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Allergique, et plus sensible aux infections virales : la double peine

Les personnes touchées par une allergie aux pollens sont souvent particulièrement vulnérables aux infections virales. John Ayato/Flickr, CC BY-NC-SA

Les effets de l’allergie aux pollens ou à la poussière ne se limitent pas au nez bouché, aux yeux qui brûlent, aux plaques d’eczéma, bref à un quotidien infernal pour les personnes touchées. Leur réactivité à des substances inoffensives les rend aussi plus vulnérables aux infections virales respiratoires, comme la rhinopharyngite ou la grippe. De sorte qu’elles tombent facilement malades quand un virus circule dans leur entourage. Une double peine, en quelque sorte.

Le phénomène est observé de longue date chez nombre de personnes allergiques, mais l’énigme autour de son mécanisme vient seulement d’être élucidée. Notre équipe CNRS, à l’université Paris Descartes, vient en effet de découvrir, en collaboration avec des laboratoires français, britannique et allemand, ce qui déraille au moment où leurs défenses immunitaires devraient se mobiliser contre le virus. Ces travaux, publiés dans la prestigieuse revue Nature Communications, permettent d’espérer des médicaments capables de rétablir une réaction normale en cas d’infection.

Un tiers des Français touchés par les allergies

Les allergies sont en très forte croissance dans les pays développés. Elles concernent à ce jour près d’un tiers des Français selon l’Inserm, et constitue un véritable problème de santé publique. Elles provoquent des symptômes variés tels que l’asthme, la rhinite ou rhume des foins, la conjonctivite, l’eczéma, l’urticaire, le choc anaphylactique.

Cette hypersensibilité consiste en une réaction inadaptée des défenses immunitaires de l’organisme contre des éléments étrangers mais inoffensifs, qualifiés d’allergènes. Il peut s’agir par exemple de pollens, de déjections d’acariens ou de particules de la salive des chats. L’allergie est caractérisée par une production massive, appelée « décharge », d’histamine. L’histamine est une molécule de signalisation utilisée par le système immunitaire. Et c’est elle qui est en cause, dans la fragilisation vis-à-vis des infections virales.

Pour se défendre des agents pathogènes que sont les virus, les bactéries ou encore les cellules cancéreuses, le corps possède une arme particulièrement efficace, les interférons. Découvertes en 1957, ces protéines sont sécrétées par les cellules de l’organisme en présence de l’agent pathogène, par exemple un virus. Leur nom vient de leur capacité à « interférer » avec la réplication du virus dans la cellule, c’est-à-dire à la perturber. Ils viennent activer, au sein de la cellule, un programme de transcription de gènes qui va détraquer les différentes étapes du cycle nécessaire au virus pour se multiplier.

Les interférons ont la capacité d’induire un état antiviral, c’est-à-dire un milieu défavorable à l’infection et la propagation du virus, à la fois dans les cellules infectées mais aussi dans les cellules voisines qui ne le sont pas encore.

Des globules blancs très rares

La plupart de nos cellules produisent des interférons, mais les championnes toutes catégories sont certaines cellules du système immunitaire, les cellules dendritiques plasmacytoïdes, dont l’abréviation en anglais est pDC. Ces globules blancs très rares, découverts en 1997, produisent jusqu’à 1 000 fois plus d’interférons que n’importe quelle autre type de cellule.

Les cellules pDC patrouillent un peu partout dans le corps, en circulant dans le sang. Dès qu’elles détectent un virus, elles déversent dans le sang de très grandes quantités d’interférons. C’est ce phénomène qui provoque, par exemple, l’état grippal, avec sa fièvre, ses frissons et ses courbatures.

Notre équipe Chimie et biologie, modélisation et immunologie pour la thérapie (CBMIT) s’intéresse depuis plusieurs années aux cellules pDC, ces sentinelles de l’immunité. Grâce à cette expertise, nous venons de comprendre ce qui se passe chez les personnes allergiques. L’histamine, la molécule de signalisation produite en masse lors de la réaction d’allergie, bloque la production d’interférons par les cellules pDC.

Comment ? En se fixant à un récepteur particulier à la surface des pDC, appelé CXCR4 (qui est aussi le récepteur du VIH, le virus du sida). La fixation de l’histamine à la protéine CXCR4 a pour conséquence d’empêcher la libération d’interférons. Le corps perd alors ses armes antivirales, et les patients sont plus sensibles aux infections.

Nous avons fait cette démonstration in vitro (en laboratoire) sur des cellules humaines pDC puis in vivo (dans un organisme vivant) chez la souris.

Comment nous nous défendons, ou pas, contre les virus. Author provided

Ainsi, on comprend ce qui se cache, à l’échelle cellulaire et moléculaire, derrière la sensibilité accrue des personnes allergiques aux infections virales respiratoires. Lorsque le patient est exposé aux pollens, par exemple, les mastocytes (des globules blancs très nombreux) déchargent dans ses poumons de grandes quantités d’histamine.

Une rencontre tout sauf heureuse

S’il contracte un virus au même moment, des cellules pDC migrent vers les poumons pour combattre l’infection. L’histamine se retrouve alors au contact des pDC. Et la rencontre est tout sauf heureuse ! Car l’histamine bloque la production d’interférons par les pDC, permettant au virus de se répliquer en toute tranquillité.

L’identification du récepteur utilisé par l’histamine, le CXCR4, ouvre de nouvelles perspectives de traitement. L’étape suivante consistera en effet à synthétiser, dans notre laboratoire, des molécules qui auront vocation à se fixer au fameux récepteur CXCR4, afin d’occuper la place… avant l’arrivée de l’histamine.

Grâce à de tels médicaments, l’histamine devrait passer son chemin, et les cellules pDC produiraient normalement des interférons. Ainsi, nous pensons que ces futurs médicaments pourront rétablir une immunité antivirale efficace chez les patients allergiques.

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