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Vous reprendrez bien un peu de plastique ?

Les pailles en plastique sur la sellette : en juillet 2018, Seattle et Paris ont pris l’engagement de les bannir. Bert Kaufmann/Wikimedia, CC BY

Depuis ses débuts, au cours et après la Seconde Guerre mondiale, l’industrie des polymères – ces molécules synthétiques à longue chaîne regroupées à tort sous le terme commun de « plastiques » – a connu une croissance rapide. En 2015, plus de 320 millions de tonnes de polymères (fibres exclues) ont ainsi été produites dans le monde.

Jusqu’à il y a cinq ans environ, les créateurs de produits élaborés à partir de polymères se souciaient peu de ce qui adviendrait de leurs produits une fois que leur cycle de vie initialement prévu serait révolu. Mais cette situation est en train d’évoluer et cette question fera l’objet d’une attention grandissante dans les années à venir.

L’industrie du plastique

Le terme « plastique » constitue une façon maladroite de décrire les polymères. Généralement issus du pétrole ou du gaz naturel, ce sont des molécules à longue chaîne, chaque chaîne comportant des centaines de milliers de liaisons. Ces longues chaînes confèrent des propriétés physiques intéressantes, comme la résistance et la dureté, qualités que des molécules courtes ne peuvent tout simplement pas fournir.

Le mot « plastique » est en fait un diminutif du terme « thermoplastique », qui désigne les matériaux polymères que l’on peut former et déformer grâce à la chaleur.

L’industrie des polymères telle que nous la connaissons a été mise au point dans les années 1930 par Wallace Carothers au sein de l’entreprise Dupont. Ses travaux minutieux sur les polyamides ont notamment donné lieu à la commercialisation du nylon, qui remplaça pendant la guerre la soie utilisée pour confectionner les bas des femmes.

Et quand d’autres matières sont venues à manquer durant la Seconde Guerre mondiale, les scientifiques ont regardé du côté des polymères synthétiques pour « colmater les brèches ». La conquête japonaise de l’Asie du Sud-Est ayant par exemple provoqué la fin de l’approvisionnement en caoutchouc, les chercheurs se sont mis en quête d’un polymère synthétique aux propriétés équivalentes.

Portées par une insatiable curiosité, des découvertes dans le domaine de la chimie ont permis le développement de nouveaux polymères synthétiques, comprenant par exemple le polypropylène, mondialement utilisé, ou encore le polyéthylène haute densité. D’autres polymères, comme le Teflon (polytétrafluoroéthylène), ont été élaborés par accident.

C’est certainement la combinaison de besoins, de progrès scientifiques et de quelques heureux hasards qui auront conduit à la mise au point de cet ensemble de polymères que l’on désigne aujourd’hui sous le terme de « plastiques ». Ces polymères ont été rapidement commercialisés pour permettre de réduire le poids des produits et offrir des alternatives bon marché aux matières naturelles, comme la cellulose ou le coton.

Les types de plastiques

La production mondiale de polymères synthétiques est aujourd’hui dominée par les polyoléfines, famille à laquelle appartiennent le polyéthylène et le polypropylène.

On dénombre deux types de polyéthylène : haute densité et faible densité. Du point de vue moléculaire, le polyéthylène haute densité ressemble à un peigne dont les dents seraient courtes et espacées à intervalles réguliers ; la version faible intensité ressemble, elle, à un peigne dont les dents, de longueur différente, seraient espacées de façon irrégulière – un peu comme une rivière et ses affluents vus d’en haut. S’il s’agit toujours du polyéthylène, ces particularités formelles les feront réagir différemment quand on les transforme en films ou d’autres produits sous l’action du moulage.

Les polyoléfines dominent le marché pour plusieurs raisons. Premièrement, ils peuvent être produits en utilisant du gaz naturel assez bon marché. Deuxièmement, ce sont les polymères synthétiques les plus légers produits à grande échelle ; leur densité est d’autre part tellement faible qu’ils peuvent flotter. Troisièmement, les polyoléfines résistent aux dommages occasionnés par l’eau, l’air, la graisse et les solvants de nettoyage – toutes ces choses que les polymères rencontrent lorsqu’on les utilise. Enfin, il est facile de les façonner, ce qui n’enlève rien à leur résistance, si bien que les emballages en polyoléfines peuvent rester dans un véhicule garé en plein soleil toute une journée sans se déformer.

Ces matériaux présentent cependant de sérieux inconvénients. Ils se dégradent très lentement, restant ainsi présents dans l’environnement pour des décennies, des siècles. Pendant ce temps, l’action des vagues et du vent peut les abraser, transformant ces déchets en microparticules facilement ingérées par les poissons et d’autres animaux, ce qui ne manque pas d’affecter toute la chaîne alimentaire (et donc nous autres humains).

Recycler les polyoléfines n’a rien d’un jeu d’enfant, en raison de multiples difficultés relatives au ramassage et au nettoyage. L’oxygène et la chaleur causent en effet de multiples dégâts au cours du retraitement, tandis que les aliments et d’autres matières peuvent les contaminer. Les progrès continus en chimie ont permis de mettre au point de nouvelles catégories de polyoléfines, dotées d’une résistance et d’une durabilité accrues ; mais ces dernières ne peuvent pas toujours se mélanger avec d’autres types de polyoléfines durant le recyclage. En outre, ces polymères synthétiques sont souvent associés à d’autres matériaux pour produire des emballages multicouches ; si ces structures se montrent efficaces, elles sont toutefois impossibles à recycler.

Les polymères sont parfois critiqués parce qu’ils nécessitent du pétrole et du gaz naturel, ressources sous pression, pour leur fabrication. Il faut cependant souligner ici que la quantité requise, soit de pétrole, soit de gaz naturel, pour la fabrication des polymères est très faible ; moins de 5 % de ces ressources fossiles sont utilisés chaque année à la production des plastiques. En outre, l’éthylène peut être produit à partir d’éthanol de canne à sucre, comme c’est le cas au Brésil.

Les usages du plastique

En fonction des régions du globe, l’emballage requiert 35 à 45 % de la production totale de polymères synthétiques, les polyoléfines se taillant la part du lion. Le polyéthylène téréphtalate, un polyester, domine le marché des bouteilles en plastique et des fibres textiles.

Les industries du bâtiment et de la construction consomment 20 % de la production totale de polymères ; ici, les tuyaux en PVC dominent. Ces derniers sont légers et peuvent être collés, plutôt que soudés ou brasés ; ils résistent d’autre part très bien aux dommages causés par la présence de chlore dans l’eau. Malheureusement, cette qualité les rend très compliqués à recycler et la majorité de ces tuyaux est mise au rebut une fois qu’ils ne servent plus.

Le polyuréthane est largement utilisé dans la mousse isolante pour les habitations et les appareils ménagers, ainsi que dans les revêtements pour les bâtiments.

Le secteur automobile fait pour sa part un usage croissant des thermoplastiques, en premier lieu pour réduire le poids des véhicules et ainsi consommer moins de carburant. L’Union européenne estime ainsi que les composants plastiques représentent 16 % du poids moyen d’une voiture ; ils sont utilisés tout particulièrement dans l’habitacle.

Plus de 70 millions de tonnes de thermoplastiques sont utilisées chaque année pour la fabrication des textiles, principalement pour les vêtements, les tapis et les moquettes. Plus de 90 % des fibres synthétiques, principalement du polyéthylène téréphtalate, sont produits en Asie. Cette demande croissante pour les fibres synthétiques s’est faite au détriment des fibres naturelles, comme le coton et la laine, qui nécessitent de vastes terres agricoles.

L’industrie des fibres synthétiques a connu une croissance spectaculaire dans le secteur de l’habillement et de l’aménagement, en raison notamment des propriétés de ces fibres en matière d’élasticité, d’anti-humidité et de perméabilité à l’air.

Comme pour l’emballage, les textiles ne sont généralement que peu recyclés. Chaque Américain produit ainsi en moyenne par an plus de 40 kilos déchets textiles. Et selon Greenpeace, en 2016, chaque personne a acheté en moyenne 60 % de vêtements en plus qu’il y a une quinze ans, tout en les conservant moins longtemps.

This article was originally published in English

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