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Avec Kamala Harris, Joe Biden espère recueillir les votes des jeunes Noirs américains

Kamala Harris, colistière de Joe Biden
La sénatrice de Californie Kamala Harris est la colistière du candidat démocrate Joe Biden, en lice pour la présidentielle américaine de 2020. SAUL LOEB / AFP

En choisissant la sénatrice Kamala Harris comme colistière et candidate à la vice-présidence, le candidat démocrate Joe Biden, 77 ans, pourrait gagner le vote des jeunes Noirs américains.

Notre enquête sur les intentions de vote des électeurs noirs et les indécis, publiée en juillet, montrait que seuls 47 % des Noirs américains de moins de 30 ans se positionnaient pour Biden.

Mais avec Harris à ses côtés, les intentions de vote pour Biden passent à 73 % dans ce groupe, une hausse significative, bien que moins importante comparée aux autres groupes d’âge.

La liste menée par Kamala Harris et Joe Biden pourrait ainsi devenir beaucoup plus attractive pour les jeunes Noirs américains qui représentent une proportion importante de ce que nous nommons les électeurs indécis. Or le comportement de vote de ces « indécis » n’a rien à voir avec celui des générations précédentes.

Le vote des indécis

La plupart des spécialistes définissent les « électeurs indécis » comme ceux dont le vote fluctue d’un parti à l’autre, d’une élection à l’autre, pouvant facilement changer d’avis et pesant ainsi lourdement dans la balance politique.

Selon les analyses, aux États-Unis les « indécis » représentent traditionnellement un électorat blanc et ouvrier plutôt originaire du Midwest américain. Soit, une population à séduire pour qui convoiterait la Maison Blanche.

Par opposition, les experts perçoivent souvent les électeurs Noirs américains comme un bloc monolithique et loyal aux Démocrates, prêt à répondre aux moindres besoins du parti pourvu que les pasteurs donnent des directives pendant l’office.

Certes, ces représentations n’ont pas complètement disparu, mais, sur la base de trente ans de recherches sur les comportements électoraux, nous pouvons affirmer qu’elles sont aujourd’hui obsolètes.

Ces indécis du passé sont en voie de disparition – au Midwest comme ailleurs.

Désormais, ce qui fait la différence et pèse dans la balance politique, est le fait de voter ou non.

Ce qui nous amène à considérer plus en détail le vote des Noirs américains.

Le vote des électeurs noirs

Notre récente enquête portait sur un échantillon de 1,215 électeurs Afro-Américains. Ils vivent dans des états clefs sur le plan politique – Wisconsin, Pennsylvanie, Michigan, Floride, Caroline du Nord et Georgie. D’après nos résultats, les plus de 60 ans restent fidèles au Parti Démocrate, suivis de près par les 40-59 ans. Mais c’est loin d’être le cas pour les moins de 30 ans (la moitié de notre échantillon).

Deuil à New York après décès suite à infection Covid-19
Pour de nombreux Afro-Américains, l’élection de politiciens noirs n’a rien changé à leur situation. Un groupe d’amis fait ici le deuil d’un proche décédé du Covid-19. La pandémie affecte particulièrement la communauté noire américaine. JOHN MOORE/GETTY IMAGES NORTH AMERICA/Getty Images via AFP

Cathy Cohen, professeure de sciences politiques à l’université de Chicago et spécialiste des comportements politiques des jeunes Noirs a bien résumé cette tendance dans un podcast récent :

« Ils ont vu l’arrivée de maires Noirs, ils ont vu l’élection du premier président américain Noir, et ils ont vu que rien n’a changé dans leurs vies. »

Défiance vis-à-vis du vote

Ces jeunes électeurs pourraient tout à fait renoncer à voter au mois de novembre, comme ils l’ont d’ailleurs déjà fait en 2016. Leur abstention, parmi d’autres facteurs, avait favorisé l’élection de Donald Trump.

Dans notre sondage, 31 % des jeunes Noirs américains de moins de 30 ans ont déclaré qu’ils n’iraient probablement pas voter lors de la présidentielle de 2020.

Cela ne semble pas si grave au vu de la participation électorale moyenne aux États-Unis forte d’un taux de 60 % lors des dernières élections.

Joe Biden avec un groupe de personnes l’église Bethel, Wilmington, Delaware.
Biden tente de rassembler le vote des Noirs américains, ici lors d’une réunion à l’église évangélique Bethel de Wilmington, Delaware le 1ᵉʳ juin 2020. Jim Watson/AFP

Cependant, les enquêtés, toutes cohortes confondues, ont globalement tendance à surestimer leur intention de vote.

Ainsi, près de la moitié de nos sondés de moins de 30 ans déclarent que voter « ne fait aucune différence », ce qui donne une idée plus réaliste du nombre de ces jeunes qui ne se déplacera pas aux urnes.

Or ce nombre ne tient même pas compte des perturbations induites par les suspicions quant au vote à distance ou en raison de la pandémie.

Seuls 64 % des jeunes de notre enquête ont exprimé avoir confiance en l’État sur la gestion des votes, et moins de la moitié, 30 % ont déclaré vouloir utiliser le vote à distance.

Distance vis-à-vis des Démocrates

Le cynisme exprimé par les jeunes Noirs américains se retrouve aussi dans leur attitude face au parti Démocrate.

Seuls 47 % d’entre eux pensent que le parti est favorable aux Noirs américains et seuls 43 % font confiance aux élus démocrates au Congrès pour représenter au mieux leurs intérêts.

Et, contrairement aux générations précédentes, seule la moitié des moins de 30 ans interrogés perçoit les Démocrates comme meilleurs que les Républicains.

« Ils veulent tous la même chose »

Dans notre enquête quantitative comme lors d’entretiens réalisés auprès des différents groupes interrogés, nous avons régulièrement entendu la même frustration émaner des jeunes Noirs américains : le sentiment que le parti Démocrate compte sur leurs votes mais ne fait pas grand chose pour le mériter, hormis être moins « raciste » que son adversaire.

Comme le souligne l’un de nos enquêtés :

« Au bout du compte, ils veulent tous la même chose ».

Ces enseignements montrent que le futur de l’Amérique Noire ne s’inscrira pas forcément sous la bannière bleue du parti Démocrate, participation électorale ou non, car il apparaît désormais que le club des indécis a changé de camp. Il se situe aujourd’hui du côté de la jeunesse Noire américaine qui peut faire basculer la donne.

This article was originally published in English

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