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Les indicateurs relatifs aux peuples premiers d’Australie sont à la traîne de ceux de la population non indigène. Dan Peled/AAP

Le système de santé australien est enviable, mais encore trop inégalitaire

À l’occasion du lancement par la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, de la concertation autour de la stratégie nationale de santé, The Conversation publie une série d’articles sur les différents systèmes de santé à travers le monde. Après les cas de la France, de la Grande-Bretagne et aujourd’hui de l’Australie, cinq chercheurs de Queen’s University (Ontario), livreront demain leur analyse du système canadien.


À l’instar de sa faune, l’Australie dispose d’un système de santé unique au monde. Il est le fruit de l’histoire coloniale du pays (les premiers hôpitaux ont été construits par l’administration coloniale britannique) et, bien entendu, de sa politique. Le gouvernement fédéral (Commonwealth d’Australie) et les provinces jouent un rôle déterminant dans ce « gâteau marbré fédéral », mélange étonnant de financements et d’établissements de soins aussi bien privés que publics.

Pour résumer, tous les Australiens sont couverts par le Medicare. Ce système d’assurance santé universel, national et financé par les impôts, contribue à réduire leurs frais médicaux.

Environ 80 % des visites chez le généraliste n’entraînent pas de dépenses directes car les honoraires sont payés par l’État. Cependant, les médecins sont libres de facturer comme ils l’entendent, sans plafonnement véritable. Ce qui représente un problème important car de nombreuses personnes disent différer des rendez-vous chez le médecin en raison des frais induits.

Part des Australiens ayant retardé ou renoncé à un rendez-vous chez un spécialiste pour des raisons financières. Colonne de gauche : Les 20 % les plus défavorisés ; les 20 % aux revenus faibles ; les 20 % aux revenus moyens ; les 20 % aux revenus supérieurs ; les 20 % les plus favorisés.

Les provinces, « managers » du système

Tous les Australiens peuvent être soignés gratuitement dans des hôpitaux publics (les principaux centres médicaux universitaires du pays le sont). Ceux-ci relèvent des provinces, que l’on qualifie de « managers » du système compte tenu du rôle qu’elles jouent dans la planification, la réglementation, le financement et la gestion des soins hospitaliers.

Les provinces financent les hôpitaux publics selon une tarification « à l’acte », qui fixe le prix de chaque type de soins sur la base de la pathologie du patient, des diagnostics et des protocoles. Cependant le gouvernement fédéral compense, en partie, la hausse des admissions d’une année sur l’autre, ainsi que celle d’autres activités hospitalières : il participe à hauteur de 45 % à ces dépenses supplémentaires. Enfin, l’Autorité indépendante de la tarification hospitalière (IHPA), définit un tarif national pour chaque catégorie de soins administrés, à l’hôpital comme à l’extérieur.

Un peu moins de la moitié des Australiens souscrivent une assurance qui couvre le coût des traitements en hôpital privé. Le gouvernement fédéral subventionne jusqu’à 27 % du coût de cette assurance pour les personnes de moins de 65 ans à revenus faibles ou moyens. À l’inverse, les personnes à revenus moyens ou supérieurs qui ne prennent pas d’assurance privée se retrouvent à payer des pénalités sur leurs impôts.

Les hôpitaux et autres établissements privés se consacrent surtout aux interventions chirurgicales non urgentes (plus de la moitié de ces interventions y sont réalisées).

8 % des Australiens renoncent à des médicaments en raison de leur coût

L’Australie dispose également d’un Plan national de prestations pharmaceutiques qui subventionne largement l’accès aux traitements afin que les patients ne renoncent pas, pour des raisons financières, à ceux dont ils ont besoin. Les patients paient toujours une part du coût de chaque ordonnance. Cependant cette part est plus faible pour les personnes titulaires d’une carte de réduction de la sécurité sociale. Et un filet de sécurité est prévu pour celles qui prennent beaucoup de traitements. En raison de ce « reste à charge », 8 % des Australiens retardent l’achat de médicaments ou y renoncent pour des raisons de coût.

Part des Australiens qui ont différé ou renoncé à l’achat de médicaments prescrits pour des raisons financières. Colonne de gauche : Les 20 % les plus défavorisés ; les 20 % aux revenus faibles ; les 20 % aux revenus moyens ; les 20 % aux revenus supérieurs ; les 20 % les plus favorisés.

En dépit de sa structure complexe, le système de santé australien donne de bons résultats, relativement aux moyennes observées dans l’OCDE. En matière de dépenses de santé rapportées au PIB, l’Australie se situe légèrement au-dessus de la moyenne générale, mais légèrement en dessous quand on le compare aux pays dont la richesse est similaire. L’enquête sur les politiques de santé dans 11 pays menée par la fondation Commonwealth Fund, basée à New York, place l’Australie à la deuxième place (juste derrière le Royaume-Uni), et à la première en termes d’efficacité et de résultats.

Le système est pourtant loin d’être parfait. Comme le montre le tableau ci-dessous, les chiffres concernant les Aborigènes et les insulaires du détroit de Torres sont consternants : leur espérance de vie est inférieure d’une dizaine d’années à celle des Australiens non indigènes. En termes d’équité, le Commonwealth Fund classe l’Australie à la septième place.

Le système de santé australien comparé aux moyennes des pays de l’OCDE. Colonne de gauche : Part des dépenses publiques de santé dans le budget de l’État ; part des dépenses de santé en % du PIB ; espérance de vie de la population indigène (hommes/femmes) ; taux de mortalité infantile pour 1 000 naissances ; espérance de vie à la naissance (hommes/femmes) ; part des contribuables dans les dépenses de santé (assurance santé volontaire comprise) ; population.

Comment améliorer le système

Bien que le système de santé affiche de bons résultats sur le plan des indicateurs clés, il souffre de faiblesses significatives. Outre les problèmes liés à la santé des indigènes, il devrait être globalement plus accessible et plus efficace.

D’abord, le « reste à charge » que les patients doivent sortir de leur poche est bien trop élevé. De ce fait, certaines personnes ne reçoivent pas les soins dont elles ont besoin quand elles en ont le plus besoin.

Environ 12 % des Australiens déclarent ne pas consulter de spécialiste pour des raisons financières. Les soins dentaires contribuent pour une large part à ces « restes à charge » car ils ne sont pas pris en charge par le système de santé national universel (il existe cependant un éventail de programmes dentaires ciblés, à l’intention notamment des enfants et des personnes à faibles revenus).

Part des Australiens qui ont retardé ou renoncé à leur visite chez le dentiste pour des raisons financières. Colonne de gauche : les 20 % les plus défavorisés ; les 20 % aux revenus faibles ; les 20 % aux revenus moyens ; les 20 % aux revenus supérieurs ; les 20 % les plus favorisés.

Ensuite, les délais d’attente en chirurgie non urgente à l’hôpital public sont trop longs dans la plupart des provinces. Sur l’année 2015-2016, environ 2 % des 712 000 patients admis avaient dû attendre plus d’un an pour leur opération ; en Tasmanie, ce chiffre s’élevait à 15 %. En orthopédie, 4 % des patients dans tout le pays ont attendu plus d’un an (et plus de 50 % ont attendu plus de deux mois).

Les généralistes encore payés à l’acte

Enfin, comme la plupart des pays développés ou en développement, l’Australie est confrontée à la généralisation des maladies chroniques. Quelques mesures de prise en charge ont été ajoutées à la liste des soins subventionnés par l’État. Mais la majorité des généralistes sont encore payés à l’acte, alors que l’étude des meilleures pratiques internationales montre qu’un modèle de paiement « mixte » supprimerait l’incitation financière à recevoir les patients plus souvent que nécessaire.

Le gouvernement fédéral dispose de peu de données sur les consultations des généralistes, ce qui l’empêche de concevoir un système qui récompenserait ces médecins pour leur bonne gestion des patients souffrant de maladies chroniques. La complexité des relations que le pouvoir fédéral entretient avec les provinces freine la mise en place d’une bonne prise en charge de ces personnes. Un programme de prévention efficace permettrait pourtant de réduire le nombre d’admissions à l’hôpital.

Manque d’efficacité dans de nombreux domaines

Enfin, le système de santé australien souffre d’un manque d’efficacité dans de nombreux domaines :

Les Australiens ont des raisons d’être fiers de leur système de santé et tiennent beaucoup au Medicare. Pour autant, ils ne voient pas tout en rose : les questions de santé font partie des trois principales préoccupations des électeurs.

Les axes de la politique de santé sont conformes aux tendances internationales : fluidifier les relations entre les hôpitaux et les médecins de famille ; inciter les prestataires de soins à améliorer leurs résultats ; mettre en œuvre de nouvelles méthodes de rémunération des médecins pour la prise charge des malades chroniques.

Ce qui est certain, c’est que l’engagement d’assurer l’accès universel aux soins grâce aux impôts est au cœur de toutes les propositions de réforme en Australie.


Traduit de l’anglais par Julie Flanère pour Fast for Word.

This article was originally published in English

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