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Au XVIIIᵉ siècle, quand le duc de Luynes parlait beauté…

Couverture des “mémoires” Wikipedia

On attendait des Mémoires du duc de Luynes des révélations sur la vie de Cour au temps de Louis XV : on en sort un peu déçu par le faible nombre d’anecdotes intéressantes. Le duc de Luynes semble fasciné par la sacro-sainte étiquette et ne manque pas de nous signaler qui monte en carrosse avec le Roi ou la Reine, qui se purge et prend un émétique, qui est autorisé à exercer telle ou telle charge… Il est, en revanche, beaucoup plus discret sur les secrets de beauté des gens de pouvoir. Nous avons pourtant relevéquelques anecdotes amusantes, à lire ici et sur notre blog.

De tous temps, un teint pâle de rigueur

Comme on peut s’y attendre, le duc de Luynes chante les louanges des femmes au teint pâle :

« Le mariage de M. le prince de Soubise n’est pas encore déclaré, mais il est certain, et sera public dans peu de jours. Il épouse une princesse de Hesse-Rhinfelds […]. Elle a dix-huit ans ; elle n’est pas riche, mais elle est fort bien élevée. On dit qu’elle est grande, bien faite, mais la peau est fort brune. »

Cette jeune personne a donc tout pour plaire mais il lui manque l’essentiel : la pureté du teint.

La petite phrase assassine s’insinue à la fin d’une description qui s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices. En ce qui concerne Mademoiselle de Tonnerre, tout commence très bien également : « Elle est bien faite, a un beau teint et un visage agréable [jusque-là tout va bien, mais il y a un mais] ; le défaut qu’on y trouve c’est qu’elle a le nez assez pointu. » Celle-ci est agréable mais brune de teint, cette autre est exquisément pâle mais un grand pif vient anéantir tous les espoirs…

Le fléau de la petite vérole

La petite vérole est un mal qui défigure si l’on en réchappe ou qui fait mourir dans le pire des cas. Le mémorialiste évoque le cas touchant de Mme de Tresnel qui mourut avec son fils et sa belle-fille dans leur château de Doux en Brie. « La mère et la femme se sont enfermées avec M. de Tresnel et ont gagné la même maladie ». Le verbe gagner semble ici assez mal choisi. Mme de Tresnel est décrite comme « petite, d’une figure peu agréable et point noble, mais elle avait beaucoup de mérite et de vertus et était aimable ».

La Marquise de Pompadour à sa toilette. Boucher/Wikimedia

Le prince des Asturies fut dérangé à onze heures du soir « ses cheveux en papillotes ». Ce détail présenté de manière factuelle sans commentaire aucun du mémorialiste nous montre la façon de procéder pour obtenir au matin une belle chevelure ondulée. Les princes du XVIIIe siècle n’ont pas attendu le célèbre coiffeur Marcel, inventeur de la permanente, pour arborer de jolies boucles.

Grande et grasse, pourquoi pas ?

Tous les tableaux représentant Mme de Pompadour, maîtresse en titre durant la période évoquée dans ces mémoires, sont unanimes : la jeune femme possède une taille merveilleusement fine. Aucune description flatteuse ne sort pourtant de la bouche du duc de Luynes. On apprend juste que « Mme de Pompadour a une santé délicate ». Le véritable scoop apparaît à l’année 1746 en avril :

« Le roi s’est pesé aujourd’hui, et Mme de Pompadour aussi ; elle ne pèse que 111 livres [54 kg]. Le Roi qui pesait, en 1737, 165 livres, en pèse actuellement 185. M. le Dauphin en pesait 145 l’année passée ; il ne s’est pas encore pesé cette année ; mais il en pèse sûrement bien près de 200 si ce n’est davantage. »

Le résultat de la pesée rendu public constitue vraisemblablement l’équivalent des bulletins de santé chers à un certain Président de la République.

Ne connaissant pas la taille de la favorite, on ne peut calculer son IMC (indice de masse corporelle) ce qui est bien dommage ! Passant sous silence la sveltesse de Mme de Pompadour, le duc de Luynes s’esbaudit en revanche sur Mme de Machault [Roullié du Coudray]. Celle-ci est « assez grande, grasse ; elle a une figure qui ne déplaît point ; elle paraît avoir quarante à quarante-cinq ans ». Décidément, le duc de Luynes sait parler des femmes.

Un emplâtre bienfaisant

En mars 1745, le duc de Luynes note :

« Mme de Lauraguais, qui est revenue incommodée de Choisy, avec un clou très considérable au col, n’a pu aller les premiers jours aux cabinets [rassurons-nous il ne s’agit pas ici de constipation]. Elle est entre les mains de La Peyronie. La Reine ayant envoyé savoir de ses nouvelles et connaissant un emplâtre excellent qu’à Lafosse, son premier chirurgien, lui ordonna de le porter à Mme de Lauraguais. Lafosse ne parut point refuser d’exécuter cet ordre, mais il avoua le lendemain que La Peyronie étant chargé de traiter Mme de Lauraguais, il n’avait pas cru devoir y aller. »

Le héros de cette histoire c’est un furoncle (ou clou) causé par une bactérie ; le clou est disgracieux et douloureux. Si l’on ne connaît pas le fin mot de l’histoire, on voit, en revanche, les rivalités qui pouvaient exister entre les médecins et les délicatesses qui s’exerçaient à l’encontre de la santé des patients.

Des saignées, des saignées encore des saignées

Dans ces Mémoires, il est question, bien entendu, de saignées. Faisant allusion à la mort de la Dauphine qui fut saignée deux fois contre l’avis de La Peyronie, le duc de Luynes prend des accents à La Rochefoucauld avec cette affirmation : « Elle vivrait plus longtemps si on ne la saignait pas, et elle mourrait plus tôt si on voulait la saigner. »

La vie à la Cour. Jean Antoine Theodore Giroust

Le duc de Luynes semble se méfier des médicaments lorsqu’il rapporte le cas de M. de Ruffec. Il est « mort ce matin, après une longue maladie et après avoir essayé des remèdes des empiriques ». La mort est à chaque page de ces Mémoires qui ressemblent furieusement à une revue nécrologique ; médecins et médicaments sont aussi impuissants les uns que les autres.

Enfin, du café…

Aujourd’hui, le café est une source d’actifs amincissants. À l’époque, les Grands du Royaume le dégustent dans les règles. « [O]n apporta du café, dont la Reine prit d’abord, Mme de Luynes présentant la serviette à Madame. Pour le café, ce fut Mme de Luynes qui le présenta à la Reine, après cela, Mme de Luynes présenta la serviette et le café à Madame. Mme la maréchale de Duras n’eut aucun service, parce qu’elle n’en doit point avoir chez la Reine, elle ne le prétend pas non plus. [sic] »

Pour conclure, disons que nous avons trouvé ces Mémoires assez soporifiques. Toutefois, chacun, en fonction de son domaine de prédilection, sera susceptible d’y découvrir quelques pépites.

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