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Ils ont planté un arbre : et après ?

Les présidents français et américain, accompagnés de leurs épouses, plantent ensemble un jeune chêne, cadeau de la France, dans les jardins de la Maison Blanche , le 23 avril 2018. Jim Watson/AFP

Un an après la sortie spectaculaire de l’Accord de Paris par les États-Unis, Emmanuel Macron actuellement à Washington et invité d’honneur de Donald Trump n’abordera pas la question de l’environnement, pourtant l’un des dossiers les plus épineux discutés entre nos deux pays.

On en restera donc à ce jeune chêne qui a été planté dans les jardins de la Maison Blanche, suscitant quelques perles sur Twitter, à quelques mètres à peine de l’endroit précis où Donald Trump a fait son annonce de retrait de l’Accord de Paris.

C’est une mauvaise surprise pour celles et ceux qui avaient pensé que le président français allait se dresser sur la route de l’Américain et défendre l’esprit de la COP21 avec force, et peut-être avec rage, comme sa réaction d’inspiration gaulliste du 1ᵉʳ juin 2017 avait pu le faire penser.

On y a pourtant cru

On a pourtant cru aussi, à ce moment là, en juin, que la résistance pourrait s’organiser, que ce soit par une action concertée des villes ou des États américains regroupés sous le label « We’re still in », qui devait prestement contrer la décision de l’exécutif fédéral.

Pour les y aider, il fallait toutefois que le reste de la planète se montre plus actif encore, dans la droite ligne de l’espoir suscité lors de la COP21, à Paris, en décembre 2015.

Les plus optimistes ont alors encensé Emmanuel Macron qui, emporté par l’émotion du moment, s’était adressé aux Américains et au monde avec un message enregistré en anglais et dans lequel il détournait le célèbre slogan de la campagne américaine de 2016 pour lancer un nouveau cri de ralliement planétaire : « Rendons la grandeur à notre Terre ».

« Make our planet great again », l’adresse d’Emmanuel Macron en juin 2017.

Oui, on y a cru. Trop peut-être, parce que cette certitude a sans doute fait baisser la garde. Et, en matière d’environnement, les plus engagés savent bien qu’il ne faut plus perdre un instant et ne plus relâcher les efforts.

Six mois plus tard, à peine, au « One Planet Summit », organisé le 12 décembre à Paris, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a pourtant déploré « qu’il n’y a pas de planète B », et le président Macron est revenu à plus d’objectivité en constatant « qu’on est en train de perdre la bataille »..

Il ne faisait que répéter là un argument largement utilisé au cours de la Cop23, à Bonn, à peine un mois plus tôt.

Certes, le directeur de la Banque Mondiale Jim Yong Kim, avait alors été ovationné pour la décision de son institution de cesser le financement de l’exploration de pétrole et de gaz à partir de 2019. Mais personne n’était dupe : sans le soutien et l’effort des États-Unis, seconds plus gros émetteurs de CO₂ au monde (juste derrière la Chine) cette cause ne peut aboutir de façon efficace.

Des villes qui agissent

Mais qu’est-il donc advenu de toutes ces villes, comme San Francisco, Los Angeles, New York, Austin, Pittsburgh, Saint Louis, qui affirmaient haut et fort que rien ne changerait grâce à leur union et à leur volonté forte ? C’est le maire de Pittsburgh, Bill Peduto, qui avait réagi le premier, après avoir entendu le nom de sa ville dans la bouche de Donald Trump.

Bille Peduto, le maire de Pittsburgh qui défiait Trump (17 avril 2017).

Il était aussitôt rejoint par des dizaines d’autres, et quelques États, aussi. On avait alors vanté les initiatives locales déjà existantes : panneaux solaires, recyclage, tri des déchets, alimentation en circuit court…


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Le Texas et la Californie, les deux États les plus pollueurs sont au premier rang de ces bons élèves et agissent activement, nous avait-on alors expliqué.

En route pour Hollywood ! Entrée sud de la ville Los Angeles (Californie) dans un brouillard de particules, 2007. SreeBot/Wikimedia, CC BY-ND

Au final, tout cela s’est surtout révélé être une affaire de politique intérieure, avec une alliance des quelques gouverneurs démocrates de New York, de l’État de Washington, et de Californie, qui représentent certes un cinquième de la population américaine mais qui, dans leur « alliance pour le climat », ne peuvent pas rivaliser avec l’absence de l’autorité fédérale et de ses moyens colossaux.

Un vœu pieu

« We’re still in », le slogan de la campagne de ces maires est vite devenu un vœu pieu. Il a surtout permis de mettre en avant certaines personnalités politiques.

Le gouverneur de l’État de Californie, Jerry Brown s’est ainsi fait connaître avec plusieurs résolutions à appliquer d’ici 2030. Quittant sa fonction l’an prochain, rien n’indique que son successeur marchera dans ses pas.

À New York l’actuel gouverneur de l’état, Andrew Cuomo, fait désormais campagne contre le plastique. De son côté, l’ex-maire de la mégalopole, Michael Bloomberg, vient de promettre via sa fondation – 4,5 millions d’euros pour palier ce que l’État fédéral ne veut plus donner pour la lutte contre le réchauffement climatique.

En réalité c’est près d’un milliard de dollars qu’il faudrait trouver tous les ans, pour abonder au Fonds vert pour le climat, mécanisme financier de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, sans lequel les pays en voie de développement ne pourront pas supporter les exigences de la COP21.

Une action peu fédératrice

Un an plus tard, le bilan est maigre : le mouvement des maires n’a pas fédéré d’autre États. Pire, beaucoup, même parmi ceux dirigés par un gouvernement démocrate comme le Colorado, le Delaware, l’Illinois ou la Louisiane, le Minnesota, le Montana ou la Pennsylvanie ont souhaité rester en dehors de l’initiative, jugeant le débat trop politisé et préférant laisser l’initiative à quelques grandes villes dans leurs territoires. Emmanuel Macron récompensera symboliquement l’une d’entre elles, durant ce voyage d’état, en faisant remettre la Légion d’honneur à Mitch Landrieu,maire de La Nouvelle-Orléans, justement en raison de son engagement en faveur du climat, tout en profitant des cérémonies du tricentenaire de la ville.

À l’inverse les États républicains, et ce sont les plus nombreux, ont suivi la position de Trump.

Des manifestants protestent contre la reprise du forage du Dakota Access Pipeline dans l’État Dakota, un espace protégé par des accords avec les communautés amérindiennes locales. Fibonacci Blue/Flickr, CC BY

Les forages ont ainsi repris, même sur des terres protégées. Il y a deux mois, ils étaient autorisés dans le Pacifique, au large des côtes de Californie et, la semaine dernière, ils ont repris en Alaska.

Les réserves de pétrole sont estimées à 50 000 milliards de dollars en valeur, et le président attend de ces forages qu’ils créent des emplois et apportent la prospérité à des millions d’Américains. Une promesse de campagne.

Le charbon quant à lui représente l’or noir de Donald Trump, celui à partir duquel il reformule le Rêve américain, qui se conjugue avec un retour dans le passé.

Et, pour Trump, un futur fait d’alliances avec des États clefs qui concentrent presque 70 % de la production de charbon sur le territoire : le Wyoming, la Virginie Occidentale, le Kentucky, l’Ohio et la Pennsylvanie.

Carrière de charbon, à Gillette, Campbell County, Wyoming, 2008. PDTillman/Wikimedia, CC BY

On avait été prévenu

Tout au long de sa campagne, Donald Trump n’avait pourtant laissé aucun doute sur ses intentions. Dès juin, sans surprise il avait répliqué à Macron : « J’ai été élu pour représenter les habitants de Pittsburgh, pas de Paris ». Et depuis, le président américain n’a eu cesse poursuivre la destruction, une à une des lois et des réglementations permettant la protection de l’environnement et la lutte contre le réchauffement climatique.

Le sujet est sensible auprès de l’électorat. Les États républicains y voient une guerre déclarée au charbon et aux énergies fossiles. Leurs élus l’ont donc massivement soutenu au Congrès, où siègent 180 élus ouvertement climato-sceptiques dont les campagnes sont largement financées par le lobby énergétique.

Toutefois, fidèle à sa rhétorique, Donald Trump déclare régulièrement qu’il est « ouvert » à la question énergétique.

Le répétera-t-il à nouveau auprès de Macron ?

Peu d’illusions

La nomination à l’Environment Protection Agency (EPA) (l’équivalent de notre ministère de l’Environnement) de Scott Pruitt, un homme qui a mené pendant des années bataille contre cette même agence, multipliant les procès pour contester les régulations sur les émissions de carbone, n’est pas fait pour donner confiance.

Car le Clean Power Plan, proposé par l’EPA en juin 2014 et qui est la clé de voûte des années Obama, s’est aussitôt retrouvé dans son viseur, principalement parce qu’il prévoyait de faire passer de 39 % en 2014 à 27 % en 2030 la part du charbon dans la génération d’électricité.

Quelles sont alors les pistes possibles ? L’Accord de Paris n’est certes pas encore enterré et certains veulent toujours croire à un possible retour de Donald Trump. Le 22 mars, à l’occasion de la journée de la Terre, il se déclarait favorable à la protection de l’environnement mais privilégiait toujours la fin des régulations dans le secteur de l’environnement et de l’énergie, en se déclarant persuadé que cela bénéficierait au final à la planète.

Autrement dit, le retour de Donald Trump dans l’accord de Paris ne sera pas pour demain. Mais, pour autant, Emmanuel Macron a raison de persévérer dans le maintien du dialogue et même de nouer des liens de plus en plus étroits en espérant que cela pourra faire changer Donald Trump, un jour.

En attendant, il plante un arbrisseau dans les jardins de la Maison Blanche. En espérant que ce jeune feuillu survive et tienne bon face au tempérament imprévisible du locataire des lieux.

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