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Vaccin contre le mpox : « L’urgence est d’augmenter les capacités de production »

Une soignante prend du vaccin mpox dans un flacon
Vaccination contre le mpox aux États-Unis, lors de la flambée internationale de 2022. Mario Tama / Getty Images North America / Getty Images via AFP

Le Pr Jean-Daniel Lelièvre est immunologiste (Inserm), spécialiste de la vaccination auprès de la Haute autorité de santé (HAS) et de l’Agence européenne des médicaments (EMA). Alors que l’épidémie actuelle de mpox en République démocratique du Congo a été déclarée « urgence de santé publique de portée internationale », il explique pourquoi le manque d’accès au vaccin contre cette maladie émergente fait peser des risques majeurs sur place mais aussi au niveau mondial.


The Conversation : Quels vaccins sont mis à disposition contre le mpox (ou variole simienne) ?

Jean-Daniel Lelièvre : À l’heure actuelle, deux vaccins disposent d’une autorisation de mise sur le marché contre le mpox : le MVA-BN ou MVA (pour Modified Ankara Vaccine développé par Bavarian Nordic, au Danemark) et le LC16m8 (développé par Kaketsuken, au Japon). C’est le MVA qui est commercialisé en France, sous les noms de marques Imvanex et Jynneos (dans d’autres pays, comme au Canada, on le trouve aussi sous le nom Imvamune).

Le MVA est un vaccin vivant atténué dit de troisième génération. Il s’agit d’un vaccin antivariolique, c’est-à-dire conçu au départ pour protéger contre la variole humaine, et non directement contre le mpox. Comme le virus du mpox (ou variole simienne, anciennement appelée « monkeypox » ou « variole du singe ») et celui de la variole humaine appartiennent au genre orthopoxvirus, ce vaccin antivariolique se révèle efficace contre le mpox du fait d’une protection croisée, avec une efficacité qui se situe autour de 80 %.

Autre caractéristique du vaccin antivariolique MVA : il est dit « non réplicatif ». Cela implique que ce vaccin n’est pas capable de se répliquer chez l’être humain après injection. Cette caractéristique lui confère une très bonne tolérance et permet de l’utiliser chez les personnes immunodéprimées, celles qui présentent de l’eczéma (contrairement aux vaccins antivarioliques anciens dits de génération 1 et 2) et potentiellement aussi chez la femme enceinte.


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Quant au vaccin antivariolique développé au Japon (LC16m8), il est peu mis en avant car ses capacités de production sont moindres. Il est moins atténué donc une injection suffit contre deux pour le vaccin MVA (lors de la primo-vaccination). Mais le vaccin japonais, lui, n’est pas indiqué chez les personnes immunodéprimées.

De plus, le vaccin japonais est administré par scarification, c’est-à-dire à l’aide d’une aiguille courbée en effectuant plusieurs petites injections. Pour l’heure, il n’est distribué qu’au Japon. Mais des essais sont en cours en République démocratique du Congo chez l’enfant.

(À noter que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande ces deux vaccins ainsi que, par défaut, un troisième vaccin, de seconde génération – ACAM2000 – si les deux premiers ne sont pas disponibles, NDLR).

TC : Les stocks de vaccins sont-ils suffisants pour faire face à la flambée actuelle ?

J-D. L. : Si Tedros Ghebreyesus, le directeur général de l’OMS, a déclaré que la flambée actuelle de mpox est « une urgence de santé publique de portée internationale », c’est justement parce qu’on ne sait pas répondre à cette question.

Dans cette nouvelle épidémie de 2024, les populations clés par lesquelles se dissémine le virus semblent être les personnes à risques sexuels (travailleurs et travailleuses du sexe, hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, notamment) même si les relations sexuelles ne sont pas le seul mode de contamination. En effet, la contamination par le mpox s’opère majoritairement par contacts cutanés.

Les bras d’une personne contaminée par le mpox sont recouverts de boutons
Le mpox se manifeste généralement par des éruptions cutanées, parfois extrêmement douloureuses, qui évoluent en pustules puis en croûtes. En RDC en 2024, la létalité avoisine 4 %. Glody Murhabazi/AFP

L’épidémie de 2022 avait déjà permis de mettre en évidence une transmission du virus également à l’occasion de rapports sexuels. Par ailleurs, une étude a montré qu’on pouvait détecter du mpox dans les sécrétions génitales. Ces éléments suggèrent que le mpox pourrait ressembler aussi à une infection sexuellement transmissible (ou IST).

Enfin, on ignore encore si dans l’épidémie actuelle, l’accélération du nombre de cas s’explique par une capacité plus importante du clade 1b (le nouveau « variant » du virus qui vient d’être identifié) à se transmettre ou par une augmentation du nombre d’interactions.


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Or, dans nombre de pays africains, on observe une discrimination très forte autour des questions de sexualité, en particulier quand il s’agit des hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes. Il est de fait impossible d’envisager une vaccination ciblée des populations à risque comme cela a été pratiqué en 2022 en France par exemple (les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes avaient été vaccinés en priorité).

Il faut dès lors réfléchir en termes de régions à vacciner et non de populations à cibler. Sachant que des cas de contamination au mpox ont été confirmés à Kinshasa, une ville qui compte autour de 15 millions d’habitants, 30 millions de doses seraient nécessaires s’il fallait vacciner l’ensemble de la population de la capitale de la RDC avec deux doses. Ainsi quand le gouvernement français annonce l’envoi de 100 000 doses, on est loin du compte…

TC : Quelles mesures urgentes s’imposent ?

J-D. L. : Le nombre d’industriels qui produisent les vaccins contre mpox doit être plus important, comme l’a indiqué l’Organisation mondiale de la santé (OMS). L’urgence est d’augmenter les capacités de production du vaccin actuel mais également de développer d’autres vaccins. Cette proposition avait déjà été formulée par les scientifiques il y a quelques années mais les gouvernants n’avaient pas suivi…

Il convient de se remettre dans une perspective historique. Le virus mpox est une maladie présente en RDC depuis 1970. On voit le nombre de flambées épidémiques augmenter au cours du temps. La maladie se transmet via des rongeurs qui servent de réservoirs (et cette transmission de l’animal à l’homme pourrait se produire aussi sous nos latitudes comme lors d’un rare cas aux États-Unis en 2003 par l’intermédiaire des chiens de prairie et qui fut vite circonscrite).

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On sait qu’un grand nombre d’animaux dans la faune sauvage et domestique sont susceptibles de servir de réservoirs au virus mpox. Or si le virus venait à s’établir chez des rongeurs en dehors de l’Afrique, la transmission entre animaux pourrait provoquer des flambées plus fréquentes et des vagues multiples, particulièrement dans les zones urbaines, rendant la maîtrise globale de cette maladie beaucoup plus complexe.

Le mpox fait partie des maladies émergentes. Il est l’un des exemples des conséquences des changements liés à l’augmentation des activités humaines. Ce virus risque de s’adapter, même si tous les virus qui s’adaptent ne deviennent pas forcément plus dangereux.

On a observé une importante bouffée épidémique en 2022 qui, heureusement, a pu être contenue. Il n’y a aucune raison que cette maladie reste confinée à certaines populations comme les hommes qui ont des relations sexuelles avec les hommes. Elle touche les enfants depuis longtemps, désormais aussi des femmes… Et malgré ces constats, depuis 2022, il ne s’est pas passé grand-chose.


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TC : Où en est la recherche sur de nouveaux vaccins ?

J-D. L. : Des vaccins mRNA ou ARNm (à ARN messager, NDLR) sont en cours de développement par les laboratoires pharmaceutiques BioNTech et Moderna. Des collègues chinois qui ont mené des travaux sur l’animal annoncent aussi des essais à venir sur l’Homme.

Les vaccins mRNA seront plus faciles à produire car la formule incorpore seulement une partie du virus (on parle de vaccin sous-unitaire). C’est le principe du vaccin mRNA contre le Covid qui ne contient pas tout le virus, seulement la protéine spike.

Il est regrettable que de nombreux pays occidentaux, qui disposent pourtant des moyens économiques et des connaissances scientifiques pour développer des vaccins, se sont désintéressés de cette problématique tant qu’elle ne prenait pas de dimension internationale.

Enfin, il faut que se mette en place une production de vaccins en Afrique. Il n’est pas normal que les pays africains ne soient pas actuellement en mesure de produire un vaccin contre un virus à l’origine d’une maladie qui sévit principalement chez eux.

TC : Êtes-vous optimiste quant à une prise de conscience des enjeux liés au mpox par la communauté internationale ?

J-D. L. : Pas vraiment, la situation internationale s’avère extrêmement tendue. On ignore l’issue des élections américaines alors que les États-Unis sont le principal acteur en termes de production de vaccins et de production scientifique.

Si Donald Trump revient au pouvoir, on ne sait pas quelle sera son attitude vis-à-vis de problématiques qui se passent en Afrique. Le contexte international n’est, à mon sens, pas très favorable. C’est pourquoi il faut pousser les États à agir maintenant. Le directeur de l’OMS a eu ainsi raison de lancer cette alerte sanitaire internationale.


Propos recueillis par Victoire N’Sondé

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