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Bâtiment : la rénovation, un enjeu d’avenir

À Saint-Louis (Haut-Rhin). m.a.r.c./Flickr, CC BY-SA

Un bâtiment peut-il produire autant d’énergie qu’il en consomme à l’échelle de l’année ? C’est ce que laisse à penser les labels, certifications, classements ou même marques déposées concernant l’efficacité énergétique du bâtiment qui n’ont cessé de se multiplier. La liste est impressionnante : BEPOS, bâtiments passifs, Zero Energy Buildings, BBC, Effinergie, Minergie, BREEAM, LEED…

C’est effectivement vrai, car il existe aujourd’hui de nouvelles solutions technologiques capables de réduire la consommation au minimum, et de compenser le reliquat par une production locale, souvent renouvelable.

Le secteur du bâtiment représente un enjeu clé dans la maîtrise des énergies. En France, il est en effet, et de loin, le premier poste de consommation d’énergie (45 %), devant les transports (33 %), l’industrie (19 %) et l’agriculture (3 %).

En tête : le chauffage, qui constitue la principale dépense énergétique (65 % de l’énergie finale consommée dans les résidences principales).

Les progrès réalisés ces 40 dernières années sur les isolants, les vitrages, le solaire thermique et photovoltaïque, les solutions d’éclairages sont tels que les bâtiments neufs peuvent désormais se contenter de peu d’énergie, voire devenir contributeurs. Mais cela va-t-il nous permettre d’atteindre les objectifs transcrits dans le protocole de Kyoto ? Rien n’est moins sûr.

Un effet à la marge

Imaginons que vous êtes au volant de votre voiture, roulant sur la réserve, et que vous essayez d’économiser le plus d’énergie possible pour atteindre la prochaine station-service. Pensez-vous qu’éteindre l’autoradio fera la différence ? Éteindre l’autoradio permettra d’économiser 100W sur les 60KW du moteur, soit 0,2 %. Si l’on considère que les bâtiments neufs représentent 1 % du bâti existant, et qu’ils sont en moyenne 5 fois plus sobres en énergie que les anciens, cela fait 0,2 % d’économie. Autrement dit, un effort supplémentaire sur l’efficacité énergétique des bâtiments neufs reviendrait à éteindre l’autoradio pour économiser du carburant !

L’exemple est extrême, bien sûr. Cependant, en se concentrant sur la construction neuve, et sur les « smart cities », les efforts n’ont finalement qu’un effet « à la marge », oubliant que l’essentiel du gisement de consommation – donc d’efficacité énergétique – se situe dans le bâti ancien.

Un bâtiment ancien consomme en moyenne 240 kWh/m2, principalement pour le chauffage. Un bâtiment neuf aux normes passives consomme moins de 15. Est-il plus opportun de concentrer l’attention, et les efforts des pouvoirs publics, sur les happy few qui consomment 15 kWh/m2 ou sur la masse restante qui consomme 240 kWh/m2 voire 450 kWh/m2 ?

L’enjeu de la rénovation

La quantité d’énergie mise en jeu pour tous les bâtiments construits ces derniers siècles est telle qu’il ne serait pas raisonnable de tout détruire pour recommencer à neuf. Nous n’aurions ni le temps ni l’argent. C’est particulièrement vrai en Europe occidentale où, par tradition, les bâtiments sont essentiellement en pierre ou béton, avec une durée de vie importante, et une énergie intrinsèque parfois élevée.

Traiter l’enjeu de la rénovation du bâtiment est plus complexe que d’ajouter des contraintes ou des normes à la construction de bâtiments neufs.

D’abord parce qu’à ce jour la rénovation énergétique n’est pas très rentable. Mises à part quelques opérations comme l’isolation de vos combles ou le remplacement de vos simples vitrages par des plus performants, vos investissements ne seront pas rentabilisés avant une vingtaine d’années au moins, du fait du faible prix de l’énergie. Des incitations gouvernementales peuvent améliorer cette rentabilité mais, bien souvent, ne suffisent pas pour déclencher l’acte de rénovation.

En effet, la plupart des rénovations énergétiques sont uniquement entreprises conjointement à une extension, embellissement ou réfection d’une partie importante du bâtiment (toiture, façade…). Non seulement la question de l’énergie est rarement un déclencheur mais les solutions techniques retenues sont souvent loin d’être les plus efficaces.

L’étiquetage énergétique gagne petit à petit en efficacité et peut permettre, par l’écart entre le prix du bâtiment vert et celui du bâtiment gourmand, de valoriser le coût de la rénovation énergétique. Enfin, la troisième option consiste à imposer les réfections aux maîtres d’ouvrages, par exemple lors de la vente des bâtiments ; mais cette mesure renchérit le coût de l’immobilier.

Une approche globale

Le CEA développe de la R&D pour trouver des solutions technologiques aux problématiques de la rénovation. Mais la tâche n’est pas aisée, car la R&D, qui ne représente que 0,1 % du chiffre d’affaires pour la construction, soit un dixième par rapport au reste de l’industrie, est quasiment absente du domaine de la rénovation.

Les thématiques technologiques à traiter sont multiples. Elles concernent en premier lieu les méthodes d’isolation des bâtiments, avec l’objectif de les rendre moins intrusives, plus légères, plus robustes, plus fines et, surtout, plus rentables. C’est dans ce sens que nous travaillons depuis quelques années sur l’intégration de super-isolants (type aérogels) dans l’enveloppe des bâtiments, enduits ou panneaux isolants, parallèlement aux efforts de réduction de coûts des industriels concernés.

Nous explorons également l’industrialisation des méthodes de rénovation, en concevant et expérimentant des bouquets technologiques associant isolation de l’enveloppe et systèmes thermiques (ventilation, production de chaleur voire de rafraîchissement) pour le résidentiel ou les bâtiments tertiaires. Enfin, nous croyons beaucoup dans l’intérêt de développer des moyens numériques pour faciliter les analyses des bâtiments existants (relevés de côtes, diagnostic de performance), rendre plus fiable le choix des méthodes de rénovation et garantir la performance, une fois l’ouvrage rénové.

De manière synchrone avec ce qui est fait pour la construction neuve, sont mis en œuvre des moyens de captation et de stockage de l’énergie sur l’enveloppe même du bâtiment, avec une forte composante solaire. C’est pourquoi nous travaillons sur l’intégration plus aisée de capteurs photovoltaïques ou thermiques, voire hybrides, sur les toitures, les façades, les bardages voire les vitrages des bâtiments.

Enfin, il est important de développer une approche globale de la performance énergétique du bâtiment, incluant la qualité de l’air et le confort thermique. Notre objectif : trouver les moyens de faire en sorte que la maison de nos grands-parents, rénovée efficacement, puisse résoudre les problèmes d’énergie à venir de nos enfants.


Cet article est publié en partenariat avec le CEA dans le cadre de la nouvelle formule du magazine « Clefs : La transition énergétique », N°65. Retrouvez également un focus sur INCAS, un outil unique en France.

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