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Capture d'écran de la vidéo « Gimbal » déclassifiée par le Pentagone. US Navy

Vidéos d’« Ovni » déclassifiées par le Pentagone : décryptage et précisions

Le département de la Défense des États-Unis (DoD) a annoncé le 27 avril 2020 la publication officielle de trois vidéos d’observations de phénomènes aériens non identifiés, filmés en 2004 et 2015 par des pilotes de l’US Navy. Cette information a été relayée massivement par la presse internationale, nationale et régionale.

Le Groupe d’études et d’informations sur les phénomènes aérospatiaux non identifiés (GEIPAN), service du Centre national d’études spatiales (CNES), est un organisme public qui analyse les témoignages d’observations de PAN (phénomènes aérospatiaux non identifiés) sur le territoire français : le GEIPAN vous propose son éclairage pour mieux comprendre cette actualité.

Le DoD explique dans un communiqué de presse :

« Le département de la Défense des États-Unis a autorisé la diffusion de trois vidéos non classifiées de l’US Navy, l’une prise en novembre 2004 et les deux autres en janvier 2015, ayant circulé dans le domaine public après des diffusions non autorisées en 2007 et 2017. L’US Navy a précédemment reconnu être à l’origine de ces vidéos circulant dans le domaine public. Après un examen approfondi, le DoD a déterminé que la diffusion autorisée de ces vidéos non classifiées ne révèle aucune capacité ou système sensible et n’empiète pas sur les enquêtes ultérieures relatives aux incursions militaires de phénomènes aériens non identifiés dans l’espace aérien. Le DoD publie ces vidéos afin de dissiper toute idée fausse du public sur la réalité ou non des images qui ont circulé et sur le fait que ces vidéos ne sont pas complètes. Les phénomènes aériens observés dans les vidéos restent caractérisés comme “non identifiés”. Les vidéos diffusées peuvent être consultées dans la salle de lecture du Commandement des systèmes aéronavals. »

Des vidéos inédites ?

Ces trois vidéos de phénomènes aérospatiaux non identifiés (PAN) ont été produites en 2004 et 2015 par des pilotes de l’US Navy, grâce aux caméras infrarouges installées dans les avions de chasse. Les images ne sont pas inédites, elles ont été rendues publiques une première fois par la société To The Stars Academy of Arts & Science (TTSA) et la presse américaine, entre décembre 2017 et mars 2018. L’US Navy en avait déjà confirmé l’authenticité en septembre 2019. Les autorités militaires ont donc décidé de les rendre accessibles à tous en proposant leur téléchargement sur le site Internet du Naval Air Systems Command (NAVAIR).

Que voit-on ? Qu’entend-on ?

Ces vidéos en noir et blanc exposent les écrans de suivi infrarouge d’avions de chasse américains traquant des cibles inconnues dans le ciel. Chacune d’entre elles porte un surnom : FLIR1 (Imagerie infrarouge frontale), Go Fast (Dépêche-toi) et Gimbal (Cadran).

Trois vidéos d’Ovnis déclassifiées par le Pentagone (BFMTV).

Sur FLIR1 (2004), une forme allongée se distingue et se déplace rapidement. En quelques secondes après avoir été repérée par l’un des capteurs à bord de l’appareil de l’US Navy, elle disparaît sur la gauche suite à une soudaine accélération. Go Fast laisse apparaître une forme au-dessus de nuages.

Dans la vidéo Gimbal, les dialogues des pilotes sont audibles, l’un d’entre eux suppose que le sujet observé pourrait être un drone. Concernant Go Fast et Gimbal, les métadonnées des vidéos indiquent une même date de création en 2015 à des heures très proches, ce qui amènerait à confirmer qu’elles sont issues d’une même mission. De plus on peut également relever sur la droite des écrans de visualisation des appareils, des marqueurs d’informations de vol identiques. Ces vidéos sont très certainement des enregistrements authentiques, rien de ce qui a été publié ne peut mettre en doute leur authenticité, mais leur interprétation est encore sujet à réflexion.

Depuis la première parution en 2017, plusieurs analyses techniques de spécialistes aéronautiques et de pilotes de chasse donnent des précisions sur le décryptage des informations visibles sur les écrans et certains en déduisent des interprétations physiques possibles mais non confirmées : avions ou ballons… et artefacts possibles liés aux conditions de prises de vues.

La publication par le DoD de ces vidéos n’apporte pas vraiment d’informations complémentaires. Les contenus sont identiques. Seules les durées diffèrent, à quelques secondes près, et l’US Navy propose une qualité d’image supérieure. C’est la déclassification, première fois pour un PAN, par le Pentagone qui est le facteur d’importance de cette actualité plus que son contenu.

Pourquoi les vidéos sont-elles officialisées par le DoD ?

Le Département de la Défense des États-Unis a justifié la diffusion officielle « de manière à dissiper toute idée fausse du public sur la véracité ou non des images qui ont été propagées ou sur le fait de savoir s’il y en avait ou non davantage ».

« Après une analyse minutieuse, le département a estimé que le partage autorisé de ces vidéos ne révèle aucun système ou aucune capacité sensibles et n’a pas d’effet sur d’éventuelles investigations à venir au sujet d’incursions de phénomènes aériens non identifiés dans l’espace aérien militaire », a commenté la Porte-parole du Pentagone, Sue Gough.

Les vidéos diffusées sont donc complètes et non tronquées. Il faut noter que les phénomènes aériens observés dans les vidéos restent caractérisés par le DoD comme « non identifiés ».

Qu’entend-on par « non identifié » ?

Le DoD n’utilise pas l’acronyme UFO (unidentified flying object), traduit par Ovni (objet volant non identifié) en français. Il parle de « phénomène aérien non identifié ». Le GEIPAN quant à lui utilise plus volontiers le terme PAN (phénomène aérospatial non identifié).

Le PAN a l’intérêt d’englober les Ovni, à priori des objets, mais aussi les phénomènes qui ne sont pas nécessairement associés à des objets physiques. Il permet de rendre compte d’une variété plus grande de phénomènes. L’examen des témoignages et le résultat des enquêtes menées montrent que le terme Ovni est souvent impropre. Dans la plupart des cas, les observations décrivent un phénomène connu (astronomique ou météorologique) ou inconnu, sans preuve de la présence d’un objet matérialisé. Le terme PAN peut aussi correspondre à des observations d’objets tels que des aéronefs ou des satellites.

Le PAN, plus neutre, ne fait pas référence à des hypothèses non vérifiables de type paranormales ou extraterrestres, souvent sous-entendues dans les termes Ovni et UFO.

Le terme « non identifié » est sans aucun doute approprié en l’absence de plus d’information sur ces vidéos. Les pilotes concernés, le DoD ou d’autres analyses techniques apporteront peut-être à l’avenir des éléments complémentaires pour leur interprétation.

Le GEIPAN peut-il apporter des éléments de réponses ?

Le GEIPAN est un service du CNES. Il coopère avec d’autres institutionnels français (civil ou de défense) et des organismes scientifiques qui apportent des informations indispensables à ses investigations. Ainsi la mission principale du GEIPAN est uniquement dédiée aux cas d’observations sur le territoire français. Il ne traite que les cas déclarés, selon une marche à suivre précise, par des témoins directs avec lesquels il peut entrer en contact si nécessaire. Il peut faire appel à de l’expertise vidéo et photo, à des logiciels d’analyse mais uniquement en complément de témoignages humains. Le compte rendu d’un témoin direct est primordial pour analyser et comprendre le contexte et les conditions réelles d’une observation, même associée à une vidéo ou photo authentifiée.

Concernant les vidéos FLIR1, Go Fast et Gimbal, les contextes opérationnels précis des pilotes et des vols ne sont pas indiqués. Pour ces observations le GEIPAN dans le cadre de ses missions, exclusivement françaises, n’a pas les moyens ni les contacts nécessaires pour accéder aux témoins et organisations susceptibles de donner les informations complémentaires indispensables pour caractériser les phénomènes observés.

Composé de deux salariés et de deux supports techniques, Le GEIPAN s’appuie sur un réseau d’enquêteurs et d’experts bénévoles français. Son positionnement au CNES lui permet d’avoir des coopérations officielles avec les grands organismes publics, de défense ou de recherche français. Ce n’est ni un service de surveillance et d’alerte ni un service de sécurité. Principalement, il étudie des témoignages humains de PAN qu’il met en parallèle avec des phénomènes aérospatiaux connus. Il n’effectue pas de recherche sur les cas déclarés non identifiés.

Le GEIPAN prend en compte les témoignages sur le territoire français et tente de répondre à l’étrangeté perçue par un témoin direct, par rapprochement avec des phénomènes naturels ou physiques connus, en vue d’un classement selon que l’hypothèse d’explication est confirmée, probable ou non identifié. Dans certains cas les informations disponibles sont inexploitables pour permettre un classement. Le pourcentage actuel des cas français classés non identifiés, après enquête du GEIPAN, est de l’ordre de 3,5 %.

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