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Il y a trop peu de toilettes en Afrique et c'est un risque pour la santé publique : comment résoudre le problème

Un enfant saute au-dessus d'un ruisseau d'eau sale tandis qu'un adulte se tient à proximité.
Des eaux usées à ciel ouvert dans le plus grand bidonville du Kenya, Kibera, à Nairobi. Photo : Chiba Yasuyoshi/AFP via Getty Images

Imaginez que vous êtes à des kilomètres des toilettes les plus proches et que l'appel de la nature est urgent : une situation qui pourrait susciter une légère panique lors d'une randonnée ou d'un festival de musique. Maintenant, imaginez ce même scénario, non pas comme un désagrément ponctuel, mais comme une réalité quotidienne. C'est le cas d'environ un demi-milliard de personnes dans le monde.

Dans les pays africains, la question de la défécation à l'air libre n'est souvent pas abordée par la société et les décideurs politiques, malgré son impact négatif sur la santé, le développement économique, la dignité et l'environnement.

Dirigée par l'université Queen’s de Belfast, une équipe de chercheurs pluridisciplinaires a cherché à évaluer la prévalence de cette pratique dans les pays africains et les facteurs sociaux qui la favorisent. Nous avons également cherché à déterminer quelles communautés avaient le plus besoin d'interventions d'urgence.

Nous avons utilisé des enquêtes démographiques et sanitaires, ainsi que des données de la Banque mondiale. Dans un récent article, nous avons présenté nos conclusions.

Nos principales conclusions indiquent qu'au Nigéria, en Éthiopie, au Niger, en République démocratique du Congo, au Burkina Faso et au Tchad, un grand nombre de personnes pratiquent la défécation à l'air libre.

Nous avons constaté que dix pays seulement pourraient représenter 247 millions d'Africains déféquant à l'air libre d'ici à 2030 si des mesures importantes et urgentes ne sont pas prises.

Le manque d'accès à des installations sanitaires adéquates est le principal facteur à l'origine de ce phénomène. Les personnes les plus pauvres, en particulier dans les zones rurales, sont plus susceptibles de recourir à la défécation en plein air que les habitants des zones urbaines. Dans les régions où les besoins sont les plus criants, les plus pauvres sont 43 fois plus susceptibles que les riches de recourir à des toilettes en plein air.

Nous recommandons de lutter contre la pauvreté et d'intervenir dans les régions et les communautés qui ont un besoin urgent d'infrastructures et de programmes d'assainissement améliorés. L'Afrique de l'Ouest doit faire l'objet d'une attention particulière, car nombre de ses communautés se trouvent dans la catégorie critique.

Une approche systématique

L'assainissement a des répercussions considérables sur la sécurité alimentaire. Les sources d'eau contaminées et les conditions insalubres peuvent propager des maladies d'origine hydrique, qui peuvent contaminer les aliments et mettre en danger des millions de personnes. La lutte contre la défécation à l'air libre est une étape pour garantir la sécurité et l'hygiène de la chaîne alimentaire.

Le lien entre l'insalubrité et la santé est bien documenté. Mais notre étude jette une lumière nouvelle et alarmante sur ce lien : le rôle probable de la défécation en plein air dans la résistance aux antimicrobiens.

La résistance aux antimicrobiens est la capacité des microbes, tels que les bactéries, les virus et les champignons, à résister aux effets des médicaments qui étaient autrefois utilisés efficacement contre eux. Il s'agit d'une crise imminente qui menace de rendre les antibiotiques inefficaces. Des infections courantes pourraient à nouveau devenir mortelles.

Nos recherches suggèrent un lien probable entre la défécation en plein air et la résistance aux antimicrobiens. Lorsque les gens défèquent en plein air, les bactéries résistantes des déchets humains peuvent contaminer l'eau et les aliments. Cela conduit souvent à des maladies fécales-orales et à des infections des voies urinaires.


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Cependant, des recherches supplémentaires sont nécessaires pour clarifier cette relation, ses implications et sa prévention. Une recommandation claire de notre recherche est que les données sur la résistance aux antimicrobiens soient intégrées dans les enquêtes de santé.

Bien que l'étendue des résultats de l'étude soit considérable, ses conclusions sont claires : la défécation à l'air libre est un problème en Afrique qui nécessite des actions. Notre étude ne se contente pas de tirer la sonnette d'alarme ; elle fournit un plan d'action pour le changement, en identifiant les régions spécifiques où cette pratique est la plus répandue et où les interventions pourraient avoir le plus d'impact.

Ce qu'il faut faire

S'attaquer à la défécation à l'air libre sur un continent aussi vaste et diversifié que l'Afrique n'est pas une mince affaire. Nous avons formulé un certain nombre de recommandations dans l'étude.

Un système pragmatique de priorité à trois niveaux

Ce système permettra de classer les régions en fonction de l'urgence de l'intervention : critique, élevée et moyenne. Les régions considérées comme critiques sont celles où la défécation à l'air libre est la plus répandue (plus de 80 % de la population) et où l'accès aux installations sanitaires est le plus limité. Ces régions nécessitent une attention immédiate avec le déploiement de ressources et d'infrastructures d'assainissement. Les régions hautement prioritaires bénéficient d'un certain accès à l'assainissement. Dans ces régions, la stratégie consiste à combiner le développement des infrastructures et l'éducation des communautés. Pour les régions à priorité moyenne (40%-59 %), où des infrastructures d'assainissement peuvent exister, l'accent doit être mis sur les pratiques durables, le changement de comportement et l'entretien des installations existantes.

Le système ci-dessus ne vise qu'à réduire les taux élevés et les inégalités entre les communautés d'un pays. Il y a également beaucoup à faire dans les communautés où le taux de défécation à l'air libre est inférieur à 40 %. L'objectif est de renforcer les comportements positifs et de veiller à ce que les installations soient entretenues et améliorées.

Un soutien politique, tel que des incitations à la construction de toilettes privées ou de blocs d'assainissement communautaires, peut également s'avérer utile. Cette stratégie à plusieurs niveaux repose sur une évaluation continue et une réaffectation des ressources. Les interventions doivent s'adapter à l'évolution du paysage au fur et à mesure que les régions s'améliorent ou se dégradent.

**Soutien aux aux projets et politiques d'assainissement

La sensibilisation est importante pour accroître la prise de conscience et les dons aux organisations qui construisent des toilettes et fournissent des programmes d'assainissement dans les zones touchées.

Éducation et sensibilisation

Il faut encourager l'apprentissage des facteurs culturels et socio-économiques qui contribuent à cette pratique et partager ces connaissances avec d'autres. Les campagnes qui mettent l'accent sur l'importance de l'assainissement pour la santé et l'environnement sont essentielles.

**Encourager les pratiques d'assainissement durables

Il s'agit notamment d'utiliser correctement les toilettes, de ne pas jeter de détritus et de comprendre les défis locaux. Il faut encourager l'utilisation de toilettes compostables et d'autres pratiques de gestion durable des déchets lorsque les toilettes traditionnelles ne sont pas possibles.

Favoriser les partenariats mondiaux pour l'assainissement

Les partenariats mondiaux peuvent amplifier les efforts visant à mettre fin à la défécation en plein air. Les collaborations entre les gouvernements, les ONG, les acteurs du secteur privé et les organisations internationales doivent être encouragées. La mise en commun des ressources et le partage des connaissances peuvent déboucher sur des solutions plus efficaces et durables.

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