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La double licence, l’autre aventure universitaire

La double licence, nouveau diplôme avec nouveaux objectifs. Frederick Florin/AFP

L’augmentation et le développement récent des formations post-baccalauréats, dont certaines sont parfois associées à tort aux grandes écoles, ont induit une profonde diversification de l’offre universitaire ces dernières décennies.

Les universités se veulent de plus en plus compétitives et pour cela n’hésitent plus à proposer des formations qu’elles qualifient elles-mêmes « d’excellence ».

Une question d’époque diront certains, chaque décennie apportant une nouvelle formation « d’excellence » au carcan universitaire.

Les années 80 ont connu l’émergence des magistères1 et des DESS2, les années 90 des formations professionnelles sélectives telles les IUP3 et leur titre d’ingénieur-maître, alors que les années 2000 sont marquées par la mutualisation des maîtrises et DESS/DEA4 en Master professionnel/recherche sans oublier la multiplication de formations complémentaires incarnées par les DU5.

Un nouveau venu

Il serait malvenu de ne pas voir dans un grand nombre de ces formations « d’excellence » un réel succès. Certains masters et autres magistères sont aujourd’hui reconnus sur le marché du travail aussi bien pour la qualité de l’enseignement dispensé que la forte sélection à l’entrée, et par la même sont de réelles réussites universitaires.

Dans la multitude des formations disponibles, un nouveau venu est apparu ces dernières années, la double licence ou double cursus. L’Université Pierre-et-Marie-Curie en propose déjà dix. À l’université, il est donc désormais possible de mener à bien une licence de sciences sociales et une licence de sciences exactes, à l’aide d’un emploi du temps aménagé et d’une équipe pédagogique dévouée.

Les résultats sont pour le moment éloquents, bien que l’observation soit encore de rigueur. Les taux d’échec sont faibles à modérés, selon la formation, et la poursuite d’études est parfois des plus prestigieuses, allant d’un master sélectif à – plus rarement – l’entrée dans une grande école.

Contre-courant

Ce développement récent des doubles cursus est à contre-courant d’un mouvement qui veut que les enseignements et l’organisation générale d’un diplôme se soucient en priorité de la bonne intégration des étudiants dans le monde professionnel.

Contrairement à une idée reçue, l’enseignement universitaire n’a pas vocation à former en primauté des cadres à salaire élevé. Bien loin de là, sa mission est la diffusion de la connaissance pour créer une dynamique intellectuelle, susciter une réflexion inattendue à même de participer au quotidien de la société, voire de le bouleverser.

Si une politique active en vue d’une bonne insertion sur le marché du travail ne doit pas être négligée pour autant, celle-ci ne saurait être mise en avant d’ici la fin du cursus universitaire, soit la cinquième année, au risque non seulement de dénaturer la formation mais aussi d’en faire chuter la qualité.

Certes, les étudiants qui ont suivi des cours plus à même de les préparer à être opérationnels peuvent apparaître plus attractifs pour une entreprise ou une institution. Mais il s’agit là d’une vision à court terme où l’employeur n’est pas le seul perdant. Toute la société se prive d’un capital humain, bien plus difficile à assimiler une fois plongé dans l’émoi de la vie active.

Développer le capital humain

La double licence renoue avec la mission première de l’enseignement supérieur, développer le capital humain et susciter l’émulsion intellectuelle. À moyen terme, si leur développement se poursuit, on peut imaginer ces cursus concurrencer les classes préparatoires aux grandes écoles.

Toutes les grandes écoles possèdent des filières d’admissions parallèles à partir de la troisième année de licence, voie d’accès encore trop méconnue des étudiants. Un étudiant de double cursus est d’autant mieux préparé à relever ce type de challenge.

L’université change, se diversifie, elle n’a de cesse de se métamorphoser. Cela doit nous rendre d’autant plus attentifs aux ajustements de l’enseignement supérieur qui s’avèrent parfois être des régressions, éloignant l’université de son rôle prépondérant dont l’utilité et la pratique sont rarement quantifiables dans l’immédiat de notre société.

Chaque double licence est une aventure en soi, fondée sur l’essence de l’enseignement supérieur et dont l’exigence est en opposition avec la course à la professionnalisation des formations universitaires.

(1) Le magistère, créé en 1985, n’est pas un diplôme national mais un diplôme universitaire. Il est donc délivré par une université et non pas par le ministère de l’Education supérieur et de la Recherche.
(2) Diplôme d’études supérieures spécialisées. Les DESS sont apparus en 1974 mais se sont popularisés à partir des années 80.
(3) Instituts universitaires professionnalisés, créés en 1992.
(4) Diplôme d’études approfondis.
(5) Diplômes universitaires.

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