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L'objectif de la collaboration entre les communautés et les scientifiques est de rétablir les forêts de baobabs à Madagascar dans leur état naturel. Avec l'aimable autorisation de Stéphane Corduant, Mada-Movies.

Les anciennes forêts de baobabs de Madagascar sont restaurées par les communautés, avec l'aide de l'intelligence artificielle

Six des huit espèces de baobabs du monde sont originaires de Madagascar, où ces arbres aux troncs géants ont toujours poussé dans d'immenses forêts. Mais ces forêts sont menacées par la culture sur brûlis entraînant la destruction de 4 000 hectares de forêts de baobabs chaque année à Madagascar. Les baobabs peuvent avoir une longévité de 1 000 ans et un hectare de terre peut abriter jusqu'à huit de ces arbres adultes. Mais beaucoup se retrouvent isolés, “orphelins” dans des zones arides où ils sont restés seuls, privés de la présence d'animaux sauvages qui répandent leurs semances et favorisent leurs reproduction.

L'écologiste tropical Seheno Andriantsaralaza étudie la dispersion des semances des baobabs à Madagascar depuis 2009. Elle est la présidente du Groupe de spécialistes passionnés par les baobabs de Madagascar et l'une des fondatrices et chercheuses principales du Projet d'évaluation, de recherche et de vulgarisation des baobabs. Elle explique comment le projet collabore avec les femmes pour replanter des baobabs et récolter les fruits des arbres existants de manière durable.

Pourquoi les baobabs sont-ils si importants à Madagascar ?

Ces baobabs sont des symboles de notre paysage et représentent des éléments essentiels de notre écosystème et notre patrimoine culturel. Ils sont précieux pour les femmes rurales qui cueillent leurs fruits et les vendent à des entreprises qui les utilisent dans des produits alimentaires et cosmétiques. Les baobabs peuvent être une bouée de sauvetage pour les communautés défavorisées lorsqu'elles ont un besoin urgent de revenus.

Madagascar est également le foyer d’Adansonia perrieri le baobab le plus rare au monde. Malheureusement, nos populations de baobabs sont gravement menacées. Le problème le plus urgent est la déforestation, dû à la culture sur brûlis. Certaines communautés vivent dans une pauvreté si extrême qu'elles doivent défricher la terre par le feu pour pouvoir planter des cultures. Il est difficile de les blâmer dans de telles circonstances.


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Les forêts de baobabs sont aussi confrontées à un autre défi majeur: la disparition des grands animaux tels que les lémuriens géants ou les tortues géantes.

Ces animaux jouaient un rôle crucial dans la dispersion des semences de baobabs avec leurs excréments. Mais ils se sont éteints il y a environ 500 ans. Sans ces animaux, les graines de baobab ne se répandent plus aussi efficacement.

Le changement climatique a exacerbé cette situation. L'augmentation de la sécheresse et l'irrégularité des conditions météorologiques ont un impact négatif sur la croissance et la survie des baobabs. Par conséquent, il est désormais très rare de trouver un plant de baobab de 20 ans dans la nature à Madagascar. Il faut environ 50 ans pour qu'un plant de baobab devienne un arbre fruitier.

Comment vos recherches visent-elles à sauver les forêts de baobabs ?

En 2019, j'ai cofondé le Groupe de spécialistes passionnés par les baobabs de Madagascar – des experts et des chercheurs malgaches dédiés aux baobabs qui combinent la recherche scientifique avec des actions de conservation pratiques.

En 2020, un chercheur de l'université de Berkeley et moi-même avons lancé le Projet ARO Baobab, financé par le programme PEER de l'USAID. Ce projet vise à restaurer et à conserver les forêts de baobabs en combinant la recherche scientifique et l'engagement communautaire.

Pour impliquer les communautés locales dans la conservation des baobabs, nous avons mis en place un contrat commercial avec une entreprise. Nous nous sommes mis d'accord sur les moyens à mettre en œuvre pour que les communautés récoltent de manière durable assez de fruits pour les vendre, tout en laissant suffisamment de fruits pour générer des graines de baobab.

Nous avons ensuite passé deux ans et demi à essayer de voir si des animaux disperseraient les graines de baobab dans leurs excréments, ce qui aiderait les jeunes plants à pousser. Les microlémuriens, Microcebus, ne peuvent pas casser le fruit du baobab pour libérer les graines car leurs dents ne sont pas assez fortes. Les grands lémuriens, Eulemur rufifrons, peuvent disperser les graines de baobab, mais nous avons constaté qu'ils ne vivaient plus dans les anciennes zones de forêts de baobabs.


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Les tortues géantes, Aldabrachelys gigantea, sont friande des fruits. Nous avons trouvé des graines de baobab dans leurs excréments environ 15 jours après qu'elles aient mangé le fruit, et ces graines ont bien germé par la suite, devenant des plantules saines. Nous avons également découvert qu'un petit rongeur, Eliurus myoxinus, transportait les fruits du baobab tombés au sol sur de longues distances. En transportant les fruits, ce rongeur a dispersé les graines.

Des membres de la communauté mesurent la hauteur d'un plant de baobab transplanté pour suivre sa croissance. Photo fournie par ARO baobab project

Cependant, nous avons conclu que ces animaux ne pourraient pas suffire à restaurer les forêts de baobabs à eux seuls. L'intervention humaine est nécessaire, notamment par la culture et la plantation de plants de baobabs.

En 2021, nous avons mis en place deux pépinières pour cultiver des plants afin de faire revivre les populations de baobabs et leurs habitats à Andranopasy, dans l'ouest de Madagascar. Environ 40 % des plantes que nous avons cultivées étaient des plants de baobab et 60 % étaient des arbres indigènes qui se trouvaient autrefois dans l'habitat du baobab et qui fournissent des fruits à un certain nombre d'animaux. Notre objectif était de restaurer l'ensemble de l'habitat des baobabs, c'est-à-dire tous les animaux et toutes les plantes qui rendent leur reproduction possible.

La replantation a-t-elle bien fonctionné ?

Oui. Nous avons mis en place deux pépinières composées de serres basses en bois en partenariat avec les communautés. Ensemble, nous avons transplanté plus de 50 000 plants de baobabs et autres en février 2023. Nos données ont montré un taux de survie des semis de 70 % après replantation, ce qui est incroyablement élevé compte tenu des conditions de sécheresse dans les forêts.

Quelques cabanes en bois rectangulaires les unes à côté des autres. A l'intérieur, des plants de baobab poussent.
Une des pépinières de plants de baobab. Courtesy ARO Baobab Project

Nous avons pu nous associer à EOS Data Analytics, une entreprise spécialisée dans l'utilisation de l'intelligence artificielle pour surveiller la santé des forêts. Elle a utilisé des images satellite, des algorithmes et la télédétection pour évaluer l'état des jeunes plants.

La comparaison de la même zone avec des images de 2020 a révélé que depuis février 2023, la santé des plantes et des arbres est nettement supérieure à celle des années précédentes. Les effets positifs de la transplantation des semis sont apparus en quelques mois.

Quel rôle jouent les femmes dans le reboisement du baobab ?

Une personne se tient à côté d'un arbre qui est un plant de baobab
Un plant de baobab transplanté qui pousse bien. Photo fournie par ARO baobab project

Les femmes jouent un rôle essentiel dans nos pépinières, dans la plantation physique et dans les postes de direction du projet. Avant le projet, il était triste de constater que les femmes - les principales personnes qui collectent et vendent les fruits du baobab pour nourrir leurs enfants - étaient mises à l'écart et n'avaient pas voix au chapitre en ce qui concerne l'avenir des baobabs. Nous avons lancé un autre projet pour permettre aux femmes locales de mener des actions de conservation. Nous souhaitons créer une association de femmes qui entretiendra les pépinières et cultivera des plantes indigènes afin de générer des revenus.

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