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Quelques minutes, pas plus, pour adopter un nouveau produit

Choisir une smartwatch, l’acheter… l’adopter ? Kārlis Dambrāns / Flickr, CC BY

Acheter n’est pas adopter !

Acheter un produit ou un service ne signifie pas qu’on l’adopte. Bien au contraire, le risque est élevé de voir les consommateurs abandonner rapidement une nouveauté jugée trop complexe. Ce risque est fréquent pour les produits/services à fonctionnalités multiples ou à fort contenu informationnel. Ainsi expliquions-nous il y a quelques mois le risque d’épuisement du consommateur dans l’usage des objets connectés.

Par exemple, le nombre de fonctions d’un traqueur d’activités reste un argument de vente séduisant pour le consommateur mais peut constituer un frein à l’utilisation réelle du produit. Au mieux, un comportement d’usage routinier ou limité se développe. Dans bien des cas, le consommateur abandonne purement et simplement le produit.

La phase d’apprentissage initiale est cruciale

Comment expliquer cet échec ? La réponse est liée à la phase d’apprentissage initiale, celle qu’un consommateur doit mettre en œuvre immédiatement après l’achat de ce produit ou service. Elle diffère de la phase d’apprentissage pré-achat au cours de laquelle un individu va acquérir des connaissances dans le but de formaliser sa décision d’achat. Elle est également distincte de la phase d’apprentissage continue au cours de laquelle l’acquéreur d’un produit va développer son expertise par un usage répété.

La phase d’apprentissage initiale est cruciale car seul un temps très limité, de quelques minutes pour un produit électronique à quelques secondes pour une application de smartphone, sera consacré par un acheteur à la prise en main d’un produit. En d’autres termes, la « paresse » domine sur le désir de développer ses propres compétences !

Espace d’essai de smartphones. Sam Churchill/Flickr, CC BY

Process et contenu

Si la phase d’apprentissage initiale s’avère être un moment crucial pour le succès d’un produit/service, la littérature en marketing et en comportement du consommateur reste peu développée à ce sujet. Une raison est que le marketing classique a souvent envisagé l’apprentissage comme un processus façonnant le comportement d’achat et non d’usage. Une autre raison réside dans la relative nouveauté des produits ou services dits complexes.

Pour autant, des recherches ont porté sur l’analyse du mécanisme d’acquisition des connaissances ou compétences à l’issue directe de l’achat. En ressort le constat que deux types de connaissances sont importantes : celles sur le contenu informationnel du produit et l’autre sur les processus d’utilisations du même produit. La recherche citée s’intéresse ainsi à l’apprentissage d’un site d’information et suggère que l’adoption repose tant sur la compréhension des contenus éditoriaux que sur le processus d’utilisation du site.

Les chercheurs concluent après différentes expérimentations qu’il est préférable d’apporter des connaissances de base à la fois sur le contenu et le processus que de former en profondeur sur l’un des deux thèmes en occultant l’autre. Cette règle générale semble pouvoir s’appliquer notamment lorsque les consommateurs sont plutôt novices dans l’utilisation du produit et non des experts. Dans ce dernier cas en effet, l’expertise peut biaiser la faculté d’apprentissage et ne pas avoir d’impact sur l’usage.

Une illustration dans le domaine des services complexes

Parmi les services d’information existants sur le marché, les applications d’e-administration souffrent de taux d’usage contrastés et moins d’un utilisateur cible sur deux a recours aux e-services disponibles. Traditionnellement, les chercheurs s’intéressent aux différents modèles d’acceptation des technologies pour comprendre ce phénomène. Des variables comme l’effort perçu, les bénéfices perçus, l’influence sociale (la propension d’un individu à penser que son entourage souhaite le voir utiliser une technologie), le sentiment de pouvoir être aidé, ou le plaisir hédonique (dérivé de l’utilisation d’une technologie) sont alors pris en compte.

La recherche de doctorat menée par un coauteur de cet article montre que la formation tant au processus qu’au contenu informationnel sur ces services d’e-administration facilite l’adoption de ces dispositifs. En ce sens, les résultats confirment l’étude précédemment citée et semblent être généralisables.

Implication pratique : la formation des consommateurs

Bien entendu, les entreprises investissent avant tout sur le design pour proposer des produits et services ergonomiques. Mais cela ne suffit pas et il peut s’avérer nécessaire de mettre en place une véritable politique d’accompagnement des consommateurs dans leur démarche d’utilisation.

Un travail tant sur les processus que sur le contenu permet aux individus de mieux comprendre les objectifs et conditions d’usage et de mieux appréhender leur rôle d’utilisateur. À cette condition, non seulement la phase d’apprentissage initiale est facilitée, mais en plus on conduit vers des usages intensifs qui fidélisent le consommateur.

Ainsi a-t-on démontré récemment que l’échec des services du gouvernement électroniques’explique en grande partie par ce phénomène.

À ce sujet, la littérature en comportement du consommateur souligne la nécessité de piloter la phase d’apprentissage initiale du consommateur, c’est-à-dire les quelques minutes qu’un acheteur est prêt à consacrer pour comprendre le fonctionnement du produit. Différentes expérimentations ont été réalisées pour aider les entreprises à déployer des méthodes efficaces à ce stade.

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