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L’adolescent, cible de choix pour les vendeurs de cosmétiques

Svenska Cellulosa Aktiebolaget/Flickr, CC BY

Peaux à problèmes, peaux jeunes, peaux à imperfections, peaux à tendance acnéique… Les appellations sont nombreuses pour désigner la peau de l’adolescent, qui, à partir d’un certain âge, se met à bourgeonner joyeusement. Un seul mot est tabou : acné. Ce mot ne devra pas être prononcé puisqu’il s’agit d’une pathologie et que l’on sait bien qu’un cosmétique n’est pas un médicament et qu’il ne peut donc, en aucun cas, prétendre prévenir ou guérir une pathologie quelle qu’elle soit.

Du côté des services marketing, il convient donc d’être imaginatif afin de suggérer la notion d’acné sans toutefois dépasser les limites autorisées. Les attentions cosmétiques dont on entoure, de nos jours, les adolescents sont relativement récentes dans le domaine cosmétique. Le mot « spot » a fait récemment son apparition sur les emballages. Désormais, on ne fait plus la guerre aux boutons mais la chasse aux « spots ». Un certain nombre de sociétés ont basé ou basent toujours leur marketing sur ce consommateur en puissance qu’est l’adolescent.

Cela n’a toujours pas été ainsi. Au tout début de l’industrialisation des cosmétiques, l’adolescent est un être totalement ignoré. La cible des publicités est clairement identifiée. Il s’agit principalement de la femme, voire de la mère de famille. À cette cible marketing on propose des cosmétiques anti-âge, des crèmes amincissantes (la marque Ixennol continue même à traquer les rondeurs pendant la Seconde Guerre mondiale, alors que le régime en vigueur n’est guère propice aux épanchements adipocytaires !), des teintures capillaires (Eugène Schueller leur propose même des teintures inoffensives, ce qui paraît de nos jours des plus légitimes), des rouges à lèvres incandescents (le rouge à lèvres Rouge baiser et ses qualités de tenue est magnifié par les superbes publicités de René Gruau), des mascaras très pratiques dans leur conditionnement moderne (le cake humidifié à l’aide de salive n’a rien de très glamour, microbiologiquement parlant…), des produits d’hygiène… Les talcs, savons et crèmes pour le siège s’adressent à la maman qui rêve d’un beau bébé, au visage et aux fesses uniformément roses. Pour les hommes, c’est le savon à barbe qui est mis en avant, un point c’est tout.

La peau jeune, terrain d’expérimentation

Helena Rubinstein (1870-1965). George Grantham Bain Collection (Library of Congress)

Helena Rubinstein, en formidable touche à tout, est, sans doute, l’une des premières à s’être penchée sur cette peau en pleine ébullition. Se targuant d’une connaissance pointue de la dermatologie, Helena Rubinstein fait de la peau jeune un terrain d’expérimentation à sa mesure. Sa nièce Mala en rendit plus tard témoignage. Lycéenne complexée par l’apparition sur son visage des signes caractéristiques de l’acné, Mala profitera des bons conseils de sa tante Helena pour faire peau neuve.

La jeune fille témoigne, dans son ouvrage Le livre de la beauté, publié en 1972 :

« Pour moi, tout s’arrangea pour le mieux : ma tante Helena Rubinstein, ayant travaillé avec de nombreux dermatologues européens, était déjà connue pour ses produits pour “peaux à problème”, qui, d’ailleurs, allaient bientôt se retrouver dans le commerce. Elle vint en Pologne au moment où ma peau était on ne peut plus abîmée. A peine arrivée, elle me fit une ordonnance de ses nouveaux produits (Helena Rubinstein ou le complexe du dermatologue), et me les fit venir de Paris (Helena Rubinstein ou les prémices du made in France). À ma grande joie, et malgré mon scepticisme de départ (on n’est jamais prophète en son pays même lorsque l’on s’appelle Helena Rubinstein !), je pus constater, que, progressivement, l’état de ma peau s’améliorait ».

Helena Rubinstein établit un diagnostic, rédige des ordonnances. La fibre médicale qui sommeille en elle se réveille. Elle adopte les attitudes des dermatologues qu’elle aime à côtoyer. Etonnante Helena qui sauve la peau (au sens propre) de sa jeune nièce avant d’en faire l’une des pièces maîtresses de son empire cosmétique. Mala racontera :

« Je débutais “au bas de l’échelle” dans la société Helena Rubinstein – me familiarisant avec toutes les facettes du métier. Je travaillais au Salon, au bureau, au laboratoire, dans les magasins, dix à douze heures par jour et des week-ends entiers. Il me fallut sacrifier beaucoup sur le plan personnel. On me proposait souvent un travail que d’autres auraient refusé ; ma tante savait que je ne dirais pas non. Etre de la famille se payait cher – mais j’appris des choses qui n’avaient pas de prix ».

Comme quoi, l’on ne sait jamais vraiment jusqu’où peut entraîner un conseil cosmétique !

La belle histoire d’une ado mal dans sa peau

Avant d’être à la tête d’un empire cosmétique, femme de radio et business woman aux États-Unis, Paula Begoun a été une jeune fille pleine de boutons. Donner à voir la photographie qui orne son siteà une adolescente manquant d’estime de soi constituerait certainement une excellente thérapie ! Paula Begoun situe le début de sa vocation durant sa prime jeunesse. Voyant que rien de ce qu’elle utilise contre les boutons « ne fonctionne », la jeune fille se dit qu’il faudra un jour créer des produits efficaces pour ce public jeune en attente de résultats concrets. Les rêves de l’adolescente se concrétiseront plus tard. Paula Begoun publie des livres, crée une gamme de cosmétiques, lance des modes (dont celle toujours tenace des produits de soin ou de maquillage affichant un SPF)… Bref, l’adolescente complexée a fait place à une femme d’affaires hors pair.

Les histoires racontées sont touchantes et font mouche à tout coup, parlant encore et toujours à l’adolescent qui sommeille en chacun de nous. Si cet âge de la vie n’est pas la période la plus propice pour un état cutané serein, on lui doit, toutefois, quelques belles carrières et histoires cosmétiques. Alors vivent les produits pour peau à problèmes qui aident nos adolescents à affronter le regard d’autrui plus vaillamment !

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