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L'ancien président Donald Trump arrive à un meeting de campagne le 29 juillet en Pennsylvanie, quelques jours avant son inculpation pour avoir tenté de renverser les résultats de l'élection présidentielle de 2020. (AP Photo/Sue Ogrocki)

Les États-Unis au bord d'une nouvelle guerre civile, gracieuseté de Donald Trump

L’inculpation de l’ex-président des États-Unis, Donald Trump, accusé d’avoir tenté de renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020, constitue le test le plus sérieux dans l’histoire américaine en matière de gouvernement constitutionnel, et ce, depuis décembre 1860. C’est en effet à ce moment que l’État de Caroline du Sud a fait sécession de l’Union, ce qui a déclenché les événements qui ont abouti à la guerre de Sécession.

Avant de réfléchir aux enjeux de cette crise, il convient toutefois de s’interroger sur ses racines profondes.

Comment un président battu a-t-il pu refuser d’accepter les résultats d’une élection historiquement sûre, provoquer une émeute au Capitole et conserver la loyauté inébranlable d’un tiers des Américains ?

Comment cette même personne pourrait-elle séduire environ un sixième des électeurs, ce qui lui permettrait de revenir au pouvoir en 2024 en tant que candidat républicain ?

Des gens choisis

En tant qu’historien qui essaie d’avoir une vision à long terme des événements actuels, je vois une explication sous-jacente qui remonte — aussi étrange que cela puisse paraître — à un simple passage d’un livre publié à Paris il y a 238 ans.

« Ceux qui travaillent le sol sont le peuple élu de Dieu. » C’est ce qu’a proclamé Thomas Jefferson en 1785 dans ses Notes sur l’État de Virginie, qu’il avait écrit à l’origine sous la forme d’une série de lettres destinées à un visiteur français.

Cette déclaration de Jefferson n’était pas que des paroles en l’air. Après être devenu président en 1801, il a utilisé le pouvoir du gouvernement fédéral pour étendre considérablement le domaine public des États-Unis et pour arpenter, diviser et vendre ce domaine au plus grand nombre possible de fermiers blancs.

Des ouvriers nettoient le visage d’une grande sculpture rocheuse
Des ouvriers utilisent des nettoyeurs à pression pour nettoyer le visage de Thomas Jefferson au mémorial national du Mont Rushmore dans le Dakota du Sud. (AP Photo/Charlie Riedel)

Selon un historien, les premiers États-Unis étaient un « empire des colons », une force politique et militaire dont l’objectif principal était de fournir aux familles d’agriculteurs (et aux spéculateurs) davantage de terres.

Il en a été ainsi pendant des générations.

Avec des changements et des variations mineurs, les partis et les présidents ont flatté et favorisé les majorités rurales des États-Unis. La culture américaine identifiait les fermiers et les petites villes comme les plus authentiques et les plus vertueux de la nation — ou, comme l’a dit le président Andrew Jackson, « les os et les nerfs du pays ».

Ces personnes, à leur tour, en sont venues à croire que c’était elles, et non la Couronne ou le Congrès, ni le gouvernement ou la Constitution, qui étaient aux commandes.

Cette évolution s’est poursuivie après l’abolition de l’esclavage à la suite de la guerre de Sécession dans les années 1860 et après que l’Amérique soit devenue une société majoritairement urbaine dans les années 1920. Ce n’est qu’avec les révolutions culturelles et sociales des années 1960 et 1970 que les héritiers du « peuple élu » de Jefferson ont perdu leur statut d’Américains les plus américains.

Blanc, hétéro, chrétien

Dans le meilleur des cas, la culture plus diversifiée qui a émergé au cours des cinquante dernières années considère que tous les Américains sont également américains. Dans le pire des cas, cette culture méprise les « fly-over states », qu’elle considère comme des gens de l’arrière-pays, rustiques et racistes.

Quoi qu’il en soit, la nouvelle Amérique diversifiée enrage des dizaines de millions de personnes qui vivent principalement dans des petites villes et dans le Sud et qui s’identifient pour la plupart comme des Blancs, des hétérosexuels et des chrétiens.

Tout New-Yorkais qu’il soit, Trump comprend et alimente cette rage. Il joue avec cette sombre énergie. Il dit aux fidèles du « Make American Great Again » qu’ils sont les seuls à avoir fait la grandeur de l’Amérique et qu’il est le seul à pouvoir leur redonner cette grandeur.

Un homme, de dos, fait signe à des partisans brandissant des pancartes Trump 2024
Le candidat républicain à la présidence Donald Trump quitte un meeting de campagne à Erie, en Pennsylvanie, quelques jours avant son inculpation pour avoir comploté en vue de renverser les résultats de l’élection de 2020. (AP Photo/Sue Ogrocki)

Voilà pourquoi Trump exerce une telle emprise sur un grand nombre de mes concitoyens.

Et maintenant qu’il fait l’objet de multiples inculpations, Trump leur demande de rejeter non seulement l’ordre constitutionnel des États-Unis, mais aussi leurs deux piliers — l’État de droit et l’État de fait.

Comme il l’a dit aux fidèles lors de la réunion annuelle du Comité d’action politique conservateur en mars, « je suis votre guerrier : je suis votre justice. Et pour ceux qui ont été lésés et trahis : je suis votre châtiment ».

Décision 2024

Selon les accusations les plus récentes, Donald Trump n’a cessé de répéter — et d’agir sur la base — d’affirmations concernant l’élection que même ses conseillers les plus proches qualifiaient « de la conspiration téléguidée depuis le vaisseau mère ».

La question de savoir si Trump lui-même savait que ces affirmations étaient fausses n’est pas claire, et l’avocat spécial chargé de l’affaire, Jack Smith, devra le démontrer pour établir la criminalité de l’ancien président.

Une femme tient une banderole sur laquelle on peut lire Trump Indicted Again and Again à l’extérieur d’un bâtiment en pierre
Un manifestant anti-Trump tient une banderole devant le tribunal fédéral de Washington après que l’ex-président a été inculpé par le ministère américain de la Justice pour ses efforts visant à renverser les résultats de l’élection présidentielle de 2020. (AP Photo/Jose Luis Magana)

Trump a déjà qualifié les actes d’accusation de « faux », tandis que l’une de ses plus ferventes partisanes au Congrès américain, Marjorie Taylor Greene, de la Géorgie rurale, insiste sur le fait que les accusations sont « une attaque communiste » contre le premier amendement et « le peuple ».

Dans le monde du « Make American Great Again », si une agence fédérale affirme que Trump a violé la loi ou dit un mensonge, cela ne peut que signifier que l’agence fait partie du complot contre le peuple — une cible du châtiment promis par Trump.

Entre sa mise en accusation cette semaine et le jour de l’élection en novembre prochain, l’Amérique devra donc choisir entre la primauté du droit et des faits, d’une part, et la primauté du peuple élu et de son chef, d’autre part.

This article was originally published in English

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