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Dix planètes de taille différente, imagées
Représentation artistique de dix Jupiter chaudes étudiées avec les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. NASA/ESA

On pourra cartographier l’atmosphère d’exoplanètes grâce au télescope spatial James Webb

Les exoplanètes, des planètes gravitant autour d’autres étoiles que le Soleil, sont situées à de très grandes distances de la Terre. Par exemple, l’exoplanète la plus rapprochée de nous, Proxima Centauri b, se situe à près de 265 000 fois la distance entre la Terre et le Soleil.

À l’œil nu, les planètes du système solaire nous apparaissent comme des points lumineux. Toutefois, en utilisant un télescope, ces points se démarquent des étoiles et nous dévoilent des structures telles que la Grande Tache rouge de Jupiter, les anneaux de Saturne, ou encore les calottes glaciaires de Mars.


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Bien que la présence de tels phénomènes soit attendue sur les exoplanètes, leur distance de la Terre nous empêche de directement résoudre leur surface. Néanmoins, certaines méthodes nous permettent d’en apprendre plus sur la structure de leur atmosphère et ainsi d’établir une carte de cette dernière.

Je suis étudiant au doctorat en astrophysique à l’Université de Montréal. Mes travaux se concentrent sur la caractérisation de l’atmosphère d’exoplanètes. Plus spécifiquement, ma recherche porte sur le développement d’outils qui permettront de cartographier l’atmosphère d’exoplanètes à partir d’observations du télescope spatial James Webb (JWST).

Ce télescope, dont le lancement est prévu pour le 22 décembre 2021, devrait révolutionner le domaine des sciences exoplanétaires.

Détecter et caractériser les exoplanètes

Mis à part pour quelques cas particuliers où la lumière provenant d’une planète peut être directement observée, la majorité des exoplanètes sont détectées par méthodes indirectes. Une méthode indirecte consiste à observer l’effet de la présence de la planète sur la lumière émise par son étoile.

La méthode ayant présentement mené au plus grand nombre de détections est celle du transit. Un transit se produit lorsque, selon notre point de vue, une exoplanète passe devant son étoile hôte dans le plan du ciel. Lors du transit, la lumière provenant de l’étoile diminue puisque la surface de l’étoile est partiellement occultée par la planète.

La lumière est divisée en un spectre de longueurs d’onde, correspondant à différentes couleurs. Quand un transit est observé à plusieurs longueurs d’onde, il est alors possible de mesurer la composition atmosphérique de l’exoplanète. Par exemple, les molécules d’eau absorbent fortement la lumière dans l’infrarouge. La planète semble donc plus grosse à ces longueurs d’onde, puisque son atmosphère bloque une plus grande fraction de la lumière de son étoile. De manière semblable, il est aussi possible de mesurer la température de l’atmosphère ainsi que d’y détecter la présence de nuages.

De plus, une planète qui transite peut aussi passer derrière son étoile dans le plan du ciel. Ce phénomène, où seule la lumière provenant de l’étoile est alors observée, est dénommé éclipse secondaire. En observant celle-ci, il est possible d’isoler la lumière provenant uniquement de la planète et ainsi d’obtenir des informations complémentaires sur son atmosphère.

Le transit est plus sensible à la présence de nuages tandis que l’éclipse secondaire fournit davantage d’information sur la température de l’atmosphère.

Schéma d’une planète autour de son étoile et de la lumière provenant du système selon sa position. ESA

En général, l’atmosphère d’une exoplanète est considérée comme un objet à une seule dimension lors de son analyse. C’est-à-dire que l’on considère que sa composition et température ne varient qu’en altitude et non en fonction de la position en longitude et latitude. En effet, tenir compte simultanément de ces trois dimensions nécessite des modèles complexes ainsi qu’une grande précision d’observation. Toutefois, ne considérer que la variation en altitude n’est pas nécessairement une approximation valide. Par exemple, dans le cas de la Terre, la température à l’équateur est beaucoup plus élevée que celle aux pôles.

Un type d’exoplanètes présentant une forte variation spatiale de son atmosphère est celui des Jupiter chaudes. Ces planètes, de taille semblable à celle de Jupiter, sont en orbite très rapprochée de leur étoile hôte et peuvent ainsi atteindre des températures de plusieurs milliers de degrés Celsius.

De plus, ces planètes tournent généralement à la même vitesse sur elles-mêmes qu’autour de leur étoile. Cela signifie qu’un jour et une année sur ces planètes sont de même durée. Par conséquent, de la même façon qu’on ne peut voir qu’une seule face de la Lune, il n’y a qu’un seul côté des Jupiter chaudes qui fait constamment face à son étoile. Ce phénomène peut mener à une forte différence de température entre le côté jour qui est illuminé par l’étoile par rapport au côté nuit, celui qui est perpétuellement dans la noirceur.

Les méthodes de cartographie

Malgré le fait qu’il soit impossible d’observer directement la surface d’une exoplanète, il est toutefois possible de mesurer la variation spatiale de l’atmosphère à partir de deux méthodes : l’analyse de courbe de phase et la cartographie par éclipse secondaire.

La courbe de phase consiste en la variation de la lumière provenant du système étoile-planète durant une période de révolution. Puisque la planète tourne sur elle-même au cours de son orbite, différentes sections de son atmosphère nous sont successivement visibles. À partir de ce signal, il est possible de cartographier l’intensité de la lumière émise par la planète en longitude. Dans le cas des Jupiter chaudes, dont le côté jour est généralement plus chaud, le maximum de la lumière provenant de la planète se situe près de l’éclipse secondaire. Similairement, le minimum de la courbe se trouve près du transit puisque c’est alors le côté nuit que l’on observe.

Quant à la cartographie par éclipse secondaire, cette méthode permet de résoudre le côté jour de l’exoplanète. Lorsque la planète entre et sort de derrière son étoile selon notre point de vue, elle est occultée par sections, ce qui permet d’isoler la lumière émise par une section donnée de son atmosphère. En mesurant la quantité de lumière émise par chaque section individuelle, il est alors possible de faire une carte du côté jour de l’atmosphère en fonction de la longitude et latitude.

L’arrivée du télescope spatial James Webb

À ce jour, l’analyse de courbe de phase a été appliquée à plusieurs planètes à l’aide de télescopes spatiaux tels que Hubble, Kepler et TESS. Quant à la cartographie par éclipse secondaire, elle n’a été appliquée qu’à une seule exoplanète, la Jupiter chaude HD189733 b, à partir d’observations du télescope spatial Spitzer. Toutefois, ces observations sont généralement effectuées à une seule longueur d’onde. Elles ne fournissent donc pas une image complète des processus atmosphériques qui sont en jeu sur ces exoplanètes.

Avec un miroir de 6,5 mètres de diamètre, comparativement au miroir de 2,4 mètres de son prédécesseur Hubble, le télescope James Webb fournira des observations d’une précision inégalée sur un vaste domaine de longueurs d’onde. À son bord se trouvent quatre instruments, dont l’instrument canadien NIRISS (Near Infrared Imager and Slitless Spectrograph), qui vont observer dans le domaine de l’infrarouge et permettront de caractériser l’atmosphère d’une multitude d’exoplanètes.

Avec JWST, il sera possible d’appliquer les méthodes de cartographie à notre disposition afin de mesurer la variation en trois dimensions des atmosphères d’exoplanètes. Ces mesures nous permettront d’approfondir nos connaissances des processus atmosphériques.

Avec l’avancement constant de la technologie et des instruments, il sera peut-être même possible de cartographier une exoplanète semblable à la Terre dans le futur.

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