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Un Doug Ford souriant se tient devant un podium, tandis que sa femme Karla l'entoure de son bras.
Le premier ministre de l'Ontario, Doug Ford, est rejoint sur scène par sa femme Karla, lors de son discours de victoire, le 2 juin 2022. Il a remporté les élections avec une majorité accrue. La Presse Canadienne/Nathan Denette

Victoire de Doug Ford : il a su déchiffrer les secrets du « Code Ontario »

Doug Ford a été élu avec une majorité accrue en Ontario, une victoire qui rappelle que le Parti progressiste-conservateur a dirigé cette province pendant la majeure partie du XXᵉ siècle.

Le Parti progressiste-conservateur ontarien a en effet régné sur cette province pendant 76 ans, dont 42 ans sans interruption entre 1943 et 1985. Et ce n’était pas un hasard : ils ont su se faire réélire en se réinventant constamment.

La province et son parti conservateur ont l’air d’être faits l’un pour l’autre. Les politologues, à l’époque, avaient déjà identifié une « culture politique ontarienne » mêlant modération et progressisme prudent. Ce que l’ancien chef Bill Davis avait parfaitement illustré avec son slogan « Bland works » (Terne, mais efficace).

L’arrivée au pouvoir du NPD en 1990 puis la « révolution du bon sens » de Mike Harris en 1995 ont pu faire croire que les Ontariens avaient renoncé à cette tradition politique. Mais la modération est revenue au pouvoir en 2003 avec Dalton McGuinty qui, bien que libéral, s’inscrivait parfaitement dans la tradition ontarienne d’un leadership discret.

En 2018, on a pu croire que cette tradition avait fait son temps avec l’élection d’un Doug Ford ouvertement populiste. Mais si celui-ci a pu coiffer tous les autres partis à cette élection, c’est parce qu’il s’est repositionné dans cette lignée.

Passer à l’action

En 1997, le politologue de l’Université Western Sid Noel avançait que « pour les Ontariens, davantage qu’ailleurs au Canada […], le leadership politique est une affaire de capacité de gestion. » Le slogan conservateur en 2022, « Passer à l’action », cadre parfaitement avec cette thèse.

Le changement est remarquable. Au début de 2020, tout le monde imaginait que cette élection serait essentiellement pour ou contre Doug Ford. Mais même si certaines personnes détestent profondément le personnage, sa figure n’est plus aussi polarisante.

Au contraire, cette campagne a vu le chef et son parti s’imposer comme des gestionnaires compétents capables de s’adapter aux besoins des Ontariens. Que leur bilan politique tienne la route ou non, ils ont malgré tout convaincu suffisamment d’électeurs qu’ils sont le meilleur parti pour diriger la province.

Cette élection n’a pas vraiment porté sur les questions qui divisent. La grande exception aura été le projet de l’autoroute 413, promis par les conservateurs au jour 1 et rejeté par tous les autres partis. Après quoi, les conservateurs ont fait une campagne de boutiquiers, vendant des promesses à la pièce sans jamais formuler ni grande vision ni grands principes.

Cette approche collait parfaitement à Doug Ford, qui n’est ni un idéologue ni un libertaire classique. Comme il l’expose franchement dans son livre Ford Nation, « le service à la clientèle » est l’assise politique de la famille Ford. Sa vision politique s’appuie sur l’individu et le contribuable en tant que client. Les grandes questions et les défis systémiques, très peu pour lui.

Le festival des promesses

Cette approche « sur mesure » a généré une gamme ahurissante de promesses aléatoires et détachées de toute vision d’ensemble auxquelles ont répondu les autres partis à qui mieux mieux.

Arc en ciel sur une autoroute ontarienne
Arc en ciel sur une autoroute ontarienne. La Presse Canadienne/Frank Gunn

« Qui promet quoi ? » ferait un beau titre de jeu-questionnaire sur la politique ontarienne. Quel parti a promis de rétablir la 13ᵉ année ? Qui veut en finir avec les péages pour camions ? Qui veut augmenter de 5 % les prestations aux personnes handicapées ? (Respectivement, les Libéraux, les Verts et le NPD, et les Progressistes-conservateurs.)

Face à une machine conservatrice irrésistible, Libéraux et Néo-démocrates se sont surtout battus pour la deuxième place. Les Libéraux étaient encore mal remis de leur défaite de 2018, tandis que le NPD débattait pour maintenir ses acquis.

Les chefs des deux partis d’opposition ont tous deux annoncé leur démission le soir du scrutin. Le chef libéral Steven Del Duca n’a pas réussi à vendre son image de père de famille de banlieue et a perdu son siège. La néo-démocrate Andrea Horwath n’a tout simplement pas réussi à capter l’attention du public — que ce soit positivement ou négativement — malgré sa quatrième élection. Elle a annoncé qu’il était temps de « passer le flambeau » à un nouveau leader.

Trois hommes et une femme debouts devant les caméras
Les quatre principaux chefs avant le débat en anglais. Aucun n’était présent au débat en français. La Presse Canadienne/Frank Gunn

Le facteur Covid

Cette élection aurait-elle été différente sans la pandémie de Covid-19 ? Nul ne sait.

Malgré une gestion pandémique en dents de scie, le gouvernement Ford et son parti sont demeurés solidement unis, contrairement aux « Conservateurs unis » de l’Alberta, qui ont sombré dans la désunion, ce qui a coûté la tête de leur chef, Jason Kenney.

Pendant la pandémie, le caucus conservateur ontarien a perdu quatre députés (deux par démission, deux par expulsion) en plus d’être débordé à droite par deux nouveaux partis rivaux. Mais ceux-ci, appelés New Blue et Ontario, ont échoué dans toutes les circonscriptions et n’ont jamais pu stopper l’élan du parti de Doug Ford.

Il y a bien quelque chose de distinct dans la culture politique ontarienne, et les Progressistes-conservateurs de Doug Ford l’ont bien saisi.

This article was originally published in English

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