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Thomas Bach et Xi Jinping
Thomas Bach, le président du CIO, en compagnie du leader chinois, Xi Jinping. Zhang Ling/Xinhua/AP

Voici pourquoi les Jeux d’hiver sont cruciaux pour la légitimité du Parti communiste chinois

Les Jeux d’hiver qui s’ouvrent à Pékin sont controversés pour des raisons autrement plus sérieuses que la neige artificielle ou la gestion de la Covid-19.

Ils se veulent le puissant symbole des ambitions politiques et de l’autorité de l’État chinois en Chine et à l’étranger. Six mois après le centenaire triomphaliste de la fondation du Parti communiste chinois (PCC), le secrétaire général Xi Jinping les utilise pour montrer au monde et aux Chinois que le pays est une puissance en voie de réaliser son rêve de régénérescence nationale.

Comment le PCC utilisera-t-il les Jeux à l’intérieur du pays pour faire passer ce message et comment ce message sera-t-il perçu ailleurs ? Qu’est-ce que le parti espère gagner si les Jeux sont perçus comme un succès ?

Récits concurrents

Certains observateurs considèrent que l’essor de la Chine génère un conflit stratégique qui menace l’ordre mondial libéral.

Pour d’autres, cet essor, sans être complètement inoffensif, est tout à fait juste pour un pays avec 4 000 ans d’histoire qui a connu des avancées spectaculaires depuis 50 ans.

Ces interprétations contrastées suscitaient déjà des débats bien avant les Jeux. Les violations choquantes des droits de la minorité ouïghoure et la répression sévère de la société civile, notamment à Hongkong, ont amené plusieurs pays occidentaux, dont le Canada, à décréter un boycottage diplomatique lors des Jeux.

Et les préoccupations quant au sort de la vedette du tennis Peng Shuai, victime présumée d’une agression sexuelle par un haut dirigeant chinois, ont fortement terni la réputation du pays.

Des partisans de la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai
Des partisans de la joueuse de tennis chinoise Peng Shuai lors de l’Open d’Australie le mois dernier. Tertius Pickard/AP

En Chine même, toutefois, les Jeux olympiques sont présentés comme un événement bénéfique pour le peuple chinois — par lequel les athlètes chinois atteindront la gloire et le PCC démontrera sa capacité d’organiser un événement sportif de classe mondiale. Un tel récit glorifie le régime et légitime les institutions et les pratiques du PCC.

Face à la critique étrangère, les médias chinois ont riposté en affirmant que les États-Unis avaient stupidement et méchamment critiqué la politique chinoise de tolérance zéro à l’égard de la Covid, et que les Américains n’avaient pas été invités aux Jeux de toute façon.

La même réplique a été faite par l’ambassadeur chinois à Ottawa lorsque Justin Trudeau a aussi annoncé un boycottage diplomatique des Jeux. Les diplomates canadiens n’avaient « même pas été invités aux Jeux ».

Ce langage, par son agressivité, vise d’abord, à l’interne, à réaffirmer la primauté du PCC et son rôle protecteur pour la Chine et le peuple contre les provocateurs étrangers.

Dans un même temps, Xi Jinping veut désamorcer la rhétorique antichinoise en accueillant la planète à des Jeux « inventifs et respectueux de l’environnement ».

Conscient que la diplomatie chinoise dite « du loup guerrier » a plutôt desservi les intérêts chinois, le secrétaire général a demandé aux membres du parti, aux diplomates et aux médias chinois de tempérer le discours. À contrecœur, ceux-ci ont accepté d’adopter le « bon ton », plus modeste et humble, afin de promouvoir une image du pays plus « crédible, aimable et respectable ».

Le Rêve chinois

Le secrétaire général ne peut cependant pas passer outre l’approbation du parti. Surtout s’il veut pouvoir livrer la marchandise pour sa grande promesse de réaliser le « Rêve chinois ».

Ce « Rêve chinois » est bien autre chose qu’un avatar du « Rêve américain » en version chinoise.

Le Rêve américain met l’accent sur les libertés individuelles, la mobilité sociale et la réussite matérielle arrachées au prix d’efforts personnels. Dans le Rêve chinois, le bien-être national prime la réalisation des désirs individuels. Et qui peut réaliser ce rêve pour le peuple chinois ? Le PCC, bien sûr — et c’est le parti qui le dit.

Et c’est pourquoi le régime passe en mode autodéfense dès que quiconque remet en question la centralité du parti. Lorsque certains Occidentaux ont évoqué la possibilité que la Covid ait pu être fabriquée dans un laboratoire chinois, le ministère des Affaires étrangères a répliqué brutalement avec une théorie du complot : c’est l’armée américaine qui a introduit le virus à Wuhan.

Lors de son discours au centenaire du PCC, Xi Jinping a rappelé aux membres du parti qu’il était l’âme de la direction du PCC, laquelle est le fondement et l’élément vital du parti et donc du pays, et par là le noyau qui rattache les intérêts et le bien-être de 1,4 milliard de Chinois.

Les Jeux du peuple ?

La manière dont les prochains Jeux sont présentés aux Chinois est donc essentielle à la cohérence du récit global que Xi Jinping et le parti tentent de créer. L’enjeu est de voir les Chinois adhérer au Rêve chinois comme étant leur rêve.

Cette cible est évidente dans la rhétorique du secrétaire général. Ses images exhortent le peuple chinois à marcher avec le parti sur le même chemin ardu vers une vision commune de l’avenir.

L’anneau de patinage de vitesse à Pékin
La Chine projette ses Jeux d’hiver comme symbole de sa force. Shuhei Yokoyama/AP

Alors que la Chine continue de développer son économie et redore son blason de grande puissance à travers des événements hypermédiatisés comme ces Jeux olympiques d’hiver, elle cherche aussi à démontrer au monde la prééminence de son modèle de gouvernance.

Ces jeux sont donc une vitrine géante pour le PCC. Ils illustrent la compétence absolue d’un gouvernement autoritaire et innovateur à organiser des événements de cette ampleur. Ils peuvent également démontrer l’efficacité du gouvernement à contenir la pandémie, même au prix d’enfermer des millions de gens chez eux et de traitement discriminatoire des Africains vivant en Chine.

Et ce faisant, les spectateurs du monde entier qui acclameront leurs héros de l’hiver acclameront aussi le PCC, que cela leur plaise ou non.

This article was originally published in English

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