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La Banque Mondiale confrontée à ses problèmes de gouvernance

L'immeuble de la Banque Mondiale à Washington. Daniel Afanador/Flickr, CC BY

En tant que source d’aide financière et technique aux pays en voie de développement à travers le monde, la Banque mondiale devrait fournir un bon exemple de gestion transparente, inclusive, et responsable. Pourtant, la banque ne respecte pas pour elle-même les principes de bonne gouvernance qu’elle prône.

Si la Banque mondiale veut rester pertinente dans un monde en pleine transformation, elle doit donc d’abord reconstruire ses propres processus. Si elle ne le fait pas, elle risque de devenir obsolète face à des organismes internationaux similaires tel que l’Asian Infrastructure Investment Bank, par exemple.

Une question de transparence

Un exemple frappant concerne la nomination de son président. Le président actuel de la Banque mondiale, Jim Kim, a récemment été nommé pour un second mandat au terme d’un processus qui est en grande partie dépourvu de transparence.

Le processus de sélection a été perturbé par du lobbying interne de la part du président et d’autres partis prenantes ayant intérêt à défendre sa candidature, pendant des visites personnelles à des pays comme la Chine et l’ Inde, puis dans les forums multilatéraux tels que la réunion du G7 au Japon en mai. Il faut noter que le président a le pouvoir de tisser des accords et faire des promesses contingentes liées à sa nomination.

Normalement, le processus dure plusieurs mois pour que des pays puissent proposer d’autres candidats, mais, cette fois-ci, il a été réduit à quelques semaines. Cela a rendu impossible pour d’autres pays d’avancer les noms d’autres candidats qualifiés.

Une question de management

Quelle serait la plus grande conséquence pour la Banque mondiale lorsqu’elle refuse d’appliquer son propre remède ? L’effet le plus grave est peut-être l’insatisfaction au sein de l’organisation.

L’Association du personnel de la Banque mondiale a ouvertement exprimé sa déception dans une lettre publiée dans le Wall Street Journal où l’on peut lire notamment :

« Nous prêchons les principes de bonne gouvernance, la transparence, la diversité, la concurrence internationale, et la sélection fondée sur le mérite. Malheureusement, aucun de ces principes ne sont appliqués à la nomination des présidents du Groupe de la Banque mondiale. »

Le mécontentement parmi le management et le personnel est monnaie courante. En quatre ans, le bureau du président a eu cinq chefs du personnel différents.

Plusieurs chefs de département ont déjà renoncé à leur poste. Selon une enquête, la majorité du personnel de la Banque mondiale hésite à s’exprimer par crainte d’être identifié comme des lanceurs d’alerte (whistleblower). Seul un tiers des employés de la banque croient que la haute direction a créé « une culture de transparence et de confiance ».

Un problème ancien

Le problème de la gouvernance de la Banque mondiale est une préoccupation ancienne. Depuis au moins les trois dernières décennies les experts extérieurs, y compris des universitaires, ont demandé des reformes dans le processus de sélection des dirigeants de la banque, ses règles constitutionnelles, et ses procédures.

Au début des années 1990, la Banque mondiale est devenue un ardent défenseur de normes élevées de « légitimité », « représentation » et de « responsabilité » pour les pays qui ont cherché à emprunter à la banque. Ces normes ont reçu le titre collectif de « bonne gouvernance ».

Pourtant, la Banque mondiale n’a pas montré de bonne gouvernance dans ses propres pratiques. Le problème réside dans plusieurs types de doubles standards.

En règle générale, la Banque mondiale pense que la méthode « participative » est d’informer les parties prenantes de ce qu’ils font, plutôt que de prendre en compte les opinions et intérêts de ses homologues. Par exemple, la banque indique à ses homologues qui devrait être président, plutôt que de suivre un processus de sélection transparent où les parties prenantes ont leur mot à dire.

Cela s’étend aussi à d’autres aspects de la banque, comme dans les priorités de recherche qu’elle mène. Ceci doit refléter les diverses parties prenantes de la banque, mais souvent ce n’est pas le cas.

Par exemple, pendant la présidence de Ronald Reagan, lorsque l’ordre du jour était le néolibéralisme, la Banque mondiale désavantageait la recherche sur l’allégement de la dette, car elle était vue comme une approche de gauche.

Le risque de devenir obsolète

Prenons l’Organisation des Nations Unies, un organisme multinational similaire également âgé de 70 ans. Il a connu beaucoup plus de réformes, ce qui explique pourquoi les candidats de l’ONU sont élus de façon plus transparente sur une période plus longue. Bien qu’il n’ait pas un processus totalement transparent, au moins des candidats des Nations Unies sont en mesure de présenter un dossier solide pour leur candidature et de concevoir des plans plus approfondis, tout en rendant ces plans plus évidents à tous les intervenants.

À plus long terme, pour la Banque mondiale, la question de l’exercice de la bonne gouvernance fait partie de la nécessité de rester pertinent. La Banque mondiale opère dans un monde très différent de celui qui prévalait au moment où elle a été créée. À l’époque, dans l’immédiat après-guerre, les pays alliés ont reçu des actions avec droit de vote en fonction de leurs avoirs en or et en dollars.

Si les pays importants considèrent la Banque mondiale comme une relique d’une époque révolue, ils trouveront d’autres mécanismes pour mener à bien des engagements multilatéraux. Cela se produit déjà par le biais de puissantes nouvelles institutions telles que l’ Asian Infrastructure Investment Bank, qui a commencé à approuver les prêts en collaboration avec d’autres banques pour des projets dans des pays tels que le Pakistan.

La Banque mondiale avait promis d’améliorer la transparence avant 2011 mais les changements n’ont pas été fait.

L’Association du personnel de la Banque mondiale recommande ce qui suit :

« Un appel international pour les candidats, les femmes et les hommes, avec des critères de qualification clairs, suivis par des nominations et un processus de longue liste gérée par un comité de recherche crédible, ainsi qu’un processus d’entrevue et de sélection transparent ».

Grâce à ces changements, les experts en gouvernance pourraient enfin commencer à résoudre leur propre problème de gouvernance.

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