tag:theconversation.com,2011:/us/topics/vetements-48448/articlesvêtements – The Conversation2024-03-18T15:33:49Ztag:theconversation.com,2011:article/2238992024-03-18T15:33:49Z2024-03-18T15:33:49ZLe médiévalisme dans la haute couture, de Paco Rabanne à Alexander McQueen<p>Si la mode médiévale s’infiltre aujourd’hui <a href="https://theconversation.com/litterature-series-tele-architecture-cet-engouement-pour-le-moyen-age-qui-nous-vient-du-xix-si%C3%A8cle-218442">dans tous les domaines ou presque</a>, sa présence persistante dans le monde de la haute couture n’a pas encore fait l’objet de recherches approfondies.</p>
<p>Il existe certes, dans la mode, un Moyen Âge fantasmatique passé <a href="https://www.beauxarts.com/grand-format/le-preraphaelisme-en-2-minutes/">à la moulinette préraphaélite</a>, comme en témoigne la collection automne-hiver 2013-2014 de <a href="https://couturenotebook.com/best-haute-couture-blog/2013/07/15/franck-sorbier-fw-2013-revisiting-the-middle-ages">Franck Sorbier</a>, inspiré d’une imagerie du XIX<sup>e</sup> siècle, où les mannequins évoquent la dame d’Escalot <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Lady_of_Shalott_(Waterhouse)">immortalisée par le peintre John William Waterhouse en 1888</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=460&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/582540/original/file-20240318-26-hl8700.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=579&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">John William Waterhouse, The Lady of Shalott.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Lady_of_Shalott#/media/Fichier:John_William_Waterhouse_-_The_Lady_of_Shalott_-_Google_Art_Project.jpg">Google Art Project</a></span>
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<p>Mais il est un autre Moyen Âge, queer et rétrofuturiste celui-ci, qui brouille les frontières des genres et s’est développé bien avant l’engouement suscité par <em>Game of Thrones</em>, chez deux stylistes en particulier, Paco Rabanne et Alexander McQueen.</p>
<h2>D’une filiation l’autre : de Paco Rabanne à Alexander McQueen</h2>
<p>Paco Rabanne (1934-2023) est le premier styliste, <a href="https://www.harpersbazaar.fr/mode/paco-rabanne-chevalier-couture-dun-autre-temps_111">« ou métallurgiste de la couture »</a> pour reprendre la formule de Coco Chanel, qui s’inspire de cette période historique dès les années 1960-1970, <a href="https://www.vogue.fr/fashion/galerie/paco-rabanne-style-1960s-photos">avec sa célèbre robe cotte de mailles</a>.</p>
<p>En février 1966, sa première collection « Manifeste » présente « 12 robes importables en matériaux contemporains », agrémentées de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Sequin_(mode)">sequins</a>, anneaux métalliques et plaques en Rhodoïd, mettant en scène une <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Mode_futuriste">mode futuriste</a> <a href="https://www.fabula.org/actualites/107802/colloque-temporalites-alternatives--uchronies-mondes-paralleles-et-retrofuturisme.html">voire rétrofuturiste</a>.</p>
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<p>Avec le rétrofuturisme, il s’agit d’envisager le passé tel qu’on le voit depuis le futur, en offrant une alternative au présent, et en réfléchissant au présent au prisme d’un passé réinventé.</p>
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<p>Pour la collection hiver 2020-21, le directeur artistique de la maison Paco Rabanne, Julien Dossena, rend hommage aux créations métalliques, emblématiques des inspirations médiévales du créateur. <a href="https://arca.irht.cnrs.fr/ark:/63955/md439z90587z">Les silhouettes</a> sont vêtues de cottes de mailles revisitées et camail (protection métallique souple recouvrant le crâne, le cou et le haut du torse et des épaules durant le bas Moyen Âge), ceinture mixant celle des chevaliers et celle de Chanel, aumônière et chaussures montantes. La guerrière rétrofuturiste est en marche, entre transparence et opacité, inspirée de l’imagerie autour de Jeanne d’Arc.</p>
<p>Ainsi la cotte de mailles et le camail deviennent deux emblèmes féministes, comme en témoigne la <a href="https://www.vogue.com/article/zendaya-met-gala-red-carpet">tenue qu’arbore Zendaya</a> au Met Gala 2018, dans une tenue Versace qui évoque une Jeanne d’Arc des temps modernes.</p>
<p>La cotte de mailles s’est allongée et elle est fendue sur le devant ; des fragments de haubert, c’est-à-dire de la cotte de mailles, ainsi que le gorgerin qui assure la protection du cou ont été conservés tandis que la cuirasse a disparu ; la braconnière, c’est-à-dire les lames articulées qui recouvrent le ventre et le haut des cuisses et les tassettes protégeant l’aine ont été conservées et revisitées.</p>
<p>On songe encore à la rappeuse Cardi B <a href="https://www.radiofrance.fr/mouv/balenciaga-remet-le-moyen-age-au-gout-du-jour-avec-ses-bottes-version-medieval-5519935">qui porte des chaussures Balenciaga</a>, lors d’un défilé digital, pour la sortie du jeu vidéo <em>Afterworld : The Age of Tomorrow</em>. L’objet improbable et importable comporte jambière, cuissot, genouillère articulée, grève qui protège le tibia et soleret pour le pied, pièces directement héritées des chausses du chevalier médiéval, le talon aiguille en plus.</p>
<p>Mais c’est Alexander McQueen (1969-2010), styliste britannique, qui a notamment habillé David Bowie ou Lady Gaga, qui a su réinventer un Moyen Âge rétrofuturiste, féministe et queer, entre obscurité et flamboyance. Son travail <a href="https://toutelaculture.com/tendances/mode/alexander-mcqueen-le-testament-un-film-poignant-signe-loic-prigent/">s’articule avec une réflexion sur la société post-moderne</a>.</p>
<p>Dès 2009, son défilé « The Horn of Plenty » (« La corne d’abondance ») résonne avec la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_%C3%A9conomique_mondiale_des_ann%C3%A9es_2008_et_suivantes">crise économique</a> de l’époque : le créateur tend au monde de la mode le miroir de ses outrances et de ses névroses consuméristes. Le 6 octobre 2009, son défilé suivant « Plato’s Atlantis » évoque le thème de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Atlantide">Atlantide</a> ». Mais c’est sa vision du Moyen Âge qui retiendra notre attention ici.</p>
<h2>« L’odeur mêlée du sang et des roses »</h2>
<p>Le défilé de la collection pour hommes d’A. McQueen, <a href="https://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/46918">« The Bone Collector »</a>, (« Le Fossoyeur »), en janvier 2010, est une sorte de memento mori, créé quelques mois avant son suicide par pendaison, la veille des obsèques de sa mère. Il renoue ici avec un Moyen Âge macabre, celui précisément du XV<sup>e</sup> siècle de la Peste noire.</p>
<p>Dans un décor d’ossuaire évoquant les catacombes, les mannequins arborent des vêtements représentant tibias, crânes ou cordes. Les costumes sont taillés dans des « body bags », sacs qui servent à emballer les cadavres à la morgue ; les costumes noirs sont couverts d’argile comme s’ils sortaient de sous la terre. Les hommes aux cheveux blonds vénitiens ont une coupe au bol ou un chignon tressé. Certains portent des cagoules qui ne laissent voir que les yeux et le nez, d’autres ont des masques, d’autres enfin ont le visage nu et pâle.</p>
<p>L’homme ressemble à un cadavre déterré dans un costume impeccable, entre proto-zombie et néo danse macabre. Le spectateur assiste à une danse macabre post-moderne exclusivement masculine, ce qu’elle était originellement au Moyen Âge. Dans l’imaginaire collectif, le Moyen Âge tardif est le temps de la peste, de la guerre de Cent Ans, de la famine et de la mort orchestrant une réflexion sur la caducité des choses terrestres.</p>
<p>Dans son célèbre ouvrage <a href="http://classiques.uqac.ca/classiques/huyzinga_johan/declin_moyen_age/declin_moyen_age.html"><em>L’Automne du Moyen Âge</em>, Johan Huizinga</a> définit l’esthétique de ce Moyen Âge tardif à travers cette image de « l’odeur du sang et des roses » qu’il emprunte à la plume du Bourgeois de Paris pour évoquer ce XV<sup>e</sup> siècle instable et ambivalent. Alors que les historiens de l’art envisageaient le Moyen Âge tardif comme un renouvellement préparant et préfigurant la Renaissance, Huizinga affirme qu’il est synonyme du déclin des formes : « la forme, dans sa luxuriance, envahit l’idée ; l’ornement se saisit de toutes les lignes et de toutes les surfaces. C’est un art où règne cette horreur du vide qui est peut-être une caractéristique des cultures à leur déclin ». Tout laisse à penser que le styliste a lu l’historien. En effet, à l’opposé de cette vision macabre imageant la fin du Moyen Âge, McQueen imagine aussi une collection posthume, « Angels and Demons » (hiver 2010) qui creuse encore le sillon du Moyen Âge tardif mais dans une version flamboyante de rouge, de doré, de broderies et d’orfèvreries.</p>
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<p>Après la déploration de la mort autour de la figure masculine vient la louange de la flamboyance des couleurs et des étoffes, autour de la collection femmes. Avec cette collection qu’il ne verra pas dans sa forme définitive, McQueen propose une vision lumineuse de ces « Dark Ages ». Mais au fond cette vision flamboyante, luxuriante du costume féminin, par sa surenchère, n’est que l’autre face de la pièce : derrière ces broderies chargées se donne à voir l’angoisse existentielle ; sous les draps de soie et les ornements ne reste que le corps appelé à devenir squelette. Les cheveux ont disparu sous une cagoule couleur chair faite de bandages, la peau est diaphane, les lèvres et les sourcils ont été estompés presque effacés. Certains mannequins ont une crête iroquoise, entre univers punk et transhumanisme.</p>
<p>Dans cet univers mi-médiéval, mi-post-apocalyptique, le futur est déjà passé. Les mannequins sont comme entravées dans leur marche, perchées sur des plates-formes à talons aiguilles de vingt centimètres qui peuvent évoquer les chaussures à patins que les élégantes des XIV<sup>e</sup> et XV<sup>e</sup> siècles arboraient. <a href="https://www.beauxarts.com/grand-format/le-jardin-des-delices-de-jerome-bosch-fantasmagorie-a-tous-les-etages/">Les dessins de Jérôme Bosch</a> représentant des humains suppliciés qui ornent les tissus voisinent avec des broderies dorées, des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Lion_rampant">blasons à Lion rampant</a> sur une cape noire…</p>
<h2>Un Moyen Âge féministe et queer</h2>
<p>L’importance donnée à la figure emblématique de Jeanne d’Arc s’articule autour d’une recréation d’un Moyen Âge queer qui vient se substituer au Moyen Âge obscur des romantiques.</p>
<p>On sait que Jeanne d’Arc est une <a href="https://www.lemonde.fr/livres/article/2022/11/11/dictionnaire-du-moyen-age-imaginaire-le-medievalisme-hier-et-aujourd-hui-il-etait-une-fois-le-moyen-age_6149506_3260.html">véritable icône pop outre-Atlantique</a>. Elle prête ainsi son nom aux femmes qui, par leurs discours militants, <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-d-etudes-americaines-2019-4-page-3.htm">transgressent les prescriptions du genre</a>.</p>
<p>Il n’est pas étonnant que cet « enfant terrible de la mode », Alexander McQueen, ait consacré un défilé en 1998 à cette figure mythique, imaginant un être caractérisé par sa fluidité de genre. Le défilé de mannequins aux yeux rouges, aux vêtements tantôt en cuir, tantôt en métal avec camail, met en scène des variations de Jeanne d’Arc aux côtés de représentants de l’Eglise, <a href="https://archived.co/Alexander-McQueen-Autumn-Winter-1998">ou encore de son bourreau</a>. Le spectacle se clôt sur Jeanne d’Arc en cotte de mailles rouge au visage entièrement recouvert d’une cagoule assortie, entourée de flammes au centre d’une scène circulaire. Les spectateurs assistent médusés <a href="https://www.vogue.fr/mode/article/hommage-mode-culture-queer-lgbt">à sa mise au bûcher</a>.</p>
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<p>Chez Mc Queen, le Moyen Âge devient le symbole d’un double testament, celui d’une société en proie à la déraison et au déclin et celui, plus personnel, d’un homme en proie à ses démons.</p>
<p>Si Paco Rabanne et Alexander McQueen ont construit de toutes pièces une femme rétrofuturiste, on peut se demander s’ils avaient lu le Mallarmé chroniqueur de mode qui écrivait sous des pseudos comme Miss Satin ou Marguerite de Ponty, dans <em>La Dernière Mode</em> en 1874 et pour qui le vêtement féminin moderne devait se faire armure, « cotte de mailles et cuirasse » véritable « enveloppe d’une guerrière ou d’une déité marine » afin de transcender le corps ou les attributs classiques de la féminité pour en extraire la notion pure, l’idée ou « l’illusion ».</p>
<p>Au-delà du prisme romantique médiévalisant, illusion d’un Moyen Âge retrouvé, qu’ils ont refusé d’explorer, ces deux stylistes hors du commun ont su inventer un costume post-moderne, rétrofuturiste, féministe et queer, laissant notamment leur empreinte dans le travail de Balenciaga, maison dans laquelle la mère de Paco Rabanne avait débuté comme petite main, recréant ainsi des filiations symboliques.</p>
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<p><em>Cet article a été corédigé avec Mathilde Lucken, étudiante à Sciences Po Rennes, autrice de l’ouvrage « Mémoires de femmes », paru en 2023.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223899/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Patricia Victorin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Il existe dans la mode un Moyen Âge queer et rétrofuturiste qui ne cesse de renaître de ses cendres.Patricia Victorin, professeure des universités en langue et littérature médiévales, Université Bretagne SudLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2234212024-03-07T16:18:02Z2024-03-07T16:18:02ZDans « Pauvres créatures », des costumes pour rapiécer les destins<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577969/original/file-20240226-28-ouf33d.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=25%2C10%2C932%2C579&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">A Lisbonne, Bella se lance dans une danse endiablée.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-290065/photos/detail/?cmediafile=22056255">Allociné</a></span></figcaption></figure><p>« Dress the creature, will you ? » : c’est Dirk Bogarde qui formule cette demande dans le film <a href="https://www.cinematheque.fr/article/1583.html"><em>Providence</em> (1977) d’Alain Resnais</a>, à un tailleur engagé pour habiller un étrange personnage, qui a tendance à se couvrir d’un excès de poils et à se transformer en loup-garou. Mais « Habillez la créature, voulez-vous ? » peut aussi s’interpréter comme la phrase clé qui définit le lien que le cinéma contemporain voit entre le dépassement de l’animalité et la civilisation : question d’habits, de costumes propres au « sacerdoce » social.</p>
<p>Au cinéma, les costumes agissent en même temps comme des filtres qui révèlent ou dissimulent une dimension intime des personnages. Ils contraignent les corps, définissent les gestes, et forment une sorte de deuxième peau pleine d’indices <a href="https://journals.openedition.org/signata/2878">sur le passé et le destin probable des protagonistes</a>.</p>
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<p>Dans le film <em>Pauvres créatures</em>, le personnage de Bella Baxter (interprétée par Emma Stone) est une jeune femme enceinte suicidaire. Elle saute d’un pont, puis est ramenée à la vie par un savant fou qui implante dans son crâne le cerveau du bébé qu’elle portait. Le spectateur se retrouve alors en présence de cette femme « réenfantée » qui est à la fois une chimère, résultat d’une expérimentation médicale délirante, et l’incarnation du désir masculin le plus stéréotypé.</p>
<p>Placée dans cette situation narrative paradoxale, à la fois nourrisson et jeune femme, la protagoniste incarne une sorte de dissonance cognitive et affective entre aptitude morale et tenue sociale. À travers ses nombreux changements de costumes – conçus par la très douée <a href="https://www.harpersbazaar.fr/mode/rencontre-avec-holly-waddington-costumiere-de-pauvres-creatures-je-voulais-que-les-tissus-donnent-limpression-detre-en-vie_1790">Holly Waddington</a> – le film de Yorgos Lanthimos nous montre le potentiel d’ambivalence des relations humaines, quand le fait de prendre soin cohabite avec une forme de cruauté.</p>
<h2>Subversion des mœurs</h2>
<p>Le raffinement excessif des <a href="https://www.metmuseum.org/art/metpublications/From_Queen_to_Empress_Victorian_Dress_1837_1877">vêtements de style victorien tardif</a>, choisis pour évoquer la fin du XIX<sup>e</sup> siècle – dans un univers plein d’anachronismes – contraste avec l’incapacité, pour l’héroïne, d’adopter un comportement digne de ses parures.</p>
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<p>Ce décalage perturbe le regard des médecins – des adultes aux manières impeccables – qui entourent la jeune femme. Ils s’efforcent de maintenir un regard clinique sur la chimère qu’ils ont créée et sur son apprentissage des choses de l’esprit et de la chair. Dans une synchronisation contre nature de leurs développements respectifs – tête malléable (de bébé) et corps irrésistible (de jeune femme)–, ce personnage d’innocente pécheresse est une projection exclusivement masculine de la féminité.</p>
<p>Selon les canons de la fable pourtant dystopique, la contre-histoire de l’héroïne – objet du désir à la découverte de ses propres appétits – passe sans surprise par l’étape de l’éloignement.</p>
<p>Après un rocambolesque voyage, Bella finit par céder aux désirs masculins, puis se range en se mariant, après un itinéraire suffisamment surprenant pour préserver une forme de suspense – et donc de désir. L’attrait irrépressible éprouvé par les personnages masculins pour cette femme est tolérable aux yeux de Bella à condition qu’elle ne soit pas perçue comme un membre de la famille (ni fille, ni épouse) ni prise dans une relation professionnelle (cobaye ou patiente). Ainsi, au lieu d’épouser le disciple du père, Max McCandles (Ramy Youssef), Bella fuit à l’étranger avec Duncan Wedderburn (Mark Ruffalo).</p>
<p>Si ce dernier voit en Bella la chimère d’un pur désir, comme celui incarné par les poupées mécaniques (imaginaire filmique qui traverse l’histoire du cinéma de <em>Die Puppe</em> de Lubitsch au <em>Casanova</em> de Fellini), la femme réenfantée déconstruit peu à peu la sacralisation hypocrite de la figure féminine ; une déconstruction qui passe par la subversion des mœurs et, figurativement, des costumes.</p>
<h2>Des costumes parlants</h2>
<p>La trame du film est en effet ponctuée par les changements de vêtements de la protagoniste. Toutefois, en évitant toute déclinaison didactique et pédante des thèmes évoqués (l’empire du désir masculin, l’émancipation féminine), <em>Pauvres créatures</em> ne présente pas une évolution linéaire de l’héroïne et de ses costumes.</p>
<p>La surabondance et l’apparence des vêtements dépassent les postures et les gestes de la protagoniste. D’une part, les manches énormes des vêtements rappellent des « poumons » (comme l’a dit la costumière elle-même), des prothèses respiratoires qui permettent à cette femme suicidaire d’être encore vivante ; d’autre part, Bella semble toujours sur le point de disparaître dans les plis de sa robe, comme engloutie par une machine désirante plus grande qu’elle.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=383&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577970/original/file-20240226-24-wodr4p.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=482&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des manches-poumons.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-290065/photos/detail/?cmediafile=22056255">Allociné</a></span>
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<p>Comment échapper à la confection, à la fabrication d’artifices ? Le parcours initiatique de Bella est ponctué de robes splendides qui empêchent toute émancipation, et ne lui permettent pas d’exprimer qui elle est. À travers la multiplication des costumes, Bella semble comprendre qu’elle doit accepter son destin de chimère, y adhérer encore et encore et encore avec de nouvelles mises, sans échappatoire à ce destin soumis au règne de l’artifice.</p>
<p>D’ailleurs, le père de Bella, Godwin Baxter (Willem Dafoe) est un Frankenstein social qui a décidé de reproduire l’artifice chimérique dont il est lui aussi un résultat aberrant : il survit grâce à des dispositifs médicaux alambiqués et son visage n’est qu’un affreux rapiéçage de peaux et d’os recomposés. La reprise et variation constante d’une malédiction originaire est-elle le meilleur moyen de s’adapter à cette dernière ? Le docteur Baxter rote comme un petit enfant en produisant une sorte de bulle de savon/saveur dont on craint qu’elle n’éclate en survolant les plats d’un somptueux dîner. Ce circuit du besoin alimentaire – à partir du bol alimentaire dans la bouche, des sécrétions sont déjà générées qui assaisonneront la table avec de nouveaux condiments ! – est à la fois dégoûtant et sublime car il passe justement par une bulle, une enveloppe précaire et translucide qui concède aux « pauvres créatures » la possibilité de développer, malgré tout, une intériorité. Les vêtements sociaux, comme des bulles, échappent alors à leurs créateurs, en disséminant ici et là une partie de leur vécu.</p>
<h2>Jouer avec la difformité</h2>
<p>Les vêtements de Bella, avec leurs épaulettes bizarrement disproportionnées, poussent l’esthétique sociale jusqu’aux limites de la difformité. Si l’on met de côté la robe bleue portée par la protagoniste dans lorsqu’elle saute d’un pont, la première robe dans laquelle on la voit ressuscitée se présente comme une série d’excroissances, résonances textiles des des bonnes manières. Ces représentations difformes du goût social dessinent une sublime « femme-éléphant », ou une créature digne de <em>La Forme de l’eau</em> (Guillermo del Toro, 2017). Côté syntaxe vestimentaire, un jupon à la queue rembourrée (sorte d’infinie « perruque de juge », selon Waddington) accompagné d’une veste aux épaules surdéveloppées (4<sup>e</sup> costume de Bella) dessinent une femme à la fois vamp et enfant, prête à séduire et en même temps à se pisser dessus.</p>
<p>Ce n’est que lorsque Bella annonce qu’elle veut se marier et partir en voyage que ses vêtements apparaissent, l’espace d’un instant, presque normaux, avec une coupe équilibrée et plus moulante. Mais alors qu’elle prépare ses vêtements pour le départ, son père coud dans l’un d’eux une poche intérieure dans laquelle il cache de l’argent. De manière emblématique, la survie de la femme continue de passer par les coutumes sociales qu’elle devra porter. Toute la vie du père putatif est également faite de prothèses (machines dont sa physiologie est dépendante) et de rapiéçages (son visage est une série de raccommodages de morceaux de peau).</p>
<h2>La poupée libérée</h2>
<p>Nous avons parlé de l’ambiguïté du désir masculin : les vêtements de Bella préfigurent et contiennent sa beauté explosive ; parallèlement, ils la transforment en poupée prête à satisfaire le désir masculin. Vers le milieu du film, Bella Baxter est accidentellement reconnue à Lisbonne comme la défunte Victoria Blessington ; cet événement, apparemment aussitôt archivé par la protagoniste, la pousse en réalité à dénuder ses épaules et avec des pantalons déjà transparents, elle se lance dans un ballet totalement anachronique et primitif. Non seulement elle finit par impliquer son mari dans la danse mais l’utilise, en le manipulant par derrière, presque comme une marionnette, dans le but d’inscrire sur le corps masculin les gestes de libération féminine que celui-ci voulait en fait camoufler.</p>
<p>La force de cette danse libératrice s’amplifie à travers la convocation d’une imaginaire visuelle plus vaste. En effet, peu après, le film nous présente, dans la cour du docteur Baxter, une seconde femme (Felicity), dotée d’un implant cérébral de fœtus. Cette réédition de la chimère est interprétée par Margaret Qualley, ce qui nous invite à relire la scène de la danse comme une citation possible du célèbre spot <a href="https://www.youtube.com/watch?v=NoMqvniiEkk">Kenzo World</a> réalisé par Spike Jonze (2016). Dans cette publicité, Qualley quittait un gala de fin d’année, emblème d’une société opulente, pour se lancer dans une danse où les gestes animaux sont adoptés comme une claire transgression des normes, normes dans lesquelles la femme risque d’être emprisonnée dans une opposition de finalisations du désir masculin que Lanthimos rappelle impitoyablement : « tu me tues ou bien tu m’épouses ».</p>
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<h2>Perversion de la beauté</h2>
<p>Si la musique du film, jouée sur des instruments désaccordés, thématise une esthétique défaillante, la magnificence des costumes incarne la perversion de la beauté à laquelle on ne peut échapper. Chacun doit rentrer dans ses propres « habits » et renverser le sens habituel des artifices, qui dépassent leur statut fonctionnel et deviennent des idéalisations alambiquées auxquelles il faut tenter d’adhérer faute de mieux.</p>
<p>Toutefois, les aventures de Bella ne sont pas édifiantes (la protagoniste se consacre tour à tour au luxe, à la prostitution et à une vengeance cruelle), et ses vêtements marquent précisément les contradictions de son parcours existentiel.</p>
<p>Lorsqu’elle se trouve à pleurer devant un lazaret que lui montre le cynique Harry Ashley, Bella arbore les vêtements les plus ostensiblement aristocratiques (une robe victorienne blanche à manches bouffantes), et son rouge à lèvres est la première chose qu’elle regrette face aux horreurs du monde.</p>
<p>Au contraire, quand elle reprend en main son destin à Paris pour se lancer dans l’expérimentation extrême de la prostitution, ses vêtements sont de nouveau contenus et moulants (une cape en latex jaune, une sorte « manteau-préservatif », selon Waddington). Lorsqu’elle rentre finalement à Londres, elle est accueillie par la servante comme « le cheval qui est rentré à la maison », vêtue toute en noir, prête à rencontrer à nouveau un père putatif qui a déjà un pied dans la tombe et donc peut-être prêt à lui révéler ce qu’elle craint déjà en réalité : elle est à la fois mère et fille d’elle-même, prisonnière d’un circuit masculin qui la réduit à une « pauvre créature » : objet du désir et machine à procréer.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=466&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577979/original/file-20240226-26-mbbxr.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=586&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Une « robe-préservatif », selon la costumière., pour la période où Bella se prostitue à Paris.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-290065/photos/detail/?cmediafile=22056255">Allociné</a></span>
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<p>La cape jaune et semi-transparente de Paris est presque reproduite à l’identique à Londres dans la séquence dans laquelle elle demande au docteur Max McCandles de l’épouser ; mais le costume suivant, la robe de mariage, aux épaulettes disproportionnées, affiche de nouveau le thème du dédoublement : Bella est cette femme qui veut intégrer une nouvelle famille (et avec elle, la médecine) et une femme déjà mariée, avant son suicide, avec Alfie Blessington. De manière assez surprenante, Bella demande à Dieu (mais « God » est aussi le diminutif du père putatif, Godwin Baxter) de pouvoir quitter à la fois l’église et le mariage en cours, afin de suivre son ancien époux. En réalité, elle veut comprendre les raisons de son suicide.</p>
<h2>Renverser les hiérarchies</h2>
<p>Bella Baxter ne devra pas attendre longtemps pour passer d’une robe blanche luxueuse, qui épouse l’élégance du palais où réside son mari, à son premier costume rouge, caractérisé par une allure « militaire » et par une forme trapézoïdale sur la poitrine. Cette forme géométrique est inversée : en effet, Bella se retrouve sous l’autorité de son mari, réduite à l’état de prisonnière, un objet appartenant au « territoire » de celui-ci. Mais la robe indique justement que Bella est déjà prête à renverser les hiérarchies, au point de capturer le mari pour lui implanter le cerveau d’une chèvre et l’amener ainsi à brouter le gazon, le « territoire » des Baxter. Le bleu du vêtement de Mme Blessington suicidaire se transforme en rouge dans la robe de Bella qui lui permet d’assumer ses propres cruautés : d’un côté, son « manque d’instinct maternel » (elle n’a jamais accouché, et s’est suicidée en entraînant dans la mort de son propre enfant), et de l’autre, la réduction du mari – un général – à un animal « incurable » (sa perte d’humanité est définitive).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=359&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/577977/original/file-20240226-16-gfx0s.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=451&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un retour à la normale ?</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-290065/photos/detail/?cmediafile=22056255">Allociné</a></span>
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<p>En ce sens, le spectateur reste dans le doute et ne sait pas si l’émancipation de Bella l’a simplement admise au carrousel des horreurs ; ou si les rapiéçages opérés sur les êtres les plus déchirés peuvent finalement faire émerger une famille au-delà du patriarcat et peut-être même du matriarcat : une famille sans créatures ni marionnettistes, sans cobayes ni savants fous. Certes, le dernier costume qui caractérise son personnage – un pull en tricot à col roulé et une jupe longue – suggère une attitude décontractée, mais le jardin qui l’entoure est trop bizarre pour que l’on se sente vraiment rassuré.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223421/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pierluigi Basso Fossali a reçu des financements de l'ANR.</span></em></p>L’héroïne du film de Yorgos Lanthimos offre l’occasion rêvée de percevoir les possibles dissonances entre la « tenue » sociale et les costumes que l’on porte.Pierluigi Basso Fossali, Professeur en sciences du langage, Université Lumière Lyon 2 Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2239032024-02-27T16:15:34Z2024-02-27T16:15:34ZUne expo, un chercheur : les « Transparences » d’Yves Saint Laurent dans l’œil d’un physicien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/578335/original/file-20240227-20-6jv793.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C8%2C988%2C631&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Sur ces modèles iconiques, différentes matières sont employées pour obtenir des effets de transparence.</span> <span class="attribution"><span class="source">Thibaut Voisin / Musée Yves Saint Laurent</span></span></figcaption></figure><p><em>Serge Berthier est professeur de physique émérite à l’université Paris Cité et chercheur à l’Institut des NanoSciences de Paris (CNRS–Sorbonne Université). Il a publié de nombreux livres sur les structures et les couleurs des insectes ainsi qu’un essai sur la bio-inspiration (« L’éveil du Morpho », Flammarion).</em></p>
<p><em>Nous l’avons accompagné au <a href="https://museeyslparis.com/expositions/yves-saint-laurent-transparences">musée Yves Saint Laurent</a>, curieux de son regard aussi scientifique qu’émerveillé sur les effets de transparence dans la mode et les parallèles possibles avec la transparence dans la nature. Dès les années 1960, Yves Saint Laurent s’intéresse aux différentes matières qui permettent de jouer avec cet effet optique. Mousseline, organza, tulle, Cigaline, dentelle… Sensualité et élégance se conjuguent, dans une célébration toujours renouvelée de la beauté et de la liberté des corps féminins.</em></p>
<hr>
<p>Le monde universitaire n’est pas trop à cheval sur la tenue de ses employés et entrer dans le temple de la haute couture m’a procuré la même excitation, teintée d’une certaine appréhension, que lorsque je m’enfonce dans une jungle équatoriale. Surprise, étonnement, puis questionnement. En quoi la transparence de la robe en Cigaline qui nous accueille dès l’entrée de l’exposition par exemple, diffère-t-elle précisément de celle d’une aile de cigale ? Mais aussi en quoi montrer le corps féminin participe-t-il à sa libération, comme l’affirme Yves Saint Laurent ?</p>
<h2>Définir la transparence</h2>
<p>Transparence ! Le mot peut avoir de nombreuses significations. Que recouvre exactement le terme d’un point de vue scientifique ? Lorsque la lumière passe au travers de la matière, on parle de transparence ou de translucidité. Dans le cas de la transparence, les rayons lumineux ne sont ni arrêtés ni déviés. L’objet qui se trouve derrière reste visible : c’est ainsi que les blouses et les robes transparentes de Saint Laurent dévoilent le corps.</p>
<p>Quand on parle de matière translucide, en revanche, la lumière passe mais les rayons sont déviés, diffusés dans toutes les directions. C’est le cas par exemple du papier huilé des paravents japonais ou du verre dépoli. La lumière passe mais pas l’image de l’objet se trouvant derrière. Bien sûr, il existe un continuum entre le transparent et le translucide.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4031%2C3017&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576558/original/file-20240219-26-5esi3k.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La transparence des créations haute couture d'Yves Saint Laurent dans l'oeil de Serge Berthier.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Le mouvement a également une influence sur la transparence. Lorsqu’un insecte aux ailes transparentes vole ou qu’un mannequin défile dans un vêtement transparent, l’œil humain ne perçoit pas toujours ce qui se trouve derrière la matière, car le mouvement « brouille » le message visuel.</p>
<p>Mais il peut, à l’inverse, faire apparaître ou disparaître la transparence, comme sur cette robe aux très nombreux plis où le corps n’apparaît que lorsqu’ils s’écartent au gré des déplacements.</p>
<p>Une des robes iconiques d’Yves Saint Laurent, la <a href="https://www.numero.com/fr/mode/yves-saint-laurent-dentelle-cite-de-la-mode-et-de-la-dentelle-calais-exposition-transparence">« nude dress »</a> (« robe nue »), laisse supposer une transparence quasi complète. Or, d’un point de vue physique, aucun matériau n’est à 100 % transparent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=531&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578212/original/file-20240227-16-386gj1.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=668&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">À gauche, un croquis de Saint Laurent pour la « nude dress ». À droite, robe du soir portée par Danielle Luquet de Saint-Germain. Collection haute couture automne-hiver 1968. Photographie de Peter Caine (Sydney).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Yves Saint Laurent/Peter Caine (Sydney)</span></span>
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<p>De même, si on superpose plusieurs épaisseurs d’un tissu transparent (comme le tulle) l’épaisseur des couches finit par annuler l’effet de transparence. C’est le cas avec la robe en tulle rouge que vous pouvez voir sur la photo en tête d’article.</p>
<p>Autre différence entre l’aile et la robe : Dans le cas des vêtements exposés ici, la transparence est obtenue grâce aux trous laissés <a href="https://orageuse.com/glossary/chaine-et-trame/">entre la trame et la chaîne</a> du tissu et non au matériau lui-même. On a en quelque sorte, retiré de la matière. Ce n’est pas ainsi que la transparence fonctionne dans la nature.</p>
<h2>La transparence, quel intérêt ?</h2>
<p>La transparence est très présente dans la nature, en particulier chez les animaux aquatiques. Sur terre, elle est beaucoup plus rare, sauf chez certains insectes, qui ont des ailes très transparentes et parfois dotées de propriétés antireflet.</p>
<p>Les lépidoptères (papillons de jour et de nuit) représentent un groupe exceptionnel pour étudier la transparence sur terre, car de nombreuses espèces ont développé des ailes partiellement ou totalement transparentes. L’efficacité de la transmission de la lumière est largement déterminée par la microstructure des ailes (forme des écailles, insertion, coloration, dimensions et densité), les nanostructures qui les recouvrent et la macrostructure (surface des ailes, taille de l’espèce ou surface de l’aile).</p>
<hr>
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<img alt="Vignette de présentation de la série « Une expo, un chercheur », montrant une installation artistique de l’artiste Kusama." src="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/539052/original/file-20230724-21-ipn5gj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em><em>« Une expo, un·e chercheur·euse »</em> est un nouveau format de The Conversation France. Si de prime abord, le monde de l’art et celui de la recherche scientifique semblent aux antipodes l’un de l’autre, nous souhaitons provoquer un dialogue fécond pour accompagner la réflexion sans exclure l’émotion. Cette série de rencontres inattendues vous guidera à travers l’actualité des expositions en les éclairant d’un jour nouveau.</em></p>
<hr>
<p>Chez beaucoup d’organismes vivants, la transparence est utilisée à des fins de camouflage. Le camouflage, du moins dans le domaine visible, consiste à reproduire sur soi les motifs de l’environnement proche pour se fondre dans ce dernier. Difficile quand l’environnement varie, au cours de ses déplacements par exemple. Hormis pour quelques rares organismes capables de modifier leur apparence et leur couleur comme les pieuvres et les caméléons, la transparence constitue la meilleure façon de s’adapter à un environnement changeant.</p>
<p>La transparence est plus facile à obtenir dans l’eau que dans l’air. En effet, la quantité de lumière réfléchie à la surface d’un dioptre, l’interface, dépend directement du contraste d’indice optique entre les deux matériaux : plus il est faible et moins il y a de réflexion, donc plus de transparence. Eau et tissus biologiques ont des indices très proches, ce qui supprime pratiquement les reflets. Ce n’est pas le cas sur terre où le contraste est plus élevé. Aussi, de nombreux organismes comme les cigales ou les libellules par exemple ont-ils développé sur leurs ailes des structures antireflet, appelées « moth-eye structures » car découvertes sur les yeux de certains papillons de nuit.</p>
<p>Indépendamment des reflets qu’ils peuvent générer, tous les matériaux présentent une certaine absorption lumineuse qui finit par les rendre opaques s’ils sont trop épais. Une grande finesse devient ainsi le gage d’une grande transparence : tout pour plaire à un grand couturier !</p>
<p>Mais grande transparence ne signifie pas forcément invisibilité. Un autre phénomène entre alors en jeu : les interférences !</p>
<h2>Visibles et invisibles</h2>
<p>Le camouflage a pour fonction première de faire disparaître une proie potentielle aux yeux de ses prédateurs. Mais il ne doit cependant pas entraver la reconnaissance intraspécifique entre partenaires : il faut être invisible pour les prédateurs mais rester visible pour sa propre espèce.</p>
<p>Sur un film très mince, comme la membrane d’une aile de papillon ou une bulle de savon, des interférences constructives peuvent se produire qui vont faire apparaître des patterns colorés de très faible intensité, pratiquement invisibles à nos yeux, et à ceux des prédateurs, mais parfaitement reconnaissables par les membres de l’espèce. La couleur émergente dépend à la fois de l’épaisseur du film, et de l’angle d’incidence de la lumière. Sur un corps en mouvement, ce dernier est éminemment changeant, ce qui fait apparaître de magnifiques iridescences.</p>
<p>Les fibres utilisées pour les robes d’Yves Saint Laurent sont évidemment trop épaisses pour créer de tels effets. Aussi, sur l’une des robes exposées, a-t-il cherché à les recréer à l’aide de fibre colorée par des pigments.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/576565/original/file-20240219-26-aafw1l.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un effet faussement irisé.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Cette technique est d’ailleurs également utilisée par de nombreux insectes dotés d’ailes trop épaisses pour créer des interférences mais qui contiennent des pigments. La transparence en est alors plus ou moins réduite selon la concentration en pigment.</p>
<p>Une grande transparence peut donc être utilisée comme outil de communication entre mâles et femelles. Et c’est peut-être là, d’un point de vue fonctionnel, le point commun à l’aile et à la « robe nue » ou au vêtement transparent !</p>
<p>Nous l’avons vu : la transparence des tissus est plus obtenue par leur structure ajourée que par la matière elle-même. C’est également ainsi que certains insectes laissent passer la lumière au travers de leurs ailes. Il s’agit plus alors de translucidité que de transparence.</p>
<p>Les coléoptères et les scarabées ont des ailes renforcées, épaisses et dures, et très souvent pigmentées : impossible pour la lumière de les traverser. Or tous les insectes ont besoin de la lumière du soleil pour se chauffer. Certains ont résolu le problème en la laissant passer par des puits de lumière qui parsèment l’élytre.</p>
<h2>Vivre nus : de « l’instinct primaire » à la haute couture</h2>
<p>Le vêtement est un objet multifonctionnel comme les aime la nature. Cette idée de l’homme ou, en la circonstance, de la femme nue, me fait penser à cette émission de téléréalité <em>Retour à l’instinct primaire</em> (<em>Naked and Afraid</em> en VO) dans laquelle un homme et une femme doivent survivre en milieu hostile pendant trois semaines sans nourriture, ni eau, ni vêtements… Cette idée d’un instinct primaire qui coïnciderait avec la nudité me parait un parfait contresens. Le vêtement est un artefact apparu <a href="https://www.mnhn.fr/fr/depuis-quand-porte-t-on-des-vetements">très tôt dans l’histoire de l’humanité</a>, et il y a fort à parier qu’en de telles circonstances, nos ancêtres « primaires » auraient commencé par se vêtir, non seulement pour se protéger des intempéries mais sûrement aussi par simple pudeur. La feuille de vigne existe depuis l’aube de l’humanité.</p>
<p>La transparence est donc, en théorie, incompatible avec la fonction même du vêtement, qui est censé revêtir le corps, le dissimuler et le protéger. Les effets de transparence dans la mode jouent un peu sur cette ambiguïté entre ce que l’on montre et ce que l’on cache, dans un jeu de séduction subtil – un peu comme les papillons Morpho se parent de couleurs vives et irisées pour mieux séduire les femelles.</p>
<p>La fonction de la transparence chez les humains, mise en lumière dans cette exposition, est cependant très différente de celle qu’elle remplit chez les insectes : il ne s’agit pas de se cacher mais au contraire de se faire remarquer, de se distinguer. Le raffinement du vêtement signale une certaine aisance financière, tandis que la capacité à le dévoiler montre une forme d’assurance quant à son pouvoir de séduction. Si on aperçoit des parties du corps, on remarque tout autant l’originalité du vêtement, léger et pourtant présent, qui s’éloigne au maximum de sa fonction « pratique » pour souligner sa fonction esthétique et sociale. C’est aussi un moyen de jouer sur la dialectique entre nature et culture : on dévoile la matérialité physique du corps, mais la médiation du vêtement dénote une extrême sophistication.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=402&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/578339/original/file-20240227-28-59oky3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=505&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La fonction de la transparence chez les humains est très différente de celle qu’elle remplit chez les insectes.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Thibaut Voisin / Musée Yves Saint Laurent</span></span>
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<hr>
<p><em>Merci à Serena Bucalo-Mussely, responsable des collections du musée Yves Saint Laurent et Domitille Eblé, chargée des collections arts graphiques au Musée Yves Saint Laurent, d’avoir accompagné notre visite.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/223903/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Serge Berthier a reçu des financements de l'ANR et HFSP. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Sonia Zannad ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En quoi la transparence de la blouse transparente qui nous accueille dès l’entrée de l’exposition par exemple, diffère-t-elle précisément de celle d’une aile de cigale ?Serge Berthier, Professeur en physique, Sorbonne UniversitéSonia Zannad, Cheffe de rubrique Culture, The Conversation FranceLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2211822024-02-08T17:00:01Z2024-02-08T17:00:01ZMission Artemis : découvrez les combinaisons spatiales qui emmèneront les humains sur la Lune<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569347/original/file-20240115-45156-2mcjju.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C11%2C4000%2C2233&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Astronaute sur la Lune (mise en scène).</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.nasa.gov/wp-content/uploads/2021/11/sandyastrov2_16x9_0.jpg">NASA</a></span></figcaption></figure><p>Au cours des 20 dernières années, les nouvelles technologies développées par la <a href="https://www.nasa.gov/humans-in-space/astronauts/spacesuits/">NASA</a> ont abouti à un nouveau prototype de combinaison spatiale, xEMU (<em>Exploration Extravehicular Mobility Unit</em>). C’est de ces recherches que sont issues les futures combinaisons spatiales AxEMU de la mission Artémis III, dont le but est de relancer l’exploration lunaire par l’humanité.</p>
<p>Les nouvelles combinaisons sont en développement chez <a href="https://www.axiomspace.com/axiom-suit">Axiom Space</a> (sous contrat avec la NASA). Cette entreprise a créé la surprise en annonçant, en octobre 2023, un <a href="https://www.theguardian.com/science/2023/oct/07/nasa-artemis-iii-moon-mission-prada-axiom-space-spacesuit">partenariat</a> avec la célèbre maison de couture italienne Prada.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567643/original/file-20240103-29-tnpg0m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La combinaison spatiale AxEMU présentée par la société Axiom Space.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.axiomspace.com/axiom-suit">Axiom Space</a></span>
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</figure>
<h2>Une peau multicouche</h2>
<p>Une combinaison spatiale ressemble à un vaisseau spatial… conçu pour un seul utilisateur et capable de se déplacer, avec deux composantes principales : le vêtement pressurisé et le système de survie.</p>
<p>Le vêtement pressurisé, qui peut comporter jusqu’à seize couches, épouse les contours du corps, le protège et permet une certaine liberté de mouvement.</p>
<p>Dans l’espace, les astronautes sont confrontés à un environnement hostile où la chaleur est transmise principalement via le rayonnement. Les couches extérieures des combinaisons sont exposées à des températures extrêmes (entre +120 °C et -180 °C) selon que l’astronaute reçoit des radiations solaires ou qu’il fait face à l’espace intersidéral, dont la température est de -270 °C. Pour isoler thermiquement les astronautes de l’extérieur, on utilise un système composé de <a href="https://www.nasa.gov/wp-content/uploads/2009/07/188963main_extravehicular_mobility_unit.pdf">nombreuses couches</a> de <em>mylar aluminisé</em>.</p>
<p>En outre, la couche extérieure, constituée d’« Ortho-Fabric », doit non seulement protéger l’astronaute contre <a href="https://ttu-ir.tdl.org/server/api/core/bitstreams/da2078f1-6e2d-49ce-8e46-0f7dda027ce9/content">divers dangers</a>, tels que les rayonnements ionisants, les rayons ultraviolets, le plasma et les micrométéorites, mais aussi remplir un rôle clé dans l’absorption et l’émission des rayonnements.</p>
<p>Ses propriétés thermo-optiques sont essentielles pour maintenir les astronautes à la bonne température. La couleur blanche caractéristique des combinaisons reflète une grande partie du rayonnement solaire direct et celui de la surface lunaire (albédo) tout en émettant une grande quantité de rayonnement.</p>
<h2>La poussière lunaire, le plus gros problème</h2>
<p>La poussière abrasive de la surface lunaire, qui ne doit pas pénétrer dans la combinaison, constitue un défi de taille. En outre, ces poussières, qui constituent le régolithe (ou sol) lunaire, portent des charges électrostatiques. Ces charges font adhérer les poussières à la surface de la combinaison, ce qui complexifie considérablement la moindre tâche à réaliser pour les astronautes.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/567645/original/file-20240103-25-cn1eqj.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">L’astronaute Harrison Schmitt lors d’une sortie dans l’espace de la mission Apollo 17.</span>
<span class="attribution"><span class="source">NASA</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Gene Cernan, le commandant de la mission Apollo 17, a évoqué les difficultés liées à la poussière lunaire lorsqu’il a parlé de son <a href="https://www.space.com/moon-dust-problem-lunar-exploration.html">expérience sur la Lune</a> :</p>
<blockquote>
<p>« Je pense que nous pouvons surmonter tous les problèmes physiologiques, physiques et mécaniques, sauf la poussière. », Gene Cernan, commandant de la mission Apollo 17.</p>
</blockquote>
<p>C’est pour cela que les xEMU actuelles intègrent un <a href="https://techport.nasa.gov/view/32733">bouclier anti-poussière électrodynamique</a>. Ce système exploite ces charges électrostatiques pour déloger la poussière lunaire des surfaces extérieures des combinaisons.</p>
<h2>Les combinaisons spatiales transpirent aussi</h2>
<p>Si l'on isole complètement l’astronaute de l’environnement extérieur, on est confronté à un défi considérable : le corps lui-même diffuse de la chaleur par le biais du métabolisme, générant entre 200 et 400 watts en fonction de l’activité physique, ce qui devrait entraîner une augmentation de la température à l’intérieur de la combinaison. Pour éviter ce problème, sous la couche pressurisée, le vêtement de refroidissement et de ventilation liquide <a href="https://www.nasa.gov/wp-content/uploads/2017/02/esoc-13_rev._v_emu_hardware_data_book_jsc-e-daa-tn55224.pdf">(LCVG)</a> est en contact direct avec la peau de l’astronaute.</p>
<p>Dans les années 1970, on s’est aperçu que le refroidissement par flux d’air n’était pas suffisant pour les combinaisons spatiales et le refroidissement par liquide en circuit fermé du LCVG a commencé à être utilisé.</p>
<p>Dans ce système, l’eau circule autour du corps à l’aide d’une pompe et absorbe la chaleur. Elle est ensuite dirigée vers un échangeur de chaleur dans le système de survie. Dans ce dispositif, l’eau d’un réservoir est exposée au vide et gèle, ce qui permet de réduire la température du circuit de refroidissement : lorsque la glace du réservoir absorbe la chaleur de fluide du circuit de refroidissement, elle est sublimée, c’est-à-dire qu’elle passe directement à l’état gazeux. Cette vapeur est libérée dans l’espace grâce à un système poreux.</p>
<p>Malgré l’efficacité de ce type de « sublimateur », la quantité d’eau qu’il consomme est trop élevée (près d’un demi-litre par heure), ce que ne peuvent pas prendre en charge les combinaisons xEMU actuelles.</p>
<p>Il a donc été remplacé par un système appelé <a href="https://www.fluidcomponents.com/assets/media/articles/Aero-NASA-SERFE-AS-FS-0321.pdf">SWME</a>, où une membrane composée de fibres de polypropylène à pores de très petit diamètre est exposée au vide. L’eau liquide du système de refroidissement ne peut pas traverser la membrane (et ne peut donc pas sortir du système. Par contre, la vapeur peut passer par les pores de la membrane : la chute de pression dans le SWME provoque l’évaporation d’une partie de l’eau, qui est ainsi libérée dans l’espace – le système évacue ainsi une grande partie de la chaleur produite par le métabolisme de l’astronaute.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/AwUvh9sluOA?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment fonctionnent les systèmes de refroidissement des combinaisons spatiales ? Source : NASA Johnson.</span></figcaption>
</figure>
<h2>Des filtres à CO₂ et à eau qui se régénèrent</h2>
<p>Une des exigences fondamentales des combinaisons spatiales est la nécessité d’éliminer le CO<sub>2</sub> et la vapeur d’eau de l’intérieur. L’excès d’humidité, en plus d’être inconfortable pour l’activité des astronautes, peut conduire à un phénomène de condensation à l’intérieur de la combinaison.</p>
<p>Les anciennes combinaisons EMU utilisaient un filtre en oxyde d’argent qui devait être remplacé après quelques heures d’utilisation. Les nouvelles combinaisons xEMU intégreront une amélioration significative : le système <a href="https://ttu-ir.tdl.org/server/api/core/bitstreams/21e57327-bb61-499f-9d0d-ac3c9d84070c/content">« Rapid Cycle Amine »</a>. Dans cette technologie, le CO<sub>2</sub> et le H<sub>2</sub>O sont absorbés par une couche absorbante. Pendant que cette première couche est exposée au vide, ce qui permet la libération des molécules dans l’espace (désorption), une seconde couche poursuit le processus d’absorption.</p>
<p>Ce cycle d’autorégénération augmente l’autonomie des combinaisons.</p>
<h2>Quel effet le vide a-t-il sur nous ?</h2>
<p>L’un des défis auxquels nous sommes confrontés lorsque nous travaillons dans l’espace, c’est le vide. Lorsque la pression de l’air diminue, la quantité d’oxygène devient insuffisante pour permettre aux astronautes de survivre.</p>
<p>Un des problèmes est que cette <a href="https://www.nasa.gov/wp-content/uploads/2023/03/artemis-generation-spacesuits-508.pdf">faible pression</a> abaisse le point d’ébullition de l’eau. À plus de 19 kilomètres d’altitude, à une pression de 3,5 kilopascals, l’eau commence à bouillir à température ambiante… ce qui pose un problème sérieux car le corps humain contient plus de 60 % d’eau. Ainsi, cette altitude est connue comme la « limite Armstrong », au-delà de laquelle les humains ne survivraient pas plus de quelques minutes.</p>
<p>Sans protection, l’eau de notre corps s’échapperait par les pores de la peau. En s’évaporant, elle absorberait la chaleur interne, ce qui provoquerait le gel progressif du nez et de la bouche. Même si la rigidité de notre peau et le pompage continu de notre système circulatoire empêchaient le sang de bouillir, il ne faudrait qu’une minute environ pour provoquer un arrêt cardiaque.</p>
<p>Il va de soi que les combinaisons spatiales doivent être pressurisées, mais une pression trop élevée entraverait la mobilité de l’astronaute. Pour les activités extravéhiculaires, les combinaisons spatiales sont donc généralement pressurisées à 30 kilopascals (soit un tiers de la pression ambiante sur Terre), avec de l’oxygène pur.</p>
<p>L’une des principales améliorations des combinaisons xEMU est leur <a href="https://ntrs.nasa.gov/api/citations/20230007781/downloads/Regulators_ICES2023_Final.pdf">système de pressurisation variable</a>, qui permet de réduire le temps nécessaire aux astronautes pour adapter leur respiration à cette pression relativement basse et générée par de l’oxygène pur. Si la transition est trop brutale, l’azote contenu dans le sang peut former des bulles fatales, tout comme cela arrive aux plongeurs lorsqu’ils remontent à la surface, ou comme les bulles de CO<sub>2</sub> qui se forment à l’ouverture d’une boisson gazeuse.</p>
<p>Les combinaisons spatiales sont des technologies relativement récentes – avec à peine 60 ans d’histoire – et le seul bouclier contre les conditions les plus défavorables auxquelles les humains sont confrontés dans l’espace. Elles devront aussi être nos alliées dans l’exploration de la Lune et d’autres planètes du système solaire. Nous ne sommes peut-être pas si loin de ce qui, hier encore, relevait de la science-fiction.</p>
<hr>
<p><em>Traduit de l’espagnol par Jean-Louis Duchamp pour <a href="http://www.fastforword.fr">Fast ForWord</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/221182/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>David González-Bárcena ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Lorsque les astronautes reviendront sur la Lune dans le cadre de la mission Artémis III de la NASA, ils porteront la combinaison spatiale nouvelle génération conçue par Axiom Space avec… la marque Prada.David González-Bárcena, Profesor ayudante doctor en el Departamento de Mecánica de Fluidos y Propulsión Aeroespacial de la ETSIAE e invesigador en el Instituto Universitario de Microgravedad "Ignacio da Riva", Universidad Politécnica de Madrid (UPM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2228362024-02-06T14:42:04Z2024-02-06T14:42:04ZLa série « Balenciaga », fenêtre sur l’histoire de la haute couture<p>Né dans un petit village de pêcheurs basques sur la côte nord de l’Espagne à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle, <a href="https://www.cristobalbalenciagamuseoa.com/en/discover/cristobal-balenciaga/">Cristóbal Balenciaga</a> (1895-1972) est devenu l’un des créateurs de mode les plus novateurs et les plus influents du XX<sup>e</sup> siècle – et le roi de la mode à Paris.</p>
<p>Son dévouement au métier de couturier et de tailleur a été très tôt encouragé par sa mère couturière et reconnu par l’aristocratie espagnole locale qui a su reconnaître ses talents. La marquise de Casa Torres, sa protectrice, lui permet de faire un apprentissage de tailleur à Saint-Sébastien, où il a ouvert sa première entreprise de couture en 1919, à l’âge de 24 ans, et plus tard un atelier à Madrid.</p>
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<img alt="Un homme brun en costume élégant" src="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=738&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/573022/original/file-20240202-19-f6wn6x.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=927&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Cristóbal Balenciaga ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://en.wikipedia.org/wiki/Crist%C3%B3bal_Balenciaga#/media/File:Cristobal_Balenciaga.jpg">Louise Dahl-Wolfe, 1950/Wikipedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
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<p>Ses coupes impeccables et ses compétences exceptionnelles en matière d’assemblage et de couture de vêtements à la main lui valent une position respectée dans le monde de la haute couture à Paris, où il ouvre sa <a href="https://www.oxfordreference.com/display/10.1093/acref/9780199891573.001.0001/acref-9780199891573-e-4043">maison</a> en 1937.</p>
<p>La vie et l’œuvre de Balenciaga sont actuellement explorées dans une <a href="https://www.theguardian.com/tv-and-radio/2024/jan/19/cristobal-balenciaga-review-this-classy-drama-is-utterly-gorgeous">série biographique espagnole en six épisodes</a> sur <a href="https://press.disney.co.uk/news/original-drama-series-crist%C3%B3bal-balenciaga-will-debut-january-19-exclusively-on-disney+-in-the-uk">Disney+</a>. La série retrace l’histoire de l’homme qui est devenu le « maître » de la <a href="https://www.businessoffashion.com/education/fashion-az/haute-couture">haute couture</a> grâce à ses créations innovantes de vêtements féminins et son utilisation originale des textiles pendant les années qu’il a passées à Paris, de 1937 à 1968.</p>
<p>La nouvelle série de Disney met en scène Alberto San Juan dans le rôle de Balenciaga et s’articule autour du créateur qui se remémore les événements de sa vie et de sa carrière lors d’une rare interview en 1971 avec la rédactrice de mode du <em>Times</em>, Prudence Glynn (Gemma Whelan).</p>
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<h2>La mode pour un monde d’après-guerre</h2>
<p>Nous rencontrons Balenciaga en 1937, un an après avoir accepté le statut très convoité de « couturier », conféré par les normes rigoureuses de la <a href="https://www.fhcm.paris/en/our-history">Chambre syndicale de la couture parisienne</a>. Les talents de tailleur et de couturier de Balenciaga, ainsi que ses créations innovantes, ont joué un rôle crucial dans le succès et l’impact durable de la haute couture du milieu du XX<sup>e</sup> siècle – un fait qui est soigneusement décrit dans la série.</p>
<p>Si la licence artistique embellit les moments intimes et émotionnels de la série, celle-ci est globalement fidèle à l’histoire, notamment en ce qui concerne les relations et les rivalités entre les couturiers <a href="https://www.vogue.co.uk/article/coco-chanel-biography">Coco Chanel</a> (Anouk Grinberg), <a href="https://www.vogue.co.uk/article/christian-dior">Christian Dior</a> (Patrice Thibaud) et le mentorat de <a href="https://www.vogue.co.uk/article/hubert-de-givenchy-biography">Hubert de Givenchy</a> (Adrien Dewitte).</p>
<p><em>[Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</em></p>
<p>Dans l’épisode 2 (« L’occupation »), lorsque l’investisseur de Balenciaga cherche à se rassurer et rend visite à Chanel pour lui demander si le créateur peut réussir dans la haute couture parisienne, sa célèbre réponse est retentissante : « « Cristóbal était le seul vrai couturier parmi nous tous. Les autres n’étaient que des stylistes ».</p>
<p>La série retrace les turbulences politiques et économiques de la mode au milieu du XX<sup>e</sup> siècle. Les créateurs devaient protéger leur réputation et leur intégrité créative et faire face à l’espionnage industriel, dans un contexte international mouvementé. Pendant ce temps, les traditions artisanales de la couture devaient faire face à la montée et à l’expansion de la fabrication en masse du <a href="https://www.masterclass.com/articles/ready-to-wear-fashion-guide">prêt-à-porter</a>.</p>
<h2>Trouver l’inspiration</h2>
<p>L’influence de Balenciaga dans le domaine de la couture tient aussi à son inspiration issue des vêtements traditionnels espagnols et des vêtements liturgiques du catholicisme, qu’il a incorporés dans ses collections.</p>
<p>Au cours des épisodes 1 et 2, nous le voyons s’efforcer de définir le style de sa maison jusqu’à ce qu’il consulte ses livres d’art et de costumes historiques pour trouver l’inspiration. Cet engagement dans la <a href="https://www.bloomsbury.com/uk/memories-of-dress-9781350153813/">mémoire culturelle de l’habillement</a>, révèle l’authenticité, la signification et la profondeur de ses créations qui émergent de ses racines espagnoles.</p>
<p>Christian Dior a dit de Balenciaga qu’il était « notre maître à tous », et l’Espagnol était admiré pour son génie technique et ses innovations par les journalistes de mode, les critiques, les clients, les employés et ses pairs dans les cercles de la haute couture.</p>
<p>Les nouveaux créateurs de prêt-à-porter, dont il a été le mentor, ont repris ses principes de conception dans leurs lignes de vêtements de luxe fabriqués en série, notamment Givenchy, <a href="https://www.vogue.com/article/remembering-andre-courreges">André Courrèges</a> et <a href="https://www.vogue.co.uk/article/emanuel-ungaro-biography">Emanuel Ungaro</a>.</p>
<h2>Industrie et passion</h2>
<p>Il s’agit d’une série écrite, réalisée et dirigée par des personnes qui respectent la place des idées, des compétences et de l’innovation dans la pratique de la fabrication des vêtements de haute couture. La magie de Balenciaga repose sur un dévouement infatigable son art. Partout, nous voyons des mains, des outils, des textiles manipulés, coupés, pliés, cousus, ajustés et finalement formés sur un corps, prêt à être admirés et, en fin de compte, vendus.</p>
<p>Il s’agit là d’une des réussites de cette série. Dans le dernier épisode, « Je suis Balenciaga », l’Espagnol s’interroge sur l’avenir de la couture et de sa maison dans un contexte de prêt-à-porter en plein essor. Il se rend compte que l’une des options qui s’offrent à lui est de se retirer et de passer les rênes à un collaborateur de confiance. Cependant, il déclare : « Ce n’était pas seulement une entreprise, elle faisait partie de moi, comme une extension de mon corps. Comment un corps peut-il survivre sans cerveau ? »</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Femme portant un tailleur noir à manches évasées et jupe au genou, assise sur un socle, la main droite levée et appuyée contre le mur" src="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=553&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572950/original/file-20240201-25-lvdvbc.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=695&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Costume vintage Cristóbal Balenciaga, 1951.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/51248231@N04/4711015713">Bianca Lee/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La série montre aussi le pouvoir croissant des médias qui imposent le rythme des changements sur les marchés de la mode. <a href="https://www.harpersbazaar.com/culture/features/a92/bazaar-140-0507/">Carmel Snow</a> ((Gabrielle Lazure) est un personnage important de la série : c’était la responsable de la mode de l’édition américaine du très influent magazine lifestyle <a href="https://www.harpersbazaar.com/"><em>Harper’s Bazaar</em></a>. Snow avait le pouvoir de faire ou défaire la fortune des plus grands couturiers, car, sans l’exposition offerte par le prestigieux magazine, il n’y aurait eu ni clients, ni commandes.</p>
<p>L’épisode quatre – « Imitations » – montre les prémisses du débat sur les systèmes actuels de <a href="https://www.vogue.co.uk/fashion/article/article/history-of-paris-fashion-week"><em>fashion weeks</em></a>, afin de limiter l’accès de la presse aux défilés de couture intimes dans les maisons, par crainte de voir apparaître des copies et des contrefaçons.</p>
<p>Cette série, bien que dramatisée, représente avec une certaine fidélité un pan important de l’histoire. Ce que nous portons est une facette de notre identité, et la mode est au cœur des événements quotidiens et extraordinaires. Cette série témoigne du fait que la conception, la fabrication et la promotion des vêtements mêleront toujours passion et drame.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222836/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Elizabeth Kealy-Morris ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La série Balenciaga offre un aperçu fascinant de l’univers de la haute couture au milieu du siècle dernier, en retraçant le destin d’un couturier d’exception.Elizabeth Kealy-Morris, Senior Lecturer in Dress and Belonging, Manchester Fashion Institute, Manchester Metropolitan UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2209272024-01-15T16:46:38Z2024-01-15T16:46:38ZLaver son linge à la main rejette autant de microfibres que le lavage en machine<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/568708/original/file-20231023-17-xkvoz3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=91%2C68%2C1074%2C781&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La plupart des habitants de la planète lavent leurs vêtements à la main.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/photos/woman-washing-river-female-water-3447847/">elJad/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span></figcaption></figure><p><a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0233332">13 000 tonnes de microfibres</a> issues des machines à laver, soit l’équivalent de deux camions poubelles par jour, sont rejetées chaque année dans les milieux marins européens. Des chiffres aux <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0269749119340552">conséquences dévastatrices</a> pour les animaux et les environnements aquatiques.</p>
<p>De quoi attiser la colère des groupes de défense de l’environnement au <a href="https://bills.parliament.uk/bills/3077">Royaume-Uni</a>, dans l’<a href="https://www.forbes.com/sites/jamiehailstone/2023/04/21/eu-urged-to-mandate-microplastic-filters-in-new-washing-machines/">UE</a> et en <a href="https://www.cbc.ca/news/canada/toronto/filters-on-laundry-machines-lead-to-significant-cut-in-microfibre-pollution-ontario-study-finds-1.6241689">Amérique du Nord</a>. Ces derniers font campagne pour rendre obligatoire l’installation de filtres capturant les microfibres dans toutes les nouvelles machines à laver.</p>
<p>Mais la pollution par les microfibres ne se limite pas au lavage en machine. Notre <a href="https://doi.org/10.1016/j.jclepro.2023.139391">nouvelle étude</a> montre que les vêtements lavés à la main peuvent disperser autant de microfibres que le linge lavé en machine.</p>
<p>C’est un problème de taille à l’heure où plus de la moitié de la population mondiale <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652623035497">n’a pas d’accès régulier à une machine à laver</a> et lave donc son linge « hors réseau », à la main par exemple. Or le lavage du linge à la main implique souvent beaucoup de frottement et d’abrasion, qui éliminent les fibres. Et les eaux usées du lavage à la main peuvent souvent s’écouler directement dans les rivières ou ruisseler sur le béton et la pierre, au risque de contourner les installations de traitement des eaux usées même lorsque de telles installations existent.</p>
<p>Pour résoudre le problème de la pollution par les microfibres, il ne suffit donc pas d’installer des filtres sur les machines à laver, il faut modifier la façon dont les textiles sont conçus, fabriqués et commercialisés à l’échelle mondiale.</p>
<h2>Les fibres rejetées lors du lavage à la main</h2>
<p>La recherche scientifique sur les pertes de fibres textiles néglige souvent les personnes qui lavent leurs vêtements à la main, l’accent étant mis principalement sur les fibres éliminées au cours du lavage en machine conventionnel. Bien que les scientifiques des pays où de nombreuses personnes lavent leurs vêtements à la main <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fevo.2023.1020919/full">aient observé</a> que ces méthodes entraînent aussi une perte de fibres, ils ont rarement reçu le soutien nécessaire pour mesurer ou comparer la quantité de fibres perdues.</p>
<p>Nos recherches ont été menées avec des collègues de l’Université d’État d’Isabela aux Philippines, de l’Université de Wollongong en Australie et de sept autres universités du Royaume-Uni. Nous avons organisé un atelier et observé les pratiques de lavage à la main dans la vallée du fleuve Cagayan, dans le nord des Philippines. Nous avons ensuite reproduit en laboratoire ces gestes pratiqués par les communautés locales.</p>
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<p>Nos expériences ont permis de mesurer la part de fibres rejetées en lavant des pantalons 100 % polyester achetés dans un grand magasin britannique, à la fois pour des modèles prélavés et pour des modèles neufs. Ces pantalons ressemblaient beaucoup aux vêtements en polyester que nous avons retrouvés sur les étals des marchés philippins ainsi qu’aux vêtements dont nous avons observé le lavage à la main dans le pays.</p>
<p>Nous avons constaté que le lavage à la main de ces pantalons à l’aide d’une brosse à récurer en plastique entraînait des niveaux de perte de fibres compris entre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652623035497">6 499 et 64 500</a> fibres individuelles par vêtement. Ces niveaux sont comparables à ceux rapportés pour le lavage en machine. Il apparaît dès lors que le lavage à la main n’est pas nécessairement plus doux pour les textiles que le lavage en machine.</p>
<h2>Mesurer la perte de fibres textiles</h2>
<p>Les personnes qui lavent leurs vêtements à la main utilisent différentes techniques, en fonction des textiles et de l’usage des vêtements. Les vêtements couverts de poussière ou de boue, comme ceux portés pour les travaux agricoles, peuvent par exemple nécessiter un lavage particulièrement vigoureux.</p>
<p>Nos recherches n’ont pas permis de recréer toutes les méthodes de lavage à la main. Nous n’avons pas non plus pu étudier l’impact de toutes les variations possibles en matière de confection textile sur la perte de fibres, comme la méthode de coloration, le type de teinture, la structure spécifique du tricot ou du tissage ou encore les finitions mécaniques ou chimiques.</p>
<p>Parmi les variables que nous avons étudiées, nos résultats montrent que c’est la structure des textiles qui avait l’effet le plus prononcé sur la perte de fibres, davantage que le type de fibre en lui-même. Le type de fibre n’a pas d’influence significative sur la perte de fibres. Les textiles tissés perdent moins de fibres que les textiles tricotés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1620346289681481730"}"></div></p>
<p>Les textiles synthétiques ne sont donc pas les seuls à perdre des fibres problématiques. Les textiles à base de plantes comme le coton et les textiles à base d’animaux comme la laine perdent des fibres en <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652623035497">quantités similaires</a> aux fibres plastiques. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fmars.2022.991650/full">Certaines recherches</a> suggèrent même que les fibres à base de cellulose telles que le coton peuvent avoir des conséquences comparables, voire plus graves, sur les organismes qui les ingèrent que les microfibres synthétiques.</p>
<p>Bien qu’elles soient souvent présentées comme « biodégradables », les fibres de coton <a href="https://www.britannica.com/technology/mercerization">subissent des modifications</a> qui altèrent la structure de la cellulose dont elles sont composées pour être utilisées dans l’industrie textile. La plupart des cotons subissent également des <a href="https://oecotextiles.blog/2012/12/05/what-does-mercerized-cotton-mean/">teintures chimiques</a> et d’autres traitements de finition.</p>
<p>Par conséquent, les fibres textiles de coton ne se dégradent pas facilement dans un environnement naturel. Et toute dégradation effective libérera probablement les produits chimiques utilisés au cours de la production des textiles, quelle que soit la méthode de lavage utilisée.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/textiles-toxiques-pour-lenvironnement-et-la-sante-les-designers-ont-un-role-a-jouer-214322">Textiles toxiques pour l'environnement et la santé : les designers ont un rôle à jouer</a>
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<h2>Les microfibres, un problème à résoudre</h2>
<p>Le problème de la perte de fibres textiles est bien plus vaste qu’il n’y paraît. Prenons par exemple le commerce mondial de vêtements de seconde main, d’une valeur d’environ <a href="https://oec.world/en/profile/hs/used-clothing">cinq milliards de dollars américains (environ 4,6 milliards d’euros) par an</a>. Même lorsque les étiquettes d’entretien et les <em>designers</em> recommandent le lavage en machine, le recours à des filtres ainsi que le traitement des eaux usées, l’exportation des vêtements de seconde main dans d’autres zones du globe va éloigner ces textiles de ces infrastructures établies.</p>
<p>Or, les personnes que nous avons observées en train de laver des vêtements à la main ont besoin de vêtements de travail peu coûteux et solides, que ce commerce de vêtements usagés leur fournit. Cela signifie que pour résoudre le problème de la perte de fibres textiles, il faut repenser complètement non seulement la façon dont nous lavons nos vêtements, mais aussi la façon dont les vêtements sont fabriqués.</p>
<p>Car le problème fondamental ne réside pas dans le commerce des vêtements de seconde main, mais dans la conception des textiles eux-mêmes. Pour progresser dans la résolution du problème des microfibres, il nous faut concevoir des tissus qui perdent moins de fibres au lavage. Une autre approche consiste à développer de <a href="https://www.scientificamerican.com/article/the-environments-new-clothes-biodegradable-textiles-grown-from-live-organisms/">nouvelles fibres véritablement biodégradables</a> qui se décomposeront naturellement dans l’environnement.</p>
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<img alt="A secondhand clothing store" src="https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=427&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/555259/original/file-20231023-19-alhu6j.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=536&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un magasin de vêtements de seconde main aux Philippines.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/dumaguete-philippines-9-september-2017-cheap-713736202">Davdeka/Shutterstock</a></span>
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<p>En attendant, ceux qui se targuent d’éviter les tissus synthétiques devraient reconnaître que le problème des microfibres <a href="https://wires.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/wat2.1490">s’étend bien au-delà des produits que nous portons</a>. Le marketing textile ne devrait pas faire de greenwashing en confondant « naturel » et « biodégradable ». Et les filtres des machines à laver ne suffiront pas à résoudre le problème de la perte de microfibres.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=158&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/310261/original/file-20200115-134768-1tax26b.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=198&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Créé en 2007 pour aider à accélérer et à partager les recherches scientifiques sur des enjeux sociaux majeurs, le Fonds d’Axa pour la recherche soutient près de 700 projets dans le monde mené par des chercheurs issus de 38 pays. Pour en savoir plus, visiter le site ou bien suivre sur Twitter <a href="https://twitter.com/AXAResearchFund">@AXAResearchFund</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/220927/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Deirdre McKay est financée par la British Academy, le Leverhulme Trust et l'UKRI via le Conseil de recherche en arts et sciences humaines et le Fonds de recherche sur les défis mondiaux.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kelly Sheridan est financée par l'UKRI (NERC / AHRC / Innovate UK) par le biais de son financement Circular Fashion and Textiles Network Plus. Outre l'université de Northumbria, elle travaille également pour le Consortium des microfibres.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Thomas Stanton bénéficie d'un financement de l'AXA Research Fund et de l'UKRI (NERC / AHRC / Innovate UK) par le biais de leur financement Circular Fashion and Textiles Network Plus.</span></em></p>Éviter les vêtements synthétiques ou rendre obligatoires les filtres à microfibres pour les machines à laver ne résoudra pas le problème de la pollution par les microfibres.Deirdre McKay, Professor of Sustainable Development, Keele UniversityKelly Sheridan, Associate Professor in Forensic Science, Northumbria University, NewcastleThomas Stanton, Axa Research Fund Fellow, Loughborough UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188702023-12-04T16:56:10Z2023-12-04T16:56:10ZRecyclage textile : l’étroite voie de la réindustrialisation<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562520/original/file-20231129-15-blhb53.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=35%2C1%2C1126%2C792&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">L'enjeu du recyclage contraint les entreprises du secteur textile à manager la sobriété
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/mpcaphotos/40889723483">Flickr/MPCA Photos</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Les images spectaculaires de décharges de friperie au Ghana posent la question de la pertinence de collecter dans les pays riches nos vêtements usagés pour les expédier en Afrique. Certains pays, comme <a href="https://www.rfi.fr/fr/podcasts/aujourd-hui-l-%C3%A9conomie/20230928-l-ouganda-repart-en-guerre-contre-les-importations-de-fripes">l’Ouganda</a> et le <a href="https://www.rts.ch/play/tv/12h45/video/le-rwanda-a-interdit-en-2019-limportation-dobjets-en-plastique-a-usage-unique--le-pays-est-ainsi-devenu-lune-des-terres-les-plus-propres-dafrique-">Rwanda</a>, ont d’ailleurs interdit leur importation.</p>
<p>Dans le cas de l’interdiction d’un médicament, on tient compte de la différence entre coûts et bénéfices. Or, pour ce qui est de la friperie, l’exportation reste essentielle à l’économie circulaire du textile en Afrique. Les vêtements usagés font en effet vivre une partie de la population et fournissent de l’habillement pour les plus démunis.</p>
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<figcaption><span class="caption">Le Ghana, poubelle des textiles du monde (RTBF Info, 2021).</span></figcaption>
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<p>Dans une <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/11/04/l-economie-circulaire-doit-s-imposer-comme-le-modele-de-reference-du-secteur-de-l-habillement_6198175_3232.html">tribune</a> intitulée « L’économie circulaire doit s’imposer comme le modèle de référence du secteur de l’habillement » publiée dans Le Monde le 4 novembre dernier, Maud Hardy, responsable de l’éco-organisme français Refashion, plaide ainsi pour un encadrement réglementaire des exportations.</p>
<p>Avant d’en arriver là, il faudrait s’assurer que la <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/adam-smith">« main invisible du marché »</a> ne peut le réguler de façon satisfaisante et, dans la négative, comment une intervention attentive et bienveillante des pouvoirs publics pourrait contribuer à son meilleur fonctionnement. Auquel cas, l’autrice préconise une co-construction des outils de contrôle avec les différents acteurs, dans un cadre européen. Une méthode qui peut réussir.</p>
<h2>Une industrie française autrefois active</h2>
<p>Par ailleurs, l’autrice envisage deux autres voies possibles pour faire baisser les quantités de vêtements exportés :</p>
<ul>
<li><p>que l’industrie développe des procédés pour leur recyclage en France,</p></li>
<li><p>que les consommateurs français se montrent plus sobres dans leurs achats.</p></li>
</ul>
<p>Sans traiter spécifiquement du secteur textile, ces questions ont été abordées lors de <a href="https://culture.cnam.fr/avril/les-entreprises-a-l-epreuve-de-la-sobriete-enjeux-et-conditions-de-mise-en-uvre--1395268.kjsp">colloques</a> qui se sont tenus au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et ont donné lieu à des dossiers parus dans la revue <em>Entreprise et société</em> intitulés « Pour une histoire managériale de la désindustrialisation » et « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété : enjeux et conditions de mise en œuvre ». Il en ressort notamment que ces pistes restent délicates à concrétiser.</p>
<p>Une voie pour faire baisser les quantités de textile exporté passe par le redévelopper une industrie du recyclage en France. <a href="https://www.castres-mazamet.fr/le-textile-castres-danne-veaute-nos-jours">Castres</a> et <a href="https://www.edimip.com/catalogue/ouvrages/essais/cinq-si%C3%A8cles-de-travail-de-la-laine/">Mazamet</a> (Tarn) accueillaient, encore dans les années 1980, une importante industrie d’effilochage, de cardage et de tissage des chiffons de laine qui rivalisait avec celle de l’Italie et de l’Inde. Ces activités ont pour ainsi dire disparu, en raison notamment des mesures prises par les autorités, qui n’acceptent aujourd’hui que les produits en laine vierge dans les commandes publiques.</p>
<p>On aimerait croire au succès des efforts du gouvernement actuel pour relocaliser, comme le souhaite par exemple le <a href="https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/contenu/piece-jointe/2022/01/rapport_cnam_hcp_deride_2022-1.pdf">rapport</a> pour le Haut Commissariat au Plan de <a href="https://theconversation.com/profiles/laurent-cappelletti-423838">Laurent Cappelletti</a>, professeur au CNAM. Cependant, la route paraît étroite…</p>
<h2>Un problème de rentabilité</h2>
<p>L’industrie de la récupération textile n’a cessé d’innover et de développer de nouveaux débouchés pour le chiffon, notamment comme matériau pour l’isolation. L’Institut Textile de France (fusionné aujourd’hui dans un Institut français du textile et de l’habillement) avait ainsi lancé des recherches afin de créer de nouveaux débouchés pour les textiles usagés. Faute de perspective rentable, aucune ne se concrétisa par des applications industrielles.</p>
<p>Cependant, dans le textile, plus qu’ailleurs, l’expression « vingt fois sur le métier se remettre à l’ouvrage » est à l’honneur. Les efforts de recherche doivent donc être poursuivis, d’autant qu’<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">il existe des pistes</a> prometteuses. Par exemple : l’automatisation du tri (qui reste aujourd’hui effectué manuellement) ou encore la mise au point de nouveaux produits, à l’instar de la Métisse, une gamme d’isolation thermique et acoustique pour le bâtiment fabriquée à partir de vêtements en coton par Le Relais (principale entreprise de collecte et de tri de vêtements en France).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/recyclage-les-entreprises-sociales-et-solidaires-face-a-un-marche-de-plus-en-plus-concurrentiel-217205">Recyclage : les entreprises sociales et solidaires face à un marché de plus en plus concurrentiel</a>
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<p>Pour réduire la quantité des déchets textiles, dans le cadre de la récente <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/loi-anti-gaspillage-economie-circulaire">loi anti-gaspillage</a>, Refashion va en outre mettre un dispositif en place à partir du 1<sup>er</sup> janvier 2024 pour inciter les Français à rapiécer, raccommoder leurs vêtements plutôt que de les jeter.</p>
<h2>Un pas vers la sobriété</h2>
<p>Il reste à vaincre les réticences des retoucheurs et autres artisans qui, pour faire bénéficier leurs clients d’une remise, auront à se charger d’une <a href="https://www.lemonde.fr/economie/article/2023/11/07/grace-a-l-inflation-les-cordonniers-et-les-retoucheurs-retrouvent-leurs-lettres-de-noblesse_6198753_3234.html">nouvelle tâche administrative</a>. Refashion lance d’ailleurs une campagne de communication à ce sujet. Si cette mesure peut paraître modeste, on aurait tort de ne pas la prendre au sérieux. Outre son intérêt écologique direct, elle participera à éduquer les consommateurs à moins jeter. Un pas vers la sobriété, dans l’esprit du <a href="https://editionsdelaube.fr/catalogue_de_livres/la-part-du-colibri/">« colibri »</a> cher au philosophe Pierre Rhabi qui insistait sur la nécessité de ces petites initiatives…</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1721826238312960484"}"></div></p>
<p>Maud Hardy dans sa tribune préconise ainsi un allongement de la durée de vie des vêtements que les fabricants de textile produisent. Lors d’un colloque qui s’est tenu au CNAM en avril dernier, des dirigeants d’entreprise, des scientifiques, des hauts fonctionnaires et autres parties prenantes ont réfléchi sur « les entreprises à l’épreuve de la sobriété ». Celles du textile n’ont pas été spécialement visées (des invitations avaient été lancées mais ont été déclinées) mais ce secteur très polluant_ _est particulièrement concerné.</p>
<p>Antoine Frérot, le président-directeur général de Veolia, a rappelé que « le bon management est un management sobre en ressources humaines ou environnementales ». Pourquoi les dirigeants des entreprises textiles, dits les « metteurs sur le marché » dans le jargon du recyclage, qui financent Refashion, ne partageraient-ils pas cette philosophie ?</p>
<h2>Les contradictions du consommateur</h2>
<p>Une autre piste a été présentée par une équipe de chercheurs qui montrent que manager la sobriété à partir du système comptable classique invisibilise de nombreux éléments de l’organisation et proposent une méthode pour répondre à la question des coûts cachés.</p>
<p>La directrice de Refashion dans son article du <em>Monde</em> lance un appel à la responsabilité des citoyens afin qu’ils se convertissent à une consommation plus sobre. S’agit-il d’un vœu pieux ? <a href="https://theconversation.com/profiles/valerie-guillard-867672">Valérie Guillard</a>, professeur en marketing à l’université Paris-Dauphine, dans une des tables rondes qui se sont tenues lors du colloque sur « Les entreprises à l’épreuve de la sobriété », a pointé la difficulté voire l’impossibilité de concilier le souhait des consommateurs, qui désirent des biens respectueux de l’environnement et de l’humain, à faire leurs achats de manière conforme à leur conscience, mais… pas cher.</p>
<p>Autant de questions qui renvoient à « La sobriété et ses contradictions », ce qui sera le thème du débat entre le philosophe, André Comte-Sponville, et l’ancien Commissaire au Plan, Jean-Baptiste de Foucauld, qu’organisent au CNAM, le 23 janvier prochain, le <em>think tank</em> <a href="https://pactecivique.fr/">« Pacte civique »</a> et le Laboratoire interdisciplinaire de recherches en sciences de l’action (Lirsa).</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218870/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Zimnovitch est membre du think tank Pacte civique</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Jérôme Méric ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les enjeux de réglementation ou encore de rentabilité freinent le développement de procédés industriels qui permettraient de relancer une filière française autrefois active.Jérôme Méric, Rédacteur en chef de la revue Entreprise et société, professeur spécialisé en contrôle de gestion et en gestion financière, IAE de PoitiersHenri Zimnovitch, professeur de sciences de gestion, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2151862023-10-11T17:24:22Z2023-10-11T17:24:22ZVotre tenue vestimentaire au travail vous rend-elle vulnérable ?<p>Dans le film emblématique <em>Arrête-moi si tu peux !</em>, de Steven Spielberg, un sympathique escroc (joué par Leonardo DiCaprio) se fait passer tour à tour pour un pilote de ligne, un médecin, un avocat. Il réussit à tromper nombre de gens et d’entreprises en utilisant, entre autres, une tenue adaptée aux professions usurpées.</p>
<p>La perception de l’autre est fortement influencée, au moins à première vue, par la façon dont il ou elle s’habille. Au fil du temps, l’habit a servi à différencier les humains entre eux, non seulement pour marquer des différences culturelles, mais aussi pour prouver, selon le point de vue, leur supériorité ou infériorité. Le même phénomène se produit dans le <a href="https://theconversation.com/quels-messages-codes-portent-les-ailes-des-papillons-152839">règne animal</a> : les animaux se parent de couleurs définies pour attirer le ou la partenaire et les utilisent à des fins de tactiques prédatrices ou anti-prédatrices pour le camouflage.</p>
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<p>Dans la plupart des entreprises (occidentales en tout cas), les femmes comme les hommes ont le droit, dans la mesure où ils respectent le code vestimentaire en vigueur, de choisir leurs vêtements en fonction de leur style personnel, de leur confort et de leur expression de soi. Et l’on y retrouve ce rapport de proie et de prédateur. Le prédateur, lui ou elle, peut jouer consciemment ou inconsciemment sur son port vestimentaire pour communiquer un message d’autorité. La proie, elle aussi, peut utiliser le vêtement, cette fois pour signifier sa vulnérabilité, peut-être de manière inconsciente. La révéler peut en effet permettre de s’attirer la sympathie de « protecteurs » éventuels, qui travailleront à protéger la proie et à valoriser sa carrière.</p>
<h2>Tisser l’habit du prédateur</h2>
<p>La théorie développée dans le cadre de nos <a href="https://savoirs.usherbrooke.ca/handle/11143/9060">recherches</a> postule qu’il existe une toile sociale, dite toile de prédation, où s’articulent les éléments qui font que « l’araignée piège son repas ». Pour qu’il y ait prédation, il doit nécessairement y avoir un prédateur (l’escroc DiCaprio), une proie (les banques), un outil (l’habit), une blessure telle une stigmatisation sociale (la perte financière) et surtout, un effet surprise (le pilote d’avion n’était pas un pilote d’avion après tout !).</p>
<p>Suivant une intention hostile savamment calculée (par exemple, s’enrichir, monter dans la hiérarchie organisationnelle), le prédateur pourra tisser sa « toile du 5-5 » avec cinq actions reconnaissables : identifier les faiblesses de sa proie, l’appâter, la forcer à accepter ses termes, la piéger et la soumettre.</p>
<p><iframe id="343O2" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/343O2/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>On reconnaît facilement les traits caractériels des prédateurs que sont le manque d’empathie, la froideur, l’esprit calculateur et sournois. Les proies, elles, font preuve de naïveté et sont sous-outillées pour faire face aux aléas comportementaux qui se déploient au travail.</p>
<p>Dans ce schéma, la tenue vestimentaire au travail est non seulement une partie intégrante de la <a href="https://eprints.gla.ac.uk/144399/7/144399.pdf">présentation de soi</a>, mais elle indique aussi le degré de conformité que l’on adopte par rapport à la culture organisationnelle environnante. Une de nos publications à venir démontre comment une tenue adaptée au contexte organisationnel transmet une image professionnelle cohérente et donc attendue par les clients, ce qui devrait faciliter les ventes. La conformité vestimentaire instaure la confiance, et c’est justement <a href="https://link.springer.com/book/10.1007/978-3-319-15753-5">sur la confiance que joue le prédateur</a> ; tôt ou tard, il la trompe pour exercer son acte de prédation.</p>
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<p>Il y a bien d’autres façon d’asseoir son pouvoir par le vêtement. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296320307797">Des études</a> démontrent que certains dirigeants s’habilleront différemment de leurs collaborateurs ou de l’image type du leader, afin de paraître plus charismatiques et plus puissants, et ainsi faciliter inconsciemment la soumission des subordonnés. Les personnes s’éloignant des codes vestimentaires formels attendus auraient des capacités exceptionnelles puisqu’elles peuvent s’en écarter.</p>
<h2>Là où le bât blesse</h2>
<p>D’autre part, certains diktats vestimentaires conduisent à la posture de proie. Ainsi, une <a href="https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2019/10/116268_Rapport_FEPS-FJJ_2019.10.08.pdf">étude IFOP</a> réalisée en 2019 pour l’Institut Jean Jaurès sur le sexisme en entreprise, note une causalité entre une tenue moulante et/ou courte et des dérives sexistes, voire des violences sexuelles. Dans ce même registre, le port des talons hauts exigé pour les femmes par certaines organisations a été dénoncé en 2019, notamment au Japon, avec le mouvement « #KuToo » (jeu de mots avec <em>kutsu</em> – chaussure, et <em>kutsuu</em> – douleur, en écho à #MeToo).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1136945962897879043"}"></div></p>
<p>Au-delà de l’inconfort des escarpins, son association avec la sexualité peut enfermer des femmes dans un carcan érotisé, faisant écho au registre de la proie. Les analyses biomécaniques révèlent que les talons accentuent la cambrure et projettent, parmi d’autres effets, la poitrine vers l’avant, amplifiant ainsi les attributs sexuels féminins. <a href="https://www.mdpi.com/1660-4601/18/1/299">Les recherches</a> montrent aussi que les femmes en talons hauts sont considérées significativement plus attirantes par les hommes que les femmes en chaussures plates.</p>
<p>La méconnaissance des codes vestimentaires ou leur incompréhension renforcera le rôle de proie, ce qui pourra engendrer de la stigmatisation, de l’exclusion, voire de la discrimination. Dans ce dernier cas, <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2022-5-page-79.htm&wt.src=pdf">nos travaux</a> ont souligné qu’un candidat dont le code vestimentaire n’est pas conforme à l’environnement professionnel envisagé prend le risque, sans le vouloir, d’être éliminé. Le postulant apparaît aux yeux du recruteur comme incompétent, inadaptable à l’entreprise, à la culture organisationnelle et au métier.</p>
<h2>En découdre avec la prédation vestimentaire ?</h2>
<p>Pour les proies, réelles ou fictives, le problème de la prédation vestimentaire touche à l’identité de soi et ne pas le régler peut avoir des conséquences graves sur leur équilibre psychologique et social. La dynamique de prédation par le vêtement reste à étudier ; à ce stade, on ne peut que conjecturer sur des solutions possibles pour quiconque se sentirait proie.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dans-la-vie-etes-vous-plutot-un-predateur-ou-une-proie-209450">Dans la vie, êtes-vous plutôt un « prédateur » ou une « proie » ?</a>
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<p>Il faudrait s’adapter aux exigences de l’institution lorsqu’on ne peut les combattre ou que les défier coûterait trop cher en termes d’énergie, de frais financiers et d’ostracisation. Ensuite, on veillera à ce que, à l’intérieur des limites imposées par cet environnement, l’on puisse affirmer sa personnalité et surtout le faire en fonction des tâches à réaliser.</p>
<p>Enfin, les personnes qui se sentent lésées auraient peut-être avantage à communiquer avec la direction des ressources humaines pour voir comment des efforts d’éducation et de sensibilisation pourraient remédier au problème. On supputera que, du point de vue sociologique, l’important serait d’éviter la stigmatisation, car elle ne peut que défaire le tissu social de l’entreprise.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/215186/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Les habits portés au travail peuvent servir les desseins de « prédateurs » qui cherchent à obtenir quelque chose, mais aussi placer dans une posture de « proie » dont il se servira.Olivier Mesly, Enseignant-chercheur au laboratoire CEREFIGE, université de Lorraine, professeur de marketing, ICN Business SchoolAgnès Ceccarelli, Professeur associé, département Ressources humaines, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2143222023-10-11T17:13:52Z2023-10-11T17:13:52ZTextiles toxiques pour l'environnement et la santé : les designers ont un rôle à jouer<p>On entend souvent parler de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=rwp0Bx0awoE">pollution de l’industrie textile</a>. Mais <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30278363/">son impact sur la santé humaine</a> est moins abordé. </p>
<p>Pourtant, les composés pétrochimiques utilisés dans la fabrication de nos vêtements ont des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=onD5UOP5z_c">effets nocifs sur les travailleurs</a>, les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=IxVq_38BoPE">communautés environnantes</a> et les <a href="http://www.cec.org/files/documents/publications/11777-furthering-understanding-migration-chemicals-from-consumer-products-fr.pdf">consommateurs</a>. </p>
<p>Cette problématique a une <a href="https://www.greenpeace.org/static/planet4-international-stateless/2012/11/317d2d47-toxicthreads01.pdf">incidence mondiale</a>, mais son évaluation est complexe. Pourquoi ? En raison de notre faible exposition quotidienne à un <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/perturbateurs-endocriniens-la-menace-invisible-marine-jobert-9782283028179.html">« cocktail » composé d’une panoplie de substances synthétiques peu étudiées</a> dont il est difficile de distinguer les causes à effets. D’autant plus que la toxicité de ces substances peut s’amplifier par interaction ou dégradation, comme c’est le cas des <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/substances-chimiques/initiative-groupes-substances/azoiques-aromatiques-base-benzidine.html">colorants azoïques</a>, utilisés comme teinture textile, qui sont omniprésents et persistants dans l’environnement. </p>
<p>À travers ma recherche en design textile durable, j’explore la façon dont le design peut contribuer à rendre l’industrie textile plus respectueuse de l’environnement, en mettant l’accent sur la sensibilisation écologique des designers, des preneurs de décisions et du grand public. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="teintures textiles" src="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=221&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551518/original/file-20231002-15-cu6ppt.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=277&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Teintures réalisées à partir de déchets agroalimentaires et inspirées des Pantone.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Vanessa Mardirossian)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<h2>Une réflexion qui ne date pas d’hier</h2>
<p>Dès les années 1960, le designer <a href="https://papanek.org/archivelibrary/victor-papanek/">Victor Papanek</a> est le premier à soulever les <a href="https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=8623">enjeux environnementaux liés à la conception</a> de produits industriels. </p>
<p>C’est aussi l’époque où émerge la conscience écologique, initiée par la biologiste <a href="https://www.leslibraires.ca/livres/printemps-silencieux-rachel-carson-9782918490005.html">Rachel Carson</a>, qui sensibilise la population à l’impact de l’activité humaine sur l’environnement. </p>
<p>Puis, dans les années 1990, l’avènement de la <a href="https://www.mcgill.ca/newsroom/fr/article/la-chimie-verte-mise-en-contexte">chimie verte</a> a favorisé la collaboration entre le design et la biologie pour développer des <a href="https://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1278402">textiles écologiques</a>. Ces derniers visaient à améliorer la gestion des déchets et à préserver la pureté de l’eau en suivant les <a href="https://mcdonough.com/wp-content/uploads/2013/03/Hannover-Principles-1992.pdf">principes de Hanovre</a>, qui cherchent à harmoniser l’interdépendance entre l’activité humaine et le monde naturel en éliminant les intrants toxiques à la source. </p>
<h2>Une approche inspirée du vivant pour accélérer la transition écologique textile</h2>
<p>L’humanité s’est toujours inspirée des formes de la nature pour créer. </p>
<p>Dans cette optique, à la fin du XX<sup>e</sup> siècle, la biologiste <a href="https://biomimicry.org/janine-benyus/">Janine Benyus</a> nous invite à observer les <a href="https://biomimicry.org">modes opératoires du vivant</a> pour repenser nos méthodes de fabrication en s’inspirant du <a href="https://www.ruedelechiquier.net/essais/376-biomimetisme-25-ans.html">biomimétisme</a>. </p>
<p>Pourrions-nous par exemple produire des teintures à température ambiante et sans molécules toxiques ? Cette démarche amène à considérer une réflexion commune entre le design, les sciences et l’ingénierie. </p>
<p>Cette vision multidisciplinaire du design où l’écologie, la médecine et la politique prennent part à l’acte de conception afin de mieux répondre aux besoins de la société était déjà prônée par Papanek dès 1969. </p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="schéma" src="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551520/original/file-20231002-30-2h1680.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Concept du « design minimal », de Victor Papanek.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Schéma tiré des travaux de Victor Papanek)</span></span>
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<h2>Développer une pensée écosystémique du design à travers une éducation écologique</h2>
<p>Dès 1990, le pédagogue <a href="https://blogs.ubc.ca/lled3662017/files/2017/08/Orr_Environmental-Literacy-Ecoliteracy.pdf">David Orr</a> introduit le concept d’écolittératie pour combler une lacune majeure dans l’éducation traditionnelle, qui est centrée sur l’humain et qui ignore son interconnexion avec la nature. Orr préconise une éducation environnementale pour développer un lien d’appartenance avec son milieu de vie et établir des modèles de production favorisant la résilience des écosystèmes. </p>
<p>Dans les années 2000, la chercheuse en design de mode <a href="https://katefletcher.com">Kate Fletcher</a> soutient le développement de cette littératie écologique afin d’amener les parties prenantes du secteur (designers, consommateurs, industriels) à comprendre l’implicite interconnexion des systèmes industriels et vivants, qui montre que la mode entretient une relation vitale avec la nature. </p>
<p>Puis, en 2018, la chercheuse en conception durable <a href="https://www.bloomsbury.com/ca/design-ecology-politics-9781350258778/">Joanna Boehnert</a> souligne que la littératie écologique favorise non seulement le développement de nouvelles façons de produire plus durables, mais permet aussi d’élargir notre vision sociale, politique, et économique afin d’aborder de façon systémique les défis transdisciplinaires de la durabilité. </p>
<p>C’est ce que soutient aussi le biologiste <a href="https://www.pikaia.fr/equipe/emmanuel-delannoy/">Emmanuel Delannoy</a> dans son modèle de <a href="https://www.apesa.fr/permaeconomie/">permaéconomie</a>, qui nous amène à reconsidérer notre relation au vivant afin d’établir une symbiose entre l’économie et la biosphère.</p>
<h2>Un patrimoine coloré à redécouvrir, transmettre et sublimer</h2>
<p>Mon projet de <a href="https://hexagram.ca/fr/qu-est-ce-que-la-recherche-creation/">recherche-création</a> propose une réflexion critique sur la teinture textile. </p>
<p>Ce champ d’investigation m’amène à explorer la coloration au-delà de son esthétique afin de soulever des questionnements d’ordre écologique, économique et pédagogique. </p>
<p>Alors que l’aspect <em>glamour</em> de la mode occulte les problématiques sanitaires et socio-environnementales de l’industrie textile, j’oriente ma réflexion vers une compréhension plus globale de la teinture qui comprend ses origines, ses modes de fabrication et ses interactions avec le vivant. </p>
<p>J’explore le développement de teintures non toxiques, en étudiant d’une part, la littérature sur les <a href="https://www.belin-editeur.com/le-monde-des-teintures-naturelles">colorants naturels depuis la préhistoire</a>. De l’autre, en rencontrant des experts du domaine comme l’historienne <a href="https://www.cnrs.fr/sites/default/files/download-file/CardonD.pdf">Dominique Cardon</a> ou l’artisane textile écolettrée <a href="https://fibershed.org/staff-board/">Rebecca Burgess</a>, fondatrice du concept <a href="https://fibershed.org">Fibershed</a>, qui vise à produire un vêtement biodégradable dans un espace géographique restreint. </p>
<p>J’étudie aussi des pratiques de terrain, dont celle du Laboratoire Textile de l’<a href="https://www.luma.org/fr/arles/nous-connaitre/les-projets/atelier-luma.html">Atelier Luma</a> qui travaille à l’intersection de l’écologie, du textile et du développement économique régional. </p>
<p>Enfin, je m’intéresse aux <a href="https://www.arts.ac.uk/subjects/textiles-and-materials/postgraduate?collection=ual-courses-meta-prod&query=!nullquery&start_rank=1&sort=relevance&f.Subject-test%7Csubject=Textiles%20and%20materials&f.Course%20level%7Clevel=Postgraduate">formations en design qui proposent une approche art-science</a> où l’<a href="https://wildproject.org/livres/vers-lecologie-profonde">écologie profonde</a> est intégrée au processus de conception. </p>
<h2>Symbiose entre la nature et l’industrie textile</h2>
<p>Dans <a href="https://speculativelifebiolab.com/2022/04/03/cooking-and-culturing-colour-part-iv/">le laboratoire de recherche où je travaille</a>, j’expérimente le croisement de recettes tinctoriales (teintures textiles à base de plantes) traditionnelles et prospectives. </p>
<p>Inspirée par le concept d’<a href="https://doi.org/10.1038/scientificamerican0989-144">écologie industrielle</a>, précurseur de l’économie circulaire, qui valorise les rebuts d’une industrie comme ressources pour une autre, j’utilise des <a href="https://www.lapresse.ca/societe/mode-et-beaute/2021-03-30/quand-les-dechets-se-melent-de-la-mode.php">déchets agroalimentaires comme source colorante</a>, que je combine à l’utilisation de <a href="https://hexagram.ca/fr/demo2-vanessa-mardirossian-the-culture-of-color-an-ecoliteracy-of-textile-design-2/">bactéries productrices de pigment</a> pour élargir la palette de couleurs. </p>
<p>Ainsi, les tannins issus de divers rebuts peuvent être valorisés dans des recettes de teintures. </p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="bouts de tissu colorés" src="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551537/original/file-20231002-25-qtiisx.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Tissu teint à partir de déchets et de bactéries.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Vanessa Mardirossian)</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Mais colorer un textile n’est que la partie visible de l’iceberg. Car toute une préparation de la fibre se passe en amont pour assurer la résistance de la couleur à la lumière et au lavage. C’est ce qu’on appelle le « mordançage ». Que la fibre soit animale ou végétale, les mordants utilisés seront différents, mais doivent rester bénéfiques à l’environnement pour pouvoir y être rejetés. </p>
<p>Cette expertise acquise de façon itérative entre la théorie, le prototypage et l’analyse de résultats contribue à l’écolittératie textile. Doublée d’une connaissance en biologie, cette dernière permet d’appréhender les interactions délétères entre le monde matériel et vivant. </p>
<p>La synthèse des concepts d’écolittératie et de biomimétisme m’amène à réfléchir à une macro-vision de l’écosystème industriel de la mode et à envisager le concept d’« écolittératie textile » comme un moyen de déployer un réseau de collaborations intersectorielles entre le design, la santé, l’éducation et l’industrie. </p>
<p>Ma recherche vise ainsi à montrer que la <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.2752/175693810X12774625387594">matérialité textile doit s’harmoniser de manière symbiotique avec les écosystèmes naturels</a> afin que les deux parties bénéficient de leur interaction.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214322/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Vanessa Mardirossian est membre de l'Acfas, d'Hexagram et des laboratoires de recherche: Textiles & Materiality et Critical Practices in Material and Materiality de l'Université Concordia. Elle a reçu des financements du Conseil de recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSH), de l'Université Concordia et de l'Université du Québec à Montréal.</span></em></p>La fabrication des vêtements, lors de leur production, leur utilisation et leur fin de vie, a un impact sur notre santé. Mais une meilleure connaissance écologique pourrait renverser la vapeur.Vanessa Mardirossian, PhD Candidate and educator in sustainable fashion, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2108502023-08-03T21:33:28Z2023-08-03T21:33:28ZBarbie, un phénomène marketing qui gagne également… Animal Crossing<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/540814/original/file-20230802-25-zfrooo.PNG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C3%2C834%2C407&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Un défilé Barbie reconstitué sur Animal Crossing et partagé sur Instagram</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.instagram.com/p/CvVyFglpzZG/">megs.crossing / Instagram</a></span></figcaption></figure><p>Star à l’écran avec le <a href="https://www.cnbc.com/2023/07/26/barbie-box-office-dominates-monday-tuesday.html">démarrage record</a> du <a href="https://theconversation.com/le-film-barbie-est-il-vraiment-feministe-210261">film éponyme</a>, saviez-vous que Barbie l’était par la même devenue sur… <em>Animal Crossing</em> ? Ce jeu de simulation de vie permet aux joueurs de créer et personnaliser leur propre île. Depuis la sortie de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=2oOzWcbVf1c">bande-annonce</a> du <a href="https://theconversation.com/topics/cinema-20770">long métrage</a> réalisé par Greta Gerwig, plusieurs créateurs partagent sur les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/reseaux-sociaux-20567">réseaux sociaux</a> des designs de <a href="https://twitter.com/CrisCrossing26/status/1684637336649203714">vêtements</a>, des visites de leur île ou bien encore des tutoriels visant à reproduire la maison de rêve de la <a href="https://shopping.mattel.com/fr-fr/pages/barbie">poupée Mattel</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/cFwUzNHIzxE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Barbie ne saurait être la seule à avoir investi <em>Animal Crossing</em> : <a href="https://twitter.com/StarWarsAC"><em>Star Wars</em></a>, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=knRXG3bUaoE"><em>Toy Story</em></a> et d’autres héros de films iconiques sont également à l’honneur. Certains joueurs ont recréé des tenues inspirées d’Elsa et d’Anna de la <a href="https://www.youtube.com/watch?v=_nzr2jpkXyw"><em>Reine des Neige</em></a> ; d’autres, à partir de l’univers de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=Z9_oa0JGkRU"><em>Harry Potter</em></a> ont reconstitué la salle commune de Gryffondor ou d’autres lieux emblématiques de Poudlard. Côté série, <a href="https://www.youtube.com/watch?v=96wUyHreNIk"><em>Mercredi</em></a>, <a href="https://www.reddit.com/r/AnimalCrossing/comments/tflg3m/my_take_on_central_perk_and_monica_rachels/"><em>Friends</em></a>, ou les <a href="https://www.youtube.com/watch?v=GPtc9WB5iaw"><em>Simpsons</em></a> inspirent aussi les joueurs. Preuve de la plasticité de l’univers <em>Animal Crossing</em>, même des scènes emblématiques de <a href="https://www.youtube.com/watch?v=u7BlAHoIYYo"><em>Game of Thrones</em></a> ont été répliquées.</p>
<p>Objet de nos <a href="https://www.cairn-int.info/journal-decisions-marketing-2023-1-page-161.htm">recherches</a>, récemment publiées dans la revue <em>Décisions Marketing</em>, le jeu n’a pas qu’une dimension ludique lorsqu’il se rapproche de pareils univers. Nintendo et les producteurs audiovisuels ont aussi à y gagner.</p>
<h2>La mode, omniprésente dans <em>Animal Crossing</em></h2>
<p>Avec plus de <a href="https://www.actugaming.net/nintendo-a-vendu-plus-de-125-millions-de-switch-563417/">42,2 millions d’unités vendues</a> au 31 mars 2023, <em>Animal Crossing : New Horizons</em> se place derrière Mario Kart 8 Deluxe au deuxième rang des <a href="https://theconversation.com/topics/jeux-video-23270">jeux vidéo</a> les plus vendus du géant nippon Nintendo. La mode y joue un rôle essentiel et constitue l’un des aspects les plus appréciés des joueurs. La personnalisation de leur avatar, également appelé « villageois », constitue en effet l’un des aspects saillants du jeu. Ils peuvent en choisir l’apparence et obtenir tout au long de leur aventure de nombreux vêtements et accessoires.</p>
<p><em>Animal Crossing</em> offre également aux joueurs la possibilité de concevoir et de personnaliser leurs propres vêtements. Grâce à l’outil de création de motifs, ils peuvent dessiner leurs designs et les appliquer sur différents vêtements, créant ainsi des tenues originales et personnalisées. La mode permet aux joueurs de créer un avatar unique, reflet de leur look avéré, rêvé ou fantasmé. Elle joue également un rôle important dans les interactions sociales.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1257067960914468869"}"></div></p>
<p>En visitant les îles d’autres joueurs ou en accueillant des visiteurs sur leur propre île, les joueurs peuvent échanger des vêtements et accessoires, <a href="https://www.instagram.com/p/CvSfkTntHe0/">organiser des défilés</a> ou des séances de shopping. Dans cette dynamique de partage, nombreux sont ceux qui partagent leurs créations en ligne sur des réseaux sociaux comme Instagram ou celui qu’il faut maintenant appeler <a href="https://theconversation.com/twitter-devient-x-un-sabordage-pour-mieux-relancer-le-reseau-social-210424">« X »</a>.</p>
<p>Comme nous l’expliquions dans une <a href="https://theconversation.com/marques-de-vetements-bijoux-cosmetiques-mais-que-font-elles-toutes-sur-animal-crossing-193998">précédente contribution à The Conversation</a>, l’intérêt pour la mode de la communauté <em>Animal Crossing</em> a naturellement attiré l’attention des marques qui y réalisent des <a href="https://rfg.revuesonline.com/articles/lvrfg/abs/2022/04/rfg305.11-34/rfg305.11-34.html">placements de produits</a>. Certaines comme <a href="https://www.rosbeef.fr/gmo-x-animal-crossing">Gémo</a> ou <a href="https://www.uniqlo.com/my/en/spl/ut/animal-crossing-new-horizons/special">Uniqlo</a> n’ont pas manqué d’intégrer le jeu pour y déployer des collections virtuelles inspirées de leurs produits réels. C’est aussi via la mode que des productions audiovisuelles font leur apparition dans le jeu vidéo.</p>
<h2>Joueurs, Nintendo, producteurs : tous gagnants</h2>
<p>Bien que les outils de personnalisation du jeu vidéo soient puissants, ils présentent aussi des limites, sources de défis en particulier lorsqu’il s’agit de reproduire des icônes comme Barbie : gare à la <a href="https://www.leseclaireuses.com/news/weird-barbie-tendance-tiktok-gkx.html">Barbie bizarre</a> ! La taille des motifs et le nombre de couleurs étant restreints, la reproduction fidèle de certains vêtements constitue une véritable prouesse. Le challenge est d’autant plus grand que les personnages du jeu vidéo ont un style graphique spécifique et une morphologie bien éloignée de celle de l’icône de la mode. Ces difficultés graphiques ne sauraient néanmoins contrarier les joueurs rodés au style « kawaii » de l’univers d’<em>Animal Crossing</em>.</p>
<p><em>Animal Crossing : New Horizons</em> leur offre une toile vierge pour exprimer leur amour pour leurs séries et films préférés. La convergence du monde du jeu vidéo et de l’industrie du divertissement cinématographique et télévisuel ouvre ainsi aux joueurs la possibilité de laisser libre cours à leur créativité. Cela leur donne l’occasion de vivre une expérience immersive où ils peuvent incarner leurs personnages favoris, créer des décors emblématiques et partager leur passion auprès de la communauté du jeu. Ils deviennent alors des acteurs clés dans la promotion et la réinterprétation des films et séries.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-film-barbie-est-il-vraiment-feministe-210261">Le film « Barbie » est-il vraiment féministe ?</a>
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<p>Nintendo y trouve là aussi son intérêt. Pour la multinationale, l’intégration par les joueurs des productions audiovisuelles constitue une opportunité supplémentaire d’attraction et de fidélisation. Cela renforce l’engagement envers le jeu et crée une communauté vivante et créative autour de celui-ci. Les reproductions de séries, émissions TV et films célèbres peuvent attirer l’attention des réseaux sociaux et des médias : cela augmente la visibilité du jeu et de Nintendo.</p>
<p>Quant aux producteurs, ils tirent eux aussi parti de cette pratique qui accroît la visibilité de leurs produits. Des collaborations spéciales, comme des événements croisés ou des objets promotionnels, peuvent être envisagées. Dans ce registre, la promotion de la série <a href="https://www.netflix.com/fr/title/81277950">Enola Holmes</a> est emblématique. C’est, par exemple, depuis <a href="https://www.instagram.com/acnhfashion/">son compte Instagram</a> que la créatrice Nicole Cuddihy a assuré la promotion des costumes qu’elle a réalisés en lien avec la célèbre série de Netflix.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CF2uoNhJlba","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>La reproduction de leurs créations dans un jeu populaire comme <em>Animal Crossing</em> peut servir de promotion indirecte aux séries, films ou autres émissions TV. Cela peut attirer l’attention de nouveaux publics et prolonger l’intérêt pour ces contenus.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/210850/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Renault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le jeu Animal Crossing : New Horizons, développé par Nintendo, est devenu un véritable espace de résonance pour les films et séries. Barbie ne fait pas exception.Sophie Renault, Professeur des Universités en Sciences de Gestion et du Management, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2083822023-07-18T18:32:36Z2023-07-18T18:32:36ZUn « bra » d’honneur : comment le soutien-gorge est-il devenu un symbole politique ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/537079/original/file-20230712-29-acndss.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C1%2C1280%2C777&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le lancer de soutien-gorge annuel du Pink Bra Bazaar à la Tour Eiffel</span> <span class="attribution"><span class="source">Pink Bra Spring</span></span></figcaption></figure><p>Plébiscité par certaines femmes pour des raisons esthétiques, de confort ou de santé, le <a href="https://www.lexpress.fr/styles/bien-etre/psycho/pourquoi-elles-ont-choisi-de-vivre-sans-soutien-gorge_2092565.html">rejet du soutien-gorge</a> a accédé récemment au rang de symbole de libération des corps au point d’incarner une forme d’<em>empowerment</em> féminin. Il n’est ainsi pas rare de voir de plus en plus de femmes, quelle que soit la saison, de tout âge et corpulences, proscrire ce vêtement/accessoire de leur garde-robe.</p>
<p>Plusieurs acteurs ont popularisé ce phénomène durant la décennie 2010. Pensons au mouvement <a href="https://www.youtube.com/watch?v=UAA5qHu4B9g">No Bra Challenge</a> en 2018, mais aussi au travail de la féministe américaine Moira Johnson qui avait fait du sein et de son exposition une revendication en militant pour que les femmes obtiennent le droit de se promener topless dans les rues de New York sans craindre une arrestation. Une aspiration relayée par le mouvement <em>Free the Nipple</em>, lancé en 2012 par Lina Esco qui, dans son docu-fiction éponyme, mettait en scène un groupe de femmes osant défiler torse nu à New York afin de montrer l’absurdité de la loi. </p>
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<figcaption><span class="caption">Bande-Annonce de Free the Nipples.</span></figcaption>
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<p>En devenant viral, l’hashtag #freethenipple a favorisé la circulation des revendications. En France, les <a href="https://www.cairn.info/revue-multitudes-2012-3-page-204.htm">Tumultueuses</a> dénoncèrent le port du haut de maillot de bain pour les femmes qui, en occultant les seins, œuvrait à la perpétuation d’un ordre hétérosexiste. Organisant des <a href="https://www.nonfiction.fr/article-4336-les_tumultueuses__topless_et_activisme_politique.htm">bains revendicatifs</a>, elles réclamaient le droit pour les femmes à se baigner dans les piscines publiques seins nus ou demandaient aux hommes de se couvrir le torse.</p>
<figure class="align-left zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="« Dames parisiennes dans leurs atours complets d’hive », caricature de 1799, par Isaac Cruikshank, sur les excès de la mode des « Merveilleuses » du Directoire, qui visait à copier le style « héllénique »" src="https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=911&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1145&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1145&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/536851/original/file-20230711-29-7dy0qy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1145&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">« Dames parisiennes dans leurs atours complets d’hiver », caricature de 1799, par Isaac Cruikshank, sur les excès de la mode des « Merveilleuses » du Directoire, qui visait à copier le style « héllénique ».</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/d/d4/1799-Cruikshank-Paris-ladies-full-winter-dress-caricature.jpg?uselang=fr">Isaac Cruikshank/Wikimedia</a></span>
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</figure>
<p>Érigé en vecteur de « la liberté conquise » par rapport au corset – c’est notamment le sens que lui donne le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_Poiret">couturier Paul Poiret</a> qui invente en 1908 une silhouette fluide, inspirée des <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Incroyables_et_Merveilleuses">Merveilleuses du Directoire</a> – le soutien-gorge est devenu en Occident 120 ans plus tard celui de l’oppression et de la domination patriarcale.</p>
<p>Étrange volte-face qui dit bien la labilité des objets et des significations associées, la mutation des regards et des pratiques comme la nature des mobilisations et des valeurs qui les sous-tendent.</p>
<h2>Du corset au soutien-gorge</h2>
<p>L’histoire des sous-vêtements féminins, et notamment le passage du corset au soutien-gorge, nous raconte une <a href="https://www.fnac.com/a224515/Philippe-Perrot-Les-Dessus-et-les-dessous-de-la-bourgeoisie">progressive émancipation</a> : celle d’une transformation des contraintes qui enserraient les corps des femmes, celle de l’appropriation de soi, entre souplesse et fluidité, dans un imaginaire renouvelé de liberté conquise.</p>
<p>On le sait, corsets et crinolines contribuèrent à la fin du XIX<sup>e</sup> siècle à la division des sexes, œuvrant à la promotion d’une silhouette cambrée et en sablier qui <a href="https://www.decitre.fr/livres/the-corset-9780300090710.html">atrophiait la taille</a> pour faire saillir les seins et les reins. Se trouvait fixé un imaginaire où le corps féminin était guindé et guidé par un carcan rigide qui fonctionnait <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/la-silhouette-georges-vigarello/9782757869673">comme un tuteur</a>.</p>
<p>Il s’insérait aussi dans une économie des corps qui n’était pas dissociable de <a href="https://lvsl.fr/la-classe-de-loisir-de-veblen-pour-comprendre-les-crises-ecologiques-modernes/">logiques distinctives et de profits mondains</a>. Explicitement conçus pour exhiber leurs coûts et susciter l’attention, les vêtements féminins (dont les corsets) témoignaient de cette domination masculine, à la fois économique et sociale, par la médiation d’une consommation ostentatoire dont les femmes, entretenues dans une vie oisive et habillées de vêtements coûteux et entravants, en étaient l’expression.</p>
<h2>Interactions sociales et territoire du moi</h2>
<p>Mais dès le début de la Belle Époque, un mouvement de rejet se dessine à l’égard du corset sous le triple aiguillon de la mode, du savoir médical – qui invite à prendre conscience des déformations qu’il produit – et des féministes qui réclament sa suppression ou son adaptation au corps féminin. Le corset est progressivement remplacé au début du XX<sup>e</sup> siècle par l’architecture plus souple du <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/a-l-origine-du-soutien-gorge-une-feministe-revolutionnaire-1187756">soutien-gorge</a> (dont le premier brevet est déposé en 1898).</p>
<p>Ce dernier insuffle des représentations plus sportives même s’il continue à surligner (voire à amplifier) les courbes, par un jeu ambivalent d’exposition/occultation. Avant d’être galbant ou pigeonnant, le soutien-gorge redessine toujours les silhouettes, lutte contre la mollesse des chairs et redresse les seins, assurant la perpétuation d’une érotologie valorisant les poitrines et figeant durablement les stéréotypes de genre. La liberté de mouvement n’est pas nécessairement synonyme de libération des corps.</p>
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<p>Au-delà de sa fonctionnalité supposée, ce <a href="https://www.cairn.info/les-objets-ont-ils-un-genre--9782200277130-page-137.htm">« vêtement lisière »</a> délimite les contours de ce « territoire du moi » et construit les identités (de genre). Invisibilisé le plus souvent, parfois annexé dans des stratégies de présentation de soi et de séduction (via le dévoilement plus ou moins contrôlé d’une bretelle ou d’une dentelle), le soutien-gorge constitue un adjuvant dans ces <a href="http://www.leseditionsdeminuit.fr/livre-La_Pr%C3%A9sentation_de_soi._La_Mise_en_sc%C3%A8ne_de_la_vie_quotidienne_I-2089-1-1-0-1.html">chorégraphies du quotidien</a>, celles qui ponctuent, en les codifiant, les interactions sociales ordinaires. Il devient aussi, dans les long sixties, un symbole sociopolitique : celui de l’émancipation des femmes.</p>
<h2>« Bra burner » et « freedom trash can »</h2>
<p>Une séquence mémorable a suscité toute une mythologie largement médiatisée : celle des brûleuses de soutien-gorge (« bra burner »). Lors de la manifestation organisée en 1968 à Atlantic City contre l’élection de Miss America, 400 féministes jetèrent dans une « poubelle de la liberté » (« freedom trash can ») des objets symbolisant « les instruments de torture des femmes » parmi lesquels gaines, bigoudis, faux cils, perruques et soutien-gorge.</p>
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<figcaption><span class="caption">En 1968, 400 féministes jetèrent dans une « poubelle de la liberté » des objets symbolisant les « instruments de torture des femmes ».</span></figcaption>
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<p>Entre histoire et mémoire, l’épisode est devenu emblématique du combat mené par les féministes américaines et le soutien-gorge la figure métonymique de ce corps problématique, tout à la fois désiré, érotisé, sexualisé, opprimé, violenté et/ou réifié par le désir masculin et sa sexualité hégémonique.</p>
<p>Le contexte n’était pas anodin. Il intervenait lors de l’un de ces concours de Miss qui, avec leurs propensions à définir les normes acceptables et désirables du corps féminin, allaient devenir la cible de ces contestations tant ils étaient accusés de véhiculer une <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/beaute_fatale-9782355220395">vision sclérosée, mutilante et stéréotypée des femmes</a>.</p>
<p>Cette contestation s’inscrivait aussi dans l’horizon d’attentes de cette époque. L’un des plus fameux slogans de Mai 68 – <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Vivre_sans_temps_mort,_jouir_sans_entraves">« Vivre sans temps morts. Jouir sans entraves »</a> – résumait bien l’humeur antiautoritaire et libertaire des années 60. Cette aspiration à l’émancipation se traduisit par une volonté farouche de libération des désirs, elle-même indissociable d’une politisation des corps.</p>
<h2>Labilité du signe et inversion du sens</h2>
<p>Transgressif, ce rejet du soutien-gorge l’est évidemment au regard du contexte : celui d’un conservatisme social et d’un moralisme ambiant alors prégnant dans les pays occidentaux. Le décentrement géographique et culturel est pourtant nécessaire en ce qu’il rend visible la variation des pratiques comme l’antinomie des lectures du monde social qui peuvent en être faites.</p>
<p>Si les seins nus furent perçus comme un symbole d’émancipation sexuelle et une provocation en Occident, ailleurs, <a href="https://www.cairn.info/revue-geneses-2010-4-page-64.htm">comme au Mali</a>, ce n’était pas forcément le cas :</p>
<blockquote>
<p>« Il n’y avait rien d’extraordinaire pour une Malienne d’être en pagne, poitrine dénudée au bord du Niger. L’adoption du bikini par les jeunes filles était bien plus subversive. […] Dans les années 1970, les jeunes Maliennes s’emparèrent du soutien-gorge, exhibèrent cet attribut de mode doté d’une signification émancipatrice, tandis que les Françaises s’en débarrassaient. »</p>
</blockquote>
<p>De façon comparable, stigmatisé par les féministes américaines, le soutien-gorge réapparait sur les podiums des défilés de mode dans les années 1980 lorsque des créateurs transgressifs s’imposent par le brouillage de codes. Dans les collections de Vivienne Westwood où de Jean-Paul Gaultier les soutiens-gorge s’affichent agressivement, ironiquement et iconiquement au-dessus des vêtements, dans une reprise appuyée à l’esthétique trash et carnavalesque du mouvement punk.</p>
<p>Enfin, et à rebours du mouvement No Bra, un soutien-gorge allait encore être réinvesti politiquement lors de la révolution égyptienne de 2011. Une scène devenue rapidement virale montrait une jeune femme voilée, agressée le 17 décembre 2011 place Tahrir par des soldats anti-émeutes. Traînée au sol sur plusieurs mètres avant d’être laissée inanimée, dénudée jusqu’à la taille, <a href="https://www.npr.org/sections/pictureshow/2011/12/21/144098384/the-girl-in-the-blue-bra">son abaya relevée exposait aux regards son soutien-gorge bleu</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1317478555442384897"}"></div></p>
<p><a href="https://www.researchgate.net/figure/Bahia-Shehab-The-Blue-Bra-On-top-No-to-stripping-the-people-The-sole-of-the_fig11_315847726">Un graffiti de l’artiste Bahia Shehab</a> a popularisé cette « Girl in the Blue Bra » et a érigé cette pièce du vestiaire féminin en symbole de cette résistance d’en bas menée par les femmes égyptiennes contre l’oppression.</p>
<p>Au début de l’année 2012, un groupe d’activistes Anonymous (AnonTranslator) lançait l’opération Blue Bra Girl invitant les internautes à marquer leur solidarité à l’égard des Égyptiennes en se photographiant en soutien-gorge bleu, opérant un renversement radical des codes et des significations associées à cet élément de la culture matérielle.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/208382/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>François Hourmant ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’histoire des sous-vêtements féminins, jusqu’à ne plus en porter, raconte une progressive émancipation du corps des femmes.François Hourmant, Professeur de science politique, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2095512023-07-18T18:29:32Z2023-07-18T18:29:32ZMode et dégâts environnementaux : comment aider les consommateurs à en prendre conscience ?<p>La production de matières textiles, dont la première destination est l’industrie de la mode, n’a cessé d’augmenter depuis le début du siècle. Celle-ci est passée de près de 60 millions de tonnes par an en 2000 à près de 110 en 2020, avec des prévisions estimant les volumes à près de 130 millions de tonnes par an en 2025, près de 150 en 2030.</p>
<p>Cette croissance exponentielle est vivement préoccupante car la production des matières textiles a de multiples impacts : sur le climat avec une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652621006107">contribution avérée au réchauffement climatique</a>, sur la biodiversité du fait de <a href="https://librairie.ademe.fr/consommer-autrement/1524-revers-de-mon-look-9791029710520.html">pratiques de déforestation, de surexploitation des sols et de pollution de l’air, des sols et de l’eau</a>, et sur le bien-être et la santé des personnes travaillant dans l’industrie, avec des risques relatifs à la salubrité et la sécurité sur le lieu de travail, la précarité de l’emploi voire des <a href="https://issuu.com/fashionrevolution/docs/fr_whitepaper_2020_digital_singlepages">cas avérés de non-respect du droit du travail</a>, des droits humains et de l’enfant.</p>
<p><iframe id="797NC" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/797NC/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pour remédier à ces impacts liés à la production des matières textiles, certaines marques de l’industrie de la mode cherchent à respecter les principes du développement durable. Elles ont recours à des modes de production moins dommageables pour l’environnement, les animaux et les personnes.</p>
<p>Concrètement, ces engagements conduisent les marques à privilégier des matières textiles naturelles moins polluantes (coton biologique) et nécessitant moins d’eau (lin, chanvre), des matières textiles recyclées (<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">bien que leur production présente des limites</a>), des matières respectant le bien-être animal – par exemple, labélisées <em>responsible wool standard</em> (RWS) – ou encore des matières alternatives aux matières animales (par exemple le <a href="https://www.wedressfair.fr/matieres/cuir-d-ananas-pinatex">Piñatex</a> fabriqué à base d’ananas pour éviter l’usage du cuir).</p>
<p>De manière transversale, ces engagements conduisent aussi les marques à privilégier des matières produites en Europe ou à l’étranger en suivant des chartes éthiques. À titre d’exemple, la marque <a href="https://la-mode-a-l-envers.loom.fr/insectocalypse-now-pourquoi-on-passe-nos-vetements-au-coton-bio/">Loom propose majoritairement des vêtements en coton</a> mais aussi en lin ou en laine. Le coton et le lin sont certifiés <em>global organic textile standard</em> (GOTS), la laine est certifiée « mulesing-free » (c’est-à-dire sans la pratique chirurgicale qui consiste à retirer la peau située autour de la queue des moutons et qui <a href="https://www.thegoodgoods.fr/mode/le-probleme-du-mulesing-dans-la-laine/">relève de la maltraitance animale</a>). Le lin est cultivé en France, le coton en Inde, ces matières sont tissées en Italie et les vêtements sont confectionnés au Portugal.</p>
<h2>Entre manque de connaissance et culpabilité</h2>
<p>Du côté des consommateurs, un intérêt croissant pour ces marques et ces produits se traduit par des intentions d’achat. Par exemple, 64 % des Français se déclarent prêts à acheter des <a href="https://media.licdn.com/dms/document/media/C4E1FAQGqv6GDPGTPjA/feedshare-document-pdf-analyzed/0/1673530086273?e=1689206400&v=beta&t=dDqgXxYDMrBjZONYfem7yoxbvwuv4BDG4EtN_9A7_MA">vêtements contenant des fibres naturelles, recyclées ou labellisées</a>, et 65 % soulignent que l’engagement des marques en matière de développement durable <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">constitue un critère important</a> de leurs achats de vêtements.</p>
<p><iframe id="K4Cj3" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/K4Cj3/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En parallèle cependant, il apparaît clairement que les consommateurs manquent de connaissances sur les matières textiles et leurs impacts, <a href="https://theconversation.com/la-transition-vers-une-mode-ethique-un-chemin-seme-dembuches-163905">voire n’en ont pas conscience</a>, bien qu’un certain nombre ressentent quoi qu’il en soit un sentiment négatif, <a href="https://theconversation.com/fast-fashion-porter-des-vetements-non-ethiques-fait-desormais-culpabiliser-le-consommateur-183052">voire de la culpabilité</a> en lien avec leurs achats de vêtements, particulièrement pour la <em>fast fashion</em>.</p>
<hr>
<p>
<em>
<strong>
À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/fast-fashion-porter-des-vetements-non-ethiques-fait-desormais-culpabiliser-le-consommateur-183052">« Fast fashion » : porter des vêtements non éthiques fait désormais culpabiliser le consommateur</a>
</strong>
</em>
</p>
<hr>
<p>Dans une récente <a href="https://www.researchgate.net/publication/370531488_Vers_une_prise_de_conscience_des_enjeux_ethiques_des_matieres_textiles_par_les_consommateurs_dans_le_cadre_de_la_transition_ecologique">recherche</a>, nous avons alors voulu comprendre comment peut s’opérer une prise de conscience des impacts des matières textiles sur le vivant. Grâce à 21 entretiens réalisés en France au domicile de consommateurs, en deux temps et à 6 mois d’intervalle, nous dégageons deux niveaux de conscience et expliquons comment les consommateurs peuvent passer de l’un à l’autre.</p>
<p>Au premier niveau, qualifié de <strong>conscience d’accès</strong>, ou de conscience <em>phénoménale</em>, le consommateur « sait » ce qu’est le coton : il connait les sensations associées à cette matière, il peut en parler, mais cela ne s’accompagne pas nécessairement d’une conceptualisation des impacts sur le vivant de cette matière.</p>
<p>Au second niveau, d’ordre supérieur, qualifié de <strong>conscience réflexive</strong>, le consommateur produit un jugement, souvent d’ordre moral, sur ses propres actes. Dans le cas des matières textiles, cela se traduit notamment par la prise en compte des enjeux éthiques associés aux matières, via deux dimensions :</p>
<ul>
<li><p>La durabilité du vêtement, autrement dit dans quelle mesure les matières textiles contribuent à « faire durer » le vêtement. C’est l’exemple d’une personne qui va acheter du coton parce qu’elle trouve que cette matière tient bien dans le temps.</p></li>
<li><p>Les impacts sur le vivant, autrement dit les conséquences de la production des matières textiles sur l’environnement, les animaux et les personnes. C’est l’exemple d’une personne qui va acheter du coton biologique parce qu’elle sait que cette matière nécessite moins de pesticides que du coton conventionnel, ou qui privilégie le lin sachant que cette matière nécessite moins d’irrigation que le coton.</p></li>
</ul>
<p>Pour passer du premier niveau au second, et du second niveau de la première dimension (durabilité du vêtement) à la seconde (impacts des matières textiles sur le vivant), certains évènements vont jouer un rôle clef.</p>
<h2>Le rôle clef des évènements suscitant la désadaptation</h2>
<p>Ces événements peuvent être une conversation avec un proche, <a href="https://www.nouveaumodelepodcast.com/">l’écoute d’un podcast</a>, la lecture d’un postexplicatif sur les réseaux sociaux, la lecture d’une étiquette de vêtement, l’expérience d’un vêtement qui se déforme au lavage, etc. Ils vont créer une désadaptation, un décalage par rapport au réel tel que celui-ci était jusqu’alors vécu.</p>
<p>Cette désadaptation, si elle s’accompagne ensuite d’une verbalisation pour autrui, permet la conceptualisation puis la réflexivité. Autrement dit, un évènement suscitant une désadaptation peut mener à une réflexion sur ce que cet évènement a révélé, mis en lumière pour le consommateur. Il en résulte des apprentissages qui sont le fruit du passage d’un niveau à l’autre.</p>
<p>Lorsque les matières deviennent des objets de réflexion suite à une désadaptation, certains consommateurs se rendent tout d’abord compte qu’ils n’avaient pas de connaissances sur les impacts des matières textiles sur le vivant, ou qu’ils avaient des connaissances erronées.</p>
<h2>Tous les consommateurs ne sont pas prêts</h2>
<p>De ce fait, certains vont chercher à se renseigner davantage : en regardant plus souvent les étiquettes, en faisant des recherches sur Internet, en interrogeant des vendeurs en magasin, en échangeant avec leurs proches, etc. Ceci pourra ensuite se traduire par des achats de vêtements contenant des matières jugées plus respectueuses de l’environnement, des personnes et des animaux, ou par l’identification de marques proposant des produits contenant ce type de matières, que les personnes rencontrées voudraient privilégier par le futur.</p>
<p>Cependant, tous les consommateurs ne souhaitent pas ou ne sont pas prêts à conceptualiser les impacts des matières textiles sur le vivant. Parmi les personnes que nous avons rencontrées, cela est dû à un désintérêt pour la catégorie vêtements, à un désintérêt pour l’environnement, le bien-être des personnes ou le bien-être animal, ou un sentiment d’impuissance quant aux impacts de la production des matières textiles sur le vivant.</p>
<h2>Une nécessaire verbalisation</h2>
<p>Cette recherche permet de formuler des recommandations destinées aux marques de mode qui souhaiteraient accompagner les consommateurs vers une plus grande conscience des impacts des matières textiles sur le vivant. Nous mettons à jour que l’information seule peut créer la désadaptation, mais ne suffit pas à la conceptualisation et donc à ce qu’une prise de conscience opère.</p>
<p>La verbalisation est nécessaire. En ce sens, les vendeurs ont un rôle clef à jouer en boutique, afin d’accompagner les consommateurs dans la compréhension des informations mises à leur disposition (étiquettes permettant d’identifier le type de matières textiles, labels, éléments de PLV mettant en avant les engagements de la marque pour réduire les impacts sur le vivant de ses vêtements du fait des matières les composant).</p>
<p>Enfin, afin de favoriser la prise de conscience en permettant la verbalisation pour autrui, des organisations comme <a href="https://theconversation.com/institutions/ademe-agence-de-la-transition-ecologique-2357">l’Ademe</a> (Agence de la transition écologique) ou <a href="https://refashion.fr/fr">Re_Fashion</a> (éco-organisme de la filière textile habillement, linge de maison et chaussures) pourraient organiser des ateliers avec des consommateurs pour échanger sur l’industrie de la mode et les sensibiliser à un « mieux consommer » les vêtements, nécessaire dans un contexte de <a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-comment-consommer-avec-sobriete-169574">transition des modes de vie vers la sobriété</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209551/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Selon un travail de recherche, un évènement simple comme une conversation avec un proche ou la lecture d’un post sur les réseaux sociaux peut créer un déclic dans les habitudes d’achat de vêtements.Edith de Lamballerie, Doctorante en sciences de gestion, Université Paris Dauphine – PSLValérie Guillard, Professeur des Universités (Sciences de Gestion), Université Paris Dauphine – PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072682023-07-06T17:18:08Z2023-07-06T17:18:08ZSurcycler des déchets textiles : une piste pour mieux isoler les bâtiments ?<p>Actuellement, l’<a href="https://theconversation.com/fr/search?q=industrie+textile&sort=relevancy&language=fr&date=all&date_from=&date_to=">industrie textile</a> est le cinquième secteur d’activité le plus polluant au monde. Ce secteur consomme beaucoup d’énergie et d’eau, mais aussi des quantités considérables d’engrais et pesticides pour faire pousser les fibres, et de métaux lourds, phtalates, et colorants pour les transformer. On estime qu’il faut <a href="https://doi.org/10.5194/hess-15-1577-2011">entre 7 000 et 11 000 litres d’eau pour la fabrication d’un seul jean à base de coton</a>.</p>
<p>Parmi les <a href="https://earth.org/statistics-about-fast-fashion-waste/">92 mégatonnes de déchets textiles produits par an</a>, une grande partie est brûlée ou envoyée dans les décharges. Seulement <a href="https://emf.thirdlight.com/file/24/uiwtaHvud8YIG_uiSTauTlJH74/A%20New%20Textiles%20Economy%3A%20Redesigning%20fashion%E2%80%99s%20future.pdf#page=20">14 % de ces déchets sont réutilisés</a> (seconde main) ou recyclés en matériaux à faible valeur ajoutée (sous-cyclage) : rembourrages de matelas, panneaux d’isolation notamment, tandis que 1 % est transformé en nouvelles fibres textiles (recyclage).</p>
<p>Entre 2000 et 2014, le nombre moyen d’habits achetés par individu a doublé et la quantité de déchets a augmenté de 40 % en 30 ans, <a href="https://www.mckinsey.com/business-functions/sustainability/our-insights/style-thats-sustainable-anew-fast-fashion-formula">un phénomène accéléré par la « fast fashion »</a>, le phénomène de renouvellement très rapide des collections de vêtements peu coûteux.</p>
<p>Le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recyclage-21060">recyclage</a> des textiles est indispensable à une transition vers des modèles économiques circulaires et plus durables mais il est aujourd’hui coûteux. Fabriquer des matériaux à haute valeur ajoutée (surcyclage) permettrait de compenser ces coûts et de favoriser le développement de la filière.</p>
<h2>Comment recycler les textiles ?</h2>
<p>Le recyclage des déchets textiles implique l’utilisation de procédés chimique, mécanique, organique ou mixte. L’élaboration de nouvelles fibres filées à partir de déchets textiles est possible pour les tissus d’origine végétale de type coton ou viscose, car ces textiles sont composés d’une seule matière. À savoir que la viscose, aussi appelée « fausse soie », est une fibre artificielle faite à partir de bois et présente une structure chimique finale similaire au coton.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531967/original/file-20230614-21-ztbp5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Du déchet textile au matériau valorisable : monolithes (cylindres) et billes d’aérogels faits à partir de deux tissus 100 % viscose.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au contraire, les textiles multicomposants sont très difficiles à recycler à cause des <a href="https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/0734242X18819277">propriétés physico-chimiques très variées des différentes fibres</a>. Par exemple, la plupart des fibres synthétiques telles que le polyester ou le polyamide peuvent être chauffées, fondues et mises en forme à haute température (autour de 200 °C), alors que cela est infaisable avec les polymères naturels tels que le coton ou la laine. On ne sait malheureusement pas séparer mécaniquement différents types de fibres actuellement à l’échelle industrielle.</p>
<p>Le développement de nouvelles approches de recyclage des déchets textiles est l’un des <a href="https://www.carnot-mines.eu/fr/carnot-mines-%C3%A0-la-recherche-de-solutions-op%C3%A9rationnelles-%C3%A0-la-question-du-recyclage-des-plastiques,https://www.theses.fr/s259058">principaux axes de recherche de différents projets scientifiques</a>, dont la création de nouveaux matériaux. En effet, aujourd’hui le peu de déchets textiles récupéré et voué à être retransformé suit soit une boucle de recyclage fermée – afin d’être de nouveau utilisé pour créer de nouveaux fils et tissus – soit une boucle ouverte, menant à la création de matériaux différents.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/industrie-de-la-mode-les-effets-tres-limites-du-recyclage-des-textiles-145363">Industrie de la mode : les effets (très) limités du recyclage des textiles</a>
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<p>Actuellement, les matériaux créés en « boucle ouverte » à partir de déchets textiles, comme les rembourrages de matelas, ont une faible valeur ajoutée par rapport à leur matière d’origine, le textile. Ce type de recyclage est donc caractérisé de « sous-cyclage » ou « downcycling ».</p>
<h2>Créer de nouveaux matériaux de haute valeur à partir de déchets</h2>
<p>Les déchets textiles ne font pour l’instant pas l’objet de valorisation par des procédés industriels de surcyclage ou « upcycling » en matériaux à haute valeur ajoutée. Ceux-ci pourraient permettre de contrer les coûts élevés des procédés de recyclage.</p>
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<p>De plus, l’utilisation de l’important gisement de déchets textiles permettrait de valoriser une ressource qui pour le moment est inexploitée, et de répondre à la demande croissante des industriels de remplacement des matières pétrosourcées par des biomatériaux (ici, la cellulose contenue dans les textiles).</p>
<p>C’est pourquoi ma thèse consiste en la transformation de déchets textiles à base de coton ou viscose en matériaux poreux de nouvelle génération et à haute valeur ajoutée, appelés « aérogels ».</p>
<h2>Les aérogels pour l’isolation des bâtiments</h2>
<p>Depuis plusieurs années, des aérogels à base de silice et de polymères pétrosourcés (non biosourcés donc) sont développés et utilisés à petite échelle en tant que « super isolants » thermiques pour le bâtiment – sachant que l’isolation est un des enjeux majeurs de la transition énergétique. Mais le coût élevé des matières premières et des procédés de fabrication impliquant des <a href="https://doi.org/10.1039/C3TA13172F">substances toxiques</a>, ainsi que les mauvaises propriétés mécaniques des aérogels de silice, <a href="https://doi.org/10.1007/s10971-016-4012-5">freinent leur développement à l’échelle industrielle</a>.</p>
<p>Les « bio-aérogels » élaborés à partir de sources naturelles comme la pectine (pépins de pomme et écorce d’agrumes), l’amidon (pomme de terre, riz et maïs) et la cellulose (bois) possèdent des propriétés similaires aux aérogels classiques en termes de porosité et densité. Mais ont l’avantage d’être entièrement composés de matières premières renouvelables, c’est-à-dire inépuisables, sont 100 % biodégradables et non toxiques.</p>
<p>Les bioaérogels 100 % textiles sont dix fois plus légers que l’eau et hautement poreux – le diamètre des pores est compris entre 20 et 100 nanomètres, ce qui les rend invisibles à l’œil nu. Ils contiennent plus de 90 % d’air, et, si on déplie virtuellement un gramme de matériau aérogel, alors sa surface correspond à deux terrains de tennis (environ 400 mètres carrés). Ils présentent également des <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">propriétés similaires aux aérogels faits de cellulose pure standard</a> élaborée en laboratoire.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="microscopie du matériau poreux" src="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/531966/original/file-20230614-27-w4adxa.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">La structure interne, très poreuse, de notre aérogel de cellulose. La photo couvre environ 25 micromètres en largeur.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Marion Négrier</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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</figure>
<p>Leur porosité particulièrement élevée devrait permettre leur utilisation en tant que matériaux d’<a href="https://doi.org/10.3390/coatings8100345">isolation thermique</a> et <a href="https://doi.org/10.1002/adem.202201137">acoustique</a> dans le bâtiment et le secteur du transport.</p>
<p>Prenons, par exemple, la <a href="https://doi.org/10.1039/D2SU00084A">transformation en biomatériau d’une chemise 100 % viscose</a> provenant d’un gisement de post-consommation. Après effilochage du tissu, je dissous les fibres grâce à des solvants spécifiques, permettant l’obtention d’une solution de « viscose liquide ». Après avoir fait gélifier ce liquide sous la forme désirée (cylindres, billes, formes sur mesure par impression 3D), j’élimine le solvant et je sèche le gel dans des conditions spécifiques, me permettant d’obtenir un biomatériau sec poreux 100 % textile. Nos tests de conductivité thermique montrent que les aérogels obtenus isolent mieux que les panneaux d’isolation fabriqués en textile recyclés, mais il reste à faire des tests grandeur nature dans des bâtiments. On observe une conductivité thermique entre 0,030 et 0,036 W/mK pour les aérogels face à <a href="https://www.izi-by-edf-renov.fr/blog/isolation-textile-recycle">0.039–0,051 W/mK pour les isolants classiques en textile</a>, qui transmettent donc plus la chaleur.</p>
<p>Une variante de ce procédé permet également de <a href="https://pubs.rsc.org/en/content/articlelanding/2023/su/d2su00084a">recycler le textile multicomposé comme le polycoton (mélange polyester/coton)</a>, où le coton est sélectivement dissous et le polyester récupéré pour être recyclé séparément.</p>
<h2>Les autres applications des aérogels issus de déchets textiles</h2>
<p>La fine porosité des aérogels de cellulose permettrait aussi de fabriquer des <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6403747/">filtres à air pouvant être utilisés dans les salles blanches</a> (industrie agroalimentaire, électronique) afin de piéger les particules et éviter les potentielles contaminations.</p>
<p>En plus de leur biocompatibilité, la taille des pores des aérogels de cellulose peut être modifiée et adaptée selon l’application (de quelques dizaines de nanomètres à quelques dizaines de microns), il est alors possible d’y inclure une substance active et de contrôler son relargage au cours du temps.</p>
<p>Ainsi, ces biomatériaux peuvent être utilisés en tant que <a href="https://doi.org/10.1007/s10570-021-03734-9">matrice contenant des médicaments</a> ou des engrais. Les aérogels de cellulose peuvent également servir à l’élaboration de dispositifs médicaux spécifiques en tant que <a href="http://bmrat.org/index.php/BMRAT/article/view/637">pansement antibactérien</a>, ou comme <a href="https://pubs.acs.org/doi/10.1021/bm5003976">support tridimensionnel pour la culture cellulaire</a>.</p>
<p>Grâce à leurs propriétés physico-chimiques particulières, les aérogels de textile pourraient ainsi faire l’objet de multiples applications dans des secteurs variés.</p>
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<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-18-EURE-0021">Biotechnology Building Bio-based Economy</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207268/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le travail de thèse a été financé par l'Institut Carnot M.I.N.E.S. et a bénéficié d'une aide de l’État gérée par l'Agence Nationale de la Recherche au titre du programme d’Investissements d’Avenir portant la référence ANR-18-EURE-0021.</span></em></p>Nous créons de nombreux déchets textiles, qui sont peu recyclés, et encore moins surcyclés. Une piste pour donner plus de valeur à ces fibres mises au rebut.Marion Négrier, Post-doctorante en chimie des matériaux au CEMEF (Mines Paris - PSL), en collaboration avec le centre RAPSODEE (IMT Mines Albi) et avec le le Centre Thermodynamique des Procédés, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072332023-06-07T19:38:30Z2023-06-07T19:38:30ZLa mode unisexe, un révélateur des divergences sociétales sur le genre<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/530561/original/file-20230607-23-wyv9v0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=111%2C0%2C1013%2C718&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">44&nbsp;% des représentants de la Génération Z déclarent acheter exclusivement des vêtements conçus pour leur propre sexe, contre 54&nbsp;% chez les représentants de la génération Y.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.wallpaperflare.com/woman-and-man-posing-for-photoshoot-man-and-woman-wearing-white-t-shirts-at-daytime-wallpaper-ztwro/crop">Wallpaperflare.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Jouer avec les limites du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/genre-22050">genre</a> n’est pas un exercice nouveau dans <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/mode-l-habit-fait-il-encore-le-genre-4134367">l’industrie et l’histoire de la mode</a>. Toutefois, les frontières ont été repoussées plus loin depuis le début du XXI<sup>e</sup> siècle. En effet, cette mode multigenre habituellement présente dans le milieu artistique (par exemple dans la musique pop chez <a href="https://www.liberation.fr/musique/2013/03/22/bowie-sur-demesure_890605/">David Bowie</a>, <a href="https://www.lesinrocks.com/musique/prince-androgyne-de-genie-70715-28-04-2016/">Prince</a> ou <a href="https://www.vogue.fr/vogue-hommes/article/harry-styles-couverture-vogue-us">Harry Styles</a> pour ne citer qu’eux) est de plus en plus présente dans les magasins, les défilés et les placards des (plus jeunes) consommateurs.</p>
<p>Ainsi, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/mode-23119">mode</a> « unisexe », considérée ici comme une mode « dégenrée », incluant des vêtements pouvant être par des hommes tout comme des femmes, ou une mode « cross genré » où les femmes portent des vêtements initialement destinés aux hommes et vice versa, se généralise. Cette tendance croissante chez les jeunes générations, notamment les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-y-37647">générations Y</a> (entre 24 et 40 ans) et la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/generation-z-46146">génération Z</a> (entre 8 et 23 ans) <a href="https://www.semanticscholar.org/paper/Product-gender-perceptions-and-antecedents-of-Fugate-Phillips/cdefc80b571ffcbf39c2d29fa30cc8fab65bf84e">pourrait même définir l’avenir de l’industrie et même de la société elle-même</a>.</p>
<p><div data-react-class="InstagramEmbed" data-react-props="{"url":"https://www.instagram.com/p/CHilTlShMqu","accessToken":"127105130696839|b4b75090c9688d81dfd245afe6052f20"}"></div></p>
<p>Les consommateurs de la génération Z sont généralement associés aux nouvelles idées et attitudes sur le sexe et le genre. Un <a href="https://www.wundermanthompson.com/insight/gen-z-goes-beyond-gender-binaries-in-new-innovation-group-data">rapport</a> indique que 33 % de la génération Z et 23 % de la génération Y pensent que le sexe n’est pas une caractéristique déterminante d’un individu. Dans le même rapport, 56 % des personnes interrogées déclarent connaître quelqu’un qui utilise des pronoms non genrés. Concernant les comportements d’achat, 44 % d’entre eux ont déclaré acheter exclusivement des vêtements conçus pour leur propre sexe, contre 54 % chez les représentants de la génération Y.</p>
<h2>Une dichotomie entre designers et consommateurs</h2>
<p>Dans ce contexte, de nombreuses marques de mode ont entamé un processus de « dégenrisation » de leurs stratégies de conception, de merchandising et de communication – notamment en ce qui concerne les <a href="https://www.stylight.fr/Magazine/Fashion/Mode-Unisexe-7-Marques-A-Connaitre-Pour-Des-Vetements-Sans-Genre/">vêtements</a>, les <a href="https://www.luxurydaily.com/louis-vuitton-launches-new-unisex-cologne-perfume/">parfums</a> et <a href="https://www.cosmopolitan.fr/bijoux-unisexe-collection,2073516.asp">bijoux</a>. Cependant, le commerce vestimentaire reste principalement bigenré (collections homme et femme). En témoignent les magasins de mode traditionnellement séparés par catégorie de genre. Qui plus est, malgré cette nouvelle tendance de fluidité des genres dans la mode, il existe peu de recherche académique concernant cette mode de consommation.</p>
<p>Mes collègues et moi avons récemment publié deux articles scientifiques sur ce sujet. Pour notre premier <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17569370.2020.1816317?journalCode=rffp20">article</a>, publié en 2020, nous avions recruté 263 participants auxquels nous avons demandé d’observer une série de photos. Sur chaque cliché étaient représentés un homme et une femme portant la même tenue vestimentaire, autrement dit des photos de mode unisexe.</p>
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<p>Ces 263 participants ont été divisés en deux groupes : le premier groupe a observé ces photos sans avoir aucune précision de l’expérimentateur ; au second, il a été précisé que ces photos représentaient des vêtements unisexes. Nos résultats ont montré que ni le label « unisexe » ni la masculinité/féminité du vêtement n’avaient d’importance dans l’intention d’achat des consommateurs, seuls l’esthétique et le style vestimentaire importaient.</p>
<p>Pour cet <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/17569370.2020.1816317?journalCode=rffp20">article</a>, nous avons également demandé à un groupe de designers d’imaginer, en utilisant la technique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/design-thinking-43749"><em>design thinking</em></a>, un vêtement unisexe. Nos résultats ont montré que les designers se focalisaient sur le contexte social, la masculinité/féminité du vêtement et l’orientation sexuelle du consommateur plutôt que sur le style et l’esthétique. Ce premier article montre donc la dichotomie de l’approche du vêtement unisexe par les consommateurs et les designers.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1664008624681697281"}"></div></p>
<p>Dans notre deuxième <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-03-2022-0047/full/html">article</a> sur ce sujet publié en 2022, nous avons essayé de comprendre les facteurs impliqués dans l’achat de produits de mode du sexe opposé. Après une série d’entretiens individuels avec treize femmes cisgenres (qui se reconnaissent le même genre que celui déclaré à l’état civil à la naissance) des générations Y et Z, nous avons exploré et cartographié la motivation et l’expérience d’achat des consommatrices pour la mode au rayon homme.</p>
<p>Les résultats ont permis de définir un modèle de comportement d’achat : avant l’achat, une motivation de non-conformité. Ici, nos participantes nous ont partagé vouloir aller au-delà (et pas forcément à l’encontre) de ces normes trop féminisées et stéréotypées de la femme. Ensuite, nos participantes ont insisté sur le temps investi lors de l’achat. Elles ont toutes – décrit un mode d’achat plus rapide et moins complexe au rayon homme. Enfin, après l’achat, les consommatrices ont insisté sur la satisfaction d’avoir trouvé un style vestimentaire qui correspondait à leur identité propre, et non à une identité que la société et/ou l’industrie leur imposaient.</p>
<h2>Au-delà de la mode</h2>
<p>Au bilan, ces travaux de recherche révèlent donc l’existence de deux fossés : d’abord, entre les designers qui se focalisent sur un contexte social et les consommateurs qui se concentrent sur l’esthétique ; puis entre les plus jeunes générations qui jouent avec la fluidité des genres et les moins jeunes générations qui ont eu l’habitude d’évoluer dans une société et une industrie de la mode bigenrée.</p>
<p>L’actualité récente indique que ce dernier fossé, particulièrement profond, dépasse largement le champ de la mode. En avril dernier, le chanteur Bilal Hassani, porte-drapeau revendiqué de la communauté LGBT, <a href="https://www.francetvinfo.fr/culture/musique/menace-le-chanteur-bilal-hassani-annule-son-concert-prevu-ce-mercredi-a-metz_5753576.html">recevait des menaces de mort</a> et était contraint d’annuler un concert à Metz sous la pression des mouvances catholiques. À l’inverse, quelques mois plus tôt, une professeure de philosophie britannique <a href="https://www.standard.co.uk/news/uk/university-of-sussex-obe-higher-education-twitter-university-and-college-union-b963107.html">démissionnait de ses fonctions</a> après la révolte de ses étudiants qui l’accusait de transphobie pour avoir organisé un débat sur le genre sexuel.</p>
<p>Seuls l’écoute, le respect et la discussion semblent aujourd’hui permettre de réconcilier les deux camps. Car, comme l’écrivait la militante américaine <a href="https://www.goodreads.com/quotes/9776070-in-diversity-there-is-beauty-and-there-is-strength">Maya Angelou</a>, c’est dans la diversité que résident la beauté et la force.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207233/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Des travaux de recherche révèlent l’existence d’un double fossé entre designers et consommateurs mais aussi entre les générations.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2067922023-05-31T16:21:26Z2023-05-31T16:21:26ZGénération Z : un style vestimentaire hors des sentiers battus<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/529423/original/file-20230531-17-717n5d.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C17%2C1914%2C1258&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Comment la génération Z s'habille-t-elle ? Comme elle veut.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pexels.com/fr-fr/photo/gens-image-chapeau-colore-5325771/">Anna Shvets/Pexels</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Avez-vous vu que les <a href="https://www.lofficiel.com/fashion/pantalon-cargo-tendance-instagram">pantalons cargo</a>, et même les <a href="https://www.courrierinternational.com/article/mode-lannee-2021-marque-letonnant-retour-en-grace-des-chaussures-crocs">Crocs</a>, sont de nouveau plébiscités par les jeunes ? </p>
<p>Ces tendances vestimentaires peuvent sembler à certains tout simplement « moches » ; il n’en demeure pas moins que la mode des années 2000 (Y2K) fait fureur en ce moment. </p>
<p>La manière de se vêtir est depuis longtemps un moyen privilégié par de très nombreuses pour exprimer leur créativité et affirmer leur statut. Les représentants de la génération Z prennent cela très au sérieux. Mais loin d’être de simples suiveurs, ils s’aventurent volontiers à créer leurs propres styles, prenant un grand plaisir à afficher leur identité à travers leurs vêtements. </p>
<p>La génération Z rejette tout, des stéréotypes de genre dépassés <a href="https://www.businessoffashion.com/articles/beauty/why-gen-z-yellow-will-never-be-millennial-pink/">aux schémas de couleurs établis</a> en passant par <a href="https://www.santemagazine.fr/psycho-sexo/psycho/body-positive-pour-en-finir-avec-la-quete-dun-corps-parfait-1023217">l’idée du corps « parfait »</a>.</p>
<p>Plusieurs centaines d’années durant, c’est l’industrie vestimentaire qui a contrôlé les tendances. Sa relation étroite avec les médias, les icônes de la mode et les créateurs lui a permis de <a href="https://www.capital.fr/conso/mode-comment-naissent-les-nouvelles-tendances-1302115">prédire les tendances mais aussi de planifier les mouvements esthétiques</a>. </p>
<p>Cette relation est aujourd’hui court-circuitée par une <a href="https://www.cairn.info/revue-informations-sociales-2014-1-page-50.htm">génération d’enfants du numérique</a> qui vit dans un monde où la distinction entre l’univers digital et le monde physique s’estompe. La génération Z ne se laisse pas dicter sa conduite ; elle n’attend pas nerveusement qu’on lui dise qu’elle est à la mode. Sur les réseaux sociaux, elle crée ses propres tendances, enfreignant avec audace toutes les règles en vigueur.</p>
<h2>La démocratisation de la mode</h2>
<p>Chaque génération a transformé la mode à sa façon. Les baby-boomers nous ont apporté le flower power dans les années 1960 et 1970 en promouvant « l’amour libre » au détriment des <a href="https://www.thegoodgoods.fr/media/journal/inclusivite/histoire-genre-vetement/">rôles sociaux et de genre clairement définis</a> propres à leurs parents.</p>
<p>Dans les années 1970 et 1980, les jeunes frères et sœurs des baby-boomers ont inventé le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/sans-oser-le-demander/histoire-du-mouvement-punk-7065517">punk</a>, une sous-culture déterminée à utiliser les symboles de l’État contre lui-même et à jouer délibérément avec l’obscène et le vulgaire, dans un climat politique global de conservatisme et de répression. </p>
<p>Puis, dans les années 1990, nous avons vu apparaître le <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/juke-box/le-grunge-fin-de-si%C3%A8cle-a-seattle-3313203">grunge</a>, la réponse de la génération X à un monde sans avenir après la guerre froide.</p>
<p>La génération suivante, pour sa part, a décidé d’abolir toutes les règles existantes en matière d’habillement : vous pouvez être n’importe quoi, vous pouvez être tout et vous pouvez n’être rien.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/9GUkkenYvlY?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Les membres de la génération Z (et même les <a href="https://www.cairn.info/revue-raison-presente-2019-3-page-107.htm">millennials</a>) ont été les témoins de la démocratisation croissante de la mode grâce à l’expansion des réseaux sociaux et à la portée mondiale des plates-formes numériques. Ils ont vu des milliers de petites sous-cultures se former en ligne, évoluer, imploser, se reformer.</p>
<p>Prenons l’exemple de la <a href="https://www.vice.com/fr/article/8gy7qg/ce-que-voulait-dire-etre-emo-au-debut-des-annees-2000">tendance « emo » du début des années 2000</a>. Autrefois importante, cette sous-culture a été reléguée aux confins de l’Internet, et chacun pensait qu’elle allait dépérir et disparaître. Et pourtant, le style emo connaît aujourd’hui un renouveau : les gens portent du noir, les corsets redeviennent populaires et des vedettes de la génération Z comme <a href="https://www.buzzfeed.com/mariasherm2/willow-smith-bullied-my-chemical-romance-paramore-emo">Willow Smith</a> et <a href="https://www.theatlantic.com/culture/archive/2021/12/juice-wrld-olivia-rodrigo-kid-laroi-emo-music/621069/">Olivia Rodrigo</a> arborent des yeux charbonneux. </p>
<p>Mais la génération Z ne s’en tient pas à un seul style. La mode est devenue un mélange de tendances et d’idées dont chacun peut utiliser les ingrédients pour créer et recréer son identité aussi souvent qu’il le souhaite. Il y a de la joie dans le fait de s’habiller, pas de la peur. Il n’y a pas de règles. </p>
<h2>Pas de règles</h2>
<p>Alors que les nouveaux consommateurs de mode réinventent allègrement les notions de bon goût et de beauté, la diffusion traditionnelle des tendances a été supplantée par un foisonnement de nouvelles sources définissant ce qui est nouveau et ce qui suivra. Des Instagrameurs aux icônes, en passant par les vloggers et les TikTokers, les influences <a href="https://www.emerald.com/insight/content/doi/10.1108/JFMM-12-2020-0275/full/html">sont désormais vastes et variées</a>.</p>
<iframe src="https://www.tiktok.com/embed/7127790531932949766" style="border:none" scrolling="no" frameborder="0" allowtransparency="true" width="100%" height="400"></iframe>
<p>Les jeunes créent <a href="https://journals.sagepub.com/doi/abs/10.1177/14614448221146174">leur propre place dans le monde</a>. Un monde où les Crocs sont à la mode et où ce qui « va » est dans l’œil de celui qui regarde. Un caleçon en guise de coiffe ou un legging en guise d’écharpe ? Bien sûr. Et pourquoi ne pas porter un <a href="https://www.highsnobiety.com/p/jw-anderson-ss23-womens-runway-collection/">clavier</a> en guise de haut ? Le <a href="https://www.tiktok.com/@saracampz/video/7127790531932949766">Maximalisme</a> est poussé à l’extrême : les couches de vêtements se superposent et aucune couleur, aucun objet ni aucun motif n’est interdit. </p>
<p>Ce sont les enfants du Covid, une génération qui a atteint l’âge adulte lors d’une catastrophe sanitaire mondiale où la seule forme de communication se faisait par écrans interposés.</p>
<p>La tenue la plus audacieuse et la plus folle est celle qui attirera le plus l’attention à l’écran. Pour les enfants habitués à consommer les médias par le biais de TikTok plutôt que d’éditoriaux sur papier glacé, <a href="https://myjms.mohe.gov.my/index.php/ijbtm/article/view/20001">seules les tenues les plus spectaculaires, les plus amusantes et les plus ludiques feront l’affaire</a>. La mode s’est prise trop au sérieux pendant trop longtemps. La légèreté de jeunes gens créatifs est exactement ce dont nous avons besoin en ce moment. Nous devrions tous prendre exemple sur eux et trouver du plaisir à nous habiller comme bon nous semble.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/206792/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>La génération Z bouscule tous les codes vestimentaires établis..Steven Wright, Head of Subject - Fashion Marketing and Photography, University of South WalesGwyneth Moore, Course coordinator - BA (Hons) Fashion Business & Marketing & BA (Hons) Fashion Design, University of South WalesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032132023-04-17T09:54:35Z2023-04-17T09:54:35ZConsommateurs, pourriez-vous vous empêcher d’essayer les produits ?<p>Afin d’accompagner le lancement de la nouvelle version de sa montre <em>Tank</em>, <a href="https://jai-un-pote-dans-la.com/cartier-snapchat-tank-francaise-realite-augmentee/">Cartier a fait le pari de la réalité augmentée</a> : à travers un filtre Snapchat, les utilisateurs peuvent visualiser le produit à leur poignet et découvrir son évolution au fil du temps. Comme Cartier, de plus en plus de marques proposent aujourd’hui des façons innovantes d’essayer leurs produits : des matelas vendus avec 100 jours d’essai (<a href="https://www.emma.fr/100-nuits-dessai/">Emma</a>, <a href="https://www.tediber.com/">Tediber</a>…), <a href="https://www.etam.com/tryathome.html">Etam</a> qui propose le <em>try-at-home</em>, c’est-à-dire de recevoir une sélection de produit à domicile et de ne payer que ceux que l’on décide de conserver…</p>
<p>Tout cela suggère à quel point les <a href="https://theconversation.com/topics/consommateurs-33275">consommateurs</a> ont encore besoin d’essayer. Les <a href="https://www.fevad.com/bilan-du-e-commerce-en-france-les-francais-ont-depense-pres-de-147-milliards-deuros-sur-internet-en-2022/">ventes en ligne</a> ne cessent de croître mais l’<a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0377221720309334">absence d’essai des produits</a> reste leur principale limite. Pour le client, cela limite le risque de <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/mar.21170">regretter son achat</a>. Puisqu’il n’est pas possible de mobiliser tous ses sens derrière une page web, certains ont développé des <a href="https://hal.science/hal-01301978">comportements « hybrides »</a>. C’est par exemple <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/0965254X.2021.1892163">se renseigner en ligne</a> sur un produit, puis se rendre en magasin pour l’essayer avant de l’acheter.</p>
<p>Pour les distributeurs, il s’agit de tirer le meilleur de deux mondes : celui du catalogue en ligne pour lequel l’essai est impossible contrairement au magasin où l’on ne peut cependant pas présenter une gamme entière. Cela impliquerait un maillage géographique serré, de grands espaces de vente, mais aussi beaucoup de personnel.</p>
<p>Dans ce contexte, les nouvelles formes d’essai semblent donc prometteuses. Nous avons en particulier <a href="https://www.theses.fr/2020UPSLD045">étudié</a> les perspectives ouvertes par la <a href="https://theconversation.com/topics/realite-augmentee-29517">réalité augmentée</a>.</p>
<h2>Un vêtement joli ? Oui mais pas forcément sur moi</h2>
<p>Comment un essai impacte-t-il les intentions d’achat des consommateurs ? D’où cela vient-il ? Est-ce reproductible autrement ? Pour répondre à ces interrogations, nous avons mené une <a href="https://www.theses.fr/2020UPSLD045">étude en plusieurs phases</a>.</p>
<p>Nous avons tout d’abord demandé à un échantillon de 162 jeunes femmes de choisir un rouge à lèvres parmi une gamme de 30 références. Une partie de l’échantillon devait choisir à partir de photos uniquement, comme sur Internet ; l’autre partie pouvait essayer les produits, comme dans un magasin. Les intentions d’achat ont été bien supérieures dans le second cas, 36 % plus élevées.</p>
<p>Une phase d’entretiens a ensuite permis d’expliquer les raisons de ce phénomène. 16 personnes nous ont fait le récit de leur dernier achat de vêtement ayant impliqué un essai. Nous leur avons posé des questions plus spécifiques sur les raisons les ayant poussés à essayer et sur la façon dont essayer avait influencé leur décision finale.</p>
<p>Essayer permet de valider un ensemble de caractéristiques, telles que la taille, la matière, la couleur et le confort. Une répondante nous explique :</p>
<blockquote>
<p>« C’est vraiment important pour moi d’essayer quand j’achète un vêtement. Je n’ai pas forcément une taille très standard donc je dois d’abord essayer, surtout pour les pantalons. Quand je vois un vêtement que je trouve joli, par expérience, ça ne l’est pas forcément sur moi. »</p>
</blockquote>
<p>C’est parce que l’essai permet de valider ces éléments qu’il facilite la prise d’une bonne décision par les consommateurs. Un essai réussi renforce la confiance du consommateur dans sa décision et génère ensuite une plus grande satisfaction :</p>
<blockquote>
<p>« Je suis plus satisfaite quand j’essaie, car j’ai davantage confiance dans ce que j’achète. Généralement, je ne rends pas ce que j’ai essayé en magasin. »</p>
</blockquote>
<h2>La technologie, pas la meilleure réponse</h2>
<p>Ces entretiens ont été complétés par une phase d’observations. Nous nous sommes rendus dans un <em>showroom</em> de meubles ayant la particularité de ne pas vendre directement les produits : les clients y peuvent les commander en ligne via des tablettes mais ne peuvent pas repartir avec leur achat. Il s’agit d’un espace exclusivement dédié à la visualisation et à l’essai des produits.</p>
<p>[<em>The Conversation lance Entreprise(s), sa nouvelle newsletter hebdomadaire dans laquelle nos experts présentent les clefs de la recherche pour la vie profesionnelle</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-entreprise-s-153/">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Il est apparu que l’essai peut être séquencé en trois temps : le consommateur commence par <strong>regarder le produit</strong> sous différents angles, puis il le <strong>touche des doigts</strong> avant d’<strong>interagir</strong> avec, par exemple en s’asseyant ou en s’allongeant dessus. Nous observons aussi une logique d’aller-retour entre les produits. Le premier produit essayé est souvent un produit de référence et les produits essayés ensuite vont être jugés non pas dans l’absolu mais par rapport à ce produit de référence : ce second fauteuil est-il plus ou moins confortable que le premier ? Pour qu’un essai soit « complet » et puisse conduire à une bonne décision, il semble nécessaire que ces différentes étapes soient possibles.</p>
<p>Pour ces raisons, un essai virtuel en réalité augmentée ne pourra pas se placer sur le même plan qu’un essai physique. La technologie ne semble donc pas être la meilleure réponse à l’absence d’essai en ligne et les dispositifs tels que les 100 jours d’essai ou le <em>try-at-home</em> paraissent plus à même de conduire à des bonnes décisions d’achat. Cependant, ce n’est pas non plus une recette miracle pour les marques : laisser un délai (plus ou moins long) pour essayer les produits nécessite de disposer d’une trésorerie importante, puisque la vente ne sera pas immédiatement définitive. Le <em>try-at-home</em> double par ailleurs les problématiques logistiques car une partie des produits sera renvoyée au distributeur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203213/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Emmanuelle Le Nagard est membre de l'association française du marketing (afm). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Philippine Loupiac ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Malgré tous les progrès accomplis par la vente en ligne et même par les outils de réalité virtuelle, l’essai d’un produit reste important pour décider le consommateur et doper sa satisfaction.Philippine Loupiac, Assistant Professor in Marketing, TBS EducationEmmanuelle Le Nagard, Professeure de Marketing, Directrice Académique du Programme Grande Ecole, ESSEC Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1996422023-03-16T12:48:26Z2023-03-16T12:48:26ZLes marques veulent vous inciter à consommer moins et mieux… et ce n’est pas sans risque<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/512252/original/file-20230224-1668-tp0oxv.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=62%2C0%2C7000%2C4652&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une boutique s'affichant éco-responsable. Plusieurs marques incitent leurs clients à consommer mieux - et moins. Leur démarche est-elle crédible avec leur objectif ultime, soit de vendre leurs produits? </span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Chaque année, les Canadiens jettent plus de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/services/gestion-reduction-dechets/reduire-dechets-plastique/besoin-agir.html">trois millions de tonnes de déchets</a> de plastique, dont seuls 9 % sont recyclés. Face à ce constat, tant les autorités publiques, les organismes environnementaux que les entreprises essaient de développer des modèles d’affaires plus circulaires et à modifier la façon dont nous produisons, consommons et éliminons nos déchets. </p>
<p>Pour lutter contre le gaspillage et favoriser une économie circulaire, le Québec souhaite l’adoption de la Stratégie pancanadienne visant l’atteinte de <a href="https://www.canada.ca/fr/environnement-changement-climatique/nouvelles/2020/10/le-canada-fait-un-pas-de-plus-vers-lobjectif-de-zero-dechet-de-plastique-dici-2030.html">l’objectif zéro-déchet de plastique d’ici 2030</a>. Le mouvement est mondial : en France, le ministère de la Transition écologique et solidaire, ainsi que des organismes nationaux, ont mis en place des mesures de sensibilisation au gaspillage et à la surconsommation afin d’inciter à une démarche de « sobriété ».</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/JNIKVDJzaak?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">La campagne française de communication « Réduire, Réutiliser, Recycler : ensemble continuons à changer nos habitudes ! » dont le but est d’inciter à une démarche de sobriété.</span></figcaption>
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<p>Alors que ce <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/chroniques/2021-11-25/consommer-moins-consommer-mieux.php">mouvement gagne en popularité</a>, il est légitime de se demander en quoi consiste cette approche de sobriété chez des marques autrement omniprésentes, et comment elles peuvent se positionner ainsi dans une société de surconsommation.</p>
<p>À l’<a href="https://ocresponsable.com">Observatoire de la consommation responsable</a> (OCR), et dans son Laboratoire FCI, le <a href="https://greenuxlab.uqam.ca">GreenUXlab</a> de l’ESG UQAM, nous effectuons différentes recherches sur les tendances de consommation cohérentes avec ces mouvements de sobriété. Nous avons analysé les réactions des consommateurs face à la sobriété des marques. </p>
<h2>Moins, mais mieux</h2>
<p>La sobriété en tant que démarche individuelle consiste à <a href="https://www.theses.fr/s189052">passer d’une consommation instinctive à une consommation plus réfléchie privilégiant la satisfaction des besoins nécessaires et la limitation des achats superflus</a>. Généralement, la sobriété renvoie au « moins, mais mieux », en reliant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie. Elle nécessite une <a href="https://www.cairn.info/revue-regards-croises-sur-l-economie-2020-1-page-153.htm">redéfinition de notre rapport à la consommation</a> et remet en cause la satisfaction systématique des désirs immédiats. </p>
<p>Les enquêtes menées par l’OCR au Québec (<a href="https://ocresponsable.com/wp-content/uploads/2022/11/BCR2022.pdf">Baromètre de la consommation responsable, depuis 2010</a>) révèlent un désir croissant pour une consommation plus responsable et une aspiration à repenser nos modèles économiques. Preuve en est, « consommer responsable » consiste avant tout pour les Québécois à optimiser leur consommation : 64,5 % souhaitent éviter le gaspillage, les déchets, les emballages et 63,1 % à optimiser la durée de vie des produits (réparation, réutilisation, seconde main).</p>
<p>Plus de la moitié (57,3 %) disent avoir réduit au cours du dernier mois leur consommation, soit une augmentation de 9,2 points par rapport à 2021. Et 59,4 % déclarent avoir réduit les quantités de produits qu’ils achètent, et plus de 79,8 % ont diminué leurs achats impulsifs.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509293/original/file-20230209-26-1323gs.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les pratiques de déconsommation en action. Baromètre de la consommation responsable (OCR, 2022).</span>
</figcaption>
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<h2>Des consommateurs parfois sceptiques</h2>
<p>La sobriété, dont les bases théoriques s’appuient sur le « démarketing », consiste pour les marques à <a href="https://www.researchgate.net/profile/Yohan-Bernard/publication/351870386_CAN_FOR-PROFIT_ORGANIZATIONS_PROMOTE_DECONSUMPTION_THE_ROLE_OF_CONGRUENCE_BETWEEN_CORPORATE_COMMUNICATION_AND_BRAND_ADVERTISING/links/60ae1b0e92851c168e40f6e5/CAN-FOR-PROFIT-ORGANIZATIONS-PROMOTE-DECONSUMPTION-THE-ROLE-OF-CONGRUENCE-BETWEEN-CORPORATE-COMMUNICATION-AND-BRAND-ADVERTISING.pdf">promouvoir une modération de la consommation des produits qu’elles-mêmes commercialisent</a>. De nombreuses marques tentent ainsi de réduire leur impact sur l’environnement. C’est le cas par exemple de la marque Attitude, avec OCEANLY, une <a href="https://ca-fr.attitudeliving.com/blogs/mode-de-vie/attitude-lance-soins-peau-solide-sans-plastique">ligne de soin de la peau qui propose des emballages innovants complètement recyclables et biodégradables</a>. Ces produits offrent aux consommateurs une alternative aux cosmétiques habituels, <a href="https://www.ellecanada.com/beauty/skincare/beauty-industry-plastic-pollution">responsables à chaque année de 120 milliards d’emballages</a>, en grande partie non recyclés. </p>
<p>Cependant, ce choix pourrait s’avérer risqué. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0969698916303642">consommateurs sont sceptiques à l’égard des entreprises et remettent en question leurs motivations</a>. Pour réussir, une démarche de sobriété doit émerger d’une réflexion profonde d’une marque et doit être ancrée dans toutes les décisions de l’entreprise. </p>
<p>Certaines marques y arrivent. Patagonia incarne cette vision dans son ADN et met de l’avant un message de sensibilisation face à ses choix de consommation et leurs impacts sur la nature. En 2011, la marque devient une référence du démarketing en décourageant l’achat de ses produits à l’occasion du Vendredi noir. Ce faisant, elle promeut une consommation plus responsable et minimaliste.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/509294/original/file-20230209-16-1a1x4n.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=425&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Campagne de démarketing de Patagonia en 2011.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(New York Times)</span></span>
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<p>Nombre de marques éprouvent toutefois des difficultés à faire accepter ce positionnement, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0148296323000528?ref=pdf_download&fr=RR-2&rr=79a862d95faca20e">considérant la dualité entre ce message de réduction et l’essence mercantile inhérente aux entreprises</a>. En effet, la sobriété force le marketing à promouvoir des pratiques contre nature qui favorisent des consommations plus minimalistes <a href="https://www.scienceshumaines.com/vices-et-vertus-de-la-societe-de-consommation_fr_26918.html">dans un contexte où la surconsommation est inhérente à plusieurs modes de vie</a>.</p>
<p>La sobriété demeure une démarche prometteuse et se doit d’être étudiée davantage. Ainsi, nous avons examiné la cohérence, pour le consommateur, entre l’image de marque de différentes entreprises (responsables, non responsables) et le ton utilisé dans leur communication (optimiste, pessimiste).</p>
<h2>Un attachement et une intention d’achat plus forte</h2>
<p>Les consommateurs considèrent les marques ayant fait le choix de la sobriété comme <a href="https://prophet.com/2020/01/the-four-principles-of-brand-relevance/">pertinentes</a>. Elles réussissent non seulement à satisfaire les besoins utilitaires des consommateurs, <a href="https://www.researchgate.net/profile/Cindy-Grappe/publication/347453181_Why_Does_This_Brand_Speak_to_Me_Conceptualization_Scale_Development_and_Validation_of_Brand_Relevance/links/60662b4f458515614d2b6ccb/Why-Does-This-Brand-Speak-to-Me-Conceptualization-Scale-Development-and-Validation-of-Brand-Relevance.pdf">mais aussi à répondre aux enjeux écologiques qui les touchent particulièrement</a>.</p>
<p>La stratégie de sobriété devient ainsi un outil de différentiation pour les marques, garantit leur pérennité sur le marché et les distingue de leurs concurrents.</p>
<p>Selon nos résultats, les marques responsables qui s’orientent vers la sobriété sont perçues comme plus cohérentes dans leur message d’écoresponsabilité et moins hypocrites. Leur positionnement favorise un attachement plus fort et une intention d’achat plus importante à leur marque. Considérant que <a href="https://myscp.onlinelibrary.wiley.com/doi/pdf/10.1207/s15327663jcp1501_10">l’attachement émotionnel est la base vers des relations durables</a>, cet impact n’est pas négligeable. </p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=602&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/510656/original/file-20230216-18-mg1hvx.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=756&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La campagne « Re-Uniqlo » en faveur du zéro déchet s’affiche dans une boutique australienne, en février 2023. Elle prône la récupération d’anciens produits des consommateurs pour le recyclage des fibres, la réparation et la réutilisation des vêtements usagés.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Van Research Media)</span></span>
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<p>Mais ceci n’est pas le cas de toutes les marques, notamment celles qui ont opté pour une stratégie marketing moins responsable dans le passé et qui tentent aujourd’hui de se repositionner vers la sobriété.</p>
<p>Notre expérimentation menée auprès de 700 personnes met en lumière l’importance pour ces marques de communiquer efficacement leur nouveau positionnement pour ne pas être associées à de l’écoblanchiment. Une communication basée sur l’émotion pourrait faire la différence. </p>
<h2>Stimuler l’optimisme reste la stratégie clé pour attirer les clients</h2>
<p>Repositionner une marque dans un nouveau marché exige une réflexion en amont sur la manière de le communiquer efficacement. <a href="https://www.nature.com/articles/s41467-018-05977-w.pdf">Le ton du message adopté joue ainsi un rôle déterminant</a>. </p>
<p>Selon les recherches, les <a href="https://www.scielo.br/j/rmj/a/FMKZns5sBcsjYS7Y7kSmgVL/?format=html&lang=en">émotions motivent les individus à changer leur perception et leur intention de consommer de manière plus responsable</a>. </p>
<p>Le ton optimiste renvoie à l’émotion positive et au sentiment de confiance face à l’issue d’une situation. Par exemple, une marque peut mettre de l’avant ses efforts pour protéger l’environnement de manière positive en utilisant des messages orientés vers la possibilité d’un futur plus favorable. L’entreprise <a href="https://www.instagram.com/mynicleaning/">myni</a>, qui offre des produits corporels et nettoyants sans plastique, adopte un ton optimiste en communiquant les aspects ludiques des produits et leur effet positif sur la planète, avec des messages engageants. </p>
<p>Nos recherches montrent ainsi que le ton optimiste motive l’individu à consommer davantage auprès des marques qui font le choix de la sobriété, et ce, peu importe leurs pratiques et actions marketing passées. </p>
<p>L’utilisation des émotions positives dans la communication peut donc motiver les individus à changer leur perception négative vis-à-vis de la marque et lui offrir une nouvelle chance pour agir en faveur de l’environnement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199642/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Amélie Guèvremont a reçu des financements de Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH)</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Fabien Durif a reçu des financements du CRSH Savoir en lien avec cette thématique.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Kolli Inès ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Plusieurs marques prônent la consommation responsable auprès de leurs clients. Cette stratégie de sobriété, perçue positivement par les consommateurs, devient un outil de différentiation.Kolli Inès, Docteur en Marketing, chercheure à l'Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM), Université du Québec à Montréal (UQAM)Amélie Guèvremont, Professeur agrégée, Marketing, chercheure à l'Observatoire de la consommation responsable, Université du Québec à Montréal (UQAM)Fabien Durif, Professeur titulaire, directeur de l'Observatoire de la consommation responsable (OCR) et du Laboratoire FCI GreenUXlab, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1991402023-02-15T23:10:23Z2023-02-15T23:10:23ZL’uniforme peut-il vraiment favoriser l’égalité entre les élèves ?<p>Début 2023, les députés se sont récemment penchés sur la question de savoir s’il fallait <a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">rendre l’uniforme obligatoire à l’école</a>. Si la proposition de loi <a href="https://lcp.fr/actualites/uniforme-ecole-rassemblement-national-echoue-rendre-obligatoire-160476">a été rejetée par les représentants français</a>, la <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2023/01/12/brigitte-macron-favorable-au-port-de-l-uniforme-a-l-ecole_6157560_3224.html">première dame Brigitte Macron</a> avait apporté son soutien à l'idée. « Cela gomme les différences, on gagne du temps », avait-elle déclaré. </p>
<p>Ces perceptions des avantages de l’uniforme sont largement répandues – mais sont-elles vraiment fondées ? Expliquant être « partagé sur la question de l'uniforme et pas encore convaincu que c'est une solution qui permettrait de tout régler », le ministre de l'Éducation nationale Gabriel Attal a néanmoins annoncé <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/8h30-fauvelle-dely/uniforme-a-l-ecole-groupes-de-niveau-au-college-stigmatisation-des-eleves-en-difficulte-le-8h30-franceinfo-de-gabriel-attal_6198180.html">« une expérimentation de grande ampleur »</a> pour évaluer l'impact de l'uniforme sur le climat scolaire et le travail des élèves.</p>
<p>Par rapport à la France, le Royaume-Uni a une <a href="https://www.exeterpress.co.uk/products/a-cultural-history-of-school-uniform">longue histoire</a> de l'uniforme scolaire, qui précède l’enseignement primaire universel. Cette tradition est renforcée par les représentations de l’école dans les médias populaires britanniques, à travers des films comme <em>St Trinian’s</em> et <em>Harry Potter</em>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/uniforme-a-lecole-leternel-debat-147126">Uniforme à l’école, l’éternel débat ?</a>
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<p>Pour comprendre si l’uniforme scolaire a des bénéfices, nous devons avant tout nous arrêter sur les objectifs qu’ils sont censés atteindre. C’est ainsi qu’avec des étudiants de l’université d’Aberdeen, j’ai mené une <a href="https://blog.eera-ecer.de/author/dr-rachel-shanks/">recherche sur l’uniforme scolaire</a> dans les 357 écoles secondaires publiques d’Écosse. Dans 96 % de ces établissements secondaires, l’uniforme est obligatoire et l’analyse de leurs politiques montre que diverses raisons sont invoquées pour le justifier, l’accent étant porté sur <a href="https://doi.org/10.1080/01596306.2021.1931813">l’intérêt des élèves</a>.</p>
<p>La raison la plus fréquemment mise en avant est que l’uniforme favorise une éthique, une identité, une fierté et un sentiment d’appartenance. Citons ensuite le renforcement de la sécurité et la réduction de l’absentéisme scolaire, ainsi que la réduction de la concurrence et des discriminations entre élèves ou l’amélioration de l’employabilité. Les écoles ont également déclaré que l’uniforme profiterait à la réputation de l’école et améliorerait les conditions de travail des élèves.</p>
<p>Le <a href="https://www.gov.scot/publications/school-uniform-guidance-consultation/">gouvernement écossais</a> a récemment déclaré : « Il est reconnu que l’uniforme scolaire joue un rôle important dans l’implication des élèves à l’école, dans la promotion d’un sentiment d’identité et d’appartenance. » Toutefois, il n’est pas possible de déterminer si l’uniforme à lui seul a de tels effets dans la mesure où son introduction coïncide souvent avec d’autres changements tels que l’arrivée d’un nouveau chef d’établissement ou d’une nouvelle équipe de direction au sein d’un établissement.</p>
<h2>Gommer les différences ?</h2>
<p>Passant en revue les travaux sur la question, l’<a href="https://educationendowmentfoundation.org.uk/education-evidence/teaching-learning-toolkit/school-uniform">Education Endowment Foundation</a> n’a pas trouvé de lien entre port de l’uniforme et progrès dans les apprentissages. Selon une autre <a href="https://doi.org/10.3389/phrs.2021.1604212">étude d’ensemble de ces recherches</a>, aucun lien n’a été établi non plus entre uniforme et résultats scolaires.</p>
<p>Invoquée par les écoles écossaises, la sécurité est un argument qui avait déjà été mobilisé aux États-Unis où, dans les années 1990, il s’agissait de réduire la présence des gangs et la violence dans les écoles. En faisant porter à tous les mêmes vêtements, personne ne pourrait savoir qui appartenait à quel groupe ni qui soutenait telle ou telle équipe, pensait-on alors.</p>
<p>Aucune donnée britannique ne permet néanmoins de confirmer que le port de l’uniforme réduirait les tensions. Et les recherches menées aux États-Unis ont montré que, si les <a href="https://doi.org/10.1177/0013124503255002">enseignants percevaient les écoles</a> comme plus sûres, cela n’avait pas d’incidence sur le ressenti des élèves au quotidien.</p>
<p>Dans plus de 50 des écoles que nous avons étudiées, les élèves s’entendaient dire que le port de l’uniforme les préparait à leur future vie professionnelle dans la mesure où il <a href="https://doi.org/10.1177/09075682221108838">reproduirait l’environnement de travail</a>. Cependant, les emplois où l’on porte un uniforme ne sont pas les plus nombreux et, sur de plus en plus de lieux de travail, les codes vestimentaires se sont également assouplis aujourd’hui.</p>
<p>Par ailleurs, <a href="https://www.ssph-journal.org/articles/10.3389/phrs.2021.1604212/full">l’uniforme aurait un impact négatif sur les filles</a>, les jeunes issus d’une minorité ethnique ou religieuse et les jeunes de sexe différent. Les tenues qu’on leur impose vont à l’encontre de leurs besoins, les filles se sentant moins à l’aise pour bouger en jupe, par exemple.</p>
<h2>Le coût de l’uniforme</h2>
<p>Selon une idée assez répandue, l’uniforme mettrait tous les élèves sur un pied d’égalité, empêchant la concurrence et la discrimination <a href="https://doi.org/10.1177/0907568203010001003">vestimentaire entre les élèves</a>, tout en améliorant la discipline de manière plus globale et en réduisant potentiellement les brimades.</p>
<p>Cependant, au lieu de créer des situations d’équité, <a href="https://doi.org/10.1163/27730840-54010003">certaines réglementations en matière d’uniformes font le contraire</a>. Les tenues peuvent <a href="https://www.childrenssociety.org.uk/information/professionals/resources/the-wrong-blazer">coûter plus cher</a> que les <a href="https://abdn.pure.elsevier.com/files/219977936/Shanks_2022_School_Clothing_Grant_in_Scotland_Policy_Briefing.pdf">aides financières</a> accordées aux familles pour leur permettre de faire face à cet achat.</p>
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<p>En Écosse, dans le secondaire, il existe une subvention nationale minimale de 150 £ par an, mais la <a href="https://www.childrenssociety.org.uk/information/professionals/resources/the-wrong-blazer">Children’s Society</a> a estimé que l’uniforme coûterait 337 £ par an en 2020. Le port de vêtements d’occasion peut être stigmatisé, c’est pourquoi les <a href="https://edinburghuniform.org/">banques scolaires</a> distribuent plutôt des uniformes neufs.</p>
<p>De nombreuses écoles ont conclu des accords exclusifs avec des fournisseurs, ce qui peut <a href="https://assets.publishing.service.gov.uk/government/uploads/system/uploads/attachment_data/file/468358/School_uniform_open_letter.pdf">rehausser le prix de l’uniforme</a>. Parmi les écoles de notre étude, près de 20 % avaient ce type d’<a href="https://doi.org/10.1163/27730840-54010003">accord exclusif</a>. Certaines fournissent aussi une liste d’articles recommandés pour la classe et les cours de sport, en parallèle d’une série d’interdictions. L’interdiction de ces articles courants rend l’uniforme plus coûteux et oblige à constituer des banques d’uniformes.</p>
<p>Le <a href="https://cpag.org.uk/scotland/CoSD/toolkit">Cost of the School Day</a> de l’organisation caritative Child Poverty Action Group aide par exemple les écoles à mettre en place des politiques d’uniformes accessibles à toutes les familles. Et, en effet, quand un uniforme est demandé, il importe qu’une aide financière suffisante soit accordée aux familles pour les aider à couvrir ce coût. Toutefois, il n’existe pas de base de recherche solide sur laquelle s’appuyer pour justifier l’intérêt d’un uniforme obligatoire à l’école.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199140/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Rachel Shanks ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Faut-il imposer un uniforme aux élèves ? Si la question fait débat en France, la tradition est bien ancrée dans les écoles outre-Manche et leur expérience permet d’en évaluer les bénéfices supposés.Rachel Shanks, Senior Lecturer in Education, University of AberdeenLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1979612023-02-12T17:23:49Z2023-02-12T17:23:49ZDu troc aux ventes d’occasion, les paradoxes de la consommation collaborative chez les jeunes<p>La consommation collaborative tend à bousculer les schémas établis des modèles d’achat-vente, effaçant peu à peu les frontières entre producteurs et consommateurs. Plus concrètement, si ses contours sont difficiles à cerner, un consensus se dessine pour définir la <a href="https://www.deboecksuperieur.com/ouvrage/9782807307674-la-consommation-collaborative">consommation collaborative</a> comme un système de redistribution entre particuliers fondés sur l’échange, le troc, le don ou encore l’achat-vente de produits d’occasion.</p>
<p>L’habillement représente un secteur particulièrement dynamique dans le domaine et de nombreuses plates-formes en ligne de seconde main proposent à présent des alternatives à la fast fashion, en ancrant leurs promesses dans une recherche de sobriété et de lutte contre le gaspillage, favorable à la planète.</p>
<p>L’étude que nous menons actuellement montre que les jeunes ont investi ces plates-formes selon des motivations diverses et non exclusives. Elle met en exergue les paradoxes qui régissent chez eux la consommation collaborative entre valeurs consuméristes et pratiques responsables.</p>
<h2>Des motivations multiples</h2>
<p>Pour certains jeunes, les plates-formes en ligne répondent au désir de devenir des contributeurs de la durabilité, en achetant uniquement des produits dont ils ont besoin, en adéquation avec des budgets souvent limités. Pour d’autres, ces plates-formes autorisent l’accès à des pièces vintage, issues de séries antérieures, afin de se soustraire à une mode standardisée induisant des looks uniformisés. Pour d’autres encore, la fréquentation de ces plates-formes représente une opportunité d’acquérir des marques désirables, voire iconiques, à un prix accessible.</p>
<p>Le choix foisonnant exposé sur les plates-formes favorise également chez eux des comportements de « serial shopper » et les pratiques d’achat liées aux achats en ligne se substituent alors au traditionnel shopping, permettant de s’affranchir des contraintes de mobilité avec des offres issues du monde entier. Enfin, d’autres se montrent sensibles au côté pratique de ces modèles d’affaires qui autorisent des achats groupés sous forme de lots, vecteurs de bons plans et de gain de temps.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/bonnes-feuilles-la-nouvelle-jeunesse-du-marche-de-loccasion-162616">Bonnes feuilles : « La nouvelle jeunesse du marché de l’occasion »</a>
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<p>De manière globale, si à la base ces plates-formes ont vocation à responsabiliser les consommateurs en les incitant à adopter des comportements vertueux pour l’environnement, les logiques hédoniques, récréatives et sociales qui animent ces espaces virtuels les transforment en véritables terrains de jeu pour des jeunes, rompus aux codes et aux valeurs consuméristes, qui y développent des pratiques de collection.</p>
<p>Le collectionneur aime à <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2005-4-page-49.htm">s’entourer d’objets</a>. Ces derniers contribuent dès lors à la construction de son identité car, selon Belk, les <a href="https://www.routledge.com/Collecting-in-a-Consumer-Society/Belk/p/book/9780415258487">biens circonscrits dans une collection</a> s’entendent comme une extension de soi. La collection induit une curiosité singulière à l’égard des choses et une habileté à percevoir la valeur des objets et soumet le passionné à une quête permanente pour compléter sa collection. La tendance à l’accumulation apparaît ainsi comme un des corollaires de la collection.</p>
<p>Comme le souligne Baudrillard, <a href="https://www.librairie-gallimard.com/livre/9782070268009-le-systeme-des-objets-jean-baudrillard/">pour un collectionneur</a>, un seul objet ne suffit pas, il doit être intégré dans une série pour révéler tout le sens que lui donne son récipiendaire. Cette appétence à rechercher des produits nourrit dès lors une compétence à s’informer des nouveautés, à sélectionner, à hiérarchiser les objets en fonction de la valeur que le connaisseur leur accorde.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-pokemon-createurs-de-lien-social-163411">Les Pokémon, créateurs de lien social ?</a>
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<p>Cette expertise retirée de la quête des objets se double fréquemment de motivations sociales. Celles-ci combinent des liens sociaux sous forme de discussions, d’échanges de biens combinés à des rivalités entre passionnés pour acquérir les objets convoités.</p>
<h2>À la recherche de la pièce unique</h2>
<p>Selon la logique du ATAWAD (Any Time, Anywhere, Any Device) qui caractérise les millennials, les plates-formes de seconde main s’insèrent dans leur mode de vie et s’incarnent dans la consultation quasi quotidienne des offres. L’accès instantané à des millions de vêtements et accessoires de mode instaure chez eux un sentiment d’abondance comme un appel à l’accumulation. Ils y développent des compétences propres à la collection essentiellement liées au décryptage de la valeur du vêtement proposé, autour de signaux comme le prix, la portée symbolique de la marque ou la rareté du produit. Cette rareté constitue une préoccupation majeure qui guide leurs liens sociaux sur les plates-formes.</p>
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<p>Ainsi, la rareté perçue érige certains vêtements au statut de pièce unique sur ces plates-formes. Elle incite les jeunes à mettre en place des stratégies de veille, matérialisées par des alertes, des trackers, des suivis de membres de la plate-forme présentant les mêmes goûts vestimentaires et une silhouette similaire. Ils sont amenés à consulter aussi les réseaux sociaux pour être informés très tôt des futurs dépôts que les influenceurs annoncent à leurs abonnés sur leurs comptes.</p>
<p>Les plates-formes de seconde main s’intègrent ainsi dans un écosystème numérique conçu comme un territoire privilégié pour assouvir de tendances matérialistes qui apparaissent très éloignées des questions environnementales.</p>
<p>Pourtant derrière ces contradictions se cache sans doute une volonté de faire preuve d’une plus grande sélectivité dans le choix des produits achetés. Cette sélectivité prend appui sur les nombreuses tensions qui animent la consommation entre achat plaisir, achat rationnel, achat responsable… auxquels cette génération est particulièrement confrontée.</p>
<p>Notre recherche met en exergue les paradoxes qui régissent la consommation collaborative chez les jeunes. Toutefois, en ayant recours aux plates-formes de seconde main, les jeunes semblent revendiquer leur attrait pour des produits ou des marques qui sont vecteurs de sens et la collection comme forme de consommation à la fois matérialiste et symbolique offre sans doute une grille de lecture pour appréhender cette complexité.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197961/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Pascale Ezan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les jeunes ont intégré les plates-formes de troc et de ventes d’occasion à leurs habitudes. Cette tendance signe-t-elle pour autant un basculement vers une consommation plus responsable ?Pascale Ezan, professeur des universités - comportements de consommation - alimentation - réseaux sociaux, Université Le Havre NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1974402023-01-18T18:09:39Z2023-01-18T18:09:39ZDans les années folles, une mode féminine encore très corsetée<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/505115/original/file-20230118-16-8t42gg.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=8%2C3%2C670%2C377&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Tamara de Lempicka, Jeune Fille en vert (détail), 1927-1930, huile sur contreplaqué, collection du Musée national d'Art moderne, Paris. </span> <span class="attribution"><span class="source">Jean-Pierre Dalbéra / Flickr</span></span></figcaption></figure><p>Inspirées par la lingerie des XVIII<sup>e</sup> et XIX<sup>e</sup> siècles chez Alexander McQueen ou par la garde-robe de Frida Kahlo <a href="https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/3e/Gaultier_Cone_bra.jpg">chez Jean-Paul Gaultier</a>, bon nombre de grandes figures de la haute couture se sont emparées du corset au cours des dernières décennies. Régulièrement, la presse spécialisée se plaît à annoncer son retour dans les <a href="https://www.vogue.fr/mode/article/corset-tendance-mode-ville">garde-robes modernes</a> où il est souvent présenté comme une pièce du vestiaire d’une féminité exacerbée, libre et assumée.</p>
<p>Pourtant, il y a cent ans, dans les <a href="https://www.palaisgalliera.paris.fr/fr/edition/les-annees-folles-1919-1929">années 1920</a>, le corset semblait s’éloigner des silhouettes à la mode. L’accès des femmes au travail et de nouvelles habitudes de vie, moins codifiées, transforment le vestiaire féminin au lendemain de la Première Guerre mondiale.</p>
<p>La journée, on constate la persistance d’une ligne droite et éloignée du corps, un attrait pour le sportswear et les formes offrant une plus <a href="https://theconversation.com/la-garconne-des-annees-1920-une-figure-ambivalente-190613">grande liberté de mouvement</a>. Dès le XIX<sup>e</sup> siècle, l’essor des stations balnéaires où l’on tolère une garde-robe moins conventionnelle et plus confortable séduit les classes bourgeoises. Les travailleuses, quant à elles, apprécient de libérer leur démarche et leurs gestes par des coupes plus courtes et leurs formes par des vêtements moins près du corps.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=786&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=786&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=786&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=987&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=987&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505159/original/file-20230118-24-iuqj2b.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=987&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Louise Brooks par Russell Ball, dans les années 1920.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Louise_Brooks_Ball.jpg">Wikimedia</a></span>
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<p>Le soir néanmoins, la sophistication reste de mise. Les robes raccourcies et décolletées dans le dos sont embellies de perles, sequins et broderies brillantes pour les sorties mondaines et les soirées dansantes. Ce rejet des conventions anciennes, vestimentaires et morales, notamment par les jeunes femmes, est cristallisé par la figure transgressive de la garçonne.</p>
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<p>En plus d’un corps virilisé, dont les épaules et les hanches doivent désormais sembler alignées, les magazines mettent en avant la nouvelle mode des cheveux courts, en <a href="https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=LMS_1996_174_0023">apparence plus simple d’entretien</a>. Cette épure vestimentaire, associée à un corps plus largement dévoilé, signifierait donc l’abandon du <a href="https://artsandculture.google.com/story/1wWxhRUSZM-eIA?hl=fr">dessous roi depuis plusieurs siècles : le corset</a>.</p>
<h2>Une allure de jeune garçon</h2>
<p>La presse spécialisée a souvent recours au vocabulaire de l’enfance <a href="https://journals.openedition.org/apparences/1369">pour désigner la nouvelle allure androgyne</a>). On parle ainsi volontiers de « silhouette de jeune garçon » ou encore de « chevelure d’éphèbe ». Le corps fait l’objet de toutes les attentions : activités sportives, massages, rituels de beauté à pratiquer chez soi ou en salons et régimes drastiques sont vantés.</p>
<p>Pour celles qui souhaiteraient des méthodes plus rapides, de nombreux conseils nutritionnels et des publicités pour des coupe-faim sont proposés au sein des pages des revues. Pour les femmes dont les formes perdurent, le corset ou la gaine présentent l’avantage de minimiser les hanches ou la poitrine. Des bandages en tout genre permettent aussi d’amincir cous, seins et chevilles. Rappelons aussi que pour les femmes venant des milieux populaires, l’accès à ces salons de beauté est coûteux et chronophage. Quant aux produits de régime, ils représentent un achat régulier qu’elles ne peuvent se permettre. Pour les convaincre, des publicités proposent des coupe-faim dont les mérites sont à la fois de nourrir et de faire économiser de l’argent sur les repas !</p>
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<p>Ainsi, l’acquisition d’une pièce de lingerie, par l’intermédiaire des grands magasins ou de la vente par correspondance, est un investissement moins important et plus durable. Le corset continue donc d’être la solution miracle pour obtenir dans l’instant une silhouette de jeune fille moderne, mince et galbée, valorisée tout au long de la décennie. Le temps de la libération n’est donc pas encore venu !</p>
<h2>Le corset, symbole d’une morale conservée</h2>
<p>Les formes de contraintes pour le haut de l’anatomie féminine ont porté des noms différents au fil du temps : corps, corps piqué, corps à baleines ou corset.</p>
<p>La discipline corporelle des apparences, matérialisée par le port du corset, symbolise la droiture de l’esprit et de l’âme et est avant tout défendue par les milieux aristocratiques puis bourgeois. Enlever le corset, c’est faire preuve d’une très grande liberté de mœurs. Le comte Mercy-Argentau, ambassadeur d’Autriche en France, écrivait en effet régulièrement à l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche qu’il fallait absolument que sa fille, Marie-Antoinette se résolve à mettre « le grand corps » car il comptait parmi les « moyens très utiles pour plaire au roi et à M. le dauphin ».</p>
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<p>Après la Révolution, une grande figure des <a href="https://www.retronews.fr/societe/echo-de-presse/2018/09/04/les-incroyables-et-les-merveilleuses-la-jeunesse-extravagante-du">Merveilleuses</a>, Madame Tallien, choque ses comparses en affirmant ne jamais avoir porté de corset. La jeunesse et la tenue de sa poitrine étaient selon ses dires, dues à des bains de fraises et de framboises écrasées. Presque deux siècles plus tard, c’est le même choc lorsque des militantes féministes brûlent leurs soutiens-gorge à l’occasion de l’élection de Miss America 1969.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=989&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=989&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=989&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/505160/original/file-20230118-15-oogmpa.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1242&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Madame Tallien par François Gérard, 1804, musée Carnavalet.</span>
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<p>[<em>Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5?utm_source=inline-70ksignup">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Dans les années 1920, un changement important s’opère. Les magazines de mode tels <em>Vogue</em> et <em>Art, Goût, Beauté</em>, ou les revues pratiques diffusant des patrons de couture, destinés aux femmes de milieux plus modestes, sont bien moins enclins que les magazines plus luxueux à faire disparaître le corset de leurs pages. Dans ces titres hebdomadaires plus modestes, la place accordée aux pièces de corseterie est plus importante. Ces nouvelles habitudes liées à la liberté des mœurs se diffusent donc un peu plus lentement au sein des classes populaires.</p>
<p>Par la valorisation d’un corps mince d’adolescente, les femmes modernes nient les attributs habituellement associés à la maternité : la poitrine doit être amenuisée, les hanches et la taille désormais alignées comme sur un corps masculin. Si la minceur est prônée, la maigreur, elle, fait peur, renvoyant aux pratiques malthusiennes, dont <a href="https://ehne.fr/fr/encyclopedie/th%C3%A9matiques/genre-et-europe/f%C3%A9minismes-et-mouvements-f%C3%A9ministes-en-europe/f%C3%A9minisme-et-n%C3%A9o-malthusianisme">plusieurs lois réaffirment l’interdiction au début des années 1920</a>. Un corps trop maigre renvoie dans l’imaginaire collectif de l’époque, à un corps incapable de porter la vie, les attributs de la maternité en étant gommés.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/la-garconne-des-annees-1920-une-figure-ambivalente-190613">La garçonne des années 1920, une figure ambivalente</a>
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<p>Les revues les plus traditionnelles s’adressant davantage à des mères de famille, les valeurs du foyer traditionnelles y restent encore majoritairement vantées et rendent compte des nouveaux conflits entre générations.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=854&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=854&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=854&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1074&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1074&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504954/original/file-20230117-19-q2p7qq.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1074&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Corset-gaine vers 1927.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Wikimedia</span></span>
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<p>Dans tous les journaux et magazines de mode, l’idéal de la jeune fille est érigé en modèle vestimentaire et corporel. Ce sont désormais les plus âgées qui prennent pour canon de beauté les plus jeunes et non plus l’inverse. Le corps des femmes doit rester le plus longtemps possible jeune et tonique et cela doit en plus paraître le plus naturel possible. La plupart des femmes continuent de porter des dessous contraignants : corsets, corselets, brassières et surtout le corset-gaine. Celles qui osent les enlever matérialisent ainsi un désaccord entre les grands-mères, les mères et les filles. Les revues rappellent que ne pas porter le corset, même en étant jeune et très mince, c’est prendre le risque de perdre en élégance et en chic. Celles qui l’enlèvent commettent un faux pas et se donnent ainsi une allure bien trop négligée. Le célèbre et luxueux magazine <em>Art, Goût, beauté</em> qualifie d’ailleurs le corset de « correcteur et défenseur du corps » en janvier 1926.</p>
<p>De nombreux articles mentionnent néanmoins que la plupart des femmes ne veulent désormais plus mettre de corsets, alors comment faire pour contenter les modernes ? Dans le numéro du luxueux magazine <em>Art, Goût, Beauté</em> du 1<sup>er</sup> janvier 1926, il est dit que « les femmes ne veulent plus de la contrainte du corset ».</p>
<h2>Le nouveau corset</h2>
<p>Le discours de mode peut se révéler bien ambivalent, et ce parfois au sein du même magazine. Si le corset est souvent jugé démodé et réservé aux grands-mères et aux mères, l’allure moderne nécessite de gommer tous les attributs de l’« ancienne » féminité. La « ligne simple » comme on la surnomme alors, exige de nouvelles pièces de lingerie plus adaptées au raccourcissement des jupes et à la valorisation de ce corps jeune à la poitrine et aux hanches amoindries. Ainsi, certains articles et publicités vantent les avantages du « nouveau corset ». Les noms et les formes sont très variées : ceintures-maillots, corsets-gaines mais aussi corsets assumés figurent au sein des pages.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=716&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/504955/original/file-20230117-11-eqru6o.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=900&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Vogue France – Juin 1925.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Gallica (BNF)</span></span>
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<p>Mais les exigences sont neuves. Le nouveau corset doit à la fois garantir à celle qui l’utilise une silhouette droite, aux formes gommées comme le veut la mode du temps, tout en apportant confort et souplesse pour les activités sportives. Sur toutes les publicités, des médecins signent de petites critiques bien formulées, chargées de convaincre les lectrices des bienfaits de ces nouvelles pièces. La ceinture réductive de Madame X promet ainsi la réduction d’au moins six centimètres de tour de taille ou de hanches en une semaine.</p>
<p>Pour le sport ou encore la conduite automobile, on leur conseille de recourir à de « simples ceintures de caoutchouc », emprisonnant néanmoins la taille et les hanches, voire les cuisses. Quant au laçage, trop fastidieux, il est remplacé par de petits boutons ou une bande élastiquée, jugés plus pratiques. Les années 1920 renouent aussi avec le cache-corset, une petite pièce de lingerie à bretelles, souvent porté accompagné d’un jupon et remplaçant la combinaison pour les robes plus légères. La lingerie, comme les vêtements et même les fourrures doivent néanmoins avoir une coupe et une épaisseur simplifiés à l’extrême pour éviter de rajouter trop de volume au corps.</p>
<p>La décennie 1920 est souvent présentée comme un temps d’émancipation pour les femmes. Il est vrai qu’il est de plus en plus toléré de dévoiler son corps, de pratiquer un sport, de fumer ou de conduire une voiture. Néanmoins, les femmes, malgré des décennies de combat, n’ont pas accès au droit de vote. De plus, les pratiques de contraception et d’avortement sont de nouveau formellement interdites et réprouvées. Après le traumatisme de la Grande Guerre, les femmes ont pour tâche d’aider au repeuplement de la France. Du côté du vestiaire, malgré une allure simplifiée, le corset reste, dans les années 1920, le symbole d’une morale conservée et d’un corps aux volumes maîtrisés. Les pièces s’adaptent désormais à la nouvelle silhouette en vogue ou aux nouveaux <em>hobbies</em> comme les activités sportives mais le corset n’est pas encore prêt de tirer sa révérence.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/197440/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marine Chaleroux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Contrairement aux idées reçues, le corset continue d’être la solution miracle pour obtenir une silhouette de jeune fille moderne, mince et galbée, valorisée tout au long des années 1920.Marine Chaleroux, Doctorante en histoire contemporaine, Université d'AngersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1945712022-11-27T16:02:02Z2022-11-27T16:02:02ZVous postulez dans une banque ? Enlevez vos piercings et cachez vos tatouages !<p>« Le jeans, les baskets, c’est pas chez nous, ça c’est clair ! » Ce directeur d’agence, que nous avons interrogé dans le cadre de nos récents <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03694250">travaux de recherche</a>, explicite l’existence d’une convention régie par un <a href="https://psycnet.apa.org/record/1993-23778-001">ensemble de « dress codes »</a> (codes vestimentaires) dans le secteur bancaire. Vous êtes donc prévenus : si vous souhaitez postuler dans une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/banque-22013">banque</a> et décrochez un entretien, attention à ce que vous choisissez dans votre garde-robe avant de vous y rendre…</p>
<p>Plus largement, nos entretiens menés auprès de 32 recruteurs pratiquant le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/recrutement-33086">recrutement</a> (28 hommes et 4 femmes, âgés de 28 à 57 ans), nous ont permis de déceler les éléments jugés non conformes au métier de conseiller bancaire et rejetés par la grande majorité des recruteurs : les tatouages visibles, les piercings, les jupes très courtes, les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vetements-48448">vêtements</a> pas soignés, sales, ou débraillés ou encore le combo jeans/baskets. Ils peuvent donner lieu à des commentaires radicaux d’élimination de la candidature : « pas de ça chez nous ! » ou encore « c’est rédhibitoire ».</p>
<p>Notre étude dessine ainsi un référentiel vestimentaire fonctionnant à l’instar d’une grammaire : ce qui se fait, le conforme ; et ce qui ne se fait pas, le non conforme. Le jeans peut être envisagé mais à condition d’être assorti d’une veste et/ou d’une chemise, sans être ni délavé ni troué.</p>
<p><iframe id="6DBPx" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/6DBPx/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Ainsi, la tenue vestimentaire exerce une influence sur la perception des recruteurs et peut même intervenir comme un critère de décision.</p>
<h2>Le recrutement, une situation incertaine</h2>
<p>En effet, malgré des outils et des méthodes rationnelles, recruter un candidat <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2010-3-page-404.htm">reste une démarche empreinte d’incertitudes</a>. Il demeure impossible d’affecter des probabilités totalement objectives et infaillibles à la réalisation d’événements non encore survenus. Dès lors, dans un contexte incertain, pour effectuer un choix, les individus s’appuient sur des <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2006-1-page-217.htm">conventions</a>, c’est-à-dire des règles communes, admises et suivies au sein d’un même groupe.</p>
<p>Dans le cadre du recrutement, elles incluent des <a href="https://journals.openedition.org/formationemploi/1051?lang=en">critères à la fois explicites et implicites</a> constituant des <a href="https://maelko.typepad.com/PratiquesDeRecrutement.pdf">standards de décision</a>. Les premiers comportent notamment des repères institutionnels tels que les diplômes, le niveau de formation, le nombre d’années d’expérience professionnelle, le niveau de salaire… Les seconds sont surtout mobilisés lors de l’entretien de recrutement, méthode plébiscitée par les recruteurs pour la sélection de candidats, puisqu’utilisée dans près de <a href="https://dares.travail-emploi.gouv.fr/sites/default/files/pdf/2017-064-.pdf">90 % des cas</a>.</p>
<p>Les critères implicites relèvent davantage d’indices tels que les informations verbales : les mots et les informations non verbales : les gestes, la voix, les intonations, l’habillement ou encore les attributs vestimentaires. Ainsi, la tenue vestimentaire intervient comme un paramètre dans le recrutement et plus largement dans un contexte professionnel. Le vêtement peut être un élément d’attractivité ou de rejet envers l’entreprise de la part du candidat mais également de sélectivité pour le recruteur.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dress-code-en-entreprise-tenue-correcte-toujours-exigee-120442">Dress code en entreprise : tenue correcte (toujours) exigée</a>
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<p>Selon le <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/j.1744-6570.1995.tb01780.x">modèle ASA</a> (Attraction-Sélection-Attrition), lors de la phase d’attraction (A), les candidats évaluent au moment de choisir l’entreprise, leur adéquation à l’organisation en fonction de certaines caractéristiques relatives à leur personnalité, leurs goûts, leurs objectifs, leur façon d’être… Les codes vestimentaires peuvent donc influencer ce choix selon qu’ils correspondent ou non au profil et aux attentes du candidat.</p>
<p>De leur côté, les recruteurs en phase de sélection (S), évaluent l’adéquation du candidat à l’organisation en privilégiant des personnes possédant certains attributs en phase avec la culture et les valeurs de l’entreprise. Or, la tenue vestimentaire constitue un élément de la culture organisationnelle. Elle influencerait donc la décision du recruteur en indiquant l’adéquation ou non du candidat à l’organisation.</p>
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<p>Cette démarche s’explique par un mécanisme vérifié : plus le degré d’inadéquation est élevé, plus l’employé sera susceptible d’être insatisfait de son <a href="https://theconversation.com/fr/topics/travail-20134">travail</a>, de s’absenter et de démissionner. D’où le risque d’attrition « A » figurant comme dernière étape du cycle ASA.</p>
<p>L’adéquation du candidat à l’entreprise résonne donc comme un critère d’embauche pour de nombreuses organisations. En ce sens, la tenue vestimentaire d’un postulant, lorsqu’elle est adaptée aux codes de l’entreprise, s’inscrirait comme un indice de concordance favorable et rassurant.</p>
<h2>« L’argent, c’est quelque chose de sérieux »</h2>
<p>Pour les recruteurs en banque, une tenue conforme aux codes vestimentaires attendus traduit donc un faisceau d’indices positifs sur le candidat et agit donc comme un support de décision. Un directeur d’agence se justifie :</p>
<blockquote>
<p>« Le fait d’avoir un candidat qui d’emblée a adopté ou à peu près les codes et notamment, par exemple les codes vestimentaires, c’est quelqu’un qui est déjà dans la logique, qui a compris, qui comprend ce qu’on va attendre de lui. »</p>
</blockquote>
<p>Ainsi, une tenue répondant aux codes vestimentaires révèle une adéquation organisationnelle de la part des candidats. Selon les interviewés, une apparence vestimentaire conforme exprime une compréhension de la culture bancaire et une adhésion à ses valeurs, la principale étant la confiance. Dans la banque, cette dernière est directement reliée à l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/argent-69158">argent</a> et au crédit. Par essence, toute <a href="https://books.google.fr/books?hl=fr&lr=&id=--lyWSgqdOYC">monnaie étant fiduciaire</a>, elle présuppose foi (<em>fides</em>) et confiance. C’est aussi vrai pour le crédit, d’où l’expression « faire crédit à quelqu’un ».</p>
<p>En outre, la conformité vestimentaire constitue un signe manifeste de la crédibilité professionnelle du candidat auprès des clients à laquelle veillent particulièrement les recruteurs, comme le souligne une directrice des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/ressources-humaines-rh-120213">ressources humaines</a> :</p>
<blockquote>
<p>« L’argent c’est quelque chose de sérieux. Lorsqu’on parle d’épargne, de projets, de crédits… je n'ai pas envie d'avoir en face de moi quelqu'un qui a un look déjanté ! ».</p>
</blockquote>
<p>Une tenue répondant au vestiaire attendu, « sobre » et « sérieux », donne donc une envergure commerciale au candidat, cohérente avec le produit/service bancaire, sujet sérieux puisque relatif à l’argent. Elle renvoie une image adaptée au métier permettant d’inspirer la confiance auprès du client dans un secteur concurrentiel où le <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2009-1-page-123.htm">risque perçu reste élevé</a>. Cette congruence vestimentaire signifierait alors une <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2013-2-page-176.htm">preuve de compétences du candidat</a>, voire de son expertise.</p>
<h2>« L’habit fait le moine »</h2>
<p>Enfin, notre recherche illustre comment les recruteurs assimilent le respect des codes vestimentaires à certaines caractéristiques personnelles du candidat. D’une part, une tenue adaptée au métier indique son aptitude à communiquer, ce qui, dans un secteur digitalisé, contribue à la <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02146068/document">création de valeur de marque</a>. D’autre part, la conformité vestimentaire révèle sa motivation et sa capacité d’adaptation au milieu bancaire. Autrement dit, contrairement à l’adage populaire, l’habit ferait bien le moine…</p>
<p>Pourtant, ce constat questionne l’impact de la tenue vestimentaire au regard des <a href="https://www.theses.fr/2012LORR0374">risques de discrimination</a> liés à l’apparence dans le recrutement et la vie professionnelle.</p>
<p>Pour rappel, une enquête TNS Sofres publiée en 2018 concernant la perception de l’égalité des chances, montrait que le look, la beauté et le poids demeuraient des <a href="https://www.medef.com/uploads/media/default/0019/98/14105-vf-livret-synthese-barometre-diversite-2018.pdf">critères discriminatoires</a> qui expliquent, notamment, les disparités de salaires. Les <a href="https://www.ifop.com/publication/lobservatoire-meteojob-des-discriminations-a-lembauche/">discriminations au travail</a>, malgré les nombreuses lois, ne semblent donc toujours pas prêtes d’être enrayées lors de l’embauche. Ces dernières seraient même passées du simple au double entre 2001 et 2021…</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194571/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Agnès Ceccarelli ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Une série d’entretiens menés auprès de recruteurs du secteur bancaire révèle l’existence d’un code vestimentaire auquel les candidats sont appelés à se conformer.Agnès Ceccarelli, Professeur associé, département Ressources humaines, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1939982022-11-14T16:54:10Z2022-11-14T16:54:10ZMarques de vêtements, bijoux, cosmétiques… Mais que font-elles toutes sur « Animal Crossing » ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494263/original/file-20221108-19-48fhal.JPG?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1280%2C720&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Visite de l’univers _Uniqlo_ sur _Animal Crossing_ par l’avatar de l’auteur arborant un haut The&nbsp;Conversation.
</span> <span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Phénomène culturel rassemblant des joueurs de toutes générations, <em>Animal Crossing : New Horizons</em> est l’un des plus beaux succès dans la sphère des jeux vidéo ces dernières années. Sorti le 20 mars 2020 pour la console Nintendo Switch, soit seulement trois jours après l’annonce d’un premier confinement – timing idéal – le cinquième opus de la série a <a href="https://www.statista.com/statistics/1112631/animal-crossing-new-horizons-sales/">immédiatement suscité l’engouement</a>. Il est le <a href="https://www.nintendo.co.jp/ir/en/finance/software/index.html">deuxième jeu le plus vendu</a> de la galaxie Nintendo derrière Mario Kart 8 Deluxe.</p>
<p>Via leur avatar, les joueurs emménagent sur une île paradisiaque peuplée d’adorables animaux anthropomorphes. Ils s’adonnent à diverses activités dont ils ont pu, en période de confinement, être privés : faire du shopping, rendre visite à des amis, organiser des évènements comme des fêtes d’anniversaire ou des mariages…</p>
<p>Régulièrement appréhendé comme une échappatoire à la vie réelle, <em>Animal Crossing</em> constitue paradoxalement une forme de métaphore de la vie et de sa mécanique capitaliste. Cueillette de fruits, ramassage de coquillages ou bien encore pêche sous-marine constituent autant d’opportunités de s’enrichir. En échange de son « travail », le joueur reçoit des « clochettes », monnaie virtuelle permettant d’accéder à différents types de biens, de développer sa garde-robe ou bien encore de rembourser l’emprunt inhérent aux agrandissements successifs de sa maison.</p>
<p>Jeu de type « bac à sable » (<em>sandbox</em> en anglais), <em>Animal Crossing</em> propose des outils créatifs des plus intuitifs permettant aux utilisateurs de personnaliser leur univers. C’est en particulier le cas des habits portés par leur avatar. Les joueurs se sont rapidement saisis des fonctionnalités de conception graphique pour créer des designs de vêtements et les partager aux autres. Conscientes de l’aura médiatique d’<em>Animal Crossing</em>, beaucoup de marques en ont profité pour y faire des placements produit, objet de nos <a href="https://www.cairn.info/revue-francaise-de-gestion-2022-4-page-11.htm">derniers travaux</a>.</p>
<h2>Un terrain de jeu pour les marques</h2>
<p>C’est l’enseigne Gémo qui, la première en France, a développé une opération marketing sur le jeu. En période de confinement, la marque ne souhaitait plus diffuser le catalogue présentant sa nouvelle collection. Il y avait en effet un hiatus entre le contexte sanitaire très anxiogène et les mannequins déambulant en toute insouciance sur les visuels du catalogue. <a href="https://www.rosbeef.fr/gmo-x-animal-crossing">Rosbeef !</a>, l’agence de communication collaborant avec Gémo, a alors reproduit plusieurs vêtements de l’enseigne et organisé un défilé en ligne relayé sur les réseaux sociaux.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/2rOa8pAAs4g?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Dans cette mouvance, plusieurs marques ont créé une île dédiée à leur univers que les joueurs peuvent aller visiter : Uniqlo, H&M ou encore Ted Baker. Outre les marques de vêtements, on y retrouve également des marques de cosmétiques ou accessoires de beauté comme Gucci Beauty, <a href="https://weare.lush.com/fr/press-releases/une-ile-lush-dans-le-jeu-animal-crossing-new-horizons/">Lush</a>, <a href="https://www.gillettevenus.com/en-us/animal-crossing">Gillette Venus</a>, ou bien encore des marques de bijoux à l’instar de <a href="https://uk.pandora.net/en/pandora-me/discover-the-collection/visit-pandora-island/">Pandora</a>.</p>
<p>Même Ally, société fournissant des services financiers, a généré une île en phase avec sa mission : aider les gens à mieux gérer leur argent. L’île elle-même est le reflet d’un catalogue de symboles de richesse ou, plus précisément, de ce qu’une bonne gestion financière serait (subliminalement) susceptible d’apporter : maison, piscine ou autre terrain de golf. Ce faisant, l’opération fait parfaitement écho à la perspective matérialiste du jeu : consommer, accumuler, s’endetter.</p>
<h2>Mayonnaise, pompes à insuline et rasoirs</h2>
<p>S’il peut s’agir pour les marques de mettre en avant de nouveaux produits, la dynamique globale correspond également à une stratégie de communication institutionnelle : promouvoir l’image et les valeurs de marque. Quelques cas en sont assez emblématiques.</p>
<p>La marque de produits alimentaires <a href="https://twitter.com/HellmannsCanada/status/1295425158270914560">Hellmann’s</a> a, par exemple, mené une opération visant à sensibiliser les joueurs à la lutte contre le gaspillage alimentaire. Il s’est agi de transformer les déchets alimentaires virtuels (en l’occurrence les navets sur lesquels les joueurs spéculent) en vrais repas pour des personnes dans le besoin. La collecte de 25 000 navets avariés a permis à la marque de mayonnaise de financer, via l’association caritative FareShare, 50 000 repas.</p>
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<p>Parmi les leaders mondiaux de la technologie des pompes à insuline, Insulet Corporation a déployé des stands d’associations et autres activités en lien avec le diabète sur l’île <a href="https://www.omnipod.com/omnipodbay">« Omnipod Bay »</a>. Des tenues inclusives ont également été proposées : les joueurs ont ainsi eu l’opportunité de doter leur avatar de vêtements sur lesquels figurent des pompes à insuline ou bien encore des sacs d’accessoires utiles à la gestion de la maladie.</p>
<p>Dernier exemple : en écho à la campagne « c’est ma peau et j’en suis fière », la marque Gillette Venus au cœur de <a href="https://www.annales.org/gc/2022/gc147/2022-03-05.pdf">l’une de nos recherches</a> a proposé un catalogue de designs de vêtements permettant à des beautés différentes de se sentir incluses. Acné, vitilogo, cellulite ou bien encore vergetures y ont été représentés dans les différentes tonalités de carnation de peaux présentes sur le jeu.</p>
<h2>Et Nintendo en profite</h2>
<p>La singularité de ces opérations réside dans le fait que le placement produit n’est pas ici le fruit d’une concertation, d’une négociation <em>ex ante</em> entre le support média et les annonceurs : Nintendo n’est pas partie prenante aux opérations de placement produit. Le géant nippon ne souhaite officiellement pas s’y associer mais formule tout de même quelques <a href="https://www.nintendo.co.jp/animalcrossing_announcement/en/index.html">recommandations aux marques</a> : respecter la classification du jeu (accessible aux enfants de plus de trois ans), ne pas proposer de contenu vulgaire, discriminatoire ou offensant, ne pas tirer de bénéfice financier direct de la vente de designs ou guider les joueurs vers un site marchand.</p>
<p>Atypique, cette forme de placement donne le pouvoir au joueur, on parle d’« empowerment ». Le joueur est seul maître des opérations marketing qu’il souhaite éventuellement découvrir ou des designs de marques qu’il souhaite intégrer dans son univers virtuel. Il n’est ainsi pas en proie à une forme d’invasion publicitaire, source potentielle d’irritation. Ici, le placement produit n’est pas subi comme il l’est traditionnellement dans les médias, il est agi.</p>
<p>Au-delà des mises à jour du jeu vidéo proposées par Nintendo, via ces opérations, les marques offrent aux joueurs un renouvellement et un enrichissement constants de l’expérience vidéoludique. Créatrice de valeur, chaque proposition initiée par les marques et nouveau contenu généré par les joueurs participent au succès du jeu vidéo dont le modèle d’affaires a des similitudes avec celui d’un réseau social.</p>
<p>Plus les joueurs d’<em>Animal Crossing</em> sont nombreux, plus les marques ont intérêt à y déployer une opération marketing. Chemin faisant, plus les marques y sont présentes et relaient médiatiquement les opérations qu’elles déploient, plus Nintendo fidélise voire attire de nouveaux joueurs. Un coup de génie ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/193998/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sophie Renault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le jeu vidéo à succès offre une vitrine pour des placements de produit d’un nouveau genre.Sophie Renault, Professeur des Universités en Sciences de Gestion et du Management, IAE OrléansLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913942022-10-13T13:35:52Z2022-10-13T13:35:52ZLe « don » de Patagonia : un tournant pour la philanthropie corporative ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/489246/original/file-20221011-10401-lx7qqw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C62%2C4628%2C3617&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une boutique de vêtements plein air Patagonia, à Hong Kong.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Le 14 septembre, le fondateur de la marque californienne de vêtements de plein air Patagonia, <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Yvon_Chouinard">Yvon Chouinard</a>, a posé un geste des plus inédits en matière de philanthropie corporative : il a transformé les modalités de gouvernance de son entreprise dans le <a href="https://www.lapresse.ca/affaires/entreprises/2022-09-14/environnement/le-fondateur-de-patagonia-fait-don-de-son-entreprise.php">but de soutenir davantage la cause environnementale</a>. En gros, il en a fait don.</p>
<p>La famille Chouinard a en effet transféré tous les droits de propriété au sein de deux entités, soit Patagonia Purpose Trust et Holdfast Collective. Ce montage organisationnel a été pensé pour que chaque dollar non réinvesti dans la compagnie soit distribué sous forme de dividendes pour protéger la planète : <a href="https://www.patagonia.ca/ownership/">« Earth is now our only shareholder »</a>. La terre est maintenant notre unique actionnaire.</p>
<p>Cette initiative mérite qu’on s’y arrête, puisqu’elle pointe de nouvelles possibilités pour les entreprises désireuses de porter leurs implications sociales ou environnementales à un niveau supérieur. Travaillant au sein du <a href="https://philab.uqam.ca/a-propos/reseau-philab/">PhiLab, le Réseau canadien de recherche partenariale sur la philanthropie</a>, notre trio de recherche s’intéresse aux actions préventives mises de l’avant par le secteur philanthropique afin de combattre les inégalités sociales et les dégradations environnementales.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489225/original/file-20221011-16-71yves.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La devanture d’une boutique de Patagonia, à Pittsburgh, le 12 janvier 2022.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Gene J. Puskar, File)</span></span>
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<h2>Des profits pour la cause environnementale</h2>
<p>Il est nécessaire de rappeler l’approche organisationnelle privilégiée par la famille Chouinard. Patagonia Purpose Trust (PPT) est un fonds qui détient la totalité des actions avec droit de vote de Patagonia, ce qui représente 2 % des actions de l’entreprise. PPT a pour mission de veiller à la santé financière de Patagonia dans le respect des valeurs sociales et environnementales qui la caractérise.</p>
<p>Holdfast Collective (HC), pour sa part, est une fondation privée qui détient toutes les actions non votantes : soit les 98 % des actions. HC entend utiliser les dividendes générées par Patagonia, estimées à 100 millions de dollars annuellement, pour soutenir des actions visant à protéger l’environnement et la biodiversité.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/486886/original/file-20220927-12-zt7hn6.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=393&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Patagonia shares.</span>
<span class="attribution"><span class="source">QZ</span></span>
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<p>Le choix de la structure de gouvernance de l’entreprise est lié aux avantages fiscaux accordés à certaines formes d’organisations dans la législation corporative états-unienne. Cette législation permet à Patagonia de s’inscrire comme une organisation à vocation sociale. Cette structure juridique implique un tel engagement de l’entreprise. Dans le cas de Patagonia, cela se concrétise principalement par sa volonté de protéger l’environnement tout en préservant ses emplois.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489244/original/file-20221011-11786-hnxj18.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Yvon Chouinard, le fondateur de Patagonia, lors d’une entrevue réalisée dans le cadre du 25ᵉ Festival international du film de Santa Barbara, en Californie, le 10 février 2010. En septembre, il a posé un geste des plus inédits en matière de philanthropie corporative : il a fait don de son entreprise pour la cause environnementale.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<h2>Des enjeux complexes</h2>
<p>Un nombre croissant d’acteurs philanthropiques joignent les efforts collectifs pour faire face aux grands enjeux de notre époque : l’exacerbation des inégalités sociales, l’effritement des institutions démocratiques et la dégradation des écosystèmes naturels.</p>
<p>Ces enjeux sont complexes. Ils ont des racines profondes et ne peuvent être mitigés simplement. Trouver des réponse à moyen et à long terme ne se réduit pas à une question d’argent. Nous l’avons bien indiqué dans un <a href="https://theconversation.com/largent-ne-sauvera-pas-la-planete-la-philanthropie-doit-sadapter-130863">précédent article</a> portant sur la mobilisation philanthropique internationale en réponse aux feux de brousse qui ont ravagé une partie importante du territoire de l’Australie.</p>
<p>Si les dons d’urgence sont souhaitables en réponse aux catastrophes naturelles et nécessaires sur le court terme, il importe aussi, à plus long terme, d’intervenir sur les causes qui minent le bon fonctionnement de nos sociétés.</p>
<h2>Un modèle philanthropique préventif en quatre étapes</h2>
<p>L’analyse des interventions récentes du secteur philanthropique en réponse à des urgences découlant de catastrophes naturelles, nous a conduit à proposer un modèle philanthropique préventif en quatre étapes.</p>
<p>Par philanthropie préventive, nous entendons une approche engagée dans des démarches propices à la transformation des systèmes institutionnels. Elle vise la modernisation de nos infrastructures culturelles, d’éducation ou de santé ou à soutenir des communautés ou des populations dans le besoin. C’est à la lumière de ce modèle, illustré dans le graphique ci-dessous, que nous évaluons l’initiative de Patagonia.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/487327/original/file-20220929-18-aw3p7f.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">PhiLab : philanthropie préventive modèle.</span>
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<p><strong>1) Adapter les activités philanthropiques aux spécificités d’une crise</strong></p>
<p>Patagonia a fait un pas dans cette direction avec la proposition hybride de gouvernance qu’elle a développée. Celle-ci assure l’allocation de sommes importantes pour répondre à la crise environnementale dans la perspective d’une transition écologique à effectuer.</p>
<p><strong>2) Ne pas travailler en silo et coordonner ses efforts en vue d’apporter des réponses collectives et structurantes</strong></p>
<p>Nous n’avons pas encore de détails sur l’approche philanthropique qui sera privilégiée par HC. Mais les engagements passés de Patagonia nous indiquent que cette posture de collaboration et de partenariat sera au rendez-vous. Effectivement, depuis 1985, l’entreprise <a href="https://eu.patagonia.com/fr/fr/one-percent-for-the-planet.html">verse 1 % de son chiffre d’affaires</a> à l’intention d’associations américaines et internationales qui militent pour la protection de l’environnement.</p>
<p>Par ailleurs, en 2022, Yvon Chouinard a également cofondé avec Craig Mathews (fondateur de Blue Ribbon Flies) <a href="https://onepercentfortheplanet.org/">« 1 % pour la planète »</a>, une organisation qui enjoint toutes les entreprises à suivre son exemple et à verser au moins 1 % de leur chiffre d’affaires en appui à des causes environnementales. Ce montant n’a pas été choisi au hasard puisqu’il est particulièrement incitatif pour les entreprises étatsuniennes. <a href="https://directories.onepercentfortheplanet.org/?accountType=business&location=usa&page=3">Cependant le bassin d’entreprises étatsuniennes membres ne compte pas encore beaucoup de grands noms</a>.</p>
<p><strong>3) Accompagnement des groupes qui sont surexposés aux conséquences de la crise climatique</strong></p>
<p>Les fonds iront-ils en priorité aux collectivités les plus affectées par les changements climatiques, lesquelles regroupent généralement des populations marginalisées ? Encore là, le passé philanthropique de Patagonia est de bon augure. Cependant, la démonstration reste à faire pour voir comment les dons qui seront attribués agiront prioritairement en matière de justice sociale et environnementale.</p>
<p><strong>4) Agir dans l’optique de contenir l’aggravation de la crise</strong></p>
<p>Cela passe nécessairement par une remise en cause du modèle de développement écocidaire qui domine aujourd’hui nos sociétés. Pour le moment, nous savons que Patagonia s’inscrit en porte-à-faux par rapport au capitalisme financiarisé, lequel n’incite pas les entreprises à adopter des objectifs sociaux et environnementaux. Comme l’a déclaré Yvon Chouinard :</p>
<blockquote>
<p>Même les entreprises cotées avec de bonnes intentions sont soumises à trop de pression pour créer des gains à court terme au détriment de la vitalité et de la responsabilité à long terme.</p>
</blockquote>
<p>Les actions à venir de Patagonia nous indiqueront comment cette étape est prise au sérieux.</p>
<h2>Le début d’un mouvement ?</h2>
<p>La famille Chouinard n’est pas la première à s’engager financièrement pour l’environnement. Jeff Bezos, le fondateur d’Amazon, a créé le <a href="https://www.bezosearthfund.org/who-we-are-2022">Bezos Earth Fund</a>. Il a promis de réserver 10 milliards de dollars US à ce trust.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Jeff Bezos" src="https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489250/original/file-20221011-24-vk6mun.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Le PDG d’Amazon, Jeff Bezos, durant une conférence de presse à Washington, en 2019. En 2021, il a créé le Bezos Earth Fund et promis de réserver 10 milliards de dollars US à ce trust.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Pablo Martinez Monsivais, File)</span></span>
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<p>L’initiative de Patagonia va beaucoup plus loin que celle de Bezos. Elle repose sur une structure de gouvernance qui met la mission sociale de l’entreprise au premier plan, avant sa mission économique. L’initiative de Bezos, se présente plutôt comme un moyen d’agir en parallèle, de sorte qu’Amazon n’acquiert pas une dimension sociale ou écologique.</p>
<p>Patagonia propose une voie d’engagement entrepreneuriale plus prononcée. Elle poursuit, sous des habits juridiques légèrement différents, la voie empruntée par les fondations d’entreprises européennes. Ce modèle européen crée une nouvelle identité entrepreneuriale où les missions sociale et économique de l’organisation sont amalgamées de telle sorte que la propriété de l’entreprise est protégée contre les offres d’achat public hostiles (OPA), tout en ayant le devoir et l’obligation de s’impliquer sur des causes sociales ou environnementales.</p>
<p>Patagonia fait présentement figure de proposition anecdotique en Amérique du Nord. Face à l’ampleur des défis actuels, de telles initiatives audacieuses ont tout avantage à devenir la nouvelle norme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191394/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>En transformant sa gouvernance au profit de l’environnement, Patagonia poursuit la voie empruntée par les fondations d’entreprises européennes. Mais sa proposition reste anecdotique en Amérique du Nord.David Grant-Poitras, Doctorant en sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Diane Alalouf-Hall, Doctorante en sociologie, Université du Québec à Montréal (UQAM)Jean-Marc Fontan, Professeur titulaire, Université du Québec à Montréal (UQAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1886132022-08-15T20:26:07Z2022-08-15T20:26:07ZIssey Miyake, inventeur d’une mode conceptuelle et grand public<p>Le créateur <a href="https://www.theguardian.com/fashion/2022/aug/09/issey-miyake-famed-japanese-fashion-designer-dies-aged-84">Issey Miyake</a>, décédé à l’âge de 84 ans, laisse une trace indélébile dans le monde de la mode. Il était célèbre pour ses vêtements qui s’adaptent au corps en mouvement, pensés de façon conceptuelle, mais tout à fait adaptés à la vie quotidienne. Ses vêtements étaient souvent basés sur des formes géométriques simples réalisées dans des tissus finement plissés qui donnaient naissance à des silhouettes nouvelles et inattendues.</p>
<p>Dans le monde de la mode, Miyake s’est démarqué à plusieurs égards. C’est un créateur non occidental qui a fondé sa propre entreprise de mode multiculturelle prospère à l’échelle internationale, et a su proposer une mode qui dépasse les conventions en matière de silhouettes, de styles ou de type de tissus à privilégier.</p>
<p>La prochaine génération de créateurs de mode a beaucoup à apprendre de l’œuvre de Miyake, de sa réinvention des traditions vestimentaires japonaises à son audace dans l’adoption de nouvelles technologies textiles et de nouvelles silhouettes. Ce qui est peut-être le plus pertinent pour le public moderne, c’est sa vision inclusive, son objectif de « créer pour le plus grand nombre ». Il l’a démontré non seulement par la conception et la coupe de ses vêtements, mais aussi par les modèles qu’il a choisi d’inclure dans ses défilés et ses campagnes.</p>
<h2>Une vision égalitaire</h2>
<p>Né à Hiroshima, au Japon, en 1938, Miyake avait sept ans lorsque sa ville natale a été détruite par la bombe atomique qui a marqué la fin de la Seconde Guerre mondiale en Asie. Peu de temps après, il a été gravement blessé à la jambe et a perdu sa mère à cause des radiations, des événements qui l’ont incité à « penser à des choses qui peuvent être créées, et non détruites ».</p>
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<p>Miyake étudie ensuite le graphisme à l’université d’art Tama de Tokyo avant d’entrer à l’école de la Chambre Syndicale de la Couture à Paris en 1965. Il a assisté aux manifestations révolutionnaires de mai 1968 à Paris, qui ont abouti à une amélioration des droits des travailleurs et à d’importants changements sociaux. Cela a conduit Miyake à remettre en question le statu quo et l’a inspiré pour penser la mode de manière plus égalitaire et radicale.</p>
<p>En 1970, il crée le Miyake Design Studio. Sa première gamme est basée sur le concept qu’il appelle « A Piece of Cloth », qui est une façon de concevoir en tenant compte de la qualité bidimensionnelle du tissu et en minimisant les déchets. Pour l’exposition universelle Expo ’70 à Osaka, il a conçoit une gamme de vêtements modulaires pouvant être assemblés en une variété de tenues choisies par celle ou celui qui les porte, appelée à juste titre « mode constructible ».</p>
<p>Miyake était fasciné par l’interaction entre les vêtements et le corps, explorant ce que la mode pouvait être. Cela transparaît dans ses nombreuses innovations, notamment dans la manière dont il a mêlé son héritage japonais à ses expériences européennes et nord-américaines. Il a développé sa vision de la mode contemporaine en combinant le confort des styles occidentaux avec les textiles et les silhouettes de l’Orient, en explorant les tatouages de gangsters japonais comme motifs textiles, le <a href="https://en.wikipedia.org/wiki/Sashiko">matelassage sashiko</a> pour les manteaux et les formes géométriques inspirées du kimono pour les robes mouchoirs.</p>
<h2>Rompre avec les conventions</h2>
<p>Aux côtés des designers Rei Kawakubo et Yohji Yamamoto, Miyake appartient à un groupe de créateurs japonais qui ont établi la pertinence d’une perspective de la mode en dehors des récits euroaméricains dominants. Lorsque j’ai étudié l’histoire de la mode dans les années 2000, c’était comme si elle n’existait qu’à Londres, Paris, Milan et New York, mais cette « nouvelle vague » de créateurs japonais a ouvert la voie à d’autres créateurs internationaux.</p>
<p>Tout au long des années 1980, Miyake continue à expérimenter, exposant son travail dans des musées et des galeries. Il explore davantage les matériaux, par exemple les plastrons moulés, les corsages en bambou et en rotin qui ressemblent à des sculptures, tout en utilisant toujours la mode comme un outil d’étude du corps. En 1981, il crée Plantation, une gamme pionnière non genrée, conçue pour être portée par des personnes de tous âges et de toutes morphologies, dans un tissu naturel facile à entretenir. La collection a été reprise et rebaptisée Issey Miyake Permanente en 1985.</p>
<p>Sa marque Pleats Please a été créée en 1988. Il s’agit d’une gamme de vêtements fabriqués à partir d’une nouvelle technologie de plissage du tissu. Les plis présentent un avantage fonctionnel, car ils créent de l’élasticité dans le vêtement, ce qui permet de varier les tailles. Il s’agit d’un autre développement ludique dans son art de repousser les frontières.</p>
<p>En 1999, il présente la gamme A-POC, un retour à son concept original A Piece of Cloth. Cette gamme présente de longs tubes de tissu tricoté qui peuvent être coupés par le porteur à la longueur désirée, une approche visant à minimiser les déchets. Ce style sobre est devenu iconique et ces vêtements sont portés à la fois par des hommes et des femmes de tous âges, représentant une manifestation parfaite de la vision de Miyake pour des vêtements qui offrent le meilleur des deux mondes (occident et orient). Ce sont des objets uniques mais parfaitement fonctionnels et adaptés à la vie de tous les jours.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/ce-que-karl-lagerfeld-a-apporte-au-luxe-daujourdhui-et-de-demain-112091">Ce que Karl Lagerfeld a apporté au luxe d’aujourd’hui et de demain</a>
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<p>Miyake a également apporté cet esprit d’expérimentation et de dépassement des limites à ses défilés. Son spectacle radical « Issey Miyake and Twelve Black Girls », donné au Seibu Theatre de Tokyo et au Gymnase municipal d’Osaka, en est la meilleure illustration. Ce spectacle, qui a été à l’affiche plus d’un mois, mettait en avant douze mannequins noirs, dont Grace Jones, d’une manière totalement inédite.</p>
<p>Dans son autobiographie, Jones souligne combien Miyake l’a soutenue lorsqu’elle était une jeune mannequin à Paris. Un épisode représentatif de son attitude avant-gardiste et de sa mentalité inclusive à une époque où il était inhabituel de présenter des créations exclusivement sur des mannequins de couleur.</p>
<p>Qu’il s’agisse de réinventer les formes des vêtements, d’utiliser la technologie pour plisser des tissus innovants, de réduire les déchets de tissu ou de concevoir des pièces non genrées, sa vision était toujours moderne et adaptée à la vie de tous les jours. Issey Miyake a été un véritable pionnier et sa vision novatrice nous manquera cruellement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/188613/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noorin Khamisani ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le designer japonais pionnier laisse derrière lui un héritage de création de mode innovante.Noorin Khamisani, Lecturer in Fashion and Textile Design, University of PortsmouthLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1830522022-05-23T19:56:59Z2022-05-23T19:56:59Z« Fast fashion » : porter des vêtements non éthiques fait désormais culpabiliser le consommateur<p>Il est bien connu aujourd’hui que <a href="https://piochemag.fr/a-lire-le-dernier-essai-de-lhistorienne-audrey-millet-sattaque-a-la-face-sombre-de-lindustrie-de-la-mode/">l’impact de l’industrie de la mode sur l’environnement</a> est considérablement néfaste. Il a notamment été montré qu’il faut l’équivalent de <a href="https://www.linfodurable.fr/conso/7000-10-000-litres-deau-sont-necessaires-pour-fabriquer-un-jean-comment-arreter-les-frais">285 douches pour produire un jean</a>. En 2030, les émissions de gaz à effet de serre produit par l’industrie de la mode atteindront <a href="https://www.vogue.fr/mode/article/cop26-industrie-mode-objectifs-climat">2,7 milliards de tonnes</a>, soit l’équivalent de 230 millions de voitures roulant pendant un an.</p>
<p>Ces dernières décennies, la croissance de l’industrie de la mode, en mettant l’accent sur la rentabilité, a encouragé un <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/09593960903498300">désir accru de faibles coûts</a>, de flexibilité dans la conception et la qualité, et de rapidité de mise sur le marché au nom des détaillants, aggravant encore le problème.</p>
<p>La <em>fast fashion</em>, <a href="https://www.oxfamfrance.org/agir-oxfam/fast-fashion-et-slow-fashion-impacts-definitions/?gclid=Cj0KCQjw4PKTBhD8ARIsAHChzRJbJXpgAFdnhF-qPgrLp9WBfZHHR5_xVYlo2GUDhBAROzLh3jv52JMaAjVaEALw_wcB">mouvement reposant sur une surproduction et un renouvellement ultrarapide des collections</a> (jusqu’à <a href="https://www.theguardian.com/books/2014/mar/06/stitched-up-anti-capitalist-book-fashion-tansy-hoskins-review">50 collections différentes par an</a>, soit quasiment une collection différente par semaine) est ainsi souvent pointée du doigt quant à son impact environnemental et social. Cette <em>fast fashion</em> nécessite une baisse des coûts de production et une rapidité de production qui mène parfois à des drames. Le 23 avril 2013, au <a href="https://www.lexpress.fr/styles/mode/l-effondrement-du-rana-plaza-symbole-des-abus-de-la-fast-fashion_1899144.html">Rana Plaza à Bangladesh</a>, une usine de fabrication de vêtements, des vêtements portés par les occidentaux, s’est écroulée sur ses employés faisant 1134 morts et 2500 blessés.</p>
<h2>Des ventes en hausse de 40 % en 10 ans</h2>
<p>Face à la pollution produite par l’industrie de la mode, beaucoup de marques et d’initiatives se sont développées. Aujourd’hui, nous avons de plus en plus accès à une <a href="https://www.wedressfair.fr/blog/29-marques-ethiques-pour-un-dressing-responsable">mode plus propre, plus transparente, plus éthique</a>. Des mouvements de <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-durable-60-des-francais-se-disent-prets-a-boycotter-les-marques-non-equitables,1295445.html">contestation de consommateurs boycottant des marques</a> ou le <a href="https://theconversation.com/black-friday-la-resistance-sorganise-autour-du-consommer-moins-et-mieux-127533">Black Friday</a> naissent.</p>
<p>Les consommateurs montrent eux aussi une prise de conscience et un intérêt accru pour l’écologie la mode durable et responsable. Comme le souligne l’Ipsos dans un <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">étude</a> de 2019, « près de deux Français sur trois (65 %) affirment aujourd’hui que l’engagement des marques et des entreprises en matière de développement durable constitue un critère de choix important au moment de leurs achats mode/habillement ».</p>
<p>Cependant, le comportement des consommateurs tarde à se concrétiser et le <a href="https://reset.eco/comment-sommes-nous-devenus-accros-a-la-fast-fashion/">besoin d’apparat et de changement de look</a> quotidien n’a pas disparu. Pour preuve, les ventes ont augmenté de <a href="https://www.gondola.be/fr/news/fast-fashion-la-vente-de-vetements-enregistre-une-hausse-de-40-en-dix-ans">40 % ces dix dernières années</a>. Un <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/Mode-durable-51-des-francais-ne-font-pas-confiance-aux-marques,1284821.html">manque de confiance dans les marques de mode</a>, un manque de compréhension de ce qu’est la mode durable ainsi qu’une <a href="https://fr.fashionnetwork.com/news/La-mode-durable-un-concept-insaisissable-pour-beaucoup-de-consommateurs,1306083.html">méfiance envers le greenwashing</a>, et également le prix et le <a href="https://www.ipsos.com/fr-fr/les-francais-et-la-mode-durable">manque d’informations sur les noms des marques de mode durable</a> freinent notamment l’engouement des consommateurs de mode durable.</p>
<p>Il est donc indispensable de développer de nouvelles approches pour encourager les individus à acheter et à porter une mode plus durable, tout en s’engageant concernant l’origine de leurs vêtements. Dans cette optique, un travail de recherche mené par notre équipe, <a href="https://www.ingentaconnect.com/content/intellect/sft/2022/00000001/00000001/art00004">récemment publié</a>, propose une nouvelle approche qui repose sur les émotions.</p>
<h2>Impact sur les émotions</h2>
<p>Nous avons demandé à trois groupes (39 personnes – 26 femmes, 13 hommes au total) de venir passer deux heures dans notre laboratoire : le premier groupe devait venir avec sa propre tenue vestimentaire ; le deuxième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et éthique, produit de manière respectueuse avec l’environnement ; et le troisième groupe devait porter un tee-shirt blanc uni et étiqueté comme non-éthique (<em>fast fashion</em>). Les tee-shirts fournis aux deuxième et troisième groupes étaient similaires, seule l’étiquette changeait.</p>
<p>Nous avons mesuré les émotions positives et négatives de chaque participant grâce à l’échelle <a href="https://novopsych.com.au/assessments/well-being/scale-of-positive-and-negative-experience-spane/">SPANE</a>. Ce questionnaire bref mesure les expériences positives et négatives des participants en leur demandant d’évaluer la fréquence à laquelle ils vivent divers états comme sur le plaisir physique, l’engagement, l’intérêt, la douleur, l’ennui, etc. Les émotions de chaque participant ont été évaluées juste avant l’expérience, puis au bout de deux heures de port du tee-shirt.</p>
<p>Nos résultats ont montré que les participants portant des vêtements durables avaient une augmentation des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements non durables.</p>
<p>De plus, les participants portant des vêtements non durables ont montré une baisse des émotions positives par rapport aux participants portant des vêtements durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions positives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 23) au début de l’expérience, le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une augmentation des émotions positives (avec une médiane de 26) et les participants portant le tee-shirt de mode non-durable ont montré une baisse des émotions positives (avec une médiane de 20).</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/464753/original/file-20220523-26-uoie1i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Malgré la prise de conscience des enjeux de durabilité, le comportement des consommateurs tarde encore à se concrétiser.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/citation-source-d-inspiration-5126624/">Cparks/Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>Nos résultats ont également montré que les participants portant des vêtements durables observaient une baisse des sentiments négatifs par rapport aux participants portant des vêtements non durables. En effet, alors que la valeur médiane des émotions négatives était similaire pour les trois groupes de participants (médiane d’environ 14), le groupe portant le tee-shirt de mode durable a ensuite montré une baisse des émotions négatives (avec une médiane de 7).</p>
<p>Cette étude met donc en évidence l’existence d’une relation entre ce que nous portons et ce que nous ressentons, renforçant l’importance de connaître la source de nos vêtements. Les résultats, établissant un lien entre le port de vêtements durables ou non durables et des sentiments positifs et négatifs, renforcent le pouvoir et l’influence des vêtements sur les processus psychologiques, ce qui peut aider à encourager les gens à s’engager davantage avec la mode durable et connaître davantage l’origine de leurs vêtements.</p>
<p>Les résultats de cette étude pourraient être utilisés pour montrer aux consommateurs de mode que les impacts néfastes de l’achat de vêtements non durables s’étendent au-delà de la sphère environnementale et sociale, et incluent dont la sphère individuelle à travers les sentiments et les émotions. Cette recherche espère aider ainsi à étendre les découvertes actuelles et donner au sujet de la durabilité dans l’industrie de la mode l’attention dont il a besoin pour promouvoir et susciter le changement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183052/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Aurore Bardey ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>À l’inverse, porter des pièces produites responsablement augmente les émotions positives, montre une expérience récente.Aurore Bardey, Associate Professor in Marketing, Burgundy School of Business Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.