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Les taux d’intérêt des crédits accordés aux petites et moyennes entreprises (PME) françaises sont passés de 1,42 % à fin décembre 2021 à 4 % en avril 2023. Shutterstock

Malgré la hausse des taux, le crédit ne se tarit pas (encore) en France

L’inflation, qui s’est invitée durablement dans nos vies depuis la sortie de la crise sanitaire et a été aggravée par la guerre en Ukraine, a amené les banques centrales à durcir leurs politiques monétaires pour tenter de la contenir. En zone euro, face à un taux d’inflation annuel à 6,1 % en mai 2023, en baisse mais encore très éloigné de l’objectif de 2 %, les hausses de taux directeurs de la Banque centrale européenne (BCE) se sont ainsi enchaînées à un rythme effréné, avec huit augmentations consécutives depuis juillet 2022. Sur cette période, le principal taux de la BCE est passé de 0 à 4 % depuis début juin.

Ces taux directeurs désignent les taux auxquels la banque centrale prête aux banques commerciales lorsqu’elles demandent des financements pour leurs clients. Cette hausse est donc répercutée sur le coût du crédit, le rendant moins accessible aux agents économiques, ce qui peut entraver leur activité et leurs projets d’investissement. En bout de chaîne, la croissance économique risque de s’en trouver affectée.

Un ralentissement moins marqué en France

La dernière enquête de la BCE sur les prêts bancaires, publiée en mai 2023, montre que ce relèvement des taux directeurs commence à peser significativement sur la demande de crédits, tant pour les entreprises que les ménages, dans l’ensemble de la zone euro.

Bien qu’ils restent inférieurs à la moyenne de la zone euro, les taux d’intérêt des crédits accordés aux entreprises en France ont en effet sensiblement progressé, passant pour les petites et moyennes entreprises (PME) de 1,42 % à fin décembre 2021 à 4 % en avril 2023.

Si la croissance des crédits bancaires aux entreprises continue d’être soutenue en France et parmi les plus dynamiques de la zone euro, elle montre donc un net ralentissement : l’encours progresse de 5,3 % sur un an en avril, contre 7,4 % en décembre 2022.

Toutefois, en dépit d’un durcissement des conditions de financement, le taux d’obtention de crédits se maintient à un niveau élevé. L’enquête trimestrielle de la Banque de France auprès d’entreprises sur leur accès au financement bancaire montre qu’au premier trimestre 2023, 96 % des PME ont obtenu en totalité ou à plus de 75 % des crédits d’investissement demandés et 86 % les crédits de trésorerie souhaités.

Pour les particuliers, la hausse des taux des crédits immobiliers s’élève à 2,22 points sur la période décembre 2021 – avril 2023.

Face à cette tendance, la baisse de la production des nouveaux crédits à l’habitat reste relativement limitée : elle atteint encore 15 milliards d’euros en avril 2023, après des moyennes mensuelles de plus de 20 milliards d’euros depuis 2019.

Dans ce contexte, les autorités commencent à procéder à de premiers ajustements d’ordre technique.

Critères assouplis

Depuis le début de l’année, la revalorisation mensuelle et non plus trimestrielle du taux d’usure calculé par la Banque de France, qui correspond au taux d’intérêt maximum légal que les établissements de crédit sont autorisés à pratiquer lorsqu’ils accordent un prêt, permet d’ajuster plus rapidement les taux et de fluidifier la production de crédit.

De son côté, le Haut conseil de stabilité financière (HCSF), l’autorité macroprudentielle française, a ajusté le 13 juin à la marge les critères d’octroi du crédit immobilier qui s’imposent à tous les prêteurs depuis le 1er janvier 2022. Les règles limitent le taux d’effort des emprunteurs à 35 % et la durée des prêts à 25 ans, avec une marge de flexibilité, c’est-à-dire la possibilité pour les prêteurs de déroger à ces règles sur un maximum de 20 % de la production trimestrielle de crédit immobilier.

Désormais, le Haut conseil demande au superviseur, en l’occurrence l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), de pas engager de procédure contre un établissement en cas de dépassement, sur un trimestre, de ce seuil maximum de flexibilité de 20 %, mais d’attendre les deux trimestres suivants pour apprécier la conformité de la politique de crédit.

Achever l’Union des marchés des capitaux ?

Ces mesures reposent sur le lien théorique entre évolution de la demande de crédit et la croissance économique. En effet, si le financement peut soutenir l’activité économique, la croissance augmente elle aussi à son tour les besoins à financer (l’investissement et la consommation), améliore la solvabilité des agences économiques et accroît la demande de crédit. L’estimation empirique n’est pourtant pas aisée. Pour certains économistes, une expansion du crédit augmente en effet aussi l’endettement, ce qui affaiblit les institutions financières et peut aboutir à une importante récession économique.

Au-delà de ces enjeux de croissance, un tarissement du crédit compliquerait les réponses urgentes à apporter aux défis actuels. La transformation verte ou encore le vieillissement de nos sociétés nécessitent par exemple des investissements massifs, avec des financements essentiellement privés. Ce contexte pourrait inciter à finaliser le projet européen d’Union des marchés de capitaux, lancée par la Commission européenne en 2015 pour ouvrir l’accès des entreprises aux financements et compléter l’offre bancaire existante.

C’est grâce au développement d’une base solide d’investisseurs européens que la résilience des marchés financiers augmentera en cas de ralentissement ou de crise du financement bancaire. Il s’agit donc ici d’un véritable enjeu de souveraineté et de stabilité financière pour l’Europe.

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