tag:theconversation.com,2011:/us/topics/vieillesse-71691/articlesvieillesse – The Conversation2024-03-10T16:48:46Ztag:theconversation.com,2011:article/2244182024-03-10T16:48:46Z2024-03-10T16:48:46ZOublier, c’est normal ! Mais quand faut-il s’inquiéter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/577925/original/file-20240214-22-ktb21p.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C98%2C8106%2C5359&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/disappointed-forgetful-young-woman-tired-cramming-1887098245">Cast Of Thousands/Shutterstock</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>Au quotidien, oublier certaines choses est assez agaçant – voire, en fonction de l’âge, inquiétant. Mais l’oubli est un phénomène tout à fait naturel : la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/memoire-22674">mémoire</a> a besoin d’oublier. De plus, les souvenirs peuvent ne pas être aussi fiables qu’on le croit, mais au contraire être déformés par rapport à ce qui s’est réellement passé.</p>
<p>Mais quel niveau d’oubli est « normal » ? Est-il acceptable par exemple de <a href="https://www.leparisien.fr/international/etats-unis/apres-mitterrand-dallemagne-le-president-joe-biden-confond-legypte-et-le-mexique-09-02-2024-OWVMC372J5EH3N4CHIEOK3VB7Y.php">mélanger les noms de pays</a>, comme l’a fait récemment le président américain Joe Biden ?</p>
<h2>Une question d’attention</h2>
<p>Pour <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC6853990/">se souvenir de quelque chose</a>, le cerveau doit l’apprendre (encodage), le conserver en lieu sûr (stockage) et être capable de le retrouver en cas de besoin (récupération). Si une de ces étapes est perturbée, le souvenir peut être perdu, ou oublié.</p>
<p>Le cerveau ne peut pas traiter toutes les informations sensorielles qui lui arrivent : il <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2718243/">filtre les informations</a> afin de traiter ce qui est important. Ainsi, il encode sous forme de souvenirs principalement les choses auxquelles on prête vraiment attention.</p>
<p>Qui n’a jamais oublié les prénoms des invités lors d’une soirée entre amis, parce que son attention est tournée vers autre chose ? Il s’agit là d’une défaillance de la mémoire – un oubli – <a href="https://www.frontiersin.org/journals/psychology/articles/10.3389/fpsyg.2014.00841/full">tout à fait normale, et très courante</a>.</p>
<p>Les habitudes et les conventions peuvent aider à contourner ce problème. Par exemple, si l’on range toujours ses clefs au même endroit, nul besoin d’encoder à chaque fois une nouvelle information pour les retrouver.</p>
<p>La répétition est également importante pour ancrer les souvenirs, qui ont tendance à <a href="https://psycnet.apa.org/doiLanding?doi=10.1037%2F0033-2909.102.3.403">disparaître s’ils ne sont pas remobilisés</a>. Plus nous répétons, rabâchons ou racontons des souvenirs, plus nous nous en souvenons longtemps – si ce n’est que nous avons tendance à modifier ces souvenirs lorsque nous les racontons, et qu’il est probable que nous nous souvenions mieux de la dernière version que de l’évènement initial.</p>
<p>Dans les années 1880, le psychologue allemand Hermann Ebbinghaus a mené une expérience pendant laquelle les <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Hermann_Ebbinghaus">participants devaient mémoriser des séries de syllabes inconnues qui ne voulaient rien dire</a>. Il a noté ce dont les participants se souvenaient au fil du temps, et montré que la plupart de nos souvenirs s’estompent en l’espace d’un jour ou deux s’ils ne sont pas remobilisés. En revanche, si les séries étaient répétées à intervalles réguliers, les participants pouvaient retenir un bien plus grand nombre de syllabes pendant plus d’une journée.</p>
<p>Ces répétitions volontaires, qui permettent de mieux se souvenir d’une chose, provoquent parfois l’oubli d’une autre. Nous pouvons ainsi encoder l’endroit où la voiture est garée en allant faire des courses puis l’oublier, tant nous sommes occupés à répéter d’autres choses – la liste de courses à ne pas oublier, par exemple.</p>
<p>Cet exemple permet d’illustrer une autre caractéristique de l’oubli : la capacité à <a href="https://www.sciencedaily.com/releases/2021/05/210526085058.htm">oublier une information particulière tout en se souvenant, globalement, de l’essentiel</a>. S’il est parfois impossible de se rappeler précisément où est garée la voiture en sortant du magasin, on sait souvent si elle était à gauche ou à droite de la porte, sur le bord du parking ou vers le centre, ce qui permet de la chercher dans une zone relativement définie.</p>
<h2>L’impact du vieillissement</h2>
<p>En <a href="https://theconversation.com/fr/topics/viellissement-119180">vieillissant</a>, les gens <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1123445/">s’inquiètent davantage de leur mémoire</a>. Il est vrai que l’oubli devient plus prononcé, mais cela ne signifie pas forcément qu’il y a un problème.</p>
<p>Plus le temps passe, plus il y a de choses dont nous devons nous souvenir. Nos expériences passées partagent de nombreux points communs, et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/B9780121025700500100">il peut être difficile de distinguer différents souvenirs</a>.</p>
<p>Par exemple, si vous n’êtes allé qu’une seule fois en vacances à la plage en Espagne, il est probable que vous vous en souveniez avec une grande clarté. En revanche, si vous avez passé de nombreuses vacances en Espagne, dans différentes villes et à différentes périodes, il vous sera plus difficile de vous rappeler si un évènement s’est produit lors de vos premières vacances à Barcelone ou lors d’un voyage ultérieur.</p>
<p>Le chevauchement des souvenirs, ou interférence, limite la récupération des informations. Imaginez que vous classiez des documents sur un ordinateur : au début, le système de classement est clair, chaque document trouve aisément une place où il sera facile à retrouver. Mais plus les documents arrivent, plus il devient difficile de décider dans quel dossier les ranger. De nombreux documents se retrouvent dans un seul dossier parce qu’ils sont tous liés à un élément. Ainsi, au fil du temps, il devient de plus en plus difficile de retrouver le bon document lorsqu’on le cherche, soit parce qu’on ne sait pas où on l’a mis, soit parce qu’on sait où il devrait être, mais qu’il y a beaucoup d’autres choses dans le même dossier.</p>
<p>Enfin, ne pas oublier peut poser problème. C’est le cas de certains <a href="https://theconversation.com/fr/topics/troubles-du-stress-post-traumatique-tspt-118588">stress post-traumatiques</a>, où le souvenir est persistant, ne s’efface pas et interrompt régulièrement la vie quotidienne.</p>
<p>Le deuil ou la dépression peuvent aussi <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3518852/">rendre plus difficile l’oubli d’informations négatives</a>, alors que dans ces cas, les oublier serait extrêmement utile.</p>
<h2>Oublier n’empêche pas forcément de prendre des décisions</h2>
<p>Oublier est fréquent, et le devient de plus en plus avec l’âge. De plus, oublier des noms ou des dates, comme l’a fait Joe Biden, ne nuit pas forcément à la prise de décision. Les personnes âgées peuvent avoir des connaissances approfondies et une bonne intuition, qui peuvent aider à compenser de tels trous de mémoire.</p>
<p>Mais bien entendu, ces trous de mémoire peuvent être le signe d’un problème plus grave et suggérer qu’il faut consulter un médecin.</p>
<p>Le fait de poser la même question à plusieurs reprises par exemple peut dévoiler que l’oubli est plus qu’un problème de distraction ponctuelle au moment d’encoder la réponse.</p>
<p>De même, oublier son chemin dans des endroits très familiers peut révéler une difficulté à utiliser les indices de l’environnement pour se souvenir et se repérer. Et si oublier le nom d’une personne au cours d’un dîner est normal, oublier comment utiliser sa fourchette et son couteau ne l’est pas.</p>
<p>En fin de compte, les trous de mémoire ne sont pas forcément à craindre – il faut s’inquiéter s’ils deviennent extrêmes.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/224418/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Alexander Easton ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Vous ne vous souvenez pas d’où vous avez mis vos clefs ? C’est normal, vous ne faites pas un début d’Alzheimer. Mais alors, comment savoir quand l’oubli est vraiment inquiétant ?Alexander Easton, Professor of Psychology, Durham UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2146082024-02-13T18:03:31Z2024-02-13T18:03:31ZEst-ce normal d’oublier des mots quand on parle ? Quand doit-on s’inquiéter ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/553710/original/file-20231013-15-roq5c6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=10%2C2%2C979%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Lorsqu’un locuteur en bonne santé ne parvient pas à trouver un mot de son lexique qu’il a l’impression de connaître, les spécialistes du langage parlent du phénomène du « mot sur le bout de la langue ».</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>On a tous vécu cette situation où, au milieu d’une phrase, on est incapable de trouver le mot qu’on veut utiliser, même si on sait très bien qu’on le connaît.</p>
<p>Pourquoi cela se produit-il ?</p>
<p>Et doit-on considérer qu’il s’agit d’un signe qu’il y a un problème ?</p>
<p>Tout le monde éprouve occasionnellement des difficultés à trouver ses mots. Mais si cela arrive très souvent avec un large éventail de mots, de noms et de chiffres, cela peut être le signe d’un trouble neurologique.</p>
<h2>Les étapes de la production de la parole</h2>
<p>La formulation d’un mot nécessite plusieurs <a href="https://doi.org/10.1093/oxfordhb/9780190672027.013.19">étapes de traitement</a> : </p>
<ol>
<li><p>déterminer le sens voulu ;</p></li>
<li><p>choisir le mot juste dans son « lexique mental » (un dictionnaire mental du vocabulaire du locuteur) ;</p></li>
<li><p>récupérer sa structure sonore (appelé « forme ») ;</p></li>
<li><p>exécuter les mouvements des organes de la parole pour formuler son idée.</p></li>
</ol>
<p>La difficulté à trouver des mots peut survenir à chacun de ces stades.</p>
<p>Lorsqu’un locuteur en bonne santé ne parvient pas à trouver un mot de son lexique qu’il a l’impression de connaître, les spécialistes du langage parlent du phénomène du « mot sur le bout de la langue ».</p>
<p>Souvent, le locuteur frustré tentera de donner quelques informations sur le sens du mot qu’il souhaite utiliser, « tu sais, ce truc avec lequel tu frappes sur un clou », ou sur son orthographe, « ça commence par un M ! »</p>
<p>Ce type de problème est relativement commun et se produit généralement lors de la récupération de la structure sonore d’un mot (étape 3 ci-dessus).</p>
<h2>Qu’est-ce qui peut faire qu’on cherche un mot ?</h2>
<p>Les difficultés à trouver des mots surviennent à tout âge, mais elles sont plus fréquentes à mesure qu’on vieillit. Chez les personnes âgées, elles peuvent être source de frustration et d’anxiété quant à la possibilité de développer une démence. Mais il n’y a pas toujours lieu de s’inquiéter.</p>
<p>Pour étudier ce phénomène, les chercheurs peuvent demander aux personnes de tenir un journal afin de noter la fréquence et le contexte dans lequel il se produit. <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2015.01190/full">L’examen de journaux de bord</a> a montré qu’on a davantage tendance à chercher certains types de mots, tels que les noms de personnes et de lieux, les substantifs concrets (de choses, comme « chien » ou « bâtiment ») et les substantifs abstraits (de concepts, comme « beauté » ou « vérité ») <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2015.01190/full">que les verbes et les adjectifs</a>.</p>
<p>Les termes qu’on utilise peu sont aussi plus susceptibles d’engendrer le phénomène du « mot sur le bout de la langue ». On suppose que c’est dû au fait que les liens entre leur signification et leur sonorité sont plus faibles que pour les mots fréquents.</p>
<p>Des études en laboratoire ont également montré que ce phénomène se produit plus souvent dans des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13825585.2019.1641177">situations sociales stressantes</a>, par exemple lorsque l’on fait l’objet d’une évaluation, et ce, quel que soit son âge. Ainsi, de nombreuses personnes déclarent avoir connu ce type de problème dans le cadre d’entretiens d’embauche.</p>
<h2>Quand doit-on craindre un problème sérieux ?</h2>
<p>Des échecs répétés avec un large éventail de mots, de noms et de chiffres sont susceptibles d’indiquer des problèmes plus graves.</p>
<p>Les spécialistes du langage utilisent les termes « anomie » ou <a href="https://www.aphasia.com/aphasia-library/aphasia-types/anomic-aphasia/">« aphasie anomique »</a> pour décrire cette condition. Elle peut être due à des lésions cérébrales causées par un accident vasculaire cérébral, une tumeur, un traumatisme crânien ou une démence telle que la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>La famille de l’acteur Bruce Willis a récemment révélé qu’il était atteint d’une maladie dégénérative connue sous le nom d’aphasie primaire progressive, dont l’un des premiers symptômes est la difficulté à trouver les mots plutôt que la perte de mémoire.</p>
<p>L’aphasie primaire progressive est généralement associée à la démence frontotemporale ou à la maladie d’Alzheimer, bien qu’elle puisse être causée par d’autres <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3637977/">pathologies</a>.</p>
<p>L’aphasie anomique peut être due à des problèmes survenant à différents stades de la production de la parole. Une évaluation par un neuropsychologue clinicien ou un orthophoniste peut clarifier quel stade est affecté et quelle est la gravité du problème.</p>
<p>Par exemple, si quelqu’un est incapable de nommer l’image d’un objet courant tel qu’un marteau, la personne qui l’évalue lui demandera de décrire à quoi sert l’objet (la réponse pourrait être « c’est quelque chose qui sert à frapper sur des choses » ou « c’est un outil »).</p>
<p>Si cela ne fonctionne pas, on lui dira de faire un geste ou de mimer la façon dont on l’utilise. On pourra aussi lui donner un indice, comme la première lettre (M) ou la première syllabe (mar).</p>
<p>Les résultats de la plupart des personnes atteintes d’aphasie anomique s’améliorent lorsqu’on leur propose des indices, ce qui montre qu’elles ont surtout des difficultés aux derniers stades, soit la récupération des formes de mots et les aspects moteurs de la parole.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1699457147673682242"}"></div></p>
<p>Cependant, si la personne est incapable de décrire ou de mimer l’utilisation de l’objet, et que les indices ne l’aident pas, cela incite à penser qu’il y a perte de la connaissance ou de la signification des mots. C’est généralement le signe d’un problème plus grave, tel que l’aphasie primaire progressive.</p>
<p>Des études d’imagerie menées sur des adultes en bonne santé et des personnes souffrant d’aphasie anomique ont montré que ce ne sont pas les mêmes zones du cerveau qui causent la difficulté à trouver les mots.</p>
<p>Chez les <a href="https://direct.mit.edu/jocn/article-abstract/35/1/111/113588/Neural-Correlates-of-Naturally-Occurring-Speech">adultes en bonne santé</a>, des échecs occasionnels à nommer l’image d’un objet courant sont liés à des changements dans l’activité des zones du cerveau qui contrôlent les aspects moteurs de la parole, ce qui pourrait indiquer un problème ponctuel d’articulation plutôt qu’une perte de mots.</p>
<p>Dans le cas d’une anomie causée par une aphasie primaire progressive, les régions du cerveau qui traitent le sens des mots présentent une perte de cellules nerveuses et de connexions ou une <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0148707">atrophie</a>.</p>
<p>Bien que l’aphasie anomique soit fréquente après un accident vasculaire cérébral survenu dans l’hémisphère gauche du cerveau, les difficultés à trouver des mots qui y sont associées ne semblent pas pouvoir être distinguées selon des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0010945215003299">zones précises</a>.</p>
<p>Il existe des <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/02687030244000563">thérapies</a> pour l’aphasie anomique. En général, un orthophoniste entraîne la personne à nommer des choses à l’aide de différents types d’indices ou d’amorces. Les indices peuvent être des caractéristiques d’un objet ou d’une idée, des caractéristiques sonores d’un mot ou une combinaison des deux. Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S002199241730014X">applications pour tablettes</a> et téléphones intelligents donnent des résultats prometteurs lorsqu’on s’en sert pour compléter le traitement par des exercices à domicile.</p>
<p>Le type d’indice utilisé dépend de la nature de la déficience. La réussite de la thérapie est associée à des changements dans l’activité des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0093934X14000054">zones du cerveau</a> connues pour contribuer à la production de la parole. Malheureusement, il n’existe pas de traitement efficace pour l’aphasie primaire progressive, bien que <a href="https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/13607863.2019.1617246">certaines études</a> indiquent que l’orthophonie peut apporter des bénéfices temporaires.</p>
<p>Si vous êtes préoccupé par vos difficultés, ou celles d’un proche, à trouver des mots, vous pouvez consulter votre médecin généraliste qui vous orientera vers un neuropsychologue clinicien ou un orthophoniste.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214608/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Greig de Zubicaray est financé par l'Australian Research Council et la National Health and Medical Research Foundation.</span></em></p>Nous avons tous déjà oublié le mot dont nous avions besoin au milieu d’une phrase, et nous connaissons la sensation de l’avoir sur le bout de la langue. Mais quand est-ce que l’on doit s’inquiéter ?Greig de Zubicaray, Professor of Neuropsychology, Queensland University of TechnologyLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2193772024-01-29T14:56:37Z2024-01-29T14:56:37ZMieux dormir, un facteur de protection contre la démence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/569865/original/file-20240117-23-vqzz7m.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=60%2C0%2C6720%2C4466&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le manque de sommeil ou sa mauvaise qualité font parties des facteurs de risque de développer la maladie d'Alzheimer. Heureusement, il y a des méthodes pour améliorer son sommeil.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La démence est une perte progressive des capacités cognitives, comme celle de la mémoire, diminution qui est suffisamment importante pour avoir un impact sur les activités de la vie quotidienne. </p>
<p>Elle peut être causée par plusieurs maladies différentes, comme celle d’<a href="https://alzheimer.ca/fr/au-sujet-des-troubles-neurocognitifs/quest-ce-que-la-maladie-dalzheimer">Alzheimer</a>, qui est la forme la plus courante. La démence est due à une perte des neurones se produisant sur une longue période de temps. Puisqu’au moment de présenter des symptômes, plusieurs changements dans le cerveau se sont déjà produits, de nombreux scientifiques se concentrent sur l’étude des facteurs de risque et de protection de la démence. </p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-saines-habitudes-de-vie-peuvent-prevenir-jusqua-40-des-cas-de-demence-212150">De saines habitudes de vie peuvent prévenir jusqu’à 40 % des cas de démence</a>
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<p>Un facteur de risque, ou inversement, un facteur de protection, est une condition ou un comportement qui augmente ou réduit le risque de développer une maladie, sans toutefois le garantir. Certains facteurs de risque de la maladie d’Alzheimer et de la démence ne sont pas modifiables, comme l’âge ou la génétique, mais il en existe plusieurs sur lesquels on peut intervenir, <a href="https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(20)30367-6/fulltext">notamment nos habitudes de vie et leurs impacts sur notre santé globale</a>.</p>
<p>Ces facteurs de risque incluent la dépression, le manque d’activité physique, l’isolation sociale, l’hypertension, l’obésité, le diabète, la consommation excessive d’alcool et le tabagisme, ainsi qu’un mauvais sommeil.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/changer-son-mode-de-vie-peut-reduire-les-risques-de-demence-mais-il-faut-le-faire-maintenant-218789">Changer son mode de vie peut réduire les risques de démence – mais il faut le faire maintenant</a>
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<p>Nous concentrons nos recherches sur la question du sommeil depuis plus de 10 ans, notamment dans le contexte de la <a href="https://www.nhlbi.nih.gov/science/framingham-heart-study-fhs">Framingham Heart Study</a>, une large étude de cohorte communautaire, pilotée par le NIH américain depuis les années quarante, dans le cadre de laquelle la santé des participants est suivie sur plusieurs années. Chercheurs en médecine du sommeil et en épidémiologie, nous avons une expertise dans la recherche portant sur le rôle du sommeil et de ses troubles dans le vieillissement du cerveau, au niveau cognitif et psychiatrique. </p>
<p>Dans le cadre de nos recherches, nous avons suivi et analysé le sommeil de gens âgés de 60 ans et plus afin de voir qui développait — ou non — la démence. </p>
<h2>Le sommeil comme facteur de risque ou de protection contre la démence</h2>
<p>Le sommeil semble jouer un rôle essentiel dans plusieurs fonctions cérébrales, comme la mémoire. Un sommeil de bonne qualité <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaneurology/fullarticle/2793873">pourrait donc jouer un rôle primordial dans la prévention de la démence</a>.</p>
<p>Le <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1241224">sommeil est important pour maintenir de bonnes connexions dans le cerveau</a>. Récemment, des recherches ont révélé que le sommeil semble avoir une fonction semblable à celle d’un camion à ordures pour le cerveau : un <a href="https://doi.org/10.1016/j.mad.2023.111899">sommeil profond serait crucial pour éliminer les déchets métaboliques du cerveau</a> comme certaines protéines, y compris celles connues pour s’accumuler dans le cerveau des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer. </p>
<p>Cependant, les liens entre le sommeil profond et la démence restent à clarifier.</p>
<h2>Qu’est-ce que le sommeil lent profond ?</h2>
<p>Pendant une nuit de sommeil, nous traversons plusieurs <a href="http://ceams-carsm.ca/a-propos-du-sommeil/">stades de sommeil</a> qui se succèdent et se répètent. </p>
<p>Le sommeil NREM (<em>non-rapid eye movement sleep</em>) se divise en sommeil léger (stade NREM1), en sommeil lent (stade NREM2), et en sommeil lent profond (stade NREM3). Ce dernier est associé à plusieurs fonctions restauratrices. </p>
<p>Ensuite, le sommeil paradoxal, ou sommeil REM (<em>rapid eye movement sleep</em>), est le stade généralement associé aux rêves les plus vivides. Chaque nuit, un adulte passe généralement environ 15 à 20 % en sommeil profond si l’on additionne toutes les périodes de sommeil NREM3. </p>
<p>Plusieurs changements de sommeil sont courants chez les adultes, comme se coucher et se réveiller plus tôt, dormir moins longtemps et moins profondément, et rester éveillé plus fréquemment pendant la nuit.</p>
<h2>Quand perte de sommeil profond rime avec démence</h2>
<p>Des <a href="https://jamanetwork.com/journals/jamaneurology/fullarticle/2810957">participants de la Framingham Heart Study</a> ont été évalués à l’aide d’un enregistrement de leur sommeil — connu sous le nom de <a href="https://sommeilmtl.com/?gad_source=1&gclid=CjwKCAiA75itBhA6EiwAkho9e59KoHerv89P5nUdElYK6pK2w08D4MRrDcIvNhg7Iw9HV8ssJgvRqBoC478QAvD_BwE">polysomnographie</a> — à deux reprises, espacé d’environ cinq ans, soit en 1995-1998 et ensuite en 2001-2003. </p>
<p>Plusieurs personnes montraient une diminution de leur sommeil lent profond au court des années, comme on s’y attend avec le vieillissement. À l’inverse, la quantité de sommeil profond de certaines personnes est restée stable ou a même augmenté. </p>
<p>Notre équipe de chercheurs de la Framingham Heart Study a suivi 346 participants âgés de 60 ans et plus pendant 17 années supplémentaires afin d’observer qui développait la démence, et qui ne la développait pas. </p>
<p>La perte progressive du sommeil profond dans le temps était associée à une augmentation du risque de démence, quelle qu’en soit la cause, notamment de type Alzheimer. Ces résultats étaient indépendants de nombreux autres facteurs de risque de démence.</p>
<p>Bien que nos résultats ne prouvent pas que la perte de sommeil profond provoque la démence, ils suggèrent qu’elle pourrait être un facteur de risque chez les personnes âgées. D’autres aspects du sommeil peuvent également être importants, comme sa durée ainsi que sa qualité. </p>
<h2>Des stratégies pour améliorer le sommeil profond</h2>
<p>Sachant l’impact d’un manque de sommeil profond sur la santé cognitive, quelles sont les stratégies pour l’améliorer ? </p>
<p>Avant tout, si vous rencontrez des problèmes de sommeil, il vaut la peine d’en parler à votre médecin. De nombreux troubles du sommeil sont sous-diagnostiqués et traitables, notamment par des avenues comportementales, c’est-à-dire non médicamenteuses. </p>
<p>Adopter de bonnes habitudes de sommeil peut aider, comme se coucher et se lever à des heures constantes ou éviter la lumière vive ou bleue au lit, comme celle des écrans. </p>
<p>Vous pouvez également éviter la caféine, limiter votre consommation d’alcool, maintenir un poids santé, pratiquer une activité physique pendant la journée, et dormir dans un environnement confortable, sombre et calme.</p>
<p>Le rôle que joue le sommeil profond dans la prévention contre la démence reste certes à explorer et à étudier. Favoriser son sommeil avec de bonnes habitudes de vie pourrait avoir le potentiel de nous aider à vieillir en santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219377/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Andrée-Ann Baril a reçu des financements de la Sleep Research Society Foundation, la Société Alzheimer du Canada, les Instituts de recherche en santé du Canada, les Bourses postdoctorales Banting, la Fondation de l'Hôpital du Sacré-Coeur de Montréal, l'Université de Montréal et des frais de présentation de Eisai. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Matthew Pase a reçu des financements de National Health and Medical Research Council of Australia, National Institute on Aging, Dementia Australia, Alzheimer's Assocaition, National Heart Foundation of Australia, Australian Research Countil, Stroke Foundation, Brain Foundation, Alzheimer’s Drug Discovery Foundation, Rebecca L Cooper Medical Research Foundation, and Bethlehem Griffiths Research Foundation. </span></em></p>Le sommeil semble jouer un rôle essentiel dans plusieurs fonctions cérébrales, comme la mémoire. Un sommeil de bonne qualité pourrait donc jouer un rôle primordial dans la prévention de la démence.Andrée-Ann Baril, Professeure-chercheure adjointe au Département de médecine, Université de MontréalMatthew Pase, Associate Professor of Neurology and Epidemiology, Monash UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2187892024-01-02T19:27:15Z2024-01-02T19:27:15ZChanger son mode de vie peut réduire les risques de démence – mais il faut le faire maintenant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562264/original/file-20231125-24-4dpbbp.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C704%2C5714%2C3742&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Changer son mode de vie peut être la meilleure façon de retarder l’apparition de la démence ou de ne pas la développer du tout.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Faire 10 000 pas par jour, diminuer sa consommation d’alcool, bien dormir la nuit, avoir une vie sociale active : ces éléments <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30367-6">pourraient prévenir jusqu’à 40 % des cas de démence</a>.</p>
<p>Étant donné que la démence est une des <a href="https://doi.org/10.1186%2Fs12889-023-15772-y">maladies les plus redoutées</a>, ne devrions-nous pas simplement inciter les médecins et les gouvernements à promouvoir ces changements de mode de vie au moyen de programmes et d’initiatives politiques ?</p>
<p>La vérité n’est pas aussi simple. Nous savons qu’<a href="https://theconversation.com/got-health-goals-research-based-tips-for-adopting-and-sticking-to-new-healthy-lifestyle-behaviours-173740">il est difficile de changer son mode de vie</a>. Demandez à quiconque a déjà tenté de tenir sa résolution du Nouvel An de s’entraîner trois fois par semaine. C’est encore moins évident si les modifications que nous devons apporter maintenant ne produisent des résultats que dans plusieurs années, voire plusieurs décennies, et que nous ne comprenons pas vraiment pourquoi elles sont efficaces.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/prevention-de-lalzheimer-lexercice-physique-pourrait-reduire-linflammation-du-cerveau-172661">Prévention de l’Alzheimer : l’exercice physique pourrait réduire l’inflammation du cerveau</a>
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<h2>Prendre sa santé en main</h2>
<p>Quiconque a accompagné un proche atteint de démence, confronté aux petites et grandes indignités et au déclin qui finissent par lui faire perdre peu à peu ses souvenirs et la capacité de manger et de communiquer, sait qu’il s’agit d’une maladie dévastatrice.</p>
<p><a href="https://alzheimer.ca/fr/whats-happening/events/nouveaux-medicaments-et-traitements-contre-les-troubles-neurocognitifs-ce">Plusieurs nouveaux médicaments</a> contre l’Alzheimer (une des formes les plus courantes de démence) sont sur le point d’être commercialisés. Toutefois, ils sont encore loin de permettre la guérison et sont pour l’instant uniquement efficaces pour le stade précoce de la maladie.</p>
<p>Apporter des modifications à son mode de vie est actuellement notre meilleur espoir de retarder la démence ou de ne pas la développer du tout. L’acteur <a href="https://www.vanityfair.fr/article/la-nouvelle-vie-de-chris-hemsworth-menace-par-la-maladie-dalzheimer">Chris Hemsworth</a> en est bien conscient. Lui qui a vu son grand-père vivre avec la maladie d’Alzheimer a changé ses habitudes de vie après avoir appris qu’il était porteur de deux copies du gène APOE4. Ce <a href="https://www.reuters.com/business/healthcare-pharmaceuticals/what-is-apoe4-how-does-it-relate-alzheimers-disease-2023-04-21/">gène</a> constitue un facteur de risque pour l’Alzheimer, et le fait d’en posséder deux copies augmente considérablement la probabilité d’en souffrir.</p>
<p>Des recherches ont identifié certains <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30367-6">facteurs modifiables</a> qui accroissent le risque de démence :</p>
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<li><p>manque d’activité physique</p></li>
<li><p>consommation excessive d’alcool</p></li>
<li><p>manque de sommeil</p></li>
<li><p>isolement social</p></li>
<li><p>perte auditive</p></li>
<li><p>faible engagement cognitif</p></li>
<li><p>mauvaise alimentation</p></li>
<li><p>hypertension</p></li>
<li><p>obésité</p></li>
<li><p>diabète</p></li>
<li><p>traumatisme crânien</p></li>
<li><p>tabagisme</p></li>
<li><p>dépression</p></li>
<li><p>pollution atmosphérique</p></li>
</ul>
<p>Notre connaissance des mécanismes biologiques de ces facteurs de risque est variée, certains étant mieux compris que d’autres, et voici quelques informations qui devraient vous intéresser.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/de-saines-habitudes-de-vie-peuvent-prevenir-jusqua-40-des-cas-de-demence-212150">De saines habitudes de vie peuvent prévenir jusqu’à 40 % des cas de démence</a>
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<h2>Réserve cognitive et neuroplasticité</h2>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1016/j.neurobiolaging.2019.03.022">réserve cognitive</a> est la capacité du cerveau à résister aux dommages ou aux maladies neurodégénératives. En cas de perte de tissu ou de fonction dans une partie du cerveau, d’autres cellules cérébrales (neurones) travaillent davantage pour compenser. En théorie, cela signifie que les expériences et les activités vécues tout au long de la vie créent un barrage contre les dommages causés par la maladie et le vieillissement du cerveau.</p>
<p>On appelle <a href="https://doi.org/10.3928/02793695-20100302-01">neuroplasticité</a> l’étonnante capacité du cerveau à s’adapter, à apprendre, à se réorganiser, à créer de nouvelles voies ou à recâbler les voies existantes pour se remettre d’un traumatisme. IL est utile de savoir que la neuroplasticité peut intervenir à tout moment et à tout âge, ce qui signifie que l’apprentissage et les activités doivent se poursuivre la vie durant.</p>
<p>De nombreux facteurs de risque liés à la démence agissent sous doute conjointement, c’est pourquoi il est essentiel de modifier son mode de vie de façon globale. Ainsi, des <a href="https://doi.org/10.1007/s11920-016-0721-2">études ont montré</a> que l’exercice physique et l’engagement cognitif et social stimulent le cerveau et préservent sa plasticité en développant de nouvelles connexions neuronales et en constituant des réserves cognitives.</p>
<p>Une combinaison de facteurs est à l’origine de ce phénomène : augmentation de l’oxygène et du flux sanguin dans le cerveau, stimulation des facteurs de croissance qui maintiennent les neurones en bonne santé et réduction de l’inflammation.</p>
<p>Le contraire est également vrai. Un mauvais sommeil, une mauvaise alimentation, l’isolement social et une dépression non traitée sont liés à une <a href="https://doi.org/10.3928/02793695-20100302-01">diminution de la réserve cognitive</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Deux hommes âgés sur un banc public, dont l’un s’efforce d’entendre l’autre parler" src="https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561625/original/file-20231125-21-n964o8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Lorsqu’une personne souffre de perte auditive, il peut lui être difficile de communiquer avec son entourage, ce qui se traduit par une perte d’informations sensorielles. Le cerveau doit travailler plus fort pour compenser cette perte.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le même raisonnement s’applique à la perte d’audition, un facteur de risque pour la démence dont on a conscience depuis peu. Lorsqu’une personne entend moins bien, il peut lui être difficile d’entretenir des relations sociales, ce qui se traduit par une perte d’informations sensorielles. Le <a href="https://doi.org/10.1097%2FWAD.0000000000000325">cerveau doit travailler davantage</a> pour compenser cette perte, ce qui épuise ses réserves cognitives et le rend moins apte à résister à la démence.</p>
<h2>Stress et inflammation</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Illustration d’un cerveau dessiné à la main avec des craies multicolores sur un tableau noir" src="https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=222&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561626/original/file-20231125-17-6hps66.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=279&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">L’inflammation chronique ou prolongée perturbe le fonctionnement normal du cerveau et endommage ses cellules.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>L’organisme réagit aux dommages par des réponses au stress et de l’inflammation. Celle-ci constitue une composante importante du système immunitaire et permet de se défendre contre les menaces et de réparer les lésions tissulaires. Si l’inflammation est naturelle et bénéfique à court terme, lorsqu’elle devient chronique ou prolongée, elle perturbe le fonctionnement normal du corps et endommage les cellules du cerveau.</p>
<p>Le <a href="https://doi.org/10.17219/acem/149897%22%22">processus inflammatoire</a> constitue un point commun entre la démence et la dépression non traitée. Une exposition prolongée aux hormones du stress peut entraîner une inflammation chronique. L’hypertension, la sédentarité, le tabagisme et la pollution atmosphérique sont également associés à l’inflammation chronique et au stress, qui peuvent endommager les vaisseaux sanguins et les neurones du cerveau.</p>
<p>Dans un domaine de recherche exploré depuis peu, on observe qu’il existe aussi un lien entre <a href="https://actu.fr/societe/la-solitude-est-un-probleme-de-sante-publique-mondial-alerte-l-oms_60346000.html">l’isolement social</a> et l’<a href="https://doi.org/10.1016/j.yfrne.2023.101061">inflammation</a>. Comme nous l’avons appris lors de la pandémie de ovid-19, le cerveau est câblé pour répondre par l’engagement social afin de créer des liens et du soutien émotionnel, en particulier dans les moments de détresse.</p>
<p>Des sondages montrent que <a href="https://www.thestar.com/opinion/contributors/we-have-a-loneliness-crisis-it-s-time-to-act/article_30e6c996-a9e2-588b-a776-58addc503762.html">plus d’un Canadien sur trois</a> se sent isolé. Le manque de liens sociaux et la solitude peuvent déclencher dans le corps une réponse au stress et des changements neuroendocriniens, et une exposition prolongée à ce processus inflammatoire peut endommager le cerveau.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/dix-facteurs-qui-augmentent-les-risques-de-developper-la-maladie-dalzheimer-143424">Dix facteurs qui augmentent les risques de développer la maladie d’Alzheimer</a>
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<h2>Des voies similaires dans plusieurs maladies</h2>
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<img alt="Trois femmes vêtues de combinaison sport sont en discussion" src="https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561627/original/file-20231125-27-f0h7c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Bien qu’à tout âge, il y ait des avantages à rester actif sur les plans physique et social, certaines études montrent que les bénéfices seraient plus importants après 40 ans, au moment où le métabolisme ralentit, où les facteurs de risque augmentent et où la réserve cognitive devient encore plus essentielle pour lutter contre le déclin cognitif.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>Bon nombre de ces facteurs de risque et leurs voies biologiques touchent plusieurs maladies chroniques. L’accumulation de preuves issues de <a href="https://doi.org/10.1016/S1474-4422(19)30087-0">décennies de recherche</a> appuie l’idée selon laquelle « ce qui est bon pour le cœur est bon pour la tête ».</p>
<p>Par conséquent, des changements de mode de vie peuvent réduire le risque de démence, mais aussi celui de diabète, d’hypertension et de problèmes cardiaques. Cela met en évidence la nature complexe de la démence tout en offrant une stratégie commune pour répondre aux multiples problèmes de santé qui peuvent survenir avec l’âge.</p>
<h2>Jamais trop tard</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme endormi dans un lit" src="https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/561628/original/file-20231125-27-dyme8y.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Des facteurs tels que le manque de sommeil, une mauvaise alimentation et un manque d’engagement social et cognitif peuvent accroître les risques de souffrir de démence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Il n’est jamais vraiment trop tard pour modifier ses habitudes. Le cerveau et le corps humain ont une remarquable capacité d’adaptation et de résilience tout au long de la vie.</p>
<p>Bien qu’à tout âge, il y ait des avantages à rester actif sur les plans physique et social, certaines recherches montrent que les <a href="https://doi.org/10.1016/j.smhs.2019.08.006">bénéfices seraient plus importants</a> après 40 ans, au moment où métabolisme du corps ralentit, où les facteurs de risque augmentent et où la réserve cognitive devient encore plus essentielle pour lutter contre le <a href="https://doi.org/10.1212/WNL.0000000000007003">déclin cognitif</a>.</p>
<p>Si modifier son mode de vie permet de voir ses enfants vivre leur vie d’adulte, de faire chaque jour à pied 20 pâtés de maisons pour se rendre à son café préféré et de demeurer dans son domicile, peut-être cela vaut le coup de faire 10 000 pas par jour, de changer son alimentation et d’entretenir son réseau d’amis. Au pire, on sera en meilleure santé et plus indépendant, avec ou sans démence. Dans le meilleur des cas, on évitera complètement la démence et d’autres maladies graves et on continuera à vivre pleinement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218789/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laura Middleton reçoit des fonds de l'Agence de santé publique du Canada et des Instituts de recherche en santé du Canada.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Saskia Sivananthan ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les risques de démence liés au mode de vie sont complexes. Des facteurs tels que le sommeil, l’exercice et l’alimentation interagissent avec la réserve cognitive, la neuroplasticité et l’inflammation.Saskia Sivananthan, Affiliate Professor, Department of Family Medicine, McGill UniversityLaura Middleton, Associate Professor and Schlegel-UW Research Chair in Dementia and Active Living, Department of Kinesiology and Health Sciences, University of WaterlooLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2172922023-12-14T19:05:16Z2023-12-14T19:05:16ZLes foyers pour travailleurs migrants, des lieux où vieillir ?<p>Le 8 novembre 2023, le <a href="https://paris.centres-sociaux.fr/files/2023/10/commpresse-ayemzamen.pdf">collectif retraite Île-de-France</a> s’est mobilisé auprès de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) en faveur de l’accès aux droits à la retraite. En effet, le contexte de <a href="https://theconversation.com/la-numerisation-des-administrations-produit-tensions-et-exclusion-207049">dématérialisation des services publics</a> pénalise particulièrement les publics précaires, notamment les personnes immigrées âgées.</p>
<p>C’est l’occasion de revenir sur ce public resté longtemps invisible au sein de la société française, particulièrement celui vivant dans des foyers pour migrants. Cette relative invisibilité est liée au fait que les <a href="https://theconversation.com/immigration-les-francais-y-sont-ils-aussi-opposes-quon-le-dit-217580">travailleurs immigrés</a> sont arrivés en France pour travailler, en pleine force de l’âge, leur venue sur le territoire national étant envisagée comme provisoire. Leur vieillissement sur place est donc inattendu.</p>
<p>Ce constat nous a conduits à mener une enquête, faite d’observations et d’entretiens, au sein d’un foyer pour travailleurs migrants situé en Seine-Saint-Denis afin de mieux comprendre le vécu de cette population confrontée au vieillissement.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/sante-mentale-des-migrants-prevenir-et-agir-est-une-question-de-sante-publique-211757">Santé mentale des migrants : prévenir et agir est une question de santé publique</a>
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<h2>À l’origine des foyers pour travailleurs migrants</h2>
<p>Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, compte tenu de la pénurie de logements, les travailleurs migrants sont logés dans des conditions précaires et vivent dans des bidonvilles, des hôtels, des habitations insalubres. L’État va alors créer un <a href="https://www.vie-publique.fr/eclairage/20189-immigration-evolution-de-la-politique-pour-lintegration-des-immigres">fonds d’action sanitaire et sociale en 1958</a> pour soutenir les actions d’associations gestionnaires chargées de venir en aide spécifiquement envers ce public. La fin des années 1950 et la décennie 1960 fut ainsi une période de construction intense de foyers, qui atteignit son apogée au milieu des années 1970 avec <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2006-1-page-5.htm">264 800 lits</a>.</p>
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<p>Une des structures gestionnaires les plus connues est la Société nationale de construction pour les travailleurs algériens (Sonacotral), qui deviendra en 1963 la Sonacotra après l’accès à l’indépendance de l’Algérie, puis renommée <a href="https://www.adoma.cdc-habitat.fr/adoma/L-entreprise/Qui-sommes-nous-/p-82-Notre-histoire.htm">Adoma</a> en 2006. Une autre association importante créée en 1962 est l’Association pour la Formation des travailleurs africains et malgaches (Aftam), aujourd’hui appelée <a href="https://coallia.org/lassociation/notre-histoire/">Coallia</a>. Ces changements de dénomination ne sont pas neutres. Ils visent à se distancier vis-à-vis d’une représentation des foyers relativement dépréciée.</p>
<p>La création de ces foyers devait permettre l’amélioration des conditions de vie des travailleurs, mais en réalité ils ont été construits dans des délais très rapides et n’offraient qu’un confort minimum. Ces foyers, souvent mal entretenus, avec cuisine et sanitaires collectifs, étaient principalement occupés – voire suroccupés – par des hommes seuls. Avec l’arrêt de la politique d’immigration, l’État les a rapidement considérés comme <a href="https://www.cairn.info/revue-plein-droit-2022-1-page-7.htm?contenu=article">« des espaces problématiques, hors de contrôle, voire déviants »</a>.</p>
<p>Les pouvoirs publics ont donc été amenés à accompagner la réhabilitation des foyers en créant un nouveau statut de <a href="https://www.financement-logement-social.logement.gouv.fr/residences-sociales-circulaire-no-2006-45-du-4-a1315.html">« résidence sociale »</a>, contribuant d’un point de vue architectural à réduire la vie sociale permise par les espaces collectifs. Mais, au fil du temps, le public accueilli n’est plus tout à fait le même qu’à l’origine. Il éprouve des besoins spécifiques liés notamment à son vieillissement sur place.</p>
<p>Ainsi, en 2014, une <a href="https://www.financement-logement-social.logement.gouv.fr/circulaire-plan-de-traitement-des-foyers-de-a1220.html">circulaire</a> sur les résidences sociales reconnaît qu’« en fonction de l’âge des résidents, les projets de réhabilitation et de construction devront proposer des adaptations ou transformations du bâti et des équipements qui permettent de répondre à l’objectif d’accompagnement du vieillissement et du maintien à domicile (équipements spécifiques tels que rampes d’accès, mains courantes, ascenseurs, barres d’appui, sanitaires adaptés, accès aux soins à domicile, etc.). »</p>
<h2>Un enracinement progressif dans le pays d’accueil</h2>
<p>La prise en compte progressive du vieillissement des travailleurs migrants par l’État ne nous renseigne pas sur la manière dont ces derniers vivent cette situation. Pour ce faire, nous avons mené une investigation sociologique au sein d’un foyer de Seine-Saint-Denis, dans lequel 90 % des résidents sont des hommes originaires d’Afrique subsaharienne. Toutes les personnes interrogées présentent un contexte d’arrivée en France assez similaire : elles sont venues travailler pour améliorer la qualité de vie de leur famille, notamment de celle restée au pays. Mais elles avaient toutes l’idée de revenir vivre dans leur pays d’origine au moment de leur retraite. C’est d’ailleurs pourquoi elles n’ont pas fait venir leur famille en France, ce qui aurait supposé de trouver un logement à prix abordable hors du foyer.</p>
<p>Comment expliquer que cet idéal du retour au pays ait été contrarié ? Il s’est produit ce que Claudine Attias-Donfut, directrice de recherche à la Caisse nationale d’assurance vieillesse, appelle un <a href="https://www.dunod.com/sciences-humaines-et-sociales/enracinement-enquete-sur-vieillissement-immigres-en-france">« enracinement »</a>, c’est-à-dire un attachement au pays d’accueil.</p>
<p>Quand sonne l’heure de la retraite, selon la thèse <a href="https://www.persee.fr/doc/remi_0765-0752_2001_num_17_1_1760">d’Abdelmalek Sayad</a>, sociologue spécialiste de la communauté nord-africaine en France, beaucoup d’immigrés prennent conscience de la fin de « l’illusion du provisoire » et de celle du retour au pays. Cet enracinement est lié à un processus de vieillissement qui n’est pas anodin. En effet, les conditions de travail difficiles auxquels ces travailleurs migrants ont été astreints ne sont pas sans conséquences sur leur état de santé. Beaucoup d’entre eux sont victimes d’un vieillissement physiologique précoce et nécessitent un suivi médical au moment de la retraite : « Tu vois, j’ai travaillé en France, j’ai payé mon droit de me soigner ». Or <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2011-4-page-117.htm">l’accès aux soins et aux médicaments</a> est plus complexe à obtenir à l’étranger. Et malgré un état de santé dégradé, les migrants âgés se caractérisent par une <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2005-1-page-11.htm">retraite plus tardive</a>, un plus fort taux d’activité entre 55 et 65 ans et aussi une plus longue période de précarité avant la demande de retraite, en raison de carrières plus souvent incomplètes.</p>
<h2>Un difficile accès aux droits sociaux</h2>
<p>La retraite constitue donc un horizon obscurci par des trajectoires professionnelles non linéaires qui ne facilitent pas le projet d’un retour au pays. Il existe ainsi de nombreux obstacles à surmonter avant de se faire une idée du montant de la pension de retraite : « Parce que ma retraite, j’ai mis un an pour réunir tous les dossiers. Ça m’a pris tellement de temps… » déclare l’un des résidents interrogés.</p>
<p>La difficulté à accéder à leurs droits sociaux est un constat partagé par nombre de migrants âgés, du fait de la multiplicité d’employeurs qu’ils ont connue au cours de leur carrière, de leur instabilité résidentielle et de la non-fréquentation des services sociaux.</p>
<p><a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/rapport-dematerialisation-et-inegalites-dacces-aux-services-publics-266">Les rapports 2019 et 2022 de la Défenseure des droits</a> ont bien montré que la dématérialisation des services publics a accru les difficultés d’accès aux droits pour les publics vulnérables. Les migrants âgés sont bien sûr concernés par <a href="https://theconversation.com/la-numerisation-des-administrations-produit-tensions-et-exclusion-207049">l’illectronisme</a> et le difficile accès aux services numériques, mais ils sont également mal à l’aise dans la compréhension de la langue, les éloignant un peu plus des <a href="https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=VSOC_164_0053">circuits administratifs</a>.</p>
<p>Une fois les droits sociaux acquis, l’enjeu est alors de ne pas les perdre. C’est notamment le cas de <a href="https://www.accesauxdroits.org/index.php/actualites/item/4900-aspa-ce-qui-change-au-1er-septembre-2023">l’Allocation de solidarité aux personnes âgées</a> (ASPA) délivrée aux personnes âgées de plus de 65 ans disposant de faibles ressources. L’allongement récent de la durée de résidence en France de 6 mois à 9 mois par an pour en bénéficier va sans doute contribuer un peu plus à « l’enracinement » en limitant les va-et-vient avec le pays d’origine.</p>
<h2>Des migrants confrontés à la perte d’autonomie</h2>
<p>Avec le vieillissement, comment les personnes immigrées vivant en foyer font-elles face à leur perte d’autonomie ? Elles recourent en fait peu aux services à domicile et <a href="https://www.cairn.info/revue-vie-sociale-2016-4-page-53.htm">aux établissements d’hébergement spécialisés</a>. Les difficultés à constituer un dossier administratif et le coût financier du reste à charge constituent deux facteurs explicatifs importants. Toute dépense amputant l’envoi d’argent à la famille restée au pays génère un <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2011-4-page-117.htm">sentiment de culpabilité</a>.</p>
<p>Mais au-delà, ce sont des raisons d’ordre culturel qui guident leurs comportements. Il n’est en effet pas coutumier de faire appel à une aide extérieure, d’autant plus quand celle-ci est une femme. Les individus vivant en foyer forment une communauté de vie qui, en l’absence de l’entité familiale, représente une forme de substitut. De fait, cette communauté exerce un contrôle social sur les pratiques des uns et des autres pour qu’elles restent conformes aux « bonnes mœurs » : « Bon, moi je suis musulman, alors, si je ramène une femme ici ce n’est pas bon. Après, mes frères tout ça ils vont penser autre chose tu vois. […] Même si c’est un professionnel. Ils vont penser autre chose tu vois » déclare un résident de 66 ans dont l’épouse ne vit pas en France.</p>
<p>C’est pourquoi la seule forme d’aide communément acceptée est celle de proches qui sont parfois hébergés de manière informelle dans le même logement. Cette présence de tiers, souvent plus jeunes, est un obstacle supplémentaire à une intervention professionnelle.</p>
<p>Quant à l’entrée en établissement pour personnes âgées, elle ne fait pas partie du champ des possibles. Outre les questions de coût, ce serait mettre un terme à une situation d’entre-deux qui se traduit par des allers-retours réguliers avec le pays d’origine. En réalité, le seul retour définitif au pays envisagé est celui de la fin de vie et du décès. Le rapatriement du corps apparaît comme l’ultime voyage, pour lequel il n’est pas rare que soit mise en place une assurance décès au sein de la communauté.</p>
<p>Par ailleurs, même s’il est jugé insatisfaisant, le foyer de travailleurs apparaît comme le seul lieu légitime pour vieillir en France, qui soit une forme de prolongement de leur identité, de leurs us et coutumes. Les autres formes d’habitats et structures pour personnes âgées sont considérées comme trop étrangères, tant par leur mode de fonctionnement que par le public accueilli. Cela reviendrait également pour ces anciens travailleurs à se résigner à devenir un objet de soins aux mains d’inconnues, alors que leur culture accorde aux vieux une <a href="https://www.karthala.com/accueil/2933-vieillir-dans-les-pays-du-sud-les-solidarites-familiales-a-lepreuve-du-vieillissement-9782811113216.html">place plus valorisée dans la société</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/217292/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Quand sonne l’heure de la retraite beaucoup d’immigrés prennent conscience de la fin de « l’illusion du provisoire » et de celle du retour au pays.Dominique Argoud, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Marion Villez, Enseignant-chercheur en sociologie, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2162172023-12-06T14:34:42Z2023-12-06T14:34:42ZVieillir en milieu rural est un enjeu collectif qui doit être pris au sérieux<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/560212/original/file-20231117-25-r47fsf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=4%2C1%2C994%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les personnes aînées vivant en milieu rural doivent composer quotidiennement avec la rareté des services de proximité, de longues distances à parcourir pour accéder aux services sans réelle alternatives à l’automobile et une pauvreté d’offres de logement adapté.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Au cours des deux prochaines décennies, toutes les régions du Québec connaîtront une <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2021/21-830-01W.pdf">augmentation de la proportion de leurs citoyennes et citoyens âgés de 65 ans et plus</a>. Les petites municipalités rurales seront toutefois les <a href="https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/as-sa/98-200-x/2021002/98-200-x2021002-eng.cfm">plus touchées par cette tendance</a>.</p>
<p>Comment expliquer ce phénomène? En partie par l’exode des jeunes vers les villes, par l’attrait des milieux ruraux pour certaines personnes retraitées et par la nette préférence des personnes immigrantes pour les milieux urbains. </p>
<p>La plupart des personnes âgées souhaitent vivre le plus longtemps possible dans leur domicile ou, à tout le moins, dans leur communauté et <a href="https://bmcpalliatcare.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12904-022-01023-1">y décéder</a>. Or, la possibilité de demeurer chez soi jusqu’à la fin se révèle intimement liée au statut <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC7314918/">socio-économique et à des facteurs en lien avec l’aménagement du territoire</a>.</p>
<p>Respectivement stagiaire postdoctorale, cotitulaire de la <a href="https://www.uqar.ca/recherche/la-recherche-a-l-uqar/unites-de-recherche/chaire-interdisciplinaire-sur-les-services-de-sante-et-sociaux-pour-les-populations-rurales/presentation-objectifs-et-mission-chaire-interdisciplinaire-sur-les-services-de-sante-et-sociaux-pour-les-populations-rurales">Chaire interdisciplinaire sur la santé et les services sociaux pour les populations rurales à l’Université du Québec à Rimouski</a> et interniste gériatre dans la région de Montmagny-L’Islet au <a href="https://www.cisssca.com/accueil">CISSS de Chaudière-Appalaches</a>, nous sommes trois des trois chercheures au sein du <a href="https://labvivantmosaic.ca/">laboratoire vivant MOSAIC</a> dans lequel s’impliquent plusieurs citoyennes et citoyens et chercheur.es du <a href="http://www.crcisssca.com/accueil-centre-de-recherche">Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches</a>. Le laboratoire vivant MOSAIC vise à codévelopper des solutions innovantes pour soutenir le vieillir en communauté rurale dans cette région du Québec. </p>
<p>Dans cet article, nous introduisons le fonctionnement du laboratoire vivant MOSAIC.</p>
<h2>Portrait de la ruralité</h2>
<p>Les personnes aînées vivant en milieu rural doivent composer quotidiennement avec la <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2022/22-830-52W.pdf">rareté des services de proximité, de longues distances à parcourir pour accéder aux services, sans réelle alternative à l’automobile, et une pauvreté d’offres de logement adapté</a>. </p>
<p>Malgré ces contraintes, nombre de ces personnes affirment que certaines dimensions de la vie en milieu rural, telles que <a href="https://unece.org/fileadmin/DAM/pau/age/Policy_briefs/ECE-WG1-25.pdf">l’attachement à la communauté et au territoire, la participation sociale et la familiarité, créent un sentiment d’appartenance qui l’emporte largement sur les aspects plus négatifs</a>. </p>
<p>Pour implanter des solutions collectives, innovantes, adaptées aux besoins et aux priorités des personnes aînées vivant en milieu rural, il apparaît nécessaire de mobiliser la <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/ainee/F-5234-MSSS.pdf">collaboration intersectorielle et le dynamisme des communautés rurales</a>. </p>
<p>La collaboration intersectorielle vise à susciter des interdépendances entre une diversité d’actrices et d’acteurs issus de secteurs variés (société civile, communautaire, municipal, gouvernemental) afin de développer des réponses mieux adaptées à une problématique complexe. <a href="https://chairecacis.org/fichiers/intersectorialite_partenariat_2019.pdf">La mise en commun des différentes expertises et des ressources permet d’innover là où l’action d’un seul secteur serait jugée insuffisante</a>. </p>
<p>Pour favoriser cette collaboration intersectorielle, l’approche des laboratoires vivants s’avère prometteuse. En effet, les laboratoires vivants <a href="https://timreview.ca/sites/default/files/Issue_PDF/TIMReview_November2017.pdf">favorisent le développement d’innovations techniques et sociales durables, et ce, à grande échelle</a>.</p>
<h2>Le laboratoire vivant MOSAIC</h2>
<p>Le laboratoire vivant MOSAIC pour, avec et par les personnes aînées des milieux ruraux est actuellement en effervescence dans la région de Chaudière-Appalaches. <a href="https://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/3200274?docref=zW69gy-cg4bgW4VeViBQUw">Située sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, cette région s’étend sur 16 130 km²</a>, soit 34 fois la superficie de l’île de Montréal. </p>
<p>En 2023, les personnes âgées de 65 ans et plus représentent déjà 25 % de la population de Chaudière-Appalaches. Parmi ces personnes aînées, 56 % ont entre 65 à 74 ans, 32 % ont entre 75 à 84 ans et 12 % ont 85 ans et plus. <a href="https://www.cisssca.com/clients/CISSSCA/Surveillance_infogram/Documents/RAP_DSPu_Portrait%20aines_2023-10-23_VF.pdf">Près d’une personne aînée sur trois (31 %) de ce territoire ne détient aucun diplôme, 26 % habitent seules et 21 % jouissent d’un faible revenu</a>. </p>
<p>Le laboratoire vivant MOSAIC réunit des partenaires de quatre parties prenantes de même importance, soit des personnes aînées et leurs proches, des personnes représentantes des municipalités et de la collectivité, des organisations offrant des services aux personnes aînées (Centre intégré de santé et de services sociaux de la région, organismes privés ou communautaires) et des personnes du milieu de la recherche et de l’enseignement incluant étudiantes et étudiants de la relève en recherche. </p>
<p>Toutes et tous sont mobilisés afin de cibler et tester des solutions innovantes et inclusives favorisant le vieillir en milieu rural. </p>
<p>Le laboratoire vivant MOSAIC poursuit les objectifs suivants : </p>
<ul>
<li><p>Créer des opportunités de rencontres et des espaces de discussion sécuritaires pour explorer avec les personnes aînées des pistes de solutions à leurs besoins ; </p></li>
<li><p>Expérimenter des idées et solutions innovantes dans une approche de cocréation et en contextes de vie réels ;</p></li>
<li><p>Favoriser un dialogue durable entre les personnes aînées des milieux ruraux et les autres partenaires du laboratoire vivant MOSAIC.</p></li>
</ul>
<h2>Les cinq thèmes du laboratoire vivant MOSAIC</h2>
<p>Cinq grands thèmes favorisant le vieillir en milieu rural ont émergé dès les premiers échanges entre les parties prenantes à l’automne 2022, soit la participation sociale, les milieux de vie agréables et inclusifs, la réminiscence et la santé cognitive, les soins et services de santé et la préparation de la fin de vie.</p>
<p>Depuis l’hiver 2023, ces thèmes font l’objet de rencontres de groupes de travail tenues principalement en ligne et visant à dégager les besoins prioritaires, à cibler des pistes de solution innovantes et ultimement, à les tester et à les implanter en contextes de vie réels. À ce moment-ci de la démarche, les pistes retenues sont le développement d’un programme d’aide favorisant la maîtrise des technologies des communications en soutien à la participation sociale, la mise en place d’un réseau sécuritaire d’aide aux menus travaux, la création d’un réseau bien traitant pour dépister les personnes aînées vulnérables à domicile, un projet misant sur les technologies pour favoriser la santé cognitive via la réminiscence du quotidien en ruralité et des activités pour démystifier la fin de vie en milieux ruraux.</p>
<p>Des constats généraux se dégagent de ces premiers mois d’expérimentation, soit une forte mobilisation des personnes aînées, de leurs proches et des représentantes et représentants d’organismes communautaires, ainsi qu’un désir commun de (re)créer des relations de confiance durable entre les membres des communautés rurales de différentes générations.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/216217/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Le laboratoire vivant MOSAIC est financé par les Fonds de recherche Québec- Santé</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Lily Lessard est membre chercheure du Centre de recherche du CISSS de Chaudière-Appalaches et de l'Assemblée des chercheur.es du CISSS du Bas-St-Laurent. Elle est cotitulaire de la chaire interdisciplinaire sur la santé et les services sociaux pour les populations rurales (Chaire CIRUSSS). Elle est chercheure principale sur Laboratoire vivant MOSAIC (financé par le Fonds québecois de recherche-Santé-Plateforme vieillissement) avec la Dre Michèle Morin et superviseure principale du stage postdoctoral de mme Ariane Plaisance. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Michèle Morin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Le laboratoire vivant MOSAIC pour, avec et par les personnes aînées vivant en milieu rural, a pour mission de développer des innovations sociales facilitant le vieillir dans la communauté d’attache.Ariane Plaisance, Stagiaire post-doctorale, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Lily Lessard, infirmière, Ph.D. santé communautaire, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Michèle Morin, Interniste gériatre, CISSS Chaudière-Appalaches ; Professeure agrégée de clinique, Département de médecine, Faculté de médecine, Université Laval; Directrice responsable scientifique, Centre d'excellence sur le vieillissement de Québec, Université LavalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2149252023-10-13T13:32:56Z2023-10-13T13:32:56ZIndicateurs précoces de la démence : 5 changements de comportement à surveiller après 50 ans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/551837/original/file-20230929-24-as88uw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=146%2C251%2C6514%2C4290&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Des changements de comportement tels que l’apathie, la difficulté à maîtriser ses pulsions ou une attitude socialement inappropriée peuvent indiquer un risque de démence chez les personnes âgées de plus de 50 ans.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>On relie souvent la démence à des troubles de la mémoire, notamment lorsqu’une personne âgée pose les mêmes questions ou égare des objets. En réalité, les individus atteints de démence présentent non seulement des problèmes dans d’autres domaines de la cognition, comme l’apprentissage, la réflexion, la compréhension et le jugement, mais aussi des <a href="https://www.alzint.org/u/World-Alzheimer-Report-2021.pdf">changements de comportement</a>. </p>
<p>Il est important de comprendre ce qu’est la démence et comment elle se manifeste. Je n’imaginais pas que les comportements étranges de ma grand-mère étaient le signe avant-coureur d’une maladie bien plus grave. </p>
<p>Elle devenait facilement agitée si elle ne parvenait pas à accomplir des tâches telles que la cuisine ou la pâtisserie. Elle prétendait voir une femme dans la maison, alors qu’en réalité, il n’y avait personne. Elle se méfiait également des autres et cachait des objets dans des endroits bizarres. </p>
<p>Ces comportements ont persisté pendant un certain temps avant qu’un diagnostic de démence ne soit posé.</p>
<h2>Troubles cognitifs et comportementaux</h2>
<p>Lorsque les changements cognitifs et comportementaux interfèrent avec l’autonomie fonctionnelle d’un individu, celui-ci est considéré comme atteint de démence. En revanche, si ces changements n’entravent pas l’indépendance d’une personne, mais qu’ils affectent néanmoins ses relations et son rendement au travail, on parle respectivement de <a href="https://alzheimer.ca/sites/default/files/documents/maladies-apparentees_trouble-cognitf-leger.pdf">troubles cognitifs légers (TCL)</a> et de <a href="https://doi.org/10.1186/s13195-021-00949-7">trouble du comportement léger</a>. </p>
<p><a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC9169943/">Les troubles légers cognitifs et comportementaux peuvent se produire ensemble</a>, mais chez un tiers des personnes qui développent une démence de type Alzheimer, les symptômes associés au comportement surgissent <a href="http://dx.doi.org/10.1016/j.jagp.2019.01.215">avant le déclin cognitif</a>. </p>
<p>Il peut être utile de repérer ces changements de comportement, qui apparaissent plus tard dans la vie (50 ans et plus) et marquent un changement persistant par rapport à des habitudes bien ancrées, afin de mettre en œuvre des traitements préventifs avant que des symptômes plus graves ne se manifestent. En tant que doctorante en sciences médicales, mes recherches se concentrent sur les comportements problématiques qui surviennent à un âge avancé et qui indiquent un risque accru de démence. </p>
<h2>Cinq signes comportementaux à rechercher</h2>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Illustration de cinq changements de comportement pouvant indiquer un risque de démence" src="https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=525&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=525&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=525&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=659&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=659&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551071/original/file-20230928-17-jmy46j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=659&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">La détection des changements de comportement peut être utile pour mettre en œuvre des traitements préventifs avant l’apparition de symptômes plus graves.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Daniella Vellone)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Nous pouvons observer <a href="https://doi.org/10.3233%2FJAD-160979">cinq comportements principaux</a> chez nos amis et parents plus âgés qui <a href="https://doi.org/10.1186/s13024-023-00631-6">peuvent justifier une attention particulière</a>. </p>
<h2>1. Apathie</h2>
<p>L’<a href="https://doi.org/10.1002%2Ftrc2.12370">apathie</a> est une baisse d’intérêt, de motivation et de dynamisme.</p>
<p>Une personne apathique peut négliger ses amis, de sa famille ou de ses activités. Elle peut manquer de curiosité pour des sujets qui l’auraient normalement intéressée, perdre la motivation d’agir en fonction de ses obligations ou devenir moins spontanée et énergique. Elle peut également sembler manquer d’émotions par rapport à ce qui la caractérise et donner l’impression que plus rien ne lui importe.</p>
<h2>2. Dysrégulation affective</h2>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1016/j.jad.2023.03.074">dysrégulation affective</a> comprend des symptômes d’humeur ou d’anxiété. Une personne qui présente une dysrégulation affective peut développer une tristesse ou une instabilité de l’humeur ou devenir plus anxieuse ou préoccupée par des choses routinières telles que des événements ou des visites.</p>
<h2>3. Maîtrise des pulsions</h2>
<p>La <a href="https://doi.org/10.1002%2Ftrc2.12016">perte de maîtrise des pulsions</a> est l’incapacité à retarder la satisfaction et à gérer son comportement ou ses pulsions.</p>
<p>Une personne qui présente une incapacité à gérer ses pulsions peut devenir agitée, agressive, irritable, capricieuse, contestataire ou facilement frustrée. Elle peut se montrer plus têtue ou rigide, au point de ne pas vouloir considérer d’autres points de vue et d’insister pour obtenir ce qu’elle veut. Parfois, elles peuvent développer une désinhibition sexuelle ou des agissements intrusifs, présenter des comportements répétitifs ou des compulsions, se lancer dans les jeux d’argent ou le vol à l’étalage, ou éprouver des difficultés à réguler leur consommation de substances telles que le tabac ou l’alcool.</p>
<h2>4. Inadaptation sociale</h2>
<p>L’<a href="http://dx.doi.org/10.1017/S1041610217001260">inadaptation sociale</a> comprend les difficultés à respecter les normes sociétales dans les interactions avec les autres.</p>
<p>Une personne socialement inadaptée peut perdre le discernement dont elle disposait auparavant quant à la façon de s’exprimer ou de se comporter. Elle peut cesser de se préoccuper des conséquences de ses paroles ou de ses actes sur les autres, discuter ouvertement de sujets intimes, parler à des inconnus comme s’ils lui étaient familiers, dire des grossièretés ou manquer d’empathie dans ses interactions avec autrui.</p>
<h2>5. Anomalies de perception ou de pensée</h2>
<p>Les <a href="https://doi.org/10.1038/s44220-023-00043-x">anomalies de perception ou de pensée</a> renvoient à des croyances et à des expériences sensorielles fortement ancrées dans l’esprit des gens.</p>
<p>Un individu dont les perceptions ou les pensées sont perturbées peut se méfier des intentions d’autrui ou craindre que d’autres lui fassent du mal ou lui volent ses biens. Il peut aussi dire qu’il entend des voix, parler à des personnes imaginaires ou voir des choses qui n’existent pas.</p>
<p>Avant de considérer l’un de ces comportements comme le signe d’un problème plus grave, il est important d’exclure certaines causes potentielles de changement de comportement, telles que les drogues ou les médicaments, d’autres maladies ou infections, les conflits interpersonnels ou le stress, ou encore la réapparition de symptômes psychiatriques associés à un diagnostic antérieur de troubles mentaux. En cas de doute, il est peut-être temps de consulter un médecin. </p>
<h2>Les effets de la démence</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un jeune homme entourant de ses bras un homme plus âgé" src="https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=401&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/551224/original/file-20230929-21-dz5kln.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Certains types de changements de comportement méritent une attention particulière.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Beaucoup d’entre nous connaissent quelqu’un qui a souffert de démence ou qui s’est occupé d’une personne atteinte de démence. Ce n’est pas surprenant, car on prévoit que cette maladie touchera un <a href="https://www.ctvnews.ca/health/nearly-one-million-canadians-will-live-with-dementia-by-2030-alzheimer-society-predicts-1.6056849#:">million de Canadiens d’ici 2030</a>.</p>
<p>Les personnes âgées de 20 à 40 ans peuvent penser qu’il leur reste des dizaines d’années avant de souffrir d’une telle pathologie, mais il est important de comprendre qu’il s’agit d’un processus qui implique plusieurs personnes. En 2020, des partenaires de soins – y compris des membres de la famille, des amis ou des voisins – ont consacré <a href="https://alzheimer.ca/sites/default/files/documents/Landmark-Study-1-Path-Forward-Alzheimer-Society-of-Canada-2022-wb.pdf">26 heures par semaine</a> à aider les Canadiens âgés atteints de démence. Cela équivaut à 235 000 emplois à temps plein ou à 7,3 milliards de dollars par an. </p>
<p>Ces chiffres devraient tripler d’ici 2050. Il est donc important de chercher des moyens de compenser ces prévisions en prévenant ou en retardant la progression de la démence.</p>
<h2>Identifier les personnes à risque</h2>
<p>Bien qu’il n’existe actuellement aucun moyen de guérir la démence, des progrès ont été réalisés dans la <a href="https://alzheimer.ca/fr/au-sujet-des-troubles-neurocognitifs/comment-traiter-les-troubles-neurocognitifs">mise au point de traitements</a> qui <a href="https://alzheimer.ca/fr/au-sujet-des-troubles-neurocognitifs/suis-je-atteint-dun-trouble-neurocognitif/comment-obtenir-un-0">peuvent être plus efficaces à un stade précoce de la maladie</a>. </p>
<p>D’autres recherches sont nécessaires pour comprendre les symptômes de la démence au fil du temps ; par exemple, l’<a href="https://www.can-protect.ca/">étude en ligne CAN-PROTECT</a> évalue de nombreux facteurs contribuant au vieillissement du cerveau. </p>
<p>En identifiant les personnes à risque de démence par la détection des changements cognitifs, fonctionnels et comportementaux survenant plus tard dans la vie, on peut non seulement prévenir les conséquences de ces changements, mais aussi éventuellement la maladie ou sa progression.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/214925/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Daniella Vellone ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La démence ne se manifeste pas uniquement par des troubles de la mémoire. Les personnes qui en sont atteintes peuvent également présenter des problèmes d’apprentissage, de compréhension et de jugement, mais aussi des changements de comportement.Daniella Vellone, Medical Science and Imaging PhD Candidate, University of CalgaryLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2122242023-09-26T13:32:13Z2023-09-26T13:32:13ZPlanification anticipée de l’AMM : les notaires sont-ils prêts à leur nouveau rôle ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/549440/original/file-20230920-21-1idz5c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=56%2C0%2C6240%2C4119&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les notaires pourraient bientôt avoir un rôle à jouer dans les demandes anticipées d'aide médicale à mourir anticipée. Mais sont-ils prêts?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Il est impossible de demander de façon anticipée l’aide médicale à mourir (AMM) au Québec. Mais cela s’apprête à changer. </p>
<p>En effet, le 7 juin 2023, l’Assemblée nationale du Québec <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/aide-medicale-a-mourir-le-projet-de-loi-sur-les-soins-de-fin-de-vie-adopte-48523">a adopté le projet de Loi n°11 concernant les soins de fin de vie</a>. Il autorise les personnes aptes atteintes d’une maladie grave et incurable menant éventuellement à l’inaptitude à consentir aux soins à formuler une demande anticipée d’AMM. Elles pourraient ainsi en bénéficier une fois devenues inaptes. Par exemple, une personne diagnostiquée avec la maladie d’Alzheimer pourrait se prévaloir de ce droit.</p>
<p>Lors de l’étude détaillée du projet du projet de loi n°11, la Chambre des notaires du Québec (CNQ) <a href="https://www.cnq.org/wp-content/uploads/2021/05/493804-Commission-speciale-sur-levolution-de-la-LSFV-_-Memoire-CNQ-_-Mai-2021.pdf">a conseillé que les demandes anticipées d’AMM soient formulées uniquement par acte notarié</a>. Bien que cette recommandation n’ait pas été retenue, <a href="https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/aide-medicale-a-mourir-le-projet-de-loi-sur-les-soins-de-fin-de-vie-adopte-48523">l’article 29.10 du projet de loi n°11</a> mentionne les notaires comme faisant partie des professionnels compétents pouvant verser une demande anticipée d’AMM dans le registre.</p>
<p>Mais sont-ils prêts ?</p>
<p>Nous sommes une équipe de recherche interuniversitaire comprenant des expertes en droit, en notariat, en soins palliatifs et en santé communautaire. Nous avons réalisé 25 entrevues avec des notaires pratiquant au Québec dans l’objectif d’explorer leur pratique professionnelle concernant la planification anticipée des soins. Les notaires participants ont en moyenne 12 ans de pratique et les trois-quarts sont des femmes. Ils sont établis dans un total de 10 régions administratives.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/demandes-anticipees-daide-medicale-a-mourir-voici-comment-dautres-pays-lencadrent-206241">Demandes anticipées d’aide médicale à mourir : voici comment d'autres pays l'encadrent</a>
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<h2>Les notaires interviennent déjà</h2>
<p>Depuis 1989, les notaires interviennent dans la planification anticipée des soins. </p>
<p>En effet, il est possible d’effectuer devant notaire un mandat de protection (anciennement mandat en cas d’inaptitude) dans lequel un mandataire est désigné, et où des volontés de fin de vie sont indiquées afin de guider le mandataire. De plus, depuis le 10 décembre 2015, une personne majeure et apte peut rédiger des directives médicales anticipées (DMA) au moyen d’un formulaire qui est ensuite versé dans un registre géré par la Régie de l’assurance maladie du Québec. Ce formulaire peut être rempli devant deux témoins ou encore par acte notarié en minute. </p>
<h2>Flou autour de l’acharnement thérapeutique</h2>
<p>Selon les notaires participants à notre enquête et enregistrant déjà les volontés de fin de vie de leurs clients, la vaste majorité d’entre eux s’opposent à l’acharnement thérapeutique et souhaitent l’indiquer dans leur mandat de protection. </p>
<p>Or, cette notion d’acharnement thérapeutique est fort vague et n’est pas définie médicalement. Devant ce flou, des notaires ont exprimé que certains clients voudraient ajouter des précisions supplémentaires, mais qu’ils leur recommandent alors de consulter un médecin étant donné leur manque de connaissances médicales. </p>
<h2>Compléter des directives médicales anticipées : une pratique qui divise</h2>
<p>Certains notaires font activement la promotion des DMA et proposent d’emblée le service à leurs clients qui complètent un testament ou un mandat de protection. </p>
<p>D’autres, au contraire, refusent de compléter des DMA puisqu’ils ne perçoivent pas de plus-value à leurs services. En effet, étant donné leur manque de connaissances médicales, ils ne se sentent pas outillés pour répondre adéquatement aux questions de leurs clients sur les <a href="https://www.ramq.gouv.qc.ca/fr/citoyens/assurance-maladie/exprimer-directives-soins-cas-inaptitude">situations cliniques et les cinq soins mentionnés dans les directives médicales anticipées</a>. Ils conseillent alors à leurs clients de compléter leurs DMA devant témoins. </p>
<p>D’autres ont été informés par des clients, ou lors de formation, que les DMA n’étaient pas consultées systématiquement par les médecins. </p>
<h2>Besoin criant de formation et de collaboration avec le domaine médical</h2>
<p>Malgré certaines divergences, un élément fait l’unanimité chez les notaires participants, soit le besoin criant de formation, notamment à la lumière de l’entrée en vigueur des demandes anticipées d’AMM. </p>
<p>Des notaires participants vont même jusqu’à suggérer que seuls les notaires accrédités ou spécialisés devraient avoir le droit de participer au processus entourant les demandes anticipées d’AMM. En fait, ils craignent que sans formation, des notaires refusent de s’investir dans cette pratique, alors même que l’intérêt de la clientèle est très fort. </p>
<p>De nombreux notaires ont le sentiment de communiquer des informations imprécises à leurs clients et se questionnent sur la manière dont les volontés de fin de vie qu’ils enregistrent sont actualisées dans le réseau de la santé et des services sociaux. </p>
<p>Une formation conjointe avec des professionnels de la santé et des services sociaux pourrait permettre aux notaires de prodiguer des conseils éclairés à leurs clients et d’être plus à l’aise avec la partie de leur travail qui touche à la planification anticipée des soins.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212224/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ariane Plaisance a reçu un financement de la Chambre des notaires du Québec pour réaliser une étude sur la pratique professionnelle des notaires. </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Christine Morin, Louise Bernier et Sammy-Ann Lalonde ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur poste universitaire.</span></em></p>Une formation avec des professionnels de la santé pourrait permettre aux notaires de prodiguer des conseils éclairés à leurs clients et d’être plus à l’aise dans la planification anticipée de l’AMM.Ariane Plaisance, Stagiaire post-doctorale, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Christine Morin, Professor, Université LavalLouise Bernier, Full Professor, Université de Sherbrooke Sammy-Ann Lalonde, Étudiante à la maîtrise en droit notarial (L.L.M.), bachelière au baccalauréat en droit (L.L.B.) et maître à la maîtrise en sciences de la vie et droit (M.S.V.D.), Université de Sherbrooke Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2121502023-09-06T14:07:45Z2023-09-06T14:07:45ZDe saines habitudes de vie peuvent prévenir jusqu’à 40 % des cas de démence<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/545116/original/file-20230828-155659-vtkf7i.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=14%2C8%2C1888%2C1270&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les facteurs de risque modifiables de la démence sont l'hypertension artérielle, l'obésité, la sédentarité, le diabète, le tabagisme, la consommation excessive d'alcool et le manque de contacts sociaux.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Une femme de 65 ans consulte plusieurs professionnels de la santé au sujet de ses problèmes de mémoire. On lui dit d’abord qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Un an plus tard, on lui indique qu’il s’agit d’un phénomène normal lié au vieillissement. Jusqu’au jour où le diagnostic tombe enfin. Il s’agit de la maladie d’Alzheimer, contre laquelle il n’existe aucun traitement.</p>
<p>Les cas comme celui-là sont trop fréquents.</p>
<p>En effet, la démence demeure largement sous-diagnostiquée, même dans un pays développé, comme le Canada, où la <a href="https://doi.org/10.1136/bmjopen-2016-011146">proportion de cas non détectés dépasse 60 %</a>. La croyance selon laquelle les troubles cognitifs sont normaux chez les personnes âgées et le manque de connaissances, chez les médecins, sur les symptômes de démence et les critères de diagnostic <a href="https://doi.org/10.1590/S1980-57642011DN05040011">expliquent en grande partie les cas manqués et les retards de diagnostic</a>.</p>
<p>Les pertes de mémoire liées à l’âge ne doivent pas être considérées comme un aspect normal du vieillissement. Bien sûr, il peut arriver à tout le monde d’oublier où la voiture est stationnée ou d’égarer ses clés, mais lorsque ces situations deviennent fréquentes, il est important de consulter.</p>
<p>Si une légère altération de la capacité à penser et à retenir de l’information ne se transformera pas forcément en démence, chez certaines personnes, ces déclins représentent des signes avant-coureurs. Des recherches ont d’ailleurs révélé <a href="https://doi.org/10.1111/acps.12336">que les personnes présentant de légers changements cognitifs</a> couraient un risque accru d’être atteintes de démence plus tard dans leur vie.</p>
<p>Il a même été démontré que la <a href="https://doi.org/10.3390/ijms20225536">modification de la structure et du métabolisme du cerveau liée à la maladie</a> s’amorçait des décennies avant l’apparition de symptômes comme la perte de mémoire. Par ailleurs, il est de <a href="https://doi.org/10.1038/s43587-022-00269-x">plus en plus reconnu dans le milieu scientifique</a> que les interventions visant à ralentir ou à <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(15)60461-5">prévenir</a> la dégradation de l’état du patient sont plus susceptibles d’être efficaces lorsqu’elles ont lieu tôt dans l’évolution de la maladie.</p>
<p>Or, les protocoles de détection précoce <a href="https://canadiantaskforce.ca/lignesdirectrives/lignes-directrices-publiees/deficience-cognitive/?lang=fr">ne sont pas courants</a> au sein du milieu médical, en partie parce que les mécanismes de la démence demeurent mal compris.</p>
<h2>Démence et vieillissement de la population</h2>
<p>Dans le cadre de mes recherches, j’emploie des méthodes d’IRM cérébrale avancées pour caractériser la santé du cerveau des personnes âgées qui présentent un risque élevé de démence. Mon objectif est de trouver de nouveaux biomarqueurs de pathologie précoce en vue d’améliorer les méthodes de détection.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme aux cheveux gris accompagnée d’une professionnelle de la santé" src="https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543761/original/file-20230821-27-g1ams7.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">D’ici 2050, le nombre de Canadiens atteints de démence devrait dépasser 1,7 million.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>La proportion de personnes âgées augmente au sein de la population canadienne. La démence étant fortement associée au vieillissement, le nombre de diagnostics de démence, y compris la maladie d’Alzheimer, devrait donc augmenter considérablement au cours des prochaines décennies. On estime que <a href="https://www.ctvnews.ca/health/nearly-one-million-canadians-will-live-with-dementia-by-2030-alzheimer-society-predicts-1.6056849">1,7 million</a> de Canadiens en seront atteints d’ici 2050, soit un nombre supérieur à celui de la <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1710000901&request_locale=fr">population du Manitoba</a>.</p>
<p>Si aucune mesure importante n’est prise pour renverser la tendance, cette hausse attendue exercera une pression énorme sur nos systèmes de santé déjà surchargés. Nous avons donc besoin de stratégies de prévention efficaces, maintenant plus que jamais.</p>
<p>Des <a href="https://www.ctvnews.ca/health/promising-new-drug-to-treat-alzheimer-s-in-pipeline-of-approval-in-canada-1.6443850">annonces récentes au sujet de médicaments prometteurs</a> pour traiter la maladie d’Alzheimer mettent encore plus en évidence la nécessité d’un dépistage précoce. Des <a href="https://doi.org/10.1056/NEJMoa2212948">essais cliniques</a> ont montré que ces médicaments étaient plus efficaces pour ralentir le déclin cognitif lorsqu’ils étaient administrés aux premiers stades de la maladie.</p>
<p>Bien que l’émergence de ces nouveaux traitements représente une avancée dans le domaine de la maladie d’Alzheimer, la recherche doit se poursuivre. En réduisant les niveaux d’amyloïde, une substance considérée comme toxique pour les neurones, ces thérapies n’agissent que sur un seul processus pathologique. Elles ne peuvent donc ralentir le déclin cognitif que chez un <a href="https://doi.org/10.1093/braincomms/fcad175">sous-ensemble restreint de patients</a>. Une caractérisation adéquate des autres processus, sur une base personnalisée, est nécessaire pour combiner ces traitements à d’autres stratégies.</p>
<p>Il faut également tenir compte de la hausse importante des ressources humaines et financières qui seront nécessaires pour administrer ces nouveaux traitements. Ces coûts pourraient en limiter l’accès, particulièrement dans les pays à revenus faibles ou moyens, où les <a href="https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)30367-6">cas de démence augmentent le plus</a>.</p>
<h2>Mode de vie et santé cérébrale</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="Cinq personnes âgées assises, faisant des exercices avec les bras" src="https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543760/original/file-20230821-25-z8e7mg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Personnes âgées participant à une séance d’exercices assis. La sédentarité est un facteur de risque modifiable de démence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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</figure>
<p>En revanche, il a été démontré que des changements de mode de vie pouvaient réduire le risque de démence à peu de frais et sans effets secondaires. Ainsi, si l’évaluation du risque de démence faisait partie des examens médicaux de routine des personnes âgées, les personnes les plus à risque pourraient être identifiées et conseillées sur les moyens de maintenir leur santé cérébrale et leur cognition.</p>
<p>Ces personnes à risque sont sans doute celles qui ont le plus à gagner de ces interventions, potentiellement fondées sur une approche pharmaceutique combinée à des changements de mode de vie. Mais tout le monde peut bénéficier de l’adoption de saines habitudes de vie, qui protègent non seulement le cerveau, mais aussi le cœur et d’autres organes.</p>
<p>Selon un <a href="https://www.thelancet.com/article/S0140-6736(20)30367-6/fulltext">rapport phare</a> publié dans <em>The Lancet</em> en 2020, 40 % des cas de démence seraient attribuables à 12 facteurs de risque modifiables. Ceux-ci comprennent l’hypertension artérielle, l’obésité, la sédentarité, le diabète, le tabagisme, la consommation excessive d’alcool et le manque de contacts sociaux.</p>
<p>Les conclusions de ce rapport signifient donc qu’en adoptant de saines habitudes de vie, nous pourrions théoriquement prévenir environ 40 % des cas de démence. Bien qu’il n’existe aucun moyen de se prémunir complètement contre tout déclin cognitif, nous pouvons réduire considérablement notre risque de démence en faisant de l’activité physique, en étant mentalement actifs, en augmentant la fréquence de nos contacts sociaux, en évitant de fumer et en limitant notre consommation d’alcool.</p>
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<img alt="Un groupe de personnes âgées dans un cours d’arts plastiques avec leur enseignante" src="https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/543759/original/file-20230821-27982-v420lw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">En encourageant les gens à être physiquement, mentalement et socialement actifs, nous pouvons potentiellement prévenir un nombre important de cas de démence.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>Certaines données probantes indiquent également qu’un <a href="https://doi.org/10.3945/an.117.015495">régime de type méditerranéen</a>, combinant une consommation élevée d’aliments d’origine végétale (en particulier les légumes-feuilles) et une consommation limitée de gras saturés et de viande, <a href="https://doi.org/10.1093/ajcn/nqx070">peut aussi être bénéfique pour la santé du cerveau</a>.</p>
<p>Bref, en encourageant les gens à être physiquement, mentalement et socialement actifs, nous pouvons potentiellement prévenir un nombre important de cas de démence.</p>
<h2>Obstacles aux saines habitudes de vie</h2>
<p><a href="https://aaic.alz.org/downloads2020/2020_Race_and_Ethnicity_Fact_Sheet.pdf">On observe une prévalence plus élevée de démence</a> au sein des <a href="https://content.iospress.com/articles/journal-of-alzheimers-disease/jad201209">minorités ethniques</a> et des populations vulnérables. L’adoption de nouvelles politiques peut apporter des solutions aux inégalités sociétales conduisant à l’apparition de plusieurs facteurs de risque. Car même s’il dispose d’un système de santé universel, le Canada connaît encore des inégalités en matière de santé. Les personnes appartenant aux classes socioéconomiques inférieures, les personnes handicapées, les Autochtones, les personnes racisées, les immigrants, les minorités ethniques et les membres de la communauté LGBTQ2S sont en effet <a href="https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/promotion-sante/sante-population/est-determine-sante.html">plus susceptibles d’éprouver des problèmes de santé</a>.</p>
<p>Nous pouvons nous attaquer à ces inégalités non seulement en faisant la promotion de saines habitudes de vie, mais aussi en agissant pour améliorer les <a href="https://doi.org/10.1016/j.joclim.2021.100035">conditions de vie des membres de ces groupes</a>. À titre d’exemples, mentionnons <a href="https://doi.org/10.1093/heapro/dav022">l’élargissement de l’accès aux centres sportifs</a> et aux cliniques de prévention pour les personnes à faible revenu ainsi que l’aménagement de lieux publics favorisant un mode de vie actif. Les autorités publiques doivent évaluer et lever les obstacles qui empêchent les membres de certains groupes d’adopter de saines habitudes de vie.</p>
<p>En matière de prévention, nous devons être ambitieux. L’avenir du système de santé et de notre santé individuelle en dépend.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/212150/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Stefanie Tremblay est financée par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Elle est affiliée à Dragonfly Mental Health, un organisme sans but lucratif qui milite en faveur d'une meilleure santé mentale dans le milieu universitaire.</span></em></p>En encourageant les gens à être physiquement, mentalement et socialement actifs, nous pouvons potentiellement prévenir un nombre important de cas de démence.Stefanie Tremblay, PhD candidate in medical physics, studying MRI biomarkers of declining brain health in aging, Concordia UniversityLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2090982023-07-10T15:45:15Z2023-07-10T15:45:15ZFace aux risques d’accident de la vie courante, les seniors ne sont pas tous égaux<p>Chaque année, en France, plus de 10 millions de personnes sont victimes d’un accident de la vie courante, dont près de 2,5 millions de seniors.</p>
<p>Sous cette expression sont regroupés les accidents domestiques (se produisant au domicile ou dans ses abords immédiats), les accidents survenant à l’extérieur du domicile (trottoir, magasin, etc.), les accidents survenant dans les établissements scolaires, les accidents liés à la pratique sportive et les accidents de vacances et de loisirs.</p>
<p>Avec les autres traumatismes (accidents de la route, accidents du travail, agressions, suicides…), les accidents de la vie courante représentent la <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/rapports/letat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2015">troisième cause de mortalité en France</a> (après les cancers et les maladies de l’appareil circulatoire et cérébro-vasculaire). Chaque année, ils donnent lieu à plus de 21 000 décès, près de 5 millions de recours aux urgences hospitalières et plus de 500 000 hospitalisations.</p>
<p>Malgré ces chiffres alarmants et les conséquences parfois graves que peuvent avoir les accidents de la vie courante, peu d’études s’y sont intéressées. Or, cette problématique a des enjeux économiques, démographiques et de santé publique très importants, en particulier chez les seniors, la catégorie de la population la plus concernée par les accidents de la vie courante.</p>
<h2>Les seniors particulièrement concernés</h2>
<p>Les seniors sont de loin la population la plus exposée aux accidents de la vie courante : un sur cinq déclare au moins un accident de la vie courante chaque année, et plus des trois quarts des décès engendrés par les accidents de la vie courante concernent des seniors.</p>
<p>Les chutes constituent plus de la moitié de ces accidents. Elles sont responsables à elles seules de la moitié des décès par accident de la vie courante chez les seniors, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/rapports/letat-de-sante-de-la-population-en-france-rapport-2015">soit 8 000 à 9 000 décès chaque année</a>. Pour comparaison, elles tuent chaque année près de 2,5 fois plus que les accidents de la route.</p>
<p>Pour déterminer le profil des personnes âgées les plus exposées aux accidents de la vie courante, la vague 2012 de l’<a href="https://www.irdes.fr/recherche/enquetes/esps-enquete-sur-la-sante-et-la-protection-sociale/actualites.html">Enquête Santé et Protection Sociale</a> (ESPS) est particulièrement utile. Que nous apprend-elle ?</p>
<h2>Âge avancé et difficultés financières exposent aux accidents de la vie courante</h2>
<p>Indépendamment de la nature de l’accident (grave, c’est-à-dire nécessitant des soins médicaux, ou pas) ou du lieu de survenue (domestique ou pas), trois facteurs semblent déterminants dans la survenue des accidents de la vie courante : l’état de santé, l’âge et les attitudes à risque (à domicile – monter sur un tabouret, jardiner – ou à l’extérieur – pratiquer des activités sportives ou de loisirs, etc.).</p>
<p>Par ailleurs, les résultats suggèrent que le genre n’influence que marginalement la probabilité d’accident de la vie courante : elle n’est en effet que légèrement plus élevée chez les hommes que chez les femmes.</p>
<p>Lorsque la gravité de l’accident est prise en compte, la plus forte exposition aux accidents de la vie courante concerne les seniors les plus âgés, dont l’état de santé est très dégradé. Cependant, une composante sociale vient se rajouter à ces facteurs : les difficultés financières.</p>
<p>Ainsi, les seniors plus jeunes (entre 65 et 70 ans), prudents et sans problème (de santé ou financier) ont moins de 1 % de chance d’avoir un accident de la vie courante. Inversement, les plus de 85 ans souffrant d’au moins trois maladies chroniques, déclarant des difficultés financières et ayant dans la vie une attitude imprudente ont près de 30 % de risque d’avoir un accident de la vie courante grave (nécessitant des soins médicaux).</p>
<h2>La localisation du logement importe également</h2>
<p>Ce résultat est confirmé dans le cas d’accidents graves à domicile (à l’intérieur du logement ou dans ses abords immédiats) pour lesquels une nouvelle caractéristique apparaît : la localisation du logement.</p>
<p>Les blessures graves à domicile sont plus probables chez les personnes âgées passant la plupart de leur temps à domicile en raison de leur état de santé dégradé, d’un possible fonctionnement corporel diminué et/ou d’une prise de risque importante (en particulier si le senior occupe un logement avec un étage ou un espace extérieur). Concrètement, près d’une personne sur deux âgée de plus de 85 ans, en mauvais état de santé, imprudente et vivant en zone rurale risque un accident de la vie courante grave à domicile.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/535754/original/file-20230705-19-vbdq9w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p>Les blessures graves à l’extérieur du domicile lors d’activités de plein air (loisir, sport, etc.) sont principalement associées à un groupe « plus jeune », les 75-79 ans. Probablement parce qu’à cet âge, les individus sont encore capables de sortir seuls.</p>
<p>Enfin, les résultats suggèrent que les accidents de la vie courante, et notamment ceux graves à domicile, ont un impact majeur et immédiat sur la santé de la personne. Par exemple, trois mois après l’accident, l’état de santé des personnes ayant été victimes d’un accident grave de la vie courante est en moyenne encore plus fortement dégradé que l’état de santé de ceux n’ayant pas eu d’accident.</p>
<h2>Enjeux de politiques publiques</h2>
<p>Les principaux déterminants des accidents de la vie courante se structurent autour de deux dimensions principales. D’une part, les facteurs inéluctables : un âge avancé et un état de santé dégradé.</p>
<p>Mettre en place des mesures orientées vers la réduction des inégalités de santé (qu’elles soient financières, territoriales ou informationnelles), afin de renforcer le processus de vieillissement en bonne santé permettrait de limiter la survenue et la gravité des accidents de la vie courante.</p>
<p>D’autre part, l’exposition aux accidents de la vie courante, en particulier les accidents graves, est fortement renforcée par les comportements à risque. Deux types de mesures préventives pourraient être envisagées dans le cas des seniors : celles encourageant les attitudes prudentes (accompagnement aux activités, sensibilisation, adoption de procédures de sécurité dans l’environnement domestique ou à l’extérieur, etc.) et celles facilitant l’accès et l’utilisation d’outils d’assistance technique (adaptation du logement, utilisation d’objets connectés ou de systèmes domotiques, etc.).</p>
<hr>
<p><em>Cet article s’appuie sur les résultats obtenus dans un article scientifique publié dans la revue <a href="https://onlinelibrary.wiley.com/doi/full/10.1111/boer.12366">Bulletin of Economic Research</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/209098/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Le vieillissement nous fragilise tous, comme en témoigne le grand nombre de seniors victimes d’accidents de la vie courante. Où se produisent-ils ? Quelles personnes âgées y sont les plus exposées ?Cornel Oros, Professeur des Universités, Université de PoitiersGreivis Buitrago Gamez, ResearcherLiliane Bonnal, Professeur d'économiePascal Favard, Professeur d'économie, Université de Tours IRJI François-RabelaisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2072612023-06-15T16:42:52Z2023-06-15T16:42:52ZTourisme : qu’est-ce qui décourage les voyageurs seniors ?<p>Les voyageurs seniors représentent aujourd’hui une <a href="https://institut.amelis-services.com/bien-vieillir/voyages-tourisme/vacances-ideales-des-seniors/">source essentielle de croissance pour l’industrie touristique</a>. Ceci s’explique par plusieurs raisons. Tout d’abord, le nombre de personnes âgées augmente fortement dans un contexte de <a href="https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ageing-and-health">vieillissement de la population mondiale</a>. En outre, la génération actuelle de seniors apprécie particulièrement le <a href="https://theconversation.com/fr/topics/tourisme-21268">tourisme</a> et, entre 60 et 75 ans, la <a href="https://letourismesenior.com/chiffres-cles-du-tourisme-senior/">durée des séjours est plus longue</a> que pour les plus jeunes. Les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/seniors-38909">seniors</a> voyagent également davantage pendant la « saison intermédiaire », c’est-à-dire la période entre la haute et la basse saison, ce qui contribue à allonger la saison touristique.</p>
<p>Cependant, l’accès à ces différents bénéfices n’est possible que si les retraités sont en mesure de voyager lorsqu’ils le souhaitent. La compréhension de ce qui peut les empêcher de voyager reste donc essentielle pour leur permettre d’accéder aux expériences touristiques.</p>
<p>La réalisation d’une étude qualitative menée auprès de 15 seniors âgés de 60 à 85 ans, présentée en mai dernier lors de <a href="https://easychair.org/smart-program/2023AMSAnnualConference/2023-05-18.html">l’Academy of Marketing Science Annual Conference</a>, nous a permis d’identifier plusieurs types d’obstacles au <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voyage-42605">voyage</a>.</p>
<h2>« J’aurais aimé parler anglais »</h2>
<p>Les contraintes liées aux loisirs, qui varient avec l’âge, peuvent être <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/01490409109513147">classées en trois catégories</a>, comme l’expliquent les chercheurs américains Duane W. Crawford, Edgar L. Jackson et Geoffrey Godbey : les contraintes intrapersonnelles, interpersonnelles et structurelles.</p>
<p>Les <strong>contraintes intrapersonnelles</strong>, qui se réfèrent à des contraintes internes et psychologiques telles que l’expérience antérieure, la culpabilité, le manque de confiance en soi d’un individu, sont les plus puissantes. Elles influencent naturellement les préférences en matière de loisirs. Sur ce plan-là, nos interviewés évoquent d’abord le déclin des capacités physiques, de l’énergie ou encore de la difficulté à s’adapter à un nouvel environnement.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couple de personnes âgées regardant une carte" src="https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=414&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530633/original/file-20230607-28-4mt2ul.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=520&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les difficultés à s’adapter à un nouvel environnement, un frein au voyage.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Old_tourist_couple_%28435347929%29.jpg">Wikimedia</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces contraintes concernent notamment l’impact psychologique du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/vieillissement-22584">vieillissement</a> : la difficulté à quitter le domicile est ainsi souvent mentionnée par nos répondants. Enfin, le manque de ressources en matière de communication est évoqué, les interviewés faisant référence à leur capacité limitée à parler une autre langue que le français. Jeanne, 63 ans, regrette ses lacunes :</p>
<blockquote>
<p>« J’aurais aimé parler anglais car c’est une langue internationale. Les quelques mots que je connais, ce n’est pas suffisant pour échanger. Ça me ralentit un peu par exemple pour aller aux États-Unis ».</p>
</blockquote>
<p>Les <strong>contraintes interpersonnelles</strong>, d’ordre social et culturel, sont liées à l’association avec d’autres individus. Elles comprennent, par exemple, le fait de ne pas avoir de partenaire avec qui pratiquer l’activité. Nos répondants âgés soulignent souvent l’absence de compagnon de voyage à la suite d’un veuvage ou un divorce. Liliane, 76 ans, évoque également un partenaire qui ne partage pas les mêmes envies :</p>
<blockquote>
<p>« Mon mari et moi, nous avons des goûts opposés en matière de voyages : il veut aller au soleil, sous les cocotiers. Je n’aime pas la chaleur. Je préférerais aller dans des pays plus froids ! »</p>
</blockquote>
<p>Enfin, les <strong>contraintes structurelles</strong> sont externes à l’individu et de nature contextuelle. Elles reflètent les ressources nécessaires pour s’engager dans l’activité de loisir considérée et comprennent, par exemple, le fait de ne pas avoir assez d’argent. À ce sujet, nos répondants mettent parfois en avant des ressources insuffisantes ou encore la difficulté à se séparer d’un animal de compagnie. Claudine, 74 ans, explique ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Je dois mettre mon chien dans un chenil quand je pars. Je n’ai pas d’autre solution, alors je le fais mais les inconvénients prennent alors le pas sur le plaisir de partir en voyage ».</p>
</blockquote>
<p>De même, nos interviewés citent leur manque de disponibilité (notamment à cause d’actions de bénévolat ou de soutien à la famille), la peur de laisser leur maison sans surveillance, mais aussi une offre de voyage qu’ils considèrent comme inadéquate. Gilles, 66 ans, regrette par exemple le peu de flexibilité qu’offrent les voyages organisés :</p>
<blockquote>
<p>« J’aime beaucoup la nature, j’aime donc prendre mon temps et m’arrêter où je veux pour admirer les paysages. Lors d’un voyage en groupe, j’aimerais m’arrêter quelque part, mais je ne peux pas le faire parce que nous devons être ailleurs à une heure précise ».</p>
</blockquote>
<h2>Profiter de la vie</h2>
<p>Les seniors constituent un potentiel économique indéniable pour les professionnels du tourisme mais leur consommation de voyages diminue jusqu’à s’arrêter complètement en raison de ces nombreuses contraintes. </p>
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<p>Pourtant, comme nous l’avons expliqué dans un autre <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0160738317301111">travail de recherche</a>, les voyages génèrent des émotions positives et des bénéfices spirituels qui contribuent au bien-être des seniors : donner un sens à sa vie, se révéler ou encore de mieux comprendre les autres et leur relation avec la nature. En outre, à un âge où le senior est conscient de sa propre mortalité, les voyages permettent de profiter de la vie et de se créer des souvenirs.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Couple de personnes âgées marchant sur une plage de sable fin" src="https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/530634/original/file-20230607-25-mll35h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Le voyage, source d’émotions positives chez les plus âgés.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-qnycd">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<p>La compréhension de ces freins à voyager semble donc nécessaire afin d’aider les professionnels du tourisme à adapter leurs services et leurs offres dans un contexte de vieillissement de la population. Plusieurs recommandations peuvent ici être faites pour ces professionnels, comme proposer des voyages prenant en compte l’avancée en âge de ces touristes. Ces séjours peuvent être calibrés pour éviter des temps de trajets trop longs et des transports trop fatigants, avec prise en charge dès le domicile. Le croisiériste Costa Cruises a même développé une <a href="https://www.costacroisieres.fr/experience/croisieres-over-65.html">offre réservée aux plus de 65 ans</a>.</p>
<p>Il conviendra également d’assurer la surveillance du domicile lors de l’absence du senior ainsi que la garde de leur animal de compagnie. Autant de préconisations qui permettront de lever les freins à voyager des seniors et les aideront à leur procurer bien-être physique et psychologique.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/207261/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un travail de recherche a identifié une série de contraintes qui incitent les personnes âgées à renoncer aux voyages.Corinne Chevalier, Maître de Conférences en Sciences de Gestion, Université Paris-SaclayGaëlle Moal, Enseignante-chercheure en marketing, Laboratoires L@bIsen et LEGO, YncréaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2022672023-04-02T16:03:09Z2023-04-02T16:03:09ZRamsès II : le patient égyptien<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/516743/original/file-20230321-28-ogyop0.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=20%2C20%2C1455%2C1252&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La momie de Ramsès II est l'objet d'études depuis plus d'un siècle.</span> <span class="attribution"><span class="source">William Vaughn Tupper/Boston Public Library</span></span></figcaption></figure><p>L’exposition <a href="https://www.expo-ramses.com/">« Ramsès II et l’or des Pharaons »</a> à La Villette braque à nouveau les projecteurs sur un souverain sans conteste parmi les plus célèbres de l'Antiquité… Ramsès lui-même ne sera toutefois pas présent, sa momie de plus de 3200 ans, après bien des péripéties, est désormais trop fragile.</p>
<p>Sa dépouille fut en effet voyageuse, voire audacieuse – prenant même l’avion en 1976. Son ultime trajet, après moult péripéties, restera sans doute cette <a href="https://www.lemonde.fr/international/article/2021/04/09/au-caire-en-egypte-la-parade-doree-de-22-pharaons-et-de-sissi_6076206_3210.html">improbable parade du 3 avril 2021</a> : Ramsès II, en compagnie d’autres momies tout aussi royales, dont celle d’Hatchepsout, quitta le vieux musée, place Tahrir, au Caire, pour aller prendre ses quartiers – définitifs ? – au nouveau <a href="https://nmec.gov.eg/">Musée national de la civilisation égyptienne</a>.</p>
<p>Ce qui n'empêche pas la royale momie d'être bavarde… Depuis 140 ans qu'elle est étudiée sous toutes les coutures de ses bandelettes, elle en a raconté beaucoup, tant sur elle-même que sur le vieux souverain. Qu'ont permis de découvrir les investigations et soins minutieux menés sur cet illustre patient ?</p>
<h2>Les tribulations de la momie</h2>
<p>Le règne de Ramsès II (1279 à 1213 av. J.-C.) est incroyablement long, même s’il ne surpasse pas celui de Louis XIV et de ses 71 ans de pouvoir, quelques siècles plus tard : on parle de 66 ans de faits guerriers et de conquêtes, de constructions « pharaoniques » et de géopolitique avisée, scandés par la bataille de Qadesh et la construction des temples d’Abou Simbel.</p>
<p>Le souverain meurt à plus de 80 ans et est inhumé dans la vallée des Rois, dans un tombeau long de quelque 168 m. Localisée en 1737 par le voyageur britannique Richard Pococke, elle est aujourd’hui la <a href="https://thebanmappingproject.com/tombs/kv-07-rameses-ii">tombe « KV7 »</a> (KV pour <em>Kings’ Valley</em>, le numéro renvoyant à l’ordre des découvertes des sépultures).</p>
<p>Mais eut égard aux merveilles d’Abou Simbel ou de la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/QV66">tombe de son épouse Néfertari</a>, le monument peut s’avérer déceptif… Le tombeau est vide de longue date. Il est de plus fragilisé par les inondations, et ses fresques et bas-reliefs sont largement dégradés. Depuis 1993, des campagnes de fouilles et de consolidations diligentées par la <a href="http://www.mafto.fr/about/">Mission archéologique française de Thèbes-Ouest</a> (MAFTO) luttent pour sa préservation.</p>
<p>Malgré bien des aléas géologico-historiques, la précieuse momie est préservée.</p>
<p>Par crainte de pillages précoces, elle avait été transférée dès l’Antiquité dans l’hypogée de son père, Séthi I<sup>er</sup>, puis dans celui de Inhapy creusé dans les parois abruptes qui enserrent la royale vallée. Cette tombe sera en fait recyclée par les autorités de la fin du Nouvel Empire en… cache pour les dépouilles des plus puissants souverains de la période.</p>
<p>La cachette royale de Deir el-Bahari a probablement été aménagée au début du X<sup>e</sup> siècle av. J.-C. dans le secteur de la nécropole thébaine. Pendant près de 3 000 ans, elle va abriter les momies des Ramsès, de Séthi I<sup>er</sup>, Thoutmosis III, Ahmôsis… Elle ne sera redécouverte qu’en 1881, par un collaborateur de l’égyptologue français <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k511070x/f2.item">Gaston Maspero</a>.</p>
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<img alt="La momie de Ramsès II peu après son débandelettage" src="https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=761&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=956&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=956&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516715/original/file-20230321-1080-3ljuag.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=956&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Dès son débandelettage, la momie de Ramsès II va être soumise à diverses études.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Rijksmuseum/Musée du Caire</span></span>
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<p>Et au milieu de plus de 5 000 objets funéraires, dont 36 sarcophages, les archéologues vont tomber, stupéfaits, sur la momie du vieux pharaon, toujours enveloppé de ses bandelettes, et repose dans un sarcophage en bois de cèdre – peut-être de son grand-père, Ramsès I<sup>er</sup>.</p>
<p>En 1886, alors qu’il est exposé au <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626090c/f26.item">Musée de Boulaq, l’un des premiers musées d’égyptologie du Caire</a>, le Pacha d’Égypte ordonne son débandelettage…</p>
<p>Il se murmure que l’effroi des spectateurs, diplomates et politiques, à la vue d’une « secousse » inopinée liée à la tension post-mortem du bras de Ramsès II serait, pour partie, à l’origine de la si tenace malédiction des pharaons !</p>
<h2>Un voyage d’État unique… et salvateur</h2>
<p>En ce qui concerne Ramsès, elle n’est pourtant pas en bon état. En 1907, l’écrivain voyageur Pierre Loti, de passage au Caire, se désolait déjà de la profonde dégradation du corps, dont la première radiographie, quelques années plus tard, révèlera les importantes fissures des muscles abdominaux.</p>
<p>En 1976, profitant de l’<a href="https://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb347054651">exposition qui lui est consacrée au Grand Palais</a> à Paris, et malgré un contexte géopolitique délicat, l’infatigable égyptologue française Christiane Desroches-Noblecourt confie aux autorités locales qu’il est urgent de « soigner » la momie.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Asf-BV0cqxE?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>Le diagnostic des spécialistes français, mandatés sur place, est cruel : la prolifération de champignons contemporains – et non de moisissures antiques – doit être enrayée au plus vite. Une odeur âcre se dégage du corps, qui doit être à la fois réhydraté et solidifié par des injections de silicone et de polymère. Un <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/video/caa7601323001/ramses-ii">protocole de travaux et de « retouches »</a> est déployé, réunissant une centaine de chercheurs et de techniciens, au sein d’un laboratoire dédié, aménagé au Musée de l’Homme.</p>
<p>Ramsès II, premier pharaon à embarquer à bord d’un Transall de l’armée de l’air française, est accueilli par la garde républicaine, au Bourget, le 26 septembre 1976. <a href="https://www.ina.fr/ina-eclaire-actu/egypte-ramses-exposition-grand-palais-paris-pharaon-pyramide">Comme le serait un chef d’État en visite officielle</a>.</p>
<p>Aucune technique invasive au programme du traitement : quelques infimes prélèvements (comptant des cheveux « jaunâtres » piégés par les pièces de lin…) sont toutefois scellés et soumis aux laboratoires compétents. Alors que le scanner, l’IRM et la tomographie restent confidentiels, on utilisera la radioscopie, l’endoscopie et encore la chromodensimétrie pour étudier le patient.</p>
<p>La question primordiale est celle de l’origine de la dégradation biologique de la momie. Le fautif, rapidement identifié parmi de nombreuses souches, est un champignon très virulent, appelé <em>Daedalea biennis</em>. Les variations de température et d’humidité ont favorisé ses assauts, le rendant susceptible de dégrader l’entièreté des matières organiques de Ramsès II et de ses voisins.</p>
<p>De quand date l’attaque ? Quand bien même la momification du pharaon n’aurait pas été optimum, la résine brûlante utilisée par les embaumeurs aurait dû enrayer toute activité microbienne, surtout dans le climat sec de Haute-Égypte. L’infection de la momie s’est donc produite « récemment », vraisemblablement au Caire – on parle d’une « maladie de musée ». Ramsès s’y verra également attaqué par des mites et une aspersion d’insecticide indélicate au début du XX<sup>e</sup> siècle.</p>
<p>Le traitement doit être radical pour le champignon envahisseur, mais pas pour le malade – fut-il déjà mort. Délaissant le froid et le chaud, les spécialistes ont opté pour l’irradiation… ce qui fit frémir nombre de chercheurs, qui craignent pour la fragile chevelure de Ramsès. Il n’était pas concevable de restituer un pharaon guéri mais dépigmenté ou chauve !</p>
<p>Les rayons gamma, testés au préalable sur une momie de moins grande importance historique, vont s’avérer suffisamment pénétrants et efficients pour stériliser cet « objet archéologique » improbable, et sans radioactivité résiduelle. L’intervention se déroula le 9 mai 1977 au Commissariat à l’énergie atomique de Saclay. L’illustre patient put reprendre l’avion dès le lendemain de son traitement pour regagner Le Caire.</p>
<h2>« Chaque momie est une archive »</h2>
<p>L’expression d’Alain Froment, spécialiste en anthropologie biologique, résume bien ces dépouilles millénaires, soumises à des batteries de tests, ont aujourd’hui des choses à dire…</p>
<p>La momie ainsi guérie, <a href="https://bibliotheques.mnhn.fr/medias/detailstatic.aspx?INSTANCE=EXPLOITATION&RSC_BASE=HORIZON&RSC_DOCID=464348">qu’a-t-on appris sur le souverain lui-même</a> ? Les nouvelles technologies de photogrammétrie et d’imagerie médicale permettent d’appréhender la santé des pharaons (comme de toutes les autres momies), du plus intime parasite intestinal au plus spectaculaire traumatisme osseux.</p>
<p>Si les moins privilégiés enduraient les affres des stress de croissance, de la famine et de conditions de vie dégradées, l’élite manifeste des taux élevés de cholestérol – les <a href="https://www.vidal.fr/actualites/17758-les-pharaons-avaient-trop-de-cholesterol.html">artères coronaires de nombreux pharaons sont bouchées</a> – et les signes d’une grande sédentarité bien nourrie ! On a ainsi pu procéder à de véritables diagnostics rétrospectifs, révélant le <a href="https://www.futura-sciences.com/sciences/actualites/homme-reine-hatshepsout-aurait-provoque-son-cancer-soignant-33044/">cancer et la maladie de peau d’Hatchepsout</a> ou la <a href="https://www.sciencepresse.qc.ca/actualite/2020/08/20/retour-aux-origines-variole">vérole de Ramsès V</a>.</p>
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<p>Pour Ramsès II, <a href="https://www.persee.fr/doc/bmsap_0037-8984_1981_num_8_3_3838">l’examen radiologique</a> livre un bilan de santé assez complet : le vieux pharaon présente des pathologies à la fois congénitales et liées à son âge avancé.</p>
<p>Sa sphère bucco-dentaire est particulièrement affectée : il souffrait de caries, certaines dents n’étant même plus représentées que par leur racine. De profonds stigmates de parodontite (inflammation des gencives) affectent plusieurs molaires et des pertes ante mortem, avec fermeture des alvéoles, touchent des incisives et des canines. En revanche, malgré l’impact de publications antérieures l’affirmant avec force, et quand bien même les Égyptiens aient été de remarquables dentistes et orthodontistes, <a href="https://www.biusante.parisdescartes.fr/sfhad/actes/la-momie-de-ramses-ii-etude-paleopathologique-dun-pharaon-de-la-XIXe-dynastie/">aucune trace de soins dentaires et encore moins de prothèse ni d’implant</a>.</p>
<p>Mais surtout, Ramsès II devait se déplacer difficilement.</p>
<p>Son squelette est dévoré par une probable spondylarthrite ankylosante, une pathologie qui affecte essentiellement la colonne vertébrale, le bassin et/ou le gril thoracique. Elle touche aussi les articulations des membres inférieurs et les extrémités ; le pharaon présente ainsi une fracture au niveau de la première phalange du troisième orteil gauche avec un cal de cicatrisation.</p>
<p>Chez Ramsès II, elle a provoqué une telle lordose (concavité) cervicale que, courbé et quasi bossu, il ne pouvait sans doute plus redresser sa tête. Les fractures lisibles sur ces mêmes vertèbres sont liées aux gestes invasifs des embaumeurs, destinés à l’allonger lors de l’ultime cérémonie.</p>
<p>Le vieux pharaon était aussi atteint de maux divers, habituels chez une personne de son âge, tels des troubles vasculaires, entraînant notamment une calcification des artères iliaques et fémorales, et des troubles articulaires. Loin des fantasmes d’un assassinat dans son sommeil, il semble que Ramsès II soit mort de vieillesse, perclus de maux douloureux et handicapants.</p>
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<img alt="Image numérique de la momie de Ramsès II au nouveau musée" src="https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=312&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/516712/original/file-20230321-2579-v5a9sw.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=392&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La momie de Ramsès est désormais exposée au National Museum of Egyptian Civilization, dans un espace dédié qu’elle partage avec les autres momies pharaoniques.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Onceinawhile/National Museum of Egyptian Civilization</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
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<h2>Le retour de la momie… ou presque</h2>
<p>Le vieux pharaon, reparti pour une seconde éternité, ne sera pas présent lors de cette nouvelle exposition internationale. Seul son magnifique sarcophage en cèdre, moins vulnérable, sera présent – en France uniquement. Le symbole reste fort, 45 ans après le premier voyage.</p>
<p>Et si le regret de ne pas pouvoir rencontrer, de visu, le vieux souverain débouchait sur une réflexion collective éthique ?</p>
<p>Celle sur la « mise en scène » des restes humains. Du cabinet de curiosités aux collections des musées, exposer les morts issus de la fouille de contextes funéraires, qu’ils soient squelettisés ou momifiés, n’est jamais anodin. Le respect dû au corps humain cesse-t-il avec la mort ? Est-il réellement irrespectueux de « montrer » les acteurs du passé ?</p>
<p>La question du consentement ne cesse de tarauder les spécialistes, alors même qu’il s’agit de statuer sur la nature de ces vestiges : sont-ils des objets ou des sujets ? Les lois nationales, le code de déontologie fixent d’imparfaits cadres alors que d’aucuns légifèrent déjà sur la question de la restitution.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202267/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valérie Delattre ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que l’exposition dédiée à Ramsès II s’ouvre à Paris, que peut-on dire du pharaon ? De sa momie ? De ses déboires historiques à ses analyses médicales, le vieux roi a beaucoup à dire…Valérie Delattre, Archéo-anthropologue, INRAP, Université de Bourgogne – UBFCLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2017262023-03-14T20:01:01Z2023-03-14T20:01:01ZRetraites : pourquoi de nombreuses pensions resteront inférieures à 1 200 euros malgré la réforme<p>Lors la <a href="https://www.vie-publique.fr/discours/287799-elisabeth-borne-10012023-reforme-des-retraites">présentation du projet de loi</a> relatif à la réforme des retraites en conférence de presse, projet dont l’examen vient de s’achever au Sénat et examiné en commission mixte paritaire ce mercredi 15 mars, une revalorisation des petites retraites au niveau de 1 200 euros mensuels avait été annoncée par le gouvernement. Élisabeth Borne, première ministre, l’a ainsi formulé :</p>
<blockquote>
<p>« Conformément à notre engagement, les salariés et les indépendants, notamment les artisans et commerçants, qui ont cotisé toute leur vie avec des revenus autour du smic, partiront désormais avec une pension de 85 % du smic net, soit une augmentation de 100 euros par mois. C’est près de 1 200 euros par mois dès cette année. »</p>
</blockquote>
<p>Bien des controverses ont ensuite suivi. Qui serait véritablement concerné ? Ce plancher vaudrait-il pour tous ? À côté de l’économiste Michael Zemmour qui, dans les médias, invite à <a href="https://www.liberation.fr/checknews/debat-salamezemmour-les-salaries-ayant-eu-une-carriere-complete-sont-ils-assures-dune-pension-de-1-200-euros-20230208_4WIJVUBVMVC7JFEMJJOAV47WPE/">nuancer fortement</a> l’ampleur de ce progrès et à rejeter le vocable « pension minimum à 1 200 euros », la communication du gouvernement reste confuse. Montant brut, montant net ? Quelles conditions pour en bénéficier ? Tout récemment, le ministre du Travail, Olivier Dussopt, a par exemple <a href="https://www.tf1info.fr/politique/reforme-des-retraites-1200-euros-10-000-a-20-000-personnes-concernees-chaque-annee-au-lieu-des-40-000-annoncees-2249579.html">revu à la baisse</a> le nombre de bénéficiaires estimés.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1632341916560785409"}"></div></p>
<p>Ce flou semble en grande partie lié à la complexité du système de minima dans le système de retraite français. Coexistent en fait deux mécanismes destinés aux retraités ayant les revenus les plus faibles : les minima de pension et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa). Les minima renvoient à un mécanisme de calcul de la pension de retraite soumis à condition et ne constituent donc pas un minimum de pension unique (que l’on pourrait par exemple fixer à 1 200 euros). Certaines petites retraites y échappent d’ailleurs. L’Aspa qui garantit un niveau de vie minimum aux retraités, elle, est bien fixe, mais elle répond à une tout autre logique sociale que celle liée au calcul d’une pension de retraite.</p>
<h2>Des assurés non couverts par les minimas</h2>
<p>Les minima de pension ont vocation, comme leur nom l’indique, à garantir un niveau minimum de pension à certains retraités. Ils bénéficient uniquement aux retraités qui partent à la retraite à taux plein et qui auraient touché une pension de retraite inférieure. Le mécanisme le plus connu est celui du « minimum contributif » qui couvre les assurés du régime général, les plus nombreux.</p>
<p>Des dispositifs similaires existent néanmoins dans les autres régimes de retraite « de base », par exemple ceux de la fonction publique. En revanche, dans les régimes « complémentaires », comme l’Agirc-Arrco pour les salariés du secteur privé, ces systèmes n’existent pas : la pension de retraite y dépend uniquement d’un nombre de points acquis par le salarié au cours de sa carrière.</p>
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<p>Pour bénéficier du minimum de pension, il faut partir à la retraite à taux plein. C’est-à-dire qu’il faut soit avoir validé le nombre de trimestres requis, 168 pour un assuré né début 1961, l’équivalent de 42 ans, soit prendre sa retraite à 67 ans ou plus. Le taux plein est également acquis de droit pour les assurés qui sont reconnus invalides ou inaptes au travail.</p>
<p>Ce minimum ne concerne donc pas tout le monde. Pour les personnes qui ont de faibles revenus d’activité, des carrières incomplètes et qui ne peuvent pas prendre leur retraite à taux plein, c’est la triple peine : de petits salaires, une pension calculée avec décote et qui ne sera pas portée au niveau du minimum de pension.</p>
<h2>Il n’existe pas de minimum de pension universel</h2>
<p>Il faut bien avoir en tête qu’il n’y a pas de montant fixe derrière ce dispositif. C’est en fait un calcul qui repose sur un minimum « socle », fixé au 1<sup>er</sup> janvier à <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F15522">684 euros</a> mensuels (tous les montants évoqués par la suite sont mensuels). Il est « majoré » à 748 euros pour les assurés ayant validé au moins 120 trimestres au titre de l’emploi. Ne sont ainsi pas pris en compte pour le calcul de ces 120 trimestres, les trimestres validés pour congés maladie, maternité, ou pour les périodes de chômage.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1632663576165900293"}"></div></p>
<p>Ce montant est ensuite multiplié par le nombre de trimestres validés par l’assuré et divisé par le nombre de trimestres requis pour le taux plein. Prenons par exemple le cas d’un salarié du secteur privé, né en 1961 qui a validé seulement 100 trimestres sur les 168 requis pour le taux plein. Le calcul se fera sur le « socle » car nous sommes en deçà des 120 trimestres et le minimum de pension qui s’applique est de (100/168) x 684 = 407 euros.</p>
<p>Pour donner un ordre d’idée, en 2016, parmi les nouveaux retraités, <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-05/08-Les_beneficiaires_d-un_minimum_de_pension.pdf">20 % bénéficient d’un minimum de pension</a> selon les données de la Drees. Dans son dernier <a href="https://www.cor-retraites.fr/node/595">rapport</a>, le Conseil d’orientation des retraites (COR), calcule qu’un assuré de la génération 1960 qui aurait eu une carrière complète au smic et une pension au taux plein n’en bénéficie quasiment pas : sa pension calculée au régime général atteint déjà quasiment les 748 euros du minimum majoré. En y ajoutant la pension servie par le régime complémentaire Agirc-Arrco (environ 380 euros), sa pension totale s’élève à 1130 euros brut soit 1080 euros net.</p>
<p>De nombreux paramètres (notamment les trimestres validés et la pension Agirc-Arrco) entrent donc en ligne de compte pour le calcul des petites pensions et il n’existe donc pas véritablement de pension de retraite minimale « universelle » qui s’appliquerait à tous les retraités. Lorsque le gouvernement propose « une pension minimale à 1 200 euros par mois soit 85 % du smic », de quoi s’agit-il alors exactement ? Comment parvenir à ces chiffres ?</p>
<p>En pratique, cette mesure se traduirait par la revalorisation des deux minima contributifs : le minimum socle serait revalorisé de 25 euros et le contributif majoré de 100 euros. Avec les régimes complémentaires, cela permettra alors, pour un salarié au smic durant une carrière complète, d’atteindre environ 1230 euros brut, 1150 euros net, soit environ 85 % du smic, le niveau annoncé par le gouvernement. Beaucoup de pensions de retraite resteront donc inférieures à 1 200 euros mensuels et la revalorisation s’avèrera surtout significative pour les retraités du secteur privé qui remplissent la condition des 120 trimestres validés au titre de l’emploi.</p>
<h2>Deux mécanismes, deux logiques</h2>
<p>Il ne faut de plus pas confondre les minimas de pensions avec un second mécanisme : l’Aspa, aussi appelée « minimum vieillesse ». Cette allocation garantit aux retraités âgés de plus de 65 ans un montant minimal de revenu de <a href="https://www.lassuranceretraite.fr/portail-info/hors-menu/annexe/salaries/montant-retraite/aspa.html">961 euros</a> pour une personne seule et de 1492 euros pour un couple. Elle vient en complément : une personne seule qui toucherait 700 euros au titre de sa pension de retraite se verrait verser le complément, soit 261 euros au titre de l’Aspa. Les sommes ainsi versées sont récupérées au moment de la succession si le patrimoine laissé par le défunt atteint un certain montant.</p>
<p>L’Aspa a fait l’objet d’une <a href="https://www.legislation.cnav.fr/Pages/bareme.aspx?Nom=aspa_montant_bar">revalorisation significative</a> sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : +160 euros pour une personne seule et +240 euros pour un couple. En 2020, selon la Drees, un peu plus de <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2022-05/26%20-%20Les%20allocataires%20du%20minimum%20vieillesse%20et%20les%20montants%20vers%C3%A9s_0.pdf">4 % des personnes de plus de 65 ans</a> la recevaient, soit 635 000 allocataires.</p>
<p>L’Aspa et les minima de pension répondent en fait à des logiques et à des objectifs de politique publique différents. La première est un minimum social dont le fonctionnement est à rapprocher de celui du RSA : elle vise à garantir un niveau de vie minimum aux retraités, quelle que soit leur situation. À l’inverse les seconds doivent être perçus comme une contrepartie minimale offerte à l’assuré pour un effort contributif qu’il a fourni. Il revient à considérer que chaque trimestre validé par l’assuré ne peut pas être valorisé en dessous d’un certain seuil au moment de la retraite. Le minimum de pension peut ainsi être touché quels que soient les autres revenus dont dispose le foyer de l’assuré, en particulier les revenus d’un éventuel conjoint.</p>
<p>Une pension minimale à 1 200 euros, telle qu’on pourrait la discuter dans le cadre d’une réforme des retraites, diffère ainsi d’une Aspa à 1 200 euros, débats aux enjeux connexes mais distincts.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/201726/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Henri Martin ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Parler de « retraite minimum » est chose complexe : les dispositifs de pension ne couvrent pas tous les assurés et n’octroient pas un montant fixe comme le minimum vieillesse.Henri Martin, Economie, systèmes de retraite, protection sociale, inégalités, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1994312023-02-07T19:29:47Z2023-02-07T19:29:47ZGrand âge et dépendance : un an après l’« affaire Orpea », où en est-on ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/508656/original/file-20230207-27-xzodlq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">shutterstock</span> </figcaption></figure><p>« Les vieillards sont-ils des hommes ? À la manière dont notre société les traite, il est permis d’en douter » écrivait <a href="https://www.librairiedalloz.fr/livre/9782070444151-la-vieillesse-simone-de-beauvoir/">Simone de Beauvoir</a> dans son essai la vieillesse publiée en 1970.</p>
<p>L’<a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2022/01/24/maisons-de-retraite-un-livre-denonce-de-graves-defaillances-dans-les-ehpad-du-groupe-orpea-qui-denonce-des-accusations-mensongeres_6110796_3224.html">« affaire Orpea »</a> (du nom du groupe français leader mondial des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les fameux Ehpad), déclenchée en 2022 par dans <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/les-fossoyeurs-9782213716558">l’ouvrage « Les Fossoyeurs »</a> du journaliste Victor Castanet, en semble une triste illustration.</p>
<p>Un an après la révélation de ce scandale, dont les répliques sont encore perceptibles, une version augmentée et mise à jour du livre les Fossoyeurs est publiée. L’occasion de faire le point sur la question des Ehpad et du grand âge avec dépendance.</p>
<h2>Une situation qui n’était pas nouvelle</h2>
<p>Les situations de maltraitances dans le domaine de la gestion du grand âge existaient déjà avant le scandale Orpea. Déjà en 2007, <a href="https://www.babelio.com/livres/Escribano-On-acheve-bien-nos-vieux/2873">Jean-Charles Escribano</a>, infirmier en Ehpad, livrait son témoignage et faisait partager l’horreur, les souffrances et les émotions d’une maison de retraite ordinaire.</p>
<p>En mai 2021, plusieurs mois avant la publication du livre-enquête de Victor Castanet, la défenseure des droits Claire Hedon pointait dans un rapport la <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/rap-ehpad-num-29.04.21.pdf">maltraitance systémique qui pouvait se rencontrer dans certains Ehpad</a>. Y étaient constatés les privations arbitraires des droits fondamentaux comme la liberté d’aller et venir, le consentement à l’entrée en institutions, les carences de l’organisation liées à la pénurie de personnel, à la rotation importante, à l’épuisement des professionnels mal rémunérés et insuffisamment valorisés ou au manque d’encadrement. Il en résultait des situations de violences physiques, verbales, de manquements au soin, à l’hygiène…</p>
<p>La maltraitance, selon ce rapport, pouvait être qualifiée d’« institutionnelle » à chaque fois que l’institution laissait les faits perdurer sans réagir, après de multiples signalements des familles des victimes, ou lorsqu’elle résultait du manque de moyens de l’établissement.</p>
<p>Après la sidération de la révélation du scandale Orpea, l’Inspection générale des affaires sociales (<a href="https://www.igas.gouv.fr/spip.php?article849">IGAS</a>) et l’Inspection générale des finances (<a href="https://www.igf.finances.gouv.fr/sites/igf/accueil.html">IGF</a>) ont déclenché des enquêtes, tandis que les <a href="https://www.midilibre.fr/2022/04/04/scandale-des-ehpad-orpea-80-plaintes-de-familles-deposees-pour-mise-en-danger-de-la-vie-dautrui-10214441.php">familles des personnes hébergées dans les Ehpad du groupe portaient plainte</a>. Mais les avancées demeurent marginales. D’autres groupes privés lucratifs <a href="https://www.hospimedia.fr/actualite/articles/20220302-societe-korian-et-domusvi-sont-epingles-pour-leurs">sont eux aussi épinglés pour leur utilisation de la dotation publique</a>, de leur optimisation fiscale et de leur management comptable.</p>
<p>Il ne s’agit bien entendu pas de faire d’amalgame ni de mettre tous les Ehpad au même niveau. Il existe en effet aussi en France des Ehpad associatifs et publics qui, malgré, de grosses difficultés en termes de recrutement, et de ratio de soignants (<a href="https://www.senat.fr/questions/base/2022/qSEQ220701112.html">3 soignants pour 10 résidents</a>) sont de véritables lieux de vie.</p>
<p>Même s’il est urgent de repenser le modèle économique, et managérial des Ehpad au profit de petites structures à taille humaine telles que celle-ci, nous ne pourrons nous passer de ce type d’accueil, du fait du vieillissement de la population française. En effet, dans nombre de situations, le maintien au domicile n’est ni possible, ni <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/preserver-son-autonomie-s-informer-et-anticiper/les-mesures-de-protection/abus-de-faiblesse-des-personnes-agees-dans-quelles-situations">exempt d’abus</a> : l’analyse des appels au <a href="https://3977.fr/">3977</a>, le numéro national dédié à lutter contre les maltraitances envers les personnes âgées et les adultes en situation de handicap, révèle que 79 % des appels concernent des personnes âgées en priorité au domicile.</p>
<h2>Qui sont les résidents des Ehpad ?</h2>
<p>En 2019, la Direction de la recherche, des études et de l’évaluation et des statistiques (Drees) dénombrait 770 000 places réparties dans 11 000 structures d’hébergement pour personnes âgées. Les Ehpad se taillaient la part du lion, puisqu’ils représentaient 70 % desdites structures d’hébergement, totalisant <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/2021-01/Fiche%2017%20-%20Les%20%C3%A9tablissements%20d%E2%80%99h%C3%A9bergement%20pour%20personnes%20%C3%A2g%C3%A9es.pdf">79 % des places installées</a> (avec une capacité d’accueil de 81 places installées, en moyenne).</p>
<p>Les résidents sont en général des <a href="http://ash.tm.fr/dependance-handicap/enquete-sur-les-profils-des-residents-des-etablissements-pour-personnes-agees-701684.php">personnes âgées de plus de 85 ans, affectées par plusieurs pathologies (« polypathologiques »)</a> et touchées par des troubles cognitifs. 88 % d’entre elles sont totalement dépendantes (elles sont catégorisées <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1229">« GIR 1 »</a> sur la <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/preserver-son-autonomie-s-informer-et-anticiper/perte-d-autonomie-evaluation-et-droits/comment-fonctionne-la-grille-aggir">grille nationale « aggir »</a>, qui comporte 6 degrés et permet d’évaluer le niveau de perte d’autonomie).</p>
<p>Une situation qui n’est pas amenée à s’améliorer dans les prochaines années, puisque la part des 75 ans ou plus devrait passer à 14,6 % de la population en 2040 (elle était de 9,1 % en 2015). De plus, <a href="http://www.lemonde.fr/sciences/article/2019/02/19/la-france-mal-classee-pour-l-esperance-de-vie-en-bonne-sante_5425315_1650684.html">l’espérance de vie en bonne santé en France</a> est plus faible que dans d’autres pays d’Europe.</p>
<h2>Une situation qui ne s’est pas réellement améliorée</h2>
<p>Priorisation des malades en réanimation, arrêt des visites en Ehpad et en service gériatrique, circonstances de décès parfois indignes…</p>
<p>Avant le scandale Orpea, la pandémie de Covid-19 avait déjà jeté une lumière crue sur les discriminations liées à l’âge. Rappelons que plus de 90 % des personnes décédées depuis son déclenchement avaient plus de 60 ans, la <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1104103/victimes-coronavirus-age-france/">tranche d’âge la plus touché étant celle des 80-89 ans</a>…</p>
<p>Par ailleurs, en 2018, L’avis <a href="https://www.ccne-ethique.fr/node/175">128 du CCNE</a> portant sur les enjeux éthiques du vieillissement dénonçait des situations de ghettos. Le rapport <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/268954-rapport-libault-comment-reformer-la-politique-du-grand-age">Libault (2019)</a>, élaboré après une concertation citoyenne sur le grand âge, propose 175 leviers pour améliorer la prise en charge des personnes âgées dépendantes, les besoins financiers étant estimés à 9,2 milliards d’ici à 2030.</p>
<p>Pourtant, en <a href="https://www.ash.tm.fr/dependance-handicap/le-gouvernement-enterre-definitivement-la-loi-grand-age-et-autonomie-676088.php">septembre 2021, la loi grand âge et autonomie</a>, promesse du président de la République plusieurs fois reportée, a néanmoins été définitivement enterrée, au grand dam des familles et des acteurs du grand âge.</p>
<p>Où en est-on début 2023 ? Dans la version augmentée de son livre, <a href="https://www.francetvinfo.fr/societe/prise-en-charge-des-personnes-agees/maltraitance-dans-les-ehpad/maltraitance-dans-les-ehpad-fuites-pressions-victor-castanet-devoile-les-coulisses-de-son-enquete-dans-une-version-augmentee-de-son-livre-les-fossoyeurs_5621186.html">Victor Castanet</a> écrit que seuls <a href="https://www.notretemps.com/famille/autonomie/maltraitance-en-ehpad-les-engagements-du-gouvernement-64912">1 400 Ehpad</a> (moins de 20 %) ont été contrôlées par les ARS en France.</p>
<p>La seule promesse actuelle sur ce sujet brûlant semble se résumer à une <a href="https://www.doctissimo.fr/famille/preparer-sa-retraite/maisons-de-retraite/ehpad-maison-de-retraite-medicalisee/ehpad-bientot-une-plateforme-numerique-pour-signaler-les-maltraitances/14f1e2_ar.html">nouvelle plate-forme pour signaler les maltraitances en Ehpad</a>.</p>
<p>Les instances de contrôles existent, les propositions concrètes sont connues et chiffrées, mais pourtant, comme le souligne la <a href="https://www.defenseurdesdroits.fr/fr/communique-de-presse/2023/01/residents-accueillis-en-ehpad-les-5-points-dalerte-de-la-defenseure">défenseure des droits Claire Hédon dans un nouveau rapport</a>, il existe encore beaucoup de manquements, qui concernent notamment le ratio de personnel auprès des résidents, la liberté d’aller et venir, le renforcement des contrôles et la restauration de la confiance entre les familles et les personnels.</p>
<p>Quels sont les mécanismes de résistance à la traduction des discours politiques en actions de terrain ?</p>
<h2>Éthique, politiques publiques et évolutions sociétales</h2>
<p>En 2021, l’<a href="https://www.who.int/fr/news/item/18-03-2021-ageism-is-a-global-challenge-un">OMS</a> alertait sur le fait qu’une personne âgée sur deux dans le monde était l’objet d’une discrimination. Elle déclarait faire de la lutte contre l’âgisme une grande cause mondiale. Notre société, en effet, ne porte pas un regard bienveillant <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1627483017300673">sur les personnes âgées dépendantes</a>, qui renvoient non seulement l’image d’un vieillissement avec handicaps, inutilement coûteux, mais aussi celle de notre finitude, que personne ne veut réellement envisager.</p>
<p>Or, si les valeurs d’autonomie, de dignité et de liberté sont au cœur des débats actuels sur la fin de vie, il faut les interroger quand le grand âge avec dépendance advient. Rappelons que la liberté des uns s’arrête là où commence celle des autres, et que la dignité est intrinsèque à tout être humain. Si l’on peut perdre le sentiment de dignité, du fait de situation d’accueil et de soins indignes, la dignité elle-même n’est jamais intrinsèquement perdue. Enfin, soulignons que l’autonomie est une valeur très relative dans les soins, car la maladie nous transforme. </p>
<p>De la naissance à la fin de vie, nous ne pouvons pas ne pas dépendre d’autrui, de la solidarité, d’une main qui se tend, d’un regard bienveillant, d’une entraide de proximité, d’une <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-2010-12-page-631.htm">éthique du « care »</a> et non du seul <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1957255720300456">« cure »</a>, le « cure » étant le soin au sens purement médical, tandis que le « care » est un concept recouvrant une prise en charge plus globale, humaine, avec sollicitude vis-à-vis de la personne vulnérable.</p>
<p>Mue par la peur de mal vieillir puis de mal mourir, la pression sociétale utilitariste et consumériste pousse les personnes très âgées et dépendantes à disparaître. Elle les assigne à résidence dans des Ehpad qu’elles n’ont pas choisis. Implicitement, se sentant de trop, un poids, une charge, les personnes âgées sont parfois amenées à se suicider (<a href="https://www.ouest-france.fr/sante/le-suicide-des-personnes-agees-un-sujet-encore-tabou-et-sous-estime-315736fa-116a-11ec-aae0-4d1212b14fe9">un tiers des décès, soit 3 000 morts/an des plus de 65 ans</a>), ou à se laisser glisser vers la mort (<a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/sites/default/files/er1141.pdf">1/3 des personnes âgées</a> en institutions gériatriques souffrent de troubles psychiques).</p>
<p>Sur les <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/5347349">668 800 décès survenus en 2020 en France</a>, 79 % se sont produits après 70 ans et concernaient donc les personnes âgées les plus fragiles et dépendantes.</p>
<p>Après <a href="https://www.ccne-ethique.fr/node/529">l’avis 139 du CCNE</a> en rupture totale avec les précédents, le président de la République a décidé d’organiser un débat national sur l’euthanasie et le suicide assisté (rappelons que dans le cas de l’euthanasie, le produit létal est injecté par un médecin, tandis que dans le cas du suicide assisté, c’est la personne demandeuse qui se l’administre). Mais la question du grand âge, et celle d’un développement enfin optimal des soins palliatifs, n’ont pas été abordées. </p>
<p>Pourtant, depuis 1999, et malgré un <a href="https://www.lequotidiendumedecin.fr/actus-medicales/sante-publique/fin-de-vie-le-tres-attendu-5e-plan-national-de-developpement-des-soins-palliatifs-sera-lance-en">5ᵉ plan annoncé</a> en 2021, ces derniers demeurent insuffisamment dotés (financièrement et en moyens humains), et inégalement répartis sur le territoire (<a href="https://www.essentiel-sante-magazine.fr/sante/acces-aux-soins/soins-palliatifs-inegalites-acces-france">26 départements n’ont aucune unité de soins palliatifs</a>.).</p>
<h2>Grand âge et prévention de la dépendance</h2>
<p>Pour faire humainement et politiquement avancer la cause des aînés, qui ne sont jamais réductibles à des pertes cumulées, il faut aussi savoir que l’on peut <a href="https://solidarites.gouv.fr/grand-age-le-gouvernement-engage-en-faveur-du-bien-vieillir-domicile-et-en-etablissement">bien vieillir</a>, et anticiper pour améliorer les conditions de sa fin de vie.</p>
<p>Pour cela les politiques publiques doivent se déployer en faveur de la prévention du vieillissement avec dépendance. Il faut qu’une loi grand âge soit enfin promulguée, et que les lois sur la fin de vie (<a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000000446240/">2005</a>, <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000031970253">2016</a>) soient mieux connues et appliquées.</p>
<p>Les maltraitances envers les personnes âgées, du fait de leurs vulnérabilités et de leurs difficultés à faire valoir leurs droits, sont aussi rendues possibles en raison de leur invisibilisation sociétale et d’une volonté politique qui peine à se traduire sur le terrain. Si l’on pense, comme <a href="https://www.cairn.info/la-vieillesse--9782070444151.htm">Simone de Beauvoir</a>, que « l’on reconnaît le degré d’une civilisation d’une société à la place qu’elle accorde à ses personnes âgées », alors on ne peut que se dire que notre société a encore beaucoup à faire pour mériter le qualificatif de « civilisée ».</p>
<hr>
<p><em>Cet article est publié dans le cadre du colloque <a href="https://www.collegedesbernardins.fr/content/en-finir-avec-la-fin-de-vie">« En finir avec la fin de vie ? – Une rupture anthropologique ? »</a> organisé par le département de recherche Éthique biomédicale du Collège des Bernardins, le jeudi 9 février 2023.</em></p>
<p><strong>Pour aller plus loin :</strong></p>
<p><em>– Lefebvre des Noettes, Véronique (2021) <a href="https://www.editionsdurocher.fr/product/124194/vieillir-n-est-pas-un-crime/?9782268105222">« Vieillir n’est pas un crime : pour en finir avec l’âgisme »</a>, éditions du Rocher ;</em></p>
<p><em>– Lefebvre des Noettes, Véronique (2022), <a href="https://www.editionsdurocher.fr/product/127061/la-force-de-la-caresse/">« La force de la caresse »</a>, éditions du Rocher.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/199431/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Un an après les révélations du livre « Les Fossoyeurs », et malgré une enquête administrative aux conclusions sans équivoque, la situation des Ehpad peine à s’améliorer. Des pistes existent pourtant.Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt (Université Paris-Est Créteil), co-directeur du département de recherche Éthique biomédicale du Collège des Bernardins, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1980002023-01-29T17:02:20Z2023-01-29T17:02:20ZComment la question de la grande vieillesse bouscule le débat sur la fin de vie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/506394/original/file-20230125-6572-83vdgz.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C48%2C3594%2C2344&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La question de la grande vieillesse et de ses conséquences sont soulèvent aujourd’hui des questions spécifiques relatifs au débat sur le suicide assisté dans notre société.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/5EnSN65bnxg">Jr Korpa/Unsplash</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? »</p>
</blockquote>
<p>Telle est la formulation de la question posée par la <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/287506-lancement-de-la-convention-citoyenne-sur-la-fin-de-vie">convention citoyenne sur la fin de vie</a> composée de 185 citoyennes et citoyens tirés au sort, et qui a initié un travail de réflexion sur la question courant décembre 2022.</p>
<p>En filigrane, on comprend que cette question réactive des débats anciens au sein desquels le choix du lexique, le sens que l’on donne aux mots et l’interprétation que l’on fait des données de la recherche sont délicats et objets de controverses.</p>
<hr>
<figure class="align-right zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506793/original/file-20230127-18-1cr4z.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>« Controverses » est un nouveau format de The Conversation. Nous avons choisi d’y aborder des sujets complexes qui entraînent des prises de positions souvent opposées, voire extrêmes. Afin de réfléchir dans un climat plus apaisé et de faire progresser le débat public, nous vous proposons des analyses qui sollicitent différentes disciplines de recherche et croisent les approches.</em></p>
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<p>Fin de vie, fin de la vie, soins palliatifs, aide médicale à mourir, suicide assisté, euthanasie, mort choisie, droit de mourir, acharnement thérapeutique, (bonne et mauvaise) mort, mort digne, homicide, mort hâtée, soin en/de fin de vie, médicalisation de la mort, etc. Alors que certains de ces termes peuvent sembler synonymes et d’autres profondément différents, il s’avère qu’ils prennent des significations variées selon qui et dans quels contextes ils sont employés. En brossant rapidement <a href="https://theconversation.com/debat-francais-sur-leuthanasie-lecons-dallemagne-du-portugal-et-despagne-158170">certains enjeux</a> relatifs à ces termes, nous essaierons de montrer la complexité des débats en particulier lorsque l’on y intègre la question de la grande vieillesse.</p>
<p>En effet, s’il n’est pas possible ici de retracer de manière exhaustive l’intégralité et la richesse des débats relatifs à la fin de vie en France, nous avons choisi d’aborder ces sujets au prisme d’un <a href="https://www.youtube.com/watch?v=A6K9PcvPosE">questionnement gérontologique</a> car il s’avère que, dès la fin des années 1970, la question du grand âge fut posée. Ce focus sur la <a href="https://theconversation.com/le-suicide-des-personnes-agees-un-impense-de-la-recherche-159263">grande vieillesse</a> est d’autant plus pertinent qu’il soulève aujourd’hui des questions spécifiques relatives au <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2020-3-page-9.htm">suicide assisté</a>.</p>
<h2>Accompagner le mourir</h2>
<p>Ainsi questionner l’accompagnement de la fin de la vie et non de <em>la fin de vie</em> constitue une perspective éclairante tant la notion de « fin de vie » se trouve souvent réduite à une définition médicalisante. Cette dernière repose principalement sur des critères et mesures cliniques et biologiques associant ce temps de la vie à une phase terminale d’une maladie incurable dont il s’agit de soulager les maux et d’apporter un maximum de (ré)confort au mourant et à ses proches.</p>
<p>La fin de la vie renvoie à une idée beaucoup plus large et plus floue, celle de la proximité de la mort, souvent associée à la grande vieillesse. Certains <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2021-1-page-53.htm?contenu=resume">travaux</a> rapprochent à ce titre les Unités de Soins Longues Durées voir mêmes les Ehpad à des lieux médicalisés d’accompagnement au mourir.</p>
<p>Les personnes qui y résident ne sont pas nécessairement atteintes d’une maladie en phase terminale mais leur espérance de vie y est, statistiquement, très réduite. La durée de séjour moyenne est de trois ans et quatre mois mais la moitié des séjours en Ehpad durent moins d’un an et demi. Lorsqu’il s’agit de « soigner » – au sens de <a href="https://ladispute.fr/catalogue/le-travail-du-care/"><em>care</em></a> – des personnes très âgées ne souffrant pas de maladie en phase terminale mais expérimentant une grabatisation extrême, de quoi est-il question ? Certains défendront l’idée d’un devoir social de sollicitude envers la fin de vie de nos anciens tandis que d’autres verront dans cet accompagnement une forme « d’acharnement thérapeutique » visant à prolonger des phases terminales.</p>
<h2>Hâter la mort</h2>
<p>Certains <a href="https://culturalcontextofaging.com/wp-content/uploads/2021/10/glascock.pdf">travaux</a> ont montré que plusieurs sociétés traditionnelles – mais ce fut aussi le cas en <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-1982-2.htm">France</a> - ont mis en œuvre des comportements visant à hâter la mort des personnes malades et/ou âgées qui pourraient s’apparenter à l’euthanasie ou au suicide assisté.</p>
<p>L’euthanasie désigne un acte pratiqué par un tiers qui met intentionnellement fin à la vie d’une personne à la demande de celle-ci. Dans le suicide assisté, la personne absorbe/s’injecte elle-même le produit léthal, souvent accompagnée d’un proche à ses côtés.</p>
<p>Bien qu’on puisse y voir une différence majeure car aucun tiers ne porterait la « responsabilité » de la mort dans le cas du suicide assisté, qu’en est-il lorsque la personne est en difficulté physique pour accomplir l’acte ? La frontière entre l’accompagnement et l’assistance semble dans ce cas, très ténue.</p>
<p>Dans cette réflexion sur le lexique, faut-il penser ensemble le suicide et le suicide assisté ? L’American Association of Suicidology (AAS) tient fermement à ce que se trouvent distingués l’« aide médicale à mourir (AMM) » (<em>physician assisted dying</em>) du <a href="https://suicidology.org/wp-content/uploads/2019/07/AAS-PAD-Statement-Approved-10.30.17-ed-10-30-17.pdf">suicide médicalement assisté</a>.</p>
<p>Pour cette association dont la vocation est la prévention du suicide, l’AMM s’adresse à des personnes en phase terminale qui n’ont pas nécessairement la volonté de mourir tandis que le suicide serait le fait de personnes qui ne sont pas mourantes mais qui veulent mourir parce qu’elles souffrent d’un désespoir psychologique.</p>
<p>Pour l’ASS comme pour certains médecins <a href="https://www.youtube.com/watch?v=yP_F9adAGf0&t=67s">psychiatres</a>, le suicide ne peut être un choix mais la résultante d’une souffrance (physique et/ou mentale).</p>
<h2>Mourir, un droit</h2>
<p>Si les <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/l-homme-devant-la-mort-philippe-aries/9782020089456">travaux historiques</a> témoignent de l’évolution et des métamorphoses de l’idée de la belle et de la bonne mort, on peut considérer que les débats contemporains autour l’idée de mort choisie remontent aux années 1970.</p>
<p>Aux États-Unis, le <a href="https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.3109/15563657808988256">Californian Natural Death Act</a> du 30 septembre 1976, promulgué le 1<sup>er</sup> janvier 1977 stipulait le droit d’une personne adulte de faire une directive écrite ordonnant à son médecin de suspendre ou de retirer les procédures de maintien de la vie en cas d’état terminal.</p>
<p>Dans cet acte, il n’est pas question de suicide assisté mais simplement de refuser l’acharnement thérapeutique et laisser mourir « naturellement » le patient. En France, le sénateur Henri Cavaillet déposait en avril 1978 la première proposition de loi relative au droit de vivre sa <a href="https://www.senat.fr/leg/ppl11-735.html">mort</a>.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506387/original/file-20230125-16-4jql0s.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">De nombreux militants et artistes ont choisi de « hâter » la mort.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/7OoxU4KAeDw">Jr Korpa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Le 17 novembre 1979, l’écrivain Michel Landa se faisait l’écho de cette proposition de l’amendement de l’article 63 du code pénal en publiant dans <em>Le Monde</em> un texte intitulé <a href="https://www.lemonde.fr/archives/article/1979/11/17/un-droit_2762443_1819218.html">« Mourir, un droit »</a>. Il y défendait <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-1980-1.htm">l’idée d’une mort digne</a> qui préserve le mourant de l’acharnement thérapeutique. Son argumentation repose sur l’idée de mauvaise mort et sur le fait qu’en l’absence de loi sur le droit au mourir, la société ne laisse aux personnes que l’option d’un « suicide solitaire, préparé en secret, et dont l’issue n’est jamais certaine ».</p>
<p>Dans ce texte, il choisit d’illustrer son propos en évoquant le « mouroir » et la grabatisation et sous-entend que si les vieillards ne se suicident pas plus, c’est qu’ils n’en ont pas les moyens matériel et physique. En 1980, Michel Landa et Pierre Simon fondaient l’<a href="https://www.admd.net/">Association pour le Droit à mourir dans la dignité</a> dont Henri Cavaillet fut président.</p>
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<p>Son successeur, le théologien Jacques Pohier développait en 1991 l’argument selon lequel la grande nouveauté de la mort est qu’elle survient désormais après une longue période de vie voire de survie, fruit des progrès de la médecine et des <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-1991-3.htm">conditions de vie</a>. Il défendait que cela conduit à des fins de vies, des morts qui s’éternisent et qui n’ont rien de « naturelles » puisqu’elles sont le « fruit de l’industrie humaine ». Selon lui, il y a deux options possibles pour la société : considérer qu’il est normal que l’être humain quitte la vie comme il l’a commencée avec une perte croissante de son autonomie ou assumer la responsabilité des progrès effectués et faire que quitter la vie soit le fruit d’un acte choisi.</p>
<h2>Une perception individualiste de la mort ?</h2>
<p>Dès les années 1980, ces arguments ont rencontré une forte opposition en particulier du côté des médecins (voir notamment <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-1991-3.htm">dans cet ouvrage</a> les articles de Robert Moulias, Renée Sebag-Lanoë, Emmanuel Hirsch).</p>
<p>Ces praticiens récusaient l’idée du droit au mourir et promouvait celle du droit aux soins. Ils considéraient que l’enjeu était l’accompagnement du mourir et le soulagement de la souffrance à une époque où le cancer causait déjà nombre de décès. Ces arguments furent à l’origine du développement des soins palliatifs en France à la suite de la <a href="https://sfap.org/system/files/circulaire-laroque.pdf">circulaire Laroque de 1986</a>.</p>
<p>L’idée de la mort choisie a ainsi été interprétée comme le fruit du mouvement d’individuation de la société et une <a href="https://www.mutations.fr/collection/">injonction à l’autonomie</a>. L’individu moderne se devrait d’être autonome, responsable de sa vie et donc aussi de sa mort.</p>
<p>Les plaidoyers pour un suicide assisté furent considérés par certains comme la <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2016-2-page-93.htm?contenu=resume">consécration d’un matérialisme exacerbé</a>, d’une société mortifère et transgressive ne reconnaissant plus de valeur à la vie des malades et des personnes âgées. Certains allant même jusqu’à voir le suicide assisté comme une incitation sociale au suicide et une <a href="https://www.cairn.info/le-suicide-des-personnes-agees--9782749240251-page-9.htm?contenu=resume">forme exacerbée d’âgisme</a>.Pour ces auteurs, le suicide assisté serait une réponse cynique au vieillissement et une discrimination envers les personnes âgées grabataires.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506390/original/file-20230125-16-ho4kwn.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’idée de la mort choisie a ainsi été interprétée comme le fruit du mouvement d’individuation de la société.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/oP1tjHHGpSU">Jr Korpa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Bien que plus modérés, plusieurs médecins et éthiciens, se sont clairement engagés pour les soins palliatifs et contre l’idée d’un droit à mourir argumentant que l’on ne <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-1991-3.htm">peut légiférer sur la mort</a>.</p>
<p>Dans les arguments des deux camps, l’éthique du bien mourir et la dignité humaine se trouvent mobilisées et le suicide y apparaît comme le parangon de la mauvaise mort.</p>
<h2>Le suicide assisté : débats contemporains</h2>
<p>En Suisse, le suicide est dépénalisé depuis 1937 et l’aide au suicide est tolérée si la personne est douée de discernement et si le mobile égoïste de l’assistant (un proche, souvent un membre de la famille) n’est pas établi.</p>
<p>Ainsi depuis 1982, plusieurs associations se sont créées pour aider les personnes qui, éprouvant différentes sortes de souffrances, <a href="https://www.cairn.info/revue-sciences-sociales-et-sante-2018-4-page-93.htm?ref=doi&contenu=article">souhaitent mettre fin à leur vie</a>. Les recherches montrent que la mort par suicide assisté en Suisse reste statistiquement marginale puisqu’en 2018, seul 1,8 % des décès tous âges confondus ont été causés par un suicide assisté.</p>
<p>Fait notable en revanche, le nombre de suicides assistés est supérieur à celui des suicides (non assistés) pour les <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2020-3-page-113.htm?contenu=resume">plus de 75 ans</a>).</p>
<p>En 2001, les Pays-Bas légalisaient l’euthanasie et le suicide assisté après les avoir dépénalisés en 1993 et 1994. En 2002, la Belgique dépénalisait l’euthanasie sous certaines conditions. <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2020-3-page-125.htm?contenu=resume">La loi permet en effet au médecin de pratiquer l’euthanasie</a> si le patient lui en fait la demande de manière « volontaire, réfléchie et répétée », et si ce dernier « se trouve dans une situation médicale sans issue et fait état d’une souffrance physique ou psychique constante et insupportable qui ne peut être apaisée et qui résulte d’une affection accidentelle ou pathologique grave et incurable ».</p>
<h2>Le déplacement des âges du mourir</h2>
<p>En dépit des divergences d’accès à ces fins de vie « choisies », plusieurs travaux menés en Suisse et en Belgique concordent sur le fait que les personnes âgées constituent une population majoritaire.</p>
<p>Le <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2021-1-page-11.htm">déplacement des âges du mourir</a> qui s’opère depuis le milieu du XIX<sup>e</sup> siècle fait que pour des pays comme la Suisse, la Belgique et la France, les deux tiers des décès annuels concernent des personnes de plus de 80 ans. C’est assez logiquement que l’on retrouve aussi une plus grande proportion de personnes âgées se tournant vers l’euthanasie et le suicide assisté.</p>
<p>En Suisse, pour l’année 2017, 86,6 % des suicides assistés concernaient des personnes de <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe-2020-3-page-155.htm?contenu=resume">plus de 65 ans</a>. En 2018, sur les 2 357 euthanasies déclarées en Belgique, 67,1 % des patients étaient âgés de plus de 70 ans. Parmi ce groupe d’âge, la tranche d’âge de 80 à 89 ans est la plus nombreuse, comptant pour 29,9 %.</p>
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<img alt="Ombre abstraite" src="https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C10%2C3589%2C2382&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/506383/original/file-20230125-9347-95y6eq.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les personnes âgées françaises se suicident et elle se suicident plus qu’à tous les autres âgées de la vie.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/B-jWtFd2gjU">JR Korpa/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Il est à ce titre édifiant de constater que l’argument de l’âgisme vu plus haut se trouve mobilisé par les requérants qui utilisent leur âge avancé tantôt pour convaincre les médecins, tantôt pour s’indigner d’une forme de discrimination d’accès à leur encontre. En Belgique, certains médecins qui pratiquent des euthanasies constatent que les demandes émanent de plus en plus souvent de personnes très âgées qui, sans être atteintes d’une affection grave en particulier, se plaignent d’une certaine <a href="https://www.ieb-eib.org/fr/flash/fin-de-vie/euthanasie-et-suicide-assiste/fatigue-de-vivre-et-euthanasie-519.html">fatigue de vivre</a> et d’une mort qui tarderait trop à venir. Or, la loi belge ne permet pas d’accéder à de telles demandes bien que cela fût objet de débats.</p>
<p>En Suisse, la question des affections liées à l’âge est en discussion au sein des associations d’aide au suicide depuis plus de 20 ans. L’association EXIT a ainsi introduit dans ses propres critères la « polypathologie invalidante liée à l’âge ».</p>
<h2>En France, un taux élevé de suicide avec l’âge</h2>
<p>Contrairement à la Belgique et à la Suisse et ainsi que l’illustrent la loi Leonetti (2014) puis la <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/les-soins-palliatifs-et-la-fin-de-vie/les-droits-en-faveur-des-personnes-malades-et-des-personnes-en-fin-de-vie/article/comprendre-la-loi-claeys-leonetti-de-2016">loi Cleys Leonetti</a> (2016) – et bien que certains aient assimilé cette dernière à une <a href="https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2016-2-page-9.htm">loi sur l’euthanasie déguisée</a> – la France ne s’est jusqu’ici pas engagée dans la voie du suicide assisté.</p>
<p>Pour autant, les personnes âgées françaises se suicident et elles se suicident plus qu’à tous les autres âges de la vie. Depuis que l’on dispose de statistiques sur le sujet, il apparaît que les taux de suicide augmentent avec l’âge.</p>
<p>Aujourd’hui, le <a href="https://drees-site-v2.cegedim.cloud/sites/default/files/2021-01/ons2016_mel_220216.pdf%20p.412">taux moyen de suicide</a> en France est de 10/100 000 mais il est de 33/100 000 pour les personnes de 75 ans et plus et supérieur à 120/100 000 pour les hommes de plus de 95 ans.</p>
<p>Depuis 2000, les taux de suicide en France ont diminué pour toutes les classes d’âge sauf pour les 95 ans et plus pour lesquels ils ont progressé de 9.2 points entre 2000 et 2016. Ainsi, ce sont chaque année plus de <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/article/observatoire-national-du-suicide">1500 personnes de plus de 75 ans qui se suicident en France</a> (1749 en 2014 et 1673 en 2016). Ces suicides demeurent pour autant relativement invisibilisés en France alors même que la mort des personnes âgées fut particulièrement médiatisée lors des premières vagues de Covid-19.</p>
<h2>Ne plus « continuer à vivre »</h2>
<p>Lorsqu’il est question de fin de la vie, les débats et les propositions de lois sont souvent alimentés par des « cas », des « affaires » ainsi qu’en témoigne la médiatisation des fins de vie de <a href="https://www.lefigaro.fr/actualite-france/2018/08/03/01016-20180803ARTFIG00020-vincent-humbert-l-homme-qui-a-relance-le-debat-sur-la-fin-de-vie.php">« Vincent Humbert »</a> en 2018 et <a href="https://theconversation.com/vincent-lambert-quels-enjeux-juridiques-et-ethiques-116557">« Vincent Lambert »</a> en 2019.</p>
<p>S’il n’en n’est pas de même pour le suicide assisté, c’est probablement parce que les situations dont il est question font l’objet d’un traitement médiatique plus ponctuel et non au long cours et peut-être aussi parce qu’elles concernent des personnes âgées, quand bien-même celles-ci sont des « personnalités publiques ».</p>
<p><a href="https://www.youtube.com/watch?v=KtKQR1822D8">David Goodall</a>, scientifique australien, est décédé le 10 mai 2018 en Suisse par <a href="https://www.nouvelobs.com/societe/20180510.OBS6459/david-goodall-scientifique-australien-de-104-ans-s-est-donne-la-mort-en-suisse.html">suicide assisté</a>, ce qu’il ne pouvait faire dans son propre pays. Paulette Guinchard, ex-députée française et secrétaire d’État aux personnes âgées, <a href="https://www.parismatch.com/Actu/Politique/Paulette-Guinchard-son-appel-a-Lionel-Jospin-avant-de-recourir-au-suicide-assiste-en-Suisse-1729162">a aussi choisi de mourir</a> par suicide assisté en Suisse le 4 mars 2021. Le <a href="https://www.lemonde.fr/m-le-mag/article/2022/12/02/les-derniers-jours-de-jean-luc-godard_6152595_4500055.html">cinéaste Jean-Luc Godard</a> a fait de même le 13 septembre 2022. Paulette Guinchard n’avait que 71 ans et était atteinte du « syndrome cérébelleux ». Suicidé à 104 ans, David Goodall ne souffrait d’aucune maladie en phase terminale mais jugeait que sa qualité de vie s’était détériorée et qu’il était temps de partir. Il avait fait une première tentative de suicide manqué quelques mois avant de se rendre en Suisse. La veille de son décès, il avait affirmé devant les médias « Je ne veux plus continuer à vivre ».</p>
<p>Enfin, Jean-Luc Godard avait 91 ans quand il est mort par suicide assisté. Alors que certains de ses proches avaient expliqué dans la presse le 13 septembre qu’il n’était pas malade mais simplement épuisé, moins de 10 jours plus tard, une contre-déclaration du coprésident d’Exit – l’association qui l’a accompagné dans son suicide – indiquait qu’il souffrait de « polypathologie invalidante liée à l’âge ».</p>
<p>Si ces trois cas ne doivent pas se substituer aux nombreux travaux scientifiques sur la question, ils illustrent plusieurs des questions qui se posent aujourd’hui autour de la fin de vie et du suicide assisté et notamment celle de l’accès à ce « droit ».</p>
<p>Pour les <a href="https://theconversation.com/fin-de-vie-ce-que-la-suisse-et-le-canada-nous-apprennent-sur-laide-a-mourir-97808">pays</a> qui ont mis œuvre des dispositifs de suicide assisté (voire d’euthanasie), être atteint d’une maladie incurable ne semble plus faire débat, cependant la question d’un accès lié aux usures de l’âge s’avère complexe car la frontière entre ce qui relève du pathologique et de la sénescence n’est pas si aisée.</p>
<p>Alors, et c’est sans doute cela qui devient le véritable enjeu de la réflexion, se pose la question de savoir par qui et comment sont définies et surtout évaluées les conditions d’accès et notamment les dimensions relatives à ce qui est une « maladie incurable », « les polypathologies invalidantes liées à l’âge » ou une « souffrance intolérable » en particulier lorsque cette souffrance est « morale ».</p>
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<h2>À découvrir aussi</h2>
<p><a href="https://theconversation.com/quand-les-morts-secouent-nos-habitudes-73386"><em>Quand les morts secouent nos habitudes</em></a></p>
<p><a href="https://theconversation.com/pourquoi-se-dirige-t-on-vers-une-legalisation-de-leuthanasie-en-france-190414"><em>Pourquoi se dirige-t-on vers une légalisation de l’euthanasie en France</em></a></p>
<p><a href="https://theconversation.com/soleil-vert-et-plan-75-deux-films-dystopiques-pour-alimenter-la-reflexion-sur-leuthanasie-192136"><em>Soleil Vert et Plan 75 deux films dystopiques pour alimenter la réflexion sur l’euthanasie</em></a></p>
<p><a href="https://theconversation.com/debat-francais-sur-leuthanasie-lecons-dallemagne-du-portugal-et-despagne-158170"><em>Débat français sur l’euthanasie : leçons d’Allemagne, du Portugal et d’Epagne</em></a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/198000/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Balard a reçu des financements de La Fondation de France pour la recherche Suicidâge consacrée au suicide des personnes âgées.</span></em></p>Questionner l’accompagnement de la fin de la vie et non de « la fin de vie » prend toute sa place dans les débats sur le suicide assisté.Frédéric Balard, Anthropologue, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1789592023-01-19T14:50:25Z2023-01-19T14:50:25ZLes défis d’être une personne proche aidante en milieu rural pendant la pandémie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466426/original/file-20220531-16-hx3lis.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=2%2C0%2C995%2C664&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les mesures liées à la pandémie ont eu des répercussions majeures sur la santé et le bien-être des PPA qui demeurent en région rurale.</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>Une personne proche aidante (PPA) <a href="https://www.publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-003000/">se définit comme</a> « toute personne qui apporte un soutien à un ou à plusieurs membres de son entourage qui présentent une incapacité temporaire ou permanente de nature physique, psychologique, psychosociale ou autre, peu importe leur âge ou leur milieu de vie, avec qui elle partage un lien affectif, familial ou non ».</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/a-laide-les-proches-aidants-sont-epuises-et-nous-en-payons-tous-le-prix-121420">À l'aide! Les proches aidants sont épuisés et nous en payons tous le prix</a>
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<p>La pandémie vécue depuis mars 2020 a mené les PPA à <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/chroniques/2022-04-15/gerer-mon-risque.php">revoir leur rôle de soutien</a> dans le respect des consignes sanitaires émises par la santé publique. Pour plusieurs, cette situation a eu pour effet d’augmenter leurs responsabilités, exacerbant de ce fait leur niveau de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1704222/info-proche-aidant-covid-19-chsld-domicile-augmentation-demande">stress, d’anxiété, d’épuisement et de détresse</a>.</p>
<p>Leurs expériences varient en fonction de la nature du diagnostic de la <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/document-003000/">personne aidée, de l’accompagnement requis, de l’aide et du soutien disponibles</a>, mais également <a href="https://doi.org/10.1177/23337214211025124">selon leur milieu (urbain ou rural) de vie</a>. À cet effet, des recherches suggèrent que l’accès aux services de soins est, de manière générale, <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1837064/etude-iris-soins-sante-rural-outaouais-classement">moindre en région rurale qu’en région urbaine</a>.</p>
<p>Membres de la Chaire interdisciplinaire sur la santé et les services sociaux pour les populations rurales à l’UQAR, <a href="https://www.uqar.ca/recherche/la-recherche-a-l-uqar/unites-de-recherche/chaire-interdisciplinaire-sur-les-services-de-sante-et-sociaux-pour-les-populations-rurales/axes-de-recherche-chaire-interdisciplinaire-sur-les-services-de-sante-et-sociaux-pour-les-populations-rurales">nous nous sommes intéressées</a> aux conséquences de la pandémie sur la santé physique et mentale des PPA demeurant en milieu rural et prenant soin d’une personne ayant un trouble de santé mentale, du spectre de l’autisme ou un problème lié au vieillissement. <a href="https://qualaxia.org/wp-content/uploads/2022/06/quintessence-vol-13-no-03.pdf">Une étude a été menée entre les mois de mars et août 2021, principalement dans quatre régions du Québec, auprès de 68 PPA et 14 acteurs communautaires (intervenants et directeurs d’organismes)</a>.</p>
<p>Les principales variables d’intérêt étaient la santé globale des PPA, les changements de responsabilités occasionnés par la pandémie et le statut rural-urbain. Il existe plusieurs définitions de la <a href="https://doi.org/10.1177/23337214211025124">« ruralité » en recherche sur la santé</a>. Deux principaux éléments de définition ont été retenus ici, soit la densité de la population (moins de 100 000 habitants) et le code postal.</p>
<h2>Détresse chez les PPA qui demeurent en milieu rural</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=521&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466856/original/file-20220602-14205-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=655&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">61,8 % des PPA et 92,8 % des acteurs communautaires considèrent que la pandémie a moyennement ou énormément fragilisé la santé globale des PPA.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les PPA estiment, dans une proportion de <a href="https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/1913/">61,8 %</a>, que la pandémie a affecté leur <a href="https://www.infodimanche.com/actualites/actualite/402748/limpact-de-la-pandemie-sur-les-proches-aidants">santé physique et psychologique</a>. Depuis le début de la crise sanitaire, 35,5 % d’entre eux révèlent avoir vécu des symptômes s’apparentant à la dépression (tristesse, irritabilité, difficultés de concentration, découragement, sentiment d’inutilité) ou à l’anxiété (incertitude, peur de l’inconnu, sentiment de perte de contrôle).</p>
<p>Par ailleurs, 76,9 % des acteurs communautaires croient que la pandémie a engendré une grande détresse émotionnelle chez les PPA, particulièrement chez celles devant prodiguer des <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/2020-06-01/l-epuisement-des-parents-fait-peur">soins soutenus</a> (en continu et sur du long terme), à un membre de leur entourage.</p>
<p>Les PPA qui rapportent avoir éprouvé une plus grande détresse psychologique indiquent aussi avoir ressenti davantage de symptômes physiques (courbatures, tensions musculaires, maux de tête, troubles digestifs). Celles qui prennent soin d’une personne présentant une autonomie fonctionnelle et un état de santé relativement stable ont été moins affectées par la crise.</p>
<p>Certaines ont pu conserver un soutien familial, social ou professionnel :</p>
<blockquote>
<p>Je parle au téléphone avec ma mère à tous les jours. J’ai aussi 4 sœurs, dont une qui s’implique beaucoup. Je sais que je peux l’appeler jour et nuit si j’ai besoin de quelque chose. Elle est vraiment touchée par ma situation et je sais que si j’ai besoin de quelque chose, je peux compter sur elle.</p>
</blockquote>
<p>D’autres ont pu maintenir ou adopter de saines habitudes de vie, leur permettant ainsi d’évacuer plus facilement leur stress et se changer les idées :</p>
<blockquote>
<p>Depuis le mois de mars, je me suis mise à faire de l’exercice, 1h de marche dehors, puis du tapis roulant, à peu près 30 minutes par jour et c’est très sain pour mon psychologique.</p>
</blockquote>
<h2>Portrait de la situation</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=346&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466855/original/file-20220602-9439-8dvu4g.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=435&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Un échantillon de 68 PPA, soit 56 femmes et 12 hommes, provenant de différentes régions du Québec, ont participé à la première phase de cette étude qui consistait à remplir un questionnaire en ligne.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>L’étude révèle que la pandémie et les restrictions sanitaires ont suscité de <a href="https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/1912/">nouvelles inquiétudes</a> chez les PPA demeurant en milieu rural.</p>
<p>D’une part, celles dont la personne aidée demeure à l’extérieur (logement autonome, ressource de type familial (RTF), ressource intermédiaire (RI), centre d’hébergement de soins de longue durée (CHSLD)) ont dû <a href="https://www.lapresse.ca/covid-19/2020-04-24/chsld-les-proches-aidants-veulent-que-quebec-assouplisse-les-regles">restreindre leurs contacts</a> et n’ont pu assurer les mêmes soins et offrir le même soutien qu’avant la pandémie. Cette situation a généré de <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1697697/proche-aidant-chsld-quebec-appui-personne-agee-coronavirus">l’impuissance, de l’anxiété et des inquiétudes</a> chez les PPA, concernant la situation de leur proche.</p>
<p>D’autre part, les PPA qui <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1777960/quebec-vaccination-covid-19-handicape-autiste-deficience-ressource-supervisee">demeurent avec la personne aidée</a> ont vu leur charge de travail et leurs responsabilités s’accroître, particulièrement lors de la période de confinement :</p>
<blockquote>
<p>C’était d’organiser ses journées, de le surveiller pour ne pas qu’il passe 100 % de son temps sur l’ordi, de surveiller qu’il mange, qu’il prenne sa médic, qu’il se lave, qu’il s’habille, qu’il s’occupe de son chien, c’était tout ça. Donc c’était une surcharge de travail pour moi, vraiment une surcharge.</p>
</blockquote>
<p>Leur quotidien étant centré sur leur rôle de soutien, les PPA ont été privées des moments de répit ou de détente et ont vécu beaucoup d’isolement et de solitude. Ainsi, 40 % des PPA de l’étude croient que les mesures sanitaires les ont beaucoup ou énormément contraintes dans leur rôle d’aidants et 50 % estiment que ce rôle a présenté davantage de défis au quotidien.</p>
<h2>La particularité du milieu rural</h2>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466857/original/file-20220602-15259-brs9v3.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=547&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">61,4 % des PPA et 71,4 % des acteurs communautaires croient que la proche aidance se vit différemment en milieu rural et en milieu urbain.</span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans les milieux ruraux, l’accessibilité réduite aux services de santé, en particulier aux services spécialisés, a été exacerbée par la pandémie. <a href="https://semaphore.uqar.ca/id/eprint/1916/">Les milieux ruraux sondés</a> ont été touchés par les mesures gouvernementales visant à limiter la propagation du virus : fermeture des ressources d’aide et de soutien, délestage de certaines activités et transitions de divers soins et services en mode virtuel.</p>
<p>Des <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1816567/deficience-intellectuelle-pandemie-pertes-acquis-services">personnes vulnérables</a> ont été privées d’accès à plusieurs ressources pourtant essentielles à leur bien-être physique et psychologique, alourdissant de ce fait les responsabilités des PPA déjà éprouvées. Le tiers révèle avoir dû s’impliquer davantage auprès de la personne aidée pour <a href="https://www.lapresse.ca/actualites/sante/2021-09-22/ruptures-de-services/c-est-pire-que-jamais.php">combler le manque de services sur leur territoire</a>.</p>
<blockquote>
<p>Mon fils s’est détérioré. Les difficultés qu’on a rencontrées à cause de la pandémie ont augmenté. Son anxiété, sa rigidité, son agressivité ont pris de l’ampleur. Il s’est mis à avoir des comportements inappropriés, des rituels, des obsessions, des choses comme ça. On n’avait plus les services pour l’aider. Tout reposait sur nous. On est exténués.</p>
</blockquote>
<p>Plusieurs d’entre elles évoquent aussi leur difficulté à composer avec le surcroît de responsabilités occasionné par le <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1856012/sante-pandemie-delestage-penurie">manque de disponibilité et d’accessibilité des ressources</a>. Le passage à des services en mode virtuel a représenté un défi supplémentaire pour ces milieux, où les <a href="https://www.ledroit.com/2021/12/06/internet-en-zone-rurale-le-parcours-dun-combattant-e3f3181e7a09ea96312c47f51c0d6dd3">problèmes de connectivité</a> ont empêché une utilisation optimale des plates-formes de télécommunication. De plus, plusieurs PPA estiment que les rencontres virtuelles se sont avérées plus ou moins adaptées à leurs besoins et à ceux de leur proche, rendant davantage complexe une juste évaluation de la gravité des situations.</p>
<blockquote>
<p>Son éducatrice voulait me donner un coup de main par Zoom, mais devant l’écran, souvent le comportement de l’enfant change. C’est attractif. Ma fille fait une fixation sur tout ce qui est électronique, donc aussitôt qu’on faisait une rencontre Zoom, elle se métamorphosait complètement, son caractère changeait, donc c’était pas du tout la même façon d’intervenir. Ça été problématique.</p>
</blockquote>
<h2>Des pistes de solutions</h2>
<p>La <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2021/21-835-01W.pdf">première Politique nationale</a> pour les personnes proches aidantes (2021) et les mesures du <a href="https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2021/21-835-11W.pdf">Plan d’action gouvernemental</a> en découlant offrent déjà des pistes de réflexion intéressantes (reconnaissance des compétences et des connaissances des PPA, adoption d’une approche de partenariat, développement d’environnements conciliants, promotion des ressources).</p>
<p>Il convient toutefois d’examiner comment intervenir de façon plus ciblée en tenant compte de la diversité des contextes de proche aidance et des réalités spécifiques aux milieux ruraux.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178959/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Marie-Hélène Morin a reçu des financements de Fond institutionnel de recherche de l'Université du Québec (FIR-UQAR); Réseau intersectoriel de recherche en santé de l'Université du Québec (RISUQ); Ministère de l'économie et de l'innovation (MEI). </span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Anne-Sophie Bergeron ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La pandémie a eu des conséquences sur la santé physique et psychologique des personnes proches aidantes qui prennent soin d’une personne demeurant en région rurale.Marie-Hélène Morin, Professeure travail social, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Anne-Sophie Bergeron, Agente de recherche, Université du Québec à Rimouski (UQAR)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1928922022-12-05T19:08:07Z2022-12-05T19:08:07ZLes nouvelles générations de retraités : une vieillesse à inventer<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/497957/original/file-20221129-22-ylhxym.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C38%2C5184%2C3406&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une enquête récente auprès de retraités en activité professionnelle ou impliqués dans des activités ludiques, montre leur souhait de travailler différemment, en gardant la maîtrise de leur temps et rythme de travail.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/pwMds57bapI">Tiago Muraro/Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Comme ce fut le cas lors des précédentes réformes, le débat sur l’avenir des retraites est avant tout centré sur les moyens de ramener l’équilibre financier des régimes de retraite.</p>
<p>Les questions liées au mode de vie et aux attentes des retraités apparaissent bien secondaires. Pourtant, le profil des nouvelles générations de retraités a bien <a href="https://www.cairn.info/revue-gerontologie-et-societe1-2002-3-page-53.htm">évolué</a> depuis ces dernières décennies.</p>
<p>Pour mieux l’appréhender, nous avons réalisé une enquête pour le compte de la Mutualité française Île-de-France intitulée « Du travail à la période de retraite : Enquête auprès des jeunes retraités franciliens » (rapport de recherche LIRTES, UPEC, 2022, non-communiqué actuellement). Son objectif a été de saisir les attentes et les besoins de cette population afin de mettre en œuvre des actions d’aide et de prévention adaptées.</p>
<p>À cet effet, nous avons d’abord mené une enquête par questionnaires auprès de 3516 retraités âgés entre 54 et 75 ans vivant en Île-de-France, puis celle-ci a été complétée par une enquête qualitative réalisée par entretiens.</p>
<h2>Un âge de départ en retraite globalement maîtrisé</h2>
<p>Même si la notion d’âge légal de départ en retraite, actuellement de 62 ans à taux plein, tend à être diluée sous le coup des réformes successives du <a href="https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications-documents-de-reference/panoramas-de-la-drees/les-retraites-et-les-retraites-edition">système des retraites,</a> elle reste un horizon à atteindre pour 42 % des retraités interrogés.</p>
<p>Et les trois quarts des répondants ont très majoritairement le sentiment d’avoir réussi à partir quand ils l’avaient prévu et 68 % considèrent qu’ils sont partis au bon moment. Quant à ceux qui ont fait le choix de partir précocement, ils le font pour des raisons positives comme le fait de vouloir profiter de leur retraite (30 %), mais parfois négatives comme le constat d’une dégradation des conditions de travail (24 %).</p>
<p>Le cumul emploi-retraite reste une pratique minoritaire (11,5 %). Il est pratiqué tant par des personnes disposant d’une forte expertise professionnelle que par celles qui subissent une carrière professionnelle non linéaire et donc un faible niveau de pension qu’il est alors nécessaire de compléter. Du fait d’une législation plus favorable au cumul entre emploi et retraite, celui-ci est en <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2013-2-page-39.htm">progression</a>.</p>
<p>Les entretiens réalisés témoignent par ailleurs d’une porosité croissante entre travail et retraite : la période de retraite est de moins en moins considérée en opposition par rapport à celle du travail. Qu’il s’agisse des personnes reprenant une activité professionnelle ou simplement s’engageant dans une activité quelconque, leur point commun est de souhaiter travailler différemment, en gardant la maîtrise de leur temps et rythme de travail.</p>
<h2>Une solidarité intergénérationnelle qui évolue</h2>
<p>Au sein de la famille, l’aide apportée aux enfants concerne en premier lieu la garde d’enfants. Un quart des répondants disent garder régulièrement leurs petits-enfants. Mais cette fonction traditionnelle de la <a href="https://journals.openedition.org/lectures/497">grand-parentalité</a>, a évolué. Désormais, les jeunes retraités prennent garde à préserver leur liberté.</p>
<blockquote>
<p>« On est souvent avec notre petit-fils les mercredis ou pendant les vacances, ça soulage un peu notre fils et sa compagne, mais ce n’est pas un engagement écrit… on a du plaisir, je veux que ça reste du plaisir, c’est pas une obligation. Si on a quelque chose à faire un mercredi, ou pendant les vacances, on leur dit, on ne sera pas là et ils se débrouillent, à eux de s’organiser »</p>
</blockquote>
<p>L’autre aide importante apportée aux enfants concerne l’aide financière : 18 % des personnes interrogées déclarent aider régulièrement leurs enfants d’un point de vue financier, et 38 % de temps en temps. Ces chiffres ne sont guère surprenants dans un <a href="https://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe1-2007-2-page-175.htm">contexte</a> où les trajectoires professionnelles et personnelles des jeunes actifs sont moins <a href="https://www.strategie.gouv.fr/espace-presse/jeunesse-vieillissement-politiques">linéaires</a> qu’auparavant.</p>
<p>En revanche, seuls 16 % des jeunes retraités sont amenés à aider leurs parents, que ce soit régulièrement ou de temps en temps. Ce faible chiffre est toutefois à relativiser car les trois quarts des retraités de notre échantillon n’avaient déjà plus d’ascendants en vie. Mais cela témoigne malgré tout du rôle important joué par le système de retraite dans l’accroissement relatif du <a href="https://www.inegalites.fr/La-pauvrete-selon-l-age">niveau de vie</a> des personnes âgées actuelles.</p>
<p>Néanmoins, la solidarité intergénérationnelle reste une réalité. Par exemple, notre enquête montre que les deux tiers des jeunes retraités apportent une aide administrative et numérique à leurs parents.</p>
<h2>Un engagement mosaïque dans plusieurs activités à la retraite</h2>
<p>Avec la généralisation du système des retraites, les retraités ont progressivement eu accès à des activités de loisirs, dites du troisième âge, à partir des années 1970. Mais aujourd’hui, le champ des possibles s’est considérablement diversifié.</p>
<p>Il en résulte pour une majorité de personnes un mode de vie constitué d’une multitude d’activités, allant du temps pour soi jusqu’au bénévolat, en passant par des activités physiques et de loisirs. Cette diversité des pratiques traduit également un engagement <a href="https://www.dunod.com/engager-dans-une-societe-d-individus">« post-it »</a> privilégiant l’envie de profiter de son temps libre et de la liberté qu’offre la vie d’après le travail.</p>
<p>Cette diversité des pratiques doit cependant être nuancée. Elle est fortement corrélée au niveau de diplôme et au sentiment d’aisance financière. Ainsi, les personnes qui ont un faible niveau de diplôme et/ou un niveau de vie difficile sont celles qui déclarent le plus souvent ne pas avoir d’activités particulières au moment de la retraite. Autrement dit, les inégalités sociales ne s’arrêtent pas le jour du départ en retraite…</p>
<p>Par exemple, les personnes disposant d’un brevet des collèges sont 10 % à ne pas avoir d’activités particulières, contre 1 % pour celles disposant d’un doctorat. A l’inverse, elles ne sont que 2 % à faire du bénévolat, contre 14 % pour les autres. On note également que plus le niveau de vie est perçu comme difficile, plus les activités sont restreintes et réduites à « prendre soin de soi ». Quant aux retraités disposant le plus de ressources sociales, ce sont eux qui s’approprient le plus facilement les messages publics de prévention, comme le fait de pratiquer une activité physique régulière à la retraite.</p>
<h2>La crainte du mal vieillir</h2>
<p>Un tiers des personnes interrogées envisagent des adaptations de leur logement. Si seulement 9 % d’entre elles ont déjà mis en place des choses concrètes, par exemple l’adaptation d’une douche ou de toilettes adaptées, plus de la moitié (53 %) ont malgré tout commencé à y réfléchir pour anticiper d’éventuels problèmes de dépendance ultérieurs. Et plus les personnes disposent d’un niveau de diplôme élevé, plus elles disent commencer à y réfléchir. Ces chiffres traduisent une propension croissante des jeunes retraités à se projeter dans l’avenir quant à leur propre vieillissement.</p>
<p>Les raisons avancées à ce désir de se projeter dans l’avenir sont liées à la volonté de ne pas vieillir comme ses parents ou les personnes de son entourage et surtout de ne pas être une charge pour ses proches. Ce qui conduit les personnes retraitées à expérimenter un nouveau mode de vie accordant de l’importance à la qualité de leur lieu de vie et à l’entretien de leur réseau relationnel. Mais ce faisant, leur perception du vieillissement repose sur une figure repoussoir : le « vieux dépendant » et l’Ehpad, dont ils cherchent à se démarquer en s’identifiant à la figure opposée qui est celle du « senior », jeune et actif.</p>
<blockquote>
<p>« Je ne voudrais pas être dépendante, c’est quelque chose que je ne supporterais pas. »</p>
<p>« Franchement, j’espère que ça me sera épargné. C’est pour ça que je ne veux pas vivre trop longtemps. Ah non, en Ehpad, c’est épouvantable. »</p>
</blockquote>
<h2>Le jeunisme comme idéal ?</h2>
<p>Les entretiens semi-directifs ont permis de recueillir de nombreux propos tout aussi catégoriques. Ce n’est donc pas un hasard si ce rejet de la grande « dépendance » ou de la maladie grave se manifeste par un refus de l’acharnement thérapeutique, et, au-delà, très massivement, par un engagement en faveur d’une évolution législative autorisant le suicide assisté.</p>
<blockquote>
<p>« Moi je suis pour l’euthanasie, choisie, pas décidée par les autres. Mais moi ce que j’espère c’est si un jour je devenais grabataire comme ça qu’on m’autorise à partir. Dans la dignité. »</p>
</blockquote>
<p>La volonté d’être autonome et de garder une liberté de choisir est fortement affirmée par les nouvelles générations de retraités. Il y a là un vecteur de changements profonds qui obligera la société à repenser beaucoup de dispositifs actuellement mis en œuvre qui négligent cette revendication d’autonomie.</p>
<p>Néanmoins, elle comporte un effet pervers en contribuant à occulter le grand âge qui fait ainsi office de repoussoir. Ce faisant, les nouvelles générations de retraités alimentent elles-mêmes une <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/le-droit-de-vieillir-9782213605449">forme de jeunisme dans la société</a> considérant que la vie ne vaut la peine d’être vécue que si l’on est jeune et en bonne santé.</p>
<p>Une telle affirmation mérite d’être réinterrogée sur le plan éthique, à moins que l’élimination des plus de 75 ans soit considérée comme un avenir souhaitable comme le propose de façon très cynique le film japonais primé à Cannes en mai, <a href="https://www.rfi.fr/fr/culture/20220523-cannes-2022-le-film-choc-plan-75-sur-l-euthanasie-de-la-japonaise-chie-hayakawa">Plan 75</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une enquête inédite montre que la période de retraite est de moins en moins considérée en opposition à celle du travail et indique une évolution dans le profil et attentes des retraités.Dominique Argoud, Maître de conférences en sciences de l'éducation, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Sebastián Pizarro Erazo, Attaché temporaire d'enseignement et de recherche, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC)Zoé Yadan, Docteure en Sciences de l'Education et de la Formation, Université Paris CitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1943622022-11-15T16:54:15Z2022-11-15T16:54:15ZLes questions étonnamment actuelles sur le grand âge lors des débats parlementaires de 1790<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/494661/original/file-20221110-11-4zn7mt.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C1%2C929%2C692&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Dès 1790, l'Assemblée nationale constituante va accueillir des débats très modernes sur l'assistance dues aux personnes âgées.</span> <span class="attribution"><span class="source">Gallica-BNF</span></span></figcaption></figure><p>Les mesures de prise en charge de la dépendance liée à l’âge sont souvent présentées comme une problématique moderne. À tort. Nous vous proposons de découvrir ici une archive parlementaire de l’Assemblée nationale constituante, première instance démocratique française, datant de 1790, présentant déjà un <a href="https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k429342/f1.item">projet de décret visant à poser l’assistance publique aux vieillards</a>.</p>
<p>Si le document est ancien, il fait étonnamment écho à notre système contemporain. Non seulement il propose des solutions modernes et préfigure notre système de prise en charge de la dépendance, mais il introduit également le débat sur l’utilité sociale de l’assisté et l’obligation de rendre un service à la communauté pour obtenir une aide supérieure.</p>
<p>Débat qui est toujours d’actualité.</p>
<p>Ce texte méconnu nous permet ainsi de prendre du recul sur les échanges actuels en soulignant que ces problématiques (dignité, devoir d’assistance, financement, etc.) se posent en termes identiques depuis plusieurs siècles et avec autant d’acuité…</p>
<h2>Quand les procédures écrasent l’humain</h2>
<p>Le rapport de la Commission de mendicité a été présenté le 31 août 1790, et avait alors proposition de décret. Dans son Titre III, dédié au secours aux vieillards et aux infirmes, il annonce d’emblée l’universalité du sentiment de respect envers « ceux affaiblis par l’âge », avant de développer :</p>
<blockquote>
<p>« [Dans] les secours accordés à la vieillesse, nous n’avons pas cependant du oublier que l’assistance publique perdrait le caractère de la bienfaisance, si elle sortait des règles invariables d’une apparente sévérité, importantes à maintenir dans des secours que la prévoyance de ceux qui y recourent eu pu peut-être leur rendre inutiles, et compatibles cependant avec les douceurs, les soins, les ménagements dus à l’infirmité et à la vieillesse.</p>
<p>C’est pour réunir toutes ces vues que votre comité c’est d’abord occupé d’épargner au vieillard indigent le spectacle déchirant de ses propres infirmités, qu’il voyait, pour ainsi dire, se multiplier sous ses yeux dans les hôpitaux. Vous avez vu dans nos précédents rapports sur ces hospices de l’humanité souffrante, que le pauvre, souvent aigri par le sentiment de sa misère et de ses maux, chagrin de ne se voir entouré que de privations et d’objets dégoûtants, murmure sans cesse contre les administrations et les administrateurs ; que la réflexion ajoute au poids de son infortune, et ne lui laisse d’autre espoir que la mort qui doit y mettre fin. »</p>
</blockquote>
<p>Nous y trouvons une critique très moderne de l’assistance faite aux personnes âgées, et notamment de la bureaucratie et de l’aspect procédurier des mesures de prise en charge. Cette critique, portée aujourd’hui par les recherches de sociologues du travail comme <a href="https://www.seuil.com/ouvrage/le-phenomene-bureaucratique-michel-crozier/9782020006033">Michel Crozier</a> ou <a href="https://www.puf.com/content/Sociologie_du_monde_du_travail">Norbert Alter</a>, trouve un écho tout particulier dans les <a href="https://theconversation.com/Ehpad-et-maltraitance-comment-sortir-de-la-crise-176045">récentes affaires de maltraitance en milieu institutionnel</a>.</p>
<p>Le rapport fait par ailleurs état du fait que les hôpitaux, en raison de l’importance du nombre de leurs agents, ont pour habitude de détourner les secours alloués aux plus démunis : signe d’une prise de conscience précoce de la notion de vulnérabilité… et de la nécessaire mise en place de procédures sociales de compensation de la dépendance.</p>
<p>Le texte se poursuit par une violente indignation plaidant pour l’obligation alimentaire (celle-ci devra attendre le code civil pour renaître). Le comité nous dit :</p>
<blockquote>
<p>« Mais nous avons dû nous rappeler, avec un sentiment pénible, qu’il existe, pour la honte de l’humanité, des enfants ou plutôt des monstres à qui la nature semble avoir refusé le doux sentiment de la piété familiale ; des fils ingrats qui, oubliant la faiblesse et les besoins de leurs premiers ans, méconnaissent la main secourable que la tendresse paternelle a tendue à leur enfance. Ce crime contre nature, contre lequel la loi n’a que peu de prise, nous a semblé ne pouvoir être suffisamment puni que par l’opinion publique ; de là cette disposition que nous osons vous présenter et qui prive des droits de citoyen le fils ingrat ou dénaturé, qui, avec les moyens de soigner les vieux jours de celui dont il a reçu la vie, se refuserait à ce devoir sacré ; nous le renvoyons à la réprobation de la société entière. »</p>
</blockquote>
<h2>Les bases financières de l’assistance à domicile</h2>
<p>Le rapport pose les principes de base de l’assistance à domicile, et plus particulièrement son financement.</p>
<p>Il insiste sur les disparités géographiques empêchant, selon lui, de définir un tarif fixe pour l’ensemble du territoire. Un revenu de subsistance est proposé, indexé de la façon suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Les bases que nous avons adoptées pour fixer les secours à domicile, consistent à prendre dans les différentes parties du royaume, pour maximum de ces secours un prix proportionné aux moyens nécessaires de subsistance, et à les graduer sur la diminution des forces ou l’accroissement des années. Nous avons cru devoir assujettir ces dépenses publiques à des formes multipliées ; et vous reconnaîtrez avec nous, Messieurs, que cette espèce de rigueur indispensable sera une digue puissante que les administrateurs pourront opposer aux demandes importunes et mal fondées de l’insouciance et de l’avidité. »</p>
</blockquote>
<p>Une approche qui évoque clairement celle adoptée de nos jours dans l’évaluation des montants d’aides apportés au titre de l’<a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-a-domicile/aides-financieres/lapa-domicile">Allocation personnalisée d’autonomie (APA)</a>.</p>
<p>Ce rapport introduit par ailleurs la notion de dette sociétale qui entraîne un besoin de réparation par l’assistance de la nation. Il l’exprime en ses termes :</p>
<blockquote>
<p>« Nous vous proposons en conséquence d’accorder au faible vieillard, vivant en commun, un traitement en nature, de facile préparation, simple, substantiel, avec une légère rétribution en argent dont il puisse disposer à son gré pour se procurer les douceurs qui lui conviendront. Le caractère de liberté qui distingue ce dernier genre de secours, nous a paru le plus propre à consoler la vieillesse, en acquittant la dette de la société. »</p>
</blockquote>
<p>Nous pouvons ainsi retrouver, en plus de l’introduction de la dette, des notions très modernes pour l’époque ayant trait à la liberté des seniors à disposer d’eux-mêmes.</p>
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<h2>Le respect de la personne et de sa dignité</h2>
<p>La notion de dignité s’avère ainsi être une question qui trouve ses origines dès les premières heures de notre République – et qui n’a, semble-t-il, pas encore trouvé de réponse.</p>
<p>Cette question a dans ce rapport une place importante. Déjà évoquée lorsqu’étaient critiqués « les administrations et administrateurs », elle s’exprime également par la prise en compte d’un besoin souvent oublié : celui du plaisir et de la distraction. La proposition d’allocations financières, certes faibles, doit permettre au vieillard, en plus de la prise en compte de ses besoins vitaux, d’accéder à ce que deux siècles plus tard l’<a href="https://nurseslabs.com/virginia-hendersons-need-theory/">infirmière Virginia Anderson appellera le « besoin de se récréer ou de se réaliser »</a>.</p>
<p>Inquiets de favoriser l’oisiveté et l’absence de prévoyance par une assistance trop généreuse, les auteurs ont ainsi justifié la mesure de la façon suivante :</p>
<blockquote>
<p>« Comme il n’est ni dans vos principes, ni dans ceux d’une saine politique, que l’homme imprévoyant ne soit pas aussi bien traité dans sa vieillesse que celui qui s’est ménagé des ressources, nous avons pensé que le traitement, tant en nature qu’en argent, ne devrait être que suffisant, et borné au plus étroit nécessaire. »</p>
</blockquote>
<p>Cependant, afin de ne pas infliger un traitement trop strict, et considérant probablement que le vieillard non impotent doit pouvoir jouir de moyens supplémentaires, le rapport préconise que les hôpitaux doivent s’organiser pour permettre à ceux qui le souhaiteraient de réaliser « divers travaux convenables ». Ceci afin que le vieillard bénéficiant d’assistance puisse tirer un revenu complémentaire par son travail.</p>
<p>Le rapport estime que, dans ce travail, l’individu trouvera « un attrait qui lui donne l’espoir d’un meilleur sort sur les bords du tombeau ». Il s’agit par ailleurs, selon lui, « pour la jeunesse, d’un exemple du travail jusqu’au terme le plus avancé de la vie ». Le parallèle avec des débats actuels peut se faire là encore, qu’il s’agisse du conditionnement du RSA à un travail « bénévole » ou du recul de l’âge légal de la retraite. Les grands principes qui animent ces mesures affichent une certaine similarité avec les motifs exposés ici.</p>
<h2>Un témoignage historique</h2>
<figure class="align-right ">
<img alt="Début du Titre III, Secour aux vieillards et infirmes" src="https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=972&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/494639/original/file-20221110-13-cmdrkq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1221&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Ces débats parlementaires sur la question de la dépendance « du vieillard » sont parmi les plus anciens connus sur ces questions.</span>
<span class="attribution"><span class="source">BNF-Gallica</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces débats, tenus le 31 août 1790 au sein de l’Assemblée nationale constituante, représentent sans doute l’une des plus anciennes retranscriptions de la question de la dépendance liée à l’âge dans le débat politique français. Nous pouvons en effet considérer que cette période de transition entre le régime monarchique et la Première république comme le terreau des <a href="https://www.cairn.info/la-reforme-des-systemes-de-sante--9782715406711.htm">grands bouleversements sociétaux que connaîtra la France</a> <a href="https://www.fredericbizard.com/histoire-de-la-protection-sociale-en-france">tout au long du XIXᵉ siècle</a>.</p>
<p>Bien que ce projet de décret n’ait jamais réellement trouvé d’application, il traduit une préoccupation pour le traitement accordé aux personnes âgées et nous informe sur les conditions de leur prise en charge. Cette assistance est alors réalisée sous deux formes : soit à domicile pour les vieillards ayant un soutien familial suffisant, soit en hôpital pour les moins fortunés.</p>
<p>Cela nous amène à penser que nos débats « modernes », s’ils ne sont pas de naissance récente, sont bel et bien liés à l’origine de la société contemporaine. On peut y voir une preuve de la complexité de la résolution de la prise en charge digne du vieil âge. Prise en charge qui doit nous amener à y répondre avec le sérieux nécessaire à une question n’ayant toujours pas trouvé de solution acceptable bien qu’elle fût présentée dans des conditions similaires aux nôtres il y a maintenant plus de 220 ans.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/194362/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Sébastien Dambrine est adhérent en qualité d'étudiant au collège des économistes de la santé et à l'Association d'économie sociale.</span></em></p>En 1790, l’Assemblée nationale constituante recevait un rapport à la modernité frappante sur l’assistance aux « vieillards ». Entre allocation et respect, il met en perspective les choix actuels.Sébastien Dambrine, Doctorant en économie de la santé, Université Sorbonne Paris NordLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1921362022-10-23T15:30:48Z2022-10-23T15:30:48Z« Soleil vert » et « Plan 75 » : deux films dystopiques pour alimenter la réflexion sur l’euthanasie<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/490046/original/file-20221017-15-ngfxg5.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=13%2C0%2C599%2C403&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.allocine.fr/film/fichefilm-291774/photos/detail/?cmediafile=21921035">Eurozoom / allociné</a></span></figcaption></figure><blockquote>
<p>« Aujourd’hui, le Parlement a voté la loi dite “Plan 75”, qui accorde aux citoyens de 75 ans et plus le droit à l’euthanasie, pour lutter contre le vieillissement de la population. »</p>
</blockquote>
<p>Voici les mots qui ouvrent <em>Plan 75</em>, film japonais réalisé par Chie Hayakawa et récompensé d’une mention spéciale de la Caméra d’or au dernier Festival de Cannes. En installant sa dystopie dans un futur proche, et dans un monde qui ressemble à s’y méprendre au nôtre, la réalisatrice interroge les possibles dérives d’une société qui, en achevant de confondre liberté et libéralisme, transforme ses personnes âgées en marchandises comme les autres.</p>
<p>En effet, si l’on accorde aux personnes âgées le droit à l’euthanasie, et que la démarche est jusqu’à la fin du film présentée comme un choix personnel, où le participant est conscient et volontaire (d’ailleurs, il est spécifié à plusieurs reprises que « dans le cas où [il changerait] d’avis, [il peut] renoncer à tout moment »), ce sont les conditions mêmes de ce choix que Chie Hayakawa interroge.</p>
<p>Cinquante auparavant, un autre film, lui aussi film d’anticipation dystopique, interrogeait les rapports entre capitalisme et euthanasie active des personnes âgées ou vulnérables. <em>Soleil vert</em> (<em>Soylent Green</em> en anglais), film américain sorti en 1973, imagine un New York de 2022 surpeuplé, où la population – masquée – est ravagée par les épidémies, souffre du réchauffement climatique et, conséquence directe du dérèglement, de pénuries de nourriture. Dans ce monde désolé et au bord de l’implosion où les pauvres s’entassent par centaines dans les rues et dans les églises, certains bâtiments sont préservés de la chaleur et de l’insalubrité.</p>
<p>C’est le cas des immeubles où sont logés les cadres et dirigeants de Soylent, l’entreprise la plus puissante de la ville, qui vend à la population affamée – tout en en organisant le rationnement – des portions hyperprotéinées qui leur permettent de survivre. L’autre bâtiment préservé et immaculé est le centre d’euthanasie. Dans ce film aussi, les citoyens, en majorité des citoyens âgés, se rendent volontairement au centre ; là aussi, la notion de choix, étant donné les conditions de vie des personnes concernées, est sérieusement mise en question.</p>
<h2>Une thématique récurrente</h2>
<p>Les films sur l’euthanasie existent pratiquement depuis les débuts du cinéma (le premier film sur le sujet, <em>Oslerizing Papa</em>, <a href="https://doi.org/10.1057/9780230102293_14">date de 1905</a> ; ils accompagnent et contribuent à informer les <a href="https://theconversation.com/pourquoi-se-dirige-t-on-vers-une-legalisation-de-leuthanasie-en-france-190414">débats sur l’euthanasie</a> qui ressurgissent périodiquement dans l’espace public. Les deux dernières décennies ont connu une multiplication des films sur le sujet, dont plusieurs, presque toujours en faveur du droit à mourir, ont eu un fort retentissement, et ont obtenu de prestigieuses récompenses : c’est le cas, entre autres, des <em>Invasions Barbares</em> (2003), de <em>Million Dollar Baby</em> (2004), de <em>Mar Adentro</em> (2004), récompensés aux oscars, ou plus récemment, de <em>Amour</em> (2012), Palme d’Or du Festival de Cannes.</p>
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<p>En plaçant au centre de l’espace public ces images et ces récits de fin de vie, ces films permettent de poser un certain nombre de questions éthiques et sociales, et, par leur succès, contribuent à informer l’opinion publique ; il n’est alors pas anodin de constater que cette multiplication des films sur l’euthanasie correspond à une intense activité législative sur la question, en particulier au niveau européen (Pays-Bas, Belgique, Espagne…) mais aussi à l'ouverture des débats en France. </p>
<h2>Euthanasie et capitalisme</h2>
<p>Dans cette liste toujours plus importante de films qui traitent de l’euthanasie, <em>Soleil Vert</em> et <em>Plan 75</em> occupent une place tout à fait particulière. Prenant le contre-pied de l’écrasante majorité des films sur la question, qui défendent le droit à mourir, ils proposent une critique radicale de l’euthanasie, lorsque celle-ci est prise dans les rets d’un capitalisme effréné. Cela se traduit par des différences à la fois en termes de scénario, et dans la manière de filmer. Ainsi, les personnages principaux de <em>Soleil Vert</em> et de <em>Plan 75</em> ne sont ni malades, ni handicapés ; physiquement, ils ne souffrent pas, et semblent tout à fait capables de continuer à vivre.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/LXXVMpJQDjw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
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<p>La seule chose qu’ils ont en commun est d’être considérés, dans la société dans laquelle ils vivent, comme des personnes trop âgées et improductives. Dans <em>Soleil Vert</em>, Sol Roth, ancien professeur d’université devenu analyste pour la police, est présenté comme un gardien du savoir ; à plusieurs reprises, il est suggéré qu’il n’est plus aussi efficace et rapide qu’avant dans ses recherches, et le chef de la police menace de l’obliger à prendre sa retraite.</p>
<p>Dans <em>Plan 75</em>, le personnage principal, Michi, a 78 ans ; au début du film, elle travaille encore dans un hôpital, mais elle est forcée de prendre sa retraite quand sa meilleure amie, une autre « senior », fait un malaise sur leur lieu de travail. Michi se lance alors dans une recherche d’emploi effrénée et désespérée et dans une lutte contre l’absurdité du système qui rappellent les itinéraires de certains personnages de Ken Loach ; contrainte à exercer des métiers de plus en plus précaires mais également de plus en plus rudes, elle finit à l’aide sociale puis à la soupe populaire, tous ses interlocuteurs lui signifiant avec plus ou moins de brutalité qu’elle est désormais de trop.</p>
<p>Dans les deux films, une grande place est faite, dans le scénario mais également dans les signes visuels à l’écran, à l’entreprise qui organise l’euthanasie active des citoyens. Le logo et le nom de <em>Soylent</em> sont partout, tandis que les publicités et prospectus pour <em>Plan 75</em> inondent les lieux où se regroupent les plus vulnérables (maisons de retraite, salles d’attente du médecin, soupe populaire…). Sont ainsi posés les éléments qui vont permettre à chacun des films d’interroger les liens entre vieillesse, euthanasie et capitalisme.</p>
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<p>Dans un article de janvier 2012 intitulé « Euthanasie économique », le <a href="http://www.palim-psao.fr/article-euthanasie-economique-robert-kurz-98006457.html">philosophe allemand Robert Kurz</a> affirme que, dans un système capitaliste où l’argent est devenu une fin en soi, « des biens réels ne sont produits que lorsqu’ils servent cette fin en soi qu’est l’augmentation de l’argent ». Tout ce qui répondrait à une demande sociale mais qui ne générerait pas d’argent est peu à peu abandonné ; c’est le cas en particulier de la prise en charge des personnes âgées, matériellement et techniquement possible, mais, dans un système capitaliste qui fétichise l’argent, considérée comme « infinançable ». Il reste aux personnes âgées, pour ne rien « coûter » à la société, ou bien à travailler jusqu’à l’épuisement (la meilleure amie de Michi, dans <em>Plan 75</em>), ou bien à mourir de leur plein gré (Sol et Michi).</p>
<p>Plusieurs éléments dans les deux films à l’étude semblent aller dans ce sens. Les deux films construisent des métaphores qui permettent de rendre concrète la théorie de la marchandisation du corps vieux. Dans <em>Soleil Vert</em>, Sol finit par découvrir avec horreur que ce sont les corps euthanasiés qui fournissent la matière première des portions hyperprotéinées vendues à la population. Dans <em>Plan 75</em>, un jeune employé du centre découvre quant à lui que les cendres humaines obtenues après l’euthanasie sont envoyées à une grande entreprise pour être recyclées. Cette réutilisation du corps mort souligne assez que le corps vieux vaut désormais plus mort que vif.</p>
<p>L’idée que le grand capital a réussi à s’infiltrer dans la gestion de la vieillesse, mais également jusqu’au plus intime de la mort, apparaît de manière éclatante dans la manière dont sont filmés les instants qui mènent à l’euthanasie proprement dite. Dans <em>Soleil Vert</em> comme dans <em>Plan 75</em>, les employés du centre d’euthanasie sont jeunes, beaux et bienveillants. On assure aux candidats à l’euthanasie une fin merveilleuse ; à Sol, on demande quelles sont sa couleur et sa musique préférées, et il meurt devant un panorama des plus belles vues terrestres. Dans <em>Plan 75</em>, les candidats à l’euthanasie reçoivent 100 000 yens, qu’ils peuvent dépenser comme bon leur semble avant le jour arrêté de leur mort ; Michi se remet à sortir, elle joue au bowling, se fait livrer des sushis de luxe… On ne peut qu’être frappé par le cynisme d’un système qui rappelle à des personnes âgées qui veulent mourir parce que leurs conditions de vie ne leur permettent plus une vie digne à quel point la vie peut être belle, lorsqu’on a les moyens de la vivre.</p>
<p><em>Soleil Vert</em> et <em>Plan 75</em> sont des dystopies qui fonctionnent précisément parce qu’elles ne s’éloignent que peu du monde tel qu’on le connaît. Loin d’être des pamphlets à charge contre toute forme d’aide active à mourir dans la dignité, elles demandent qu’on prenne le temps d’interroger quelles sont les forces à l’œuvre dans nos prises de décision.</p>
<p>En se concentrant sur le cas précis des personnes âgées, et à un moment où celles-ci sont de plus en plus perçues comme un poids qui pèse sur les économies les plus riches, ces films nous poussent à nous poser des questions à la fois économiques et politiques, et à prendre le temps de la réflexion. Ils contribuent à réinsuffler de la complexité dans un débat parfois otage de positions irréconciliables, et participent de <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/09/26/le-debat-sur-l-euthanasie-devrait-s-inscrire-dans-une-ethique-de-la-discussion_6143165_3232.html">« l’éthique de la discussion »</a> appelée de ses vœux par le professeur Didier Dreyfuss:</p>
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<p>« Seule à même d’arriver, sinon à un consensus (trop souvent synonyme d’autocensure), du moins à une diminution de l’intensité du dissensus. »</p>
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<p><em>« Soleil Vert » (« Soylent Green ») <a href="https://www.arte.tv/fr/videos/018609-000-A/soleil-vert/">peut être vu en replay sur Arte jusqu’à fin octobre</a> et « Plan 75 » est encore projeté dans certains cinémas (surtout à Paris et en région parisienne).</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192136/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Kenza Jernite ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les films sur l’euthanasie existent presque depuis les débuts du cinéma, mais deux d’entre eux interrogent les dangers d’une approche capitaliste de la question.Kenza Jernite, Chercheuse postdoctorale, ITI Lethica, Configurations littéraires (UR 1337) et ACCRA (UR 3402), Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1909662022-09-21T13:19:48Z2022-09-21T13:19:48ZL’Alzheimer pourrait être une maladie auto-immune, et non pas une pathologie du cerveau<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485732/original/file-20220920-13972-l93et6.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=43%2C0%2C4812%2C3198&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Une nouvelle théorie sur la maladie d’Alzheimer reconsidère le rôle de la bêta-amyloïde dans le cerveau.</span> <span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/Evan Vucci)</span></span></figcaption></figure><p>La recherche d’un traitement curatif de la maladie d’Alzheimer constitue une quête de plus en plus compétitive et litigieuse, ces dernières années ayant été marquées par plusieurs importantes controverses.</p>
<p>En juillet 2022, le <a href="https://www.science.org/content/article/potential-fabrication-research-images-threatens-key-theory-alzheimers-disease">magazine <em>Science</em></a> a annoncé qu’un rapport de recherche de 2006, publié dans la <a href="https://doi.org/doi:10.1038/nature04533">prestigieuse revue <em>Nature</em></a>, qui identifiait un sous-type de protéine cérébrale appelé bêta-amyloïde comme la cause de la maladie d’Alzheimer, pourrait avoir reposé sur des données fabriquées.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/maladie-dalzheimer-avons-nous-tout-faux-sur-ses-causes-182731">Maladie d’Alzheimer : avons-nous tout faux sur ses causes ?</a>
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<p>Un an plus tôt, en juin 2021, la Food and Drug Administration américaine <a href="https://www.fda.gov/drugs/postmarket-drug-safety-information-patients-and-providers/aducanumab-marketed-aduhelm-information">avait approuvé l’aducanumab</a>, un anticorps qui cible la bêta-amyloïde, comme traitement de la maladie d’Alzheimer, même si les données sur le sujet étaient incomplètes et contradictoires. Certains médecins estiment que l’aducanumab n’aurait jamais dû être approuvé, tandis que d’autres soutiennent qu’il faut lui donner une chance.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-nouveau-traitement-autorise-contre-lalzheimer-percee-medicale-ou-mirage-commercial-162405">Le nouveau traitement autorisé contre l’Alzheimer : percée médicale ou mirage commercial ?</a>
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<p>Alors que des millions de personnes ont besoin d’un traitement efficace, pourquoi les chercheurs avancent-ils encore à tâtons dans leur quête d’un remède pour ce qui est sans doute l’une des plus importantes maladies auxquelles l’humanité est confrontée ?</p>
<h2>Et si on n’oubliait la bêta-amyloïde</h2>
<p>Depuis des années, des scientifiques travaillent à la mise au point de nouveaux traitements contre la maladie d’Alzheimer en cherchant <a href="https://doi.org/10.1016/j.ijbiomac.2020.11.192">à empêcher la formation d’amas de cette mystérieuse protéine appelée bêta-amyloïde</a>, qui endommagent le cerveau. D’une certaine façon, nous, les scientifiques, nous sommes enfermés dans une ornière intellectuelle en nous concentrant presque exclusivement sur cette approche, négligeant, voire ignorant, d’autres explications possibles.</p>
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<img alt="Illustration montrant des amas rouges de plaques amyloïdes dans le tissu cérébral" src="https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485322/original/file-20220919-18-h2kl9f.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’étude des bêta-amyloïdes en tant que protéines anormales à l’origine de la maladie d’Alzheimer ne s’est pas traduite par un médicament ou une thérapie qui fonctionne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span>
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<p>Malheureusement, cette volonté d’étudier les amas anormaux de protéines n’a pas donné lieu à la découverte d’un médicament ou d’une thérapie efficace. La nécessité de trouver une nouvelle façon de considérer la maladie d’Alzheimer « hors de l’amas » apparaît comme une priorité dans la science du cerveau.</p>
<p>Mon laboratoire au Krembil Brain Institute, qui fait partie du Réseau universitaire de santé de Toronto, travaille à l’élaboration <a href="https://doi.org/10.1002/trc2.12283">d’une nouvelle théorie sur la maladie d’Alzheimer</a>. Sur la base de nos 30 dernières années de recherche, nous ne pensons plus que la maladie d’Alzheimer soit principalement une maladie du cerveau. Nous croyons plutôt qu’il s’agit principalement d’un <a href="http://dx.doi.org/10.2174/1567205018666211202141650">trouble du système immunitaire dans le cerveau</a>.</p>
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<a href="https://theconversation.com/fraude-dans-la-recherche-sur-lalzheimer-non-nous-navons-pas-perdu-quinze-ans-187730">Fraude dans la recherche sur l’Alzheimer : non, nous n’avons pas perdu quinze ans</a>
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<p>Le système immunitaire, présent dans tous les organes du corps, est un ensemble de cellules et de molécules qui travaillent en harmonie pour aider à réparer les blessures et à se protéger des envahisseurs. Lorsqu’une personne trébuche et tombe, le système immunitaire aide à réparer les tissus endommagés. Lorsqu’une personne est atteinte d’une infection virale ou bactérienne, le système immunitaire l’aide à lutter contre les envahisseurs microbiens.</p>
<p>Les mêmes processus sont présents dans le cerveau. En cas de traumatisme crânien, le système immunitaire du cerveau se met en branle pour aider à la réparation. Lorsque des bactéries sont présentes dans le cerveau, le système immunitaire est là pour les combattre.</p>
<h2>L’Alzheimer, une maladie auto-immune</h2>
<p>Nous croyons que la bêta-amyloïde n’est pas une protéine produite anormalement, mais plutôt une molécule qui fait partie du système immunitaire du cerveau. Elle est censée se trouver à cet endroit. Lorsqu’un traumatisme cérébral se produit ou lorsque des bactéries sont présentes dans le cerveau, la bêta-amyloïde joue un rôle clé dans la réponse immunitaire globale du cerveau. Et c’est là que le problème commence.</p>
<p>En raison des similitudes entre les molécules de graisse qui composent les membranes des bactéries et celles des cellules cérébrales, la bêta-amyloïde ne peut faire la différence entre les bactéries envahissantes et les cellules cérébrales, et attaque par erreur les cellules qu’elle est censée protéger.</p>
<p>Cela conduit à une perte chronique et progressive des fonctions des cellules cérébrales, qui aboutit finalement à la démence — tout cela parce que le système immunitaire de notre corps ne parvient pas à faire la différence entre les bactéries et les cellules cérébrales.</p>
<figure class="align-right ">
<img alt="Vue rapprochée d’une section d’un cerveau humain" src="https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=455&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484487/original/file-20220914-23-iki2y8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=572&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Section d’un cerveau humain atteint de la maladie d’Alzheimer exposée au musée de neuroanatomie de l’université de Buffalo, à Buffalo, dans l’État de New York.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(AP Photo/David Duprey)</span></span>
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<p>Si on la considère comme une attaque mal dirigée du système immunitaire du cerveau contre l’organe qu’il est censé défendre, la maladie d’Alzheimer se révèle être une maladie auto-immune. Il existe de nombreux types de maladies auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde, pour lesquelles les auto-anticorps jouent un rôle crucial dans leur développement, et pour lesquelles les thérapies à base de stéroïdes peuvent être efficaces. Mais ces thérapies ne fonctionnent pas contre la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Le cerveau est un organe très spécial et distinctif, considéré comme la <a href="https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK234155/">structure la plus complexe de l’univers</a>. Dans notre modèle de la maladie d’Alzheimer, la bêta-amyloïde contribue à protéger et à renforcer le système immunitaire, mais elle joue également un rôle central dans le processus auto-immun qui, selon nous, peut conduire au développement de la maladie d’Alzheimer.</p>
<p>Si les médicaments utilisés traditionnellement dans le traitement des maladies auto-immunes ne fonctionnent pas contre la maladie d’Alzheimer, nous sommes convaincus que le fait de cibler d’autres voies de régulation immunitaire dans le cerveau nous conduira à de nouvelles approches thérapeutiques efficaces contre la maladie.</p>
<h2>Autres théories</h2>
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<img alt="Dessin d’un cerveau à l’intérieur d’une ampoule jaune, sur fond vert" src="https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=338&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/484484/original/file-20220914-398-52lw6u.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=424&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Il est réjouissant de voir de nouvelles approches de cette maladie très ancienne.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Pixabay)</span></span>
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<p>Outre la théorie sur l’origine auto-immune de l’Alzheimer, d’autres théories nouvelles et variées commencent à voir le jour. Ainsi, certains scientifiques pensent qu’il s’agit d’une <a href="https://doi.org/10.1016/j.mito.2022.05.001">maladie qui affecte de minuscules structures cellulaires appelées mitochondries</a> — les usines à énergie de chaque cellule du cerveau. Les mitochondries transforment l’oxygène de l’air que nous respirons et le glucose des aliments que nous mangeons en énergie pour faire fonctionner la mémoire et la pensée.</p>
<p>D’autres soutiennent qu’il s’agit des conséquences d’une <a href="https://doi.org/10.4103/1673-5374.339476">infection du cerveau</a>, dont les <a href="https://doi.org/10.1111/prd.12429">bactéries de la bouche seraient responsables</a>. D’autres encore considèrent que la maladie pourrait résulter d’une <a href="https://doi.org/10.3390/biom12050714">mauvaise gestion des métaux, comme le zinc, le cuivre ou le fer, dans le cerveau</a>.</p>
<p>Il est réjouissant de constater que <a href="http://dx.doi.org/10.1136/jnnp-2021-327370">l’on développe désormais de nouvelles façons d’aborder cette maladie</a>. La démence touche actuellement plus de 50 millions de personnes dans le monde, un nouveau diagnostic étant posé toutes les trois secondes. Souvent, les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer sont incapables de reconnaître leurs enfants ou même leur conjoint avec qui elles vivent depuis plus de 50 ans.</p>
<p>La maladie d’Alzheimer représente un grave enjeu de santé publique et nécessite des idées novatrices et des orientations nouvelles. Pour le bien-être des personnes et des familles qui vivent avec une maladie neurodégénérative, et pour l’impact socio-économique sur notre système de soins de santé déjà mis à rude épreuve par les coûts et les exigences sans cesse croissants de la démence, nous devons mieux comprendre la maladie d’Alzheimer, ses causes et ce que nous pouvons faire pour la traiter et aider les personnes qui en sont atteintes et les familles.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/190966/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Donald Weaver reçoit des fonds des Instituts de recherche en santé du Canada et de la Fondation Krembil.</span></em></p>La maladie d’Alzheimer n’est peut-être pas principalement une maladie du cerveau. Il pourrait s’agir d’un trouble du système immunitaire à l’intérieur du cerveau.Donald Weaver, Professor of Chemistry and Director of Krembil Research Institute, University Health Network, University of TorontoLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1828342022-08-04T12:25:14Z2022-08-04T12:25:14ZPile ou face : ce que les modèles statistiques nous enseignent sur la probabilité de vivre au-delà de 110 ans<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/466451/original/file-20220531-48537-gffx97.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C2%2C991%2C663&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Est-ce qu'il existe une limite à l'espérance de vie humaine?</span> <span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span></figcaption></figure><p>La doyenne présomptive de l’humanité, la Japonaise Kane Tanaka, s’est éteinte au mois d’avril dernier dans son pays natal <a href="https://www.nytimes.com/2022/04/27/world/asia/kane-tanaka-japan-worlds-oldest-person.html">à l’âge de 119 ans</a>. Malgré sa longévité spectaculaire, elle n’a pas réussi à dépasser le record établi par la Française <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/01/01/jeanne-calment-etait-elle-vraiment-la-doyenne-de-l-humanite_5404134_3224.html">Jeanne Calment</a>, il y a 25 ans jour pour jour.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/depasser-le-cap-des-100-ans-les-scientifiques-tentent-de-percer-le-mystere-172660">Dépasser le cap des 100 ans : les scientifiques tentent de percer le mystère</a>
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<p>Jeanne Calment est décédée le 4 août 1997 à l’âge de 122 ans et cinq mois (ou précisément <a href="https://www.nytimes.com/1997/08/05/world/jeanne-calment-world-s-elder-dies-at-122.html">44 724 jours</a>).</p>
<p>Ce record a-t-il des chances d’être battu ?</p>
<p>Mon domaine d’expertise, une branche de la statistique qui traite de la modélisation d’événements rares, permet de fournir des éléments de réponse à ce type de questions.</p>
<h2>Combien de candidates pour un nouveau record du monde ?</h2>
<p>Il faut comprendre que le phénomène à l’étude est excessivement rare : selon le dernier recensement, seul 0,3 % de la population canadien serait centenaire, soit un peu plus de <a href="https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/as-sa/98-200-X/2021004/98-200-X2021004-fra.cfm">9 500 personnes</a>. C’est moins qu’au Japon, qui compte le plus grand nombre de personnes âgées au monde. L’archipel nippon comptait en effet <a href="https://www.stat.go.jp/english/data/jinsui/tsuki/index.html">près de 87 000 personnes de plus de 100 ans en 2021</a>.</p>
<p>Seule une poignée de ces centenaires, moins d’un sur mille, atteindra 110 ans. Les personnes qui vivent au-delà de cet âge, les <a href="https://www.futura-sciences.com/sante/actualites/corps-humain-supercentenaires-chercheurs-ont-decouvert-secret-leur-longevite-78465/">« supercentenaires »</a>, sont donc exceptionnelles.</p>
<h2>Les modèles statistiques à la rescousse</h2>
<p>Afin de savoir si le record de longévité sera pulvérisé ou pas, il faut bâtir des modèles statistiques qui décrivent la mortalité au-delà de 110 ans.</p>
<p>Pour ce faire, nous avons besoin de <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-030-49970-9">données de qualité</a>. L’âge au moment du décès des supercentenaires doit être validé en analysant les registres et les certificats de naissance, notamment, de manière à <a href="https://doi.org/10.1007/978-3-642-11520-2">relever des incohérences</a>. Cela implique un travail d’archiviste et les erreurs sont fréquentes (mauvaise transcription, usurpation d’identité, nécronymes). Plusieurs candidatures sont d’ailleurs rejetées, faute de preuves suffisantes pour établir de manière certaine leur identité ou leur date de naissance. Il y a <a href="https://supercentenarian.org">nettement plus de femmes que d’hommes supercentenaires</a>, mais ce déséquilibre tend à diminuer dans plusieurs pays, <a href="https://www.ons.gov.uk/peoplepopulationandcommunity/birthsdeathsandmarriages/ageing/bulletins/estimatesoftheveryoldincludingcentenarians/2002to2019">dont le Royaume-Uni</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="écriture à la main sur un papier très vieux et jauni" src="https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466651/original/file-20220601-20-exsvqb.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Il est parfois ardu d’obtenir des données de qualité liées à l’âge réel des supercentenaires.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<p>La principale source d’information pour mes travaux de recherche est la <a href="https://supercentenarians.org/">base de données internationale sur la longévité (IDL)</a>, fruit d’une collaboration de gérontologues et de démographes qui ont recensé l’âge au décès de plus de 1 041 supercentenaires de plusieurs pays d’Europe centrale, du Japon, du Canada et des États-Unis. La validation des données nécessite de remonter 150 ans en arrière, une période à laquelle l’administration et le recensement étaient de qualité variable. Les pays qui fournissent des données ont des équipes de démographes subventionnés qui travaillent activement sur la longévité, ainsi que des archives qui permettent la validation. Sans système rigoureux, impossible d’exploiter les données.</p>
<p>Une fois que nous avons acquis les données nécessaires, nous pouvons alors nous attaquer à la modélisation des durées de vie. Le modèle statistique le plus simple qui soit compatible avec les données liées aux personnes vivant au-delà de 110 ans équivaut grossièrement à un lancer d’une pièce de monnaie. Si la pièce tombe sur pile, ce qui arrive une fois sur deux, la personne survivra jusqu’à son prochain anniversaire ; autrement, elle décédera dans l’année.</p>
<p>Ce modèle implique aussi que le risque de mourir est stable et ne dépend pas de l’historique de la personne. <a href="https://doi.org/10.1098/rsos.202097">Selon nos calculs</a>, l’espérance de vie d’une personne supercentenaire serait d’environ un an et cinq mois, une période très courte.</p>
<p>Survivre de 110 jusqu’à 122 ans, comme Jeanne Calment, reviendrait donc à obtenir consécutivement 12 fois pile, un événement qui survient moins d’une fois sur un million quand on lance 12 pièces. À la lumière du nombre de supercentenaires vivants, il n’est pas surprenant que le record de Jeanne Calment tienne toujours après un quart de siècle.</p>
<h2>Jeanne Calment, indétrônable ?</h2>
<p>Notre question de départ est ainsi d’autant plus intrigante : le <a href="https://doi.org/10.1093/gerona/glz198">record de Jeanne Calment</a> sera-t-il brisé un jour et, le cas échéant, à quel âge s’établira-t-il ? Pour répondre à cette question, nous avons besoin des projections démographiques du nombre de supercentenaires qui tiennent compte de l’augmentation de la population mondiale.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="vieil homme sur fond noir" src="https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466652/original/file-20220601-48776-4z2nb3.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">L’âge au décès record de Jeanne Calment sera-t-il un jour dépassé ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
</figcaption>
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<p>Des chercheurs de l’Université de Washington ont conclu, sur la base du modèle du lancer de la pièce de monnaie et de ces projections, qu’il y a de fortes chances de voir le record de Jeanne Calment battu d’ici 2100, mais qu’il est peu plausible que la personne couronnée <a href="https://doi.org/10.4054/DemRes.2021.44.52">dépasse les 130 ans</a>.</p>
<h2>L’espérance de vie humaine est-elle limitée ?</h2>
<p>Plusieurs études scientifiques ont avancé, dans les dernières années, que la longévité humaine est limitée. <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-statistics-040120-025426">Ces études ont souvent une caractéristique en commun</a> : elles ignorent la méthode selon laquelle les données sont collectées, ce qui biaise leurs conclusions. On peut d’office écarter tout seuil inférieur aux âges observés. Si l’espérance de vie varie d’un pays à l’autre, la longévité est une caractéristique intrinsèque à l’espèce humaine. Il est donc illogique qu’un Néerlandais ne puisse survivre au-delà de 114 ans alors qu’un Japonais a survécu jusqu’à 117 ans.</p>
<p>Si on compare la vie à une course de fond, une limite à la longévité serait l’équivalent d’un obstacle infranchissable en fin de parcours. Une explication plus logique d’un point de vue biologique est que la personne s’arrête en chemin une fois ses ressources épuisées.</p>
<p>L’extrapolation de l’âge maximum est entachée de beaucoup d’incertitude en raison du faible nombre de supercentenaires dont l’âge au décès a été validé. S’il existe une limite à l’espérance de vie, <a href="https://doi.org/10.1146/annurev-statistics-040120-025426">notre analyse de plusieurs bases de données fiables</a> suggère qu’elle se situe bien au-delà de l’âge de Jeanne Calment et qu’il serait étonnant qu’elle soit inférieure à 130 ans.</p>
<p>L’absence de limite ne veut pas dire qu’une personne pourrait vivre éternellement : s’il est concevable d’obtenir pile lors de n’importe quel tirage d’une pièce de monnaie, il est en revanche peu vraisemblable d’obtenir une longue séquence où chaque lancer tombe du même côté.</p>
<p>Même avec l’augmentation de la population mondiale, la faible espérance de vie des supercentenaires et le risque élevé de mortalité de ces derniers limitent la possibilité de fracasser le record de Calment.</p>
<p>Seul le temps nous dira si le record sera battu. Mais l’augmentation du nombre de centenaires et du nombre de pays offrant des données historiques fiables et validées sur leur population est néanmoins prometteuse pour la suite.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/182834/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Léo R. Belzile a reçu des financements du Conseil national de Recherches du Canada (CRSNG) et de l'Institut de valorisation des données (IVADO).</span></em></p>La doyenne de l’humanité, Kane Tanaka, est décédée en avril 2022 à 119 ans et 107 jours. Le record de la Française Jeanne Calment, décédée à 122 ans, tient depuis bientôt 25 ans. Est-il imbattable ?Léo R. Belzile, Professeur adjoint de sciences de la décision, HEC MontréalLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1837622022-06-21T14:13:10Z2022-06-21T14:13:10ZPersonne ne devient soudainement vieux et improductif à 65 ans. Il faut repenser les lois sur l’âge de la retraite<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/468582/original/file-20220613-24-gatebk.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C4089%2C2152&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Alors que la population vieillit, le gouvernement doit reformuler les notions de vie active et de retraite. Une révision de l'âge de la retraite réduirait le nombre de personnes classées comme «âgées».</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>Au Canada, les gouvernements ont <a href="https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/l-actuel/segments/entrevue/399435/recensement-statistiques-canada-manitoba-vieillissement">établi que la vie active</a> des Canadiens s’étend de 15 à 65 ans, ce qui fausse complètement la réalité.</p>
<p>Selon le recensement de 2016,un <a href="https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2016/as-sa/98-200-x/2016027/98-200-x2016027-fra.cfm">Canadien sur cinq – 1,1 million – continue de travailler après 65 ans. Et un tiers d’entre eux font du temps plein</a>.</p>
<p>Ces proportions sont encore plus fortes parmi les employés du secteur privé et les travailleurs autonomes, ce qui tire <a href="https://www150.statcan.gc.ca/t1/tbl1/fr/tv.action?pid=1410006001&request_locale=fr">l’âge moyen de la retraite à 64,4 ans</a>, soit trois ans de plus en deux décennies. Au Québec, l’âge moyen de la retraite est plutôt de 62 ans.</p>
<h2>Fausses idées sur l’âge de 65 ans</h2>
<p>Même si la retraite obligatoire à 65 ans <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/542943/retraite-obligatoire-abolie">est interdite depuis 2011</a>, cet âge demeure la référence pour toutes les lois et politiques, y compris les définitions de Statistique Canada.</p>
<p>Dans bien des provinces, les travailleurs de plus de 65 ans <a href="https://www.thestar.com/opinion/contributors/2022/04/12/seniors-deserve-workplace-injury-benefits.html">ne sont plus indemnisés en cas de blessure</a>. Ceux qui se blessent après 63 ans ne seront indemnisés que pendant deux ans au maximum.</p>
<p>Les employeurs ne sont plus obligés de réembaucher un travailleur de 65 ans après un arrêt de travail pour blessure <a href="https://www.nortonrosefulbright.com/en/knowledge/publications/f6000f38/human-rights-tribunal-of-ontario-denying-workplace-group-benefits-coverage-to-employees-aged-65-and-older-unconstitutional">ni de leur assurer une couverture médicale, dentaire ou d’assurance vie ou invalidité</a>.</p>
<p>Mais quelle magie opère donc au moment de souffler sa 65<sup>e</sup> bougie ? L’employée de 64 ans a les mêmes compétences ou capacités que la collègue qui en a 65, sauf que cette dernière voit disparaître tous ses avantages sociaux.</p>
<p>Alors que la population vieillit, le gouvernement doit désormais reformuler les notions de vie active et de retraite afin d’assurer le développement économique et social du Canada. <a href="https://theconversation.com/retirement-age-is-increasing-but-our-new-study-reveals-most-only-work-ten-years-in-good-health-after-50-141227">D’autres pays l’ont fait</a>.</p>
<h2>Une évolution récente</h2>
<p>La détermination de l’âge de la vieillesse à 65 ans est relativement récente.</p>
<p>En 1889, l’Allemagne, première nation à adopter un système de pension, <a href="https://www.histoiredelasecuritesociale.ch/synthese/1883-1884-1889">avait fixé l’âge d’admissibilité à 70 ans</a>. <a href="https://www.jstor.org/stable/30303471">Les Terre-Neuviens, qui avaient fait de même dès 1911</a>, l’avaient fixé à 75 ans. Quant au Canada, il avait d’abord choisi 70 ans pour sa première loi en la matière, en <a href="https://www.museedelhistoire.ca/cmc/exhibitions/hist/pensions/cpp-timeline_f.html">vigueur de 1927 à 1952</a>.</p>
<p>En 1965, les réformateurs du Régime de pensions du Canada ont fixé <a href="https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/pension-de-vieillesse">à 65 ans le nouveau seuil pour toucher la pension complète</a> et recevoir les prestations de Sécurité de la vieillesse. C’est ainsi que, pour les travailleurs canadiens, 65 est devenue le marqueur universel de leur sortie du marché du travail et de leur entrée officielle dans la vieillesse.</p>
<p>Pourtant, démographes, économistes et sociologues <a href="https://www.benefitscanada.com/news/bencan/head-to-head-is-it-time-to-change-the-retirement-age/">conviennent tous qu’il faut maintenant revoir ce seuil</a>, qui ne cadre plus avec l’époque.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1117792407540596737"}"></div></p>
<p>Les Canadiens vivent plus longtemps et en meilleure santé que jamais. Ils étudient beaucoup plus longtemps, ce qui retarde leur entrée sur le marché du travail à temps plein. <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/daily-quotidien/200115/dq200115a-fra.htm">Et ils triment beaucoup moins dur dans presque toutes les catégories d’emploi</a>.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Un homme aux cheveux gris descend un escalier de pierre en rangeant son téléphone dans une poche intérieure de sa veste" src="https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C5760%2C3802&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463760/original/file-20220517-22-5v75rf.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">La plupart des emplois n’exigent plus un travail physique intense.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Andrea Piacquadio, Pexels)</span></span>
</figcaption>
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<h2>Qu’entend-on par « vieux » ?</h2>
<p>Il existe plusieurs manières de redéfinir la vieillesse qui apporteraient de grands avantages sociaux et économiques.</p>
<p>L’une d’elles consiste à distinguer clairement la « jeune » vieillesse (de 65 à 74 ans), la vieillesse « moyenne » (75 à 84 ans) et le grand âge (85 ans et plus).</p>
<p>Une telle catégorisation, en plus de mieux rendre compte de la diversité des personnes âgées, permettrait de concevoir des politiques plus sensées et mieux adaptées à chacun de ces trois groupes.</p>
<p>Par exemple, les vertus du travail après 65 ans <a href="https://www.health.harvard.edu/staying-healthy/working-later-in-life-can-pay-off-in-more-than-just-income">ne sont plus à démontrer pour certains groupes</a>. Les lois et politiques qui dissuadent les « jeunes » vieux de continuer de travail ne devraient plus avoir droit de cité.</p>
<p>Une deuxième option consiste à moduler l’âge officiel de la vieillesse pour tenir compte de la longévité croissante. Il y a un siècle, l’espérance de vie des Canadiens à 65 ans était de 13 ans. Actuellement, elle est de 18 ans pour les hommes et de <a href="https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-630-x/11-630-x2016002-fra.htm">22 ans pour les femmes</a>.</p>
<p>Compte tenu de cette situation, il serait logique de relever le seuil de la vieillesse. <a href="https://www.cnews.fr/monde/2019-08-20/au-royaume-uni-le-projet-de-porter-lage-de-la-retraite-75-ans-ne-passe-pas-871094">Au Royaume-Uni, une proposition en ce sens</a> a inspiré le slogan « 70 est le nouveau 65 ».</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="Une femme blonde âgée est assise entre deux personnes plus jeunes dans une réunion de bureau" src="https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C6720%2C4476&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/463739/original/file-20220517-14-119yq9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les femmes vivent plus longtemps et participent plus que jamais au marché de travail.</span>
<span class="attribution"><span class="source">(Shutterstock)</span></span>
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<h2>Orienté vers les hommes</h2>
<p>Enfin, la notion de vieillesse doit pouvoir mieux tenir compte du sexe. Les femmes vivent plus longtemps que les hommes, et sont donc classées « vieilles » pendant beaucoup plus d’années. Selon le dernier recensement canadien, la plupart des <a href="https://www12.statcan.gc.ca/census-recensement/2021/as-sa/98-200-X/2021004/98-200-X2021004-fra.cfm">9 000 centenaires</a> au pays sont des Canadiennes. Elles ont donc été classées comme « âgées » le tiers de leur vie.</p>
<p>Historiquement, la fixation d’un âge de retraite unique à 65 ans reflétait la situation des hommes à une époque où très peu de femmes travaillaient hors du foyer.</p>
<p>Comme les femmes vivent sensiblement plus longtemps que les hommes, elles doivent donc travailler plus longtemps pour disposer d’une épargne retraite similaire. <a href="https://financialpost.com/moneywise-pro/what-to-do-about-womens-retirement-income-gap">À salaire égal, la chose est impossible</a> si on les pousse à « raccrocher leurs patins » au même âge que les hommes.</p>
<p>Une nouvelle conception de la vieillesse réduirait considérablement le nombre de personnes dites « âgées » et refléterait plus fidèlement le nombre total de Canadiens actif sur le marché de l’emploi.</p>
<p>Une définition moderne atténuerait également les <a href="https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1761448/agisme-discrimination-prejuges-vieillissement-aines-jeunes">stéréotypes, notamment l’âgisme</a>. Elle inciterait les gouvernements à réformer leurs lois désuètes tout en <a href="https://avenues.ca/travailler/articles-travailler/travail-pour-les-55-des-programmes-meconnus-et-encore-beaucoup-dobstacles/">contribuant à résorber la pénurie de la main-d’œuvre</a>.</p>
<p>« Jeunesse n’a pas d’âge », dit le proverbe. L’augmentation de l’âge de la vieillesse ne serait certainement pas difficile à vendre aux Canadiens. Après tout, qui ne voudrait pas redevenir jeune ?</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/183762/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thomas Klassen ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alors que la population vieillit, le gouvernement doit reformuler les notions de vie active et de retraite. Une révision de l’âge de la retraite réduirait le nombre de personnes classées comme ‘âgées’.Thomas Klassen, Professor, School of Public Policy and Administration, York University, CanadaLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841242022-05-31T18:59:47Z2022-05-31T18:59:47ZGrand âge et dépendances : quelles alternatives à l’Ehpad ?<p>À l’heure actuelle, en France, plus de 700 000 personnes âgées très dépendantes sont accueillies en Ehpad (établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes). Compte tenu du vieillissement de la population, le nombre de résidents de ces structures va croître dans les années à venir : en 2030, <a href="https://www.ehpa.fr/pdf/think_tank_rapport.pdf">35 % des Français auront plus de 65 ans</a>, ce qui aura pour conséquence une augmentation du taux de vieillissement avec dépendances. Les projections actuelles prévoient un manque de 100 000 places en Ehpad pour accueillir les personnes âgées concernées.</p>
<p>À ce problème structurel s’ajoute le fait que la grande majorité des personnes sondées affirment préférer rester à leur domicile plutôt que d’entrer en Ehpad <a href="https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2021-05/Rapport%20Broussy%20-%2026%20mai%202021.pdf#page=36">(83 % selon une enquête CSA de 2016), 85 % d’après l’IFOP en 2019, 90 % selon Opinion Way en 2012)</a>. Nul doute que la publication, en janvier 2022, du livre <a href="https://www.fayard.fr/documents-temoignages/les-fossoyeurs-9782213716558">« Les Fossoyeurs »</a>, qui <a href="https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/01/24/les-fossoyeurs-un-livre-qui-ouvre-le-debat-sur-la-gestion-et-le-controle-des-maisons-de-retraite_6110753_3232.html">a projeté une lumière crue</a> sur <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/archives/archives-presse/archives-communiques-de-presse/article/l-igas-et-l-igf-ont-remis-leur-rapport-d-enquete-sur-le-groupe-orpea-au-regard">« dysfonctionnements significatifs […] au détriment de la prise en charge des résidents »</a> du groupe Orpea, numéro un mondial du secteur des Ehpad, n’a pas arrangé les choses.</p>
<p>Cette parole citoyenne forte ne peut être ignorée, et il faut donc proposer d’autres modèles d’accueil et d’hébergement pour les personnes très âgées dont les dépendances ne permettent plus le maintien à leur domicile.</p>
<p>Heureusement, l’entrée en institution gériatrique n’est pas la seule solution d’hébergement possible. Il existe aujourd’hui diverses alternatives dont la disponibilité, les tarifs, les avantages et les inconvénients varient. Les connaître permet d’anticiper au mieux, pour soi-même ou ses proches, ce moment de bascule entre domicile et institutionnalisation. Petit tour d’horizon des solutions existantes, accompagné d’une estimation de leurs coûts et de leurs limites.</p>
<h2>Rester chez soi</h2>
<p>Il s’agit de la solution la plus plébiscitée. Pour pouvoir la mettre en œuvre, il existe déjà un maillage de services à la personne en ambulatoire :</p>
<ul>
<li><p><a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-a-domicile/beneficier-de-soins-a-domicile/les-ssiad-services-de-soins-infirmiers-domicile">Services de soins infirmiers à domicile</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://www.cnpgeriatrie.fr/equipes-mobiles-de-geriatrie-emg/">Équipes mobiles de gériatrie</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-a-domicile/beneficier-de-soins-a-domicile/lhad-hospitalisation-a-domicile">Hospitalisation à domicile</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/vivre-a-domicile/beneficier-daide-a-domicile/le-portage-de-repas-domicile">Portage de repas</a> ;</p></li>
<li><p><a href="https://agree-asso.fr/index.php/actualite/131-Ehpad-hors-les-murs-une-vingtaine-de-dispositifs-finances-des-octobre">Ehpad hors les murs</a>.</p></li>
</ul>
<p>Toutefois, malgré les aides (<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F10009">allocation personnalisée d’autonomie (APA)</a> ou <a href="https://www.retraiteplus.fr/aides-financieres/les-aides-destinees-financer-hebergement/faire-une-simulation-des-apl-pour-personnes-agees">aide personnalisée au logement (APL)</a>), cette solution peut <a href="https://www.generali.fr/dossier/cout-dependance/">s’avérer très onéreuse</a>. Selon les dépendances à prendre en charge, il faut compter en moyenne 2 200 euros par mois (contre 2 500 euros par mois en moyenne en Ehpad), et le reste à charge (protections, frais de voiturage en accueil de jours, etc.) est en moyenne de <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/calculer-le-reste-a-charge">1200 euros par mois</a>.</p>
<p>Qui plus est, le domicile privé devient rapidement un domicile public, médicalisé et impersonnel, et le plus souvent inadapté. Enfin, c’est un choix qui peut devenir épuisant pour les proches aidants.</p>
<p>Par ailleurs, cette solution ne remédie pas à l’isolement et à la solitude des personnes âgées, comme l’a démontré en 2021 le <a href="https://www.petitsfreresdespauvres.fr/informer/prises-de-positions/mort-sociale-luttons-contre-l-aggravation-alarmante-de-l-isolement-des-aines">rapport des Petits Frères des Pauvres</a>.</p>
<h2>Les résidences autonomies (ou anciens foyers logements)</h2>
<p><a href="https://www.essentiel-autonomie.com/residences-services-autonomie/foyers-logement-residences-autonomie">Ces structures</a> proposent des logements seniors, à mi-chemin entre le domicile et l’Ehpad. Elles sont constituées de chambres ou d’appartements non médicalisés proposés en location. L’accès aux équipements et services proposés est facultatif.</p>
<p>Les résidences autonomie sont conçues pour accueillir dans un logement des personnes âgées autonomes qui ne peuvent plus – ou n’ont plus – l’envie de vivre chez elles, à cause d’une baisse de revenus, de difficultés d’accès aux commerces ou d’un sentiment d’isolement. Les personnes doivent être âgées d’au moins 60 ans et être valides et autonomes (<a href="https://www.lesmaisonsderetraite.fr/maisons-de-retraite/la-grille-aggir.htm">GIR 5 ou 6 – groupe iso-ressources, qui correspond au niveau de perte d’autonomie d’une personne âgée</a>)</p>
<p>Autre alternative pour les personnes encore autonomes : les hébergements mixtes résidence senior – Ehpad. En principe, les résidences seniors s’adressent à des publics autonomes, mais certaines enseignes de résidences senior ont conçu des sites mixtes proposant à la fois un Ehpad et une résidence services senior permettant une institutionnalisation plus progressive. Les personnes âgées peuvent passer d’un environnement à l’autre, selon leur niveau de dépendance et leurs besoins ce qui évite le traumatisme très souvent associé à une entrée en institution.</p>
<p>Les habitants de la résidence seniors et les résidents de l’Ehpad partagent la plupart des espaces communs. Ils prennent certains repas ensemble. Seules les chambres sont dans des ailes séparées. La principale limite est financière, car ces résidences ne sont pas éligibles à l’aide sociale. Quand la perte d’autonomie s’installe, il existe d’autres solutions anticipatives.</p>
<h2>L’habitat partagé</h2>
<p><a href="https://www.reseau-hapa.eu/lhabitat-partage-et-accompagne/">Cette solution</a> est élaborée sur la même « base » que l’habitat participatif. Un groupe d’adultes âgés ou handicapés cohabitent dans un logement qui comprend des espaces privatifs (chambre, appartement, salle de bains) et des espaces collectifs (salle de séjour, salle à manger, jardin, cour, terrasse, salle de jeux, etc.). Ils sont généralement organisés en colocations. L’habitat partagé accompagné appartient à l’organisme qui l’exploite. Ce dernier sous-loue un espace privatif et l’accès aux espaces commun à des locataires dépendants.</p>
<p>Ce mode d’habitat s’adresse à des personnes handicapées ou dépendantes. Chaque habitat partagé accompagné est créé pour accueillir un certain type de résidents. La <a href="https://www.petitsfreresdespauvres.fr/maison-du-thil">maison du Thil</a>, à Beauvais, accueille par exemple les malades d’Alzheimer.</p>
<p>Le problème est que cette alternative à l’Ehpad comporte à l’heure actuelle très peu de structures (elles représentent moins de 5 000 logements). De plus, il est actuellement impossible de mutualiser l’APA pour améliorer le service des auxiliaires de vie.</p>
<p>C’est pour remédier à cette faible représentation que des entrepreneurs développant l’habitat partagé et accompagné ont lancé le <a href="https://c150.fr/">collectif 150 000 en 2030</a>, qui ambitionne d’inciter les pouvoirs publics à faciliter la création de 150 000 logements d’ici à 2030.</p>
<h2>Les petites unités de vie</h2>
<p>Ces structures sont aussi très intéressantes, car à taille humaine. Apparues au début des années 80, elles s’adressaient aux personnes qui ne pouvaient plus, ou ne souhaitaient plus, rester seules à leur domicile. On en dénombre aujourd’hui environ un millier en France.</p>
<p>Le terme « Petite Unité de Vie » (PUV) regroupe toutes les petites structures d’hébergement alternatives à l’Ehpad ou à la maison de retraite. Ainsi, les <a href="https://www.marpa.fr/">Maisons d’accueil et de résidence pour l’autonomie</a> (MARPA) et les <a href="https://lemagdusenior.ouest-france.fr/dossier-276-cantou.html">Centres d’activités naturelles tirées d’occupations utiles</a> (CANTOU) sont considérés comme des PUV.</p>
<p>Les PUV comptent généralement moins de 25 places. Chaque résident dispose d’un logement privatif comprenant une petite cuisine et une salle de bain. Un personnel présent 24 heures sur 24 assure la sécurité des résidents, qui est généralement renforcée par un système de téléalarme. Les locaux sont parfaitement adaptés aux personnes à mobilité réduite ; la circulation des fauteuils roulants y est facilitée.</p>
<p>Les objectifs des PUV sont de maintenir et de renforcer l’autonomie des personnes âgées en les faisant participer à la vie en communauté. Les espaces communs permettent de tisser du lien social, important au maintien de l’autonomie. Une maîtresse de maison donne de la cohésion à ce projet de vie.</p>
<p>Les soins sont réalisés à la demande, avec l’intervention de professionnels médicaux externes comme des infirmières, des kinésithérapeutes ou encore des ergothérapeutes, ou le médecin traitant du résident.</p>
<h2>Les colocations intergénérationnelles</h2>
<p>En encourageant le partage d’un toit entre un étudiant et un senior, la <a href="http://www.gouvernement.fr/action/elan-une-loi-pour-l-evolution-du-logement-de-l-amenagement-et-du-numerique">loi Elan de 2018</a> a ouvert la voie à une alternative supplémentaire à l’Ehpad. L’idée était de répondre à la crise du logement chez les jeunes et de rompre l’isolement des plus âgés.</p>
<p>Les <a href="http://jeunes.gouv.fr/Cohabitation-intergenerationnelle">cohabitations intergénérationnelles</a> consistent à héberger différentes générations sous un même toit. Généralement une ou des personnes âgées accueillent gratuitement (ou pour un loyer modéré) une autre personne, qu’elle soit étudiante, salariée (ou autre), en contrepartie de divers services rendus. Il s’agit par exemple d’offrir une présence ou une écoute, d’aider aux repas, au jardinage ou aux petits travaux.</p>
<p>Dernière solution alternative à l’Ehpad : vivre en famille, même si cela n’est pas sa propre famille.</p>
<h2>L’accueillant familial</h2>
<p>Cette personne (seule ou couple) accueille à son domicile une personne âgée ou un adulte handicapé. <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/changer-de-logement/vivre-en-accueil-familial/vivre-en-accueil-familial">Elle est rémunérée pour cette prestation</a>, et doit avoir reçu un agrément délivré par les services du département. Ces derniers organisent le contrôle de l’accueillant et le suivi de la personne accueillie.</p>
<p>L’accueil familial peut être temporaire ou séquentiel, à temps partiel ou complet, voire permanent. Ce système s’adresse aux personnes âgées et aux adultes handicapés qui souhaitent vivre en famille, même s’ils ne vivent pas avec leur propre famille. Les parties formalisent leur relation dans un contrat de gré à gré (contrat dont les stipulations sont librement négociées entre les parties).</p>
<p>La rémunération minimale du service est fixée par un barème départemental. Elle dépend du niveau de perte d’autonomie du senior hébergé (en fonction de son <a href="https://www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr/preserver-son-autonomie-s-informer-et-anticiper/perte-d-autonomie-evaluation-et-droits/comment-le-gir-est-il-determine">GIR</a>). En moyenne, l’hébergement en accueillant familial revient à 1800 euros charges comprises chaque mois. Pour les bénéficiaires de l’APA, de l’<a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F12242">AAH (Allocation aux adultes handicapés)</a> ou de l’APL, ce coût peut être réduit à 1000 euros.</p>
<p>Il s’agit d’une bonne solution surtout en milieu rural, mais qui ne conviendra pas à tout le monde, car vivre en famille comporte aussi des contraintes. Enfin, il n’existe pas d’annuaire national, ni même départemental, des accueillants familiaux. Chaque territoire a sa propre organisation, et la recherche peut s’avérer complexe.</p>
<p>Si une immense majorité de personnes âgées, même avec dépendances, souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile, ce n’est pas toujours possible. Or, anticiper ce moment de bascule qui va du domicile à l’institutionnalisation ne peut se faire que si on est dûment informé, renseigné et encore en mesure d’exprimer et de faire des choix pour soi-même.</p>
<p>En conclusion, des alternatives à l’Ehpad existent pour les personnes âgées, même avec dépendances, qui souhaitent rester le plus longtemps possible à domicile ou intégrer des structures de taille plus modeste. Elles peuvent constituer des solutions pour respecter les droits fondamentaux de consentement, de liberté d’aller et venir et choix de vie de chacun. Elles sont encore peu nombreuses et inégalement réparties sur le territoire français, mais les connaître est important. Cela peut aider à se projeter sans appréhension vers une autre vie, aussi belle en humanité, même si la grande dépendance se fait jour.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184124/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Véronique Lefebvre des Noettes ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>De nombreuses personnes âgées sont réticentes, voire inquiètes, à l’idée de devoir intégrer un Ehpad en cas de perte d’autonomie. Quelles sont les alternatives à ces institutions gériatriques ?Véronique Lefebvre des Noettes, Psychiatre du sujet âgé, chercheur associé au Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt (Université Paris-Est Créteil), co-directeur du département de recherche Éthique biomédicale du Collège des Bernardins, Collège des BernardinsLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1810862022-04-18T15:46:10Z2022-04-18T15:46:10ZDétecter plus tôt Alzheimer grâce à un jeu vidéo<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458418/original/file-20220418-24-j2faic.png?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C1147%2C646&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Image extraite du jeu vidéo Sea Hero Quest.</span> </figcaption></figure><p>Un jeu vidéo pour l’aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer ? Je ne sais pas vous, mais quand je lis ce genre de titre j’ai tendance à lever les yeux au ciel. C’est vrai qu’à l’heure où les soignants sont poussés à bout par les effets croisés d’une pandémie et de la dégradation de leurs conditions de travail, proposer de les aider avec un jeu vidéo ressemble au mieux à un vœu pieu, au pire à une provocation…</p>
<p>Pourtant, le projet Sea Hero Quest, développé par nos équipes de recherche en collaboration avec des soignants a pour objectif de répondre à un vrai besoin exprimé par ces derniers.</p>
<p>L’idée est de développer un test capable d’évaluer le sens de l’orientation pour détecter le plus tôt possible la maladie d’Alzheimer, dont la désorientation spatiale est un symptôme précoce. Rassurez-vous, ce n’est pas parce que vous pensez avoir un mauvais sens de l’orientation que vous êtes plus à risque de développer une démence. De nombreux facteurs culturels et démographiques comme l’âge, le genre, le niveau d’éducation, ou encore les habitudes de sommeil influencent nos capacités à nous repérer.</p>
<p>Et c’est justement un problème pour les médecins : comment savoir si M. Martin a un mauvais score à son test d’orientation spatiale parce qu’il développe une démence ou s’il a toujours été comme cela ? Une solution est de comparer les performances de M. Martin à celles d’autres personnes ayant les mêmes caractéristiques démographiques. Cela permettrait de s’assurer que ses mauvaises performances ne sont pas liées qu’à son profil, mais sont bien potentiellement pathologiques. Comparer le comportement du patient à celui de milliers de personnes lui ressemblant rendrait le test beaucoup plus précis, taillé sur mesure.</p>
<h2>4 millions de participants à l’étude scientifique</h2>
<p>Mais pour faire toutes ces comparaisons, il faut une base de données avec du monde, beaucoup de monde. Bien plus que les quelques dizaines de participants recrutées habituellement dans les études en neuroscience ou en psychologie. Avec Sea Hero Quest, nous avons mis à profit une fraction des milliards d’heures hebdomadaires passées par les humains à jouer à des jeux vidéo. Nous avons, en collaboration avec le studio de <em>game design</em> <a href="https://glitchers.com/">Glitchers</a>, développé un jeu vidéo d’orientation spatiale sur smartphones et tablettes. Le joueur incarne le capitaine d’un petit bateau devant résoudre des labyrinthes aquatiques de plus en plus complexes. Ces épreuves virtuelles correspondent à des tâches classiques de la littérature scientifique, que nous avons rendues ludiques. S’ils le veulent bien, les joueurs peuvent aussi répondre à quelques questions sur leur profil démographique. Selon <a href="https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0213272">nos résultats</a>, les performances à ce jeu sont bien prédictives des performances spatiales dans le monde réel, et non pas le simple reflet des compétences en jeux vidéo. Ouf.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/CcM6Yu9d4pM?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Présentation du jeu vidéo Sea Hero Quest VR.</span></figcaption>
</figure>
<p>Cela a marché au-delà de nos espérances. Entre 2016 et 2019, plus de 4 millions de joueurs de tous les pays du monde ont téléchargé et joué à Sea Hero Quest. A ce moment-là, nous sommes éberlués, hypnotisés par le flux de données s’amassant sur nos serveurs. Si on avait voulu tester autant de participants de manière « classique », directement dans notre labo, ça aurait pris 1000 ans et coûté 100 000 000 d’euros.</p>
<p>Un tel jeu de données est inédit en sciences comportementales. Au-delà de l’aide au diagnostic de la maladie d’Alzheimer, il permet de répondre à des questions jusqu’alors irrésolues. Par exemple sur la différence entre les hommes et les femmes en termes de navigation spatiale. De nombreuses études scientifiques ont fait état d’un avantage pour les hommes à certaines tâches d’habileté spatiale, mais on n’a jamais très bien compris d’où venait cette différence. Grâce au jeu de données de Sea Hero Quest, on a pu estimer l’ampleur de cette <a href="https://www.cell.com/current-biology/fulltext/S0960-9822(18)30771-1">différence entre les sexes</a> dans 53 pays. On a remarqué que cette dernière était proportionnelle à l’égalité entre les hommes et les femmes du pays dans lequel on se place, telle que mesurée par le <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Global_Gender_Gap_Report">Rapport mondial sur l’écart entre les femmes et les hommes</a> du Forum économique mondial. Ce rapport compare l’accès des hommes et des femmes à l’emploi, à la santé, à l’éducation, et aux instances politiques. Il y a ainsi peu de différences de genre en termes de navigation spatiale dans les pays scandinaves, beaucoup plus en Égypte ou en Arabie saoudite. Cela signifie que la dimension socioculturelle joue un rôle important dans ces différences cognitives entre les genres.</p>
<p>Et Sea Hero Quest est un outil parfait pour l’investiguer.</p>
<h2>Notre sens de l’orientation dépend de l’endroit où l’on a grandi</h2>
<p>Dans un <a href="https://www.nature.com/articles/s41586-022-04486-7">article</a> paru la semaine dernière à la Une de la revue Nature, nous nous sommes intéressés à un autre facteur culturel : l’influence de l’endroit où l’on grandit sur notre sens de l’orientation à l’âge adulte. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S235215461500039X">On sait que</a> si on fait grandir une souris dans une cage « enrichie » avec des jeux et des labyrinthes, cela a un impact sur la forme de son cerveau et sur ses fonctions cognitives comparées à une souris qui aurait grandi dans une cage plus simple. Mais comme il est interdit de mettre des enfants dans des cages, ce résultat n’a jamais été reproduit chez les humains.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1511730788718501893"}"></div></p>
<p>Grâce au jeu Sea Hero Quest, nous pouvons comparer les fonctions cognitives de personnes ayant grandi dans une multitude d’endroits. Nous avons tout d’abord remarqué que les joueurs ayant grandi en ville ont en moyenne un moins bon sens de l’orientation que ceux ayant grandi en dehors des villes, indépendamment de leur âge, genre, ou niveau d’éducation. Mais là encore, l’ampleur de cette différence varie beaucoup d’un pays à l’autre. Dans certains pays comme les USA, l’Argentine ou le Canada, vivre dans une ville est vraiment préjudiciable, alors qu’en France, en Roumanie ou en Inde, il n’y a pas de différence significative entre ville et campagne. Mais d’où viennent ces variations d’un pays à l’autre ?</p>
<p>Les pays où les différences sont les plus fortes comportent davantage de villes avec un plan quadrillé, comme Chicago, Buenos Aires ou Toronto. Et de fait, il est bien plus simple de s’orienter dans ces villes que dans les rues tourmentées de Paris, Prague ou New Delhi. En grandissant dans une ville quadrillée, on exerce moins son sens de l’orientation qu’en grandissant à la campagne, où les réseaux de routes sont moins organisés et les distances à parcourir plus importantes, et ça se ressent à l’âge adulte.</p>
<p>La période clef qui façonne durablement notre sens de l’orientation est l’enfance, lorsque notre cerveau est en plein développement. A l’inverse, le lieu où vivent les joueurs au moment où ils jouent n’est pas statistiquement lié à leurs compétences spatiales. Ça ne veut pas dire qu’il est impossible de s’améliorer en tant qu’adulte, mais ça demande plus de travail !</p>
<p>« L’Homme n’est que la silhouette de son paysage natal » a dit le poète Shaul Tchernichovsky, et ce résultat ne lui donne pas tort.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/181086/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Antoine Coutrot a reçu des bourses de recherche publiques et financées par l'association Alzheimer's Research. </span></em></p>Sea Hero Quest, ce jeu vidéo pensé par des scientifiques, a été téléchargé plus de 4 millions de fois et a permis de mesurer nos capacités d’orientation.Antoine Coutrot, Chargé de Recherche CNRS, INSA Lyon – Université de LyonLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1783682022-04-01T14:46:53Z2022-04-01T14:46:53ZUne nouvelle étude révèle que de 30 à 90 minutes d’entraînement musculaire par semaine réduisent le risque de décès prématuré<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/455829/original/file-20220401-20-9coczg.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Il est important de faire des exercices de résistance et de musculation.</span> <span class="attribution"><span class="source">Shutterstock</span></span></figcaption></figure><p>On sait depuis longtemps que les activités aérobiques modérées (comme la marche, la course ou le vélo) sont bonnes pour la santé et le bien-être toute la vie durant. Les recherches démontrent que les personnes actives <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0140673617316343?via%3Dihub">vivent généralement plus vieilles, en meilleure santé</a> et sont moins touchées par certaines maladies, notamment les <a href="https://academic.oup.com/jpubhealth/article/41/3/e253/5139677">cancers, le diabète et les maladies cardiovasculaires</a>.</p>
<p>Mais qu’en est-il des exercices de musculation, comme l’entraînement avec des poids ? Bien que l’on ait tendance à penser que ce type d’entraînement est aussi bon pour la santé et la longévité, les preuves de ses avantages sont plus rares. Une étude a toutefois démontré récemment que de <a href="https://bjsm.bmj.com/content/early/2022/01/19/bjsports-2021-105061">30 à 90 minutes de musculation par semaine</a> suffisent à réduire de 10 à 20 % les risques de décès prématuré, toutes causes confondues.</p>
<p>Une équipe de chercheurs de trois universités japonaises a effectué une méta-analyse en regroupant les données de 16 études distinctes portant sur la longévité, les risques de maladie et la musculation. Cela leur a permis d’étudier des dizaines de milliers de participants au total.</p>
<p>Ils ont constaté que de 30 à 90 minutes de musculation par semaine constituaient la quantité optimale pour réduire le risque global de décès. Ils ont aussi découvert que le fait de pratiquer régulièrement plus de trois heures d’entraînement musculaire par semaine pouvait augmenter les risques de décès prématuré d’environ 10 %.</p>
<p>Ils ont également observé que le temps optimal consacré à l’entraînement musculaire variait selon la maladie. Par exemple, si de 40 à 60 minutes de musculation par semaine constituent la durée idéale pour réduire les risques de maladie cardiovasculaire, le risque de diabète continue de diminuer si on y consacre davantage de temps. Cependant, on a pu voir que l’entraînement musculaire n’avait aucun effet sur les risques de certains types de cancer, comme celui de l’intestin, du rein ou du pancréas.</p>
<p>Les conclusions de cette étude sont largement conformes à ce que recommande déjà le National Health Service, au Royaume-Uni. Selon le NHS, les adultes âgés de 19 à 64 ans devraient se fixer pour objectif de faire <a href="https://www.nhs.uk/live-well/exercise/">deux séances d’entraînement musculaire par semaine</a> pour améliorer leur santé générale. Sachant que les directives en matière de santé publique sont souvent un compromis entre ce qui est optimal et ce qui ne découragera pas les gens, il est rassurant de voir que la quantité optimale d’entraînement musculaire par semaine reflète aussi fidèlement les directives actuelles.</p>
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<img alt="Un homme d’âge moyen fait un exercice pour les bras à la salle de gym en utilisant un appareil de musculation" src="https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/449505/original/file-20220302-12454-tkhu4z.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’entraînement musculaire, ce n’est pas seulement soulever des poids.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.shutterstock.com/image-photo/adult-age-man-working-training-gym-1289966182">VH-studio/Shutterstock</a></span>
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<p>Cette étude comporte certaines limites. Bien que le nombre de personnes incluses dans l’ensemble des études soit important, le nombre d’études prises en compte dans l’analyse demeure relativement faible. En outre, les sujets des études étaient principalement originaires d’Amérique du Nord ou d’Europe occidentale, de sorte que les résultats ne sont peut-être pas aussi pertinents pour les personnes de certaines origines ethniques.</p>
<p>Une autre limite est que la plupart des études considérées pour l’analyse s’appuyaient sur des questionnaires sur les habitudes d’exercice de grands groupes de personnes. Il est donc possible que les gens aient surestimé la quantité d’exercice qu’ils font réellement ou même menti.</p>
<h2>Quantité optimale d’exercice</h2>
<p>L’entraînement musculaire est bon pour votre santé générale, et ce, sur plusieurs plans.</p>
<p>Outre les aspects évidents — le fait que cela rende plus fort, par exemple —, on commence à en savoir plus sur le rôle que jouent dans notre corps certaines hormones et cellules qui sont libérées pendant la musculation.</p>
<p>À titre d’exemple, les myokines sont des hormones que nos muscles libèrent en réponse à différents stimuli, dont <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32393961/">l’exercice physique</a>. En circulant dans le corps, elles sont capables de réguler le métabolisme ainsi que les fonctions hépatiques, cérébrales et rénales. Une myokine en particulier, que j’ai étudiée tout au long de ma carrière, est la myostatine. Nous savons qu’elle contrôle la croissance des muscles, mais de nouvelles données démontrent qu’elle agit aussi sur le <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34856088/">métabolisme</a> et la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34634123/">croissance des cellules graisseuses</a>, qui influencent notre santé et peuvent allonger notre vie.</p>
<p>La recherche nous apprend également que la <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34650440/">musculation</a> libère de minuscules fragments de nos cellules musculaires appelés « vésicules extracellulaires ». Celles-ci permettent à nos tissus musculaires de mieux communiquer entre eux. Bien que nous ne comprenions pas parfaitement leur rôle, nous savons qu’elles transportent de l’ARN (une molécule semblable à l’ADN), des protéines et même des mitochondries (qui aident à convertir les aliments en énergie utilisable par nos cellules) <a href="https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2018.00738/full">d’une cellule à l’autre</a>. Ainsi, même si leur fonction n’est pas encore tout à fait claire, cela constitue une autre preuve de l’influence de nos muscles sur de nombreux aspects de notre santé et du fonctionnement de notre corps.</p>
<p>Cependant, les auteurs de cette étude récente ont uniquement examiné la relation entre l’entraînement musculaire et la longévité. Cela signifie qu’ils n’ont pas cherché à savoir en quoi cela avait un effet protecteur ni pourquoi, lorsqu’on dépassait trois heures d’entraînement par semaine, cela augmentait légèrement le risque de décès prématuré. Bien que nous puissions émettre des hypothèses sur les raisons pour lesquelles l’entraînement musculaire a un effet protecteur, en nous basant sur les résultats d’autres recherches, des études de suivi seront nécessaires pour mieux explorer ces questions.</p>
<p>Si cette étude a montré que la musculation était bénéfique pour prévenir les décès prématurés causés par de nombreuses maladies, cela ne signifie pas pour autant qu’il faille s’en tenir à ce type d’entraînement. Il est important de pratiquer également des activités aérobiques d’intensité modérée (comme la marche, le jogging ou le vélo) la plupart des jours de la semaine pour optimiser ses chances de vivre longtemps et en bonne santé.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/178368/count.gif" alt="La Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Bradley Elliott reçoit des financements de l'Endocrine Society, de la Physiological Society, du Quintin Hogg Charitable Trust et de donateurs philanthropiques privés. Il est affilié à la Physiological Society et est membre du conseil d'administration de la British Society for Research on Ageing.</span></em></p>L’étude a révélé que de courtes séances hebdomadaires d’exercices de résistance réduisaient d’environ 10 à 20 % le risque de décès prématuré lié à de nombreuses maladies.Bradley Elliott, Senior Lecturer in Physiology, University of WestminsterLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.