveau mutant, qui est devenu une source de préoccupation pour les autorités, <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/delta-plus-variant-evades-covid-19-vaccines-all-you-need-to-know-about-major-concerns-101624583935282.html">certains scientifiques indiens</a> craignant qu’il ne soit à l’origine de nouvelles infections.</p>
<p>La mutation de la protéine Spike portée par le variant Delta Plus n’est cependant pas nouvelle. Connue sous la dénomination « K417N », elle a déjà été décrite chez le variant Bêta, initialement détecté en Afrique du Sud. Le variant Bêta porteur de cette mutation s’est avéré capable d’échapper dans une certaine mesure <a href="https://www.forbes.com/sites/williamhaseltine/2021/03/17/astrazeneca-vaccine-fails-to-protect-against-the-south-african-variant/?sh=6725e5b36526">aux anticorps induits par le vaccin d’AstraZeneca</a>. On pourrait donc craindre que certains vaccins ne s’avèrent pas aussi efficaces contre le variant Delta Plus que contre les autres variants.</p>
<h2>Les vaccins seront-ils efficaces contre le variant Delta Plus ?</h2>
<p>Selon le ministère de la Santé indien, le variant Delta Plus <a href="https://pib.gov.in/PressReleaseIframePage.aspx?PRID=1730875">pourrait posséder une capacité similaire à échapper à l’immunité</a> et à résister aux effets des thérapies anti-Covid-19 basées à base <a href="https://theconversation.com/what-monoclonal-antibodies-are-and-why-we-need-them-as-well-as-a-vaccine-149356">d’anticorps monoclonaux</a>.</p>
<p>Cette mutation est préoccupante car elle est située sur la protéine Spike, une composante clé du virus, qui lui sert à pénétrer dans les cellules humaines. <a href="https://www.the-scientist.com/news-opinion/a-guide-to-emerging-sars-cov-2-variants-68387">Les mutations précédentes</a> touchaient le domaine de liaison au récepteur de la protéine Spike, qui permet au virus de s’attacher aux récepteurs situés à la surface desdites cellules.</p>
<p>Les mutations présentes sur le variant Delta pouvaient déjà, dans une certaine mesure, l’aider à échapper au système immunitaire. Certains vaccins se sont ainsi avérés avoir une <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/jun/15/the-covid-delta-variant-how-effective-are-the-vaccines">efficacité un peu moindre</a> face à lui, une dose unique offrant une protection réduite. Cependant, une seconde dose de vaccins continuait à entraîner la production de quantités d’anticorps suffisantes pour protéger des infections symptomatiques et prévenir les formes sévères de la maladie. Il est important de se souvenir que la plupart des vaccins anti-Covid-19 ne procurent pas une immunité absolue, mais limitent la sévérité de la maladie.</p>
<p>Des <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/997418/Variants_of_Concern_VOC_Technical_Briefing_17.pdf">chercheurs britanniques</a> ont ainsi montré qu’une dose de vaccin à ARN de Pfizer avait une efficacité de 33 % contre le variant Delta, et de 88 % après une seconde injection. Dans le cas du vaccin d’AstraZeneca, l’efficacité est de 33 % après la première dose, et de 60 % après la seconde.</p>
<p>Le variant Delta Plus pourrait être concerné par des réductions similaires d’efficacité, cependant les données disponibles manquent encore pour pouvoir l’affirmer. <a href="https://www.livemint.com/news/india/india-to-study-effectiveness-of-vaccines-on-delta-plus-variant-of-sars-cov2-11624630994005.html">Des études sont en cours en Inde</a> pour tester l’efficacité des vaccins actuellement utilisés contre ce nouveau variant.</p>
<p>Il est important de souligner que le variant Delta Plus ne s’est pas encore diffusé largement, et que l’Organisation mondiale de la Santé ne l’a pas encore classé parmi les variants préoccupants.</p>
<h2>Que reste-t-il à apprendre ?</h2>
<p>L’émergence de variants à la transmissibilité accrue et capables d’échapper aux anticorps menace le succès des efforts visant à contrôler et atténuer la pandémie. Les pays dont les taux de vaccination sont les plus bas sont en outre à risque de nouvelles flambées.</p>
<p>L’existence de ces nouvelles mutations ne signifie pas que de nouvelles mesures doivent être prises face à l’épidémie. Il faut en revanche faire en sorte que le nombre de personnes vaccinées continue à croître, continuer à se conformer aux recommandations en matière de comportement en période d’épidémie, et améliorer la surveillance génomique, afin d’être en mesure de suivre au plus près l’évolution du coronavirus SARS-CoV-2.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164910/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sunit K. Singh ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Certains experts craignent que l’efficacité des vaccins soit moindre face au variant Delta Plus. Cependant pour l’instant les données fiables manquent pour trancher cette question.
Sunit K. Singh, Professor of Molecular Immunology and Virology, Institute of Medical Sciences, Banaras Hindu University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/164578
2021-07-15T20:15:42Z
2021-07-15T20:15:42Z
Covid-19 : que sait-on du variant Lambda, désormais présent dans 29 pays ?
<p>Le Pérou est de loin le pays qui compte le plus grand nombre de décès dus au Covid-19 par habitant. <a href="https://coronavirus.jhu.edu/data/mortality">596 décès sur 100 000 habitants sont dus à la maladie</a>. Ce bilan est presque deux fois plus élevé que celui du second pays le plus touché par la pandémie, la Hongrie, où sont dénombrés 307 décès pour 100 000 habitants. </p>
<p>Plusieurs raisons expliquent les piètres résultats du Pérou face à la pandémie : système de santé <a href="https://www.bbc.co.uk/news/world-latin-america-53150808">mal financé et insuffisamment préparé</a>, avec notamment trop peu de places en soin intensifs, déploiement lent de la vaccination, capacité de test limitée, économie informelle importante (ce qui se traduit par un nombre élevé d’habitants ne pouvant se permettre de ne pas travailler), logements surpeuplés… En outre, le pays a également été confronté au variant Lambda. Signalé pour la première fois dans la capitale, Lima, en août 2020, celui-ci représentait en avril 2021 <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.06.26.21259487v1">97 % de toutes les séquences de coronavirus</a> analysées au Pérou. </p>
<p>Ce variant Lambda est désormais présent dans le monde entier. Selon un rapport de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) daté du 15 juin 2021, il a été identifié dans <a href="https://www.who.int/docs/default-source/coronaviruse/situation-reports/20210615_weekly_epi_update_44.pdf?sfvrsn=d45d71e2_5&download=true">29 pays</a>. À l’heure actuelle, <a href="https://www.gov.uk/government/publications/covid-19-variants-genomically-confirmed-case-numbers/variants-distribution-of-case-data-2-july-2021">huit cas d’infection par le variant lambda ont été confirmés au Royaume-Uni</a>, pour la plupart <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/997418/Variants_of_Concern_VOC_Technical_Briefing_17.pdf">liés à des voyages à l’étranger</a>.</p>
<p>Selon l’OMS, le variant Lambda « a été associé à des taux substantiels de transmission communautaire dans de multiples pays, avec une prévalence croissant au fil du temps, parallèlement à l’augmentation de l’incidence du COVID-19. ». Le 14 juin 2021, l’organisation a classé ce variant comme « variant d’intérêt ». Public Health England lui a emboîté le pas le <a href="https://www.gov.uk/government/publications/covid-19-variants-genomically-confirmed-case-numbers/variants-distribution-of-case-data-2-july-2021">23 juin</a>, le désignant comme « variant sous investigation », en raison de son expansion mondiale et de la présence de plusieurs mutations notables. </p>
<h2>Pas de diminution massive de l’efficacité des anticorps</h2>
<p>Un variant d’intérêt est un virus présentant des mutations dont on sait (ou prévoit) qu’elles peuvent affecter des caractéristiques tels que la transmissibilité (la facilité avec laquelle le virus se propage), la gravité de la maladie, la capacité du mutant à échapper à l’immunité (conférée par une infection antérieure ou par la vaccination), ou encore la possibilité d’échapper aux tests diagnostics. La <a href="https://www.medpagetoday.com/special-reports/exclusives/93458">« combinaison inhabituelle »</a> des mutations portées par le variant Lambda fait notamment craindre à de nombreux scientifiques qu’il puisse être plus transmissible. </p>
<p>Le protéine Spike (ou « S ») du variant Lambda présente sept mutations (pour mémoire, la protéine Spike, dont la forme rappelle celle d’un champignon, est présente en de nombreux exemplaires sur l’enveloppe externe du virus. Elle s’accroche à la protéine ACE2 présente sur nos cellules, permettant au coronavirus de les envahir). Ces mutations pourraient non seulement permettre au variant lambda de se lier plus facilement à nos cellules, mais aussi compliquer la tâche de nos anticorps en limitant leur accroche sur le virus, et donc sa neutralisation.</p>
<p>Il faut toutefois se souvenir que les anticorps neutralisants ne sont la seule arme de défense de notre système immunitaire (mais il s’agit de la plus facile à étudier) : les lymphocytes T, qui interviennent à la fois dans la destruction des cellules infectées, la coordination de la réponse immunitaire et la mémorisation des infections, jouent également un rôle essentiel. Pour cette raison, la poignée de mutations - aussi inhabituelles soient-elles - qui caractérise le variant lambda pourrait s’avérer insuffisante pour lui permettre d’échapper au système immunitaire.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<h2>Le variant Lambda est-il plus dangereux que le coronavirus original ?</h2>
<p>Actuellement, les preuves scientifiques disponibles pour répondre à cette question sont minces. Il n’existe sur ce sujet que peu de résultats, publiés en « preprint » (articles dont la méthodologie et les résultats n’ont pas encore été revus par des spécialistes du domaine durant la procédure classique d’« examen par les pairs »). Autrement dit, aucune étude sur le variant Lambda n’a encore été réellement publiée.</p>
<p>L’un de ces preprints présente les résultats obtenus par des chercheurs de la Grossman School of Medicine de l’Université de New York. L’objectif de ces travaux était <a href="https://www.biorxiv.org/content/10.1101/2021.07.02.450959v1?rss=1%22">de vérifier la capacité de neutralisation</a> de sérums de patients convalescents et de sérum contenant des anticorps induits par la vaccination vis-à-vis de virus possédant une protéine Spike comportant les mêmes mutations que celle du variant lambda. Les résultats semblent indiquer que ces virus sont environ 2,3 plus résistants à la neutralisation par le sérum de patients vaccinés par le vaccin à ARN de Moderna, 3 fois plus résistants à la neutralisation par le sérum de patients vaccinés par le vaccin à ARN de Pfizer, et 3,3 fois plus résistants à la neutralisation par le sérum de patients qui avaient eu la Covid-19 avant l’émergence de Lambda. </p>
<p>Il faut cependant souligner qu’il ne s’agit pas là d’une diminution massive d’efficacité des anticorps neutralisants. Les chercheurs concluent d’ailleurs que leurs résultats suggèrent que les vaccins actuellement utilisés resteront protecteurs contre le variant Lambda. </p>
<p>Des chercheurs de l’Université du Chili ont quant à eux étudié l’effet du vaccin Sinovac (également connu sous le nom de « CoronaVac ») contre le variant lambda. Ils ont également constaté une <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.06.28.21259673v1">réduction par trois de l’efficacité des anticorps neutralisants induits par le vaccin</a> contre ce variant par rapport au virus original. </p>
<p>Le fait que ces deux études indiquent que la neutralisation par les anticorps est au moins partiellement conservée est prometteur, notamment parce qu’il ne s’agit que d’une des facettes de la réponse immunitaire induite par la vaccination.</p>
<p>Selon le dernier rapport d’évaluation des risques de Public Health England, <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/1000662/8_July_2021_Risk_assessment_for_SARS-CoV-2_variant_LAMBDA_01.00-1.pdf">en date du 8 juillet</a>, le variant Lambda n’a pour l’heure supplanté le variant Delta dans aucun pays des pays où les deux variant circulent (mais les auteurs insistent sur la nécessité de surveiller attentivement la situation épidémiologique du Pérou et du Chili). D’autres études sont en cours, mais pour l’instant, le variant Lambda reste donc un « variant d’intérêt », et non un « variant préoccupant ».</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/164578/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tara Hurst a reçu des financements de Neuroblastoma UK.</span></em></p>
Le variant Lambda, qui a émergé au Pérou puis a envahi le pays, se répand. Toutefois, pour l’instant, les preuves n’indiquent pas qu’il soit plus dangereux que le coronavirus originel.
Tara Hurst, Lecturer, Biomedical Science, Birmingham City University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163611
2021-07-12T17:03:25Z
2021-07-12T17:03:25Z
Covid-19 : que sait-on du variant Delta (et des autres) ?
<p>Comme tous les êtres vivants, le virus SARS-CoV-2 évolue. Au cours de chaque infection sont produits des <a href="https://www.pnas.org/content/118/25/e2024815118">milliards de nouvelles particules virales</a>. Parmi ces nouveaux virus, certains sont porteurs de mutations.</p>
<p>Ce processus d’évolution et cette génération de mutants ont été <a href="https://science.sciencemag.org/content/early/2021/03/10/science.abg0821">étudiés en détail</a>. On sait aujourd’hui que dans la majorité des cas, ces virus SARS-CoV-2 mutants sont soit non transmis à de nouveaux hôtes, soit « neutres », c’est-à-dire que les infections qu’ils causent sont semblables à celles causées par les virus non mutants (aussi appelé « sauvages » ou « historiques »).</p>
<p>Mais parfois certains de ces mutants se propagent et prennent le pas sur les virus existants. Les exemples les plus récents ont pour noms variants Alpha, Bêta, Gamma, et maintenant Delta. Ils ont émergé pour la première fois respectivement au Royaume-Uni, en Afrique du Sud, au Brésil ou en Inde. Pourquoi ? Que sait-on de leurs propriétés ? Que sait-on de leurs capacités à échapper à la vaccination ?</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un variant ?</h2>
<p>Les variants qui font parler d’eux depuis plusieurs mois diffèrent sur le plan clinique et/ou épidémiologique de la majorité des mutants du coronavirus SARS-CoV-2. Concrètement, un variant se distingue par au moins une des quatre propriétés suivantes :</p>
<ul>
<li><p>Sa contagiosité, autrement dit sa capacité à infecter plus d’hôtes ;</p></li>
<li><p>Sa virulence, qui se traduit par la sévérité des symptômes développés par les personnes infectées ;</p></li>
<li><p>Son échappement immunitaire, qui fait que les personnes déjà immunisées sont moins bien protégées (avec, dans le cas du SARS-CoV-2, une protection pour le moment plus robuste de l’immunité vaccinale que de l’immunité naturelle) ;</p></li>
<li><p>Sa résistance aux traitements.</p></li>
</ul>
<p>Dans le cas de la Covid-19, ce dernier point est pour le moment peu problématique, car il existe <a href="https://lejournal.cnrs.fr/articles/traitements-contre-le-covid-19-les-scientifiques-affutent-leurs-armes">peu de traitements disponibles</a>. Qui plus est, ces traitements portent sur les phases sévères de l’infection, durant lesquelles la transmission est limitée.</p>
<h2>Un premier variant identifié dès le printemps 2020</h2>
<p>Le tout premier exemple de variant de SARS-CoV-2, même s’il est rarement présenté comme tel, a émergé dès le printemps 2020. Des virus porteurs de la mutation ponctuelle D614G, affectant le gène produisant la protéine de spicule (S) (qui sert de « clé » au virus pour pénétrer dans les cellules qu’il infecte) ont émergé et se sont propagés. Le processus sous-jacent a été délicat à mettre en évidence, car la forme mutée (porteuse de la mutation G614) a une plus faible affinité pour le récepteur ACE2 que la forme sauvage (autrement dit, elle s’y lie moins facilement), mais <a href="https://science.sciencemag.org/content/372/6541/525">ladite forme mutée semble en revanche être dégradée moins rapidement</a>, ce qui au final augmente l’infectivité virale.</p>
<p>Ce qui est notable, c’est que cet événement de mutation « par substitution » (remplacement d’un acide aminé – les « briques » constituant les protéines – de la protéine S par un autre) s’est produit indépendamment dans plusieurs lignées. C’est un exemple typique d’évolution parallèle. Le coronavirus SARS-CoV-2 provient des chauves-souris. Son passage à un nouvel hôte est important, car, du point de vue du virus, il nécessite de s’adapter à des environnements cellulaires différents.</p>
<p>Le phénomène de sélection naturelle intervient ici : des travaux menés au début du XX<sup>e</sup> siècle ont révélé que plus une population est loin de son optimum évolutif, plus le gradient de sélection est élevé, et donc plus il est possible que l’on observe des mutations conférant une forte adaptation. À l’inverse, plus la population est proche d’un optimum évolutif plus ces mutations à grand effet sont rares. Autrement dit, observer une forte évolution parallèle en début d’épidémie alors que le coronavirus se retrouvait dans une nouvelle espèce d’hôte n’est pas si surprenant.</p>
<h2>Trois variants préoccupants et six variants d’intérêt</h2>
<p>Au-delà de ce premier exemple, c’est surtout fin 2020 qu’ont été détectés trois variants préoccupants, appelés aujourd’hui alpha (identifié au Royaume-Uni), bêta (en Afrique du Sud) et gamma (au Brésil). Tous ont été associés à des vagues épidémiques majeures. La surprise a été de constater que ces virus portaient plus de mutations dans leur génome que la moyenne.</p>
<p>En France, on a estimé que le variant alpha était environ <a href="https://inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/modelisation-de-la-propagation-des-variants-en-france-de-lemergence-au-remplacement">40 % plus contagieux</a> que les lignées qui circulaient auparavant. Des données britanniques portant sur des dizaines de milliers de patients indiquent aussi ce que variant aurait une <a href="https://doi.org/10.1038/s41586-021-03426-1">virulence 50 % plus élevée</a>.</p>
<p>Du côté des variants gamma et <em>a fortiori</em> bêta, des données immunologiques indiquent qu’ils sont moins sensibles à l’immunité induite par une infection naturelle, ce qui expliquerait leur <a href="https://inee.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/modelisation-de-la-propagation-des-variants-en-france-de-lemergence-au-remplacement">croissance en France en avril 2021</a>.</p>
<p>En plus de ces trois variants préoccupants, il existe au moins 6 variants d’intérêt <a href="https://www.who.int/fr/activities/tracking-SARS-CoV-2-variants/tracking-SARS-CoV-2-variants">recensés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS)</a>. Ils sont sous surveillance, car leurs génomes contiennent des mutations retrouvées chez certains variants préoccupants et parce qu’ils sont associés à des épisodes de propagation rapide.</p>
<h2>Évaluer la dangerosité des variants n’est pas une mince affaire</h2>
<p>Il est extrêmement difficile de juger de la dangerosité d’un variant uniquement via la séquence de son génome. Par exemple, les variants alpha portant une mutation supplémentaire (E484K) ont initialement suscité une certaine inquiétude. En particulier, des études de mutagenèse ont montré que des mutations en position 484 (ainsi que dans d’autres positions de la protéine S) permettaient vraisemblablement au virus d’<a href="https://doi.org/10.1016/j.chom.2021.02.003">échapper à la réponse immunitaire</a>. Mais il a finalement été par la suite observé que cette mutation n’est pas aussi problématique que lorsqu’elle est présente dans d’autres fonds génétiques (par exemple chez les variants bêta et gamma).</p>
<p>Ce phénomène bien connu des généticiens s’appelle l’épistasie : même si deux mutations A et B sont bénéfiques pour le virus quand elles sont isolées, la présence des deux dans un génome peut s’avérer délétère. Plus généralement, l’expression d’un gène peut être fortement modulée par l’expression d’autres gènes, auquel cas le fait de savoir qu’il existe une mutation ponctuelle est insuffisant pour en déduire son effet biologique.</p>
<p>Le variant delta a fourni un second exemple illustrant la difficulté à anticiper les conséquences épidémiologiques des mutations.</p>
<h2>Le cas du variant delta</h2>
<p>Ce variant a initialement été détecté en Inde, où d’autres lignées virales proches étaient surveillées, car elles portaient une mutation en position E484.</p>
<p>Si, comme pour les autres variants, il est difficile de retracer l’origine exacte du variant delta, on soupçonne en revanche que son émergence pourrait avoir été favorisée par le rassemblement de millions de personnes dans le cadre d’un <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/may/30/kumbh-mela-how-a-superspreader-festival-seeded-covid-across-india">festival religieux</a>. Rappelons en effet que, plus il y a d’infections, plus le nombre de mutants produits est élevé, et plus la probabilité qu’un mutant se propage dans la population est élevée.</p>
<p>Bien que les données en provenance d’Inde soient limitées, le suivi épidémiologique extrêmement détaillé et transparent du Royaume-Uni, notamment ses <a href="https://www.gov.uk/government/publications/investigation-of-novel-sars-cov-2-variant-variant-of-concern-20201201">rapports sur les variants</a>, nous permet d’en savoir plus sur les caractéristiques du variant delta.</p>
<p>Il est maintenant quasi établi que ce variant est plus transmissible. En effet, au sein des foyers de personnes infectées par le variant delta, on dénote une plus grande proportion de membres infectés. Par ailleurs, des données préliminaires provenant d’Écosse (issues des mêmes rapports) indiquent que les infections par le variant delta pourraient conduire à plus d’hospitalisations. Enfin, la question de l’échappement immunitaire reste ouverte.</p>
<p>Concernant l’immunité vaccinale, on ne détecte pour le moment aucun effet en matière d’hospitalisations (la protection reste de l’ordre de 95 %) et l’effet est limité quand on regarde la réinfection (moins 10 % de protection à deux doses par rapport à une infection par le variant alpha). L’immunité naturelle est quant à elle de plus en plus difficile à quantifier, la couverture vaccinale progressant.</p>
<p>En résumé, le variant delta semble donc plus contagieux que les autres variants connus, mais sa propension à échapper à l’immunité semble moindre que celle des variants bêta et gamma. Ce cas illustre le rôle majeur de l’épistasie et les limites du suivi des mutations une à une.</p>
<h2>Variant delta en France : une détection compliquée</h2>
<p>En France, la détection fine du variant delta a été difficile, comme elle l’avait déjà été pour le variant alpha, car seul un faible nombre des échantillons répondant positif à un test de détection Covid-19 sont séquencés. En revanche, le criblage de mutations particulières parmi la quasi-totalité des tests positifs a permis de compenser ce manque de précision et d’obtenir des résultats rapidement.</p>
<p>Les analyses des tests de criblages réalisées jusqu’au 8 juin indiquaient que ce variant représentait déjà près de 10 % des cas en Île-de-France à la mi-juin, et qu’il semblait avoir un avantage de transmission assez prononcé par rapport aux autres virus circulants.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1406558292302831619"}"></div></p>
<p>Les analyses plus fines réalisées avec des données courant jusqu’au 21 juin ont montré que le variant delta avait en France un <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.06.16.21259052v3">avantage de transmission de l’ordre de 70 % sur le variant alpha</a> dans plusieurs régions.</p>
<p>La bonne nouvelle est que la vaccination protège bien contre l’infection par le variant alpha (selon les données britanniques, diminution de 30 % du risque avec une dose et de 80 % avec deux doses) et protège extrêmement bien contre les formes sévères (diminution du risque de 80 % avec une dose et de 95 % avec deux doses). Ceci explique que la propagation de ce variant s’observe majoritairement au sein des populations plus jeunes, moins vaccinées.</p>
<h2>Quelles mesures prendre ?</h2>
<p>Aujourd’hui, nous avons toutes les cartes en main pour éviter que les services hospitaliers soient de nouveau sous tension dans un avenir proche. La vaccination est cruciale, car elle protège extrêmement efficacement contre les formes sévères. Mais elle ne peut suffire, pour plusieurs raisons.</p>
<p>D’une part, car pour relâcher entièrement les mesures de protection et revenir à des mesures sanitaires d’avant 2020 dans les centres urbains, il faudra que plus de 80 % de la population française soit vaccinée (rappelons que si 95 % des adultes sont vaccinés en France cela correspond à 75 % de la population totale). D’autre part, même si les plus vulnérables seront vraisemblablement protégés à l’automne, laisser circuler massivement ce virus chez les plus jeunes pourrait avoir un impact sanitaire difficile à estimer, compte tenu de la <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2918-0">virulence élevée du variant alpha</a> et des inconnues liées aux <a href="https://doi.org/10.1038/s41591-021-01283-z">Covid longs</a>.</p>
<p>Par ailleurs, bien que ce virus tue peu chez les plus jeunes, les chiffres actuels indiquent selon les sources de <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-020-2918-0">1 à 6 décès pour 100.000 infections chez les 15-19 ans</a>. Enfin, tant que le SARS-CoV-2 se propagera largement de nouveaux variants continueront à émerger et, <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/jeb.13896">sans surprise pour les biologistes de l’évolution</a>, ce virus n’est pas devenu bénin. Au contraire, les variants les plus contagieux semblent aussi les plus virulents.</p>
<p>Il faut donc éviter de répéter les erreurs de l’été 2020, et profiter de la faible incidence (moins de 3 000 nouvelles contaminations par jour au 1ᵉʳ juillet <a href="https://cloudapps.france-bioinformatique.fr/covidici/">selon nos estimations</a>) pour enfin débloquer des moyens permettant de réellement mettre en place une politique de tester, tracer (ou rétrotracer) et isoler sur le terrain. Il faut aussi s’appuyer sur les arguments scientifiques soutenant le rôle déterminant de la <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(21)00869-2/fulltext">transmission par aérosol</a> afin d’équiper d’ici la rentrée les lieux clos (notamment les structures scolaires) de dispositifs permettant de diminuer les risques de propagation (aération, ventilation, jauges réduites).</p>
<p>Comparativement à l’année dernière, nous en savons aujourd’hui énormément plus sur les modes de propagation du SARS-CoV-2, et nous disposons désormais d’une palette de vaccins sûrs et efficaces. Ces connaissances et ces outils doivent nous permettre d’éviter de revivre une situation aussi dégradée que celle que nous avons subie durant l’automne et l’hiver derniers.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163611/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Samuel Alizon est directeur de recherche an CNRS et a reçu des financements de la Région Occitanie et de l'ANR (projet PHYEPI)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Mircea T. Sofonea a reçu des financements de Région Occitanie et ANR (projet PHYEPI).</span></em></p>
Le variant Delta circule sur la majorité du territoire. On le sait plus transmissible que le variant alpha, qui l’était lui-même plus que le coronavirus « historique ». Que sait-on d’autre ?
Samuel Alizon, Directeur de Recherche au CNRS, Institut de recherche pour le développement (IRD)
Mircea T. Sofonea, Maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses, laboratoire MIVEGEC, Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163635
2021-07-02T17:46:40Z
2021-07-02T17:46:40Z
Le Canada doit corriger sa gestion des frontières pour éviter une quatrième vague de Covid-19
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/409511/original/file-20210702-23-12vifdt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2131%2C1492&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les responsables fédéraux ont maintes fois vanté les mesures prises par le Canada aux frontières pendant Covid-19 comme étant parmi les plus strictes au monde.</span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Ryan Remiorz </span></span></figcaption></figure><p>Les frontières internationales du Canada seront la ligne de front contre l’importation des variants du coronavirus.</p>
<p>En tant que chercheurs en santé mondiale, nous avons comparé l’efficacité des mesures transfrontalières à l’échelle internationale <a href="https://www.pandemics-borders.org/">dans le cadre du Projet Pandémies et frontières</a>. À ce stade de la pandémie de Covid-19 <a href="https://drive.google.com/file/d/1HS0Gs0sAewE95EohY1clzL3BlJUPMktN/view">nous en avons conclu</a> qu’il est urgent de combler les lacunes de la gestion frontalière afin d’éviter la résurgence du virus à l’automne 2021.</p>
<p>Les études de modélisation montrent <a href="https://www.forbes.com/sites/joshuacohen/2021/05/08/covid-19-herd-immunity-looks-like-a-mirage-but-is-worth-pursuing/?sh=7b0d975d381f%5D">que l’immunité collective contre les variants les plus contagieux sera difficile à atteindre</a>. Car malgré les <a href="https://www.sfu.ca/content/dam/sfu/magpie/PDFs/vaccine_endgame_report_v1%20(2).pdf">progrès du Canada en la matière</a>, il faudrait avoir vacciné plus de 90 % de la population totale, selon les estimations.</p>
<p>Le gouvernement fédéral a annoncé <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/nouvelles/2021/06/premiere-phase-de-lassouplissement-des-mesures-frontalieres-par-le-gouvernement-du-canada-pour-les-voyageurs-qui-entrent-au-canada3.html">que ses exigences de quarantaine hôtelière prennent fin</a> le 5 juillet pour les citoyens et les résidents immunisés qui rentrent au pays. D’autres phases d’assouplissement suivront.</p>
<p>Si le Canada veut s’engager sur la voie de la reprise plutôt que dans une quatrième vague, il doit soigneusement gérer les risques en trouvant le point d’équilibre entre la course à la vaccination et les demandes pressantes pour rouvrir les frontières.</p>
<h2>Des lacunes persistantes dans la gestion frontalière</h2>
<p>Les responsables fédéraux ont souvent affirmé que les <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/nouvelles/2021/02/le-gouvernement-du-canada-impose-des-restrictions-supplementaires-aux-voyageurs-internationaux-qui-arrivent-au-pays-par-voie-aerienne-ou-terrestre.html">mesures prises à la frontière étaient parmi les plus strictes au monde</a>. Pourtant, il y a tout lieu de penser le contraire, <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/4/6/canada-facing-very-serious-third-wave-of-pandemic-trudeau">surtout au terme d’une troisième vague</a> de Covid-19, avec son lot d’hospitalisations et de mesures sanitaires, et dans le contexte des risques croissants associés au variant Delta détecté en Inde.</p>
<p><a href="https://gh.bmj.com/content/6/3/e004537">Contrairement à de nombreux gouvernements</a> – Taïwan, Thaïlande, Vietnam, Corée du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande, entre autres —, le Canada <a href="https://twitter.com/justintrudeau/status/1355237731291508740?lang=en">a tardé à introduire le dépistage et la quarantaine obligatoires à l’hiver 2021</a>. À ce moment-là, le <a href="https://news.ontario.ca/fr/release/60176/lontario-prend-des-mesures-immediates-pour-freiner-la-propagation-des-variants-de-la-covid-1">Canada avait déjà importé massivement le coronavirus</a>.</p>
<p>La politique canadienne est demeurée incohérente quant aux arrivées par voie aérienne ou terrestre. Selon une <a href="https://www.securitepublique.gc.ca/cnt/trnsprnc/brfng-mtrls/prlmntry-bndrs/20210708/007/index-fr.aspx">note d’information de Santé publique Canada</a> émise le 10 mars 2021, seulement 7 % des voyageurs entrant par voie terrestre se voyaient imposer une quarantaine. <a href="https://voyage.gc.ca/voyage-covid/voyage-restrictions/exemptions">De larges exemptions</a> touchaient les étudiants étrangers, les techniciens travaillant sur des infrastructures plus ou moins essentielles, les fonctionnaires et d’autres catégories d’arrivants.</p>
<p>Quant aux entrées par voie aérienne, les personnes non exemptées étaient soumises à une quarantaine obligatoire de 14 jours en hôtel, mais celle-ci <a href="https://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/parl_oag_202103_03_f_43785.html">devenait largement « autosurveillée » après trois jours</a> et appliquée sporadiquement.</p>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un drapeau canadien et un drapeau américain flottent sur le pont Blue Water entre Port Huron, Michigan et Sarnia, Ontario" src="https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=900&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408499/original/file-20210627-23-nbf57a.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1131&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les représentants du gouvernement ont souvent affirmé que moins de 2 % des infections étaient associées aux voyages internationaux, mais la fiabilité de cette estimation est sérieusement mise en doute.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Paul Sancya)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Plus inquiétant encore, la <a href="https://theconversation.com/les-cas-de-covid-19-lies-aux-voyages-sont-sous-estimes-au-canada-voici-pourquoi-154462">collecte et l’analyse des données, incomplètes</a>, ne permettant pas d’évaluer correctement les risques. Les officiels <a href="https://www.narcity.com/travel-related-covid-19-cases-in-canada-are-extremely-low">ont souvent prétendu que moins de 2 %</a> des infections au coronavirus étaient liées aux déplacements internationaux. Ce chiffre justifiait qu’on ne fasse rien pour améliorer les contrôles frontaliers.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-cas-de-covid-19-lies-aux-voyages-sont-sous-estimes-au-canada-voici-pourquoi-154462">Les cas de Covid-19 liés aux voyages sont sous-estimés au Canada. Voici pourquoi</a>
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</p>
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<p>Or, il n’est pas possible d’appuyer une politique sur une donnée aussi peu fiable. Les provinces ont toutes connu des lacunes et des retards dans la recherche et le signalement des contacts, en plus des exemptions et les incohérences dans le dépistage et le suivi des quarantaines.</p>
<p>Et le doute s’amplifie sachant que les données épidémiologiques du gouvernement du Canada [https://sante-infobase.canada.ca/covid-19/resume-epidemiologique-cas-covid-19.html] montrent que plus de 45 % de toutes les expositions ont été de « source inconnue ».</p>
<p>Pour évaluer correctement les risques, il faudra aller au-delà des estimations lacunaires. Les modèles devront tenir compte des risques de transmission communautaire — incluant les variants hautement contagieux — émanant de voyageurs infectés non identifiés qui circulent dans la population générale.</p>
<h2>Pour une gestion frontalière efficace maintenant</h2>
<p>Les Canadiens ont hâte de pouvoir recommencer à voyager librement. Et tout le monde veut savoir comment et quand la frontière canado-américaine sera rouverte aux voyages non essentiels.</p>
<p>Il importe donc d’appuyer la gestion des frontières sur une évaluation sérieuse des risques. En matière d’accès et de distribution des vaccins à l’échelle mondiale, la <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0140673621003068">grande disparité entre pays</a> se traduit par des niveaux élevés d’infection. On verra certainement apparaître des variants très contagieux, voire résistants aux vaccins.</p>
<p>Dans un tel cas, il ne faudrait pas que le Canada puisse les importer dans les semaines suivantes, comme il l’a fait précédemment. En plus de compromettre les progrès réalisés grâce à la vaccination, il en résulterait un nouveau cycle de mesures sanitaires, dont le confinement et les fermetures d’entreprises, de commerces et d’écoles.</p>
<h2>Ouvrir aux voyageurs en toute sécurité</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Border crossing with several lanes closed" src="https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=357&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/408717/original/file-20210628-17-u58heg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=449&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le poste frontalier Douglas à Surrey, en Colombie-Britannique.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jonathan Hayward</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En vue de la réouverture, le Canada doit apporter des correctifs afin que son système de gestion des frontières vise à renforcer l’immunité de la population.</p>
<p>Voici quatre recommandations de notre projet Pandémies et frontières :</p>
<ol>
<li><p>Une meilleure communication. Fonctionnaires et journalistes ont souvent parlé d’« interdiction de voyager » et de « fermeture des frontières » <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=2410004101&request_locale=fran%C3%A7ais">alors que des centaines de milliers</a> de voyageurs entraient chaque mois. Le Canada doit mieux gérer ses frontières sur la base du risque. Alors que l’on assouplit les mesures, la mission devrait être de déterminer qui peut franchir la frontière et dans quelles conditions sur la base de l’efficacité reconnue des vaccins anti-Covid.</p></li>
<li><p>Prévenir la quatrième vague. La politique consistant à réagir après qu’un variant hautement transmissible a déjà franchi nos frontières est inefficace et contreproductive. La prévention exige que l’on ferme d’abord toutes les écoutilles, pour ensuite rouvrir de manière progressive en commençant par les voyageurs entièrement vaccinés.</p></li>
<li><p>Prioriser le dépistage efficace et l’autoquarantaine. Certes le dépistage et la quarantaine restreignent la liberté de voyager et peuvent imposer aux voyageurs des charges excessives. Mais il existe des manières assez conviviales de procéder, qui encourageraient par ailleurs la vaccination, et qui préviendraient une quatrième vague. Le Canada n’aurait qu’à s’aligner sur les meilleures pratiques en vigueur dans le monde.</p></li>
<li><p>Mieux évaluer le risque. Il faut mieux identifier les faiblesses existantes dans les protocoles de dépistage et de mise en quarantaine des voyageurs. Et il faut que le public ait un meilleur accès à des données correctes, normalisées et détaillées. Nous continuerons de naviguer dans le noir si nous n’améliorons pas la collecte, l’analyse et la communication des données.</p></li>
</ol>
<p>Alors que la vaccination de masse se poursuit et que les voyageurs canadiens s’attendent à un assouplissement des restrictions, la stratégie du Canada pour la réouverture des frontières doit s’appuyer sur une évaluation des risques et une gestion améliorées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163635/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julianne Piper est financée par le Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche pour son travail sur le projet «Pandémies et frontières».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Benoît Gomis est financé par le Fonds pour les nouvelles frontières de la recherche pour son travail sur le projet «Pandémies et frontières».</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kelley Lee reçoit des fonds de recherche des Instituts de recherche en santé du Canada et du Fonds Nouvelles frontières de la recherche.</span></em></p>
La pression monte pour la réouverture de la frontière canado-américaine, mais il y a des risques. La façon dont ils sont gérés peut faire la différence entre une reprise de la pandémie ou pas.
Julianne Piper, Research Fellow, Health Sciences, Simon Fraser University
Benoît Gomis, Research fellow, Faculty of Health Sciences, Simon Fraser University
Kelley Lee, Professor of Global Health Policy, Canada Research Chair in Global Health Governance, Simon Fraser University
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/163238
2021-06-23T11:58:09Z
2021-06-23T11:58:09Z
Variant Delta au Canada : ses origines, ses points chauds et sa résistance aux vaccins
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/407756/original/file-20210622-27-18bwwyu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=110%2C0%2C14816%2C8428&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'émergence de variants préoccupants à la fin de 2020 a marqué un changement dans la pandémie de Covid-19.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>L’émergence de variants dits « préoccupants » à la fin de 2020 a marqué un tournant dans la pandémie de Covid-19, le terme entrant ainsi dans le vocabulaire de tout un chacun. L’accélération dans le monde de l’un d’entre eux, le variant Delta, soulève des questions sur son origine, sa transmissibilité, ses points chauds et son potentiel de résistance au vaccin.</p>
<h2>Qu’est-ce qu’un variant ?</h2>
<p>Grâce au séquençage du génome, nous pouvons déterminer l’ordre spécifique des gènes individuels et des nucléotides qui composent l’ADN et l’ARN. Si l’on considère le virus comme un livre, c’est comme si toutes les pages avaient été découpées en morceaux. Le séquençage nous permet de remettre les mots et les phrases dans le bon ordre. Les variants diffèrent les un des autres en <a href="http://doi.org/10.1001/jama.2020.27124">fonction des mutations</a>. Ainsi, deux exemplaires du livre seraient des « variants » si un ou plusieurs des morceaux découpés étaient différents.</p>
<p>Il faut également savoir que des variants sont apparus tout au long de la pandémie sans que cela n’ait d’effet sur les comportements viraux. Cependant, l’émergence de <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">variants préoccupants</a>, où les mutations ont entraîné une modification des caractéristiques du virus (augmentation de la transmission et de la gravité de la maladie, réduction de l’efficacité des vaccins, échec du dépistage) a eu des conséquences importantes.</p>
<p>L’émergence et la transmission de B.1.1.7 (Alpha), B.1.351 (Beta) et P.1 (Gamma) au Canada ont donné lieu à des <a href="https://nationalpost.com/news/canada/snapshot-of-the-third-wave-a-province-by-province-look-at-covid-19-in-canada">troisièmes vagues de transmission</a> qui ont entraîné l’engorgement des systèmes de soins de santé et de nouvelles restrictions. L’Organisation mondiale de la santé a introduit un <a href="https://doi.org/10.1038/s41564-021-00932-w">nouveau système de dénomination</a>, basé sur l’alphabet grec, pour les variants des coronavirus au printemps 2021.</p>
<h2>Qu’est-ce que le variant Delta, et où a-t-il émergé ?</h2>
<p>Le variant Delta est un <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">variant préoccupant</a> également connu sous le nom de B.1.617.2 et constitue l’une des trois sous-lignées connues de B.1.617. Selon les Centres de contrôle et de prévention des maladies des États-Unis, le variant Delta a été détecté pour la première fois en <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/variants/variant-info.html">Inde en décembre 2020</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Illustration de variants du SARS-CoV-2 " src="https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406882/original/file-20210616-25-1ssmz6b.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’Organisation mondiale de la santé a introduit au printemps 2021 un nouveau système de dénomination, basé sur l’alphabet grec, pour les variants de coronavirus.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Qu’est-ce qui rend Delta différent des autres variants préoccupants ?</h2>
<p>L’une des caractéristiques du variant Delta est sa transmissibilité accrue, avec des <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/993321/S1267_SPI-M-O_Consensus_Statement.pdf">augmentations estimées de 40 à 60 %</a> par rapport au variant Alpha. Des données récentes provenant d’Écosse suggèrent que le <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01358-1">risque d’hospitalisation double</a> à la suite d’une infection par le variant Delta (par rapport au variant Alpha), en particulier chez les personnes présentant au moins cinq autres problèmes de santé. Une augmentation du risque d’hospitalisation a été observée <a href="https://www.gov.uk/government/news/vaccines-highly-effective-against-hospitalisation-from-delta-variant">à partir de données recueillies en Angleterre</a>.</p>
<p>L’analyse épidémiologique, qui porte sur des éléments tels que la distribution de l’infection et la gravité de la maladie, peut souvent fournir des évaluations rapides des modifications des caractéristiques du virus. L’étude de mutations spécifiques à l’aide de l’analyse de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Relation_quantitative_structure_%C3%A0_activit%C3%A9">relation structure à activité</a>, qui examine comment la structure chimique du virus affecte son activité biologique, peut également fournir des indices, bien que la validation prenne souvent beaucoup de temps.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration 3-D de la protéine spike du SARS-CoV-2" src="https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406884/original/file-20210616-22-13mmjol.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La protéine spike (au premier plan) permet au virus de pénétrer dans les cellules humaines et de les infecter. Sur le modèle de virus à l’arrière-plan, la surface du virus (en bleu) est couverte de protéines spike rouges.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(NIH)</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les premières analyses de la relation structure à activité ont porté sur la relation entre trois mutations et le comportement de Delta. En particulier, une étude en prépublication, qui n’a pas encore été examinée par des pairs, suggère que <a href="https://doi.org/10.1101/2021.04.22.440932">trois mutations dans la protéine de pointe du SARS-CoV-2 peuvent rendre le variant plus transmissible</a> en facilitant la liaison de cette protéine au récepteur des cellules humaines (connu sous le nom de récepteur ACE2).</p>
<p>Si nous reprenons l’analogie du livre, cela signifie que trois des morceaux découpés dans la version Delta du livre sont différents de l’original. Chacun de ces trois morceaux peut permettre au virus d’infecter plus facilement les cellules humaines.</p>
<h2>Que savons-nous de l’épidémiologie du variant Delta et de ses points chauds ?</h2>
<p>Tout porte à croire que <a href="https://www.usatoday.com/story/news/world/2021/05/01/indias-second-covid-wave-new-variant-and-what-we-know/4895091001/">Delta a joué un rôle important</a> dans la vague de cas de Covid-19 observée en <a href="https://ourworldindata.org/coronavirus/country/india">Inde en 2021</a>. Depuis, ce variant s’est <a href="https://cov-lineages.org/lineages/lineage_B.1.617.2.html">répandu dans le monde entier</a>. Au 14 juin, le variant Delta a été détecté dans <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/jun/14/delta-variant-of-covid-spreading-rapidly-and-detected-in-74-countries">74 pays</a>, a représenté plus de <a href="https://www.gov.uk/government/news/confirmed-cases-of-covid-19-variants-identified-in-uk">90 % des nouveaux cas au Royaume-Uni</a> et au moins <a href="https://covid.cdc.gov/covid-data-tracker/#variant-proportions">6 % du total des cas aux États-Unis</a>, avec des estimations allant jusqu’à <a href="https://www.cbsnews.com/news/transcript-scott-gottlieb-face-the-nation-june-13-2021/">10 %</a>.</p>
<p>Une grande partie de ce que nous savons sur le variant Delta provient du <a href="https://khub.net/documents/135939561/405676950/Increased+Household+Transmission+of+Covid-19+Cases+-+national+case+study.pdf/7f7764fb-ecb0-da31-77b3-b1a8ef7be9aa">Public Health England</a>. Il a été détecté pour la première fois au Royaume-Uni vers la fin du mois de mars 2021, et lié à des voyages. <a href="https://www.gov.uk/government/publications/covid-19-variants-genomically-confirmed-case-numbers/variants-distribution-of-case-data-11-june-2021">Au 9 juin</a>, le nombre de cas confirmés ou probables était de 42 323, avec une <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/993879/Variants_of_Concern_VOC_Technical_Briefing_15.pdf">distribution bien répartie</a> dans tout le pays.</p>
<p>Au Canada, Delta a été détecté pour la première fois au début du mois d’avril en Colombie-Britannique.</p>
<p>Bien qu’Alpha soit toujours le plus dominant <a href="https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/diseases/2019-novel-coronavirus-infection/surv-covid19-weekly-epi-update-20210611-en.pdf">au pays</a>, la croissance de Delta s’est accélérée <a href="https://globalnews.ca/news/7939152/covid-delta-variant-canada/">dans de nombreuses provinces</a>. Le nombre de cas confirmés <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1802892/b-1-617-contaminations-mutations-coronavirus-covid-19-canada">a bondi de 66 % au Canada la semaine dernière</a>, selon l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC). Il est maintenant présent dans toutes les provinces et au moins un des territoires.</p>
<p>Les données de l’Alberta indiquent que le nombre de cas <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/calgary/delta-variant-alberta-1.6065760">double tous les six à douze jours</a>. L’<a href="https://covid19-sciencetable.ca/ontario-dashboard/">Ontario a estimé</a> que <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/covid-19-ontario-june-14-2021-delta-sports-framework-1.6064793">40 % de ses nouveaux cas depuis le 14 juin 2021</a> sont dus à Delta.</p>
<p>Le Québec est moins touché : il y aurait 35 cas du variant Delta, surtout à Montréal (21) et en Montérégie (7), selon les dernières données sur le site de l’Institut national de santé publique du Québec.</p>
<p>Il faut cependant noter que la prévalence de Delta est sous-estimée car un test de dépistage efficace <a href="https://globalnews.ca/news/7922969/covid-19-delta-variant-testing-canada/">n’a pas encore été développé</a>.</p>
<h2>Que savons-nous de Delta et des vaccins ?</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Remplissage manuel d’une seringue à partir d’un flacon de vaccin" src="https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=706&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/406887/original/file-20210616-22-1brbzfw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=887&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les données suggèrent que la vaccination offre une certaine protection contre l’infection et l’hospitalisation par la variante Delta.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Jonathan Hayward</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les premières analyses effectuées au Royaume-Uni sur l’efficacité du vaccin contre le variant Delta ont suscité un certain optimisme.</p>
<p>Des données provenant d’Écosse indiquent que la vaccination par AstraZeneca ou Pfizer <a href="https://dx.doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01358-1">réduit les hospitalisations et les infections</a>, mais avec moins d’efficacité que pour le variant Alpha. Cependant, les données suggèrent que les vaccinations à deux doses avec AstraZeneca ou Pfizer <a href="https://www.gov.uk/government/news/vaccines-highly-effective-against-hospitalisation-from-delta-variant">ont réduit les hospitalisations de 92 % et 96 %, respectivement. La protection contre les symptômes de la maladie est réduite de 17 %</a> pour Delta par rapport à Alpha avec une seule dose de vaccin.</p>
<p>La propagation du variant Delta accroit <a href="https://news.ontario.ca/fr/release/1000317/lontario-accelere-davantage-ladministration-des-secondes-doses-dans-les-points-chauds-du-variant-delta">l’urgence, pour les santés publiques, d’offrir les deux doses de vaccin à l’ensemble de leur population</a>. Cependant, les premières doses semblent offrir une protection substantielle contre les maladies graves nécessitant une hospitalisation.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163238/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Jason Kindrachuk a été consultant pour les gouvernements provinciaux en ce qui concerne la Covid-19.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Souradet Shaw ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
Qu’est-ce que le variant Delta ? D’où vient-il ? Qu’est-ce qui fait sa différence avec les autres variants préoccupants et quel est son niveau de résistance face aux vaccins contre la Covid-19 ?
Jason Kindrachuk, Assistant Professor/Canada Research Chair in emerging viruses, University of Manitoba
Souradet Shaw, Assistant Professor, Canada Research Chair in Program Science and Global Public Health, University of Manitoba
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162794
2021-06-20T17:03:34Z
2021-06-20T17:03:34Z
Décroissance, impact des réouvertures : où en est l’épidémie de Covid-19 et à quoi s’attendre pour la rentrée ?
<p><em>Réouverture des restaurants, des lieux culturels, levée du couvre-feu, fin du port du masque obligatoire en extérieur… L’épidémie de Covid-19 marque le pas en France, et décroît même sensiblement plus rapidement que ne l’avaient projeté les modèles en avril dernier. Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses à l’Université de Montpellier, nous explique pourquoi, et fait le point sur les hypothèses pour les mois à venir.</em></p>
<hr>
<p><strong>The Conversation France : La décroissance de l’épidémie a été plus rapide que ce qu’avaient anticipé les modèles en avril. Que s’est-il passé ?</strong></p>
<p><strong>Mircea Sofonea :</strong> Il faut rappeler que les modèles épidémiologiques mécanistiques (c’est-à-dire qui reposent sur la dynamique explicite de transmission) ne produisent pas des prévisions, mais des projections. Formellement, il s’apparentent à une implication logique : si la condition A est réalisée, alors on peut s’attendre à ce que la situation B survienne. </p>
<p>Si les hypothèses de travail ne sont en réalité pas satisfaites, les scénarios produits deviennent caducs et les simulations doivent être actualisées. Ce problème survient essentiellement lorsque le signal de l’effet d’une nouvelle mesure est encore incomplet dans les données hospitalières, sur lesquelles nos modèles reposent depuis le début de la pandémie.</p>
<p>Nos premières projections relatives au troisième déconfinement <a href="https://theconversation.com/en-france-lavenir-immediat-de-lepidemie-dependra-des-gestes-barrieres-et-du-depistage-160485">ont été élaborées fin avril</a>. À cette date, l’effet du troisième confinement était limité par rapport aux deux premiers, puisqu’en moyenne 10 personnes en infectaient 9, contre 8 (voire 7) lors des deux précédents. Notre scénario le plus optimiste était donc basé sur l’hypothèse que cette tendance ne s’inverse pas. </p>
<p>La bonne surprise est venue une semaine plus tard, début mai, avec un renforcement de l’effet du confinement. Dès lors, nous avons pu mettre à jour les simulations. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1394937126601510912"}"></div></p>
<p>Depuis un mois, l’épidémie suit la tendance la plus optimiste du modèle, sans nécessiter d’ajustement.</p>
<p><strong>TC : Pourquoi n’avoir pas imaginé un scénario « optimiste », avec une telle chute du nombre de reproduction ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> La démarche scientifique repose sur un principe important, le principe de parcimonie ou « rasoir d’Ockham » (du nom du philosophe franciscain Guillaume d’Ockham qui l’a formulé) : « les hypothèses suffisantes les plus simples doivent être préférées ».</p>
<p>En l’absence d’éléments solides permettant d’anticiper de façon quantitative une dynamique du nombre de reproduction qui ne serait pas déjà incluse dans le modèle (typiquement, l’effet de la vaccination et de l’immunisation par infection), l’hypothèse minimale et méthodologiquement neutre est d’extrapoler la dynamique de l’épidémie en s’appuyant sur les dernières données en date. En avril, cette extrapolation était elle-même soutenue par l’analogie avec les deux premiers confinements. Lors des deux fois précédentes, le nombre de reproduction estimé avait atteint son niveau minimum une dizaine de jours après l’instauration des mesures. </p>
<p>Cependant, la cinétique du troisième confinement a été différente : pendant les 10 premiers jours, le nombre de reproduction a stagné entre 0,9 et 1, puis il a chuté brutalement pour passer en dessous de 0,8, avant de remonter légèrement début mai.</p>
<p>(<em>NDLR : Le nombre de reproduction est une estimation, sur les 14 derniers jours, du nombre moyen d’individus contaminés par une personne infectée. On parle de nombre de reproduction de base (ou R0) en début d’épidémie, en l’absence de mesures de contrôle de la transmission et lorsque la population est entièrement sensible au virus. Au cours de l’épidémie, ce nombre change : on parle de nombre de reproduction effectif ou temporel (Rt). S’il est inférieur à 1, l’épidémie régresse, au-dessus de 1, elle progresse.</em>)</p>
<p>Si, rétrospectivement, il apparaît désormais clair que le troisième confinement a induit une baisse du nombre de reproduction plus lente que celle des deux premiers confinements, il n’était pas possible fin avril de l’anticiper, tout comme il n’y avait pas d’élément en faveur d’une inversion de la tendance au cours du confinement, scénario que, pour les mêmes raisons, nous n’avons pas envisagé.</p>
<p><strong>TC : La fiabilité des modèles est-elle remise en cause ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Non, mais il faut bien comprendre que plusieurs raisons, méthodologiques et biologiques, compliquent l’estimation du nombre de reproduction peu de temps après l’instauration ou la levée d’une mesure de restriction.</p>
<p>Premièrement, il existe une différence entre la réalité et ce que l’on peut en appréhender par les mesures. Quand on implémente des restrictions (confinement, couvre-feu…) le nombre de reproduction chute du jour au lendemain dans la vie quotidienne. Cependant, cette discontinuité ne se voit pas dans les chiffres collectés, tout simplement parce que divers paramètres biologiques varient d’une personne à l’autre (temps d’incubation, début de contagiosité, apparition des symptômes…). </p>
<p>La discontinuité due aux restrictions pourrait être visible si tous ces événements se produisaient de façon homogène chez tout le monde, en admettant que le dépistage se fasse exactement au même moment, avec des résultats obtenus avec des délais identiques. Mais ce n’est pas le cas. Dans les faits il y a un lissage, et on ne voit les effets qu’au bout de deux semaines, indirectement, sur les hospitalisations et admissions quotidiennes en services de soins critiques (des données plus fiables que les dépistages, a fortiori en présence de jours fériés).</p>
<p>Deuxièmement, les méthodes de calcul du nombre de reproduction utilisent elles aussi des lissages, notamment pour s’affranchir de l’« effet week-end » : la moyenne glissante sur 7 jours permet de répartir la baisse d’activité de détection des cas le week-end (les laboratoires étant fermés) sur l’ensemble de la semaine, et donc de ne plus être impacté par des oscillations non pertinentes. L’inconvénient est que cette approche tamponne les variations qui témoignent d’un changement récent de tendance en cas de mise en place de mesures de restriction par exemple.</p>
<p>Il est donc nécessaire de poursuivre les efforts de recherche en modélisation. Il faudra notamment affiner les patrons de transmission et, surtout, améliorer l’inférence à partir de signaux faibles. De même, l’acquisition et le croisement de jeux de données complémentaires constituent un véritable enjeu. Au Royaume-Uni par exemple, l’épidémiosurveillance en milieu scolaire, le suivi des chaînes de contacts, le dépistage aléatoire de la population ainsi que le séquençage fournissent des sources précieuses pour améliorer la fiabilité des modèles.</p>
<p>Malgré tout, les modèles parcimonieux ont encore un rôle à jouer, même un an et demi après le début de la pandémie. En effet, s’ils ne sont pas les plus précis sur le court terme, ils permettent de facilement explorer l’ensemble des possibles sur le moyen terme, une temporalité qui intéresse tout particulièrement les décideurs. </p>
<p>En cela, ils sont adaptés pour éclairer les stratégies d’anticipation, en particulier dans le contexte d’une flambée épidémique où un délai peut se traduire exponentiellement en impact sanitaire. Quitte à réévaluer le calendrier toutes les deux semaines, à mesure que les estimations se consolident.</p>
<p><strong>TC : Rétrospectivement, a-t-on une idée des raisons qui peuvent expliquer cette décroissance plus rapide que lors des précédents confinements ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Aujourd’hui, nous manquons encore de recul (et de temps) pour l’expliquer de façon causale. Toutefois, à mesure que nous nous éloignons des événements, nous pourrons utiliser d’autres méthodes statistiques dédiées à l’étude du passé lointain, pour étudier de façon plus précise le déroulé de l’épidémie et évaluer la contribution des différents facteurs. Un travail qui, pour le moment, ne peut s’inscrire dans l’urgence des sollicitations. </p>
<p>Une des hypothèses est que la fermeture des écoles a constitué une contribution majeure à l’effet du confinement (pour le premier, la fermeture a été générale et pour le second, les vacances scolaires avaient déjà commencé). Or les enfants étant moins symptomatiques, il faut plus de temps pour voir les effets d’une telle mesure.</p>
<p>La stagnation du nombre de reproduction observée pendant la première semaine du troisième confinement pourrait s’expliquer par le fait que les chaînes de transmission se sont maintenues chez les adultes (sur les lieux de travail notamment). En revanche, ensuite les vacances scolaires ont commencé, les chaînes de transmission initiée dans les écoles n’existaient plus à ce moment-là, et le nombre de reproduction a fortement chuté, puisque de nombreux adultes étaient eux aussi en congé.</p>
<p><strong>TC : Ce résultat repose à nouveau la question du rôle des écoles…</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Oui, et d’autant plus que l’effet « vaccin » a été intégré de façon favorable. </p>
<p>Cependant, on ne peut pas vraiment dire qu’il y a eu un « effet écoles » plus important lors de ce confinement que lors du premier, car les conditions étaient différentes : présence du variant alpha (anciennement dit « britannique », plus contagieux que la souche historique en particulier chez les plus jeunes), vaccination des personnes les plus à risque de complications. </p>
<p>En outre, d’autres facteurs ont pu avoir un impact : les parcs étaient ouverts, la météo était meilleure qu’à l’automne (mais le temps plus clément ne peut expliquer à lui seul la baisse). Mais dans une modélisation prospective, il demeure délicat d’intégrer dans les projections un paramètre comme la météo, alors même que les prévisions au-delà d’une semaine sont incertaines.</p>
<p><strong>TC : Où en est-on aujourd’hui ? Voit-on un effet des réouvertures ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> À la réouverture des écoles le 26 avril (et du secondaire en demi-jauge la semaine suivante), puis des terrasses le 19 mai, on a vu une légère remontée du nombre de reproduction, qui est repassé entre 0,8 et 0,9, pour revenir se stabiliser autour de 0,8 actuellement.</p>
<p>On observe donc bien un effet de la reprise scolaire et plus modestement de la réouverture des terrasses, mais rien qui soit de nature à faire repartir l’épidémie, qui reste en décroissance, même si cette dernière est un peu plus lente que début mai. Ceci suggère que les terrasses auraient pu être rouvertes plus tôt, en particulier dans les territoires dans lesquels l’incidence était déjà moins élevée. De manière générale, une territorialisation des levées des restrictions (et non pas seulement de leur mise en place) permet de générer des données à même à éclairer la prise de décision pour les territoires moins épargnés. </p>
<p>Par ailleurs, la vaccination joue un rôle clé, ce que montrent les divers scénarios : même si le nombre de reproduction remontait pour repasser légèrement au-dessus de 1, l’avancée de la vaccination pourrait le faire se stabiliser ou refluer rapidement.</p>
<p>Pour la suite, il convient de rester vigilant vis-à-vis des rassemblements en intérieur avec un renouvellement de l’air limité. Les réouvertures des salles de spectacles, des salles intérieures de restaurants sont encore trop récentes pour évaluer leur effet sur l’épidémie.</p>
<p><strong>TC : Le port du masque en extérieur n’est désormais plus obligatoire. Qu’en penser ?</strong></p>
<p>Rappelons que la réouverture des terrasses est intervenue dans un contexte de reconnaissance de la contribution de la voie aérienne (par aérosol) dans la transmission du SARS-CoV-2 et la dynamique de l’épidémie.</p>
<p>La littérature récente suggère cependant que le risque de transmission à l’extérieur est très faible. Il peut néanmoins persister dans les situations de proximité prolongée sans courant d’air, si une personne est exposée plusieurs minutes au nuage d’aérosols produit par une personne contagieuse sans que ce dernier ait eu le temps de se dissiper.</p>
<p><strong>TC : Que peut-on imaginer à l’automne ? Quels variants peut-on s’attendre à voir circuler, dans quelle partie de la population ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> À nouveau, l’objectif des modèles mécanistiques n’est pas de prédire combien il y aura d’hospitalisation d’ici un nombre donné de jours, mais plutôt de savoir par exemple quel est le niveau de relâchement que l’on peut se permettre sans craindre une saturation hospitalière ou quel est le potentiel de décès d’une quatrième et dernière vague.</p>
<p>Actuellement, le variant alpha est majoritaire (même si le variant bêta d’origine sud-africaine semble désormais se propager plus rapidement que lui en Île-de-France et dans les Hauts-de-France, peut-être parce qu’il échapperait davantage à l’immunité naturelle, voir notre dernier travail <a href="https://www.eurosurveillance.org/content/10.2807/1560-7917.ES.2021.26.23.2100447">publié dans le journal du centre européen de prévention et de contrôle des maladies</a>). </p>
<p>Sachant que le variant alpha se propage davantage chez les jeunes et qu’en outre, les plus âgés ont été vaccinés en priorité, on peut naturellement s’attendre à ce que les plus jeunes deviennent le réservoir de circulation du virus dans les mois à venir.</p>
<p>La véritable question est de savoir quelle est l’ambition que l’on se fixe pour la rentrée : souhaite-t-on, par exemple, se débarrasser du port du masque complètement, non seulement à l’extérieur, mais aussi à l’intérieur ? Permettre à nouveau tous les événements culturels, quelle que soit la taille du public ? Dans ce cas, la poursuite de la campagne de vaccination cet été sera cruciale.</p>
<p><strong>TC : Quelles sont les estimations en termes de décès potentiels ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Actuellement, dans le cas où 90 % de la population adulte se retrouve vaccinée avec deux doses à la rentrée, nous serions encore sous la menace de 15 000 décès hospitaliers au niveau national – l’équivalent d’une importante épidémie de grippe saisonnière. Il s’agit d’un ordre de grandeur, dans les conditions actuelles (hors échappement immunitaire d’un variant, ce qui pour l’instant ne semble pas d’actualité).</p>
<p>Est-on prêt à accepter 15 000 morts supplémentaires ? Sachant que nous avons déjà collectivement accepté plus de 110 000 décès dus à cette pathologie, il y a peu de raison d’imaginer le contraire…</p>
<p>D’un point de vue purement pragmatique, le risque est que, si ces 15 000 décès survenaient de manière rapprochée, ils pourraient mettre à nouveau en tension localement certains centres hospitaliers. Pour cette raison, il est crucial de préparer la rentrée dès à présent. Il s’agira notamment pour les hôpitaux de déterminer comment s’organiser pour gérer au mieux l’activité Covid-19 résiduelle : faudra-t-il maintenir un plateau dédié ou répartir les hospitalisations entre les services ?</p>
<p><strong>TC : Pour prévenir ce type de problème, faut-il forcément que la vaccination soit homogène sur tout le territoire ?</strong></p>
<p><strong>MS :</strong> Pas forcément. Dans une modélisation initiée par Olivier Thomine basée sur les données d’OpenStreetMap, non encore revus par des pairs, l’hétérogénéité spatiale de l’épidémie suggère qu’il est <a href="https://zenodo.org/record/4675731">important d’atteindre des niveaux de couverture vaccinale élevés avant tout dans les grandes métropoles</a>.</p>
<p>Cela plaide pour des mesures territorialisées différenciées, y compris pour la couverture vaccinale : avoir une couverture vaccinale plus basse dans le Gers qu’à Paris, à Lyon où en Seine-Saint-Denis n’est pas forcément un problème. Cependant, si le virus venait à atteindre des territoires à la couverture vaccinale bien trop faible, il y aurait des risques d’épidémies locales. C’est ce qui a été observé par exemple <a href="http://dx.doi.org/10.2807/1560-7917.ES.2017.22.3.30443">aux Pays-Bas avec la rougeole</a>.</p>
<p>Outre la problématique du variant delta (d’origine indienne), dont la dynamique en France est suivie de près, la fin de l’épidémie en France sera déterminée par la couverture vaccinale. L’adhésion peut faiblir à mesure que la situation hospitalière s’améliore et que le risque infectieux perçu baisse. </p>
<p>Les modèles épidémiologiques n’intègrent pas encore les comportements humains, bien qu’il s’agisse d’une piste active de recherche. En attendant, les modélisations se doivent de produire scénarios basés sur une gamme d’hypothèses réalistes et documentées, pour qu’ils recouvrent une gamme de possibles à même d’anticiper le risque épidémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162794/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Mircea T. Sofonea a reçu des financements de la Région Occitanie et de l'ANR (Projet PHYEPI). Il remercie Samuel Alizon (DR CNRS) pour ses suggestions.</span></em></p>
Pourquoi la baisse rapide des contaminations par le coronavirus a-t-elle surpris les modélisateurs ? À quoi s’attendre à la rentrée ? Combien de décès pourraient encore survenir ? Pistes de réponses.
Mircea T. Sofonea, Maître de conférences en épidémiologie et évolution des maladies infectieuses, laboratoire MIVEGEC, Université de Montpellier
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/162196
2021-06-04T14:56:42Z
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Deuxième dose d’AstraZeneca : dois-je recevoir le même vaccin ou choisir Pfizer ou Moderna ?
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/404524/original/file-20210604-23-9pvn59.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=37%2C44%2C4200%2C2829&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La pharmacienne Barbara Violo range toutes les fioles vides du vaccin AstraZeneca qu'elle a fournies aux clients d'une pharmacie indépendante de Toronto. </span> <span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Nathan Denette </span></span></figcaption></figure><p>Au Canada, les gens qui ont reçu en première dose le vaccin d’AstraZeneca ont un choix à faire : ils peuvent opter pour l’un des vaccins à ARNm (Pfizer ou Moderna), ou prendre une autre dose d’AstraZeneca pour leur deuxième injection.</p>
<p>La saga du vaccin d’AstraZeneca a été compliquée. <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)32661-1">Des essais cliniques</a> et des <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)00677-2">données réelles du Royaume-Uni</a> ont démontré sa grande efficacité contre les maladies graves et les hospitalisations dues à la Covid-19. Mais des études en provenance de l’Union européenne ont confirmé l’existence d’un lien entre le vaccin AstraZeneca et des caillots sanguins rares mais potentiellement mortels, appelés <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/directives-covid/dgaumip-030-rev1_thrombocytopenie-tipiv-%20vaccin-covid-19.pdf">« thrombocytopénie immunitaire prothrombotique induite par le vaccin » ou TTIV</a>.</p>
<p>Au Québec, une <a href="https://www.journaldequebec.com/2021/04/27/vaccin-astrazeneca-la-mort-dune-quebecoise-par-thrombose-confirmee">femme de 54 ans en est décédée</a>, et trois autres personnes au pays.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Jagmeet Singh reçoit une injection" src="https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=388&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404342/original/file-20210603-21-1or7fz6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=488&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le chef du NPD, Jagmeet Singh, se fait administrer un vaccin AstraZeneca par le Dr Nili Kaplan-Myrth dans un cabinet de médecine familiale à Ottawa, le 21 avril.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Après quelques tergiversations, le 1<sup>er</sup> juin, le Comité consultatif national de l’immunisation (CCNI) <a href="https://www.canada.ca/content/dam/phac-aspc/documents/services/immunization/national-advisory-committee-on-immunization-naci/reponse-rapide-ccni-interchangeabilite-vaccins-authorises-covid-19-fr.pdf">a publié des directives supplémentaires</a>. Les personnes qui ont reçu une première dose d’AstraZeneca peuvent recevoir soit une deuxième dose du même vaccin, soit d’un vaccin à ARNm. Les provinces, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1798473/intervalle-doses-vaccin-quebec-covid-19-huit-semaines">dont le Québec</a>, ont rapidement modifié leurs directives pour permettre ce choix.</p>
<p>La question est donc la suivante : que dois-je choisir pour ma deuxième dose si j’ai reçu une première dose d’AstraZeneca ?</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/quest-ce-que-la-thrombocytopenie-cette-maladie-rare-du-sang-qui-serait-liee-au-vaccin-dastrazeneca-158667">Qu’est-ce que la thrombocytopénie, cette maladie rare du sang qui serait liée au vaccin d’AstraZeneca ?</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<h2>Les preuves à l’appui</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Justin Trudeau reçoit une dose de vaccin tandis que sa femme Sophie Grégoire Trudeau tient sa main" src="https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=396&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404343/original/file-20210603-21-1hugbpi.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le Premier ministre Justin Trudeau et son épouse Sophie Grégoire Trudeau ont reçu des injections d’AstraZeneca dans une pharmacie d’Ottawa le 23 avril.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Adrian Wyld</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Commençons par les preuves dont nous disposons jusqu’à présent concernant les vaccins mixtes, en particulier AstraZeneca et Pfizer/BioNtech (Pfizer). Le 12 mai, les <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(21)01115-6">premières données sur la réactogénicité (la capacité à produire des effets secondaires courants) de l’étude COM-CoV au Royaume-Uni ont été publiées</a>. L’étude portait sur 830 personnes âgées de 50 ans et plus, réparties au hasard dans quatre groupes, et qui ont reçu différentes combinaisons de vaccins AstraZeneca et Pfizer à des intervalles de quatre semaines.</p>
<p>Les participants qui ont reçu des vaccins différents pour leur première et leur deuxième dose, quelle que soit la séquence de vaccination, ont présenté davantage d’effets secondaires (sans gravité et disparaissant d’eux-mêmes) que ceux qui ont reçu le même vaccin deux fois. Aucun problème de santé n’a été relevé.</p>
<p>Les experts ont émis l’hypothèse qu’un grand nombre d’effets secondaires pouvait laisser présager une réponse immunitaire plus forte, mais les données sur l’immunogénicité (la capacité du vaccin à provoquer une réponse immunitaire) sont toujours en attente et devraient être publiées dans le courant du mois.</p>
<p>Les résultats de l’étude espagnole CombiVacS <a href="https://doi.org/10.1038/d41586-021-01359-3">ont été communiqués le 18 mai</a>. Dans le cadre de cette étude, 663 personnes ayant reçu la première dose d’AstraZeneca ont été choisies pour recevoir une deuxième dose de rappel de Pfizer huit semaines plus tard, ou pour faire partie d’un groupe témoin sans deuxième dose.</p>
<p>Les personnes qui ont reçu AstraZeneca suivi de Pfizer ont développé deux fois plus d’anticorps que ceux observés chez les personnes ayant reçu deux doses d’AstraZeneca. Aucun problème de santé n’a été identifié.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=379&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404347/original/file-20210603-23-9tpoan.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=476&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Des personnes âgées de plus de 45 ans font la file à une clinique de vaccination sans rendez-vous pour recevoir le vaccin d’AstraZeneca, à Montréal, le 21 avril.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Une étude récente réalisée en Allemagne et publiée le 1<sup>er</sup> juin sous la forme d’un <a href="https://doi.org/10.1101/2021.05.30.21257971">document préliminaire sans comité de lecture</a> (« non-peer reviewed pre-print ») apporte des informations supplémentaires sur le mélange et l’association des vaccins AstraZeneca et Pfizer. Ces données préliminaires portent sur 26 personnes, âgées de 25 à 46 ans, qui ont reçu une première dose de vaccin AstraZeneca, suivie d’une seconde dose de Pfizer huit semaines plus tard.</p>
<p>L’activité neutralisante était 3,9 fois plus importante contre le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/VOC-202012/01">variant Alpha (B.1.1.7)</a> et similaire contre le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1798376/covid-19-variant-indien-delta-dangers-ontario">variant Delta (B.1.617.2)</a> par rapport à l’activité neutralisante observée chez les personnes ayant reçu deux doses du vaccin Pfizer. Aucun problème de santé n’a été noté.</p>
<p>Enfin, une <a href="https://www.halifaxexaminer.ca/featured/dalhousie-researcher-finds-giving-people-who-had-a-first-dose-of-astrazeneca-a-second-dose-of-pfizer-may-have-big-benefits/">petite étude canadienne à l’Université Dalhousie</a> a été réalisée auprès de deux volontaires âgés de 66 ans, à qui on a administré une première dose de vaccin AstraZeneca suivie d’une seconde dose de vaccin Pfizer, 33 jours plus tard. Les réponses immunitaires ont été rapportées comme étant fortes, sans aucun problème de santé.</p>
<h2>Risque de TTIV avec une deuxième dose d’AstraZeneca</h2>
<p>Le risque de TTIV avec une seconde dose d’AstraZeneca pour les personnes ayant reçu une première dose de ce vaccin est très faible. Les meilleures données actuellement disponibles sont <a href="https://www.gov.uk/government/publications/coronavirus-covid-19-vaccine-adverse-reactions/coronavirus-vaccine-summary-of-yellow-card-reporting">celles de surveillance du Royaume-Uni</a>. Au 27 mai, 17 cas de TTIV avaient été signalés après l’administration de 10,7 millions de secondes doses du vaccin AstraZeneca, soit un risque d’environ 1 sur 600 000.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="John Tory reçoit une injection, levant le pouce" src="https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404346/original/file-20210603-17-6qd3q0.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le maire de Toronto, John Tory, reçoit une dose du vaccin d’AstraZeneca de la pharmacienne Niloo Saiy dans une pharmacie de Toronto, le 10 avril.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Cole Burston</span></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>Donc, quel est le meilleur choix ?</h2>
<p>La disponibilité actuelle et prévue des deux vaccins à ARNm au Canada est excellente, avec des <a href="https://www.canada.ca/en/public-health/services/diseases/2019-novel-coronavirus-infection/prevention-risks/covid-19-vaccine-treatment/vaccine-rollout.html">approvisionnements constants prévus durant les mois de juin et de juillet</a>. Cela signifie que, dans la plupart des cas, il ne sera pas nécessaire d’attendre l’option que l’on préfère.</p>
<p>J’ai eu la chance de recevoir deux doses du vaccin contre la Covid-19 au début de
2021, je n’ai donc pas à prendre de décision pour moi-même. Cependant, de nombreuses personnes m’ont demandé des conseils à ce sujet au nom de leurs proches, de leurs amis et d’eux-mêmes.</p>
<p>Bien que les données ne soient pas définitives, les preuves s’accumulent en faveur d’une approche de mélange et d’association avec AstraZeneca suivi de Pfizer, qui est au moins aussi bonne (sinon meilleure) que l’administration de deux doses du même vaccin. Il n’y a pas de risque inhérent au mélange de vaccins, et aucun problème de santé n’a été constaté jusqu’à présent.</p>
<p>De plus, en prenant un vaccin à ARNm, on évite complètement le risque de TTIV. Même si ce risque est très faible, la TTIV est grave et potentiellement mortelle.</p>
<p>Pour ces raisons, je pense que s’il est accessible, une deuxième dose de vaccin à ARNm (Pfizer ou Moderna) est préférable pour la plupart des gens qui ont reçu une première dose d’AstraZeneca.</p>
<h2>Le cas d’AstraZeneca</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Un pancarte affichant le nom d’AstraZeneca dans une clinique" src="https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/404345/original/file-20210603-17-1s4y4gy.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=502&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Certains préfèrent l’approche éprouvée consistant à recevoir deux doses du vaccin AstraZeneca.</span>
<span class="attribution"><span class="source">La Presse Canadienne/Paul Chiasson</span></span>
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<p>Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles une personne pourrait choisir AstraZeneca plutôt qu’un vaccin à ARNm pour sa deuxième dose. Il n’existe pas de données sur l’efficacité clinique du mélange de vaccins. Pour cette raison, certaines personnes peuvent préférer une approche « éprouvée » consistant à recevoir deux doses d’AstraZeneca. D’autres, qui n’ont pas ressenti d’effets indésirables avec leur première dose d’AstraZeneca, peuvent opter pour une deuxième dose du même vaccin afin d’éviter les effets secondaires.</p>
<p>L’étude COM-CoV menée au Royaume-Uni présentera des données sur l’immunogénicité (réponse des anticorps) dans le courant du mois. Ces données peuvent ou non être favorables à une approche de mélange. Certains préféreront peut-être attendre ces données avant de prendre une décision. D’autres se contenteront de prendre le vaccin qui leur est proposé en premier.</p>
<p>Quelle que soit la décision que l’on prenne, l’essentiel est que chacun reçoive une deuxième dose dès qu’il est éligible, qu’il s’agisse du vaccin AstraZeneca ou d’un vaccin à ARNm. Les données disponibles permettent d’affirmer que les deux options sont sûres et efficaces, il n’y a donc pas de « mauvais » choix. Une vaccination complète offre une <a href="http://doi.org/10.1056/NEJMc2104974">protection optimale contre les souches actuelles et émergentes, y compris le variant Delta</a>.</p>
<p>Au Canada, nous avons la chance de pouvoir choisir entre deux excellentes options pour nos deuxièmes doses. Nous avons la responsabilité de veiller à ce que les stocks de vaccins non utilisés ne soient pas gaspillés, et nous devons faire beaucoup plus pour soutenir <a href="https://theconversation.com/canada-is-virtue-signalling-while-waffling-on-global-access-to-covid-19-vaccines-160685">l’équité mondiale en matière de vaccins</a> afin de contribuer à mettre fin à la pandémie de Covid-19 dans le monde.</p>
<p>Je vous en prie, allez vous faire vacciner pour vous-même et pour votre communauté !</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/162196/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Wong a déjà reçu des honoraires pour avoir dirigé une discussion scientifique pour les professionnels de la santé sur le vaccin COVID-19 d'AstraZeneca.</span></em></p>
Des centaines de milliers de Canadiens ont reçu une injection du vaccin d’AstraZeneca en première dose. Ils ont maintenant le choix pour leur deuxième dose : AstraZeneca à nouveau, ou Pfizer/Moderna ?
Alexander Wong, Associate Professor, Infectious Diseases, University of Saskatchewan
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/161378
2021-05-25T18:18:21Z
2021-05-25T18:18:21Z
Voici les cinq dirigeants qui ont le plus mal géré la Covid-19 dans leur pays
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/402701/original/file-20210525-23-1kqggqg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C5%2C3401%2C2274&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le président biélorusse Alexandre Loukachenko, sans masque, visite un hôpital pour les patients atteints de la Covid-19, à Minsk, le 27 novembre 2020. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/belarus-president-lukashenko-visits-hospital-for-covid-19-news-photo/1229813959?adppopup=true">Andrei Stasevich\TASS via Getty Images</a></span></figcaption></figure><p>La Covid-19 est extrêmement difficile à contrôler, et les dirigeants politiques ne représentent qu’une partie de l’équation lorsqu’il s’agit de gérer cette pandémie.</p>
<p>Mais certains dirigeants mondiaux, actuels ou sortants, ont fait peu d’efforts pour combattre les flambées de coronavirus dans leur pays, que ce soit en minimisant la gravité de la pandémie, en faisant fi de la science ou en ignorant les gestes sanitaires essentiels comme la distanciation sociale et le port du masque. Tous les hommes figurant sur cette liste ont commis au moins une de ces erreurs, et certains les ont toutes commises — avec des conséquences funestes.</p>
<h2>Narendra Modi, de l’Inde</h2>
<p><strong>Sumit Ganguly, Université de l’Indiana</strong></p>
<p>L’Inde est le nouvel épicentre de la pandémie mondiale, enregistrant au mois de mai quelque <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/05/01/india-coronavirus/">400 000 nouveaux cas par jour</a>. Cette statistique, aussi terrible soit-elle, ne rend pas compte de l’horreur qui se déroule dans le pays. Les patients atteints du virus de la Covid-19 meurent dans les hôpitaux parce que les médecins <a href="https://www.businesstoday.in/current/economy-politics/24-patients-die-at-hospital-in-karnataka-due-to-oxygen-shortage/story/438125.html">n’ont pas d’oxygène</a> ni de <a href="https://www.france24.com/en/live-news/20210422-india-s-covid-19-shortages-spur-black-market-for-drugs-oxygen">médicaments comme le remdesivir</a> à leur offrir. Les malades sont refoulés dans les cliniques, <a href="https://www.cbsnews.com/news/india-covid-hospitals-turn-patients-away/">faute de lits disponibles</a>.</p>
<p>De nombreux Indiens <a href="https://www.npr.org/2021/05/11/995446333/this-government-has-failed-us-anger-rises-in-india-over-pm-modis-covid-response">accusent un homme d’être responsable</a> de la tragédie du pays : le Premier ministre <a href="https://www.washingtonpost.com/outlook/modis-pandemic-choice-protect-his-image-or-protect-india-he-chose-himself/2021/04/28/44cc0d22-a79e-11eb-bca5-048b2759a489_story.html">Narendra Modi</a>. En janvier 2021, Modi a déclaré lors d’un <a href="https://www.livemint.com/news/india/pm-modi-to-address-the-world-economic-forum-s-davos-summit-at-5-30-pm-today-11611803181228.html">forum mondial</a> que l’Inde avait « sauvé l’humanité… en contenant efficacement le coronavirus ». En mars, son ministre de la santé a proclamé que la <a href="https://www.nytimes.com/2021/05/01/world/asia/india-covid19-modi.html">pandémie tirait à sa fin</a>. Dans les faits, la Covid-19 gagnait en intensité en Inde et dans le monde entier — mais son gouvernement n’a rien fait pour parer à <a href="https://www.nytimes.com/2021/04/09/world/asia/india-covid-vaccine-variant.html">d’éventuelles résurgences des cas</a>, comme l’émergence d’un variant plus mortel et plus contagieux.</p>
<p>Alors même que d’importantes <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-56037565">zones du pays</a> n’avaient pas totalement supprimé le virus, Modi et d’autres membres de son parti ont organisé des meetings de campagne en plein air avant les élections d’avril. <a href="https://theprint.in/opinion/politricks/poll-rallies-to-kumbh-mela-modi-shahs-conscience-must-take-a-look-at-latest-covid-surge/639526/">Peu de participants portaient des masques</a>. Modi a également autorisé la tenue, de janvier à mars, <a href="https://www.washingtonpost.com/world/2021/05/08/india-coronavirus-kumbh-mela/">d’un festival religieux qui attire des millions de personnes</a>. Les responsables de la santé publique pensent aujourd’hui que le festival a pu être un événement super-propagateur et qu’il s’agit d’une <a href="https://thewire.in/health/watch-karan-thapar-ashish-jha-kumbh-mela-shahi-snan-covid-19">« énorme erreur »</a>.</p>
<p>Alors que Modi vantait ses succès l’année dernière, l’Inde — le <a href="https://www.cnbc.com/2021/05/05/why-covid-vaccine-producer-india-faces-major-shortage-of-doses.html">plus grand fabricant de vaccins</a> au monde — a envoyé plus de 10 millions de doses de <a href="https://www.wsj.com/articles/india-starts-covid-19-vaccine-drive-to-neighboring-countries-11611234933">vaccins à des pays voisins</a>. Pourtant, seulement 1,9 % des 1,3 milliard d’habitants de l’Inde avaient été entièrement vaccinés contre la Covid-19 au début du mois de mai.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C3480%2C2479&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Modi et Bolsonaro se serrent la main" src="https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=15%2C15%2C3480%2C2479&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=428&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399548/original/file-20210508-23-15af3jl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=538&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Le président brésilien Jair Bolsonaro et le premier ministre indien Narendra Modi sont tous deux accusés d’avoir mal géré les épidémies de Covid-19 dans leur pays.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/brazils-president-jair-bolsonaro-and-indias-prime-minister-news-photo/1182256687?adppopup=true">Pavel Golovin/AFP</a></span>
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</figure>
<h2>Jair Bolsonaro du Brésil</h2>
<p><strong>Elize Massard da Fonseca, Fundação Getulio Vargas et Scott L. Greer, Université du Michigan</strong></p>
<p>Le président brésilien Jair Bolsonaro ne s’est pas contenté de ne pas réagir à la Covid-19 — qu’il qualifie de <a href="https://edition.cnn.com/2020/05/23/americas/brazil-coronavirus-hospitals-intl/index.html">« petite grippe »</a> — il a activement aggravé la crise au Brésil.</p>
<p>Bolsonaro <a href="https://edition.cnn.com/2020/05/23/americas/brazil-coronavirus-hospitals-intl/index.html">a usé de ses pouvoirs constitutionnels pour s’immiscer</a> dans les affaires administratives du ministère de la Santé, telles que les protocoles cliniques, la divulgation des données et l’achat de vaccins. <a href="https://www.nexojornal.com.br/expresso/2020/08/04/Quais-os-vetos-de-Bolsonaro-a-medidas-de-combate-%C3%A0-pandemia">Il a opposé son veto</a> à des textes de loi qui auraient, par exemple, rendu obligatoire le port du masque dans les sites religieux et indemnisé les professionnels de la santé ayant subi un préjudice permanent du fait de la pandémie. Il a également sapé les efforts du gouvernement de l’État pour promouvoir la distanciation sociale et a <a href="https://www.reuters.com/article/us-health-coronavirus-brazil-idUSKBN22N308">signé un décret pour permettre à de nombreux commerces de rester ouverts</a> en tant ‘qu’essentiels’, notamment les spas et les salles de sport. Bolsonaro a également fait la promotion agressive de <a href="https://www.nytimes.com/2020/06/13/world/americas/virus-brazil-bolsonaro-chloroquine.html">médicaments non éprouvés</a>, notamment l’hydroxychloroquine, pour traiter les patients atteints de la Covid-19.</p>
<p>Bolsonaro a utilisé son poste de président pour influencer le débat autour de la crise du coronavirus, créant un <a href="https://politica.estadao.com.br/noticias/geral,bolsonaro-volta-a-chamar-crise-do-coronavirus-de-histeria,70003236546">faux dilemme entre la catastrophe économique et la distanciation sociale</a> et en <a href="https://oglobo.globo.com/sociedade/coronavirus/bolsonaro-sugere-cloroquina-ate-quinto-dia-apos-surgimento-de-sintomas-do-coronavirus-apesar-de-nao-haver-estudos-conclusivos-24360182">déformant la science</a>. Il a rendu les gouvernements des États brésiliens, la Chine et l’Organisation mondiale de la santé responsables de la crise de la Covid-19 et n’a jamais assumé la responsabilité de la gestion de l’épidémie dans son propre pays.</p>
<p>En décembre, Bolsonaro a déclaré qu’il ne recevrait pas le vaccin en raison de ses effets secondaires. « <a href="https://doi.org/10.1016/s0140-6736(21)00181-1">Si vous vous transformez en crocodile, c’est votre problème »</a>, a-t-il déclaré.</p>
<p>La mauvaise gestion de la pandémie par Bolsonaro a créé des conflits au sein de son gouvernement. Le Brésil a vu défiler quatre ministres de la Santé en moins d’un an. Les flambées épidémiques incontrôlées au Brésil ont donné naissance à plusieurs nouveaux variants du coronavirus, dont le <a href="https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(21)00183-5/fulltext">variant P.1, qui semble plus contagieux</a>. Le taux de transmission de la Covid-19 au Brésil <a href="https://mrc-ide.github.io/global-lmic-reports/BRA/">commence enfin à baisser</a>, mais la situation reste préoccupante.</p>
<h2>Alexandre Loukachenko de la Biélorussie</h2>
<p><strong>Elizabeth J. King et Scott L. Greer, Université du Michigan</strong></p>
<p>De nombreux pays dans le monde ont affronté la Covid-19 avec des politiques tragiquement défaillantes. Cependant, selon nous, les pires dirigeants face à cette pandémie sont ceux qui ont choisi le déni total plutôt que l’action inefficace.</p>
<p>Alexandre Loukachenko, dirigeant autoritaire de longue date de la Biélorussie, n’a jamais <a href="https://novayagazeta.ru/articles/2020/03/23/84461-krest-moschevik-vodka-i-traktor">reconnu la menace</a> de la Covid-19. Au début de la pandémie, alors que d’autres pays imposaient des mesures de confinement, Loukachenko n’a mis en œuvre aucune mesure sanitaire pour empêcher la propagation du virus.</p>
<p>Au lieu de cela, il a affirmé que le virus pouvait être évité en <a href="http://novayagazeta.ee/articles/30392/">buvant de la vodka</a>, en allant au sauna et en travaillant dans les champs. Ce négationnisme a pratiquement laissé le fardeau des mesures préventives et l’aide à la pandémie <a href="https://www.bmj.com/content/370/bmj.m3543">aux individus et aux campagnes</a> de financement participatif.</p>
<p>Au cours de l’été 2020, Loukachenko a déclaré <a href="https://www.bbc.com/russian/news-53570933">qu’il avait reçu un diagnostic de Covid-19</a> mais qu’il était asymptomatique, ce qui lui a permis de continuer à prétexter que le virus n’était pas une menace sérieuse. Le fait d’avoir prétendument déjoué la maladie et d’avoir visité des hôpitaux dédiés à la Covid-19 sans masque a également renforcé l’image d’homme fort qu’il souhaitait donner.</p>
<p>La Biélorussie vient de commencer sa campagne de vaccination, mais M. Loukachenko affirme qu’il ne se fera pas vacciner. Actuellement, <a href="https://ourworldindata.org/covid-vaccinations">moins de 3 % des Biélorusses</a> sont vaccinés contre la Covid-19.</p>
<h2>Donald Trump des États-Unis</h2>
<p><strong>Dorothy Chin, Université de Californie, Los Angeles</strong></p>
<p>Trump n’est plus en fonction, mais sa mauvaise gestion de la pandémie continuera d’avoir des conséquences dévastatrices à long terme sur les États-Unis — en particulier sur la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32562416/">santé et le bien-être des minorités</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Trump face à une foule" src="https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/399549/original/file-20210508-17-1y2wmij.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Trump lors d’un rassemblement de campagne le 17 octobre 2020 à Muskegon, Michigan, après s’être remis du Covid-19.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/president-donald-trump-arrives-for-a-campaign-rally-on-news-photo/1281136162?adppopup=true">Rey Del Rio/Getty Images</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le <a href="https://www.nytimes.com/2020/07/24/us/politics/coronavirus-trump-denial.html">déni précoce de la pandémie</a> par Trump, la <a href="https://www.nytimes.com/2020/05/21/us/politics/trump-fact-check-hydroxychloroquine-coronavirus-.html">désinformation continue sur le port du masque</a> et les traitements, ainsi que <a href="https://abcnews.go.com/Politics/trumps-stunning-reversal-total-authority-claim-governors-analysis/story ?id=70160951">son leadership incohérent</a> ont nui au pays dans son ensemble — mais le résultat a été bien pire pour certains groupes que pour d’autres. Les communautés de couleur ont souffert <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/covid-data/investigations-discovery/hospitalization-death-by-race-ethnicity.html">d’un nombre disproportionné de contaminations et de décès.</a> Bien que les Afro-Américains et les Latinos ne représentent que 31 % de la population américaine, par exemple, ils comptent <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32562416/">pour plus de 55 % des cas de Covid-19.</a> Les membres des communautés amérindiennes <a href="https://www.cdc.gov/coronavirus/2019-ncov/covid-data/investigations-discovery/hospitalization-death-by-race-ethnicity.html">ont été hospitalisés 3,5 fois plus et ont souffert d’un taux de mortalité 2,4 fois supérieur</a> à celui des Blancs.</p>
<p><a href="https://www.forbes.com/sites/mikepatton/2020/06/28/pre-and-post-coronavirus-unemployment-rates-by-state-industry-age-group-and-race/ ?sh=485d6d39555%3Csup%3Ee%3C/sup">Les taux de chômage sont également disproportionnés</a>. Au plus fort de la pandémie aux États-Unis, ils ont grimpé à 17,6 % pour les Latino-Américains, 16,8 % pour les Afro-Américains et 15 % pour les Américains d’origine asiatique, contre 12,4 % pour les Américains blancs.</p>
<p><a href="https://carsey.unh.edu/publication/inequities-job-loss-recovery-amid-Covid-pandemic">Ces écarts considérables</a> ont amplifié les inégalités existantes telles que la <a href="https://blogs.imf.org/2020/05/11/how-pandemics-leave-the-poor-even-farther-behind/">pauvreté</a>, la <a href="https://www.brookings.edu/blog/up-front/2020/06/01/housing-hardships-reach-unprecedented-heights-during-the-covid-19-pandemic/">précarité du logement</a> et la <a href="https://www.mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/our-insights/covid-19-and-learning-loss-disparities-grow-and-students-need-help">qualité de l’enseignement</a> — et continueront probablement à le faire <a href="https://www.mckinsey.com/industries/public-and-social-sector/our-insights/covid-19-and-student-learning-in-the-united-states-the-hurt-could-last-a-lifetime">pendant encore un certain temps</a>. Par exemple, alors que l’économie américaine dans son ensemble montre des signes de reprise, les <a href="https://www.bloomberg.com/news/articles/2021-05-03/powell-says-economy-making-real-progress-but-disparities-weigh ?srnd=premium&sref=x0fnd0v3">groupes minoritaires n’ont pas fait de progrès</a> équivalents.</p>
<p>Enfin, le blâme de Trump à l’égard de la Chine pour la Covid-19 — qui comprenait des épithètes raciales telles que le fait de qualifier le virus de <a href="https://www.huffpost.com/entry/trump-kellyanne-conway-coronavirus_n_5eeebc5dc5b6aac5f3a46b45">« kung flu »</a> — a immédiatement précédé une multiplication par près de deux des attaques contre les <a href="https://stopaapihate.org/national-report-through-march-2021/">Américains d’origine asiatique et les insulaires du Pacifique</a> au cours de l’année écoulée. Cette tendance inquiétante ne montre <a href="https://abcnews.go.com/US/wireStory/asian-american-women-stabbed-san-francisco-attack-77497315">aucun signe d’atténuation.</a></p>
<p>L’administration Trump a encouragé dès le début le développement du vaccin par les États-Unis, une réalisation dont peu de dirigeants mondiaux peuvent se prévaloir. Mais la désinformation et la rhétorique anti-scientifique qu’il a diffusées continuent de <a href="https://www.cbsnews.com/news/covid-vaccine-hesitancy-opinion-poll/ ?ftag=MSF0951a18">compromettre le chemin vers la sortie de la pandémie aux États-Unis.</a> Les derniers sondages indiquent que <a href="https://www.pbs.org/newshour/health/as-more-americans-get-vaccinated-41-of-republicans-still-refuse-covid-19-shots">24 % de tous les Américains et 41 % des républicains</a> disent qu’ils ne se feront pas vacciner.</p>
<h2>Andrés Manuel López Obrador du Mexique</h2>
<p><strong>Salvador Vázquez del Mercado, Centro de Investigación y Docencia Económicas (Centre de recherche et de documentation économique)</strong></p>
<p>Avec 9,2 % de patients atteints de la Covid-19 qui succombent à la maladie, le <a href="https://globalhealthsciences.ucsf.edu/news/mexicos-response-covid-19-case-study">Mexique</a> détient le <a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer ?zoomToSelection=true& %3Btime=2020-03-01..latest& %3BpickerSort=asc& %3BpickerMetric=location& %3BMetric=Case+fatality+rate& %3BInterval=7-day+rolling+average& %3BRelative+to+Population=true& %3BAlign+outbreaks=false& %3Bcountry=USA%7EITA%7EIND%7EMEX%7EARG%7EBRA+ %22 %22">taux de mortalité le plus élevé au monde</a>. Des <a href="http://www.healthdata.org/news-release/covid-19-has-caused-69-million-deaths-globally-more-double-what-official-reports-show">estimations récentes</a> montrent que la pandémie y a fait près de 617 000 morts, soit autant que les États-Unis et l’Inde, deux pays dont la population est pourtant beaucoup plus importante.</p>
<p>Une combinaison de facteurs a contribué aux flambées épidémiques galopantes et prolongées de Covid-19 au Mexique. L’un d’eux est le manque de leadership national.</p>
<p>Tout au long de la pandémie, le président mexicain Andrés Manuel López Obrador a cherché à minimiser la gravité de la situation au Mexique. Au tout début, il a <a href="https://www.animalpolitico.com/2020/03/no-dejen-de-salir-amlo-coronavirus-covid19/">résisté aux appels à décréter un confinement national</a> t a continué à organiser des <a href="https://www.eluniversal.com.mx/nacion/politica/critican-amlo-por-besar-nina-pese-recomendaciones-por-coronavirus">rassemblements</a> dans tout le pays avant de finir, le 23 mars 2020, par fermer le Mexique pendant deux mois. Il a <a href="https://www.jornada.com.mx/notas/2020/12/02/politica/reitera-amlo-que-descarta-cubrebocas-lo-mejor-es-la-sana-distancia/">fréquemment refusé</a> de porter un masque.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Le président mexicain s’exprime sur une scène avec une petite foule de représentants du gouvernement assis à proximité" src="https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/401105/original/file-20210517-13-1x9palm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">López Obrador, sans masque, annonce un verrouillage national le 23 mars 2020, après avoir encouragé pendant des semaines les Mexicains à poursuivre leurs activités habituelles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.gettyimages.com/detail/news-photo/andrés-manuel-lópez-obrador-mexicos-president-speaks-during-news-photo/1214294932?adppopup=true">Adrián Monroy/Medios y Media/Getty Images</a></span>
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</figure>
<p>Ayant hérité d’une multitude de services de santé sous-financés lors de son arrivée au pouvoir en 2018, Lopez Obrador n’a que très peu augmenté les dépenses liées à la santé pendant la pandémie. Selon les experts, les <a href="https://www.excelsior.com.mx/nacional/mas-gasto-a-salud-pero-recorta-rubros-presupuesto-subio-apenas-36/1349412">budgets des hôpitaux sont insuffisants</a> par rapport à l’énormité de la tâche qui leur incombe.</p>
<p>Avant même que la pandémie n’éclate, la politique d’austérité budgétaire extrême de Lopez Obrador — en place depuis 2018 — avait rendu la lutte contre la crise sanitaire beaucoup plus difficile en <a href="https://www.ft.com/content/2bb141e2-4d0a-435f-9720-3f67b8077c28">limitant considérablement l’aide financière</a> liée à la Covid-19 disponible pour les citoyens et les entreprises. Cela a, dans la foulée, aggravé la grave crise économique causée par la pandémie, alimentant la nécessité de maintenir l’économie ouverte toute l’année dernière, en bonne partie pendant la féroce deuxième vague hivernale, dont le Mexique commence à peine à se relever.</p>
<p>Avec, comme résultat, une autre fermeture devenue inévitable : celle de décembre 2020.</p>
<p>Aujourd’hui, le <a href="https://www.elfinanciero.com.mx/nacional/aumenta-el-uso-de-cubrebocas-en-el-pais-y-la-mayoria-reprueba-que-amlo-no-los-utilice/">port du masque a gagné en popularité</a> et le Mexique <a href="https://elpais.com/mexico/2021-02-23/asi-avanza-la-vacunacion-contra-coronavirus-en-mexico.html.">a entièrement vacciné 10 % de sa population</a>, contre <a href="https://ourworldindata.org/explorers/coronavirus-data-explorer ?zoomToSelection=true&Metric=People+vaccinated&Interval=7-day+rolling+average&Relative+to+Population=true&Align+outbreaks=false&country=USA %7EMEX %7EGTM">1 % au Guatemala voisin</a>. La situation s’améliore, mais le chemin de la guérison sera long pour le Mexique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161378/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sumit Ganguly reçoit un financement du Département d'Etat américain.
</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Dorothy Chin reçoit un financement de l'Institut du cœur, du sang et des poumons du NIH.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elize Massard da Fonseca reçoit un financement de la Fondation de recherche de Sao Paulo et du Conseil national de la recherche du Brésil (CNPq).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Salvador Vázquez del Mercado reçoit un financement du Conseil national de la science et de la technologie (CONACYT).</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Scott L. Greer a reçu des fonds du Centre de recherche et de développement du génie de l'armée américaine, de la US National Science Foundation et de l'Observatoire européen des systèmes et des politiques de santé.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Elizabeth J King ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
La pandémie n’est pas terminée, mais ces dirigeants sont déjà entrés dans l’histoire pour avoir échoué à combattre efficacement la Covid-19. Certains d’entre eux n’ont même pas vraiment essayé.
Sumit Ganguly, Distinguished Professor of Political Science and the Tagore Chair in Indian Cultures and Civilizations, Indiana University
Dorothy Chin, Associate Research Psychologist, University of California, Los Angeles
Elizabeth J King, Associate Professor in Health Behavior and Health Education in the School of Public Health, University of Michigan
Elize Massard da Fonseca, Assistant Professor, Brazilian School of Public Administration, Fundação Getulio Vargas
Salvador Vázquez del Mercado, Conacyt Research Professor, National Laboratory of Public Policy, Centro de Investigación y Docencia Económicas
Scott L. Greer, Professor, Global Health Management and Policy and Political Science, University of Michigan
Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.
tag:theconversation.com,2011:article/161123
2021-05-20T13:42:39Z
2021-05-20T13:42:39Z
Covid-19 : pourquoi certaines personnes entièrement vaccinées seront quand même infectées
<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/401342/original/file-20210518-21-kf5lms.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C8%2C5768%2C3773&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La vaccination au Québec va bon train et 75 % de la population est en voie d'avoir reçu une première dose. </span> <span class="attribution"><span class="source">LA PRESSE CANADIENNE/Paul Chiasson</span></span></figcaption></figure><p>Le développement de plusieurs vaccins contre la Covid-19 en moins d’un an nous a donné à tous l’espoir d’une sortie de pandémie. L’objectif est désormais de garantir une couverture vaccinale étendue aussi rapidement que possible, et ce, <a href="https://www.who.int/fr/initiatives/act-accelerator/covax">partout sur la planète</a>.</p>
<p>Cependant, les vaccins ne sont pas efficaces à 100 % pour freiner la transmission ou l’infection. Le risque que certaines personnes entièrement vaccinées soient infectées est faible, mais il faut s'attendre à ce que cela se produise.</p>
<p>Il est important de prendre conscience des limites des vaccins. Aucun vaccin n’offre une protection totale à tous ceux qui le reçoivent. Le vaccin contre la rougeole s’est avéré très efficace pour prévenir l’infection, ce qui a conduit à la quasi-éradication du virus dans certains pays.</p>
<p>Pourtant, des infections sont signalées même dans des populations largement vaccinées. Ces infections ne surviennent pas seulement chez les personnes non vaccinées ; il existe des cas d’infections chez des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/14760584.2019.1559063?journalCode=ierv20">personnes entièrement vaccinées</a> également.</p>
<p>Le vaccin contre la grippe saisonnière offre par exemple une protection contre les virus en circulation. Cependant, les virus de la grippe en circulation varient, et les personnes vaccinées peuvent tout de même tomber malades, quoique <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6208006/">moins gravement</a> que si elles n’avaient pas été vaccinées.</p>
<p>Ce phénomène s’explique par le fait que nos défenses immunitaires s’expriment de différentes façons. D’une part, il y a les anticorps, qui sont des protéines en forme d’Y qui se verrouillent sur les germes et les neutralisent, et d’autre part, les lymphocytes T, qui trouvent et détruisent les cellules infectées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>Les anticorps sont généralement dirigés contre les protéines les plus variables à la surface du virus, tandis que les protéines plus constantes – à l’intérieur du virus – sont ciblées par les lymphocytes T. Les lymphocytes T sont importants pour diminuer la gravité de la maladie.</p>
<p>En ce qui concerne le SARS-CoV-2 (le virus responsable de la Covid-19), il y a quelques cas d’infection post-vaccination <a href="https://www.aljazeera.com/news/2021/5/12/who-reviewing-seychelles-data-after-fully-vaccinated-get-covid">aux Seychelles</a>, mais peu d’informations ont été publiées jusqu’ici dans des revues scientifiques.</p>
<p>Un rapport récent paru dans le <a href="https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2105000?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori:rid:crossref.org&rfr_dat=cr_pub%20%200pubmed"><em>New England Journal of Medicine</em></a> décrit deux cas de Covid-19 après une vaccination. Les deux personnes ont présenté des symptômes légers qui ont disparu en une semaine.</p>
<p>Et une <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8077590/pdf/nihpp-2021.04.14.21255431.pdf">étude</a> de l’Université de Stanford, qui doit encore être évaluée par d’autres scientifiques, décrit 189 cas de Covid-19 post-vaccination sur 22 729 travailleurs de la santé. Cependant, une partie des travailleurs infectés n’avaient reçu qu’une seule dose du vaccin. La vaccination rendra probablement la maladie moins grave si de telles éclosions se produisent.</p>
<h2>Plusieurs explications</h2>
<p>Plusieurs raisons peuvent expliquer les infections post-vaccination. La réponse immunitaire chez l’humain est codée dans notre ADN et varie d’une personne à l’autre. Cette variabilité nous aide à répondre à un large éventail de virus. Mais l’efficacité de ces réponses est également variable. Elle dépend de plusieurs facteurs, notamment l’état de santé, la prise de médicaments ou l’âge.</p>
<p>Le système immunitaire vieillissant ne réagit pas aux nouveaux antigènes (substance étrangère qui amène votre système immunitaire à produire des anticorps) et aux vaccins aussi bien que les systèmes immunitaires plus jeunes. Pour un vaccin contre la Covid, on a constaté une différence mesurable dans la concentration d’anticorps neutralisants <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2021.03.03.21251066v1.full">chez les personnes âgées</a> par rapport aux adultes plus jeunes. Certains participants âgés n’avaient pas du tout d’anticorps neutralisants après avoir reçu les deux doses du vaccin.</p>
<p>Les infections post-vaccination peuvent aussi être causées par des variants du virus qui échappent à la détection immunitaire et se développent même chez les personnes vaccinées. On s’attend à ce qu’un virus, en particulier un « virus à ARN » comme le SARS-CoV-2, mute et donne naissance à des variants, dont certains peuvent <a href="https://theconversation.com/coronavirus-variants-why-being-more-transmissible-rather-than-more-deadly-isnt-good-news-152863">être plus contagieux</a>. Ces variants sont neutralisés plus ou moins efficacement par le système immunitaire, car les mutations peuvent modifier les parties du virus reconnues par les anticorps et les lymphocytes T.</p>
<p>Un nouveau variant du SARS-CoV-2 identifié en Inde (B.1.617.2) rendrait le virus plus contagieux, ce qui est préoccupant compte tenu de la <a href="https://www.nytimes.com/2021/04/28/world/asia/india-covid19-variant.html">crise sanitaire en cours</a> dans ce pays. Malgré l’absence d’études scientifiques, les médias rapportent de nombreux cas de percées infectieuses fréquentes et le variant B.1.617.2 est mis en cause, mais cela reste à prouver.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/variant-indien-est-il-plus-contagieux-plus-dangereux-159594">Variant indien : est-il plus contagieux, plus dangereux ?</a>
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<p>Une étude réalisée sur les infections post-vaccinales par le SARS-CoV-2 en Californie, a montré que les <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8077590/pdf/nihpp-2021.04.14.21255431.pdf">risques d’infection n’étaient pas plus élevés</a> en raison des variants dans cette région.</p>
<p>Malgré les preuves que les <a href="https://www.nature.com/articles/d41586-021-01222-5">vaccins fonctionnent bien contre les variants</a>, l’augmentation rapide de la proportion de cas au Royaume-Uni qui est attribuable au variant B.1.617.2 par rapport à la souche dominante du Kent (B.1.1.7) a élevé cette mutation au rang de <a href="https://www.gov.uk/government/news/confirmed-cases-of-covid-19-variants-identified-in-uk">variant préoccupant</a> par la Santé publique.</p>
<p>Si la vaccination généralisée reste la solution ultime en cas de pandémie, il convient de mentionner qu’il est peu probable qu’elle permette de prévenir toutes les infections. Or les personnes qui attraperont la Covid après avoir été vaccinées auront probablement des symptômes plus bénins. Le risque d’infections post-vaccination ne devrait donc pas nous dissuader de nous faire vacciner. Des études plus poussées sur les causes des infections au SARS-CoV-2 pourraient aider les scientifiques à améliorer les vaccins contre la Covid-19 ou modifier le calendrier des rappels.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161123/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Tara Hurst reçoit des fonds de Neuroblastoma UK.</span></em></p>
Les infections post-vaccination peuvent s’expliquer par la réponse immunitaire, plus ou moins efficace d’une personne à l’autre en raison de l’âge, de l’état de santé ou de la prise de médicaments.
Tara Hurst, Lecturer, Biomedical Science, Birmingham City University
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tag:theconversation.com,2011:article/160980
2021-05-18T17:30:53Z
2021-05-18T17:30:53Z
L’Inde en apnée sous la deuxième vague de la Covid-19
<p>Alors que l’Europe s’apprête à rouvrir progressivement ses terrasses extérieures, conformément à l’adage populaire « en mai, fais ce qu’il te plaît », l’Inde se retrouve <em>a contrario</em> ravagée par une subite et terrible explosion du nombre de contaminations et de morts de la Covid-19.</p>
<p>Le 14 mai, les <a href="https://twitter.com/COVIDNewsByMIB/status/1392741993663533056">statistiques officielles</a> dénombraient 24,4 millions de contaminations, avec plus de 350 000 nouveaux cas en moyenne par jour depuis deux semaines, et un total d’au moins 266 000 morts (chiffre très certainement <a href="https://scroll.in/article/994619/india-is-undercounting-covid-19-deaths-heres-how-to-work-around-the-problem">sous-estimé</a>). La brutalité de cette deuxième vague tranche avec la relative faiblesse de la première qui, au pic du mois de septembre 2020, comptait aux alentours de 90 000 cas par jour et qui s’était quasiment éteinte au mois de février 2021 avec moins de 15 000 cas par jour pour une population de 1,4 milliard d’habitants. En quelques semaines, cette violente seconde vague a fait exploser le système hospitalier du pays qui n’était pas préparé à un afflux si soudain et continu de patients nécessitant une assistance respiratoire.</p>
<h2>Le cataclysme</h2>
<p>Hôpitaux débordés, personnel de santé abattu, <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/inde-des-dizaines-de-corps-presumes-morts-du-covid-19-s-echouent-sur-les-rives-du-gange-20210510">corps échoués sur les rives du Gange</a>, plates-formes de crémation saturées, bûchers funéraires improvisés sur les parkings ou sur des terrains vagues, les flammes de « l’Inde qui brille » sont celles de la mort.</p>
<p>Interruption de <a href="https://thewire.in/health/goa-21-more-covid-19-patients-oxygen-shortage-medical-college-sawant-rane">l’approvisionnement en oxygène dans les hôpitaux</a>, marché parallèle de médicaments et d’<a href="https://www.news18.com/news/india/navneet-kalra-owner-of-delhis-khan-chacha-restaurant-absconding-in-alleged-oxygen-black-marketing-3716936.html">oxygène</a>… les forces économiques du pays dévoilent leurs failles et leurs côtés sombres. Les illustrations de la déroute sont foison. Elles témoignent d’une négligence certaine de la part du gouvernement de Narendra Modi – voire pour certains, à l’instar de l’écrivaine activiste Arundhati Roy, d’un véritable crime contre l’humanité. Pour d’autres, Modi a <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2021/05/06/de-l-europe-a-l-inde-une-pandemie-deux-modeles_6079275_3232.html">« tué le modèle indien »</a> qui suscitait tant de fascination dans les milieux économiques.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1392422059230248960"}"></div></p>
<p>Certes, la crise reste inégalement distribuée sur le sous-continent : certaines régions comme le Maharashtra et l’Uttar Pradesh ont été vite dépassées par la situation quand d’autres États, à l’instar du Kerala et de l’Odisha, apparaissent bien mieux préparés et exportent désormais de l’oxygène médical dans le reste du pays. Mais elle choque par sa virulence, en particulier dans les plus grandes agglomérations où la situation dégénère, comme à Delhi où le nombre de décès est tel que la municipalité en vient à <a href="https://www.theguardian.com/world/2021/apr/28/india-covid-funeral-pyres-delhi-crematoriums-space">manquer de bois pour les bûchers funéraires</a>.</p>
<p>Bien plus grave encore, l’épidémie se répand désormais à un rythme rapide dans les campagnes, mal équipées en infrastructures sanitaires (et <a href="https://scroll.in/article/994681/covid-19-in-maps-public-hospitals-in-most-bihar-districts-lack-icu-support-as-second-wave-hits">quasiment inexistantes dans les régions les plus pauvres du pays comme le Bihar</a>), alors même que la <a href="https://indianexpress.com/article/india/vaccine-inequity-gets-worse-rural-india-smaller-hospitals-hit-7310043/">logistique de la vaccination</a> peinait déjà à s’y mettre en place. Ces inégalités spatiales <a href="https://www.newindianexpress.com/opinions/2021/may/12/the-second-wave-of-covid-and-rural-india-2301360.html">laissent craindre une forte augmentation de la mortalité dans les semaines à venir</a> ; certaines projections estiment que cette seconde vague pourrait causer jusqu’ à un <a href="https://covid19.healthdata.org/global?view=cumulative-deaths&tab=trend">million de décès</a> d’ici le mois de septembre.</p>
<h2>Une première vague surmontée</h2>
<p>Ce scénario effroyable apparaît comme un miroir inversé de celui de 2020. L’Inde déjouait alors tous les pronostics des discours alarmistes proférés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et les <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2020/03/17/l-inde-une-bombe-a-retardement-cherche-a-gagner-du-temps_6033370_3210.html">médias occidentaux</a>. Il semblait même inconcevable qu’un pays « du Sud », au système de santé si défaillant, puisse faire mieux que des pays dont les systèmes de santé sont souvent cités en exemple. Dit autrement, il était attendu que l’Inde s’effondre dès les premières semaines de l’épidémie. Une théorie mécaniste qui donne justement à voir des représentations et stéréotypes de domination.</p>
<p>L’année dernière, la mise en place du <em>national lockdown</em>, matérialisé par le mantra <em>Stay safe, stay home</em>, avait donné à voir les <a href="https://journals.openedition.org/echogeo/19289">inégalités structurelles</a> de la société indienne et la souffrance des basses castes et des travailleurs migrants. Le traumatisme de ce confinement très dur, dont l’économie indienne peine à se relever, explique la réticence actuelle du gouvernement central à répliquer une telle solution pour contenir la deuxième vague, laissant aux États fédérés le risque politique de décider de confinements cette fois-ci régionalisés.</p>
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<p>Malgré tout, Narendra Modi avait réussi à traverser cette première crise de la Covid sans que son image ne soit trop abîmée, comme il y était déjà parvenu auparavant avec la <a href="https://www.cairn.info/revue-outre-terre-2018-1-page-134.htm">démonétisation</a>, les protestations contre la <a href="https://theconversation.com/le-jour-ou-linde-a-ferme-ses-portes-aux-musulmans-128796">loi modifiant les règles d’attribution de la citoyenneté</a>, les manifestations des <a href="https://theconversation.com/en-inde-les-paysans-aspirent-a-un-renouveau-democratique-154030">agriculteurs</a> contre les nouvelles lois agricoles et la <a href="https://www.franceculture.fr/emissions/revue-de-presse-internationale/la-revue-de-presse-internationale-emission-du-jeudi-04-juin-2020">crise frontalière avec la Chine</a>. En habile homme politique, le premier ministre a su se mettre en retrait après avoir annoncé le <em>lockdown</em>, laissant ensuite aux États fédérés la charge de gérer la crise à leur niveau, n’intervenant que rarement à ce sujet, raréfiant sa parole et jouant de sa nouvelle image de sage, en laissant pousser sa barbe tel un gourou qui détient le savoir, et qui <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/03/en-inde-modi-depasse-par-l-epidemie-de-covid-19_6078922_3210.html">décide pour le bien</a> de son peuple.</p>
<p>Avec un taux de mortalité parmi les plus faibles du monde, tout laissait croire en effet que l’Inde avait finalement contenu le virus, au contraire des nations dites « développées » vers lesquelles la « pharmacie du monde » avait promis d’envoyer les <a href="https://www.thehindu.com/business/Industry/india-to-play-vital-role-in-equitable-distribution-of-covid-19-vaccines-around-the-world-pharma-industry/article33430054.ece">vaccins anti-Covid</a> que le monde entier lui enviait (alors même que les capacités indiennes de production de ces vaccins s’avéreront finalement bien <a href="https://science.thewire.in/health/narendra-modi-government-overestimated-india-covid-vaccine-manufacturing-capacity-shortage/">insuffisantes</a>)</p>
<h2>Péché d’orgueil</h2>
<p>L’Inde de la première vague fut celle qui avait réussi à éviter le pire.</p>
<p>Mais à l’aube de la deuxième vague, Modi et son gouvernement ont péché par orgueil, par confiance excessive dans les spécificités nationales, dans leur idéologie d’autonomie (ou <em>self reliance</em>) et d’exceptionnalisme, obérant leur capacité à tirer des enseignements de l’expérience d’autres pays.</p>
<p>Cet hubris a même conduit, en mars de cette année 2021, le ministre indien de la Santé, <a href="https://indianlekhak.com/india-news/in-the-endgame-of-the-epidemic-in-india-the-health-minister-says">Harsh Vardhan</a>, à déclarer que l’Inde était dans la « phase finale » de l’épidémie – et ce malgré les avertissements répétés sur les dangers d’une deuxième vague et l’émergence de nouvelles souches : les fameux variants.</p>
<p>Certains modèles suggéraient à tort que l’Inde avait atteint l’immunité collective (alors que <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-55945382">d’autres études</a> plaidaient le contraire), encourageant ainsi la complaisance, une préparation insuffisante et un retard dans le lancement de la campagne de vaccination. Le gouvernement a ainsi autorisé la tenue de festivals religieux, qui ont attiré des millions de personnes venues de tout le pays, ainsi que d’immenses rassemblements politiques (dans le cadre d’élections au Bengale occidental, en Assam, au Kerala, au Tamil Nadu et à Puducherry).</p>
<p>La brutalité de cette soudaine seconde vague a contrecarré toute tentative de la présenter sous la forme d’un récit idéologique diviseur (on se rappellera des <a href="https://time.com/5815264/coronavirus-india-islamophobia-coronajihad/">« corona djihadis »</a> désignés coupables de la première vague) ou édifiant (comme lorsque le premier ministre enjoignait alors ses partisans à taper dans des <a href="https://www.indiatoday.in/india/story/coronavirus-in-india-sounds-bells-conches-claps-reverberates-as-country-appreciates-essential-service-providers-1658513-2020-03-22">timbales</a> pour faire fuir le virus). Le désastre sanitaire met un coup de frein brutal aux discours exaltant une Inde triomphante du virus, et prête à sauver le monde grâce à sa puissante industrie pharmaceutique : l’Inde a brusquement été réduite à un humble suppliant sur la scène mondiale, dépendant de l’aide médicale internationale, y compris celle de la <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/05/07/covid-19-la-chine-aide-l-inde-mais-la-defiance-demeure_6079512_3210.html">Chine</a>.</p>
<p>Selon la <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-57005563">BBC</a>, au-delà des caractéristiques du variant indien, le B.1.617, dont la volatilité favoriserait la diffusion, ce sont avant tout les comportements intrinsèques de la population indienne qui ont conduit à cette déferlante deuxième vague. Pour de nombreux médias de même que pour l’OMS, c’est le grand rassemblement hindou de la <a href="https://www.bbc.com/news/world-asia-india-56770460">Kumbh mela</a> qui a été le principal responsable de la propagation du virus, renforçant une image archétypale de l’Inde dans les pays occidentaux : une Inde irrationnelle et sous-développée où les croyances conduisent certaines personnes à boire de l’urine de vache et à s’enduire de bouse pour se prémunir de la Covid. L’explosion du nombre de morts et le dévoilement des déficiences structurelles à tous les niveaux de la chaîne sanitaire replacent l’Inde dans l’image caricaturale qu’elle a longtemps supportée : celle de <em>La Cité de la Joie</em>, construite et fantasmée par l’Occident, un pays qu’il s’agit d’aider au nom d’une <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-raison-humanitaire-didier-fassin/9782021020601">raison humanitaire</a>.</p>
<h2>La dimension géopolitique et l’affaiblissement de Narendra Modi</h2>
<p>L’énigme d’un pays jusque-là épargné se résout ainsi avec la réalisation de la catastrophe annoncée qui finit enfin par arriver. Le déplacement du centre de l’épidémie vers l’Inde permet aux pays du Nord d’estomper l’humiliation de la première vague qui les a frappés si durement, alors qu’elle épargnait relativement l’Asie du Sud. Ces mêmes pays du Nord se retrouvent confortés dans leur position historique de pourvoyeurs d’aide, qu’il s’agisse d’aide au développement ou d’aide d’urgence et humanitaire. Cette situation est une double aubaine : d’une part, celle de permettre de faire oublier la gestion erratique de la crise sur leur propre territoire (et un nombre de décès par million d’habitants toujours bien supérieur à celui de l’Inde) ; de l’autre, celle de renforcer leur position diplomatique vis-à-vis d’un puissant partenaire commercial.</p>
<p>Ainsi, au-delà des drames humains qui marqueront pour longtemps tant de familles indiennes, la brutale hécatombe à laquelle est confronté le pays doit être appréhendée dans sa dimension géopolitique. Pour les puissances occidentales, elle permet de revenir à des équilibres <em>ante</em> crise, marqués par les anciennes dominations coloniales et animés par des sentiments moraux vis-à-vis de pays en situation de dépendance humanitaire.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1388783219844141059"}"></div></p>
<p>Cette situation laisse ainsi envisager des contreparties à un soutien matériel (<a href="https://www.moneycontrol.com/news/business/economy/heres-the-full-list-of-foreign-medical-aid-that-have-reached-india-till-now-and-where-they-are-headed-4-6885501.html">oxygène, concentrateur, équipements</a>) inédit depuis la catastrophe du tsunami qui a touché l’Inde en décembre 2004. De manière symbolique, le classement par l’OMS du « variant indien » comme <a href="https://www.lefigaro.fr/flash-actu/covid-le-variant-b-1-617-decouvert-en-inde-classe-comme-preoccupant-par-l-oms-20210510">préoccupant</a> (car plus contagieux et plus résistant à la vaccination) permet inconsciemment d’entériner le virage d’une crise désormais indienne, pour mieux s’en distancier : le virus est à présent indien (un peu comme certains parlaient, il y a un an, du virus « chinois »).</p>
<p>Au niveau national, la deuxième vague de la pandémie a brisé le formidable culte de la personnalité de Narendra Modi. La colère contre le premier ministre émerge <a href="https://theprint.in/india/rss-worker-modi-followed-on-twitter-dies-of-covid-pm-didnt-help-despite-plea-family-cries/656948/">jusqu’à sa base politique la plus fidèle</a> : les classes moyennes urbaines. Si les grands médias ont été beaucoup plus critiques à l’égard du gouvernement central au cours de cette seconde vague, c’est parce que leur public et leur personnel sont issus de ces classes.</p>
<p>Alors que durant la première vague, les classes moyennes ont majoritairement soutenu Modi car elles ont relativement peu souffert de la crise socio-économique du confinement, le désastre sanitaire de la deuxième vague pourrait forcer une réévaluation. Non seulement beaucoup ont perdu un ou plusieurs proches, mais à un niveau plus fondamental, il y a eu une dévaluation sans précédent de leur énorme privilège relatif : leur manne financière et leur réseau de relations interpersonnelles se sont souvent avérés inutiles pour obtenir des choses aussi élémentaires qu’un lit d’hôpital, des bouteilles d’oxygène, ou même pour assurer les derniers sacrements/rituels de leurs proches.</p>
<h2>Et en cas de troisième vague ?</h2>
<p>L’Inde de la deuxième vague est celle de l’effroi, des bûchers et des morts.</p>
<p>Elle laisse entrevoir plusieurs perspectives parmi lesquelles figure celle d’une rupture politique, la pandémie étant susceptible de cristalliser toutes les autres causes de mécontentement à l’égard du gouvernement – chômage, baisse des revenus et détresse rurale. Alors que le BJP vient de perdre des élections régionales dans l’État clé du Bengale occidental, beaucoup dépend de la capacité de l’opposition à saisir ce moment et à le transformer en tournant politique ; mais c’est sans compter avec l’habileté de Modi à retourner une situation qui lui a soudainement échappé. Sa fierté, son agressivité politique et son culte de la personnalité augurent une vive réaction de sa part.</p>
<p>Au final, il faut espérer que ce désastre puisse au moins permettre d’anticiper une éventuelle troisième vague… et alors que seulement 2,9 % de la population indienne était vaccinée (au 14 mai 2021), l’incertitude demeure quant à la capacité à endiguer le drame de la Covid-19, et en particulier dans les zones rurales où l’épidémie se répand peu à peu sans média pour en rendre compte et sans hôpital pour la contenir. Dès lors, que sera l’Inde de la troisième vague ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/160980/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rémi de Bercegol est membre du CNRS. Il a reçu des financements de l'Agence Nationale de la Recherche. En particulier pour ses recherches sur la crise de la Covid, une partie de ses enquêtes a été réalisée dans le cadre du programme Challenging Inequalities: A Indo-European perspective (ANR-18-EQUI-0003)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anthony Goreau-Ponceaud ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>
L’Inde subit de plein fouet la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19. Un drame qui révèle les faiblesses structurelles du pays et l’hubris du gouvernement de Narendra Modi.
Anthony Goreau-Ponceaud, Géographe, enseignant-chercheur, UMR 5115 LAM, Université de Bordeaux
Rémi de Bercegol, Chercheur CNRS affecté à l'USR 3330 "Savoirs et Mondes Indiens", basé à l'Institut Français de Pondichéry, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)
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tag:theconversation.com,2011:article/159106
2021-05-02T16:20:30Z
2021-05-02T16:20:30Z
Vaccins à ARN : quelle protection contre les nouveaux variants ?
<p>Depuis que circulent des variants du SARS-CoV-2, une question cruciale se pose : les vaccins utilisés contre les souches « historiques » seront-ils aussi efficaces pour nous en protéger ? </p>
<p>Cette interrogation est légitime : fin mars, l’Afrique du Sud a annoncé avoir revendu toutes ses doses du vaccin AstraZeneca. Des travaux scientifiques avaient en effet révélé <a href="https://www-ncbi-nlm-nih-gov.ressources-electroniques.univ-lille.fr/pmc/articles/PMC7901269/">qu’il était moins efficace contre le variant circulant dans cette région du monde</a> (variant 20H/501Y.V2 appartenant à la lignée B.1.351).</p>
<p>Qu’en est-il des vaccins à ARN ? Des chercheurs ont tenté de le découvrir. <a href="https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(21)00298-1.pdf">Publiés dans la revue <em>Cell</em></a>, leurs résultats suggèrent que certains variants actuellement en circulation pourraient avoir la capacité d’échapper à l’immunité acquise, que ce soit lors d’une première infection par la souche « historique » du SARS-CoV-2 ou suite à la vaccination. </p>
<p>Si ces travaux indiquent que la vigilance est de mise, il est toutefois beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions quant aux conséquences cliniques éventuelles. Explications.</p>
<h2>Qu’est-ce que l’échappement vaccinal, et comment l’étudie-t-on ?</h2>
<p>Lorsque les conditions environnementales sont optimales (température adéquate, nourriture abondante…), les micro-organismes tels que les bactéries ou les virus peuvent se multiplier de façon exponentielle : ils produisent alors d’immenses quantités de copies d’eux-mêmes. Ce faisant, ils font des erreurs. Certaines sont neutres, autrement dit, elles ne sont ni bénéfiques ni délétères à leurs porteurs. D’autres sont néfastes, ce qui peut entraîner leur extinction. Enfin, certaines procurent un avantage qui va permettre aux microbes qui les possèdent de prendre l’avantage sur leurs concurrents.</p>
<p>Ces avantages peuvent être de différentes natures : capacité à se nourrir d’une nouvelle ressource, acquisition d’un nouveau mécanisme de défense, résistance à de nouvelles conditions environnementales… La résistance aux antibiotiques développée par certaines bactéries procède de telles mutations « bénéfiques ». L’échappement aux vaccins, qui permet aux micro-organismes infectieux d’échapper à la réponse immunitaire destinée à les éliminer en est un autre exemple.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-les-microbes-reussissent-ils-a-echapper-aux-vaccins-151401">Comment les microbes réussissent-ils à échapper aux vaccins ?</a>
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<p>Pour étudier l’infectiosité des virus sans devoir manipuler de dangereux virus, les virologues ont développé des « particules rétrovirales pseudotypées ». Ces outils sont en quelques sortes des « pseudo-virus » : ils s’agit de particules contenant uniquement les gènes impliqués dans la fabrication de l’enveloppe virale du virus à étudier. C’est sur cette dernière que se trouvent les « clés » qui permettent au virus d’entrer dans les cellules qu’il infecte (dans le cas du coronavirus SARS-CoV-2, cette clé est la protéine Spike, ou S). </p>
<p>À ces gènes, les chercheurs ajoutent <a href="https://www.futuremedicine.com/cms/10.2217/fvl.15.106/asset/images/medium/figure1.gif">un gène produisant une protéine fluorescente</a>. Ainsi, si les pseudo-virus parviennent à pénétrer dans les cellules cibles, celles-ci deviennent fluorescentes, ce qui facilite leur détection.</p>
<p>Cet outil a permis de comprendre, par exemple, certains mécanismes de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/15956584/">l’entrée du virus de l’hépatite C dans les cellules du foie</a>. Il est également couramment utilisé pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3958090/">mettre en évidence</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1951279/">le blocage</a> <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1951279/">de l’entrée virale par des anticorps de patients</a>. S’ils sont « neutralisants », les anticorps empêchent en effet les interactions entre les protéines utilisées par le virus pour pénétrer dans les cellules et les récepteurs correspondants, autrement dit les « serrures » situées à leur surface. Dans une telle situation, le virus reste à la porte…</p>
<p>Des chercheurs américains, allemands et sud-africains ont utilisé cette approche pour étudier <a href="https://www.cell.com/cell/pdf/S0092-8674(21)00298-1.pdf">la capacité des sérums de personnes vaccinées à neutraliser la protéine Spike du SARS-CoV-2</a>. Que révèlent ces travaux ?</p>
<h2>Des mutations qui favorisent l’échappement immunitaire</h2>
<p>Les auteurs se sont intéressés aux deux vaccins à ARN messager disponibles, à savoir celui de Pfizer/BioNtech (nom commercial Cominarty®, <a href="https://www.santepubliquefrance.fr/content/download/340446/3012834">majoritairement utilisé en France où il représente 65,4 % des premières doses administrées</a>) et celui de Moderna (minoritaire avec 7,7 % des premières doses). Ils ont récolté les sérums de 99 patients vaccinés après une, puis 2 injections de vaccins, puis ont testé les capacités de ces échantillons à neutraliser la protéine S originelle, celle portant la mutation D614G et les protéines S des variants dits d’origine « britannique » (lignée B.1.1.7), « sud-africaine » (lignée B1.1.351) et « brésilienne » (lignée P1). </p>
<p>Les résultats montrent que les deux vaccins à ARN messager protègent de façon efficace contre le virus originel, contre le variant D614G et contre le variant britannique, surtout après deux injections vaccinales. En revanche, les anticorps des patients neutralisent peu la protéine S des variants sud-africains et brésiliens, ce qui suggère que ces vaccins pourraient avoir une faible faible efficacité contre ces variants. Ces travaux semblent indiquer qu’un faible nombre de mutations pourrait suffire au SARS-CoV-2 pour échapper à la réponse immunitaire induite par ces vaccins. </p>
<p>Cependant, les conséquences de ce constat pour la population restent à établir, comme le soulignent les auteurs eux-mêmes.</p>
<h2>Rester vigilant</h2>
<p>Cette étude, très rigoureusement menée, reste une étude « in vitro » ; elle ne permet pas de tirer de conclusions quant aux conséquences cliniques de ces résultats obtenus sur des cellules en culture. Il manque notamment des informations sur <a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">l’immunité cellulaire</a> des personnes vaccinées, laquelle pourraient les protéger malgré l’absence de protection immunitaire « humorale », c’est-à-dire par les anticorps. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-notre-corps-se-defend-il-contre-les-envahisseurs-143072">Comment notre corps se défend-il contre les envahisseurs ?</a>
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<p>Par ailleurs, il aurait également pu être intéressant d’étudier sur le même principe les capacités neutralisantes de sérums de personnes vaccinées par le vaccin d’AstraZeneca ou celui de Johnson&Johnson, vaccin à dose unique disponible dans les pharmacies depuis le 24 avril. Connaître les capacités de particules rétrovirales pseudotypées basées sur le variant dit « indien » (<a href="https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2021/point-sur-le-variant-b.1.617-au-sars-cov-2">20A/484Q, lignée B.1.617</a>) d’échapper aux effets des vaccins pourrait aussi s’avérer utile : cela permettrait d’obtenir des indices sur leur rôle potentiel, encore discuté, dans l’épidémie <a href="https://theconversation.com/pourquoi-apres-une-accalmie-lepidemie-de-covid-19-flambe-t-elle-a-nouveau-en-inde-159778">qui flambe actuellement en Inde</a>. </p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1386631960966144001"}"></div></p>
<p>Enfin, il faudra confirmer ces résultats par des observations dans la population pour répondre à deux questions : est-ce que les personnes vaccinées s’infectent avec ces variants ? Si elles sont infectées, développent-elles des formes sévères de l’infection, et dans quelle proportion par rapport aux personnes non vaccinées ? </p>
<p>Ces nouvelles sont malgré tout rassurantes, en particulier en ce qui concerne la situation française : les vaccins à ARN messager actuellement disponibles protègent contre le variant britannique qui circule actuellement massivement dans notre pays. </p>
<p>Ces travaux soulignent cependant l’importance de prendre les précautions nécessaires pour surveiller, et si possible contrôler, la diffusion des variants sud-africains et brésiliens, au cas où les vaccins à ARN messager se révéleraient moins efficaces contre eux également in vivo. Les mesures de contrôle des personnes arrivant des régions où circulent ces variants sont, malheureusement, justifiées pour éviter d’avoir à affronter une nouvelle vague pandémique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159106/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne Goffard a reçu des financements de l'Université de Lille, de l'Institut Pasteur de Lille, du CNRS, de l'ANR.
Anne Goffard est adjointe au maire de Lille. </span></em></p>
Une des principales préoccupations concernant l’émergence de variants du coronavirus SARS-CoV-2 concerne le risque qu’ils puissent échapper à l’immunité induite par les vaccins, y compris ceux à ARN.
Anne Goffard, Médecin, Professeure des Universités – Praticienne Hospitalière, Université de Lille
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tag:theconversation.com,2011:article/159778
2021-04-26T17:30:23Z
2021-04-26T17:30:23Z
Pourquoi, après une accalmie, l’épidémie de Covid-19 flambe-t-elle à nouveau en Inde ?
<p>L’Inde est en proie à une deuxième vague de Covid-19 massive. Le nombre de <a href="https://coronavirus.jhu.edu/data/new-cases">nouvelles infections quotidiennes dépassant désormais ceux des États-Unis et du Brésil réunis</a>. Le pic actuel est survenu après une brève accalmie : le nombre de nouveaux cas quotidiens était passé de 97 000 en septembre 2020 à environ 10 000 en <a href="https://pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1687893">janvier 2021</a>. Cependant, à partir de la fin du mois de février, les nouveaux cas quotidiens ont recommencé à augmenter fortement, dépassant les <a href="https://coronavirus.jhu.edu/data/new-cases">100 000 cas par jour</a>. Deux mois plus tard, la barre des <a href="https://www.news18.com/news/india/india-sees-record-covid-19-surge-for-2nd-day-in-a-row-with-200739-cases-in-24-hours-10-points-3642050.html...">200 000 cas est franchie</a> (<em>ndlr : voire largement dépassée : plus de 350 000 nouveaux cas ont été enregistrés en 24 heures ce dimanche 25 avril</em>).</p>
<p><a href="https://timesofindia.indiatimes.com/city/bhopal/covid-19-lockdown-in-parts-of-four-madhya-pradesh-districts/articleshow/81871308.cms">Les couvre-feux et les fermetures du week-end</a> ont été rétablis dans certains États comme le Maharashtra, y compris dans la capitale économique du pays, Mumbai. Les <a href="https://www.bbc.com/news/av/world-asia-india-53014213">services de santé</a> et les <a href="https://www.livemint.com/news/india/covid19-bodies-pile-up-at-india-crematoriums-overwhelmed-by-virus-surge-11618312006451.html">crématoriums</a> sont débordés, les <a href="https://economictimes.indiatimes.com/news/india/now-shortage-of-rt-pcr-kits-adds-to-maharashtras-covid-19-woes/articleshow/81998594.cms">kits de dépistage manquent</a>, et les <a href="https://theprint.in/health/samples-have-tripled-labs-struggle-to-give-covid-test-result-on-time-as-cases-rise-in-delhi/639116/">délais d’attente pour l’obtention des résultats s’allongent</a>.</p>
<p>Comment la pandémie s’est-elle propagée ?</p>
<p>Les habitants des <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.11.17.20228155v1.full.pdf">quartiers pauvres</a> et ceux dont les logements sont dépourvus de <a href="https://www.medrxiv.org/content/10.1101/2020.11.17.20228155v1.full.pdf">toilettes</a> ont été les plus touchés, ce qui laisse supposer que le manque d’hygiène et la promiscuité ont contribué à la propagation.</p>
<p>Lors des débats sur les raisons de cette recrudescence des cas, un mot a dominé les discussions: <em>laaparavaahee</em> (en hindi), que l’on peut traduire par « négligence ». Cette négligence incomberait aux individus qui <a href="https://www.livemint.com/news/india/harsh-vardhan-reveals-main-reason-behind-surge-in-coronavirus-cases-in-india-11617756004689.html">ne portent pas de masques et ne respectent pas la distanciation sociale</a>. Mais ce n’est qu’une partie de l’histoire.</p>
<p>La négligence peut aussi être vue en tant que l’absence quasi totale de réglementations ou, quand celles-ci existaient, que ce soit sur les lieux de travail ou dans les espaces publics, par leur manque d’application. Les congrégations religieuses, sociales et politiques ont contribué directement à la propagation du virus <a href="https://www.globaltimes.cn/page/202104/1220835.shtml">par le biais de l’organisation d’événements superpropagateurs</a>. Mais cela n’explique toujours pas complètement l’énorme augmentation des cas à laquelle nous assistons aujourd’hui.</p>
<p>En Inde, la deuxième vague coïncide également avec la propagation du variant dit « britannique ». Un récent <a href="https://www.tribuneindia.com/news/punjab/as-81-of-punjab-samples-show-uk-variant-capt-urges-pm-to-widen-vaccination-ambit-to-cover-younger-population-229350">rapport</a> a révélé que 81 % des 401 derniers échantillons envoyés en séquençage par l’État du Pendjab comportaient la variante britannique du coronavirus SARS-CoV-2.</p>
<p>Par ailleurs, un variant porteur d’une <a href="https://theconversation.com/whats-the-new-coronavirus-variant-in-india-and-how-should-it-change-their-covid-response-157957">nouvelle double mutation</a> circule également en Inde, ce qui pourrait également contribuer à l’augmentation des cas.</p>
<p>Des <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/954990/s1015-sars-cov-2-immunity-escape-variants.pdf">études</a> ont en outre montré que certains variants pourraient être plus à même d’échapper à notre système immunitaire, ce qui signifie que le risque existe que des personnes immunisées ou précédemment infectées puissent être infectées ou réinfectées.</p>
<h2>Le faible taux de létalité initial revu à la hausse</h2>
<p>Au cours de la première phase de la pandémie, l’Inde a été louée pour le faible taux de létalité lié à la Covid-19. Celui-ci était d’environ 1,5 %. Cependant, dans son éditorial du 26 septembre consacré à la situation indienne, la revue scientifique <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)32001-8/fulltext">The Lancet</a> mettait en garde contre les « dangers d’un optimisme trompeur ».</p>
<p>En situation de pandémie, les autorités de santé publique attribuent généralement certains décès, dont les causes peuvent être complexes, à la maladie en cours. En avril 2020, l’<a href="https://www.who.int/classifications/icd/Guidelines_Cause_of_Death_Covid-19-20200423_FR.pdf">Organisation mondiale de la santé avait pris la peine de clarifier</a> la manière dont les décès liés à la Covid-19 doivent être comptabilisés :</p>
<blockquote>
<p>« À des fins de surveillance, est considéré comme un « décès dû à la Covid-19 » un décès résultant d’une maladie cliniquement compatible, chez un cas probable ou confirmé de la Covid-19, en l’absence de toute autre cause évidente de décès sans lien avec la maladie à coronavirus (par exemple, un traumatisme). »</p>
</blockquote>
<p>Il est difficile de savoir dans quelle mesure les autorités sanitaires des différents États de l’Inde ont tenu compte de ces recommandations pour comptabiliser les décès.</p>
<p>Après avoir été critiqués pour leur manque d’exactitude, de nombreux États indiens ont mis en place des comités d’experts pour <a href="https://www.thehindu.com/news/national/tamil-nadu/committees-constituted-at-state-district-levels-to-audit-covid-19-deaths/article31400573.ece">réexaminer et vérifier</a> les chiffres des décès dus à l’épidémie, et des <a href="https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(20)31857-2/fulltext">corrections du taux de mortalité ont été apportées</a>. L’ampleur du sous-dénombrement fait actuellement <a href="https://www.indiaspend.com/covid-19/mortality-data-kerala-mumbai-too-soon-to-say-india-covid19-less-deadly-second-wave-737270">l’objet de recherches</a>.</p>
<p>Les <a href="https://covidtoday.in/">données de mortalité</a> recueillies dans les districts indiquent que le taux de létalité <a href="https://www.who.int/director-general/speeches/detail/who-director-general-s-opening-remarks-at-the-media-briefing-on-covid-19---3-march-2020">a dépassé les 3,4 % dans plusieurs d’entre eux </a>, comme le Maharashtra, le Punjab ou le Gujarat, et ce tant pour la première vague que pour la vague actuelle. Les taux de létalité dans certains des districts les plus touchés ont même été <a href="https://indianexpress.com/article/opinion/columns/covid-19-global-crisis-local-response-6707887/">supérieurs à 5 %</a>, ce qui est similaire <a href="https://www.covid19treatmentguidelines.nih.gov/overview/">à la situation des États-Unis</a>.</p>
<h2>Quels sont les défis à relever cette fois-ci ?</h2>
<p>Dix États (sur 28) concentrent la <a href="https://www.pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1709810">majorité des cas et des décès</a> (81 %). C’est notamment le cas du Punjab et du Maharashtra. En outre, cinq États (Maharashtra, Chhattisgarh, Karnataka, Uttar Pradesh et Kerala) regroupent plus de 70 % des cas. L’infection semble cependant s’être à présent déplacée des grandes villes vers les <a href="https://www.pib.gov.in/PressReleasePage.aspx?PRID=1709296">petites villes et les banlieues</a>, où les infrastructures sanitaires sont moins développées.</p>
<p>L’année dernière la <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/0275074020942411">stratégie gouvernementale de lutte contre la pandémie</a> prévoyait la participation de fonctionnaires de tous les ministères (y compris les ministères autres que celui de la santé) aux activités de lutte anti-Covid-19, mais ces fonctionnaires ont depuis été renvoyés dans leurs ministères respectifs. Cela aura probablement un effet sur le dépistage, la traçabilité et le traitement des cas. Qui plus est, les travailleurs de la santé doivent à présent s’occuper de la campagne de vaccination, en plus de s’occuper des malades.</p>
<h2>Et maintenant ?</h2>
<p>Début mars, le gouvernement indien avait déclaré <a href="https://pib.gov.in/PressReleaseIframePage.aspx?PRID=1703017">que la pandémie touchait à son terme</a>. Un optimisme manifestement prématuré.</p>
<p>Malgré le déploiement de la campagne de vaccination et l’administration de <a href="https://timesofindia.indiatimes.com/india/india-fastest-in-world-to-administer-100-million-covid-vaccine-shots/articleshow/82007330.cms#:%7E:text=NEW%20DELHI%3A%20India%20on%20Saturday,in%20terms%20of%20total%20vaccinations">plus de 100 millions de doses de vaccins</a>, <a href="https://www.indiatoday.in/coronavirus-outbreak/story/india-corona-covid-vaccine-when-will-all-indians-be-vaccinated-1788159-2021-04-07">1 % de la population du pays à peine</a> est actuellement protégé par deux doses de vaccin. L’India Task Force s’inquiète en outre du fait que l’approvisionnement mensuel en vaccins, actuellement de 70 à 80 millions de doses, soit « inférieur de moitié » à l’objectif de <a href="https://www.telegraphindia.com/india/coronavirus-outbreak-vaccine-shortage-insight/cid/1812586">150 millions de doses par mois</a>.</p>
<p>Les fermetures strictes et généralisées qui ont été mises en place ailleurs dans le monde ne peuvent être appliquées à toutes les régions de l’Inde, en raison de leur <a href="https://theconversation.com/how-will-we-eat-indias-coronavirus-lockdown-threatens-millions-with-severe-hardship-135193">effet sur les travailleurs pauvres</a>. En attendant d’atteindre une couverture vaccinale plus large, les mesures de confinement locales devront donc être renforcées. Il s’agit notamment de contrôler strictement les périmètres où sont censés s’appliquer ces mesures, afin de s’assurer qu’il n’y a pas de mouvement de population à l’intérieur ou à l’extérieur des zones où sévissent des épidémies locales. Il faut aussi s’assurer du respect des directives de confinement, en surveillant les domiciles des particuliers, et mettre en place des stratégies de recherche des contacts et de dépistage généralisées.</p>
<p>Il va sans dire qu’il faut abandonner l’idée d’organiser de grands rassemblements, tels que les <a href="https://www.hindustantimes.com/india-news/calcutta-hc-for-strict-compliance-of-covid-norms-during-rallies-101618340863337.html">meetings politiques</a> ou les <a href="https://www.news18.com/news/india/kumbh-in-the-times-of-covid-how-worlds-largest-religious-festival-turned-super-spreader-in-past-3638048.html">festivals religieux</a>, même si certains ont eu lieu.</p>
<p>En attendant de pouvoir vacciner davantage de monde, la maîtrise de l’épidémie passera par un leadership fort et des stratégies décentralisées, axées sur les restrictions locales</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/159778/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Je suis actuellement co-investigateur de deux projets financés par l'UKRI-GCRF, au Royaume-Uni, et d'un projet financé par la Fondation Novo Nordisk, au Danemark.</span></em></p>
Après une période d’optimisme liée à une réduction massive du nombre de cas de Covid-19 en début d’année, l’Inde connait une deuxième vague d’infections qui ressemble à une lame de fond.
Rajib Dasgupta, Chairperson, Centre of Social Medicine and Community Health, Jawaharlal Nehru University
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