tag:theconversation.com,2011:/us/topics/voitures-thermiques-94899/articlesvoitures thermiques – The Conversation2024-02-02T15:38:58Ztag:theconversation.com,2011:article/2225472024-02-02T15:38:58Z2024-02-02T15:38:58ZStationnement des SUV : nos voitures sont-elles devenues obèses ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/572892/original/file-20240201-19-5af8iy.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=73%2C0%2C1900%2C1039&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les SUV sont encombrants à bien des égards.</span> <span class="attribution"><a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>Ce dimanche 4 février, les Parisiens sont amenés à voter <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">« Pour ou contre la création d’un tarif spécifique pour le stationnement des voitures individuelles lourdes, encombrantes et polluantes »</a>. Si la proposition est adoptée, le tarif sera triplé pour ce type de voitures, qui correspond aux « véhicules thermiques ou hybrides rechargeables de 1,6 tonne ou plus » et aux « véhicules électriques de 2 tonnes ou plus ».</p>
<p>Mais en fait seuls les véhicules des visiteurs sont visés et non ceux des résidents de la Capitale. N’étant pas directement concernée par la mesure (faute d'avoir une voiture), il est très probable qu’une majorité de Parisiens se prononcera pour mais que la participation sera faible, <a href="https://www.paris.fr/pages/plus-ou-moins-de-suv-les-parisiens-et-parisiennes-sont-invites-a-voter-le-4-fevrier-25381">comme lors de la précédente votation sur les trottinettes électriques</a>.</p>
<p>Chacun tirera du scrutin les conclusions qu’il voudra, selon que l’on considère les résultats ou le taux de participation. Une certitude toutefois : les véhicules encombrants sont bel et bien là. Pour le meilleur… et surtout pour le pire ? Tour d’horizon.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-lessor-du-suv-un-choix-avant-tout-politique-149781">Automobile : l’essor du SUV, un choix avant tout politique</a>
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<h2>Des voitures de plus en plus lourdes</h2>
<p>Dans les années 1960, les voitures pesaient en France en moyenne 800 kg. Puis elles ont progressivement pris 450 kg de plus pour atteindre 1 250 kg ces dernières années <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">malgré les efforts déployés pour réduire leur masse</a>.</p>
<p>Cette dérive s’explique par de nombreux facteurs : montée en gamme des véhicules, normes de sécurité renforcées, design plus affirmé, habitabilité accrue, nouveaux équipements de confort, diésélisation puis électrification du parc ou encore nouvelles normes Euro de dépollution.</p>
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<p>Or, tout alourdissement du véhicule entraîne un cercle vicieux, car il faut alors renforcer la motorisation, la chaîne de traction, les freins, les pneus et la sécurité active et passive. On a ainsi pu montrer que 100 kg d’équipements supplémentaires <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-9.htm">conduisent à alourdir le véhicule de 200 kg !</a></p>
<p><iframe id="S5hg7" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/S5hg7/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<h2>Un encombrement croissant</h2>
<p>Les dimensions des voitures ont, elles aussi, tendance à croître : entre les années 1960 et la fin des années 2010, toujours selon <em>L’Argus</em>, leur longueur a augmenté de 4 %, leur hauteur de 6 % et leur largeur de 15 %, passant de 1,55 m à 1,78 m.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=397&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572913/original/file-20240201-27-tgaxh1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=498&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Un véhicule SUV mal garé en Californie, en 2007.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Malingering/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/4.0/">CC BY-NC-SA</a></span>
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<p>Résultat, les plus gros véhicules n’entrent plus dans les garages ou les boxes un peu anciens et se retrouvent contraints de stationner dans la rue en rentrant même difficilement dans les cases dessinées au sol.</p>
<p>Jadis, on pouvait presque toujours voir au-dessus des voitures quand on était à pied ou à vélo. C’est nettement moins le cas aujourd’hui : l’horizon se referme, barré par des toits de tôle.</p>
<h2>Un danger pour autrui</h2>
<p>La sécurité routière dépend essentiellement de l’<a href="https://www.adilca.com/ENERGIE_CINETIQUE.pdf">énergie cinétique des véhicules</a>, c’est-à-dire de leur masse et de leur vitesse. Lors d’un choc, un véhicule léger et lent « ne fait pas le poids » contre un engin lourd et rapide.</p>
<p>Une <a href="https://www.vias.be/publications/Hoe%20verplaatsen%20we%20ons%20het%20veiligst/Comment%20se%20d%C3%A9placer%20de%20la%20mani%C3%A8re%20la%20plus%20s%C3%BBre.pdf">étude récente</a> a montré que « lorsque la masse d’un véhicule augmente de 300 kg, le risque de perdre la vie chez les occupants de voiture diminue de moitié, tandis que ce même risque augmente de respectivement 77 % pour les opposants en voiture les [personnes qui sont dans la voiture percutée par la voiture lourde] et de 28 % pour les usagers vulnérables [piétons et cyclistes] ». Comprendre : les occupants d’un SUV sont mieux protégés… au détriment des autres usagers de la route, autres automobilistes, piétons et cyclistes confondus.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/est-on-vraiment-plus-en-securite-dans-une-grosse-voiture-187454">Est-on vraiment plus en sécurité dans une grosse voiture ?</a>
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<h2>Des voitures électriques plus voraces en matières premières</h2>
<p>Oui, mais la voiture électrique permet d’éviter des émissions de gaz à effet de serre, vous dira-t-on. Aujourd’hui, la plupart des gens sont sensibilisés à l’empreinte carbone de leur véhicule – soit les émissions de gaz à effet de serre produites <a href="https://theconversation.com/et-si-lecologie-cetait-plutot-de-rouler-avec-nos-vieilles-voitures-214495">tout au long de son cycle de vie</a>.</p>
<p>De la même façon, il existe aussi une <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lempreinte-matieres-un-indicateur-revelant-notre-consommation-reelle-de-matieres-premieres">empreinte matières</a>, soit toutes les ressources naturelles (énergies fossiles, minerais métalliques et non métalliques, biomasse) consommées tout au long de la chaîne de production d’une voiture, dans les mines, la métallurgie, la fabrication, le transport ou le recyclage.</p>
<p>Par rapport à la voiture thermique, la voiture électrique divise l’empreinte carbone par <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1-page-15.htm">deux ou trois en fonction des hypothèses retenues</a>, mais elle multiplie par deux l’empreinte matières et par six les <a href="https://theconversation.com/loi-europeenne-sur-les-metaux-critiques-moins-de-dependance-mais-des-questions-en-suspens-218631">matériaux critiques</a> nécessaires, à cause des <a href="https://www.iea.org/reports/the-role-of-critical-minerals-in-clean-energy-transitions">plus grandes difficultés pour extraire et raffiner</a> ces matériaux.</p>
<p>Plus précisément, l’empreinte matières d’une voiture thermique de 1,3 t est d’environ 13 t, soit dix fois plus. Celle d’une voiture électrique de 1,5 t (poids de la Zoé) est <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0959652618333420">d’environ 30 t, soit 20 fois plus</a>, alors qu’une voiture ne transporte en moyenne que 110 kg de personnes et de charges.</p>
<p>Eh oui, avec les voitures électriques actuelles, pour transporter 1 kg, il faut 270 kg de matières : un fantastique gâchis ! C’est pourquoi, pour préserver les ressources de la planète, il sera indispensable de privilégier à l’avenir les véhicules électriques les plus légers possibles, notamment les <a href="https://www.mdpi.com/2032-6653/13/10/183">LEV (light electric vehicles)</a>, appelés aussi en France les <a href="https://www.cairn.info/revue-transports-urbains-2022-1.htm">« véhicules intermédiaires »</a>, d’ailleurs <a href="https://xd.ademe.fr/">promus par l’Ademe</a> et <a href="https://invd.fr/">par certaines associations</a>.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Malus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !</a>
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<h2>L’occasion manquée des véhicules consommant deux litres au 100 km</h2>
<p>Dans le cadre des Investissements d’avenir, le programme « Véhicule 2 l/100 km » lancé par le gouvernement en 2012, avait permis à Renault et à PSA de sortir des démonstrateurs prouvant que c’était <a href="https://www.renaultgroup.com/news-onair/actualites/renault-presente-eolab-le-prototype-au-1l100-km/">parfaitement possible</a>.</p>
<p>Ces véhicules étaient légers et aérodynamiques, mais aussi forcément moins équipés, peu puissants, et donc plutôt lents et avec de faibles capacités d’accélération. Des qualités bien peu séduisantes pour beaucoup d’automobilistes et à l’opposé de celles jusqu’ici mises en avant par les constructeurs : vitesse, vivacité, confort.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/R3fuOdJZyUw?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Eolab, le prototype de Renault conçu pour ne consommer que 1 litre/100 km.</span></figcaption>
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<p>Mais las : ces derniers ont préféré développer une offre de SUV censée mieux répondre à la demande, aux antipodes des bonnes intentions de 2012. À tel point que la <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">part des SUV dans les ventes de voitures neuves s’approche aujourd’hui des 50 %</a>.</p>
<p>De nombreux organismes et ONG (comme l’<a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/automobile/lagence-internationale-de-lenergie-appelle-a-sevir-contre-les-suv-2072086">Agence internationale de l’énergie</a>, l’<a href="https://presse.ademe.fr/wp-content/uploads/2019/06/Communiqu%C3%A9-de-presse-Car-labelling-2019.pdf">Ademe</a> ou <a href="https://www.greenpeace.fr/lindustrie-automobile-moteur-du-dereglement-climatique/">Greenpeace</a> ont souligné l’absurdité de cette dérive puisque les SUV sont tout à la fois plus polluants, plus émetteurs de gaz à effet de serre, plus dangereux et plus chers que des berlines. Ainsi, le prix des voitures neuves s’envole et, avec un décalage de quelques années, celui des voitures d’occasion, rendant la voiture de moins en moins accessible aux revenus les plus modestes.</p>
<h2>Les constructeurs automobiles façonnent encore les imaginaires</h2>
<p>Leurs marges étant bien plus confortables, les constructeurs automobiles ont intérêt à pousser les consommateurs à acheter des véhicules toujours plus gros et plus équipés. Il n’est en effet <a href="https://www.caradisiac.com/plus-gourmands-moins-performants-et-plus-chers-que-les-berlines-a-quoi-servent-les-suv-182746.htm">pas plus coûteux de construire un SUV plutôt qu’une berline</a>, mais les consommateurs l’ignorent et sont prêts à payer plus cher un véhicule plus imposant, perçu comme plus sécurisant et plus confortable.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=450&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/572911/original/file-20240201-29-l44ld0.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=566&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Fausse campagne publicitaire pour BMW en janvier 2023.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Merny Wernz/Twitter</span></span>
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<p>Loin de se contenter de répondre à une demande, comme ils le prétendent, les constructeurs y veillent et façonnent les imaginaires à coup d’investissements publicitaires massifs utilisant des stéréotypes éculés, comme l’ont fort bien montré le <a href="https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/stop-suv">WWF</a> puis la <a href="https://www.jean-jaures.org/publication/la-suv-ification-du-marche-automobile-des-strategies-industrielles-aux-imaginaires-de-consommation/">fondation Jean Jaurès</a>. La grosse voiture, ce serait la liberté, la distinction, l’aventure, la sécurité, la famille et même le respect de l’environnement ! Cette publicité envahissante représente <a href="https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/lobsession-de-la-publicite-pour-les-suv">environ 10 % du coût total d’un SUV</a>.</p>
<p>De plus en plus conscients du problème, les pouvoirs publics ont ajouté au malus CO<sub>2</sub> un malus au poids appliqué aux véhicules neufs essence ou diesel de plus de 1,8 t au 1<sup>er</sup> janvier 2022, ce seuil ayant été abaissé à 1,6 t au 1<sup>er</sup> janvier 2024. L’initiative est louable, mais le seuil reste très élevé et ne s’applique pas aux véhicules électriques. France Stratégie – l’organisme d’expertise du gouvernement – a donc proposé <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/voiture-electrique-cout">d’étendre le malus au poids à ces véhicules</a>.</p>
<p>À vrai dire, si l’on prenait toute la mesure du problème, il faudrait élargir le bonus-malus à l’ensemble de la mobilité individuelle, y compris aux véhicules intermédiaires et même au vélo et à la marche (pour ces deux modes, les recettes du malus pourraient servir à améliorer les aménagements nécessaires à leur développement) en retenant un malus poids commençant à une tonne. <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">Ce que nous proposions déjà il y a quatre ans !</a></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/222547/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Au cours des dernières décennies, nos voitures sont devenues de plus en plus lourdes et larges et posent désormais des problèmes de stationnement, notamment à Paris. Un autre futur était pourtant possible.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2195092024-01-04T21:57:00Z2024-01-04T21:57:00ZLe vélo, meilleur atout pour réduire la pollution et les temps de trajet - L'exemple de l'Île de France<p>Marginal et en déclin partout en France au début des années 1990, le vélo a fait un retour remarqué à Paris. Entre 2018 et 2022, la fréquentation des aménagements cyclables y <a href="https://www.paris.fr/pages/le-bilan-des-deplacements-a-paris-en-2022-24072">a été multipliée par 2,7</a> et a encore doublé <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">entre octobre 2022 et octobre 2023</a>. Aux heures de pointe y circulent maintenant <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2023/11/11/a-paris-la-frequentation-des-pistes-cyclables-a-double-en-un-an_6199510_4355770.html">plus de vélos que de voitures</a>.</p>
<p>Pour autant, Paris <a href="https://theconversation.com/dependance-a-la-voiture-en-zone-rurale-quelles-solutions-109016">n’est pas la France</a>, et pas même l’Île-de-France où la part du vélo reste bien inférieure à celle des transports en commun ou de la voiture. En 2018, dernière année pour laquelle on dispose de données, seuls 1,9 % des déplacements ont été effectués à vélo dans la région francilienne. Bien que ce chiffre ait certainement augmenté depuis, on part de très loin.</p>
<p>Certes, les transports en commun y ont une place nettement <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714237">plus importante que dans les autres régions</a>. Reste qu’environ la moitié des déplacements y sont faits en voiture individuelle, avec les <a href="https://theconversation.com/nous-sous-estimons-les-effets-negatifs-de-la-voiture-sur-la-sante-206911">nuisances</a> bien connues qu’elle entraîne : changement climatique, pollution de l’air, bruit, congestion, accidents, consommation d’espace…</p>
<p>De nombreuses pistes sont défendues pour réduire ces nuisances : développement des transports en commun, <a href="https://theconversation.com/le-velo-ce-mode-de-deplacement-super-resilient-138039">du vélo</a>, télétravail, électrification des véhicules… Pourtant, il existe peu de quantification de leur potentiel, qui varie bien sûr entre les régions. Dans un <a href="https://doi.org/10.1016/j.ecolecon.2023.107951">article récent</a>, nous avons donc tenté de le faire – en nous concentrant sur le cas de l’Île-de-France.</p>
<h2>Quelle substitution à la voiture ?</h2>
<p>Pour cela, nous avons utilisé la dernière enquête représentative sur les transports, l’<a href="https://www.institutparisregion.fr/nos-travaux/publications/les-fiches-de-lenquete-globale-transport/">enquête globale des transports 2010</a>, qui couvre 45 000 déplacements en voiture géolocalisés effectués dans la région.</p>
<p>Grâce aux informations fournies par l’enquête sur les véhicules, nous avons estimé les émissions de CO<sub>2</sub> (le principal gaz à effet de serre anthropique), NO<sub>X</sub> et PM<sub>2.5</sub> (deux polluants atmosphériques importants) de chaque déplacement.</p>
<p>Bien que la voiture ne soit utilisée que pour la moitié des déplacements au sein de la région, elle entraîne 79 % des émissions de PM<sub>2.5</sub>, 86 % des émissions de CO<sub>2</sub> et 93 % des émissions de NO<sub>X</sub> dus aux transports.</p>
<p>[<em>Plus de 85 000 lecteurs font confiance aux newsletters de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde</em>. <a href="https://memberservices.theconversation.com/newsletters/?nl=france&region=fr">Abonnez-vous aujourd’hui</a>]</p>
<p>Pour tous ces déplacements en voiture, nous avons ensuite étudié s’ils pourraient être effectués à vélo – y compris vélo à assistance électrique – ou en transports en commun, en fonction du temps que prendrait alors chaque déplacement, d’après un simulateur d’itinéraires et en fonction des informations dont nous disposons sur ces déplacements.</p>
<p>Nous distinguons ainsi trois scénarios, qui présentent des contraintes de plus en plus strictes sur le type de déplacement en voiture « substituables ».</p>
<ul>
<li><p>Le scénario 1 suppose tous les déplacements substituables, sauf ceux réalisés par les plus de 70 ans.</p></li>
<li><p>Le scénario 2 exclut de plus les déplacements vers les hypermarchés et centres commerciaux (considérant qu’ils impliquent le transport de charges importantes) ainsi que les tournées professionnelles comme celles des artisans, plombiers, etc.</p></li>
<li><p>Le scénario 3 exclut en outre les trajets avec plus d’une personne par voiture.</p></li>
</ul>
<h2>Vélo ou transports en commun ?</h2>
<p>Nous avons ainsi calculé le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun (axe vertical) dans le cas d’une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à X minutes (axe horizontal).</p>
<p>La conclusion est la suivante : pour les scénarios 1 et 2, environ 25 % des automobilistes gagneraient du temps en utilisant l’un de ces types de mobilités – beaucoup moins dans le scénario 3.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=436&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/564598/original/file-20231209-27-den1ls.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=548&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Sur l’axe vertical, le pourcentage d’automobilistes qui pourraient passer au vélo ou aux transports en commun. Sur l’axe horizontal, la hausse du temps de trajet quotidien maximale à laquelle cela correspondrait.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Leroutier, M., & Quirion, P. (2023). Tackling car emissions in urban areas : Shift, Avoid, Improve. Ecological Economics, 213, 107951</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Qu’en est-il des baisses d’émissions polluantes ? Dans les scénarios 1 et 2, elles diminuent d’environ 8 % si le temps de trajet quotidien est contraint de ne pas progresser – chiffre quasiment identique pour chacun des trois polluants étudiés. Ce pourcentage est inférieur aux 25 % mentionnés précédemment, car les déplacements substituables sont de courte distance. La baisse d’émissions atteint 15 % pour une augmentation du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, et 20 % pour une hausse inférieure à 20 minutes.</p>
<p>Nous pouvons attribuer une valeur monétaire aux nuisances générées par ces émissions en utilisant les recommandations officielles en France (85 euros par tonne de CO<sub>2</sub>) et en Europe (28 euros par kg de NO<sub>X</sub> et 419 euros par kg de PM<sub>2.5</sub>). Pour une hausse du temps de trajet quotidien inférieure à 10 minutes, les bénéfices sanitaires et climatiques du report modal atteignent entre 70 et 142 millions d’euros par an, selon les scénarios.</p>
<p>Il est intéressant de noter que c’est le vélo qui permet l’essentiel du transfert modal et des réductions d’émissions, alors que les transports publics existants ont peu de potentiel. Toutefois, notre méthode ne permet pas de tester l’effet de nouvelles lignes de transports publics, ni de l’augmentation de la fréquence sur les lignes en place.</p>
<h2>Qui dépend le plus de sa voiture ?</h2>
<p>Selon nos calculs, 59 % des individus ne peuvent pas abandonner leur voiture dans le scénario 2 si l’on fixe un seuil limite de 10 minutes de temps supplémentaire passé à se déplacer par jour.</p>
<p>Par rapport au reste de la population d’Île-de-France, statistiquement, ces personnes ont de plus longs déplacements quotidiens (35 km en moyenne contre 9 pour les non-dépendants). Elles vivent davantage en grande couronne, loin d’un arrêt de transport en commun ferré, ont un revenu élevé, et sont plus souvent des hommes.</p>
<p>Concernant ceux de ces individus qui ont un emploi, travailler en horaires atypiques accroît la probabilité d’être « dépendant de la voiture », comme l’est le fait d’aller de banlieue à banlieue pour les trajets domicile-travail. Beaucoup de ces caractéristiques sont corrélées avec le fait de parcourir des distances plus importantes et d’être <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140988322001189">parmi les 20 % des individus contribuant le plus aux émissions</a>.</p>
<h2>La place du télétravail et de la voiture électrique</h2>
<p>Nous avons ensuite étudié dans quelle mesure les individus « dépendants de la voiture » pourraient réduire leurs émissions en télétravaillant. En considérant que c’est impossible pour les artisans, patrons, agriculteurs, vendeurs et travailleurs manuels, un passage au télétravail deux jours de plus par semaine pour les autres professions amènerait une baisse d’environ 5 % d’émissions, en plus de ce que permet le report modal.</p>
<p>Pour réduire davantage les émissions, il est nécessaire de rendre moins polluants les véhicules, en particulier par le passage aux véhicules électriques. Nos données n’apportent qu’un éclairage partiel sur le potentiel de cette option, mais elles indiquent tout de même que l’accès à la recharge et l’autonomie ne semblent pas être des contraintes importantes : 76 % des ménages dépendants de la voiture ont une place de parking privée, où une borne de recharge pourrait donc être installée, et parmi les autres, 23 % avaient accès à une borne de recharge à moins de 500 mètres de leur domicile en 2020.</p>
<p>Ce chiffre va augmenter rapidement car la région Île-de-France a annoncé le triplement du nombre de bornes entre 2020 et fin 2023. L’autonomie ne constitue pas non plus un obstacle pour les déplacements internes à la région puisque moins de 0,5 % des personnes y roulent plus de 200 km par jour.</p>
<h2>Le vélo, levier le plus efficace</h2>
<p>Soulignons que la généralisation des véhicules électriques prendra du temps puisque des véhicules thermiques neufs continueront à être vendus jusqu’en 2035, et donc à être utilisés jusqu’au milieu du siècle.</p>
<p>Ces véhicules ne résolvent par ailleurs qu’une partie des problèmes générés par la voiture : des émissions de particules importantes subsistent, dues à l’usure des freins, des pneus et des routes. Ni la congestion routière, ni le <a href="https://theconversation.com/marche-velo-les-gains-sanitaires-et-economiques-du-developpement-des-transports-actifs-en-france-189487">manque d’activité physique lié à la voiture</a> ne sont atténués.</p>
<p>Lever les obstacles à l’adoption du vélo partout dans la région devrait donc être une priorité. Le <a href="https://fifteen.eu/fr/resources/guides/velo-en-ile-de-france-resultats-de-l-etude-opinion-way-x-fifteen">premier facteur cité par les Franciliens</a> parmi les solutions pour accroître les déplacements quotidiens en vélo serait un meilleur aménagement de la voie publique, comprenant la mise en place de plus de pistes sécurisées et d’espaces de stationnement.</p>
<hr>
<p><em>Le projet <a href="https://anr.fr/ProjetIA-17-EURE-0001">ANR- 17-EURE-0001</a> est soutenu par l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance en France la recherche sur projets. Elle a pour mission de soutenir et de promouvoir le développement de recherches fondamentales et finalisées dans toutes les disciplines, et de renforcer le dialogue entre science et société. Pour en savoir plus, consultez le site de l’<a href="https://anr.fr/">ANR</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/219509/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Quirion est président de l'association Réseau Action Climat France (activité bénévole) et membre de l'association négaWatt.</span></em></p><p class="fine-print"><em><span>Marion Leroutier a reçu des financements de l'Agence Nationale pour la Recherche (France) et de la Fondation Mistra (Suède) pour ce projet de recherche.</span></em></p>Des chercheurs ont quantifié la possibilité de substituer le vélo et les transports en commun à la voiture dans la région et les effets que cela aurait sur la pollution.Philippe Quirion, Directeur de recherche, économie, Centre national de la recherche scientifique (CNRS)Marion Leroutier, Postdoc Fellow, Institute for Fiscal StudiesLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2188572023-12-07T17:34:46Z2023-12-07T17:34:46ZAutomobile : et s’il y avait un peu de chanvre dans l’habitacle et un peu de lin dans votre moteur ?<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/562436/original/file-20231129-23-3lq6j8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=29%2C17%2C3893%2C2782&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les fibres végétales pourraient-elles entrer dans la composition de l'habitacle ou du moteur de nos véhicules?</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/fr/photos/une-vache-dans-un-champ-de-fleurs-OpuuB_Io3tQ">Darla Hueske, Unsplash</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span></figcaption></figure><p>On commence à trouver des fibres végétales dans les voitures : elles sont à l’intérieur des plastiques de l’habitacle notamment, où elles permettent d’alléger le matériau, ce qui peut permettre de faire des économies d’énergie ou de déplacer un véhicule plus volumineux pour le même litre d’essence ou recharge électrique. On les retrouve aussi dans les <a href="https://www.challenges.fr/automobile/dossiers/porsche_729434">carénages de voitures sportives</a> et <a href="https://www.francetvinfo.fr/sports/voile/route-du-rhum/route-du-rhum-2022-pont-en-fibres-de-lin-energie-solaire-pieces-de-recuperation-des-skippers-prendront-le-depart-avec-un-bateau-plus-durable_5439127.html">dans certaines coques de bateaux à voile de compétition</a>.</p>
<p>Les plastiques composites, qu’ils contiennent des fibres végétales ou minérales, comme les fibres de verre ou de carbone, représentent aujourd’hui jusqu’à <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6095-vehicules-donnees-2020.html">20 % du poids total du véhicule</a>. Dans le cas des fibres de verre ou de carbone, ils entrent même dans la composition des pièces du moteur, par exemple des pompes à eau de refroidissement. Les fabricants ont aujourd’hui tendance à favoriser ces plastiques composites par rapport à des pièces en métal car, outre leur poids moindre, elles sont moins coûteuses à fabriquer, suffisamment résistantes, permettent d’obtenir des géométries plus optimisées et sont recyclables… du moins en partie.</p>
<p>Recycler les plastiques contenant des fibres de verre ou de carbone permet de récupérer ces fibres, mais pas le matériau polymère, car il faut brûler le plastique pour récupérer les fibres, qui sont coûteuses à fabriquer et donc intéressantes à revaloriser. Ainsi, aujourd’hui, seulement <a href="https://librairie.ademe.fr/dechets-economie-circulaire/6095-vehicules-donnees-2020.html">entre 28 % et 78 % de pièces en plastique des véhicules sont recyclés</a> (alors qu’<a href="https://www.auto-infos.fr/article/le-recyclage-automobile-dans-tous-ses-etats.251247">environ 85 % de la masse totale des véhicules est recyclé</a>. Cette variabilité vient du fait que certains plastiques sont utilisés purs et donc plus facilement recyclables alors que d’autres sont renforcés, ce qui rend l’opération bien plus difficile.</p>
<p>C’est pour continuer à alléger les véhicules et améliorer leur recyclabilité que l’on se tourne aujourd’hui vers les fibres naturelles, y compris dans les moteurs. Elles sont plus vertueuses à produire que le verre ou le carbone (car moins énergivores à produire, biodégradables, valorisables pour de multiples applications et pouvant provenir de récupération de chutes, favorisant ainsi l’indépendance vis-à-vis du pétrole), mais aussi plus légères, et elles brulent à plus basse température : lors du recyclage, on pourrait ainsi en théorie récupérer le thermoplastique, comme le nylon ou le polypropylène et le recycler.</p>
<p>Les fibres végétales du lin ou du chanvre sont utilisées depuis <a href="https://www.jstor.org/stable/1595900">l’antiquité</a> pour fabriquer entre autres papyrus, cordages et voiles de bateau (du fait de leur bonne résistance mécanique) et vêtements. Mais il y a plusieurs défis techniques à relever pour pouvoir les intégrer dans des pièces mécaniques de composites plastiques.</p>
<h2>Du champ au renfort mécanique dans les moteurs de voiture</h2>
<p>Aujourd’hui, seulement 10 % du lin est utilisé pour des applications mécaniques, le <a href="https://www.culture.gouv.fr/Media/Les-savoir-faire-du-lin-textile">reste, c’est-à-dire l’immense majorité, étant utilisé pour les vêtements et l’ameublement</a>. Le lin est pourtant un matériau connu pour sa bonne résistance mécanique, qui a permis d’arrimer les bateaux et faire traverser les âges aux anciens papyrus. Il a cependant toujours été utilisé en grosses structures tissées ou tressées et non en petites fibres.</p>
<p>Le chanvre, de son côté, commence à réémerger, grâce à des applications thermiques. Ses excellentes propriétés isolantes font de lui un <a href="https://theconversation.com/faire-pousser-des-isolants-thermiques-un-panorama-des-materiaux-disponibles-en-france-185653">excellent isolant thermique pour le bâtiment</a> et pour les paillis agricoles. Ses propriétés mécaniques sont également très intéressantes pour les applications industrielles.</p>
<p>Comme chaque matériau possède ses propres points forts, le développement parallèle de plusieurs types de renfort est indispensable pour offrir un panel de solutions aux problématiques variées auxquelles font face les constructeurs. En équilibrant les avantages et les inconvénients de chaque matériau, nous pourrions ne plus nous retrouver dépendants d’une seule solution, comme ce fût le cas avec la dépendance au pétrole.</p>
<p>Si la culture du lin <a href="https://www.lelin-cotenature.fr/FR/les-zones-de-production-41.html">est présente et bien implantée en France</a>, la culture du chanvre, elle, est bien <a href="https://www.interchanvre.org/la_culture">plus anecdotique</a>. La démocratisation de la culture de chanvre peut donc prendre plus de temps, d’autant que les fibres doivent être issues de cultures pérennes et maitrisées sous réserve de voir leurs propriétés fluctuer d’une année à l’autre, en fonction de la qualité de la récolte. <a href="http://www.vanrobaeys.fr/fr/lin/culture-and-recolte-2">De l’acquisition du terrain à la première récolte de lin, par exemple, il peut en effet se passer 6 à 7 ans avant de pérenniser la culture et standardiser la qualité des fibres obtenues</a>. Un accroissement important de ces cultures, qu’elles soient de lin, de chanvre ou de tout autre renfort naturel potentiel, serait nécessaire pour permettre une diffusion plus massive des renforts naturels.</p>
<h2>Mieux comprendre les fibres végétales et leurs composites</h2>
<p>La présence de fibres rend le comportement mécanique de la pièce complexe à estimer, car il dépend de la manière dont les fibres sont positionnées et orientées dans la pièce en plastique. Par exemple, une meilleure résistance à la traction serait obtenue si les fibres étaient parfaitement alignées avec la direction de sollicitation, ce qui n’est jamais le cas, surtout dans une pièce à la géométrie complexe. Ainsi, le dimensionnement d’une pièce composite renforcée de fibres synthétiques n’est déjà pas chose aisée.</p>
<p>Heureusement, les fibres synthétiques ont des géométries simples et répétables (même longueur, même diamètre), ce qui a permis de développer des <a href="https://pubs.aip.org/sor/jor/article-abstract/31/8/751/235499/The-Use-of-Tensors-to-Describe-and-Predict-Fiber">méthodes</a> pour estimer l’orientation dans une pièce mécanique.</p>
<p>Avec les fibres végétales, c’est plus compliqué, car celles-ci sont moins bien calibrées, voire pas du tout, et on ne peut pas faire les mêmes hypothèses et approximations qu’avec les fibres synthétiques. Voilà pourquoi, la majorité des pièces renforcées de fibres naturelles sont <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/15440478.2022.2126424">moulées</a>, permettant de créer des renforts tressés et donc à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1359835X20301536">géométrie répétable</a>, à l’instar des cordages de bateaux. Pour les pièces à géométrie plus complexe, obtenues par injection, l’orientation des fibres devient une inconnue majeure.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=306&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562433/original/file-20231129-27-uqp7ka.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=384&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Orientation de fibres synthétiques (à gauche) et naturelles (à droite).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bourgogne, Université de Bourgogne</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>De plus, contrairement aux fibres synthétiques, <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s42452-020-2160-2">leur résistance mécanique s’avère être encore plus sensible à la température et à l’humidité que le polymère</a>.</p>
<p>Tout n’est cependant pas perdu car, même si on ne peut pas changer la nature et ces dépendances, on peut <a href="https://hal.univ-lorraine.fr/tel-03176321">anticiper</a> ces dernières.</p>
<p>Nous étudions des composites de différentes natures, afin d’identifier les phénomènes physiques – dont dépend la résistance mécanique – qui vont se produire au niveau de la microstructure, afin de prédire leur apparition et quantifier leur influence sur la résistance du matériau.</p>
<h2>Des sensibilités diverses, pour des applications qui le sont tout autant</h2>
<p>Contrairement au verre, la fibre végétale est aussi un composite. Elle se compose d’un ensemble de plus petites fibres, appelées fibrilles, entrelacées.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=447&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/562430/original/file-20231129-19-nb836w.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=562&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Composition d’une fibre de chanvre.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Quentin Bourgogne, Université de Lorraine</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>C’est cette structure qui rend la géométrie de la fibre complexe et variable. Pour prendre ce constat en compte dans le dimensionnement, nous avons mené des <a href="https://www.researchgate.net/profile/Quentin-Bourgogne-2">travaux</a> montrant que les fibres naturelles sont tellement courbées que l’orientation des fibres joue un rôle mineur dans l’effet renforçant. La courbure de la fibre est tel qu’elle vient compenser l’orientation des fibres.</p>
<p>Les aspects géométriques de la fibre ne sont pas les seuls défis à relever pour l’utilisation de ces matériaux. La résistance mécanique des fibres naturelles est elle aussi sujette aux variations de températures et d’humidité.</p>
<p>Nous avons été capables de montrer <a href="https://www.researchgate.net/profile/Quentin-Bourgogne-2">dans d’autres travaux</a> que dans le cas d’un composite constitué de polypropylène et de fibres courtes de chanvre que le polymère est plus sensible à la température que le chanvre, nous contraignant à comprendre le comportement du polymère en le dissociant du comportement de la fibre. Par contre, la fibre de chanvre est, elle, bien plus sensible à l’absorption d’eau. Cette absorption mène à un gonflement de celle-ci et dégrade de fait la cohésion entre la fibre et le polymère et peut même aller jusqu’à la dissolution de la fibre, supprimant de fait l’effet renforçant.</p>
<p>Chaque plante, et donc chaque fibre, est différente. Toutes ces spécificités doivent également être prises en compte dans le dimensionnement, créant ainsi une chaine d’incidences… remontant jusqu’à la récolte elle-même.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/218857/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Quentin Bourgogne ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Alléger, renforcer, recycler, économiser l’énergie… Les fibres végétales, qui peuvent sembler désuètes, peuvent-elles contribuer à rendre plus durable le secteur automobile ?Quentin Bourgogne, Enseignant - Chercheur en mécanique et matériaux, Université de LorraineLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2119582023-08-30T16:30:24Z2023-08-30T16:30:24ZAutomobile : est-il devenu moins coûteux d’opter pour une voiture électrique ?<p>En avril 2023, La Commission européenne a adopté un <a href="https://climate.ec.europa.eu/eu-action/transport-emissions/road-transport-reducing-co2-emissions-vehicles/co2-emission-performance-standards-cars-and-vans_fr">règlement</a> interdisant à partir de 2035 la vente de voitures particulières neuves émettant du CO<sub>2</sub>. En réponse, le gouvernement français encourage l’acquisition de <a href="https://theconversation.com/topics/voitures-electriques-31974">véhicules électriques</a> en offrant des subventions à l’achat et en conservant des taxes sur l’électricité moins élevées que celles équivalentes sur l’essence et le diesel. Il accorde également à leurs conducteurs des privilèges, tels que l’accès à des zones à émissions nulles dans les centres-villes ou des places de stationnement réservées.</p>
<p>L’ampleur de la <a href="https://theconversation.com/topics/transition-ecologique-66536">transition</a> à opérer est impressionnante. En 2022, la France représentait à elle seule environ <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/recherche?text=nouveau+v%C3%A9hicules+automobiles">1,5 million de véhicules neufs vendus</a>. Pour l’ensemble de l’<a href="https://theconversation.com/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE), le nombre de véhicules neufs a atteint <a href="https://www.oica.net/category/sales-statistics/">11,2 millions</a> soit environ 17 % de la production mondiale de voitures.</p>
<p>En supposant que le parc total de véhicules en France reste constant à son niveau de 2021 (37,9 millions), le temps que les véhicules thermiques en circulation arrivent en fin de vie, la part des électriques devrait atteindre environ 45 % en 2035 et 95 % en 2050, année visée par l’UE pour atteindre la <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/headlines/society/20180305STO99003/reduction-des-emissions-de-co2-objectifs-et-actions-de-l-union-europeenne">neutralité carbone</a>.</p>
<p><iframe id="1GSlQ" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/1GSlQ/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Le taux d’évolution des émissions de CO<sub>2</sub> diminuerait en parallèle assez régulièrement, partant de 139 g/CO<sub>2</sub>/km en 2023 à la moitié en 2035, pour atteindre plus lentement 5 g/CO<sub>2</sub>/km en 2050, avec peu d’automobiles thermiques encore en circulation.</p>
<p><iframe id="L4p2C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/L4p2C/2/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>D’ici la fin de l’année 2034, du point de vue de l’économiste, c’est le <a href="https://theconversation.com/topics/cout-49465">coût</a> relatif des véhicules électriques par rapport aux thermiques qui fondera la décision d’opter pour l’un ou l’autre. Ce coût comprend deux éléments : celui de son acquisition et le coût annuel d’utilisation (rechargement en énergie et entretien). Nos calculs mettent ici en avant une marge de progression importante à combler pour les véhicules électriques qui semblent aujourd’hui encore assez peu <a href="https://theconversation.com/topics/competitivite-21451">compétitifs</a>.</p>
<h2>L’électrique peu attrayant en zone non urbaine</h2>
<p>Le coût d’acquisition intègre ce que l’on va payer pour acquérir le véhicule, son prix net de toute subvention plus les frais d’immatriculation. On le rapportera au nombre d’années d’utilisation et en déduira la valeur de revente. Il y a pour chacun des dépenses spécifiques à additionner : pour un véhicule thermique, il faudra ajouter toute pénalité sur les émissions de CO<sub>2</sub> ; pour un électrique, le coût d’achat et l’installation d’un chargeur à domicile.</p>
<p>Les coûts d’exploitation comprennent, eux, ceux de l’énergie (essence, diesel ou électricité), de l’entretien et l’assurance. Pour un véhicule électrique, il faudra aussi compter les frais éventuels d’abonnement à un chargeur hors domicile.</p>
<p>Afin de procéder à une comparaison, nous avons recueilli les données sur un échantillon représentatif de véhicules de chaque type fabriqués par Peugeot, Renault, Dacia et Mercedes-AMG dont nous avons tiré des moyennes suivant les parts de marché. Les coûts ont ensuite été calculés selon la <a href="https://www.transportpolicy.net/standard/international-light-duty-worldwide-harmonized-light-vehicles-test-procedure-wltp/">méthodologie</a> utilisée par l’UE, qui fait intervenir le fait de conduire uniquement en ville ou non et la distance annuelle parcourue.</p>
<p>En moyenne, le coût d’acquisition d’un véhicule électrique moyen est plus élevé que celui d’une voiture thermique. Son coût d’exploitation reste néanmoins plus faible. Nous calculons alors qu’en utilisation 100 % urbaine, il reste au total moins cher s’il effectue plus de 9 000 km par an.</p>
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<p>Ce seuil est néanmoins de 27 000 km par an pour une utilisation combinée, un chiffre plutôt élevé étant donné que la moyenne française est de 12 000 km par an.</p>
<p><iframe id="wFnce" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/wFnce/6/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Si le point de rupture est beaucoup plus élevé pour l’utilisation combinée que pour l’urbaine, c’est parce que les véhicules thermiques y fonctionnent plus efficacement. Avec un plus petit nombre d’arrêts et de départs, les récupérations d’énergie au freinage, un des atouts des véhicules électriques, s’y font plus rares. Actuellement, un véhicule électrique ne constitue donc pas un choix économique plus attrayant pour une conduite très majoritairement non urbaine.</p>
<h2>Le consommateur en manque d’alternatives</h2>
<p>Les résultats moyens des figures précédentes ne fournissent pas une image universelle du parc, mais ils ne cachent que des exceptions relativement marginales. Le segment « sportif » pour lesquels la voiture électrique est moins chère sur toutes les distances parce que la voiture thermique est fortement pénalisée du fait de ses fortes émissions de CO<sub>2</sub>. On retrouve également le segment « luxe » dans ses versions économes en carburant pour lesquelles la voiture électrique est plus chère car elle est équipée d’une batterie de grande capacité, donc coûteuse.</p>
<p>La comparaison des coûts ne tient pas compte, non plus, des écarts sur la commodité et le confort de conduite qui résultent de leurs différences d’accélération, d’autonomie ou de temps nécessaire pour faire le plein ou recharger le véhicule. Elle se fonde de plus sur les données actuelles des véhicules que ce soit en termes de technologie, de prix d’achat des véhicules et des chargeurs, des niveaux de subvention, des coûts d’immatriculation, des pénalités sur les émissions de CO<sub>2</sub> ou des taux de dépréciation des véhicules. Chacun de ces paramètres est susceptible d’évoluer au fil du temps.</p>
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<p>Ces résultats apportent néanmoins du grain à moudre au débat quant aux enjeux soulevés par la directive européenne qui sont de divers ordres. Des défis logistiques et financiers majeurs sont posés à l’industrie automobile, notamment construire ou réaménager des usines pour fabriquer les batteries et les systèmes électroniques, reclasser nombre d’employés des usines de fabrication ou des secteurs de vente et d’entretien des voitures et assurer l’approvisionnement en métaux rares et autres matières premières. En raison des contraintes d’approvisionnement, des modèles électriques équivalents aux thermiques pourraient ne pas être disponibles avant un certain temps, ce qui nuit à la concurrence.</p>
<p>La directive entraîne également des coûts à moyen terme pour les consommateurs du fait que les véhicules électriques, malgré les subventions et taxations favorables, restent bien moins compétitifs hors des villes. En outre, qui ne peut ou ne veut pas payer pour un électrique neuf aura peu d’alternatives moins chères jusqu’à ce qu’un marché des véhicules d’occasion se développe suffisamment.</p>
<h2>Les retrofits comme solutions ?</h2>
<p>Qui dit arrêt des ventes ne dit pas d’ailleurs que les véhicules en circulation ne continueront pas à émettre du CO<sub>2</sub> (et d’autres polluants) pendant de nombreuses années après l’échéance de 2035. Les avantages environnementaux de la directive au niveau mondial seront également compromis si les volumes de vente des véhicules thermiques (neufs ou d’occasion) se déplacent de l’Europe vers des régions qui ne disposent pas d’une législation environnementale similaire.</p>
<p>Une piste de solution pourrait être de transformer des véhicules thermiques en électriques. Cela demande de retirer le moteur, la boîte de vitesses et le système de contrôle électronique du véhicule pour y installer un petit moteur électrique, une batterie et un système de contrôle adéquat. On nomme cette opération « retrofit ».</p>
<p>Elle coûterait approximativement entre 10 000 et 15 000 euros, en fonction de la capacité de la batterie : c’est moins que le prix d’une voiture électrique neuve. Avec des usines dimensionnées à 150 000 retrofits/an, il y aurait moyen d’accélérer la transition vers un parc de véhicules entièrement électriques, d’offrir un plus grand choix aux consommateurs, d’accélérer la réduction des émissions et de réduire le risque d’exportation des thermiques usagés hors Europe. C’est aussi un moyen de reclasser une partie des effectifs actuels.</p>
<h2>Une réussite environnementale ?</h2>
<p>La mutation du parc automobile ne réduira par ailleurs considérablement les émissions de CO<sub>2</sub> des véhicules particuliers qu’à condition que l’électricité soit produite à partir de sources d’énergie propres. En Europe, les <a href="https://app.electricitymaps.com/map">émissions varient considérablement d’un pays à l’autre</a>, de 28 g/CO<sub>2</sub>/kWh dans le centre de la Suède, 72g/CO<sub>2</sub>/kWh en France, à 469 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Allemagne et jusqu’à 826 g/CO<sub>2</sub>/kWh en Pologne.</p>
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<a href="https://theconversation.com/vehicule-autonome-lessayer-ce-nest-pas-vraiment-ladopter-206229">Véhicule autonome : l’essayer, ce n’est pas vraiment l’adopter…</a>
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<p>En France, en raison de l’usage du nucléaire et d’autres sources d’énergie sans carbone les émissions liées aux véhicules électriques sont ainsi largement plus faibles que celles des thermiques. Néanmoins, pour le segment populaire des petites voitures, la subvention à l’achat, la taxe sur l’électricité inférieure à celle de l’essence ou du gazole et les émissions de CO<sub>2</sub> plus élevées produites par la fabrication des batteries conduisent à un coût final de 300€/t d’émissions de CO<sub>2</sub> gagnés par rapport à un moteur thermique équivalent. Ce montant est bien plus élevé que le coût social du carbone par tonne recommandé officiellement dans le <a href="https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/fs-2019-rapport-la-valeur-de-laction-pour-le-climat_0.pdf">rapport Quinet</a>. Il ne tient de plus pas compte de l’évolution des polluants autres que le CO<sub>2</sub> produits par la fabrication des batteries, la construction du véhicule et par le recyclage de leurs composants en fin de vie.</p>
<p>En Pologne en revanche, les émissions de CO<sub>2</sub> d’un véhicule électrique sont actuellement similaires à celles d’un véhicule thermique comparable, sans même tenir compte des émissions liées à la fabrication et au recyclage des batteries.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/211958/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Un véhicule électrique est aujourd’hui plus intéressant qu’un thermique en ville au-delà de 9 000 kilomètres parcourus par an. Ailleurs, il peine encore à se montrer compétitif.André de Palma, Professeur émérite en Économie, CY Cergy Paris UniversitéRobin Lindsey, CN Chair in Transportation and International Logistics, University of British ColumbiaYannik Riou, Chercheur Associé en Economie, Université de StrasbourgLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2032592023-04-16T15:55:29Z2023-04-16T15:55:29ZLes carburants de synthèse ne peuvent pas remettre en cause le développement de la voiture électrique d’ici 2035<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/519936/original/file-20230407-22-wn2wuz.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C15%2C1257%2C883&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La transition vers la fin du moteur thermique implique nécessairement une phase de rivalité entre acteurs et entre technologies.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pxhere.com/fr/photo/1159054">Pxhere</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Dans notre dernier <a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">article</a> de juillet 2022, nous avions montré comment huit ans, un scandale planétaire, deux électrochocs politiques et trois paliers successifs d’évolution ont été nécessaires pour réussir à faire basculer le secteur de l’automobile dans l’ère de l’après-pétrole. Récemment, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a>, avec une coalition d’autres pays (dont Italie, République tchèque, Pologne, Roumanie, Hongrie, Slovaquie) a imposé de conserver les moteurs thermiques après 2035 <a href="https://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/fin-des-moteurs-thermiques-dans-lue-berlin-veut-exempter-les-carburants-de-synthese/">à condition d’utiliser des carburants de synthèse</a>.</p>
<p>Fin mars, <a href="https://www.euractiv.fr/section/plan-te/news/le-conflit-sur-les-carburants-de-synthese-a-rendu-un-grand-service-a-leurope-selon-le-ministre-allemand-des-transports/">l’Union européenne (UE) a plutôt donné raison à cette coalition</a>. Est-ce que cela signifie un retour en arrière ? Non ! Il s’agirait plutôt d’une nouvelle étape dans ce que l’on appelle une transition d’un « système sociotechnique » à un autre.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">Automobile : les trois étapes qui ont conduit l’UE à mettre fin aux véhicules thermiques d’ici 2035</a>
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<p><a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2022-6-page-39.htm">Un système sociotechnique »</a> désigne un ensemble industriel, sociétal et culturel composé d’organisations qui interviennent le long d’une chaine de valeur (de l’extraction de matière première, en passant par la production de produits finis et leur distribution, etc.), qui s’est progressivement figée sur des règles communes (normes, standards, etc.), et surtout sur une façon spécifique de produire et consommer un type de produit ou service.</p>
<p>On parle de système sociotechnique à l’échelle des grands secteurs : agroalimentaire, agriculture, énergie, transport, santé, etc. Les systèmes sociotechniques font l’objet <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877343519300375">d’une ample recherche internationale</a> car ils ont une propriété : ils résistent au changement. Or, justement la transition écologique et énergétique nécessite un changement complet de ces systèmes sociotechniques.</p>
<h2>La fin d’un système sociotechnique</h2>
<p>Selon la recherche, tant que les systèmes sociotechniques n’ont pas atteint un état optimal qui satisfait à peu près tous les acteurs en présence, ces derniers continuent de batailler jusqu’à ce qu’un équilibre acceptable – pour tous – se stabilise. C’est une trajectoire faite de rivalités à la fois entre les acteurs et entre les technologies disponibles.</p>
<p>Une fois les règles stabilisées autour d’un consensus (qui n’est donc pas forcément de la meilleure solution dans l’absolu), les batailles entre acteurs s’arrêtent. Les économistes du courant évolutionniste de la firme, Richard Nelson et Sidney Winter, parlent de <a href="https://www.cairn.info/les-grands-auteurs-en-management--9782376870432-page-281.htm">« trêve »</a>. Le système sociotechnique se fige dans une configuration spécifique autour de normes de production et de consommation qui véhiculent des valeurs partagées et acceptées par tous. Le système devient alors de plus en plus rentable pour tous les acteurs en présence qui n’ont pas vraiment d’intérêt à le voir remis en question.</p>
<p>Cependant, si la configuration globale est figée, le système en tant que tel se perfectionne au fil du temps en intégrant de nouvelles technologies. Une technologie de rupture peut parfaitement être adoptée, sauf si cette innovation remet en cause le fonctionnement du système sociotechnique. Dans ce cas, on observe des effets de système qui ont pour conséquence un rejet de cette technologie.</p>
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<p>Depuis le début du XXe siècle, le système sociotechnique de l’automobile s’est figé sur le modèle du véhicule individuel à essence ou diesel. Tous les efforts de l’Europe depuis 35 ans n’ont réussi qu’à améliorer le système sociotechnique du moteur thermique. Quand la crise du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dieselgate-95169">« dieselgate »</a> éclate en 2015, lorsque sont découvertes les fraudes à la mesure d’émissions de particules fines chez le constructeur allemand Volkswagen, la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">voiture électrique</a> représente <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1877343519300375">1 % des ventes dans le monde</a>. Sa chaine de valeur est tellement incompatible avec le système sociotechnique des moteurs thermiques mondial, que son adoption est bloquée depuis quelques années déjà.</p>
<p><a href="https://theconversation.com/automobile-les-trois-etapes-qui-ont-conduit-lue-a-mettre-fin-aux-vehicules-thermiques-dici-2035-186248">Dans notre précédent article</a>, nous avons expliqué comment plusieurs phases ont été nécessaires entre 2015 et 2022 pour que <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">l’Union européenne</a> prenne vraiment la décision de sortir du régime du moteur thermique en entraînant avec elle tous les acteurs du secteur automobile. Il ne faut pas se tromper… Malgré les <a href="https://theconversation.com/fr/topics/carburants-62104">carburants</a> de synthèse, l’immense majorité des constructeurs automobiles sont en train de remettre en question leur mode de production. L’après-pétrole s’est bel et bien enfin enclenché (au moins dans la mobilité !).</p>
<p>Dans cette transition d’un système sociotechnique à un autre, l’UE essaie de rester neutre technologiquement en donnant des objectifs de réduction de CO<sub>2</sub> plutôt qu’en prescrivant une solution plutôt qu’une autre. Finalement, ce qu’on a appelle « la fin du moteur thermique », c’est « la fin du système sociotechnique du moteur thermique qui fonctionnait avec de l’essence ou du diesel carboné ».</p>
<h2>Un paysage en forte mutation</h2>
<p>On peut donc avancer que l’offensive allemande sur les carburants de synthèse n’est pas en train de remettre en cause la sortie du système sociotechnique actuel. L’attitude de l’Allemagne est juste le symptôme qu’on a bien enclenché une transformation systémique d’ampleur du système sociotechnique précédent.</p>
<p>Comme nous l’avons vu, quand un nouveau système sociotechnique commence à se développer, cela commence par une rivalité entre acteurs et entre technologies. Les transports et leurs carburants représentent des enjeux économiques, industriels et géopolitiques tels, qu’il faut s’attendre dans les années qui viennent à de fortes turbulences avant qu’un consensus, acceptable par tous, s’installe tout au long de la chaîne de valeur.</p>
<p>D’autres éléments de contexte sont également à prendre en considération pour avoir une vision globale de la situation. Tout d’abord, un nouveau paysage structurant est en train de s’installer : urgence dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre, accent mis sur la sobriété énergétique, limites planétaires qui obligent à réduire les ressources « matière ». Or, nos <a href="https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2022-6-page-39.htm">travaux</a> montrent que l’urgence tend à privilégier dans l’immédiat les technologies les plus matures. Par exemple, c’est l’électrique qui a pris le pas sur toutes autres technologies non carbonées disponibles depuis ces dernières années car c’était la plus mature.</p>
<p>En outre, avec la guerre en Ukraine et les problématiques de dépendance énergétique, le système sociotechnique de l’énergie, qui était lui aussi figé depuis le début du XX<sup>e</sup> siècle, se débloque. En témoignent notamment les vifs débats en Europe entre <a href="https://www.euractiv.fr/section/lexpresso/news/lexpresso-dans-toute-leurope-le-nucleaire-divise-les-partis-politiques/">partisans des énergies renouvelables et partisans du nucléaire</a> ; ou bien entre partisans de l’hydrogène importé des pays ensoleillés et venteux et les partisans d’un <a href="https://www.euractiv.fr/section/energie/news/directive-renouvelables-lintegration-impossible-de-lhydrogene-nucleaire/">hydrogène fait sur place avec du nucléaire</a>.</p>
<h2>Des carburants de synthèse trop émergents</h2>
<p>En 2035, les seuils d’émission de CO<sub>2</sub> fixés par l’Europe seront tellement bas que ni l’essence, ni les hybrides à essence ne seront possibles. Dans ce paysage en forte mutation, toutes les technologies vertes disponibles ou en émergence sont en concurrence.</p>
<p>Pour le moment, les carburants de synthèses partent avec une très grosse longueur de retard sur l’électrique. Ils n’existent qu’au niveau expérimental et sont très onéreux. La plupart d’entre eux sont fabriqués à partir d’hydrogène vert et de CO<sub>2</sub>… c’est-à-dire d’eau et d’air… mais réclame une telle quantité d’énergie, qu’avec la même quantité d’énergie verte (15 kwh), une voiture ne peut <a href="https://www.dw.com/en/batteries-versus-e-fuels-which-is-better/a-61921402">parcourir que <strong>20 kilomètres</strong></a>. Autre inconvénient de taille pour des véhicules urbains, ils génèrent des particules Nox (Oxydes d’azote) dans l’atmosphère. Les carburants de synthèse présentent toutefois l’avantage de pouvoir conserver nos moteurs thermiques actuels et les infrastructures actuelles.</p>
<p><iframe id="dmt6C" class="tc-infographic-datawrapper" src="https://datawrapper.dwcdn.net/dmt6C/1/" height="400px" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>En comparaison, il faut 15 kWh d’électricité verte pour faire <strong>100 kilomètres</strong> avec une voiture électrique. Des politiques ambitieuses de bornes se développent partout. Les batteries ne sont pas forcément la technologie idéale, c’est juste la technologie la plus mature aujourd’hui dans le nouveau système sociotechnique, celle dont l’équation économique est la plus compatible avec le pouvoir d’achat des ménages dans les années qui viennent (montée en volume et diminution du prix) et celle qui bénéficierait du meilleur bilan carbone sur son cycle de vie.</p>
<p>Quant aux véhicules à hydrogène vert qui fonctionnent avec des piles à combustible, avec la même quantité d’électricité, on parcourt <strong>35 kilomètres</strong>, avec des émissions faibles. Cependant, les infrastructures restent quasi-inexistantes et le coût prohibitif.</p>
<p>Dans l’urgence dans lequel nous sommes et dans le contexte énergétique qui est le nôtre, les carburants de synthèse ne peuvent donc pas, en tout cas pour l’instant, remettre en cause la trajectoire d’évolution de la voiture individuelle vers l’électrique d’ici 2035.</p>
<p>Une progression spectaculaire peut être crédible si le monde entier misait sur eux mais cela poserait beaucoup plus de problèmes que la voiture électrique en termes énergétiques. Cela ne veut pas dire qu’on ne roulera jamais avec des carburants de synthèse puisqu’on a déjà misé sur eux <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Transport-aerien-lavenir-passe-carburants-synthese-2023-03-07-1201258122">pour l’aviation de demain</a> et que la mobilité lourde qui commence tout juste sa transition peut être également très intéressée.</p>
<p>Il faut laisser le temps au modèle énergétique de muter en profondeur avant de pouvoir identifier réellement la technologie ou les technologies qui s’imposeront à long terme.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203259/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Michaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les débats au sein de l’UE sur l’avenir de l’automobile apparaissent comme une étape logique d’une transition vers ce que la recherche désigne comme un nouveau « système sociotechnique ».Valery Michaux, Enseignante chercheuse, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2038032023-04-16T15:55:26Z2023-04-16T15:55:26ZFin de la voiture thermique : la concurrence, un impératif pour atteindre l’objectif européen<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520833/original/file-20230413-19-9tv30h.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=149%2C1%2C758%2C508&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">La théorie économique montre que la concurrence favorise l’émergence de solutions innovantes.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pxfuel.com/en/free-photo-xfbsg">Pxfuel.com</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>Le 7 mars 2023, alors que le Conseil européen s’apprêtait à voter définitivement l’interdiction des ventes des <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-thermiques-94899">voitures thermiques</a> neuves à moteur thermique sur le sol européen à partir de 2035, coup de théâtre : l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/allemagne-24115">Allemagne</a>, dont la voix est indispensable pour faire approuver la mesure, et une coalition de 6 autres pays européens <a href="https://www.francetvinfo.fr/replay-jt/france-2/20-heures/fin-des-voitures-thermiques-en-2035-l-allemagne-revient-sur-sa-position-et-refuse-de-voter-le-texte_5698175.html">bloque le vote du texte</a>, dès lors reporté à une date indéfinie. Un pas en arrière vers la transition verte…</p>
<p>À peine quelques jours après, la Commission européenne, représentant l’ensemble des pays membres dont les frondeurs sur la fin du thermique, dévoile son plan de réplique à l’Inflation Reduction Act américain (IRA), le <a href="https://single-market-economy.ec.europa.eu/publications/net-zero-industry-act_en">Net-Zero Industry Act</a>, soit un plan de compétitivité fondé sur l’accélération de la transition verte. Un pas en avant vers la transition…</p>
<p>On avance, on recule ? C’est une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne (UE)</a> devenue Janus avec un visage pro-transition et un visage procrastinateur, de même qu’un visage pro-concurrence contraste avec un visage protectionniste. La conséquence de telles contradictions : la perte de crédibilité quant à la réalisation de ses objectifs et le retard dans la course à la transition écologique.</p>
<h2>Une avance à conserver</h2>
<p>Pourtant, l’UE semblait bien partie pour s’affirmer comme leader mondial de la transition avec son dynamique écosystème vert constitué d’entreprises innovantes soutenues par la « Banque européenne du climat », comme aime à s’appeler la BEI (Banque européenne d’investissement). Cette dernière réaffirmait fin février sa volonté de <a href="https://www.eib.org/fr/press/all/2023-077-eib-group-forum-president-hoyer-signals-readiness-to-boost-green-energy-finance-in-support-of-eu-autonomy-competitiveness">redoubler son soutien aux initiatives vertes</a> en faisant de la transition la destination principale de ses financements, au-delà du niveau déjà honorable de 60 % réalisé sur 2022.</p>
<p>L’UE semble en outre particulièrement en avance sur la technologie d’avenir qu’est l’hydrogène vert, avec de nombreux projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC), la <a href="https://www.h2-mobile.fr/actus/hydrogene-europe-domine-production-mondiale-brevets/">première place mondiale en nombre de brevets</a> (classement de janvier dernier de l’Agence internationale de l’énergie, l’AIE) et un embryon de <a href="https://www.eesc.europa.eu/fr/our-work/opinions-information-reports/opinions/banque-europeenne-de-lhydrogene">banque à hydrogène</a>.</p>
<p><a href="https://fr.statista.com/infographie/29123/production-hydrogene-nombre-de-depots-de-brevets-par-pays-ou-region/" title="Production d’hydrogène : l’Europe mène la course aux brevets (Statista)"><img src="https://cdn.statcdn.com/Infographic/images/normal/29123.jpeg" alt="Production d’hydrogène : l’Europe mène la course aux brevets" width="100%" height="auto"></a></p>
<p><em>Vous trouverez plus d’infographie sur <a href="https://fr.statista.com/graphique-du-jour/">Statista</a>.</em></p>
<p>Cette position de favori est confirmée par les investisseurs étrangers qui <a href="https://www.ey.com/en_gl/attractiveness/ey-europe-attractiveness-survey">perçoivent l’UE comme particulièrement attractive</a> en raison de l’ambitieuse politique verte communautaire en faveur de la transition et de sa réglementation avancée en la matière, notamment avec le mécanisme de taxe carbone aux frontières (MACF) dont l’entrée en vigueur est <a href="https://www.touteleurope.eu/environnement/changement-climatique-qu-est-ce-que-le-mecanisme-d-ajustement-carbone-aux-frontieres-ou-taxe-carbone-europeenne/">prévue dès cet automne</a>.</p>
<p>Cette avancée réelle a le mérite d’œuvrer à réinternaliser les externalités négatives sur la sphère écologique tout en respectant la concurrence grâce au signal-prix, dont la revalorisation du prix de la tonne de CO<sub>2</sub> au-dessus des 100 euros laisse à penser qu’il sera très efficace.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1628580170948018176"}"></div></p>
<p>À condition de ne pas le détricoter à force d’exonérations et de reports sine die, ou de multiples subventions déguisées à la pollution sous forme de dépenses exceptionnelles de réduction de la facture énergétique (comme le <a href="https://theconversation.com/pouvoir-dachat-le-bouclier-tarifaire-un-soutien-de-100-euros-par-trimestre-185056">bouclier tarifaire</a> en France) qui ont atteint en Europe le record de <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/transitions-ecologiques/jamais-les-etats-n-ont-autant-subventionne-les-energies-fossiles-qu-en-2022-952260.html">350 milliards d’euros</a> sur 2022 d’après l’AIE.</p>
<p>Il faut fixer des objectifs clairs et cohérents et s’y tenir pour donner la certitude aux entreprises et aux investisseurs qu’on ne reviendra pas en arrière. Il est impératif d’ancrer les anticipations des acteurs sur un horizon fixe et certain pour pouvoir enclencher le jeu de la concurrence et son mécanisme de contestabilité des marchés et de débloquer les investissements privés. Toute forme de renoncement de l’UE désincitera les acteurs à accélérer dans la transition et fera rétropédaler ceux qui avaient pris de l’avance sur l’atteinte de l’horizon 2035.</p>
<h2>Éviter « la tragédie des horizons »</h2>
<p>Le constructeur français Renault a ainsi pivoté sa stratégie sur les voitures propres avec son <a href="https://www.usinenouvelle.com/article/a-quoi-ressemblera-le-pole-electricity-de-renault-dans-les-hauts-de-france.N1112619">pôle Electricity</a> et la scission de ses activités en deux entités aux stratégies différenciées pour rester compétitif dans un marché concurrentiel : Ampère, dédiée aux véhicules propres une stratégie de sophistication avec une offre de qualité supérieure à un prix plus élevé destinée au marché européen ; Horse, les véhicules thermiques destinés aux marchés émergents sur une stratégie d’optimisation des coûts, la rentabilité sur cette offre traditionnelle bien maîtrisée devant alimenter le financement de la sophistication verte.</p>
<p>Mêmes positionnements sur le premium de l’offre de voitures propres chez Stellantis, avec d’autres acteurs comme l’américain Tesla ou le géant français de l’énergie TotalEnergies sur l’équipement en bornes de recharge de son réseau de stations-service, qui démontrent le rôle décisif de la concurrence pour développer une offre alignée avec les impératifs de la transition énergétique.</p>
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<p>La concurrence favorise la <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/dictionnaire/definition/97466">contestabilité des marchés</a> (permettant à de nouveaux producteurs de se joindre ou de se retirer des conditions qui leur conviennent) et son cortège d’innovations indispensables pour dépasser la frontière technologique de la transition (le niveau le plus avancé de la recherche à un moment donné) et de prendre un coup d’avance sur les solutions de demain. En <a href="https://www.jstor.org/stable/3502156">théorie</a>, une économie rendue contestable par la concurrence conduit à une sophistication de la proposition de valeur des offres et <a href="https://www.lesechos.fr/2004/01/marche-contestable-1060294">à une valeur partagée pour tous</a> : qualité de service et prix plus bas au bénéfice de la demande ; plus de rendements de l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/innovation-21577">innovation</a> et d’échelles et d’attraction des ressources rares au bénéfice de l’offre.</p>
<p>Plus l’UE reporte ses objectifs et cède aux pressions protectionnistes, plus elle s’enfermera dans <a href="https://politiqueinternationale.com/revue/n162-investissement-responsable-lessor/dossier-special/finance-et-risque-climatique-la-tragedie-des-horizons">« la tragédie des horizons »</a> sur laquelle alertait l’ancien banquier central canadien Marc Carney, et son retard sera irrattrapable. Elle gagnerait à rester cohérente avec son principe fondateur de la concurrence et ses <a href="https://www.touteleurope.eu/fonctionnement-de-l-ue/le-marche-unique/">« quatre libertés fondamentales »</a> (circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes) pour attirer les capitaux nécessaires à la transition et les infrastructures indispensables à sa diffusion (comme les bornes de recharge électrique) et son acceptabilité.</p>
<p>À l’heure où les États-Unis s’égarent avec du protectionnisme dont ils auront à assumer le revers plus tôt que tard comme l’illustre l’accord tout récent sur le nouvel oléoduc en Alaska, concession exigée des puissants lobbys d’hydrocarbures, l’UE doit rester ferme sur ses engagements et fidèle à la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/concurrence-22277">concurrence</a> dont les vertus accéléreront la transition et sa diffusion avec des solutions accessibles. Il est temps de passer du <a href="https://www.gfmag.com/magazine/january-2023/nouriel-roubini-interview"><em>greenwishing</em></a> (« l’envie de vert ») comme ironise l’économiste américain Nouriel Roubini, au <em>green-enacting</em> (« l’action verte ») grâce à la concurrence ; un positionnement gagnant <a href="https://competition-policy.ec.europa.eu/consumers/why-competition-policy-important-consumers_fr">vecteur d’une compétitivité et d’une attractivité</a> certaines.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203803/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Face à la coalition menée par l’Allemagne pour revenir sur l’interdiction de la vente de voitures thermiques dès 2035, l’UE doit rester ferme sur les principes de son fonctionnement économique.Anna Souakri, Affiliate Professor in Strategy/Innovation & Researcher at Square Management, ESCP Business SchoolJean-Marc Daniel, Emeritus associate Professor, Law Economics & Humanities, ESCP Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2037792023-04-16T15:55:24Z2023-04-16T15:55:24ZL’adoption de la voiture électrique sous contrainte, un non-sens en marketing<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/520765/original/file-20230413-16-iaqsbx.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=7%2C7%2C1171%2C749&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les véhicules électriques ne représentaient en 2020 que 0,6&nbsp;% du marché automobile européen.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/pwkrueger/7403141972">Paul Krueger/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>À la fin du mois de mars 2023, l’<a href="https://theconversation.com/fr/topics/union-europeenne-ue-20281">Union européenne</a> (UE) a adopté un règlement <a href="https://www.reuters.com/business/sustainable-business/eu-approves-law-end-sales-new-co2-emitting-cars-by-2035-2023-03-28/">interdisant la vente de voitures émettant du CO₂</a> à partir de 2035, obligeant ainsi les consommateurs à acheter des véhicules électriques (VE). En 2020, sur les quelque 250 millions de voitures circulant dans l’UE, <a href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:Passenger_cars_and_battery-only_electric_passenger_cars,_EU,_2013-2021(_number_)v4.png">près de 1,5 million sont électriques</a>, soit 0,6 % du marché total. Cette part est appelée à augmenter au cours des prochaines années, car les constructeurs automobiles européens comme Volkswagen et Renault mettent sur le marché un nombre croissant de voitures électriques, à grand renfort de campagnes publicitaires.</p>
<p>Parmi les avantages des VE, tels qu’ils sont annoncés ou promus par les gouvernements et les constructeurs automobiles, figurent notamment une conduite souple (c’est vrai), une qualité prétendument supérieure (qui, selon la publicité, ne cessera de s’améliorer) et une grande fonctionnalité (à mesure que de nouvelles stations de recharge seront construites dans toute l’Europe), un bon rapport qualité-prix (ce qui n’est vrai que si les acheteurs bénéficient de subventions de leurs gouvernements respectifs et si l’on ne tient pas compte du fait qu’une nouvelle batterie doit être achetée tous les cinq ou six ans), et un impact moindre sur l’environnement (ce qui reste à prouver).</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=300&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520773/original/file-20230413-110-fdskx9.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=377&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Marché du véhicule du tourisme (histogramme en vert, axe de gauche) et de la voiture électrique (courbe rouge, axe de droite) dans l’Union européenne entre 2013 et 2021.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://ec.europa.eu/eurostat/statistics-explained/index.php?title=File:Passenger_cars_and_battery-only_electric_passenger_cars,_EU,_2013-2021_(number)_v4.png">Données Eurostat</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>D’un point de vue <a href="https://theconversation.com/fr/topics/marketing-21665">marketing</a>, parier sur le fait que les gens s’appuieront presque exclusivement sur des avantages futurs représente un véritable défi. Le règlement de l’Union européenne contredit un principe fondamental du marketing et de la théorie économique classique : le libre choix du consommateur. Il donne également une fausse image du produit, ce qui, comme le savent tous les spécialistes, peut décevoir les consommateurs. Les gens n’achètent pas des voitures, ils achètent la liberté.</p>
<h2>Un besoin d’expertise en gestion du temps</h2>
<p>Une voiture est en effet un gage de liberté : elle vous donne la possibilité de vous déplacer quand vous le souhaitez, avec des avantages et des inconvénients que vous connaissez à l’avance et que vous avez acceptés, parce que les avantages l’emportent largement sur les inconvénients. La liberté acquise avec les véhicules à essence (VAE) n’est pas un vague futur concept : elle se matérialise dans le présent.</p>
<p>Lorsqu’on achète une <a href="https://theconversation.com/fr/topics/voitures-electriques-31974">voiture électrique</a>, on achète nécessairement des produits complémentaires : un câble de recharge, une borne de recharge ou l’accès à celle-ci (avec une carte de recharge, ou plutôt une poignée de cartes de recharge compte tenu de l’incohérence des normes de recharge), et une batterie. Les consommateurs s’exposent à la contrainte de pouvoir recharger leur véhicule à une borne de recharge quand ils le voudront, dans un quartier sûr et bien éclairé (où des individus malveillants ne vont pas endommager leurs câbles, les couper, les déconnecter – car il est en effet possible de les déconnecter de la borne de recharge contre son gré, et/ou de les voler).</p>
<p>Les VE engendrent également des difficultés pour les personnes handicapées ou personnes âgées (qui seront plus nombreuses en Europe en 2035 qu’aujourd’hui). Le poids du câble de charge varie en fonction de son type et de sa longueur, mais en général, il faut s’attendre à utiliser ses muscles pour manipuler de 2 à 5 kg (jusqu’à plus de 10 kg). Les handicapés, les blessés, les femmes enceintes et les personnes âgées doivent accéder au câble, qui prend de la place dans le coffre, le porter jusqu’à la borne de recharge et le brancher (malgré l’arthrite, les béquilles ou les douleurs aux hanches et aux genoux), si et seulement si les places de stationnement autour des bornes de recharge ont été prévues pour ces vulnérabilités, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle.</p>
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<p>De surcroît, les acheteurs ont besoin d’un téléphone ou d’un ordinateur pour localiser les bornes de recharge (celles qui ne sont pas dysfonctionnelles et qui disposent de la prise de connexion adéquate) et calculer leur itinéraire. En exagérant un peu, disons qu’avant d’acheter une voiture électrique, il faut s’assurer d’avoir un doctorat en gestion du temps et une centrale nucléaire transportable dans son sac à dos. Toutes ces caractéristiques indésirables des VE constituent donc une forme de taxe cachée de sorte que le texte européen impose aux consommateurs plus d’inconvénients que d’avantages.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Voiture branchée à une prise électrique" src="https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=400&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/520774/original/file-20230413-26-eok7iq.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=503&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Les câbles de recharge, une contrainte supplémentaire pour l’automobiliste en voiture électrique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.flickr.com/photos/noyafieldsorg/34851733984">Noya Fields/Flickr</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Les voitures sont ce que j’ai appelé dans une <a href="https://www.unic.ac.cy/cmc2022/wp-content/uploads/sites/33/2022/04/26th-CMC.pdf">communication récente</a> un ensemble NGP. Cela signifie que les consommateurs les achètent pour satisfaire leurs besoins (N : needs) – se déplacer –, atteindre leurs objectifs (G : goals) – acquérir de la liberté –, et se conformer à leurs préférences (P : preferences) – absence de tracas lorsqu’il s’agit d’avoir accès à une source d’énergie. Chaque élément, N/G/P, est un facteur clé de la décision d’achat et tout ce qui met en péril ce fragile équilibre crée de l’anxiété chez le consommateur. Étant donné les caractéristiques actuelles (et probablement futures) de l’offre et de l’infrastructure des VE, chaque élément N/G/P est compromis : l’acheteur se rend extrêmement vulnérable aux événements inattendus tels que les comportements délinquants, les conditions météorologiques, les stations de recharge et éventuellement les heures d’attente liées au service technique en cas de problème.</p>
<p>Tout ce qui précède va à l’encontre d’une saine démarche marketing : c’est probablement la raison pour laquelle l’UE doit passer par la contrainte pour favoriser l’adoption du VE. Commercialiser des produits présentant de tels inconvénients représente un défi gigantesque ; cela revient à présenter la térébenthine comme une nouvelle boisson énergisante pour les jeunes enfants souffrant de troubles de l’attention…</p>
<h2>Une compréhension douteuse du consommateur</h2>
<p>Le concept qu’implique le VE pourrait en outre créer plusieurs problèmes sociaux. Lorsque les consommateurs en auront assez de faire la queue pour accéder à une station de recharge, ils pourraient s’énerver. Les habitants d’immeubles pourraient également se quereller au sujet de l’installation des câbles de raccordement aux bornes de recharge (emplacement, prix, impact sur l’immeuble, coûts et conséquences de l’installation, etc.). Les bornes deviendront un instrument de pouvoir entre les propriétaires en conflit, si et seulement si l’espace est suffisant pour les accueillir sur le terrain.</p>
<p>À l’approche de 2035, les consommateurs devraient donc chercher à entretenir leurs véhicules thermiques du mieux qu’ils pourront, simplement pour conserver la liberté dont ils jouissent depuis tant d’années. Un marché noir des batteries, des bornes de recharge et des câbles (y compris ceux volés), mais aussi des véhicules thermiques, pourrait en outre se développer.</p>
<p>Les acheteurs de VE et la population dans son ensemble pourraient donc se rendre compte que les politiques publiques n’ont pas apporté grand-chose. Les consommateurs risquent de se sentir lésés par la décision de l’UE qui reflète une compréhension du comportement des consommateurs à remettre en question. La Chine, qui dispose de <a href="https://www.fpri.org/article/2022/03/chinas-rare-earth-metals-consolidation-and-market-power/">réserves de minerais rares</a> indispensables à la fabrication des batteries et de droits d’accès à diverses mines en Afrique, apparaîtrait alors comme la grande gagnante de cette ambition européenne.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/203779/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Olivier Mesly ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>La décision de l’Union européenne d’interdire la vente de véhicules thermiques en 2035 pourrait créer un ressentiment chez le consommateur en raison des inconvénients des voitures électriques.Olivier Mesly, Professeur de marketing, ICN Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/2025422023-03-29T18:20:13Z2023-03-29T18:20:13ZTrottinettes électriques : un bilan environnemental plutôt positif… mais un vrai besoin de régulation<p>L’opinion publique pense généralement que les trottinettes électriques sont néfastes pour l’environnement : <a href="https://qz.com/1561654/how-long-does-a-scooter-last-less-than-a-month-louisville-data-suggests">courte durée de vie</a>, <a href="https://fondationrivieres.org/filiere-batterie-eaux-contaminees-surveillance-environnementale-independante-miniere-nmg-pallinghurst/">pollution des batteries électriques</a>, <a href="https://www.6-t.co/article/trottinettes-freefloating">remplacement de modes de transport plus vertueux</a> et, finalement, <a href="https://theconversation.com/les-trottinettes-electriques-bonnes-ou-mauvaises-pour-le-climat-146035">alourdissement du bilan carbone des villes</a>.</p>
<p>Les trottinettes n’auraient donc rien d’une solution d’avenir pour décarboner la mobilité urbaine. Or, si elles présentent bien quelques faiblesses, leurs atouts pour l’environnement sont aussi nombreux.</p>
<h2>Évolution de l’empreinte carbone des trottinettes partagées</h2>
<p><a href="https://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/06/21/20002-20180621ARTFIG00130-les-trottinettes-electriques-en-libre-service-arrivent-a-paris.php">Apparues à l’été 2018</a> en France, les premières trottinettes en libre-service font couler beaucoup d’encre. Non conçus à l’origine pour un usage partagé, ces engins présentent alors de courtes durées de vie et des risques de bris en cours d’usage.</p>
<p>Ces véhicules sont à cette période <a href="https://www.rtl.be/info/monde/economie/la-guerre-des-auto-entrepreneurs-pour-recharger-les-trottinettes-electriques-1075836.aspx">rechargés de manière chaotique</a> par des autoentrepreneurs, ce qui génère des <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652620329437">émissions de gaz à effet de serre (GES) élevées</a>, ces entrepreneurs utilisant souvent des <a href="https://www.youtube.com/watch?v=LkkH9x7h7us">vans diesel et des sites de recharge éloignés</a>.</p>
<p>Résultat ? L’empreinte carbone des déplacements de ces premières trottinettes partagées s’élève à <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652620329437">109 grammes de CO₂ équivalent par kilomètre parcouru</a> (gCO2eq/km). Soit trois fois moins que le taxi, mais dix fois plus que le vélo personnel !</p>
<p>Au fil du temps, les opérateurs ont amélioré la conception de leurs engins et leur longévité, ainsi que leur gestion de flotte, en optant pour des vans électriques émettant moins de GES, ou pour des trottinettes à batteries amovibles, faciles à transporter dans de petits véhicules peu émetteurs.</p>
<p>Ainsi, en 2020, j’avais évalué que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S136192092100047X">l’empreinte carbone des trottinettes partagées avait globalement diminué de moitié à Paris</a>, pour atteindre environ 60 grammes de CO2eq/km.</p>
<p>Néanmoins, difficile de suivre l’empreinte carbone véritable des différents services partagés proposés à Paris, car les opérateurs communiquent peu, ou mal, sur les données nécessaires à l’évaluation environnementale – notamment la durée de vie véritable des trottinettes, leur devenir en fin de vie, et les caractéristiques de la gestion de flotte.</p>
<p>Certains opérateurs sous-traitent des évaluations souvent optimisées par des services de conseil ou des chercheurs manquant d’expertise (ou de rigueur ?), tout cela créant de la confusion autour de l’empreinte carbone véritable des services.</p>
<h2>Empreinte carbone des autres modes de transport à Paris</h2>
<p>L’usage de trottinettes partagées (bien gérées) émet aujourd’hui à Paris environ 60 grammes de CO2eq/km. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S136192092100047X">Qu’en est-il des autres modes de transport parisiens</a>, alors que la Ville de Paris <a href="https://www.paris.fr/pages/interdiction-des-trottinettes-en-libre-service-les-parisiens-voteront-22954">organise ce dimanche 2 avril 2023 une votation citoyenne</a> sur le maintien ou non des trottinettes en libre-service dans la capitale ?</p>
<p>Commençons par la trottinette personnelle : parce qu’un bien personnel est souvent mieux traité que son homologue partagé, et qu’il ne nécessite pas de gestion de flotte, ce véhicule a une empreinte carbone d’environ 12 grammes de CO2eq/km. C’est sensiblement aussi bien que le vélo personnel, le métro ou le RER à Paris.</p>
<p>Notons que le vélo personnel électrique est presque aussi bon que le vélo personnel mécanique… tant que sa longévité kilométrique est assez élevée (donc pas <a href="https://twitter.com/anne2bortoli/status/1410882184156745730">acheté sur un coup de tête</a> pour être remisé au placard). Utilisé seulement 1 000 km sur sa durée de vie, j’ai estimé qu’il est aussi mauvais que la voiture thermique (qui utilise des carburants fossiles).</p>
<p>Évidemment, le mode de transport le moins émissif reste la marche (2 grammes de CO2eq/km)… qui ne nécessite que l’entretien des trottoirs.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Tableau montrant le classement des différents types de mobilité au regard de leurs émissions de GES" src="https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=606&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517433/original/file-20230324-18-2ddtk5.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=762&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Classement des différents types de mobilité au regard de leurs émissions de GES.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S136192092100047X?via%3Dihub">Anne de Bortoli</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Parmi les pires modes de transport pour le climat : le bus diesel (120 grammes de CO2eq/pkm par passager transporté sur 1 km (pkm)), la voiture personnelle (200 grammes de CO2eq/pkm), et enfin… le taxi (300 grammes de CO2eq/pkm) !</p>
<p>La trottinette partagée présente ainsi une empreinte carbone intermédiaire face aux autres modes de transport disponibles à Paris ; quant à la trottinette personnelle, elle constitue une excellente option pour une mobilité peu carbonée.</p>
<h2>Bilan carbone annuel direct et indirect des trottinettes à Paris</h2>
<p>Le problème que posent les trottinettes partagées à Paris au niveau de leurs émissions de GES, c’est qu’elles sont principalement utilisées à la place de modes moins impactants : en 2019, 22 % du kilométrage parcouru avec les trottinettes électriques partagées remplaçait des déplacements auparavant réalisés à vélo et à pied, et 60 % de ce kilométrage remplaçait des déplacements en métro et RER. Seuls 7 % des kilomètres parcourus en trottinettes partagées remplaçaient des trajets en voiture et taxi.</p>
<p>Ainsi, sur l’année 2019, nous avions estimé que les trottinettes partagées avaient généré <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0959652620329437">13 000 tonnes de CO2eq supplémentaires dans la ville</a>.</p>
<p>Mais rappelons que les 2,1 millions de Parisiens émettent environ 20 millions de tonnes de CO2eq chaque année. Les trottinettes partagées auraient donc alourdi le bilan carbone de la ville de Paris de… 0,015 % !</p>
<p>À titre de comparaison, si chaque Parisien renonçait chaque année à manger deux <a href="https://www.mdpi.com/2071-1050/4/12/3279">steaks hachés de bœuf</a>, cela éviterait au total l’émission d’environ 13 000 tonnes de CO2eq. De plus, à l’échelle d’un pays, les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920922001560">trottinettes en libre-service ont le potentiel de réduire les émissions de GES</a>.</p>
<p>C’est ce que corrobore la mise à jour du bilan carbone des <a href="https://arxiv.org/abs/2103.04464">trottinettes partagées de seconde génération</a> à Paris que j’ai réalisé et qui montre une économie annuelle de 7 400 tonnes de CO2eq grâce à ces véhicules, par rapport à une situation sans eux.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe comparant les différents modes de transport à Paris au regard de leurs effets négatifs sur le climat" src="https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=429&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517439/original/file-20230324-1199-mytbs6.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=539&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparaison des différents modes de transport à Paris au regard de leurs effets négatifs sur le climat.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.via-id.com/shared-escooters-environment">Anne de Bortoli</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>En outre, pour comprendre l’impact global des trottinettes sur le climat, il faut tenir compte d’effets plus complexes.</p>
<p>Les services de trottinettes partagées constituent en effet une sorte de « porte ouverte » vers l’acquisition de trottinettes personnelles, bien plus performantes au niveau des émissions de GES. <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920921000146">L’enquête que nous avons menée à Paris en 2019</a> a en effet montré que la plupart des possesseurs de trottinettes les avaient acquises après l’arrivée des trottinettes partagées.</p>
<p>Notre enquête a également montré que <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1361920921000146">23 % des usagers de trottinettes personnelles couplaient leurs déplacements avec les transports en commun</a> et utilisaient moins leurs voitures.</p>
<p>On le voit, les trottinettes partagées accompagnent les nouvelles façons de se déplacer, réduisant la place accordée à la voiture en ville et participant aux nécessaires transformations de nos modes de vie urbains.</p>
<h2>La protection de l’environnement dépasse les questions climatiques</h2>
<p>Rappelons-nous aussi que le changement climatique n’est <a href="https://www.science.org/doi/10.1126/science.1259855">qu’une des urgences écologiques actuelles</a>. La pollution tue, les écosystèmes se meurent, et nous épuisons les ressources naturelles à une vitesse effrayante. <a href="https://www.oecd.org/greengrowth/greening-transport/41380980.pdf">Les habitudes de mobilité des pays développés ont une responsabilité majeure</a> dans ce triste bilan.</p>
<p>Il est donc urgent de plébisciter des modes de transport plus vertueux, <a href="https://linkinghub.elsevier.com/retrieve/pii/S0959378017304223">bien qu’il faille aussi réduire nos déplacements</a>. Dans le cas du transport thermique (utilisant des carburants fossiles), un déplacement en voiture ou taxi est plus impactant qu’un déplacement en moto sur toutes les dimensions environnementales, la moto étant moins lourde et consommant moins. Or, se déplacer en moto génère des dommages aux écosystèmes et aux ressources naturelles <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S136192092100047X">deux à trois fois supérieurs au déplacement en trottinettes, partagées comme personnelles</a>.</p>
<p>La trottinette constitue ainsi une alternative vertueuse à tous les modes de transport thermique. Sachant qu’elle n’émet pas de polluants directs, ce qui préserve la qualité de l’air en ville.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Graphe pour comparer les micromobilités personnelles et partagées à Paris en termes d’impact environnemental" src="https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=316&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/517444/original/file-20230324-22-1x6u1j.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=397&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Comparatif (sur cycle de vie) des micromobilités personnelles et partagées à Paris, en termes de dommages aux ressources, à la biodiversité, à la santé, de consommation d’énergie primaire, et d’impact au changement climatique.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://arxiv.org/abs/2103.04464">Anne de Bortoli</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
</figcaption>
</figure>
<h2>S’interdire d’interdire</h2>
<p>À la lumière de toutes ces informations, interdire les trottinettes électriques en libre-service semble ainsi incohérent et contre-productif.</p>
<p>Il y a bien sûr des décisions à prendre pour mieux encadrer leur usage, en renforçant notamment la régulation des services de trottinettes ; ce renforcement doit se baser sur des enquêtes de reports modaux et des évaluations environnementales fiables, réalisées à partir de méthodologies harmonisées adaptées, telles que celles développées avec le <a href="https://superpedestrian.com/s/ScootersEnvironmentalImpact.pdf">World Resources Institute</a>, et de données vérifiées. L’obtention de ces données devrait être exigée par les autorités publiques, comme c’est désormais le cas à <a href="https://publications.anl.gov/anlpubs/2022/05/175312.pdf">San Francisco</a>.</p>
<p>Ajoutons pour finir que l’argument sécuritaire, avançant des taux d’accidents supérieurs des trottinettes sur d’autres modes de déplacement, et en particulier le vélo, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0033350622000646">ne semble pas corroboré par les études scientifiques</a>, et que le Code de la route français <a href="https://www.interieur.gouv.fr/content/download/116158/931465/file/DP--Lestrottinettese%CC%81lectriquesentrentdanslecodedelaroute.pdf">encadre déjà l’usage des trottinettes</a>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/202542/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Anne de Bortoli est chercheuse postdoctorale au CIRAIG à Polytechnique Montréal, chercheuse associée au Laboratoire Ville Mobilité Transport de l'Ecole des Ponts ParisTech, et membre du groupe de travail dédié à l'harmonisation de l'Analyse de Cycle de Vie pour les micromobilité de NUMO - New Urban Mobility Alliance - du World Resources Institute, un think tank dédié à la préservation de l'environnement.</span></em></p>Interdire les trottinettes électriques en libre-service pourrait s’avérer incohérent et contre-productif.Anne de Bortoli, Chercheuse en carboneutralité et durabilité des transports et infrastructures au CIRAIG (Polytechnique Montréal), chercheuse associée au laboratoire Ville Mobilité Transport (ENPC), École des Ponts ParisTech (ENPC)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1913892022-11-22T19:25:46Z2022-11-22T19:25:46ZComment les voitures remettent des particules polluantes en suspension dans l’air en roulant<p>À l’échelle mondiale, la détérioration de la qualité de l’air est un souci majeur, car son impact sur notre qualité de vie au sens large est considérable. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le coût de la pollution atmosphérique sur la santé et la mortalité dans les pays de l’Union européenne en 2010 s’élève à <a href="https://www.euro.who.int/__data/assets/pdf_file/0004/276772/Economic-cost-health-impact-air-pollution-en.pdf">1,575 milliard de dollars</a>.</p>
<p>La pollution atmosphérique est responsable de <a href="https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/9105082/">nombreuses pathologies</a> plus ou moins graves comme les allergies, l’asthme, les infections pulmonaires et les maladies cardiovasculaires. Plus encore, dans le contexte de la crise sanitaire actuelle, des chercheurs ont montré que l’exposition à la pollution de l’air (principalement aux PM<sub>10</sub> (particules de tailles inférieures à 10 µm), PM<sub>2,5</sub> (particules de tailles inférieures à 2,5 µm), ozone, dioxyde d’azote) est non seulement un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749120320601">facteur de comorbidité</a> du SARS-COV-2, mais aussi de sa transmission dans les environnements intérieurs.</p>
<p>Enfin, il est également reconnu que la pollution de l’air a un impact environnemental majeur sur la visibilité (brouillard), sur la <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00109123">biodiversité</a> et sur le bâti (encrassement des bâtiments notamment).</p>
<h2>Les sources d’émission routières</h2>
<p>La contribution des transports routiers aux émissions de polluants atmosphériques est significative pour de nombreuses substances, qu’elles soient gazeuses ou particulaires. Les émissions liées au transport routier sont généralement classées en deux catégories : les émissions issues de l’échappement (EE) qui sont issues principalement de la combustion imparfaite du carburant et les émissions hors échappement (EHE) qui proviennent non seulement de l’usure des revêtements (route, pneus, plaquettes de frein), mais aussi des particules déposées sur les chaussées et qui peuvent être remises en suspension par les turbulences générées par la circulation des véhicules et par le vent.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=159&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/496175/original/file-20221118-20-c0r79c.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=200&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Schéma de la remise en suspension des particules.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Ahmed Benabed</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Au cours des dernières décennies, les travaux de recherche et développement, les mesures politiques principalement axées sur les EE combinées à des réglementations de plus en plus strictes imposées aux fabricants de véhicules (normes EURO) ont entraîné une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S004896970800658X">baisse</a> de la contribution en pourcentage des particules d’échappement sur les concentrations ambiantes totales des particules. Cependant, <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231005010058">il a été démontré</a> que même avec zéro EE, le trafic continuera à contribuer à l’émission de particules fines et ultrafines à cause des EHE.</p>
<h2>La contribution de la remise en suspension</h2>
<p>Ces dernières années, des efforts de plus en plus importants ont été déployés par les organismes de recherche afin d’améliorer les connaissances scientifiques sur les EHE et notamment les particules issues de la remise en suspension. Les différentes études conduites dans le but d’étudier ce phénomène ont montré qu’il dépend à la fois du type de véhicule (son poids principalement), de sa vitesse et des caractéristiques du revêtement de la chaussée. Concernant la contribution de la remise en suspension, il a été montré que ces émissions <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S1352231010002657">peuvent dépasser 50 %</a> des émissions globales dans certaines conditions.</p>
<p>Compte tenu de ces éléments, on comprend mieux la nécessité d’approfondir l’état des connaissances sur le phénomène de remise en suspension des particules associé aux passages des véhicules. En particulier, il est important de s’intéresser aux mécanismes qui influencent le détachement des particules d’une surface et ensuite à leur dispersion dans l’environnement proche du véhicule.</p>
<p>Afin de caractériser de façon efficace la remise en suspension, il est important de commencer par comprendre ses mécanismes d’émission. Cet objectif constitue un vrai défi au regard des nombreux paramètres qui influencent le phénomène et qui peuvent interagir entre eux. Physiquement, la remise en suspension de particules produite par le passage d’un véhicule est le résultat des interactions roue/sol et roue/air. Ces interactions génèrent deux principales perturbations : mécaniques (vibrations du sol, forces électrostatiques liées aux frottements entre les surfaces) et aérodynamiques (écoulements turbulents liés à la rotation de la roue).</p>
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<p>Ces perturbations interagissent avec les particules initialement déposées sur la chaussée sous l’effet des forces d’adhérence. Sous l’action combinée de différents paramètres, ces particules peuvent être réentraînées de façon directe (la particule se détache de la surface du sol) ou indirecte (la particule s’attache dans un premier temps sur la surface de la roue puis se détache de cette dernière par éjection centrifuge). </p>
<p>Après leur réentrainement, les particules peuvent se redéposer sur la route, sur la structure du véhicule ou être transportées dans l’atmosphère environnante sous l’action des écoulements d’air (perturbation aérodynamique créée par la roue, par la voiture et par le vent). Une fois remises en suspension, ces PHE ont également la capacité de se disperser vers les trottoirs et/ou d’infiltrer les véhicules suiveurs et ainsi exposer les piétons et les occupants, respectivement, à des niveaux élevés de particules.</p>
<h2>Le projet CEPARER</h2>
<p>Dans ce contexte, un projet intitulé Caractérisation des émissions de particules remises en suspension par les véhicules routiers (CEPARER) est actuellement mené par une équipe de chercheurs de l’École supérieure des techniques aéronautiques et de construction automobile (ESTACA) en partenariat avec Airparif et l’Union technique de l’automobile, du motocycle et du cycle (l’UTAC). Ce projet est soutenu par l’agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) dans le cadre du programme AQACIA2020 (Amélioration de la qualité de l’air : comprendre, innover, agir) lancé en 2020. </p>
<p>L’objectif du projet CEPARER est l’étude fine des mécanismes contribuant à favoriser la remise en suspension des particules, la caractérisation des modes d’émission et les facteurs principaux influençant la remise en suspension (vitesse, catégorie et poids du véhicule et type de pneumatique). Le projet qui s’étendra sur trois ans (2022-2025) sera réalisé en deux parties : une étude en laboratoire sur un banc d’essai à l’ESTACA et une étude à l’extérieur sur l’une des pistes de l’UTAC à l’autodrome de Linas-Montlhéry. Ces deux phases du projet doivent permettre d’obtenir des informations importantes sur les concentrations et granulométries des particules remises en suspension, selon le type de véhicule, sa vitesse et le type de pneu. Les facteurs favorisant ce phénomène seront également étudiés.</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=250&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485612/original/file-20220920-3440-4oxruu.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=314&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<p><em>Cet article est publié dans le cadre de la Fête de la science (qui a lieu du 7 au 17 octobre 2022 en métropole et du 10 au 27 novembre 2022 en outre-mer et à l’international), dont The Conversation France est partenaire. Cette nouvelle édition a pour thème : « Le changement climatique ». Retrouvez tous les événements de votre région sur le site <a href="https://www.fetedelascience.fr/">Fetedelascience.fr</a>.</em></p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191389/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Ahmed Benabed ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>En roulant, les véhicules émettent des particules, mais en remettent également en suspension, comprendre mieux ce phénomène pourrait permettre de réduire ces pollutions.Ahmed Benabed, Enseignant-Chercheur en mécanique des fluides, ESTACALicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1922642022-10-16T15:37:20Z2022-10-16T15:37:20ZFin de la voiture thermique : pourquoi le tout-électrique n’a rien d’une solution miracle<p>Le 8 juin 2022, le Parlement européen a voté <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2022/06/08/climat-les-eurodeputes-s-opposent-a-un-texte-de-reforme-du-marche-carbone_6129406_3244.html">l’interdiction des ventes de voitures neuves thermiques en 2035</a> sur son territoire. Cette mesure intervient dans le cadre des objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) avec pour échéances -55 % en 2030 et la neutralité carbone en 2050.</p>
<p>Avec cette décision, les politiques européennes portent le véhicule électrique (VE) comme la solution pour diminuer les émissions de GES dans le secteur du transport. Aujourd’hui la vente de VE <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/developper-lautomobile-propre-et-voitures-electriques">augmente de manière quasi exponentielle</a> représentant presque 10 % des ventes de voitures particulières en Europe. Cette échéance de 2035 semble donc en phase avec l’évolution actuelle du marché automobile et l’urgence climatique.</p>
<p>Ce développement à marche forcée laisse cependant une impression d’inéluctabilité et de solution finalement trop évidente par rapport à des problèmes planétaires si complexes. Il est nécessaire de prendre conscience des conséquences environnementales, mais aussi des enjeux économiques et sociaux.</p>
<h2>Pollution de la voiture, au-delà du pot d’échappement</h2>
<p>D’un point de vue environnemental, de nombreuses études se sont penchées sur la comparaison entre les émissions de GES de la voiture thermique et <a href="https://librairie.ademe.fr/cadic/3285/_90511__acv-comparative-ve-vt-rapport.pdf">celles de son équivalent électrique</a>. Les émissions en phase d’usage de la voiture électrique dépendent directement du niveau d’émission du mix électrique utilisé pour recharger les véhicules.</p>
<p>Dans le cas de la France, la production d’électricité est peu carbonée car fortement nucléarisée, ce qui n’est pas le cas de tous les pays européens. La construction du VE et surtout de sa batterie étant très émettrice de GES, les bénéfices environnementaux n’apparaissent que si la voiture roule suffisamment. Ce qui n’aide pas la diffusion des messages de sobriété, pourtant levier majeur de l’atténuation climatique.</p>
<p>En ne sélectionnant que les émissions libérées sur le territoire, les méthodes de comptabilité carbone ne sont pas adaptées aux solutions qui induisent des pollutions hors du territoire national. Avec ces choix comptables, le VE apparaît alors comme très efficace pour réduire le bilan carbone national… Le désir de l’adopter en France est donc compréhensible, mais sa vertu ne s’applique pas à l’échelle planétaire.</p>
<p>Outre les problèmes climatiques, l’interdiction à la vente des véhicules thermiques en 2035 doit répondre à l’enjeu de qualité de l’air présent dans la plupart des grandes villes du monde avec des <a href="https://www.lemonde.fr/planete/article/2021/09/22/pollution-de-l-air-l-oms-durcit-drastiquement-ses-normes-pour-eviter-7-millions-de-morts_6095590_3244.html">impacts locaux économiques et de santé publique</a>.</p>
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<p>Le secteur du transport étant une source importante de cette pollution, le VE représente une alternative pour réduire ces émissions – une baisse qui reste toutefois mesurée car les particules liées à l’abrasion des pneus, freins et route <a href="https://librairie.ademe.fr/air-et-bruit/5384-emissions-des-vehicules-routiers-les-particules-hors-echappement.html">demeurent fortes</a>.</p>
<p>En imposant des Zones à faibles émissions, de nombreuses villes européennes contraignent les propriétaires de véhicules polluants à acheter une voiture plus récente émettant moins de polluants locaux, potentiellement un véhicule électrique.</p>
<h2>Perte fiscale liée au pétrole et aides aux VE</h2>
<p>La révolution électrique du parc automobile d’ici à 2035 va bousculer tout le système économique autour de la route. Avec la réduction de consommation de carburants fossiles, les recettes liées à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) vont décroître.</p>
<p>Or, cette taxe qui a rapporté <a href="https://www.senat.fr/rap/a20-139-2/a20-139-2_mono.html">33,3 milliards d’euros en 2019</a> est centrale dans le budget de l’État et des collectivités locales. Le remplacement de la TICPE par une taxe sur l’électricité pourrait combler une partie des pertes fiscales mais affecterait l’ensemble des ménages, y compris ceux se déplaçant moins en voiture.</p>
<p>Le système de subventions mis en place (bonus et prime à la reconversion), qui a fortement contribué au niveau d’électrification actuel, coûtera de plus en plus cher. En 2020, il représentait <a href="https://6-t.co/le-soutien-a-lelectromobilite-par-la-puissance-publique-qui-va-payer-la-note/">700 millions d’euros</a> pour 20 % de part de marché, véhicules hybrides inclus. En comparaison, le plan « vélo et mobilités actives » de 2018 prévoit <a href="https://www.gouvernement.fr/les-actions-du-gouvernement/transition-ecologique/l-etat-vous-aide-a-adopter-le-velo-au-quotidien">350 millions d’euros sur sept ans pour les aménagements cyclables</a>.</p>
<p>Les avantages fiscaux et aides à l’achat d’un véhicule électrique profitent aujourd’hui davantage aux zones urbaines, qui adoptent plus rapidement cette technologie, du fait de conditions favorables. Les espaces ruraux et périurbains représentent pourtant un défi majeur dans cette course à l’électrification, leurs habitants n’ayant d’autres choix que d’utiliser la voiture.</p>
<h2>Marchés en tensions et coûts très incertains</h2>
<p>L’État sera donc fortement mis à contribution pour accompagner les entreprises et les particuliers dans cette transformation, reste à savoir quel choix politique sera fait pour redistribuer ce coût entre les contribuables. Malgré l’installation de nouveaux générateurs électriques, la progression de la demande va largement faire gonfler la <a href="https://www.fournisseurs-electricite.com/guides/prix/kwh-electricite/evolution">facture électrique des Français</a>, surtout si le secteur résidentiel prend aussi la voie de l’électrique pour le chauffage.</p>
<p>À l’échelle mondiale, à l’instar de l’or noir, l’or blanc, le lithium et une grande part des métaux sont devenus des ressources stratégiques pour supporter une mobilité électrique. Or la forte demande et le déséquilibre géographique des gisements et de l’exploitation créent des tensions qui fragiliseront l’approvisionnement et les prix des matières premières.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=399&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/489160/original/file-20221011-14-o72r8v.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Des tas de sels contenant du lithium, dans le salar d’Uyuni en Bolivie.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Tomab/Flickr</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>L’électrification de l’Europe sera donc tributaire des importations de ces matières premières, laissant planer des doutes sur la capacité à pourvoir l’ensemble du marché européen et mondial en VE et cela à un prix raisonnable.</p>
<h2>Un pansement climatique, loin du remède écologique</h2>
<p>L’électrification du parc automobile est une fuite en avant, fondée sur une innovation qui ne remet pas en cause le fonctionnement de notre société. Si le VE s’inscrit dans la stratégie de neutralité carbone pour 2050, il ne suffira pas et continuera d’entretenir un système instable dépendant d’une forte artificialisation des sols et des consommations de ressources et d’énergies abondantes.</p>
<p>L’urgence climatique, avec des objectifs ambitieux en 2030 et 2050, rend solvables des solutions de court terme, telles que le VE, qui ne seront plus viables en 2100, notamment par manque de ressources naturelles <a href="https://www.cairn.info/penser-la-decroissance--9782724613001-page-95.htm">au-delà de 2050</a>. En survendant ses bienfaits écologiques, le véhicule électrique étouffe de potentielles actions pour changer notre système fondé sur la voiture. Promouvoir la sobriété demeure la solution la plus sûre et la plus naturelle avec de multiples bénéfices environnementaux et sociaux.</p>
<p>Le système de mobilité, l’aménagement du territoire et les modes de vie sont néanmoins pris dans une inertie vieille de plusieurs décennies, centrés sur la vitesse et la consommation. Malgré l’urgence de mettre fin à ce modèle écocide, les réflexions sur l’avenir des territoires de la voiture, entre les centres urbains et le rural, restent atones.</p>
<p>La fin de la voiture thermique en 2035 ne devrait pas être synonyme de remplacement systématique par une voiture électrique mais comme une remise en cause profonde de sa place dans nos imaginaires et notre quotidien.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/192264/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Si la voiture électrique est utile à la transition énergétique, elle n’est pas sans défaut et ne doit pas faire oublier la nécessité de la sobriété en matière de transport.Alexis Poulhès, Enseignant à l’École des Ponts, ingénieur de recherche au Laboratoire Ville Mobilité Transport, École des Ponts ParisTech (ENPC)Cyrille François, Ingénieur en génie de l’environnement et docteur en urbanisme, Université Gustave EiffelLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1910072022-09-27T20:00:50Z2022-09-27T20:00:50ZLa demande de voitures neuves peu impactée à court terme par la hausse des prix des carburants<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/485579/original/file-20220920-21-sqpif1.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C67%2C1708%2C1014&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">En 2019, le transport en France était ainsi le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre avec 30&nbsp;% des émissions nationales.
</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://commons.wikimedia.org/wiki/File:Ancienne_station_essence_Oil_France_à_Antony_le_18_avril_2016_-_3.jpg">Wikimedia commons/Lionel Allorge</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span></figcaption></figure><p>La situation exceptionnelle à la suite de la <a href="https://theconversation.com/fr/topics/conflit-russo-ukrainien-117340">guerre en Ukraine</a> a conduit en <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2022/03/15/prix-des-carburants-pourquoi-le-diesel-depasse-l-essence-pourquoi-une-ristourne-plutot-qu-une-baisse-de-taxes_6117646_4355770.html">mars 2022 à un dépassement du seuil des 2 euros/L pour le prix du carburant à la pompe</a>. Une hausse conjoncturelle du prix du carburant peut-elle avoir des effets bénéfiques pour l’environnement ? Peut-elle limiter la pollution par le transport routier, notamment via le renouvellement du parc automobile ?</p>
<p>La réduction des <a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/themes/climat/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-et-l-empreinte-carbone">émissions de gaz à effet de serre</a> par les véhicules (<a href="https://www.notre-environnement.gouv.fr/rapport-sur-l-etat-de-l-environnement/themes-ree/defis-environnementaux/changement-climatique/emissions-de-gaz-a-effet-de-serre/article/les-emissions-de-gaz-a-effet-de-serre-du-secteur-des-transports?type-ressource=liens&ancreretour=ancreretour928&lien-ressource=5182&theme-ressource=434">principalement du CO₂</a>) reste en effet un enjeu fort pour les pouvoirs publics. En 2019, le transport en France était ainsi le secteur le plus émetteur de gaz à effet de serre avec <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2022/pdf/pages/donnees-cles.pdf">30 % des émissions nationales</a> et le transport routier représente <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-du-climat-2022/pdf/pages/partie4/11-emissions-de-ges-des-transports.pdf">94 % des émissions du transport</a>. Le transport routier pollue également du fait de l’émission par les véhicules diesel, <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-10/Vehicules_circulation_2020_infographie_1.pdf">toujours majoritaires dans le parc automobile français</a>, de <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/emissions-des-voitures-essence-diesel-et-hybrides-recentes-gouvernement-rend-publique-letude">particules fines (en l’absence de systèmes de dépollution) et d’oxydes d’azote</a> aux effets néfastes sur les voies respiratoires.</p>
<h2>Taxation impopulaire</h2>
<p>La taxation du carburant est un outil pour modifier les choix des consommateurs. Une taxe carbone peut en effet jouer le rôle de <a href="https://partageonsleco.com/2021/04/12/la-taxe-pigouvienne-fiche-concept/">taxe pigouvienne</a>, c’est-à-dire renchérir le coût des produits aux effets négatifs sur l’environnement pour que les consommateurs internalisent les externalités ainsi générées.</p>
<p>Taxer le carburant présente même un double bénéfice en permettant non seulement une diminution du kilométrage mais aussi un renouvellement du parc avec davantage de véhicules moins polluants (avec cependant le risque d’un <a href="https://www.jstor.org/stable/41323081">effet rebond</a>, c’est-à-dire que les consommateurs augmentent leur kilométrage lorsqu’ils achètent une voiture plus économe en carburant).</p>
<p>Ce type de taxation reste malheureusement impopulaire du fait de son <a href="https://www.senat.fr/rap/r08-543/r08-54331.html">caractère dit régressif</a>, c’est-à-dire réduisant le pouvoir d’achat des ménages, en particulier les plus modestes, qui n’ont pas toujours d’autres stratégies de substitution énergétique. Ceci explique qu’en France, après le rejet de deux projets législatifs en 2000 et 2010, la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/fiscalite-carbone">taxe carbone</a> ait été introduite en 2014 avec un montant initial assez modeste de 7 euros par tonne de CO<sub>2</sub>. Ce montant a été réévalué chaque année jusque 44,60 euros/t de CO<sub>2</sub> en 2018. Suite au <a href="https://theconversation.com/les-gilets-jaunes-quest-ce-que-cest-108213">mouvement des « gilets jaunes »</a>, aucune réévaluation n’a eu lieu en 2019.</p>
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<p>Sans même recourir à une taxe, la hausse conjoncturelle du prix du carburant peut modifier les comportements des consommateurs. La demande de carburant diminue ainsi quand son prix augmente avec des <a href="https://www.cae-eco.fr/Les-effets-de-la-fiscalite-ecologique-sur-le-pouvoir-d-achat-des-menages-463">élasticités de l’ordre de -0,5</a> en France (quand le prix augmente de 1 %, la demande baisse de 0,5 %). Du fait du caractère régressif de cette augmentation, l’État décide de subventionner une <a href="https://www.lemonde.fr/politique/article/2022/03/12/carburants-une-remise-a-la-pompe-de-15-centimes-par-litre-s-appliquera-a-partir-du-1er-avril-annonce-jean-castex_6117275_823448.html">remise de 18 centimes d’euro (15 hors taxe) par litre de carburant</a> pendant 4 mois à partir du 1<sup>er</sup> avril, qu’il <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/actualites/A15912">prolonge jusqu’au 31 décembre 2022, en deux phases</a> (30 centimes à partir du 1<sup>er</sup> septembre 2022, puis 10 à partir du 1<sup>er</sup> novembre 2022). Cette mesure s’applique actuellement à tous les carburants et concerne tous les ménages sans distinction de revenus et toutes les entreprises.</p>
<h2>Paradoxe énergétique</h2>
<p>Quel est l’impact d’une hausse des prix du carburant, qu’elle soit conjoncturelle ou fiscale, sur le comportement d’achat de véhicules plus ou moins polluants ? Plusieurs études mettent l’accent sur un <a href="https://direct.mit.edu/rest/article/96/5/779/58196/Gasoline-Prices-Fuel-Economy-and-the-Energy">paradoxe énergétique</a>, qui désigne la sous-estimation systématique par les consommateurs des économies futures en matière d’efficacité énergétique ; <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0047272716000049">d’autres</a> ne trouvent <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/aer.103.1.220">aucune preuve</a> d’une telle myopie du consommateur.</p>
<p><a href="https://www.epa.gov/sites/default/files/2014-12/documents/evaluating_the_consumer_response_to_fuel_economy.pdf">Plusieurs</a> <a href="https://trid.trb.org/view/920593">métaétudes</a> constatent que les preuves empiriques ne sont pas concluantes. Si la plupart des articles se concentrent sur le marché américain, une <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0095069613000430">exception notable</a> évalue cet effet sur les huit plus grands marchés européens, y compris la France, et observe de fortes différences avec les tendances observées outre-Atlantique.</p>
<p>Comme nous l’avons montré dans un <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0140988318301671">travail de recherche</a>, la demande de véhicules neufs en France est peu sensible à court terme aux prix du carburant, confirmant ainsi les <a href="https://www.aeaweb.org/articles?id=10.1257/pol.2.3.134">résultats obtenus sur données américaines</a> et <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0095069613000430">sur certains pays européens</a>.</p>
<p>Cette faible sensibilité présente une hétérogénéité significative entre les consommateurs, et tout particulièrement entre les particuliers et les entreprises : les entreprises réagissent moins que les ménages aux modifications des prix du carburant. Ce résultat peut sembler contre-intuitif mais il s’explique probablement par les autres incitations fiscales des entreprises et tout particulièrement par la <a href="https://entreprendre.service-public.fr/vosdroits/F22203">taxe sur les véhicules de société</a>, qui détermine, plus que les prix du carburant, la structure des achats de véhicules par les entreprises.</p>
<p>Même les consommateurs privés semblent sous-évaluer considérablement l’économie de carburant : ils ne sont prêts à payer que moins de 10 centimes (entre 1,4 et 9,6 centimes, selon le type de consommateur) afin de réduire de 1 euro la valeur actualisée nette de leurs coûts d’exploitation.</p>
<p>Ces résultats sont comparables (légèrement inférieurs) aux estimations précédentes obtenues dans la littérature, principalement sur le <a href="https://trid.trb.org/view/920593">marché américain</a>. Cette sous-évaluation de l’économie de carburant future peut s’expliquer par une <a href="https://www.epa.gov/sites/default/files/2014-12/documents/evaluating_the_consumer_response_to_fuel_economy.pdf">rationalité limitée ou une difficulté à calculer les économies de carburant attendues</a>.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=225&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/485568/original/file-20220920-1112-ermdgr.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=283&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption">Consentement à payer pour l’économie de carburant en % de la valeur actualisée nette de cette économie de carburant.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Auteures.</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Ces estimations permettent de prédire l’impact à court terme de deux taxes ambitieuses sur le carburant, calibrées pour être comparables : l’égalisation des <a href="https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2018/10/19/pourquoi-le-diesel-coute-t-il-maintenant-aussi-cher-que-l-essence_5372033_4355770.html">taxes sur le diesel et l’essence</a> et une taxe carbone d’un niveau conséquent.</p>
<p>En supposant que les consommateurs réagissent de manière identique aux changements de prix dus à la taxe sur les carburants et à ceux dus aux fluctuations du marché du pétrole, nous montrons que l’égalisation des taxes sur le diesel et l’essence réduit la part de marché des voitures diesel de quelques points à court terme sans changer notablement la consommation moyenne et les émissions moyennes de CO<sub>2</sub> des véhicules neufs. Une taxe sur le carbone (avec un prix de 51 euros/t de CO<sub>2</sub>, supérieur au niveau actuel) laisse la part du diesel presque inchangée et a un faible impact sur les deux autres grandeurs.</p>
<h2>Des politiques avec un impact limité à court terme</h2>
<p>Ainsi, nos résultats montrent l’impact limité à court terme d’une hausse, conjoncturelle ou fiscale, des prix du carburant sur la demande de véhicules neufs moins consommateurs et moins émetteurs de CO<sub>2</sub>. Cela n’exclut pas un impact sur les émissions via une réduction du kilométrage parcouru par les détenteurs de voitures ou via un changement à long terme du côté de l’offre.</p>
<p>Ces effets sont mesurés sur la période <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1302725/prix-carburant-france/">2003-2007, période au cours de laquelle les</a> <a href="https://fr.statista.com/statistiques/1302725/prix-carburant-france/">prix de l’essence et du diesel ont augmenté de près de 30 % et de plus de 40 %, respectivement</a>, mais <a href="https://www.carburants.org/statistiques/evolution-prix-essence/">avec des niveaux inférieurs à ceux actuellement observés</a>. Il n’y a aucune raison pour que l’impact d’une augmentation des prix du carburant soit linéaire. Ainsi, l’impact de l’augmentation actuelle pourrait être plus élevé que celui que nous mesurons tout en restant vraisemblablement limité à court terme.</p>
<p>En outre, depuis la période d’étude, deux évolutions importantes ont marqué le marché automobile : le <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/developper-lautomobile-propre-et-voitures-electriques">développement des voitures électriques</a> et un <a href="https://franchise-automobile.fr/actualites/le-monde-auto/les-chiffres-du-marche-automobile-francais-en-2021/">ralentissement important de la vente de véhicules neufs</a>. Ce ralentissement est dû à la pénurie de composants électroniques, aux retards d’approvisionnement, et aussi probablement à l’attente de la part des acheteurs d’une plus grande autonomie des véhicules électriques. Cette tendance a <a href="https://franchise-automobile.fr/actualites/le-monde-auto/les-chiffres-du-marche-automobile-francais-en-2021/">favorisé le marché de l’occasion</a>.</p>
<p>Dans ce marché de l’occasion en plein essor, le choix entre les voitures diesel ou essence ou entre des véhicules moins ou plus polluants se présente dans des termes similaires à ceux de notre étude et ne serait donc vraisemblablement pas fortement modifié à court terme par les variations des prix du carburant.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/191007/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Une étude récente montre que l'effet à court terme sur les achats de véhicules d'une augmentation, conjoncturelle ou fiscale, des prix du carburant reste limité.Céline Grislain-Letrémy, Economiste-chercheur en économie de l'environnement, ENSAE ParisTechHelene Naegele, Doctoral candidate, Department of Psychiatry and Neurosciences, Charité – Berlin University of MedicinePauline Givord, Économiste, Laboratoire interdisciplinaire d'évaluation des politiques publiques (LIEPP), Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1858922022-07-07T18:13:45Z2022-07-07T18:13:45ZComment nos voitures « gaspillent » les deux tiers de leur carburant<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/473030/original/file-20220707-16-eq6tjl.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=0%2C0%2C2995%2C1994&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les moteurs thermiques peuvent être optimisés.</span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://unsplash.com/photos/Xbh_OGLRfUM">Alexander Popov/Unsplash</a></span></figcaption></figure><p>À la veille des départs en vacances et avec l’envolée des prix des carburants, il est légitime de se poser la question : nos voitures consomment-elles trop ? Même si l’Europe a décidé d’interdire la production de véhicule à moteur thermique à partir de 2035, la majorité des véhicules de tourisme en circulation en France et sur la planète fonctionne avec un moteur thermique, c’est-à-dire avec un moteur utilisant un carburant de type essence ou gas-oil.</p>
<p>Ces moteurs ont pour fonction de transformer l’énergie thermique résultant de la combustion du carburant en énergie mécanique qui servira à mettre en mouvement le véhicule. Environ <a href="https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1468087419877990">40 à 50 % de l’énergie</a> fournie par le carburant est transformée en énergie mécanique, le reste étant dissipé en chaleur. L’énergie mécanique n’est pas entièrement restituée aux roues du véhicule et près de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301679X19301446?via%3Dihub">30 % seraient perdus par frottement</a>.</p>
<p>Au final, l’énergie utilisée pour faire effectivement avancer le véhicule ne représente qu’environ 30 % de l’énergie totale fournie par le carburant. D’où viennent ces pertes ? Peut-on les réduire ? Quel gain peut-on espérer sur la consommation des véhicules ?</p>
<h2>Fonctionnement d’un moteur thermique</h2>
<p>Un moteur thermique est constitué d’une chambre de combustion dans laquelle le carburant est brûlé avec de l’air. Ceci conduit à une augmentation du volume de gaz dans la chambre de combustion qui va pousser un piston vers le bas. Ce dernier est lié à une bielle, elle-même connectée à un vilebrequin qui va transformer le mouvement vertical du piston en rotation. Cette rotation est transmise via la transmission mécanique (notamment la boîte de vitesse) aux roues du véhicule.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=593&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473023/original/file-20220707-26-p3ewda.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=745&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Constitution d’un moteur thermique : mouvement des pièces (rouge) et zones de frottement (jaune).</span>
<span class="attribution"><span class="source">Zephyris/Wikimedia</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/">CC BY</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Des soupapes vont s’ouvrir et se fermer pour laisser entrer l’air et le carburant et permettre aux gaz brûlés de sortir via le tuyau d’échappement. Seule une partie (40 à 50 %) de l’énergie thermique de la combustion est transformée en énergie mécanique. Le reste de cette énergie est perdue et évacuée par les gaz chauds qui sortent de l’échappement et par le radiateur qui assure le refroidissement du moteur. Une amélioration de la combustion associée à des systèmes de récupération d’énergie peut permettre d’augmenter le pourcentage d’énergie transformée et réduire la consommation de carburant de près de 30 %.</p>
<h2>Les pertes par frottement</h2>
<p>Il est maintenant utile de définir ce qu’on entend par frottement. Lorsque l’on met deux objets en contact, le frottement qui apparaît dans les zones de contact entre ces deux objets va s’opposer au glissement de l’un par rapport à l’autre. Par exemple, le frottement entre nos chaussures et le sol nous permet de nous déplacer sans glisser. Si le frottement est trop faible, par exemple lorsque le sol est verglacé, le glissement sera facilité entre nos chaussures et le sol et il devient très difficile de se déplacer en marchant. En revanche, on peut alors opter pour des patins qui vont utiliser le faible frottement avec le sol pour permettre un déplacement par glissement. Lorsque l’on fait glisser (ou frotter) deux objets l’un sur l’autre, il va donc y avoir une résistance due au frottement. Ceci conduit à une perte d’énergie sous forme de chaleur qui est perceptible lorsque l’on se frotte les mains par exemple. C’est exactement ce qui va se produire entre les éléments en mouvement dans le moteur et dans la transmission mécanique et dont nous allons évaluer l’impact.</p>
<p>La tribologie est la science qui s’intéresse aux problèmes de contact et de frottement et sur la façon de les contrôler. <a href="https://link.springer.com/article/10.1007/s40544-016-0107-9">Des études récentes</a> de tribologie, ont permis d’estimer les pertes par frottement dans les moteurs thermiques et les transmissions vers les roues du véhicule. La figure ci-dessus présente en jaune les zones de contact où se produisent les pertes par frottement dans un moteur. Les pertes les plus importantes se produisent en périphérie du piston (environ 45 % des pertes), dans les liaisons entre la bielle, le vilebrequin et le bloc moteur (environ 30 % des pertes) et autour des soupapes et de leur système d’actionnement (pour environ 10 % des pertes). Les 10 % restant correspondent à des pertes dans les accessoires du moteur. </p>
<p>L’énergie mécanique qui sort du moteur est <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10402004.2015.1110862?journalCode=utrb20">à nouveau réduite</a> <a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10402004.2015.1110862?journalCode=utrb20">à nouveau réduite</a> par les pertes dans la transmission mécanique notamment à cause du frottement dans les engrenages de la boîte de vitesse. L’énergie mécanique fournie par la combustion au sein du moteur thermique est finalement amputée, dans les conditions moyennes d’utilisation du véhicule, d’environ 30 % en raison de l’ensemble de ces pertes.</p>
<h2>Peut-on réduire la consommation en limitant les pertes par frottement ?</h2>
<p>Environ 30 % du carburant est donc utilisé pour vaincre le frottement entre les pièces mécaniques en mouvement. Une réduction de ces pertes laisse entrevoir un gain substantiel de la consommation. Il faut maintenant se focaliser sur les éléments en frottement pour discuter des améliorations possibles. Les pièces du moteur et de la transmission sont lubrifiées par une huile qui s’insère entre les surfaces et permet de limiter le frottement et l’usure de ces surfaces.</p>
<p>Pour réduire encore les pertes par frottement, les recherches en tribologie concernent deux axes. Le premier est l’amélioration des lubrifiants. Ces travaux visent à un meilleur contrôle de la variation des propriétés du lubrifiant telle que la viscosité avec la température. En effet, le frottement est globalement réduit lorsque la viscosité est plus faible, mais le film d’huile peut devenir trop mince et conduire aux contacts des aspérités des surfaces et à une usure plus rapide. Pour cela, le développement de nouveaux additifs ajoutés au lubrifiant qui permettent la création de couches protectrices à faible frottement sur les surfaces est aussi un sujet de recherche.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=206&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/473027/original/file-20220707-26-opwmc7.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=259&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">Les solutions utilisées pour réduire le frottement et l’usure dans les contacts mécaniques.</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Le second volet concerne l’amélioration des surfaces elles-mêmes grâce à la réalisation de revêtements notamment à base de carbone qui assurent la protection des surfaces en contact et un plus faible frottement. Une autre façon de limiter le frottement passe par l’utilisation de surfaces texturées par un réseau de cavités dont les dimensions sont optimisées pour permettre une lubrification plus efficace.</p>
<p><a href="https://www.tandfonline.com/doi/abs/10.1080/10402004.2018.1478053?journalCode=utrb20">Des travaux</a> que nous avons récemment menés à l’Institut Pprime de Poitiers (CNRS, Université de Poitiers, ISAE Ensma) ont montré qu’il est possible de réduire le frottement de 50 % dans certains types de contact grâce à la texturation de surface.</p>
<p>Dans le cas des véhicules à moteur thermique, différentes études confirment que ces nouvelles technologies peuvent permettre à moyen terme de réduire les pertes par frottement de 50 à 60 % pour un gain en consommation de carburant de l’ordre de 15 %. Ce gain peut sembler faible, mais s’il est combiné avec une amélioration des moteurs et surtout une réduction de la taille et la masse des véhicules et par conséquent de la largeur des pneumatiques, des économies de consommation de carburant de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0301679X11003501?via%3Dihub">l’ordre de 50 % sont atteignables</a>. L’accroissement du segment des SUV sur le marché automobile, montre que ce n’est malheureusement pas une voie qui a été retenue par les fabricants de véhicules automobiles ces dernières années.</p>
<p>À très court terme quelles sont les solutions pour réduire la facture ? Si on exclut l’achat d’un nouveau véhicule, l’utilisation de <a href="https://saemobilus.sae.org/content/2017-01-0882/">lubrifiants plus performants</a> peut réduire la consommation de quelques pourcents, ce qui reste faible et ne compense pas l’augmentation du prix des carburants à la pompe. De plus le choix d’un nouveau lubrifiant reste compliqué pour un particulier, car les études comparatives ne sont, pour l’heure, disponibles que dans la littérature scientifique et technique et donc réservées à un public averti.</p>
<p>[<em>Près de 70 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. <a href="https://theconversation.com/fr/newsletters/la-newsletter-quotidienne-5">Abonnez-vous aujourd’hui</a>.</em>]</p>
<p>En revanche, n’oublions pas que les véhicules sont conçus pour transporter plusieurs passagers. Le covoiturage autorise, si on rapporte la consommation aux nombre de passagers, à diviser la consommation par 2, 3, 4 ou plus. Une utilisation rationnelle des véhicules reste la solution la plus efficace et la plus simple pour réduire la facture énergétique.</p>
<p>À plus long terme, la voiture électrique, qui est maintenant plébiscitée par l’Union européenne et de nombreux constructeurs, est-elle une solution plus efficace du point de vue des pertes par frottement ? La réponse est oui. Le nombre de pièces mécaniques en frottement étant très limité, ces pertes sont évaluées à moins de 5 %. Il reste cependant de nombreux verrous à lever pour en faire la solution idéale : le poids et le prix des batteries, l’extraction des matériaux nécessaires à leur fabrication et leur recyclage.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/185892/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Noël Brunetière ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Si certaines pertes sont inhérentes au fonctionnement d’un moteur thermique, il serait possible de diminuer la consommation de carburant en réduisant les frottements des pièces du moteur.Noël Brunetière, Directeur de recherche, Université de PoitiersLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1862482022-07-07T18:12:54Z2022-07-07T18:12:54ZAutomobile : les trois étapes qui ont conduit l’UE à mettre fin aux véhicules thermiques d’ici 2035<p>Huit ans, un scandale planétaire, deux électrochocs politiques et trois paliers successifs d’évolution ont été nécessaires pour réussir à faire basculer le secteur de l’automobile dans l’ère de l’après-pétrole. Le <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/automobile-les-vingt-sept-approuvent-la-fin-des-voitures-thermiques-neuves-des-2035-923690.html">bannissement des moteurs thermiques d’ici 2035</a> pour les voitures neuves a été approuvé par les 27 États membres de l’Union européenne fin juin. Une belle démonstration que les révolutions nécessitent des paliers intermédiaires, le précédent rendant possible le suivant.</p>
<h2>Une longue inertie</h2>
<p>Les <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S004016251000106X">recherches internationales</a> montrent que l’Europe a essayé d’enclencher la conversion du secteur automobile vers l’électrique depuis plus de 35 ans. Le seul effet des diverses politiques publiques européennes développées, notamment celles qui ont cherché à limiter la pollution des moteurs, c’est de réussir à améliorer le moteur thermique.</p>
<p>Résultat : en 2016, la voiture électrique ne représentait toujours que 1 % des ventes d’automobiles au niveau mondial.</p>
<figure class="align-center zoomable">
<a href="https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=426&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/472107/original/file-20220701-22-4k3hk2.JPG?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=535&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://fr.statista.com/infographie/9754/2-millions-de-voitures-electriques-sillonnent-le-monde/">Statista (2017)</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0/">CC BY-SA</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>En 2021, huit ans après, 40 % des voitures immatriculées en Europe ne sont plus des voitures à essence.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1389238964188590082"}"></div></p>
<p>Comment expliquer ce basculement qui peut paraître brutal au regard des 35 ans d’inertie qui précédaient ?</p>
<h2>« Régime sociotechnique »</h2>
<p>La recherche s’intéresse particulièrement à ce type de phénomènes qui fait référence à la dynamique des systèmes sociotechniques sous-jacents aux secteurs industriels. Après stabilisation, les secteurs se figent sur un mode de fonctionnement donné autour de technologies dominantes, de régulations spécifiques, d’infrastructures de production et de distribution particulières, de réseaux de fournisseurs et de chaînes logistiques habituels, tout cela correspondant aux attentes et valeurs de leurs consommateurs, etc. Certains auteurs parlent de <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0048733302000628">« régime sociotechnique »</a>.</p>
<p>Ces systèmes sociotechniques sont très difficiles à modifier de façon brutale. Ils évoluent lentement, de façon incrémentale, en intégrant les innovations les plus compatibles avec le système déjà en place et en éliminant « naturellement » les innovations qui remettent trop en question le système sociotechnique. On parle alors de « verrouillage sociotechnique ».</p>
<p>Dans l’automobile, les modèles industriels et économiques de la voiture électrique, dont la valeur repose sur des batteries, n’étaient alors pas assez compatibles avec ceux de la voiture thermique, dont la valeur repose sur le moteur.</p>
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<p>Notre recherches menées de 2015 à 2022 à paraître dans la <em>Revue interdisciplinaire droit et organisations</em> (RIDO) et <em>Management et avenir</em> ont permis d’analyser la trajectoire de transformation du secteur automobile et de comprendre comment l’Europe a réussi à sortir de cette situation de « verrouillage sociotechnique » et basculer enfin vers la fin des véhicules thermiques.</p>
<p>Cette recherche montre que plusieurs paliers successifs de transformation ont été nécessaires pour faire bouger les représentations des politiques, des professionnels du secteur et des consommateurs.</p>
<h2>2015-2017 : l’onde de choc du « dieselgate »</h2>
<p>Il y a une première période charnière, ou palier, en 2015-2017. Ce premier palier est marqué par les impacts sur l’opinion publique et sur les politiques de l’onde de choc du scandale du <a href="https://theconversation.com/fr/topics/dieselgate-95169">« dieselgate »</a>, qui a révélé le système de trucage de la mesure des émissions des moteurs diesel du constructeur Volkswagen. Ce scandale soulignait en creux les problèmes de qualité de l’air dans les villes et beaucoup de pays européens ont alors commencé à lancer des politiques pour abolir le diesel en centre-ville.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/g66cGcLHZ9Q?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Comment Volkswagen a triché ? (Auto Plus Magazine, 2015).</span></figcaption>
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<p>À l’époque, la batterie de troisième génération et les technologies liées aux véhicules électriques sont alors les seules technologies matures au moment où il faut proposer une alternative à un consommateur choqué. En effet, entre 2010 et 2015, tous les constructeurs automobiles ont déjà travaillé sur des modèles de voitures électriques mais comme le marché n’avait pas décollé, les projets étaient restés dans les tiroirs. Il suffit donc de ressortir ces modèles pour gommer un peu l’effet négatif du « dieselgate ». Mais l’électrique reste perçu comme une solution très marginale.</p>
<h2>2018-2019 : premier électrochoc dans l’UE</h2>
<p>En 2018-2019, il y a une seconde période charnière, ou palier. De plus en plus de pays européens commencent à envisager d’aller plus loin pour lutter contre la pollution en centre-ville et la réduction des émissions de CO<sub>2</sub>. Certains pays commencent à légiférer pour fixer des dates marquant la fin des moteurs thermiques.</p>
<p>L’Europe veut pousser l’électrique mais reste inquiète de sa dépendance à l’Asie en matière de batteries. Les Vingt-Sept ne veulent pas refaire l’erreur des panneaux solaires en boostant une technologie qu’ils ne maîtrisent pas. C’est pourquoi Bruxelles commence à impulser des collaborations entre France et Allemagne pour <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2021/02/OSFME-R6-Lalliance-europ%C3%A9enne-des-batteries.pdf">créer une filière batterie en Europe</a>.</p>
<p>De marginale, la voiture électrique commence à être perçue comme une niche qui permettra de faire face aux contraintes environnementales au côté des voitures hybrides et des voitures essence de plus en plus performantes au plan environnemental.</p>
<p>En 2019, les représentations à la fois des politiques et des professionnels du secteur évoluent. L’idée de faire de l’Europe un leader en matière de voiture électrique continue à s’installer chez les politiques, avec la prise de conscience que le territoire européen a des atouts pour cela (batteries de quatrième génération plus favorables pour l’environnement). Cette évolution des perceptions rend possible une nouvelle série de décisions politiques qui jouent le rôle d’un électrochoc. Les objectifs de réduction de CO<sub>2</sub> fixés par le parlement européen sont ainsi revus à la hausse.</p>
<p>Chez les constructeurs, les réunions de crise se multiplient. Ces objectifs les obligent en effet à intégrer 60 % de voitures électriques dans leur portefeuille de produits d’ici 2030. Ils vont donc être obligés de s’adapter beaucoup plus brutalement que ce qu’ils anticipaient.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/le-pour-et-le-contre-faut-il-interdire-les-vehicules-thermiques-175572">« Le pour et le contre » : Faut-il interdire les véhicules thermiques ?</a>
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<p>Les stratégies des constructeurs commencent d’ailleurs à se différencier. D’un côté, la grande majorité des constructeurs veulent laisser le choix aux consommateurs en fonction des usages : essence, hydrides, hydrides rechargeables, électriques à batterie et hydrogène. L’hybride devient d’ailleurs la solution de référence. De l’autre, quelques constructeurs misent sur un tournant à 180 degrés vers le 100 % électrique avec des campagnes pour montrer que les batteries sont meilleures que les hybrides pour l’environnement. C’est notamment le cas de Volkswagen.</p>
<h2>2020-2021 : le second électrochoc dans l’UE</h2>
<p>Puis il y a une troisième période charnière en 2020-2021 où c’est l’ensemble du paradigme du secteur automobile qui bascule. L’évolution des mentalités, mais aussi des constructeurs automobiles qui commencent tous à investir dans des usines de batteries situées en Europe, rendent possible une nouvelle phase de durcissement des objectifs de réduction de CO<sub>2</sub> dans certains pays. Hors Europe, le Royaume-Uni annonce la fin des véhicules thermiques à Londres en 2025 et à l’échelle du pays en 2030, rejoignant ainsi la Norvège mais aussi certains pays européens : la Suède, le Danemark, les Pays-Bas et la Slovénie.</p>
<p>Les discussions entre les parties prenantes sont vives à Bruxelles. Basculer vers la voiture électrique demande en effet aux constructeurs des changements si profonds et des investissements si importants que mener de front l’amélioration du moteur thermique dans le cadre des nouvelles normes européennes et le développement de la voiture électrique devient difficile.</p>
<p>Pour baisser les coûts, il devient préférable de miser uniquement sur l’électrique pour atteindre le plus rapidement possible une taille critique. C’est la seule solution pour s’assurer que le prix des véhicules électriques soit rapidement identique au prix actuel du thermique. Cette évolution des représentations des professionnels et des politiques est d’ailleurs partagée par les syndicats qui y voit une solution pour relocaliser la production.</p>
<p>Ces évolutions rendent possible un second électrochoc européen au cours de l’été 2021. En même temps que le dernier <a href="https://www.ipcc.ch/report/sixth-assessment-report-cycle/">rapport</a> du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) montrant qu’il sera difficile d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris sur la réduction des gaz à effets de serre, la Commission européenne annonce en effet la <a href="https://www.vie-publique.fr/en-bref/285406-les-eurodeputes-votent-linterdiction-des-moteurs-thermiques-en-2035">fin de la commercialisation des voitures thermiques neuves pour 2035</a> (voitures et véhicules légers utilitaires), décision qui vient d’être approuvée.</p>
<p>C’est cinq ans avant la date fixée par la majorité des pays européens, dont la France. Surtout, c’est aussi la fin des motorisations hybrides et des biocarburants à base d’éthanol. L’objectif est d’atteindre une <a href="https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52021PC0556">réduction de 55 % des émissions de CO₂ d’ici à 2030</a>. C’est une date symbolique car, le cycle de vie d’une voiture étant d’environ 15 ans, la plupart des voitures thermiques devraient avoir disparu d’ici 2050.</p>
<h2>Désormais, l’ère des solutions complémentaires ?</h2>
<p>Cette proposition a été <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/automobile/fin-des-moteurs-thermiques-en-2035-un-sommet-europeen-decisif-pour-faire-taire-les-divisions-923237.html">âprement débattue au sein du Parlement européen comme du Conseil</a>. Elle a finalement <a href="https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20220603IPR32129/soutien-a-l-objectif-de-zero-emission-pour-les-voitures-et-camionnettes-en-2035">été votée au Parlement</a> puis au <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/meetings/env/2022/06/28/">Conseil de l’Union européenne</a> sous la présidence de la France en juin 2022.</p>
<p>L’Italie et l’Allemagne ont obtenu la possibilité d’étudier jusqu’en 2026 des technologies alternatives comme les carburants synthétiques qui permettrait de continuer à utiliser les véhicules thermiques ou de nouvelles formes de motorisations hybrides rechargeables zéro émission. L’<a href="https://www.francetvinfo.fr/meteo/climat/on-vous-explique-pourquoi-ferrari-et-d-autres-marques-de-luxe-pourraient-continuer-a-vendre-des-voitures-thermiques-apres-2035_5186836.html">amendement « Ferrari »</a> introduit en outre une exemption des obligations pour cinq ans aux constructeurs produisant moins de 10 000 véhicules par an.</p>
<p>Dans un contexte de guerre en Ukraine où la souveraineté énergétique est questionnée, cette porte ouverte aux carburants de synthèse produits à partir d’hydrogène vert ou de biométhane produits localement en France apparaît pleine de symboles sur l’avenir de l’automobile en Europe.</p>
<p>Au bilan, la majorité des constructeurs annoncent aujourd’hui un passage vers 100 % de voiture neuve électrique entre 2025 et 2030, y compris tous les constructeurs américains. Ce qui montre en outre que l’Europe est en train d’entraîner aujourd’hui d’autres parties du monde comme les États-Unis.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/186248/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Valery Michaux ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’approbation de la fin des moteurs à essence, fin juin, résulte du franchissement de plusieurs paliers d’acceptation du changement chez les politiques, les industriels et les consommateurs.Valery Michaux, Enseignante chercheuse, Neoma Business SchoolLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1841112022-05-31T18:52:26Z2022-05-31T18:52:26ZPauline : « Pourquoi l’essence des voitures et des avions pollue ? »<p>On obtient de l’essence en séparant les composants du pétrole dans des usines spécialisées appelées des raffineries. L’essence mélangée à de l’air est un produit inflammable et explosif qui permet de faire fonctionner un moteur de voiture ou d’avion. L’explosion est contrôlée et elle permet de mettre des pièces du moteur en mouvement pour faire bouger les roues des voitures.</p>
<p>Pour les avions, on utilise une essence spéciale appelée le kérosène qui ne gèle pas même quand il fait très froid en haute altitude.</p>
<p>Même si l’essence est dangereuse, on tombe rarement en panne et tout fonctionne en général très bien. Mais il y a un problème : la pollution de l’air. Quand on brûle de l’essence ou du kérosène, le moteur rejette du gaz carbonique (le CO<sub>2</sub> dont tu entends souvent parler) et des produits qui n’ont pas bien brûlé. Et là, ça se complique, parce que la pollution de l’air dérègle le climat avec plus de chaleur, plus de sécheresses et d’inondations, et provoque plus de maladies…</p>
<p>On sait ce qui entre dans un moteur : de l’air et de l’essence. On sait ce qui s’y passe : la combustion permet de faire avancer la voiture ou l’avion en actionnant le moteur. Mais qu’est-ce qui sort du pot d’échappement ou du réacteur ?</p>
<h2>Premier problème : le gaz carbonique (CO₂)</h2>
<p>L’oxygène de l’air (O) permet la combustion. Il se transforme alors en gaz carbonique qui associe 1 atome de carbone et 2 atomes d’oxygène (CO<sub>2</sub>). Or, le CO<sub>2</sub> est un gaz à effet de serre. Il retient la chaleur dans l’atmosphère. Plus il y en a et plus il va faire chaud sur la Terre. Et justement, sa quantité augmente à toute vitesse. On n’en a jamais trouvé autant dans l’atmosphère !</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=516&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/466262/original/file-20220531-18-6m389d.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=649&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">Les changements de température à la surface de la Terre depuis 2 000 ans.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Modifié à partir du rapport du GIEC, 2021</span></span>
</figcaption>
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<h2>Deuxième problème : les particules qui n’ont pas brûlé</h2>
<p>Après, il y aussi les émissions d’autres molécules qu’il vaut mieux éviter de respirer. Les plus fines d’entre elles ont moins de 10 microns ; on parle alors de particules ultra-fines (PUF). 1 micron, c’est un mille fois plus petit qu’un millimètre ! Les PUF peuvent se loger au fond des poumons sans en ressortir. En plus, les molécules peuvent s’associer entre elles, par exemple avec des pollens ou des poussières contenus dans l’air que l’on respire. Tout ceci peut provoquer de nombreuses maladies… On a intérêt à habiter loin des aéroports et des routes à grande circulation.</p>
<h2>Comment supprimer la pollution par l’essence ?</h2>
<p>La meilleure solution serait de supprimer l’essence… « J’imagine des travailleurs qui bouchent des centaines de milliers de puits de pétrole et de gaz abandonnés qui ont besoin d’être nettoyés », a dit Joe Biden, le président des États-Unis d’Amérique. Oui, mais quand le fera-t-on ? La plupart des fabricants de voitures annoncent qu’ils passeront au tout électrique entre 2030 et 2050. Airbus annonce son premier avion électrique à hydrogène en 2035.</p>
<p>On peut aussi bricoler en se disant que si on a plus de forêts, alors les arbres vont attraper le CO<sub>2</sub> pour garder le carbone pour grandir et rejeter de l’oxygène. Magique ! Mais hélas, partout dans le monde on enlève des forêts. Aujourd’hui, même l’Amazonie émet plus de CO<sub>2</sub> qu’elle n’en absorbe parce qu’on remplace la forêt par des champs après l’avoir fait brûler.</p>
<p>Il y a une autre idée avec les biocarburants : on fait pousser des plantes qui sont transformées en carburant. Quand on le brûle, on rejette toujours de la pollution mais les plantes suivantes attrapent le carbone dans l’air. Et donc il y a un cycle carburant/pollution/captage de la pollution/carburant et ainsi de suite. On limite alors les dégâts. Mais problème : où trouver assez de champs alors qu’on en a besoin pour les humains et les animaux d’élevage ?</p>
<p>Fatalement, un jour il n’y aura plus de pétrole ni de gaz parce que ce sont des réserves naturelles que l’on va finir par épuiser. On en a fait, des guerres pour le pétrole et le gaz, et on continue à en faire. Alors, autant commencer tout de suite avec d’autres solutions, même si c’est compliqué et que ça va coûter cher !</p>
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<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=600&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/251779/original/file-20181220-103676-bvxzth.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=754&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption"></span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.dianerottner.com/">Diane Rottner</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p><em>Si toi aussi tu as une question, demande à tes parents d’envoyer un mail à : <a href="mailto:tcjunior@theconversation.fr">tcjunior@theconversation.fr</a>. Nous trouverons un·e scientifique pour te répondre</em>.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/184111/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Raymond Woessner ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les voitures électriques roulent déjà et les ingénieurs travaillent dur pour construire des avions plus propres. Il faut le faire : la pollution par l’essence est devenue un vrai danger.Raymond Woessner, Professeur honoraire de géographie, Sorbonne UniversitéLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1816662022-04-26T19:46:04Z2022-04-26T19:46:04ZImages de science : Comprendre les flammes pour éviter les accidents industriels<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/458893/original/file-20220420-20-q8narj.jpg?ixlib=rb-1.1.0&rect=9%2C12%2C2101%2C2098&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Simuler la propagation de flammes au travers d'obstacles pour mieux comprendre le risque d'explosion.</span> <span class="attribution"><span class="source">Julien Réveillon, Coria, MécaPixel</span>, <span class="license">Fourni par l'auteur</span></span></figcaption></figure><p>Sur cette image, on voit la simulation d’une flamme lors d’une explosion, en gris, enserrée par une série d’obstacles, en violet. Ce type de simulation permet de mieux comprendre comment les flammes se propagent autour des constructions industrielles et de limiter les dégâts des explosions accidentelles.</p>
<p>Les sites chimiques industriels ont le potentiel d’être le théâtre d’événements destructeurs, porteurs d’un bilan humain et matériel catastrophique. Des catastrophes comme celles de <a href="https://theconversation.com/beyrouth-comment-le-nitrate-dammonium-a-pu-declencher-de-telles-explosions-144008">Beyrouth en 2019</a> au Liban, d’<a href="https://theconversation.com/lubrizol-la-sous-traitance-catalyseur-de-catastrophe-industrielle-125319">AZF en 2001</a> en France, de <a href="https://www.osti.gov/biblio/7351990-detonation-flammable-cloud-following-propane-pipeline-break-december-explosion-port-hudson-mo">Port Hudson en 1970</a> aux États-Unis ou de <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Catastrophe_de_Buncefield">Buncefield en 2005</a> au Royaume-Uni montrent que nul n’est à l’abri d’un accident industriel qui laisse des traces profondes dans la société.</p>
<p>Des causes très différentes peuvent être à l’origine de ces catastrophes industrielles. Les catastrophes de Port Hudson et de Buncefield étaient liées à des explosions d’un nuage de gaz non confiné (ou <em>unconfined vapour cloud explosion</em> en anglais).</p>
<p>Ces <a href="https://www.ineris.fr/fr/omega-uvce-explosions-non-confinees-gaz-vapeurs">explosions</a> ont lieu suite à une perte de confinement d’un fluide inflammable, qui se répand dans un volume important autour du site industriel et se mélange à l’oxygène de l’air environnant. Au contact d’une source d’énergie dans la zone où le nuage s’est répandu, par exemple un arc électrique, une réaction de combustion peut s’amorcer et se propager jusqu’à ce que tout le combustible ait été consommé.</p>
<p>Suite à l’inflammation du mélange, une flamme (aussi appelée « zone de réaction ») se propage au sein du mélange air/combustible. En fonction des circonstances, cette flamme peut avoir deux types de <a href="https://enasis.univ-lyon1.fr/clarolinepdfplayerbundle/pdf/375859">régimes de propagation</a> :</p>
<ul>
<li><p>la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9flagration">déflagration</a>, obtenue lorsque la source d’allumage est de faible énergie : la flamme se propage à une vitesse inférieure à la vitesse du son.</p></li>
<li><p>la <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9tonation">détonation</a>, qui demande une énergie initiale importante : la flamme se propage alors à une vitesse supersonique et provoque des dégâts bien plus importants.</p></li>
</ul>
<p>Il est possible qu’une flamme initialement en régime de déflagration effectue la transition vers un régime de détonation <a href="https://www.oecd-nea.org/upload/docs/application/pdf/2020-01/csni-r2000-7.pdf">suite à son accélération</a>. L’accélération de la flamme peut être due à de nombreux facteurs, notamment le niveau de turbulence et la présence d’<a href="https://doi.org/10.1016/j.jlp.2020.104377">obstacles dans la zone de propagation</a>.</p>
<p>Dans ce dernier cas, deux effets peuvent être observés. Tout d’abord, les déformations de l’écoulement autour des obstacles provoquent une « élongation » de la flamme, ce qui augmente sa surface à grande échelle. De plus, la génération d’un sillage au niveau des obstacles que rencontre la flamme va entraîner la production de turbulence, ce qui augmente le transport de masse et d’énergie dans l’écoulement. Dans ces régions caractérisées par des niveaux élevés de turbulence, le plissement à petite échelle augmente encore la surface totale de la flamme. Or, la vitesse de la flamme dépend directement de sa surface. De ce fait, la présence d’obstacles dans la zone de propagation de la flamme peut mener à son accélération et à un changement rapide de régime de propagation depuis la déflagration jusqu’à la détonation, bien plus violente.</p>
<h2>Comprendre la propagation des flammes au sein de sites industriels</h2>
<p>Afin de limiter de tels effets dévastateurs, il est important de comprendre le mécanisme d’accélération des flammes se propageant au sein des obstacles d’un site industriel. Il sera ainsi possible d’envisager la construction de sites dont la disposition des bâtiments limite la propagation des flammes et les effets néfastes de l’explosion.</p>
<p>Avant de modéliser une usine complète, des configurations simplifiées comme celle présentée sur la figure permettent d’effectuer des analyses statistiques précises sur l’impact de la forme, de la disposition et du taux d’encombrement des obstacles. Elles permettent aussi de tester la <a href="https://prestations.ineris.fr/fr/solutions-thematiques/moyens-essais-remarquables/plateformes-essais/plateforme-outils-1">qualité des modèles numériques</a> utilisés en les comparant avec des expériences qui sont faites à des plus petites échelles que celle d’une usine.</p>
<p>L’image montre ainsi une flamme prémélangée méthane/air de 5 mètres de diamètre, en gris, se propageant au travers d’une série d’obstacles, en violet. Sur l’image, la structure de la flamme est représentée sur le maillage tétraédrique utilisée pour diviser l’espace en petits volumes dans lesquels les équations d’évolution de la masse, de la vitesse et de la température sont résolues par le <a href="https://www.openfoam.com/">logiciel de mécanique des fluides numérique OpenFoam</a>. Cette configuration présente une symétrie sphérique qui permet d’effectuer des statistiques précises des évènements le long de la trajectoire de la flamme lorsqu’elle rencontre les obstacles.</p>
<p>Lorsque les différents modèles auront été validés, des calculs sur des configurations industrielles réalistes pourront alors être mis en œuvre et permettront d’accroître la sécurisation des sites concernés et des nouveaux sites devant être construits.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-maths-derriere-la-realite-3d-172880">Les maths derrière la réalité 3D</a>
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<img src="https://counter.theconversation.com/content/181666/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Julien Réveillon a reçu des financements de L’Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris), un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle du ministère chargé de l'environnement.</span></em></p>Déflagration, détonation : différents risques lorsqu’une flamme se propage.Julien Réveillon, Enseignant-Chercheur, énergie et mécanique des fluides numériques, Université de Rouen NormandieLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1769112022-02-22T18:40:42Z2022-02-22T18:40:42ZPublicité automobile : les mentions écologiques vont-elles changer les comportements ?<p>À compter du 1<sup>er</sup> mars prochain, les publicités pour les voitures auront l’obligation de faire mention d’un message en faveur d’alternatives parmi les trois suivants : « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer » ou « Au quotidien, prenez les transports en commun ». Cela résulte de l’entrée en application de <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000044590170">l’arrêté ministériel du 28/12/2021</a>. Pour la presse écrite et les affiches, ces messages devront occuper une superficie minimale de 7 %.</p>
<p>Cet arrêté résulte de la proposition C2.1 de la convention citoyenne pour le climat visant une <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/pdf/pr/ccc-consommer-reguler-la-publicite-pour-reeduire-les-incitations-a-la-surconsommation.pdf">interdiction de la publicité pour les produits les plus émetteurs de gaz à effets de serre (GES)</a>. La mesure retenue, moins radicale, est le fruit d’un compromis entre les constructeurs et les acteurs des mobilités alternatives alors que l’Union européenne affiche l’objectif de la fin des voitures thermiques pour 2035. Elle fait notamment écho aux actions mises en place dans le cadre de la lutte contre l’alcoolisme (loi Evin) ou le tabagisme (mention « fumer tue », <a href="https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/addictions/article/le-paquet-neutre">paquet neutre</a>).</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/comment-ecouter-les-podcasts-de-the-conversation-157070">Comment écouter les podcasts de The Conversation ?</a>
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<p><iframe id="tc-infographic-569" class="tc-infographic" height="100" src="https://cdn.theconversation.com/infographics/569/0f88b06bf9c1e083bfc1a58400b33805aa379105/site/index.html" width="100%" style="border: none" frameborder="0"></iframe></p>
<p>Pourtant, il est permis de douter de l’efficacité d’une telle mesure. Dans notre thèse de sociologie sur <a href="https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00560416/document">l’attachement à l’automobile mis à l’épreuve</a>, nous avons étudié différentes stratégies employées pour réduire son usage, parmi lesquelles figuraient en bonne place la diabolisation et la pathologisation. Au-delà d’une dépendance technique à un outil ou d’une dépendance issue d’un aménagement spécifique du territoire, <a href="https://theconversation.com/le-casse-tete-de-la-dependance-automobile-en-zones-peu-denses-168902">clairement favorable à l’usage de l’automobile</a>, un glissement sémantique assimile alors l’automobile à une drogue.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1476118801519452163"}"></div></p>
<p>Dès lors, ce serait un individu sous emprise qui conduirait et finalement, ce serait l’automobile qui ferait conduire l’automobiliste. L’objet n’est plus émancipateur, il devient aliénant, le sujet devient objet.</p>
<h2>Responsabilisation plus que culpabilisation</h2>
<p>La métaphore filée à son terme nous a conduits à étudier les effets de dispositifs fictifs tels que des « autopatch », des « autoholics anonymous » ou encore des « carfree challenge ». Nous devons concéder que ce procédé est pertinent dans une optique militante, comme en atteste par ailleurs les pages <a href="http://carfree.fr/index.php/2005/09/08/lautomobile-est-une-drogue/">l’automobile est une drogue</a> ou <a href="http://carfree.fr/index.php/2005/11/05/conduire-tue/">conduire tue</a> sur le site carfree.fr.</p>
<p>L’analyse des controverses montre comment les images et les symboles échangés valent autant, sinon plus, que des arguments plus rationnels. Mais plus sérieusement, si quelques automobilistes sont des conducteurs « accros à la voiture », combien éprouvent véritablement un manque lorsqu’ils ne sont pas obligés de conduire ?</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=378&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446484/original/file-20220215-19-r6cip8.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=475&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=395&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/446485/original/file-20220215-13-k76gmm.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=496&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Exemple du dispositif de communication fictif « autopatch ».</span>
<span class="attribution"><span class="license">Fourni par l'auteur</span></span>
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<p>Notre étude de ces dispositifs nous a conduits à interroger leur efficacité, car dans le même mouvement, assimiler la dépendance à l’automobile à une maladie tend à fixer l’automobiliste dans une pathologie plus qu’à le guérir. Il s’en trouve figé dans une posture de patient qui attend la découverte et la prescription d’un remède miracle. Il subit sa pathologie jusqu’à en oublier qu’il s’agit en fait d’un comportement choisi, qui peut changer. Il peut finir par se résigner.</p>
<p>Quitte à explorer le terrain des drogues, nous avions pris le soin d’en revenir avec des enseignements moins idéologiques et plus pragmatiques, nous inspirant pour cela du <a href="https://www.editionsladecouverte.fr/peut_on_civiliser_les_drogues_-9782707136244">livre</a> de la sociologue Anne Coppel : <em>Peut-on civiliser les drogues ? De la guerre à la drogue à la réduction des risques</em> (Éditions La Découverte). Nous faisions donc l’hypothèse qu’on ne ferait pas sortir les automobilistes de leur voiture malgré eux et qu’il serait préférable de les considérer comme des adultes capables de s’interroger sur leur pratique, voire de la modifier s’ils le souhaitent.</p>
<p>En conclusion provisoire de nos recherches, nous affirmions que pour initier et impulser le changement, il conviendrait peut-être de s’adresser à un citoyen responsable de sa destinée et de renforcer son libre arbitre : explorer la responsabilisation en lieu et place de la culpabilisation.</p>
<p>C’est là que nous retrouvons l’arrêté au cœur de cet article. Différents arguments nous inclinent à y voir un procédé culpabilisateur et infantilisant, faisant clairement douter de son efficacité. Les campagnes publicitaires accompagnées d’un démenti sanitaire, déresponsabilisent simultanément qu’elles informent.</p>
<h2>Messages dissonants</h2>
<p>Au moins deux arguments, qui s’appuient sur des concepts de psychologie, vont en ce sens. D’abord, la <strong>double contrainte</strong> :dans son article intitulé <a href="https://nanopdf.com/download/vers-une-theorie-de-la-schizophrenie-therapie_pdf">« vers une théorie de la schizophrénie »</a> rédigé en 1956, l’anthropologue américain Gregory Bateson développait l’idée selon laquelle les schizophrènes sont élevés dans l’expérience répétée de l’injonction paradoxale : leur mère passe de la colère au câlin sans qu’ils parviennent à comprendre ce qui déclenche l’une et l’autre réaction. Ils vivent dans une perte de repère qui provoque la confusion, ils sont scindés en deux.</p>
<p>Deuxième argument, la <strong>dissonance cognitive</strong> : il est aisé de comprendre le conflit qui existe entre deux cognitions « il faut conduire et acheter une voiture » pour être socialement inséré et économiquement rationnel et « il faut éviter de se déplacer en voiture » d’un point de vue environnemental. Les messages de la publicité « achète une voiture » (pour être libre, heureux, épanoui, rapide, puissant, attirant…) et de la mention sanitaire « ne l’utilise pas ou le moins possible » sont clairement dissonants.</p>
<p>Pour supporter la dissonance, elle doit être réduite : le moyen le plus simple étant d’ignorer la bannière en bas de l’écran. Là où la théorie psychologique devient encore plus pertinente, c’est peut-être avec l’expérience dite <a href="https://doi.apa.org/doiLanding?doi=10.1037/h0039901">« paradigme du jouet interdit »</a>. Que se passe-t-il si on dit simultanément à un groupe d’enfants qu’un jouet particulièrement attrayant causera de grandes ou petites punitions à ceux qui l’utiliseront, mais qu’il trône au milieu de la pièce et que les adultes sont partis ? Ils n’y touchent pas. Mais que se passe-t-il, si on leur indique ensuite qu’ils sont libres de jouer avec ce qu’ils veulent ? Tout parent sait que soit l’interdit est catégorique et il peut toutefois être transgressé, soit il est ambigu et n’a aucune chance d’être respecté.</p>
<p>On peut en outre mobiliser deux arguments supplémentaires. Le premier mobilise la littérature et la « doublepensée » orwellienne : dans la classique dystopie <em>1984</em>, la novlangue est l’instrument d’un totalitarisme qui emprisonne par les mots. Au cœur de celle-ci, la <a href="https://archive.org/details/oxfordcompaniont00mcar/page/321/mode/2up">doublepensée</a> est défini ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Connaître et ne pas connaître. En pleine conscience et avec une absolue bonne foi, émettre des mensonges soigneusement agencés. Retenir simultanément deux opinions qui s’annulent alors qu’on les sait contradictoires et croire à toutes deux. Employer la logique contre la logique. Répudier la morale alors qu’on se réclame d’elle ».</p>
</blockquote>
<p>Cette notion entre en résonance avec des termes comme voiture propre, autoroute verte, écoconduite ou biocarburant !</p>
<p>Enfin, rappelons que l’efficacité des messages sanitaires dans les publicités alimentaires n’a jamais été démontrée. Toutefois, un extrait du journal télévisé du 26 février 2007, lors de leur entrée en vigueur, atteste de certains doutes.</p>
<iframe allow="autoplay" title="Vidéo ina.fr: Campagne d'information sanitaire dans les publicités pour des produits alimentaires" src="https://enseignants.lumni.fr/export/player/00000001737" width="100%" height="400%" allowfullscreen=""></iframe>
<p>Il se concluait ainsi :</p>
<blockquote>
<p>« Journaliste : – à terme, un spot sur trois comportera un message sanitaire. Mais ces avertissements sont-ils efficaces ? Non, répond l’UFC-Que Choisir, qui a mené l’enquête.<br><br>
Alain Bazot : – on sait très bien que l’attention, elle est d’abord captée par le film, pas par un message qui va se dérouler en bas de l’écran. On sait très bien qu’à six, sept ans, la capacité de lecture des enfants n’est pas suffisante pour s’intéresser à ce message qu’il va lire et encore plus à le comprendre.<br><br>
Journaliste : – les nutritionnistes auraient aimé que l’on interdise les réclames qui visent les enfants. Les industriels ont refusé de tirer un trait sur un marché publicitaire de 2 milliards d’euros par an ».</p>
</blockquote>
<p>Comme les nutritionnistes en 2007, nous pensons qu’introduire sept pour cent de contradiction dans un message publicitaire n’aura donc au mieux qu’une portée symbolique : les autorités « n’approuvent pas ce message ». Au pire, ce procédé culpabilisera inefficacement.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/176911/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Laurent Fouillé ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Selon les travaux menés en sociologie, la responsabilisation du consommateur engendre plus d’effets que la culpabilisation qui figure dans les messages qui seront obligatoires à partir du 1ᵉʳ mars.Laurent Fouillé, Sociologue urbaniste, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1689022021-10-13T11:56:09Z2021-10-13T11:56:09ZLe casse-tête de la dépendance automobile en zones peu denses<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/424770/original/file-20211005-13-zoepjc.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&rect=5%2C2%2C1911%2C1201&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Les alternatives à l'automobile demeurent encore trop peu appliquées ou pensées notamment dans les zones rurales et périphériques. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/rue-confiture-ville-trafic-vue-3738298/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span></figcaption></figure><p>La dépendance automobile des populations vivant et se déplaçant hors des zones denses urbaines constitue un <a href="http://heran.univ-lille1.fr/wp-content/uploads/De%CC%81pendance-auto-2001.pdf">phénomène</a> bien connu et analysé <a href="https://www.amazon.fr/d%C3%A9pendance-automobile-Gabriel-Dupuy/dp/2717838716%5D(https://www.amazon.fr/d%C3%A9pendance-automobile-Gabriel-Dupuy/dp/2717838716)">par les chercheurs</a>. Est-ce pour autant un réel problème ? Sur cet aspect déjà les points de vue divergent.</p>
<p>Pour les uns, la voiture n’est pas vraiment nocive dans ces territoires et il convient de ne pas en contraindre l’usage, voire de l’encourager. Pour les autres, les nuisances qu’elle génère y sont autrement plus fortes si l’on veut bien approfondir le sujet.</p>
<p>L’essor de la voiture a permis à nombre de ménages d’échapper à la fatigue de la marche et du pédalage, de ne plus dépendre de transports publics contraignants, de gagner en liberté de mouvement, d’accéder à une plus grande diversité de destinations et de s’offrir une habitation plus spacieuse, avec jardin.</p>
<p>Le bouleversement des modes de vie qui en a résulté a cependant son revers : dépendre désormais d’un véhicule motorisé <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/voiture-moyenne-2020-plus-petite-mais-aussi-plus-chere-10675391.html">d’environ 1,25 tonne</a> pour presque tous ses déplacements, ce qui n’a pas que des avantages, pour soi comme pour la planète.</p>
<h2>Quand la dépendance devient contrainte</h2>
<p>Concrètement, la dépendance automobile concerne avant tout les « zones peu denses », soit les petites villes de moins de 10 000 habitants et le milieu rural, selon une définition possible, où vivent 8,9 millions de ménages et 21,4 millions d’habitants, <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/2017650?sommaire=2017660">(soit le tiers de la population française)</a>. Plus des trois quarts des déplacements s’y font en voiture. Plus de la moitié des ménages y ont deux voitures ou plus. Cette dépendance est également assez forte dans les villes moyennes et en périphérie des grandes villes où vit un autre tiers de la population.</p>
<p>Dès que les conditions de déplacement en voiture se resserrent, la dépendance devient contrainte. Les mesures réduisant la vitesse des véhicules (multiplication des radars, baisse de la vitesse maximale de 90 à 80 km/h sur les routes à double sens sans séparateur central, généralisation des zones 30…) ou augmentant le coût des déplacements en voiture (hausse du prix du carburant, introduction d’une taxe poids lourds ou d’une taxe carbone…) entraînent de vives réactions dans la population la plus concernée, comme on l’a vu avec le mouvement des <a href="https://www.cairn.info/revue-herodote-2014-3-page-223.htm?contenu=article">« bonnets rouges »</a> en 2014 ou celui des <a href="https://theconversation.com/gilets-jaunes-une-fracture-nord-sud-126962">« gilets jaunes »</a> en 2018.</p>
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À lire aussi :
<a href="https://theconversation.com/les-radars-de-la-colere-109352">Les radars de la colère</a>
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<h2>Des alternatives peu efficaces</h2>
<p>En zone dense, les alternatives à l’automobile – marche, vélo, transports publics… – sont bien engagées et donnent de bons résultats. Mais en zone moins dense, elles <a href="http://www.senat.fr/rap/r20-313/r20-3131.pdf">patinent</a>).</p>
<p>Les transports publics ne peuvent être déployés partout ou à un coût exorbitant. Les quelques lignes finalement acceptées doivent alors souvent être rejointes en voiture ou en deux-roues, ce qui n’est guère attractif. Le covoiturage de courte et moyenne distance a beaucoup de mal à séduire à cause des contraintes d’organisation et de la difficulté <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2018/10/Rapport_Cerema_covoiturage_courte-distance_final.pdf">à monétiser le service</a>. L’<a href="https://www.rezopouce.fr/">autostop organisé</a>, en général gratuit, ne rend qu’un service ponctuel. Le transport à la demande est très coûteux et ne peut être qu’une solution marginale.</p>
<figure class="align-center ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=398&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/424772/original/file-20211005-21-1pioni8.jpeg?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=501&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
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<span class="caption">L’insécurité routière continue de dissuader les déplacements à pied ou à vélo dans les zones peu denses.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/paysage-neige-la-glace-gel-v%C3%A9lo-1798695/">Pixabay</a>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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</figure>
<p>Le vélo n’est plus compétitif au-delà de 5 à 10 km. Il est vrai toutefois que les petits déplacements restent assez nombreux dans les territoires peu peuplés, puisque près de la moitié des déplacements y font <a href="https://www.cerema.fr/system/files/documents/2017/12/note_zonespeudenses_modesactifs_cle6cdcc1.pdf">moins de 5 km (presque les deux tiers en milieu urbain)</a>. Même le télétravail incite, en fait, les gens à habiter plus loin de leur lieu de travail ou à accepter un emploi plus éloigné de leur résidence et <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02569500/document">ne réduit en rien l’usage de la voiture</a>.</p>
<p>Si bien que beaucoup s’interrogent : faut-il vraiment chercher à sortir de cette <a href="https://www.amazon.fr/Vive-route-r%C3%A9publique-Fran%C3%A7ois-Orfeuil/dp/2815914514">dépendance automobile ?</a> « Pourquoi embêter les automobilistes ? », traduisent les élus et les citoyens les plus concernés.</p>
<h2>Des nuisances non négligeables en zone peu dense</h2>
<p>Pour nombre de chercheurs, l’affaire est entendue : la voiture ne provoque pas vraiment de nuisances en <a href="https://www.amazon.fr/Anachronismes-urbains-Jean-Marc-Offner/dp/2724625250">zone peu dense</a>. Les émissions de gaz à effet de serre et de polluants diminuent grâce au resserrement des normes européennes. Avec l’essor des voitures électriques et l’amélioration de leurs performances, la question sera même bientôt réglée, espère-t-on.</p>
<p>Le bruit reste pourtant une gêne : les logements en bordure de route ou proche d’une autoroute subissent une <a href="https://immobilier.lefigaro.fr/article/quelles-decotes-pour-un-logement-imparfait-_6f221c22-4a45-11e5-9e7a-1d316c7224aa/">décote sensible</a> et ce n’est pas la voiture électrique qui règlera ce problème car le bruit des pneus sur la chaussée puis le bruit aérodynamique dominent <a href="https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01425060/">au-delà de 50 km/h</a>.</p>
<p>Même si la mortalité routière <a href="https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/07/10/securite-routiere-en-1972-la-france-a-tombeau-ouvert_6045767_3224.html">a été divisée</a> par 5 en France depuis les années 1970, l’insécurité routière continue de dissuader les déplacements à pied ou à vélo dans les zones peu denses.</p>
<p>Un phénomène renforcé par les infrastructures de transport qui morcellent le territoire et imposent des détours. De plus, la consommation d’espace exigée par les véhicules individuels motorisés engendre une circulation dans la moindre ruelle, un stationnement généralisé sur toutes les places et même sur les trottoirs (quand il y en a). Résultat : les personnes vulnérables (enfants, seniors, handicapés…) doivent le plus souvent être accompagnées en voiture par des proches <a href="https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0761898098900528">pour leurs déplacements</a>.</p>
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<iframe width="440" height="260" src="https://www.youtube.com/embed/Rx-OCCNhx8k?wmode=transparent&start=0" frameborder="0" allowfullscreen=""></iframe>
<figcaption><span class="caption">Webinaire sur les mobilités, quelles solutions en milieu rural ? (Laboratoire de la mobilité inclusive, 2021).</span></figcaption>
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<p>À plus long terme, il faudra bien se rendre compte que la voiture n’est pas une solution durable. Son efficacité énergétique est déplorable, puisqu’en moyenne, elle transporte à 93 % son propre poids et pour le reste seulement des personnes et des charges. Les ressources de la planète ne seront jamais suffisantes pour faire face à un tel gaspillage : même si le taux de recyclage des véhicules hors d’usage s’améliore, les <a href="https://www.cairn.info/revue-responsabilite-et-environnement-2016-2-page-45.htm">matériaux</a> et composants récupérés sont généralement dégradés.</p>
<p>On ne sait pas encore précisément quelles seront les ressources qui viendront à manquer en premier : le cuivre pour les circuits électriques, le néodyme pour les aimants permanents des moteurs électriques, le cobalt pour la production de batteries ou d’autres encore ? Il est certain, en revanche, que le prix des voitures et de l’énergie aura de plus en plus tendance à augmenter.</p>
<h2>Vers des véhicules plus frugaux</h2>
<p>Pour réduire toutes ces nuisances et conserver une mobilité à la fois individuelle, accessible et bon marché, une solution particulièrement efficace mais encore peu explorée, consistera à s’orienter vers d’autres véhicules beaucoup moins lourds (moins de 500 kg) et moins rapides (maximum 50 km/h), plus spécialisés et suffisants pour la grande majorité des usages et notamment des déplacements domicile-travail actuels.</p>
<p>Ces <a href="https://theconversation.com/malus-poids-emissions-de-co-interessons-nous-enfin-aux-vehicules-intermediaires-148650">« véhicules intermédiaires »</a> entre le vélo classique et la voiture, qu’elle soit thermique, hybride ou électrique, sont très divers : vélos électriques (VAE ou speed pedelec), vélos spéciaux (cargocycles, vélomobiles, vélo-voitures…), microvoitures (sorte de quads électriques), deux-roues motorisés protégés, voiturettes ou mini-voitures. Des pionniers les testent, y compris en zone rurale de montagne.</p>
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<figcaption><span class="caption">In’VD (Innovation véhicule doux), une association qui a pour but de chercher des solutions en matière de déplacements non polluants (Seize9, 2019).</span></figcaption>
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<p>Pourtant, l’utilisation de tels modes est aujourd’hui considérée comme une régression intolérable et paraît même impensable, tant le standard de la voiture individuelle et le mode de vie qui va avec sont intériorisés dans tous les milieux sociaux.</p>
<p>En façonnant nos imaginaires, par leur <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/media-1093/Tribune/industrie-automobile-rois-pub-234076.htm">campagnes publicitaires massives</a>, les constructeurs automobiles y veillent.</p>
<p>L’accès à des véhicules toujours plus sophistiqués correspondrait, nous disent-ils, aux aspirations de la société. Il est au contraire probable qu’avec le renouvellement des générations et la montée des périls environnementaux, les gens souhaitent explorer progressivement d’autres façons de se déplacer et de vivre, fondées sur un ralentissement général, une frugalité choisie, des mobilités plus actives et plus de <a href="https://www.lafabriqueecologique.fr/vers-des-technologies-sobres-et-resilientes-pourquoi-et-comment-developper-linnovation-low-tech/">proximité</a>.</p>
<p>En découlera un rapprochement des différents lieux de vie (domicile, travail, services…) et des relations moins lointaines mais plus approfondies.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/168902/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Frédéric Héran ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Dans les zones dites peu denses, plus des trois quarts des déplacements se font en voiture. Comment remédier à cette dépendance automobile ?Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1639942021-07-08T17:51:09Z2021-07-08T17:51:09ZComment se forment les embouteillages ?<p>Parmi les nombreux souvenirs d’été, il y a, selon les envies et les années, la mer, la montagne… mais aussi les embouteillages. Pourquoi est-il impossible d’avancer, sinon par intermittence, alors qu’aucun péage n’apparaît à l’horizon, ni même un accident ?</p>
<p>Les embouteillages ont de nombreuses conséquences économiques, sociales, logistiques, sanitaires et écologiques. En août 2010, un embouteillage à Pékin d’une centaine de kilomètres dura 12 jours, provoqué par les camions apportant le matériel pour les travaux de l’autoroute G110. Une étude d’un institut de recherche et d’une société d’infotrafic américaine <a href="https://cebr.com/reports/the-future-economic-and-environmental-costs-of-gridlock/">a montré en 2013</a> que les embouteillages coûtent 5,9 milliards d’euros à l’économie française chaque année. De plus, un embouteillage est une source importante de pollution de l’air.</p>
<p>Comment se forme un embouteillage ? Comment l’éviter ? Que peut la science face à ce problème ?</p>
<h2>Comprendre très simplement le phénomène par un exemple</h2>
<p>Dans le cas d’un trafic routier dense, quand un automobiliste change de file, le véhicule qui le suit doit freiner et cette vague (ou onde) de freinage se propage petit à petit et de façon graduelle. Si le premier véhicule a réduit sa vitesse de 10 %, le dixième véhicule aura diminué la sienne d’au moins 20 % pour des raisons de sécurité (maintien de la distance de freinage), mais également par réflexe de préservation. Si bien qu’au bout de plusieurs kilomètres, un bouchon se créera inéluctablement. Ce phénomène est appelé « effet papillon » ou « effet chenille » : une petite cause provoque une réaction beaucoup plus importante en bout de chaîne.</p>
<p>Si les premiers véhicules à avoir ralenti ne sont que faiblement impactés par le bouchon en création et retrouvent rapidement leur vitesse de croisière, il faudra un certain laps de temps pour ceux qui se situent en aval avant de parvenir à se sortir de cette situation. C’est la définition même de l’embouteillage en accordéon.</p>
<figure> <img src="https://1.bp.blogspot.com/-5HvjMIalnXk/WT6UwyxWLAI/AAAAAAAAKkY/TT0xmv-XgXMDlYjtnGrykI1474SYU-OwQCLcB/s1600/bouchon.gif"><figcaption>Animationde la formation d’un embouteillage par effet chenille.</figcaption></figure>
<p>Ce changement de file évoqué n’est qu’un exemple parmi d’autres qui peuvent expliquer la création d’un embouteillage sans raison apparente. Les modes de conduite différents d’un individu à l’autre, les voies d’insertion de véhicules, ou encore tout simplement l’effet de curiosité <a href="https://www.science-et-vie.com/questions-reponses/pourquoi-la-circulation-fait-elle-laccordeon-5939">peuvent entraîner</a> des perturbations de la circulation.</p>
<h2>Une analogie pour comprendre le phénomène…</h2>
<p>Pour étudier les « bouchons automobiles », on utilise en fait des modèles de mécanique des fluides ou de physique des milieux granulaires, car la polyvalence des modèles physiques est telle qu’une même équation peut servir <a href="https://www.podcastscience.fm/dossiers/2012/07/17/les-mathematiques-de-la-formation-des-bouchons/">à modéliser des phénomènes a priori différents</a>. Le flux des voitures peut être imaginé comme un liquide s’écoulant dans un tuyau, ou des billes roulant dans un conduit. Si l’une des billes subit un ralentissement en un point du conduit, celui-ci affecte toutes les billes en aval ; la perturbation se propage vers l’arrière, exactement comme une onde. C’est ce qui se passe dans les bouchons de voitures.</p>
<p>Comment ce ralentissement se forme, se propage et s’amplifie-t-il ? Il faut se tourner du côté des modèles mathématiques issus de la mécanique pour y répondre. Ici, on utilise des paramètres stables pour modéliser le système, par exemple la vitesse autorisée, la vitesse à laquelle se propage un bouchon, le nombre maximal de voitures que la voie peut accueillir.</p>
<p>Pour reproduire le phénomène de formation des bouchons de façon satisfaisante, les facteurs clés sont la fluidité initiale du trafic, la tendance des conducteurs à « surréagir » et la tendance des conducteurs à réagir en retard.</p>
<p>De façon contre-intuitive, la vitesse des véhicules et la densité du trafic n’ont pratiquement aucune incidence, sauf dans les cas limites. Le système peut rapidement dégénérer : une très faible perturbation a des répercussions sur l’ensemble du système. Cette perturbation peut être un conducteur nerveux, un virage trop serré, une anomalie sur la route, etc. Un seul conducteur peut créer un bouchon (ou le résorber, mais cela n’arrive jamais, car un conducteur qui sort d’un bouchon a tendance à trop accélérer).</p>
<p>Conclusion : il faut absolument éviter, dans la mesure du possible, de réagir trop vivement ou pire, de s’arrêter complètement. Mieux vaut rouler à 1 km/h plutôt que devoir immobiliser le véhicule. En faisant cela, on diminue l’amplitude de l’onde et on augmente sa longueur d’onde, première étape de son atténuation. Autre préconisation : équiper les voitures de régulateurs spécialement adaptés aux conditions de circulation lente.</p>
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<figcaption><span class="caption">La formation d’embouteillages « fantômes », ceux qui semblent arriver sans raison (Figaro Sciences).</span></figcaption>
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<h2>Solutions et paradoxes</h2>
<p>Lors des grands départs en vacances, les embouteillages sont inévitables. Les autoroutes ne sont capables d’absorber qu’un certain nombre de véhicules à l’heure. Au-delà d’un certain débit, la fluidité du trafic diminue jusqu’à l’arrêt complet.</p>
<p>Peut-on prévoir les embouteillages ? Hélas… Non ! La visualisation des ondes en temps réel et à grande échelle est quasi impossible… De plus, si le mouvement des fluides, régis par des lois physiques, est, lui, assez « stable », les comportements humains, eux, restent imprévisibles.</p>
<p>Alors, pour réguler le trafic on peut agir sur certains paramètres. Par exemple, jouer sur la vitesse maximale autorisée, même de façon ponctuelle. Sur un axe à plusieurs points d’accès, on peut installer des feux pour faire varier la densité des nouveaux arrivants. De plus, le bon sens pourrait inciter à rajouter des routes. Mais ce n’est pas si simple : à Stuttgart à la fin des années 1960, de gros travaux d’extension du réseau routier avaient créé des <a href="http://www.breves-de-maths.fr/creer-de-nouvelles-routes-peut-generer-davantage-dembouteillages/">embouteillages monstres</a>, aboutissant à la fermeture de la section toute neuve.</p>
<p>La science a même prouvé qu’une voie express pouvait réduire la vitesse moyenne du trafic. C’est le <a href="http://images.math.cnrs.fr/Le-prix-de-l-anarchie.html">« paradoxe de Braess »</a> développé par le mathématicien éponyme. En substance : si la ville décide de construire une nouvelle route (appelons-la A) nettement plus rapide que les voies existantes (nommées B et C), tous les automobilistes vont opter pour la solution A. Un bouchon se forme et au final, les conducteurs mettent plus de temps en empruntant A qu’en se répartissant sur les voies B et C. Sa théorie s’est depuis confirmée. En 1990, la municipalité de New York ferme la 42<sup>e</sup> rue : la circulation dans Manhattan devient plus fluide. À Séoul, la destruction d’une voie express a permis d’améliorer la circulation globale.</p>
<p>En fait, les automobilistes ont un comportement égoïste, et sont en permanence soumis à un conflit intérêt individuel/intérêt collectif.</p>
<p>Alors, rappelons les préconisations scientifiques pour éviter les bouchons :</p>
<ul>
<li><p>augmenter les distances de sécurité permettant d’éviter les freinages intempestifs provoquant des ralentissements conséquents en cas de fort trafic,</p></li>
<li><p>diminuer la vitesse globale tout en gardant une vitesse relativement constante</p></li>
<li><p>ne pas changer de file sans arrêt, être attentif, savoir se détendre pour conserver une conduite normale.</p></li>
</ul>
<h2>Biomimétisme et embouteillages</h2>
<p>Nous l’avons vu, les embouteillages sont liés à une trop forte concentration d’individus qui circulent dans un même espace. Pourtant, les déplacements de grandes colonies de fourmis <a href="https://elifesciences.org/articles/48945">ne rencontrent pas ce problème</a>. En effet, chez les fourmis, quand la densité augmente, le flux croît puis devient constant, contrairement aux êtres humains qui, au-delà d’un certain seuil de densité, ralentissent jusqu’à avoir un flux nul et provoquer un embouteillage. En cas de trop forte densité, les fourmis ne s’engagent plus sur la route, elles attendent. Le choix est conditionné par l’adaptation continue à ces règles « tacites » de déplacement. Le trafic automobile, lui, suit des règles imposées, comme celle de s’arrêter au feu rouge, indépendamment du trafic.</p>
<p>Les systèmes de transport intelligents <a href="https://www.lepoint.fr/automobile/salons/a-la-ils-ont-vu-la-voiture-bio-de-2025-17-11-2013-1757956_656.php">peuvent être influencés</a> par l’adaptabilité permanente des fourmis. La conduite autonome <a href="https://www.leparisien.fr/economie/la-voiture-autonome-servira-a-bien-d-autres-choses-qu-a-se-deplacer-31-03-2019-8043237.php">relèverait le défi de la fluidité sur les routes</a>, pourrait rendre la circulation plus homogène, diminuer les erreurs d’appréciation humaines et permettre d’optimiser les temps de parcours en fonction du trafic.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/163994/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Waleed Mouhali ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Entre modèles et paradoxes mathématiques, mieux comprendre les embouteillages et comment les éviter.Waleed Mouhali, Enseignant-chercheur en Physique, ECE ParisLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1614812021-06-06T16:31:48Z2021-06-06T16:31:48ZLoi « climat et résilience » : vers une mobilité électrique plus accessible ?<p>Adopté en première lecture le 4 mai 2021, le projet de loi <a href="https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3875_projet-loi">« climat et résilience »</a> entend notamment inciter les consommateurs à se tourner vers des véhicules moins carbonés, tout en accélérant le développement d’une offre électrique à autonomie moyenne. L’objectif étant que les ambitions en matière de décarbonation du transport routier rencontrent enfin la réalité économique des ménages.</p>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000037646678/#:%7E:text=Le%20projet%20de%20loi%20d,et%20dans%20tous%20les%20territoires.">loi d’orientation des mobilités</a> (LOM) a fixé la date de fin de vente des véhicules utilisant des énergies fossiles à 2040. Le nouveau projet prévoit un point d’étape à 2030, avec l’interdiction à cette échéance la vente de véhicules particuliers neufs émettant plus de 123 g de CO<sub>2</sub> par kilomètre <a href="https://beev.co/glossaire/norme-wltp-definition/">selon la norme WLTP</a>.</p>
<h2>Zones à faibles émissions</h2>
<p>Les contraintes pesant sur les véhicules polluants s’accentuent en revanche dès 2025. Cela laisse peu de temps aux constructeurs pour développer une offre adaptée à la réalité économique des ménages, à leurs attentes et leurs besoins de mobilité.</p>
<p>L’article 27 appelle en effet à multiplier par 4 le nombre de zones à faibles émissions (ZFE) d’ici à 2025, limitant ainsi la circulation aux véhicules les moins polluants dans des villes de plus de 150 000 habitants. Elles concerneront alors plus d’un tiers du parc automobile français.</p>
<p>L’âge moyen de ce dernier <a href="https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/382-millions-de-voitures-en-circulation-en-france?rubrique=58&dossier=1347">étant de 10,2 ans</a>, cela signifie qu’une large partie des véhicules qui seront ciblés par les ZFE ne pourra plus circuler – notamment car la vignette Crit’air est établie à la date de la première immatriculation et sera donc à un niveau trop élevé pour correspondre aux critères de circulation en ZFE.</p>
<h2>Un effort lourd demandé aux ménages</h2>
<p>Voilà de quoi obliger les ménages soit à abandonner la voiture, soit à rouler dans un véhicule décarboné ou bas carbone. La stratégie est pertinente mais risque de montrer ses limites en matière d’acceptabilité sociale.</p>
<p>La majorité des ménages a non seulement besoin d’une voiture pour ses déplacements du quotidien – notamment pour se rendre au travail – mais aussi <a href="https://www.insee.fr/fr/statistiques/4127596">qu’elle soit accessible</a> puisqu’il s’agit d’un poste de dépense important.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1321445639805374469"}"></div></p>
<p>En 2020, pour 780 000 véhicules neufs acquis, les particuliers en ont acheté 5,6 millions d’occasion, <a href="https://pro.largus.fr/actualites/marche-automobile-de-loccasion-les-chiffres-cles-de-2020-10512391.html">dont près de 51 % avaient plus de 10 ans</a>. Des véhicules qui pour nombre d’entre eux seront bientôt mis au ban des villes…</p>
<p>Or le coût à l’achat d’une voiture neuve <a href="https://www.lefigaro.fr/automobile/les-francais-adeptes-de-la-petite-voiture-20200726">(en moyenne autour de 27 000 euros en 2019)</a> ou même d’occasion récente, moins polluant et respectueux des seuils d’émissions des ZFE, demeurera un obstacle au renouvellement d’une partie des véhicules concernés par les restrictions de circulation.</p>
<p>Et même si les aides à l’achat électrique représentent un sacré coup de pouce <a href="https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F34014">(jusqu’à 13 000 euros avec le bonus, la prime à la conversion et la prime ZFE)</a>, elles apparaissent encore insuffisantes face à l’enveloppe dont disposent beaucoup de ménages pour acquérir une voiture.</p>
<h2>Véhicule électrique à autonomie moyenne</h2>
<p>Puisqu’ils seront pour beaucoup contraints à acquérir un véhicule autorisé à circuler partout, les ménages pourraient néanmoins s’orienter dès à présent vers l’achat d’une voiture électrique. Celles-ci conserveront durablement leur droit à circuler, qui apparaît incertain à moyen terme pour les véhicules thermiques.</p>
<p>Certains franchiront le pas s’ils trouvent une offre accessible et adaptée à leurs besoins. Le développement d’options électriques dotées d’une batterie à autonomie moyenne (environ 200 km) fournirait une solution accessible aux ménages <a href="https://www.la-fabrique.fr/fr/publication/comment-decarboner-le-transport-routier-en-france/">pour leurs déplacements du quotidien</a>.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1058315488973983744"}"></div></p>
<p>Le choix d’une petite batterie permet en effet de limiter le coût d’achat du véhicule et sa consommation (un pack de 20kWh supplémentaires pour 100 km d’autonomie <a href="https://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/projet-e4t-bilan-impact-electrification-2018.pdf">coûte 3 000 euros de plus et entraîne un poids supplémentaire de 120 kg</a>).</p>
<p>C’est le pari fait par Dacia avec le <a href="https://www.latribune.fr/opinions/blogs/essais-auto/dacia-spring-la-surprise-electrique-a-prix-imbattable-884129.html">lancement de sa nouvelle Spring</a>, produite en Chine. Véhicule électrique parmi les moins chers du marché (à partir de 12 400 euros de bonus déduit, mais sans les primes à la conversion et ZFE), la petite Spring dispose d’une batterie de faible capacité avec une autonomie homologuée de 230 km – ce qui est suffisant puisque les trajets de moins de 200 km représentent plus de 95 % des déplacements. Cette offre à bas coût permettra à des acheteurs d’occasion d’accéder à un véhicule neuf et électrique, mais en augmentant l’empreinte carbone du pays.</p>
<h2>Accompagner les changements d’habitude</h2>
<p>Pour garantir le succès d’une telle offre, il faut néanmoins rassurer les potentiels acheteurs sur le fait que l’autonomie de leur voiture ne sera pas un frein aux déplacements plus longs. L’installation des <a href="https://www.la-croix.com/Economie/Voitures-electriques-pari-100-000-bornes-rechargement-2020-11-22-1201125963">100 000 bornes publiques de recharge prévue pour 2022</a> contribuera à lever cette contrainte.</p>
<p>Elle pourra l’être aussi par le développement de prolongateurs d’autonomie amovibles externes, à condition que les réglementations assurent leur compatibilité avec les nouveaux véhicules électriques.</p>
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<figcaption><span class="caption">La future zone à faible émission dans le Grand Reims (France 3 Grand Est).</span></figcaption>
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<p>Et enfin par l’émergence de solutions telles que des offres de mobilité multimodales – par exemple la possibilité de louer un véhicule thermique bas carbone pour des déplacements longue distance.</p>
<p>Le développement d’une offre de véhicules électriques à autonomie moyenne est une priorité à court terme, compte tenu de la maturité de la technologie, même si la batterie qui fait l’essentiel de la valeur ajoutée est encore très majoritairement produite en dehors de l’Europe.</p>
<p>Cela pourra changer quand les « gigafactories » européennes seront opérationnelles et dégageront les économies d’échelle nécessaires à la réduction des coûts des batteries. Ou lorsque de nouvelles technologies, telles que le véhicule à hydrogène, se généraliseront.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/161481/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Caroline Mini ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>Les contraintes croissantes qui pèseront sur les véhicules polluants vont encourager les particuliers à se tourner vers l’électrique. À condition qu’une offre accessible se développe.Caroline Mini, Chercheuse associée à l’École des Mines ParisTech, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1567592021-03-17T19:19:03Z2021-03-17T19:19:03ZQuand le pétrole devient l’énergie du pauvre<p>C’est une révolution silencieuse qui est en marche. Sur un marché automobile en plein marasme dans le sillon de la crise sanitaire – les <a href="https://www.acea.be/press-releases/article/passenger-car-registrations-23.7-in-2020-3.3-in-december">ventes de voitures neuves ont plongé de 24 %</a> en Europe en 2020 par rapport à 2019 – les ventes de véhicules électriques (VE, comprenant les véhicules 100 % électriques et les hybrides rechargeables) <a href="https://www.iea.org/commentaries/how-global-electric-car-sales-defied-covid-19-in-2020">ont explosé en 2020</a>. En particulier en Europe, dorénavant premier marché des VE au monde devant la Chine. C’est l’analyse que nous avons menée avec d’autres chercheurs dans un rapport publié par <a href="https://www.iris-france.org/wp-content/uploads/2021/02/OSFME-R6-Lalliance-europ%C3%A9enne-des-batteries.pdf">l’Observatoire de la sécurité des flux et des matières énergétiques</a>.</p>
<p>Alors qu’ils ne représentaient que 3 % des ventes d’automobiles en Europe en 2019, ils ont dépassé les <a href="https://www.acea.be/press-releases/article/fuel-types-of-new-cars-electric-10.5-hybrid-11.9-petrol-47.5-market-share-f">10 % de parts de marché en 2020</a>, avec une nette accélération en fin d’année. En décembre dernier, leur part a ainsi atteint 20 à 25 % sur les principaux marchés européens (<a href="https://www.kba.de/DE/Statistik/Fahrzeuge/Neuzulassungen/jahresbilanz/jahresbilanz_inhalt.html">Allemagne</a>, <a href="https://ccfa.fr">France</a>, <a href="https://www.smmt.co.uk/vehicle-data/car-registrations/">Royaume-Uni</a>, et nettement plus sur les marchés pionniers <a href="https://www.bilsweden.se/statistik/Nyregistreringar_per_manad_1/nyregistreringar-2020/definitiva-nyregistreringar-under-2020">du nord de l’Europe comme la Suède (50 %)</a>, les <a href="https://www.raivereniging.nl/artikel/marktinformatie/actuele-verkoopcijfers/verkoopcijfers-2020.html">Pays-Bas (75 %)</a> et surtout la Norvège, où ils contribuent désormais pour plus de 85 % des ventes – contre moins de 20 % il y a seulement 5 ans, et où les ventes de voitures à essence et diesel sont devenues insignifiantes, respectivement <a href="https://ofv.no/bilsalget/bilsalget-i-desember-2020">5 et 2,5 % du marché en décembre 2020</a>.</p>
<p>Cette évolution spectaculaire, qui intervient alors même que le prix du pétrole est resté structurellement bas durant toute l’année 2020, s’explique par la combinaison de plusieurs facteurs.</p>
<h2>Coût en baisse, autonomie en hausse</h2>
<p>En moyenne, la batterie représente à elle seule plus de la moitié du prix d’une voiture électrique, mais les progrès technologiques continus ont déjà permis une réduction substantielle de leur coût de fabrication.</p>
<p>Avec ce coût en baisse et une autonomie en hausse, les VE comblent progressivement leur manque de compétitivité par rapport aux voitures à moteur thermique, d’autant que la plupart des pays européens accordent de généreuses aides financières à l’achat et que de nombreuses municipalités réservent d’appréciables avantages aux conducteurs de VE : bornes de recharge mises à disposition, accès privilégiés aux voies de bus ou aux parkings, etc.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1284108824706719745"}"></div></p>
<p>L’autre facteur clé expliquant l’envolée des ventes de véhicules électriques tient à l’évolution de la législation européenne en matière d’émission de CO<sub>2</sub> des voitures. <a href="https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2019/01/16/co2-emission-standards-for-cars-and-vans-council-confirms-agreement-on-stricter-limits/">L’abaissement continu</a> – et annoncé longtemps à l’avance – des seuils d’émission autorisés pour les automobiles neuves pousse depuis plusieurs années les constructeurs à proposer une gamme toujours plus large de véhicules électriques : en 2020, près de <a href="https://cleantechnica.com/2021/02/08/global-plugin-vehicle-sales-up-43-in-2020-european-sales-up-137/">65 nouveaux modèles</a> ont été mis sur le marché européen et ils devraient être autour de 100 cette année.</p>
<p>Au contraire des aides financières gouvernementales ponctuelles qui ont un impact temporaire, la stratégie de l’Union européenne a permis le développement d’un écosystème complet de véhicules électriques en offrant aux constructeurs la prévisibilité à long terme indispensable pour engager les lourds investissements nécessaires.</p>
<p>Cette conjonction de facteurs – financiers, réglementaires, industriels – permet au véhicule électrique de s’imposer désormais comme une nouvelle norme de la mobilité individuelle.</p>
<h2>Le pétrole détrôné</h2>
<p>Au rythme actuel, l’essentiel des nouvelles immatriculations en Europe sera électrique d’ici quelques années à peine. Il s’agit d’un changement radical de paradigme de la mobilité.</p>
<p>Un siècle après s’être imposé comme l’énergie incontournable dans le transport, le pétrole va ainsi perdre une grande partie de son statut de ressource stratégique dont chaque gouvernement doit impérativement assurer le bon approvisionnement pour la sécurité et l’économie du pays.</p>
<p>Le transport de marchandises, routier et maritime, dépend encore quasi exclusivement du pétrole – à <a href="https://www.iea.org/reports/international-shipping">99 % pour le transport maritime</a> (AIE), et en 2020 en Europe, les ventes de camion étaient à <a href="https://pro.largus.fr/actualites/ventes-de-camions-en-europe-le-diesel-fait-de-la-resistance-10566407.html">96 % au diesel</a>, même si les alternatives (gaz naturel, biocarburants, hydrogène, électricité…) gagnent en compétitivité.</p>
<p>Quant au transport aérien, il devrait rester encore totalement <a href="https://theconversation.com/impact-du-transport-aerien-sur-le-climat-pourquoi-il-faut-refaire-les-calculs-116534">tributaire du pétrole</a> pour de nombreuses années.</p>
<p>Pour autant, la capacité des sociétés de se mouvoir et des armées de mener des opérations militaires est progressivement en train de <a href="https://www.librairie-sciencespo.fr/livre/3303331953524-le-petrole-une-ressource-strategique-philippe-copinschi/">cesser de reposer exclusivement sur la disponibilité du pétrole</a>. De plus, l’électrification de la mobilité routière, qui représente <a href="https://www.iea.org/reports/key-world-energy-statistics-2020/final-consumption#abstract">près de la moitié de la consommation globale de l’or noir</a>, pourrait rapidement placer l’industrie pétrolière en surcapacité de production.</p>
<p><a href="https://www.peakoil.net">Nombre de prospectivistes</a> ont longtemps considéré que c’était l’épuisement inéluctable des ressources pétrolières qui allait rendre nécessaire la transition énergétique dans le domaine du transport.</p>
<p>C’est en réalité le réchauffement climatique et dans une moindre mesure, la pollution de l’air, qui apparaissent comme les principales motivations derrière cette électrification de la mobilité. Comme aimait à le rappeler l’ancien ministre du pétrole saoudien, <a href="https://www.oxfordreference.com/view/10.1093/acref/9780191843730.001.0001/q-oro-ed5-00017466">Cheikh Ahmed Yamani</a>, « l’âge de la pierre n’a pas pris fin par manque de pierre », mais parce que l’homme a réalisé des progrès scientifiques lui permettant de développer des technologies plus performantes.</p>
<h2>Une ressource réservée aux plus pauvres</h2>
<p>Dans le monde inégalitaire dans lequel nous vivons, cela ne signifie pas pour autant que le pétrole cessera rapidement d’être consommé à grande échelle – en particulier dans les pays en développement où l’accès aux technologies de pointe est souvent limité.</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1082854865355894785"}"></div></p>
<p>C’est en particulier le cas de l’Afrique subsaharienne, devenue depuis longtemps le <a href="https://wedocs.unep.org/bitstream/handle/20.500.11822/34298/KFUVEF.pdf">réceptacle des vieilles voitures européennes et asiatiques</a> ne répondant plus aux normes environnementales ou de sécurité de leurs pays d’origine.</p>
<p>Mais l’or noir est très certainement en train de changer de statut : d’énergie stratégique pour laquelle les grandes puissances étaient prêtes à se battre, il s’apprête à devenir l’énergie du pauvre, celle qu’utiliseront les populations des États n’ayant pas les moyens d’acquérir les technologies les plus avancées.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/156759/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Philippe Copinschi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.</span></em></p>L’explosion du marché des véhicules électriques en Europe marque une étape importante dans le déclin du pétrole… en Occident.Philippe Copinschi, Enseignant en relations internationales à Sciences Po Paris, Sciences Po Licensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1488542020-10-29T20:24:28Z2020-10-29T20:24:28ZLe dieselgate, une conséquence des injonctions contradictoires dans l’industrie automobile<p>Peut-on permettre au consommateur d’obtenir ce qu’il désire à bon compte, au producteur de le lui offrir en faisant un profit, tout en préservant l’environnement ? Quels compromis sont acceptables entre ces trois objectifs légitimes ?</p>
<p>Déjà <a href="https://theconversation.com/scandale-volkswagen-la-justice-americaine-va-t-elle-bouleverser-les-comportements-des-managers-103153">analysée par The Conversation</a>, la crise du « dieselgate » illustre ces questions, au-delà des conclusions des procès en cours en Allemagne, qui risquent de coûter plusieurs milliards à Volkswagen, après que cette entreprise a déjà déboursé <a href="https://fr.businessam.be/le-dieselgate-a-deja-coute-pres-de-10-milliards-de-dollars-a-volkswagen-rien-quaux-etats-unis/">10 milliards de dollars aux États-Unis</a> sur un total de 25 milliards, entre amende pénale et dédommagement de nombreux clients.</p>
<h2>L’incohérence des choix individuels et collectifs</h2>
<p>Des objectifs contradictoires émergent lorsqu’on discute de l’opportunité d’une technologie controversée (5G, OGM, pesticides, application de traçage des cas contact lors d’une épidémie, nucléaire, diesel, etc.), du « juste prix » des choses (jusqu’où faut-il surpayer notre énergie pour accélérer la transition énergétique, jusqu’où peut-on surpayer nos aliments ou nos médicaments pour faire vivre une filière agricole ou pharmaceutique locale…), ou des arbitrages entre nos désirs de consommation et de préservation des ressources rares.</p>
<p>Au niveau individuel, chacun d’entre nous est à la fois un producteur, un consommateur et un citoyen. Face à la difficulté d’avoir un comportement en accord avec chacune de ces composantes de notre identité, nous prêtons une attention intermittente à chacune. Nous irons en SUV à une marche pour le climat et ferons cohabiter dans notre réfrigérateur légumes bio et aliments bon marché au contenu incertain.</p>
<p>Au niveau collectif, des représentants de chaque partie prenante feront valoir leur point de vue, notamment lorsque le parlement ou l’administration discutent des normes, que ce soit au niveau national ou européen. On s’attend légitimement à ce qu’à l’issue de leurs négociations, aucun participant ne puisse être mieux satisfait de la décision prise sans qu’au moins un autre participant ne le soit moins (ce que les économistes appellent un « <a href="https://www.economie.gouv.fr/facileco/vilfredo-pareto">optimum de Pareto</a> »).</p>
<p><div data-react-class="Tweet" data-react-props="{"tweetId":"1041491197850734592"}"></div></p>
<p>Or, bien souvent, il n’en est rien. La chronologie des discussions, les informations parfois lacunaires que chacun a données, le fait que tel engagement ait jadis été pris, qu’une question ait été abordée avant une autre, la nécessité de concéder quelque chose à un participant, font que la décision finale reste très loin d’être optimale et qu’on pourrait imaginer des choix plus satisfaisants pour toutes les parties.</p>
<p>Les théoriciens des organisations ont proposé des modélisations formelles de ces phénomènes, comme le savoureux « <a href="https://www.e-marketing.fr/Thematique/academie-1078/fiche-outils-10154/Le-modele-de-la-poubelle-324658.htm">modèle de la poubelle</a> » ou « la <a href="https://www.persee.fr/doc/rfsoc_0035-2969_1982_num_23_4_3615">tyrannie des petites décisions</a> ».</p>
<p>Un <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/normes-environnementales-europeennes-et-strategies-des-constructeurs-automobiles/">livre</a> tout juste paru nous en fournit un bel exemple, montrant comment 40 ans de régulation des normes d’émission des véhicules automobiles ont conduit aux désastres du dieselgate.</p>
<h2>Les infortunes de la régulation</h2>
<p>Dans <a href="https://www.pressesdesmines.com/produit/normes-environnementales-europeennes-et-strategies-des-constructeurs-automobiles/">l’ouvrage</a> issu de sa <a href="http://www.theses.fr/2018BORD0348">thèse en sciences économiques</a>, <a href="https://www.pressesdesmines.com/author-book/klebaner/">Samuel Klebaner</a> analyse le rôle de la régulation publique sur les dynamiques technologiques et économiques des constructeurs.</p>
<p>Il prend en compte simultanément deux angles de vue : la manière dont est produite la norme publique européenne et la façon dont les industriels intègrent la règlementation dans leur stratégie et leurs choix technologiques. Le temps de la règlementation et le temps de l’industrie restent difficiles à concilier. La norme construite peine à atteindre les objectifs qu’elle s’était assignés.</p>
<p>Le livre décrit comment une somme de décisions apparemment rationnelles et globalement bien intentionnées a fini par produire une situation insatisfaisante pour toutes les parties. Il semble en effet que la trajectoire technologique sur laquelle étaient installés les moteurs diesel, sous la pression de la norme européenne, amenait leurs émissions de polluants (particules fines et NO<sub>x</sub>) à se rapprocher progressivement de celles des moteurs à essence, tout en permettant une consommation de carburant et donc des émissions de gaz carbonique très inférieures.</p>
<p>Malgré ses défauts, la technologie diesel semblait donc un bon compromis provisoire, permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre en attendant une plus grande diffusion des véhicules propres (électriques ou à l’hydrogène), par ailleurs encouragée par les politiques publiques.</p>
<p>L’abandon rapide et probablement prématuré du diesel à la suite du dieselgate, s’il induit une potentielle accélération de la transition souhaitable vers le véhicule électrique, provoque en attendant une augmentation substantielle des émissions de CO<sub>2</sub> des voitures et de multiples sinistres industriels. Or, s’il peut être pertinent de privilégier dans les villes denses la diminution des émissions de particules fines, il est regrettable que ceux qui circulent principalement loin des grandes villes soient amenés à opter pour des moteurs à essence qui émettent plus de gaz à effet de serre.</p>
<p>Cette situation n’est pas sans rappeler la sortie précipitée du nucléaire de l’Allemagne. Si le diesel est mort de <a href="https://theconversation.com/diesel-pas-de-morts-selon-volkswagen-vraiment-48989">l’impact désastreux de la fraude</a> de l’entreprise Volkswagen, l’accident de Fukushima a été fatal au nucléaire en Allemagne, et dans une moindre mesure en France.</p>
<p>Malgré une politique très volontariste de développement des énergies renouvelables, les émissions de gaz à effet de serre du secteur énergétique allemand augmentent, car la <a href="https://www.lemonde.fr/blog/huet/2019/05/06/electricite-et-co2-le-tableau-europeen/">part des énergies fossiles</a> y dépasse encore aujourd’hui celle des énergies renouvelables dans la production d’électricité. La production d’un kilowatt-heure en Allemagne induit l’émission de plus de 400 grammes de gaz carbonique, contre 74 grammes en France.</p>
<p>Il est probable que ni le diesel, ni le nucléaire ne constituent à long terme la base de bonnes solutions pour la mobilité ou la production d’électricité propre. Cependant, ces deux technologies pouvaient permettre d’assurer la transition vers la décarbonation nécessaire et urgente de notre économie.</p>
<p>Dans les deux cas, les régulateurs européens ou nationaux ont tenté de promouvoir une feuille de route permettant un compromis raisonnable, en concertation avec les industriels et les autres parties prenantes. Dans les deux cas, le comportement fautif d’industriels contournant les normes de sécurité et d’environnement, Volkswagen ou Tepco, joint à une attitude trop accommodante des États en matière de mise en œuvre des règles, ont discrédité les technologies auprès des usagers et des décideurs, mais aussi miné la confiance dans la bonne foi des industriels et dans l’efficacité et la rigueur des régulateurs. La vie réelle s’écartait trop des normes de fonctionnement affichées.</p>
<h2>Un terrain de foot rond et pentu, avec de nombreux buts</h2>
<p>L’univers de la régulation ressemble décidément au terrain de football rond et pentu décrit par les théoriciens de l’organisation <a href="https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00671796/document">James March et Pierre Romelaer</a> :</p>
<blockquote>
<p>Considérons un terrain de football rond, pentu, avec plusieurs cages de but. Pas mal de gens différents (mais pas n’importe qui) peuvent participer au jeu ou le quitter, à tout moment. Certaines personnes peuvent ajouter des ballons ou en supprimer, les joueurs essayent d’envoyer tous les ballons qui passent près d’eux vers les buts qu’ils aiment et loin de ceux qu’ils veulent éviter. La pente du terrain influence fortement la trajectoire des balles et les buts qui seront atteints, mais le cours d’une décision spécifique et son résultat sont difficiles à anticiper. A posteriori, ce qui s’est passé ne paraît pourtant pas surprenant et confirme les croyances et les attentes des spectateurs.</p>
</blockquote>
<figure class="align-right ">
<img alt="" src="https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=237&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=906&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/365757/original/file-20201027-15-1bns8j.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=1138&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px">
<figcaption>
<span class="caption">https://www.pressesdesmines.com/produit/normes-environnementales-europeennes-et-strategies-des-constructeurs-automobiles.</span>
<span class="attribution"><a class="source" href="https://www.pressesdesmines.com/produit/normes-environnementales-europeennes-et-strategies-des-constructeurs-automobiles">Presses des mines</a></span>
</figcaption>
</figure>
<p>Dans le cas du diesel, le régulateur poursuit de multiples buts : moindre pollution, moindre dérèglement climatique, préservation de l’emploi, compétitivité de l’industrie européenne, santé, profit. De nouveaux joueurs s’invitent dans la partie, telles les villes qui régulent la circulation sur leur territoire, d’autres sortent sans vraiment sortir, tels les États qui délèguent leur pouvoir régalien à l’Union européenne tout en veillant à la prospérité de leurs entreprises, certains découvrent des règles du jeu impossibles, tels les techniciens qui conçoivent les nouveaux véhicules, d’autres encore changent en cours de partie la position des buts et la forme des ballons…</p>
<p>Le livre de Samuel Klebaner ne cherche pas à dénoncer des coupables. Il ne vitupère ni les régulateurs qui cherchent un juste équilibre entre les objectifs de politique publique et des trajectoires supportables pour les acteurs économiques, ni les industriels qui tentent de concilier des normes exigeantes avec le souci de leur pérennité économique et de la satisfaction de la demande, ni les consommateurs qui ne veulent/peuvent pas payer plus cher des produits plus respectueux de la planète mais qui ne leur apportent pas d’avantages personnels. Il montre avec précision les nombreuses contraintes et les injonctions contradictoires avec lesquelles chacun se débat.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148854/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Thierry Weil reçoit des financements de la Fondation Mines Paristech qui soutient la recherche et l'enseignement de l'Ecole des mines de Paris, composante de l'Université Paris Sciences et Lettres. Il anime la chaire "Futurs de l'industrie et du travail ; formation, innovation, territoires" (FIT2) parrainée par Fabernovel, Kea & Partners, La Fabrique de l'industrie, le groupe Mäder, Orange, Renault et le CETIM. Thierry Weil conseille La Fabrique de l'industrie, laboratoire d'idées destiné à susciter et à enrichir le débat sur l'industrie.</span></em></p>Le consommateur peut-il obtenir ce qu’il désire, tout en assurant au producteur un profit et en préservant l’environnement ? Le scandale des moteurs truqués illustre toute la complexité de l’équation.Thierry Weil, Chaire Futurs de l'industrie et du travail (CERNA, I3, CNRS), Membre de l’Académie des technologies, Mines Paris - PSLLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.tag:theconversation.com,2011:article/1486502020-10-26T22:16:01Z2020-10-26T22:16:01ZMalus poids, émissions de CO₂ : intéressons-nous enfin aux véhicules intermédiaires !<figure><img src="https://images.theconversation.com/files/364961/original/file-20201022-14-1ja8548.jpg?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=496&fit=clip" /><figcaption><span class="caption">Le vélomobile fait partie des nombreux modes de déplacement intermédiaires. </span> <span class="attribution"><a class="source" href="https://pixabay.com/fr/photos/pour-vous-y-rendre-et-se-d%C3%A9placer-558436/">Ben Kerckx/Pixabay </a></span></figcaption></figure><p>Comment réduire les émissions de gaz à effet de serre émis par les véhicules automobiles ? Pour respecter la <a href="https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc">stratégie nationale bas carbone</a> que s’est fixée la France, les évolutions technologiques actuelles sont loin d’être suffisantes, surtout si les voitures tendent à être de plus en plus lourdes.</p>
<p>Ainsi l’efficacité des voitures thermiques neuves a cessé de progresser ces dernières années, <a href="http://www.chair-energy-prosperity.org/publications/travail-de-these-decarboner-transports-dici-2050/">au lieu des fortes améliorations</a> prévues par la stratégie nationale. Quant à la voiture électrique, la production du véhicule et de la batterie pèse fortement dans le bilan carbone total du véhicule.</p>
<p>D’où l’idée d’instaurer un <a href="https://www.linternaute.fr/dictionnaire/fr/definition/bonus-malus/">système de bonus-malus</a> fondé non seulement sur les émissions de CO<sub>2</sub> mais aussi sur le poids des véhicules.</p>
<p>Cette mesure, perçue par beaucoup comme controversée, est-elle suffisante ?</p>
<h2>Taxer des véhicules de plus en plus lourds</h2>
<p>Dans les années 1960, la « voiture moyenne » neuve ne pesait que <a href="https://www.largus.fr/actualite-automobile/voiture-moyenne-neuve-2018-son-evolution-depuis-1953-9833394.html">800 kg</a>. Elle n’a ensuite cessé de grossir jusqu’à peser 1 250 kg vers 2005. Puis son poids s’est stabilisé pour repartir à la hausse ces dernières années, sous l’effet de deux phénomènes : l’essor des SUV, qui représentent aujourd’hui <a href="https://ccfa.fr/dossiers-de-presse/">39 % du marché</a>, et celui des voitures électriques, dotées de lourdes batteries.</p>
<p>C’est pourquoi, en juillet 2019, France Stratégie (l’organisme d’expertise et de prospective de l’État) proposait <a href="https://www.strategie.gouv.fr/publications/faire-enfin-baisser-emissions-de-co2-voitures">dans une note</a> de fonder le bonus-malus sur le poids des véhicules et plus seulement sur les émissions de CO<sub>2</sub>.</p>
<p>L’idée a ensuite été reprise, à quelques détails près, par plusieurs ONG (le <a href="https://reseauactionclimat.org/bonusmalus-ecologique-le-reseau-action-climat-publie-une-etude-denvergure/">RAC France</a>, le <a href="https://www.wwf.fr/sengager-ensemble/relayer-campagnes/stop-suv">WWF</a>…), par la <a href="https://propositions.conventioncitoyennepourleclimat.fr/se-deplacer-2/">Convention citoyenne pour le climat</a>, par le <a href="https://www.hautconseilclimat.fr/publications/rapport-annuel-2020/">Haut Conseil pour le climat</a>, par le <a href="https://fr.forumviesmobiles.org/projet/2018/05/17/decarboner-mobilite-quelles-politiques-en-france-12430">Forum vies mobiles</a>.</p>
<p>En septembre 2020, le ministère de la Transition écologique chiffre la mesure et suggère de l’inclure dans le projet de loi de finances pour 2021, proposition aussitôt écartée par les députés.</p>
<p>Puis le gouvernement propose finalement d’introduire un malus pour les <a href="https://www.ladepeche.fr/2020/10/15/automobile-un-malus-instaure-pour-les-vehicules-les-plus-lourds-9140916.php">véhicules de plus d’1,8 tonne</a>. Le malus ne concernerait que <a href="https://www.bfmtv.com/auto/malus-automobile-au-poids-une-nouvelle-taxe-plus-symbolique-qu-efficace_AN-202010150214.html">moins de 2 % des ventes</a> et exonèrerait les voitures électriques, tombant dans les travers du système de bonus-malus actuel, trop peu incitatif…</p>
<p>Mais, même avec un seuil plus bas à 1,3 ou 1,4 tonne, comme le proposaient certains instituts évoqués plus haut, cette mesure règlerait-elle vraiment le problème ? Les véhicules sous cette limite sont-ils pour autant vertueux, alors qu’ils ont de multiples externalités négatives (insécurité, place occupée en ville, pollution à la fabrication, épuisement des ressources naturelles, etc.) ?</p>
<h2>La voiture et sa très médiocre efficacité énergétique</h2>
<p>Même allégée, une voiture, qu’elle soit thermique, hybride ou électrique, demeure lourde pour ce qu’elle transporte, soit à plus de 90 % les matériaux qui la constituent et non des personnes ou des charges. Autrement dit, son efficacité énergétique par personne transportée est déplorable, puisqu’elle est 110 fois moindre que l’efficacité d’un « vélomobile ».</p>
<p>Un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9lomobile">vélomobile</a> est un tricycle ou quadricycle caréné, pesant environ 32 kg, pouvant transporter une personne (et même deux pour certains modèles) et quelques affaires, protégées des intempéries. Son aérodynamisme est excellent, lui permettant d’atteindre une vitesse record de <a href="https://www.velochannel.com/144-17-kmh-le-nouveau-record-du-monde-de-velo-couche-22384">144,17 km/h</a>. Pour rouler à 25 km/h sur terrain plat, un cycliste dépense deux fois moins d’énergie en vélomobile qu’avec un vélo classique.</p>
<p>Fort bien, mais qui connaît ce type d’engin et qui l’utilise ? Peut-il vraiment remplacer une voiture ? <a href="https://twitter.com/oschneider_fub/status/1214166203859648513">Les débats sont ouverts</a>.</p>
<h2>Des modes intermédiaires souvent ignorés</h2>
<p>Il existe, en fait, des centaines de véhicules de toutes sortes, beaucoup moins lourds et donc moins consommateurs de ressources et moins émetteurs de gaz à effet de serre que les voitures.</p>
<p>Des milliers d’ingénieurs s’y intéressent et inventent actuellement les solutions de mobilité individuelle de demain. Pour rendre ces engins visibles dans le débat, nous proposons de les nommer les « <a href="https://youtu.be/m_FUe7d2R34">modes intermédiaires</a> », soit tous les véhicules de moins de 500 kg entre le vélo classique et la voiture. On y trouve quelques véhicules déjà bien connus et d’autres totalement ignorés. En voici une typologie.</p>
<ul>
<li><p>Les <strong>VAE</strong> (vélos à assistance électrique) sont des vélos qui bénéficient d’une assistance limitée à 25 km/h et à 250 Watts.<br></p></li>
<li><p>Les <strong>speed pedelec</strong> sont des vélos électriques rapides pouvant rouler jusqu’à 45 km/h, à ranger dans la catégorie des cyclomoteurs.<br></p></li>
<li><p>Les <strong>vélos spéciaux</strong> rassemblent les cargocycles, les vélos couchés, les vélomobiles, les tandems, les vélos pliants, les vélos-voitures et divers engins hybridant ces solutions (des <a href="http://www.salonduvelospecial.com/bienvenue.html">salons leur sont même consacrés</a>).<br></p></li>
<li><p>Les <strong>microvoitures</strong> sont des sortes de quads électriques sans pédales à une place. Comme les suivants, ce sont des modes dits passifs.<br></p></li>
<li><p>Les <strong>voiturettes</strong> (ou « voitures sans permis »), transportent deux personnes, ont un habitacle fermé, une vitesse limitée à 45 km/h et un poids inférieur à 425 kg.<br></p></li>
<li><p>Les <strong>deux-roues, tricycles ou quadricycles motorisés, protégés</strong> bénéficient d’un toit ou d’un habitacle fermé ; ils comportent en général deux places et nécessitent le permis moto.<br></p></li>
<li><p>Enfin, les <strong>mini-voitures</strong> (par exemple, la Twizy de Renault pouvant rouler à 80 km/h) ont une puissance limitée à 15 kW, un poids à vide inférieur à 450 kg, sont biplaces et nécessitent un permis B1.</p></li>
</ul>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Présentation des modes de déplacement alternatifs à la voiture" src="https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=419&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364962/original/file-20201022-21-1c0tm1y.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=526&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Les modes intermédiaires, autant d’alternatives à la voiture.</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Héran</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<p>Parmi ce monde foisonnant des modes intermédiaires, les seuls qui se développent déjà rapidement sont les vélos électriques et les vélos spéciaux. De nombreuses raisons l’expliquent : la montée dans la population du désir d’être plus actif dans ses déplacements, les difficultés économiques qui en amènent certains à renoncer à la seconde voiture, la sensibilité croissante aux questions environnementales, le souhait de maîtriser la réparation de son véhicule, le désir d’une vie plus sobre…</p>
<p>Les voiturettes connaissent aussi un certain succès, mais souffrent d’une piètre image, car <a href="https://www.lemonde.fr/m-perso/article/2018/09/28/en-voiturette-simone_5361588_4497916.html">toujours comparées à la voiture</a>.</p>
<h2>La norme écrasante de la voiture</h2>
<p>L’automobile reste, en effet, une puissante norme sociale qui travaille en profondeur les imaginaires. Difficile pense-t-on de s’en passer dans la plupart des déplacements quotidiens. Cette norme est pourtant une construction sociale intégrée aux modes de vie et qui a une <a href="https://www.cairn.info/revue-le-debat-1984-4-page-128.htm">longue histoire</a>. Elle est sans cesse travaillée par les constructeurs via le design et la publicité.</p>
<p>Qui sait, par exemple, que les modes intermédiaires permettent de franchir la plupart des distances domicile-travail actuelles (d’une dizaine de kilomètres en moyenne <a href="http://prd59.documentation.developpement-durable.gouv.fr/documents/cete-np/c59ouv00124308.pdf">(données 2008)</a>).</p>
<p>Et pourquoi finalement les voitures sont-elles si lourdes ? Quatre raisons peuvent être évoquées : disposer d’espace pour transporter des personnes et des biens, pouvoir rouler vite en sécurité dans un habitacle bardé de renforts, profiter d’éléments de confort (climatisation, lève-vitres électriques…) et jouir d’un véhicule « qui en impose ».</p>
<p>Or ces quatre motifs sont aujourd’hui de plus en plus contestés. Les voitures servent rarement à plus d’une ou deux personnes. Les véhicules pourraient rouler plus lentement sans perdre beaucoup de temps. Le confort actuel est largement superflu. Et le prestige automobile s’étiole de plus en plus. C’est pourquoi les modes intermédiaires commencent lentement à gagner en crédibilité.</p>
<h2>Un bonus-malus pour tous les modes individuels de déplacement ?</h2>
<p>Concrètement, toutes les voitures, même électriques, devraient subir un malus et les modes actifs bénéficier d’un bonus sous forme de financement renforcé des espaces publics, des aménagements, des véhicules ou des services dont ils ont besoin.</p>
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<a href="https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=1000&fit=clip"><img alt="Frise montrant l’application possible d’un bonus-malus écologique" src="https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&fit=clip" srcset="https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=1 600w, https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=2 1200w, https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=600&h=178&fit=crop&dpr=3 1800w, https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=45&auto=format&w=754&h=224&fit=crop&dpr=1 754w, https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=30&auto=format&w=754&h=224&fit=crop&dpr=2 1508w, https://images.theconversation.com/files/364963/original/file-20201022-13-4c9jp9.png?ixlib=rb-1.1.0&q=15&auto=format&w=754&h=224&fit=crop&dpr=3 2262w" sizes="(min-width: 1466px) 754px, (max-width: 599px) 100vw, (min-width: 600px) 600px, 237px"></a>
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<span class="caption">Un bonus-malus écologique concernant les seules voitures ou l’ensemble des modes individuels de déplacement ?</span>
<span class="attribution"><span class="source">Frédéric Héran</span>, <a class="license" href="http://creativecommons.org/licenses/by-nc-nd/4.0/">CC BY-NC-ND</a></span>
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<h2>Un secteur industriel à construire</h2>
<p>Le marché mondial des modes intermédiaires est encore embryonnaire. Il y a là, pour la France, une occasion à saisir de se positionner comme leader de ces véhicules écologiques, peu chers et répondant à la majorité des besoins de déplacement. Avec, à la clé, des défis enthousiasmants pour les jeunes ingénieurs français en quête de sens, des potentiels d’innovations immenses, et des milliers d’emplois dans l’industrie. <a href="https://www.gouvernement.fr/france-a">Le plan de relance du gouvernement</a> dans le contexte de la pandémie de Covid-19 pourrait contribuer sans attendre à structurer ce nouveau secteur.</p><img src="https://counter.theconversation.com/content/148650/count.gif" alt="The Conversation" width="1" height="1" />
<p class="fine-print"><em><span>Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.</span></em></p>Il existe des centaines de véhicules de toutes sortes, beaucoup moins lourds et donc moins consommateurs de ressources et moins émetteurs de gaz à effet de serre que les voitures.Frédéric Héran, Économiste et urbaniste, Université de LilleAurélien Bigo, Chercheur sur la transition énergétique dans les transports, École polytechniqueLicensed as Creative Commons – attribution, no derivatives.