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L’Afrique et la Cour pénale internationale : chronique d’un divorce annoncé

L'ancien vice-président du Congo démocratique, Jean-Pierre Bemba, jugé et condamné par la CPI en mars 2016. Jerry Lampen/AFP

L’Afrique du Sud s’est retirée du Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) le 20 octobre 2016, le Burundi le 27 octobre, la Gambie a annoncé son intention de faire de même. D’autres États pourraient rapidement leur emboîter le pas. Ce phénomène, que certains assimilent à un Brexit africain, ou « Afrexit », est sans précédent dans l’histoire de la justice pénale internationale. Comment l’expliquer ? Et faut-il craindre un effet domino ?

La CPI, qui est la première et la seule juridiction permanente et universelle, est la pièce maîtresse de la justice pénale internationale. Établie en 1998 par le Statut de Rome (entré en vigueur en 2002), elle a pour mandat de poursuivre les personnes accusées des crimes internationaux les plus graves : génocide, crimes contre l’humanité, crimes de guerre. Bien que la majorité des États dans le monde soient parties au Statut de Rome (124, soit 64 %), certains des plus puissants et des plus peuplés ne le sont pas – y compris trois membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (Chine, États-Unis, Russie) – et seule une minorité de la population mondiale tombe sous sa juridiction.

Il y a trois manières de saisir la Cour : par un État partie, par le Procureur lui-même (proprio motu) ou par le Conseil de sécurité de l’ONU. Les deux premières ne sont applicables que si l’État où l’acte a eu lieu, ou dont le suspect est un ressortissant, est partie au Statut de Rome ou a accepté la compétence de la Cour. En revanche, le Conseil de sécurité peut étendre cette compétence et obliger même les États non parties à coopérer avec la Cour.

Le Bureau du Procureur enquête actuellement sur dix situations : en Ouganda (depuis 2004), en République démocratique du Congo (RDC, depuis 2004), dans le Darfour/Soudan (depuis 2005), en République centrafricaine (RCA, depuis 2007), au Kenya (depuis 2010), en Libye (depuis 2011), en Côte d’Ivoire (depuis 2011), au Mali (depuis 2013), une autre situation en RCA (depuis 2014) et, plus récemment, en Géorgie (depuis 2016).

Jusqu’au 27 janvier 2016, toutes les affaires étaient donc africaines – ce qui suscite depuis plusieurs années des accusations de « deux poids, deux mesures », de néocolonialisme, de justice de « Blancs », etc. Elles ont finalement conduit la CPI à la plus grave crise diplomatique de sa jeune histoire.

La fronde anti-CPI (2009-2016)

La fronde de certains États africains n’est pas nouvelle : elle a commencé lorsque la Cour a émis deux mandats d’arrêt contre le président soudanais Omar el-Béchir, accusé d’avoir commis des crimes de guerre et crimes contre l’humanité (2009), et un génocide (2010), au Darfour. Le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Jean Ping, estimait alors que « la justice internationale ne semble appliquer les règles de la lutte contre l’impunité qu’en Afrique comme si rien ne se passait ailleurs, en Irak, à Gaza, en Colombie ou dans le Caucase » – une opinion exprimée dans la même journée par le président sénégalais de l’époque, Abdoulaye Wade, qui regrettait que la CPI ne poursuive « que des Africains ». Kadhafi – président de l’UA depuis début 2009 – décrivait quant à lui la Cour comme « une nouvelle forme de terrorisme mondial ». Mêmes réactions outrées après l’émission des mandats d’arrêt contre Kadhafi et Gbagbo en 2011.

Le président Uhuru Kenyatta, lors d’une audience devant la CPI, en octobre 2014. Day Donaldson/Flickr, CC BY

La fronde s’accélère lorsqu’en 2012 la CPI s’intéresse aux Kenyans Uhuru Kenyatta et William Ruto, dont on peut d’ailleurs penser qu’ils ont gagné les élections non pas en dépit des poursuites engagées contre eux, mais grâce à elles. Devenus respectivement président et vice-président du Kenya, ils vont organiser le mouvement anti-CPI, avec le soutien de l’Éthiopie, de l’Ouganda et du Rwanda notamment. Le premier ministre éthiopien et président en exercice de l’UA accuse, par exemple, la Cour de mener « une sorte de chasse raciale en ne poursuivant que des Africains. »

Ces États tentent en vain d’obtenir un « retrait collectif » du Statut de Rome lors d’un sommet extraordinaire de l’UA en octobre 2013. Mais les Africains sont divisés sur la question : la CPI a aussi ses défenseurs, notamment le Sénégal et le Botswana, qui font campagne contre les frondeurs. Tous les critiques de la Cour ne souhaitent pas pour autant s’en retirer, et certains sont insensibles à ce qu’ils perçoivent comme un activisme kenyan qui voudrait « continentaliser » un problème national et influencer une décision qui relève de la souveraineté de chaque État. Le retrait ne peut pas être « collectif » car il reste une décision nationale.

Cela n’empêche pas l’UA et certains États d’agiter cette menace comme un chiffon rouge les années suivantes. La majorité des pays africains restent silencieux, entre le marteau de l’UA et l’enclume de la CPI, pour des raisons que les psychologues sociaux ayant analysé les phénomènes de « majorité silencieuse » et d’« effet du témoin » connaissent bien : la dilution de la responsabilité et la pression de se comporter d’une manière socialement – ici continentalement – acceptable.

La CPI finit par abandonner les poursuites contre Kenyatta (en décembre 2014) et contre Ruto (en avril 2016), faute de preuves et de témoins que les accusés se sont soigneusement efforcés de faire disparaître. Mais cela ne suffit pas à enrayer la fronde contre la CPI qui déborde largement le cas kenyan et finit donc par déboucher, en octobre 2016, sur le retrait de plusieurs États.

Les motivations réelles des États démissionnaires

Le principal argument des États s’étant retirés du Statut de Rome ou ayant émis la volonté de le faire est la critique postcoloniale d’une justice de « Blancs » ne visant que des Africains. J’y ai répondu ailleurs. Le prétendu afrocentrisme de la CPI :

  1. se nuance : le bureau du procureur procède aussi à des examens préliminaires en Afghanistan, en Colombie, en Palestine et en Ukraine, sur l’intervention militaire britannique en Irak, sur des navires immatriculés en Grèce et au Cambodge, et il a ouvert une enquête sur une situation en Géorgie ;

  2. s’explique par des causes objectives : le grand nombre de crimes relevant de sa compétence sur le continent africain, le grand nombre d’États africains parties au Statut de Rome, le principe de complémentarité (la CPI ne peut intervenir que si une procédure judiciaire n’est pas déjà engagée, sauf si l’Etat en question n’a pas la volonté ou la capacité de le faire) ;

  3. s’explique enfin par le fait que ce sont les États africains eux-mêmes qui ont « africanisé » la Cour en voulant l’instrumentaliser. Dans la plupart des cas, en effet, ce sont eux qui ont saisi la Cour en espérant l’utiliser pour se débarrasser de rebelles sur leur territoire. Les États africains n’ont jamais saisi la CPI que pour des situations dans leur propre pays (Ouganda, RDC, Côte d’Ivoire, Mali, RCA, Comores et Gabon).

Que la Cour ne vise que des Africains leur allait très bien – et pour cause, ce sont eux-mêmes qui la saisissaient – jusqu’à ce qu’elle s’intéresse à des dirigeants en exercice (Béchir en 2009, Kadhafi en 2011, Kenyatta en 2012), confirmant que le problème, la ligne rouge, n’est pas pour eux le fait de s’en prendre à des Africains, mais à des puissants. D’où le Protocole de Malabo qui tente d’établir une Cour pénale africaine consacrant l’immunité de toute la classe dirigeante (et qui pour cette raison n’est pas acceptable).

C’est donc une lecture politique – et non raciale – qu’il faut faire de la situation. La fronde actuelle a moins à voir avec le néocolonialisme qu’avec l’intérêt égoïste d’une poignée de dirigeants. Chacun des chefs d’États démissionnaires a des raisons particulières de quitter la CPI, qui n’ont rien à voir avec la critique postcoloniale leur servant de prétexte.

1. L’Afrique du Sud

Qu’il soit devenu le premier État à franchir le pas du retrait a surpris beaucoup d’observateurs car, jusqu’à récemment, l’Afrique du Sud était plutôt l’un des premiers soutiens de la CPI avec le Botswana, le Ghana, le Lesotho et le Sénégal. Son soutien à la Cour a contribué à forger sa réputation de pays progressiste et défenseur des droits de l’homme. Élu en 2009, Jacob Zuma a d’abord suivi cette ligne. Il a publiquement reconnu son obligation d’arrêter Béchir si celui-ci se rendait à son investiture, le dissuadant de venir. En 2013, Pretoria avait exhorté les autres pays africains à ne pas quitter le Statut de Rome.

Jacob Zuma (ici en 2013), très remonté contre la CPI. GovernmentZA/Flickr, CC BY-ND

C’est en juin 2015 que Zuma bascule : il accueille Béchir pour le 25e sommet de l’UA, s’attirant une forte critique internationale. La Haute Cour de Pretoria juge le gouvernement coupable d’avoir violé une obligation constitutionnelle (une décision qui sera confirmée par la Cour suprême le 15 mars 2016) et interdit au président soudanais de quitter le pays, mais celui-ci est déjà dans l’avion du retour. Une crise politique s’ensuit, dans laquelle l’opposition réclame la destitution de Zuma pour avoir aidé un « meurtrier de masse » à s’enfuir. Pour sa défense, Zuma invoque l’immunité des chefs d’État en exercice, contredisant sa position de 2009 puisqu’il reconnaissait à l’époque que cette immunité ne protégerait pas Béchir.

C’est pour échapper à cette contradiction et au scandale qu’il menace de se retirer du Statut de Rome. Son parti, le Congrès national africain (ANC), l’annonce dès octobre 2015. Ce n’était donc pas une surprise : il aura même fallu un an pour que le gouvernement mette sa menace à exécution. Sa volte-face s’explique en partie par le climat anti-CPI, largement encouragé par les efforts kenyans depuis 2013, et en partie par un conflit de normes (entre l’obligation d’arrêter une personne recherchée par la Cour et l’immunité des chefs d’État en exercice) et d’intérêts (entre une politique étrangère internationaliste et progressiste et l’acceptation du continent et des alliés). En outre, l'Afrique du Sud a bénéficié de l'ethos de Mandela sur la scène internationale mais la politique de Zuma s’en éloigne et a plutôt la volonté de se donner une dimension globale au sein des BRICS, où la plupart des autres États sont opposés à la CPI.

Pourquoi le 20 octobre 2016 ? Parce que, deux jours plus tôt, le Président burundais Pierre Nkurunziza avait signé une « loi concernant le retrait » du Burundi du Statut de Rome, après que l’Assemblée et le Sénat ont voté en faveur. Il ne lui restait plus qu’à notifier sa décision au Secrétaire général des Nations unies pour devenir le premier État à quitter la CPI. L’Afrique du Sud, première puissance régionale, ne pouvait pas laisser le Burundi, un petit État paria, lui ravir cette première historique. C’est donc pour défendre son statut que Zuma s’est précipité et a présenté son « instrument de retrait » au Secrétaire général des Nations unies le 20 octobre, volant la vedette au Burundais, et sautant au passage l’étape parlementaire.

Deux suspects appréhendés par les forces de sécurité dans un faubourg de Bujumbura (Burundi), en janvier 2016. Griff Tapper/AFP

Pour cette raison, sa décision est déjà contestée, par l’opposition et la société civile, au motif que l’exécutif n’aurait pas le pouvoir de se retirer unilatéralement d’un traité international, sans autorisation préalable du Parlement. Compte tenu de la majorité dont y jouit l’ANC, cela pourrait ne rien changer si Zuma décidait d’y faire valider sa décision, mais une consultation ex post sera considérée comme un passage en force, une politique du fait accompli, qui aurait un coût politique. Le président sud-africain, déjà fragilisé au sein de son parti et empêtré dans un scandale de corruption (la Fondation Nelson Mandela vient d'appeler à sa démission), réfléchira à deux fois avant de risquer son capital politique pour une mesure somme toute impopulaire.

2. Le Burundi

Ses motivations sont plus classiques. Contrairement à l’Afrique du Sud qui n’a jamais suscité l’intérêt de la CPI, le Burundi fait l’objet depuis avril 2016 d’un examen préliminaire sur les violences qui ont fait 300 000 réfugiés depuis que le Président a annoncé sa candidature à un troisième mandat (en avril 2015), violant la Constitution et l’accord d’Arusha qui avait mis fin à la guerre civile de 1993-2006. Le but de l’examen préliminaire est d’établir si une « base raisonnable » existe pour ouvrir une enquête.

C’est pour éviter ce risque que Nkurunziza préfère quitter la Cour. Il n’est toutefois pas certain que cela l’immunise puisque le retrait n’est pas suspensif : il ne permet pas aux accusés d’échapper à la justice pour les enquêtes ouvertes avant le retrait effectif, qui n’a lieu qu’un an après la notification au Secrétaire général des Nations unies. C’est pourquoi, si le Procureur, Fatou Bensouda, estime qu’elle a des raisons juridiques suffisantes de le faire, elle devrait ouvrir une enquête sur le Burundi dès que possible, dans tous les cas avant le 27 octobre 2017 – date à laquelle le retrait sera effectif.

3. La Gambie

C’est quelque part la décision la moins surprenante, tant le président Yahya Jammeh, au pouvoir depuis 22 ans et « fier » d’être dictateur, est connu pour ses fantaisies (il prétend notamment pouvoir guérir le sida) et ses volte-face. En juin 2016, il défendait encore Fatou Bensouda, son ancienne ministre de la Justice devenue procureure de la CPI : « Son job est difficile et, contrairement à ce que j’entends, la CPI ne vise pas spécialement l’Afrique. […] Que ceux qui veulent quitter la CPI s’en aillent, mais, si les pays africains étaient moins faibles et plus unis, nous pourrions peser au sein de la Cour. » Quatre mois plus tard, il dit exactement le contraire, par la voix de son ministre de l’Information Sheriff Bojang qui, le 24 octobre, accuse la CPI de « persécution envers les Africains » et annonce la volonté de s’en retirer. Ce revirement n’est pas surprenant de la part d’un régime habitué au coup d’éclat permanent.

La procureure de la CPI, la Gambienne Fatou Bensouda.

Il est même rationnel : compte tenu de son bilan calamiteux en matière de violations des droits de l’homme, Jammeh savait qu’il intéresserait tôt ou tard la CPI, et la fuite fin septembre 2016 de son ancien ministre de l’Intérieur, qui a demandé l’asile politique en Suède, est une raison supplémentaire de s’inquiéter puisqu’il pourrait livrer de nombreux secrets. En quittant le Statut de Rome, il pense d’abord se protéger de cette épée de Damoclès, en profitant du mouvement créé par le Burundi et l’Afrique du Sud. Accessoirement, c’est aussi une pique vers son voisin sénégalais, champion de la CPI (premier signataire en 1998) et dont le ministre de la Justice préside actuellement l’Assemblée des États parties.

Un effet domino limité

Il est possible que le Kenya et l’Ouganda emboîtent prochainement le pas à l’Afrique du Sud, au Burundi et à la Gambie. Les affaires Kenyatta et Ruto sont désormais closes, mais la CPI maintient trois mandats d’arrêts contre des Kenyans accusés notamment de subornation de témoins.

Quant à l’Ouganda, le président Museveni, au pouvoir depuis 30 ans, n’avait rien contre la CPI tant qu’il pouvait s’en servir contre les rebelles de la Lord’s Resistance Army (il l’a saisie en 2003). Il a changé d’avis depuis qu’elle s’intéresse aussi à des chefs d’État. L’Ouganda et le Kenya, avec le soutien de l’Éthiopie et du Rwanda notamment, étaient déjà à l’origine de la tentative de « retrait collectif » lors du Sommet de l’UA d’octobre 2013.

En dehors de ces quelques cas, dont il faut répéter qu’ils n’ont rien à voir avec le soi-disant néocolonialisme de la Cour, mais seulement avec les intérêts égoïstes d’une poignée de chefs d’État, le risque d’effet domino est en réalité limité, car tout retrait a un coût potentiel élevé. Il pourrait impliquer des mesures de rétorsion, notamment des coupures dans l’aide au développement de la part de l’UE ou des États-Unis. Par conséquent, seuls les États y voyant un gain substantiel s’y risqueront.

L’hémorragie actuelle ne menace pas la Cour, mais confirme qu’elle a un sérieux problème d’image, en plus de ce qui lui est reproché par ailleurs : la rareté des condamnations (quatre condamnés en presque quinze ans d’existence), un budget limité (139,5 millions d’euros pour 2016), un risque de politisation, un effet dissuasif discutable, en plus de susciter paradoxalement des attentes démesurées – non seulement punir les coupables, mais pacifier le monde – qui la condamnent à toujours décevoir. Ce qui lui reste est sa légitimité sociale, le fait d’avoir le soutien d’une majorité d’États (124 États parties), et c’est précisément cela qui est entamé avec le retrait de certains pays africains.

La Cour doit donc reconnaître cette difficulté et tenter d’y remédier dans les plus brefs délais. J’ai fait, ailleurs, des propositions pour sortir de l’impasse : en plus de contre-argumenter systématiquement, et développer un discours positif (les États africains ont joué un rôle important dans la création et le développement de la CPI), il faut « désafricaniser » la Cour, renforcer les juridictions nationales, créer des structures intermédiaires entre la CPI et l’UA, et s’appuyer sur les États parties amis et la société civile africaine.

La priorité reste de montrer que la Cour est capable de s'attaquer à des affaires non africaines, y compris contre des puissants. De ce point de vue, ce n'est sans doute pas un hasard si, au moment même où elle est attaquée sur son tropisme africain, le bruit court que le Bureau du Procureur pourrait dans les prochaines semaines ouvrir une enquête sur les crimes commis en Afghanistan, y compris par des soldats américains. Cette hypothèse reste peu crédible (elle aurait du mal à passer le test de la complémentarité) et potentiellement contreproductive. Cette diversification souhaitable dans l’absolu pourrait en effet être fatale à la Cour : une affaire afghane pourrait ouvrir un front américain, en plus de l’africain qui dure depuis des années et du russe que l’affaire géorgienne risque déjà de déclencher.

Quoi qu’il en soit, cette rumeur qui vient sans doute de la Cour elle-même est révélatrice d’une prise de conscience de la CPI. Elle sait que sa marge de manœuvre est réduite, mais que les prochains mois seront cruciaux.

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