Le 29 juillet, l’Égyptienne Nada Hafez a affronté l’Américaine Elizabeth Tartakovsky dans le cadre des 32e de finale de l’épreuve individuelle de sabre féminin aux Jeux olympiques, à Paris. Nada Hafez était enceinte de sept mois.
L’escrimeuse égyptienne Nada Hafez l’a révélé dans une publication Instagram après avoir participé à l’épreuve. « On croit voir deux personnes sur le podium, mais en réalité, il y en a trois ! Moi, ma concurrente et mon petit bébé qui n’est pas encore arrivé dans notre monde ! »
Hafez a battu l’Américaine Elizabeth Tartakovsky au premier tour de la compétition avant de perdre contre Jeon Hayoung de la République de Corée, ce qui a entraîné son élimination. Hafez a terminé à la 16e place, réalisant ainsi son meilleur résultat en trois participations aux JO.
Le lendemain, l’archère azerbaïdjanaise Yaylagul Ramazanova a révélé aussi sur Instagram être enceinte de six mois et demi.
Les athlètes féminines ébranlent notre vision de ce qu’une femme peut accomplir à différents stades de grossesse.
En 2017, Alysia Montaño était enceinte de cinq mois quand elle a participé aux championnats américains d’athlétisme. Elle a alors battu le chrono qu’elle avait réalisé en 2014 à huit mois de grossesse. En 2012, Nur Suryani Mohamed Taibi, première femme à participer à des Jeux olympiques pour la Malaisie, a pris part à l’épreuve de tir à huit mois de grossesse.
De plus en plus d’athlètes de haut niveau participent à des compétitions pendant leur grossesse et y retournent après l’accouchement, ce qui prouve que la grossesse et les performances sportives de haut niveau ne sont pas incompatibles.
Les Jeux olympiques de Paris ont fait ressortir les performances des femmes, mais aussi des mères, puisqu’on trouve, chez les Américaines seulement, 16 athlètes de diverses disciplines qui sont mères.
Le succès de nombreuses femmes qui ont des enfants, comme les Néo-Zélandaises Lucy Spoors et Brooke Francis qui ont ramé ensemble pour remporter l’or en deux de couple, a montré qu’il est possible de s’entraîner en toute sécurité pendant la grossesse et de connaître des victoires après celle-ci.
La création d’une garderie par Allyson Felix, membre de la Commission des athlètes du Comité international olympique, a permis de créer un espace où la maternité et le sport de haut niveau peuvent coexister.
Déjà des milliers d’abonnés à l’infolettre de La Conversation. Et vous ? Abonnez-vous aujourd’hui à notre infolettre pour mieux comprendre les grands enjeux contemporains.
Nous commençons à en savoir plus sur le sport d’élite et la maternité et nous disposons de nouvelles données sur l’entraînement de haut niveau pendant la grossesse. Cependant, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Activité physique pendant la grossesse
Les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé en matière d’activité physique conseillent aux femmes enceintes, s’il n’y a aucune contre-indication, de pratiquer 150 minutes d’activité physique modérée par semaine.
Le document de référence canadien sur l’activité physique pendant la grossesse prône une fréquence d’au moins trois jours par semaine avec une variété d’exercices aérobiques et de résistance.
L’activité physique pendant la grossesse peut avoir de multiples effets bénéfiques sur la santé de la mère et du bébé, tels que réduction du risque de prééclampsie, de diabète gestationnel, d’hypertension, de prise de poids excessive, de dépression post-partum et de complications néonatales. L’activité physique régulière n’a pas d’impact sur le poids à la naissance et n’augmente pas les risques de mortinaissance.
Entraînement pendant la grossesse
En 2016, le CIO a réuni un comité d’experts internationaux et a publié une série de recommandations sur l’entraînement pendant la grossesse pour les athlètes de loisir et de haut niveau.
Ces lignes directrices stipulent que, sauf contre-indications telles que prééclampsie ou hypertension, les femmes peuvent poursuivre en toute sécurité leur activité aérobique régulière tout en surveillant l’apparition de certains symptômes — comme saignements vaginaux ou contractions fréquentes — qui signifieraient qu’elles doivent modifier ou interrompre l’activité et demander un avis médical.
Les recommandations préconisent une intensité maximale égale ou supérieure à 90 % du taux maximal de consommation d’oxygène pendant l’exercice (également appelé VO2 max). Cependant, peu d’études ont été menées sur les athlètes dont la VO2 max de base est déjà considérablement plus élevée que celle de la population générale.
Les athlètes d’élite se questionnent sur l’entraînement pendant la grossesse. Elles s’entraînent bien au-delà des 150 minutes par semaine, souvent à une intensité élevée, ce qui incite certaines d’entre elles à s’interroger sur la pertinence de ces recommandations dans leur cas.
Une étude menée auprès de 42 coureuses de haut niveau pendant leur grossesse a révélé que si leur volume d’entraînement diminuait du premier au troisième trimestre, il demeurait deux à quatre fois supérieur aux recommandations actuelles.
Selon une autre étude, l’entraînement fractionné de haute intensité, qui s’effectue à plus de 90 % de la fréquence cardiaque maximale, est bien toléré par les mères et les fœtus ayant fait l’objet d’un suivi médical, pour des séances intensives et de courte durée.
Des recherches plus approfondies sont nécessaires pour mieux conseiller les athlètes d’élite enceintes quant à la fréquence, à l’intensité et à la durée de l’exercice, car les lignes directrices actuelles peuvent être exagérément prudentes pour elles.
Autres considérations
Aux derniers Jeux olympiques, les personnes qui défendent les mères athlètes ont souligné les décisions difficiles que ces dernières doivent prendre lorsqu’elles s’entraînent pendant leur grossesse.
Ainsi, certaines athlètes rencontrent une pression sociale qui les force à choisir entre une grossesse et la pratique de leur sport. Les athlètes ont également exprimé des préoccupations concernant la planification et la divulgation de la grossesse, la fertilité, la discrimination, la sécurité pendant l’entraînement et le soutien financier.
Une étude de suivi menée auprès d’entraîneurs et de professionnels de la santé travaillant avec des athlètes enceintes ou en post-partum a révélé des enjeux similaires. On souligne notamment le manque de recherche sur la reproduction des athlètes féminines, la nécessité d’une éducation et d’une formation fondées sur des données probantes, d’une communication ouverte pour permettre des soins centrés sur l’athlète, d’un meilleur soutien essentiel et de changements de politique pour soutenir les athlètes enceintes ou en post-partum.
En bénéficiant d’une aide adéquate, les athlètes peuvent poursuivre leur entraînement pendant leur grossesse avec une assistance médicale et exceller après l’accouchement. Cependant, comme pour les soins pendant la grossesse et le post-partum, il reste encore du travail à faire pour améliorer le soutien aux athlètes.
Il nous faut davantage de données de qualité pour élaborer des lignes directrices concernant la participation à des compétitions et l’entraînement des athlètes pendant la grossesse ainsi que le retour au sport après l’accouchement, et pour améliorer la politique sportive. La longévité dans le sport s’en trouvera renforcée.